à É MITRE 826 © „Osar, 4 a Benitez de Castro} (Al : CAE US se Re ; NE SAM +14 PR DESCRIPTION PHYSIQUE RÉPUBLIQUE ARGENTINE I * % hr 4 3 # ro ’ NS À a IR 1 DA | £ 1 À w wo, Le + Ei Le ; “ A 1,5% - P- b “ . 7 - à + 2 ; - fr : L 4 r , 4 à > > 5 tr 5 2 . i . 5 = + à # 1 Een . > | # à » + € ! A w € (aus « CA L . ee; re gd à vs ) ñ (l — INPRIMERIE DE EM PARIS. DESCRIPTION PHYSIQUE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE x D’APRES DES OBSERVATIONS PERSONNELLES ET ETRANGERES PAR LE D' H. BURMEISTER Directeur du Museo Publico de Buenos-Ayres Menibre correspondant des Académies des sciences de Berlin, St-Pétersbourg, Turin, Washington et de l'Université de Santiago du Chili, etc., etc., etc. TRADUITE DE L ALLEMAND PAR E. MAUPAS Ancien élève de l'École des chartes, conservateur-adjoint de la Bibliothèque-Musée d’Alger. TOME 1. Contenant l'histoire de la. découverte et la géographie du pays. PARIS LIBRAIRIE F. SAVY - 17, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 77 Près la rue Hautefeuille 1876 Tous drojts resonvös, “ #2 2”, +) À A af KL Fo A MONSIEUR DOMINGO FAUSTINO SARMIENTO QUATRIÈME PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE PENDANT LES ANNÉES 1868—1874 MON PROTECTEUR ET EXCELLENT AMI JE DÉDIE RESPECTUEUSEMENT CE PREMIER VOLUME DE MON OUVRAGE EN TÉMOIGNAGE DE MA RECONNAISSANCE . POUR LES ENCOURAGEMENTS QUE J'EN AI SOUVENT REÇUS. “ a AR 1 3 AL, N u: =" EL e sy 6 à EL h EM = ” he ARE + ” A A Re TER ELU -ATATSES ph” CDS ee Ef à rs : Xe À IN QE EDER 25 PE EN, SC OFFAIMAEAE. € 5 - none ra x AM | - OU i Fa % ; Let #4 - 7 hé. se r = u FIR + 2 JR + L'HENMANEEE BUNTEN EI ea. MEHATKT I " pa we. } 5 3 , ne D | . | in Pl À A EL … EYE RS SAGE TITI x Er Le L | 3 + 1 CRIER LE 1 ER : VS ey. ve, ? à ri > { » Ye VS Be - #2 ® w s 2 2 > ve > À 1 An LE ei EE F? e ÿ : ; eh Ve h. AUTOMNE CU RARE TOUTE Sn LA den ENTRE à © AL | VE «gi 4 a Tee, a Fe ur im TER: ALARIS 1 118 CPE Fi, RE € u ERA MS: ” me f Û | EEE N MT Di Be nn EEE N RE DRE, Ten un Br TEE TEN a y e 4 Zu À D / c . z 4 oe e D 8 | à Poe Me an metier Aérien RES + ” de = . PAS - r . 6 A é Lo ih ds 1 Fr ! us ry = Doc je ile > r . * 27 m Le. nu ‘ un ARE Fr RO CORNE ITS LI RUES DIN 2e ’ ; a à: Du: Er . ve s L P PT 2 rai ne . v 1 D CR C out Er . KT x , + 14 ” "x À a 7 | \ BR“ MS 4 . A | + > PRÉFACE. L'ouvrage dont j’offre le commencement au public dans ce premier volume est le résultat d’études poursuivies pendant vingt années, et pourra seulement paraître successivement à cause de l'étendue du sujet traité. Le premier volume achevé et le second qui suivra prochaine- ment forment pour ainsi dire l'introduction des parties suivantes. L'un et l’autre vont être consacrésà décrire dans leurs traits géné- raux les caractères physiques de la république Argentine, afin de mettre le lecteur en état de se faire une idee d’ensemble sur le théâtre dont les détails seront consignés dans les autres volumes. Le but que je me propose étant fixé, on comprend de soi-même que ni la description géographique ni la description géologique du pays ne pouvaient. être traitées spécialement. Je n’ai pas à fournir un traité de géographie de la république ‘Argentine, et encore moins une description de sa richesse miné- ralogique ; mais il me suffira de faire connaître dans leurs géné- ralités le sol, et le milieu dans lequel vivent ou ont vécu dans les temps préhistoriques les animaux et les plantes qui seront étudiés spécialement dans les volumes suivants. L'ouvrage sera surtout consacré à ces deux règnes, et son but est de donner un tableau des diversités organiques de ces deux groupes, tableau qui commencera par le règne animal. 2 AVANT-PROPOS. aïeux et amis. Malheureusement il péche par de nombreuses erreurs de souvenir et par les appréciations partiales de l’auteur et de sa famille. Une autre source importante est le récit des aventures au Rio de la Plata d’Ulrich Schmidt de Straubing, publié à Francfort sur le Mein en 1567. Soldat, il avait accompagné D. Pedro de Mendoza en 1535 et revint dans sa patrie en 1554. Œuvre d’un témoin oculaire, son livre a une grande valeur; mais un simple soldat voit tous les événements de sa situation subalterne et se perd souvent dans des suppositions erronées. Les erreurs de mémoire sont fréquentes chez lui aussi. Le livre a été traduit en latin et en espagnol et reproduit par Pedro de Angelis. Les deux traductions contiennent de nombreuses lacunes et contre-sens. Parmi les écrivains modernes il faut citer Félix de Azara. Nous lui devons la première histoire de la colonisation du Rio de la Plata puisée aux sources. Elle fait partie de son récit de voyage, publié en français, en 4 volumes, à Paris, 1809. Azara fut mem- bre de la commission de délimitation des possessions espagnoles et portugaises. Il vint à Buenos-Ayres en 1781 et ne quitta le pays qu'en 1801. Durant ce temps il étudia avec un zèle infatigable et le plus grand succès les animaux supérieurs du pays, touten s’occupant de recherches historiques. Revenu en Espagne, il con- sulta dans les archives les documents les plus anciensutiles à son histoire. Il composa ainsi un grand ouvrage qui parut après sa mort: Description é hisloria del Paraguay y del Rio de La Plata, obra postuma, publicada por D. Agustin de Azara, bajo la direccion de D. Bas. Seb. de Gastellanos de Losada. 2 tomos. Madrid, 1847, in-8°. Il a mis à profit les mémoires les plus anciens sur son sujet. Malheureusement ce précieux ouvrage ne parle nullement des provinces septentrionales et occidentales de la République; ces régions ayant été colonisées par le Pérou et le Chili. La meilleure source pour ces parties du territoire de la Plata + . EXPÉDITION DE JUAN DIAZ DE SOLIS. 3 est le travai! du doyen de la cathédrale de Cordova, Do. Gregorio Funes, qui, sous le titre : … Ensayo de la historia civil del Paraguay, Buenos-A yres y Tucuman. Tomos I—IIT, 1816-18, in-8°, écrivit une précieuse histoire du pays. Il se servit des archives des couvents et églises de Cordova qu’Azara n’avait pas pu con- sulter. Mais son œuvre, écrite avec une rhétorique pompeuse, est entachée de vues étroites et cléricales, qui entraînent souvent l’au- teur à contredire avec ardeur les jugements indépendants d’Azara. Ces ouvrages sont les sources auxquelles tous les historiens des pays de la Plata ont puisé, et jusqu'à ce moment ils constituent les meilleurs travaux sur la matière. Ils forment aussi la base de notre exposé, tout en y conservant partout notre jugement propre. Nous n’avons rien à dire des récits postérieurs : ils ne contiennent presque rien qui ne soit déjà dans Azara et Funes. Ajoutons seulement que le travail de D. Luis Dominguez, arrivé aujourd’hui à sa sixième édition, est un livre dont il faut recommander la lecture à la jeunesse pour son instruction historique. I JUAN DIAZ DE SOLIS DECOUVRE LE RIO DE LA PLATA. 1515 — 1516, L'histoire du pays à la description physique duquel notre œuvre sera consacrée mentionne Juan Diaz de Solis comme l’Européen qui le premier toucha le sol du Rio de la Plata, en l'année 1516. Nous le considérons done comme le découvreur. Cependant on affirme ‘ que des marins portugais inconnus ont dü visiter avant lui l'embouchure du Rio de la Plata. Jusqu'à ce jour personne n’a pu prouver ces anciennes explorations avec certitude ; mais, comme les Portugais occupaient le Brésil depuis quatre années déjà, il n’y a rien d’improbable à ce qu'ils aient étendu leur navigation jusqu’à l'embouchure de la Plata. 4 EXPÉDITION DE JUAN DIAZ DE SOLIS. Solis était un vieux et habile marin. Il avait visité? sous des chefs célèbres les côtes orientales de l'Amérique méridionale et, après avoir surmonté beaucoup de difficultés, 1l avait été placé à la tête des entreprises maritimes de l'Espagne avec le titre de Piloto mayor. Il obtint cette charge honorable immédiatement après la mort du célèbre et illustre Amerigo Vespucci *, preuve du grand cas que l’on faisait en Espagne de ses facultés et de son experience. En 1514 il reçut de la couronne d’Espagne la com- mission de rechercher au sud de l'Amérique un passage à l’ouest. Cette expédition lui fut confiée parce qu’il avait déjà navigué dans ces parages sous des chefs portugais et parce qu’on avait reconnu la fausseté des accusations élevées antérieurement contre lui par Pinzon *. Il semble que l’existence d’un passage au sud fut une tradition courante parmi les navigateurs, longtemps avant sa véri- table découverte. Magellan lui-même raconte qu'avant son voyage en 1520, dans lequel il découvrit le passage qui porte son nom, il avait vu chez le roi de Portugal une carte sur laquelle un pas- sage au sud du continent était clairement indiqué’. Ges récits stimulaient constamment la couronne d’Espagne à de nouvelles entreprises dans l'espoir de trouver ce passage. Maitresse des Moluques, elle espérait par cette voie à l’ouest abréger considéra- blement les longues traversées de la route orientale, surtout | depuis que, par la découverte en septembre 1513 de l'océan Paci- fique par Nunez de Balbao, on savait qu’à l’ouest de l’Amérique se trouvait une mer ouverte. Il était difficile d’esperer un sem- blable passage au nord, comme l’avaient suffisamment prouvé les expéditions de Pinzon et Hoyeda, auxquelles Vespucei prit part, ainsi que celles des Portugais sous la direction de Cabral et Coelho. On dirigeait donc les efforts d’autant plus volontiers vers le: sud que la rumeur courante affirmait à l'avance l'existence du passage. L'expédition fut décidée sous l'empire de ces circonstances et Solis reçut des instructions ® pour son exécution. On lui pres- crivait de faire voile avec trois navires pour atteindre à louest l’isthme du Darien ,alors nommé Castilla de Oro, ensuite de gou- verner au sud et de remonter jusqu’à la ligne de démarcation ARRIVÉE AU RIO DE LA PLATA. 5 fixéé avec la couronne de Portugal pour ses nouvelles posses- sions: On lui interdisait , sous peine de mort, d'aborder sur le territoire portugais. | Le 8 octobre 1515 Solis quitta le petit port de bone au nord- ouest de Cadix (Herrera, Dec. ll, p. 11). Avec ses trois navires, dont un grand de soixante tonnes et deux petits de trente tonnes, il atteignit heureusement la rade de Santa-Cruz, dans l’île de Tenöriffe, d’où il gouverna à l’ouest jusqu’à ce qu’il fût en vue du cap St-Roch. Il longea la côte du Brésil vers le sud, doubla le cap St-Augustin, puis le Cabo Frio au voisinage de la baie de Rio de Janeiro, atteignit le cap Cananea par 25° 3 de L. S., localité souvent signalée à cette époque, et enfin aborda à l’Isla da Plata, qu'il place dans le voisinage de la Bahia de los Perdidas par 27 de L.S.?. Après plusieurs descentes à terre, toujours en se dirigeant vers le sud, il atteignit une île appelée Saint-Sébastien et dans son voisinage trois autres îles plus petites, aujourd’hui - les îles de los Lobos , par 35° de L. S. Au-dessous de ces îles il pénétra dans un golfe, que d’après le jour de sa découverte il nomma Puerto de N. S. de la Candelaria. Après s'être convaincu que cette contrée se trouvait en dehors de la ligne de démar- cation, il en prit possession pour la couronne d’Espagne avec les formalités accoutumées. | On ne sait pas reconnaître avec certitude l’île Saint-Sébastien ; mais lesîles de Lobos, ou des Phoques , portent aujourd’hui le même nom, d’où il résulte que la Bahia de N. S. de la Candelaria devait être le golfe de Maldonado , dont l'extrémité sud est située par 34° 5% 25" de L. S. De Solis ne s'arrêta point là, mais, continuant de suivre la côte , il arriva bientôt à l'embouchure du Rio de la Plata. [lui donna le nom de Mar Dulce, parce qu’à son aspect troublé et à son goût il avait reconnu qu’elle n’appartenait plus à l'Océan. S’avancant dans cette mer d’eau douce , il ren- contra bientôt une nouvelle petite île par 30° 40', à côté de laquelle il jeta l'ancre. Solis passa sur un de ses petits navires , afin de pouvoir examiner la côte de plus près. Il suivit ainsi le rivage jusqu’à ce qu'il aperçut des huttes et bientôt après les 6 MORT DE SOLIS. indigènes eux-mêmes. Ceux-ci manifestèrent un profond éton- nement à l'approche du navire et commencèrent à brandir leurs armes d’un air menaçant. Solis interpréta ces menaces des sau- vages Charruas, qui habitaient alors le rivage oriental , comme une invitation à débarquer. Il descendit dans son canot et alla imprudemment à terre avec peu d’hommes ; mais salué aussitôt par une décharge de flèches tirées d’un fourré voisin , il fut tué avec huit de ses compagnons. Il tomba, ainsi que son facteur Marquina , le payeur Alarcon et six hommes de l’équipage. Les autres s’enfuirent vers le canot, abandonnant les cadavres sur le rivage où ils étaient étendus. Les indigènes se précipitèrent sans tarder sur eux, leur coupèrent la tête et les entrainèrent avec eux. On fit feu du navire sur eux et les mit en fuite avec les pro- jectiles®. Le théâtre de ces événements, arrivés en 1516, n’est pas connu avec certitude. Cependant la plupart des écrivains le placent sur la côte du Banda oriental, en face de l’île actuelle de Martin Garcia, par 34° 11° de L. 8. °. L’équipage semble avoir été fortement troublé par la mort de son chef, et l’on se résolut à abandonner sur-le-champ un pays peuplé d'habitants aussi sauvages. Le navire sur lequel Solis s'était avancé dans le fleuve retourna promptement auprès des deux autres et leur apprit le triste événement. Dans une assem- blée générale, on décida de retourner en Espagne. Le premier pilote , Franz de Torres, fut nommé chef de l'expédition, et peu de jours après on s’éloigna du Rio de la Plata. A peine étaient-ils rentrés dans l'Océan qu’un des petits navires se perdit avec tout son équipage. Les deux autres atteignirent heureusement la Bahia de los Innocentes , y prirent un char- gement de cinq cent quinze quintaux trois arrobes et une livre de bois du Brésil, et, sans faire d'autre perte, ils rentrèrent en Espagne le 4 septembre 1516 avec soixante-six peaux de phoques qui avaient été tués auparavant aux îles de los Lobos. Telle fut l'issue de la première expédition au Rio de la Plata, assez triste pour en détourner d’autres de semblables entreprises. Mais l’élan vers les aventures audacieuses était alors si grand en S. CABOT EST NOMMÉ « PILOTO MAYOR ». ç Espagne, que ces pronostics décourageants furent peu écoutés. On jetait des yeux d'envie sur les heureux qui revenaient de ces expéditions chargés de gloire et de trésors et l’on ne donnait qu’un coup d'œil distrait sur les infortunés, en beaucoup plus grand nombre, qui avaient déjà trouvé leur fin sur les mêmes routes. Une seconde et peu après une troisième grande expédition re- produisirent bientôt les mêmes avertissements , sans qu’on leur accordät plus d'attention. HI ; SECONDE EXPÉDITION AU RIO DE LA PLATA SOUS LA DIRECTION DE SÉBASTIEN CABOT. 1527 — 1530. La môrt violente de Solis semble avoir été suivie d’un temps d'arrêt dans les entreprises des Espagnols au sud. D'ailleurs, leur attention était surtout dirigée sur les possessions de l’Amé- rique centrale , où les progrès de Cortès et de Balbao attiraient tous les regards. Les récits des compagnons de Solis sur les nou- velles régions découvertes dans l'Amérique du Sud ne durent done trouver que des auditeurs préoccupés ailleurs. On voulut cependant honorer le souvenir de ce navigateur malheureux, car les contrées découvertes par lui portent le nom de Tierra de Solis sur les cartes contemporaines ‘. Il fallut nommer un nouveau Piloto mayor;mais commeil ne se trouvait aucun individu apte en Espagne, on alla en chercher un au dehors (‘). Sébastien Cabot ; alors au service de l'Angleterre, se présenta comme l’homme qu’il fallait pour cet emploi. Il fut nommé en 1518 et rentra ainsi au service de l'Espagne. Il s’y était déjà engagé une première fois en 1512, mais l’avait abandonné un peu plus tard “, Le 6 septembre 1522, quatre ans après sa nomination, arriva en Espagne la nouvelle de l’heureuse décou- (*) Voir la lettre du voi à l’eveque Fonseco publiée par Navarette dans Coleccion, etc., t. II, p. 307. 8 DÉPART DE CAPOT, verte par Magellan du passage occidental si longtemps cherché. Le navire Victoria, le seul survivant de l'expédition , rapporta sous la conduite de Sébastien de Elcano la confirmation (vid. Navarrete loc. cit., t. IV, p. 5) de la découverte ainsi que celle de la mort du chef et d’une grande partie de l'équipage. Get heureux couronnement des efforts faits par les Espagnols et la rivalité perpétuelle des Portugais ne firent qu’accroitre l’ardeur à de nouvelles découvertes. Beaucoup d’habitants riches de Séville offrirent leur aide au gouvernement s’il voulait organiser une nouvelle grande expédition dans la même direction (Herrera, Decad. III, 259). Mais le moment n’était pas favorable. Le roi d’Espagne venait, le 20 mai 1520, de quitter son royaume pour monter sur le trône impérial sous le nom de Charles-Quint. De plus, le soulèvement suscité par Juan de Padilla, qui éclata peu après le départ du roi et qui ne put être réprimé que par la bataille de Villalar (23 avril 1521), paralysa les entreprises de la Couronne dont le gouvernement, dirigé par des conseillers fla- mands, n’était pas aimé dans le pays. La situation s’améliora lorsque Charles-Quint revint en Espagne en 1522 et prit lui- même la direction des affaires. Une nouvelle grande expédition aux Moluques fut décidée. Elle partit le 24 juillet 1525 sous le commandement de Er. Garcia de Loaysa et dut prendre sa direc- tion par le détroit de Magellan pour en reconnaître la viabilité. En outre, une autre entreprise analogue , à laquelle plusieurs maisons de commerce de Séville prirent part, fut équipée sous la conduite de Cabot. Cette expédition sortit le 3 avril 4526 du port de Lepe. | Les apprêts de ce voyage furent faits assez à la hâte. Les com- mercants précipitaient le départ, et Cabot eut bientôt remarqué que, jalousé par les Espagnols en sa qualité d’etranger , on ne cherchait qu’à entraver ses préparatifs. Il s’efforca donc de son côté de mettre à la voile aussitôt que possible, ce qu'il fit avant d’avoir complété son équipement. Comme ses prédécesseurs, il se dirigea d’abord vers les Canaries , d’où il gouverna vers les côtes du Brésil et les atteignit dans le voisinage du cap Augustin. ARRIVÉE DE CABOT AU RIO DE LA PLATA. 9 Alors il longea la côte au sud jusqu’à l'ile S. Catharina , ou il aborda après avoir perdu son grand navire. Ce malheur acheva de lui enlever la confiance de son équipage, qui était déjà mé- content des faibles rations quotidiennes. On l’accusait d’egoisme et d'inhabileté, et bientôt la répugnance à obéir à l'autorité d’un étran- gersechangeaen une révolte ouverte. Cabot comprimal’émeute par sa conduite énergique, en faisant déposer quelques-uns des me- neurs sur une île déserte. Il continua sa route au sud avec les autres ?, C'est alors qu’il semble avoir acquis la conviction de Pimpossibilité de réussir à traverser l’immense Océan avec un équipage toujours mécontent et l'équipement insuffisant de ses navires. De nouveaux matelots, qui depuis l'expédition de Solis étaient restés dans l’île Catharina et s'étaient embauchés pour son expédition, lui promirent la découverte de beaucoup d’or et d'argent et le décidèrent à pénétrer dans le large estuaire du Rio de la Plata, où il jeta l’ancre auprès de Pile de S. Gabriel, ainsi appelée du jour de son arrivée (6 avril 1527). Ilse trouvait à peu près au point de la colonie de S. Sacramento actuelle. Après examen des lieux, il ne trouva pas la place bonne pour y fonder un établissement. Il remit à la voile, dépassa l’île Martin Garcia dans le Rio Uruguay, dont il remonta le cours jusqu’à Punta Gorba. Ayant trouvé là un point d’abordage commode au confluent des rivières, il y construisit un petit fort qu’il appela S. Salvador ‘. Pendant la construction du fort, Cabot envoya un officier, Juan Alvarez Ramon, avec le plus petit des navires en amont du fleuve pour explorer le pays. Après une navigation de trois jours, celui- ei perdit son navire au milieu d’une tempête dans le voisinage de deux grandes îles. L’&quipage fut forcé de gagner la terre avec de petits canots et de revenir à pied le long du rivage. Dans ce tra- jet les Espagnols rencontrerent les indigènes nommés Yaras (Charruas), qui les attaquèrent. Ramon succomba avec plusieurs de ses gens. Les autres purent arriver en canot au fort en cours de construction. Cabot, en face de l'hostilité des Indiens et sur rapport le défa- 10 II, REMONTE LE RIO PARANA. vorable des rentrants , voyant qu’il était difficile d’esperer une heureuse réussite dans cette région , se décida à abandonner la rive nord du fleuve et à passer sur celle du sud. Il laissa donc à S. Salvador le plus grand de ses navires encore existants et s’en=- gagea avec la Garavela et la Brigantina dans le principal bras méridional du Paranä, appelé aujourd’hui le Rio de las Palmas“. ll arriva , en remontant le courant, dans la region (à Zarate) où les berges s'élèvent à l’approche du fleuve, et en continuant de les longer il pénétra bientôt dans ce vaste et large cours d’eau (à S. Pedro). Gelui-cı conserve encore longtemps une rive élevée au sud , tandis que de larges îles basses forment sa rive au nord. Plus loin les deux rives changent d’aspect; les hauteurs s’abaissent au sud à l'embouchure du Rio Carcaraïñal , tandis que le sol se relève au nord à Punta Gorba, un peu au sud de Diamante , jus- qu’aupres du fleuve. Cabot fit halte ici près de la rive méridio- nale, pénétra dans la large embouchure du Carcarañal, dans le bras du Paranä qui vient de Santa Fé et y fonda un second fort, - S. Espiritus (ou Espiritu santo). Cette région porte encore le nom de Rincon de Gaboto“. Les Indiens de cette contrée se nommaient Caracaras ; plus tard, il apparaissent sous le nom de Timbos. Ils étaient d’un caractère doux et bien différent des Charruas du Banda oriental. Ce fut le principal motif qui décida Cabot dans le choix de la po- sition d’un établissement. Pendant qu'il était ainsi occupé, il envoya un de ses navires à S. Salvador pour y faire connaître sa situation. Il eéxpédia en même temps en Espagne quelques morceaux d'argent que l’on avait obtenu par échange des Indiens établis à S. Espiritus. Ils devaient être présentés au roi avec une relation, afin de justifier ainsi le changement de direction adopté. Ses deux envoyés étaient l'Anglais Georg Barlow, qui, à moitié son compatriote, lui était fidèle et dévoué, et l'Espagnol Hernando Calderon, payeur de l'expédition, également homme de confiance et sans ambition personnelle. Tous deux parvinrent heureusement en Espagne et furent présentés au roi le 15 octo bre 1527 à Tolède. . EXPLORATION DU RIO PARAGUAY. 11 Les morceaux d'argent et quelques objets de parure en or que les Indiens portent excitèrent aussitôt l’avidité des Espagnols. - Comme d’après le dire des sauvages, ils tiraient ces métaux de intérieur au nord-ouest, Cabot envoya dans cette direction un certain César et quatre Espagnols, avec commission d'étudier les ressources du pays et de reconnaître la provenance de l'argent, Après lachèvement du fort de St-Esprit, il se remit lui- même en route vers le nord, en remontant le cours du fleuve. Il laissa au fort un officier, Gregorio Caro, comme commandant avec soixante soldats. Les deux navires qui restaient encore parti- rent pour cette excursion le 23 décembre 1527. On choisit le bras latéral du fleuve qui s'ouvre dans le Carcarañal, près du fort, et s'appelle Rio de Carunda. Il se détache du cours principal beau- coup plus au nord et se relie avec une autre artère analogue, le Rio Colastine. Ce fut par cette voie que l’on atteignit pour la pre- mière fois le grand bras du Paranä. Après une navigation de 120 lieues au milieu de nombreuses difficultés, on arriva au point de jonction du Rio Paranä avec le Rio Paraguay (27° 16"). Le premier étant le plus large, Cabot le choisit pour s’y engager. Il le remonta jusqu’à l’île Apipé (59° 40° à l’ouest de Paris). Arrivé en cet endroit, les Indiens l’informèrent qu’il rencontrerait beau- coup d'obstacles à la continuation de son voyage en amont du fleuve à cause des rapides, des écueils et des cascades, Ils lui apprirent aussi, à son étonnement, qu'un nouveau navire avait pénétré depuis peu dans l’éstuaire du Rio de la Plata, nouvelle qui leur était déjà parvenue par terre. Il se décida alors au re- tour et arriva de nouveau, le 28 mars 1528, devant l'embouchure du Paraguay où il s’engagea. Peu au-dessus du confluent avec le Paranä il rencontra un grand affluent venant de l’ouest, que les Indiens nommèrent Lepeti (aujourd’hui Rio Vermejo). En cet endroit de nombreuses barques chargées d’Indiens essayerent de lui barrer le passage '’. Cabot fit descendre dans un canot un officier, Michael Rifas, avec vingt soldats, pour s'entendre avec les Indiens. Ils se laissèrent attirer à terre par ceux-ci et furent aussitôt attaqués et mis en déroute dans les épais fourrés du ri- 12 ORIGINE DU NOM DU RIO DE LA PLATA. vage. Rifas tomba avec quinze soldats, deux furent faits prison- niers‘, et trois seulement regagnèrent le navire. Ces Indiens, qui se nommaient Agazes, devinrent encore plus audacieux. Ils - attaquèrent le navire, mais furent repoussés à coups de canon et de fusils et Cabot put continuer son voyage. Mais depuis ce mo- ment on eut à subir des attaques continuelles. Cabot se décida donc au retour, après avoir probablement atteint le rétrécissement sous le 25° 33° et reconnu des obstacles encore plus grands que ceux surmontés jusqu'alors. Le retour se fit heureusement et sans difficulté sérieuse. On repassa bientôt au confluent des deux grands fleuves et continua de descendre. Alors on aperçut, à l’etonnement général, un na- vire remontant le courant eten le rejoignant on reconnut le navire déjà annoncé par les Indiens de l’île Apipé. Il était sous la con- duite de Diego Garcia '’, Cette rencontre ne pouvait être agréable à Cabot ; car il n’oubliait pas qu’il n'avait pas été envoyé pour explorer le Rio de la Plata, mais pour une expédition aux Molu- ques. Il avait modifié le but de sa propre autorité et trompé ainsi les espérances des négociants de Séville, qui avaient contribué aux frais de l’entreprise. Ces réflexions le portèrent sans doute à faire un accueil amical aux nouveaux venus et à les inviter à re- venir avec lui à S. Espiritus pour s’y entendre sur la conti- nuation de l’entreprise. Diego Garcia accepta la proposition; mais il vit bientôt que son désir de continuer le voyage avec la direction dans ses mains et en obéissant aux ordres qu'il avait reçus d'explorer seulle Rio de la Plata ne serait jamais agréé par Cabot. Il se HER donc à retourner en Espagne pour y faire son rapport. Cabot, à la suite de cette décision, se trouva dans un assez grand embarras. Dans ces circonstances, il pensa que € mieux était d'attendre le résultat de son envoi en Espagne et de rester tant bien que mal avec son équipage à S. Espiritus. Nous savons déjà que les envoyés de Cabot, grâce à l’argent qu'ils apportaient, furent bien reçus par le roi à Tolède et que dans l'espérance de tirer de là encore plus d'argent, il leur promit sonappuipour la continuation de l'entreprise, C’est sans doute à la ÉVÉNEMENTS APRÈS LE RETOUR DE CABOT. 13 vive impression que ce peu d’argent fit sur Charles-Quint et son entourage qu'est dû le nom de Rio de la Plata, donné au grand fleuve sur les rives duquel on l'avait trouvé. Il ne semble pas que Cabot lui-même se soit servi de ce nom; car on ne le rencontre pas encore sur la carte de 1529. | AO ME Pendant deux années presque complètes Cabot attendit vaine- ment à S. Espiritus l’arrivée des secours promis. Enfin il se décida au retour et l’exécuta avec son grand navire stationné à l'embouchure. Il revint en Espagne *”, où il arriva en 1530. Avec linsuccès complet de son expédition, il ne devait plus inspirer confiance à personne pour de nouvelles entreprises. Il le sentit bien lui-même et reconnut que sa position en Espagne n’était plus tenable. Il donna sa démission et rentra au service du roi d'Angleterre, Édouard VI. Il y mourut probablement en 1557 *. La colonie de S. Espiritus se maintint quelque temps dans un état prospère. On vivait en relations amicales avec les Indiens, lorsqu'un événement imprévu vint mettre fin à l’existence paisi- ble des Espagnols ®. Un chef indien, du nom de Mayoré, s’eprit d'amour de la femme d’un officier espagnol et résolut de s’en emparer par la force. Il attendit le moment où une troupe de quarante soldats, sous la conduite de Ruy Diaz Morquera, était sortie pour aller se ravitailler au loin et tomba sur les quelques personnes demeurées dans le fort, les massacra presque toutes et enleva la jeune femme. Mais comme elle refusa énergiquement de répondre à ses désirs, il la tua aussi avec son mari. Les Indiens attaquèrent Morquera et ses soldats à leur retour. Ils se défendi- rent courageusement et se retirèrent dans le petit navire que Cabot leur avait laissé. Ils descendirent le fleuve et arrivèrent heureusement au Brésil, d’où ils revinrent au Rio de la Plata avec le navire que Gonzalo de Mendoza y conduisit en 1536 avec des objets de ravitaillement. Après le retour de Cabot et la destruction de l'établissement fondé par lui à S. Espiritus, il nous reste encore a raconter les aventures de César et ses quatre compagnons envoyés par Cabot pour explorer l'intérieur avec ordre de se diriger au nord-ouest. 14 FIN DE L’EXPEDITION. Ils devaient revenir au bout de trois mois; mais on ne les vit pas rentrer pendant les deux années que Cahot resta encore dans le pays. César reparut à S. Espiritus seulement après une absence de trois ans et y apprit le départ de Cabot et la ruine des Espagnols laissés par lui. Il se décida à pénétrer de nouveau à l’intérieur en suivant la même route, Ce qu’il y avait vu avait plus d’attrait pour lui que le Rio Paranä et Espiritu Santo. Si nous en croyons les récits de César, tels que Guzman les reproduit *, dans son premier voyage il s'était arrêté dans les plaines fertiles de l'intérieur de la Bolivie, à peu près dans la région de Santa-Cruz de la Sierra ou Cochamba, chez des Indiens avec lesquels il vécut en bonne intelligence. Il avait suivi la route, déjà utilisée par les Indiens et très-viable, par Tucuman, Jujuy et Tarija. Cette route était le chemin d’etapes des troupes des Incas. Il entendit parler de la richesse du Pérou (1528-30), non encore conquis”. Ilre- tourna dans les mêmes régions à son second voyage en 1531. N'ayant point de bêtes de transport, il ne pouvait avancer que lentement et rentra en Bolivie au moment de la chute de l’em- = pire des Incas. A cette nouvelle, il se mit en route pour le Pérou, traversa les Cordilleres et rejoignit ses compatriotes qui s'étaient déjà avancés jusque dans la région de Guzco. Il fut le premier Européen qui, parti du Rio de la Plata, traversa l'Amérique méri- dionale jusque sur le rivage de l'océan Pacifique au Pérou et put arriver à Lima par ce chemin. La seconde expédition au Rio de la Plata se termina donc aussi malheureusement que la première. Le pays du fleuve de l’argent, après ces tentatives, ne semblait guère propre a attirer de son côté l'esprit d'entreprise et de conquête des Espagnols, excité alors au plus haut degré par les succès de Gortez au Mexique et par les débuts audacieux de Pizarre au Pérou. Mais la passion des aven- tures une fois éveillée, l'habitude des caractères entreprenants de négliger les fatigues et les dangers des uns pour ne voir que les succès des autres ne laissa pas durer beaucoup ce temps d’arrêt, et bientôt une troisième grande expédition reprit la route abandonnée sans succès par les navires de Cabot. III TROISIEME EXPEDITION AU RIO DE LA PLATA SOUS LA CONDUITE DE D. PEDRO DE MENDOZA. 1535 — 1537. Les nouvelles des succès incroyables de Pizarre qui arrivèrent en Espagne en 1534 émurent au plus haut degré les populations de P’Europe presque entière. Tout le monde s’interessa à des événements aussi inouis, et beaucoup s’empresserent de s’offrir pour des expéditions semblables. Riches et pauvres, grands et petits, vinrent à l’envie faire offre de leurs navires au gouverne- ment. Au milieu de ces circonstances le nom du fleuve argenti- fère résonnait agréablement auprès de nombreuses oreilles.Si l’on ne devait pas recueillir de grands trésors immédiatement sur ses . rives, il serait au moins facile, croyait-on, de s’y avancer vers le Pérou et de s’y approprier une partie des gisements aurifères que ceriche pays renfermait. Tel était le principal mobile qui sti- mulait les promoteurs de nouvelles expéditions. D: Pedro de Mendoza, seigneur d’un haut rang et très-con- sidéré à la cour comme membre d’une des premières familles d'Espagne, se mit sur les rangs: Il se recommandait encore par la part qu'il avait prise à la guerre de peu de durée sous le conné- table de Bourbon en Italie, bien que, d’après les on dit, il se fût enrichi par des procédés d’une délicatesse douteuse au pillage de Rome. Il proposa au gouvernement de faire à son propre compte une expédition au Rio de la Plata dans le but d’y ouvrir une route directe vers le Pérou. Il demandait a être le seul chef et le titre de lieutenant du roi dans la nouvelle colonie, avec un traitement annuel de 2000 ducats pris sur ses revenus et soumis à la rete- tue du cinquiètne habituel en faveur de l'État. Le gouvernement n’hösita pas à accepter ces propositions. Un atrangement (asiento) par écrit fut conclu avec Mendoza dans lequel, avec le titre d’A - delantado,on lui dontait l’administration de tous les pays à coh- quérir. Mendoza, de son côté, s'engageait à réunir mille hommes 16 INTERVENTION DES NÉGOCIANTS ALLEMANDS. bien équipés, à les entretenir pendant une année et à emmener avec lui des ecclésiastiques pour convertir sur-le-champ les Indiens au christianisme. On leur recommandait de les traiter avec douceur. Cette dernière obligation, imposée à la requête particulière de Charles-Quint, prouve combien l’empereur avait à cœur les progrès du christianisme dans ses États et combien, à cet égard, il ressemblait a sa grand’m£re Isabelle, surnommée la Catholique, qui s’inquiétait d’une manière toute particulière du salut de l’âme des Indiens. Cependant l’ardeur de faire des con- versions dégénéra bientôt alors, comme plus tard sous Philippell, en une perséculion indigne. Les pauvres Indiens avaient vécu beaucoup plus heureux dans leurs croyances payennes, que lors- qu'ils se furent fait baptiser. Le despotisme orgueilleux des Espa- gnols n’admettait que l’humble soumission d’esclaves à laquelle les Indiens baptisés eux-mêmes furent bientôt réduits. Lorsque le traité conclu par Mendoza avec le gouvernement fut rendu public, un si grand nombre d'hommes accoururent à lui, qu'au lieu des mille hommes stipulés, il put constituer une troupe de deux mille cinq cents individus choisis et en renvoyer un nombre égal. L’ Adelantado, débordé par une telle affluence, se häta de se mettre en route pour échapper à de nouvelles deman- des. Il quitta Séville le 24 août 1534, accompagné de ses officiers et leva l’ancre le 1° septembre dans le port de Saint-Lucar. Parmi les navires, il s’en trouvait un équipé par les négociants d’Augsbourg, Jacob Welser et Sébastien Neidhart, pour aller commercer au Rio de la Plata avec Henri Peine comme leur facteur. L’équipage de ce navire se composait d’Allemands et de Flamands enrôlés par ces négociants. A la première nationalité appartenait un certain Ulrich Schmidt de Straubingen, en Bavière, qui s'était laissé enröler comme soldat, afin d'aller voir par lui- même les merveilles du nouveau monde. Il resta vingt ans dans le pays, et écrivit à son retour, en 1554, une relation de ses aven- tures, qui est le plus ancien document historique sur ces contrées et comme description par un témoin oculaire a une grande impor- tance pour leur connaissance ”. La grande importance cammerciale REUNION AUX CANARIES. y d’Augsbourg à cette époque et la prédilection de l’empereur pour cette ville expliquent facilement la part que les négociants allemands prirent à l'expédition. Ce fut sans doute pendant les fréquents séjours que Charles-Quint fit à Augsbourg, où les Fugger lui servaient de banquiers, qu’il accorda cette permission aux riches négociants nommés plus haut, de même que dans l’ex- pédition de Cabot, ceux de Séville y avaient été admis à leur propre compte. On sait que les Welser et plus tard les Fugger firent de semblables entreprises, et une colonie allemande, leur propriété, exista longtemps au Vénézuela. Elle était administrée par des fonctionnaires allemands. Elle ne fut rachetée par l’État aux Fugger que plus tard, lorsque la couronne Hagen sortit de la maison royale d'Autriche *. Poussée par un vent favorable, la flotille arriva bientôt aux iles Canaries, où, comme de coutume, on fit une longue halte pour y compléter l’organisation qui n'avait encore été fixée que dans ses traits généraux. Mendoza, qui était devant Ténériffe, réunit tous ses officiers, leur recommanda la plus grande attention dans leur service, la traversée de l'Océan étant exposée à de nombreux périls, et designa les personnes à qui on devait obéir en cas de malheur. I choisit pour premier commandant au-dessous de lui Juan Oso- rio, officier de mérite, qui avait fait la campagne d'Italie à côté de lui et que les soldats respectaient beaucoup. Le frère de Mendoza, Diego, fut nommé amiral de la flotte, et vice-amiral Juan de Ayolas (ou Oyolas, comme d’autres écrivains le nomment), l'ami particu- hier de l’Adelantado. Le procurateur royal fut Franz de Alvarado et Juan de Carabajal son subordonné. Guzman désigne encore cin- quante officiers de l'expédition, qui presque tous appartenaient aux familles les plus considérables du pays. Nous nous contenterons de citer seulement les noms de ceux qui joueront un rôle dans le cours de l’histoire. Avant toutautre, il faut nommer Domingo Mar- tinez de Yrala (ou Irala), Biscayen de naissance et le véritable fonda- teur de la colonie de la Plata, ensuite, deux parents de Mendoza, D. Gonzalo et D. Francisco de Mendoza, qui avait été intendant de la maison du frère du roi, plus tard l’empereur Ferdinand. Juan REP, ARG. — I, 9 . | AVENTURE DU NAVIRE ALLEMAND. de Cacerès accompagnait l’expédition comme payeur du roi et avait son frère Philipp avec lui; Carlos de Guevara éomme facteur de la couronne et NuñezdeSilya à titre d’alcade des établissements à fonder. Le frère de lait de l’empereur, Carlos Dubrin, s’y trou- vait aussi, et parmi les étrangers, on doit signaler en première ligne Fernando Centurion, Génois et ancien capitaine de mer sous André Doria; après lui, le Flamand Simon Jacques de Ramua. Le navire sur lequel se trouvait Schmidt était stationné devant l’île Palmaavec deux autres, sept étaient devant Gomara et le reste avec Mendoza à Ténérifle. Durant le séjour, qui dura quatre semaines, les Allemands eurent une petite aventure qui menaca de se terminer sérieusement. Un parent de l’Adelantado, D: Jorge de Mendoza, s'était rendu sur le navire allemand, peut-être à titre de surveillant. Pendant ces quatre semaines, il noua une intrigue d’amour avec la fille d’un des principaux habitants de l'ile Palma, persuada la jeune fille de l'accompagner et la nuit avant le départ l’emmena secrètement sur le navire. Get enlève- ment ayant été connu à terre et Mendoza se refusant à rendre son amante, le navire reçut des bordées d'artillerie qui tuerent un homme et empêchèrent le départ. Heureusement qu'un grand navire espagnol avec cent cinquante hommes se trouvait dans le port de Palma. Le capitaine s’interposa et l’on envoya chercher l'A delantado. Aides du gouverneur des Canaries, ils apaisèrent le père de la jeune fille et D. Jorge Mendoza se déclara prêt à l’épouser et à rester avec elle à Palma. L'expédition continua sa route seulement après qu'on eut accompli le mariage avec Dean coup de pompe?”. | Des Canaries ont fit voile vers les îles du Cap-Vert, où la fotille se rassembla de nouveau. Le navire de Schmidt aborda à Saint- Jago et s’y ravitailla de vivres frais. Il raconte qu’elle est habitée par des nègres et appartient au Portugal. De là on gouverna obli- quement à travers l'Océan et toucha à une île inhabitée, qui doit être l'ile actuelle de Fernando Norunba*. Après deux mois, on atteignit la baie de Rio de Janeiro (Nhiteroy), où l'on séjourna quatorze jours. L’Adelantado etait malade; il souffrait d’une MEURTRE D’OSORIO A RIO DE JANEIRO 19 goutte violente et désira se reposer quelque tempsäterre. Schmidt raconte avec détails les circonstances de cette navigation” et parle d’une île comme du point d’atterissage. Mais il y en a plusieurs dans la baie; peut-être était-ce la grande île du Gouverneur, située plus à l’intérieur que la capitale actuelle du Brésil. Il leur arriva ici un événement malheureux, qui fut interprété comme un présage de mauvaise augure pour l’expédition. Pendant l'arrêt, Mendoza avait désigné Juan de Osorio pour le remplacer, afin de se soigner plus tranquillement. Il est probable que l’affec- tion générale dont jouissait cet officier excita la jalousie des autres officiers, qui surent éveiller la défiance de Mendoza. Il ordonna d'arrêter Osorio. Celui-ci se soumit, mais laissa échapper son mécontentement en paroles un peu vives contre l’Adelantado. Ce dernier s’emporta, prononça des imprécations contre Osorio et probablement dit devant les dénonciateurs : « Je voudrais être débarrassé de ce traître. » Ce fut un ordre pour eux. Quatre d’entre eux, Juan Ayolas, Juan Salazar, Jorge Lugan et Lazaro Salazar, se précipitèrent sur Osorio et le tuèrent avec leurs poignards. Mendoza fit exposer publiquement son cadavre, en le dénonçant comme un traitre, avec la menace de traiter ainsi tous ceux qui tenteraient de méconnaître son autorité. Mais l’opi- nion générale condamna ce meurtre, et tous les soldats regretterent la mort de ce chef courageux et juste. Plusieurs des officiers étrangers à l’affaire exprimèrent ouvertement leur mécontente- ment et parlèrent d'abandonner l'expédition pour se mettre en sûreté contre un traitement aussi injuste®. … Il faut encore dire que, durant cet événement, tout le personnel de l'expédition n’était pas rassemblé auprès de Mendoza. Une petite partie, séparée des autres par une tempête, s'était rendue directement au Rio de la Plata, sous la direction de l’amiral Diego . de Mendoza. Peut-être était-ce à dessein, parce qu'il n’était pas satisfait de la direction de son frère. La menace de plusieurs officiers d'abandonner l'expédition détermina l’A delantado à reprendre soh voyage promptement. Il mit bientôt à la voile, longea la côte vers le sud, passa devant 20 ARRIVÉE AU RIO DE LA PLATA. la Laguna de los Patos et devant le cap Sa-Maria, pénétra dans l'embouchure du Rio de la Plata et vint jeter l'ancre à l’île Saint- Gabriel, où il trouva son frère avec les autres navires. Lorsque celui-ci apprit le meurtre d’Osorio, il manifesta très-vivement sa désapprobation, et comme par une sorte de pressentiment de ce qui devait arriver, il prononca les paroles suivantes : « Plaise à Dieu que la mort de cet homme ne soit pas la cause de notre perte à tous. » | | Aussitôt arrivés, chefs et soldats débarquèrent en grand nombre, mais ils ne trouvèrent qu’un village de sauvages Charruas, qui se montrerent peu empressés et n'avaient comme aliments que des poissons et la chair des animaux tués à la chasse. [ls &taient en- tièrement nus ; les femmes seules portaient un morceau d’étoffe de coton enroulé, qui descendait de la ceinture jusqu'aux genoux. On estima cette population sauvage à deux milles individus. Mendoza reconnut bientôt qu'il n’avait rien à espérer de ces sens. Il ordonna donc de se rembarquer pour passer sur l’autre côté du fleuve. Schmidt estime sa largeur en ce point assez exactement à huit lieues. L’A delantado envoya en avant un canot sous la conduite de son beau-frère, D. Sancho del Campo, pour trouver un point d’attérissage. Celui-ci s’élança à terre en s'écriant : que buenos aires son los de este suelo, d'où est venu le nom de la ville de Buenos-Ayres. Il revint annoncer que la contrée était plate, l’air doux, le pays ouvert et bien approprié pour y fonder un établissement. Mendoza ordonna le débarquement, non pas sur le rivage élevé où se trouve actuellement Buenos-Ayres, mais un peu plus au sud dans le voisinage de l’embouchure du Ria- chuelo, la où s’etend la plaine entre Barracas et Buenos-Ayres. On débarqua en même temps que les hommes et les armes soixante-douze chevaux, étalons et juments®!. On s’occupa aussitôt de baraquements pour les soldats, et le. 2 février 1535, Mendoza posa solennellement la prémière pierre d’un fort de forme carrée (400 pieds de côté), avec remparts et fossés. Il s’y fit construire pour lui-même une grande maison en briques cuites, dont la matière fut empruntée au sol argileux des COMBAT AVEC LES QUERANDIS. 24 berges élevées du fleuve. Il appela son établissement Sa-Maria de . Buenos-Ayres. Les baraques furent couvertes avec de la paille formée avec les joncs du ruisseau voisin, et l’on tira le bois des fourrés de saules qui bordaient les rives. Il n’y avait ni forêt, ni pierre dans la contrée pour y construire plus solidement. On ne voyait de forêt qu’à une distance considérable au nord. - Schmidt, dont les indications, en qualité de témoin oculaire, sont préférables à toutes autres, raconte qu’on trouva près du point de débarquement un village d’Indiens, avec environ trois mille habitants. Ils se nommaient Carendis ou plus exactement Que- randis. Is marchaient nus comme les Charruas, les femmes seules portant par devant un court tablier. Ils n’usaient d’autre nourri- ture que du poisson et la chair de leur gibier. Ils faisaient de longues courses pour se pourvoir (jusqu’à 30 lieues), et manquant souvent d’eau, ils buvaient sur le sol le sang des animaux tués, parmi lesquels il est question de cerfs. Ils utilisaient aussi pour calmer leur soif le suc d’une racine que Schmidt appelle cardes (chardon). . Pendant quatorze jours, les Indiens vinrent échanger avec les Espagnols les provisions alimentaires qu’ils avaient, puis ils se retirèrent et ne revinrent plus, chassés sans doute par la conduite arrogante.des étrangers et par les exigences sans nombre qu'on voulait leur imposer. L’Adelantado envoya auprès des Indiens le juge Juan Pavon*® avec deux soldats, pour aller chercher des vivres. Mais ils n’obtinrent rien et furent même chassés par les Querandis et un d’entre eux blessé. Cette nouvelle excita la colère des Espagnols. Mendoza résolut de châtier sévèrement les Indiens et dans ce but envoya son frère Diego avec trente cavaliers bien armés et trois cents lansquenets pour attaquer les Indiens dans leur village, enlever tous les vivres et y construire un petit fort. Schmidt, qui prit part à cette expédition, ne cite aucun personnage d'importance, mais donne brièvement le résultat. Les Indiens étaient à peu près au nombre de quatre milles hommes. Ils se défendirent courageusement et abandonnèrent la place. Diego Mendoza, six cavaliers et vingt hommes avaient été frappés mor- 22 TRISTE SITUATION DES ESPAGNOLS. tellement, beaucoup étaient blessés grièvement. Guzman est au _ contraire très-long dans la description du combat. Il nomme les chefs et les morts, place lé théâtre du combat dans un bas-fond marécageux, au milieu duquel serpentait un petit fleuve dont les Indiens avaient défendu l'approche. Les Indiens étaient armés d’arcs, de flèches et d’épieux munis de pointes en fer. En outre, ils avaient encore des lassos, armes très-dangereuses pour les Espagnols. Ils les maniaient avec une grande habileté, inquiétant surtout les chevaux, leur enlaçant les jambes et faisant tomber à terre bête et cavalier. C’est de cette façon que Mendoza et les autres officiers perdirent la vie. Enfin, dit Schmidt, les ennemis s’enfuirent, nous pénétrâmes dans le village, mais on n’y trouva que de la viande, du poisson desséché, dont la graisse et le corps étaientréduits en poudre qu’on pourrait appeler farine de poisson"; en outre de nombreuses peaux de martre et de couleuvre, les- quelles sont très-communes dans le pays. On laissa une garnison dans le village des Querandis. On pêcha avec les filets des Indiens, afin de se procurer des vivres pour tout le monde. Mais les por- tions étaient petites; chaque soldat recevait seulement un poisson tous les trois jours. Celui qui, dit naivement Schmidt, voulait manger plus, pouvait s’en aller pêcher lui-même. L’Adelantado fut très-découragé par la perte de son frère et d’autres braves officiers. Le chagrin et le mauvais régime accrurent les souffrances de sa goutte, surtout lorsque quelques jours plus tard on trouva un autre officier, le capitaine Medrano, assassiné dans son lit. C’était un des diffamateurs d’Osorio et il était coupable de sa mort. On ne réussit pas à découvrir l’au- teur du crime, protégé par le mauvais vouloir général. Mendoza se montra craintif même en face des Indiens. Il fit renforcer l’en- ceinte du camp qui était en mauvais état. D’après Schmidt, on détruisait un jour ce qu’on avait élevé le précédent. La maison de briques construite pour l’Adelantado ne devait pas non plus être élégante ; il manquaient de tous les matériaux nécessaires, de chaux et de bois de construction. Afin de pourvoir jolus aisé- ment aux besoins de la situation, Mendoza divisa sun armée EXPÉDITIONS EN AMONT DU FLEUVE. 23 en deux troupes, dont l’une devait exécuter les travaux pendant que Vautre veillerait au ravitaillement et à la protection de tous. : | "Les poissons devenaient chaque jour plus rares devant le grand nombre d'hommes à nourrir. On dut encore diminuer les rations et chaque homme ne reçut plus que six onces de farine par jour. La famine poussa à user de toutes sortes de moyens pour se pro- curer des vivres. Trois Espagnols ayant tué sécrètement un che- val furent condamnés à être pendus par le juge Ruiz Galan, homme dur et généralement détesté. Mais, dans la nuit même de l'exécution, trois autres allèrent dépouiller les parties charnues des membres des cadavres et s’en nourrirent. Un autre dévora* son frère déjà mort de faim. Les chiens, rats et chats des navires furent avidement dévorés. Tous les serpents, tortues et oiseaux que Pon pouyait prendre servaient à la nourriture. Le cuir des armes et des chaussures lui-même ne fut pas épargné. La peste éclata au milieu de ces affamés et ceux qui avaient échappé à la faim moururent de maladie. Déjà la moitié des 2,500 hommes emmenés par Pedro de Mendoza au Rio de la Plata avaient suecombé sous le coup de ces misères. Cette situation ne pouvait se prolonger plus longtemps et on chercha des moyens pour y remédier. Plusieurs expéditions furent organisées pour aller chercher des vivres. Une, sous la conduite de Juan de Ayolas, devait remonter le Paranä et nouer des relations avec les populations éloignées. Une seconde devait, dans le même but, explorer les îles voisines entre les em- bouchures du Paranä ; une troisième enfin, sous Gonzalo de Men- doza, faire voile pour le Brésil afin de s’yapprovisionner. Schmidt se trouvait dans la seconde troupe. Ils passèrent dans les îles avee-quatre petits navires chacun de quarante hommes d'équipage, plusieurs canots et des voles. Ils y rencontrèrent une nombreuse population et plusieurs établissements Indiens *. Mais à l’approche des navires les hommes prenaient la fuite Al’in- térieur, emportant avec eux ce qu'ils avaient ou brûlant ce qu'ils ne pouvaieut emporter. La détresse s’accrut peu à pen sur les 24 ATTAQUE DES INDIENS. navires comme à terre. Chaque homme ne reçut plus que trois _ demi-onces par jour et la faim eut bientôt fait périr la moitié des équipages, ainsi que Schmidt nous le raconte en témoin oculaire. On dut songer au retour et rentrer au campementles mains vides comme on était parti *’. La vue du petit nombre des rentrants accrut le découragement et bientôt on en arriva au désespoir le plus complet. Cependant la situation désespérée des Espagnols n’était plus un mystère pour les Indiens. [ls formèrent le projet de leur anéantissement complet et les tribus voisines y prirent part. On. résolutd’attaquer le fort et de massacrer tous les Espagnols. Schmidt _ mous décrit l'attaque . Elle eut lieu un mois après son retour de la dernière expédition, et l’on vit s’avancer une armée forte .de 23,000 hommes. Quatre peuplades, les Querandis, Bartenes, Charruas et Timbos s'étaient coalisés dans ce but. Mais Azara pense que tout cela est exagéré et que tous les Charruas qui ha- bitaient sur l’autre côté du fleuve ne possédaient pas de canots pour le traverser. Ceci est vraisemblable, car aucun écrivain n’a parlé de barques et de leur emploi par les Indiens. Les Timbos également, qui habitaient dans le haut Paranä, sur le territoire actuel de Rosario et remontaient loin au nord étaient trop éloi- gnés pour venir en aide aux Querandis. Ces derniers seuls, avec leurs voisins des îles du Paranä, les Guaranis, menèrent l'attaque. Ils ne pouvaient pas être 23,000 hommes, car, à ce moment, 10,000 assaillants auraient formé une troupe plus que suffisante contre les Espagnols. L'attaque eut lieu le jour de la Saint-Jean (24 juin) de l’année 1535. Elle échoua complétement, les Indiens manquant de moyens pour escalader desretranchements bien dé- fendus. Les plus courageux s’approcherent jusque dans le fossé au pied du mur et tâchèrent d’atteindre les Espagnols avec leurs longues piques, tandis que d’autres décochaient sur les. barra- quements des flèches enflammées et y déterminèrent un incen- die. Mais ils ne purent pénétrer dans l’enceinte. Les décharges de mousqueterie en tuèrent beaucoup devant les fossés et la grosse artillerie des navires faisait feu au milieu des masses. Les MENDOZA PART CHEZ LES TIMBOS. 25 Indiens attaquèrent aussi les navires et ils parvinrent à en incen- _dier quatre des plus rapprochés du rivage en leur lançant des flèches enflammées. Les équipages se sauvèrent avec peine sur les plus grands stationnés plus loin. Avec leurs ca- nons ilséloignèrent les Indiens et firent de si grands ravages par- mi eux, qu'ils se rétirèrent et abandonnèrent l'assaut. Les Espa- gnols perdirent dans cette affaire un enseigne et trente soldats. Si les Indiens avaient eu plus de persévérance et bloqué les Espa- gnols, ils les auraient probablement épuisés et vaincus. On ne pouvait plus songer à rester en cet endroit funeste ; on se prépara au départ. Déjà Mendoza songeait à retourner en Es- pagne et faisait ses préparatifs, lorsque Ayolas revint de son ex- pédition dans le haut Paranä et apporta l’heureuse nouvelle que là habitaient des peuplades amies, les Timbos, avec lesquels on pourrait nouer des relations pacifiques. Ceci détermina l’Adelan- tado à renoncer au retour et à aller chez les Timbos. Il ordonna de tout préparer pour le départ . Il voulut auparavant passer une revue de sa troupe et constata que des 2,500 hommes partis avec lui il ne lui restait plus que 560 soldats affaiblis et épuisés par la faim. Il laissa 160 hommes sous le commandement de Juan Romero, partie sur les grands navires stationnés dans le fleuve, partie dans le fort sous les ordres de Frantz Ruiz Galan et Nuño de Silva. Il divisa les 400 autres en deux troupes et envoya en avant une moitié sur les navires les plus légers, sous la direction de Juan de Ayolas, pour arriver chezles Timbos aussitôt que possible. Il suivit lui-même avec l’autre moitié, ne s’avancant que lente- ment, affaissé sous la douleur. Cinquante hommes périrent encore d’épuisément par suite.de la famine pendant ce voyage. Les Timbos étaient ces mêmes Indiens chez qui Cabot s'était déjà fixé cinq ans auparavant et avait fondé le fort S. Espiritus Ils appartenaient à la grande famille des Guaranis *, qui habitait la rive occidentale et méridionale du Rio Paranä et possédait un caractère plus doux et moins belliqueux. Ayolas à sa première rencontre avec eux reconnut aussitôt leurs bonnes qualités. _ Il laissa le capitaine Alvarado avec 100 hommes pour préparer 26 ARRIVÉE CHEZ LES TIMBOS. l'arrivée de l’Adelantado avec toute l’armée pendant que lui- même revenait sur ses pas apporter cette bonne nouvelle. Tout. | le monde était joyeux lorsqu’on eut atteint le nouveau poste. Don Pedro de Mendoza, afin de sceller l'amitié avec le cacique Chara- Guazu, qui était venu le recevoir en canot, lui fit présent d’une chemise, d’un bonnet rouge, d’une houe et de quelques autres bagatelles. Il nomma l'établissement à fonder Corpus Christi, nom que les soldats changèrent en Buena Esperanza. Les Timbos marchaient complétement nus, les femmes seules portaient un tablier court ; tous, jeunes et vieux, avaient un aspect egale- ment laid. Ils se percaient le nez et fixaient dans les trous de pe- tites pierres bleues ou blanches façonnées en forme d’etoile. Ils ne vivaient que de chasse et de pêche, pour laquelle ils allaient dans les îles voisines sur des canots qui pouvaient porter jusqu’à seize hommes. Beaucoup d’entre eux, au nombre de 400 environ, vinrent à 4 milles au devant des Espagnols dans ces ca- nots, mais la plus grande partie de la peuplade, que Schmidt estime à 15,000 hommes en état de porter les nr se tint à distance. in On ne sait pas exactement où le nouvel établissement fut placé. H est probable qu’il n’était pas loin de l’ancien fort de Cabot, bien que, chose remarquable, ni Schmidt ni aucun autre écrivainn’en dit mot. Cependant, d’après Schmidt, il était distant de 84 lieues du fort de Buenos-Ayres et le voyage prit deux mois, ce qui nous place à peu près dans la région du Corunda. Il reste toujours étonnant qu’il ne soit fait aucune mention de Cabot et de son fort, lequel avait sans doute été détruit par les Timbos. Azara fixe l'endroit à 5 milles au sud du Corunda (Hist. d. Parag. W. 33), ce qui serait un peu plus au Nord que le fort de Cabot *. Suivant Schmidt, l'établissement de Corpus Christi ou Buena Esperanza dura quatre ans, de 1935 à 1539, comme station des Espagnols. Cette dernière année, l’arrogance des conquérants croissant tous les jours amena encore leur perte. Ils étaient d’abord tout joyeux du nouveau séjour. On s’installa du mieux ‘possible pour vivre paisiblement. Mais, le regret de voir ses MORT DE MENDOZA. 27 espérances déçues d'atteindre promptement le pays de l'or, le Pérou, et de ne pouvoir récolter d’argent sur le fleuve, rendit bientôt l’'Adelantado à sa mauvaise humeur. Sa goutte le tourmen- tait sans repos. Il se décida à retourner en Europe et à laisser la conduite de l'expédition à Juan de Ayolas qui possédait toute sa confiance. Dans ce dessein, il lui donna son pouvoir complet avec des instructions secrètes *, pour continuer les découvertes. Il lui preserivait de remonter le fleuve et de choisir le point le plus con- venablepour pénétrer par terre au Pérou ; arrivé là, d’vconclureavec Almagro un arrangement de partage des conquêtes avec dédoma- gements convenables et de faire parvenir le traité à l’Adelantado en Espagne. Accompagné de 90 hommes, il retourna à Buenos- Ayres sur deux petits navires pour s’y embarquer. Arrivé ici, Mendoza ne trouva en vie que la moitié des 160 hommes qui y étaient restés, encore ressemblaient-ils plus à des squelettes qu'à des hommes vivants. Ce spectacle détermina l’Adelantado à se hâter ; mais, pendant qu’il faisait ses préparatifs de départ, Gonzalo de Mendoza rentra de sa mission au Brésil avec des vivres frais et les Espagnols qui avaient échappé à la ruine du fort San Espiritus et s'étaient réfugiésau Brésil avec Mor- quera. Cette circonstance remonta si bien le courage des explora- teurs, que l’Adelantado abandonna son dessein de retour. Il en- voya aussitôt, sous la conduite de Juan Salazar et Gonzalo de Men- doza, des approvisionnements à CorpusChristi, avec de nouvelles instructions plus détaillées pour Ayolas (A zara. Hist. del Parag. II. 35.) et sembla avoir oublié ses souffrances. Mais aussitôt après son départ, il fut repris de son mal et forcé de rentrer. Il donna le commandement sur le Rio de ia Plata au juge Franz Ruiz Ga- lan et s’embarqua pour l’Espagne sur deux navires pauvre- ment équipés. Des vents contraires ralentirent la traversée. La famine se fit sentir en mer et Mendoza se vit forcé de faire tuer son chien favori pour en manger la chair. Peu de temps après, il fut pris d’un accès de folie furieuse dont il mourut au bout de deux jours. Ceux qui, comme lui, avaient mangé de la chair du chien, tombèrent dans le même état et en moururent. 28 AYOLAS REMONTE LE FLEUVE. Les deux navires arrivèrent en Espagne à la fin de l’année 1537. Ils n’apportaient avec eux rien autre que le testament de Mendoza, dans lequel il conjurait le gouvernement de continuer son entreprise et d'envoyer promptement des secours à la colonie du Rio de la Plata. [ci finit la grande expédition. Elle coûta la vie à plus de 2,000 Espagnols et autres Européens, ne laissant dans le pays qu’une petite troupe d'hommes éprouvés et contraints par la nécessité de continuer l’entreprise avec leurs propres ressources. En dehors de l’équipage qui accompagnait Mendoza à son retour, personne ne revint en Espagne, excepté cependant un ou deux autres indi- vidus d’une constitution herculéenne comme Schmidt, qui, grâce à son vigoureux tempérament et à sa prudence, put échapper à toutes les misères. Le récit que les premiers revenus firent con- tenant la description de leurs malheurs lamentables n’était, pas de nature à encourager personne à se Jeter de nouveau dans des en- treprises si follement audacieuses. . IV, FONDATION DE LA COLONIE ESPAGNOLE AU PARAGUAY. 1536 — 1540. | L'expédition en amont du fleuve sous la conduite d’Ayolas, que don Pedro de Mendoza avait ordonnée avant son départ deCorpus Christi, ne mit à la voile qu’assez tard. Tous les apprêts se firent avec précaution et on tint une réunion consultative de tous les officiers. Ayolas passa en revue tout son monde et trouva qu’avec les derniers arrivés de Buenos-Ayres, 550 hommes étaient encore présents. Il en laissa 150 dans le fort sous le commandement, de Franz de Alvarado. Les 400 autres l’accompagnèrent avec les meilleurs officiers. Parmi eux se trouvait Schmidt, à qui nous de- vons la relation de l'expédition. Tout le monde fut embarqué sur huit petits navires, brigantins, canots à voiles et yoles. Après RÉCIT DU VOYAGE. 20 4 lieues de chemin on arriva chez les Corundas, où on séjourna deux jours pour compléter les approvisionnements de vivres. On n'y trouva que de la viande, les Indiens ne connaissant et n’usant d'aucun autre aliment. Ils donnèrent comme guides aux Espa- gnols deux Carios faits prisonniers par eux. Vinrent ensuite les Calchaquis. Ils habitaient près d’un grand lac sur la rive gauche (évidemment la Laguna Setubal près de Santa-Fé). Ils ne possé- daient non plus aucune espèce de vivres. On séjourna quatre jours entiers chez eux. On fut ensuite deux semaines sans rencontrer aucune pedptéd indienne. Le dix-huitième jour seulement on en vit de nouveau à 67 lieues des précédents. Ils habitaient sur la rive droite (orientale) du fleuve et se nommaient Macurendäs. D’après Azara leur véritable nom est Quiloasäs et ils étaient fixés près de Cayesta. Par leur aspect comme par leur alimentation composée exclusi- vement de chair animale, ils ressemblaient aux populations pré- cédentes; mais leur idiome était un peu différent. On séjourra quatre jours en cet endroit. Les Espagnols y tuèrent un grand ser- pent (probablement le Boa aquatica). Schmidt estime avec exa- geration sa longueur à 25 pieds et son épaisseur égale à celle d’un homme. Il prétend l'avoir mesuré lui-même. Les Indiens qui redoutaient beaucoup cet animal, le nommaient Quiriyu. . De ce point on parcourut en quatre jours 16 lieues jusque chez les Pucaqués. C’est ainsi qu’Azara interprète le nom tout à fait inintelligible donné par Schmidt. Cette peuplade de petite taille et assez obèse ne portait aucune espèce de vêtement et ne se nour- rissait aussi que de poisson et de viande. Azara place le siége de leur résidence dans les forêts de Mocorotä. L'expédition s'arrêta seulement un jour chez eux et on arriva ensuite chez les Mapenis (Abipones), qui habitaient la rive occidentale et formaient une peuplade nombreuse et guerrière. Montes dans leurs canots ils recurent les Espagnols à coups de flèches *, Mais lorsque les Européens repondirent avec leurs armes à feu et eurent tué plu- sieurs Indiens, ils se retirèrent dans les terres. Les Espagnols les poursuivirent, mais sans résultat. Le village, situé à une lieue du 30 LES CARIOS APPORTENT DES ALIMENTS VÉGÉTAUX. fleuve, était protégé par un lac et on ne put l’attaquer. Les Es- pagnols brûlèrent tous les canots dont ils purent s'emparer. Schmidt estime à 95 lieues la distance entre cette tribu et les Tucaqués. Ils devaient. donc habiter assez loin dans le Gran Ghaco actuel. En continuant toujours au Nord on arriva au confluent du Rio Paranä et du Rio Paraguay, et, comme ses instructions lui pres- crivaient d'aller au Nord-Ouest, Ayolas s’engagea dans le dernier. On y rencontra la nation des Curumobas (Mocobis). Ils accueil- lirent amicalement les Espagnols et leur offrirent le premier ali- ment végétal, la moelle dessiliques de l’Algarroba (Prosopis dul- eis), dontils faisaient aussi du vin. D’une haute taille, les hommes portaient des plumes de perroquet fixées dans les ailes du nez; les femmes se peignaient des bandes bleues sur les joues et avaient un tablier de coton. Ils étaient éloignés de 40 lieues des Abi- pones. Après un court trajet de 35 lieues l’expédition atteignit l’em- bouchure d’un grand fleuve qui vient de l’ouest.des montagnes des Tuchkami (Tucuman?), et prend le nom de Jepedi (Ypita). La peuplade des Agazes habitait sur ses rives. Montés sur leurs canots ils tentèrent de barrer le passage aux Espagnols, comme ils l'avaient fait à Cabot. Après avoir combattu courageusement et avoir tué 15 soldats ils furent contraints à la retraite. On les poursuivit à terre, mais sans leur rien prendre, car ils s’enfuirent promptement à l’intérieur avec ce qu’ils possédaient et leurs fa- milles. 240 La continuation du voyage en amont du fleuve conduisit, 90 lieues plus loin, l'expédition chez les Carios. Pour la premiere fois les Espagnols trouvèrent chez des Indiens des plantes cultivées, à savoir du maïs, du mandiocca et des batates, ainsi que la bois- son préparée avec la moelle de l’algarroba, substance que Schmidt prit pour du miel ®. En outre des animaux domestiques; des moutons aussi grands que des mulets, des poules et desoies: l’oie turque sauvage qui est encore aujourd’hui commune dans tout le pays du Paranä. Semblables aux précédents, les habitants mar- SOUMISSION DES CARIOS. | 31 chaient entièrement nus et portaient dans un trou percé dans la lövre um stylet de pierre, de couleur jaune et de l'épaisseur d’un tuyau de plume. Schmidt prétend qu’ils mangeaient leurs prison- niers après les avoir longtemps engraissés afin de les rendre meil- leurs mais nous aimons mieux croire Azara et ne voir là qu’une calomnie. Toutefois cette coutume existe, dit-on, chez d’autres sauvages du Brésil, peu distants de là. Les Carios habitaient un village bien défendu, entouré de trappes, appelé Lambare et situé sous le 25921" 50" de L. 8. Ils reçurent les Espagnols à coups de flèches; lorsque après être descendus à terre sous la conduite d’Ayolas, ils se présentèrent pour faire des échanges avec eux. ‚Un combat assez vif commença aussitôt; mais les armes à feu des Espagnols le firent promptement tourner au désavantage des sau- vages. Ils s’enfuirent dans leur village et le défendirent pendant trois jours. La supériorité militaire des Européens l’emporta encore ici et les assaillants pénétrèrent dans la place après avoir perdu seize des leurs. Ceci se passait le jour de ’Assomption, 15 août 1536 ©. | Après avoir ainsi constaté la supériorité des Espagnols, les Carios se décidèrent à abandonner la résistance. On se disposa à fonder un établissement et on commença par construire, avec Vaide des Indiens, une grande maison fortifiée, située un peu au nord duthéâtre du combat, par 25° 1644". Ayolas et ses officiers v habitèrent, tandis que les soldats s’installerent autour dans des _baraques. Ce petit fort fut le commencement de la ville de VAssomption qui a pris son nom du jour ‘où eut lieu le combat des Espagnols avec lesCarios. A partir de ce moment les Indiens, convaincus de plus en plus de la supériorité des Européens, se prêtèrent de bonne grâce à leur rendre toutes sortes de services et conelurent une union intime avec eux en leur offrant et leur cédant leurs filles. Chaque soldat eut à son service deux femmes, les chefs trois et pluset Ayolas sept, dont la plus âgée avait à peu près 18 ans. Afin de s'attacher ses nouveaux amis, Ayolas promit aux Carios de les venger de leurs ennemis, les Agazes, qui avaient commis 32 | DÉPART D’AYOLAS POUR LE PEROU. quelques hostilités contre les Espagnols. Il concerta avec eux une expédition militaire contre ces derniers, à laquelle les Carios pri- rent part avec enthousiasme. 8000 Carios bien armés descendi- rent le fleuve avec 300 Espagnols commandés par Ayolas, pour aller chercher les Agazes et les battre. On arriva de nuit sur leur lerritoire et attendit prudemment jusqu’au premier jour. On tomba alors sur les habitants du village encore à moitié endormis et tua tout que l’on put atteindre, jeunes et vieux. Quelques-uns, qui s'étaient enfuis dans les fourrés voisins, demandörent grâce et reçurent leur pardon. Le roi avait expressément recommandé à tous les chefs de l'expédition d’epargner ceux qui se soumet- traient, de pardonner aux révoltés et de ne les châtier qu'après une troisième défection. On devait dans ce cas les condamner à l'esclavage. | Après ce massacre commis sans raison, simplement pour mon- trer sa force, Ayolas revint à l’Assomption avec ses gens. Il y resta six mois tranquille, occupé à l'achèvement de soninstallation. Il pensa alors à mettre à exécution la mission d'ouvrir une route vers le Pérou et s’apprêta à la remplir. Il équipa 5 petits navires avec 300 soldats et remonta le fleuve avec les meilleurs officiers et de nombreux Carios en qualité de serviteurs. Il descendait de temps à autre à terre pour se procurer des vivres frais chez les peuplades riveraines. Schmidt qui prit part à cette campagne les nomme et comme de coutume, décrit son voyage sans faire de remarques intéressantes. Les populations de la rive orientale, près de laquelle on resta, se montrèrent amicales et donnèrent ce qu'elles avaient pour contenter les Espagnols. Ontrouva(par 21°22) une haute montagne isolée, le Pan de Azucar actuel, que lon baptisa du nom de Monte de San Fernando, mais que les indigènes appelaient Itapucu-Guazu (grande montagne). Aprèss’êtreavancé encore d’une faible distance (jusqu’au 21° 5 de L. S.), on fonda, près d’un élargissement en forme de lac des rives du fleuve, une station sous le nom de Puerte de Candelaria. Ayolasıy laissa les deux meilleurs navires avec 50 hommes sous le commandement de Domingo Martinez de Irala, avec ordre d'attendre cinq mois son IL EST MASSACRÉ PAR LES INDIENS. . 33 retour. Les trois autres navires furent détruits et leurs matériaux, encoreutilisables employés à l'installation de la station. Lui-même se mit en route vers le nord-ouest et quitta le nouveau poste le 42 fevrier1537 avec 250 Espagnols et 300 Indiens. Schmidt resta sous le commandement de Irala et échappa ainsi au destin de cette lamentable expédition, dont un seul serviteur indien revint *. Au lieu deseingmois prescrits, Irala attendit pendant six mois révolus. Les vivres ‚et les munitions commencèrent alors à lui manquer et il sevit forcé de retourner à l’Assomption. Il fit encore une tentative pour avoir des nouvelles de son chef en remontant le fleuve sur une grande longueur. Il demanda aux populations riveraines des nouvelles des Espagnols; mais personne ne sut ou ne voulut lui en donner. Enfin, au point le plus éloigné de son voyage, il laissa une inscription commémorative de sa venue et retourna sur ses pas. La nouvelle station de Candelaria fut aban- donnée. Les Indiens de la contrée n’avaient voulu nouer aucune relation amicale ; leur caractère était loin d’être aussi traitable et . conciliant que celui des Carios de l’Assomption. On savait qu’on _sereferait promptement chez ceux-ci des privations du voyage. Tandis. qu'Irala attendait à Puerto de Candelaria le retour d’Ayolas, Juan Salazar y arriva avec deux navires encore assez tôt après le départ d’Ayolas pour lui transmettre la nouvelle de sa nomination au poste de capitaine général de l’expédition par VAdelantado, du retour en Europe de ce dernier, ainsi que les instructions secrètes et autres ordres. Sur l’ordre dé Mendoza, Salazar, ainsi que nous le savons (p. 27), était parti de Buenos- AyresavecGonzalo deMendoza et avait inspecté toutes les stations sur son chemin jusqu’à l’Assomption. Il laissa ici Gonzalo de Mendoza et continua seul son voyage pour aller trouver Avolas. Il ne rencontra plus qu’Irala dans le port de Candelaria, lui remit ses ordres.et papiers et revint à l’Assomption pour y délihéfer avec les autres officiers. Ici, il fut frappé de l'existence agréable des Espagnols, qui contrastait avec les misères de Buenos-Ayres, comme le purgatoire avec le paradis. Ilse fit un devoir d’en in- former ses compagnons.de misère de Buenos-Ayres. Il remit le REP. ARG. — L 3 34 FR. R. GALAN VIENT A L’ASSOMPTION. commandement des troupes de i’Assomption à Gonzalo de Men- doza et prit le chemin de l'embouchure de la Plata afin de trans- . mettre ces informations au juge Franz Ruiz Galan. Celui-ci avait été nommé commandant de la station de Buenos-Ayres par l’Adelantado avant son départ, et en cas de mort d’Ayolas devait lui succéder. La description que Salazar et ses soldats firent de la vie des Espagnols au Paraguay parut si alléchante à tous ceux de Buenos- Ayres, que Ruiz Galan se décida à y partir. Il désigna Juan Ortega pour le remplacer, quitta la station de l'embouchure de la Plata et arriva à l’Assomption avant qu’lrala fût encore revenu de son séjour à Puerto de Candelaria. Galan, se considérant comme investi par l’Adelantado de l’héritage d’Ayolas, le reçut comme son subordonné. Mais Irala refusa d’ob£ir, affirmant que la mort d’Ayolas devait d’abord être démontrée avant qu’il pût devenir capitaine général. Galan le fit enchainer et traiter comme rebelle. Les murmures des officiers et des soldats à la vue de ce traitement determinerent Galan, qui était peu aimé, à remettre Irala en li- berté avec la condition de retourner à Puerto de Candelaria pour ‘y attendre de nouveau Ayolas #. Ainsi fut fait, et ce fut pendant ce second séjour qu’il reçut la nouvelle certaine de la mort d’Ayolas par le retour de son serviteur à la station. Galan reconnut bientôt qu’il lui serait difficile de prendre une position solide à l’Assomption. Il se décida done à retourner à Buenos-Ayres pour y attendre les secours qui, selon toute vrai- semblance, arriveraient prochainement d'Europe, si cela n’était déjà fait. En passant à la station de Corpus Christi chez les Timbos, il n’y trouva plus les Espagnols et les Indiens dans leurs bonnes relations d'autrefois. Sur les suggestions de son greffier Pedro Fernandez et d’un prêtre Juan Pabon, le capitaine Alvarado, com- mandant du fort, avait mis à mort le Cacique etcausé un soulève- ment général des Indiens. Galan emmena les coupables avec lui à Buenos-Ayres, changea la garnison et donna le commandement de l’établissement à Antonio de Mendoza. Mais les Indiens tie montrerent plus le même empressement amical et commencèrent IRALA EST ÉLU GOUVERNEUR. 39 des machinations hostiles. Un Cacique se présenta comme un transfuge qui abandonnait ses compatriotes et demanda à être reçu dans le fort avec sa famille. En réalité c’était un espion. Les In- diens bloquèrent le fort et Antonio de Mendoza ayant succombé dans une sortie, les survivants abandonnèrent l'établissement sur deux navires qui leur étaient venus de Buenos-Ayres. Les Timbos detruisirent tout sans tarder “. Quelque temps après le départ de Galan de l’Assomption, Irala y rentra avec la nouvelle certaine de la mort d’Ayolas et de ses compagnons. La colonie, ainsi que nous lPavons vu plus haut, était gouvernée par Gonzalo de Mendoza, à qui Galan avait remis ses pleins pouvoirs. Lorsque la mort d’Avolas fut connue, la colonie ne seconsidéra plus comme obligée d’obéir aux ordres de Galan. On convoqua une assemblée générale des officiers et des soldats, et le 45 août 1538 on élut comme commandant supérieur Domingo Martinez Irala. Celui-ci accepta la nouvelle fonction et se décida à se rendre à Buenos-Ayres pour y aller chercher tous les autres Espagnolset donner à son autorité une confirmation indispensable en la faisant reconnaitre. de tous. Il se mitenroute sur quatre bri- gantins avec 200 soldats, parmi lesquels se trouvait Schmidt, etar- riva à Corpus Christi avant que le complot des Indiens eût encore éclaté. I recommanda au nouveau chef, Antonio de Mendoza, de se conduire avec la plus grande douceur, pour gagner la con- fiance des Indiens, lui laissa quelques-uns de ses hommes, parmi lesquels Schmidt, et continua son voyage vers Buenos-Ayres. Mais le coup de main prémédité fut mis à exécution bientôt après et amena la catastrophe dont nous avons dit quelques mots dans les pages précédentes *”. Lorsqu’lrala arriva à Buenos-Ayres avec ses compagnons, il y trouva tout dans le plus triste état. Les Espagnols étaient tenus dans un véritable blocus, soit par des bandes d’Indiens, soit par des bêtes féroces, de grands félins, qu'ils appelaient des tigres (Felis onca) et qui les empêchaient de sortir du camp pendant la huit. Il fallait la protection des soldats pour vaquer aux occupa- tions les plus journalières. Tout le monde était si affaibli et 36 ARRIVEE DE NOUVEAUX EMIGRANTS. épuisé par le manque de bons vivres, qu’on avait à peine la force de se ravitailler. | Quelques jours après l’entr&e à Buenos-Ayres des arrivants de Corpus Christi, on apprit qu’Alonzo de Cabrera, un des quelques Espagnols survivants, qui avaient accompagné Mendoza à son retour, venait d'aborder à Sa-Catharina avec deux grands navires richement chargés et destinés à Buenos-Ayres ®. On y expédia sur- le-champ un navire, sous la conduite de Gonzalo de Mendoza, | pour presser l’arrivée des secours. Ils arrivèrent enfin, et deux centsnouveaux émigrants quidébarquèrent relevèrent beaucouple courage des habitants de Buenos-Ayres. Avant que les approvi- _sionnements fussent consommés, on tint une assemblée géné- rale dans laquelle il fut décidé presque à l’unanimite qu'il fallait suivre les propositions d’Irala, abandonner l’établissement du Rio de la Plata et émigrer au Paraguay avec le matériel deguerre et tout ce que l’on pourrait emporter. On mit ceci à exécution vers la fin de l’année 1538. | Lorsque tous les Espagnols furent réunis à l’Assomption, un conflit s’eleva bientôt sur la question de savoir auquel des offi- ciers supérieurs, qui prétendaient à la suprématie, elle devait revenir régulièrement. Irala avait été élu gouverneur de la colo- nie à l’Assomption, mais il n'avait reçu aucune investiture de la seule personne qui püt lui donner l'autorité supérieure, l'Ade- lantado D. Pedro de Mendoza. Il avait simplement été désigné par Ayolas pour le remplacer, tandis que le juge Franz Ruiz Galan avait été institué gouverneur de Buenos-Ayres par l’Ade- lantado lui-même. Les troupes du fort Corpus Christi r#fusaient d’obeir à celui-ci, parce qu’Ayolas seul avait été leur chef su- prème. Quelques-uns des soldats de l'expédition de Cabot reve- nus du Brésil avec Alonzo de Cabrera voulaient se ranger sous les ordres d’Irala. Les officiers supérieurs de chäcun de ces partis prétendaient au poste de capitaine général. Comme ces discus- sions menacaient de devenir sérieuses, Cabrera fit connaître un édit royal du 12 septembre 1537 à Valladolid, dans lequel on conférait à la colonie, en cas de mort du chef nommé par Pedro ADMINISTRATION D’IRALA. 37 de Mendoza, le droit de se choisir elle-même un gouverneur. Ce cas étant réalisé depuis longtemps, d’un accord unanime on fit usage du droitaccordé, et à la majorité on élut Domingo Martinez Irala. C'était l'officier le plus aimé des soldats et beaucoup, sinon tous, le reconnaissaient comme le plus capable. La première élection d’Irala du 15 août 1538 se trouva donc confirmée. Le premier acte du nouveau gouverneur fut une revue géné- rale des hommes encore existants. Il s’en trouva à peine six cents de complötement valides. Plus de trois mille avaient déjà trouvé la mort sur les rives du Rio de la Plata et de ses affluents, en y comprenant les premières expéditions et les derniers arrivages. Son autorité bien reconnue, Irala s’occupa de la fondation d'une ville et de la construction des édifices publics les plus in- dispensables. Jusque-là la ville de ’Assomption n’était composée que de la maison fortifiée et des baraques dispersées à l’entour. . Ontraca des rues et des places publiques on commença la con- Struction d’une église et d’une maison de ville (cabildo). Les officiers supérieurs reçurent des lots de terre pour les engager à yeonstruire des maisons. Irala donna le bon exemple, et en qüa- lité de gouverneur il entreprit pour lui la construction d’une grande et riche maison. Les autres officiers l’imiterent à l’envi. _ On voit encore aujourd’hui quelques-unes de ces vieilles maisons solidement construites et qui ont duré depuis les premiers jours de l’Assomption. Les Indiens aidèrent beaucoup les ouvriers espagnols dans tous ces travaux. Comme ils n’étaient pas très- fatigants ils remplirent leur tâche avec zèle et souvent même avec dextérité. Il fallut bientôt aussi s’occuper des besoins de la religion, car Cabrera avait, sur l’ordre exprès de Charles-Quint, emmené avec lui quelques moines franciscains qui devaient en- seigner la religion chrétienne aux Indiens®. Aid& par eux, Irala institua des écoles pour les indigènes, plus particulièrement pour ceux qui étaient issus du commerce des Espagnols avec les femmes indiennes. D’après les lois coloniales, ces enfants étaient hommes libres et jouissaient des mêmes droits que les Espagnols de sang pur. Ils ne parlaient guère cependant que la langue de 38 UNIONS DES ESPAGNOLS AVEC LES INDIGENES. leurs mères, le guarani, qui devint la langue des écoles et bien- tôt aussi la langue vulgaire des gens du peuple. Elle s’est conser- vée ainsi jusqu'à nos jours. Ce fut seulement en 1872 que le gouvernement élu après la chute du dictateur Lopez, interdit la langue guarani dans les écoles. L'union des Espagnols avec les femmes indiennes donna à ces dernières une grande influence, non-seulement sur les Espagnols, mais encore sur leurs propres compatriotes, qui se considéraient comme honorés par ces allian- ces. Peu à peu il s'établit une sorte de régime patriarcal entre les Européens et les Indiens, qui reconnurent que l’homme blanc est supérieur à l’homme brun et est pour ainsi dire prédestiné par la nature à la domination. Malgré ces relations paisibles, l’ancienne haine contre ile Espagnols resta enracinée chez une grande partie des Indiens. Ils voyaient avec irritation leur domination s’étendre dans le pays et se promettaient en silence de s’en délivrer lors d’une occasion : favorable. Beaucoup de familles indiennes, qui n’avaient noué aucune alliance avec les Espagnols, se retirèrent dans les contrées les’plus éloignées à l’intérieur et menèrent, suivant les anciens usages, une existence indépendante dans les forêts dont le pays était couvert. D’autres, qui avaient déjà regu le baptème et s’é- taient laissé convertir au christianisme, soit par force, soit par indifférence naturelle, formèrent des communautés dans le voi- sinage des Espagnols, des villages appelés Réductions, avec des chefs pris parmi eux. C’est ainsi qu'après la conquête de Lambaré le village indien Yta fut fondé par les survivants dans le voisinage de l’ancien fort et que des communautés chrétiennes se groupèrent autour de l’Assomption. Des relations secrètes existaient entre toutes ces communautés ; elles s’étendaient jusqu’à l’intérieur, en sorte que les tribus sauvages étaient instruites de ce qui se pas- sait chez les Espagnols. Lorsque Irala, voulant tenir en haleine ses soldats et étendre les limites de sa domination sur les indigè- nes, entreprit une expédition contre les Yaperis fixés loin de là, pour les châtier de la part qu’ils avaient dû prendre au désastre d’Ayolas, et emmena avec lui loin de l’Assomption une grande COMPLOT DES INDIENS. gg partie des Espagnols, les Indiens pensèrent à se soulever. Mais le soulèvement resta à l’état de projet. Les Yaperis étant d'anciens ennemis des Carios, ceux-ci prêtèrent leur concours à l’expédi- tion, qui ne servit qu’à accroître la puissance des Espagnols. En marche on visita plusieurs tribus amies, les Ibitirucuys, les Tibi- cuaris et les Modos, afin de leur prouver par les yeux la puissance espagnole. Ges tribus de la grande famille Guarani étaient juste- ment celles qui pensaient à la révolte. Elles comprirent que le temps n’etait pas encore venu. | Une demi-année s’écoula encore jusqu’à ce que ce moment fût arrivé. Les Indiens attendirent que l’effet de l'expédition se fût effacé, bien que leur assujettissement ne fit que s’aceroitre et qu'ils eussent à supporter des traitements très-durs de ces rudes soldats espagnols, qui s’abandonnaient au plaisir d'exercer leurs caprices tyranniques. Ils se vengeaient ainsi sur les Indiens de la rigoureuse subordination dans laquelle eux-mêmes étaient tenus parleurs chefs, et assez souvent les pauvres Indiens étaient obli- gés d’avoir recours à ces derniers. Les fêtes de Pâques 1539 arri- vèrent et les Carios voulurent en profiter pour mettre à exécution leurs plans. Ils se trouvèrent à l’Assomption au nombre d'environ huit mille hommes, sous le prétexte de prendre part à la fête. Le complot devait être mis à exécution dans la nuit du vendredi saint. Heureusement le plan fut découvert quelques heures avant le moment fixé par une Indienne, fille d’un Cacique, qui vivait dans la maison du capitaine Juan Salazar et à laquelle un jeune Indien portait une grande affection. Il la conjura de s’enfuir avec lui: Comme elle lui en demandait avec instance la raison, il lui raconta le secret. Elle lui promit d’obéir le soir à son désir, mais se rendit sur-le-champ auprès de son maître et lui commu- niqua ce qu’elle avait appris. Gelui-ci en fit part aussitôt au gou- verneur; on battit le rappel général et en une demi-heure les chefs de la conjuration furent arrêtés5!. Convaincus de leur crime, on les pendit à l'heure même où le complot devait éclater. Cette conduite fit une profonde impression sur les Indiens. Ils 40 | FUSION DES RACES. ne pouvaient comprendre comment leur secret avait été connu des Espagnols et admirent que les blancs étaient en possession de pouvoirs surnaturels qui leur permettaient de voir Jusque dans le cœur de leurs ennemis. Ils se firent surtout une ‘idée exaltée de l'intelligence et de la justice du gouverneur, et à partir de ce moment obéirent volontiers à ses ordres. Après ces événe- ments ils montrèrent encore plus d'empressement à donner leurs sœurs et leurs filles aux Espagnols, et se considérèrent comme alliés avec eux, lorsque l’usage fut établi de designer ces relations de famille par le nom de beau-frère (cunado). Gette soumission est un trait dominant du caractère des Carlos et il se manifeste encore plus fortement chez les femmes que chez les hommes. Il se fit ainsi peu à peu une fusion complète entre les basses classes de la colonie, fusion qui ne fit que tendre à se reserrer de plusen plus à mesure que les nombreux métis, qui en résultèrent, de- vinrent plus âgés. Les officiers eux-mêmes et les hauts fonction- naires, en l’absence d’autres femmes, se virent contraints à des unions de cette sorte. Comme le gouverneur lui-même en donna le bon (?) exemple *, le mélange des races fut bientôt si général qu’on n’en connut et n’en distingua pas d'autre. Ce rapport entre les blancs et les gens de couleur s’est con- servé le même jusqu’à nos jours et a donné aux quelques familles blanches de sang pur une prépondérance considérable au Para- guay. Elle s’est manifestée dans l’oppression inouïe du pays par des individus tels que Franzia et les membres de la famille Lopez. Aucune autre colonie espagnole de l’Amérique méridionale n’est devenue, comme le Paraguay, aussi complétement la propriété d’un seul homme. La dernière guerre contre le jeune Lopez, qui pensait sérieusement à fonder dans sa famille une dynastie héré- ditaire, a encore prouvé assez clairement la soumission du peuple envers ses chefs. Ses soldats allaient au combat pour lui avec un vrai mépris de la mort, et bien que chaque jour et presqu’ä cha- que heure, ils fussent témoins des explosions de sa fureur sau- vage, contre laquelle sa sœur elle-même et sa mère n'étaient pas en sûreté ils ne l’abandonnèrent pas, mais l’accompagnèrent jus- ALVARO NUNEZ CABEZA DE VACA. Al qu'à la fin, lorsque depuis longtemps déjà tout espoir de succès était perdu: De la vient que les serviteurs paraguayens jouissent de la meilleure réputation. Les hommes sont très-estimés comme palefreniers, chasseurs et bergers. Ils se contentent de peu el travaillent plus qu’un Européen dans le même emploi. On vante chez les femmes une certaine grâce naturelle et un abandon de leur personne à celui à qui elles se sont données, qui va jusqu’à leur faire supporter l'oubli du côté de l’homme et les tient atta- - chées à leur affection aussi longtemps que possible. y ALVARO NUNEZ CABEZA DE VACA DEVIENT GOUVERNEUR DU PARAGUAY. 1540 —1544. Durant que ces événements se passaient au Rio de la Plata et au Rio Paraguay, on vit reparaître en Espagne un homme que Von eroyait disparu depuis longtemps et dont les aventures dé- passaient tout ce que les Espagnols avaient encore connu dans leurs expéditions en Amérique. Il prétendit avoir droit à des ‘secours de l'État, et comme on reconnut la légitimité de ses pré- tentions, on lui donna le gouvernement vacant de la nouvelle colonie au Paraguay, parce que dans le récit de ses aventures il avait prouvé qu'il connaissait les Indiens. Cet usage de l’adminis- tration d'envoyer dans les colonies éloignées des individus aux- quels on voulait du bien, ou que l’on désirait éloigner pour se débarrasser de leurs réclamations, sans s'inquiéter des besoins réels de la colonie et des droits des anciens venus, amena ici, comme cela était déjà arrivé par l’envoi de Pedraria à Castilla de Oro, de nombreuses difficultés et finit par la ruine de l'autorité de la couronne. Cet homme était Alvaro Nuñez Cabeza de Vaca, appelé ainsi d’après la famille de sa mère. Il était né à Xeres de la Frontrera et descendait de D. Pedro de Vera, qui avait découvert les îles Canaries pour la couronne d’Espagne. En récompense, on lui en 42 DÉPART DE CABEZA DE VACA. donna le gouvernement. Il y dépensa tout son avoir et se vit forcé, lorsqu'il revint de son poste, de laisser ses deux fils en gage à ses créanciers. Le gouvernement ne libera qu’assez tard les enfants sur les instances du père qui demeura longtemps en prison pour dettes. Notre Alvaro Nuñez était fils de l'aîné. Comme son grand-père, enflammé d’ardeur pour les expéditions maritimes, il accompagna avec le titre de payeur Panfilo de Narvaez, dansson voyage à la Floride, à la conquête de ce pays, au nom duquel se rattachaient des traditions fabuleuse. Mais il tomba, avec le reste de cette malheureuse expédition, entre les mains des Indiens, qui n’accordèrent la vie qu’à lui et à trois autres personnes, parmi lesquels son domestique noir. Alvaro Nuñez sut, princi- palement par ses connaissances médicales, si bien se faire respec- ter de ces Indiens, qu'ils en firent leur Cacique et lui laïissèrent la pleine liberté de ses mouvements. Il fonda là-dessus son plan pour échapper à cette prison princière. Accompagné de deux serviteurs, il partit à pied vers l’ouest, et après mille difficultés il arriva à Mexico, d’où il revint en Espagne. Dix années entières s'étaient écoulées pendant sa captivité chez les Indiens et son périlleux voyage. | En Espagne, il apprit l'issue de l’expédition de Mendoza, dont les tristes détails venaient d’être confirmés par Philippe de Caceres. Il se présenta pour y tenter une nouvelle entreprise à ses frais si la couronne voulait le laisser partir aux mêmes condi- tions stipulées avec D. Pedro de Mendoza. On accepta ses offres et nomma Alvaro Nufiez Gabeza de Vaca Adelantado de l'expédition et gouverneur de la colonie. Les préparatifs de toute sorte qu’une entreprise de cette nature exigeait , surtout à cette époque, retardèrent le départ jusqu’au 9 novembre 1540. A cette date, cinq navires avec quatre cents hommes et quarante-cinq chevaux sortirent du port deS. Lucar. On visita les Canaries , toucha aux îles du cap Vert et, retardé par les calmes plats de la zone équatoriale , on arriva assez tard au Brésil, dans le voisinage du cap Augustin (7° de L. S.). De là on continua la route le long de la côte jusqu’à Sa Catharina (28° IL PREND LA ROUTE DE TERRE. 13 de L. S.), où l'on arriva à la fin de mars. Le manque de provisions obligea PAdelantado à y demeurer longtemps, et il dut même en- voyer deux navires chercher des vivres dans les environs , parce qu'iln'en existait pas suffisamment dans l’île. Mais les deux na- vires furent jetés à la côte par une tempête et l’équipage put à peine se sauver sur les canots. Cette circonstance décida Alvaro Nuñez à abandonner son voyage au Rio de la Plata par mer et à s’y rendre par terre avec les plus dispos de ses hommes. C'était un véritable coup d’audace , qui ne pouvait naître que dans la cervelle d’un aventurier de son espèce. Son premier voyage à pied accompli seul lui faisait paraître peu difficile à traverser cette étendue, en apparence très-courte et seulement de 8 degrés de longitude. Il commença par passer en revue son personnel et trouva un total de sept cents individus, y compris les équi- pages des navires, plusieurs femmes et enfants. Il les divisa en deux troupes et envoya au Rio de la Plata les trois navires avec leurs équipages, les femmes, les enfants et les soldats les moins robustes, sous la conduite de Philippe de Caceres. Avec deux cent cinquante hommes éprouvés et vingt chevaux, il se mit en marche à travers le pays vers le Paraguay, un an après son dé- part d'Europe , le 2 novembre 1541. Ses apprêts furent exécutés avec beaucoup de prudence et de connaissance des besoins de la vie indienne. Il ordonna d’emporter une forge portative, invita chaque soldat à se charger, en outre de son matériel, de quatre livres de fer brut, pour en faire des pointes de flèche et de lance destinées aux Indiens. On espérait obtenir ainsi des vivres en échange de ces ustensiles, dont les sauvages, enfants des forêts, ont toujours besoin. Parmi les hommes qui accompagnèrent l’Adelantado dans ce voyage, se trouvait Alonzo Riquelme de Guzman, père de l’his- torien que nous avons déjà mentionné. Dans son Historia Argen- Lina , le fils nomme environ trente personnes de familles distin- guées, qui prirent part à l’expedition et dont plusieurs jouèrent un rôle important **. Mais le principal rôle dans le voyage appar- tient à deux Espagnols, anciens compagnons dé l'expédition de &i : MARCHE A TRAVERS LE BRÉSIL. D. Pedro de Mendoza. Ils avaient dü s’enfuir secrètement de la colonie de Buenos-Ayres, parce qu’à l’époque de la famine ils avaient mangé un camarade mort. Ces deux hommes connais- saient la langue des Indiens et savaient par leur propre expérience qu'il fallait peu compter sur le Rio de la Plata. Leurs récits confir- merent encore l’Adelantado dans son projet de voyage par terre. Alvaro Nuñez envoya à terre son facteur, Pedro de Orantes, et quelques hommes afin de reconnaître la meilleure voie à suivre. Il revint avec la nouvelle que les Indiens situés au nord-ouest étaient de mœurs paisibles et ne s’opposeraient pas à la marche. L’Adelantado se mit enfin en route le jour anniversaire de son départ d'Europe, 2 novembre 1541. Afin de transporter une partie des bagages en canot, il remonta la vallée du Rio Ita- pucu. Au bout de dix-neuf jours, on atteignit le pied de la chaine de montagnes du littoral qui sépare les terres intérieures de la zone maritime étroite el couverte de forêts. Les grandes forêts des pentes et les gorges rétrécies des ruisseaux qui en descendent opposèrent de grandes difficultés. Cependant, on atteignit au bout de dix jours la crête des hauteurs et l’on se trouva sur des pentes douces inclinées à l’ouest, appelées La Tatua. Elles se rattachent à la vallée du Rio Iguazu ou Curitiba, qui est le dernier grand af- fluent du Rio Paranä dans cette contrée. On arriva en cet endroit le 2 décembre. Les Indiens de cette contrée, dont on reneontrait les villages de temps en temps, se montrèrent hospitaliers. Ils apportaient pour les échanger des aliments, des fruits, des lé- gumes et des volailles. | La vue des chevaux des Espagnols leur causa une grande sur- prise, parce qu’ils n’ayaient jamais vu d'animaux d’aussi grande taille. Ils leur offrirent aussi des volailles à manger, mais comme les chevaux les dédaignèrent, tandis qu’ils dévoraient avidement le mais, les Indiens se moquèrent de leur sottise. Alvaro Nuñez, après avoir constaté que ces contrées n'avaient jamais été foulées par un pied européen , en prit possession pour la couronne d'Espagne avec les formalités accoutumées et baptisa le pavs du nom de sa famille, Vera. | DIFFICULTÉS DU VOYAGE. 45 Après un voyage de quatorze jours à travers ces contrées , l’ex- pedition atteignit le rivage du Rio Iguazu. On en descendit le cours et fut obligé de le traverser trois fois. D’après les obser- vations des pilotes qui faisaient partie de l'expédition, on se trouva le 24 décembre 1541 par 25° 30! de L. S. 5. Ce jour-là, on rencontra un Indien baptisé du Paraguay et on le prit pour guide. Après six jours de marche, l'expédition arriva au Rio Atibahiba , où l’on trouva des Indiens qui parlaient le Guarani , langue des indigènes du Paraguay. On resta plusieurs Jours chez eux et l’ons’en fit promptement des amis avec les pointes de lance et de flèche de fer. La route mena de là au Rio Ubuy, autre affluent du Curitiba. Pendant cette partie du trajet , l'expédition traversa de grandes forêts dans lesquelles croissait la conifère du Brésil (Araucaria brasiliensis), dont les soldats mangèrent les graines. La dernière partie du voyage: qui vint ensuite fut d'autant plus difficile qu’on traversa une contrée marécageuse plantée de grands bambous très-touffus (Tacuari), parmi lesquels on ne put qu’à grand’peine se frayer une route. Il n'existait plus de villages , les vivres se | trouvèrent bientôt épuisés. Avec la faim ils eurent encore à souffrir d’essaims innombrables de moustiques. Ils se nourrirent de grosses larves‘? dé la longueur d’un doigt, qui vivaient dans les débris de bambous tombés à terre, d'oiseaux , surtout de perro- quets, et de poissons pris dans le fleuve. Enfin, le convoi atteignit le Rio Pequiri, le 14 janvier 1542, où l’on trouva de nouveau des villages indiens, dans lesquels ils se refirent de leurs misères. Le 31 janvier, l'expédition traversa le fleuve, et après une marche peu longue arriva de nouveau sur les rives du Rio Iguazu ou Guritiba. On y trouva de nombreux canots et un village indien. Alvaro Nuñez y embarqua les plus fatigués de ses hommes ; mais les cascades qui barrent la dernière partie du cours de cette ri- vière l’arröterent. Il fallut tirer les canots à terre et les remettre à l’eau au-dessous des chutes. L’Adelantado lui-même resta à terre et suivit la rivière jusqu’à son embouchure dans le Paranä , que l’on atteignit vingt jours après le passage du Pequiri. Les Indiens de l'embouchure parurent d’abord vouloir se mon- 46 ARRIVÉE AU PARAGUAY. trer hostiles. Mais dès qu’on eut fait quelques présents aux Ca- ciques, ils devinrent très-empressés à venir en aide aux Espagnols. Ils leur aidèrent à traverser le fleuve et prêtèrent des canots pour embarquer les hommes les plus fatigués qui, sous la conduite de Nuflo de Chaves , durent descendre le Paranä pour remonter en- suite le Paraguay et arriver à l’Assomption sans plus de fatigues. Le passage difficile du Paranä se fit assez heureusement avec la- perte d’un seul homme , le seul de tout le voyage. Au delà, on remon{a le cours du Rio Monday et l’on atteignit la ligne de sépa- ration des eaux du Paranä et du Paraguay, la Sierra Ibiticuru , dont les forêts épaisses opposèrent encore quelques difficultés à la marche. Au delà, on rencontra les premiers Indiens sachant l'espagnol. D’après Guzman, ils accueillirent les voyageurs avec des manifestations de plaisir. Ils accompagnèrent la troupe jus- qu'au village d’Arecay , où l’Adelantado fit halte et dépêcha un messager à l’Assomption pour y annoncer son arrivée. Irala lui envoya sur-le-champ des compliments par les capitaines Juan de Ortega, Alonzo Cabrera et Juan Salazar, qui durent reconnaître l'autorité du nouvel Adelantado. Celui-ci les reçut amicalement et les renvoya bientôt à l’Assomption pour y préparer son arri- vée. Domingo [rala, accompagné des principaux de la ville, s’avança à la rencontre du nouveau gouverneur, et le 11 mars 1542, à neuf heures du matin, au milieu des acclamations de la population, il introduisit Alvaro Nuñez Cabeza de Vaca dans la capitale de son oouvernement *. | | Ce difficile voyage s’acheva donc d’une façon assez heureuse et avec des pertes insignifiantes5’. Mais ce bon début ne fut nul- lement le commencement d’un avenir aussi favorable pour l’Ade- lantado. Bientôt apparurent à l'horizon de gros nuages qui peu à peu s’entasserent sur sa tête et bientôt obscurcirent complétement le ciel brillant de sa destinée, ainsi que nous le verrons par la suite du récit. : suis an Le premier soin du nouveau gouverneur fut de faire reconnaître son autorité. Dans ce but, il fit venir tous les officiers de la colonie, leür présenta le brevet royal et tous les autres documents concer- EXPÉDITION D'IRALA AU NORD-OUEST. 47 nant sa nomination, leur fit prêter serment de fidélité, les chargea d’en informer leurs troupes et d'obtenir leur acquiescement. Aus- sitôt après cet acte solennel, il ordonna à Diego de Abreu de des- cendre le fleuve pour aller recevoir les hommes envoyés par navires à Buenos-Ayres et les conduire Al’Assomption. Abreu ren- contra les navires dans le voisinage de Corrientes actuel, mais en assez triste état. Les équipages avaient souffert de la disette, étaient amaigris et en partie malades. On se hâta d'atteindre l’Assomption pour s’y réparer le plus tôt possible. Le chef du dé- tachement , le regidor (*) Philipp de Caceres, eut une altercation avec le gouverneur, très-irrité en voyant le mauvais état des arri- vants. Alvaro Nuñez refusa de le reconnaître comme regidor , parce qu'il ne put présenter sa patente royale, prétendant l'avoir perdue en route. Lorsque les hommes furent débarqués et se furent reposés pendant quelques jours, le gouverneur commanda une revue générale dans laquelle l'effectif s’eleva à huit cents hommes, d’après Schmidt (1,300 d’après Guzman). Après la re- vue, il confirma tous les officiers dans leur grade et nomma Domingo Martinez Irala son Maestro de campo, c’est-à-dire com- mandant supérieur des troupes. Le nouveau gouverneur prépara ensuite une expédition pour remonter le fleuve. Comme D. Pedro de Mendoza, il donna comme instruction d'ouvrir une route directe avec le Pérou. Il en remit l'exécution à Irala, lui donna trois brigantins et quatre-vingts soldats , auxquels Irala ajouta huit cents Guaranis du village d’Ypane , parmi lesquels se trouvait leur cacique Aracaré. Irala s'avança jusqu'à un endroit appelé alors las Piedras partitas, au- jourd’hui Peñas hermosas, par 22° 24, et y fit halte. De ce point il envoya les Indiens, sous la conduite de leur cacique , à l’ouest dans les terres, afin d'explorer la contrée, pendant que lui-même continuait à remonter le fleuve avec ses Espagnols. D’après les indications d’Azara (Hist. d. Paraguay, I, 79), il dut s'avancer jusqu’au Puerto de los Reyes, par 17° 75° de L. S., c’est-à-dire (*) En espagnol fegidor signifie littéralement régisseur ; mais désigne habittellement un magistrat qui oceupe une charge au nom du roi, 48 = RÉVOLTE DES INDIENS. jusqu'aux grands marécages de Xarayes, dans le Matto Grosso ac- tuel, à la limite de la Bolivie. De ce point, il pénétra à quatrejours de marche à l’intérieur avec ses hommes et reçut là, par un mes- sager envoyé par le gouverneur, l’ordre de faire pendre le cacique Aracaré pour avoir rebroussé chemin avec ses gens, par-crainte des peuplades ennemies de l’intérieur. Irala revint sur-le-champ pour obéir à cet ordre, le mit à exécution et se rendit à l’Assomp- tion, où un grand incendie avait réduit plusieurs maisons en cendres (3 février 1543). Les seules informations qu’il rapportait au gouverneur se bornaient à la connaissance de l'existence de plusieurs grandes peuplades, dont il faudrait traverser le terri- toire avec des dangers continuels pour communiquer avec le Pérou. | | | Ces nouvelles persuadèrent Alvaro Nuñez qu’il devaitse mettre lui-même en route, s’il voulait réussir à quelque chose dans cette entreprise. Il ordonna de préparer une seconde expédition com- posée de neuf brigantins. Gonzalo de Mendoza et Antonio de Cabrera reçurent ordre de partir en avant avec trois brigantins. Ils devaient faire apporter par les Indiens de grandes provisions de vivres au point où l’expédition commencerait son voyage par terre, ce qui permettrait de s’avancer sans retards. Mais l’entre- prise fut retardée par un soulèvement général des Indiens d’Ypané, Garambaré et Atyrä, que l'exécution du cacique Aracare avait fortement irrites. Le gouverneur fut contraint d’envoyer Irala pour étouffer la révolte en faisant rentrer dans l’obeissance le père du pendu, nommé Tambaré, et de châtier les Indiens dont le projet avait été d'attaquer , après le départ du gouverneur, la ville de PAssomption de tous côtés et de l’andantir. Heureusement le complot avait encore été dénoncé à l’avance. Irala exécuta cet ordre avec succès ; il livra une bataille sanglante aux Indiens le 24 juillet 1543 , dans laquelle il perdit seize hommes et força Tambaré à demander grâce en faisant une complète soumission aux Espagnols. Après cette affaire, le gouverneur reprit son projet de voyage et se mit en route le 8 septembre. Il partit à la tête de cinq cents CABÉZA DE VACA SE MET EN ROUTE. + 49 Espagnols et deux mille Indiens montés sur dix brigantins et cent vingt canots. Juan Salazar, qui avait gagné toute sa confiance, fut laissé à la tête des trois cents restants. On attaqua d’abord, dans le voisinage de l’ancien havre de Candelaria , les Payaguas sur la rive occidentale du fleuve. Ils firent peu de résistance et s’enfuirent dans les forêts. En continuant de remonter le fleuve, on arriva bientôt chez la grande nation des Guasarapös, qui occu- paient, sous le 20° de L. S., un territoire de 120 lieues et ensuite dans la Bolivie actuelle, chez les Saracosis ou Jarais , qui possé- daient la région de Puerto de los Reyes (à peu près sous le 18° de L. S.). Ils marchaient nus et les femmes portaient une petite pierre , les hommes une grosse cheville de bois, dans un trou percé dans la lèvre inférieure. Ce port étant le dernier, le gou- verneur ordonna de continuer à remonter le Paraguay par terre. Il laissa en station auprès des navires, Juan Romero avec cent cinquante Soldats et dix-huit cavaliers ,et le 26 novembre 1543 il se mit en route avec le reste de sa troupe. Mais il s’apercut bien- tôt que les officiers , mécontents de cette expédition au milieu de contrées inhospitalieres et marécageuses , faisaient mal leur ser- vice et excitaient de mauvaises dispositions chez les soldats. Avec la confiance dans l’entreprise disparut aussi la santé des hommes; beaucoup se plaignirent de leurs fatigues et se déclarèrent inca- pables de continuer le voyage. Après une marche de dix-huit jours, Alvaro Nuñez se vit forcé de s'arrêter. Ilessaya encore d'envoyer plus loin Franz de Rivero avec quelques hommes de cœur. Celui-ci étant revenu après quelques jours en disant qu’une grande nation lui refusait le passage, il le renvoya une seconde fois avec une troupe plus forte et revint lui-même sur ses pas à la station de Puerto de los Reyes, sur le Rio Paraguay. Schmidt, qui accompagnait Rivero, raconte avec beaucoup de details les incidents de cette expédition. Il cite cinq nations, les Orejones, Acaras, Xarayes, Paresis et les Urteses, que l’on visita les unes après les autres avant d'arriver chez les derniers, qui étaient situés le plus au nord. Alors il fallut rebrousser chemin, parce que les vivres manquerent. Les Urteses paraissent avoir REP, ARG, — I. 4 oÙ RETOUR A L’ASSOMPTION. habité sur le Rio-Jaura, un des derniers affluents occidentaux du Rio-Paraguay, et le point jusqu’ou Rivero pénétra devait être situé dans le voisinage de la petite ville actuelle de Sa-Maria (à peu près 16° de L. S.). Schmidt raconte en effet que Rivero pénétra avec son canot dans un affluent, lorsqu'il arriva chez les Urteses. Ensuite on marcha à pied, mais on eut bientôt à souffrir d’une grande disette, le pays étant désert. Les hommes se nourrirent surtout de fruits, de racines et d'oiseaux. On resta trente jours dans cette contrée, au milieu de fondrières et de marécages, dans lesquels on avait souvent de l’eau jusqu’à la ceinture. Cependant on se trouvait encore récompensé par l'échange que les soldats purent faire de bagatelles, telles que couteaux, clous, miroirs, etc:, avec les nombreux objets d’or et d'argent que les Indiens portaient en parure. Le 30 janvier 1544, Rivero revint sur ses pas et rejoi- gnit par le mème chemin le point de stationnement du gouverneur sur le Rio-Paraguay.ll le trouva malade, en proie à des fièvres alternantes et très-mécontent de la longue absence de son envoyé. Il le mit aux arrêts et s’empara de tous les objets précieux rap- portés par les soldats. Gette conduite souleva un si grand mécon- tentement, qu’Alvaro Nuñez se vit forcé, pour l’apaiser, de remettre. Rivero en liberté et de rendre les objets confisqués. Dans ces circonstances, il devenait impossible de rester là plus longtemps ou de pénétrer plus en avant. Le gouverneur se décida donc à revenir et apprit seulement à l’Assomption les détails de la marche de Rivero et de ses compagnons‘. Les récits des soldats qui avaient accompagné Rivero et leurs objets en or excitèrent la cupidité générale et le désir de faire: une nouvelle tentative vers les contrées du nord-ouest. L’Adelan- tado, remis de sa maladie, avait reçu un rapport circonstancié de Rivero, ainsi que le plan d’une seconde expédition pour s'ouvrir une route jusqu'au Pérou. Cependant beaucoup murmuraient contre les services difficiles que le gouverneur exigeait d’eux, et les officiers étaient particulièrement mécontents de se voir troubles: dans la vie agréable qu’ils avaient menée jusque-là. Un meconten- tement marqué commença à reinplacer l’ancien accord et l’irrita- MÉCONTENTEMENT DES COLONS 51 tion générale contre Alvaro Nuñez s’accrut de jour en jour. Il voulut aussi s’immiscer dans la vie privée des Espagnols, et s’efforça surtout de faire cesser leur habitude de vivre avec plu- sieurs femmes et de traiter les hommes en esclaves; mais il fut très-1mprudent de toucher ce point le plus sensible des conqué- rants espagnols. En outre, les officiers, qui jusque-là avaient vécu entre eux et avec leurs soldats d’égaux à égaux, furent requis de se conformer à une sévère discipline militaire et d’obéir minu- tieusement à toutes sortes de règlements et aux fonctionnaires civils. Il tomba bientôt aussi en désaccord avec ceux-ci, en parti- culier avec le payeur, qui l’irrita le plus fortement. Il négligea aussi de suivre l’usage accoutumé de réunir en conseil général les officiers supérieurs et les fonctionnaires de la couronne dans les occasions importantes. Il donna des ordres émanant de sa volonté seule et irrita fortement contre lui les petits et les grands. Bientôt l'opinion générale considéra Alvaro Nuñez comme un homme dur, orgueilleux, qui n’entendrait jamais rien à l’administration d’une colonie, parce qu’il n'y avait jamais été revêtu d’un grade élevé ou n’en avait jamais connu de tel. Tout ce qu’il faisait ne devait aboutir qu’à gâter l'existence de tous et à les troubler dans leurs douces habitudes. Dès lors tout le monde lui fit obstacle dans ses entreprises et s’efforca de lui être désagréable en toute occasion possible. | Dans de pareilles circonstances, il était facile de prévoir que la seconde expédition ne réussirait pas mieux que la précédente. Mais elle put encore s'organiser, le mauvais vouloir général ne faisant encore que naître. Cabeza de Vaca équipa quatre brigan- tins, six grandes barques et plus de deux cents canots pour le transport de ses troupes. Il s’embarqua. avec cent cinquante Espagnols et environ deux mille Indiens. Comme la première fois, on remonta le fleuve à la voile et à la rame jusqu’au Puerto de los Reyes. Le gouverneur y fut de nouveau pris par la fièvre et s’y arrêta après avoir commandé aux navires et à la plupart des sol- dats de continuer à remonter le fleuve. On arriva d’abord à la grande île qui divise le fleuve en deux bras sous le 18° etle 19° de 92 NOUVELLE EXPÉDITION AU NORD-O UEST. L. S. Elle était habitée par les Orejones, grande et nombreuse nation, dont les individus petits et d'apparence chétive, suivant Schmidt, ne dépassent pas cinquante ans, à cause de l’insalubrité de leur climat. On y resta deux mois, attendant le cours de la maladie du gouverneur. Schmidt raconte que ce fut là que pour la première fois il revit l'étoile polaire dans la Petite-Ourse, perdue de vue depuis qu’il avait dépassé au sud les îles du Cap- Vert. Bien qu’on ne fut pas mal chez les Orejones, le gouverneur, dans sa mauvaise humeur, ordonna cependant, sous le plus futile prétexte, d'attaquer les Indiens et d’en massacrer le plus possible. Schmidt lui-même bläme cet acte comme sans cause et inhumain. La plupart des hommes furent tués, œuvre dont les Carios surtout se chargèrent; les femmes et les enfants furent mis en esclavage, transportés au Paraguay et distribués dans les villages (Azara, hist. d. Parag., 1, 196). Pendant ce temps, le détachement de l'expédition envoyé à la découverte était revenu sans résultat aucun. La grande chaleur, la vie au milieu de marécages où des millions de moustiques ne laissaient aucun repos, la mauvaise nourriture, qui faisait naître des maladies, le découragement et le mécontentement des hommes, les attaques de fièvre intermit- tentes qui tourmentaient sans cesse le gouverneur, toutes ces causes le forcèrent pour la seconde fois à renoncer à sa marche vers le Pérou et à songer au retour. On envoya encore quelques détachements en expédition chez les Indiens riverains du fleuve. Elles se terminèrent comme d'habitude par le meurtre et le pillage; mais le gouverneur ne put se délivrer ni de sa maladie, ni de son humeur sombre, croissante. Le chagrin de voir ses espérances trompées s’ajoutait à ses souffrances corporelles, et en se sentant abandonné par tous ses amis et partisans, il se laissa aller à un profond découragement. Schmidt et Guzman racontent encore quelques particularités sur expédition et donnent lesnoms des chefs qui commandèrent les razzias. Mais nous n’avons guère envie de reproduire ses récits, car ils aboutissent uniquement à prouver que le seul résultat de ces expéditions était le massacre inutile des Indiens, résultat dont les soldats eux-mêmes avaient DÉPOSITION DU GOUVERNEUR. | 53 honte. Schmidt avoue sans deguisement le traitement fait aux Orejones, qu'il nomme Surucosis. Il ne rougit pas de raconter qu’on en tua trois mille, brüla leur village et emmena en escla- vage environ deux cents femmes et enfants. On est bientôt fatigué de raconter ces scènes de carnage, accomplies le plus souvent sans aucune nécessité et qui étaient devenues une habitude chez les soldats. Il est incroyable que les Espagnols, qui par la réunion de leur pays avec l'empire d’Alle- magne tenaient la première place parmi les nations européennes et dans leur bigotisme religieux se donnaient pour le peuple le plus chrétien, aient pu se croire appelés à de semblables immo- lations et avec leur féroce prosélytisme en arriver à s’imaginer qu'ils faisaient tout cela en l'honneur de Dieu et de la religion chrétienne. Comment pouvait-on admettre que des hommes traités aussi cruellement que les Indiens ajouteraient la moindre foi dans la religion de leurs bourreaux. Ne devaient-ils pas plutôt mépriser les prêtres hypocrites, qui leur promettaient une vie supérieure, et cependant vivaient en bonne intelligence avec de pareils monstres. Jamais on n’a abusé de la religion d’une façon aussi exécrable que les Espagnols à la découverte de l'Amérique. Jamais il wa existé de conquérants plus impitoyables et de plus mauvais chrétiens (à l’exception peut-être des sectateurs vaudois et hugue- nots) que ne l’etaient ceux qui portèrent en Amérique les premiers enseignements de cette doctrine si douce et si humaine. Car christianisme et humanité sont synonymes, ou en d’autres termes le véritable esprit religieux ne va pas sans l'humanité. Cette seconde expédition de Cabeza de Vaca fut sa dernière en- treprise comme gouverneur. A son arrivée à l’Assomption, 8 avril 1544, il était si faible, qu’il pouvait à peine se mouvoir. Get état dura quatorze jours, durant lesquels il ne put quitter sa chambre. Les mécontents profitèrent de cet état d’immobilité et d’impuis- sance du gouverneur, et trois d’entre eux, le payeur Alonzo de Cabrera, son ennemi principal, le secrétaire du gouvernement Franz de Mendoza et un certain Garcia Venegas, pénétrèrent, durant la nuit du 26 avril, avec deux cents hommes armés dans oh CABEZA DE VACA EST RENVOYE EN ESPAGNE. sa demeure et le firent prisonnier. On l’enferma dans une prison solide, où on le retint comme un malfaiteur jusqu’à ce qu’on eût achevé la construction d’un navire destiné à le transporter en Espagne, pour le remettre aux mains du roi avec les plaintes de la colonie. Dix mois se passèrent ainsi, pendant lesquels Cabeza de Vaca vécut dans une rigoureuse séquestration sous la garde de ses ennemis. Lorsqu'une nuit on le tira enfin de sa prison pour le conduire au navire, il s’&cria plusieurs fois qu’il nommait Juan Salazar pour successeur au gouvernement; mais on l’embarqua sans l'écouter et le navire partit aussitôt, emportant ses accusa- teurs, qui continuèrent à le traiter comme un prisonnier‘. VI ADMINISTRATION DE DOMINGO MARTINEZ IRALA 1544 — 1557. L’emprisonnement arbitraire du gouverneur Cabeza de Vaca jeta la pomme de la discorde dans la colonie du Rio-Paraguay et en arr&ta pour longtemps le développement paisible. Une partie des officiers et soldats lui resta fidèle, accusa de trahison ses adversaires en se considérant comme représentant du bon droit, Les rixes entre les deux partis devinrent si fréquentes, que beau- coup d'habitants n’osaient plus sortir seuls dans les rues, où ils auraient été exposés à être attaqués et massacrés par leurs adver- saires. Les conqurés étaient les plus nombreux et opprimaientleurs adversaires. Il y eut plusieurs véritables combats dans les rues. Les Indiens voyaient tout cela avec une joie secrète et formerent bientôt le plan d’un nouveau soulèvement général qui éclata un peu plus tard. HrATTON EN Afin de légitimer et régulariser leur conduite, les conjurés et leurs partisans choisirent, lelendemain de l’incarcération du gou- verneur légitime, Domingo Martinez Irala pour gouverneur et le proclamèrent chef de la colonie. Irala n’était pas présent à ce IRALA EST CHOISI POUR GOUVERNEUR. 99 moment; Cabeza de Vaca, peu de temps avant sa déposition, l'avait envoyé en expédition contre les Carios d’Acay encore insoumis, qui lui donnèrent beaucoup à faire. Schmidt faisait partie de l'expédition et en donne un récit détaillé. Irala partit avec trois cent cinquante soldats et arriva vers le soir près du théâtre de ses opérations. On demeura tranquille pendant la nuit, caché dans les fourrés, et attaqua les ennemis le lendemain à sept heures. Le combat fut sérieux, car les Espagnols y perdirent dix hommes. Il fallut assiéger le village fortifié des Indiens, situé dans le voisinage du grand lac Ypacarai (aujourd’hui Aregua). Ce siege dura trois jours et on massacra tout, hommes, femmes et enfants. Beaucoup d’Espagnols furent blessés. Il fallut encore s'emparer d'un second village mieux fortifié, appelé Acaraiba, sur l'emplacement de Tobati actuel, au delà des hauteurs qui limitent le lac au nord-est. Irala y fit halte pour attendre des renforts de l’Assomption, où il avait envoyé ses blessés. Les Espagnols s’em- parèrent du village et forcèrent le cacique Tabaré à la soumission. Alors Irala étant tombé malade, on dut rebrousser chemin. Il se fit porter en litière et ses soldats pillèrent tout ce qui se trouva sur leur route. C’est à ce retour qu’il apprit les événements de l’As- somption, ’emprisonnement de Cabeza de Vaca et son élection. A son arrivée, Irala était encore malade et se tint éloigné de toutes les affaires. Il bläma dans ses paroles la conduite des con- jurés, mais ne fit rien contre eux et ne repoussa pas leur choix. I fit des appels à la tranquillité et à la concorde, et plus tard, lorsque les hostilités et les rixes continuèrent, il prit de rigou- reuses mesures pour en arrêter le cours. Il se vit bientôt forcé à une seconde expédition contre le cacique Tabaré. Il remonta par cau le fleuve jusqu’à l'embouchure du Rio-Jeguy (à peu près sous le 2% de L.S.), pour attaquer Hieruquizaba, résidence du cacique. Il s’empara de lui après un combat sérieux et l’obligea à se sou- mettre une seconde fois. Les Yapirus, qui vivaient en hostilités avec les tribus du nord et qui accompagnaient [rala, rapporterent environ mille têtes coupées à leurs ennemis. On se contenta de tuer les hommes en laissant la vie aux femmes et aux enfants. 96 BONNE ADMINISTRATION D’IRALA. Après cette expédition, tous les membres de la nation des Carios se trouvèrent soumis et elle fut le dernier combat livré contre elle. Depuis lors, il n’éclata plus aucun soulèvement contre la domination espagnole dans cette contrée et la conquête du Para- guay peut être considérée comme achevée. On répartit les Indiens dans des villages surveillés (Reductions), dans lesquels on. les “tenait dans une demie (Mityos) ou dans une complète (Yanaconas) dépendance, suivant le degré de leur soumission. Ces villages furent attribués, soit au fisc, soit à certains officiers supérieurs, soit aussi à l’église, qui en disposèrent comme de vassaux ou de serfs, suivant le sort réservé à chacun d’eux. Ces partages prirent le nom de repartimentos. Le revenu (encomiendas) de chaque lot appartenait à celui qui l'avait reçu, mais seulement à titre viager ‘?, Lorsqu’ Irala fut revenu de cette seconde expédition et eut ainsi assuré la tranquillité de la colonie au dehors, il s’appliqua sérieu- sement à son organisation intérieure. Il chercha d’abord à ar- ranger les rivalités et hostilités qui duraient encore entre les officiers, et le 22 septembre 1545 il publia une ordonnance sévère pour y mettre fin par la force ‘. Il y réglait aussi les rapports des soldats avec les Indiens. Depuis le commencement de l’année 1546, un meilleur esprit régna dans la colonie et on commença à s'occuper des affaires autres que les expéditions guerrières. Le gouverneur donna surtout son attention à la construction de la ville et à l'établissement des villages et propriétés particulières dans les environs. Son but était de faire naître l’agriculture et l'élevage des bestiaux, industries encore inconnues, qui devaient fournir des ressources assurées à la colonie. Il.ne dépouilla ce- pendant jamais entièrement la nature guerrière du conquérant. Il pensait toujours à l’exécution du vieux projet de se frayer une route du Paraguay au Pérou et commença les préparatifs au com- mencement de l’année 1548. L'expédition se trouva prête en août. Irala la conduisit comme on avait fait des précédentes, mais avec plus de prudence. Il arriva jusqu'aux limites du territoire péruvien, mais n’en retira aucun autre bénéfice que d’être venu IRALA VA AU PEROU. 57 jusque là, car le vice-roi ne lui permit pas de pénétrer sur son territoire. Dans cette-expédition, Schmidt suivit encore son chef, qui paraît lui avoir accordé une confiance particulière, sans doute en sa qualité de non Espagnol. Le récit qu’il nous donne de ce voyage, est très-circonstancié. Mais nous n’en donnerons qu’un court extrait, parce qu'il n’a qu’un rapport éloigné avec notre histoire. D’après Schmidt, Irala se mit en route avec ses soldats et de nombreux Indiens comme serviteurs et aides. Une moitié était embarquée, l’autre moitié, en partie montée à cheval, marchait à terre. On se dirigea ainsi vers le nord jusqu’au Pan de Azucar (21° 23 de L. S.), où on obliqua vers l’ouest, après avoir laissé 90 hommes à la garde des navires. Le voyage s’accomplit heu- reusement. On visita plusieurs peuplades indiennes, telles que les Abayas, Guanas, Maigenos, Carcocios, etc. Puis on traversa un grand fleuve, le Rio Guapay et atteignit enfin la frontière du Pérou. Alors Irala fit halte et envoya des messagers au vice-roi D. Pedro de la Gasca, pour l’informer de son arrivée. Mais celui- el lui fit répondre qu'il ne pouvait pas entrer dans le pays avec ses gens, decrainte que la présence des nouveaux arrivés ne vint rejeter dans des nouveaux troubles la colonie, à peine calmée à la suite de la chute de Gonzalo Pizarre. Il lui commanda de re- tourner au Paraguay et d’y attendre ses ordres, qu’il lui ferait parvenir en même temps que la nomination d’un nouveau gou- verneur. Irala revint sur ses pas avec cette réponse assez décou- rageante et, rentra à la fin de 1549 à l’Assomption, tout aussi mécontent que Cabeza de Vaca au retour de son inutile ex- pédition. 4 Lorsqu'Irala fut arrivé à l’Assomption et voulut entrer dans la ville, il en trouva les portes fermées et s’aperçut que la colonie menacait de se. dissoudre. Des séditieux s'étaient emparés du gouvernement et repoussaient l'autorité d’Irala, comme ils l’a- vaient déjà fait de celle de Cabeza de Vaca. Irala occupa toutes les avenues, tint la ville bloquée et lui coupa les vivres. Bientôt beaucoup de transfuges passèrent dans son camp et abandonnè- 58 RÉVOLUTION A T’ASSOMPTION. rent les révoltés. Ces derniers, voyant la fin de leur domination usurpée, se retirerent secrétement avec cinquante soldats qui leur étaient restés fidèles, et Irala put rentrer sans difficultés dans la ville pour en reprendre le gouvernement. En peu de mots voici les causes qui avaient amené ces événe- ments. Avant son départ pour le Pérou, Irala avait laissé l’'admi- nistration à Franz de Mendoza, cavalier de haut rang, ancien page près de Ferdinand, frère de Charles-Quint. Irala n’étant pas en- core revenu après une année révolue, Mendoza réunit les officiers et les principaux fontionnaires civils. Il leur représenta qu’lrala avait sans doute succombé, comme Ayolas, et ne reviendrait pas, et leur proposa de le nommer gouverneur à sa place. Mais Diego de Abreu et ses partisans lui fit opposition parce qu’il était en hostilité déclarée avec Mendoza. On admit cependant comme certaine la mort d’Irala et donnant suite à la proposition de Men- doza on élut Abreu comme gouverneur. Les deux prétendants armèrent leurs partisans; mais les troupes plus nombreuses d’Abreu écrasèrent leurs adversaires. Mendoza fut fait prisonnier, accusé de rébellion contre l’autorité légale et exécuté publique- ment sur la place de l’Assomption. Abreu se conduisit comme un véritable gouverneur jusqu’au moment où l’arrivée d’Irala le renversa comme nous l'avons raconté. Il s’enfuit de la ville avec ses partisans dans les forêts au nord-est et y mena une véritable existence de brigand. Appelé par Irala à se soumettre, il refusa pour lui-même; mais plusieurs de ses compagnons, parmi les- quels les officiers Ortiz de Vergara et Alonzo Riquelme de Guz- man, père de l’historiographe, acceptérent le pardon offert, et plus tard se réconcilièrent si complétement avec Irala qu’il leur donna deux de ses filles en mariage. [rala envoya contre Abreu et les autres un détachement conduit par Escaso. Ils surprirent les révoltés dans leurs huttes au milieu de la forêt et les mirent à mort. Avant ces derniers événements, à l’époque où Irala tenait blo- quée la ville de l’Assomption, il fut rejoint par Nuflo de Chaves, qu’il avait laissé derrière lui à titre d’envoyé auprès du vice-roi N. DE CHAVES AMÈNE LES PREMIÈRES CHÈVRES. 09 du Pérou, D. Pedro de la Gasca. Il rapportait un refus définitif. Mais ce qui*était plus intéressant pour la colonie, il était accom- pagné de 6 cavaliers et 40 soldats et ramenait quelques chèvres destinées à l'élevage. Elles furent la souche d’une nombreuse postérité, dont les descendants peuplent encore aujourd’hui le Paraguay. Chaves, homme astucieux et intrigant, épousa la fille de Franz de Mendoza et exigea la punition des meurtriers de son beau-pere. Irala la lui promit et la fit exécuter en envoyant Escaso et ses soldats. Peu de temps après la rébellion d’Abreu et de ses compagnons, Ulrich Schmidt, auquel nous avons tant emprunté dans notre récit des événements, quitta la colonie de Paraguay et retourna en Europe, où il arriva au commencement de l’année 1554. I partit par terre en traversant le Brésil. Il quitta l’Assomption le 96 décembre 1559, le jour saint Etienne, descendit le Paraguay jusqu’à sa jonction avec le Paranä, remonta cette rivière jusqu'aux limites des possessions portugaises au Rio Jaguy (?), et de là con- tinua son voyage à pied par le pays des Tupis et de plusieurs autres peuplades jusqu’à la côte au cap Saint-Vincent (24° de L.S.), oùil arriva le 13 juin 1553 (jour saint Antoine). Ruy Diaz Melgarejo, un des compagnons d’Abreu, qui s'était enfui avec lui dans les forêts, mais avait échappé aux poursuites avec trois autres Espagnols, se joignit à Schmidt, sur le Rio Panarä. Accompagnés de quel- ques Indiens, ils s’ouvrirent une route à travers les déserts. Les Espagnols restèrent au Brésil, Schmidt continua son voyage. Il S’embarqua sur un navire allemand et emporta avec lui plusieurs rapports d’Irala au roi d'Espagne, dans lesquels il faisait le récit des derniers événements survenus dans la colonie °*. Il les remit à Séville au chef de l’administration coloniale dans la Casa de las Indias | Lorsque les troubles, que la rivalité des officiers supérieurs avaient fait naître ici, comme dans toutes les autres colonies es- pagnoles, furent apaisés, le Paraguay jouit de la tranquillité pen- dant quelque temps. Irala fut reconnu gouverneur sans contestation et s’eflorça de mériter la confiance générale par de bonnes insti- 60 EXPÉDITION AU DELA DU RIO-PARANA. tutions. De temps à autre il fitencore quelques petites campagnes contre les Indiens, mais il encouragea aussi t'ès-sérieusement ses compatriotes à se livrer à des travaux pacifiques, favorisa l'agriculture et se montra pressant pour l’accomplissement de mariages réguliers avec les femmes indiennes. Il voulait créer une génération légitime et faire disparaître l’ancienne habitude, conservée par les simples soldats, d’avoir plusieurs concubines. Durant ce temps de tranquillité il vint à l’Assomption quel- ques Indiens de la grande famille des Guaranis, qui habitaient au delà du Rio Paranä à l’est dans une province nommée Guayra. Ils demandaient assistance contre leurs anciens ennemis, les Tupis, situés plus au nord. Afin d'étendre son autorité dans cette direction, Irala les reçut amicalement, équipa une troupe et par- tit avec eux dans leur pays. Il traversa le Rio Paranä un peu au dessous de la grande cascade (Salto de Guaira, 24 de L.S:). De là il remonta le fleuve jusque chez les Tupis, dans la région du Salto de Ayembi. Il leur livra une bataille, gagnée aisément et les forca à promettre de ne plus attaquer les Guaranis. De là, Irala envoya Juan de Molina en Espagne par le Brésil avec des rapports pour le roi. Lui-même revint avec ses gens par une autre route. Mais ıl éprouva beaucoup de difficultés dans cette marche à travers des forêts épaisses et sans routes. Il fallut tra- verser plusieurs rapides du Paranä, qui rendaient impossible la navigation sur radeaux ou canots. Au-dessous de la grande ca- taracte il se sépara des malades et des hommes affaiblis après les avoir embarqués sur le Paranä, sous la direction d’Alonzo de Encina. Lui-même revint à l’Assomption par la route directe. Pendant cette marche, il apprit d’Indiens qui habitaient dans le sud sur le Paranä, qu’une nouvelle expédition espagnole venait d'entrer dans l'embouchure de La Plata. | | Avant de continuer notre histoire et celle de cette expédition, il nous faut parler ici d’un épisode de la colonisation, qui eut pour résultat d'introduire au Paraguay le bétail si utile et si nécessaire. Nous avons à remonter à l’époque du retour en Europe du gou- verneur deposé, Cabeza de Vaca. Il était accompagné et gardé ARRIVÉE DE NOUVEAUX COLONS D’ESPAGNE. 61 par plusieurs officiers supérieurs chargés de justifier les événe- ments. Il s'en trouvait aussi d’autres du parti adverse, qu’on avait éloignés de crainte de les voir susciter des troubles dans la colonie. Au nombre de ces derniers était Juan de Salazar, un des principaux partisans du gouverneur et désigné par celui-ci comme son successeur au dernier moment. Le procès lui fut dé- favorable, la couronne reconnut justifiée sa déposition et lui nomma pour successeur Juan de Sanabria. Mais celui-ci mourut avant les préparatifs. Son fils Diego voulut continuer l’entreprise, mais ne se trouva pas en état de subvenir aux frais nécessaires. Alors Juan de Salazar, qu’il avait recommandé à plusieurs de ses amis, hauts fonctionnaires de la cour, reçut la permission de prendre part à l'expédition. Avec son expérience acquise, il en prit la direction et persuada à la veuve de Sanabria de l'accompagner avec ses deux filles Maria et Mencia ainsi que plusieurs autres seigneurs et dames de la noblesse espagnole. La traversée ne fut pas heureuse ; on éprouva plusieurs avaries et bien qu’on eût déjà atteint la Laguna de los Patos (31° de L. S.), le naufrage d’un navire arrêta toute l'expédition. Une partie des voyageurs, parmi lesquels les dames, se sépara des autres, revint sur ses pas sous la conduite de Hernando de Trejo et vint aborder à l’île de San- Francisco sur la côte du Brésil, où elle voulait fonder une colo- nie. On obéissait ainsi aux prescriptions mêmes du roi qui voulait assurer des communications plus faciles avec le Paraguay. Mais on y tomba bientôt dans une grande misère. Les dames surtout eurent à souffrir d’un manque absolu de tout comfort européen. On se décida done à gagner l’Assomption par terre comme Pavait fait Cabeza de Vaca. On exécula le projet avec de grandes souf- frances, qui retombèrent surtout sur les dames; mais enfin on arriva à l’Assomption où l’on fut très-mal reçu. Irala fit empri- sonner Hernando de Trejo qui avait épousé Dona-Mencia. Il lui reprochait de n'avoir pas montré assez d'énergie à exécuter l’ordre du roi de fonder une colonie à San-Francisco. La seconde moitié de l’expédition, sous la conduite de Juan de Salazar, remonta encore plus au nord à Saint-Vincent et y trouva 62 IRALA ÉTABLIT UNE COLONIE SUR LE RIO-PARANA. Ruy Diaz Melgarejo qui, fugitif à la suite de la révolte d’Abreu, était venu là avec Schmidt et y vivaitavec les sauvages Tupis. Les nouveaux venus se mirent sous sa direction et passèrent deux années tant bien que mal, jusqu’à l’arrivée d’un navire, com- mandé par un gentilhomme, du nom de Becerra, qui voulait faire des découvertes pour son propre compte. Il avait emmené avec lui ses deux filles Elvira et Isabella, pour le soutenir dans son entreprise ou du moins l’encourager par leur présence. Melgarejo demanda la main d’Elvira et l’obtint. On vécut là dans l’isole- ment jusqu'à ce qu'il devint insupportable à tout le monde. Alors cette moitié de l'expédition prit à son tour la route du Pa- raguay par terre sous la conduite de Melgarejo. Plusieurs! cava- liers, entre autres deux Portugais, Cipio.et Vincente de Goes, s’y joignirent. Ges derniers, gens prévoyants et habiles spéculateurs, emmenèrent avec eux sept têtes bétail. Ils les confièrent à un serviteur du nom de Gaete, avec promesse de lui laisser une des 6 vaches, s’il les amenait toutes saines et sauves au Paraguay. Il réussit. Hommes et animaux arrivèrent tous à l’Assomption en 1599. De ces 7 têtes dérive la nombreuse postérité de beaux bestiaux qui peupla bientôt les plaines du Paraguay. T Après l’arrivée de ces deux convois, Irala, voyant sa colonie fortement accrue etembellie par la présence charmante de dames espagnoles, se décida à lui donner plus d’étendue et à se con-. former de son côté au souhait de la couronne d’ouvrir une com- munication, directe avec l’Oc&an. Déterminé par les fréquentes hostilités dans lesquelles les Guaranis au delà du Paranä l’entrai- natent avec les Indiens voisins, et guidé par le désir de devancer les Portugais qui s’avançaient de plus en plus vers le sud et de leur opposer une digue, il décida l'installation d’une colonie sur la rive orientale du Rio Paranä, dans le voisinage de la grande cascade. Il chargea de l’exécution son beau-fils Franz de Vergara, en 1999, peu après l’arrivée du second convoi. Gelui-ci pritavec lui des ouvriers et des soldats en nombre suffisant et fonda, à l'embouchure du Rio Pequiri dans le Rio Paranä, au’ dessus du Salto de Guayra, une ville qu'il appela Ontiveres du nom de son ARRIVÉE DU PREMIER ÉVÊQUE A L’ASSOMPTION. 63 pays d’origine. Mais Irala rappela Vergara peu après à l’Assomp- tion et la nouvelle colonie fut abandonnée l’année suivante. Nous revenons dans notre récit à larrivee d’Espagne de la nouvelle expédition dont la venue avait été annoncée au gouver- neur Irala par des Indiens à son retour de La Guayra. Elle était composée de trois navires, sous la conduite du procureur royal Martin Orue, un des compagnons de Nuñez Cabeza de Vaca, lors de son retour en. Europe. Il avait reçu mission de Cabrera de veiller sur le prisonnier. Entre autres immigrants, il amenait le premier évêque: Pedro Fernandez de la Torre, avec son cortége de prêtres %. Par une imitation présomptueuse du Christ, celui-ci entra à l’Assomption le jour des Rameaux 1555. Irala le reçut solennellement, des larmes de joie dans les yeux et lui baisa la main. Orué apportait en outre à Irala sa confirmation par le roi de gouverneur de la colonie. Le lendemain, Irala réunit tous les officiers, soldats et principaux habitants de l’Assomption et leur annonça ces grandes nouvelles. _ Le premier acte d’Irala, après avoir reçu sa nomination offi- cielle, fut d'organiser régulièrement le régime intérieur de la co- lonie. Il distribua les Indiens soumis dans quatre cents enco- Mmiendas.®* et en donna une ou plusieurs à chaque officier, suivant son rang, opération dans laquelle il réussit difficilement à satis- faire tout le monde. Il rédigea un règlement précis, d’après lequel les maîtres devaient régler leurs rapports avec leurs subordonnés et qui leur prescrivait un traitement, humain. Il institua de nou- velles écoles pour les enfants de ces gens et s’efforça avant tout de réglementer les relations des gens de couleur et des blancs, de façon à empêcher tout acte d’oppression de la part des der- niers et à organiser la société mélangée, dont se composait la colonie, d’une manière satisfaisante et équitable pour tous. Irala prit ıes: meilleures mesures pour atteindre ce résultat. Après avoir ainsi réglé les affaires intérieures de la colonie, Irala tourna de nouveau ses regards en dehors. Il était surtout préoccupé par l’idée de fonder un nouvel établissement sur la rive, orientale du Rio-Patanä, afin d'établir une communication 64 RÉVOLTE DE LA COLONIE DU RIO-PARANA. plus prompte et plus commode avec la mère patrie. Il y envoya donc une nouvelle expédition, sous les ordres de son second beau- fils, Pedro de Segura, et lui prescrivit en même temps de s’empa- rer des derniers échappés de la révolte d’Abreu et de les mettre hors d’&tat de nuire. Ils habitaient dans les forêts entre le Rio- Paraguay et le Rio-Paranä et enlevaient toute sécurité aux com- munications avec l’Assomption. Ségura trouva le reste des indi- vidus de la colonie d’Ontiveres en grande agitation. Commandés par un certain Nicolas Colman, d’origine anglaise, ils lui refusè- rent le passage du fleuve et l’attaquèrent même de nuit dans son camp, en sorte qu’il se vit forcé de retourner à l’Assomption. Quoique très-mécontent de cet insuccès dans son plan, Irala ne put pas envoyer une seconde expédition. Il donna ordre à Segura de se rendre à l'embouchure de la Plata, avec des dépèches pour le roi. Elles devaient être emportées par un navire arrivé d’Es- pagne depuis peu, sous la conduite de Estevan de Vergara et qui se disposait à partir. Segura revint promptement à l’Assomption, ramenant avec lui plusieurs cavaliers, entre autres D. Geronymo Acosta et ses deux filles. L’une de celles-ci avait épousé Philipp de Caceres et venait avec lui au Rio de la Plata. On n’a pas oublié cet officier, qui était regidor sous Cabeza de Vaca et avait été un des principaux auteurs de sa chute. Il avait atteint son but de punir son ancien chef et il revenait maintenant sur le théâtre de ses premières actions. | Irala s’eflorça d'installer aussi bien que possible dans la colo- nie les gentilshommes nouvellement arrivés et reprit son projet de coloniser la province de La Guayra, au delà du Rio-Paranä. Il confia cette opération à Nuflo de Chaves, dont il avait reconnu l'énergie, et lui recommanda avec instance de châtier les révoltés. Celui-ci justifia entièrement cette confiance, rétablit prompte- ment l’ordre dans l’établissement et assujettit tous les Indiens de Ja famille Guarani. Il s’avanca loin à l’est, jusque sur le territoire portugais, où. il remporta une chaude bataille sur les Tupis et revint avec un succès complet et pouvant annoncer qu'il avail rendu la tranquillité et solidement fondé la colonie de La Guayra. MORT D’IRALA. 65 Cette heureuse réussite détermina Irala à toujours tenir ses hom- mes occupés à .de nouvelles expéditions analogues, afin qu’ils fussent toujours prêts à être mobilisés. Il en prépara deux et donna le commandement de l’une à Ruy Diaz Melgarejo et de la seconde de nouveau à Nuflo de Chaves. Il envoya la première à l'est dans la Guayra, la seconde au nord dans la région de Xerayes. fa ep: Lorsque Melgarejo fut arrivé à Ontiveres, ikne trouva pas con- venable l'endroit où l’on avait placé la ville. Il décida de la repor- ter plus au nord, à l'embouchure du Rio-Pequiri dans le Rio- Paranä et y fonda, en 1557, une ville qu’il appela Ciudad-Real. Mais cet endroit n’était pas mieux approprié pour en faire un centre de population. Les habitants furent tous attaqués des fièvres intermittentes, causées par l’atmosphère, tenue constam- ment humide par les deux fleuves. Beaucoup y moururent et les autres abandonnerent la place. Elle se dépeupla de plus en plus, jusqu’à ce qu’enfin les derniers habitants furent transportés par Al. Rig. de Guzman, dans sa nouvelle ville de Xeres. Nuflo de Chaves avait été chargé de coloniser les Xarayes; mais il lui parut plus important d'établir une communication avec le Pérou, où il avait déjà vécu. Peu après son départ de l’Assomption, il apprit la mort d’Irala et ne se crut plus obligé d’obéir à ses instructions. Son expédition n’amena aucun résultat avantageux pour la colonie du Paraguay; nous en renverrons donc le récit aux notes”. Ainsi que nous venons de le dire, le gouverneur Domingo Marti- nez Irala mourut des suites d’un refroidissement, peu de temps après le départ de Nuflo de Chaves.Il s'était rendu au village indien Yta pour y presser les ouvriers occupés a confectionner la char- pente d’une chapelle. Il y fut pris d’une violente diarrhée, qui ne voulut point céder aux moyens accoutumés. Le vieillard, âgé de soixante-dix ans, s’affaissa promptement et se vit forcé de se faire rapporter à l’Assomption sur une litière. Il mourut au bout de quelques jours, au commencement de l’année 1597. On ne con- naît ni le jour de sa naissance ni celui de sa mort. Tout le monde REP. ARG, — 1. 5 66 SON ROLE CONSIDÉRABLE. pleura sa mort, car 1! était généralement respecté et, ce qui dit beaucoup en faveur de son caractère, il n’avait aucun ennemi personnel parmi ses compagnons. La colonie du Paraguay lui doit sinon sa fondation première, au moins sa solide et définitive installation. Ce fut grâce à sa prééminence personnelle qu'il put étouffer les germes de rivalité entre les divers officiers supérieurs et les faire tourner au profit général. S'il avait beaucoup des défauts qui caractérisent tous les conquérants espagnols de cette époque , d’un autre côté il traita les Indiens beaucoup plus hu- inainement que Pizarre et Cortez lui-même, et par son exemple les sujets conquis furent traités plus équitablement qu’on ne le faisait alors chez les Espagnols. Aussi Azara le place-t-il avec raison à côté de ces heureux conquérants et pense que, si son nom n’est pas devenu populaire comme les leurs, il faut en rechercher la raison dans le fait qu’il n’existait pas au Paraguay de florissants royaumes comme ceux que Cortez et Pizarre renversèrent si rapidement **. VII SUITE DES ÉVÉNEMENTS AU PARAGUAY DEPUIS LA MORT D'IRALA JUSQU’A LA MORT DE DE GARAY. 1558 — 1584. La mort d’Irala précipita la colonie dans des troubles analo- gues à ceux qui avaient suivi l’emprisonnement de Cabeza de Vaca. Il n’existait aucune personnalité pour prendre la succession d’Irala. Les mêmes rivalités entre officiers supérieurs reparurent, comme elles se montrent partout où la prééminence personnelle d’un homme ne ‚ımt pas retenir les subordonnés dans les limites nécessaires de la modération. ; A son lit de mort, Irala avait désigné son gendre Gonzalo de Mendoza comme son successeur. Les officiers présents respecté ORTIZ DE VERGARA DEVIENT GOUVERNEUR. 67 rent ses dernières volontés, parce que Gonzalo était un homme généralement estimé et aimé de tous. Il commence: yar 'nformer les deux absents, Melgarejo et Chaves, de la moı! di: souverneur et de sa nomination et les requit de le reconnaître. Melgarejo le fit, mais Chaves s’y refusa. Il continua à marcher vers le Pérou pour son propre compte et se fit reconnaître par le vice-roi comme conquérant indépendant, ainsi que nous le racontons dans la note 67. | L'administration de Gonzalo de Mendoza ne dura qu’une demi- année. Il tomba malade en juillet 1558 et mourut au bout de peu de jours. Nous n’avons à signaler pendant ce temps qu’une ré- volte des Agazes, qu'il réprima promptement en envoyant Garcia Morquera contre eux. On choisit pour gouverneur un autre gendre d’Irala, D. Franz Ortiz de Vergara. Il était venu au Paraguay avec Cabeza de Vaca, et plus tard avait pris part à l’entreprise d’Abreu. En vertu d’un mandat royal, l'évêque le confirma et le consacra. D'abord, tout demeura tranquille, mais quelque temps après. les Xarayes au nord du Paraguay se soulevèrent sous la conduite de deux enfants énergiques du cacique Curupirati. On les appelait Paul et Nazaro et ils entretinrent pendant deux ans une guerre contre les Espa- gnols, dans laquelle les succès furent partagés, mais finalement se termina par l’assujettissement des Indiens. Le 3 mai 1560 les Espagnols remportèrent une victoire complète, et répartirent les Xarayes, comme les Guaranisau Paraguay, dans des réductions comme encomiendas pour leurs maîtres. Une autre révolte des In- diens de la Guayra, où Ruy-Diaz Melgarejo commandait toujours, se termina de même. La guerre dura ainsi deux ans et fut pour Alonzo Riquelme de Guzman, père de l’historiographe et qua- trième gendre d’Irala, une occasion de se distinguer ‘*. Le gou- verneur, son beau-frère, l'avait envoyé au secours de Melgarejo, et en l’année 1562 il rentra à l’Assomption en héros victorieux. Après ces succès, la paix régna partout dans la colonie. Ver- gara forma le projet d'envoyer une ambassade en Espagne pour y porter au roi un rapport sur la situation du Paraguay et en 68 NUFLO DE CHAVES REVIENT DU PÉROU. obtenir la confirmation de son titre de gouverneur. Il choisit pour porteur son vieil ami Melgarejo, avec lequel il avait pris part à la révolte d’Abreu, et désigna Alonzo Riquelme de Guzman pour le remplacer à la Guayra. Melgarejo vint à l’Assomption avec sa famille en 1563, afin de se préparer à son voyage en Espagne. Mais il dut attendre longtemps, car le navire qui devait le trans- porter était encore en construction, et lorsqu'il fut achevé et prêt à mettre à la voile sur le fleuve, il fut entièrement consumé par un incendie allumé la nuit. On soupçonna que le feu avait été mis à dessein, mais sans pouvoir le prouver”. Il fallut renoncer à l'ambassade, surtout lorsqu'un nouveau soulèvement des Indiens eut éclaté au nord du Paraguay. Le foyer de la révolte était cette fois plus à l’est, dans la région du Rio Yaguarei, qui se jette dans le Paranä (entre 21° et 22° de lat. sud). Le gouverneur équipa trois corps de troupe contre eux. Il se mit à la tête du premier, donna le second à Melgarejo et le troisième à Segura. On s’a- vança par le sud, l’ouest et le nord vers le pays en révolte, et les trois colonnes, en se réunissant sur le cours supérieur de la ri- vière nommée, rétablirent promptement la tranquillité dans le pays. Peu après la fin de cette expédition, Nuflo de Chaves vint à l’Assomption, accompagné de nombreux amis armés, pour em- mener sa famille et ses biens dans sa province. Il ne pouvait guère attendre un bon accueil, d’abord parce qu’il avait désobéi à son mandat et avait fondé pour lui-même une colonie ; ensuite parce que, en sa qualité de gendre de Franz de Mendoza exécuté publiquement, il avait poussé Irala à exercer des poursuites con- tre les partisans d’Abreu et que le parti des poursuivis se trou- vait maintenant en possession du pouvoir et de la force. Dans ces circonstances il chercha à se gagner l’évêque de la Torre, qui venait de bannir Melgarejo pour le meurtre d’un prêtre. Il maria son beau-frère Diego de Mendoza avec sa nièce et mit ainsi fin aux vieilles inimitiés. Chaves raconta tant de merveilles de ses nouvelles possesssions et des richesses du Pérou, que l'évêque et le gouverneur furent curieux de les voir par eux-mêmes. Il LE GOUVERNEUR ET L'ÉVÊQUE VONT AU PÉROU. 659 devint bientôt intime avec le gouverneur et lui persuada d’aller au Pérou pour se faire confirmer dans son gouvernement par le vice-roi. L'évèque serallia à ce projet et se déclara prêt à accom- _ pagner le gouverneur. Le voyage fut donc décidé, etl’on en poussa les apprèts jusqu’au 8 septembre 1564 où l’on put enfin se mettre en route. Cent vingt Espagnols, parmi lesquels plusieurs des premiers cavaliers, remontèrent le fleuve accompagnés de leurs serviteurs indiens sur vingt et un petits navires. Nuflo de Chaves les accompagnait avec son escorte pour guide. Elle demeura à terre et eut le soin de veiller à reconnaître les meilleurs endroits de halte. On arriva ainsi jusqu’à l'embouchure du Rio Mbotetey (aujourd’hui Rio Mondego ou Miranda, 19° 26 de lat. sud), près de la Laguna Guato (ou Guano). Chaves persuada aux Indiens de. cette contrée de l’accompagner en grand nombre pour venir habiter dans son gouvernement. Il est facile de comprendre que cette conduite ne plut guère au gouverneur du Paraguay, qui la considéra comme un rapt commis sur son territoire. Aussi on ne tarda pas à se quereller et Chaves se sépara des autres, sous le prétexte d'aller veiller aux appröts pour recevoir les voyageurs dans son gouvernement , mais en réalité pour donner l’ordre de retenir le gouverneur et l’évêque durant que lui-même se ren- drait à Lima y prendre les ordres du vice-roi. Il gagna à sa cause ce dernier, en faisant valoir les services rendus par lui à son fils, qui était devenu gouverneur du Chili. Il reçut du vice-roi la promesse d’être nommé gouverneur des provinces qu'il avait administrées jusqu’à ce jour pour son fils. Pendant ce temps, Vergara arriva seul à Lima,-sans l’évêque. Il y fut mal reçu par le vice-roi, qui le bläma durement d’avoir quitté son gouverne- ment sans la permission du roi. Il lui reprocha, en outre, d’avoir oublié ses devoirs de fonctionnaire et d’avoir nui par son voyage au progrès de sa province, en entrainant à sa suite tant de gens utiles ailleurs. Le vice-roi le déposa et le retint à Lima, afin de l’envoyer en Espagne pour y être jugé. Telle fut la triste fin du gouvernement de D. Franz Diego Vergara. Pendant cela, l'évêque était à Chuquisaca, où il attendait le retour de Vergara. Au lieu 70 NOUVELLE REVOLTE A LA GUAYRA. de cela, il reçut avis de sa deposition et de la nomination d’un nouveau gouverneur, dont il pouvait attendre l’arrivée pour retourner avec lui au Paraguay. Le vice-roi nomma pour nou- veau gouverneur Juan Ortiz de Zarate et lui permit de se rendre d'abord en Espagne pour y obtenir les conditions stipulées par lui pour la prise de possession du gouvernement du Paraguay. Durant le voyage du gouverneur Vergara, la colonie du Para- guay ne jouit pas du repos nécessaire à son progrès. Les colons de la Guayra, qui s'étaient déjà révoltés une fois, se révoltèrent une seconde fois contre Guzman, sous la conduite d’un certain Esca- lero, comme ils s'étaient révoltés contre Pedro de Segura. On ‚avait trouvé dans cette province quelques grosses calcédoines dont la cavité était tapissée de brillants cristaux de quartz et d’ame- thyste. Elles sont assez communes dans le Rio Paraguay et attirent encore aujourd’hui l'attention des immigrants. On crut ces pierres très-précieuses et l’on résolut d’aller en Espagne pour _les yvendre cher. Guzman voulut s’y opposer, peut-être parce que lui-même croyait la trouvaille très-précieuse et voulait la retenir pour le fisc. Les colons, conduits par Escalero, se révoltèrent contre lui et le réduisirent à envoyer demander aide à l’Assomp- tion. Le vice-gouverneur, don Juan Ortega, envoya Melgarejo au secours de Guzman. Mais Melgarejo, qui voyait avec deplaisir Guz- ‘man à la place que lui-même avait occupée, prit le parti des re- belles et força Guzman à aller Al’Assomption pour y justifier sa conduite. Ge voyage ne fut pas simplement un outrage pour Guzman, mais encore plein de dangers, car Melgarejo, homme violent et méchant, d’après les dires de l’historiographe Guzman, avait excité contre lui les Indiens pour le faire tuer par eux. Guzman put cependant arriver à l’Assomption. Après lui arriva aussi son ancien rival, Philipp de Caceres, qu'il devait détester d’une façon spéciale en sa qualité de neveu du gouverneur déposé, Cabeza de Vaca. Il venait comme remplaçant du nouveau gouver- neur Ortiz de Zarate, qui l’avait chargé d’administrer le Paraguay durant son voyage en Espagne. Non-seulement Guzman justifia ses actes auprès de lui, mais encore il se réconcilia avec Caceres J. ORTIZ DE ZARATE EST NOMMÉ GOUVERNEUR. 71 qui le renvoya à la Guayra et rappela Melgarejo, qui, en sa qua- lité de frère de Vergara, devait être son ennemi naturel. Caceres devait gouverner le Paraguay pendant que Vergara était prisonnier à Lima et que Zarate allaiten Espagne pour y prendre possession de son titre dans les conditions stipulées par lui. Mais leur plan échoua et les conduisit tous deux à leur ruine. Jean Ortiz de Zarate était un homme devenu promptement riche au Pérou. A cetitre il jouissait d’une grande influence, mais se faisait illusion sur les conditions qu’il voulait imposer à son acceptation du gouvernement du Paraguay". Contre la pro- messe que ce gouvernement lui appartiendrait jusqu’à la troi- sième génération, il s’engagea à dépenser 24000 ducats à l’amé- lioration de la colonie en installant, dans un délai de trois ans, au Paraguay 200 familles de cultivateurs et d'artisans espagnols, avec 4000 têtes de bétail, 500 chevaux et 500 chèvres, offres qui par le fait étaient inexécutables. Comme nous l'avons dit, il partit en Espagne et désigna pour le remplacer Philipp de Caceres, qui était venu à Chuquisaca à la suite du gouverneur Vergara et de l’évêque de La Torre. Cest là qu'il avait fait connaissance de Zarate et tramé avec lui et quelques autres le plan de la déposition de Vergara. Lorsqu'ils eurent réussi, Cace- | res fut chargé d’administrer le Paraguay jusqu’à l’arrivée du nouveau gouverneur et revint avec l’évêque de La Torre et le reste de l'expédition après une absence de trois ans (1567). Lors- qu’on fut arrivé à la station des navires près de la Laguna Gato, Caceres fit-embarquer l’évêque et sa suite. Lui-même prit la route de terre en suivant le fleuve et eut dans cette marche, le 12 novembre, une chaude affaire avec les Indiens, qui voulaient lui barrer la route. Après les avoir battus on continua sans obs- tacle le voyage vers l’Assomption, où l’on arriva au commence- ment de l’année 1568. Il se forma aussitôt deux partis qui se firent une guerre vio- lente comme au temps de l’emprisonnement de Cabeza de Vaca, auquel Caceres avait eu une grande part. Les uns prirent le parti du gouverneur déposé Vergara et se recrutèrent surtout parmi 72 RÉVOLTE CONTRE CACERES. les anciens amis de Cabeza. Les autres se rallièrent autour de Caceres ; ces derniers élaient ses anciens compagnons et com- plices. L’eveque de La Torre et tout le clergé, qui rendait Caceres responsable des humiliations et des souffrances dont leur supé- rieur avait été abreuvé durant le voyage, se joignirent à ses ad- versaires. Melgarejo, frère de Vergara, se mit à leur tête. Il était encore à la Guayra, où il fut déposé par Caceres et remplacé par Guzman, ainsi que nous l’avons déjà dit. Mais Melgarejo refusa d’obéir. Il laissa Guzmanentrer sur son territoire, le fil prisonnier et leva ouvertement le drapeau de la révolte contre Caceres ; mais celui-ci n’était plus à l’Assomption ; il était parti pour ’em- bouchure de la Plata pour y recevoir le gouverneur Zarate ou au moins lui choisir un bon lieu de débarquement. Il revint après en avoir cru trouver un à l’île San Gabriel. Il y laissa une bou- teille bouchée avec des dépêches et une inscription comme signe dereconnaissance. Il reprit ensuite la route de l’Assomption. En y entrant il trouva la moitié de la population en révolte et y apprit la rébellion de Melgarejo. Il reconnut qu'il n’était pas en état de résister à ces deux attaques et retourna sur-le-champ à la Plata pour y attendre l’arrivée du gouverneur et profiter des ren- forts qu’il amenerait pour réprimer la sédition. Mais Caceres devait encore se voir frustré dans ses espérances. Le nouveau gouver- neur tardait à arriver. Il se vit forcé, s’ilne voulait pas abandonner toute la colonie à ses ennemis, de revenir à l’Assomption avec la petite troupe de ses fidèles pour y tenir têle aux révoltés. Il s’en- toura d’une garde du corps de 50 hommes armés, sans lesquels il ne sorlait plus. [ls l’accompagnaient même à la messe, où il se rendait régulièrement. Ses ennemis l’attaquèrent dans une de ses sorties ; Franz del Gampo s’empara de sa personneetl’enferma dans le couvent des moines mendiants. On le soumit à une garde rigoureuse, enchaîné et attaché à un gros bloc, qui ne lui per- mettait pas de changer de place. Caceres, qui avait été le princi- pal promoteur de la ruine de Cabeza de Vaca, subit la même mauvaise destinée. Martin Suarez de Toledo, que Caceres avait désigné pour le JUAN DE GARAY. | 73 remplacer pendant ses deux voyages à l'embouchure de la Plata et qui avait vécu en assez bonne intelligence avec ses compa- triotes, voulut maintenant procéder à l'élection d’un gouver- neur. Une assemblée générale convoquée par lui lui donna sim- plement le titre de lieutenant-général du gouverneur absent, Juan Ortiz de Zarate. Il destitua de nouveau Melgarejo de son poste de la Guayra. Celui-ci céda, quitta la Guayra, remit son emploi à Guzman qu’il tenait prisonnier, et se rendit à l’Assomp- tion pour se justifier. I fit la paix avec Martin Suarez. Vers cette époque apparaît pour la première fois dans notre histoire le nom de Juan de Garay, à qui la colonie dut autant qu’à Irala, et qui seul, parmi les officiers ses contemporains, paraît m'avoir jamais oublié le bien public pour son intérêt personnel. Suarez l’envoya fonder une station sur le fleuve où les navires trouveraient, en remontant ou descendant, un lieu de refuge et de secours dans la nécessité. Comme Irala, De Garay était de la Biscaye (Vizcaino, comme disentles Espagnols), et s'était attaché à son com- patriote legouverneur Zarate, originaire de la même province. Ce- lui-ci, de son côté, luiaccordaitune confiance toute particulière ??. Ce fut sans doute à titre d'homme de confiance qu’il fut attaché à Philipp de Caceres, lorsque celui-ci partit du Pérou pour y aller préparer l’arrivée du gouvernenr et le remplacer. Un autre na- viré fut expédié en mème temps pour transporter le prisonnier Caceres en Espagne. Melgarejo s’offrit spontanément à être le commandant du navire pour se venger sur Caceres de sa destitu- tion ”. L’ev@que de La Torre lui-même voulut faire le voyage pour aller appuyer de son autorité auprès de la Couronne les plaintes contre Caceres, qu’il poursuivait d’une haine infatigable depuis l'expédition du Pérou. En outre des hommes et des vivres nécessaires, De Garay emmena encore du bétail qu’il fit descendre le long de la rive orientale du Rio Paranä. Il suivit ensuite le prisonnier Caceres avec son petit navire pour lui servir de gar- dien. On arriva ainsi jusqu'aux limites de la province actuelle d’Entrerios. De Garay s’arrêta ici et laissa Melgarejo continuer son voyage avec son prisonnier. [ltransporta ensuite son monde 74 © FONDATION DE SANTA FE. et son bétail au delà du fleuve et commença, à l'abri de la rive orientale, sur un petit affluent du Paranä, à peu près sous le 31° de L. S. la fondation d’une ville, le 25 novembre 1573, et la baptisa du nom de Sa Fé de la Vera Cruz. Elle était située à l’en- droit où se trouve aujourd’hui Cayesta ”*. L'autre navire, comman- dé par Melgarejo, avec Caceres et l’évêque de La Torre, sortit sans difficultés de l'embouchure de la Plata et longea les côtes du Brésil jusqu’à S. Vincent, où Melgarejo avait vécu auparavant et fait la connaissance de sa femme (p.62). Ons’yarrêtaquelquetemps pour se procurer des vivres frais et l’on fit descendre à terre le pri- sonnier afin de ne pas le perdre de vue. L’évêque lui-même dé- barqua pour se reposer. Caceres trouva moyen de se lier avec quelques Portugais et les persuada de le mettre en liberté. Il réussit. On empêcha Melgarejo de continuer le voyage avee le pri- sonnier et le força à rester chez ses anciens amis, et Caceres dut continuer seul son voyage en Espagne pour s’y présenter en homme libre. En se voyant ainsi traité, l’évêque mourut d’effroi et de chagrin. Caceres se rendit en Espagne avec le navire, justifia entièrement ses actes et fut acquitté de toutes les plaintes. | Pendant ce temps, Juan Ortiz de Zarate avait achevé en Espagne tous les préparatifs préalables à son entrée en possession de son gouvernement, et le 17 octobre 1572 il partit de San Lucar. Il emmenait avec lui 100 noirs des deux sexes, les premiers eselayes nègres qui arrivèrent au Rio de la Plata. La traversée fut des plus malheureuses. Un des navires, séparé des autres par latem- pète, arriva au cap S. Vincent le 10 mars 1973. Il y trouva Mel- garejo avec quelques fidèles qui n’avaient pas voulu l’abandonner. Ils reprirent tous ensemble la route du Rio de la Plata. Le gros de l’escadre, après de nombreuses péripéties, atteignit l'ile Sa. Catharina. Elle avait perdu 300 individus, hommes, femmes et enfants. A partir de là, le voyage se continua heureusement; on arriva sans nouvelles pertes dans la vaste embouchure du fleuve et jeta l'ancre à l’île S. Gabriel, où l’on trouva les instructions de Caceres dans une bouteille enterrée au pied d’une grande croix. Le gouverneur, se conformant aux indications de Caceres, voulut J. ORTIZ DE ZARATE ARRIVE A LA PLATA. 75 fonder une station dans cette île. Il en fit commencer les apprêts et débarqua des hommes et des barraques dans ce but. Lorsque les Charruas de la contrée virent ces préparatifs, ils concertèrent avec leurs compatriotes une attaque générale contreles Espagnols, Ils tombèrent en grand nombre sur les débarqués et tuèrent dans le combat deux officiers supérieurs et 80 soldats. Cet événement fit abandonner à Zarate son projet. Il rembarqua toutson monde et le matériel et voulut passer sur l’autre côté du fleuve pour voir s’il n’y serait pas plus heureux. Un cacique des Guaranis, qui ha- bitaient les îles plates, entre les bras de l’embouchure du Pa- ranä, vint alors l’avertir que des établissements espagnols exis- taient plus haut sur le fleuve et que De Garay était occupé à la fondation de Sa Fé. Cette nouvelle fit grand plaisir à Zarate. Il envoya sur-le-champ par le même cacique une lettre à De Garay, avec prière de venir le trouver avec autant de vivres qu’il en pourrait amener. En même temps il le nommait chef des nou- veaux etablissements. | De Garay, occupé en ce moment par l’arrivée des Espagnols de l'expédition de Cabrera, ne put pas quitter la station. Il expédia cependant tous les vivres disponibles dans le bas fleuve pour ra- vitailler Zarate et commanda a Hieronymus Luis Cabrera, occupé en ce moment à la fondation, dans l’intérieur du pays, de la ville de Cordova, de se retirer hors de son territoire qui s’étendait jusqu’à l'embouchure du Rio Carcarañal. Il l’avertissait en même temps de l’arrivée du gouverneur Zarate et de sa nomination comme chef des établissements dans cette région du Rio Pa- ranä. Cabrera, déterminé par l’arrivée du nouveau gouverneur Zarate, obéit pour le moment, mais il déposa à la cour de justice (au- diencia) tenue à Charcas une plainte contre De Garay, l’accusant d’avoir empiété sur son territoire. Mais la cour jugea l'affaire à son détriment et attribua tout le rivage du Rio Paranä au gou- vernement du Paraguay, en renfermant Cabrera dans l’intérieur, comme relevant du gouvernement de Tucuman. Avant que les secours de De Garay fussent arrivés, le gouver- x 16 ZARATE VIENT A SAN SALVADOR. neur Zarate fit une seconde halte à l’île Martin Garcia pour y attendre l’envoi de De Garay. Il y fut rejoint par le navire qui ra- menait Melgarejo de St.-Vincent au Rio de la Plata et qui apportait quelques provisions de bouche. Zarate et ses compagnons accueil- lirent avec plaisir ce secours et surtout l’arrivée d’un homme aussi familier avec le pays que l’était Melgarejo. Le gouverneur le chargea aussitôt d'aller en avant et de se procurer des vivres où il pourrait. Melgarejo remonta le Paranä et rencontra son beau-frère De Garay dans les environs de l’ancien fort S. Espi- ritus. L’ancien ressentiment au sujet du meurtre de sa femme fut mis de côté et on fit le possible pour subvenir aux besoins du gouverneur , près duquel Melgarejo retourna. Il le trouva très- mécontent; une tempête lui avait détruit deux navires. Cet endroit fut donc jugé impropre à l’installation d’un établissement et Zarate chargea Melgarejo de chercher une meilleure place sur le Rio Uruguay. On informa aussi De Garay de cette décision. Il recut le message sur le Rio Paranä dont il descendait lentement le cours, rassemblant des vivres de tous côtés. Il remit les navires chargés au messager pour les conduire au gouverneur , qui les attendait à l’île Martin Garcia et remonta lui-même dans le Rio Uruguay, pour y aider Melgarejo dans sa mission. Il le trouva à l'embouchure du Rio S. Salvador où Cabot avait déjà construit un fort (p. 9), après avoir repoussé les violentes attaques des Char- ruas , qui faisaient payer aux Espagnols chaque pied de terrain au prix d’un combat, De Garay et ses hommes aiderent à recons- truire le fort de Cabot, et lorsqu'il fut rendu à peu près habitable il alla chercher le gouverneur pour le lui remettre. Zarate vint promptement, trouva l’emplacement favorable et prit possession du pays au nom de la couronne d’Espagne en le baptisant du nom de Biscaya. Il nomma aussitôt un alcade et des regidores pour la nouvelle ville de S. Salvador. Il éleva son ami De Garay au grade de lieutenant-général pour tout le gouvernement et l’envoya à l’Assomption pour y annoncer son arrivée et y faire connaître sa nouvelle dignité. De Garay partit avec Melgarejo et rassembla en route autant de SON ENTRÉE A L'ASSOMPTION. 77 vivres que possible pour les envoyer à S. Salvador par Melgarejo. Malgré cela la disette se fit bientôt sentir dans cette ville. On souffrit de faim comme autrefois avec D. Pedro de Mendoza, et des murmures s’élevèrent contre le gouverneur qui assistait immobile à ces souffrances. Heureusement il arriva un envoi de De Garay, et le gouverneur ne pouvant plus rien tirer de la contrée se dé- cida à partir pour le Paraguay. Il se mit en route avec le gros de sa troupe et arriva à l’Assomption en octobre 1979. Il commença son administration par un acte très-imprudent, qui souleva aussitôt toute la colonie contre lui. Le 22 octobre 1575 il promulgua un décret dans lequel il déclara de nulle valeur toutes les mesures administratives de Martin Suarez de Toledo et destitua de leur emploi tous les fonctionnaires nommés par lui, prétendant qu’il avait outrepassé ses droits en les nommant. Il blessa toute la colonie par ce décret. Tout le monde s’éloigna du gouverneur, et bientôt il se trouva entièrement isolé au milieu de gens ouvertement mal intentionnés à son égard. Cette situation pro- duisitune réaction très-pénible sur Zarate,ils’irrita ensilence contre lui-même et contre son entourage, tomba malade et mourut avant la fin de l’année 1575, en se croyant empoisonné par ses ennemis (Azara, Hist. d. Parag., II, 199). En voyant sa fin approcher, il fit promptement son testament et désigna pour son unique héri- tiere sa fille Johanna , qui était encore à Chuquisaca; pour exé- cuteurs testamentaires ses amis Martin Duré et Juan De Garay, et son neveu Diego Ortiz de Zarate y Mendieta comme vice-gouver- neur. Celui-ci confirma De Garay dans son emploi de lieutenant- général et voulut toucher à l’organisation existante avec peu de prudence. Il s’aliéna si bien par cette conduite Martin Duré, que son oncle avait placé à côté de lui comme conseiller , qu'il dût bientôt l’éloigner. aid | De Garay, qui avait aussi à craindre de la part du vice-gouver- neur de semblables éclats de despotisme aveugle, se rendit à Chuquisaca, comme tuteur de Johanna, fille de Zarate, pour lui annoncer la mort de son père. Il envoya Franz Sierra à Sa Fe pour le remplacer et administrer la province. Lorsqu'il fut arrivé 78 REVOLTE A SANTA FE. à Chuquisaca , il trouva Johanna fiancée à un certain Juan de Torres Vera y Arragon, assesseur (regidor) de la cour suprême , qui se considérait déjà comme futur gouverneur du Paraguay. On préparait déjà le mariage, lorsque De Garay reçut ordre du vice- roi de Lima de se rendre auprès de lui pour conférer avec lui et choisir un mari pour Johanna. Celle-ci se décida à se marier sans retard ; le mariage fut célébré et le nouveau gouverneur Torres Vera confirma De Garay dans toutes ses dignités. De Garay, pré- voyant qu’il n'avait rien de bon à attendre du vice-roi irrité, re- partit aussitôt pour le Paraguay et continua son voyage sans obéir à un ordre apporté par un messager d’avoir à se rendre à Lima. Le vice-roi tourna alors sa colère contre les nouveaux mariés et les manda à Lima. Durant ces événements le vice-gouverneur du Paraguay, Zarate y Mendieta, s'était rendu à Sa Fé pour inspecter la province. Il ‘se trouva aussitôt en discussion avec Franz Sierra au sujet de sa manière d’administrer et le fit mettre en prison. Mais la popu- lation de Sa Fé prit le parti du prisonnier et força Mendieta à le remettre en liberté. Franz Sierra, non satisfait, se mit à la tête des mécontents , s’empara du vice-gouverneur et le dirigea sur l'Espagne, où il n’arriva pas, car il fut massacré en route par les Indiens de la côte du Brésil. | | De Garay étant revenu à l’Assomption y apprit le départ du vice-gouverneur pour Sa Fé et s’y rendit lui-même. II ne l'y trouva plus, mais apprit sa déposition et son embarquement pour l'Espagne. A ces nouvelles et en sa qualité de lieutenant-général du gouverneur Torres Vera, il revint à l’Assomption pour y prendre en main l’administration de tout le pays. Il prit pour principal but de faire progresser les parties les plus éloignées de la colonie, et dans ce dessein il renvoya de nouveau Melgarejo dans son ancienne province de La Guayra, où Alonzo Riquelme de Guzman représentait toujours le pouvoir. Il le chargeait de fonder de nouveaux villages et villes au delà du territoire déjà colonisé. Melgarejo s’y rendit vers la fin de 1576 et fonda une ville nommée Villa Rica del Espiritu Santo; mais elle ne prit jamais grande im- NOUVELLES FONDATIONS À LA GUAYRA. 79 portance. Les Espagnols ne furent pas heureux avec leurs essais sur la rive orientale du Rio Paranä. Ils échouèrent tous ou ne surveeurent que misérablement jusqu’en l’année 1610, où les jésuites vinrent dans cette contrée et y fondèrent les célèbres Missions, qui restèrent en leur possession jusqu’à la suppression de l'ordre (1766), et depuis lors sont en décadence. Cependant leurs possessions étaient situées beaucoup plus au sud, entre le Rio Paranä et le Rio Uruguay, où ces deux grands fleuves se rap- prochent le plus (27-28° de L. S.), tandis que les essais dont nous parlons se firent au nord du Rio Tacuary, dans le voisinage de la grande cascade et des rapides du Rio Paranä (24-25° de L. S.) Ces établissements furent tous perdus pendant la guerre avec le Por- tugal et se trouvent aujourd’hui au pouvoir du Brésil, ainsi que les autres colonies des Espagnols situées plus au nord sur le Rio Paraguay. . Peu de temps après le départ de Melgarejo pour la Guayra, les Indiens du nord du village de Guambaré tentèrent un soulèvement sous la conduite de deux fanatiques , Oberu et Guirarö, qui per- suadèrent à leurs compatriotes d'abandonner les Espagnols et leurs établissements et les forcèrent à se retirer avec eux dans les forêts. De Garay prit rapidement ses mesures pour couper court à des projets aussi dangereux. Accompagné d’une bonne escorte, il remonta le Rio Paraguay jusqu’à l'embouchure du Rio Jujuy et pénétra dans cette rivière aussi loin que ses navires purent re- monter. De là il s’avanca au nord par terre, defit les Indiens dans plusieurs combats, assujettit plusieurs tribus encore insoumises, les répartit comme les autres en encomiendas et les obligea à la vie sedentaire. Ges Indiens lui parlèrent d’un grand fleuve à l’est, qui commence par trois bras et coule dans un sens opposé au Rio Paranä. Il s'agissait du Rio Yacuari, qui forma plus tard la limite entre les possessions portugaises etespagnoles. De Garay y établit quelques colonies de villages indiens organisés en encomiendas, pour ouvrir des relations avec la Guayra. A son retour à l’As- somption, ilenvoya encore Melgarejo pour soumettre à la couronne d’Espagne les districts les plus septentrionaux du Paraguay. Mel- 80 DE GARAY FONDE BUENOS-AYRES. garejo arriva dans la contrée au commencement de 1580 et jeta sur le bord du Rio Mbotetey (ou Mondego) les fondations d’une ville qu'il appela Santiago de Xeres (au nord du 20° de L. $.) Mais elle eut le même destin que les autres; elle ne prit jamais un grand essor et fut plus tard annexée par les Portugais à leurs possessions. Aujourd’hui il ne reste plus aucune trace de ces villes. De Garay eut un meilleur succès dans l'attention qu’il donna aux parties méridionales de son gouvernement. Les cruelles épreuves de Zarate, à son arrivée dans l'embouchure de la Plata, l'avaient convaincu qu'il était nécessaire avant toute chose d'offrir un lieu de débarquement sûr et un séjour agréable aux arrivants d’Espagne. Il résolut donc d’en fonder un. Il avait vu combien les hommes étaient épuisés après la longue traversée de l'Océan avec une nourriture peu abondante ou même mauvaise, et combien il était difficile de leur fournir des vivres frais tant qu'on n'aurait pas de lieu d’entrepöt pour les emmagasiner à l’embouchure de la Plata. Ces considérations le déterminèrent à reprendre le pré- mier projet de D. Pedro de Mendoza et à tenter pour la seconde fois la fondation de Buenos-Ayres. Il choisit soixante Espagnols de sa troupe, gens éprouvés et énergiques , les mit sous la conduite de son fils et les chargea de conduire du bétail par terre le long de la rive orientale du fleuve, comme lui-même avait déjà fait lors de la fondation de Sa Fe. Pendant cela il se porta par navire à Sa Fé pour y veiller aux préparatifs nécessaires. De Garay arriva à Buenos-Ayres avec son convoi le jour de la Sainte-Trinité (26 mai 1580) et débarqua aussitôt pour s'occuper des premières dispo- sitions. On choisit un emplacement un peu plus au nord, sur les berges élevées, et l’on dressa, à l’endroit où estactuellement le pa- lais du gouvernement, un mât élevé avec l’étendardroyal pour servir dé ralliement aux trainards. Le 11 juin on posa en grande solen- nité la première pierre d’un édifice, on traca les rues et les places publiques et l’on distribua les lots de terre aux cavaliers et soldats qui étaient présents. De Garay choisit saint Martin pour patron et, comme Mendoza, donna à la place le nom de Puerto de Sa Maria de Buenos-Ayres. On réserva des emplacements pour la cathé- IMPORTANCE DE CETTE VILLE. 81 drale, la maison de ville (cabildo) ct les couvents des Franciscains et des Dominicains, ainsi que pour le gouverneur, qui choisit l'angle où se trouve actuellement le grand théâtre colon. On ré- digea un procès-verbal de tous ces actes et on le déposa dans les archives de la maison de ville de la nouvelle fondation”. La restauration de la ville de Buenos-Ayres fut une idee très- heureuse de De Garay et prouve mieux que tous ses autres actes avec quelle vue juste il appréciait la situation de la colonie et combien il était plus préoccupé du bien général que de son inté- rêt personnel. Buenos-Ayres devint promptement le premier port des Espagnols sur la côte orientale de l'Amérique du Sud, et elle conservera toujours son importance commerciale de premier ordre, par sa situation à l'embouchure des deux plus grands cours d’eau que possède la moitié méridionale du nouveau monde. Le Rio de la Plata est l’artère naturelle de toutes les contrées inté- rieures de ce grand continent au sud du Tropique et la route tracée par la nature par laquelle leur progrès matériel et moral a passé jusqu'ici et passera encore à l'avenir. Il n’est pas nécessaire de nous étendre plus longuement sur les débuts et le rapide développement de Buenos-Ayres. Ces détails appartiennent aux histoires locales. Contentons-nous de faire re- marquer que par la fondation et l'accroissement graduel de cette ville, la colonisation de l’état actuel de la Plata se trouva assurée et que, par l’augmentation rapide de sa population intelligente venue de toutes les parties de l’Europe, elle est devenue le centre de civilisation pour le pays entier. Depuis qu’on eut appris à connaître la véritable civilisation à Buenos-Ayres, il devint impos- sible pour les habitants de l’intérieur de persister dans l’ancienne manière de vivre à demi indienne. A partir de cette époque com- mença la véritable conquête du pays à la haute culture, et le déve- loppement de cette conception libérale de l’organisation sociale qui amena plus tard la défection des colonies espagnoles de leur mere-patrie et de son esprit étroit. Le lecteur doit se rappeler qu'il existait dans les environs de Buenos-Ayres deux familles très-distincies d’Indiens. Au nord REP, ARG.—I, 6 82 GRANDE DÉFAITE DES INDIENS. habitaient les peuplades Guaranis, qui avaient leurs principales résidences sur les îles entre les nombreux bras du Rio Paranä et vivaient depuis longtemps en relations amicales avec les Espagnols, sans leur être assujettis; au sud et à l’ouest, les Querandis, peuple très-sauvage et belliqueux, qui dirigea les attaques contre D. Pe- dro de Mendoza et détruisit son premier établissement. Depuis lors, les Querandis ne s'étaient trouvés qu’accidentellement en contact avec les Espagnols. Appréciant avec netteté cette situation, De Garay, dans la distribution des bénéfices, dirigea d’abord ses regards vers le nord et donna à ses compagnons toute la côte du Rio de la Plata, jusqu’à l’embouchure du Rio de Lujan. Il en constitua quatre-vingts encomiendas de diverses étendues, qui embrassaient le territoire actuel des villages de Belgrano, San Isidro, San Fernando et Las Conchas. La moitié nord de ces terrains était alors assez boisée et fut désignée par le nom de Grande-Forêt (Monte-Grande, comme dit le peuple, au lieu de Selva-Grande ; cette dénomination pour les forêts devint générale dans tout le pays). Les Indiens qui vivaient sur ces terrains furent attribués aux propriétaires des bénéfices (encomiendas), et de leur mélange avec les Espagnols sortit la population particulière à cette région, les Gauchos. Mais les Querandis n'étaient pas si soumis. Ils virent avec peine s’élever les nouveaux établissements sur leur sol et causèrent des difficultés aux Espagnols par leurs incursions. Devenus possesseurs de chevaux, ils se rendaient beaucoup plus terribles’. Ces attaques contre de petites troupes isolées d’Espagnols devenant plus fréquentes, De Garay se résolut d’aneantir les Querandis d’une seule fois. Il réunit ses soldats en aussi grand nombre que possible et marcha avec sa petite armée au sud-ouest contre l’ennemi. Il les rencontra dans le voisinage d’une lagune de laquelle sort un ruisseau, le Riachuelo, et leur infli- gea une défaite si complète, que la contrée porte encore aujour- d’hui le nom de Laguna du Carnage (Laguna de la Matanza). Depuis cette correction, les Indiens se retirèrent des environs de Buenos-Ayres plus au sud et ne vinrent plus gêner les Espagnols dans l'occupation de la contrée. | DE GARAY EST MASSACRÉ PAR DES INDIENS. 83 De Garay fut arraché à ces travaux d'installation par une révolte à Sa Ré, où les métis s'étaient soulevés contre les Espagnols de sang pur. Ils étaient appuyés par une partie de la population de la province voisine de Gordova, qui se croyait offensée par la décision, citée plus haut, rendue en audience royale à Charcas et attribuant Sa Fé au gouvernement du Paraguay. Leur projet était de s'emparer du pays. Mais De Garay, qui se rendit promptement à Sa Fé, comprima la révolte et revint à Buenos-Ayres avec des renforts, pour augmenter le nombre des habitants. Dans le même but, il se décida à y transporter la colonie de San Salvador, placée dans un endroit défavorable. Il en amena tous les habitants x Buenos-Ayres, organisa l'administration de la colonie et choisit pour son premier alcade Rodrigo Ortiz Zarate, parent du gou- verneur défunt. Il lui confia ensuite la direction de la jeune ville. Il se remit lui-même en route en 1584 et remonta le fleuve pour affermir par sa présence personnelle la situation des affaires à Sa Fé et à l’Assomption. Suivant son habitude, il passait les nuits à terre et non sur le fleuve. Il était ainsi descendu à Punta Gorda, endroit où commence la berge élevée sur la rive nord, dans le voisinage de la petite ville actuelle de Diamante. Il y fut massacré dans la nuit, pendant son sommeil, avec trente-neuf de ses compa- gnons, par les Minuanos encore insoumis et habitants primitifs d’Entrerios. Ils n’appartenaient pas aux tribus Guaranis et avaient quelque parenté avec les Charruas. Le reste de son escorte se rendit à Sa Fé et ensuite à l’Assomption, où elle annonça le triste événement. Avec la mort de De Garay, la colonie perdit le dernier homme actif et zélé pour son bien. II ne se trouva plus personne d’une grande capacité pour en prendre la direction et travailler avec désintéressement à son véritable progrès. Ici, comme dans toutes les autres colonies de l'Amérique du Sud, l’ambition et l’intérèt personnel devinrent les principaux moteurs des Espagnols. Juan de Torres Vera y Aragon, qui, d’après le testament de Zarale, se considérait comme gouverneur, était encore au Pérou et y dis- cutait avec le vice-roi sur ses prétendus droits. Il réussit à la fin 84 = FONDATION DE CORRIENTES. à sc faire reconnaître et envoya en avant à l’Assomption son neveu Juan de Torres Navarette, avec le titre de lieutenant général. Lui-même y arriva vers la fin dé l’année 1587, trois ans après la mort de De Garay. L’unique acte d'importance que nous avons à rapporter comme fait durable de son administration, est la fonda- tion de la ville de Corrientes, commencée le 3 avril 1588, au- dessous du confluent du Paraguay avec le Paranä, et continuée sous la direction de son neveu le lieutenant general”. Peu de temps après, découragé par les nombreuses et constantes tra- casseries que lui suscitaient les premiers arrivés des habitants du pays et plus particulièrement les officiers supérieurs, il se décida à se démettre de son emploi de gouverneur et à retourner. en Espagne”. | Nous terminons.ici notre histoire de la découverte et du com- mencement de la colonisation du pays du Rio de la Plata et de ses deuxaffluents, le Rio Paranä etle Rio Paraguay. Nous consacrerons le chapitre suivant à l’histoire de la colonisation du pays intérieur de la République Argentine actuelle, jusqu’à la mème-époque où nous venons de nous arrêter, et nous nous contenterons de quel- ques considérations succinctes sur les temps postérieurs pour l compléter notre partie historique”?. VIII COLONISATION DES PROVINCES INTÉRIEURES DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE. 1542 — 1585. On doit à Diego de Almagro les premières notions sur les vastes étendues situées au nord du Pérou, en descendant jusque vers le Chili. En 1536 il partit de Guzko et exécuta sa curieuse excursion, qui ne lui rapporta que des misères et des malheurs. Poussé, soit par des illusions chimériques, soit par Pizarre qui voulait l’éloi- gner du Pérou, il se lança dans cette entreprise aventureuse et la EXPÉDITION D’ALMAGRO AU CHILI. . 85 poursuivit jusqu’à la fin avec une ténacité égale à Pirréflexion qu'il avait apportée à la commencer. Après avoir fait ses prépa- ratifs, il partit de Cuzko avec cinq cents Espagnols et environ quinze mille Indiens, suivit la grande route des Incas, qui menait de la Bolivie dans les provinces septentrionales de ta République Argentine et est encore aujourd’hui la principale voie de commu- nication entre les deux pays. Il arriva dans les localités actuelles de Tupiza, Jujuy et Salta, dans la vallée du Rio Guachipas, qui coule du sud-ouest au nord-est, et en remonta le cours jusqu’à l’embou- chure du Rio de Sa Maria, par 25°55' de L.S. Il fut attaqué dans cetrajet par la nation belliqueuse des Calchaquis, qui lui tuèrent son cheval sous lui. Almagro demeura victorieux et poursuivit sa marche par la vallée du Rio Sa Maria, jusqu’à ce qu’il fut arrivé dans le désert absolument stérile du Campo del Arenal, au pied des Cordillères. Il franchit la montagne par la Quebrada dc San Francisco (*) et atteignit le sommet des Cordillères près du Cerro de San Francisco, traversa en suivant la même direction à l'ouest jusqu'à la Quebrada de Juncal et descendit par la Quebrada de Paipote, pour venir déboucher dans la région de Côpiapô. I fit halte quelque temps en cet endroit chez les Indiens, pour laisser ses gens se refaire de leurs fatigues, et expédia vers le sud un officier avec quelques hommes reconnaître le pays. Ils descendi- rent jusqu’au Rio Maule (35° 20' de L. S.) et Almagro les suivit jusqu’à Coquimbo (30° de L. S.). Les Indiens qui l’accompagnaient ne voulurent pas s’avancer plus loin, parce qu'ils étaient arrivés aux limites du royaume des Incas et que les sauvages Araucaniens, qui habitaient plus loin au sud, étaient très-mal famés. L’officier revint et raconta que tout le pays au sud était désert et stérile et qu'on ne voyait aucune trace des métaux nobles chez les habi- tants. Les soldats demandèrent à rebrousser chemin et Almagro se vit forcé de revenir. Lui-même marcha en avant avec quelques compagnons et prit la route directe le long de la côte, par le désert d’Atacama ; mais la disette se fit sentir si vivement dans ce (*) Voyez la carte du second volume de mon Reise durch die la Plata ten. 86 . DIÉGO ROJAS PÉNÈTRE AU NORD. difficile voyage, que les deux tiers de ses compagnons périrent de faim et d’épuisement. Les malheureux Indiens furent les plus éprouvés, et à peine si un quart d’entre eux en revint; les Espa- - gnols perdirent cent cinquante-six hommes et quarante chevaux *. La triste issue de cette expédition arrêta les projets de nouvelles expéditions de ce côté. Peu après le retour d’Almagro, la discorde éclata entre lui et Pizarre, dégénéra bientôt en guerre ouverte, et après diverses alternatives de succès se terminä par la mise à mort du premier (juillet 1538). Après cet acte de violence, Pizarre jouit de quelque tranquillité. Il en profita pour préparer de nou- velles entreprises, peut-être aussi pour donner de l’occupation à ses officiers avides de mouvement, et en 1540 il envoya son capi- taine Pedro de Valdivia sur les traces d’Almagro, pour soumettre les provinces méridionales du royaume des Incas. On sait que le meurtre de Pizarre, commis par les amis d’Almagro à peu près un» année plus tard (26 juin 1541), l'élévation de son fils au gouvernement du Pérou et la guerre qu’il eut à soutenir contre le gouverneur légitime Vaca de Castro envoyé d’Espagne, rendirent impossible toute expédition au dehors, jusqu’à la bataille de Chupas (16 septembre 1542), qui conduisit le fils à une fin sem- blable à celle du père. Après ce dénouement favorable pour le nouveau gouverneur, il chercha autant que possible à se débarrasser des anciens officiers turbulents, qui s'étaient déjà complétement habitués à une exis- tence continuelle de combats. Il donna à plusieurs la permission de tenter des entreprises de conquête, afin de les tenir éloignés de la capitale et de les occuper. Diego Rojas fut un des officiers chargés de ces entreprises: Il devait occuper et soumettre complétement la région au sud de Charcas, dans le voisinage de laquelle on avait découvert depuis peu (1540) de riches mines d'argent, qui amenèrent la fondation de la ville de la Plata. Il se mit en route avec quelques amis, tels que Philipp Gutierrez, Franz de Mendoza, Peter Heredia et trois cents soldats. Il suivit la même route au sud par laquelle Almagro était allé au Chili et arriva chez les Calchaquis, qui voulurent lui NUNEZ DE PRADO OCCUPE LA RÉGION DE TUCUMAN. 87 résister comme als l'avaient fait avec Almagro. Rojas fut tuë dans ce combat contre ces belliqueux Indiens, et comme de coutume ses compagnons se disputèrent son héritage. Gutierrez se sépara des deux autres et s'enfuit avec quelques hommes en se dirigeant vers le sud-ouest pour échapper à Mendoza qui voulait l’arrêter. Les autres prirent la route du sud-est et traversèrent toute la contrée depuis Salta jusqu’au Carcarañal et par conséquent pas- sèrent dans la région des localités actuelles de Tucuman, Santiago del Estero et Gordova. Pendant ce trajet, on apprit des Indiens de la province de Cordova nommés Comechingones, qu'il existait déjà une colonie espagnole au Paraguay. On se remit en marche en remontant le Paranä et l’on trouva une croix au pied de laquelle Irala avait déposé une notice sur son expédition, après avoir abandonné la colonie de Buenos-Ayres. Mendoza voulait se ren- dre au Paraguay ; mais les soldats s’y refusèrent et massacrèrent leur chef qui persistait dans son dessein. Ils retournèrent alors sur leurs pas et allèrent rejoindre Heredia demeuré en arrière. Celui-ci les ramena au gouverneur La Gasca, alors occupé à ré- primer la révolte de Gonzalo Pizarre. Lorsque cette guerre fut terminée en 1548 et que le dernier Pizarre fut tombé sous la hache, le gouverneur La Gasca trouva bon d’imiter la conduite de son prédécesseur Vaca de Gastro et d’envoyer les officiers les plus remuants à la conquête des con- trées éloignées. Déterminé par les récits de Heredia ou de ses compagnons sur la beauté des contrées parcourues par eux, il chargea Nuñez dé Prado d’en faire la conquête. Celui-ci se mit en route en 1590 avec quatre-vingts Espagnols et de nombreux Pé- ruvien?, Il arriva d’abord sur le territoire des Chiquanos et en- suite des Chichas, qui habitaient entre les villes actuelles de Tarija et Jujuy. Continuant sa marche à travers la contrée monta- gneuse de Salta, il descendit enfin dans la plaine de Tucuman et y rencontra les Calchaquis sous la conduite de leur célèbre chef Tucumanao. Nuñez de Prado réussit à les repousser et fonda, au pied de la montagne élevée d’Aconquija, une ville qu’il appela Barco de la Sierra, du nom du lieu d’origine du gouverneur. Elle 88 ARRIVEE DE FRANZ AGUIRRE. était placée près du Rio de Escoba (ou Escava, tête de Rio Ma- rapa), dans la région du village actuel de Naranja Esquina. Il fut troublé dans cette occupation par Franz de Villagran qui, parti du Pérou, conduisait une troupe de renfort à son chef Peter de Valdivia. Les deux chefs -se querellèrent aussitôt, on en vint aux mains, Prado fut fait prisonnier et contraint de se soumettre au gouvernement du Chili. Lorsque Villagran fut arrivé pres de Valdivia et l’eut instruit de sa conquête, celui-ci envoya son fa- meux lieutenant général Franz Aguirre à Barco, pour prendre l'administration de cette nouvelle province.Aguirre, homme dur, ignorant et grossier, se plaisait à tourmenter ses subordonnés. Il se conduisit ici suivant ses habitudes. Il mit d’abord Nunez de Prado dans les chaînes et l’envoya prisonnier au Chili, pour le faire juger par Valdivia. Mais Prado réussit à lui échapperet accusa son persécuteur d’avoir usurpé le pays qui lui avait été donné. Comme on laissa Aguirre tranquille, il gouverna à sa manière et souleva contre lui les belliqueux Calchaquis. Ils l’as- siegerent dans Barco, et comme ils étaient très-nombreux, ils le forcèrent à s'échapper de la place avec ses hommes dans une sor- tie désespérée. Il se dirigea au sud-est et, pendant que les Cal- chaquis détruisaient Barco, 1l parvint dans la contrée du Rio Dulce, où est actuellement Santiago del Estero. Il y fonda en 1552 une nouvelle ville qu’il baptisa du mème nom que la capitale du Chili, en y ajoutant del Estero, parce que la contrée à l’entour est plate, basse et exposée aux inondations du fleuve, qui change fréquemment son lit. Il soumit quarante mille Indiens des envi- rons, les organisa en réductions et en distribua les encomiendas à ses officiers. Mais les Indiens, encouragés par l'exemple des Calchaquis, l’assiégèrent à leur tour et tinrent la Jeune wille:si bien bloquée, qu’Aguirre se vit encore forcé de l’abandonnertet de prendre la route du Chili pour y demander des renforts. Le moment était des plus défavorables pour une semblable demande. Les Araucaniens, pleins d’audace et d’intrépidité, avaient fait Valdivia prisonnier en 1953, et un de leurs chefs l'avait massacré pendant qu'on traitait de son échange. Dans ces ZURITA DEVIENT CAPITAINE DE SANTIAGO DEL ESTERO. 89 circonstances, son successeur momentane, Franz de Villagran, déclara ne pouvoir se passer d’aucun de ses hommes. Il garda Aguirre auprès de lui pour user de son aide et abandonna la colonie de Santiago del Estero à Juan Gregorio Bazan, qui y tenait garnison avec quelques hommes. Enfin, Aguirre envoya en 1557 une petite troupe de renfort, sous la conduite de son neveu Rodrigo. Mais celui-ci ne put conserver aucune autorité sur les vieux soldats ; il fut déposé par les partisans de Prado, et le vice- gouverneur Villagran se vit forcé d’y envoyer Miguel Ardiles pour y rétablir l’ordre. Pendant ce temps, le véritable gouverneur Garcia Hyrtado de Mendoza, fils du vice-roi du Pérou Andreas Hyrtado de Mendoza, marquis de Cañeta, arriva en 1558 au Chili et nomma Juan Perez de Zurita capitaine de la province de Santiago del Estero. C'était un homme actif et capable, au- dessus des basses jalousies de la plupart de ses compatriotes, et préoccupé avant tout d'assurer son territoire contre les attaques des Calchaquis toujours menacants et toujours insoumis. Il fonda sur la frontière de son territoire trois nouveaux centres de résis- tance pour les Espagnols. Il donna à l’un d’eux le nom de Lon- don en l’honneur de la jeune reine Marie Tudor, que Philippe II avait épousée peu auparavant (1554), et à toute la contrée envi- ronnante celui de Nouvelle-Angleterre : inspiration assez peu heureuse, car il serait difficile de trouver un pays plus désolé et plus misérable que celui auquel il donnait ce nom. Zurita s’ef- força d'établir des relations amicales avec les Calchaquis. Il con- clut la paix avec eux et soumit les habitants de la vallée de Cata- marca, qu'il plaça dans des réductions, déposant ainsi parmi eux les premiers germes de la civilisation. A cette époque (1560) un nouveau vice-roi, Diego Lopez de Zuniga, comte de Nieva, fut nommé au Pérou. C'était un principe de la couronne d’Espagne de ne jamais laisser longtemps un haut fonctionnaire dans son emploi, de peur qu'il ne prit trop forte- ment racine dans le pays gouverné par lui et ne fit défection. Le nouveau vice-roi pensa qu'il était nécessaire de séparer du Chili une province aussi éloignée de la capitale que l'était Santiago del 90: INSTITUTION DU GOUVERNEMENT DE TUCUMAN, Estero. Il la sépara de son territoire et institua pour elle et pour ‚les contrées plus au nord un gouvernement indépendant, que l’on appela Tucuman, nom emprunté au chef des Galchaquis Tucumanao, ou au nom de Tucma, par lequel les Indiens dési- gnaient le pays même. Zurita fut nommé gouverneur de ce nou- veau gouvernement. Mais les habitants de London se révoltèrent. Ils se plaignirent des règlements rigoureux décrétés par le gou- verneur pour punir les violences commises contre les Indiens et demandèrent à demeurer attachés au Chili. Ils envoyèrent secrè- tement des messagers et firent des offres au gouverneur Franz de Villagran. Zurita, de son côté, occupa la ville et fit décapiter comme rebelles quelques-uns des habitants les plus influents: Le mécontentement n’en devint que plus vif. Villagran profita des plaintes de cruauté élevées contre Zurita pour le déposer et envoya avec des troupes Gregorio Castañeda pour rétablir la tranquillité. L’animosité générale contre Zurita était montée si haut, que le gouvernement se vit forcé de l’éloigner de la pro- vince et de nommer Castañeda gouverneur à sa place. Castañeda irrita aussi les habitants par sa dureté et sesrègle- ments sévères. Il eut bientôt tout le monde contre lui, particu- lierement les Calchaquis, qui avaient été habitués à un meilleur traitement par les lois impartiales de Zurita, cause du soulève- ment des colons espagnols contre lui. Les Calchaquis, profitant de l’absence de Castañeda, sorti avec une troupe pour aller fonder sur l'emplacement ou dans le voisinage de Jujuy une ville nom- mée Nieva du nom du vice-roi, se révoltèrent en 1561 contre les Espagnols, sous la conduite de leur nouveau cacique Juan. Le soulèvement devint général, car les Diaguitas, qui habitaient la vallée de Catamarca et. étaient déjà distribués en réductions, y prirent part aussi. L'armée réunie des Indiens se précipita sur les trois villes fondées par Zurita etles détruisit presque complé- tement. Une heureuse bataille, livrée aux Indiens par les deux officiers Nicolas Carrazo et Julian Sadeño, sauva les Espagnols: La défaite des Indiens fut complète et ils demandèrent la paix. Leur chef Juan fut fait prisonnier sur le champ de bataille. Cas- GUERRE AVEC LES CALCHAQUIS. 91 tañeda, de retour de son expédition, lui rendit la liberté par un mouvement de générosité que les Indiens ne comprirent pas. Ils se préparèrent silencieusement à une nouvelle attaque et à pren- dre leur revanche. La révolte éclata pendant le voyage de deux officiersespagnols, Damian Bernal et Julian Sadeño, qu’ils massa- crèrent avec leur escorte. Castañeda, qui put échapper avec son armée, se trouva bloqué dans une étroite vallée et fit égorger les prisonniers qu'il avait pour intimider ses ennemis. Mais ce spec- tacle enflamma de colère les Calchaquis; ils se précipitèrent de tous côtés avec tant de fureur sur les Espagnols, que Castañeda fut trop heureux de pouvoir leur échapper après de grandes pertes et de se retirer avec ses débris vers les ruines de London. Les Calchaqus ly poursuivirent et l’enveloppèrent complétement. Il reçut un petit renfort; mais dans cette triste situation, il re- connut qu'il ne pouvait plus tenir longtemps. Il se décida à s’ou- vrir un passage et à chercher un autre lieu de défense. On forma une colonne d'attaque avec tous les hommes, on placa les femmes etlesenfantsau milieu et l’on marcha à l'ennemi, qui se dispersa et laissa tomber aux mains des Espagnols une fille du cacique Juan. Pendant que les Espagnols éxécutaient leur sortie de London, les Calchaquis attaquèrent la ville de Cordova et la détruisirent si complétement qu'il n’en est rien resté debout. Dans ces circon- stances, Castañeda jugea le plus raisonnable de faire la paix avec les Indiens. Il fit des avances au cacique Juan. Les Calchaquis devaient payer un tribut annuel et leur liberté personnelle leur serait assurée. Juan accepta sous la condition que sa fille lui se- rait rendue. Mais lorsqu'il l’eut près lui il continua le siége de Cordova, et les habitants ayant voulu s’enfuir pendant une nuit sombre il tomba sur eux et les tua presque tous. Hernanda Mejia seul échappa ainsi que six soldats, avec lesquels il put se faire jour. | La guerre se continua entre les Indiens et les Espagnols pen- dant toute l’année 1562, avec des succès variés des deux côtés. La petite troupe des Espagnols était évidemment trop faible pour dompter d’une façon durable une nation aussi belliqueuse que les 92 ON ABANDONNE LE TERRITOIRE DES CALCHAQUIS. Calchaquis. On fut obligé de reconnaître que, dans cet état de choses, il serait impossible de conserver des établissements dans cette contrée. Les Indiens rendaient impossible toute installation en dehors des trois villes de London, Cordova et Caleta que Zurita avait fondées, et forcèrent même les Espagnols qui s’y étaient établis à abandonner leurs habitations. London était déjà une ruine, Cordova également, et le même destin approchait pour Cañela. On se décida donc à abandonner la colonisation du terri- toire des Calchaquis et à se retirer à Santiago del Estero. Les Espagnols accomplirent leur retraite sous la conduite de Castaneda. que Lorsque la nouvelle de ces tristes événements parvint au Pérou, le vice-roi Garcia Lopez de Castro se décida à envoyer dans ces contrées le terrible Franz Aguirre. Il le nomma gouver- neur de la province de Tucuman et le rendit entièrement indé- pendant du Chili, comme son prédécesseur Zuniga avait déjà eu dessein de le faire, sans y réussir complétement. Mais cet homme énergique ne fut pas plus heureux que ses devanciers. Il batailla sans repos avec les Calchaquis , mais ne réussit pas à les soumet- tre et fut deux fois en grand danger de tomber entre leurs mains. Il ne leur échappa que grâce à la grande habileté de son capi- taine Gaspar Medina°!. Aguirre dépêcha enfin cet homme au Chili auprès de ses anciens soldats et amis pour les engager à venir auprès de lui l’aider à soumettre les Calchaquis. Mais Medina ne put ramener que quarante-quatre soldats en dehors de sa fa- mille qu’il conduisit à Santiago del Estero, et neuf jeunes dames qui pouvaient espérer de se marier avantageusement avec les conquérants de Tucuman. Le faible renfort que Medina ramenait n’était pas suffisant pour recommencer la guerre avec les Calchaquis. Aguirre se décida donc à se fortifier dans son gouvernement et à se créer un centre d'action solide dans le nord, près du pays des Calchaquis. Il chargea de cette mission son neveu Diego de Villaroel et l’envoya en 4569 avec l'équipement nécessaire pour fonder une nouvelle ville, non pas sur le territoire même des Calchaquis, mais dans le RÉVOLTE CONTRE AGUIRRE. 93 voisinage. Il choisit l'emplacement sur la rive du Rio Sali et . baptisa la ville du nom de S. Miguel de Tucuman. Il la peupla avec ses soldats et les ouvriers *?. Dix mille Indiens des environs furent répartis dans des réductions et attribués comme encomien- das à ses compagnons. Aguirre dirigea aussi son attention vers le sud de son terri- toire. Là habitaient dans la région de la province actuelle de Cordova les Comechingones , Indiens d’un caractère beaucoup plus pacifique que les Calchaquis et faciles à dominer. Aguirre voulut établir des réductions parmi eux et y envoya une troupe pour commencer l'occupation. Les Indiens racontèrent à ces soldats des merveilles sur un pays situé à l’ouest, riche en or, et sur une grande ville qu’ils nommèrent Trapolanda. Les soldats se réjouirent beaucoup à ces nouvelles et dans leurs conversa- tions amplifièrent si bien le thème que la prétendue ville parut bientôt comme ‚un Eldorado et reçut à cause de ses richesses le nom de ville des Gesars (Villa de los Gesares). Lorsque leur cupidité et leur imagination furent montées au plus haut degré, ils voulurent y partir et pressèrent Aguirre de les y conduire. Mais leur chef, moins crédule qu'eux, ayant repoussé leur folle demande, excita un mécontentement général, qui dégénéra promptement en révolte ouverte. Deux des principaux, Diego Heredia et Juan Berzocara, se mirent à la tête des révoltés et firent prisonniers Aguirre et ses deux fils (1566). Son fidèle par- tisan, Caspar Medina, chercha à résister, mais il fut repoussé et se vit forcé de prendre la fuite pour ne pas tomber entre leurs mains. Les rebelles firent escorter Aguirre comme un criminel, l’envoyèrent à Charcas pour y être jugé sur les plaintes qu'ils déposèrent devant le tribunal royal. | Afin de montrer leur soumission à la couronne et leur patrio- tisme, les rebelles résolurent de fonder une nouvelle ville à l’est de Santiago del Estero. Elle devait justifier leurs bonnes inten- tions. Ils pénétrèrent dans une contrée absolument inconnue et fondèrent au milieu d’un district fertile du Rio Salado la ville d’Esteco, aux habitants de laquelle ils distribuèrent les Indiens 94 AGUIRRE REVIENT A SANTIAGO DEL ESTERO. du voisinage à titre d’encomiendas. La nouvelle ville s’accrut rapidement et s'enrichit bientôt par le commerce lucratif de . mules et de chevaux que quelques-uns des habitants ouvrirent avec le Pérou, où ces animaux se multiplient difficilement. Mais un violent tremblement de terre, accompagné d’une inondation du fleuve, détruisit si complétement la ville, qu’on peut à peine reconnaître aujourd’hui son emplacement. Santiago del Estero et la plus grande partie du gouvernement de Tucuman restèrent pendant.deux ans aux mains des rebelles. Caspar Medina trouva enfin l’occasion de s'entendre avec quel- ques-uns des habitants influents de la ville. Ge parti adverse réussit à s'emparer des chefs de la révolte et Medina se rendit en personne à Chuquisaca pour y justifier sa conduite. Le procès con- tre Aguirre tenu en prison durait toujours, et comme la cour refusait de le relâcher sur-le-champ, Medina ne voulut pas re- tourner à Santiago del Estero. L'autorité désigna Diego Pacheco comme gouverneur provisoire. Lorsque celui-ci fut arrivé dans son gouvernement, il Jugea à propos d’anéantir la ville d’Esteco comme un monument dû à la rébellion. Mais lorsqu'il eut vu de ses propres yeux la prospérité de cette station, il renonça à son projet. Il confirma la fondation de la ville par un édit de 1569, mais changea son nom en celui de Na Sa de Talavera. Il nomma Juan Gregorio Bazan lieute- nant général et lui donna le commandement de la nouvelle lo- calité. Cet homme audacieux fut le premier Espagnol qui, parti du Rio Salado, traversa le Gran-Chaco jusqu’au Rio Paranä ; voyage dangereux par l’absence d'habitants et le manque d’eau dans ces steppes, qui tout en étant plantées d’arbres ne méritent cependant pas le nom de forêt, vu l’écartement des arbres ®. Bazan accom- plit heureusement son voyage et revint sain et sauf avec ses compagnons à Talavera. Peu après cette expédition de Bazan, Aguirre revint à Santiago del Estero, renvoyé par jugement de la cour des plaintes déposées contre lui , et reprit le gouvernement de la province. Mais la ma- iorité des habitants vit son retour à regret. On connaissait trop SITUATION DES COLONIES ESPAGNOLES. 95 bien son caractère violent pour ne pas pressentir que son pre- mier soin serait de se venger de ses ennemis, dont le nombre était grand. Les habitants de Tucuman et parmi eux les prêtres, qui n'avaient jamais été ses amis et avaient toujours pris parti contre lui, se croyaient les plus menacés. Comme les prêtres dès cette époque étaient en relations les uns avec les autres dans les localités les plus distantes, et comme la délation est une de leurs occupations favorites, des accusations de méchanceté et d’heresie lancées contre Aguirre arrivèrent jusqu’à Lima. Elles vinrent aux oreilles du tribunal d’inquisition de la Santa casa, qui, après quelques pourparlers, détermina le vice-roi à ordonner sa seconde arrestation. En 1570, Diego Areña fut envoyé à Santiago del Es- tero pour s'emparer d’Aguirre et l’amener à Lima. Il s’acquitta de sa commission, et comme il ne voulait pas se mêler plus long- temps des affaires troublées de la province, il nomma Nicolas Carrizo gouverneur provisoire de Tucuman. Le vice-roi ne le confirma pas dans sa dignité, mais envoya Hieronymus Luis Ca- _brera comme gouverneur. Celui-ci arriva à Santiago del Estero en 1572. Jusqu'ici nous avons raconté l’histoire de cette province tout d'un trait et sans réflexions, afin de bien mettre en évidence les faits” Elle est cependant un des plus beaux échantillons des dis- cordes sans fin, de l’égoïsme et de la jalousie réciproque qui étaient à l’ordre du jour dans toutes les colonies espagnoles et qui amenaient des conflits d’autant plus terribles que le centre du gouvernement régulier était plus éloigné. On est fatigué à racon- ter les querelles sans fin des chefs, surtout lorsqu'on réfléchit qu'avec un pareil état de choses, ni la civilisation, ni le progrès matériel ne pouvaient prospérer dans le pays, et que le mauvais exemple des chefs devait contribuer à accroître la brutalité des soldats envers les populations primitives du pays. Le droit du plus fort prit si bien, dès l’origine, la première place dans les colonies espagnoles, qu'il n’y a rien d'étonnant de le voir devenir la règle fondamentale de gouvernement dans le pays et reparaître sans cesse même de nos jours. Aujourd’hui encore la foule insensée 96 LUIS CABRERA FONDE CORDOVA. court auprès de celui qui lève le drapeäu de la révolte. Rien ne répond mieux aux sentiments intimes du Gaucho issu du mélange du soldat espagnol et de l’Indien élevé dans la haine contre l'étranger, qu'une razzia sur les terres d’un maître qui ne pense qu’à utiliser à son profit personnel des biens étrangers. Ce pro- fond égoïsme et le désir d'obtenir de la considération et de l’im- portance sans travail ont été la source des nombreuses révolutions qui ont bouleversé les colonies espagnoles de l'Amérique du Sud. Le Doyen Funes, que nous avons surtout suivi dans les récits de ce chapitre, nous a dépeint le nouveau gouverneur Hieron, Luis Cabrera, comme un homme de premier ordre, et lui donne les plus grands éloges. Nous croyons que ces louanges exagérées sont dues à la fondation de Cordova, ville natale de notre écrivain. Cabrera fonda cette ville le 6 juillet 1573 sur le territoire des Comechingones, et en dehors de ce fait nous ne voyons rien qui le place au-dessus de ses égaux et lui mérite une si haute cé- lébrité ‘. Comme les autres officiers supérieurs espagnols, c'était un soldat actif qui, tout en veillant aux intérêts de la cou- ronne, n’oubliait pas son avantage personnel, ainsi que le prouve son conflit avec De Garay, à qui il voulait enlever la province de Sa Fé. Il batailla avec les Calchaquis, comme ses prédécesseurs, et ne réussit pas à soumettre ces Indiens indomptables, bien que vainqueur dans les combats. [ls demeurèrent après comme avant les adversaires implacables de l'invasion espagnole, et se conser- vèrent encore cent ans indépendants de leurs oppresseurs. Cabrera chercha aussi à étendre son territoire au sud, et ce fut dans cette tentative qu’il se rencontra avec De Garay en voulant prendre possession de la rive du Rio Paranä, prétention qu’il dut aban- donner devant le jugement de la cour de Gharcas. Cabrera resta à peine deux ans à son poste, puis il fut remplacé par Gonzalo Abreu y Figueroa, qui fut qualre ans durant gouver- neur de la province de Tucuman. Le seigneur Doyen est tout aussi prévenu contre celui-ci, qu'infatué de l’autre. Il le qualifie avec raison d'homme méchant, tyrannique et cruel, qui s’empara sans motif de Cabrera et le fit exécuter comme rebelle sur la place APTAQUE DES INDIENS SUR TUCUMAN, 97 publique. Ce traitement barbare fut suivi d’un mécontentement général, une partie de la population de Santiago del Estero, et la plus considérée, abandonna la ville, et Abreu lui-même se sentit si inquiété dans celte place, qu’il se rendit au nord pour attaquer les Calchaquis. Lui aussi fut vainqueur dans les combats, mais sans résultats plus définitifs. Les Calchaquis n'étaient pas encore assez affaiblis pour se soumettre aux Espagnols. Revenu de cette expédition, Abreu prit la résolution d’aller à la recherche de la ville des Césars (Villa de los Gesares), qui trottait encore dans la cervelle de beaucoup de soldats. Il se mit en route en 1578 avec une troupe considérable. Il s’avança au sud-ouest dans la grande plaine et contourna la vaste steppe salée, mais ne trouva ni ville ni trésors. Il découvrit seulement le petit village indien de Nona- gasta et y séjourna quelque temps afin de se procurer des infor- mations. Mais tout ce qu’il put gagner fut la certitude d’avoir couru après une chimère. On reconnut enfin la fausseté des récits des Indiens et l’on retourna avec beaucoup de peine à Santiago, l'esprit triste et désillusionné. Peu de temps avant l'avortement de cette expédition insensée du gouverneur, les Indiens déjà réduits du nord de la province se soulevèrent et attaquèrent la ville de Tucuman, qui n’était gardée que par quelques soldats, les autres ayant accompagné le gouverneur dans son entreprise aventureuse. Les Indiens incen- dierent les maisons en dehors de la place, en massacrèrent les habitants et pénétrèrent même jusque dans la ville, où Caspar Medina commandait. Il eut la chance de tuer le cacique des In- diens, homme d’une stature gigantesque, nommé Gaulan, et d’ar- rêter ainsi les Indiens dans leur projet de détruire la ville. Medina les repoussa hors de la ville et prit de si bonnes mesures de dé- fense que les assaillants ne purent rien faire jusqu’à l’arrivée de secours venus de Santiago, qui le mirent en état de chasser com- plétement les Indiens. Abreu fit de nouveau la répartition des Indiens et donna des ordres sévères pour leur surveillance. Mais ses ordres furent négligés après son départ en 1580. Son succes- seur suivit la coutume assez générale et insensée des chefs espa- REP. ARG. — 1. 7 98 HERNANDO DE LERMA DEVIENT GOUVERNEUR. gnols, d'annuler les ordonnances de ses prédécesseurs, pour les remplacer par de nouvelles supposées meilleures, et déchargea les Indiens d’une partie des obligations qui pesaient sur eux. - Son successeur fut Hernando de Lerma, homme d’un caractère méchant, qui traitaAbreu, comme celui-ci avait fait avec Cabrera. Il accusa Abreu d’avoir négligé les intérêts de la couronne à son profit personnel, et comme l'accusé se refusait énergiquement à reconnaître les crimes qui lui étaient reprochés, on le soumit à une torture si violente, qu’il mourut des suites l’année suivante (1581). Abreu résista à ce traitement atroce, nia toutes les accu- sations et, comme on ne put les prouver, on dut enfin le remettre en liberté. | | £ Au premier moment on se rejouit assez généralement de ce qui arrivait àAbreu et on y vit le châtiment de sa conduite envers Cabrera. Mais l'opinion se changea bientôt et la haine générale se tourna éontre le nouveau gouverneur. L'auteur principal de ce revirement fut Franz Salcedo, vicare de l’évêque, qui, en l’ab- sence du prélat, avait été envoyé en avant pour faire reconnaître les droits du diocèse. Le vicaire se montra assez arrogant. Le souverneur se sentit offensé par cette conduite et'bientöt la dis- corde éclata entre les deux dignitaires. Le vicaire quitta Santiago et alla à Talavera (Esteco) pour se rendre de la au Pérou. Alors le gouverneur dirigea sa haine contre les amis du vicaire et con- tre toutes les personnes qui avaient pris son parti. I] fit mettre en prison plusieurs personnes considérables, en fit exécuter quelques-unes et confisqua les biens d’un bon nombre: Enfin l’évêque lui-même, Franz de la Victoria, arriva pour rétablir, s’il était possible, la concorde. Salcedo s’apprêta aussitôt à revenir de Talavera à Santiago, afin de se justifier personnéllement au- pres de l’évêque. Mais le gouverneur Lerma donna ordre à son officier Antonio Mirabel de le retenir. Mirabel exécuta cet ordre sans trop d’egards. Salcedo tomba malade et se refusa d’obéir'aux injonctions de Mirabel de se rendre au Pérou. Celui-ci le fit transporter violemment avec'tous ses suivants à Charcas, pour le faire comparaître au tribunal de la cour. | . FONDATION DE SALTA. 99 Durant ces événements le gouverneur prépara une nouvelle fondation à l'extrême nord de sa province, afin de se procurer une bonne station entre Tucuman et Charcas. Les relations con- tinuelles avec la cour royale l'avaient rendue nécessaire. Il choi- sit Pemplacement de la ville actuelle de Salta et s’y rendit avec ‚des colons, des artisans et des soldats. Le 16 avril 1582, l’évêque Franz de la Victoria benit la nouvelle ville et la construction com- mença ®. L’&v&que n’y séjourna pas longtemps, mais il se mit en route pour se rendre à un concile de tous les prélats de lAméri- que du Sud, qui devait se rassembler à Lima. Le gouverneur Jui-möme quitta le nouvel établissement après cinq Jours. Les Indiens du voisinage l’attaquèrent aussitôt et le gouverneur, rap- pelé par les colons, se vit forcé de revenir pour mettre à la raison les Indiens. Il les battit dans un combat assez sérieux, les distri- bua dans des réductions comme encomiendas pour les habitants et les fonctionnaires de la nouvelle ville. Lorsque Lerma fut revenu à Santiago del Estero, il tomba bien- töt en: désaccord avec le nouveau vicaire, Franz Vasquez. Il le fit emprisonner, comme il l’avait fait avec Salcedo et crut ainsi se mettre à l'abri de ses machinations. Mais cette fois son abus d'autorité lui tourna à mal. Le clergé s’adressa à la cour royale de Charcas, près de laquelle plusieurs plaintes contre Lerma étaient déjà déposées. On envoya Franz de Arevalo Brizeno à Santiago pour déposer le gouverneur et l'envoyer prisonnier à Charcas, ou, ee qui est la même chose, à Chuquisaca (1584). Juan Ramiro Velasco fut nommé gouverneur à sa place et arriva à Tu- cuman en 1585. Lerma eut une fin malheureuse. Son procès . traina en longueur; il ne put pas se laver des accusations et mou- rut de douleur et de chagrin en prison. Durant ces troubles, les Indiens des environs de Cordova sai- sirent Voccasion de se soulever contre leurs oppresseurs. Mais l'arrivée d’un homme résolu à qui la province doit beaucoup, le capitaine Tristan Tejeda (nommé aussi Trexo Texada °°), mit bien- töt les rebelles ä la raison et les fit rentrer dans l’obeissance. " Le gouvernement de Juan Ramirez Velasco procura quelque 100 FONDATION DE LA RIOJA, temps de repos à la province. Mais les Calchaquis reprirent de nouveau les armes, attaquèrent et cherchèrent à détruire la jeune ville de Salta. Velasco, qui avait trouvé le trésor provincial en- üèrement vide, se vit forcé d'organiser l'expédition avec ses pro- pres deniers. Son exemple fut suivi par quelques uns des riches habitants de Santiago et l’on put équiper une expédition considé- rable. Mais Velasco, qui était d’un caractère beaucoup plus doux que ses prédécesseurs, chercha d’abord à s’entendre avec les Gal- ‚chaquis par des moyens pacifiques. Dans ce but il emmena avec lui des prêtres et les envoya aux Indiens, afin de leur faire gagner leur salut en se convertissant. Mais ses espérances échouèrent. Les Indiens ne voulurent rien, entendre et attaquèrent les Es- pagnols. Bien que battus dans plusieurs rencontres, ils envahi- rent pendant une nuit un village déjà civilisé et en massacrèrent tous les habitants. Cette conduiteirrita le gouverneur; ilordonna une attaque générale; les Calchaquis furent cernés et égorgés sans pitié. Ils reconnurent qu’ils n'étaient pas de taille à lutter avec les Espagnols et se soumirent à leur autorité, du moins pour le moment. Leur cacique et quelques autres individus influents fu- rent envoyés comme otages à Santiago et traités avec beaucoup d’egards, pour leur montrer qu’en voulant les soumettre on ne songeait qu’à leur bien. | Afin de donner plus de portée à ses efloris pacificateurs, le gouverneur se décida à fonder une nouvelle ville dans le terri- toire des Diaguitas, nation également très-tenace. Elle habitait au sud des Calchaquis, sur le bord occidental de la grande steppe salée, à l’intérieur et entre les montagnes qui accompagnent les Cordillères de ce côté’ et courent parallélement à leur pied orien tal. IL s’y rendit en 1591 et fonda à côté de la grande chaîne orientale la nouvelle ville de la Nueva Rioja *”, ainsi nommée de son lieu d’origine en Espagne. La longue chaîne de montagne qui se dresse isolée dans la plaine avec une arête étroite à l’ouest de la Rioja reçut le nom du fondateur dela ville et s'appelle encore aujourd’hui Sierra de Velasco. Trois mille Indiens furent mis en réduction et distribués à titre d’encomiendas. Le gouverneur FONDATION DE JUJUY. 101 s'en réserva 18 pour lui-même et 16 pour son fils. Les autres furent donnés en grande partie aux quatre couvents, à l’hôpital etä la principale église, établissements que le gouverneur favori- sait particulièrement. Ils restèrent longtemps très-florissants à cause de leurs richesses en biens fonds. Le gouverneur continua de les protéger tant que dura son administration. Il se retira en 1593 et Fernando Zarate lui succéda. A l’époque où Velasco était encore occupé à la fondation de la Rioja, les Indiens de Cordova se soulevèrent de nouveau. C’étaient ceux qui habitaient entre les deux chaînes des sierras voisines, dans la vallée de la Punilla. Mais leur entreprise échoua comme toujours. Le capitaine Tristan Tejeda les fit promptement rentrer dans l’obeissance. Il ne se contenta pas de parcourir la vallée en vainqueur , mais il alla encore plus loin au nord et soumit les Esealonis, qui habitaient près de la steppe salée et confinaient à l’ouest avec les Diaguitas. Velasco distribua aussi ces Indiens en bénéfices aux habitants de la Rioja, dont ilsétaient plus rapprochés que de Cordova. Un an après la fondation de La Rioja, le gouverneur entreprit la fondation d’une seconde ville encore plus au nord de son gou- vernement sur le Salta. Ce fut la ville de Jujuy, déjà commencée par Castañeda sous le nom de Nieva, mais qui n’était Jamais sortie de son état d’ébauche. Son but était de faciliter les communications avec Chuquisaca. Il construisit donc, où plutôt restaura la ville, car beaucoup des anciennes constructions étaient restées debout. La fondation d’une autre ville l’occupa encore sur le Rio Salado, au nord de Talavera, sur un affluent du fleuve , le Rio de las Pie- dras, un peu avant son embouchure, à peu près sous le 25° 25 de L..S. Ilyetablit la localité de Juntas, encore existante aujourd’hui comme village. Elle n’eut jamais beaucoup de prospérité, bien que traversée par la route de Tucuman à Salta. Le gouverneur fut encore inquiété pendant ces travaux par un nouveau soulèvement des Indiens des environs de Cordova. Mais Tejeda prit d’excel- lentes mesures et réprima promptement le mouvement. Accom- pagné seulement de vingt-cinq hommes d'élite , ilse rendit au 102 DESTRUCTION DES CALCHAQUIS. milieu d’eux et put les faire rentrer dans l’obéissance en les me- nacant de les châtier vigoureusemént s’ils refusaient de se sou- mettre à ses ordres. En voyant cet homm& énergique et en comprenant ses paroles, ils lui obéirent sur-le-champ. Peu après cet événement , le gouverneur 4. Velasco. quitta son poste et retourna en Espagne (1593). Nous terminerons ici notre historique. Les principaux événements de la colonisation sont ac- complis et presque toutes les grandes villes intérieures du nordde la République Argentine actuelle étaient fondées. Les événements ultérieurs ne sont plus que le développement des fondations déjà faites , dont le progrès est lent mais continu et aucun nouveau point de vue n’appelle de description. L'œuvre fut continuée,, : comme elle avaitété commencée, au milieu des rivalités et des ja, lousies des individus, aussi bien que des populations mélangées, ensemble , jusqu’à ce qu’enfin la fatigue générale: et ces luttes: inutiles et meurtrières pour les Indiens y mirent un terme.Les Cal- chaquis furent les derniers indigènes qui continuèrent encore la guerre contre les Espagnols dans les régions de l'Amérique da Sud, occupées par eux. Mais leur heure sonna aussi **, et leur des- truction fut si complète qu’il n’est rien resté de cette nation belli- queuse que le nom donné à la partie supérieure du fleuve sur lequel se trouvait la scène de leurs hauts faits. La source septen- trionale du Rio Salado s’appelle encore aujourd’hui Rio Galchaqui. Il conserve ce nom jusqu’au confluent du Rio de Sa Maria , où il le change contre celui de Rio Guachipas, qui, lorsqu'il est.entré dans la plaine, porte le nom de Rio Juramento et plus loin enfin de Rio Salado. Nous n’avons ni la patience ni la tranquillité d’es- prit nécessaires pour raconter les détails de la guerre d’extermi- nation contre cette nation. Ge sont toujours les mêmes scènes de cruauté accoutumées des Espagnols contre les Indiens et d'autant. plus terribles qu’on leur résistait avec plus de vigueur et d’é- nergie. Sp IX … COLONISATION DE LA PROVINCE DE CUYO. 1560 — 1596. | sı7 11 110 Les trois provinces Argentines de Mendoza, $. Juan et S. Luis, que l’on réunit sous le nom commun de province de Cuyo, d’après la dénomination primitive des Indiens pour cette contrée , furent colonisées par le Chili et firent partie de ce gouvernement jusqu’à la création de la vice-royauté de la Plata en 1776. A cette époque le gouvernement espagnol les rattacha à la nouvelle vice-royauté d'où est sortie la Republica Argentina. Leur histoire se relie donc intimement avec celle du Chili et cela nous oblige à jeter un regard sur la colonisation de cette partie de l'Amérique du Sud... | Ce que nous avons dit au commencement du chapitre précédent sur l'expédition d’Almagro nous a déjà appris que cette auda- cieuse entreprise conduisit les Espagnols pour la première fois au Chili, en 1536, et, que quatre ans plus tard Pizarre y envoya de nouveau son célèbre capitaine Pedro de Valdivia, pour en faire la conquête. Celui-ci s’avanca sans difficulté jusqu'aux limites du territoire des Araucaniens , entre le Rio Maule et le Rio Biobio. Mais il eut alors de violents combats à livrer contre ces Indiens belliqueux et il y laissa la vie, comme nous l’avons vu. plus haut (p. 88). | Après la mort de. Valdivia ,. l’état, des affaires demeura assez longtemps incertain. Les Araucaniens, conduits par leur célèbre _ cacique Caupolican, devinrent de plus en plus hardis, et il ne se trouvait pas chez les Espagnols d'homme pour remplacer Valdivia. En outre, les principaux officiers, Villagran, Quiroga et Aguirre, se querellèrent bientôt entre eux, personne ne voulant se sou- mettre aux autres. Enfin Hieronymus Alderete se rendit en Espagne pour aller chercher un nouveau gouverneur nommé par le roi. 104 LUTTE AVEC LES ARAUCANIENS. Philippe Il choisit Alderete lui-même. Mais il eut le malheur de voir son navire brûler pendant le voyage, et cet accident lui causa un tel saisissement qu'il en tomba malade et mourut bientôt. _ Alors on envoya des délégués auprès du vice-roi du Pérou pour lui demander un gouverneur. Il nomma son fils, comme on l’a vu plus haut (p. 69). | Don Diego Hyrtado de Mendoza , encore assez jeune homme, arriva au Chili en 1557 et prit le gouvernement. Son ambition fut de marcher sur les traces de Valdivia et de soumettre les Arau- caniens. Il essaya d’abord de traiter avec eux, pour les gagner par des moyens pacifiques. Mais comme il échoua dans ces tentatives, la guerre recommença et dégénéra bientôt par l’exaspération ré- ciproque en de véritables massacres. Les Espagnols n’étaient pas en état de remporter un avantage durable sur bes Araucaniens, et cette situation irritait tellement Mendoza que , dans sa fureur, il fit massacrer plusieurs fois tous les prisonmers. Mais ces traite- ments, aussi atroces que peu chrétiens et complétement opposés à la doctrine du Christ, d’aimer même ses ennemis, c’est-à-dire de les traiter humainement lorsqu'on est le plus fort, firent un effet opposé sur les Araucaniens. Ils opposèrent une résistance d’autant plus désespérée et furent plus heureux que les Galcha- quis, car ils ont pu conserver leur indépendance jusqu’à ce jour®®. Mendoza, voyant qu’il n’arrivait à rien par la force, eut recours à la ruse et à la trahison. Un chef indien fut corrompu. Il trahit le brave Caupolican et le livra aux Espagnols. Une mort cruelle termina la vie héroïque de ce chef en 1559; mais les Espagnols n’y gagnèrent que quelques moments de tranquillité. Mendoza les mit à profit pour améliorer sa situation. Le manque de bonnes subs- tances alimentaires dans ce pays pauvre et peu cultivé était le prin- cipal obstacle qui entravait la marche dela colonisation. Les environs immédiats de lacapitale, Santiago, étaient aussi peu propres àlagri- culture et à l'élève du bétaïl que les districts avoisinants. L’atten- tion se reporta alors sur les vastes plaines situées au pied oriental des Cordillères, de ce coté-ci de la haute chaîne qui sépare des Pampas l’étroite bande littorale du Chili, montagneuse et coupée FONDATION DE MENDOZA. 105 par de nombreux torrents. La nation des Guarpes (ou Huarpes) * habitait dans ces contrées orientales. On noua des relations avec ces Indiens, beaucoup plus sociables que les sauvages Araucaniens du sud du Chili. Ils avaient déjà été incorporés au royaume des Incas sous le nom de Guyo, que ces provinces portent encore au- jourd’hui. Ils appartenaient donc par droit de conquête aux Espa- gnols et étaient déjà accoutumés à vivre sous une domination étrangère. | Mendoza se résolut à y fonder une colonie pour l’agriculture et l'élève du bétail. Il y envoya son premier capitaine, D. Pedro del Castillo avec cent chevaux, quelques soldats et des laboureurs et le chargea de cette mission. Castillo prit avec lui quelques Indiens de la vallée du Rio Aconcagua. Ils le conduisirent par la route eñcore viable aujourd’hui de la Cumbre de Uspellata , dans la plaine où est actuellement la ville de Mendoza. Il fonda cette ville en 1560, à une petite distance du pied de la chaîne latérale, _ qui se détache de la Cordillère un peu plus au nord et est connue sous le nom de Sierra de Uspellata. Il lui donna le nom de son chef, gouverneur du Chili et fils du vice-roi du Pérou. La cam- pagne des environs, bien que déserte et sans tapis de graminée, comme tout le territoire occidental des Pampas , se prêtait d’au- tant mieux à l’agriculture et à l'élève du bétail, que le fleuve qui sort près de là des Cordillères pour entrer dans la plaine, pouvait être facilement employé à des irrigations artificielles à cause de Pinelinaison du sol fortement déclive vers l’est. Les Espagnols étaient habitués par la nature analogue de leur patrie à des tra- vaux d’arrosage artificiel, qu'ils avaient appris des Maures. La nouvelle ville s’acerut rapidement, devint bientôt un centre important et un des plus riches de l’intérieur, comme il est en- core aujourd’hui. Tucuman et Cordova seules pouvaient lutter avec Mendoza, bien que le terrible tremblement de terre du 20 mars 1861 ait entièrement détruit l’ancienne ville’. On cultive les céréales dans des champs enclos et arrosés artificiellement et l’on engraisse avec la luzerne (Medicago sativa , Alfalla) de nom- breuses têtes de bétail. On les conduit en grands troupeaux au 106 FONDATION DE S, JUAN. Chili et, dès l’origine, ils ont fait la richesse des colons. La vigne croît très-bien aussi, et si cette culture n’a pas donné de grands résultats jusqu’à ce jour , cela tient à la mauvaise manipulation, des raisins et à la difficulté des transports. Avec dés voies de coms munication plus faciles, l'exploitation des vignobles de: Mendoza deviendra importante: Avant le grand tremblement de terre cité, la ville avait une grande cathédrale mal constrüite, cinq couvents avec de belles églises, plusieurs chapelles, un hôpital , un collöge et 10. 000 habitants. Elle a été reconstruite à neuf, mais sans une parure aussi nombreuse de grands édifices ’?. Peu après la fondation de Mendoza , les Espagnols apprirent des Indiens qu’on avait trouvé de l’or chez les peuplades-situées: plus au nord et que les habitants possédaient des objets de ce métal. Cette nouvelle étant arrivée aux oreilles du capitaire Castillo, il envoya une troupe de soldats pour vérifier ces infor- mations et reçut avis que des mines d’or existaient en effet dans les contrées voisines. Il fit aussitôt des apprêts pour y établir une colonie, et la ville de S. Juan doit son origine à cette expé- dition. | Boy Eugenio Mallea, à côté duquel on nomme aussi un certain Jofre, fut chargé de cette entreprise. La ville, fondée par lui, en 4964, reçut le nom de S. Juan del Pico, à cause de la forme particulière du pie de Villicum, situé près de là au nord. Plus tard, on changea ce nom en celui de $, Juan de la Frontera, lorsque la limite des souvernements du Chili et de Tucuman fut fixée entre le territoire de cette ville et celui de la Rioja. La population de S. Juan était empruntée aux mêmes éléments que celle de Mendoza et dirigea bientôt son activité dans le même sens. L’or qui l'avait attirée n’était pasaussi abondant qu’au Pérou, etles Indiens se gardèrent de faire connaître les quelques endroits où ils en avaient trouvé, afin de ne pas exciter encore plus la cupidité des Espagnols, ‚ou bien pour conserver leurs trésors: Cependant les mines furent connues peu à peu, et les Espagnols n’épargnèrent aucun moyen pour s’en emparer. Le plus souvent ce furent des femmes qui dé- voilerent le secret à leurs amants. D’autres fois, on agissait sur FONDATION DE S. LUIS. 107 les convertis dans le confessionnal, ou même aux derniers sacre- ments sur lesmourants, en leur promettant de riches indulgences ou le salut éternel®. Tout était permis pour atteindre à un si grand bénéfice, car, d’après la morale jésuite, la fin sanctifie les moyens. | La troisième ville de la province de Guyo, nommée S. Luis, fut fondée beaucoup plus tard, en 1596, par le gouverneur Mar- tin de Loyola et s’appela d’abord S. Luis de Loyola. Plus tard on changea ce nom en celui de S. Luis de la Punta, parce qu’elle formait la pointe du gouvernement chilien à l’est. Le bruit de l'existence de mines d’or dans les montagnes voisines fut encore le mobile qui dirigea la colonisation. En réalité, il y existe des mines d'or importantes qui aujourd’hui sont exploitées par deux sociétés allemandes *. Mais dans ces premiers temps on ne. fouillait qu’à la surface du sol, et la nombreuse population accou- ruedans la jeune ville tomba bientôt dans la misère, de sorte que S. Luis est restée une des moins importantes des 14 capi- tales-provinciales de la République. Les habitants y étaient ex- posés aux attaques répétées de temps en temps des Indiens du sud des Pampas. Ges peuplades sauvages, sans avoir le courage élevé des Araucaniens, nourrissaient la même haine insatiable, contre la colonisation européenne et ne voulurent jamais s’accou-. tumer à un mode d'existence plus civilisé. Aujourd’hui encore des attaques semblables se sont renouvelées et ont mis en péril l'existence des habitants du sud de la province et détruit leurs établissements. Dans leurs razzias ils s’en prennent surtout aux femmes et au bétail. En général ils égorgent les hommes, à l'exception de quelques misérables qui s’allient volontiers avec eux pour continuer leur vie de pillage. Il n’est guère probable que ces Indiens, avec de semblables habitudes, deviennent jamais membres utiles de la société humaine. X CONCLUSIONS. La colonisation du pays est achevée avec la fondation des villes principales et la soumission des indigènes du voisinage. Une seule ville, Catamarca, la plus jeune des villes intérieures, n’a pas encore été mentionnée. Elle est au bord méridional du terri- toire des Calchaquis eton songea à sa fondation seulementlorsque les Espagnols eurent complétement subjugué ce peuple toujours hostile. Nous laissons donc de côté son histoire, et renvoyöns aux notes °°, pour ce que nous avons à en dire. Le même égoïsme, qui caractérise les actes les plus anciens de la colonisation et sur lequel nous sommes revenus plusieurs fois dans le cours de notre récit, continua à dominer dans les événe- ments ultérieurs, avec cette différence cependant que si le pays avait été exploité jusque-là par quelques chefs et leurs compa- gnons, la couronne d’Espagne prit peu à peu leur place. Elle ne les considéra plus eux et leurs œuvres que comme des instru- ments utiles à ses desseins, comme eux-mêmes l'avaient fait aupa- ravant avec les Indiens conquis et les richesses naturelles du pays. | L’esprit étroit de la politique coloniale de l'Espagne considéra tous les habitants des colonies non-seulement comme des mi- neurs, mais encore comme des enfants mutins auxquels il fallait mettre la bride et la tenir serrée le plus possible, afin de les maintenir dans l'humilité de la dépendance et leur ôter l’envie de s’en débarrasser. L'Église catholique eut une grande part dans dans la conservation da ces sentiments humbles d'esclaves qui s’abandonnent sans volonté à leur destin. Elle savait bien que, lorsque cette soumission viendrait à s’en aller, la servilité encore plus grande à l’égard du clergé serait en danger. Le despotisme et la théocratie marchent toujours d’accord et jamais ils n’ont POLITIQUE COLONIALE DES ESPAGNOLS, 109 véeu en union plus intime qu’en Espagne, au temps de Philippe Il et de son successeur. Tenu par lâcheté ou par crainte des châti- ments dus à ses crimes secrets et publics, dans une obéissance servile par l'Église, il voulait enchainer de mème ses sujets, et cette pensée, unie à la soif des trésors matériels, est l’âme de la politique coloniale de l'Espagne. Rien n’était permis aux habi- lants, tout était contrôlé et espionné, afin de pouvoir punir sur-le- champ les contrevenants. Toutes les acquisitions et tous les objets | d'utilité importés, même les plus simples, devaient être tirés uniquement d'Espagne et étaient frappés de droits élevés. Ces impôts coulaient dans le trésor d’Espagne et ne furent même pas employés au bien du pays, mais à l'avantage de la couronne et des séides de son despotisme écrasant. Le roi d'Espagne nommait le vice-roi du Pérou ; il nommait aussi tous ses subordonnés, même les gouverneurs de province, dont nous avons donné plusieurs exemples. On ne laissait jamais longtemps le vice-roi en place, par crainte qu'il ne se forme un parti dans le pays et ne devienne trop l'ami des colons. Les fonc- tionnaires étaient toujours de vieux Espagnols, jamais les enfants nes dans lepays, lescréolesetencore moins ceux des Indiens ou les métis. Les étrangers n'avaient pas accès dans les colonies. Il ne leur était pas permis d’y voyager et encore moins d’y posséder. Même à la fin du siècle précédent, il fallut à Alex. de Humboldt une permission particulière du roi d’Espagne, lorsqu'il exécuta son fameux voyage en Amérique. Les navires étrangers ne pou- vaient pas visiter les colonies espagnoles, et, lorsqu'on le per- mettait à quelques-uns, ils ne pouvaient faire de commerce qu’à des conditions oppressives et en payant desdroitsenormes. Toutes ces mesures, vexatoires ne furent pas imaginées dès l’origine ; mais elles se développèrent peu à peu et leur exécution devint plus rigoureuse à mesure que la puissance espagnole s’affai- blissait et que celle d’autres nations comme les Hollandais et Jes Anglais s'élevait. De là naquit l'habitude d’équiper des navires en course, qui a coûté tant de riches cargaisons aux Espagnols, et les força à armer en guerre leurs grands navires de commerce 110 INSTITUTION DE LA VICE-ROYAUTÉ DE LA PLATA. pour les défendre contre les attaques de leurs ennemis etenvieux. Le revenu des colonies diminua peu à peu et la mère patrie s’appauvrit dans la même mesure. Déjà au bout d’un siècle l'Espagne n’avait plus que Pombre de la puissance qu’elle possé- dait au moment de la fondation des colonies. Pendant cela l’administration intérieure des colonies, dont la population s’actroissait lentement, devintde plusen plus difficile. La couronne se vit forcée, pour simplifier le mécanisme du gouver- nement, d'établir plusieurs centres d'administration en Amé- rique et de restreindre sur un champ plus petit les attributions du vice-roi du Pérou. A la suite de guerres avec le Portugal et de conflits de délimitation avec cette puissance, ce besoin fit créer en 1776 la vice-royauté du Rio de la Plata avec Buenos- Ayres pour capitale. Cette nouvelle vicé-royauté embrassait exac- tement le territoire actuel de la République Argentine y compris les provinces de Guyo et les républiques actuelles du Paraguay et de l’Uruguay, qui se séparèrent plus tard. Par sa position et sur- tout par celle de sa capitale, cette vice-royauté était la plus en communication avec l’Europe. Il n’était pas possible de préserver cette ville des idées d’independance qui en vinrent ainsi que de l'Amérique du Nord. Aussi fut-ce Buenos-Ayres qui, la première, abandonna là mère patrie, lorsque la guerre d’Espagne avec Na- poléon I” occupa toutes ses forces etla força de laisser ses colonies à elles-mêmes. Les Anglais étaient déjà venus ici et avaient occu- pé la ville pendant quelque temps. La population apprit en cette occasion à connaître se: forces et les tourna contre un ré- gime que peu dé temps auparavant elle avait défendu avec la même énergie. En 1808, lorsque Napoléon fit son frère Joseph roi d'Espagne et que celui-ci voulut remplacer les anciens vice- rois par de nouveaux, dévoués à sa personne, l’attachement à l'Espagne se manifesta encore clairement. On obéit äla junte de Séville, et le désir de l'indépendance ne se fit complétement jour que lorsque la junte eût été dispersée par les armés françaises. Le 25 mai 1810, on constitua à Buenos-Ayres un gouvernement particulier, en excluant tous les vieux Espagnols. Cependant l’ad- PROCLAMATION DE L'INDÉPENDANCE. 411 ministration se fit toujours au nom de Ferdinand VII, roi d’Es- pagne; On lui demanda mème son fils Franz comme régent. Mais pour le conseil du roi, cette initiative spontanée n'était qu'un acte derébellion, et la proposition, renouvelée encore en 1815, fut rejetée. On se décida alors à se déclarer séparés de l'Espagne. Une junte de toutes les provinces se réunit à Tucuman, et le 16 juillet 1816 elle proclama l'indépendance de la République Argentine. Cet acte décisif délivra l'Amérique du Sud du joug de l'Espagne, et ses différents états prirent bientôt rang parmi les nations indé- pendantes du globe terrestre. Buenos-Ayres, depuis longtemps. our linterieur le foyer d’où rayonnait la civilisation, devint aussi lecentre du mouvement de libéralisme et d'indépendance pour toutes les républiques de l'Amérique du Sud, qui, jusqu’à _ ce moment, avaient gémi avec elle ie le despotisme écrasant de l'Espagne. Nous laissons l’histoire de ses progrès et de son développe- ment aux historiens locaux qui ont choisi ce sujet pour thème et prenons adieu des lecteur s, en ajoutantseulement que les épreuves traversées jusqu'à ce jour par la jeune république ont été très- dures. Mais, depuis quelque dix années, l'opinion dominante a été qu'il fallait enfin se débarrasser du vieil egoisme hérité des Espagnols, et que les masses ignorantes, toujours disposées à obéir àla force brutale, devaient être élevées au niveau de la vraie civilisation par l'instruction, C’est par là seulement que la haute moralité pourra être définitivement fondée. TABLEAU CHRONOLOGIQUE. 112 ANNÉE DATE. FAITS. PAGES. | 1515 | 8 octobre. |Juan Diaz de Solis part d’Espagne et aborde au Rio: derla Platas:uscaumnsal anderen 5) 1535 | 2 février. |Petro de Mendoza fonde Buenos-Ayres..... 20 1536 |15 août. Juan de Ayolas s'empare de Lambaré et fonde l’Assomption..........:..,...4.. ol 1592 — Fondation de Santiago del Estero par Franz Aguirre) Gloss Gif ANR 88 1558 — Le gouverneur Zurita fonde London. ...... 89 1560 —- Fondation de Mendoza par Petro del Castillo.| 105 1561 — Fondation de San Juan par Eugenio Malleo..| 106 1561 — Fondation de Nieva (Jujuy) par Gregorio Cabtañetla. 2 Lx. ALL ALIM, ah BE 90 1565 _ Première fondation de Tucuman par Diego de Yillaroel 2 ESS SENS 9 1573 | 6 juillet. Hieron. Luis Cabrera fonde Cordova...... 96 1573 |15 novembre.|Première fondation de Santa Fé par De Garaÿ:l. Ju. Méca ui RSR 74 1580 |11 juin. Rétablissement de Buenos-Ayres par De GERN. NAS de RNIT à ie 80. 1582 |16 avril. Fondation de Salta par Hernando de Lerma.) 99 1588 | 3 avril. Fondation de Corrientes par Juan Torres y Aragon DIDI 84 1591 120 mai. Fondation de la Rioja par Juan Ramirez Neal a: 100 1562 — Retablissement de Nieva scus le nom de Jujuy par le même Velasco........,.... 10L . 1596 — {Fondation de San Luis par Martin de Loyola.| 107 1651 = Transport de Santa Fe à son emplacement 0 Be ren s se de ee 6 TN ES note 74 1675 |17 septembre.|Décret royal prescrivant à Angel Peredo de fonder Catamarca, exécuté en 1683 par Mate de Luna. 2. 2 EN note 95 1685 | 4 octobre. |Transport de Tucuman sur son emplacement actuel par Mate de Luna............,.. note 82 NOTES INTRODUCTION O0 (2) *. Azara et Funes citent, parmi les sources de l’époque la plus ancienne de notre histoire, un manuscrit du père jésuite Pedro Lozano que je n’ai pas pu voir pendant mon travail en 1862-1863. D’après ce que Azara en dit on ne pouvait lui accorder trop de confiance (Hist. d. Parag., I, p. 8). Un jésuite ne peut faire un bon historiographe. Les règles de son ordre ne lui permettent point d’être impartial et j'étais donc disposé à sous- crire au jugement d’Azara. Depuis lors le manuscrit du Père Lozano a été imprimé ici à Buenos- Ayres et le savant éditeur a eu la bonté de m’en envoyer un exemplaire. Il porte pour titre : | Historia de la conquista del Paraguay, Rio de la Plata y Tucu- man, escrita por el P. Pedro Lozano, de la Comp. de Jesus; ilustrada con noticias del autor y suplementos por Andres Lamas. Buenos-Ayres, 1873-1874. Tomes I-IV, in-8. L'introduction, faite avec beaucoup de soin, nous fait connaître que Lozano était né à Madrid en 1697, qu’il entra dans l’ordre en 1730, se rendit plus tard dans l'Amérique du Sud, y séjourna dans le College des jésuites de Cordova et y fut employé comme historien par la Congrégation. Il écrivit en 1745 son livre demeuré jusqu’à ce jour inédit. Après 1752, son nom dis- paraît des actes de la Société, et il est probable qu'il avait déjà quitté l’Amé- rique du Sud avant l'expulsion des jésuites en 1767. Je dois avouer que la lecture de ce livre laisse une bonne impression au lecteur, parle en faveur de l'exactitude de l’auteur, et que le jugement acerbe d’Azara pourrait bien être erroné, ainsi que l'éditeur s'efforce de le prouver (p. 37 de l’Introd.). On trouve beaucoup de détails dénotant un Jugement sain, mais ne relevant que d’un historien spécial et ne pouvant rien changer à notre exposé général. Les descriptions étendues des localités, des hommes et des animaux, prouvent que l’auteur ne possédait pas les connaissances nécessaires pour cette partie, car il avance souvent des faits impossibles, tels par exemple que l'existence de singes sans queue dans le “(*) Les chiffres entre parenthèses indiquent la page du texte. REP. ARG. — 1, 8 A4 NÔTES 1, 2. pays, l’animal sauvage sù (p. 285), etc. Ses observations sur les plantes et sur leurs propriétés médicales sont sans valeur, aussi longtemps que nous ne pourrons pas reconnaître scientifiquement à quelles espèces elles se rap- _ portent. Des recherches répétées, exécutées dans le pays même, pourront être entreprises plus tard, mais tant qu’elles n’auront pas été faites, les indications de Lozano resteront sans utilité. CHAPITRE 1. 4 (3). Vid. Varnhagen, Historia do Brasil, tome I, p. 31. Rio de Janeiro, 1854-58. Il affirme qu’un certain Nuno Manuel a visité le Rio de la Plata avant Solis. D’après Humboldt (Kritische Unters., etc. Ueber die Entd. d. neuen Welt,'t. II, p. 177), ce Nuño fut un successeur de Magellan; car il aurait traversé le détroit de Magellan en 1525 et fait mention du Rio de la Plata. 2 (3). La vie de Juan Diaz de Solis est assez imparfaitement connue: Navarrette a recueilli, dans sa Coleccion de documentos de los viages y des- cubrimientos que hicieron por mar los Españoles desde fines del siglo =, X page 46 et seq., quelques faits intéressants qui s’y rapportent. Ainsi nous apprenons qu’en 1497 il fit, en compagnie de Vincente Yanez Pinzon et Juan de la Cosa, un voyage à la baie de Honduras, où l’on contourna la presqu'île de Yucatan et longea les côtes du golfe du Mexique jusqu’à ce que l’on eût atteint la Floride. On la contourna aussi et le voyage fut prolongé jusqu'à la baie de Chesapeak d’où l’on revint en Espagne. Dans ce voyage, Cuba fut reconnue comme une île et elle apparaît pour la première fois sur la carte de leurs découvertes publiée par J. de la Cosa en 1500. — Varnhagen a prouvé dans son mémoire sur A. Vespucci (Lima 1865, Fol., p. 98, réim- primé à Vienne en 1869 avec additions) que ce dernier faisait aussi partie du voyage, et que ce fut sa première expédition restée problématique jusqu'à ce jour. — Au retour, Solis fut accusé par Pinzon de ne pas avoir rempli son devoir (Herrera, Décad. I, p. 189), peut-être plus pour la part quil avait prise à cette navigation que pour des fautes réelles. Pinzon a toujours été envieux de la célébrité des autres et se conduisit notamment très-mal à l'égard de Colomb. Solis fut incarcéré et resta quelque temps en prison, jusqu’à ce qu’on se fût convaincu du manque de fondement des inculpations. Il quitta alors le service de l'Espagne et passa à celui du Portugal, comme. Varnhagen (Nouv. recherch., p. 17) le prouve. Il se rendit au Brésil en 1504 avec Gonzalo Coëlho, resta quelque temps à Rio de Janeiro et fit probable- ment entre 1505 et 1506, sur les navires portugais avec le même Coëlho, un voyage au sud, dans lequel il peut avoir visité l'embouchure du Rio de la Plata. Ce savant combat l’assertion de Herrera (Décad. I, lib. VII, cap. 1 et 1x), que Solis a fait en 1508 un second voyage avec Pinzon et s’eflorce de prouver que l’historiographe s’est embrouillé dans ses indications, ce qui. est vraisemblable, car les deux marins étaient en mauvais rapports. Mais 1l est certain que Solis repassa de nouveau du service du Portugal à celui de NOTES 3, 4. 115 l'Espagne, probablement en 1510, ou à la fin de 1509, et fut nommé piloto mayor après la mort de Vespucci (22 février 1512), afin de lattacher plus solidement à l'Espagne. C’est à ce titre qu'en 1514 il reçut ordre de faire le voyage qui le conduisit à l'embouchure de La Plata et lui fit prendre pos- session du pays pour la couronne d'Espagne. 3 (4). Alex. de Humboldt, dans son ouvrage déjà cité sur les progrès de notre connaissance du nouveau monde mil 1850, in-8, 1 vol. et Berlin, 1852, 3 vol.) a éclairé avec une profonde critique la vie de cet homme remarquable et sa part indirecte à la denomination de l'Amérique. Il a prouvé que le nom America a été employé pour la première fois par un savant allemand, Waldseemüller, professeur au collége de Saint-Dié en Lorraine, qui dans ses travaux scientifiques se nomme Hylacomylus. 1 parla d’abord de Americi terra, et bientôt après on se servit simplement du terme America par consonnance avec Asia et Africa. Vespucci n’y contribua pas autrement que par la prompte publication de son premier voyage dans des lettres adressées au gonfalonier de Florence, Pedro Soderini, et au chef de la famille des Médicis, Lourenzo Pedro Francesco. Ces lettres parurent en italien en 1504, mais furent traduites et imprimées en latin en 1507 en Allemagne. Cest à cette traduction latine que Hylacomylus emprunta les faits qu'il relate dans sa Cosmographiæ introductio (Saint-Die, 1507, in-8 et Strasbourg, 1509, in-8). Comme ce livre est devenu très-rare, Navarette Ya réimprimé dans sa Colleccion, ete., t. III, p. 185. Humboldt ne put établir avec certitude que trois voyages de Vespucci; mais son successeur dans ces recherches, M. Varnhagen, a prouvé non-seulement la réalité d’un qua- trième, dont Vespucei lui-même parle (dans le mémoire cité, note 2), mais de plus il a cherché à démontrer qu’il en avait fait six. Dans aucun d’eux il ne fut chef unique de l’expédition, et par conséquent ne fut pas le décou- vreur des pays visités, mais assista simplement aux découvertes d’un autre. Il ne nomme pas dans ses lettres ces véritables découvreurs et ne parle que de lui, ce qui Va fait accuser d’avoir cherché. à tromper le lecteur; mais Humboldt et Varnhagen ont mis à néant cette accusation. On peut toujours lui reprocher un désir insatiable de se mettre au premier rang et sa jac- tance. — Il fit son premier voyage en 1497-98 avec Vincente Yanez Pinzon, en compagnie de Juan Diaz de Solis; le second, avec Hoyeda en 1499; le troisième et le quatrième sur des navires portugais avec Gonzalo Coelho; — Juan Diaz de Solis se trouva de nouveau avec lui pendant le dernier 1505- 1504. Il ne nous reste aucun document des deux derniers voyages, le cin- quième et le sixième, que Varnhagen lai attribue. 4 (4). D'après Herrera (Décad. I, lib. VII, cap. tet ix), ce fut le second voyage avec Vine. Yanez Pinzon en 1508 qui fut l’occasion de ses accusations contre Solis.'Nous avons préféré la version de Varnhagen, parce qu’elle concorde mieux avec les faits antérieurs. Solis, d'après Herrera, quitta le service de l'Espagne seulement après avoir été reconnu innocent en 4510. Il est difficile que deux ans plus tard il se fût assez bien réconcilié avec la couronne d'Espagne pour se voir appelé à l'emploi de piloto mayor. Il est 116 NOTE 5. plus vraisemblable qu'il. entra plutôt au service du Portugal et que la renommée de ses voyages au sud détermina le gouvernement espagnol à le reprendre à son service. 5 (4). La carte que Magellan, a vue chez le roi de Portugal n’est pas connue autrement et a été perdue. On présume que c'était un travail de Martin Behaires, qui était en relations avec le roi de Portugal. Il Paurait tracée à l’aide de son globe de Nuremberg (Peschel, Gesch.d. Entd., p. 318). De Humboldt dans ses Krit. Unters., I, p. 252, et J.-G. Kohl dans le texte ajouté à ces deux anciennes cartes de l’Amerique conservées à la biblio- thèque de Weimar, ont fait des recherches étendues sur ce point. La plus jeune de ces deux cartes, de l’année 1529, a été dessinée par le célèbre cartographe espagnol Ribero ; la seconde, de 1527, peut-être par le fils naturel de Colomb, D. Hernando Colon, qui vivait à Séville en savant et cartographe. Les deux cartes furent apportées en Allemagne pour l’empereur Gharles-Quint avec les relations des nouvelles découvertes. Elles contiennent les résultats des voyages de Solis, Cabot et Magellan, et sont de la plus grande importance pour l’histoire des contrées du Rio de la Plata, et au sud jusqu'à In Terre de Feu. La carte de 1527, qui contient les découvertes de Juan Diaz de Solis, porte au fond du bassin du Rio de la Plata l’île actuelle de Martin Garcia, mais sans nom. Le fleuve est désigné par le nom de Rio Jordam, et on le fait sortir hypothétiquement de l’intérieur comme prenant.sa source dans de hautes montagnes boisées. La seconde carte de 1529 s’appuie sur les découvertes de Cabot et leur sert de document principal. A côté du Rio de la Plata, qui ne porte aucun nom, on a écrit sur le continent : Esta tierra descubrio Juan de Solis ano 1515 à 16; donde ahora esta Sebastian Gaboté en una fuerte que alli hizo; es tierra muy despuesta para dar pan y vino en mucho abundancia; el rio es muy grandissimo y de mucha pescaria. Creen que hay oro y plata en la tierra en dentro. On suit le fleuve à l'intérieur, jusqu’au 22° de L. S. Il est tracé comme un large courant avec de nombreuses îles et reçoit des affluents nommés comme il suit. D'abord à droite le Rio Uruguay, qui vient du nord, ensuite la courbure du fleuve au nord et bientôt après sa courbure à gauche vers l’ouest avec le Rio Carcaraña et à côté au nord le port construit par Cabot. Le principal cours porte ici le nom de Rio Parana. Plus au nord et à une grande distance le Rio Lepiti (aujourd’ hui Vermejo), et plus loin la bifurcation du fleuve en Rio Paraguay à l’ouest et Rio Paranä à l’est; mais ce dernier beaucoup plus large et sans nom. La direction du Being est tracée comme venant du nord-ouest, ce qui l’a fait prendre faussement pour le Rio Pilcomayo. Mais le nom écrit montre qu'il s’agit bien du Rio Paraguay, dans lequel Cabot remonta quelque temps; tandis qu’il n’a jamais atteint l’embouchure du Pilcomayo. La partie supérieure prolongée jusqu’au tropique doit être considérée comme un tracé hypothétique ,. car Cabot ne dépassa pas le rétrécissement encore appelé aujourd’hui La Agustura, sous 25°36’ de L.S. NOTES 6—9. 117 6 (4). Navarette a fait connaître le texte de l'instruction donnée à Solis par le roi (Colecc., etc. II, 134). En voici les termes : de ir à las espaldas de la tierra, donde agora estä Pedro arias, mi capitan de Castilla de Oro, y de alli adelante ir descubriendo por las dichas es- paldas ete.... mil e setecientas leguas mas si pudiendes, contando desde la raya e demarcacion que va por la punta de dicha Castilla de Oro. Castilla de Oro est l’isthme de Darien ou de Panama, et ir à las espal- das veut dire se rendre sur l’autre côté de l’isthme, ce que l’on ne pouvait faire qu'en découvrant le passage à l’ouest. 7 (5). Navarette prend l'Isla de Plata pour l’île Sa-Catharina, qui a sou- vent changé de nom. La ligne de démarcation tracée par le pape touchait le cap Cananea. 8 (6). Les anciens auteurs sont assez unanimes pour raconter, d’après le récit des hommes de l'équipage, que les Charruas couperent en morceaux les cadavres des tués, grillèrent les morceaux sur le feu et les mangèrent. Le reste de l'équipage du petit navire fit alors feu sur eux et vint ensuite rejoindre les deux autres navires. Azara et après luiles historiens modernes du pays contestent ces faits, parce qu'on n’a jamais parlé d'aucun autre cas de cannibalisme chez les Indiens du Rio de la Plata. Ils y voient une invention des fuyards pour justifier leur conduite et leur retour. (Vid. la Revista de Buenos-Ayres, tome VIII, page 493.) Azara cependant dans son voyage (tome II), aussi bien que dans son ouvrage posthume (Historia del Paraguay; Madrid, 1847, II, t. VII) décrit les Charruas comme une nation très-sauvage et même comme la nation la plus sauvage des Indiens du Rio de la Plata; et leur lutte avec les colons espagnols, perpétuée jusque dans les temps modernes et terminée seulement avec leur anéantissement complet, semble justifier cette description. Quand même il serait faux qu'ils aient mangé les cadavres des premiers Espagnols tués, il est bien certain au moins qu'ils les ont maltraités. 9 (6). Le nom de l’île Martin-Garcia n’est indiqué sur aucune des deux vieilles cartes signalées dans la note 5, bien qu'on voie au fond de l’es- tuaire de La Plata une grande île peinte en blanc et devant elle, plus à l'est, trois autres petites îles en rouge également sans nom. Nos cartes modernes portent à peu près sous 40° de Long. Ouest de lile de Fer (60° de Paris) le petit groupe d’ile de S.-Gabriel, et 16’ plus à l’ouest l’île Martin-Garcia. Les îles rouges des anciennes cartes seraient donc le groupe de S.-Gabriel, la grande île bleue celle de Martin-Garcia. Il est possible que Solis ait remonté le fleuve encore plus loin que Pile bleue, car la carte de 1527, dessine encore la terre ferme au-dessus de Vile et trace assez exactement la partie supérieure du fleuve qui se rétrécit rapidement. On en peut conclure que Solis remonta encore au delà de Pile Martin-Garcia et pénétra dans l'embouchure du Rio Uruguay avant de se faire tuer sur le rivage. Le nom de Martin Garcia n’est pas celui du pilote de Solis, car il s’ap- pelait Francisco de Torres. Solis laissa l’île sans nom, et Cabot fit comme lui. Son nom actuel est d’origine plus récente. Les premiers écrivains à 448 | NOTES 40, 11. qui manquait la carte de 1527 n’ont pas connu exactement l'endroit où Solis fut tué. Pedro de Angelis, dans l’index de son édition de l’Hist. Arg. de Guzman dit, au mot MARTIN GARCIA, que Solis a succombé à côté de cette île. Azara reporte cet endroit beaucoup plus à l'est, entre Moldonado et Montevideo, ce qui est sûrement inexact, quand même, comme il affirme, il existerait là un petit ruisseau qui porterait son nom. CHAPITRE I. . 10 (7). Nous avons parlé de ces cartes dans la note 5. Le nom de Rio de Solis, que l’on trouve chez quelques historiens, n'apparaît pas sur les deux cartes. Sur la plus ancienne de l’année 1527, le Rio de la Plata s'appelle Rio Jordam, et la terre voisine au nord, la Banda orientale actuelle, Tierra de Solis. Sur la plus jeune de 1529, le fleuve est sans nom à l’embou- chure, mais celui de Tierra de Solis est reproduit. Un historien de mérite, M. Luis Dominguez, a dans son Historia argentina, page 39, exprimé la présomption que le nom de Rio de Solis, employé par Herrera, se rapporte au Rio Uruguay, parce que Solis est mort à son embouchure. La carte de 1529 est en contradiction avec cette manière de voir, car elle donne le nom de Rio Uruguay au fleuve actuel de ce nom. Magellan, qui pénétra en 1520 dans le Rio de la Plata, s’en éloigna aussitôt qu'il eut reconnu que cet estuaire n’était qu'un fleuve et non pas un détroit. Cepen- dant il détermina exactement les limites de son embouchure et nomma les caps. (Voir le texte ajouté par Kohl aux deux cartes, p. 146-50.) 11 (7). Sébastien Cabot, nommé Gaboto par les Espagnols, était né en Angleterre, comme le dit Woodbine Parish (Buenos-Ayres, from the con- quest, etc., London, 1852, in-8, p. 1), et non à Venise, comme Pedro de Angelis Vaffirme dans son édition de l’Historia argentina de Guzman. (Coleccion de documentos sobre la historia del Rio de la Plata; Buenos-Ayres, in-4, t. 1), probablement à Bristol, quatre ans avant le retour de son père à Venise, par conséquent en 1472. Cette date est bien établie par les recher- ches de son dernier biographe M. J. F. Nicholls (Londres 1869, page 19). Il entra pour la première fois au service de l’Espagne en 1512; mais y resta seulement quatre ans (loc. cit., p. 90). Les années suivantes, il servait en Angleterre. Il fut rappelé en Espagne par Charles-Quint, sur les instances de son ami, le célèbre Pedro Martyr d’Anghiera, et reçut en 1518 le poste de piloto mayor. I se passa plusieurs années avant qu'il pût partir. Herrera le laisse au service de l'Espagne sans interruption depuis 1512, et le fait accompagner Solis avec le titre du capitaine du roi (Déc. 1, page 254). Il doit être dans l’erreur, car on ne sait rien de Cabot durant ces expéditions. Il relate ensuite exactement qu’il devint piloto mayor après Solis (Déc. I, page 10) et place ce fait en 1518, année où Cabot rentra au service de l’Es- pagne. Herrera décrit l’expédition de Cabot, Déc. III, page 259 et Déc. IV, page 99, NOTES 12, 13. - 149 12 (9). Herrera a conservé (Dee. Ill, 269) les noms des meneurs. C’étaient des officiers assez élevés, et un d’entre eux était le commandant du navire La Trinité. Ns revinrent plus tard en Espagne et obtinrent grâce (Déc. IV, 40). 13 (9). Une rivière existe encore là aujourd’hui avec le nom de S. Sal- vador et d’après la carte d’Azara, Plan. 4, se distingue par une large em- bouchure, en disproportion avec son peu d'importance. Sa position est à peu près sous 33° 30’ de L. S. La carte de 1529, sur laquelle le Rio Uruguay est tracé jusqu'à 30° de L. S., prouve bien que Cabot est remonté jusque-là, ou y fit faire des éxplorations. Cependant le Rio San Salvador manque sur cette carte, ainsi que l'embouchure beaucoup plus large du Rio Negro, d’où il faut conclure qu’on n’alla pas jusque-là, car cette der- nière rivière ne leur eût pas échappé. — Guzman, dans son Historia argen- tina, déjà plusieurs fois citée, donne au fleuve le nom de S. Juan. — Nous aurons souvent recours à cet ouvrage comme à une des principales sources de notre histoire; il est donc bon de donner une courte notice sur son auteur. Il était fils d’un certain Alonzo Riquelme de Guzman et de Ursala, fille du second gouverneur du Paraguay, Domingo Martinez Irala. Il naquit en 1554, à l’Assomption, et reçut le nom de Ruy Diaz. Son père était venu au Paraguay, avec le premier gouverneur Alvaro Nuñez Cabeza de Vaca, en 1540, dont il était le neveu et fidèle partisan. Il y resta après que celui-ci eût été renversé par ses ennemis et renvoyé en Espagne. Il reçut de son beau-père Irala le commandement de la nouvelle province de La Guayra, à l’est du Rio Paranä, et son fils y vécut à côté de lui et y fut employé dans plusieurs circonstances, par exemple à la fondation de Xerez. Il se permit de transporter dans sa nouvelle ville les habitants d’un ancien établissement, Ciudad Real. Des plaintes ayant été déposées contre lui au- près du gouvernement, celui-ci le rappela à l’Assomption pour se justifier. Dans l’état de division des partis et le peu de sécurité pour les personnes qui en résultait, le fils préféra s’éloigner du pays et se rendre dans un autre gouvernement à Chuquisaca, dans la Bolivie actuelle. En 1612, il écrivit de mémoire, d’après les récits de son père et de ses amis, l’Historia argentina et envoya le manuscrit en 1614 en Espagne, au duc de Medina Sidonia, protecteur de sa famille. Il resta longtemps inédit et n’était connu que par des extraits, jusqu’à ce que Pedro de Angelis le fit imprimer à Buenos-Ayres en 1836, dans sa Coleccign. Bien que la relation de Guzman, composée d'après des souvenirs, sans recours aux archives, soit nécessairement incom- plète et inexacte, et qu’en outre elle porte l'empreinte des idées de parti de sa famille et de ses amis, elle conserve cependant une grande valeur comme source unique de nombreux faits et doit servir de guide en l'absence d’au- tres documents. Bien des assertions ont été corrigées par les historiens postérieurs, qui comme Azara se sont servis des archives. D’autres n'ont pu s’éclaircir; mais les erreurs ne peuvent jamais être bien importantes, car le champ des événements racontés est toujours restreint et la plupart du temps il s'agit de personnalités qui ne valaient guère mieux les unes 120 - NOTES 14—16. que les autres. — Azara reproduit comme Guzman le nom de la rivière où Cabot fonda son fort de S. Salvador. D’après lui ce fort était sur le Rio S. Juan, en face de Buenos-Ayres, et Woodbine le place au même endroit, sur l’autorité d’Azara. Mais alors le Rio Uruguay ne pourrait pas être des- sine, aussi loin au nord, sur la carte de 1529. Il devrait même manquer entièrement, comme sur la carte de 1527, si Cabot n’a pas remonté son cours. D’un autre côté, il est assez admissible de placer le fort sur le Rio S, Juan; car on ne comprend pas bien ce qui aurait pu déterminer Cabot, après l'exploration de l’Uruguay, à s’etablir si loin de l’embouchure du Rio de la Plata. — Du reste, le fort S. Salvador, exista encore longtemps après Cabot et fut abandonné seulement en 1574, sous le gouvernement de Juan Ortiz de Zarate. 14 (10). Comme l'embouchure du Rio de las Palmas est située assez exac- tement en face de celle du Rio S. Juan, ceci conduit encore à admettre que Cabot avait sa station sur cette rivière et y construisit son fort. Sal fût revenu sur ses pas à partir du Rio S. Salvador, il aurait rencontré l’em- bouchure plus large et plus profonde du bras principal, le Paranä Guazu, et y eût probablement pénétré. 15 (10). Le fort est indiqué sur la carte de 1529 au nord de l’embouchure du Rio Carcarañal, mais sans nom. La rivière, qui s’appelle encore aujourd’hui Rio Carcarañal, se forme par la réunion de deux petites rivières, le Rio Tercero et le Rio Quarto. Ce dernier n’a pas toujours assez d’eau dans la partie inférieure de son cours pour atteindre le Garcaranal. Celui-ci est le seul grand affluent que le Rio Paranà recoive de ce côté jusqu’à l'embouchure du Rio Salado, près de Sa. Fe. Il est navigable pour les petits bateaux sur une étendue peu longue. (Voir mon Reise, II, 44, et Martin de Moussy, Confed. Arg., I, 152.) — Guzman fait avec raison dériver le nom d’un cacique indien. Il était déjà en usage du temps de Cabot, comme le prouve la carte de 1529. 16 (10). Les historiens racontent de manières très-différentes l’histoire de la découverte des petits échantillons d’argent que Cabot envoya en Espagne avec son rapport un peu exagéré, et qui donnèrent lieu à la dénomination de Rio de la Plata, parce que ces échantillons étaient le premier argent qui arrivait en Europe des colonies espagnoles. Nous avons adopté la version d'Azara, parce qu’elle est la plus naturelle et explique le mieux la prompte arrivée en Espagne. Évidemment cet argent venait de la Bolivie, de la contrée actuelle du Potose, que les premiers immigrants nommèrent La Plata, et avait été apporté aux Timbos. Guzman raconte une longue histoire d’un Por- tugais, Alejo Garcia, qui l’avait porté au Paraguay et qui aurait été le pre- mier Européen venu dans le pays. Herrera, qui raconte l’accueil enthousiaste fait à Tolède par l’empereur (Décad. IV, 33) aux envoyés de Cabot, ne sait rien de ce Portugais. Les envoyés donnèrent plus tôt l'argent comme un produit du pays, et tächerent ainsi de déterminer l’empereur à l'envoi d’une expédition de secours. L'inscription sur la carte de 1529, citée plus haut dans Ja note 5, appuie aussi cette version. L'empereur promit les secours NOTES 17—22. 121 dans l'espoir d'une riche récolte d'argent et fit engager les négociants de Séville, qui avaient été en partie les promoteurs de l'expédition de Cabot, à renouveler leurs subsides. Mais comme ils avaient déjà perdu 10,000 ducats ils s’y refuserent. 17 (11). M. Kohl, dans les explications des deux anciennes cartes publiées par lui et citées dans la note 5, a exprimé la supposition que la partie supé- rieure du fleuve, telle que la carte de 1529 la représente, est le Rio Pilco- mayo et non le Rio Paraguay, parce qu’il est dessiné venant du nord-ouest. Je ne puis pas me rallier à cette façon de voir, d’abord parce que le nom du Rio Paraguay est écrit sur la carte, ensuite parce que Cabot n’est pas allé jusqu’à l'embouchure du Rio Pilcomayo. S'il était allé jusque-là (25° 19’ de L.S.)il n'aurait pu être de retour aussi promptement, car la partie au-dessus du rétrécissement, où il s’arrêla probablement (25° 33’), est beaucoup plus difficile à parcourir à cause des nombreuses iles et des bas-fonds du fleuve. La fausse direction du tracé ne signifie rien, car la direction du Rio Paranä est encore plus inexacte, puisqu’à son embouchure on le fait venir de Vest. Aueun des anciens chroniqueurs ne fait aller Cabot jusqu’au Rio Pilcomayo. L’Angustura est sûrement le point extrême de son exploration, si même il ne rebroussa pas chemin encore plus tôt. Le Rio Vermejo s'appelle Ypitä chez les Indiens du pays; les Espagnols en firent le Lepiti. 18 (12). Les deux prisonniers des Indiens étaient Juan de Justos et Hector de Acuña. Ils restèrent chez eux et furent souvent employés comme inter- prètes dans les expéditions ultérieures des Espagnols. 19 (12). L'expédition de Diego Garcia fut équipée par des marchands de Séville avec le concours de la couronne. Le navire qui le portait partit d'après Azara avant Cabot le 15 janvier 1526 ; Herrera, probablement mieux renseigné, parle seulement du 15 août et par conséquent après le départ de Cabot (Décad. II, page 278). Son voyage se fit très-lentement. En jan- vier 1527 il atteignit la baie de Saint-Vincent sur la côte du Brésil (24° de L. S.) et de là fit voile vers le Rio de La Plata, où il rencontra la station de Cabot et remonta le fleuve pour le rejoindre. Les détails du voyage ne sont pas mieux connus ; ce qu’on en sait est dü à Herrera (Decad. III, 278, et sur- tout IV, 169). La version d’Azara se trouve dans son Voyage, t. II, p. 15 et suiv. et dans Hist. du Parag., 1, 15 et seq. D’après un écrivain moderne (B. Mitre, Revista de Buenos-Ayres, VI, 428), les récits publiés jusqu'ici ne sont pas admissibles ; mais on n’en a pas encore donné d’autres. 20. (13) Herrera donne une relation détaillée de son retour (Décad. IV, p. 168) et cite tous les endroits où Cabot toucha, en s'étendant sur les pro- duits du pays. 21 (13). Jai pu utiliser, pour la vie de Cabot, la nouvelle biographie de Nicholls (Londres, 1859, in-8). Les Memoirs of Seb. Cabot, with a view of the history of maritime discover y, London, 1831, in-8, ne m’ont pas été acces- sibles. D’après Nicholls, l'année de sa mort est inconnue, mais son retour en Angleterre eut lieu en 1531, + 22 (13). Cette histoire, que nous avons esquissée brièvement, parce que 122 NOTES 23 — 25. ces événements accessoires n’entrent pas dans notre plan, est relatée tout au long par Ruy Diaz Guzman, dans l’Historia argentina, et ornée de nom- breuses amplifications. 23 (14). Les données du texte reposent surjle récit circonstancié de Guzman dans l’Historia argentina. les reçut pendant son séjour à Chuquisaca d’un officier, Gonzalo Suarez Garcon, qui était stationné dans la contrée de Tucuman et qui avait connu personnellement César à l’armée de Pizarre. Les détails paraissent un peu romanesques, aussi nous ne les avons pas reproduits. Nous dirons seulement, pour justifier notre jugement, que César prétendait avoir vu l’Océan des deux côtés (ouest et est) du sommet des Cordillères. L’océan Pacifique ne se voit que rarement de la crête des Cor- dillères, comme je l’ai constaté dans mon voyage de Catamarca à Copiapo. Mon compagnon, qui avait fait souvent le trajet, m’annonca que je verrais l'océan Pacifique d’un certain endroit. Lorsque nous y fümes arrivés, on ne distinguait rien qui ressemblât à l'Océan. Il affirma cependant lavoir vu lui-même (voir mon Voyage, t. I, p. 271). Il est possible que César ait vu réellement l'océan Pacifique ; mais la mer Orientale ne pouvait être que le lac de Titicaca, ou simplement un mirage, phénomène fréquent dans ces parages. | 24 (14). La situation de Pizarre au Pérou demeura très-incertaine jusqu’à l’année 1532, où il s'empara de l’Inca à Catamarca le 16 novembre, et il la consolida encore mieux les années suivantes. Il n’est donc pas probable que César ait entendu parler de Pizarre pendant son voyage ; ou bien ce qu'il en aurait appris n'eut rien de bien attrayant, car il préféra retourner auprès de Cabot. Les grands succès de Pizarre commencent seulement avec la prise de Cuzco, le 15 novembre 1533, et César put apprendre cet événement en Bolivie, lorsqu'il revint pour la seconde fois. On n’en eut connaissance en Europe, ainsi que des grands trésors conquis, qu’en janvier 1534 par le frère de Pizarre, qui apportait à la couronne sa part (le cinquième); si César se rendit réellement auprès de Pizarre, ce ne put être avant la con- quête de Cuzco, ainsi vers la fin de 1534 ou au commencement de 1535. CHAPITRE II. 25 (16). La relation d’Ullrich Schmidt parut en 1567 à Francfort-sur-le-Mein, comme seconde partie d’un recueil d’ouvrages sous le titre : Ander theil dieses Weltbuchs, gedruckt von Martin Zechler, in Verlung Siegismund’s Feierabend und Simon Huter's. ll fut imprimé une seconde fois en format in-8 en 1599 et non en 1559, comme Woodbine Parish le dit (p- 3) et traduit simultanément en Igtın par Levin Hülsen (Nuremberg, 1598, in-12) sous le titre : Vera historia cujusdam navigationis, quam Huldericus Schmidel Straubingensis, in Americam juxta Brasiliam et Rio della Plata comfecit. Ici paraît pour la première fois la falsification du nom de l’auteur en NOTES 96 — 98. _ 41923 Schmidel au lieu de Schmidt, bien que le traducteur l'interprète par faber. Cette erreur passa ensuite dans les traductions espagnoles qui furent faites d’après l’édition latine. Cependant l’autre traduction par Gotard Alpus dans de Bry's Collection, t. VII, donne le nom exact de Faber. Les écrivains ano- dernes, comme Azara et Funes, de Schmidel ont fait Schmidels et rendu com- plétement. méconnaissable le nom allemand si répandu de Schmidt. La traduction espagnole parut en 1731, d’après celle contenue dans la Col- lection des voyages de de Bry et fut imprimée par Barcia dans ses Historiadores primitivos de las Indias Occidentales, t. II, d’où elle est passée dans la Coleccion, etc., t. III, Buenos-Ayres, 1836, in-4, de P. An- gelis. Il existe plusieurs exemplaires de loriginal allemand ici à Buenos- Ayres ; je m'en suis servi d’après une copie faite par moi-mème. — Schmidt alla d’abord à Anvers où le navire équipé par les marchands d’Augsbourg était en chargement ; de là on se rendit à Cadix en quatorze jours, lieu de rassemblement des membres de l'expédition. Il affirme lui-même n'être sorti de S. Lucar que le 1” septembre, tandis que Guzman donne le 24 août comme jour du départ de Séville de l’Adelantado. 26 (17). Les possessions et colonies allemandes dans l'Amérique du Sud sont souvent mentionnées par les écrivains de la première époque. Herrera en parle, mais toujours d’une manière peu exacte. Elles paraissent avoir été une épine dans l'œil des Espagnols. Il ‚ne cite pas la famille des Fuggers que les Espagnols nomment Fucares. Mais il parle souvent de celle des Welser, qu'il appelle Belsares, suivant la prononciation des gens du peuple, qui encore aujourd’hui font permuter b et v entre eux. Gette permutation est devenue générale dans beaucoup de mots, par exemple abogado, abuelo. (Déc. HI, 208; IV, 70 et 101, 118; VII, 45). Les passages cités, particu- lièrement IV, 101, racontent que les Welser fondèrent en 1528 la première colonie allemande sous la protection de l’empereur Charles-Quint. Cette colonie était au Venezuela, possédait une étendue de côtes de 150 lieues et elle fut organisée par Ambrosius Alfinger. La colonie des Fugger était dans la même contrée, et il est possible que l'établissement des Welser ait passé plus tard dans les mains des Fugger. Ces derniers prirent part aux voyages de découvertes et stimulèrent la couronne d’Espagne à faire mesurer les côtes encore inconnues de l’Amérique du Sud (voir Navarrete, Documentos ineditos, etc., t. XV, page 104, Madrid, 1849, in-8, et J.-G Kohl, dans le texte ajouté aux deux cartes souvent citées, p. 37 et 46, et la note écrite sur la carte de 1529 sous Castilla de Oro). 27 (18). L’aventure de Palma est racontee par Schmidt; Guzman n’en parle pas. Nous l’avons reproduite pour servir à caractériser la situation du mo- ment, bien qu'elle n’ait aucun rapport avec l’histoire de la colonisation du territoire de La Plata. 28 (18). L'île Fernando-Norunha est visible de loin, à cause de sa hauteur et de sa forme particulière. Le 11: août 1861 j'ai eu occasion de la consi- derer longtemps. C'est une puissante masse de trachyte en forme de dôme, ayec une tour isolée à côté, séparée du massif principal par une large cou- 424 NOTES 29 — 33. pure. Elle fut visitée par Vespucei à son quatrième voyage et il y séjourna quelque temps avec son navire. Les Brésiliens en ont fait aujourd’hui une colonie pénitentiaire. (Voir les indications les plus récentes sur cette île dans le journal anglais Nature t. XI, page 388, n° 229), 29 (19). Le poisson appelé Schaubhut par Schmidt est l'Echeneis nau- crates, et le nom une faute d’impression au lieu de Scheibhut, à cause des ventouses qu'il porte sur la tête. Les matelots connaissent ce poisson qui s’attache volontiers aux navires et racontent qu’il peut arrêter un navire sous voiles; d’où son nom habituel : Schiffshalter (arrête-navire). Il a plu- sieurs pieds de long. 30 (19). Guzman prétend dans son Historia argentina que Osorio s'était publiquement exprimé sur la direction malhabile de l’Adelantado et avait dit en forme de menace que les choses prendraient un autre tour au Rio de La Plata. Mais Schmidt ignore tout cela et raconte brièvement l'aventure en l'attribuant clairement à des calomnies. | 31 (20). Guzman remarque avec raison que Mendoza choisit le côté sud du Rio de La Plata pour son établissement, afin que ses gens ne pussent pas lui échapper et se rendre à pied au Brésil beaucoup plus fertile, et en même temps parce que de ce côté du fleuve on pouvait s’ouvrir une route au Pérou sans avoir à le traverser. 32 (21). Tel est le nom du juge dans l’édition originale de Schmidt. Le traducteur et Guzman le nomment Ruiz Galan. J’ai conservé le nom de Schmidt, parce qu’Azara l’a aussi adopté, comme venant d’une source plus atthentique. 33 (22). D’après Guzman, le combat eut lieu seulement le second jour de l'expédition. Le premier on rencontra les Indiens occupés à pêcher dans un lac, on les attaqua, on en tua environ trente et l’on en fit plusieurs prisonniers, parmi lesquels le fils du cacique. Don Diego l’envoya le lendemain à son père et lui fit dire qu’on n’était pas venu dans un but hostile et qu’on dési- rait plutôt entretenir des relations amicales avec eux. Ce langage peut nous paraître assez extraordinaire, puisqu'on avait massacré trente homme la veille. Mais les Indiens se retirèrent et se rangèrent bien armés derrière le bas-fond marécageux de la petite rivière qui sort de la lagune. Don Diego voulait les attaquer sur-le-champ, mais les officiers l’'engagèrent à attendre que les Indiens ouvrent l’attaque. Le frère de l'Adelantado ne voulut rien écouter ; il traversa le fleuveet les Indiens commencèrent le combat lorsque la moitié des hommes eurent passé. Le combat devint bientôt sérieux : le sol glissant ne permettait pas aux Espagnols, lourdement équipés, de se mou- voir librement, et les chevaux des cavaliers s’enfoncaient dans la terre molle. Les Indiens employaient leurs frondes contre ces cavaliers (bolas, elles sont encore en usage aujourd'hui chez les, Gauchos, soit avec des balles au bout, soit avec un lacet, lazo). Bartoloméus Bracamonte fut le premier qui tomba ; il fut bientôt suivi de Parafän Rivero et de l'enseigne Marmolejö qui accou- rait au secours de celui-ci. Enfin Juan Manrique s’elanca sur l'ennemi avec l'escadron serré des cavaliers ; mais Al fut enlacé, jeté à terre et décapité NOTE 33. 125 sur-le-champ avant l’arrivée de D. Diego. Celui-ci perga de sa lance l’Indien qui portait la tête; mais il reçut aussitôt dans la poitrine un violent coup. de bola perdida (pierre grosse comme le poing fixée à un bâton court que l'on gardait dans la main en lançant la pierre) et tomba inanimé. Pedro Ramirez de Guzman qui arrivait lui tendit la main pour le relever, mais ils furent jetés à terre tous deux et égorgés. Les Espagnols commencèrent à battre en retraite et Jorge Lujan avec Sancho del Campo formerent l’ar- rière-garde. Mais les Indiens les attaquerent avec d'autant plus d’ardeur, surtout pendant le passage de la rivière, où les Espagnols ne pouvaient plus faire usage de leurs armes à feu. Jorge Lujan et un autre cavalier descen- dirent de cheval parce que les animaux s’enfonçaient trop dans la vase et ne pouvaient plus s’en tirer. Ils essayèrent avec quelques soldats courageux de repousser les Indiens, mais ils tombèrent aussi à terre après avoir reçu plusieurs blessures et furent égorgés. On y vit un châtiment de Dieu; car c'était à ces deux hommes que l’on attribuait la part principale dans la mort d’@sorio. Sancho del Campo et Francisco Ruiz Galan rassemblerent les restes dispersés de leurs hommes de l'autre côté de la rivière, que les Indiens n’oserent pas traverser. Il restait 140 hommes à pied et 15 cava- liers. Les autres étaient tués ou blessés si grièvement que 60 moururent pendant la retraite. 5 cavaliers seulement et 80 soldats rentrèrent au camp. Tel est le récit de Guzman, sans doute un peu exagéré ainsi qu’Azara l’af- firme (IL, 30); mais d’un autre côté le petit nombre de 20 hommes donné par Schmidt est trop faible après un pareil combat.—Il est singulier que ni Schmidt, ni Guzman, n’ont indiqué exactement le lieu du combat, ni donné la direction dans laquelle eut lieu l’expédition. Schmidt dit simplement. que Pavon est à quatre lieues de marche. Mais il n’existe à quatre lieues de Buenos-Ayres, dans aucune direction, aucune grande lagune où l’on puisse pêcher. Il faudrait donc admettre une plus grande distance. Peut-être la marche du premier jour fut-elle de quatre lieues et suivie d’un second jour de marche. Azara dit formellement que le théâtre du combat était dans le voisinage de la petite ville de Pilar sur le Rio Lujan, à onze lieues de Buenes-Ayres, et que les Espagnols y construisirent un fort, dont les restes existaient encore de son temps. Avec ceci s’accorderait bien le fait que la rivière aurait été appelée du nom de Jorge Lujan,tombe& sur sa rive et dont on retrouva plus tard le cadavre avec son fidèle cheval près de lui et encore vivant. Mais il n’existe aucune grande lagune près de Pilar et l’on n'y trouve qu'une rivière assez insignifiante, qui cependant est encore un des plus grands affluents du Rio de La Plata dans cette région. Ses rives sont maré- cageuses sur une large étendue de l’autre côté de Pilar. Mon jeune ami, Francisco Moreno, a fait dans le Boletin d. L. Acad. d. Cienc. Exact. 1, page 130, une intéressante communication sur les armes et les ustensiles des Querandis, d’après les antiquités de cette époque trouvées dans la pro- vince. Il m’a fait voir la bola perdida décrite à la page 141; elle est très- . bien travaillée en forme d’octaèdre. Nous conservons dans le Museo publico de nombreuses pierres de fronde qui datent de ce temps. 126 NOTES 34— 31. 34 (22). L’affirmation formelle de Schmidt, que le village des Indiens fut occupé et a été conservé depuis par les Espagnols, ne laisse place à aucun doute, bien que Guzman n’en dise rien. Le butin fait dans le village et dont parle Schmidt a donné lieu à une erreur sur la nationalité des Querandis. Un écrivain, M. Manuel Trelles, trompé par la traduction espagnole des mots de Schmidt, Fischmehl et Fischschmalz en harina y manteca de peces, a conclu que les Indiens étaient agriculteurs et eultivaient le maïs puisqu'ils avaient de la farine (harina), Revista de Buenos-Ayres,memorias y noticias, page 10. Il en déduit que les Querandis n'ayant jamais eu de farine, le combat n'eut pas lieu avec eux, mais avec une peuplade Guarani située plus au nord, chez qui on cultivait le maïs. Schmidt ne parle pas de farine de grain, mais de farine de poisson, c’est-à-dire de poisson desséché et broyé. Les Querandis préparaient cette farine, ainsi que le prouvent les grands mortiers de pierre que l’on a retrouvés sur beaucoup d’anciens campements (paraderos) et qui sont encore en usage chez les Indiens des parties éloignées au sud de la province. — Les cerfs dont Schmidt parle sont le Ceroks cam- pestris; la Martre, probablement le Galictis vittata, et les Loutres, le Myopo- tamus Coypus que les Espagnols prirent pour la Loutre commune et qui est connu dans le pays sous le nom de Nutria. 35 (22). Cette assertion de Schmidt semble conduire à la conclusion que le village des Indiens n’était pas à l’endroit où le combat eut lieu, mais près de Buenos-Ayres. Il était difficile, en effet, de faire en un jour dix lieues à l'aller et dix lieues au retour, et encore trouver le temps de pêcher. Je pré- sume que la bataille fut livrée loin derrière l'emplacement occupé, et que Schmidt, qui n’en raconte pas les détails, resta avec d’autres dans le village des Indiens comme garnison et n’eut rien à raconter du combat parce qu'il n’y avait pas assisté. Alors le chiffre de 20 morts dont il parle pourrait se rapporter à la prise du village à laquelle seulement il prit part. 36 (23). On a trouvé plusieurs fois sur les îles situées entre les bras du Paranà des antiquités indiennes antérieures à la conquête, notamment de grandes urnes d’argile cuite contenant des squelettes. On a fait des trou- vailles semblables à Santiago del Estero et à Tucuman. Elles appartiennent aux Guaranis qui peuplèrent ces îles en venant du nord et après avoir sim- plement occupé la rive occidentale du Rio Paranä, s’&tendirent plus tard sur les deux côtés. J’ai décrit une de ces urnes dans les Compt. rend. du con- grès intern. anthrop. de Bruxelles, page 342, et dans la Zeitschrift für Ethnologie IV, Sitzungsbericht, 196. 37 (24). Schmidt nomme le chef de lexpédition qu'il suivait George Lauchstein (Jorge Lujan), et Guzman cite seulement les autres sous Juan de Ayolas, ou plutôt Oyolas, comme il écrit toujours, tandis que Herrera et Azara écrivent Ayolas. Le nom de Lujan ne reparaît plus et Schmidt peut s'être trompé. Lujan avait été tué à la bataille avec les Indiens, dont Schmidt ne connaît pas les détails. Azara distingue deux Lujan et nomme l’un Diego, Pautre Jorge. Il fait mourir Diego dans la bataille et fait assister Jorge à la seconde des expéditions d’Ayolas dans les îles de l’embouchure du Paranä, NOTES 38-49. 127 expédition dont Schmidt faisait partie. Mais aucun autre écrivain n’a dis- tingué ces deux individus, et comme aucun Lujan ne reparait plus, ni chez Schmidt, ni chez Guzman, ni chez Azara, il doit être plus exact de placer sa mort à la première bataille avec les Indiens. — Azara ajoute qu’Ayolas, qui remonta le cours principal du Paranä, revint beaucoup plus tard après lat- taque des Indiens sur le fort. Reçu amicalement par les Timbos, il décida lAdelantado à se rendre chez eux. Nous ne savons pas ce que devint Jorge Lujan, car il ne reparait plus nulle part. 38 (25). Le nom de Guarani pour ces peuplades a été introduit plus tard et _ ne se trouve pas chez Schmidt, qui nomme Thimbues tous les Indiens de la contrée. On lappliqua aussi plus tard aux habitants du Paraguay qui appar- tenaient à la même famille, mais se donnaient le nom de Carios. Il semble avoir pour origine une corruption de leur nom par les Espagnols. Azara affirme, tome I, page 179, que le nom de Guarani fut primitivement donné au reste des premiers Carios battus par Ayolas qui vinrent alors en contact avec les Espagnols et est dérivé d’un mot indien qui signifie bataille. 39 (26). Schmidt appelle toujours une île l'endroit où le fort fut fondé. Il n'était done pas placé sur la hauteur du rivage, mais au nord, sur la rive plate, au-dessus de l'embouchure du Carcarañal, qui est séparée de la terre ferme élevée par un bras étroit du Paranä. Avec ceci s'accorde très-bien lassertion d’Azara que le nouyeau fort était à cinq lieues au sud de Co- runda, c’est-à-dire à peu près à mi-chemin entre l'embouchure du Carca- rañal et Corunda. 40 (27). Herrera a fait connaître l'instruction secrète que Mendoza donna à Ayolas (Decad. VI, lib. IF, cap. xvir). On y voit que l’or du Pérou avait été le but principal auquel Mendoza tendait. Il prescrivait à Ayolas d'exiger d’Al- magro 150000 ou au moins 100 000 ducats pour lui avoir ouvert la route du Pérou en Espagne et promettait à Ayolas pour sa part le dixième de la somme reçue. CHAPITRE IV. 44 (29). La relation du voyage d’Ayolas en amont du fleuve est défigurée chez Schmidt par les nombreuses erreurs. de noms des populations indiennes, aussi avons-nous préféré suivre Azara dans son Histor. del Paraguay, 1. 1. Cependant cet écrivain lui-même, si plein d’assurance, peut bien s’ötre trompé quelquefois. Ainsi, il affirme que les Abipones n'avaient pas de canots et ne pouvaient pas attaquer les Espagnols sur le fleuve. Mais l’as- sertion formelle de Schmidt mérite plus de confiance que l'observation d’Azara faite 250 ans plus tard, puisque lui-même dit qu’à son époque toutes ces peuplades avaient été complétement assimilées par les Espagnols (il, 37). | 42 (30). La traduction latine fait dire à Schmidt que cette boisson était de la bière d'amandes et traduit par cerevisia (en Espagnol cerveza). I n’en est pas ainsi. Schmidt ne donne de noms que pour les aliments secs et ne nomme 128 NOTES 43 — 45. aucune boisson; mais dit simplement que « les Carios ont du miel dont ils font du vin (hydromel) », et fait allusion à la moelle sucrée des siliques de l’Algarroba dont le goût se rapproche un peu du miel. Les aliments quil * nomme sont : le Maïs, le Mandeochade (Mandioca), Padades (batates), Man- deochpargi et Mandepoere, substances évidemment composées de Mandioca, Manduri (le fruit d’Arachis hypogea appelé encore aujourd’hui Mandi); en outre comme animaux domestiques le sanglier (Dicotyle labiata), lautruche (Rhea americana), des volailles (Crypturus) et des oies (Anas moschata). 43 (31). Schmidt place la conquête de Lambaré en 1539, ce qui ne peutêtre qu'un lapsus de mémoire. D’après Guzman, Ayolas fonde encore le 12 fé- vrier 1537 un second établissement, nommé El Puerto de Candelaria, mais . beaucoup plus loin au nord (21°5), à la place où Ayolas quitta le fleuve et descendit à terre. 44 (33). Je place ici la relation de l'issue malheureuse de l’expédition d’Ayolas. Elle ne se rattache à l’histoire de la colonisation de Paraguay que. par la mort d’Ayolas, qui amena à la tête de la colonie Dom. Manti Irala, cet homme actif, le véritable organisateur de.la colonie. Ayolas, dans son voyage, arriva d’abord chez une nation nommée Payaguas et y prit des guides pour continuer sa marche. Ceux-ci le conduisirent chez une autre nation amie, les Naperus, d’où il poursuivit sa marche jusque chez les Samacosis qui habitaient l’intérieur de la Bolivie, c’est-à-dire la province de Chiquito près de Sa. Cruz de la Sierra. lei il acquit la certitude que l'épuisement de ses hommes ne lui permettrait pas d’aller plus loin. Les munitions commençaient à devenir très-rares et menaçaient de priver les Espagnols de leurs moyens de défense. Ayolas voulut rebrousser chemin. IL revint d’abord chez les Naperus où il s'arrêta trois jours pour prendre du repos. Ces Indiens ayant remarqué que les Espagnols n’avaient plus de mu- nitions, formèrent le projet de leur destruction. Ils s’entendirent avec les Payaguas, dont les Espagnols devaient traverser le territoire. Les hommes les plus hardis des deux nations s’embusquerent dans un endroit couvert de broussailles pour y massacrer les Espagnols. Ils tombèrent d’abord sur les trainards et les tuèrent tous les uns après les autres; aucun Européen n’echappa à la mort. Tel fut le récit d’un Cario baptisé, attaché au service personnel d’Ayolas et que les Payaguas ne tu&rent pas parce qu'il parlait leur langue. Il leur échappa plus tard et rapporta ces nouvelles à la station du Puerto de Candalaria. Les écrivains contemporains lui donnent le nom de Gonzalo, par exemple dans Cabeza de Vaca, Commentar., ete.. cap. IV et dans les Décad. II, lib. VIE, cap. v et cvıı de Herrera. Deux Payaguas que l'on saisit plus tard, nièrent d’abord le fait, mais mis à la question ils firent des aveux et on les brüla vifs. Guzman, dans son Histor: argent., I, cap. XII et XVII raconte sur l’expédition d’Ayolas beaucoup d’autres details auxquels nous renvoyons le lecteur, et nous ajouterons seulement qu’en outre d'Ayolas, il périt encore plusieurs officiers parmi lesquels Carlos Len Juan Ponce de Leon et Perez de Zepeda. 45 (34). Il est singulier que Schmidt, qui était avec Irala, ne raconte rien NOTES 46 — 48. 129 de cet intermède, mais passe sous silence tout l’espace de temps jusqu’à l'élection d’Irala comme capitaine général. 46 (35). Nous n'avons pas raconté l’histoire de la destruction du fort de Corpus christi tout à fait comme Azarà la rapporte (Hist. de Parag., II, 44), c’est-ä-dire pendant le retour de Galan. Schmidt était présent et ne sait rien du voyage de Galan à PAssomption, tout en citant parmi les hommes qui eurent part dans cette catastrophe les prénoms de Galan : Franz Ruiz. Il place cet événement un peu plus tard, à l’époque où Irala nommé en Espa- gne capitaine général se rendit à Buenos-Ayres pour s’y faire reconnaître. Azara passe encore sous silence ce voyage. Il est assez indifférent d'adopter Pune ou l'autre version. En tout cas le fait prouve que la tendance des chefs espagnols à user de violences était très-générale et que leurs relations ami- cales avec les indigènes ne pouvaient durer longtemps. 47 (35). Nous n'avons pas conservé les détails dans notre texte, parce qu'ils ne rentrent pas dans notre cadre. Le cacique transfuge Lyemi demanda à Mendoza quelques hommes sûrs et bien armés pour faire venir sans obsta- cles de son village sa famille et ee qui lui appartenait. Don Antonio lui donna 50 hommes sous la conduite de Alonzo Suarez de Figueroa, et Lyemi partit avec eux. Lorsqu'ils arrivèrent au village, ils furent bien reçus et les Espagnols se débarrassèrent de leurs armes. Les Indiens les enlevèrent rapidement, tombèrent sur leurs hôtes, qui mangeaient tranquillement, et les tuèrent tous à exception d’un jeune homme, du nom de Calderon, qui s’echappa et apporta la nouvelle au fort. Les Indiens étaient sur ses talons armés des épées et des lances des Espagnols. Ils bloquerent le fort et tuëèrent Mendoza, qui voulut faireu ne sortie. Mais au bout de quatorze jours, les Indiens fatigués et désespérant de s’emparer du fort se retirèrent, aban- donnant le reste des Espagnols à leur sort. Ceci se passait le jour de la fête S. Blas (3 février 1588) que les Espagnols considererent comme leur sau- veur, en Jui attribuant la retraite des Indiens. Schmidt, qu'irala avait laissé dans le fort, était avec ceux qui descendirent en bateau à Buenos- Ayres, où leur arrivée dans des circonstances aussi tristes et la disette crois- sante que la venue de tant de gens affamés allait bientôt amener excitèrent d'abord de grandes inquiétudes. 48 (36). Azara donne (Hist. d. Parag., I, 45) des details très-circonstan- ciés sur l'expédition de Cabrera. Il y avait d’abord quatre navires, dont il donne les noms, ainsi que ceux des commandants : deux avaient été équipés par des marchands de Séville. Lorsqu'ils arrivèrent à Sa Catharina et appri- rent la mort d’Ayolas et les autres mauvaises nouvelles, les navires mar- chands firent voile pour le Pérou, par le détroit de Magellan, ce à quoi ils avaient été autorisés par le roi. Les deux autres navires se rendirent au Rio de la Plata, conduits par un navire qu'Irala leur avait ech sous le commandement de Gonzalo de Mendoza. Schmidt y était avec 5 soldats espa- gnols. On arriva sans difficulté à Sa Catharina, mais au retour le navire sur lequel Schmidt se trouvait se perdit par la témérité du capitaine. Schmidt et quelques autres purent se sauver sur le grand radeau, mais pfosque REP. ARG. — 1. 9 130 NOTES 50 — 55, tout l’équipage fut englouti. Ceci se passait le 1°" novembre 1538, — Peu de temps après arriva à Buenos-Ayres un navire italien, qui avait manqué le détroit de Magellan et venait se réfugier là. Son équipage accrut le per- sonnel de la colonie (Herrera, Décad. VI, 76 et 151). Guzman fait arriver Cabrera beaucoup plutôt, à l’époque où Irala était encore à l’Assomption. Nous avons préféré la version de Schmidt, qui en sa qualité de membre de l'expédition est plus digne de foi. Azara le suit aussi dans les choses prin- cipales, mais il prétend (II, 46) que l'attaque du fort de Corpus Christi ou Buena Esperanza eut lieu avant l’arrivée d’Irala et que Galan y envoya des secours de Buenos-Ayres. Il fait partir Schmidt avec Galan, longtemps avant Irala, et nie complétement le voyage d'Irala à Buenos-Ayres, assertion en contradiction avec les paroles mêmes de Schmidt, qui ne mentionne jamais d'autre chef qu’Irala. Le grand navire Marañona, sur lequel Alonzo de Cabrera était venu d’Espagne, repartit bientôt pour aller porter au gouver- nement des nouvelles de la colonie, commission dont avaient été chargés Philipp de Caceres et Franz de Alvarado. 50 (37). Azara donne les noms de ces premiers prêtres venus au Rio Paraguay. Il y avait deux franciscains : Bern. Armeuta, originaire de Cor- doue et Alonzo Lebro des îles Canaries, en outre un moine mendiant, Juan Salazar, enfin un hieronymite. Il contredit le Père Lozana, dont l’histoire de la colonisation imprimée récemment ici à Buenos-Ayres (1874, in-8) et consultée manuscrite par lui, nomme six franciscains et deux hieronymites. Azara se refère à un acte de 1510 vu par lui (II, 46). 51 (39). Nous ne connaissons ce grand complot des Indiens que par la relation de Guzman, dans son Hist. argentina. Schmidt qui était là à l’époque où elle devait éclater n’en dit pas un mot. Il serait done possible que le récit de Guzman fût un peu exagéré. 52 (40). Azara avait pu voir le testament d’Irala parmi les actes du Cabildo à l’Assomption. Le gouverneur y reconnaissait 9 enfants, 3 garcons et 6 filles, qui lui étaient nés de plusieurs femmes indiennes. On cite 7 sœurs, dont il fit ses concubines lesunes après les autres (Hist. d. Parag., II, 156). Il n’avait été marié avec aucune d’elles, mais 5 de ses filles (une mourut jeune) épousèrent des officiers supérieurs de la colonie. Le vieil Espagnol Azara regarde avec un certain dédain cette famille et nomme la mère de Guzman : « Una de las muchas mestizas, que de Indias tuvo » Dom. M. de Irala. » (Ibid., I, 6.) CHAPITRE V. 53 (43). Nous eiterons les noms des cavaliers nommés par Guzman, pour montrer la grande ardeur de l’aristocratie pauvre à se jeter même dans ces entreprises entièrement désespérées. On trouve dans l'Hist. arg., ib. Il, cap. ı, la liste de personnes qui suit : Un neveu de l’Adelantado, Pedro de Estopiñan, qu’on appelait ordinaire- ment Pedro de Vaca; son nom ne reparait plus, tout au contraire de celui NOTES 54 — 56, 131 d'un cousin de l’Adelantado, Alonzo Riquelme de Guzman, père de l’histo- rien souvent mentionné. — Alonzo de Fuente, un des vingt-quatre de Xeres; Antonio de Navarrete, Martin de Villavicencio et Francisco Peralta. De Séville étaient : Ruy Diaz Melgarejo et son frère Francisco de Vergara, Martin Suarez de Toledo, Hernando de Saavedra, fils d’un des premiers personnages de la ville, Pedro de Esquivel et Luis Cabrera. De Cordoue : Alonzo de Valenzuelo, Lope de los Rios, Pedro de Peralta, Alonzo de Angulo et Luis de Rivera. De Madrid : le capitaine Camergo, Juan Delgado, le capitaine Augustin de Campos de Almodovono et Jaime Resquin de Valence. De Truxillo : Nuflo de Chaves, qui plus tard joua un röle important, Luis Perez de Bargas et Herrera. De S. Lucar : Francisco de Espinola, fils du commandant du chäteau. De la Biscaye et du Guipuzcoa : Martin de Vive Ochoa & Izaguirre, Miguez de Urutia y Estigariaya. Juan de Badajoze avait suivi l'expédition à titre d’aleado mayor et son lieutenant Francisco Lopez surnommé El Indio était originaire de Cadix. Il y avait encore d’autres gen- tilshommes, mais moins connus. 54 (45). L'ancienne indication qui donne 24°30' de L. S. est erronée. L’embouchure du Rio Itapucu, d’où l'expédition partit, se trouve vers le 26230! de L. S. et la rivière se dirige de l’ouest à l’est. Alvaro Nuñez dut donc franchir la chaîne littorale sous le 26°30', et comme le Rio Iguazu ou Curitiba coule assez exactement de l’est à l’ouest sous le 2530’ —40', il ne peut pas l'avoir rencontré sous le 26°30', mais sous le 25°30’, car son embouchure dans le Paranä se trouve à peu près sous le 25°40 de L. S. 55 (45). Les Indiens du Brésil mangent encore aujourd’hui de grandes larves ou plutôt des chenilles de papillon. Elles vivent à l’intérieur des roseaux et s’ouvrent une sortie à l’époque de la transformation en chrysa- lide. L'espèce n’est pas rare dans les contrées ou j'ai voyagé, surtout à Neu-Friburg. Elle appartient au groupe des Cossides et est figurée par Hühner dans sa collection d’Exot schmett, tom. 1, sous le nom de Mor- pheis smerinthea. 56 (46). La date de l’arrivée de Cabeza de Vaca est le 11 mars 1542 et non 1541, comme le dit Guzman dans Hist. argentina. Il était parti le 2 novembre 1540 d'Espagne et le même jour 1541 de Sa Catharina. Il arriva le 2 décembre à la crête de la Sierra do Mar, atteignit le Rio Curitiba le 24 décembre, le 14 janvier 1542 le Rio Piquiri, le 31 de nouveau le Curi- tiba et au milieu de février le Rio Paranä. Il ne put donc entrer à l’As- somption avant mars 1542. Nous possédons de l’Adelantado lui-même une relation détaillée sur son voyage et ses actes au Paraguay, qu’il dicta à son secrétaire Pedro Fernandez, après son éloignement du pays. Celui-ci la publia après sa mort sous le titre : Relacion del Governador Alvar Nuñez Cabeça de Vaca, de lo acaescido en las dos Indias. 2 vol. in-4. Valla- dolid, 1555. Elle a été réimprimée par Barcia dans ses Historie. primit. de las Indias occid. Madrid, 1740. in-fol. et dans Enrique de Vedia, Biblioteca de autores Españoles antiguos, Madrid, 1858, in-8. Je me suis servi de cette édition moderne, Herrera parle de l'expédition d’Alvaro Nuñez dans son 132 NOTES 57 — 60. histoire de la colonie : Decad. VI, page 184, et Decad. VII, page 35, 79 et Suiv. | 57 (46). La perte de l’homme dont nous avons parlé fut causée par le renversement d’un canot, ainsi que Cabeza de Vaca le raconte lui-même dans son Commentaire et que Guzman le confirme. On ne fit pas d’autres pertes pendant ce voyage, car les équipages des deux navires échoués se sauvèrent en totalité. Schmidt, qui partageait les préventions des soldats contre le nouvel Adelantado, parce qu'il voulait introduire une discipline plus sévère, affirme qu’il partit de Sa Catharina avec 400 hommes et qu’il lui en restait seulement 300 en arrivant à l’Assomption. Mais il oublie de compter ceux qui arrivèrent plus tard. Herrera au contraire (Décad. VII, p. 36) donne les mêmes nombres que nous et parle d'un seul homme perdu. Les traînards embarqués sur le Paranä sous la conduite de Nuflo de Chaves arrivèrent trente jours après l’Adelantado à ’Assomption et remon- tèrent le Paraguay sur les navires qu'Irala leur avait envoyés. Ils ne devaient pas être dans le meilleur état. Les navires dirigés vers l’embou- chure de la Plata eurent aussi beaucoup à souffrir. 58 (50). Schmidt était présent et raconte avec beaucoup de détails l’ex- pédition de Rivero, qu’il nomme Riffere. Guzman en parle aussi, mais ne concorde guère avec Schmidt. Il nomme Alonzo Riquelme comme chef et s'occupe surtout de Jui. Nous nous sommes donc contenté d'indiquer les résultats, sans entrer dans les détails. Herrera raconte l’expédition : Décad. VII, p. 128. Le récit d’Azara est assez développé (Hist. d. Parag., II, 93-97), mais ne s’accorde pas partout avec celui de Schmidt, que jai Suivi. | Ta 59 (53). Telle est la date d’Azara (Hist. d. Parag., II, 98). Schmidt place la mise en prison du gouverneur le jour de la Nativité de la Vierge (8 sept. 1543). D’après Herrera (Decad. VII, p. 197) Alvaro Nuñez rentra à l’As- somption au commencement de 1544 et en Espagne une année plus tard. Guzman donne une tout autre date. Il place à tort l’arrivée de Cabeza d'Espagne en 1541 et son retour en 1544, sans préciser le jour. Mais comme il n’arriva réellement qu’en 1542 et qu’il passa une année en prison aux mains de ses ennemis, y compris le temps de retour, il aurait alors exécuté ses deux grandes expéditions dans un délai très-court, ce qui ne concorde guère avec les relations que nous en avons. Ces motifs me font considérer la date d’Azara comme la plus exacte. 60 (54). Alvaro Nuñez fut emprisonné à son atrivée en Espagne sur les plaintes de ses ennemis, et un procès commença contre lui. Il dura huit ans, durant lesquels l’accusé resta en prison. On le condamna à la déportation en Afrique; mais à la fin les juges accepterent sa justification. Toutes les inculpations furent mises à néant et on lui paya une indemnité de 2000 ducats. Ses accusateurs tomberent bientôt l’un après l’autré dans le mal- heur. Irala, contre lequel Alvaro Nuñez s’exprime très-amèrement dans ses commentaires et qu’il accuse de trahison, n'était pas à l’Assomption au moment de sa mise en prison. Mais il reste toujours indécis s’il n’était NOTES 61 — 62. 133 pas informé du complot et s’il ne resta pas à dessein hors de l’Assomption jusqu'à ce que le résultat füt-connu, afin de n'être pas accusé d’y avoir pris part. CHAPITRE VI. 61 (55). Nous avons fait le récit de l'expédition d’Irala contre Acay d’après les indications de Schmidt, en plaçant uniquement le début avant la déposition de Cabeza de Vaca, ce qui nous semble plus d'accord avec les dires de Guzman. D'après lui, Guzman était en bons rapports avec le gouverneur, et les conjurés agirent promptement, profitant de son absence. Azara entre dans beaucoup de détails (Hist. d. Parag., I, 97 et suiv.), mais ne cite pas Irala, ce qui s’accorde avec la version de Guzman sur son absence. Salazar lui-même, que Cabeza de Vaca désigna pour lui succéder, était aussi, d’après Azara, parmi les conjurés. 62 (56). D’après la loi coloniale déjà promulguée par Ferdinand et Isa- belle et renouvelée par Charles-Quint, tous les indigènes d'Amérique bap- tisés étaient libres. Mais cette loi ne fut suivie que très-incomplétement : par les conquérants. On répartissait les Indiens dans des colonies (réduc- tions) attribuées aux chefs pour le temps de leur vie et non à titre de propriété transmissible, comme salaires de leurs services (encomiendas). Is les traitaient suivant leur bon plaisir, tantôt bien, tantôt mal. Ordi- nairement on ne donnait qu'ane faible partie des habitants d’un village conquis ou nouvellement établi. La plus grande part revenait au fise ou à l'Église qui en jouissaient en pleine propriété et pouvaient les céder, mais toujours à la condition de veiller à leur protection ou leur conversion au christianisme et de les’ eiviliser. Mais comme les chefs n’habitaient pas dans le village, ils les confiaient à des subordonnés qui, préoccupés des intérêts de leur maître et de leur personnel, opprimaient de toutes façons les malheureux Indiens pour en retirer des bénéfices. Les Indiens devaient payer à leurs maityes un tribut déterminé, nommé la Mita, d’où on les appelait Mitayos. Us y étaient tous soumis de dix à cinquante ans. Ils pouvaient payer le tribut en argent, en fruits ou en travail et sa valeur variait de 4 à 8 piastres par an, suivant la richesse des différentes colonies. Afin d'établir un contrôle, les Indiens étaient inscrits sur des listes (padrons) et chaque individu taxé d’après ses ressources. Mais celui qui ne payait pas régulièrement son tribut perdait son titre de tributaire et devenait esclave de corps sans rien posséder en propre. — Outre ces Mitayos, il existait encore une seconde classe, les Yanacones, d’après un mot guarani qui indique les serviteurs noirs ou bruns. Co vivaient indépendants, c’ést-à-dire sans surveillants dans leurs villages; mâis ils payaient aussi un tribut à la Couronne et non à des maitres particuliers. Le Codigo de las Indias contenait les règlements de toute cette organisation, Ces règle- ments sont très-favorables aux Indiens; mais ils n'étaient guère suivis ni 134 NOTES 63 — 66. % par les particuliers, ni par les juges et tribunaux. Personne ne se plai- gnait du texte de la loi, car les fonctionnaires l’interprétaient toujours en faveur des Espagnols et jamais des Indiens. 63 (56). Azara a tiré l’ordre d’Irala des archives de l’Assomption (Hist. d. Parag., I, 106). On y voit quelles grandes précautions chacun devait prendre pour protéger sa vie. 64 (59). Schmidt raconte avec beaucoup de détails son voyage de retour. Il eut d’abord beaucoup de peine à obtenir son congé d’Irala, mais celui- ci y consentit à la fin en considération de ses vingt années de fidèles ser- vices. La nostalgie du pays se réveilla chez Schmidt à la nouvelle reçue par un nouveau venu du Brésil, qu’un navire allemand appartenant à Eras- mus Schetzen venait d'arriver de Lisbonne. Il résolut de se rapatrier avec ce navire. Il nomme Ginenugia l'endroit où il rencontra le territoire por-, tugais, peut-être par corruption d’un nom indien dérivé du Rio Iguary, qui s'ouvre dans le Paranä sous le 25° de L. S. En outre des Tupis, qu'il nomme Tapis, il visita encore les Carinsebes, les Byesyas et les Urquea, noms sans doute très-estropiés, car l’orthographe de Schmidt est toujours singulière. I] rencontra près de la côte les premiers Portugais, sous les ordres d’un certain Juan de Reinville, qu'il dépeint comme un véritable chef de brigands. Il arriva sur l'Océan à S. Vincent. Il y trouva le navire d’Erasmus Schetzen encore occupé à son chargement de sucre et fut reçu en qualité de compatriote, à bras ouverts, par le facteur Peter Rossel. Il partit le 24 juin 153 (jour S.-Jean), observa plusieurs animaux marins, parmi lesquels !’Echeneis naucrates, dont il rapporte beaucoup de fables. Il toucha les Açores, passa deux jours à Terceira et arriva quatorze jours après à Lisbonne, le jour de la S.-Jérôme (30 septembre) 1553. Dans cette ville, il reçut aide de Johann von Hülsen, représentant de la maison Schetzen. Il voyagea par la poste à Séville, pour remettre ses papiers, descendit le Guadalquivir jusqu'à S. Lucar et s’embarqua à Cadix pour Anvers. Après de nombreux cohtre-temps et après avoir touché à l’île de Wight sur la côte d'Angleterre, il arriva le 25 janvier 1554 à Anvers. Ullrich Schmidt termine là sa relation, qui restera un document impor- tant pour l'histoire de la colonisation européenne en Amérique et qui a donné la célébrité à son auteur. Bien que simple soldat, il sut observer les choses qui l’entouraient avec attention et conserve une certaine liberté naturelle d'esprit où l’on voit partout percer le caractère allemand, ami de la vérité simple et sans enjolivements. Il serait bien précieux pour nous si nous possédions d’autres relations aussi dignes de foi de la même époque, sur les autres contrées de l'Amérique du Sud. 65 (63). Azara, suivant son habitude de /s’étendre longuement sur les détails personnels, entre dans de longs développements sur le clergé qui accompagnait l’évêque. Il les nomme tous en particulier (Hist. d. Parag., II, 145). Nous ne reproduirons pas leurs noms, qui n’ont aucune impor- tance pour l’histoire de la colonisation. | 66 (63). Azara assure que le nombre de 400 encomiendas donné par NOTE 67. | ; 135 Guzman est très-exagéré et que les Indiens soumis n'auraient pas été assez nombreux pour peupler la moitié de ce ES d’encomien- das. 67 (65). Nuflo de Chaves partit de l’Assomption avec 200 Espagnols, plu- sieurs cavaliers montés et 1500 Indiens, tous bien équipés. Une partie des Espagnols étaient sur 12 petits navires qui portaient les bagages et les vivres, les Indiens dans leurs canots. On remonta le fleuve jusqu’à l’em- bouchure du Rio Jaura (16° 5 de L. S.), où l’on rencontra une grande armée d’Indiens bien armés, qui s’opposèrent au passage. Un combat assez vif stengagea, dans lequel 11. Espagnols et 80 Indiens succombèrent. Nuflo de Chaves resta vainqueur. Ce combat eut lieu le 1% novembre 1557. Les Indiens firent leur soumission après cette dure leçon et Nuflo de Chaves _ put continuer sa marche en remontant le Rio Jaura, par le territoire des . Xarayes et ensuite par celui des Chiriguanes. De là il gagna le territoire des Chiquitos, sur les frontières du Pérou. Ils firent résistance aux Espa- gnols, dont ils excitaient particulièrement la cupidité parce qu’on leur avait dit qu'ils possédaient beaucoup d’or et d'argent. Il fallut livrer un nouveau combat, qui, d’après le propre aveu de Guzman, coûta beaucoup de monde aux Espagnols, mais se termina en leur faveur. Les soldats, . ‘découragés par toutes ces fatigues, demandèrent à revenir et à prendre station chez les Xarayes. Ils savaient qu'Irala ne les avait pas envoyés au Pérou, mais pour fonder une colonie chez les Xarayes. Mais la mort du gouverneur, connue par: un messager envoyé par son successeur, Gonzalo de Mendoza, détermina Chaves à continuer l’entreprise pour son propre compte. Il proposa à sa troupe d’aller au Pérou pour fonder sur ses fron- tières un nouveau gouvernement et permit à tous ceux qui ne voulaient pas Paccompagner de s’en retourner. Beaucoup en profitèrent pour revenir sous Gonzalo Gasco. Chaves lui-même continua sa marche avec les autres, arriva au Rio Guapay, le traversa et s’avança dans des contrées déjà con- quises par les Espagnols et qui étaient sous le commandement d’Andres Manso. Un conflit s’éleva aussitôt entre les deux chefs sur le droit de pos- session. Nuflo de Chaves se décida à aller à Lima, pour se faire soutenir par le vice-roi. Parent avec D. Andreas Hyrtado de Mendoza, marquis de Canela, par sa femme, fille de Franz de Mendoza, cousin du vice-roi, il fut bien accueilli et la mort de Manso, que les Chiriguanes tuerent peu de temps après dans un combat, lui aplanit les voies. Le vice-roi lui aban- donna la province de Manso, ainsi que s’appela longtemps sur les cartes espagnoles la contrée située entre le cours supérieur du Rio Paraguay et les pentes orientales des Cordillères sous la même latitude, Nuflo de Chaves devait la gouverner pour le fils du gouverneur Garcia Hyrtado de Men- doza. I] reçut le titre de lieutenant général avec le droit de faire pour son compte des conquêtes sur les Indiens non soumis. Chaves fonda en 1558 la ville de Sa Cruz de la Sierra et y resta jusqu’en 1558, où il fut tué avec tous ses compagnons dans une expédition contre le village indien Itatin. C'était lui-même qui avait amené du Paraguay ces Indiens, lorsqu'il en 136 NOTES 68 — 70. revint en 1564, après y être allé chercher sa famille et ce qui lui appar- tenait pour les transporter dans sa province. 68 (66). Azara estime l’âge d’Irala à soixante-dix ans, d’après une note d’Ull- rich Schmidt à l’occasion de son expédition au Pérou en 1548. Il raconte que les jeunes filles qui lui furent données parle cacique des Abayas s’enfuirent pendant la nuit et qu'il avait alors soixante ans. Si cette note est exacte, il avait soixante-dix ans au moment de sa mort, arrivée en 1558. Il mourut pauvre, le Paraguay ne possédant pas de métaux précieux avec lesquels on püt s'enrichir promptement. Les conquerants manquaient absolument d'argent monnayé et les échanges se faisaient au moyen d’étoffes de laine que les femmes indiennes tissaient et que l’on divisait par Varas (2 pieds 3/5) pour s’en servir comme de monnaie. Irala laissa à sa famille comme seuls biens mobiliers 1482 varas de cette étoffe, dont la valeur était de 2 réaux la vara. Dans son testament, il instituait héritiers 9 enfants : 6 filles et 3 garçons, et nommait Nuflo de Chaves, Juan Ortega et Esteves Vergara exécuteurs testamentaires. On ne sait rien de plus sur ses trois fils. Cepen- dant Azara presume que le Domingo Irala que l’on voit apparaître lors de la seconde fondation de Buenos-Ayres par De Garay et qui fut chargé de cette opération est le fils d’Irala, nommé Diego, et que le copiste va fait confusion de nom avec celui de son père. Les deux autres, Antonio, qui mourut de bonne heure et Martin, disparaissent sans laisser trace. Des six filles, une mourut jeune, Anna, les cinq autres se marièrent, dont quatre du vivant de leur père, avec des officiers supérieurs. L’ainee, Gimberta, épousa D. Pedro Segura; la seconde, Marina, Franz Ortiz de Vergara; la troisième, Isabella, Gonzalo de Mendoza; la quatrième, Ursala, Alonzo Riquelme de Guzman, et la cinquième, Anna, seulement après la mort de son père, un certain Juan Fernandez. Depuis lorsle nom d’Irala disparaît de la colonie, et Azara remarque que de son temps il n’existait à l’As- somption qu'une pauvre famille avec le nom de l’ancien gouverneur. Peut- être descendait-elle de son fils Martin. Personne ne fait connaître le lieu de son inhumation et il est complétement tombé dans l’oubli. CHAPITRE VI. 69 (67). Guzman raconte que Melgarejo, lors de la révolte à la Guayra, envoya à l’Assomption, à travers les ennemis, un Indien fidèle qui portait une dépêche écrite sous l’enveloppe de son arc et que Vergara y envoya son père parce qu’il le savait lié d'amitié avec Melgarejo. Voulant leur témoigner sa satisfactio” et son bon vouloir après l’heureuse issue de l'expédition, il nomma Melgarrio ambassadeur en Espagne et son père successeur de Mel- garejo. 70 (68). Guzman prétend que le navire fut incendié par les ennemis du gouverneur, mais ne nomme personne. En même temps, il raconte la vie scandaleuse de la femme de Melgarejo, qui entretenait des relations avec un prêtre nommé Hernando Carillo. Melgarejo les surprit ensemble et les tua NOTES 71 — 74. 137 tous les deux. L'évêque de La Torre mit Melgarejo en interdiction pour ce sacrilége et il n’en fut relevé que par Franz Homes Panygua, remplaçant de l'évêque pendant son voyage au Pérou. 71 (71). Le texte de l’arrangement conclu par Juan Ortiz de Zarate avec la Couronne a été publié dans la Revista de Buenos Ayres, tom. VIII, pag. 348. IL date du 10 juillet 1569, a dix articles et est signé par Phi- lippe II. On trouve aussi dans la Revista (p. 355) quelques détails sur son successeur, Juan de Torres y Aragon. 72 (73). On ne connaît rien de bien certain sur la vie de De Garay avant cette époque. On sait seulement qu’il était né à Bilbao, où sa famille oceu- pait une position distinguée. On ne sait pas également quand il vint en Amérique. Cependant la grande confiance que Zarate lui accordait nous fait présumer que leur liaison devait dater de loin et que De Garay était venu du Pérou au Paraguay-avec Caceres. S'il fût venu plutôt au Pa- raguay, le nom d’un homme aussi distingué se füt fait jour dans quelque occasion, ce qui na pas lieu. M. Luis Dominguez, dans son Hist. argentina, a recueilli les dates de sa biographie après cette époque. Il eut un fils naturel, nommé Juan, comme lui. Il se maria à l’As- somption avec Da Isabella Becerra, sœur de la femme de Melgarejo. Son fils épousa la fille de Christoval Saavedra, homme d'importance, qui était allé au Pérou avec Vergara et en revint avec Caceres. Du mariage de De Garay il sortit trois filles qui se marièrent bien : l’une avec Joseph Vera, la seconde avec Hermandarias Saavedra et la troisième avec Hieronymus Luis Cabrera, fils du fondateur de Cordova. Les enfants de son fils Juan se ren- dirent à Cordova, à cause de leur parenté avec Cabrera, dont le père était gouverneur de cette ville. Une des filles de Juan, Isabella, épousa Juan de Tejeda y Mirabel, officier supérieur très-distingué et fils de Tristaa Tejeda dont nous parlerons dans la note 86; la seconde, le capitaine Cabrera y Zuniga. Deux fils de Juan, nommés Christoval et Bernabe, jouent aussi un rôle dans l’histoire de la colonie. 73 (73). Melgarejo, qui s’offrit de lui-même à accompagner Caceres, avait plusieurs raisons pour s'éloigner de la colonie; bien que sa haine contre Caceres eût été suffisante à elle seule pour l'y déterminer. Le double meurtre de sa femme et de son amant lui fut d'autant plus préjudiciable que De Garay, mari de la sœur de la femme tuée, acquérait tous les jours plus d'influence et devait naturellement lui être hostile. L’évêque lui-même lui était particulièrement malveillant. Il desavoua la remise d'interdiction que son remplaçant Panygua avait accordée à Melgarejo, et celui-ci cherchait à se rapprocher de l’évêque pour lui faire confirmer l’acte de Panÿgua. Tous ces motifs le déterminèrent à aller en Espagne. 74 (74). La ville actuelle de Sa Fé, située à l'embouchure du Rio Salado dans le Paranä, n’est pas la même Sa Fé que De Garay avait fondée sur un point beaucoup plus au nord. Elle était entre le cours principal et un bras latéral à l’ouest qui se réunit au premier, dans la région où se trouve actuellement la bourgade de Cayasta, par un canal peu long en face de 138 NOTES 75 — 78. l’Arroyo Feliciano. En 1651 on abandonna cet emplacement très-malsain et l’on fonda une seconde ville de Sa Fe, sur un terrain un peu bombé, autour duquel le Rio Salado fait un détour avant de se jeter dans le Rio Paranä. En cet endroit le fleuve forme des deux côtés, au nord et au sud, un grand lac dans les bas-fonds au pied de la colline sur laquelle est la ville. Cette élévation la protége des inondations auxquelles les habitants de Cayasta ont été plusieurs fois exposés. Voir mon Reise durch die la Plata-Staaten, v. 2,p. 1 et suiv. 75 (81). L’original de ce document n’existe plus; on n’en possède plus qu'une copie d’après laquelle P. de Angelis l’a fait connaître dans son recueil des Docum. hist. del Rio de la Plata, tom. III. Il a été publié d’une façon plus complète par le directeur du bureau de statistique, M. Manuel Trelles, dans son Memorias y noticias para la historia antigua de la Republica argentina, Buenos-Ayres, 1865, in-8 et dans le Registro estadistico de la provincia de Buenos-Ayres, tom. V, avec des additions qui corrigent les erreurs de la première publication. — Le Muséum de Buenos-Ayres possède une bannière, qui, dit-on, date de l’époque de la fondation et qui figura dans. la solennité. — La relation de voyage des deux jésuites Anton Sepp et Anton Böhm, publiée à Nuremberg en 1868, in-12, nous donne la description de Budtbs gr il y à deux cents ans; il y a bientôt cent ans Azara la décrivit de nouveau dans son voyage. 76 (82). Suivant Guzman (Hist. arg., cap. 1v, p. 10) les chevaux des Indiens descendaient de sept étalons et cinq juments que les Espagnols laisserent der- riere eux lorsque, sur la proposition d’Irala, ils abandonnèrent la colonie de Buenos-Ayres et se retirèrent à l’Assomption avec leurs biens et leur ma- tériel de guerre. Ces chevaux se multiplièrent rapidement, furent pris plus tard par les Indiens et employés par eux. Telle est l’origine des chevaux sau- vages qui se répandirent peu à peu dans la vaste plaine des Pampas et y vécurent longtemps, mais qui ont complétement disparu aujourd’hui. Tous les chevaux des Pampas ont actuellement des propriétaires et il n’en existe plus à l’état sauvage. Leurs maîtres les marquent au fer rouge et l’on sait toujours à qui ils appartiennent. 77 (84). On trouve quelques détails sur la fondation de Corrientes dans les Memorias y moticias de la Revista de Buenos-Ayres, pag. 141 et 193, 1865, in-8, ainsi que dans l’Index de P. Angelis à l’Hist argentina de Guzman, au mot CORRIENTES, tom. I de sa Coleccion, etc., pag. 25. 78 (84). Les écrivains ne sont pas d'accord sur la date de démission du gouverneur Torres Vera y Aragon. Ordinairement on admet 1591 et Azara aussi a adopté cette date, Hist. d. Parag.,II, 216. Mais M. Manuel Trelles a prouvé récemment que le gouverneur Torres Vera se rendit à Buenos-Ayres aussitôt après la fondation de Corrientes et rentra en Espagne (Registro estadist. de Buenos-Ayres, 1863, 1,122, et Revista de Buenos-Ayres, VIII , 358). Il semble que le gouverneur excita surtout le mécontentement contre lui par le décret qui déclarait propriété de l’État les nombreux chevaux sau- vages des environs de Buenos-Ayres, parce qu'ils étaient descendus des (] NOTES 79 — 80. 139 animaux abandonnés lors du départ de Pedro de Mendoza. Les colons con- sidéraient ces chevaux comme animaux sans maîtres, appartenant à celui qui les prenait; et à ce point de vue prirent le parti des Indiens qui pensaient comme eux. On porta plainte contre le gouverneur au tribunal de Charcas, qui donna raison aux colons et en même temps défendit au gouverneur de céder les biens de l'État à qui que ce soit et en particulier à ses parents. Le gouverneur considéra cette sentence comme une atteinte aux droits qu’il tenait du traité conclu avec son beau-père. Il se décida à remettre sa dé- mission et à partir. 79 (84). Pour mieux fixer la série des événements nous devons dire que les expéditions de Cabot, de Pedro de Mendoza et de Cabeza de Vaca eurent lieu sous le règne de Charles-Quint (1508-1555) ; les autres sous Philippe II, qui monta sur le trône d’Espagne après l’abdication de son père et y demeura jusqu’à sa mort (13 septembre 1598). Son fils Philippe I lui suc- céda. La vice-royauté du Rio de la Plata fut instituée par Charles III (1776) qui expulsa les jésuites (1767). CHAPITRE VIII. 80 (86). L'expédition d’Almagro au Chili est traitde d’une façon très- incomplète dans l'Histoire de la conquête du Pérou par Prescott. Il semble que l’auteur ne connaissait pas la direction de la route et a dû se contenter d'indications vagues. J’ai traversé les Cordillères tout près de la route suivie par Almagro et puis en rendre un compte assez exact. Mes observations per- sonnelles ont été consignées dans mon Reise durch die la Plata-staaten, tom. Il, p. 245 et suiv. et dans Petermann’s geog. Mitth., 1860. p. 139; 1864, p. 86 et 1868, p. 4. Malheureusement les anciens écrivains ne con- tiennent que de courtes indications. — La première partie de la route de Cuzko, jusqu’à la région actuelle de Tupiza, traversait un pays bien peuplé soumis aux Incas et ne présenta aucune difficulté. Au sud de cette contrée commence le plateau de Despoblado; mais une route bien frayée et très- fréquentée conduisit l’armée dans la région des villes actuelles de Jujuy et Salta. (était la route d'étapes des armées des Incas et elle se fit sans obstacles. Au sud de Salta, on rencontra le Rio Guachipas et on le re- monta au sud-ouest. La population était encore assez dense, mais moins bien disposée. Le caractère belliqueux des Calchaquis se montra contre les Espagnols et l’on dut s’ouvrir une route l’épée à la main. On arriva jusqu'à l'embouchure du Rio Sa Maria dans le Rio Guachipas. Celui-ci reçoit ici du nord-ouest un affluent encore appelé aujourd’hui Rio Cal- chaqui. On suivit la vallée déserte du Rio Sa Maria jusqu'au point où il décrit une forte courbe du nord-ouest. On le quitta en cet endroit et en même temps les villages indiens. L'expédition s’avanca sur le dé- sert du Campo del Arenal et arriva au pied de la Sierra Gulumpaja, qu’il fallut franchir avant d’atteindre les Cordillères. On arriva à leur pied près de la Laguna Blanca, après avoir franchi plusieurs petites chaînes secondaires. 140 NOTE 80. La grande montagne forme dans cette region un plateau large d’environ trente lieues, qui s’abaisse un peu vers le nord et se continue avec le fameux désert d’Atacama. L’altitude moyenne est de 12 à 14 000 pieds. Plusieurs gorges étroites, profondément encaissées (quebradas), conduisent à ce pla- teau. Une d’elles est la quebrada de S. Francisco, à peu près sous 26° 50’— 27° de L. S. Almagro la choisit pour sa route et j'ai passé unpeu plus au sud (28) par la quebrada de la Troya. Sur le plateau tout est nu, sans veg6- tation, à l’exeeption de quelques rares buissons d’Ombelliferes rabougries, qui eroissent seules dans ce désert. Il ne faut compter sur aucune espèce de vivres et le voyageur doit tout emporter avec lui, Les bêtes de somme elles- mêmes ne trouvent qu'une misérable et rare pâture. Se lancer dans une pareille route de trente lieues de long avec 20 000 hommes était une entre- prise d’une audace insensée, surtout en hiver, de mai à octobre, où de vio- lentes tempêtes de neige se déchaînent, arrêtent la marche pendant des jours et tuent par le froid hommes et animaux. Oviedo (Hist. gen., lib. XLVI, cap. 11) parle de neige et de froid dont l'expédition d’Almagro eut à souffrir et Herrera (Decad. V, lib. XIX, cap. n) reproduit ses indications. Almagro dut donc faire son expédition dans la saison d’hiver, car durant les mois d'été, de novembre en avril, l’atmosphère est toujours pure et claire, au moins pendant le jour; les nuits sont encore fraîches. Je fis mon voyage dans la première moitié de mars et malgré cela chaque nuit nous avions de la glace sur les nappes d’eau. Les pics élevés, tels que le Cerro de S. Fran- cisco, le Cerro Bonete, le volcan de Copiapô, qui dépassent 15 000 pieds, conservent seuls toute l’année leur manteau de neige. Même sans froid, la marche pendant le jour est encore pénible, à cause du vent d’ouest sec et assez violent qui souffle sans arrêt (contre- alisé), roidit les membres et gene même les animaux. Les voyageurs habitués à traverser les Cordillères sup- portent eux-mêmes avec peine de rester exposés à un pareil courant d'air pendant quatorze lieues sur le dos d’un mulet. Que put faire une grande armée de 20 000 hommes, presque sans nourriture, sans feu et en partie sans eau. On peut se représenter ce que durent souffrir dans de semblables conditions les pauvres Indiens à peine vêtus qui venaient des vallées chaudes du Pérou et combien il en périt au milieu de semblables privations. On ne rencontre sur ces hauteurs que de petites troupes de vicuñas, et leur chasse est difficile à cause de la rapidité extraordinaire de ces animaux. Lorsqu’ on a atteint le bord occidental du plateau, on descend rapidement dans les val- lées désertes du Chili par des gorges presque toutes sans eau. On n’y voit ni arbres ni autruches, et encore moins de mammifères. La route du Cerro- Francisco, choisie par Almagro, conduit par la quebrada de Paipote à Copiapô, où l’on rencontra les premiers établissements indiens. On y fut accueilli amicalement par une partie de la population et par leur chef, parce que celui-ci vivait en hostilité avec son voisin et rival. Mais c’étaient de pauvres gens, qui avaient peu de choses et ne purent nourrir longtemps l’expédition. Almagro envoya des messagers de tous côtés, mais les nou- ai velles rapportées lui donnèrent la conviction qu'il n’y avait rien à espérer NOTES 81 — 84. | au et il se remit en route pour revenir en suivant la côte par le désert d’Ata- cama, où une grande partie des hommes périrent de faim. Tout ce pays était inhabite et n'avait de nourriture ni pour les hommes, ni pour les animaux. Il est presque incompréhensible qu'un tiers ait encore échappé et qu’ils n’y soient pas tous morts. — On. à comparé cette expédition d’Almagro avec celle d'Annibal par-dessus les Alpes (Peschel, Gesch. d. geograph., p. 258) et Fon ne saurait nier que l’audace des deux chefs n’ait été égale. Mais les conditions étaient très-différentes. Annibal eut à vaincre des difficultés plus grandes qu'Almagro, qui marcha presque toujours sur des routes planes quoique peu frayées, et qui n’emmenait pas d’elephants avec lui; mais Almagro fut absolument sans guides, dont Annibal put se servir, et il marcha à travers des pays inhabités, tandis qu’Annibal fut presque toujours en relation avec des populations. La neige, la glace et le froid offrirent des obstacles beaucoup plus grands à Annibal qu'à Almagro et la décision de P’Africain, qui par ses informations pouvait savoir à l'avance quelles difi- cultés il rencontrerait en franchissant les Alpes, est un coup d’audace plus grand que celui d’Almagro, qui, trompé par ce qu'il voyait autour de lui, n’eut pas à compter sur les neiges et sur la famine puisqu'il n’avait per- sonne près de lui pour le renseigner sur ces obstacles. A mon avis, Annibal fut plus audacieux, mais Almagro se montra aussi énergique PT se vit transporté avec ses hommes dans une situation qu’il n’avait même pu soupconner. S'il Peüt connue à l'avancé, il n’aurait pas entrepris son expé- dition. Le plus grand des deux est donc Annibal. 81 (92). Le souvenir de cet homme s’est conservé dans la province de Tucuman, oü un des plus grands affluents du Rio Dulce porte encore aujour- d’hui son nom et s’appelle Rio Medina. 82 (93). La ville actuelle de S. Miguel de Tucuman n’oecupe pas le même emplacement où Villaroel l'avait d’abord construite, mais se trouve un peu plus au nord. Villaroel avait choisi une place malsaine à l'embouchure du Rio Monteros dans le Rio Sali, où est actuellement le village Tafi Viejo. Les habitants y souffraient beaucoup des changements brusques dans le régime des eaux de la rivière après les pluies. Elle changeait si souvent de lit qu'ils désespéraient de voir leur ville s'étendre. Beaucoup étaient en proie à des fièvres constantes et presque tous devenaient goîtreux. On se décida à abandonner cet emplacement et à porter la ville plus au nord, sur la rive élevée assez à l'écart de la rivière actuelle. Cette nouvelle fondation se fit le 4 octobre 1685, sous la direction du capitaine Miguel Salas y Valdez, qui y avait été envoyé par le gouverneur de la province, Fernando Mendoza Mate de Luna. Voir Revista de Buenos Ayres, tom. VIII, pag. 49. 83 (94). Le Gran Chaco est inhabité aujourd’hui et rarement visite. J'ai donné, dans mon Reise durch die la Plata-Staaten, t. II, p. 104, une deecriptich de sa végé‘alion, d’après ce que j’en ai pu voir en passant. . 84 (96). Les documents sur la fondation de Cordova se sont assez bien conservés. Ils ont été publiés deux fois. D’abord dans la Revista del Plata, par Carlos Pellegrini, page 314, ensuite par Vincente G. Quesada dans la 142 NOTES 85 —- 87. Revista de Buenos-Ayres, tom. VII, pag. 346. Dans cette seconde publication la date de la fondation est placée en 1563, mais probablement à la suite d’une erreur du copiste; car Cabrera, le fondateur, n’arriva dans la pro- vince de Tucuman que le 17 juillet 1572. Nous renvoyons pour les détails à la Revista de Buenos-Ayres. Ajoutons simplement que Cabrera traversa tout ce pays jusqu’au Rio Paranä, dans le voisinage de Corunda, et en prit possession. De lä naquit le conflit avec De Garay, raconté dans le texte(p. 75). Les deux chefs poursuivaient leurs projets. Cabrera fonda la ville de Cor- dova le 16 juillet et De Garay Sa-Fé le 11 novembre. Le premier voulait aussi fonder un port sur le Rio Paranä pour sa ville et envoya des hommes avec des instructions écrites, pendant que lui-même dirigeait l'installation de Gordova. Ces hommes, ainsi que Guzman le rapporte (Hist., argent. I, xIX), furent pris par De Garay, et de là naquit la querelle entre les deux chefs. 85 (99). L'histoire de la fondation de Salta est racontée avec beaucoup de détails dans la Revista de Buenos Ayres, tom. VII, pag. 141. Nous y ren- voyons le lecteur sans examiner si.la fondation de Lerma était entièrement nouvelle. ou si elle n’était pas simplement le transport en cet endroit d’un ancien établissement, comme quelques écrivains l’affirment. D’après eux il existait déjà une jeune ville dans la vallée de Chicuana, sous le nom de S. Clemente, que Lerma transporta à Salta le 17 avril 1582. Le doyen Funes dit dans son histoire (Ensayo histor., tom. I, pag. 304, note a), que Gonzalo Abreu de Figueroa avait essayé de-fonder une ville, non pas à la même place, mais tout près de l'emplacement choisi par Lerma; mais les Indiens la détruisirent bientôt complétement, en sorte qu'il n’en existait plus rien à l’époque de la fondation de Salta. 86 (99). Le nom du capitaine Tristan Tejoda et de sa famille reparaît souvent dans l’histoire de la province de Tucuman et surtout dans celle de Cordova, où sa famille s’était établie et où il résida lui-même longtemps comme regidor et lieutenant du gouverneur. On trouvera des renseigne- ments détaillés dans la Revista de Buenos-Ayres, tom. XII, XIV et XV; princi- palement sur ses filles, qui ne se marièrent pas et fondèrent les deux cloi- tres de religieuses de Cordova. Le père vint en 1572 avec Cabrera dans la province et prit part à la fondation de Cordova. Après la chute de son chef, il sut se gagner la faveur des gouverneurs qui lui succédèrent jusqu’à à ce m en 1612 il ahandairie les services publics et vécut comme homme privé jusqu’en 1617, et atteignit l’âge de quatre-vingt-cing ans. Il avait épousé Da Leo- nora Mejia de Mirabel, et ses enfants portèrent le nom de Tejeda y Mirabel. 1] avait longtemps séjourné à Tucuman en qualité de commandant des troupes, et une famille de son nom y vit encore. Elle paraît être d’origine indienne et ses aïeux étaient probablement parmi les protégés du capitaine, car il était d'usage qu'ils prissent le nom de leur maître ou supérieur. 87 (100). On trouve dans la Revista de Buenos-Ayres., tom. VII, p. 350, une courte notice sur la fondation de la Rioja, qui eut lieu le 20 mai 1591. La ville fut tout d’abord bien construite et eut, en outre de la cathédrale, * quatre cloîtres avec églises et un grand hôpital, Mais plus tard elle déchut NOTES 88 — 89. 143 beaucoup de sa splendeur primitive, à cause de sa situation en dehors des routes principales de commerce et plus encore à cause de la rivalité des quelques familles importantes qui, par leurs inimitiés empêchèrent les pro- grès pacifiques. Santiago del Estero a eu le même sort; l’une et l’autre sont les moins importantes des villes intérieures de la République Argen- tine, S. Luis peut-être exceptée. 88 (102). La guerre avec les Calchaquis se prolongea encore un demi- siècle, non-seulement par suite du courage héroïque de ce peuple, mais encore à cause des difficultés naturelles de son territoire qui était très- favorable à la guerre de défense. Un nouveau soulèvement général contre les Espagnols éclata en 1627, alors que Philippe Albornos était gouver- neur de la province. Tous les Indiens qui habitaient le pays entre Jujuy et la Rioja y prirent part. Les Espagnols furent bloqués par les Indiens dans leurs villes et souffrirent de maladies et de la faim, jusqu’à ce qu’il leur arriva du Chili des secours commandés par le fils du fondateur de Cordova, le second Hieronymus Luis Cabrera. Il dompta peu à peu la révolte après une lutte de dix ans. Mais la guerre éclata de nouveau trente ans plus tard (1659), principalement dans les vallées situées à l’ouest de Belen et de Sa- Maria, où les villages indiens de Gualfin et de Tolombon opposèrent une résistance désespérée aux Espagnols, jusqu’à ce que le gouverneur Alonzo Mercado les battit et s’en empara. Les Calchaquis firent encore une der- niere tentative d’independance et restèrent vainqueurs dans plusieurs escar- mouches jusqu'en 1664, année où le même gouverneur Mercado soumit le dernier rameau des peuplades Calchaquis, Je Quilmes. Afin d'empêcher toute reprise d’hostilites, il deporta loin de leur patrie les derniers survi- vants et les établit dans le voisinage de Buenos-Ayres. Le joli village de Quilmes doit son nom à ces infortunés. Le doyen Funes raconte les détails de cette longue lutte dans la seconde partie de son Histoire argentine, lib. 1, cap. 1, vi et 1x, et le lecteur peut y lire les scènes de cruauté qui y abondent. Un certain Angel Ramirez Bazan figure parmi les anciens chefs de cette guerre d’anéantissement. Il était parent et peut-être fils de l’homme audacieux de même nom qui traversa en 1569 le Gran Chaco (p. 94). De lui date la soumission de la partie supérieure de la vallée de Catamarca. On voit encore aujourd'hui dans le village Palo Labrado une colonne de bois portant son nom avec les mots : Conquistador del Calchaqui, 1577. Lui-même les a gravés avec son poignard. CHAPITRE IX. 89 (103), Les documents et souvenirs sur les fondations des Espagnols dans le district de Cuyo sont insignifiants et notre histoiré de cette partie de la République Argentine sera courte. Les anciens écrivains indigènes n’en parlent pas, parce que ces provinces appartenaient au Chili, et les his: toriens chiliens ne les mentionnent qu ‘en passant, parce qu elles étaient éloignées et furent séparées plus tard du Chili. On ne trouve pas un seul 14h NOTES 90 — 92, mot, ni dans Azara ni dans Funes, sur la colonisation de cette contrée. L’au- teur a suivi Molina (Compendio de la historia geografia natural y civil del regno de Chili. Madrid, 1788, in-8, 2 tomos) et Gay. (Historia fisica y poli- tica de Chili. Paris, in-8, 1844, t. I, p. 463); mais on ne trouve que des indications générales dans ces deux ouvrages. M n’a pas pu se procurer un troisième ouvrage : Historia ecclesiastica, politica y literaria de Chili, por J. J. Victor de Eyzaguirre, Valparaiso, 3 vol. 90 (104). Les combats si pleins d’horreurs des Espagnols avec les Indiens presque nus et dépourvus de moyens de défense ont enflammé la muse guerrière de leurs compatriotes jusqu’à l'épopée. Ces œuvres, considérées du point de vue de la civilisation, inspirent le dégoût. Parmi ces poèmes, l'Araucana de D. Alfano de Ercilla y Zuniga (Madrid, 1587, in-4) et l’Ar- gentina de D. Martin del Barca Centenera sont citées par beaucoup d’ecri- vains comme sources de Phistoire impartiale; ainsi notamment P. De Ange- lis, qui les a fait re&imprimer dans sa Coleccion de docum. hist. del Rio de la Plata, tom. II, pag. 215. — Nous avons rejeté toute référence à ces sources, et pour notre justification nous citerons un passage de J.-G. de Herder (Werke zur schön. Lit. u. Kunst., Bd. XVII, S. 52. Stuttg., 1830, in-12):« Les conquêtes du Mexique et du Pérou, dirigées par la cupidité et le » fanatisme religieux les plus cruels, ont trouvé aussi des poëtes pour les chanter. Cortez, Pizarre, Valdivia, le Diable lui-même, devinrent des héros de l’épopée chrétienne. A quel sentiment obéissais-tu, brave et bon Ercilla, lorsque tu entrepris de chanter les cruautés de tes compatriotes contre les Araucaniens, toi qui en avais été le témoin oculaire et que tu ne pou- vais taire le bon droit, les vertus et le courage des ennemis! L’orgueil national, une fausse notion de ce qui est dû à la patrie, à la religion et à la gloire de l’Europe, t'aveuglaient, tandis que le sentiment de l’huma- nité réveillait quelquefois ta pitié et ta sympathie. Combien les règles du droit et de la justice devaient être effacées, pour que dés actes de cette espèce pussent devenir des épopées de l’espèce humaine! Cette frénésie dura un demi-siècle et sur une grande partie des contrées de la terre on célèbre encore ces produits, ces épopées où l’on ne respire que cupidité féroce et fanatisme arrogant. » Tantum relligio potuit suadere malorum, (LucrEt., de Rer. Nat.) 91 (105). On trouve, sur le terrible tremblement de terre qui détruisit Mendoza le 20 mars 1864, quelques détails dans mon mémoire sur le climat de la République Argentine (Abh. d. naturf. Gesellsch. zu Halle, Bd. VI) et des additions à la fin du travail semblable sur le climat de Buenos-Ayres (Ibid., t. VII, 1863). | 92 (106). Monsieur Andres Lamas m'a communiqué le tome IT du pre- mier journal publié à Buenos-Ayres (Telegrafo mercantil, rural, politico, economico é historico, por el Coronel D. Fr. Ant. Cabello, 1802, in-8) qui contient quelques notes sur Ja fondation de Mendoza, écrites par Euseb. Videla. Il donne comme date Ja fin de l’année 1560 et l’a empruntée aux VV SEI ICI BE UI UI Vi Lo, I NOTES 93 — 95. + Ps archives. Il cite aussi une observation de José Espinosas, officier espagnol connu, qui parcourut ces régions dans un but scientifique et place Mendoza à 2 28! E. de Santiago du Chili et par 32°45/ lat. S. Il estime à 27 lieues la distance de la ville à la passe de Cumbre des Cordillères. 93 (122) D'après les règles établies lestrésors métallurgiques du sol appar- tenaient à la couronne et les mines ne pouvaient être exploitées qu'avec son assentiment. On communiqua aussi au gouverneur des renseignements sur des gisements de métaux précieux. Il en fit rédiger un document sur lequel les renseignements étaient consignés exactement. Ces documents portaient le nom de Derroteros. Ils étaient déposés aux archives de la colonie et ser- . vaient d'indications dans les recherches. Beaucoup de mines ont été retrouvées ainsi, mais beaucoup d’autres sontresteesinconnues. Aucun Indien n’a jamais conduit les Espagnols au gisement même de l’or; tous refusaient ce rensei- gnement précis durant leur vie. Aux approches de la mort seulement, quel- ques-uns se décidaient à faire connaître la direction et la distance; mais beaucoup ne disaient rien. (Voir la note dans la Zeitschr. d. Gesellsch. f. Erdkunde zu Berlin. T. Il, p. 174, 1864, in-8). 94 (122) Voir là-dessus H. E. Ave Lallemant, dans La Plata Monaisschrift I, p. 126. Buenos-Ayres, 1873, in-8. 95 (123) La ville de Catamarca a été fondée par un décret royal du 17 septembre 1675. Il autorisait le gouverneur de la province de Tucuman, Angel de Peredo, à déplacer les habitants des villes en partie détruites de London et de Zurita et à les transférer à tel endroit qu’il jugerait conve- nable. Peredo choisit l'emplacement actuel de la ville de Catamarca; mais le transfert n’eut lieu qu’en 1683, sous son successeur, Fernando Mendoza Mate de Luna, qui déplaça aussi la ville de Tucuman. Voir Revista de Buenos-Ayres. Tom. VIII, pag. 43, 1865. ERP, ANG, — 1, 1( A a a Hits + MES + + pe à HULL ul ir Lei] "ER. er Frost à d sr El tir geb: ET aha ti a znaor sobre #4 5 ‘ ia Furl 0 nl etage aus af ét 2, ait LAID RUE tag Initial © Qu AE ROUTE LA, sh aan) ah aeg al Bun. ji u tete il: papes LA us MIR up“ aägrradg | ai Lu “at 2 ait COLE Tel” Y rnhhe au NT 4 | ns 24 2) ai es ic 2,1007 u a 6 Bo. 0.# id ae à | DU agite ir #s u za si METE AL ÉNOTENS an M et ah Bari 200 MUCH TE. 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Elle ne doit pas être consi- dérée comme le résultat de mesures exactes, puisqu'on n’en a jamais exécuté. Ces chiffres reposent sur des estimations faites à l’aide des cartes géographiques et des délimitatious des anciens traités. — Les limites elles-mêmes, qui engrande partie datent de la domination espagnole, ne sont pas encore fixées avec certitude. On discute depuis des années avec les voisins sur les bornes et l’on n'a pas encore pu s'entendre avec le Paraguay, la Bolivie et le Chili sur l'étendue territoriale de chacun de ces pays. Nous lais- serons donc de côté toutes les questions litigieuses et donnerons les limites, telles qu’elles furent fixées à l’époque des Espagnols pour la vice-royauté du Rio de la Plata, laissant à l'avenir le soin de régler ces affaires difficiles et enbrouillées 2. La limite la mieux arrêtée de la république Argentine est celle 148 LIMITES ORIENTALES DE LA RÉPUBLIQUE. de l’est. L’embouchure du Rio de la Plata la divise en deux sec- tions principales, à savoir la frontière littorale et la frontière des fleuves. La première est formée par l’océan Atlantique du 35° au 90° de lat. S., la seconde par les fleuves Uruguay et Paranä. Le Rio Uruguay, depuis son embouchure dans le Rio de la Plata jusqu’au point où le Rio Guarey ou Cuarein se réunit à lui, con- stitue la limite entre la république Argentine et celle de l’Uru- guay, appelée par les Espagnols la Banda Oriental. Au nord du Rio Cuarein commence la frontière du Brésil. Elle remonte le cours de l’Uruguay jusqu’à l'embouchure du Rio Pepiri, se dirige vers le nord en suivant le cours de cette rivière, dépasse la ligne de séparation des eaux, longe ensuite le Rio S.-Antonio jusqu’à sa jonction avec le Rio Curitiba. A partir de ce point, le Curitiba Grande ou Yguazu lui-même constitue la frontière jusqu'à son embouchure dans le Rio Paranä. C’est ici le point le plus septen- trional de la partie est du territoire argentin. — Ce tracé des limites a été fixé d’abord, après les guerres entre l'Espagne et le Portugal, par les traités de paix de 1759 et 1788, ensuite par la convention plus récente du 14 décembre 1859 entre le sr et la république Argentine. Au point indiqué, à l'embouchure du Curitiba dans le Paranä, commence la limite entre le Paraguay et la république Argentine. A partir de là, elle suit le Rio Paranä jusqu’à sa jonction avec le Rio Paraguay, et remonte ensuite ce fleuve vers le nord jusqu’à 22° de lat. S., ou dans son voisinage jusqu’à l'embouchure du Rio Galvan. Telle est du moins la délimitation que la république Ar- gentine réclame comme anciennes frontières de la vice-royaute de la Plata au nord. Mais dans les dernières vingt années le Para- guay, sous la direction de la famille Lopez, père et fils, s’est per- mis de nombreux empiétements. Non content de s’être avancé au sud de ce côté-ci du Rio Paranä, il s’est encore emparé, comme d’un territoire sans maître et non colonisé, de toute la région située à l’ouest du Rio Paraguay, depuis l'embouchure du Rio Vermejo dans ce dernier ?. On a échangé de nombreuses notes sur cette question jusqu’au moment où la guerre de la Triple LIMITES SEPTENTRIONALES DE LA RÉPUBLIQUE. 149 alliance contre le Paraguay est venue mettre fin aux prétentions de ce dernier. Depuis lors le gouvernement argentin a occupé militairement le territoire contesté sur la rive occidentale du Rio Paraguay, et l'échange de notes, avec le Brésil du côté du Para- guay, a de nouveau recommencé. - La limite septentrionale de la république Argentine dans sa partie confinante à la Bolivie est soumise à des réclamations sem- blables de la part de ce dernier pays. D’après les anciennes con- ventions entre l'Espagne et le Portugal, le Rio Paraguay formait la limite des deux territoires. Les marais impraticables de Xaraguas restaient en entier aux Portugais, ainsi que la région au nord en amont du Rio Paraguay, et la frontière suivait une ligne tirée du Rio Jaura au Rio Goaporé *. Lors de la fondation de la vice-royauté de la Plata, l'Espagne traca les limites entre celle-ci et la vice-royauté du Pérou, à peu près par le milieu des deux territoires, et utilisa les bassins des rivières comme marques de délimitation. Tout le pays dont les eaux, à partir des limites tracées avec le Portugal, se déversaient dans le Rio Paraguay, devait relever de la vice-royauté de la Plata. Tout le reste, dont les eaux s’écoulaient dans l’Amazone, appartenait à la vice-royauté du Pérou. Les districts de Tarija et Tupiza se rattachaient donc primitivement à la vice-royauté de Buenos-Ayres. Les villes de Potosi, Gochabamba et Sa.-Gruz de la Sierra elles-mêmes avec leurs territoires en faisaient partie encore à l’époque de la décla- ration de l'indépendance ; Tarija et Tupiza étaient restées dans la confédération du Rio de la Plata. Ce fut seulement en 1824, lorsque la Bolivie et le Pérou se séparèrent en deux États distincts, que Tarija et Tupiza passèrent à la Bolivie. Cette séparation mo- difia les anciennes divisions et rattacha à la Bolivie les territoires du cours supérieur du Rio Pilcomayo et du Rio Vermejo. Dans cet état de choses la frontière a un cours peu naturel, puisqu’elle coupe les routes de communications naturelles, les grands cours d’eau, qui n'auraient pas dù être ainsi coupés. On admet donc encore actuellement l’ancienne démarcation du 22 de lat. S. comme frontière. On la prolonge à l’ouest de façon à placer les 150 LIMITES OCCIDENTALES DE LA REPUBLIQUE. territoires de Tarija et Tupiza en Bolivie. Plus loin encore à l’ouest, à partir du point où commence le district entièrement désert du Despoblado, la frontière oblique au sud-ouest, vers les Cordillères, et celles-ci constituent son bord occidental à peu près sous 26° 45’ de lat. S. Cette ligne laisse une grande partie du Despoblado à la Bolivie, ainsi que la station-frontière d’Anto- fagasta. Dans sa direction générale elle court parallèlement aux rivières Rio Guachipas et Rio Jujuy sur une longueur de 40 milles géographiques, coupe le Rio Vermejo un peu au-dessus de sa jonction avec le Rio Tarija et le Rio Itan, de façon que les trois embouchures appartiennent à la république Argentine, tandis qu’en amont les trois rivières sont en Bolivie. Du Rio Itan jus- qu’au Rio Paraguay, le 22° de lat. S. forme la limite. Cetterégion est celle dont la Bolivie, à l'instar du Paraguay, veut s'emparer comme d’un territoire sans colons et par suite sans maitre, et au sujet de la possession de laquelle les négociations entre les deux républiques se poursuivent encore. La frontière occidentale est mieux fixée. Elle est la même qui existait du temps des Espagnols, entre la vice-royauté de la Plata et le gouvernement du Chili. En créant la nouvelle vice-royauté, - on choisit avec intelligence la ligne de séparation des bassins hydro- graphiques comme limites politiques, et l’on attribua à l'État de la Plata tout le pays et toutes les montagnes dont les eaux coulent à l’est ; le Chili au contraire eut tout le réseau hydrographique qui s'écoule à l’ouest. Ainsi, au nord de la république Argentine, la limite (la Linea) suit le bord occidental des hauts plateaux des Cordillères et, ceux-ci disparaissant au sud, elle se continue avec le prolongement occidental de la chaîne des Cordillères (la Cumbre). Les vallées et les gorges entre les deux chaînes appar- tiennent, à la république Argentine. Jusqu'ici aucun des deux États n’a contesté cette délimitation, et il est à espérer qu’il ne s’élèvera jamais aucune difficulté sur toute cette frontière na- turelle. | _ Ilen est tout autrement de la frontière méridionale. Elle est actuellement un sujet de graves contestations, Il s’agit de la pos- REVENDICATIONS AU SUJET DU DÉTROIT DE MAGELLAN. 154 session du détroit de Magellan. Si nous nous conformons au sens de la délimitation entre le Chili et la Plata, telle que l'Espagne la fixa en 1776, et prenons la chaîne desCordillères comme limite, la plus grande partie du détroit appartiendra incontestablement aux Argentins. Mais à l’époque où se fit cette délimitation, il n'existait aucun établissement dans cette région. La population européenne sur le littoral des deux Océans ne descendait pas au delà du 42° de lat. S., et le détroit de Magellan était complétement inhabité. Des essais de colonisation entrepris plustard échouèrent. Le nom de Port-Famine indique assez clairement à quel destin les immigrants s’exposaient. La possession du détroit lui-même n'avait pas grand intérêt pour la navigation, étant très-difficile à traverser avec les navires à voiles. Mais son importance s’est modifiée avec l'apparition de la navigation à vapeur. Elle chan- gea du tout au tout, et le détroit de Magellan devint une posses- sion très-enviée, surtout par le Chili. Le gouvernement de cette République a donc colonisé quelques points du détroit de Magel- lan et, sans se contenter de la totalité du détroit, il a revendiqué comme lui appartenant les côtes orientales voisines jusqu’au Rio Sa. Cruz (90° de lat. S.). Le gouvernement de la république Ar- gentine se plaignit sur-le-champ, comme victime d’uneusurpation, établit des stations de son côté le long du détroit ainsi que sur les côtes au voisinage de l’entrée, et se hâta de mettre ses établisse- ments à l’abri d'attaques ennemies. Voilà où en est l'affaire ; elle sera probablement réglée par un arbitrage, car les deux gouver- nements répugnent avec raison à se faire la guerre pour des con- trées aussi inhospitalières *. | Le détroit a une valeur incontestablemegt beaucoup plus grande pour le Chili que pour la république Argentine. Il est donc fort à souhaiter que ce premier État puisse arriver à le posséder sans discussion. Mais en résumé les titres des Chiliens à cette posses- sion se réduisent aux essais de colonisation qu’ils ont tentés sur le détroit considéré comme bien sans maître, pendant que la république Argentine laissait faire sans mettre d'opposition immédiate. a II FORME GENERALE ET NATURE DU SOL Le sol de la république Argentine se présente en gros sous la forme d’une plaine inclinée du nord-ouest vers le sud-est, qui, dans les parties les plus élevées, au pied des Cordillères, oscille entre 2000 et 4000 pieds et s’abaisse vers les bassins du Rio Pa- raguay et Paranä. Au bord septentrional supérieur, sous le 22° de lat.S.,le fleuve est à peu près à 300 pieds au-dessus du niveau de la mer, dans laquelle il vient se jeter par le vaste estuaire du. Rio de la Plata. Les Cordillères, ainsi que ces deux fleuves, ont leur cours dirigé à peu près du nord au sud, tout en s’infléchis- sant très-sensiblement à l’ouest. Comme cette déviation est plus marquée sur les deux fleuves que dans la montagne, toute la plaine a dans sa partie septentrionale une largeur un peu plus grande qu’au sud. Dans sa partie la plus étroite (sous le 32° de lat. S.), elle embrasse environ 8 degrés de longitude; à sa limite septentrionaleau contraire, sous le 22° de lat. S., de9à 10 degrés de longitude. A partir du 32° de lat.S., la plaine s’accroîtdenou- veau en largeur. Au sud de l’embouchure de la Plata, sous le 37° de lat.S., elle s’avance loin dans l'Océan etattemt une largeur de 13 degrés de longitude. Mais elle se retrécit ensuite rapide- ment et, se resserrant graduellement de plus en plus, elle va se confondre à la pointe orientale de la Terre-de-Feu avec l'extrémité de la chaîne des Cordillères. | La plaine est entrecoupée dans sa moitié supérieure par des montagnes peu élevées, ordinairement composées de plusieurs chaînes parallèles qui suivent assez exactement la même direc- tion que les Cordillères. On peut les considérer comme des pro- longements, ou plus exactement comme les derniers appendices des contre-forts du grand plateau montagneux de la Bolivie, situé entre les 5° et 29: de lat. S. Ce plateau, qui sous la forme d’un LA PLAINE ARGENTINE, - 153 grand triangle s’avance à l’est en se détachant des Cordillères, forme la séparation des eaux entre les affluents occidentaux du fleuve des Amazones et ceux du Rio de la Plata. En s’éloignant de ce plateau, la Cordillère du nord se détourne au nord-ouest; celle du sud conserve sa direction au sud. Le district de la Paz, avec ses hauts sommets d’Illimani et du Sahama, constitue le nœud, ou, sion veut, le centre de tout le système des Cordillères*. - Le pays qui s'étend au sud en avant de ces premiers contre- forts du plifeau de la Bolivie est la plaine argentine, dont nous venons de déterminer suceinetement la forme et la superficie. Comme nous avons déjà indiqué, elle est interrompue au milieu par les étroites chaînes de montagnes centrales qui con- stituent la Sierra de Cordova et ses voisines. La plaine basse ar- gentine est séparée en deux parties inégales par ce système de montagnes isolé. La partie nord est située entre le plateau de Bolivie et ces montagnes centrales; la partie sud s’etend de ces dernières jusqu’à la Terre-de-Feu. - La partie supérieure nord de ces plaines basses se divise à son tour en deux régions assez distinctes, une occidentale et une orientale. La région occidentale représente une longue dépression dirigée de nord-est au sud-ouest, située entre les Cordillères, les mon- tagnes centrales et les ramifications de la Bolivie antérieure. La plaine argentine y atteint son plus grand abaissement et y ren- ferme un ancien bassin lacustre desséché, dont le centre le plus bas ne dépasse guère 450 pieds au-dessus du niveau de la mer. Cette dépression s’étend au nord comme au sud, avec les mêmes salines primitives, jusqu’au pied des montagnes, sous l'aspect d’une steppe déserte à peu près sans végétation. Elle pénètre au sud jusque dans le territoire de San Luis et va se relier avec les steppes de la Patagonie par la forte dépression de la contrée en- vironnant la Laguna Bevedero et ses déversoirs au sud. La région orientale est limitée à l’ouest par le Rio Salado, d’où elle s'étend jusqu’au Rio Paranä. Elle constitue le Gran Chaco, vaste plaine boisée avec inclinaison uniforme du nord-ouest au 154 DIVISIONS DE LA PLAINE. sud-est, ainsi que le fait voir le cours des rivières Vermejo et Pilcomayo, qui la traversent. La partie méridionale inférieure de la plaine basse argentine commence à l'extrémité du système de montagnes central. Elle est d’abordassez élevée, beaucoup plus élevée que celle du'nord- ouest, Elle s’étend dans sa région supérieure avec un affaissement graduel de niveau, obéissant ainsi à une inclinaison générale di- rigée au sud-est vers l’océan Atlantique et les steppes de la Pa- tagonie, avec lesquelles cette partie se continue sans diséontinuité. On peut donc aussi la diviser en deux régions. La première, située au nord, la plus étendue, embrasse jusqu’au 39° degré de lat.S. les _ pampas fertiles ; la seconde, au contraire, longuement allongée au sud, renferme le plateau des steppes patagonesets’étend jusqu’au détroit de Magellan. Le territoire de la république Argentine possède encore à l’est une contrée située à côté du Rio Paranä. Elle est ondulee et ac- cidentée et s’étend jusqu’au Rio Uruguay, qui court parallèlement au Paranä. Ge district, que l’on a justement appelé la Mésopota- mie argentine, présente un aspect extérieur tout particulier. Aucune partie ne forme de véritables plaines, mais le sol est on-. dulé, et au centre s’eleve une chaîne de collines d'environ 600 pieds d’altitude sans roches à nu. De nombreux petits ruisseaux le parcourent, et il est revêtu d’un gazon toujours vert et de four- rés dans toutes les dépressions. Au-dessus, s'élèvent d’imposantes forêts le long des principaux cours d’eau et plus particulièrement du Rio Uruguay. | Pour répartir ce vaste pays en divisions conformes à sa nature, il faut tout d’abord séparer la Mésopotamie du reste du territoire dont elle ne constitue qu’une faible partie. Sa contexture natu- relle ne se retrouve nulle part ailleurs sur le sol de la république. — Le reste du pays se divise naturellement en montagnes, fleuves et plaines. | Les montagnes à leur tour se subdivisent en plusieurs groupes que l’on peut sans difficulté distinguer au nombre de quatre, comme il suit : CHAINES DE MONTAGNES DE LA RÉPUBLIQUE. 455 4. Les Cordillères, frontières occidentales du pays, avec leurs sommets les plus élevés couronnés de volcans en grande partie éteints et émergeant au milieu des neiges éternelles. 2. Les chaînes secondaires d’Aconquija, de Famatina; de S.-Juan et de Mendoza, réunies sous le nom de Sierra de Uspal- lata. On peut les considérer comme des rameaux des Cordillères, bien qu’elles ne soient pas en communication immédiate avec elles. On y rencontre des sommets couverts de neige. 3. Le système central, entièrement isolé, de la Sierra de Cor- dova, avec ses chaînes parallèles de faible élevation. 4. Les sierfas des pampas, très-peu élevées, au sud de Buenos: Ayres, Les plaines quienveloppent ces montagnes, généralement con- - nues sous le nom de pampas, ne présentent presque aucune dif- férenee de niveau de quelque importance. Elles sont sillonnées de lits de rivières à sec et ont très-souvent de faibles dépres- sions en forme de cuvette, dans lesquelles l’eau s’amasse en lacs ou marais appelés lagunes et cienegas. Elles se différen- crent encore par quelques caractères, dont voici les quatre prin- Cipaux : 1. Les pampas fertiles sont revêtues d’un tapis de verdure, mais qui n'arrive que rarement à former un véritable gazon. Elles ne possèdent ni fourrés, ni forêts élevées. L’œil se perd dans des lointains immenses sur un océan uniforme de verdure. Elles constituent la partie sud-est de la plaine argentine. 2, Les pampas stériles, nommées aussi steppes, ne possèdent aucune verdure, mais offrent à l'œil un sol de sable ou de pous- sière entièrement nu, qui dans le voisinage des montagnes nour- rit quelques petites plantes entre les rocailles, ou même quelque- fois de rares arbrisseaux formant des buissons, et à feuilles si petites qu'elles disparaissent au milieu d’un enchevêtrement de branches souvent armées d’aiguillons. Des légumineuses et des composées ligneuses croissent surtout dans ce terrain. Ces pampas bordent la plaine au pied des Cordillères et s'étendent dans toute la région occidentale du pays. 156 SYSTÈMES HYDROGRAPHIQUES DE LA RÉPUBLIQUE. 9. La région des forêts, avec de grands arbres d’espèces les plus variées et formant des forêts tantôt épaisses, tantôt clair-se- _mées. On les rencontre surtout dans la partie nord-est. Le Gran Chaco constitue la partie principale de ce groupe. 4. Les steppes patagones, vaste plaine sans gazon, avec un sol dur où l’on rencontre des buissons dispersés, très-bas, en grande partie ligneux, dans lesquels prédominent les légumineuses et les composées. Quelques espèces de cactus sont communes sur- tout dans les trois derniers districts. Les fleuves ne jouent qu’un rôle subordonné dans la caracté- ristique du sol de la république. A l'exception du Paranä, du Paraguay et de l’Uruguay, ce sont des cours d’eau très-faibles, jamais très-profonds et cependant d’une assez grande largeur. Leur lit, creusé dans un sol plat, change souvent de place après de grandes pluies et perd ainsi presque toute utilité. On peut les réunir en cinq groupes. 1. Lesystème du Rio de la Plata avec ses trois ea aient, l’Uruguay, le Paranä et le Paraguay. | 2. Le système de la Sierra de Gordova, avec plusieurs rivières isolées, qui se dirigent toutes à l’est vers le Paranä. Une seule d’entre elles, la troisième, ou Carcarañal, atteint réellement le Paranä. 3. Le système des Cordillères, avec plusieurs rivières isolées, dont aucune n’arrive jusqu’à la côte de l'Océan, soit directement, soit en se déversant dans un autre grand fleuve. 4. Le système de la pampa, au sud de Buenos-Ayres, avec des cours d’eau encore plus faibles, qui se déversent directement dans la mer. | | 9. Le système de Patagonie, grands fleuves qui descendent dis Cordillères et se jettent dans l'Océan. Telles sont les divisions naturelles du sol de la républiqüe Ar- gentine. Après en avoir d’abord donné cet aperçu, nous täche- rons d’en faire connaître la nature. Nous nous occuperons d’abord des plaines, comme de la partie la plus importante. Nous passe- rons ensuite aux montagnes, puis aux fleuves et rivières, et ter- ASPECT DES PAMPAS. 157 minerons avec la Mésopotamie argentine. Une courte esquisse des divisions politiques complétera ce livre. III LA PLAINE ARGENTINE, PAMPAS’, FORETS, SALINES. Lorsqu'on sort dans les environs d’une petite ville de la province de Buenos-Ayres ou d’une métairie (estanzias), et qu'on jette les yeux autour de soi, on voit de tous côtés une plaine sans fin, dont le sol est revêtu d’un gazon ténu qui peut s'élever jusqu’à hauteur du genou. Considéré de loin, cet océan de verdure agité et ondulant sous le moindre souffle de Patmosphère apparaît comme une surface homogene. Mais si on examine de près, dans le voisinage immédiat du point où l’on se trouve on remarque promptement que l’herbe ne forme pas un véritable gazon comme dans les prairies de l'Allemagne. Quelques points cependant, d’une assez grande étendue, surtout dans la région sud des pampas, sont revêtus d’un gazon sembla- ble, formé d’herbes peu élevées. Mais le plus souvent elles crois- sent en touffes dispersées, entre lesquelles de nombreux vides laissent voir le sol nu. Ges herbes à feuilles ou à chaumes extrè- mement fins, plus ou moins desséchés par leur extrémité supé- rieure, et par conséquent sans fraîcheur, ne forment qu’une ver- dure pauvre et terne. Aucun objet particulier ne se détache sur ces campagnes entièrement plates. L’immense horizon disparaît peu à peu dans un bleu violacé, et l’on est lout à fait comme sur l'Océan, enveloppé par un panorama circulaire , également étendu dans toutes les directions et dont l’extrème limite ressem- ble aussi par sa coloration à l’horizon sur mer (Reise, t.I.,p. 112). La comparaison entre ces deux immensités se présente de soi- même, surtout lorsqu'on fait attention au léger mouvement d’on- des qui semble sans cesse faire mouvoir en avant les parties les 158 ABSENCE DE VÉGÉTATION ARBORESCENTE. plus proches du spectateur et s'élève et s’abaisse aussi unifor- mément que les vagues douces et calmes de l'Océan entre les _tropiques, lorsqu'il n’est pas agité par le mauvais temps. A l’époque où il n’existait dans ces régions encore aucun éta- blissement européen, aucun objet visible ne venait rompre l’uni- formité de la vue en dehors des troupeaux d’autruches américaines et des cerfs (Cervus campestris) qui peuplaient les pampas en grandes bandes. Aucun arbre, aucun buisson n’interrompait le tapis de verdure ; aucune plante arborescente n'avait pu s’im- planter spontanément sur ce sol. Les rafales violentes du pam- pero, qui de temps en temps se déchaîne en tempête du sud-ouest sur la plaine, ne laissaient aucun arbre s'élever, et le ol dur, presque sans humus, ne leur permettait pas d’y enfonger leurs racines pour s’y fixer. Aujourd’hui ilen est autrement; on voit déjà à peu près dans toute la province non-seulement de grandes métairies, mais encore des établissements moindres ou des mai- sons isolées, qui interrompent la monotonie du désert. Les grandes métairies ont toutes des groupes d'arbres composés d’es- pèces introduites, telles que peupliers, saules, pêchers, figuiers et deux arbres d'ornement, ’ombu (P hytolacca dioica), et le paroisso (Melia azedarach). Mais la création de ces plantations estaccom- pagnée de grandes difficultés, et elles exigent de fortes dépen- ses avant de prendre quelque développement. Dans ces derniers temps on a introduit quelques espèces d’Eucalyplus, qui crois- sent rapidement et réussissent bien; mais ils sont souvent brisés ou renversés par le vent et n’atteignent leurs dimensions d’arbres que dans les endroits abrités. — Aujourd’hui la solitude et la monotoñie du désert ont donc disparu dans toute la partie des pampas colonisée par les Européens, mais à l’époque de l’arrivée des premiers Espagnols il n’existait rien de tout cela: Aucun ob- jet particulier n’attirait le regard et ne se faisait remarquer en dehors des huttes indiennes (tolderias) et des bandes d'animaux sauvages. Ces derniers ont disparu dans le voisinage des habita- tions; mais à leur place on y voit de grandes bandes de chevaux, bestiaux et moutons, .ou bien un attelage de bœufs LE MIRAGE. 159 qui, apercevant de loin le voyageur, le fixent de leur regard im- mobile. | Il existe un phénomène particulier que l’on observe presque constamment dans les pampas et qui contribue essentiellement à les caractériser. Nous voulons parler du mirage, qui, dans les journées chaudes, se produit de 10 heures du matin à 5 heures du soir. L’air échauffé, partant du sol, s’élève en lignes ondulées tremblotantes, et produit à l’horizon ces singulières images de lacs ou de nuages dans lesquelles le sol se reflète et paraît flotter librement dans l’air comme une seconde surface terrestre. L’imi- tation de nappes d’eau au milieu d'immenses planes est si trom- peuse, qu'on a peine à se convaincre de l'illusion, surtout lors- qu'on yvoit de grands troupeaux de bétail se baigner. Ce spectacle est aussi attrayant que trompeur, et il m’a souvent occupé et distrait pendant des heures durant les longues marches à travers les plai- nes déserts, sous la chaleur accablante du jour. Le pampero, qui mugit si souvent dans ces plaines, offre un spectacle encore plus étonnant. On aperçoit au loin à l’horizon s'élever une nuée noir grisätre ou gris bleuâtre, qui prend quel- quefois une teinte bleu indigo et monte à vue d'œil. Bientôt cette nuée s’enflamme, et de longs éclairs la sillonnent des zigzags les plus variés. A cet éloignement, on n’entend encore aucun tonnerre. Mais à mesure que la masse sombre s’eleve de plus en plus, le tonnerre résonne sous forme de roulements lointains. Des tour- billons de poussière d’un jaune clair, chassés par le vent qui les soulève, viennent se mêler aux nuages d’un bleu sombre. Les animaux dispersés dans la plaine commencent à devenir attentifs. On les voit, inquiets, regarder la sombre nude, dresser les oreilles, se rassembler en groupes et enfin s’enfuir devant la tettipête hur- lante. Non-seulementles chevaux, les bestiaux et les moutons, miais encore les cerfs et les autruches des parties encore inhabitées, se précipitent en désdrdre pour échapper à l’orage. Ils croient pou- voir se sauver} mais ils se trompent. L’orage va plus vite que leurs jambes; il les devance et bientôt ils sont au milieu de la tempête qui sé déchaîne sur eux. Les animaux s’arrêtent'alors, LE] 160 EFFETS DU PAMPERO. comprenant leur impuissance à dutter. Ils tournent le dos à la tempête et la laissent passer sur eux en s’abandonnant à leur sort. C’est un spectacle comique de voir immobiles des centaines de ces animaux inondés, les oreilles pendantes et le corps ruisse- lant. Ils attendent jusqu’à ce que le nüage crevé soit passé, ce qui ordinairement se fait aussi promptement que son arrivée. En une demi-heure tout est fini. Le soleil reparait encore plus clair avant de se coucher. C’est ordinairement après 5 heures que ces pamperos se déchainent en hurlant sur les pampas, avecleur accompagnement d’éclairs enflammés et de pluies diluviennes. Toutes les parties des pampas, dureste, ne différent pas autant des pâturages allemands que celles que nous venons de décrire avec leurs fines graminées groupées en touffes. Il y a aussi des parties revêtues d’un épais et court gazon exactement de même nature que celui de ces localités européennes. Mais ces parties ont toujours des surfaces beaucoup moindres, accidentelles dans la pampa proprement dite et d’un effet insignifiant pour la phy- sionomie générale. La province de Tucuman, la plus riche de toutes en eau, est la seule qui offre au voyageur une grande éten- due de prairies touffues, formées en grande partie par le Paspa- lum notatum. Elle a de vastes prairies semblables aux pays à pâturages d'Europe. Dans les autres provinces on ne trouve de prairies que dans les bas-fonds, où le sol reste constamment hu- mide, notamment dans le voisinage des nombreuses lagunes, des ruisseaux et des petites rivières qui coulent dans les pampas; Ces cours d’eau, bordés çà et là de prairies du genre indiqué, peuvent de temps à autre les submerger complétement sans jamais les inonder d’une façon définitive. Dans les districts où ces prai- ries abondent, elles donnent aux pampas une grande valeur. Elles sont très-recherchées et par cela même très-connues. Mais ce ne sont toujours que des accidents locaux, qui n’entrent point dans l'essence de la pampas, pas plus que les lagunes et ruisseaux qui s’y trouvent. Les vraies pampas, aux vastes surfaces, n’ont dans leur étendue ni lagunes ni bas-fonds couverts de verdure. Cependant les lagunes sont très-communes dans la pampa du FRÉQUENCE DES LAGUNES. 161 sud-est, principalement dans la province de Buenos-Ayres. Nous en dirons donc quelques mots. On peut dire que leur nombre se chiffre par centaines, tant elles sont fréquentes dans les pampas de Buenos-Ayres. Ce sont des cuvettes plates, faibles dépressions du sol, dans lesquelles l’eau de pluie se rassemble et les trans- forme en bassins. Ces bassins, donttrès-peu ont une étendue que l’on puisse comparer à celle d’un petit lac, doivent leur origine à l’imperméabilité du sous-sol. La marne diluvienne plastique et assez dure, qui atteint ordinairement une épaisseur de 40 à 60 : pieds et constitue le sol des pampas, ne laisse point filtrer les eaux. Celles-ci se rassemblent dans les dépressions, où elles res- tent stagnantes jusqu’à ce que l’évaporation en abaisse peu à peu le niveau, ou les assèche entièrement, ce qui est le cas de beau- coup de petites lagunes. L’eau, en se rassemblant, entraine natu- rellement les parties terreuses légères de la surface du sol au pourtour des lagunes. Telle est l’origine de la vase noirâtre qui forme le fond de presque toutes les lagunes. L’&vaporation inces- sante et la capillarité des terres avoisinantes les tiennent toujours humides êt leur permettent une végétation plus riche ; aussi les lagunes sont souvent accompagnées de surfaces assez étendues d’un épais tapis verdoyant, qui opposent une digue aux dénuda- tions, Les lagunes conservent donc à peu près les mêmes contours, et les plus grandes prennent le caractère de lacs permanents *, En outre de la ceinture de fraiche verdure, la plupart des lagu- nes constamment mouillees, et notamment toutes les grandes, sont bordées de roseaux très-vigoureux et très-élevés. En se dé- séchant et se décomposant, leur substance végétale contribue es- sentiellement à augmenter le fond d’humus de la lagune. On y trouve ou bien des jones greles et élancés de 8 à 10 pieds, ou bien des roseaux à larges feuilles. On y rencontre encore assez souvent une espèce de Typha, appelée ici totoras. Elle est plus fréquente le long des petits ruisseaux qui sortent de beaucoup de lagunes. Les lagunes prennent donc des aspects très-différents, auxquels correspondent des dénominations populaires particulières. Gelles- ci indiquent en quelque sorte la quantité d’eau accumulée dans REP. ARG. — I. {1 162 - DUNES — CIENEGAS. ces bas-fonds et ont besoin d’une explication. Une véritable lagune a toujours une surface d’eau libre et ouverte, une bordure de jones ou de roseaux qui n’est pas toujours continue, et très-sou- vent aussi des rives élevées et abruptes, du moins sur un côté, principalement à l’est. En les examirant avec soin on reconnaît qu'elles ont pour origine ou bien une érosion dans le lehm diluvien (barranca), ou bien des dunes de sables (medanos),.ac- cumulées par le vent. Les dunes offrent un intérêt particulier. Elles ressemblent complétement à celles de la mer Baltique sur les côtes de la Poméranie et de l’île de Rugen, où je les ai souvent observées dans ma jeunesse. Elles sont aussi revêtues par une ‚grande espèce d’Elymus comme celle d'Europe ?. — Les ciene- gas forment une seconde catégorie de bassins humides de la pampa. Ce sont de vastes marécages, le plus souvent de forme allongée et couverts d’une épaisse végétation de roseaux. L'eau ouverte Y existe seulement sur quelques points (banados) au milieu. Ge sont des parties déprimées de la plaine transformées en marais. — Ces marais prennent le nom de pajonales, lorsqu'ils ont une plus fai- ble étendue, et se recoanaissent comme endroits humides &-la pré- sence de roseaux et de jones élevées. Mais en général ils sont dépourvus d’eau et ont le plus souvent un sol assez solide, non vaseux, et on peut les parcourir ct les traverser sans danger. C’est là que croit en abondance le belle graminde Gynerium argen- teum. — Enfin on appelle canadas tous les bas-fonds de grande étendue dans lesquels sont disséminés des groupes de roseaux. Ils peuvent être traversés par un ruisseau, etconstituent dans leur ensemble de bons pâturages très-propres à l'élève du bétail. — Ces endroits humides dans la pampa ne forment qu’une très-mi- nime partie de sa surface et n’en modifient le caractère que d’une façon accessoire. Ils n’entrent pas dans la physionomie typique de la pampa. Dans le nord on parcourt souvent des districts en- tiers de la pampa absolument dépourvus d’eau, et le voyageur peut marcher des journées entières sans en rencontrer la moindre nappe °. Nous devons encore faire remarquer que quelques-unes de ces MODIFICATIONS CAUSÉES PAR LA COLONISATION. 163 lagunes sont salées et déposent en quantité plus ou moins grande du sel de cuisine ou du sel de Glauber et du gypse. D’autres au contraire donnent lieu à des formations de kaolin et quelquefois contiennent de la silice en dissolution. Toutes ces substances sont localisées et proviennent sans doute du sol sur lequel repose la lagune, ou bien y sont apportées. Ges particularités locales sont peu communes dans la province de Buenos-Ayres, où le sous-sol est toujours formé par la marne couleur de rouille. On les trouve plus fréquemment sur les limites de la Patagonie et dans l’ouest des pampas, où les roches meubles des époques pré- historiques constituent le sol. On constate aussi dans ces régions une végétation particulière de plantes propres aux lagunes et bassins sales (salinas et salitrales). Nous y reviendrons plus tard dans les descriptions particulières. | Pour terminer, nous avons encore à faire connaître la part que la colonisation prend dans l'aspect général des pampas, part qui, Suivant les localités, peut être très-considérable. On ne la recon- naît que sur les points où la population européenne s’est fixée en nombre depuis déjà assez longtemps ; mais elle y a profondément modifié la pampa. Nous ne voulons pas parler ici des plantations d'arbres mentionnées plus haut, mais des changements qui se sont produits sans but déterminé et sans l’action directe des co- lons. lei se place avant tout l'invasion du sol des pampas par les mauvaises herbes d’Europe. Elle est si importante en certains endroits, par exemple le long des routes principales (Reise, I, 139), que des plaines de plusieurs milles ont pris un aspect tout diffé- rent de celui qu’elles avaient primitivement, Nous reviendrons, dans la partie botanique, sur ces plantes introduites et donnerons la liste de toutes celles qui ont été observées. Pour le moment, nous Signalerons seulement celles qui ne croissent pas dans le voisinage et à l'intérieur des villes et villages, mais qui recouvrent de larges surfaces en rase campagne. Ce sont avant tout deux chardons, le cardon sauvage (Cynara cardunculus) et le char- don-Marie (Carduus[Silybum] marianus), Le Xanthium spino- sum est aussi très-répandu dans les pampas; ensuite le fenouil 164 LES CHARDONS IMPORTÉS. (Anethum feeniculum) ; mais il forme des masses seulement dans le voisinage des établissements. | Le cardon sauvage, appelé par les habitants cardo de Castilla, se trouve en grand nombre le long de toutes les routes et dans les campagnes des environs de Buenos-Avres. Il contribue à orner le paysage par ses grands capitules de fleurs violettes, qui s’élè- vent à hauteur d'homme et dépassent de beaucoup les autres plantes. Il s’est avancé à l’intérieur et est déjà répandu dans toute l'étendue des pampas. Mais on le rencontre surtout dans le voi- sinage des habitations ; 1l n’a pas encore pénétré dans les vastes solitudes des pampas. Au nouvel an, lorsque les graines sont müres et entourées de paillettes rayonnantes, le vent les emporte par millions et les dissémine au loin sur les contrées environnan- tes. Toutes les rues de Buenos-Ayres sont alors pleines de tas de ces flocons légers, qui pénétrent en masse dans les maisons par les portes ouvertes et les fenêtres, vont s’entasser dans tous les coins et les angles et deviennent un véritable tourment pour les habitants. Le chardon-Marie est encore plus répandu dans la province de Buenos-Ayres. Il croît non-seulement le long des routes, mais encore dans les champs, loin des habitations, couvrant entière- ment des lieues carrées et gagnant continuellement du terrain. Les chevaux et les bestiaux mangent avec avidité les Jeunes pous- ses, qui apparaissent déjà en automne (avril, mai), et recouvrent pendant l'hiver (juin, juillet, août) les champs d’uné verdure frai- che et succulente. Il n’est donc pas nuisible à la colonisation. Les colons lui donnent le nom de cardo de burro, et le considèrent comme indigène. Il s’est repandu avec la même profusion jus- qu’en Patagonie. Plus tard, lorsque les hautes inflorescences se dressent et que les feuilles dures et épineuses ont perdu leur fraicheur, cette plante n’a plus de valeur pour le bétail. Mais elle sert encore d’abri à de nombreux animaux sauvages. Les perdrix et les lapins (Cavia À zarae) se cachent dessous, le renard et le putois y établissent leurs repaires, et les pigeons ainsi que les perdrix se nourrissent de préférence avec ses graines müres. VÉGÉTATION DES PAMPAS STÉRILES. 165 Cette plante européenne joue donc déjà un rèle indispensable dans les pampas de Buenos-Ayres !*. Ce que nous avons dit des pampas de la plaine argentine s’ap- plique seulement aux parties fertiles de la région orientale et surtout méridionale du pays. Elles embrassent la province de Buenos-Ayres, une partie de Santa-Fé et l’intérieur jusqu’au 68° de long. ouest de Paris. Elles finissent par conséquent à peu près sous la même longitude que la Sierra de Gordova, que les pampas fertilesne dépassent pas à l’ouest. On les retrouve cependant plus aunord, dans la plaine de la province de Tucuman, entre les deux 7 grands cours d’eau du Rio Salado et du Rio Dulce Ici elles ont » un aspect un peu plus riche que dans le sud. Ce changement 4% provient sans doute de différences spécifiques dans les graminées des deux contrées, mais au reste il n’est pas assez marqué pour fonder une distinction bien profonde des deux régions. Il en est tout autrement des pampas stériles en deçà de la Sierra de Cordova et à l'ouest du Rio Quinto, entre San-Luis et Mendoza, ainsi qu’au nord dans la région de San-Juan, la Rioja et Catamarca. Il n'existe plus de trace de tapis de graminées, et le gazon touffu manque totalement, en dehors des petites plaques qui végétent au bord d’un ruisseau ou d’une cienega. Dans ces provinces, le sol dénudé est composé d’un sable meuble *, dans lequel des groupes de cactus se sontenracinés çà et là. La plupart sont peu élevés et d’un aspect chétif, mais différent les uns des autres par leur forme, tantôt tubereuleuse, tantôt sphérique ; quelques-uns sont revêtus de minces épines de la longueur d’un doigt. On y remarque aussi une espèce qui, au lieu d’épines, porte des feuilles presque aussi longues, larges de deux lignes, recourbées en bas, linéaires, sca- rieuses et grisätres. Quelques espèces de Cereus un peu plus élevées se montrent encore ici; parmi elles, une porte des fruits rouges très-savoureux de la grosseur et de la couleur d’une bille de billard. En beaucoup d’endroits il n’existe pas d’autre végétation sur ce sol. D’ordinaire, cependant, il est couvert de fourrés d’ar- brisseaux peu élevés, à ramifications extrêmement nombreuses et entrelacées, et à feuilles petites et très-insignifiantes. Quelques- 166 BROUSSAILLES DES PAMPAS STÉRILES, uns manquent totalement de feuilles. Ils ressemblentau Spartium d'Allemagne, avec une taille généralement plus élevée qui atteint 10 à 12 pieds, D’autres, en plus grand nombre, portent d’epaisses et longues. épines, simples ou ramifiées, souvent tricuspides. Sans être très-touffus, ils forment des fourrés impé=. nétrables, inaccessibles à l’homme comme aux animaux. Ce n’est pas ici le lieu de décrire en détail ces plantes; nous y reviendrons plus tard dans le volume contenant la flore de la république Argentine. Remarquons seulement que ce sont surtout des légumineuses du groupe des acacias et des compo- sées qui constituent la végétation des pampas stériles ou steppes, comme nous avons dénommé ces contrées plus haut (p. 155.) Les plantes du premier groupe dominent, Elles composent la haute broussaille des steppes, mais ne dépassent pas 6 à 8 pieds dans les parties méridionales de la contrée, Un cavalier peut done dominer des veux sur ces broussailles. J’ai toujours été étonné lorsqu’en chevauchant à travers ces contrées appelées prétentieusement des forêts (monte 1) je voyais la prétendue forêt. _t au-dessous de moi, au lieu de marcher à son abri comme J'y avais été accoutumé dans les forêts de ma.patrie. Il ya sans douteaussi de nombreux endroits auxquels eette caractéristique s’appli- querait mal, plus particulièrement dans les districts du nord, où les broussailles s'élèvent jusqu’à 20 pieds. Mais ‚comme ces arbrisseaux n’ont pas de tronc et se ramifient à l'infini près du sol, la forêt perd encore le caractère qu’on est habitué à lui donner, à savoir de grands et puissants arbres dominant au- dessus d’un sous-bois grêle et étiolé. Icitout est sous-bois, dumoins dans la région des pampas que nous avons en vue pour le moment. Comme les pampas stériles sont le plus souvent situées au voi- sinage de montagnes ou dans les larges vallées qui les sillonnent, un phénomène nouveau, qui manque absolument dans les plaines verdoyantes, vient encore les caractériser, du moins au pied des montagnes : il s’agit de la présence dans leur sol de grands amas de graviers et de galets. Cette composition n’est sans doute pas. universelle ; mais on peut la constater dans toutes les localités où . FORMATION DÉTRITIQUE DES PAMPAS STÉRILES. 167 les plaines en question sont enveloppées de montagnes, par. exemple à Mendoza et à Catamarca. On y voit au pied de la mon- tagne une couche de débris large d’une lieue environ et plus fortement inclinée que le sol adjacent. Ses éléments, formés de galets entièrement arrondis, presque tous ovales, sont de la grosseur d'une courge, d’un melon, d’un œuf d’oie, ou d’un grain de sable. Ils sont assemblés dans une gangue arénacée finement broyée et grise, dans laquelle ils ne sont pas soudés ensemble, mais demeurent toujours libres et isolés. Ce sol détritique a une grande puissance, surtout dans les montagnes. J’ai vu des coupes de 30 pieds d'épaisseur sans que la strate füt traversée. En s'écartant des montagnes, ces fognationsgæamincissent, les galets deviennent plus petits, et lorsque la MA sterile proprement dite commence, les gros cailloux roulés disparaissent entièremen ti lei le sol est encore composé de cette terre arénacée, fine et d’un gris clair quiconstitue toutesles alluvions du territoire argentin, tantrque la présence d’une végétation touffue n’est pas venue donner par ses produits de décomposition une coloration foncée grise noirätre due à lhumus, en augmenter un peu l’épaisseur et lesrendre plus fertiles. Au pied même des montagnes la surface est recouverte de grosblocs d’un mètre de diamètre et au-dessus. Entre eux, ainsi que sur tout le terrain détritique, croissent les mêmes buissons qui végètent dansles plaines des pampas stériles, plus particulièrement cependant les formes les plus petites, cactées et composées. Les grands acacias, qui prédominent dans la plaine, y manquent. + Il est donc indubitable que cette formation détritique appartient à la période des alluvions, ainsi que toute la surface finement arénacée des pampas tant stériles que fertiles et que les galets proviennent des montagnes voisines au pied desquelles s'étend cetleformation. Conformément aux lois de la physique, la grosseur des galets décroît à mesure qu’on s'éloigne des montagnes, puis enfin ils disparaissent entièrement du sol, dont la substance pro- vient de Pusure deces galets arrondis par le frottement. Comme les pampas fertilés manquent dans le voisinage des grandes chaînes 168 ABSENCE DE LAGUNES DANS LES PAMPAS STÉRILES. de montagnes du territoire argentin, ce fait nous explique suffi- samment l'absence de cailloux roulés dans leur sol. Il prouve seulement que le sol des pampas est venu de grandes distances et que les forces de transport ne suffisaient plus à mouvoir ni les gros ni les petits galets. Par là aussi on se rend compte de l’absence absolue de cailloux roulés à la surface et dans le sol des pampas fertiles. Lesrivières elles-mêmes quiles sillonnent ne roulent aucun caillou. Elles en sont complétement dépourvues et on ne trouve de graviers dansleur lit que dans la premiere partie de leur cours. — Ces conditions existaient déjà les mêmes longtemps avant la période alluviale, car on ne trouve aucun galet dans le ms te | | Nous avons pu cite” comme un caractère positif, servant à distinguer les pampas stériles des fertiles, l’existence sur leurs bords de ces grandes masses de détritus. L’absence des nom- breuses lagunes des pampas fertiles est un second caractère distinctif qui doit aussi son origine à des causes locales. Toute la partie occidentale du territoire de la république est pauvre en pluie ; les dépressions du sol, manquant de l’eau nécessaire, ne peuvent pas se remplir. En outre la couche alluviale superficielle absorbe l’eau, qui ne s'arrête que dans sa partie profonde, sur la marne plastique du diluvium située au-dessous. Le peu d’eau de pluie qui tombe disparaît donc aussitôt de la surface, rendant impossible toute végétation de graminées et autres plantes deli- cates, et n’accordant que le peu d'humidité infiltrée dans la pro- fondeur du sol aux plantes ligneuses qui enfoncent profondément leurs racines et à qui leur rusticité donne une plus grande force de résistance. Les grandes cienegas ou marais existent seulement dans quelques endroits des pampas stériles ; les lagunes pro: prement dites avec eau ouverte, nulle part. On ne trouve que des étangs artificiels, sur des points favorables et toujours très- petits, pour l’usage des faibles troupeaux de ces localités. Un autre phénomène est au contraire beaucoup plus fréquent dans.les pampas stériles que dansles fertiles ; nous voulons parler des efflorescences salines à la surface du sol. Dans de nombreuses SALINAS ET SALITRALES. 169 localités elles donnent naissance à de vastes croûtes de sel occupant plusieurs lieues carrées. J’ai eu occasion, (Reise I., p.228) près de Mendoza, dans la plaine au nord-est, d'étudier de près la consti- tution de ce sol. Ara surfacé il est composé d’une fine poussière, que chaque souffle: de Pair soulève en nuages, tant qu’il ne s’est _pasiproduit d’efflorescences salines. Celles-ci apparaissent après de légères pluies ou de grandes rosées nocturnes, qui enlèvent le sel au sol, le dissolvent et en s’&vaporant l’abandonnent à la surface comme un manteau d’un blanc de neige. Ge sont le plus souvent des sels sulfatés, principalement de soude et de chaux. Ils existent dans le sol sous forme de sel de Glauber et de gypse et en sont extraits comme nous venons de légdire. Au jour, lorsque le soleil brille, la différence de la croûte de sel blanc et du sol gris jaunätre très-clair n’est pas tres-sensible. Mais à la marche onsent bien sa présence. La couche supérieure, mince et cassante, se brise et craque sous le pied, qui laisse une empreinte nette- ment limitée. La couche superficielle de sel apparaît avec un blanc bien pur seulement à la tombée de la nuit et surtout avec le clair de lune. Elle brille alors comme de fins cristaux de sucre candi et le sol semble presque couvert de givre. Au milieu de lété, lorsque la chaleur du jour a pesé lourdement sur le voyageur, ce phénomène produit une singulière impression. On aspire après lafraicheur et on pense au froid, croyant avoir du givre devant soi ; mais avec la chaleur lourde du soir, on ne sait plus qu’en croire et auquel des sens on doit encore se fier. Les indigènes distinguent deux espèces de sols salifères avec les noms de salinas et salitrales. Les salinas sont de grands lacs |‘ salés préhistoriques et desséchés On les rencontre seulement / #, dans les parties les plus déprimées de la surface du territoire de la république Argentine, notamment dans les grandes steppes, entre les provinces de la Rioja, Catamarca, Santiago et Cordova, où elles occupent un grand espace. Nous en parlerons avec détails à la fin du chapitre. Les salitrales ne sont pas des bassins au vrai sens du mot, mais de vastes plaines, comme celle décrite dans le voisinage de Mendoza, dont la surface se recouvre de temps à ? AAN {| Di 4 114 | 170 LES FORÊTS ARGENTINES. autre d’une fine croûte de sel. Le peuple prend cette croûte pour du salpêtre, semblable au salpêtre des vieux murs, d’où ces plaines ont pris le nom de salitrales. — Les pampas stériles ne renferment pas de véritables lacs salés, bien que le chlorure de soude prédomine dans le sol des salinas. On les rencontre uni- quement au sud des pampas fertiles, sur la limite de la Patagonie, où il en existe quelques-uns avec sel marin pur exploité par les habitants ®, | Telles sont les pampas. Nous pensons avoir dit dans cette des- cription tout ce qu’il y a d’essentiel et d’important à connaître sur ces vastes plaines, auxquelles la république Argentine doit les particularités les pJus caractérisques de sa nature. L'élève des iroupeaux est le principal but à poursuivre dans ce pays, et le sera encore longtemps à cause de la nature du sol. Les surfaces que l’agriculture transformera et que les reboisements pourront couvrir de végétation seront toujours de faible étendue‘, Il nous reste encore à parler des parties du bas pays argentin, qui ne sont plus des pampas, mais portent des forêts plus élevées et plus importantes que les broussailles des pampas stériles. Ges forêts existent et occupent même des surfaces très-étendues, mais elles sont presque toutes situées sur les limites et modifient peu le caractère général de l’ensemble du pays. Il faut distinguer deux types principaux de forêts dans le ter- ritoire argentin: la forêt clair-semée et la forêt touffue etombreuse, ‘La forêt clair-semée prédomine. Elle se trouve dans différentes régions et est caractérisée par l’espacement des grands arbres entre lesquels poussent d’autres plantes formant une sorte de fourré sans arriver à constituer un toit de verdure continu et élevé. A ce type appartiennent les petites plages forestières situées le long des rives de beaucoup de cours d’eau intérieurs, par exemple du Rio Tercero ou Carcarañal/Le chemin de fer de Rosario à Cordova traverse pendant quelque temps des forêts de “cette sorte et donne au voyageur l’occasion de s’en faire une idée. Une espèce d'arbre, ou plusieurs analogues, prédominent ordi- nairement dans ces forêts clair-semées ; spécialement l’algarroba CARACTÈRE DES FORETS CLAIR-SEMÉES. 174 (Prosopis duleis), légumineuse du groupe des acacias, qui est l'arbre le plus commun du pays. En certains endroits, surtout dans la région nord-ouest, il forme de grandes forêts entièrement dépourvues de sous-bois. Elles ont une double utilité pour les habitants, comme exploitation de bois et comme ressources ali- mentaires. On emploie dans divers aliments et boissons la moelle douce et sucrée qui enveloppe dans leurs gousses les graines de cet arbre. L'arbre est peu élevé, son tronc court et épais, sa cou- ronne large et à feuilles fines, et il sert souvent de support aux plantes parasites et grimpantes ‘7. —Un autre arbre commun dans les forêts clair-semées est le saule (Salix Humboldtiana) ; mais on le rencontre seulement dans le voisinage des rivières et des ruisseaux, principalement près de leurs embouchures dans le Paranä, Il manque presque complétement dans la région occi- dentale. La forêt qui croit dans les nombreuses îles du Rio Paranä et entre les bras de son embouchure, où elle couvre de grands espaces, est pauvre en sous-bois. Les troncs sont assez écartés, les couronnes parviennent à se toucher, mais donnent peu d'ombre. Le fleuve: inonde le sol presque chaque année et em- pêche la croissance de nouvelles plantes autres que des espèces molles de jones, des asclépiadées annuelles et grimpantes et des convolvulacées qui sont nombreuses ici. — La véritable contrée de la forêtclair-semée est le Gran Chaco, cette vaste plaine, encore inaccessible à la colonisation européenne, située entre le Rio Salado et le Rio Paranä et qui, au nord, se prolonge sur les deux rives du Rio Vermejo et du Rio Pilcomayo jusqu’au delà des limites de la république Argentine. Toute cette surface d'environ 8 000 lieues carrées forme une seule et immense forêt d'arbres vigoureux et.élevés, assez distants et de diverses espèces. Entre eux croit un sous-bois épineux et le cactus candélabre, dont le gros tronc, haut de 10 à 12 pieds, porte des ramifications obliques, longues de 20 à 30 pieds, ce qui lui donne un aspect bizarre et surprenant. En général les arbres ont un bois d’une extrême dureté, ainsi que l'indique le nom d’un des plus communs, le quebracho (en français: brise-fer). On l’emploie à beaucoup 172 LES FORÊTS TOUFFUES ET OMBREUSES. d’usages ; mais d’autres encore plus durs sont à peine ouvrables *. Leur feuillage est peu touffu et sans ombre, à feuilles épaisses et petites, un peu dans le genre des saules. Elles sont simples et non pennées, comme celles des algarrobes et des autresacatias. Les extrémités des rameaux ne sont pas rigides, droites ou obliques, mais grêles et pendantes, flottant au vent, sans lui opposer par leur rigidité cette résistance qui produit dans les forêts de conifères d'Allemagne ces sifflements ou ce doux bruis- sement que l’on perçoit aisément et qu'on écoute agréablement comme le murmure aimé de la forêt. Je n’ai entendu ce même bruissement que dans les forêts d’algarrobes dont les rameaux sont rigides et les feuilles serrées. Ge fut pour moi une agréable surprise, me rappelant ma patrie et ma Jeunesse. La forêt touffue et ombreuse a un caractère entièrement différent de la forêt clair-semée dont nous venons de parler. Elle existe sur quelques points assez limités de la république, notamment au pied sud-est de la Sierra de Tucuman et dans une contrée analogue en avant des montagnes des environs de Salta. L'arbre principal est un laurier de taille et de dimensions impo- santes, comparable aux plus beaux chênes, avec une tige puis- sante de # à 5 pieds d'épaisseur et de fortes et larges branches, qui commencent à 10 ou 12 pieds du sol et se ramifient à infini jusqu’à la dernière extrémité. Le tronc se continue entre elles, donne naissance à de nouvelles ramifications et se termine en se subdivisant en plusieurs rameaux, qui portent une couronne large et touffue. Les feuilles, coriaces comme du cuir, luisantes, d’un vert foncé, longues de 4 à 5 pouces et larges de 2 à 2 pou- ces 1/2, forment en se pressant les unes contre les autres un véri- table dôme de feuillage sous lequel le voyageur marche avec plaisir, abrité contre les rayons du soleil et au sein d’une douce fraicheur, surtout le matin lorsque la rosée, déposée sur le sombre toit, s’évapore ou en tombe engrosses goutteleties. Sous ces beaux lauriers croît un vigoureux sous-bois, qui épaissit la forêt, et de nombreuses plantes aériennes etgrimpantes se fixent et s’attachent à ses fortes branches. Ilest difficile de rencontrer un arbre de ACCLIMATATION DE L’ORANGER. 173 grande taille dont les branches inférieures ne portent pas quelques bouquets de broméliacées, semblables par leur aspect et leur dimension à celles qui sont si communes dans les forêts du Brésil. Cette forêt de lauriers est encore en beaucoup d’endroits à son état primitif et ornée des troncs les plus gigantesques, dont un très-grand nombre peuvent remonter au delà de l’ere chré- tienne. Des cactus à fines ramifications en forme de houppe pendent de ses branches, et de nombreuses plantes grimpantes à feuillessagittées, probablement des asclépiadées, enlacent sa tige de nombreux replis en s'appliquant sur l'écorce et l’enveloppant presque aussi complétement que le lierre sur les chènes en Europe. Le laurier n’est pas le seul arbre des forêts touffues. D’autres formes arborescentes de grande taille l’accompagnent et contri- buent par la variété de leur port et les différences de leur feuillage à accroître l'impression pittoresque que la forêt de lauriers produit sur le spectateur. Pour le moment nous n’en dirons rien de plus, nous réservant de leur consacrer plus de détails dans la partie botanique de cet ouvrage. Nous signalerons seulement les orangers devenus sauvages. On les trouve partout avec leurs pommes d’or dans ces forêts, etilsleur donnent un aspect réelle- ment paradisiaques. [ls n’y sont pas spontanés, mais ils ont été introduits par les colons européens, lorsque les premiers Espa- gnols ou Gauchos mangeant des oranges en jetaient les graines au hasard. Ge sont ces graines semées accidentellement qui ont donné naissance à ces beaux arbres. Le caractère de cette région forestière est subtropical. On retrouve ici le même mélange d’es- sences les plus diverses que j'ai admiré dans les forêts du Brésil et décrit comme une propriété tout à fait étrangère à nos forêts d'Europe *. On y retrouve encore cette parure si variée de plantes aériennes qui se fixent sur les arbres et donnent à la forèt ce cachet particulier et étrange pour le voyageur. On sent de suite qu'on se trouve dans un autre monde. Une autre région forestière touffue et ombreuse et d’une nature un peu différente existe dans la partie nord-est de la province de Corrientes, les anciennes Missions des jésuites. Mais je n'ai jamais 474 FORETS DE PALMIERS. visité ce district et ne puis par conséquent rien dire de sa physio- nomie propre. Gette forêt aussi est composée d’essences variées et porte encore le même caractère de forêt tropicale. L'absence, au milieu du dôme de verdure de la forêt, de palmiers élancés ondulant avec leurs beaux panaches de feuilles, comme on en voit ‚en si grand nombre dans les forêts du Brésil forme un caractère distinctif entre ces vraies forêts tropicales et la forêt subtropicale décrite plus haut. Je n’ai pas trouvé de palmiers dans la forêt de » lauriers de Tucuman, et l'identité de position géographique me “2, fait présumer qu’ils manquent aussi dans les forêts des Missions. Il pourrait cependant en être autrement, car on rencontre dans les forêts basses d’Entre-Rios, situées plus au sud, une espèce particulière de palmier (Thrinax brasiliensis), dépourvue de tige, et d’autres palmiers à haute tige (Copernicia campestris) poussent plus loin dans les terres, tantôt dispersés à la surface des pampas, tantôt groupés et serrés les uns contre les autres en petites forêts dans les régions au nord et au sud de Cordova *. x. Une troisième espèce distincte des deux précédentes forme les forêts de la partie orientale d’Entre-Rios, à côté du Rio Uruguay. Après ce tableau à largestraits des grandes plaines argentines, il nous reste encore à donner une courte description de deux annexes situées l’une au nord-ouest, l’autre au sud, le désert salé et les steppes de la Patagonie. Ces dernières, par lesquelles nous commençons *, ne forment pas une plaine unie comme la pampa du sud, mais une surface composée ‘de terrasses échelonnées, et sillonnée de profondes dépressions. Elles commencent au sud du golfe de Bahia Blanca et se continuent avec le mème caractère jusqu’au détroit de Magellan, en se relevant graduellement à l’ouest le long des pentes des Cordil- lères. Les dépressions, bien connues et observées sous le nom de bajos par les indigènes, sont les meilleures parties du sol. On ytrouve encore de vraies prairies, et beaucoup ressemblent assez aux pampas fertiles. Mais elles forment de beaucoup la plus petite partie de la surface totale et passent à peu près inaperçues dans l'ensemble général. La plus grande partie des steppes patagones LA PLAINE PATAGONE: 175 est occupée par un sol dur, sec, sans’tapis.de graminées, mais avec des broussailles herbacées ou ligneuses dans lesquelies do- minent tantôt une espèce, tantôt une autre, mélangées çà et là avec des touffes de graminées et de composées, mais sans jamais former des gazons comme dans-les pampas. Les buissons de grandes plantes ligneuses atteignent à la hauteur d’un homme ou d'un cavalier, et se distinguent comme dans le terrain détriti- que du pied des Cordillères et des autres montagnes des pampas de l’ouest par leurs feuilles nombreuses et extrêmement petites, par leurs innombrables ramifications et les fortes épines dont ils sont armés. Des cactus, avec de longues et très-dures épines, s’y trouvent aussi en grand nombre et donnent à la campagne un aspect particulier, misérable et repoussant que nous avons déjà vu dans le terrain détritique. Le voyage à cheval lui-même devient difficile à cause des longues et dures épines que les animaux s’enfoncent facilement dans les pieds. L'eau n’existe à peu près nulle part sur ces terrasses. Le sol dur ne la laisse pas pénétrer dans la profondeur ; mais il tombe peu de pluie et l’évaporation est trös-active sous l’action des vents régnant, le plus souvent du sud. Dans les dépressions seules se forment des nappes d’eau accidentelles qui y font naître une fraiche verdure et des gazons. La pluie, ne pouvant pénétrer dans le sol dur, se rassemble ici pour quelque temps, apporte dans la dé- pression de légers dépôts d’alluvions et maintient une fraicheur plus’ durable. Il n’existe que trois grands fleuves au nord : le Rio Colorado, le Rio Negro et le Chubut, et deux petits au sud: le Rio Desire et le Rio Santa-Cruz. Tous descendent des Cordillères et transportent à la mer les eaux des neiges fondues du sommet. La végétation est un peu plus riche sur leurs rives, et les larges thalwegs qu'ils se sont creusés sont quelquefois très-propres à la culture. La vigne, le blé et toutes les plantes cultivées de l'Europe moyenne croissent dans la partie septentrionale. D’&pais halliers de saules aux troncs élévés et disposés en groupes ornent aussi leurs rives. Mais ils font peu d’effet au sein de l'immense désert des steppes et ne ressemblent guère à de vraies forêts. La véritas 176 PARTIE OCCIDENTALE. ble végétation arborescente manque ici. Quand l’eau s’accumule et forme des lagunes, elle est presque toujours salée. Celle qui jaillit des profondeurs jouit du même caractère, et sur plusieurs fontaines artificielles, e’est à peine si l’on en trouve une avec de l’eau douce et vraiment potable. Les lagunes contiennent souvent du sel de cuisine pur, qu’elles laissent déposer sur leurs bords, et deviennent ainsi utiles à l’homme”. Mais la colonisation eu- . ropéenne a peu de chose à espérer ici. Les essais tentés depuis cent ans sont tous venus échouer au bout de peu de temps devant le découragement des colons, auxquels les tristes épreuves des débuts enlevaient bientôt tout espoir de succès pour l’avenir et ne laissaient qu’une existence misérable quand ils persistaient à demeurer sur les lieux. | La partie occidentale des steppes de la Patagonie est un peu différente de l’orientale ; mais elle est malheureusement très-peu connue. Les anciens voyageurs de l’époque de la domination - espagnole parlent souvent de haute végétation dans cette contrée, d'une forêt de pommiers sauvages dont les fruits seraient mangés par les Indiens; mais on ne sait encore rien de certain sur tout cela et ıl faut considérer le dernier fait comme une fable, Quant à . l'existence de forêts, elle est certaine. Le sol s’eleve vers l’ouest de même que plus loin vers le nord, et forme encore plusieurs terrasses avant d'atteindre les puissantes formations détritiques qui lon- cent le pied des Cordillères ou sont accumulées dans les gorges même est la de montagne. Ges terrasses proviennent des dépôts formés loin des anciens rivages par les masses terreuses finement broyées produites par les phénomènes de désagrégation dans les montagnes, et dont les restes allaient se déposer tranquillement loin du rivage. Comme chacun de ces gradins possède une grande étendue et que chacun d’eux se sépare dessuivants par une chute très-apparente, les indigènes les ont très-bien reconnus et les distinguent de la pampa basse par le nom de pampas elevadas. En général, il existe deux gradins. Le plus élevé fait immédiate- ment suite aux collines détritiques, le second, un peu moins élevé, s’avance plus dans le pays. L’un et l’autre sont tout à fait unis, FORÊTS DE LA PATAGONIE ET STEPPES SALÉES. 177 avec une légère inclinaison à l’est. Ils sont formés de matériaux homogènes finement broyés, qui possèdent le caractère friable du sol des pampas fertiles. Quelquefois cependant on y rencontre des roches solides. Plus loin à l’est viennent les autres gradins qui, d'après Darwin, se conservent au nombre de sept ou huit à travers toute l'étendue du pays jusqu’à l’océan Atlantique. Le dernier et _ moins eleve forme une bordure devant le rivage actuel, ayant seule- ment quelques pieds au-dessus du niveau de la mer. Leur surface estcouverte de graviersetils paraissent marquer d'anciens rivages préhistoriques. Les ruisseaux, qui le plus souvent descendent en torrent des Cordillères, parcourent ces plaines et viennent réunir aux fleuves. Mais la végétation est presque toujours misé- rable, semblable à celle des pampas stériles, composée de buis- sons peu élevés ou de fourrés épais, parmi lesquels quelques massifs de saules se développent dans les bas-fonds des ruisseaux. Tout est désert et triste, sans apparence d’une culture possible sur ce sol misérable. Il faut aller plus vers le centre, au sud du Rio Cuarto et du Rio Quinto, pour rencontrer des forêts étendues d'algarrebas qui se continuent loin au sud. Mais elles ne sont encore utilisées que par les Indiens Ranquelas et par d’autres tribus des sauvages Araucans. Elles s'étendent jusqu’au delà des bassins du Rio Negro et du Chubut. La grande steppe salée, située dans la partie nord-ouest de la plaine argentine, est la contrée la plus déserte de tout le terri- : toire. Nous avons réservé sa description pour la fin. Elle forme, ainsi que nous l'avons déjà vu (p. 153), une dépression ramifiée entre les ramifications des Cordillères et la chaîne de montagnes centrale. A l’ouest elle s'étend jusqu'aux premiers ressauts de la Cordillère, à l’est jusqu’au Rio Salado et embrasse une superficie d’environ 500 milles carrés. Toute cette surface est salée et pré- sente les phénomènes d’efflorescence saline dont nous avons parlé (p. 169). Cependant elle ne constitue pas une saline générale et continue, mais renferme seulement des lacs salés localisés et antéhistoriques, que l’on peut considérer comme les restes d’une ancienne mer ‘intérieure En général, le terrain offre le même u . ” > REP, ARG, — 1. 12 j |, 178 LA PETITE SALINE SEPTENTRIONALE. caractère que les pampas stériles. C’est un sol arenacé, friable, sans tapis de verdure, sans aucune graminée et pauvrement peu- plé des buissons de plantes ligneuses à petites feuilles, dont nous avons déjà parlé. Pendant mon voyage, j'ai traversé un des dis- tricts situés le plus au nord de ces-plaines stériles : la route de Catamarca à Copacavana (part. Il, p. 222) est presque toute entière tracée à travers ces terrains. Celte partie extrême est encore assez élevée et entourée de montagnes. Mais à partir de ce point, le sol s’abaisse rapidement vers le sud-est et alors on ren- contre les salines proprement dites, ou dernières flaques de l’an- cienne mer évaporée.Elles sont toutes placées au bord méridional ‘ des branches de la dépression générale qui partent en | FAFOHRaNE dans certaines directions. La partie la plus au nord, entre la Sierra Ambato, la Sierra de . Belen, la Sierra Famatina et la Sierra Velasco, est la plus petite et en même temps la plus élevée. Elle est coupée au sud par le Rio Colorado et dans sa partie est, en avant de la Sierra Ambato, elle enveloppe une saline de grande étendue. Le sol est totalement denué de végétation, {zut au plus voit-on au bord du bassin quel- ques petites plantes herbacées salines, parmi lesquelles une Salicornia analogue à celle d'Europe. La vraie lagune est recou- verte d’une croûte deterre dure, blanche d’efflorescences salines. Comme tous les sols .de vase, cette croûte en se desséchant se fendille en grands et petits compartiments. Après les pluies, rares ici, la lagune se remplit d’eau et se transforme momentanément en un bourbier vaseux.Mais ces pauvres flaques d’eau durent peu de temps, car l’évaporation en a promptement raison pendant la saison chaude, de décembre à mars.Le bassin a environ 16 lieues de longueur et 2 à 4 lieues de largeur. A l’extrémité nord il est un peu plus étroit qu'au sud, où ilatteint sa plus grande largeur. Au milieu s'élève une chaine basse de dunes, qui s’avancent éga- lement loin au sud. Sur les deux côtés de la saline, où se deve- loppent des forêts assez denses d’algarrobas, on voit d’autres chaînes de dunes. Elles datent sans doute de l’époque ou la saline formait encore un véritable lac avec des eaux permanentes, dont LA GRANDE SALINE CENTRALE." 179 les flots lavaient les sables, que le vent avec leur aide entassait en forme de dunes *. Au sud de cette région, le grand bassin s'élargit beaucoup. La Sierra Ambato se termine ici par de petits appendices isolés et laisse une large plaine entre les deux sierras de Velasco et del Alto Platz. Cette plaine est beaucoup moins élévée que le district nord. Elle s’abaisse sensiblement vers le sud-est, se détourne au nord-est pour contourner l'extrémité de la Sierra del Alto par 29° 28! de lat. S., s’adosse au sud le long du prolongement de la Sierra Famatina, puis enfin vient se perdre dans l’étroite dépres- sion, située entre la Sierra de San-Luis et les ressauts isolés de la Sierra Famatina, qui se prolongent jusqu’à la Sierra del Gigante. Les étroites chaînes de montagnes de la Sierra de los Llanos cou- pent cette plaine en cet endroit. Les plus grandes salines du ter- ritoire dela République se trouvent dans sa partie la plus dépri- mée. A côté d’elles, le sol est celui des parpas stériles, sans tapis de verdure, mais avec des buissons. Les salines elles-mêmes sont des surfaces entièrement nues et sans végétation, à contours allongés, semblables à celles que nous avons déjà décrites. On en distingue trois, séparées les unes des autres. La grande saline est sur le bord sud-est de la plaine, immédia- tement au pied du système de montagne central, dont la Sierra de Cordova forme le principal chainon. Elle s’étend sur presque 4 degrés de latitude et a une longueur de 80 lieues. Sa largeur varie beaucoup et comporte à peine une lieue dans ses parties les plus étroites, tandis qu’elle atteint jusqu'à 6 à 7 lieues dans les parties les plus larges. Elle forme done une dépression allongée d'environ 25 lieues de long, dont l'extrémité sud est étroite et atteint jusqu'à 32° de lat. S., tandis que le milieu s’elargit en un large oval sous le 30° de lat. S., et que l'extrémité nord s’allonge jusqu’au Rio Dulce, sous la forme d’un triangle étiré. Cette der- nière rivière devient salée à ce contact et prend le nom de Rio Saladillo. Le milieu est presque exactement sous le 30° de lat. S. et renferme une petite élévation de 2 à 4 mètres de hauteur, formée de terre solide, couverte de broussailles, île de l’ancienne mer 180 LES DEUX PETITES SALINES MÉRIDIONALES. salée, à côté de laquelle existent encore quelques flaques d’eau dans les points les plus déprimés. Le niveau du fond est à environ 155 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les bords sont plus élevés et oscillent entre 180 et 200 mètres. Vers le Rio Dulce l'élévation devient uniforme, car le lit de cette rivière s'étend dans cette région en un large marais, avec une altitude de 156 mètres, Comme la grande lagune n’a pas de deversoir et qu'elle n’a qu'une faible inclinaison vers le Rio Dulce, l’eau de pluie qui s’y accumule de temps à autre, chargée de sel de cui- sine mélangé avec du carbonate de soude, ne trouve pas d’écou- lement. L’évaporation laisse retomber ces sels sur le sol et la lagune demeure ce qu’elle était : un marais salé à fond boueux. Les pluies les plus violentes ne remplissent jamais complétement la dépression pour en faire un lac. Elle reste toujours à l’état de marécage, dont la surface partiellement couverte d’eau se modifie sous l’action des vents régnants et présente tantôt ici, tantôt là, de grandes flaques d’eau, mais toujours d’une courte durée *. Deux autres salines plus petites existent dans le sud de cette dépression. Elles sont situées sur le bord occidental, au pied de la Sierra Famatina. Cette partie sud est interrompue par les chai- nons étroits de la Sierra de los Llanos, qui court parallèlement à la Sierra Famatina et se continue jusque près de la Sierra de San- Luis. L’extrémité sud de la grande saline s’étend dans la moitie orientale, à côté de la Sierra de los Llanos à l’est. Dans la moitié occidentale, entre l'extrémité de la Sierra Famatina, qui prend ici le nom particulier de Sierra de la Huerta et celle de los Llanos, se trouvent l’une à la suite de l’autre deux salines étroites ana- logues. Celle du nord, entre la Sierra de los Llanos et la Sierra de la Huerla, a environ 55 lieues de long et seulement 3 à 4 lieues de large. À son extrémité méridionale elle est à peu près à 430 mètres d'altitude et probablement ne s’eleve pas au nord, car sa plus grande largeur va encore en s’y accroissant, ce quisemble plutôt indiquer une inclinaison. La saline sud s’étend au pied oriental des petites montagnes isolées qui accompagnent le Rio Desaguadero à l’est et se terminent avec la Sierra del Gigante LE DÉSERT D’ACATAMA, 184 par 33° 1#. Elle est presque aussi longue que la précédente, mais beaucoup plus étroite, du moins au sud, ou elle n’a plus guère que 2 lieues de large, tandis qu’à son extrémité septen- trionale elle en a plus du double. Son altitude est de 425 mètres, tandis que le Desaguadero, qui coule sur le côté occidental de cette chaîne, un peu plus au sud, n’est plus qu'à 416 mètres au passage de la route. La saline se termine presque sous la même latitude que San-Luis, et danslam&me direction, au sud, se trouve la lagune Bevedero. Celle-ci est le réservoir de toutes les eaux de la contrée qui descendent des Cordillères, et son altitude est de 400 metres. On peut la considérer comme le point du sol le plus deprime de cette region. € ë IV LES CORDILLÈRES ET LEURS DÉPENDANCES. Nous avons décrit dans le précédent chapitre la plaine argen- tine dans ses caractères les plus importants ; nous allons passer maintenant aux chaines de montagnes qui constituent les grandes inégalités de son niveau. En première ligne viennent les Cordillères, qui bornent le territoire à l’ouest et dont les prolongements constituent la véri- table charpente de l'Amérique du Sud. Gette puissante chaîne de montagne forme dans le territoire argentin, vers ses frontières septentrionales, un haut plateau qui passe sans interruption dans le triste désert d’Atacama. L'auteur a traversé ce grand plateau dans le voisinage de 28° de lat. S. et le connaît par lui-même.ll en parlera donc d’après ses impressions personnelles, telles qu’il les atconsignées dans son Voyage, t. II, p. 245 et suiv. Le désert d’Atacama, qui s'étend de 22° à 26° de lat. S., est suffisamment connu par les descriptions de Philippi dans son Voyage (Halle, 1860, in-4). C'est une haute plaine inclinée de l’est à l'ouest, avec-un sol arenacé ou caillouteux entièrement stérile, sur.lequel se dressent çà et là des cônes volcaniques et que par- courent de petites chaînes de roches trachytiques. Ces dernières 182 PLATEAU DES CORDILLÈRES ARGENTINES. _ seules rompent l’uniformité du désert ou l’on ne rencontre que quelques rares établissements fixés à côté des ruisseaux presque toujours à sec qui entretiennent la misérable végétation des petits coins cultivés. L’élévation au-dessus de la mer de l’intérieur du désert oscille entre 2500 et 3500 mètres ; il s’abaisse graduelle- ‚ment vers la mer jusqu’à 1000 mètres. | Le plateau des Cordillères est un peu plus élevé. A partir du désert d’Atacama, il s’eleve vers le sud jusqu’à 28°, lentement il est vrai, mais cependant d’une façon sensible et sous le 28° delat. S. il atteint une altitude de 4300 à 4600 mètres. En cetendroitlepla- teau se montre sous son aspect le plus complet et nous le choisi- rons comme le plus approprié pour en donner une description. Le point, ou j'ai touché le pied oriental de la montagne, se trouve presque exactement sous le 28° de lat. S. Il existe là, dans une étroite vallée qui court parallèlement au pied des Cordil- lères, plusieurs établissements bien entretenus que la rivière alimente d’eau et qui sont très-florissants. Sur la carte jointe au journal de mon voyage dans Petermann’s geograph. Mittheil, pour 1860 (p. 369 et suiv.), j'ai inscrit le grand village de Copa- cavana a peu près sous le 28° de lat. S. Mais d’après de nouvelles déterminations, cette position serait un peu trop au nord, et le petit village Anillaco, marqué 4 lieues plus au nord, correspon- drait mieux avec le 28° delat.S. Cetteerreur a peu d’importance pour la description des Cordillères, car elles sontles mêmes dans les deux localités. Ces deux villages sont sans doute situés dans la partie la plus étroite du plateau, raison qui les aura fait choisir pour point de départ du passage. Cette largeur minimum est à peu près de 2 degrés de longitude, c’est-à-dire de 30 milles géographiques ou 40 lieues communes. Mais la route, qui fait beaucoup de courbes et suit des vallées abruptes, doit être de beaucoup plus longue. | Aux points désignés l’ensemble du massif montagneux se divise en trois parties principales, séparées les unes des autres par des vallées assez profondes et étroites, qui courent du nord au sud, parallèlement à la direction des Cordillères, La premiere LES TROIS SECTIONS DU PLATEAU, 183 partie orientale n'offre point l'aspect d’un plateau, mais de mon- tagnes en terrasse. Les indigènes ne les considèrent pas encore comme faisant partie des Cordillères, mais comme un prolonge- ment de la Sierra Famatina. Jusqu'en cet endroit elles courent avec les Cordillères et ne s’en détachent qu’un peu plus au sud, dans le voisinage de 29° de lat. S., où obéissant à une légère cour- bure, elles prennent la direction sud-sud-est. Les deux autres parties constituent le grand plateau des Cordillères, sont tout à fait semblables et séparées en deux parties un peu inégales par une seconde vallée encore plus étroite, dirigée exactement dans le sens de la montagne. La partie occidentale est plus étroite que là partie orientale, qui forme la région centrale de l’ensemble du système. Ces deux parties sont un peu plus élevées que la pre- mière section et, comme elle, s'élèvent des deux côtés en terrasses jusqu’au centre. Mais les gradins sont inclinés de façon que leur partie la plus élevée est sur leur bord et la plus basse au pied du gradin suivant. D’après mes mesures, le second gradin du pre- mier plateau est à 4348 mètres d'altitude et le bord occidental du même plateau s'élève à 4462 mètres, d’après la carte de M. de Moussy (Atlas, pl. XXVI, fig. 3.) Nous allons maintenant décrire ce système de montagnes en suivant la route que l’auteur a parcourue dans sa traversée. Les dé- tails plus complets * se trouvent dans son Reise (t.II, p.245etsuiv.). Ainsi que nous l’avons déjà dit, une profonde vallée longitu- dinale s’étend au pied des Cordillères et de leurs premiers ver- sants dans la république Argentine. Cette vallée descend du bord du plateau de la Bolivie et, s’élargissant peu à peu, elle va se perdre dans la plaine des pampas sous le 34" delat.S. A son ori- gine, c’est-à-dire entre 26° et 28° de lat. S., elle est très-étroite, notamment dans sa partie la plus septentrionale où elle est très- élevée et confine au désert d’Atacama, solitude sans eau et sans végétation. Ce désert ne reçoit qu'un seul cours d’eau permanent au sud du 27° de lat. S., qui descend des montagnes de l’ouest et sur les bords duquel on trouve de la végétation et quelques éta- blissements. Dans cette vallée, on rencontre du sud au nord les 184 LA QUEBRADA DE LA TROYA. localités suivantes : Copacavana déjà mentionnée, ‚Tinogasta, Anillaco et Fiambala. L’altitude du premier village, d’où je suis parti pour traverser la montagne et dont j’ai mesurél’altitude, est à 1168 mètres. L’altitude du second nommé est fixée à 1586 mètres dans l'étude de la passe de San-Francisco exécutée par M. Wheelwrigth”. La rivière sur les bords de laquelle se trouvent ces localités sort: de deux sources principales. Celle.du nord vient du sommet neigeux du Cerro San-Francisco et quitte la montagne à Fiambala ; celle du sud a son.origine dans le:système de Famatina. Elle n’est alimentée par aucun sommet:couvert de neige et entre dans la plaine par la Quebrada de la Troya. Cette rivière porte le nom de Rio de la Troya, près de la gorge, c’est en remontant son cours Jusqu’a la source que je m enongen dans. la montagne. / Le point où il sort de la montagne est l’embouchure de la Quebrada de la Troya et se trouve d’après mes mesures à 1410 mètres au-dessus du niveau de la mer. La vallée dans laquelle il débouche devient très-étroite un peu plus au sud, à.Amillaco. Deux chainons, entièrement séparés des Cordillères, l’accompa- gnent parallèlement, se rapprochent l’un de l’autre en cet en- droit, ne laissant plus entre eux qu’un étroit passage pour la rivière. Les deux villages d’Anillaco et de San-José sont dans-ce passage étroit et fertile, le premier à l'extrémité méridionale, le second à l’extremité nord. Jusque-là la rivière coule immédiate - ment entre le pied de cette partie de la Cordillère qui appartient à la Sierra Famatina et les pentes parallèles de la Sierra Gulun:- paja. Après avoir traversé la gorge elle est flanquée à l’ouest par l’étroite et courte Sierra Copacavama, qui la sépare de la vallée située au pied des Cordillères et la force à s’infléchir à l’est pour venir déboucher .dans les plaines de la province de Catamarca, après avoir contourné le piton du Cerro Negro. La gorge se trouve à peu près à mi-hauteur entre Copacavana et Fiambala. Son extrémité sud à San-José peut être fixée à 1240 mètres, et son extrémité nord à Anillaco à 1348 mètres. Un peu avant Anillaco, e bras de la rivière qui descend de Fiambala et qui porte:le FORMATIONS SÉDIMENTAIRES DES CORDILLÈRES. 185 même nom se réunit avec le Rio de la Troya. Le point de jonction est un assez large épanouissement de la plaine avant la Quebrada de la Troya qui se prolonge jusqu’à la gorge entre deux chaines secondaires. Gomme ces chaines sont légèrement inclinées à l’est, les rivières décrivent de grands arcs à travers cette plaine avant de se réunir à Anillaco. Lorsqu'on est parvenu à leur point de jonction et qu’on a tra- versé la plaine à l’ouest, on aperçoit devant soi, dans la même direction, une paroi montagneuse abrupte, nettement stratifiée et qui.se prolonge loin au nord et.au sud. A côté, la sierra étroite de-Copacavana, qui se termine à Anillaco, se prolonge au sud, mais en laissant une petite lacune, une vallée étroite entre elles deux. Cette vallée court en ligne droite au sud et laisse aperce- voir au loin la lacune-ouverte entre les deux montagnes. Le caractère de ces deux montagnes si rapprochées l’une de l’autre est très-diffévent. La Sierra Copacavana x une couleur claire, gris jaunâtre, passant au rouge, et ne laisse voir aucune stratification apparente des roches ; tandis que l’autre paroi montagneuse, escarpée et nettement stratifiée, prend un ton moins clair, gris sombre, et parait bouleversée en. maints endroits. La première est formée de schistes métamorphiques, la seconde de sédiments argileux arenacés, dont la coupe déchirée se montre du côté de la plaine, tandis que le plan de stratification s'incline vers'le N.-N.-0. et est dirigé au N.-N.-E. La paroi montagneuse nue.et pelée, sans aucune végétation, se dresse au-dessus de la plaine, qui est aussi misérable, avec quelques buissons dispersés zä et lä, et offre une solitude à peu près complète, comme presque toute lamoitie occidentale du territoire argentin au pied des Gordilleres et de leurs premiers ressauts. La Quebrada de la Troya s'ouvre à environ 9 lieues au nord d’Anillaco, sous la forme d’une fente étroite mais profonde, qui descend jusqu’à la plaine en coupant la montagne schisteuse. Les caractères de la roche qui la compose se reconnaissent aisément aux deux.côtés, sur ses parois déchirées, jusqu’ä:une hauteur de plus de 1000 pieds. Dansle fond, la rivière roule ses eaux peu abon- 186 PREMIERE TERRASSE DU SYSTEME DE FAMATINA. dantes et se fraye difficilement un passage en creusant son lit entre d'énormes blocs de roches. Il faut marcher dans ce lit, car on ne trouve que de temps à autre un espace suffisant sur le bord pour y tracer un sentier. Geci dure environ deux heures ; ensuite on arrive à une large place, à un plateau en forme de cuvette, dirigé du nord au sud, qui coupe le fleuve dans la direction du nord-ouest au sud-est. La largeur de ce plateau est de plusieurs lieues; son sol n’est pas uni, mais ondulé, avec des bou- “quets dispersés çà et là d’agarrobas de petite taille, ne dépassant pas 20 pieds et d’une végétation chétive et pauvre. A l’ouest de cette haute vallée, il existe une autre montagne pelée, mais moins escarpée et plus en forme de gradins. Elle la limite de ce côté, tandis qu’à l’est la vallée est bornée par le bord du plateau qui forme une légère saillie. A l'ouest, au pied de la pente, il se forme çà et là de petits dépôts humides dans de légères dépres- sions, sur lesquels se développe une fraiche végétation. J’etablis mon camp de nuit sur une de ces prairies de montagne, nommée Cienega redonda, située à 2050 mètres d'altitude, à 11 lieues d’Anillaco et 6 du débouché de la Quebrada de la Troya. Les pentes, d’une inclinaison modérée à l’ouest de la vallée, forment le bord oriental d’un second gradin très-élevé, coupé par le lit étroit du Rio de la Troya comme la terrasse infe- rieure par la Quebrada de la Troya. Cette partie supérieure de la coupure est un peu plus large que la partie inférieure. Ici on marche sur la rive nord de la rivière, et l’on a toujours à côté de soi les mêmes roches sédimentaires escarpées, rougeätres, forte- ment argileuses. Plus loin, en haut, elles passent dans des assises jaunes, grises et enfin brunes, noirätres, foncées; toutes pelées et stériles, sans trace de végétation. A mi-chemin, où la gorge devient très-étroite, on se trouve arrêté devant une masse très- escarpée que la rivière contourne en décrivant une longue para- bole et s'appliquant si immédiatement sur ses flancs qu'il ne reste plus de place pour le sentier. On escalade avec peine la paroi escarpée du côté est, jusqu’au sommet de l’obstacle, et l’on se trouve sur l’autre paroi, à l’ouest, également escarpée, en SECONDE TERRASSE DU SYSTÈME DE FAMATINA. 187 face d'une descente d’un peu plus de cinq minutes de marche. Alors la vallée s’elargit en une dépression d’une profondeur moyenne, dirigée et ascendante vers le nord-ouest, etelle se nivelle de plus en plus dans la même direction. On reste plusieurs heures avec un paysage analogue, puis la vue s’étend et l’on arrive sur une seconde terrasse. [ci encore de petites prairies ont pu se développer dans les dépressions. près de la rivière qui, ici, n’a qu'une faible pente. Un gazon frais et vert les recouvre et en fait d'excellentes stations de campement de nuit pour les hommes et les animaux. Nous nous installâmes dans un de ces endroits, appelé Tamberia, qui se trouvait à une altitude d'environ 3 500 mètres. Un petit ruisseau qui descendait latéralement de la mon- tagne et se jetait dans le Rio de la Troya avait une température de-8° R. Au lever du soleil, le lendemain, mon thermomètre marquait seulement 4 R. Le prolongement de la vallée en amont, à l’ouest, conserve le même caractère. Les rives de la rivière sont formées par des sur- faces nues, couvertes d’un fin gravier. Elle coule lentement, et avec des eaux complétement pures, sur ces galets, au milieu des- quels on ne voit pas de gros blocs parce qu’elle n’a plus la force suffisante pour les mettre en mouvement. On ne voit aucune végétation : elle ne doit cependant pas manquer complétement, car on rencontre souvent, à cette hauteur, deux espèces d'oiseaux granivores (P hrygilus fruticeti et Columba melanoptera). Plu- sieurs petites ombelliferes naines, parmi lesquelles Azorella Gilliesii, croissent cà et là, et les oiseaux doivent rechercher leurs fruits. On arrive bientôt à une troisième gorge appelée les Tres Quebradas, qui, par une pente d’abord très-roide, ensuite _ plus douce, conduit au sommet de la troisième terrasse, et le bassin de la rivière va toujours en s’aplanissant. Je passai la nuit près du milieu et trouvai le lendemain l’eau de la rivière gelée jusqu'au fond. Vers l’extrémité supérieure du bassin les pentes deviennent rapidement plus escarpées, et il se forme de nom- breuses prairies desquelles les eaux de la rivière sortent en minces filets. La dernière terrasse forme une crête de 200 à 188 TROISIÈME TERRASSE DU SYSTÈME DE FAMATINA. 250 pieds de hauteur et retombe rapidement à l’ouest où elle délimite une vallée large et peu profonde. Celle-ci, comme toutes les vallées principales de la région, coule du nord au sud et sé- pare la partie de la montagne qui se rattache au système de la Sierra Famatina, des deux autres hauts plateaux des véritables Cordillères. La crête prend ici le nom de Alto de Machaco et a une altitude de 4360 mètres.— Cette troisième terrasse, considé- rée à part, peut donc prendre le nom de Sierra de Machaco. D’après cette description de la première partie du grand pla- teau des Cordillères, nous voyons qu’elle représente une mon- tagne en terrasses, composée de trois gradins principaux qui se succèdent de l’est à l’ouest. Ces trois gradins ensemble occupentà peu près l’espace d’un degré de longitude et atteignent une altitude moyenne de 2100, 3500 et 4360 mètres. Dans la région du pas- sage 1ls sont tous trois reliés, sans lacune, les uns aux autres et peuvent être considérés comme un tout continu. Mais plus loin, au sud, ils se séparent les uns des autres ; chacun d’eux prend une direction un peu différente et constitue une chaîne de mon- tagne à part. La carte géologique, sur laquelle cette disposition est indiquée dans ses traits généraux, fait voir que le premier gradin, au sud de la Quebrada de la Troya, se sépare plus du suivant et forme le commencement d’une montagne particulière qui, semblable à la Sierra Famatina, s’infléchit graduellement à l'est en s’écartant des Cordillères, et se prolonge jusqu’à 32° de lat. S. — Le second gradin, surmonté de l’étroite crête autour de laquelle le Rio de la Troya se replie dans son lit resserré, est le moins isolé, Ilse rattache intimement au premier et va se perdre dans la plaine, entre la Sierra Famatina et le plateau des Gordil- _ leres. — Le troisième gradin est le plus large et le plus élevé; il conserve sa direction à peu près sud-ouest et reste toujours relié avec le plateau des Cordillères, dont il est séparé uniquement par une vallée assez large, mais qui, dans l’ensemble, peut être considérée comme étroite. Le Rio Jagué coule dans cette vallée. Plus bas il reçoit le Rio de Vinchina, qui coule à l’opposite, le long du bord oriental de ce troisième gradin. Celui-ci prend ANNEXES DU PLATEAU DE FAMATINA. 189 alors le nom de Sierra Vinchina, tandis que la partie supérieure, limitée par le Rio Jagué, porte le nom de ce cours d’eau. La Sierra Vinchina se termine au sud, à l'endroit où le Rio Guandacol prend sa source. Cette rivière coule parallèlement avec le Rio Jagué, réuni au Rio Vinchina, versle sud et sépare une partie de la montagne qui fait suite à la Sierra de Vinchina et prend le nom de Sierra Guandacol. Ces trois sections d’une même chaîne — Jagué, Vinchina et Guandacol — se succèdent comme des sierras isolées. | | En réalité il n'existe qu’une seule et même chaine de mon- tagnes qui se prolonge jusque auprès de San-Juan en se resserrant peu à peu. Elle se termine en cet endroit avec la sierra de Villicun, dernière annexe méridionale du troisième gradin de la pre- mière partie orientale du groupe total des Cordillères qui, ainsi que nous l'avons vu, renferme le commencement de la Sierra Famatina. Les premiers versants de celle-ci constituent, par le. fait, le premier gradin de notre système; le second gradin se termine court; le troisième et le plus élevé se prolonge, parallèle- ment à la Sierra Famatina, presque aussi loin au sud. Comme elle aussi, il s’écarte à l’est, toujours plus du massif principal des Cordillères et, en se continuant jusqu’à San-Juan, ıl est coupe par plusieurs vallées transversales étroites, dans lesquelles coulent le Rio Jagué, le Rio Guandacol et le Rio Jachal. Cette dernière rivière enveloppe le quatrième groupe isolé de cette chaîne, la Sierra de Mogna, et la sépare près de San-Juan, de l’étroite sierra de Villicun, qui fait encore partie de la même chaine. Cette der- nière sierra se comporte, par rapport à la série totale de ces. petites sierras séparées les unes des autres par des gorges, comme la Sierra Huerta avec la Sierra Famatina. Toutes les sierras iei nommées : de Jagué, de Vinchina, de Guandacol, de Mogna et de Villicun, ne sont que des sections d’une chaîne continue qui court parallèlement à la Sierra Famatina et qui, comme cette dernière, doit être considérée comme une seconde ramification du plateau antérieur des Cordillères. La vallée du Rio Jagué, dans laquelle on descend de la crête 190 VALLÉE DU RIO JAGUÉ. de l’Alto de Machaco, sépare la première partie du système des Cordillères de la seconde moitié orientale du vrai plateau. Cette vallée, comme toutes les autres, est dirigée du nord au sud et forme un long sillon dans la montagne. Ses flancs sont d’une élévation modérée et ne dépassent guère 1000 pieds. [ls sont doucement inclinés et composés de roches sédimentaires de même nature que les précédentes, mais en grande partie recou- vertes d’un sable mouvant jaune au travers duquel la roche nue ne perce que rarement. Le fond de la vallée est plat, large envi- ron d’une demi-lieue, et couvert aussi de sable mouvant, dans lequel eroissent des buissons peu élevés de légumineuses armées d’épines, auxquelles s'associent des touffes de cvpéracées qui, dans les points où la rivière se répand à la surface, s’elargissent en prairies humides. Ces endroits servent de lieux de halte pour la nuit. Plus au nord, la vallée se resserre et reçoit son principal affluent d’une gorge très-étroite, à parois déchirées et escarpées, qui descend également du nord et court parallèlement à la vallée principale. On a laissé le nom de Rio Jagué à cette source située à l’est. Dans la vallée principale coule une autre petite rivière, le Rio de Loro, qui descend également du nord: on peut le consi- dérer comme une source occidentale du Rio Jagué. Ces deux rivières tirent leur origine des prairies marécageuses du haut de la vallée où elles sont alimentées par le Gerro Bonete. L'endroit où je passai la nuit était à environ deux lieues du confluent de ces pelites rivières qui, par le fait, ne sont que des torrents. L’altitude était de 3400 mètres. Plus au sud, au fond de la vallée, après avoir franchi l’Alto de Machaco, l'altitude était encore de 3240 mètres. La pente de la vallée vers le sud est peu considé- rable ??, | Après avoir passé de l’Alojamiento dans le Rio de Loro par un gué à sec, on remonte le flanc ouest de la vallée, et arrivé en haut on se trouve sur une plaine entièrement unie, toute nue, couverte de petits cailloux et qui s'étend à perte de vue dans toutes les directions. C’est le commencement du grand plateau des Cordillères, large d'environ 30 lieues. A gauche, et par con- PLATEAU ORIENTAL DES CORDILLÈRES. 191 - séquent au sud, on a à côté de soi un cône plat, isolé, de grès rouge, nommé Estanzuelo. Dans le lointain on aperçoit une chaine de pitons peu élevés, noirs ou rougeätres, tous entière- ment lisses et à inclinaisons régulières, sans dents, arêtes ou crevasses à leur surface, et formés de trachytes et de por- phyres. Assez loin de là, au nord, s'élève un groupe de cinq autres cônes analogues, mais plus puissants, dont les trois quarts supérieurs sont revêtus de neiges éternelles. Ce groupe est le Cerro Bonete, qui s’eleve à une altitude d'environ 6000 mètres. On n’en a pas encore de mesure exacte. Je ne connais par mes observations que l'altitude du plateau sur lequel il repose. Elle est de 4200 mètres. J’estime la ligne des neiges située à 4700 mètres, et la partie du cône couverte de neige peut avoir 1300 mètres. Je n’ai pu faire d'observations plus précises. La plaine du plateau, sur laquelle on chevauche sans inter- ruption pendant quatorze heures avant d’avoir attein. le bord oc- cidental, est absolument nue et semée des innombrables petits . cailloux dont elle est composée. Tous sont anguleux, non roulés, et ressemblent à des tessons de poteries de 1 1/2 à 2 pouces de diamètre. Cette forme particulière anguleuse nous apprend que ces débris n’ont pas été apportés là par les eaux qui les auraient arrondis. A mon avis ils doivent leur origine aux fortes variations de température quotidiennes et annuelles qui fendillent la surface des roches et les font éclater. Ce phénomène est general dans les hautes vallées et les plateaux des Cor- dilleres, et Darwin, d’Orbigny et Philippi en font mention dans leurs voyages. — Dans le lointain on aperçoit: une terrasse peu élevée qui marque le bord d’un second gradin un peu plus élevé vers le plateau. Arrivé au pied on trouve un long et étroit bassin d’eau, la lagune de las Mulas muertas, dont les bords sont cou- verts d’une mince glace. De puissants bombements de porphvre rouge s'élèvent au-dessus de la lagune et font connaitre la force qui a soulevé la terrasse. Plus loin, apparaissent des séries de cônes de trachytes noirs, qui ont pris part au travail de soulèvement. Mais la roche principale qui entre dans la composition du pla- 192 COUCHE DE GRAVOIS SUR LE PLATEAU. teau est le sédiment rougeätre argilo-arenacé dont les éclats et débris de la surface sont en grande partie formés. Je montai sur le second gradin du plateau par une échancrure peu ‘profonde dans laquelle coule une petite source. Je m’arrötai une demi- heure près d’elle et fis mon observation d’altitude (4200 mètres). Le second gradin est donc un peu plus élevé et a au moins 4220 mètres. L’Estanzuelo, au bord du premier gradin qui n'avait pas de cimes neigeuses, ne doit pas dépasser 4600 mètres. A la surface du second gradin je trouvai tout semblable au premier, Une troisième terrasse, accompagnée également d’une chaîne de montagnes moins élevées, se dressait devant nous à une distance de 3 à 4 lieues; au pied un, second bassin d’eau allongé, la lagune Brava. Arrivés auprès nous retrouvämes les mêmes porphyres et trachytes accompagnés, sur une vaste éten- due, des mêmes cailloux anguleux et en éclats, qui, cette fois, se detachaient en taches d’un rouge clair ou d’un noir sombre sur le sol brun grisätre, et se développaient en bandes bariolées à la surface du plateau. Je n’ai pas vu de sable mouvant comme celui que j'avais observé en si grands amas dans la vallée du Rio Jagué, surtout au pied des pentes. Le vent violent qui, venant de l’ouest, nous soufflait en face, chasse tout le sable dans les vallées. Les chutes de pluie ne sont pas assez considérables pour mettre en mouvement les détritus de la surface. Ces eaux pluviales s’accu- mulent dans les lagunes et n’atteignent pas la vallée du Rio Jague. La surface de chaque gradin doit être un peu inclinée vers l'ouest, car les amas d’eau s’y rassemblent dans la partie la plus déclive. Les pluies proprement dites sont très-rares, mais les va- peurs qui, pendant les mois d'hiver, de mai en octobre, se con- densent en amas de neige, couvrent toute la surface d’une épaisse couche que le vent entraîne ensuite dans les gorges, de sorte que le passage des Cordillères est dangereux pendant ces mois et a déjà coûté la vie à de nombreux voyageurs. Les animaux eux- mêmes périssent pendant le trajet par manque de nourriture convenable, et partout nous vimes leurs ossements blanchis aux deux côtés du sentier étroit et contourné que leurs sabots ont OMBELLIFÈRES RABOUGRIES- DU PLATEAU, 193 tracé sur ces cailloux anguleux. A cette hauteur, de même que sur le bord du premier gradin, il ne croit plus d’autres plantes que de petits groupes de cactus sphériques et çà et là des touffes en forme de segment de sphère de 2 à 3 pieds de diamètre, for- mées par une petite ombellifère rabougrie, parente du Selinum acaule Cavan. (Laretia acaulis G. etH.), et connue des indigènes sous le nom de Cuerno-Cabra à cause de sa racine en forme de corne de chèvre. Cette petite plante, probablement l'A zorella Gilhiesii Hook., a une grande valeur pour les voyageurs qui en ramassent toujours partout où ils la trouvent pour l'emporter et la cherchent lorsqu'elle vient à manquer. Sa racine résineuse est le seul combustible de ces hauteurs désolées. Après avoir atteint le bord du troisième gradin, nous, en fimes difficilement l’ascension, et devant nous se développa une. vaste étendue sans aucune autre inégalité que la chaine basse de cônes porphyriques et trachytiques. Isolés les uns des autres à la sur- _ face, ils sont alignés dans la direction générale. Nous nous arrè- tämesaumilieu du plateau, à côté d’une de ces masses de trachyte. Autour de nous le sol était jonché de centaines d’os blanchis. Les hommes et les animaux ont coutume de venir s’abriter lä lors- qu'ils sont surpris par une tempête de neige, et beaucoup d’ani-,. maux fatigués y sont venus finir leur vie. Au nord et à une dis- tance de 4 à 5 lieues, se dressait le groupe du Gerro Bonete avec ses cinq sommets neigeux. Je le dessinai sur mon album, malgré la violence des rafales du contre-alizé supérieur”, et il me fut impossible de faire du feu pour observer la température de l’eau bouillante. Maiscomme la limite des neiges du Cerro Bonete se trouvait encore beaucoup au-dessus du niveau du plateau, l’alti- tude de ce dernier ne devait pas dépasser 4600 mètres. Je con- statai clairement qu’un quart du cône, au pied, était sans neige, tandis que la partie supérieure était couverte d’un épais manteau, D’après cela j’ai estimé la limite des neiges dans cett& atmosphère sèche, échauffée par le rayonnement continuel du sol brûlé par le soleil et qui reste toujours pure et claire, à 4550 mètres et l’al- titude du sommet du Cerro Bonete à 5845 mètres. Sa masse était REP. ARG, — I. 13 - 194 BORD DU PLATEAU ORIENTAL. d’une couleur un peu plus sombre que le sol environnant ; j'en conclus qu’elle est aussi formée de trachyte *. Vers cinq heures nous arrivämes au bord occidental du troi- sième et dernier gradin et nous grimpâmes sur une faible hauteur d'environ 200 pieds. La surface ne me sembla pas aussi unie comme sur le troisième gradin. J'y remarquai deux légèrestdé- pressions dirigées du nord au sud, à fond plat, qui divisaiénttle gradin en trois terrasses assez semblables. On voyait dans le lointain de nombreux pitons massifs sans sommet neigeux et dont aucun ne présentait des dimensions comparables à celles du Cerro Bonete. Æci aussi le sol est couvert de cailloux anguleux, remplacés quelquefois par d’autres fragments de roches érup- tives, parmi lesquelles les trachytes noirs sont’ toujours plus nombreux que les porphyres quartzeux rouges. Tout était encore plus nu et plus désolé que sur les deux premiers gradins: Je'n’y découvris aucune trace de cactus ni de cuerno-cabra. Mais les ossements blanchis d'animaux tombés ne manquaient jamais complétement, et un ou deux cadavres paraissaient encore assez frais et avaient dû succomber depuis peu, car Pair, toujours découvert, très-pur et très-sec, desseche rapidement tous les objets et donne bientôt aux animaux morts l’aspect de momies. Pour la même raison on distingue tr&s-nettement les objets äde très-grandes distances. Enfin nous arrivämes au pied de hauteurs peu élevées, doucement inclinées vers l’ouest, et, à côté d'elles, nous nous trouvämes au bord d’un précipice escarpé qui devait nous conduire dans une gorge profonde située au-dessous de nous. En descendant dans la gorge, le caractère des roches se modifie entièrement. Ce sont encore des sédiments, mais fortiés d’une masse friable d’un jaune clair, qui, sous l’action de l’air, se trans- forme en sable. Ge sable recouvre toutes les pentes de là gorge jusqu’au bord supérieur, et ne laisse à nu que quelques escarpe- ments à pic semblables à nos murs des géants. Ges roches claires ont valu à l'endroit le nom de Barranca Blanca. On marche une demi-heure avant d’avoir atteint le fond de la gorge dirigée du GORGE DE L’ARROYO BLANCO. 195 nord au sud, et l’on y trouve un sol solide. Bientôts’ouvre, venant de l'ouest, une seconde gorge, parallèle à la première, dans la- quelle coule un petit ruisseau qui continue son cours au sud dans la vallée des deux gorges réunies. Celui-ci porte le nom d’Arroyo Blanco. Je passai la nuit près de ce petit ruisseau, mais il me fut impossible de trouver du combustible pour prendre une mesure d'altitude. D’autres observateurs ont indiqué lalti- * tude de la Barranca Blanca à 4463 mètres, et celle de l’Aloja- miento de l’Arroyo Blanco à 3901 mètres. Le bord occidental du premier et plus large plateau des Cordillères serait donc beau- coup. plus élevé (environ 266 mètres) que le bord oriental et le thalweg de l’Arroyo Blanco, environ 500 mètres plus élevé que celui du Rio de Loro et du Rio Jagué. Avec la Barranca Blanca finit le plateau oriental, et le plateau occidental commence sur les pentes opposées. La Barranca Blanca forme le commencement d'une série de ravins communiquant entre eux avec une direction du nord au sud, qui se prolongent à travers tout le plateau des Cordillöres et ont leur point de départ près du second piton nei- geux culminant de cette partie des Cordillères, le Cerro de San-Francisco. Au sud ils se réunissent avec la vallée du Rio Salado etles deux cours d’eau réunis constituentuneseule grande rivière, le Rio Blanco, qui, à sa sortie des Cordillères, prend le no de Rio de Jachal et forme la limite du plateau des Cordillères au bord duquel elle suit son cours, Gette division du plateau en deux moitiés par les ravins de l’Arroyo Blanco, du Rio Salado, du Rio Blanco et du Rio Jachal, a souvent conduit à la distinction de deux Cordillères, une orientale et une occidentale. On peut d'ailleurs le faire avec la même raison que, plus au sud, dans les provinces de San-Juan et de Mendoza, il n’existe plus de pla- teaux, chacun d’eux s'étant resserré en arêtes montagneuses. Nous y reviendrons avec plus de détails fee ès avoir décrit le pla- teau occidental. Du campement de nuit dans l’Arrovo Blanco, on marche une petite distance dans la vallée étroite du ruisseau vers le sud. Ensuite la gorge s'ouvre en une large vallée avec des pentes douces et égale- 196 LE RIO BLANCO ET LE RIO SALADO. ment dirigée du nord au sud. Elle contient une rivièreabondante, le Rio Blanco, qui reçoit l’Arroyo Blanco en cet endroit. Elle doit son nom à de vastes croûtes de sel étendues sur ses rives nues et sans Joncs. Les parois de la vallée sont formées du même grés clair alternant avec de minces couches de gyps feuilleté. Ges deux roches couvrent les deux côtés des pentes de nombreux fragments anguleux. Une bande de porphyres quartzeux ferme le bassin de la vallée au nord et borne la vue dans cette direction. On s’avance Jusqu’aupres des porphyreset l’on voit le Rio Blanco tirer son ori- gine de plusieurs petites sources qui sortent de prairies en forme de bassin. Le sentier serpente entre les cônes de porphyre sur des cailloux anguleux et franchit une arête transverse, qui ferme une autre vallée dirigée au nord, dans laquelle se trouve une petite lagune. On suit cette dépression au nord-ouest jusqu’à ce que la route, escaladant son flanc occidental, vient se continuer dans une troisième vallée assez profonde et large, parallèle aux deux précé- dentes, que le Rio Salado suit du nord au sud. Cette rivière est belle et claire, peu salée, avec ses rives couvertes de jones. Elle se tient très-près au pied des pentes occidentales de la vallée et va plus au sud rejoindre le Rio Blanco. Ces deux rivieresune fois réunies coulent au sud dans une étroite vallée, entre les deux pla- teaux des Cordillères, et entrent dans la plaine à l’endroit ou les Cordillères cessent de s’étaler en plateaux et se resserrent en arêtes. Le fleuve coupe l’arête orientale sous le nom de Rio Jachal, près de la localité du même nom, et va se réunir avec le Rio Jagué dans la large vallée encaissee entre les chaînes de Famatina. On s’élève sur le flanc-oceidental de la vallée du Rio Salado pour remonter denouveausur le plateau et l’on se retrouve encore devant une surface de cailloux et d’éclats anguleux. Mais la plaine est bientôt coupée par une quatrième gorge étroite et parallèle aux autres, le Zangon. Elle ne contient qu’un très-petit ruisseau, mais profondément encaissé et à parois escarpées; ses pentes sont semées de débris anguleux, tandis que le fond est tapissé de ga- zons humides. De grandes masses de porphyres sont disséminées partout. Après cette gorge on traverse, en se dirigeant à l’ouest, PLATEAU OCCIDENTAL DES CORDILLÈRES. 197 la partie la plus large du plateau occidental, grande plaine d’une étendue de plus de cinq lieues, dont la surface est entièrement nue et couverte de cailloux anguleux comme les autres. Des col- lines peu élevées, couvertes de sables, s'élèvent çà et là à la surface et bornent la vue. On se croit dans une vallée transversale, mais ce ne sont que des inégalités locales. Le plateau lui-même s’élève un peu à l’ouest par deux faibles gradins et se termine par un es- carpement à pic, qui forme à la fois la limite du plateau de la Cordillère et des États du Chili et de la république Argentine. On se trouve au bord d’un mur de 500 mètres de haut, assez escarpé, par lequel la montagne se termine du côté du Chili. Le regard plane a perte de vue sur le territoire accidenté et montagneux du Chili, et par les journées claires, dans les moments les plus favo- rables, atteint jusqu’à l'océan Pacifique, distant d’un degré et demi de longitude. Rien n’interrompt cet immense panorama en dehors d'un piton élevé et couvert de neige situé au nord, le volcan de Côpiapé, haut de 5216 mètres. Ge cöne puissant et isolé offre le même aspect que les cinq cônes du Gerro Bonete, domine au loin le plateau et étend sa base jusqu’au bord de l’escarpemenit. Nous exécutâmes notre descente à côté de lui et primes notre campement sur le bord du ruisseau, connu maintenant sous le nom de Rio Piuquenes, à environ deux lieues du point d’origine de la.vallée, au Penasco de Diego, et à une altitude de 3610 mè- tres *. Le.bord du plateau des Cordillères ne doit donc pas dé- passer 4235 mètres, car le Penasco de Diego est situé à 625 mètres plus bas que ce bord. | Après cette description détaillée et faite d’après des observa- tions personnelles du centre du plateau des Cordillères, il nous reste encore à faire connaitre son prolongement sur les deux côtés, au nord et au sud. Du côté du nord, j'ai déjà dit que le plateau passe sans inter- ruption dans le désert d’Atacama et s’y abaisse peu à peu. Nous le connaissons assez mal dans cette région et uniquement par l’ex- ploration de la passe de San-Francisco, exécutée par M. W. Wheel- Wright pour l'étude de son projet de chemin de fer par-dessus les 198 LE PLATEAU PRÈS DU CERRO SAN-FRANCISCO. Cordillères **. Cette exploration a démontré que le plateau y est toujours semblable. La partie de la montagne qui appartient au système de Famatina se dirige également au nord-nord-est sur Tiambala et est encore coupée à peu près sous 26° 4045! de lat. 5. par la Quebrada de San-Francisco, comme plus au sudparla Quebrada de Guchuil et la Quebrada de la Troya. Mais la Quebrada septentrionale manque de cours d’eau à cause de la sécheresse de l'air qui va en croissant au nord, La route du plateau suit cette Quebrada. Elle vient de Salta et c’est elle que suivit le premier Espagnol, D. Diego de Almagro, qui traversa la montagne avec une armée. Après avoir surmonté les trois gradins du système de Famatina, elle atteint le premier plateau, dominé ici par le haut sommet neigeux du Gerro de San-Francisco, aussi élevé que le Gerro Bonete. C’est le dernier cône volcanique coiffé d’une calotte de neige de cette partie des Cordillères de la République. Au delà, les cônes volcaniques deviennent moins élevés et il n'existe plus que quelques pitons neigeux, tels que le Llullailaco et quelques autres dans le désert d’Atacama. Dans cette partie des Cordillères jé n’ai vu nulle part la forme déprimée de volcans décrite par d’Orbigny et Philippi dans leurs voyages dans les districts situés - plus au nord. Les lacs salés desséchés ou salines, qui occupent de si grandes étendues dans le désert d’Atacama, au bord du plateau de la Bolivie, manquent aussi ici. Je crois inutile de reprendre ici la description de la Cordillère ‘au Cerro de San-Francisco, que j'ai déjà donnée (voy. note 26) d’après l'exploration de Flint, puisque je ne pourrais rien yajouter de nouveau. Le plateau se termine du côté du Chili aussi brusque- ment que plus au sud, à Porigine de la vallée du Rio Piuquenes. On descend le long d’escarpements à pic dans la Quebrada de Ma- ricunga et en suivant la Quebrada de Paipote on passe à Puquios, Llampos et El Chulu, endroits tous situés dans une gorge etroite et déserte, et enfin on arrive à Cöpiapo. C'est également cette route que suivit Almagro avec son armée de 45 000 Espagnols et Indiens. Nous manquons aussi de bonnes observations Sur la partie mé- ridionale du plateau, comme sur la partie septentrionale. Nous PROLONGEMENT DU PLATEAU AU SUD. 199 savons seulement qu'il disparaît dans la province de la Rioja et que chacun des deux plateaux se continue en une arête monta- gneuse, qui courent ensuite au sud sous la forme de deux chaînes séparées par une large vallée avec de nombreuses gorges, La partie des Cordillères qui se relie au système de Famatina s’isole complétement en s’écartant et donne naissance à deux chaînes, la Famatina proprememt dite et la série de chaînons distincts qui constituent les sierras Jagué, Vinchina, Guandacol, de Mogna et de Willicun. Nous avons déjà donné des détails suffisants (voy. p . 189) sur cette partie. | Quant à la transformation des deux plateaux, celui de l’est, d’a- près les meilleures cartes, conserve son caractère de plaine haute a peu près sans changement jusqu’à 29° de lat: S., mais s’abaisse graduellement au sud; les flancs s’inelinent et sont découpés en chaînes par des gorges, qui transforment le centre en une aröte longitudinale. Sous cette forme le plateau prend le nom de Sierra - de Jachal et se continue jusqu’à 30° de lat. S., où elle est coupée par le Rio Blanco, dont le nom se change en celui de Rio de Jachal. Son prolongement au sud est en forme d’aröte et est figuré sur les Cartes comme une suite de petites sierras qui, du Rio de Jachal se continue jusqu’au Rio de Mendoza et est coupée par le Rio de San-Juan. La Sierra de Gualilan et la Sierra de Tontal, dont le som- met atteint 4000 mètres, sont les parties les plus élevées. La Sierra d’Uspallata est le dernier chaînon de ces Cordillères orien- tales. Les deux séries de chainons qui courent au sud entre. San-Juan et la principale arête des Cordillères et partent du plateau du Gerro Bonete, se réunissent ici de nouveau et se terminent ensemble. Au sud du Gerro Bonete il n’existe aucun piton néigeux sur toute cette étendue. Les altitudes élevées comme celle de Tontal sont rares. Le centre de la Sierra d’Uspallata, nom- mé El Paramillo, est à 2700 mètres. La partie occidentale et plus étroite du plateau des Cordillères perd un peu plustöt, :ousle 29° de lat. S., son caractère de plaine haute. Jusque-là la vallée du Rio Blanco, qui sépare les deux plateaux, reste uniformément resserrée, étroite et parallèle au 200 ARÊTE OCCIDENTALE DES CORDILLERES. | bord du plateau occidental. Mais elle s’élargit bientôt considera- blement. Le bord du plateau s’avance en saillie à l’ouest et'forme du côté du Chili un are prononcé, qui dépasse le 72° de long. 0. de Paris, tandis que le bord des Cordillères au nord de 28° 30’ de lat. S. se trouve à l’est du même degré de longitude. A partir de ce point le plateau occidental se transforme en une arête de laquelle partent des crêtes allongées vers la vallée du Rio Blanco. Celles-ci font décrire au fleuve un arc vers l’est, jusqu’à ce que, arrivé sous le 30° de lat. S., à Jachal, pressé au bord du plateau oriental, qui a également perdu sa forme de plateau, il s'ouvre un chemin au travers de ce dernier. Au point où com- mence la transformation du plateau occidental en une arête de montagne, se trouve le quatrième grand piton neigeux du plateau entier, le Gerro de Potro. Par sa position sur le bord occidental du plateau, ainsi que par sa forme et son altitude de 5565 mè- tres, il correspond au volcan de Côpiapô, comme le Cerro de San-Francisco correspond au Gerro Bonete sur le plateau orien- tal. De ce point tous les sommets neigeux qui existent au sud ap- partiennent uniquement à l’arête occidentale jusqu’au Tupungato, situé entre les deux chaînes. Les sommets neigeux nereparaissent sur la chaîne orientale que près de Mendoza et un peu plusau sud, au volcan Maypu, par 34° de lat. S., la chaîne orientale disparaît complétement. La Cordillère n’a plus qu’un faîte unique. Il est important de remarquer que dans la même contrée, ou mieux un peu plus au nord, sous le 33° de lat. S., commence la grande vallée longitudinale qui parcourt dans toute sa longueur la partie méridionale du Chili et débouche dans la mer à Puerto Mont, en séparant du continent l’île de Ghiloé et l'archipel des Chonos. La moitié méridionale des Cordillères de la république Argen- tine ne m’est pas connue par mes observations personnelles. Ma tentative de les traverser en partant de Mendoza échoua à cause du manque d'énergie des gens que j'avais loué pour m’accom- pagner. Je dus revenir à Uspallata au pied des Cordillères et me contenter de les voir de loin du sommet de la Sierra d’Uspallata. De là j’embrassai tous les sommets, arêtes et pitons dans l'étendue PROLONGEMENT AU SUD. 201 d'un degré. de. latitude (du 32° au 33° de lat. S.). Aïdé, de mon compagnon, habile dessinateur, je fis une esquisse du panorama que je reproduirai dans l'Atlas, pl. I, en y joignant une descrip- tion. Pour le moment je me contenterai de faire remarquer que les deux sommets culminants de cette partie, l'Aconcagua et le Ligua, nommé Mercedario sur la carte de Pissis, se trouvent sur la vue. La hauteur du dernier est de 6834 mètres, celle du premier de 6798 mètres. Ce sont les deux pitons qui dans toute la chaîne des Cordillères se rapprochent le plus des sommets culminants de la Bolivie ®. À Mendoza j'avais chaque jour devant les yeux une seconde vue de la Cordillère du Sud, et encore mieux dans la petite ville de Lujan située plus au sud. Mais on n’y aperçoit que la première chaîne orientale, avec le point culminant de Tupungato de 6710 mètres qui est entre les deux chaînes. Je pris aussi cette vue et je la reproduirai avec la précédente dans l'Atlas. Elle s'é- tend au sud jusqu’à la passe de Portillo et embrasse sur la lon- gueur d’un dégré,de longitude toute la chaine orientale, comme on la distingue à une distance de dix à quinze lieues. Je ne puis pour le moment rien dire de plus sur ces deux vues et je renvoie aux explications. Les indications actuelles doivent se limiter aux traits généraux que l'on peut saisir sans avoir les dessins sous les yeux. | | D’apres tout ce que nous venons de dire, le système des Cor- dillères, large d’un degré et demi de longitude et formant une masse compacte dans sa partie situéeau nord de 29° 30’ de lat.S., se divise en chaînes isolées au sud de ce point. Des vallées s’in- tercalent entre les larges arêtes montagneuses et remontent leurs pentes au fond de gorges profondes qui les découpent en chaînons secondaires. Sous le 30° de lat. S., outre la Sierra Famatina qui se détache déjà sous le 29° de lat. S., il existe encore quatre autres chaînes plus ou moins parallèles entre elles, dont Ja largeur et la hauteur vont croissant de l’est à l’ouest. La qua- trième et dernière, la plus occidentale, constitue la vraie chaîne des Cordillères et forme la limite entre le Chili et la république 202 LES TROIS CHAINES DES CORDILLÈRES. Argentine. Cette chaîne élevée est la seule qui ait encore des som- mets neigeux, comme nous l'avons déjà indiqué. Les “rois autres jusqu’à Mendoza sont peu élevées, sans sommets particu- liers et en grande partie sans arêtes et sans dents, couvertes de débris et de sables et ne portent qu’une rare et PE végé- tation. De ces trois chaînes nous avons déjà suffisamment décrit (p. 189) la première et plus orientale. Elle est composée des quatre petites sierras de Vinchina, Guandacol, Mogna et Villicun, que nous avons fait connaître comme les rameaux de la troisième terrasse du système de Famatina, la Sierra de Machaco. Gette ma- nière de voir a été reproduite brièvement à la page 199 et il est inutile d’y revenir ici. Afin de faciliter l'intelligence des faits je donnerai à cette chaîne isolée et orientale le nom de Gordillère antérieure (Procordillera). La seconde chaîne a aussi été mentionnée au même endroit comme le prolongement du plateau oriental. Elle reste un peu plus large, ne renferme aucune vallée longitudinale et a une grande importance par sa richesse en filons métallifères, dont les plus riches sont ceux de cuivre et d'argent. Par son caractère pétrologique elle se rattache au plateau oriental et est composée en grande partie de sédiments paléozoïques des périodes primitives, avec des enclaves de porphyre. Elle commence avec la Sierra de Jachal, puis vient la Sierra de Gualilan, suivie au sud du Rio de San-Juan par là Sierra de Tontalet se termine près de Mendoza par la Sierra de Uspallata, dans laquelle, ainsi que dans les précé- dentes, on trouve des trachytes et des tuffes volcaniques. J’ap- pelleraicetteseconde chaîne Cordillérelatérale (Contracordillera), parce qu’elle court à côté de la Cordillère principale et sort di- rectement du plateau oriental comme un prolongement. | La troisième et la quatrième chaîne constituent la Cordillère principale (Cordillera real). Elles sont très-rapprochées l’une de l’autre, et une large vallée longitudinale dans laquelle coule le Rio Blanco les sépare complétement de la Cordillère latérale. Cette vallée, à partir de l’endroit où le Rio Blanco coupe la Cor- EXTRÉMITÉ DE LA PRINCIPALE CHAINE DES CORDILLERES, 203 dillère latérale et devient le Rio de Jachal, reste sans eau et n’a plus d'établissements importants. Les localités habitées n’y rede- viennent fréquentes que plus au sud, où le Rio de San-Juan se forme dans cette vallée et où la richesse métallurgique des deux flancs a attiré l'immigration. Les deux chaînes de la Cordillère principale s'élargissent beaucoup à l’est et retrécissent si bien la vallée, large jusque-là, qu’elle ne forme plus qu’un étroit passage de plusieurs lieues de long, nommé vallée de Calingasta. Dans cette vallée se réunissent en une seule rivière les deux bras du Rio de San-Juan, le Rio Castaño et le Rio de los Patos, qui coulent entre les chaînes des Cordillères, fort larges en cet endroit. A l’époque de la domi- nation indienne, ce lieu était l'emplacement de la ville principale des populations de la contrée. Le village actuel de Calingasta est le centre de la population moderne. Au sud de ce goulet, la vallée se rélargit, mais en même temps redevient aride. C’est là que se dressé le piton culminant de nos Cordillères, le puissant Acon- cagua, masse de roches sédimentaires semblables à celles, qui con- stituent les deux chaînes et qui a été soulevée par des porphyres. Son sommet est découpé en deux dents peu élevées et d’une assez grande longueur, comme on pourra le reconnaître sur une vue dessinée par moi et qui sera insérée dans l'Atlas. La vallée du Rio de Mendoza, qui prend sa source sur le flanc occidental de l’Acon- cagua, coupe au sud la chaîne orientale de la Cordillère prinei- pale par une gorge étroite, nommée par les indigènes El Cajon. Elle entre dans la plaine à côté de la Sierra de Uspallata, et le fleuve prend sa route au nord-est en contournant l'extrémité de cette Sierra. La chaîne orientale de la Cordillère, plus large que occidentale, se continue au delà du Cajon ; la chaîne occidentale ne subit pas d'interruption, mais s’abaisse un peu pour former, avec une altitude de 3803 mètres, la passe de Cumbre, qui a tou- jours été la route principale du Chili. Les deux chaînes se conti- nuent encore quelque temps au sud en laissant entre elles une étroite vallée, dans laquelle se dresse le cöne volcanique de Tu- pungato (6710 mètres) ; puis elles se rapprochent peu à peu pour venir se fondre en une seule chaine dans le voisinage du volcan 204 SOMMET NEIGEUX DE LA CHAINE OCCIDENTALE. de Maypu (5585 mètres), sous le 34° delat. S. et se prolonger sans interruption jusqu’au détroit de Magellan. | Je n’ai rien de particulier à dire sur cetie partie méridionale des Cordillères, je ne l'ai jamais vue et ne pourrais que répéter ce que d’autres voyageurs ont déjà dit #. Tout le mondesait qu'au sud du point de réunion, près du volcan de Maypu encore en pleine activité, les Cordillères continuent leur cours; que le Maypu lui-même leur appartient et qu'il a eu autrelois de vio- lentes éruptions. On sait encore que les Gordilleres s’abaissent ca s’avançant au sud, que la.crete subit de grandes dépressions et est coupée par de profondes et étroites vallées ou cajons. Il exist: même une et peut-être plusieurs lacunes. Un de ces points a été étudié depuis peu. Il se trouve au voisinage de 40° delat. S., entre le grand lac qui existe au pied occidental des Gordilleres, et ce- lui-ci reçoit par la passe les eaux des lacs corresponde situés au pied oriental. Comme des rivières coulent des deux lacs à la mer, à l’est et à l’ouest, ces cours d’eau constitueraient une com- munication directe *.. Revenons aux deux chaînes de la Cordillère nridoipnlel au nord de leur jonction près du Maypu, et ajoutons encore quelques ob- servations. Les deux chaînes au sud du Rio de Mendoza ont non- seulement a peu près la même hauteur, mais encore portent éga- lement des sommets avec neiges éternelles, qui plus au nord manquent à la chaîne orientale, à l’exception d’un ou deux situés au bord de la vallée, au nord d’Uspallata. Je n’ai pas vu les som- mets neigeux de la chaîne occidentale. Du nord au sud on en trouve quatre sur les cartes : le Juncal, 9942 mètres ; le Gerro de Plomo, un peu à l’ouest en dehors de la crête, 5105 mètres ; le San-José 6096 mètres, et le Maypu, 5385 mètres. Je n’ai rien à dire de ces quatre cônes. Mais je decrirai le Tupungato, situé entre les deux chaînes et plus rapproché de loccidentale. Pendant une année presque entière je l’ai eu devant les yeux. Il apparaît de très-loin comme un cône en forme de dôme surbaissé couvert de neige. Je l’aperçus pour la première fois le 7 mars 4857, des hauteurs derrière San-Luis, avec toute la chaîne orientale au-dessus de la- NS UV RU, NZ ee ° LE TUPUNGATO. | 205 quelle il dominait et je le dessinai sur mon album, le 10 mars, de Ja station de Rodeo del Medio, d’où on le voit très-nettement. Son sommet est parfaitement arrondi, sans trace de cratère, plus bas au nord qu'au sud. La base du cône paraît être quatre fois aussi large que sa hauteur ; sur les flancs on aperçoit quelques légères dépressions et au milieu une place sombre qui parait résulter de plusieurs bandes noires parallèles, je les considère comme des éboulis de cailloux sans neige. Darwin a vu sur le Tupungato une tache bleuâtre, mais en passant par la Portillo- passe et par conséquent sur le côté méridional. Il la considère comme un glacier ; je n’ai jamais rien aperçu de semblable sur le côté oriental. On à beaucoup discuté pour savoir s’il existait des glaciers sur ces sommets. Je puis affirmer en toute certitude que je w’aipas vu la moindre trace de formation glaciaire sur tous les sommets neigeux des Cordillères que j’ai exploré ®. On distingue bien sur l’Aconquija des masses de glace claire et brillante, mais elles se forment sur des lacs élevés et n’ont rien à voir avec les elaciers. | L’aititude de la limite des neiges, que j'ai fixée sur le plateau septentrional à 4738 mètres, descend sur l’Aconcagua à 4500 mè- tres sous cette latitude plus méridionale et paraît encore plus basse en quelques endroits, au moins sur le côté occidental des Cordillères. Elle descend toujours plus bas vers le sud, et sous le 40° de lat. S. elle s’abaisse à 1400 mètres, pour enfin se rapprocher et peut-être même se confondre avec le niveau de la mer à la Terre- de-Feu. Au Tupungato elle est 100 mètres plus bas que sur l’Acon- cagua, et au Maypu 270 mètres. J’ai toujours vu couverts de neige le sommet et les dents culminantes de la Cordillère orientale, entre le Rio de Mendoza et le volcan de Maypu. Il en résulte qu'ils se trouvent à une hauteur de 4500 à 5000 mètres. J'ai aperçu au nord trois pointes aiguës très-élevées toujours blanches de neige, dont la plus haute, celle du milieu, est appelée par les indigènes Cerro de la Plata, à cause de sa calotte de neige perpétuelle. J’es- time son altitude à 5500 mètres, tout en admettant qu’elle puisse être un peu plus basse, car son enveloppe de neige n’est pas très- 206 SOMMET NEIGEUX DE LA CHAINE ORIENTALE, large. Plus loin j'ai vu un autre sommet avec neiges éternelles, situé au sud du Tupungato, à peu près au milieu de cette partie de la chaine orientale. Il a tout à fait l'aspect d’un cône de volcan avec sommet excavé. Il est beaucoup plus bas que le Tupungato etson sommet porte de la neige seulement sur une faible étendue, ce qui me fait estimer son altitude à 4100 mètres. Plusieurs por- tions de la crête dentelée portent encore des séries de sommets neigeux, et non loin du Maypu on aperçoit deux pitonsaigus, entre lesquels est creusée la passe de Portillo. L’altitude de cette passe, qui traverse les deux chaînes de la Cordillère, a été fixée par di- vers observateurs entre 4000 et 4200 mètres; dans la chaîne oc- cidentale, où elle prend le nom de Paso-Piuquenes, elle n’a plus que 3700 à 3800 mètres, et peut être franchie en été sansmême rencontrer de neige, comme Darwin l’a constaté lors. de son pas- sage. En hiver les deux passes se couvrent de neige et toute la vallée entre elles en est remplie. Cette vallée est une cuvette cou- verte de galets sembiables à ceux du plateau au nord et sans autre végétation que l’ombellifère rabougrie déjà citée. Il existe cepen- dant des prairies près du fleuve au fond de la vallée. Des deux côtés du Tupungato, c’est-à-dire au nord et au sud, il sort un ruisseau permanent qui, alimenté par les sommets neigeux voi- sins, constitue bientôt une petite rivière, Les ruisseaux du nord se réunissent pour former la source du Rio de Mendoza, qui ici porte le nom de Rio-Tupungato et plus loin s'enfonce dans la gorge qui conduit à la passe de Cumbre, Ceux du côté méridio- nal forment le Rio Tunuyan, qui coule quelque temps entre les deux chaînes, puis ensuite coupe la chaine orientale au sud de la passe de Portillo. Arrivé dans la plaine, il, s’infléchit au nord- est vers le Rio de Mendoza, qui coule au sud-est exactement de la même façon que les deux bras primitifs du Riode San-Juan avant de se rejoindre, Le Rio.de Mendoza et le Rio Tunuyan restent séparés et même s’écartent l’un de l’autre plus loin. Remontons plus au nord, par-dessus les gorges du Rio de Men- ' doza, et arrivons à ce massif montagneux sur le côté occidental duquel se dresse l’Aconcagua, l’un des points les plus élevés des LES CORDILLÈRES PRÈS DE L’ACONCAGUA. 207 Cordillöres. Déux gorges étroites, celle du Rio de Cuevas au sud et celle du Rio de los Patos au nord, séparent l’Aconcagua de la chaîne occidentale, qui passe à côté de lui à une faibie distance. Il retombe lui-même avec des pentes très-escarpées du côté de ces gorges, mais envoie à l’est de longs chainons. Ceux-ci atteignent jusqu’äla vallée d’Uspallata et sont limités au bord de la plaine assez large de cette vallée par des sommets arrondis et isolés de porphyré. Un grand chainon se détache du flanc oriental de l’Aconcagua, il prend une direction au nord et représente le prolongement de la chaîne orientale. Il est séparé de la Chaîne occidentale, très-large en cet endroit, par une étroite vallée, dans laquelle le Rio de los Patos continue son cours au nord, et porte chez les indigènes le nom particulier de Cordillera de Tigre. Deux sommets puissants, qui atteignent jusqu’à la ré- gion des neiges éternelles (4800 et 4900 mètres), sortent de ce chaînon isolé et le désignent clairement comme le prolongement de la chaîne orientale. Ils sont en eflet exactement sur la ligne de direction du Cerro de la Plata et de ses compagnons. Ce sont les derniers sommets neigeux de cette chaîne orientale du côté du nord. Le Rio de los Patos contourne l’extrêmité de ce chainon pour-sortir des montagnes et se dirige au nord-est, jusqu’à ce qu’il ait atteint le Rio de Castaño, avec lequel il vient se réunir au Rio San-Juan. Le prolongement de la chaine orientale est entre les deux rivières, il forme un groupe de montagnes coupées par de profondes vallées d’une élévation moyenne, mais assez larges. On lui donne le nom de Sierra de Castaño, et au nord un troisième prolongement de la même chaîne lui fait suite. Celui-ci est plus long et plus étroit et prend le nom de Sierra de las Leñas. Il se prolonge au nord jusque près du grand plateau, dont il est séparé par la vallée du Rio Blanco. C’est là que les chaines se confondent avec le plateau. Les trois chaînes isolées qui dans cette région constituent la chaîne orientale principale des Cordillères, c’est-à- dire la Sierra de las Leñas, la Sierra de Castaño et la Cordillera de Tigre, sönt très-rapprothées de la chaine occidentale. Entre elles il n'existe qu’une vallée étroite, sans eau au nord, et dans laquelle 208 SOMMET DE LA CORDILLERE PRINCIPALE AU NORD. coulent au sud les deux branches, sources du Rio de Castaño: Ses richesses métallurgiques lui donnent cependant un grand intérêt et sont la source de l’activité qui règne dans la vallée, entre la Cordillère principale et les petites sierras non moins riches en minerais de la Cordillère latérale, dont nous avons déjà parlé à la page 199, sous le nom de Sierra de Gualilan et Sierra Tontal. Il nous reste encore à parler des passes qui traversent cette partie moyenne des Cordillères et à faire connaître les sommets les plus élevés de la chaîne occidentale au nord de l’Aconcagua jusqu’au Cerro de Potro. | | | Nous parlerons d’abord des sommets. Le plus proche de VA- concagua au nord est le Ligua, ou Mercedario d’après la carte de Pissis, déjà citée à la page 200. Des hauteurs de la Sierra d’Uspal- lata, il me paraissait comme un cône très-régulier, assez élancé et le sommet un peu émoussé. Il a le même aspect que beaucoup de volcans du désert d’Atacama ou de la Bolivie, que tous les ob- servateurs décrivent de la même façon. Il est placé immédiatement au bord de la chaîne, comme le volcan de Göpiapö et le Gerro de Potro, et sa hauteur est plus grande. La carte de Pissis donne 6798 mètres au Mercedario qui, d’après sa position sous le ‚32° de .lat S. correspond exactementavec notre Ligua, suivant la dénomination des anciennes cartes. Un peu plus au nord (31° 39’), on trouve sur les cartes un pic de Chuapa ou Chuapri et plus au nord encore (31° de lat. S.)le pic de Limari. Tous deux manquent sur la carte de Pissis et peut-être sont-ils un peu éloignés à l’est de la crète et n’ont pas été aperçus . par lui. Mais toutes les anciennes cartes indiquent avec précision le Limari comme le sommet le plus élevé de la contrée. Après lui, au nord, vient le volcan de Coquimbo, sous le 30° 5'delat. S. Mais je ne trouve en ce point aucun sommet mar- quant sur les cartes que j'ai devant moi, et comme Meyen ne le cite qu’en passant et le qualifie de petit, son élévation doit être assez faible. Vient ensuite le CGerro Potro, déjà signalé (page 199) sous le 28° 30’ de lat. S. %, Quant aux passes des Cordilleres, nous avons déjà parlé des SOMMETS ET PASSES DESYCORDILLÈRES AU NORD. 209 deux plus septentrionales. La première est la passe de San-Fran- cisco, que nous avons citée page 184 et décrite page 197. De Salta elle suit la vallée du Rio Guachipas, traverse le Campo del Arenal, soit au nord par la Laguna Blanca, soit au sud par Fiam- bala, et franchit le plateau des Cordillères pour arriver à Copiapô par la vallée de Paipote. La seconde passe est celle que j'avais choisie par la Quebrada de laTroya, et dont j'ai donné une description détaillée. Elle con- duit de Catamarca et Tucuman à Copiapé. La troisième passe porte le nom de Portillo de Come Caballos et se trouve sous 28° 9' lat. S. Sa route conduit de La Rioja à Copiapé, traverse la Sierra Famatina, s’eleve par la gorge du Rio Jagué au plateau des Cordillères, en traversant la Quebrada Cortadera et la Quebrada de Peñon. En ce point elle se détourne au nord-ouest et rejoint la vallée du Rio Blanco à la cueva du même nom. Elle traverse le fleuve, s'élève sur le second plateau par le Rio Carnerito, et en atteint le bord au Portillo de Come Ca- ballos. Son altitude est d'environ 4080 mètres. La passe conduit à Jorquera par la gorge du Rio Turbio, et à partir de là se confond avec mon itinéraire vers Copiapo. La route est roide et incom- mode; souvent on n’y trouve pas d’eau. La quatrième passe s'appelle Peña Negra et se trouve sous 28° 13! lat. S. La route part de San-Juan en remontant le Rio Blanco, nommé Rio Vermejo plus au sud, et traverse le plateau occidental des Cordillères sans toucher le plateau oriental. La passe est très-élevée (5985 mètres) et conduit dans la vallée du Rio Pulido, qui vient se jeter dans le Rio Copiapô à Juntas. On peut encore s’en servir en partant de La Rioja et en franchissant la Sierra Guandacol; mais alors il faut traverser aussi le plateau oriental des Cordillöres, sur lequel on arrive par la difficile que- brada du Rio Jagué Chico. On rejoint l’autre route à la Cueva de Pastos Largos. La cinquième passe conduit au bord des Cordillères dans la vallée du Rio Manflas, par le Portezuelo del Cerro de Potro, sous 28° 30 lat. S. La route vient de San-Juan et se confond avec la REP. ARG, — 1, li 210 PASSES DES CORDILLÈRES DE LA PROVINCE DE SAN-JUAN. précédente jusqu’au bord du plateau occidental des Gordilleres. Mais on la considère comme trös-difficile, et elle est peu suivie. Une sixieme passe se trouve au Portezuelo de Dona Anna, sous 29° 36‘, avec une altitude de 4447 mètres. Elle part de la vallée du Rio Jachal en suivant son dernier bras le plus au sud, et re- descend de la crête des Cordillères dans la vallée du Rio Coquim- bo; mais elle n’est guère suivie que par les troupeaux de bétail et leurs conducteurs. Il existe encore ici plusieurs autres passages également praticables entre 29° 36’ et 30° lat. S. Ils sont très- rapprochés les uns des autres et conduisent tous de la vallée du Rio Jachal dans la vallée du Rio Coquimbo. Le plus septen- trional porte le nom de passe de Dona Anna, le plus méridional celui de Portillo de las Vacas heladas. La septième passe est celle du Rio de los Patos, placée entre les vallées des affluents du Rio de San-Juan etle Rio de Limari au nord, et celle du Rio Aconcagua au sud. Au nord la vallée du Rio de Castaño s’eleve à la crête des Cordillères, au sud celle du Rio de los Patos. Les passages de la vallée du Rio de Castaño prennent le nom de Portillo de Vincente et Portillo del Valle Hormoso; le premier se trouve à 4120 mètres, le second à 4280 mètres. Le passage principal est celui du sud, par la vallée du Rio de los Patos, et on l'appelle spécialement Camino de los Patos. La route quitte la rivière loin au-dessous de sa source et franchit par une gorge latérale un chainon secondaire des Cordillères, dont lalti- tude est de 4238 mètres. On redescend encore dans la vallée du Rio de los Patos, et en. suivant une gorge laterale on atteint le Portillo del Valle Hermoso à la crête des Cordillères, dont l’alti- tude, d’après la carte de Pissis, n’est plus que de 3365 mètres. On descend dans la vallée du Rio Putaendo, qui débouche dans le Rio de Aconcagua à San-Felipe. C’est par cette passe que l’armée du général Martin se rendit au Chili. Après les deux passes de Patos, on rencontre au sud les dons passes de la province de Mendoza, déjà citées. Nous les réunissons sous le nom de passe de Tupungato, comme nous l'avons fait pour celles de la province de San-Juan sous le nom de passe de Patos. PASSES AU SUD DU MAYPU. 211 Nous n’ajouterons rien de plus ici, ayant déjà fait connaître le nécessaire, pages 203 et 206. La huitième passe ou passe de Cumbre s’eleve à (lé crête des Cordillères par le Rio de Mendoza, et est la plus praticable de toutes. Entre elle et la passe de Portillo il en existe: encore une autre, celle de Dehesa, qui doit être très-difficile à franchir et ht pratiquée. La neuvième passe principale se divise dans la passe de Portillo à l’est et la passe de Piuquenes à l’ouest, et traverse les Cordil- leres presque sous la même latitude que Santiago du Chili. Les passes situées plus au sud sont rarement traversées par les voyageurs, mais très-fréquentées par les Indiens pillards, et sont peu connues. La dixième traverse près du volcan Maypu, sous 34° 9! lat. S., et porte le nom de Paso de Cruz de Piedra. Elle réunit la vallée du Rio Maypu à l’Arroyo Aguarda, source supé- rieure du Rio Tunuyan. L’altitude est de 3440 mètres. Toutes les autres passes sont mal connues ; je vais doncles énu- mérer en y joignant quelques courtes indications ”. Paso de Yeso, entre le Rio Diamante et le Rio de las Lenas, au Chili, sous 34 25’ lat. S. ; altitude, 2497 mètres. Paso de Tinguiririca, appelée aussi de Salto, sous 34° 45‘ lat. S.; altitude, 3200 mètres. Elle conduit du Rio Atuel dans la région des sources méridionales du Rio Portillo, et n’est fréquentée que par les contrebandiers. Paso de las Damas, sous 34 99; part également du Rio Atuel et conduit dans la vallée du Rio Anduvivel ; 3000 mètres d'altitude. | Paso del Planchon, sous 35° 2’; deux passages voisins l’un de l’autre sur le côté nord du volcan Peteroa ; conduit du Rio Salado dans la vallée du Rio Claro, qui tombe dans le Rio Teno et se réunit avec le Rio Lontue au Rio Mataquito, au-dessous du Curico. La passe nord del Planchon est à une altitude de 3048 mètres, et un peu plus difficile que la passe sud de 2230 mètres d'altitude, qui est la plus fréquentée *. C’est par là qu'on voulait faire 212 PASSES VIABLES DU SUD. passer le chemin de fer de traverse des Andes, sur lequel on trou- vera des détails dans la note 37. | | Paso del Indio ou de las Tres Cruzes, sous 35° 28°, à 2570 mètres d'altitude; passe du Rio Grande dans la vallée du Rio San-José, qui débouche dans la lagune Mondaca. Paso Invernada ou Campanario, sous 35° 40’; conduit du Rio Grande dans la vallée du Rio Invernada qui se jette dans le Rio Maule ; son altitude n’est pas exactement connue. Paso del Maule, sous 36° 8’; altitude, 2194 mètres; en pas- sant à côté de la lagune de Maule, elle conduit dans la vallée de la rivière du même nom. Paso Chillan, sous 36° 48°; encore mal connue. Paso Antuco, sous 57° 30’, à une altitude de 2100 mètres, mais franchit un chainon latéral de 2203 mètres. Elle conduit du Rio Moncol, sur le côté oriental des Cordillères, à la grande lagune La Lacha, qui se déverse dans la rivière du même nom. Les Es- pagnols, dès 1806, avaient le projet d’y ouvrir une route carros- sable ; mais elle n’a jamais été exécutée. Paso de Villarica, sous le 39°; conduit, en passant près du vol- can de Villarica, au lac du même nom, duquel sort le Rio Tolten. Les Espagnols la fréquentaient comme la plus praticable, et vu peut la traverser avec des chars, ainsi qu’Azara le raconte dans son Voyage. (II, 48). Mais elle a &t£ abandonnée dans ces derniers temps à cause des attaques des Indiens. La grande valeur de cette passe vient d'appeler de nouveau l'attention de son côté *. | Paso de Riñihue, sous 39° 45’; établit une communication directe entre les lacs des deux côtés des Cordillères, et s’abaisse jusqu’à quelques centaines de mètres. Nous renvoyons à la note 34. Enfin il existe encore une profonde échancrure semblable sous 44° 6°. Elle conduit de la lagune Nahuel Huape et de l’ancienne Mission du même nom à la rive chilienne. Le dictateur Lopez la fit explorer, et on la trouva très-praticable. ES = : V LA SIERRA FAMATINA. Après les Cordillères, la Sierra Famatina est la plus grande montagne du pays. Elle s'étend sur quatre degrés de latitude (du 28° au 32° de lat.S.) et ses sommets culminants s'élèvent jusqu’à la région des neiges éternelles. | Dans ce qui précède nous en avons assez dit sur l’origine de la montagne. Elle constitue d’abord le premier tiers du massif des Gordilleres sousle 28° de lat. S. etest coupée par la vallée du Rio de la Troya, dans laquelle on peut facilement reconnaître la nalure sédimentaire des roches et leur inclinaison vers le nord- ouest. Cette partie n’a pas de sommet élevé. Ce massif décrit jusqu'ici comme un gradin du plateau des Cordillères, se détache ä peu près sous 28° 30’ de lat. S. de la grande chaine, et s’infléchit un peu plus vers l’est pour former une chaîne indépendante. La vallée du Rio Jagué s’intercale entre les deux chaines, et avec son prolongement au nord, dans lequel coule le Rio de Vinchina, atteint jusque près de la gorge du Rio de la Troya. Cette partie supérieure de la montagne conserve d’a- bord sapremière physionomie, mais s’élève rapidement, et atteint déjà sous le 29° de lat. S. la grande hauteur déjà signalée de 6024 mètres ("). Une petite chaine latérale se détache dans cette contrée du pied oriental de la chaine principale. Elles sont séparées par une étroite vallée, dans laquelle se trouve la petite ville de Famatina (Villaargentina). Cette vallée n’a que cinq à six lieuesde long, et sa largeur se réduit quelquefois à 500 pieds, mais elleena en moyenne de9000 à 6000. La chainelatérale est formée de schistes métamor- phiques, etsetermine par quelques mamelonsisolés sous 29° A9’de lat. S. La montagne principale est dans sa région d’élévation maxi- mum formée par une masse granitique, à côté de laquelle apparais- * Le chiffre de Martin de Moussy de 6294 mètres (Conf. Arg. 1., 189) est fautif, Il faut lire 6024. 214 SOMMETS DE LA SIERRA FAMATINA. sent au jour sur de vastes étendues au nord etau sud des porphyres puissants. Ils constituent près du sommet principal, nommé Ne- vado Famatino, dont nous avons déjà indiqué laltitude, d’autres sommets qui s'élèvent jusqu’à 4500 mètres. Des roches stratifiées se montrent aux deux côtés de ces masses plutoniques, à l’est et à l’ouest. Celles de la pente orientale sont de purs sédiments qui appartiennent à la même période paléozoïque (peut-être cam- brienne ?) que les parois de la Quebrada de la Troya. Ses sommets ont des formes plus arrondies et s'élèvent à des hauteurs très- considérables. Le point le plus élevé, El Espino, atteint 4900 mè- tres. Ces sédiments cessent bientôt sous 29° 28’ en s’isolant en un prolongement qui part des pentes occidentales. Ces pentes sont formées de roches métamorphiques, qui forment de longues arêtes. Elles se superposent sur une épaisseur qui varie entre 2500 et 4300 mètres, -et retombent avec une douce inclinaïson et des collines détritiques vers la vallée du Rio Jagué. Au sud du 29° la Sierra Famatina s’abaisse rapidement, et se dirige plusau sud- est jusqu’au 31° de lat. S. comme montagne isolée avec de nom- breux chainons latéraux qui enserrent entre eux des vallées étroites. Sur toute cette étendue elle est composée uniquement de schistes métamorphiques qui conservent le même caractère que plus haut et ne s'élèvent pas à de très-grandes hauteurs. Les - pentes orientales sont déchirées etcontiennenttoujours dans leurs gorges de petits ruisseaux servant à arroser des surfaces cultivées ct accompagnés de nombreux établissements. C’est là que se trouve, sous 30° 30°, le célèbre Valle Fertil; sa grande ré- putation de fécondité est due seulement à ce que les plaines voi- sines à l’est sont de vrais déserts, dont le point le plus déprimé forme une saline déjà signalée (p. 180). Le Valle Fertil sépare entièrement la partie sud de la Sierra Famatina de son prolon- sement extrême, par une gorge qui traverse la chaîne en se diri- geant au sud-ouest. Cette coupure isole ce dernier prolongement qui a reçu le nom de Sierra de la Huerta. Elle a la même con- stitution que la Sierra Famatina ; mais elle doit quelque impor- tance à ce fait qu'à son extrémité sud, sous 31° 30°, dans le ANNEXES DE LA PARTIE NORD DES CORDILLÈRES. 215 district de Los Marayos, on trouve du terrain houiller avec quel- ques gisements exploitables, qui, étant uniques dans le pays, ont acquis une certaine renommée “ VI MONTAGNES ANNEXES DES CORDILLERES, Sous le nom de montagnes annexes je comprends les petites chaînes isolées, entièrement séparées des Cordillères, dirigées dans le même sens que celles-ci, et qui se dressent dans les plaines voisines en avant des pentes orientales des chaînes latérales. Nous les décrirons en peu de mots dans leur succession natu- türelle du nord au sud. Autant que nous pouvons le savoir, elles ont pour caractère général d’être formées de schistes métamor- phiques qui, en certains endroits, sur les points les plus élevés, laissent percer des masses de granit; mais elles ne possèdent que des arêtes interrompues. Au nord on rencontre d’abord, entre l’Aconquija et le plateau des Gordilleres, sous la latitude du Gerro de San-Francisco, une contrée montagneuse assez étendue du côté de l’est. Elle se pro- longe au nord jusqu’au plateau de la Bolivie, aux terrasses élevées duquel elle se rattache par le: désert de Despoblado ou plateau de Puna, région d’une haute altitude et d’une nature assez semblable à celle du désert d’Atacama. Dans la partie qui relève de la république Argentine, cette contrée montagneuse se divise au sud en plusieurs chaînes ou arêtes toutes dirigées parallèlement aux Cordillères, du nordau sud, et qui viennent se terminer par des ramifications plus étroites près de la tête de la vallée située entre l’Aconquija et la chaîne de Famatina, Au nord ces chaînes de montagnes sont assez larges, pressées les unes contre les autres, et coupées seulement par d’étroites vallées qui courent dans la même direction. Au milieu, à peu près sous le 26°, se dresse un sommet élevé, couvert de neiges éternelles. Il porte le nom d’El Cajon, se trouve situé très-près de la vallée AG LE CAJON ET LA SIERRA GULUMPAJA. du Rio Santa-Maria, et est avoisiné à l’ouest par la cuvette de la Laguna Blanca. La partie de ces montagnes située à l’est du Cajon, entre ce dernier et l’Aconquija, porte le nom de Nevada de Quilmes, de Sierra de Santa-Barbara, ou encore de Sierra de Santa-Maria, comme la rivière qui coule à ses pieds. Celle-ci, après s'être détournée au nord en contournant l'extrémité de la sierra et en se dirigeant vers le Rio Guachipas, vient se réunir à cette rivière en même temps que le Rio Calchaqui, dont le cours suit d’abord une direction parallèle. La montagne est. déserte, nue, et a été peu explorée jusqu'ici. Elle se prolonge au nord sur le flanc occidental de la vallée du Rio Calchaqui, où lon rencontre près d’elle le sommet élevé du Luricatao, et vase perdre dans la région élevée du désert de Despoblado (voy. note 43). Un second groupe de montagnes analogue situé à l’ouestde la Sierra de Santa-Maria prend le: nom de Sierra de Gulumpaja. Le Cajon dont nous venons de parler en fait partie. Ce groupe se continue très-nettement au sud-ouest jusqu’au 28° de lat. S. Il est divisé en plusieurs tronçons qui se succèdent par des gorges qui y pénètrent du sud-est, mais prennent bientôt leur direction au nord-est. On y trouve des vallées étroites avec de petits cours d’eau, et la culture y devient possible. Ces vallées, ainsi que celles du Rio de Santa-Maria, du Rio Calchaqui et du Rio Guachipas, constituaient le territoire des héroïques Calchaquis, qui résistè- rent si longtemps aux attaques des Espagnols, et ne firent leur soumission que tardivement, après des luttes séculaires. Le rameau oriental et supérieur de la chaîne que nous décri- vons, et à laquelle le Cajon se rattache plus au nord, porte le nom de Sierra de Chango Real. A l’ouest il limite le Campo del Are- nal, désert sans habitants, et vient se terminer près du village de Gualfin, jadis un des principaux centres des malheureux Calcha- quis. Au sud existe un second rameau semblable, mais plus court, et entièrement séparé de la chaîne principale par une gorge étroite. On le connaît sous le nom de Sierra de Belen. Il forme une arête étroite, longue de cinq à six lieues, à côté de laquelle, LA SIERRA DE BELEN JUSQU’AU CERRO NEGRO. 217 à l’est, existent encore deux petits chaînons, de forme analogue, mais plus courts. Placé en face de la ramification occidentale de l’Aconquija connue sous le nom d’Atajo, il sépare avec cette dernière le Campo del Arenal du second gradin inférieur de la plaine également déserte ici de la province de Catamarca. Les bords seuls, où des ruisseaux et de petites rivières descendent des montagnes, sont habitables et propres à la culture. A l’ouest de la Sierra de Belen s'étend la Sierra de los Grana- dillos. Au nord, la dépression où se trouve la Laguna Blanca la sépare de la Sierra de Gulumpaja, avec laquelle elle suit une direction semblable au sud-ouest. Elle se termine au sud près de Tinogasta et de San-José par trois ramifications séparées par trois gorges. Ges ramifications se succèdent sous forme de gra- dins, de façon que le plus oriental est le plus long, et le plus occidental le plus court. Le premier est le Gerro Negro, que j'ai visité dans mon voyage. Le Rio Colorado, qui descend du Copa- cavana et se forme des deux torrents qui coulent dans la Que- brada de la Troya et la Quebrada de Cuchuil, se replie autour de cette montagne et se dirige ensuite au nord-est. La Quebrada de Chilca sépare le Gerro Negro de la chaîne principale, de la même facon que la Sierra Belen en est séparée par une quebrada sem- blable. Le second gradin de la ramification terminale est à l’ouest près du Cerro Negro et se prolonge jusque dans le voisinage de Copacavana. On l’appelle Sierra de Zapata, et il est séparé au nord de la chaine principale par la quebrada du même nom, exactement comme le Gerro Negro par la Quebrada de Chilca. Le troisième gradin vient ensuite à l’ouest. Il se termine à San-José, ce qui lui a valu le nom de Sierra de San-José. Il forme, avec Pextrémité nord de la Sierra de Copacavana, le goulet déjà décrit (p. 184), par lequel s’insinue le Rio de Copacavana, lors- qu'après la réunion à Anillaco de ses deux branches supé- rieures il est devenu un cours d’eau assez abondant, Il suit la vallée jusqu’au Cerro Negro, le contourne et prend le nom de Rio Colorado. 218 LES SIERRAS DE COPACAVANA ET DE VELASCO. La petite et surtout très-étroite Sierra de Gopacavana, qui est placée en avant du système des Cordillères et en est séparée par une vallée peu large, mais librement ouverte partout et rec- tiligne, peut sans difficulté être considérée comme le prolon- gement sud de la Sierra de San-José. Elles se comportent l'une par rapport à l’autre comme le font les appendices isolés, ana- logues à presque toutes ces petites sierras voisines des Gordil- leres. Gette Sierra de Gopacavana est formée également, comme on le prouvera ailleurs, de schistes métamorphiques, et se dis- tingue ainsi nettement du système des Gordilleres, dont’la char- pente pétrographique est constituée par des sédiments argilo- sableux du groupe des grauwackes. La Sierra de Velasco, située plus au sud et isolée au milieu de la plaine, est à la Sierra Famatina dans le même rapport que les sierras enclavées entre l’Aconquija et les Cordillères décrites plus haut le sont à ces dernières. Elles sont toutes le produit d’eruptions plutoniques près des principales déchirures, véri- tables fentes ouvertes parallèlement, dont les bords en se soule- vant sont devenus des arêtes de montagnes. La Sierra de Ve- lasco est formée aussi de roches métamorphiques, dont plusieurs arêtes se succèdent de l’est à l’ouest en gradins parallèles. Ges gradins ont leurs têtes de stratification à l’est, et les couches plon- cent à l’ouest. J’ai déerit cette disposition pour la première fois, dans mon Voyage (t. Il, p. 236) comme le plus bel exemple d’un “soulèvement de montagne unilatéral. Les quatre arêtes, ou cinq au nord, qui constituent cette petite montagne en lignes parallèles, sont de longueurs inégales. La centrale est la plus longue, et j'ai visité son extrémité nord dans mon voyage. Leur élévation n’est pas la même, et chaque arête de l’est à l’ouest devient de plus en plus élevée. La première arête et la plus orientale, tout à fait isolée, a environ 1500 mètres d'altitude; la dernière et plus occidentale, 2000 mötres. Au milieu de leur longueur elles se fondent en un massif montagneux unique, que traverse un peu plus au sud un piton granitique de moyenne hauteur (2250 mètres). Le Rio Sauce sort des gorges septentrio- SIERRA DE LOS LLANOS. 219 nales, le Rio de la Rioja des gorges orientales qui coupent l’arête sous 29920. La ville du même nom se trouve au pied de la chaîne la plus orientale et sur le bord de cette rivière. En continuant de descendre au sud on rencontre un système analogue d’arêtes montagneuses parallèles qui composent la Sierra de los Llanos. Elles se comportent par rapport à la partie terminale de la Sierra Famatina, la Sierra de la Huerta, comme la Sierra Velasco le fait à sa partie supérieure. Les deux montagnes secon- daires diffèrent aussi de la même facon. La Sierra Velasco a ses arêtes pressées les unes contre les autres en un massif compacte, exactement comme la masse principale du Famatina avec son piton neigeux culminant du Nevado. La Sierra de los Llanos est étirée en long, ses arêtes sont étroites, découpées par des gorges et séparées en plusieurs chaines parallèles, entièrement dis- tinetes, tout à fait comme l’extrémité du Famatina. Au milieu, sous le 31° de lat. S., on distingue trois de ces chaînes. Les deux externes disparaissent ensuite de l’un et l’autre côté, et la médiane seule se maintient comme chaine principale découpée en tron- cons. Elle a à peu près deux degrés de latitude de long. Ses extré- mités atteignent l’une au nord le 30°, l’autre au sud le 32°, mais l'altitude demeure toujours peu élevée. Le plus grand nombre des points culminants restent au-dessous de 1000 mètres, et l’al- titude moyenne de la chaîne ne dépasse pas 800 mètres. Quelques points plus élevés de la chaîne principale arrivent à 1200 mètres. D'ailleurs on ne connaît encore avec certitude aucune cote de hauteur de toute cette montagne, enveloppée d’une contrée très- stérile et dont les Pampas à l’ouest renferment les deux salines méridionales décrites plus haut (p. 180). Les roches de la Sierra de los Llanos sont également métamorphiques. Enfin, il reste encore à mentionner une petite montagneisolée, qui surgit de la plaine en face de la Sierra de los Llanos, sur le côté occidental de la Sierra Famatina, entre elle et la dernière partie de la Cordillère antérieure qui sort du grand plateau paral- lèlement à la Sierra Famatina et comprend les sierras détachées de Vinchina, de Guandacol, de Mogna et de Villcun. Cette pelite 220 SIERRA DEL PIÉ DE PALO. montagne, de même que la Sierra Buruyaco (p. 224), est, con- stituée par une masse ovale de roches métamorphiques, longue d'environ dix lieues. En ses points les plus larges elle a environ quatre lieues; ses sommets les plus élevés atteignent 1300 à 1800 mètres, et son altitude moyenne est de 800 à 1000 mètres au-dessus de la mer. Telle est la Sierra del Pie de Palo, située à l’est de San-Juan sous 31° 15-40' lat. S., masse de roches en ovale allongé, sans végétation. Rétrécie au nord, elle s’élargit en s’arrondissant à son extrémité méridionale, et sa forme pitto- resque fait un joli décor pour le pays. J’avais auparavant rattaché cette sierra aux Cordillères antérieures, mais je me suis aperçu qu'elle ne leur appartient pas, parce qu’elle n’est pas constituée comme elles par de vrais sédiments, mais par des roches méta- morphiques. La Cordillère antérieure finit avec la Sierra Villi- cun, au Rio de San-Juan. Cependant elle se prolonge en réalité plus au sud, par des mamelons isolés de roches calcaires, et sa véritable extrémité se trouve dans les roches calcaires de Calera à Mendoza. VII SYSTÈME D’ACONQUIA. Ce système de montagnes ne fait plus partie des annexes immé- diates des Cordillères, car il forme un tout indépendant. Mais il court dans une direction parallèle, et on doitle considérer comme une expansion plus éloignée des mêmes phénomènes plutoniques qui ont soulevé des profondeurs le système des Cordillères avec ses annexes. Le tronc principal de l’Aconquija se trouve assez exactement sous 68° 20° ouest de Paris (66° ouest de Green- wich). Il forme un puissant massif montagneux, dirigé du nord au sud avec une légère inclinaison au sud-ouest. Sa longueur dépasse un peu un degré de latitude, et ses sommets les plus LE SYSTÈME D’ACONQUIJA. 221 élevés se dressent jusque dans la région des neiges éternelles. Le cöte occidental de cette montagne a une pente très-abrupte et tout escarpée ; aussi on y rencontre très-peu de vallées. Deux gorges étroites seulement sillonnsnt cette pente et conduisent par des ruisseaux insignifiants une faible quantité des vapeurs condensées en pluie sur les sommets. Au contraire, de longs éperons se détachent des pentes dirigées à l’est, et entre eux de longues vallées descendent à la plaine et y apportent la fécondité avec les eaux abondantes qui rouleni sur leur thalweg. Le tronc principal de l’Aconquija est assez rétréci à son milieu. Cependant les épe- rons et les vallées de sa pente orientale sont encore beaucoup plus larges que ceux de l’ouest. Mais aux deux extrémités la pente s’élargit par de larges saillies avancées et de longs prolon- gements qui lui donnent une si grande extension, qu’elle s'étend sur cinq degrés de latitude et constitue un système très-complexe de chainons, de vallées et de plateaux. Ce sont ces différentes parties que nous allons avoir à distinguer, mais en consacrant encore auparavant quelques lignes à la description du tronc prin- cipal. Sa charpente pétrographique est formée de roches métamor- phiques, sur les points les plus élevés desquelles font saillie des masses granitiques. Telle est du moins l'affirmation qui prétend que les sommets les plus élevés sont de granit. Ces sommets se ‘ trouvent assez exactement sous 27° 20° lat. S. et représen- tent de très-hautes dents aiguës, dont la médiane est la plus élevée et peut atteindre 16 000 pieds (5400 mètres). Il existe encore deux autres groupes de sommets aigus, dont l’un, le plus long, fait saillie avec six dents au milieu de la montagne, tandis que le second, situé à son extrémité nord, porte trois dents seule- ment. En janvier 1860, j'ai vu les deux groupes également cou- verts de neige dans toute leur étendue: J'en conclus qu'ils attei- gnent l’un et l’autre la zone des neig>s éternelles, bien que quelques personnes affirment qu’ils ne sont pas toujours revètus de neige. J’estime donc leur hauteur à 15000 pieds (4980 mètres), car la ligne des neiges permanentes ne descend pas au-dessous 222 ANNEXES SEPTENTRIONALES DE L’ACONQUIJA. de 13800 pieds (4500 mètres). Il est bien certain que des masses de glace permanentes existent au-dessous de cette hauteur, car pendant mon séjour à Tucuman on y apportait, même à l’époque la plus chaude de l'été, des chargements complets de glace com- pacte et claire qui venait du sommet de l’Aconquija. Sa nature claire, limpide et parfaitement homogène ne permettait pas de la considérer comme de la glace de glacier. J’appris en effet qu'on la tirait d’un lac situé au pied et à l’est du sommet méridional. C’étaient de gros cubes, de plus de deux pieds de diamètre, coupés très-régulièrement, probablement à l’aide de scies. On les apportait à Tucuman d’une distance de vingt lieues, Te dans de la paille. | À ce massif principal se rattache au nord une suite de saillies avancées et de chaines secondaires dirigées toutes dans une même direction du nord-est au sud-ouest. Elles s’ecartent par consé- quent un peu à l’est de la direction du tronc principal. Leur en- semble constitue un système étendu de chaines moins éle- vées, qui n'atteignent pas la région des neiges éternelles et dépassent 9000 pieds (à peu près 3000 mètres) seule- ment sur quelques points culminants. Considérées dans leur ensemble, ces chaînes de montagnes se divisent en deux parties, une orientale et une occidentale, séparées l’une de l’autre par la vallée du Rio Tala, sur lequel se trouve Tucuman. La dernière, de beaucoup la plus étendue, se développe sur deux degrés de latitude (du 25° au 27°), tandis que la première est confinée sur moins d'un degré (de 25° 50" à 26° 48). Nous étudierons d’abord la partie occidentale de ce groupe montagneux. Son noyau est constitué par une série de petites arêtes dirigées au nord-est et coupées par des gorges. Elles s'étendent jusqu'au côté sud-est de la vallée du Rio Guachipas, et se terminent au point où la rivière passe du nord-est à l’est et plus loin au sud- est. La première partie de cette chaîne appartient encoré”à la province de Tucuman, et à cause de cela porte le nom de Sierra de la Frontera, parce qu’elle sert de limite entre cette province MONTAGNES VOISINES DE TUCUMAN. 223 et celle de Salta; je ne connais pas même de nom les sections sui- vantes ; je puis Seulement dire que la dernière, autour de laquelle le Rio Guachipas se replie à l’est, porte le nom de Sierra Cachari, et que les tronçons vont en s’abaissant graduellement jusqu’à ce dernier. Tous ont un côté escarpé au nord-ouest, non sillonné de gorges profondes. Le côté à inclinaison douce, coupé par de larges vallées, est tourné au sud-est. Il est revêtu d’un tapis dé verdure jusqu’au faite et d’une végétation arborescente au pied des pentes. Le sol au-dessous de la couche en décomposition laisse apercevoir des roches métamorphiques. Une contrée élevée en terrasse se rattache au sud à cette chaîne d’arêtes découpées plus ou moins isolées. Ce plateau se compose de cinq arêtes placées les unes derrière les autres et aug- mentant graduellement d'altitude. Elles courent toutes parallèle- ment à la chaîne et composent le massif montagneux que l’on a coutume d'appeler la Sierra de Tucuman. Je l'ai décrite avec détail dans Petermann’s geogr. Mitth, 1868, p. 44 et seq., comme saillie avancée de l’Aconquija, et j’y renvoie le lecteur sans rentrer ici dans les détails. D’après mes observations, la première chaine a 3362 pieds de haut (presque 1100 mètres) et la suivante croit assez peu en hauteur. L’altitude de la troisième chaîne est estimée à 1800 mètres, celle de la quatrième à 2300 mètres, et celle de la cinquième, la plus large et la plus élevée, à 2700 m&- tres. Cette dernière est composée de schistes métamorphiques comme la chaine du bord du système au nord-ouest et le tronc d’Aconquija. Les quatre autres sont de véritables sédiments ar- gilo-sableux, abondamment mélangés avec des paillettes de mica. On pourrait les rapporter au groupe des grauwackes. Elles descendent au sud jusqu’à l'extrémité de l’Aconquija et s'arrêtent dans la plaine au voisinage du 27° degré de lat. S. La chaîne antérieure estun peu plus courte que celle en arrière, et séparée par d’etroites vallées dans lesquelles descendent de petites ri- vieres abondantes en eau qui, avec celles qui descendent du sommet neigeux de l’Aconquija, constituent le système du Rio Dulce, 224 LA SIERRA DE BURUYACO. Une haute vallée reste libre entre la cinquième chaîne et la sixième. Elle est célèbre dans le pays sous le nom de Tafi. Une fraiche verdure la tapisse, ainsi que toutes les chaînes avoisi- nantes, et elle constitue un magnifique territoire de pâturages, sur léquel l’industrie de l'élevage s’est développée. On estime son élévation au-dessus du niveau de la mer à 5500 pieds (1800 mè- tres). Elle est bordée par des sommets élevés en forme de dömes, en partie nus et entre lesquels il n’existe qu’une issue libre. Celle-ci passe bientôt dans la gorge très-étroite du Rio Tafi, ce qui isole le tronc principal de l’Aconquija de ces montagnes si- tuées en avant. Il reste encore à parler du groupe isolé d’annexes avancées de l’Aconquija, qui se dresse dans la plaine à l’est du Rio Tala et est connu sous le nom de Sierra de Buruyaco ou del Campo. Nous avons déjà indiqué sa position. Elle forme un groupe longitudinal elliptique deroches métamorphiques, divisé en dömes ou petits groupes plus ou moins isolés, qui, du reste, constituent un tout continu. Ses pentes nues descendent de tous les côtés dans la plaine, sans aucune vallée fertile et riche en eau ; il n’en sort que de misérables ruisseaux situés au bord de la plaine et qui se des- sèchent après un cours de peu de durée. Nous citerons iei l’Ar- royo Urueña, qui forme la limite de la province de Salta. Les autres prennent les noms des localités voisines el sont sans im- portance. Ces ruisseaux descendent tous à l’est; à l’ouest les pentes sont escarpées et sans ruisseaux. On ne rencontre donc de surfaces en culture qu’au pied oriental de cette petite montagne, et les localités florissantes y sont assez nombreuses. Le centre stérile, qui ne renferme aucun pacage, est complétement inhabité. Il forme une contrée alpestre déserte, surmontée de plusieurs groupes de saillies élevées, dont une partie a reçu des noms par- ticuliers. Le groupe le plus élevé est le Cerro de Gandelarıa au nord, dont l'élévation peut atteindre 1500 mètres. Plus au sud on rencontre les dömes fameux d’Infernillo, à l’est les deux sommets du Gerro Negro et du Gerro del Campo “. Nous venons de voir comment ces annexes avancées de l’Acon- SIERRAS VOISINES DU CAMPO DE PUCARA. 225 yuija se rattachent à l'extrémité nord de son principal massif; la disposition est tout autre pour les trois longues chaines reliées à son extrémité sud, et que nous devons encore considérer comme ses ramifications. Elles sortent d’un même plateau situé sur le bord méridional de l’Aconquija, et qui a un caractère analogue à celui de la vallée de Tafı. On l'appelle Campo de Pucarä, d’après d'anciennes fortifications encore visibles qui datent de l’époque des Incas, avant la conquête des Espagnols. Le sol est couvert d’un tapis de graminées constituant de bons pacages, dont la forma- tion provient de la décomposition des roches avoisinantes. L’in- dustrie du bétail s’y est développée. Deux des principales annexes de l’Aconquija sortent du Campo de Pucarä. D'abord elles lui formentune bordure élevée à l’est et à l’ouest, s’en détachent ensuite et projettent deux autres petites chaînes secontlaires, entre elles, dans la vallée, qui va s’élargissant _ graduellement. Quatre chaînes de montagnes sortent ainsi du bord méridional du Campo de Pucarä: La chaîne orientale est à la fois la plus longue et la plus large. La profonde et étroite Quebrada de las Cañas la sépare des der- niers éperons de l’Aconquija. D’autres gorges latérales et pro- fondes la fractionnent d’abord à l’est, du côté de la plaine, en plu- sieurs branches. Le premier rameau, en s’éloignant de l’Acon- quija, prend le nom de Cuesta de las Cañas et constitue le véri- table bord oriental du Campo de Pucarä. En face, à l’ouest, for- mant aussi le bord du même campo, se trouve la Cuesta de Chilea, véritable origine de la ramification occidentale de l’Aconquija, qui en est séparé par la quebrada du même nom. À la suite et au sud de la Cuesta de las Cañas vient la Sierra de Narvaez, et en arrière de celle-ci, à l’est, la Sierra de Escoba, deux rameaux parallèles qui se détachent de l’aröte en se diri- geant au sud, et sont accompagnés à l’est de quelques autres ra- mifications moins élevées qui courent dans la plaine. A la Sierra de Narvaez correspond sur le côté occidental du Campo de Pucarä la Sierra de Moya, section analogue, séparée par. des gorges de la ramification occidentale de l’Aconquija, REP, ARG. — 1], 15 226 LA SIERRA DE ALTO. de même que la Sierra Narvaez l’est de la ramification orien- tale. | Au sud de ces deux sierras, le Campo de Pucarä envoie deux rameaux latéraux qui le ferment au sud et ne laissent entre eux qu’un passage étroit. Le rameau oriental prend le nom de Sierra de Singuil, lerameau occidental celui de Guesta de Guanomil. A la sortie de la gorge comprise entre ces deux sierras et à l'entrée d’une seconde plaine, on rencontre plusieurs localités que leur climat, analogue à celui de l’Europe moyenne, rend très-propres à l'agri- culture et qui sont réputées à ce titre dans le pays. Le village de Singuil, riche en prairies, est le plus grand de ces Stabile. ments. Les deux chaînes de montagnes qui bordent la vallée de Cata- marca partent de cet endroit. Elles courent en divergeant un peu entre elles. Celle de l’est est dirigée à peu près exactement du nord au sud ; celle de l’ouest plus du nord-nord-est au sud-sud- ouest. L’une et l’autre se terminent dans la plaine, et la large ouverture de la vallée vient déboucher dans la grande saline que nous avons décrite plus haut. La chaîne orientale commence au sud de la Sierra de Escoba, et en est séparée par un ravin dans lequel le Rio Marapa descend de la montagne. Elle prend ici le nom de Sierra de Alto, et forme d’abord une arête large qui va en se rétrécissant graduellement au sud. Sa crête est bombée et tronquée et ses flancs sont escarpés à l’ouest, doucement inclinés à lest. Formée-de schistes méta- morphiques, elle possède entièrement les caractères des autres chaînes analogues, la Sierra Velasco, par exemple. Le versant oc- cidental escarpé est presque sans eau, désert et nu, presque sans ravins, et revêtu de broussailles seulement tout en haut et sans aucune vegetation au-dessous. Le versant oriental a des pentes douces, tapissées d’herbes. Ges pentes sont entrecoupées de nom- breuses petites vall&es transversales, dans lesquelles murmurent des ruisseaux qui entretiennent une végétation plus riche avec quelques arbres. À son extrémité nord cette chaîne envoie deux vigoureux rameaux à l’ouest. Ils courent assez parallelement avec LES SIERRAS DE ANCASTE ET DE AMBATO. 227 elle au sud-sud-ouest et pénètrent dans la vallée de Catamarca. L’un et l’autre entretiennent dans leur vallée un abondant cours d’eau et possèdent une bonne végétation. Le rameau supérieur, le plus au nord, porte le nom de Sierra San-Antonio; l’inférieur et plus méridional, celui de Sierra de Paclin. De ce rameau surgit un sommet élevé connu sous le nom de Cumbre de Gracian. Je n'ai pu me procurer aucun renseignement sur son alti- tude; mais il ne doit guère dépasser 2000 mètres, car le faite du chainon ne s’élève nulle part au-dessus de 1200 à 1500 mètres. La Sierra de Alto ne conserve pas ce nom jusqu’à son autre extrémité. La dernière partie, moins élevée et beaucoup plus étroite, se nomme Sierra de Ancaste. Ces deux denomina- tions sont empruntées à la localité principale située sur leurs flancs. Il n'existe aucune distinction marquée soit par un change- ment de direction, soit par des gorges profondes. L'ensemble de la chaîne constitue une montagne continue. De petits sommets se détachent dans la chaîne orientale et reçoivent des noms par- ticuliers. Un de ces sommets, qui en réalité constitue une arête particu- liere et peu longue, porte le nom de Sierra Guazayan. Elle se dresse dans la plaine à l’est de la Sierra del Alto, dont elle est entièrement séparée et avec laquelle elle court parallèlement du nord au sud. Deux petites arêtes de roches métamerphiques la constituent avec une longueur d’environ cinq à six lieues, et leur position est assez exactement au milieu entre le village de Cañas et la ville de Santiago del Estero, sous le 28° degré de lat. S., un peu plus rapprochée de la Sierra del Alto que du Rio Dulce. Elle se rattache à cette sierra comme fissure accessoire de la grande fente principale. Des deux ramifications méridionales de l’Aconquija, celle qui est située à l’ouest est un prolongement immédiat de la Sierra de Chilca et de Guanomil, et elle a reçu le nom de Sierra de Ambato. Elle se dirige d’abord au sud parallèlement à la Sierra de Alto, mais s’infléchit à l’ouest dans la région de Catamarca, et à partir de là suit une direction sud-ouest. Son nom lui vient d’un sommet 228 LES SIERRAS DE SAN-LORENZO ET DE MAZAN. assez élevé près de Catamarca, Il Ambato. Il en existe un second plus au nord, le Manchado ; mais aucun d’eux ne s’élève jusqu’à la région des neiges. On peut estimer leur hauteur à. 2500 ou 3000 mètres, car ils se dressent beaucoup au-dessus de la crête de la montagne, assez haute en cet endroit. Le versant öceidental de la Sierra de Ambato est roide et escarpé, le versant oriental doucement incliné, mais sans avoir de ce côté des contre-forts aussi larges que ceux de la Sierra de Alto. Au nordelle envoie des rameaux semblables, mais dirigés à l’est, à l’opposite de ceux que la Sierra de Alto envoie à l’ouest. Ges rameaux pénètrent jusque vers le milieu de la vallée de Catamarca et.la: rétrécissent telle- ment au nord, qu’il ne reste plus qu’un goulet étroit de libre pour le passage de la rivière. La Sierra de Lorenzo est un des plus longs de ces rameaux latéraux, et elle se trouve dans le voisinage immédiat de Catamarca. Plus au sud la-montagne se rétrécit promptement, envoie d’abord une petite branche à l’est, etse frag- mente ensuite en plusieurs petits chaînons séparés par des gorges profondes. Ces chainons continuent la direction au sud-ouest _et passent à la fin à l’ouest-sud-ouest. Dans mon voyage J'ai visité une de ces quebradas profondément encaissées, l’Abra de la Cebila. Elle ne contient qu’un petit ruisseau sur,un faible parcours, mais a une végétation encore assez vigoureuse,. avec de grands cactus candélabres. Cette plante singulière. décore toute la contrée à l’ouest de la Sierra de Alto, tandis qu’à l’est et à côté de Tucuman dominent des essences au feuillage vert et le magnifique laurier- arbre. Enfin une petite. chatne latérale entièrement isolée se rattache encore à la Sierra Ambato, au même titre que la Sierra Guazayan à la Sierra de Alto. Il s’agit de la petit Sierra de Mazan, qui surgit dans la plaine à l’ouest d’Ambato et forme une arête étroite de roches métamorphiques longue de quelques lieues. Elle estégale- ment coupée par de larges gorges, etse trouve située assez exacte- mentau milieu entre la Sierra Ambato et la Sierra Velasco. Dirigée dans le même sens que ces deux dernières, elle répond à une fis- sure secondaire du sol primitif, comme les deux sierras corres- LA SIERRA ATAJO ET LA CUESTA DE NEGRILLA. 229 pondent à des fentes principales. Un bombement peu élevé de roches plutoniques situé au nord de cette petite sierra, et que j'aitouché dans mon itinéraire, témoigne de la puissante activité des forces souterraines dans cette contrée. Il reste encore à parler de la troisième ramification de l’Acon- quija, qui est dirigée non plus au sud, comme les deux précé- dentes, mais à l’ouest. C’est comme telle que nous considérerons PAtajo ou la sierra du même nom, qui sort du flanc ouest de P’Aconquija et se dirige à l’ouestà travers la plaine, où il rencontre la Sierra de Belen, mais sans s’unir avec elle. Cette chaîne de V'Atajo est restée longtemps entièrement inconnue et manquait sur toutes les cartes. Je l’ai dessinée pour la première fois, d’après les indications de M. Schickendantz, sur ma carte dans les Peter- mann’s geogr. Mittheil., 1860, pl. A, et je puis lacompléter par quelques nouveaux renseignements *. L’Atajo consiste en plu- sieurs arêtes granitiques, parallèles entre elles, dirigées de l’est à l’ouest et isolées des deux côtés par des gorges profondes. Mais elles conservent entre elles, au centre de la chaîne, une aröte commune par laquelle elles demeurent reliées immédiatement avec le dernier contre-fort du bord sud-ouest de l’Aconquija. La première arête transversale, quisort directement de l’Aconquija, est celle de Ghoga (ou Joga). Elle est assez large, mais peu longue, et séparée par la quebrada du même nom de larête suivante. Celle-ci prend le nom de Cuesta de Negrilla, est plus étroite, mais aussi plus longue et plus escarpée que la précédente, et se pro- Jonge jusqu’à la Quebrada de Yacuchaga, qui pénètre profondé- ment dans l’Atajo et remonte jusqu’à son faite. La route de Puerte de Andalgala aux mines de Las Capillitas, situées sur le flanc nord de l’Atajo, franchit la crête de la Negrilla. Après cette der- nière vient une troisième arête très-longue et très-élevée que l’on doit considérer comme le tronc principal de l’Atajo et comme son centre. Elle est accompagnée, sur son versant nord-ouest, de plu- sieurs éperons peu élevés qui déterminent un élargissement con- sidérable de la montagne dans cette direction. Mais dans la direc- tion sud-ouest opposée, elle se développe en une longue chaîne 230 EXTRÉMITÉ DE LA SIERRA ATAJO, _ étroite, prolongée jusqu’aux petites chaînes latérales de la Sierra de Belen, où elle se termine par une pointe très-avancée au sud et connue sous le nom de Punta. Le versant sud de l’Atajo est rendu propre à la culture par l’existence de petits ruisseaux qui coulent au sud dans les quebradas encaissées entre ses arêtes, mais dont les eaux tarissent bientôt dans la plaine. Sur le versant nord au- cune eau ne descend de cette montagne, et ce côté est absolument dénué de culture. Les mines de Las Capillitas seules forment une pelite oasis habitée dans le désert du Campo del Arenal. Toutes les arêtes qui appartiennent à l’Atajo sont des mon- tagnes désertes, nues et ne montrant de végétation que sur leurs pentes les plus basses quand il s’y trouve un cours d’eau. Sur les montagnes mêmes on ne voit pousser que des cactus et quelques plantes naines qui s’enracinent dans les joints des pierres et em- pruntent à l'atmosphère l'humidité dont elles ont besoin pour vivre. VIII MONTAGNES DE LA FRONTIÈRE SEPTENTRIONALE, La frontière nord-ouest de la république Argentine est formée par une région montagneuse qui n’a été. explorée par aucun voyageur moderne, et qui par conséquent doit être considérée au point de vue scientifique comme une terra incognita. Ge que nous en dirons ici repose sur d’anciens renseignements et sur les inductions que l’on peut tirer de la structure des regions avoisi- nantes. Il ne faudra pas y chercher les garanties d’une descrip- tion basée sur l'observation. Je les donnerai pour ce qu’elles va- lent, en m’appuyant sur des communications orales d'habitants de cette contrée, mais sans répondre de leur exactitude. On peut assurer avec confiance que la direction des chaînes de cette contrée est dans ses traits généraux du nord-est au nord- LE PLATEAU DE DESPOBLADO. 231 ouest, ou en d’autres termes, court parallèlement au plateau de la Bolivie. Les grandes rivières de cette contrée obéissent aussi à la même direction: par exemple, le Rio Guachipas ou partie supérieure du Rio Salado, entre le 60° etle 66° de longit. ouest de Greenwich et le 25° et 26° de latit. S., etle Rio Grande de Jujuy, principale branche occidentale du Rio Vermejo. Ils suivent tous deux la même direction, qui leur est imprimée par des chaînes de montagnes placées de la même façon devant eux au sud : le Rio Guachipas par les ramifications septentrionales de l’'Aconquija, et * le Rio Grande de Jujuy par la Sierra de Lumbrera. Cette dernière ferme le Gran Chaco au nord sur son côté ouest. Ges deux chaines de montagnes limitent ausudle plateau de Bolivie, dont elles sont les dernières chaines parallèles. Entre le plateau de Bolivie, dont la limite s'étend en diagonale du 18°au 20° de lat. S. avec une direction régulière, et ces mon- ‚tagnes, existe une région montagneuse, en général d’une altitude peu élevée, mais atteignant parfois à une assez grande hauteur. Sa masse principale suit plus ou moins exactement la direction indiquée du nord-est au sud-ouest, etest pourvue de larges con- tre-forts dirigés du nord-ouest au sud-est. Ces derniers s'élèvent en terrasses jusqu’à ce que ceux de l’ouest aillent se perdre dans le plateau désert de Despoblado (La Puna de Jujuy), élevé de : 3800 mètres, tandis que ceux de l’est retombent avec des pentes boisées vers la plaine du Gran Chaco, et sont séparés les uns des autres par des vallées semblables. Ces contrées, situées au nord du 22° de lat. S., n’appartiennent plus à la république Argentine, et-doïvent par conséquent rester en dehors de notre plan. Con- tentons-nous de dire que les sources des deux plus grands affluents du Rio Paraguay se trouvent entre ces contre-forts et ces arêtes, et que le Rio Pilcomayo, situé le plus au nord, sort des _ vallées au nord de la région du Despoblado que domine le haut Cerro Chorolque, et que le Rio Vermejo tire ses eaux des vallées au sud. La région des sources de ce dernier est en grande partie sur le sol argentin, celle du premier appartient en totalité à la Bolivie. Le Rio Sococha et le Rio Suipacha qui, réunis, forment le 232 PARALLÉLISME DE SES VALLÉES. _ Rio de San-Juan, se comportent par rapport au Rio Pilcomayo, presque exactement comme le Rio Grande de Jujuyau RioVermejo. Descendant des pentes nord-ouest du Despoblado, ils sont les sources les plus méridionales du Rio Pilcomayo, de même que le Rio Grande pour le Rio Vermejo, avec cette différence que le der- nier des>end du versant sud-est du Despoblado et coule paralle- lement avec lui au nord-est. | Nous ne pouvons décrire en détail chacune de ces chaînes de montagnes, vu la pénurie des renseignements. Je dirai done seu lement que le centre de tout ce district de montagnes, le plateau de Despoblado ou de Puna, est inhabité, ainsi que l'indique déjà son nom. Sonaltitudeest placée entre 3500 à 3800 mètres, etses bords retombent à pic du côté des rivières dont nous venons de parler. On estime la hauteur absolue de la ligne de frontière connue sous le nom de la Abra de las Cortaderas, et située au bord de ce plateau de Puna au pied duquel commence la républi- que Argentine, à 3920 mètres, et à 1230 mètres celle de la ville de Jujuy, située en bas dans la vallée de la rivière du même nom dont la source est près du passage. A partir de ce point jusqu’à l'entrée dans la plaine, entre les deux sierras de Cachari et de Lumbrera, le niveau s’abaisse jusqu’à 728 mètres et se rapproche ainsi du niveau de l’extrémité de la grande plaine argentine, au pied des dernières montagnes annexes du plateau de Bolivie dans cette contrée. À l’ést la déclivité n’est pas aussi bien connue ; mais il est probable qu’elle doit encore être un peu plus basse, car toute la plaine est fortement inclinée dans ce sens. A l’ouest le pla- teau de Puna se prolonge jusqu’au.désert d’Atacama, avec lequel il se continue sans interruption. J. J. Tschudi a donné une courte description de cette contrée dans son voyage de Cordova à Cobija®. Il est important d'appeler l'attention sur le parallélisme des vallées dans cette région. La partie haute du Rio Guachipas, formée par le Rio Calchaqui, coule tout à fait de même que la partie haute du Rio Grande de Jujuy, c’est-à-dire assez exacte- ment du nord au sud, dans une vallée étroite presque stérile qui a son point d’origine au bord du Despoblado ou plateau de Puna. LE RIO GUACHIPAS ET LE RIO GRANDE DE JUJUY. 233 La passe par laquelle on franchit le plateau porte aussi le nom de la Abra de la Cortadera. Au point où les deux vallées se termi- nent, elles débouchent dans la large vallée principale dirigée du nord-estau sud-ouest, et qui est située entre les dernières monta- gnes en avant du plateau de Bolivie. La rivière qui y coule suit aussi la même direction. Le Rio Guachipas traverse enfin ces chaînes de montagnes avancées, et pénètre dans la plaine sous le nom de Rio Juramento ou Salado; le Rio Grande de Jujuy coule à son pied nord-ouest et rejoint le Rio Vermejo au sud d'Oran, presque sous le 23° delat. S. Ces deux rivières sont les deux plus grands cours d’eau de la région dans la partie qui relève de la république Argentine. Elles tracent la direction principale des vallées et des ravins de ce vaste district alpestre. Tous leurs tri- butaires coulent du nord-nord-ouest au sud-sud-est, par consé- quent assez dans la direction de la partie supérieure des deux grands cours d’eau. Leur direction détermine aussi celle des val- lées latérales et des ravins étroits qui sillonnent ce pays de mon- tagnes. Les chaînes intermédiaires sont de grands contre-forts, le plus souvent entièrement déserts et inhabités, qui descendent du massif central encore plus stérile, le plateau de Puna, et se ter- minent souvent du côté de la plaine par de petits ressauls isolés, ou chaînons détachés. Lorsque les contre-forts du plateau sont très-larges, comme au nord-ouest du Rio Guachipas, ils consti- tuent aussi des plaines hautes et prennent quelquefois des noms particuliers. A l’est, dans les environs de la ville de Salta, où se trouve l’arête qui fait la séparation des eaux entre le Rio Guachi- pas et le Rio Grande de Jujuy, ils deviennent plus étroits, et se décomposent en une série de petites crêtes parallèles qui suivent la direction du nord-est au sud-ouest et rendent si difficile l’accès de la vallée de Salta“. On connaît très-peules contre-forts et gor- ges situés encore plus au nord-est, et desquels la source nord du Rio Vermejo tire son eau. Ils appartiennent en partie à la Bolivie, comme la contrée de Tarija, située sur la source la plus septen- trionale du Rio Vermejo. Nous savons seulement que ces contre- forts forment des arêtes un peu plus étroites, revêtues sur leurs 234 LA SIERRA DE CORDOVA. flancs et leurs pieds de belles forêts qui distinguent si bien la région de l’est de celle de l’ouest et lui donnent une si grande supériorité. La culture y est cependant encore très en retard et la population clair-semée, à cause de l’éloignement des grandes voies de communication. La ville d'Oran sur le Rio Vermejo, à peu pres sous le 23° de lat. S., forme le centre de la-colonisation européenne dans ce pays; mais elle a été récemment presquetto- talement detruite par un tremblement de terre suivi d’une inon- dation. IX SYSTEME OROGRAPHIQUE CENTRAL. Au milieu des plaines argentines se dresse un systeme de pe- tites montägnes dirigées du nord au sud, comme les ramifica- tions méridionales de l’Aconquija. Elles sont aussi sous le même méridèen, et comme leur constitution pétrographique est encore identique, on peut sans effort les considérer comme leur prolon- gement et comme une nouvelle éruption un peu écartée des mêmes forces plutoniques. j On réunit ce système de montagnes sous le nom de Sierra de Cordova. Il n’est pas formé d’une chaîne unique, mais de plu- sieurs, et se subdivise, à la manière des sierras analogues décrites auparavant, en chaînes parallèles et annexes, qui ont reçu des noms différents et dont nous allons faire connaître les caractères. Le groupe principal de ce système est à l’ouest près de la ville de Cordova, et j’en ai exploré une moitié et étudié de. loin l’autre moitié. — Le niveau des Pampas se relève doucement à l’ouest jusqu’auprès de Cordova. Il atteint à Rozario 1125 pieds et à Cordova même, d’après mes propres mesures, une altitude de 447,8 mètres au-dessus du niveau de la mer”. La pampa envi- ronnante est de 50 pieds plus haute, car la ville est dans une SIERRA DEL CAMPO. 235 cuvette de la vallée entourée de pentes élevées (barrancas). Dans cetie région la sierra est composée de trois chaînes parallèles, dirigées presque exactement du nord au sud, mais de longueur et de largeur très-différentes“. La première chaîne orientale, que j'ai traversée, est assez étroite, large d'environ deux à trois lieues, plus courte au sud que la seconde ; mais elle se prolonge au nord avec plusieurs ap- pendices beaucoup plus loin. Elle porte le nom de Sierra del Campo, a une faible hauteur, en moyenne de 1000 mètres, et ne surpasse cette élévation que sur quelques points isolés; au sud elle s’abaisse encore plus, jusqu’à ce qu’elle s’efface compléte- ment dans la région de Tagua. Comme les autres sierras décrites auparavant, elle a à l’est un versant à pentes douces et allongées, et un versant escarpé à l’ouest. Dans les vallées plates elle est revêtue de jolis bois, mais les hauteurs sont découvertes, non pas avec la roche à nu, mais avec un tapis de gazon, percé seulement çà et là par les angles durs des rochers. Cette Sierra del Campo est coupée en trois endroits jusqu’à la base par des rivières qui descendent des pentes de la seconde sierra : la première fois et le plus au nord à San-Roque, près de Cordova, par le Rio Primero ; la seconde fois àAnisacate par le Rio Segundo, et la troisième fois à Salto par le Rio Tercero. La Sierra del Campo est donc divisée : en quatre sections, dont les deux plus méridionales portent des noms différents. Le dernier tronçon, de peu de longueur et. de peu de hauteur, s’appelle la Sierra de los Condores et s'élève à environ 600 mètres; la précédente, un peu plus longue, mais à peine plus élevée, la Sierra Chica. Les hauteurs les plus grandes se trouvent dans la partie la plus septentrionale, qui est aussi la plus longue. Sur le côté de cette première section se dressent des monticules peu élevés, isolés, se prolongeant loin au nord, qui étendent la chaîne orientale jusqu’au delà du 30° de lat. S. Ils sont composés de hauteurs tantôt nues, tantôt, comme à San- Pedro et Indiguasi, revötues de jolies forêts de palmiers, qui surgissant ainsi au milieu des Pampas stériles causent une sur- prise charmante au voyageur. Entye ces collines existent des bas- 236 SIERRA DE ACHALA. fonds avec des bois d’arbrisseaux et même desravins assez étroits, que l’on doit d'autant plus remarquer qu’ils apparaissent peu souvent dans la région (voy. Reise, t. IL., page 97 et suiv.). La chaîne du milieu porte le nom de Sierra de Achala. Elle est beaucoup plus large et plus élevée que la précédente, car son faite oscille entre 1800 et 2000 mètres et atteint 2200 mètres sur - quelques dents culminantes comme le Gigante de Achala. Ses ca- ractères généraux sont les mêmes : à l’est, elle s'incline douce- ment sur de longues pentes, et tombe à pic à l’ouest; mais la vallée située de ce côté entre elle et la troisième chaîne est beau- coup plus élevée, ce qui la fait paraître moinshaute qu’elle nel’est. A San-Antonio, où j'ai séjourné quelque temps, j'ai trouvé le niveau de la vallée entre la première chaîne et la seconde à 995 mètres, et plus au nord, à Quimbaletes, presque à son extré- mité, à 854 mètres. La vallée, au contraire, entre la seconde et la troisième chaîne, est en moyenne à 840 et jusqu’à 950 mètres, bien que son fond soit plus large que celui de là précédente. Il faut du reste rappeler que les caractères de la seconde chaîne différent un peu, que son sommet dentelé de granit se dresse dénudé au-dessus des prairies suspendues à ses flancs, et que les forêts existent seulement dans les parties inférieures des val- lées. Celles-ci manquent presque complétement sur le côté occi- dental; la seule exception est le ravin de la Mina Clavero près du village d’Achala, et dans lequel se trouvent des sources thermales utilisées pour les bains. — Le fond de la vallée est surtout carac- térisé par ses belles forêts de palmiers, qui croissent près des deux rivières dont l’une, le Rio de San-Carlos, sortau nord dela vallée, la seconde, le Rio de San-Pedro, au sud. Mais elles tarissent promptement toutes les deux après un cours de peu de durée à l’ouest dans la plaine, qui est occupée par les prolongements dela grande saline centrale. La Sierra Achala ne s’étend au nord guère au delà du 31° de lat. S. et se termine dans le voisinage de la grande saline, au village de Cruz del Eje. Au sud elle se prolonge plus loin que la première chaîne et se termine près de la petite ville d’Achiras, sous 33° 4 lat. S., où je l’ai étudiée. Elle LA SIERRA DE SERREZUELA. 237 devient alors plus basse et plus étroite; elle a en effet cinq à six lieues de large dans sa partie principale et seulement deux lieues ici. Comme la précédente, elle se termine en se confondant avec le sol par des pentes douces. La roche dans cette partie est de la syenite, celle de la terminaison nord du granit, caractérisé par du mica en grands amas. Le massif principal des deux chaînes est composé de roches métamorphiques, qui, dans la première chaîne, renferment en plusieurs endroits du calcaire granuleux ou du marbre. | La troisième chaîne, à l’ouest de la précédente, nommée la Serrezuela, est beaueoup plus étroite et plus courte que la se- conde, mais cependant quelquefois plus large que la premiere. Au nord elle s'étend aussi loin que la seconde, mais se termine bien avant elle au sud et ne dépasse pas 31° 50° lat. S. Elle est formée également deroches métamorphiques, dont les couches s’inclinent assez à pic à l’ouest. Mais son aspect est tout autre à cause de la forme en plateau de son sommet, constitué par la tranche déchirée et dénudée des strates, à travers lesquelles ont jailli des roches trachytiques, qui, sous forme de cônes, s'élèvent jusqu’à 1610 mètres sur cette base”. Ces trois chaînes ne constituent pas à elles seules tout le sys- tème orographique central. Il s’y rattache plusieurs groupes de montagnes situées plus ou moins loin dans la plaine, que l’on doit considérer comme ses appendices ou ses prolongements, et que nous Signalerons brièvement. Ge sont les saillies à l’ouest de la Sierra de Cordova, dans le sud, connues sous les noms du Morro et de Sierra de San-Luis. Un massif de roches granitiques ou métamorphiques se dresse dans le voisinage d’Achiras, mais sur le côté occidental de l’ex- trémité de la Sierra Achala. Ces roches sont groupéés sur deux lignes voisines qui ont reçu les noms de Sierra del Portezuelo et de Morro de San-José. L’un et l’autre se rattachent aisément à la troisième chaine occidentale de la Sierra de Cordova, et peuvent être considérés comme de nouvelles éruptions d’une même force souterraine. Du Morro de San-José se détache une troisième 238 SIERRA DE SAN-LUIS. chaîne située un peu plus au sud. Elle est plus longue que celle du Morro, avec une forme plus en aröte au lieu de la forme en bosse qui caractérise le Morro, et porte le nom de Sierra Yuspa. Elle constitue le prolongement du Morro, comme lui-même est le prolongement de la Sierra Serrezuela. Le système de Punta avec la Sierra de San-Luis est un peu plus indépendant .et plus écarté à l’ouest. Ce massif montagneux, situé assez exactement sous 66° ouest de Greenwich, a environ un degré de latitude en longueur, et sa largeur atteint en certains endroits jusqu’à cinq à six lieues. De même que les autres mon- tagnes voisines, il a un versant escarpé à l’ouest et un à pentes douces à l’est, et est sillonné sur ce côté par plusieurs vallées et gorges. Les roches qui forment sa base sont des schistes méta- morphiques, gneiss et protogyne, avec des enclaves de granit et de nombreux filons de quartz aurifère, que l’on exploite depuis longtemps et qui sont actuellement entre les mains d’une société allemande “*. Cette montagne est encore riche en nombreux autres minéraux, et par sa structure pétrographique elle est peut- être la chaîne la plus intéressante de toute la république; mais elle n’a encore jamais été explorée scientifiquement. On ne con- naît pas mieux sa configuration et l'élévation de son faite. Ce qu’on en sait ne repose que sur des présomptions qui ne s’ap- puient pas sur des observations exactes, et qui par conséquent méritent peu de confiance. On donne 760 mètres pour altitude de la ville de San-Luis au bord méridional de la montagne, et 700 mètres au sommét le plus voisin au-dessus de la ville, par conséquent 1460 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au nord la chaîne principale est un peu plus élevée, et doit atteindre 2000 mètres sur la crête nommée la Pancata. Au delà vient une gorge profonde, d’où sort au nord un ruisseau sur lequel se trouve le village de Rio Seco. Il va déboucher dans une petite rivière analogue, située plus au sud et sur laquelle est le village de San-Francisco, à peu près au milieu de la longueur totale de la chaîne. Cette gorge se prolonge à l’est en une vallée profonde et assez large, avec le village de Santa-Barbara, qui a valu à la PETITES SIERRAS VOISINES DE LA SIERRA DE SAN-LUIS. 239 portion nord-est isolée de la montagne le nom de Sierra de Santa- Barbara. Entre elle et le versant occidental de la Sierra Cordova se trouve la vallée large et bien cultivée du Rio Cantere qui en sort au nord, mais s’assèche promptement dans la plaine. Plus au sud, sur le côté oriental de la sierra, vient un terrain très-mou- vementé, avec plusieurs bombements et contre-forts, comme le Tomalasta, le Solalasta, l’Intigua, entre lesquels jaillissent les sources du Rio Quinto dans la Canada Horda. C’est là aussi que se trouvent les mines d’or de Carolina. Après ce dernier grand groupe du système central, il faut encore mentionner quelques arêtes et bombements dans la plaine au sud et à l’ouest. On peut sans peine les considérer comme leurs prolongements, dépendances ou annexes. A l’ouest de la Sierra. de San-Luis s’etend une longue chaine de petites arêtes basses et étroites qui, suivant la direction de la Sierra de Huesta, vient en ligne droite de l’extrémité de la Sierra Famatina, et se prolonge sur la rive orientale du Rio Desagua- dero, à travers la plaine des Pampas. Elle forme ici la limite occidentale de la profonde dépression qui sert de bassin aux sa- lines du sud. Cette chaîne aussi est composée de roches méta- morphiques. Elle commence à peu près sous 31° 40° par une arête isolée, qui porte le nom de Sierra Guayaguas et est connue par des mines d'argent en exploitation à son angle septentrional. A sa suite vient dans la même direction une seconde crête plus longue à côté de la lagune de Guanacache. Elle est coupée en plu- sieurs sections et s’appelle Sierra de las Quijadas. Il s’y rattache quelques arêtes analogues et peu longues, qui suivent une direc- tion un peu plus au sud, prennent des noms différents emprun- tés aux localités voisines, et se terminent par le massif isolé de la Sierra del Gigante, qui doit ce nom à un sommet granitique élevé, situé en avant. Cette sierra atteint le 33° de lat. S. et elle est encore suivie d’une petite chaîne, la Sierra de las Palomas, à côté de laquelle existe, avec un niveau moins élevé, un long relè- vement qui s'étend presque jusqu’à la lagune Bevedero et porte le nom d’Alto Pencoso. 240 DERNIERS BOMBEMENTS DANS LE SUD DES PAMPAS. Si ces chaînes peuvent être considérées comme le prolonge- ment de la Sierra Famatina, d’autres petites saillies situées à l’est de la lagune Bevedero appartiennent au contraire au centre de la Sierra de San-Luis. Ce sont les bombements isolés indiqués sur la carte de mon Voyage par les noms de Gerro Linzo, Cerro Ariatape, Cerro Tala et Gerro Verde. Ils sont composés soit de porphyres, soit de roches basaltiques ®, et cette composition pétrographique, les dénote déjà comme des éruptions plus ré- centes qui se sont faites sur les anciennes lignes de rupture ouvertes antérieurement. Le groupe de montagnes central du territoire argentin finit ici, et au delà les steppes patagonnes s'étendent en une plaine continue jusqu’au détroit de Magellan. X LES SIERRAS DE LA PAMPA SUD-EST. Les cartes de l'Amérique méridionale nous présentent au sud de la Plata une saillie en demi-cercle de la côte. Elle forme à peu près au milieu, sous le 38° de lat. S., un angle aigu, le cap Corrientes, dont les dentelures rocheuses s’avancent jusque dans la mer. #7 , | Cet angle est l’extrémité d’une petite chaîne de montagnes basse et étroite, dirigée du nord-ouest au sud-est parallèlement à la large embouchure du Rio de la Plata. Elle s’etend dans le pays derrière la saillie en demi-cercle de la côte, et a son point de départ sous 61° ouest de Greenwich. C’est au soulèvement de cette pelite chaine que cette saillie de la côte doit sa large extension à l’est. Elle forme une suite d’arêtes allongées, étroites, quelque- fois complétement interrompues, composées de roches métamor- phiques, çà et là avec un substratum éruptif. Nulle part elle ne dépasse 490 mètres au-dessus du niveau de la mer, et se termine à ses deux extrémités en se perdant complétement dans le sol”. LES SIERRAS DE LA PAMPA AU SUD DE BUENOS-AYRES. 241 Sinous commençons la description en partant de la côte, nous voyons que cette chaine de collines apparaît au Cabo Corrientes sous l'aspect d’une arète simple de rochers, se continue d’abord sous cette forme en devenant graduellement plus élevée, et se décompose ensuite en plusieurs sections transverses jusqu’au groupe qui porte le nom de Sierra del Volcan. Dans cette étendue, les sections presque entièrement isolées sont distinguées par desnoms particuliers, tels que, en allant de l’est à l’ouest, la Sierra de los Padres, près de ia lagune de même nom; la Sierra del Va- liente plus à l’écart au sud; la Sierra del Junco et la Sierra de la Vigilancia, deux arêtes transverses assez longues, situées non pas à côté l’une de l’autre, mais en arrière l’une de l’autre et avec une direction unique; le bombement isolé de la Sierra de los Barbosas et celui de la Sierra del Volcan, assez allongé et di- rige non plus transversalement mais dans le sens longitudinal, à peu près sous 28 40’ ouest de Greenwich. A partir de ce point la chaîne s’épanouit en plusieurs chainons parallèles, dont quel- ques-uns s’avancent dans la plaine, sur les deux côtés, assez loin de la direction centrale, sous la forme de bombements isolés. Elle atteint sa plus grande Jargeur dans la région de la petite ville de Tandil. Sur la pente du côté de la ville se trouve un gros bloc de granit mobile, dont on parle beaucoup dans le pays et sur l'origine duquel sont répandues plusieurs traditions dénuées de fondement, par exemple qu'il a été apporté par les Indiens. La partie principale au nord s'appelle Sierra de Tandil, la chaine latérale au sud Sierra de Tinta. Plus loin à l’ouest les chaines se rapprochent davantage, deviennent plus basses et abandonnent leur forme de collines allongées pour prendre celle de bosses convexes. Le système se termine par un de ces groupes de bosses, appelé Sierra Baja ou de Tapalquen, à l’ouest de la petite ville d’Azul, et un peu plus à l'ouest vient encore la sierra sh de Quillalanquen. Le versant méridional faiblement incliné de toutes les chaines est composé d’un grès de couleur claire, dont l’âge géologique n’a encore pu être déterminé. Les pentes hautes et escarpées du REP, ARG, — 1, 16 242 LA SIERRA VENTANA. côté nord sont formées de masses de gneiss et de granit. Elles sor- tent nues et pelées du sol, sont fragmentées en de nombreux blocs arrondis et ne constituent pas une arête continue, mais des coteaux ou mamelons isolés, accompagnés de blocs plus petits en grands éboulements. On n’y trouve pas de végétation en dehors des touffes d’herbes qui croissent entre les blocs. Les couches de gneiss et les bancs de grès clair plongent au sud-ouest, direction dans laquelle toute la montagne a sa pente la plus doucement inclinée. Les points culminants se trouvent sur le bord nord-est et sont en grande partie des bosses granitiques. Le Tandileofu est un des plus élevés et domine de 250 mètres le sol voisin de la pampa, qui lui-même est à une hauteur semblable au-dessus du niveau de la mer. Les hauteurs voisines sont beaucoup moins prononcées, bien que leur isolement les fasse paraître plus élevées qu’elles ne le sont. Aucune ne dépasse 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le point le plus élevé de la Sierra del Junco n’a que 200 mètres. Les parties les plus hautes de la formationde grès sont toujours plus basses que les mamelons voisins degneiss et de granit, et leur sommet prend la forme de plateaux: Plus loin au sud, la Sierra de Ventana forme une répétition de cette chaine, court comme elle directement du nord-ouest au sud-est, et estavec la Bahia Blanca dans le même rapport que la chaîne de Tandil avec l'embouchure du Rio de la Plata, c’est-à- dire lui est parallèle. Cette baie forme au sud lextrémité de l'avancée en demi-cercle de la côte, comme l'embouchure de la Plata le fait au nord; elles constituent toutes deux les limites naturelles de cette contrée. | La Sierra Ventana a dans ses traits généraux la même nature que la chaîne de Tandil ; mais elle est beaucoup plus courte et en même temps plus large et plus élevée, car d’après les mesures de Fitzroy son point culminant atteint 1160 m&tres®!. Elle se divise en trois sections un peu inégales; üne médiane beaucoup plus large et plus élevée située sous 62 O. de Greenwich, et qui représente la Sierra Ventana proprement dite et ses deux prolongements étroits et bas, la Sierra de Guramaral au nord- BASSIN HYDROGRAPHIQUE DU RIO DE LA PLATA. 248 ouest et la Sierra Pillahuinco au sud-est. L’une et l’autre ressem- blent beaucoup à la Sierra Tandil. Le massif principal est composé de hihi chainons trans- versaux juxtaposés formés de roches métamorphiques qui plon- gent au sud-est et présentent leurs versants escarpés au nord- ouest exactement comme la chaîne de Tandil. Ces chainons se prolongent avec leurs ramifications vers les cötes de la mer, et se perdent dans le sol résistant de la formation tertiaire qui con- stitue la plus grande partie de la surface des steppes patagonnes et s'étend jusqu’au rivage de la mer. Il est bon de remarquer que cette formation tertiaire manque aupres de la chaine de Tandil, et que le diluvium des pampas enveloppe immédiatement la mon- tagne sur les roches de laquelle il repose. Les deux prolongements dont nous avons parlé sont des coteaux étroits et bas formés de mamelons et d’arêtes plus longues, dont l'aspect général rappelle complétement celui de la Sierra de Tandil et qui, par conséquent, n’ont pas besoin d’être décrits. Nous terminerons ici avec ces détails succints, mais suffisants, la description des montagnes de la république Argentine, et nous allons “ae à celle des cours d’eau. | XI LE RIO DE LA PLATA ET SON BASSIN. Les cours d’eau de la république, considérés au point de vue de leur utilisation, présentent en général trois particularités qui y opposent beaucoup d'obstacles. Ils sont : 1° pauvres en eau, 2 ont un lit très-large et 3° font d'innombrables sinuosités. Le Paranä lui-même n’est pas exempt de ces particularités générales, et bien qu’elles y soient moins marquées, elles: s’y trouvent cependant, mais se manifestent sous d’autres formes. Ce grand fleuve a des bas-fonds très-nombreux qui restreignent à une 244 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES FLEUVES. faible largeur son chenal navigable, et en outre se déplacent sans cesse et exigent une surveillance continuelle et infatigable ; car ils exposent le marin inexpérimenté à des dangers qu'il ne peut éviter et qu’il n’est pas en état de reconnaitre, parce qu’il ne les soupçonne même pas. Ces trois particularités découlent d’une seule et même cause, la pauvreté générale en eau, et les crues brusques et tempo- raires. La pauvreté en eau est la suite des faibles quantités de pluies qui tombent chaque année sur le côté occidental du pays; nous déterminerons cette quantité dans le troisième et prochain livre. Comme tous les cours d’eau viennent de cette haute région occidentale, ils sont tous également exposés à cette pénurie et par suite également pauvres en eau. Un fleuve de cette nature n’a qu’une faible force d’impulsion, il ne peut mettre en mouvement de grandes masses de terre ou de vase et ne creuse pas prolonde- ment le sol, mais s'étale plutôt sur les surfaces voisines ; aussi tous ces cours d’eau ont-ils un lit relativement large et trös--plat. Qu'ils éprouvent de temps à autre des crues plus fortes à la suite de pluies plus abondantes, alors le courant emporte chaque fois de nouvelles parties des bords, élargit son lit de plus en plus, mais sans le creuser, et y dépose la vase en certains endroits, après que la masse d’eau brusquement accrue s’est aussi rapide- ment écoulée. Tous ces phénomènes découlent d’une même cause. Aucun de nos fleuves n’a une profondeur d’eau reguliere et uniforme; dans tous se trouvent des iles de vase autour des- quelles l’eau circule dans des canaux étroits, et qui sont inondées seulement de temps en temps à l’époque des grandes eaux. Enfin les nombreux circuits de la plupart des cours d’eau du pays proviennent de la faible inclinaison de la plaine à travers laquelie ils coulent, aussi bien que de la pénurie générale d’eau. Lors- qu'un de ces fleuves avec un lit large et des rives plates vient à sortir de son lit après une crue subite, il se creuse facilement un nouveau canal à côté de l’ancien, surtout lorsqu'il circule dans des plaines immenses peu inclindes et dont la surface est com- posée de terre meuble et de sable fin. Il les affouille prompte- APPLICATION AU RIO PARANA. 245 ment et laisse tomber les débris dans l’ancien lit, où de nom- breux “bas-fonds déjà existants opposent un obstacle à sa progression régulière. Il se trouve ainsi contraint à rester en partie dans le nouveau lit et à abandonner l’ancien à moitié obstrué: Il tend toujours vers les parties les plus basses de la plaine qu'il a inondées, et en y séjournant plus longtemps il forme constamment de nouvelles sinuosités pour le peu d’eau qui lui reste encore. C'est ainsi que naissent peu à peu des lits entiè- rement nouveaux et des bas-fonds que l’on doit étudier pour les éviter et les marquer. Bien que le Rio Paranä, qui vient du Brésil, soit alimenté par les abondantes ‘pluies tropicales et reçoive chaque année une masse considérable d’eau, cette dernière n’est cependant pas régulière. Dans la saison sèche, de mars en octobre, le fleuve décroit et alors on y voit se produire, d’une façon moins appa- renteilest vrai, toutes les particularités qui se manifestent si énergiquement sur les petits cours d’eau de l’ouest. La largeur énorme deson courant est l’obstacle principal à sa régularité;! et cette grande largeur est la suite soit de la faible inclinaison de la plaine à travers laquelle il coule, soit de l’irrégularité de la quan: tité d’eau et de ses crues considérables et momentanées. Bien . qu'on n’y voie pas de bas-fonds émerger hors de l'eau;:ils yexis2 tent cependant et-én deviennent d'autant plus dangereux. A ceci viennent s'ajouter les nombreuses îles, principalement sur les bords, qui se sont élevées sur les bas-fonds:plus solides à l’aide de la végétation qui s’y est établies I se fait: des/changoments contis nuels dans ce grand fleuve et rien n’y est permanents! “sinn 110 Il résulte de toutes; cessparticularités que le fond de’ tous; ces cours d'eau ne peut être, forme&;que:d’uneivase fine pendant leur cours à travers la plaine; qu'ils ont tous des éaux troubles ébh’en roulent, dé, limpides qu'au voisinage desımontagnes, aussi Tong temps qu'ils, content sur des graviersiet des galets polis: Le'fond du Paranä, de même que celui du Rio:de la Plata, ‘est composé d'une; vase terrouse grise, -très-fine, dans laquelle:$e trouvent aussi beaucoup de grains de sable ténus, ‚mais qui: contient 246 COLORATION ET BERGES DES FLEUVES. beaucoup d'éléments terreux et par suite n’est plus comparable au gravier. des grands fleuves d'Europe. Comme la plaine est composée presque partout du lehm du diluvium, ilenresulte que le sable est toujours mélangé d’argile et que les rivières ont une coloration rougeâtre ou gris jaunâtre passant au vert, Derlà les nombreuses dénominations telles que Rio Colorado, Rio Verde où Rio Vermejo, qui rappellent ces colorations. Gelle de Rio Negro s’applique à des rivières avec une nuance noirâtre résultant de la limpidité et de la profondeur de l’eau qui la fait paraître sombre, mais non troublée ; mais cette nuance est beaucoup plus rare que les précédentes. On entend très-rarement parler de Rio Clara, et toujours uniquement dans le voisinage des montagnes; au con- traire, les noms de Rio Salado ou Saladillo reparaissent partout à cause des grandes quantités de sels solubles qui existent dans le sol du pays. Il: y a aussi beaucoup de rios blancos ; ils doivent ce nom à la presence de calcaire ou de sable pur, et se rencontrent surtout dans:les contrées montagneuses. | Il n'est‘ pas nécessaire de développer plus longuement ici ces particularités. Ajoutons seulement que la loi formulée récemment par G..de Baer sur la marche ou tendance à s’écarter des rives des fleuves ne trouve pas dans les cours d’eau argentins une application parfaitement évidente à cause de la grande largeur - de leur lit et de l’instabilité de leurs rives. Elle s’y manifeste ‘en effet moins clairement, puisque en dehors du Paraguay et du Paranä presque toutes les rivières coulent de l’ouest à l’est, direction avec laquelle cette loi n’a plus d'application: Les rives orientales du Paranä depuis Punta Gorda sous 32° 6' lat. S. jusqu’à Gorrientes sont des coteaux hauts et escarpés; celles de l’ouest, au contraire, des:marais plats, 6e qui paraît conforme à la loi formulée. Mais! plus au sud, lorsque le fleuve, sous 32° 39, se détourne ausud-est, lesrives méridionales deviennent les plus élevées, celles du nord, plates jusqu’à Baradero (59°4# ouest de Greenwich), et à partir de ce point il est bordé sur ses deux côtés par des marais et des îles pat de che au-dessus du niveau de l’eau. | ETENDUE DU BASSIN DU RIO DE LA PLATA. 247 Après cette description des caractères généraux des cours d’eau de la république nous allons étudier le plus considérable de ces systèmes hydrographiques, dont l'embouchure constitue le large estuaire du Rio de la Plata. L’étendue de ce système, un des plus grands de la terre, embrasse une surface d’environ 45 000 milles carrés, aussi grande que le territoire entier de la république. Mais une faible partie seulement de cette étendue, à peu près un tiers, environ 15 000 milles carrés, appartient à la république ; la plus grande partie relève du Brésil et une très-pelite portion appartient aux deux républiques du Paraguay et de l’Uruguay. Nous n’aurons donc pas à étudier le système entier; nous lais- serons de côté la description détaillée des parties en dehors du territoire argentin, et limiterons notre exposition à l’espace qui appartient à ce dernier, nous contentant de donner quelques in- dications sur les autres parties dans la mesure nécessaire à l’in- ‚telligence du système complet. Le système est composé de six grands cours d’eau, dont cinq viennent se réunir au fleuve principal et le sixième demeure isolé et se jette dans le golfe de la Plata. Cette sixième branche indé- pendante est le Rio Uruguay; les cinq autres sont, de l’ouest à l'est, le Rio Paranä, le Rio Paraguay, le Rio Pilcomayo, le Rio Vermejo et le Rio Salado. Ils débouchenttous dans le Paranä que l'on peut considérer comme l'artère principale du système, bien que ce ne soit pas lui, mais le Rio Paraguay qui coule dans la direction du courant principal et qui, par suite, doit être consi- ' déré comme le centre ou comme l’axe du système. Ce fleuve, en effet, descend du nord avec la même direction que suit plus loin le tronc du Rio Paranä. Les autres affluents suivent d’autres di- rections ; celle du Paranä et de Uruguay du nord-est au sud- ouest, les trois derniers du nord-ouest au sud-est. Cette direction est encore celle d’un septième cours d’eau, qui demeure séparé du Paranä, mais dont le courant est dirigé sur ce fleuve; nous voulons parler du Rio Dulce ou Saladillo, absolument parallèle au Rio Salado, et que l’on peut compter comme membre de ce système. Nous le considérerons comme une annexe et distingue- 248 LE RIO URUGUAY. rons ainsi sept branches dirigées vers l'embouchure de la Plata. Six en réalité seulement l’atteignent, la septième est trop faible pour s'ouvrir une route jusque-là et se perd auparavant us la plaine. L’ordre le plus convenable pour notre exposition sera dei com- mencer par les branches orientales, qui coulent en grande parte en dehors du territoire de larépublique Argentine, et de finir par celles de l’ouest, situées entièrement ou en grande partie sur ce territoire, et nous terminerons par le golfe de la Plata où toutes viennent aboutir. | 4. Le Rio Uruguay sort au sud du Brésil du versant occi- dental des prolongements de la chaîne côtière de ce pays, à peu près en face de l’île de Santa-Catharina. Il se forme par plusieurs petites branches situées entre le 27° et le 28° degré de lat. S. et dont trois doivent être citées comme les plus importantes. Gesont le Rio Marömbas qui vient du nord et qui à lui seul reçoit plus d’une douzaine de petits ruisseaux; de l’est, le Rio dos Canoas avec son principal embranchement le Rio dos Gaveiras, et enfin du sud-est, le Rio dos Pelotas, le plus riche en eau. Ils se réunissent sous 91° 5 ouest de Greenwich et constituent le Rio Uruguay qui se dirige à l’ouest avec une légère inclinaison au nord, plus loin se détourne au sud-ouest et rencontre la frontière argentine sous 59°,49'. Ici il reçoit du nord le Rio Pepiri Guazu, qui sert de limite. Jusqu’à cet endroit 1la déjà recu.du nord et du sud une infinité de petits affluents, parmi lesquels les plus importants sont.au nord le Rio Chapeco et au sud le Rio Uruguay Mini. Un peu plus loin à l’ouest vient encore se jeter l’'Uruguay Puita, au-dessous duquel ii commence à se courber plus au sud-sud-ouest. Il décrit une forte courbe dans cette di- rection et serpente avec des sinuosités sans nombre à travers une région forestière, où des rochers placés sur ses deux rives encom- brent son cours et l’obligent à former des rapides et quelquefois des chutes élevées (saltos). La première, appelée Salto Grande, se trouve, d’après Azara, sous 27°9’ 23" lat. S. La der- niere, le Salto Chico, est sous 31° 23 5". Jusque-là le fleuve CHUTES DU RIO URUGUAY. 249 n’est pas tout à fait impropre à la navigation, car entre les cas- cades se trouvent de longues étendues calmes, mais il est impos- sible de communiquer directement entre la région supérieure et la région inférieure, du moins avec le niveau d’eau ordinaire avec lequel une partie des rochers émerge hors de l’eau. On ne peut franchir les chutes avec de petits navires que dans de rares années très-pluvieuses ; mais il est inutile de compter sur cette facilité, car le plus souvent le passage est impossible. Une des plus grandes chutes est le second Salto Grande sous 31°12’, et c’est elle surtout qui empêche de remonter le fleuve, car trois îles y rétrécissent le courant et des rochers situés sur le côté occi- dental repoussent l’eau à l’est et occasionnent une chute de 2 mètres de hauteur qui se précipite en bouillonnant et en écumant. Au-dessus et jusqu’au premier Salto Grande, l’eau est souvent et même ordinairement paisible etn’opposerait aucun obs- tacle sérieux à la navigation; mais les bateaux ne remontent pas jusque-là. | | Dans l’espace entre les deux principales chutes, le fleuve ne reçoit du côté de la république Argentine que de petits ruisseaux jusqu'au Rio Mirinay, qui est un peu plus considérable et dé- bouche en face du Cuarein. Du côté du Brésil, au contraire, se trouvent plusieurs grandes rivières, comme l’Yguy, le Piratini, l'Ycabacua, et surtout !’Ybicuy, la plus considérable de toutes après le Rio Negro. Au sud, vient ensuite le Rio Cuarein, qui sert de limite entre le Brésil et la république de l!’Uruguay. À son embouchure se trouve la petite ville de Santa-Rosa et, plus au nord, une autre ville située en territoire brésilien. Elle porte le nom d’Uruguayana et est la localité la plus im- portante du Brésil dans cette contrée. En face se trouve le village argentin de Restauracion, qui est encore dans la pro- vince de Corrientes, ainsi que toute cette étendue jusqu'au Rio Pepiri Guazu. Après Santa-Rosa, on trouve au sud Belen, autre petite ville située sur la rive occidentale, au point où commence la province d’Entrerios avec le Rio Mocoretä. A côté et au sud de Belen s’ouvre le Rio Arapay, rivière importante. lei le fleuve fait 250 COURS INFÉRIEUR DU RIO URUGUAY. brusquement un coude à l’ouest, pour reprendre bientôt après sa route au sud; à l’extrémité de ce coude se trouvent les derniers rapides, causés par des pointes de rochers qui, sans former une chute, barrent en travers le fleuve, un peu au nord de la petite ville de Salto Oriental, qui en tire son nom. En face est la ville argentine de Concordia, localité très-animée; la navigation à va- peur, et par des navires un peu grands, ne remonte pas au delà, Le fleuve, large de 1000 mètres, coule maintenant avec calme et formeune quantité d’iles, couvertes comme ses rives d’une végé- tation vigoureuse au milieu de laquelle se dressent des palmiers qui çà et là se groupent en forêts assez étendues. L'aspect est le même au delà de Concepcion, au-dessous de laquelle les îles sont très-nombreuses et grandes. Avant cela, il reçoit encore de l’est deux affluents importants, le Rio Diamante, au sud de Salto, et le Rio Queguay au nord de Paysandu. L’Uruguay atteint ainsi le 33° degré de lat. S. presqu’en ligne droite sous 58° ouest de Greenwich. Ic1 il décrit de nouveau à l’ouest un coude à angle droit, mais se retourne bientôt au sud en devenant très-large, pour aller se jeter dans l'estuaire de la Plata avec sa première direction. Au coude se trouve la petite ville de Fray Bentos et près d’elle la grande fabrique d’extrait de viande de Liebig. A l'angle de la courbure, près de la ville de Gualeguaychu, s'ouvre la rivière du même nom, le plus grand affluent argentin de P’U- ruguay. Un peu au-dessous du coude il reçoit son plus grand affluent oriental, le Rio Negro, qui en se rapprochant très-près de lui un peu plus au nord eirconserit le Rincon de las Gallinas. À l’embouchure du Rio Negro se trouve Soriano, le plus ancien établissement des Espagnols dans cette contrée. Toute la portion du fleuve qui suit, jusqu’à son embouchure, a une grande largeur et ressemble plus à un estuaire qu’à un cours d’eau. Cependant à l'extrémité de cet estuaire il forme un goulet étroit nommé la Punta Gorda, d’où il résulte que lPembouchure jusqu'à Las Vacas est beaucoup plus resserrée que la partie au-dessus jusqu’à l’embou- chure du Rio Negro. A Las Vacas commence l’estuaireduRio de la Plata quirecoit le Rio Uruguay par une embouchure unique etlarge. CARACTÈRES DES BERGES DU RIO URUGUAY. 251 Les rives du Rio Uruguay sont assez élevées sur le côté oriental et forment quelquefois des escarpements à pic comme à Punta Gorda.Le côté opposé, jusqu'à l'embouchure du RioGualeguaychu, n'a que des marais bas, au milieu desquels les nombreux bras du Rio Paranä se sont frayé une issue et inondent les îles chaque année au moment de leurs crues périodiques. Une chaîne de dunes limite ce terrain bas du côté de la terre ferme et se pro- longe à l’ouest jusqu’au Rio Gualeguay, quitombe dans le Paranä. Au nord de l'embouchure commence sur le côté occidental une chaîne de collines, qui court parallèlement au fleuve, mais déli- mite en avant des terres basses. Cette chaîne de collines s’etend surtout le bord occidental jusqu’aux rapides; mais au nord elle se rapproche quelquefois plus près du fleuve et vient même en contact immédiat avec lui. La rive orientale conserve ses talus escarpés, mais avec une hauteur moindre. Ces talus s’écartent en beaucoup d’endroits dans les terres et deviennent quelquefois des hauteurs considérables, comme aux environs de Paysandu. Le fleuve devient ici assez étroit, n'ayant plus que 600 mètres de large. Un passage analogue se reproduit plus au nord dans la Mesa de Artigas, au sud de l'embouchure du Rio Diamante. Près de là existe un tourbillon dans le courant qui détermine un bouillonne- ment dans l’eau par refoulement sur des rochers cachés ; il porte le nom d'El Hervidoro. Bientôt ensuite commencent les rapides et les chutes accompagnés, surtout sur le côté oriental, de rives éle- vées qui dès lors ne quittent plus le fleuve et suivent les nom- breux circuits de son cours au nord jusqu'aux campos du Brésil, où il est bordé par des campagnes ouvertes, avec une végétation éparse: Au contraire, la partie qui coule près des Missions argen- tines est richement boisée et porte la végétation la plus plantu- reuse. Comme le Rio Uruguay ne reçoit que des eaux de pluies, il en résulte que son débit change, continuellement. Ainsi que nous Pavons dit précédemment, la région de ses sources est en dehors de la zone tropicale, ce qui empèche le fleuve de prendre part aux crues et abaissements périodiques du Rio Paranä, qui pro- 252 OSCILLATIONS DU NIVEAU DANS L'URUGUAY. viennent de la succession des saisons sèches et-humides des tropiques. Toutefois le Rio Uruguay présente une certaine périodicité dans son débit, mais elle se produit à une autre époque de l’année, c’est-à-dire à la fin de l'hiver. Ge sont aussi les pluies d’automne et d'hiver de la zone subtropicale qui deter- minent les crues du fleuve. Mais il peut arriver des années où la crue de l’eau manque totalement, et elles sont ordinairement suivies d’une crue plus forte l’année suivante. Le fleuve monte alors beaucoup, surtout dansson cours supérieur, etatteintjusqu’ä 45 pieds au-dessus de son niveau le plus bas, tandis que la diffé- rence ordinaire est seulement de 18 à 20 pieds, du moins au sud des saltos. Durant l’été la hauteur de l’eau reste assez uniforme, parce que le gonflement du Paranä à la même époque refoule l’eau dans l'embouchure de l’Uruguay. A la fin de cette saison, au commencement d'avril, il decroit et diminue pendant quelque temps, si de fortes pluies d’automne ne viennent pas déterminer une seconde crue à la fin d'avril ou au commencement de mai. Après cette époque le niveau s’abaisse régulièrement et descend graduellement à son minimum, jusqu’à ce que les pluies subtro- picales amènent la nouvelle crue à la fin d'août et au commence- ment de septembre. La navigation est souvent troublée par ces variations. — Le fleuve n’est pas profond ou plutôt n’a pas un chenal profond constant, parce que de nombreux récifs existent sur le fond et rendent irrégulier le courant jusque dans le canal navigable. Cependant le fleuve ne fait presque plus de circuits au sud des chutes, etses nombreuses îles sont presque toutes près des rives. La portion la plusinférieure seule, entre Paysandu et Fray Bentos, a des îles en si grand nombre que le chenal navigable en est quelquefois rétréci, principalement au sud, avant d'atteindre le coude à Fray Bentos. A partir de là les iles disparaissent et l'élargissement en forme d’estuaire commence pour se continuer jusqu'à Punta Gorda. Près de lui,,ä l’ouest, s'étend entre l'Uru- guay et le Paranä le district bas et marécageux soumis aux inon- dations annuelles des deux fleuves. Le chenal navigable se trouve ici pres de la haute rive orientale. Toute l'étendue au sud des SOURCES DU RIO PARANA. 253 chutes n’öprouve pas de différences de niveau aussi grandes que plus haut au-dessus des saltos. Jene puis me dispenser d'ajouter que de tous les fleuves de notre paysle Rio Uruguay est celui qui offre le moins nettement les caractères généraux décrits dans l’introduction. Il se distin- gue des autres et par sa profondeur inégale en échelons et par Pétat variable de son débit. Il a encore des eaux plus claires que celles des autres grands fleuves, et qui dans le Rio Negro surpas- sent en limpidite celles de tous les autres affluents. C’est peut- être là-dessus que se fonde sa grande et générale réputation de salubrité. . L’eau de l’Uruguay est encore caractérisée par la haute pro- portion d’acide silicique qu’elle contient, et elle forme sur ses rives de nombreuses pétrifications et des grès solides. On trouve parmi ses galets de nombreux nodules de géodes qui proviennent des formations volcaniques du sud du Brésil (voy. Reise, I, 77). 2. Le Rio Paranä, ce fleuve, le plus grand des pays argentins, vient également du Brésil et dans son cours supérieur suit exac- tement la même direction que le Rio Uruguay. Ses deux bran- ches supérieures les plus importantes coulent en effet à l’ouest et au sud-ouest, et réunies en un seul courant s’inflechissent au sud. Les sources du sud se réunissent pour former le rameau prineipal du Rio Grande sur les pentes occidentales de la chaîne littorale du Brésil qui, dans cette région, du 19° au 22° de lat. S., a reçu le nom de Sierra de Espinazo, parce qu’elle représente pour ainsi dire l’échine du vaste territoire oriental du Brésil. Célles du nord ont leur point d’origine plus avant dans les terres el viennent soit des pentes occidentales de la chaîne de montagnes qui délimite la vallée du Rio San-Francisco de ce côté, telles sont celles qui forment le Rio Paranahyba ; soit des Montes Pyrennos sous le 16° de lat. S., qui font la séparation des eaux du Rio Paranä et du Rio Tocantins. Ces dernières sources alimentent le Rio Corumba, qui se réunit plus loin au Rio Paranahyba et constitue avec lui la seconde branche principale du Paranä en pays brésilien. Elles se réunissent (outes deux sous le 20° de 254 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU FLEUVE. lat. S. et 50° 50° 0. de Greenwich en un courant principal qui coule au sud en formant la limite entre les provinces brésiliennes de Govaz et Mato Grosso à l’ouest et celles de San-Paulo et Paranä à l’est, et pénètre dans le territoire argentin sous 25°30°. Ici il reçoit de l’est le Rio Guritiba ou Yguazu qui sert de limite sep- tentrionale à notre pays. Le Rio Paranä recueille encore aupara- vant sur les deux côtés un bon nombre d’affluents considérables, mais qui appartiennent tous au Brésil et que nous ne'mentionne- rons pas. Le dernier à l’ouest est le Rio Amambahy sous 2515 lat. $., avec lequel commence le territoire de la république du Paraguay. Ges limites donnent lieu à des contestations; les Brésiliens veulent prolonger leur territoire au sud jusqu’au Rio Lgatimi, et les Paraguayens jusqu’au Rio Yacuaray ou Ybinheima au nord’. BD Peu après avoir pénétré sur le sol de la république Argentine, le Rio Paranä passe du sud au sud-ouest et plus loin à l'ouest'et enfin se recourbe un peu à l’est-nord-ouest. Dans cette direction il rencontre sous 27°15° le Rio Paraguay, se réunit avec lui, prend sa direction au sud et suit cette route jusqu’à 31°40' lat. S. sans changement important. lei il se tourne directement au sud et suit cette route jusqu’à 32° 39’; alors il sétcourbe au sud-sud-est et peu à peu au sud-est, direction avec laquelle il vient se jeter, par de nombreuses embouchures, dans l'estuaire de La Plata sous 34° lat. S. et 58°25' à 30! 0. de Greenwich. Cette portion inférieure est accompagnée sur les deux côtés d’iles plates, qui composent un delta peu élevé assez étendu au nord. Plus haut, des berges élevées retiennent le fleuve au moins sur un côté. Elles commencent depuis Zarate jusqu’à l’embouchure du Carcarañal sur la rive sud-ouest. A la Punta Gorda, ‘près de Diamante, elles passent sur la rive orientale et s’y prolongent avec de courtes interruptions jusqu’à embouchure du Paraguay. Toutefois, la rive occidentale opposée, ainsi que la rive correspon- dante du Rio Uruguay, est accompagnée dans les terres par un talus élevé qui court parallèlement au fleuve et au pied duquel s'étend une bande marécageuse basse exposée aux inondations et CHUTES DU PARANA. 255 dont le niveau va se confondre avec celui du fleuve. Cette dispo-- sition me paraît confirmer la loi de de Baer au sujet de l’action des eaux des fleuves sur leurs rives 5%. Dans son parcours complet le Rio Paranä a une longueur de 500 milles géographiques y compris ses sinuosités les plus grandes. Une moitié se trouve sur Le Brésil, l'autre moitié en pays argentin. Il a une grande largeur, mais variable selon les lieux. Azara lui donne dans le tiers supérieur de la moitié argentine, à Candelaria, 933 varas (environ 2000 pieds), et après sa réunion avec le Paraguay, à Corrientes, 3500 varas (8600 pieds). Peu de temps après avoir attcint les limites du Paraguay et du Brésil le fleuve est coupé par des chutes et des rapides semblables ou encore plus forts que ceux qui empêchent la navigation dans sa moitié inférieure et qui rendent inaccessible la partie brésilienne en remontant depuis l'embouchure. Il perd ainsi la plus grande partie de son importance pour le Brésil. Cette interruption du chenal existe surtout près du 24° de lat. S.; une autre chute se trouve cependant déjà plus haut sur le territoire brésilien sous 2035; elle est plus faible et mal connue. Azara qui l’a vue lui- mème place la chute principale sous 24 # 27", et la nomme Salto de Conendiyu, du nom d’un cacique indien, ou Salto de Guayra, du nom de la province où elle se trouve. Avant le rétré- cissement, le fleuve a une lieue de large, mais des rochers qui s'avancent des deux côtés le réduisent à 70 varas (à peine 200 pieds). Sa masse d’eau puissante doit passer par cette ouverture étroite, et s’y précipite avec une violence qui fait trembler le sol environnant. La chute n’est pas verticale mais inclinée sous un angle de 50°, et a seulement une différence de 20 varas (54 pieds) du niveau supérieur au niveau inférieur. L’eau écumante s'élève en une haute colonne de vapeurs que l’on aperçoit à plusieurs millesde distance, et dans laquelle se jouent les couleurs del’arc- en-ciel pendant qu’elle change sans cesse de forme et retombe au loin en une pluie continue. On entend les mugissements du cou- rant à six lieues et on ne rencontre aucun animal et aucun oiseau près de la chute. | 256 PERIODICITE DES CHANGEMENTS DE NIVEAU DU FLEUVE. Immédiatement au-dessus du salto, le fleuve forme en se divi- sant en deux bras une grande île longue de trente lieues, à l’ex- trémité méridionale de laquelle s’ouvre le Rio Lgatimi, que les Brésiliens revendiquent comme limite avec le Paraguay. Il faut s’embarquer sur cette rivière pour arriver à la cascade, parce que des forêts épaisses et sans routes rendent impossible tout autre accès. La Sierra Maracay, qui traverse le Paraguay au nord dans sa longueur, envoie ici vers le Paranä une ramification peu élevée, qui se prolonge de ce côté vers le Brésil et borde lesrives du fleuve sur une longue étendue. Azara nous apprend qu'il coule ici par un canal étroit, de trente lieues de long, et que ce rétrécissement est la cause qui amène la hausse des eaux au- dessus de la chute. Immédiatement au-dessous de celle-ci le cou- rant a seulement 110 varas (250 pieds) de large et à l’embou- chure du Curitibail n’a encore que 443 varas (environ 1000 pieds), en sorte que les rapides se continuent jusque-là et que l’eau du fleuve s’y précipite avec une impétuosité quirend impossible toute espèce de navigation sur toute cette étendue. Le Rio Guritiba aussi y prend part, car lui aussi, deux lieues avant sa réunion ‚avec le Paranä, a une chute de 631/3 varas de hauteur et de 1531 varas de longueur. | Le Rio Paranä fait encore un second saut plus petit plus loin au sud, sous 27°27'20", près de l’île Apipé (à peu près 96° 38 ouest de Greenwich). Un banc de grès y traverse le courant au- dessous du niveau de l’eau et l’élève un peu; mais cet accident est sans importance et n’arrête pas la navigation. Le passage est dangereux seulement pour les’ navires d’un tirage considérable. Cabot, dans son voyage en amont du Paranä, remonta jusqu’au- près de ces rapides et rebroussa chemin sur les avertissements des Indiens de ne pas essayer d’aller plus loin ®. | Les eaux du Rio Paranä sont toujours ässez troubles et n’ont pas la pureté de celles de l’Uruguay. Elles éprouvent une varia- tion périodique dans la hauteur de leur niveau, mais sans obéir à une régularité aussi précise que celles du Rio Paraguay, parce que les sources du Paranä sont alimentées à la fois par les pluies ÉPOQUES DES CRUES DU PARANA. 257 tropicales et surtout par les pluies subtropicales, et que ces der- nieres ne sont pas en relation avec des &poques annuelles aussi déterminées. Voici comment le fleuve se comporte, d’après mes propres observations pendant les années 1858 et 1859. Il est à son niveau le plus bas vers la fin du printemps, en octobre et no- vembre. Il commence à remonter vers l'entrée de l'été, surtout depuis la mi-décembre, et atteint son niveau le plus élevé en jan- vier et jusqu'au milieu de février. Jusqu'à la mi-mars il conserve un niveau assez égal ; en avril le niveau s’abaisse d’une manière sensible et continue à descendre jusqu’en juin, époque à laquelle je quittai le Paranä. Il dut encore s’abaisser un peu en juillet et août. D’apres les renseignements des indigènes, une faible dé- croissance a souvent lieu avant la fin de l’été, et est suivie d’une seconde croissance que l’on nommait repunta, mais qui ne dure pas longtemps. Le fleuve redescend bientôt de nouveau et, comme nous l'avons dit, arrive à son niveau le pius bas en octobre et novembre. Comme le Paranä ne reçoit les pluies tropicales que dans la région extrême de son cours, et que celles-ci ne commen- cent qu'à la fin de septembre ou même en octobre, la crue d’eau qui en résulte dans la partie inférieure de son cours ne se fait pas sentir avant décembre, et comme ces sources contribuent à son alimentation jusqu'en mars, les hauts niveaux doivent se maintenir jusqu’äcette époque. Toutefois, les pluies tropicales au Brésil font souvent une pause au milieu de l'été, et il en résulte fréquemment un abaissement de l’eau dans le Paranä en février®. Quelquefois aussi la crue commence plus tôt, en septembre. Elle a alors pour cause les pluies d’hiver et de printemps, qui tombent sur la partie de ses sources situées en dehors des tropiques et qui, dans le voisinage de la chaine littorale du Brésil, reçoivent d’assez grandes quantités d’eau. Le territoire argentin n’y contribue pour rien, parce que ses pluies arrivent plus tard, en octobre et novembre. La différence entre le niveau le plus bas et le plus élevé concorde en général avec celle du Rio Uruguay, ou est peut-être un peu plus faible, à cause de la longueur beaucoup plus grande de son REP. ARG. — 1, 1 258 DIFFÉRENCE ENTRE LES NIVEAUX EXTREMES. cours et de sa largeur considérable, surtout à l’époque des pluies où il submerge complétement la zone plate qui borde ses rives: J’ai eu occasion d'observer en 1858 une des crues les plus éle- vées qui aient été constatées depuis de nombreuses années; et je constatai que la difference entre le niveau le plus haut et le plus bas s’eleva à 18 pieds. Mais tout le monde m’assura que depuis 1827 on n’avait pas vu une crue aussi considérable, et qu’elles sonttrès-rares. D’ordinaire la différence entre les deuxniveaux ne dépasse pas 12 pieds, et même ce chiffre n’est pasatteint tous les ans, mais se borne souvent à 9 ou 10 pieds. | On comprend que la profondeur du chenal dépend du niveau du fleuve, et que par suite on ne peyt donner aucune indication précise sur elle. Le chenal navigable principal est toujours placé plus près de la rive escarpée que de la rive plate, et il forme un véritable canal que les grands navires ne peuvent pas quitter sans danger. Cependant les navires de guerre peuvent remonter jusqu’au Paraguay. J'ai vu moi-même passer près de moi une petite flottille de guerre des Américains du Nord durant mon sé- jour à ma quinta sur la rive du Paranä. En dehors de ce canal le fleuve est en partie très-plat, et les navires qui ne le connaissent pas courent danger de toucher le fond; aussi les grands navires étrangers ne s’y aventurent jamais sans pilote. J’aivu un navire de guerre du Paraguay échoué au milieu du fleuve sur un banc de sable (Reise, 1, p. 359). Les navires qui tirent 12 pieds et au delà peuvent remonter jusqu’au Paraguay, mais en se tenant unique- ment dans le canal profond. Des bancs de sable se forment sou- vent en peu de temps et changent le chenal. Le fleuve dans ses fortes crues déracine de grands arbres sur ses rives, les entraine plus ou moins loin, puis les laisse tomber au fond, et donne ainsi lieu à la formation de nouveaux bas-fonds. En ce qui touche les rives du fleuve, nous avons déjà fait res- sortir la distinction principale des berges élevées et des berges plates. Les premières sont toujours des talus escarpés entière- ment nus, que le courant affouille souvent, faisant tomber aitisi les parties supérieures. Sur les navires à vapeur dont le mouvement CARACTÈRES DES RIVES. 259 rapide rejette l’eau avec force contre les rives, on voit souvent de ces écroulements, mais seulement sur une petite échelle. Les tempêtes violentes qui de temps à autre se döchainent sur le grand courant en entrainent des surfaces plus grandes. Les bords su- _ périeurs de ces rives escarpées ont d'ordinaire une simple couche d'herbes pour revêtement. On y voit rarement des arbrisseaux, et dans les deux cas on distingue sans difficulté la terre grise de la période alluviale mélangée avec l’humus, du lehm gris jaune rougeätre du diluvium. La première couche dépasse rarement 9 pieds d'épaisseur, la seconde en a ordinairement 30 à 40 et au delà. Dans le Paranä inférieur il n’existe aucune espèce de buis- sons sur ces berges élevées; mais dans la partie supérieure on . en voit au contraire très-souvent. Les bords plats des rives portent toujours une végétation frai- che, mais en général on n’y voit pas d'arbres élevés. Sur les îles de l'embouchure prédominent des saules arborescents vigoureux (Salix Humboldtiana Willd.). Les marais plats situés plus au nord ont une végétation mélangée qui se développe rarement en arbres vigoureux et consiste surtout en arbrisseaux de 15 à 20 pieds de haut, parmi lesquels un des plus remarquables est le 'seybo (Erythrina erista galli) avec ses belles grappes de fleurs rouges. Entre les plantes ligneuses élevées croissent partout des jones et des herbes succulentés peu élevées, mais rarement pour- vues de belles fleurs; les plus fréquentes et les plus jolies sont une espèce de Ganna et une Sagittaria. Comme le fleuve sub- merge tous les ans ces marais à l’époque des hautes eaux, il en entraîne beaucoup avec lui, creuse des canaux dans les parties basses, et forme ainsi des îles qui accompagnent ses rives en grand nombre. Celles-ci peuvent aussi avoir pour origine des bancs de sable qui se forment même devant la rive escarpée lorsque la végé- tation s’y implante à l’époque des basses eaux, en leur donnant ainsi une plus grande solidité. Il est vrai que le fleuve détruit souvent de nouveau ces obstacles à son cours. Après la haute crue de 1858 j'ai vu en beaucoup d’endroits des rangées de grands arbres tous la tête tournée vers la terre et les racines pen- u LARGEUR DU FLEUVE. dantes dans le fleuve qui les avait renversés ainsi. Lorsque la baisse des eaux arrive, ces arbres se dessèchent, leurs dernières racines encore fixées se pourrissent, et à la première nouvelle crue ils sont arrachés et entraînés par le courant, et vont contri- buer à la formation de nouveaux bas-fonds. Ceci s'applique sur- tout aux entrelacements épais de plantes qui se forment dans les canaux entre les îles des marais, jusqu’à ce que les grandes eaux viennent les soulever et les entrainer, ce qui a lieu à chaque inondation importante. A l’époque de la grande crue de 1858, J'ai vu plusieurs de ces îles flottantes descendre le fleuve, quel- ques-unes même étaient habitées. Un cerf était sur une des plus grandes, à moitié submergé, et paraissait nous regarder avec sur- prise en nous voyant passer avec le bateau à vapeur. Des animaux de proie, comme les onces (Felis unca), sont aussi entraînés sur ces îles. A l’époque de la même crue plusieurs de ces animaux furent poussés à terre près de Rosario, et capturés®®. | La largeur du fleuve, on le comprend, varie autant que sa pro- fondeur, surtout lorsque des îles le rétrécissent.Dans les endroits complétement libres, comme au-dessous de Diamante, où les deux rives restent longtemps plates, 1l a un mille géographique de large, mais c’est la plus grande largeur de tout son cours. Dans l'étendue de Paranä à Corrientes il ne dépasse nulle part un demi-mille géographique, et estsouvent plus étroit; au-dessus de Corrientes jusqu'aux rapides il n’a plus cette largeur, et il se réélargit de nouveau seulement près de sa Jonction avec le Para- guay. Au-dessous de Rosario il devient plus étroit à cause du grand nombre de sinuosités et d’iles de son cours. Il se divise ensuite, à San-Pedro, en deux bras principaux qui divergent à l'est et au sud-est, et bientôt forment, par de nouvelles ramifica- tions, un delta composé d’iles innombrables par lequel le Paranä se jette dans l'estuaire de la Plata. La principale embouchure située au nord porte le nom de Paranä Guazu, celle du sud celui de Paranä de las Palmas. Les autres sont insignifiantes et en partie n’ont pas de noms particuliers. La première est le canal le plus profond et le plus large, la seconde le plus étroit et le moins BRAS LATÉRAUX DU FLEUVE. 261 profond. On peut considérer comme embouchure la plus septen- trionale le Brazo Largo qui se détache du Paranä Guazu et vient s'ouvrir dans le Rio Uruguay au nord de Punta Gorda. Entre les deux embouchures principales coule le Paranä Mini, le bras le plus important après les deux autres. Enfin nous devons encore ajouter que sur tout le parcours in- férieur, des branches latéralesse détachent de l’artere principale, coulent assez longtemps parallèlement avec elle et s’y réunissent ensuite de nouveau. Ges bras latéraux coulent ordinairement au pied des talus élevés situés dans les terres, et isolent la zone riveraine plate des terres plus élevées. Ils commencent déjà sous le 29° de lat. S., sur le côté occidental, et se continuent ä travers la province de Santa-Fé jusqu’à l’embouchure du Rio Salado. Près de celle-ci se trouve le grand bras du Colastine. Au sud de l'embouchure du Rio Salado commence le Brazo de Tomé, qui sort encore du Rio Salado et accompagne le Paranä jusqu’à l’em- bouchure du Carcarañal, mais envoie plusieurs émissaires dans le Paranä. Avec lui finissent les bras latéraux sur le côté occi- dental. Sur le côté oriental ils commencent à la Punta Gorda au- dessous de Diamante. Là se détache le Rio Paranacito, qui s’écarte loin dans les terres, reçoit les petites rivières d’Entre- rios jusqu'au Gualeguay, avec lequel il rejoint le Paranä, après lui avoir emprunté de l’eau en plusieurs autres endroits par d’autres bras latéraux, comme le Brazo de Pavon. Beaucoup de ces branches latérales sont navigables pour de petits bateaux et aceroissent l'utilité du fleuve pour l'intérieur. Tel est notam- ment le bras entre le Rio Salado et le Rio Carcarañal que Cabot : suivit dans son voyage de découverte. 3. Le Rio Paraguay coule assez exactement du nord au sud, dans la direction du coursinférieur du Rio Paranä, et forme l’axe de tout le système, bien que le Paranä l'emporte par son débit. Ses sources se trouvent en territoire brésilien, et sont pour la plupart un peu plus au nord que celles du Rio Paranä ; aussi ce fleuve dépend-il d’une façon plus complète des pluies tropi- cales, qui seules contribuent à son alimentation, et par conséquent 262 LE RJO PARAGUAY. il s’accroit et s’abaisse avec encore plus de régularité. Sa source la plus septentrionale se trouve assez près du 14 de lat. S. sous le 58° de longitude de Greenwich, sur le versant méridional d’une petite montagne dirigée comme les Montes Pyrenäos de l’est. à l’ouest et entourée de toutes part d’une contrée montagneuse peu élevée. Quelques-uns des principaux cours d’eau du pays inté- rieur tirent leur origine de ce centre forestier situé dans le voi- sinage de la frontière occidentale du Brésil. Delà sortent au nord- ouest le Rio Arino et le Rio Preto, deux des sources du Rio Tupajos, au nord-est le Rio Xingü, et au sud le Rio Paraguay par deux bras principaux, dont l’oriental porte le nom de Rio Cuyabä et l’occidental celui de Rio Paraguay. Quelques-uns des pics les plus élevés de cette contrée montagneuse, tels que le Tum- bador et le Gerro Colorado, atteignent au-delà de 2000 pieds. Un grand nombre de petits ruisseaux en descendentet vont se réunir peu à peu aux deux bras supérieurs du Rio Paraguay. Ges deux cours d’eau ont leur source septentrionale principale près l’une de l'autre, sous 14° 19’, aux deux côtés d’une chaîne de mon- tagnes dirigée au sud-ouest et qui porte le nom de Sierra de los Bacairis. Cependant la principale source du Rio Paraguay reçoit ici le nom de Rio Amular, et prendle nom de Rio Paraguay seu- lement après que la source la plus occidentale du Rio Diaman- tino s’est réumieavec les autres, telles que le Rio Buriti et le Rio Colorado. Les deux rivières, le Rio Paraguay et le Rio Cuyabä, coulent d’abord au sud-sud-ouest, s’infléchissent bientôt au sud et courent à une distance l’un de l’autre de 20 à 30 milles géo- - graphiques jusqu’au moment où ils viennent se confondre en une artère principale dans les marais de Xarayes sous le 18° de lat. S, Sur ce parcours les deux branches recoivent plusieurs affluents importants, notamment le Rio Jaura et le Rio Turquis de l’ouest, le Rio Porrudos (San-Lorenzo) avec le Rio Pequini et le Rio Hupiauhuhy de l’est. Ils pénètrent ensuite dans le vaste bas-fond “marécageux de Xarayes, qu'ils inondent tous les ans et transfor- ment en un lac dont les immenses marécages rendent impossi- ble la colonisation. Ils furent déjà funestes aux premiers Espa- CHANGEMENTS PÉRIODIQUES DE NIVEAU. 263 gnols qui abordèrent ces contrées en 1543 sous la conduite de Rivera, envoyé par Cabeza de Vaca. Aussi on n’essaya pas d’abord de coloniser ces districts humides. Plus tard ils tombèrent au pouvoir des Portugais, lorsque l’abondance de l’or et les dia- mants eurent attiré beaucoup d’immigrants dans le bassin du Rio Paraguay. | | "A Pextrémité du marécage le Rio Paraguay reçoit de l’est l’im- portant Rio Taquari, ou Paraguaymini, et le Rio Mboteti (ou Miranda), de l’ouest le Laritequiqui (actuellement Bahia Negra) moins riche en eau, et un grand nombre de petites rivières. Ces dernières viennent presque toutes de l’est, contrée richement boïsée, tandis que le côté occidental est pauvre en eau sur toute son étendue. Nous ne dirons rien de plus de ces petits affluents, car nous n’avons pas dessein de donner une description géogra- phique détaillée du pays. D'ailleurs toute cette contrée est située en dehors des limites de la république Argentine, et la riveocci- dentale du Rio Paraguay appartient à cet État seulement du 22 au 27° de lat. S. ( Le Rio Paraguay est pour le pays et pour le commerce beau- coup plus important que la partie supérieure du Paranä au- dessus de sa réunion avec lui. Il jouit du grand avantage de con- stituer une route par eau ininterrompue que, grâce à la largeur et à la profondeur uniforme du courant, on peut remonter pres- que jusqu'aux sources sans rencontrer nulle part d'obstacles considérables à la navigation. Les variations périodiques de son niveau sont beaucoup plus régulières que celles du Paranä, parce qu’elles dépendent uniquement des pluies tropicales qui sont elles-mêmes très-constantes. Elles commencent en novembre, et durent en s’accroissant lentement pendant décembre, janvier et février. Alors le niveau de l’eau s’abaisse et diminue graduelle- ment jusqu’en juillet, époque à laquelle le fleuve atteint son étiage le plus bas, qui varie peu pendantles trois mois suivants, jusqu'à ce que la nouvelle crue recommence *. La différence entre les niveaux les plus hauts et les plus bas est assez la même que pour le Paranä, et en général ne dépasse pas 12 pieds ; Pie 264 PROFONDEUR DU PARAGUAY. elle s'élève jusqu’à 15 pieds. Sur le côté oriental le fleuve a presque toujours des berges élevées et ne peut pas s'étendre dans cette direction. La rive occidentale est basse et forme une zone marécageuse qui est submergée tous les ans. Le courant n'ayant pas, comme le Paranä, de branches latérales où déverser son trop-plein, a en général une largeur de 4/2 à 3/4 de mille! géo- graphique. Cependant il existe des points et des étendues plus étroites où il n’a plus que 1/4 ou même 1/8 de mille. C’est ce qu'on appelle les angusturas, dont la situation coïncide le plus souvent avec des courbes entre des berges élevées, ou avec l'existence d’iles. Le nombre de ces dermières n’est pas grand, et elles sont bien moins fréquentes que dans le Paranä ou le bas Uruguay. De ce fait le Paraguay a un courant un peu plus lent que le Paranä. D’après le lieutenant Page, celui de ce dernier est de 2milles1/2à l'heure, celui du Paraguay de 2 milles seulement. L’eau du Paraguay est aussi un peu plus limpide que celle du Paranä. Les marécages du nord, dans lesquels le fleuve dépose sa vase, contribuent sans doute aussi à ce résultat. Quant à la profondeur du Paraguay, les sondages ont fait voir qu’il a un meilleur chenal navigable près de la rive orientale, et qu'à l’ouest 1l devient très-peu profond. Le chenal navigable est plus régulier que celui du Paranä, à cause de la largeur plus uni- forme du fleuve et de l'absence des obstacles que le Paranä se crée lui-même avec les arbres déracinés. On en rencontre rare- ment sur le Paraguay, les contrées basses avoisinantes possédant une végétation plus vigoureuse, et riche en sous-bois de. buissons. Le chenal demeure donc uniforme, et de l'embouchure dans le Paranä jusqu’à l’Assomption, capitale du Paraguay, il a une profondeur moyenne de 24 pieds pendant la saison des hautes eaux, et de 12 pieds à l’époque du niveau le plus bas. Plus en avant la profondeur decroit, mais lentement, et à Co- rumba, sous le 19° de lat. S., elle est encore de 12 à 13 pieds à l’époque des grandes eaux, et de 5 à 6 pieds au moment du plus bas étiage. Il est même encore navigable jusque dans les marais de Xarayes, et les navires qui ne tirent pas plus de quatre ÉTAT DES CONTRÉES RIVERAINES. 265 pieds d’eau pourraient remonter jusqu’à Cuyabä et même jus- qu’au 15° de lat. S. à tous les moments de l’année. Les traités des États limitrophes garantissent la libre navigation non-seulement entre eux, mais encore aux nalions étrangères ; aussi ce fleuve deviendra un jour d’une orande importance pour le commerce intérieur, et d’un prix inestimable pour Buenos-Ayres qui est l'entrepôt naturel des marchandises qui remontent et descendent le Paranä. C’est là que viendront aboutir les richesses qu’un commerce actif avec l’intérieur laisse entrevoir. Malheureusement toute la rive occidentale du fleuve depuis Santa-Fé en amont est pour le moment à peu près déserte. Les peuplades indiennes y vivent encore dans une liberté peu con- testée, etle Gran-Chaco, qui doit son nom (voy. note 18) à l’exis- tence de chasseurs que mènent ces hommes, demeurera encore longtemps un simple territoire de chasse pour les bandes errantes d’Indiens, etquelquefois un repaire pour les hordes pillardes qui partent de là pour leurs expéditions dans l’ouest (voy. mon Reise, Il: p. 29 et seg.,). Le côté oriental, de l'embouchure du Paranä jusqu’à l'embouchure du Rio Apa (22° de lat. S.) est peu- plé de populations d’origine européenne, et est en grande partie cultivé: Mais, à l'exception des localités principales, cette popu- lation est clar-semée et a besoin de s’accroitre beaucoup avant que la culture atteigne son plein développement. Les contrées riveraines de. ce côté appartiennent aux meilleures de la répu- blique Argentine, et le grand fleuve sur les bords duquel elles se trouvent en facilite tellement l'emploi et l'exploitation, qu’elles semblent ne plus attendre qu’un peu de bonne volonté pour voir s'ouvrir promptement l'avenir qui les attend. Mais l’entrée de ces contrées, la province d’Entrerios, est un foyer constant de révolutions que suscitent incessament quelques personnages considérables dans le but égoïste de se nuire et de s’oppri- mer ‚les uns les autres: D’un autre côté, la partie supérieure de cette région, le Paraguay, cette terre bénie et riche entre toutes, languit encore débilité par le despotisme sous lequel les Jésuites et des hommes comme le docteur Francia etles mem- 266 LE RIO PILCOMAYO. | bres encore plus néfastes de la famille Lopez y ont élevé les po- pulations, | ‚A. Le Rio Pilcomayo, le premier grand affluent occidental du Paraguay, appartient à la Bolivie dansla plus grande partiede son cours et a seulement son tiers inférieur sur le territoire argentin. Ses sources sont situées entre le système montagneux du Despo- blado et le plateau de la Bolivie. Elles sortent soit du versant sud- est du dernier, soit du bord nord-ouest du premier, et serassem- blent en deux cours principaux, un de chaque côté, qui viennent tous deux se réunir à la sortie des gorges alpestres pour former la rivière dans la plaine. 5 | La branche septentrionale du Pilcomayo porte le même nom. Elle vient des contrées où se trouvent les villes de Chuquisaca et Potosi, et a plusieurs petits affluents, tels que le Rio Cachimayo et le Rio Maracä, qui lui arrivent, le premier du sud-ouest, le second du nord-ouest. | La branche méridionale est alimentée par une étendue de terri- toire plus grande, mais n’est pas plus abondante en eau, parce que ses affluents viennent de contrées arides et stériles qui for- ment le versant nord-ouest du système du Despoblado. Le princi- pal cours d’eau porte le nom de Rio Pilaya; mais en réalité 1l n’est que l'extrémité inférieure des bras situés au sud, etil vient rejoindre le bras nord, ou Rio Pilcomayo, sous 63° 40’ ouest de Greenwich. Auparavant, le Rio Pilaya recoit deux affluents prin- cipaux, au nord le Rio Grande, au sud le Rio San-Juan. Le pre- mier vient de l’ouest-nord-ouest et recueille les petits ruisseaux du Rio Tola-Pampa, du Rio Yura, du Rio Gotagayta et du Rio Anto- nio. Le Rio San-Juan coule du sud-ouest et se forme de la réu- nion du Rio Socacha, du Rio Suipacha, du Rio Estaca et d’autres petites sources. La route, qui en partant de Jujuy traverse le plateau du Despoblado près de Moyo, touche ensuite à Tupiza et conduit le voyageur à Potosi, après avoir traversé le Cotagayta, des- cend lecours du Rio Socacha. Depuis les temps primitifs elle con- stitue la principale voie qui relie Les paysargentins et la Bolivie. Elle passe au pied des sommets neigeux du Cerro Ghorolque COURS INFÉRIEUR DU RIO PILCOMAYO. 267 (5625 mètres, 17 200 pieds), centre des chaînes qui sortent en cet endroit du plateau du Despoblado ou de Puna. C’est à lui en grande partie que le Rio Pilaya doit son eau. Après que les deux principales branches se sont réunies au point indiqué près de la petite ville de Junta, la rivière prend sa course dans les plaines du nord du Gran-Chaco et se dirige d’a- bord vers l’est-sud-est. Elle ne conserve pas longtemps un lit unique, mais se partage en s’avancant dans la plaine peu inclinée en une infinité de petits bras plus ou moins parallèles, qui de- . viennent si peu profonds qu'aucune navigation n’y est possible. Ces bras se rassemblent de nouveau dans un grand lac, accom- pagné plus loin à l’est de dunes de sable, entre lesquelles l’eau de la rivière disparait. Elle reparaît seulement après une longue . étendue de bas-fonds marécageux, décrit de nombreux circuits accompagnés de rapides, et vient ensuite se jeter de nouveau dans un grand lac dont on ne peut voir la fin d’une extrémité à l’autre. On ne connaît pas la position exacte des particularités du Pilco- mayo que nous venons de décrire, car jusqu'ici on n’a pu entre- prendre aucune exploration réelle du cours de cette rivière. Mais ilsemble probable que les obstacles mentionnés existent seule- ment dans la moitié supérieure du cours, pendant que cette ri- vière coule sur le territoire de la Bolivie, et que le cours unique se rétablit plus bas. Mais cette partie souffre encore de l'existence d'obstacles que lui créent les accidents en forme de terrasses de la plaine. Il existe plusieurs rétrécissements et rapides difficiles à surmonter et qui rendent le passage impossible à de grands bateaux. Beaucoup d'arbres arrachés aux forêts et tombés dans le courant font obstacle à la navigation, et nécessitent un entretien constant impossible dans des régions aussi éloignées, peuplées uniquement d’Indiens. Enfin la rivière se partage dans le dernier quart de son cours en plusieurs bras qui fractionnent le débit d’eau eten abaissent nécessairement le niveau, rendant ainsi impossible l'emploi de navires d’un tirant profond. Toutes ces circonstances ont détourné jusqu'ici le commerce du Rio Pilcomayo, et conserve- ‘ront encore longtemps cette rivière dans l’isolement et l'inconnu. 268 | LE RIO VERMEJO. Quant aux bras de l'embouchure, on en connaît trois, dont le troisième peut être considéré comme le principal. Le premier et plus septentrional porte le nom de Rio Ibabi. Il s’écarte beau- coup du bras principal et debouche dans le Rio Paraguay sous 24° 30°. Le second s’appelle Rio Confuso ; il débouche sous 25° 8’, et se détache du tronc sous le 24° de lat. S. et 59° 20 ouest de Greenwich, laissant le Rio Ibabi au nord-est. Près de lui se trouve la Villa Occidental. Le troisième bras con- serve le nom de Pilcomayo. Il débouche en face de l’Assomplion, sous 29° 17’, et forme un petit delta à son embouchure, qui en rend l'entrée plus difficile que celle du Rio Gonfuso. 9. Le Rio Vermejo. La région des sources de cette rivière, qui dans sa direction générale est parallèle à la précédente, est également encore en partie sur le territoire bolivien, mais seu- lement sa partie la plus faible. La partie la plus grande des sources du Vermejo naît sur le sol argentin. Comme pour le Rio Pilcomayo, elles se réunissent en deux branches, une nord et une sud. La branche septentrionale est en grande partie bolivienne. Elle vient des vallées occidentales entre les chainons du système du Despoblado, qui ici forme un plateau mieux isolé, séparé du pla- teau principal de l’ouest par la gorge du Rio Jujuy. Cette branche septentrionale, comme le Rio Pilcomavo, conserve le nom de Rio Vermejo et sort de deux rameaux qui portent aussi le même nom. Le rameau oriental est le Rio Vermejo de Tarija, le rameau occidental, le Rio Vermejo Principal. Ils reçoivent l’un et l’autre plusieurs ruisseaux que nous laissons de côté, parce qu'ils appar- tiennent en grande partie à la république de Bolivie. Les deux rameaux séparés du Vermejo entrent sur le territoire argentin seulement dix lieues avant leur jonction, à Juntas de San-Antonio, au-dessus du 22° degré de lat.S. et s’y réunissent. La ville d'Oran, la plus septentrionale de la république, est sur le bord de leurs cours réunis. | La branche méridionale du Rio Vermejo prend le nom de Rio Grande de Jujuy. Elle court au nord-est dans une large vallée SOURCES DU RIO VERMEJO. 269 entre les chainons extrêmes du système du Despoblado et la Sierra Lumbrera, qui court dans la même direction. Elle se réunit avec le Rio Vermejo de Oran, sous 23° 16°, pour constituer le trone du Rio Vermejo Grande à Juntas de San-Franeisco, et la partie inferieure de la riviere prend le nom de Rio San-Fran- cisco. Dans son cours, le Rio Grande de Jujuy décrit un angle assez aigu ens’échappant du bord du plateau du Despoblado dans la direction sud-sud-est, pour prendre la direction nord-est seu- lement plus tard. Cette direction supérieure est celle de toutes les vallées qui s’eloignent du plateau du Despoblado au sud, et que doivent suivre les eaux qui y coulent. Plusieurs petits ruisseaux, le Rio Negro, le Rio Ledesma,.le Rio San-Lorenzo, le Rio de las Piedras, situés sur les limites entre Salto et Jujuy, obéissent à cette direction et vont rejoindre la partie du Rio Grande de Jujuy dirigée au nord-est. Celle-ci prend aussi le nom de Rio de San- Francisco. D’autres rivières à l’ouest du Rio Grande, et qui cou- lent aussi d’abord au nord-ouest, comme le Rio Alizon et le Rio Perico, obéissent les uns à la même direction, ou bien se rassem- blent en un rameau unique, le Rio Lavayen. Celui-ci se réunit plus tard au Rio Grande de Jujuy, pour former le Rio San-Fran- cisco, et reçoit les eaux des ruisseaux qui sortent du plateau du Despoblado entre Jujuy et Salto. Le plus méridional d’entre eux est le Rio Mojotoro °'. Le chainon, au pied occidental duquel se trouve la ville de Salto, forme la séparation des eaux du bassin du Rio Vermejo et du Rio Salado. Le petit ruisseau qui passe à Salto appartient déjà à ce dernier. Une arête basse et étroite suffit ici pour séparer l’un de l’autre ces deux grands bas- Sins. | | La jonction des deux branches supérieures du Rio Vermejo a lieu dans la plaine au sud d'Oran, à peu près sous 93° 16-20', à Juntas de San-Francisco. La rivière assez abondante qui en ré- sulte prend alors la direction sud-est, à travers la vaste plaine du Gran-Chaco. Elle serpente en décrivant mille sinuosités, et vient enfin se Jeter dans le Paraguay peu au-dessus de sa jonction avec le Paranä, à peu près sous 26° 52. Il n'existe sur le Rio 270 : NAVIGABILITÉ DU RIO VERMEJO. Vermejo aucun obstacle considérable à la navigation, tel que ra- pides ou larges &panouissements du lit transformé en marais’ou en lagunes. Mais la grande largeur de son lit et son faible débit d’eau abaissent sa profondeur à 26 pouces et même jusqu’à 18 pouces en beaucoup d’endroits pendant les bas étiages; aussi n’est-il accessible qu’à des bateaux plats. L'époque des hautes eaux amène une différence annuelle de 3 à 5 varas. Elle a lieu dans les mois de janvier à mars. Pendant son cours à travers la plaine, cette rivière ne reçoit que le faible contingent du Rio del Valle, sous 24° 5-10’ de lat. S. Cet apport doit être minime, car cel affluent doit son origine à plusieurs petits ruisseaux qui prennent leurs sources sur les pentes sud-est de la Sierra Lum- brera. En outre un terrain marécageux lui soustrait encore beau- coup d’eau vers le bas de son cours. Au-dessous de son embou- chure se trouve le village d’Esquina Grande, le dernier établis- sement de cette région. Plus loin on ne trouve plus que des tribus indiennes. Dans ces derniers temps on a fait plusieurs essais pour établir une navigation permanente sur le Rio Vermejo. Une compagnie s’est constituée dans ce but, et chaque mois un petit navire à va- peur remonte le fleuve pour mettre en relation avec Buenos- Ayres la population fixée dans la partie supérieure de son cours à Esquina et à Oran. Mais jusqu'ici les résultats de cette entre- prise ont eu peu d'importance, parce que cette population est encore peu nombreuse et que ses produits ne sont pas recherchés. Mais la nature tropicale de eette contrée, où les plantes des pays chauds croissent, permet d'espérer que ses produits s’aceroitront et prendront bientôt un plus grand essor qu'aujourd'hui. Un bel avenir est donc réservé à cette contrée. Il faut seulement faire des vœux pour que son paisible développement n’ait pas à souffrir de bouleversements violents, et qu’on ne revoie plus de césterribles catastrophes comme le tremblement de terre et l’inondation si- multanée qui ont presque entièrement détruit la ville d'Oran il y a deux ans %, | | 6. Le Rio Salado est le dernier grand affluent occidental du LE RIO SALADO. 27i bassin de la Plata. Ge cours d’eau appartient tout entier au terri- toire argentin et se déverse, non plus comme les deux précé- dents, dans le Rio Paraguay, mais dans le Rio Paranä, près du Santa-Fé. Il sort du côté ouest du flanc méridional du système de Despoblado, et la tête de son cours a une direction tout à fait iden- tique avec celle de la branche supérieure méridionale du Rio Vermejo. Ils se ressemblent comme s'ils étaient la copie l’un de l’autre. Les deux sources le plus à l’ouest, le Rio de Santa-Maria et le Rio Calchaqui, naissent entre le 66° et le 67° degré ouest de Greenwich. Ils dirigent au sud-sud-est leur eau vers la vallée qui forme la limite entre le système du Despoblado et celui de l’Acon- quija. Gette vallée, ainsi que celle du Rio Grande de Jujuy et du San-Franeisco, court du sud-ouest au nord-est. Le Rio Guachipas, qui n’est autre que la tête du Rio Salado, y coule avec une direction semblable. C’est dans cette rivière que viennentsejeter les deux affluents dont nous venons de parler. Le Rio Santa-Maria reçoit son eau du sommet neigeux du Cajon, principal massif de la Sierra Gulumpaja, et jaillit sous 25° 50', pres de ce piton au nord. Il coule au sud-est jusque sous 26° 40° dans une étroite vallée inhabitée, et arrivé à cet endroit décrit rapidement un arc au nord-est. Là se trouve le premier lieu habité de la val- lee, la Punta de Balastros. Une suite d'établissements, quelques- uns charmants, viennent ensuite dans la partie plus ouverte de la vallée, jusqu’à ce que la rivière rencontre, sous 25% 54’, le Rio Galchaqui qui coule dans la même direction du nord-ouest. Parmi ces établissements nous citerons d’abord Santa-Maria, qui autrefois était animé, mais est devenu misérable depuis que les forges ont été portées ailleurs. Plus loin la grande Estancia Cololao avec le Bañado de Quilmes, dernière contrée défendue par les héroïques Calchaquis, qui y avaient leur siége principal. Elles relèvent toutes deux de la province de Tucuman. En dehors de leur territoire, au nord, l’Estancia Tolombom et le village de Cafayata, connu par ses riches cultures de vignes, près de la petite ville de San-Carlos,-où le Rio Calchaqui rencontre le Rio de Santa-Maria, après avoir reçu plus haut le petit Rio de San-Carlos. 312 LE RIO GUACHIPAS. Cette contrée, jadis théâtre des combats les plus terribles avec les Calchaquis, dont le dernier reste, les Quilmes, habitaient là, est actuellement en pleine culture. C’est là que se croisent les deux grandes routes commerciales de Salta à Copiapé et de Gata- marca en Bolivie ou à Salta. Le prolongement de la route de Bo- livie remonte la vallée du Rio Calchaqui et touche d’autres loca- lités moins favorisées, telles que El Carmen, Molinos, Cachi. La rivière s'appelle aussi Rio Cachi, parce qu’elle naît ‘* dans le voi- sinage de cette localité, sous 24° 20". Les deux rivières réunies prennent le nom de Rio Guachipas, et coulent dans la direction du cours inférieur du Rio de Santa- Maria, au nord-est, jusqu’à ce qu’elles aient atteint le 65° degré ouest de Greenwich et 25° 10° lat. S. La vallée est assez large, mais pas aussi bien cultivée qu’à San-Carlos et Cafayata. Plu- sieurs autres petits affluents, tels que le Rio del Tunal, le Rio Rosario et le Rio Arias, l’arrosent et vont se déverser dans le Rio Guachipas. Ils descendent tous du système du Despoblado en sui- vant la même direction que le Rio Calchaqui. De larges gorges, comme la Quebrada del Toro et la Quebrada del Escoipe, remon- tent dans une même direction au plateau, dontles ramifications, projetées loin au sud-est, prennent ici des noms particuliers : plateau de Cachi-Pampa à l’ouest et de Chicoana à l’est. Le princi- pal rameau du Rio Rosario coule par la Quebrada del Toro, et plus à l’est le Rio Arias, qui reçoit près de la ville de Salta un torrent de montagnes et vase jeter au sud-est dans le Rio Guachipas, près de sa courbure. La rivière rencontre dans ces contrées les der- nières chaînes annexes du système du Despoblado. Elles l’obligent . à se détourner d’abord à l’est, ensuite au sud-est. À sa courbure elle touche le pied de la Sierra Cachari, dernière ramification nord-est de l’Aconquija, et vient se buter sur l’extrémité sud-ouest de la Sierra Lumbrera, qui la détourne au sud-sud-est. Enfermée pendant quelque temps entre ces deux montagnes, elle coule dans un lit élevé par une vallée étroite, où se trouve la route de Tucuman à Salta, très-difficile pour les voyägeurs. En 1813 l’ar- mée libérale commandée par le général Belgrano campa quelque ORIGINE DU NOM DU RIO JURAMENTO. 273 temps à cet endroit, et lui Jura de mourir pour la patrie. Le con- grès décida que la rivière s’appellerait désormais Rio Juramento, nom qu’elle porte en effet depuis lors, concurremment avec celui de Rio Salado. Pendant que la rivière coule par cette gorge, elle reçoit quel- ques petits ruisseaux de la Sierra Cachari, sur lesquels existent des établissements prospères. Le dernier est le Rio de las Piédras près lequel les Espagnols fondèrent une ville dès les premiers temps (p. 88). Peu avrès il rencontre les Lomas Coloradas, chaîne étroite qui s'étend dans le prolongement de l'extrémité de la Sierra Lumbrera au sud-est et qui plus loin à l’est détourne la rivière dans la plaine. Elle contourne les Lomas et reçoit à leur extrémité son dernier affluent, le Rio Horcones, qui tire ses eaux soit de la petite Sierra Buruyaco (p. 221), soit des pentes inclinees à l’ouest de la Sierra de Tucuman, et elle est alimentée surtout par cette dernière contrée où se trouve le village de Ro- sario. Après être entré dans la plaine, le Rio Salado se dirige à peu près en ligne droite au sud-sud-est, et traverse d’abord des con- trées cultivées où l'accompagnent les localités de Miraflores, Balbuena, Pitos et d'autres relevant toutes de la province de Salta. A San-Miguel il entre dans la province de Tucuman, et ici la prin- _ cipale localité est Candelaria. Plus loin, au-dessous de Cruz Grande, il pénètre dans une région stérile presque inhabitée, partie du Gran-Chaco dont les forêts clair-semées l’accompagnent à l’est. Sur cette route, en traversant la province de Santiago, il perd beaucoup d’eau par évaporation, etarrive déjà assez affaibli près du chef-lieu. Il rencontre alors le prolongement de la dépression centrale dans laquelle se trouve |la grande steppe salée. Il s’y divise en plusieurs bras qui s’étalent des deux côtés sur une vaste étendue. Son cours devient lent, et il dissout une si grande quantité de sel, que ses eaux ont ensuite un goût très- prononcé de sulfate de magnésie, d’où lui est venu le nom de Rio Salado. La partie supérieure depuis Miraflores jusqu’à San-Miguel coule REP. ARG. — Le 18 274 INSTABILITÉ DU RIO JURAMENTO, dans la région montagneuse indiquée, où des différences de niveau considérables du sol occasionnent des rapides. La rivière, en effet, traverse jusqu’à San-Miguel plusieurs terrasses peu élévées. de la plaine, et lorsque le courantse ralentit il se forme des bas-fonds. Elle coule ensuite quelque temps plus tranquillement, jusqu’à l'endroit où commence ladivision en bras parallèles, depuis La Brea jusqu’à Figueroa. Son lit y est mal défini et change considérable- ment d’une année à l’autre. Plus loin elle se rassemble de nou- veau en un seul cours, et coule par les contrées mal peuplées dont la petite localité de Matarä constitue le centre. Elle se rapproche du Rio Dulce à une distance à peine de 40 lieues: mais au-dessous de Matarä elle se détourne du sud-sud-est au sud-est. De nouveaux bas-fonds se trouvent sur son parcours, et changent son liten vastesmarécages et même en grandes lagunes, qui causent une grande diminution dans la quantité des eaux par leur extension sur de larges surfaces. En même temps les arbres tombés dans la rivière, et devant lesquels des bancs de sable sesont formés, en barrent le cours et l’obligent à changer son lit sur de longues &tendues. De grandes masses de plantes, particu- lierement le cameloté (Pontederia azurea) et le totoras (Typhae spec.), couvrent ces bas-fonds sur plusieurs milles et masquent complétement le vrai lit de la rivière. Lorsque le Rio Salado sort de ces marécages et lagunes et qu’il rentre dans son lit unique, il est d'ordinaire pauvre en eau, décrit de nombreuses sinuo- sités, ét a un débit si faible, que pendant l'hiver on n’y trouve souvent plus que 2 pieds, ou 4 pieds au plus de profondeur, bien qu’il n’ait pas plus de 60 à 80 pieds de large. Ses berges sont assez élevées (15 à 20 pieds) et il ne peut plus en sortir attendu que des crues aussi considérables se produisent très- rarement. Lorsqu'il lui arrive de s’elever au-dessus, il n’en ré- sulte en général près de l’ancienne rive que des lagunes et non des inondations complètes. Les plaines avoisinantes, comme toute la surface des Pampas, ont de nombreuses dépressions et ne possé- dent pas une surface uniformément inclinée partout. Ces lagunes accompagnent le fleuve sur de grandes étendues. Elles se rem- LE RIO DULCE OU SALADILLO. 275 plissent à l’époque des hautes eaux, denovembre-en mai, période pendant laquelle la rivière s’accroit ordinairement de 10 à 12 pieds; mais elle decroit bientôt de nouveau, abandonnant une partie de ses eaux dans les lagunes. On a signalé de grandes forêts dans la partie inférieure de son cours. Telles sont la Monte de los Lobos, dans l'étendue de laquelle la rivière se détourne au sud pour éviter les collines de Remate, et plus tard la Monte de Aguarä, où elle reçoit près de la petite ville de Santa-Cruz l’afflux du Rio Vivoras qui descend du nord. A partir de là elle coule assez tranquillement jusqu’à Santa-Fé, et débouche un peu au- dessous de la ville dans le Paranä. Mais auparavant elle s’étend en un grand lac, d’où sort le bras latéral du Paranä qui accom- pagne le lit principal jusqu’à l'embouchure du Carcarañal à l’ouest, et passe devant Corunda, ce qui lui a valu le nom de: Rio de Corunda. A l’est de ce lac, il existe un autre bassin d’eau encore plus grand, la Laguna!Setubal. Elle se déverse dans le Rio Salado, un peu au-dessous de Santa-Fé. Le Rio Salado traverse presque en diagonale le territoire nord de la république Argentine, et par cette direetion il devrait être la grande route de l’intérieur du pays. Mais il est trop pauvre en eau pour Jouer ce rôle. Tous les essais pour faire de la rivière une voie de communication utile ont échoué jusqu'ici, et les expé- riences acquises ne permettent guère d'espérer de meilleurs ré- sultats dans l'avenir. M. Estevan Rams, citoyen entreprenant de la ville de Paranä, située assez exactement en face de l'embouchure du Rio Salado, s’est donné beaucoup de peines et n’a épargné aucune dépense pour rendre navigable cette rivière. Mais en exa- minant sans passion les données de son projet, on est forcé de reconnaître que malgré son apparence brillante et séduisante, il est inexéculable et le sera toujours. Nous n’en dirons rien de plus, car on le considère, même dans le pays, comme abandonné actuellement 51. 7: Le Rio Dulce ou Saladillo ne se déverse plus dans le Rio Paranä, mais se perd dans un marais avant d'avoir atteint le grand fleuve. Par ses sources comme par sa direction il fait 276 SOURCES DU RIO DULCE. encore partie du système de la Plata, auquel il se serait proba- blement réuni en se jetant dans le Paranä, s’il eût eu une plus grande quantité d’eau. Il sort des pentes sud-est de l’Aconquija et entre ses saillies avancées, de même que le Rio Salado sort des pentes inclinées dans la même direction et des vallées du système du Despoblado. Tous les petits ruisseaux et les petites rivières de ses sources se réunissent bientôt après leur entrée dans la plaine en un seul cours qui ne reçoit plus aucun affluent. Il court au sud-est parallèlement au Rio Salado, se charge, comme cette rivière, de sels dans la région de la grande steppe salée qu’il touche, et reçoitle nom de Rio Saladillo, le peu- ple ne le considérant que comme une imitation affaiblie du Salado. Jusqu'à cette région, c’est-à-dire Jusqu’un peu au-dessus de San- tiago del Estero, l’eau de la rivière est pure, claire et très- potable. Plus loin elle devient trouble, épaisse, très-salée et imbuvable. Cette rivière reproduit entièrement lesmêmes carac- tères que le Rio Salado. En haut elle est riche en eau, impé- tueuse même après les grandes pluies qui la gonflent presque instantanément et la font deborder; mais ces crues n’ont nirégu- larité ni longue durée. Son lit est souvent plus large, mais aussi moins profond, décrit beaucoup de sinuosités et n’est navigable nulle part pour des bateaux chargés. Les petites barques et les canots seuls y trouvent assez d’eau. Elle n’a pas de rapides ni de cascades, mais, comme le Rio Salado, des expansions maréca- geuses qui l’accidentent particulièrement dans la partie moyenne de son parcours. La source supérieure du Rio Dulce prend le nom de Rio Tala ou Rio Sali, d’après des localités situées près de son bord, et elle sort des annexes montagneuses situées en avant de l’Aconquija à peu pres sous 25° 40° lat. S., entre la Sierra de Buruyaco et le flanc opposé de ces chaînes parallèles qui accompagnent ici l’Aconquija et portent le nom général de Sierra de Tucuman. La direction supérieure de cette source, qui d’abord va au sud- ouest, s’infléchit bientôt au sud-est, comme tous les éperons de cette première chaine, et elle pénètre ensuite dans la large vallée COURS INFÉRIEUR DU RIO DULCE. 277 entre la Sierra Buruyaco et la montagne principale. Dans cette vallée la rivière traverse le village de Talä et s’y replie bientôt au sud-ouest. Elle coule au pied de la Sierra Buruyaco entre ses petits ressauts avancés, etaprès avoir dépassé Tucuman elle entre dans la plaine et s’y continue jusqu’au 27° de lat. S., parallèle- ment au bord des ramifications de l’Aconquija. Là elle se replie brusquement sous 2708-10’ au sud-est, et descend ensuite avec cette direction en traversant les provinces de Tucuman et de Santiago del Estero jusqu’à la province de Cordova, sur la limite orientale de laquelle le Rio Dulce se perd dans la lagune de Po- rongos entourée de marécages. La position de cette lagune corres- pond assez exactement au point où le Rio Salado sereplie au sud, de façon que si le Rio Dulce eût été plus riche en eau il serait venu rencontrer le Rio Salado dans le prolongement de sa direction, et par l'intermédiaire de cette dernière rivière serait parvenu au Rio Paranä. Bien qu'aucune hauteur ne l'empêche de pro- longer son cours, il s’arrête cependant dans cette dépression, vers laquelle toutes les rivières avoisinantes du système central se dirigent, et que l’on doit considérer comme l’affaissement le plus prononcé de la plaine entre la Sierra de Cordova et le Rio Paranä. Sur son parcours, entre la courbure supérieure au sud-ouest près de Talà et la ville de Tucuman, la rivière ne reçoit comme affluent que de petits ruisseaux qui descendent à l’ouest des ravins de la Sierra de Tucuman. Chacun d’eux est accompagné d’un établissement qu'il alimente d’eau; telles sont les loca- lités de Trancas, Alduralde, Bipos, Tapia et autres. Mais au sud de Tucuman les affluents deviennent plus forts, alimentés en partie par les neiges du sommet de l’Aconquija. Je dirai quelques mots de ces affluents du sud, que j'ai tous croisés dans mon voyage de Tucuman à Catamarca ‘. Tous sont encore sans ponts, et il faut les traverser à gué, ce qui est souvent difficile et même dangereux. Le Rio Lules descend par trois branches : le Rio San-Xavier, le Rio de Juntas et le Rio Anfama, des deux longues vallées situées 278 AFFLUENTS DU RIO DULCE. entre les trois premières chaînes orientales de la Sierra de Tu- _éuman. Il est riche en eau, roule d’abord de gros blocs, sort de la montagne au village de Lules, et reçoit encore dans la plaine PArroyo del Manantial. Le Rio Colorado est insignifiant, ‘roule des eaux troubles et fangeuses, sort du piéd des pentes ie de la plaine, et porte aussi le nom d’Arroyo del Rey. Le Rio Famalla ou Famaya est plus fort, roule de belles eaux limpides sur de gros cailloux, vient de la Quebrada del ar Negro, et va ensuite se jeter dans le Rio Lules. Le Rio Arenillo et le Rio Pamparroyo ressemblent au précé- dent. Ils sont également peu importants, se réunissent plus loin au sud, et se jettent ensuite dans la rivière suivante. | Le Rio Romano ou Rio de Monteros est un des affluents dos plus importants du Rio Dulce; ilvient de la vallée de Tafı et des- cend par une gorge étroite et profonde, dans laquelle il recoit plusieurs ruisseaux qui coulent des sommets neigeux au nord de l’Aconquija. Sur ses bords, au milieu de la plaine de Tucu- man, se trouve la petité ville de Monteros, localité la plus consi- dérable de la province après le chef-lieu. Il rejoint le Rio Talä au coude dirigé au sud-est, au-dessous de Tucuman, et à partir duquel cette dernière rivière prend le nom de Rio Sali. Le Rio del Pueblo Viejo, coulant parallèlement au Rio Monte: ' ros, est peu important, et se réunit au-dessous de Monteros avec ce dit cours. | Le Rio Seco, petit, limpide, coule sur un sol de cailloux, fait un long chemin dans la plaine, et atteint le Rio Sali loin au sud du Rio Romano. | Le Rio Gaston, grande et belle rivière, avec beaucoup d’eau, impétueuse, coule à Lravers une région boisée, roule peu de cailloux, mais entraîne souvent des arbres déracinés qui encom- brent son lit et le rendent infranchissable. | Le Rio Medina, le second grand affluent après le Rio Romano; ne roule pas de galets à l'endroit de mon passage. Il reçoit son eau principalement des sommets neigeux au sud de l’Aconquija, AFFLUENTS DU RIO DULCE... 979 etrecueilleplusieurs petits tributaires qui naissent danslesgorges orientales dela Sierra sud-est du massif del’Aconquija. Ge sont le Rio Chico et le Rio Nachi, tous deux peu considérables, mais mo- mentanément très-riches en eau à la suite de pluies violentes assez fréquentes ici. Le Rio Medina coule au sud-est. et se réunit aveele Rio Marapa peu avant de se jeter dans le Rio Sali. Le Rio Hondo qui en résulte contribue ensuite à la formation du Rio Dulce. : | Le Rio Marapa est une rivière assez forte, ne le cédant guère au Rio Romano et au Rio Medina, qui tire ses eaux des monta- gnes à l’est du Campo de Pucarà, parmi lesquelles nous avons signalé la Sierra de Escoba, la Sierra de Narvaez et la Cuesta de las Cañas. Il reçoit au milieu de ces montagnes le Rio de Singuil, le Rio Narvaez et le Rio de Escoba. Dans la plaine il reçoit encore le Rio Invernada, et se détourne avec une courbure assez accen- tuée du nord-est au sud-est, se dirigeant ainsi vers le Rio Dulce _ pour constituer, avec le Rio Medina, le Rio Hondo, d’un parcours peu long mais profond. Après avoir traversé au-dessous du coude la localité assez grande de Graneros, il prend aussi ce dernier nom. Le Rio Hondo, dont le parcours de peu de durée résulte de la jonction des eaux réunies du Rio Marapa et du Rio Medina, est le dernier affluent du Rio Sali. A partir de cet endroit cette rivière prend lenom de Rio Dulce, et continue son cours à travers la plaine au sud-est, jusqu’à ce qu’au sud de Santiago del Estero elle setransforme en Rio Saladillo. Au sud du Rio Invernada, un grand nombre de ruisseaux et de petites rivières, obéissant à une direction semblable à l’est, des- cendent des vallées longues et modérément larges de la Sierra de Alto ou de Ancaste. On peut les considérér comme tributaires du système du Rio Dulce, bien qu'aucun d’eux n’atteigne le lit principal de cette rivière, et ne vienne ainsi contribuer à son ali- mentation. La direction seule de leur cours les rattache au Rio Dulce, et ils le rejoindraient'si leurs eaux étaient assez abondantes. Nous allons mentionner quelques-unes de ces petites rivières à 280 RIVIÈRES ANNEXES DU RIO DULCE. titre d’annexes du Rio Dulce, comme nous l’avons considéré lui-même comme annexe du Rio Paranä. L’Arroyo Matasamba, petit ruisseau que j'ai franchi entre Coche et Guacra. | Le Rio Guacra ou Rio San-Francisco, rivière assez grande qui descend avec plusieurs petits ruisseaux de la Sierra de Alto, coule longtemps dans la plaine en décrivant de nombreuses sinuosités, mais sans atteindre le Rio Dulce. Il est d’abord assez abondant en eau à cause des nombreux petits ruisseaux qui l’alimentent. Je touchai à l’un d’eux, l’Arroyo Sumampa, en m’elevant sur la crête de la Sierra de Altos que je franchis dans le district hydro- graphique du Rio Guacra. Citons encore l’Arroyo de Vino et !’Ar- royo Durazno, qui coulent un peu plus au sud. Les derniers éta- blissements de la plaine fertile de Tucuman, tels que San-Fran- cisco, Bajada et Santa-Anna, sont situés sur le Rio Guacra. Au sud le sol salé se transforme en steppe et rend impossible la coloni- sation dans la plaine. Le village de Rio Hondo, situé à l’embou- chure de la rivière du même nom dans le Rio Dulce, est la der- nière grande localité habitable de cette contrée. Plus loin au sud, chacune des petites localités situées au pied de la Sierra de Ancaste est sur le bord d’un ruisseau de même nom. Sans leur présence toute colonisation y serait impossible. Citons seulement les noms des villages de Cañas, de Sinogasta, d’Albigasta, de Quiroz, de Ramblones, d’Ancaste lui-même et de Malegasta, tous deux profondément enfoncés dans la montagne et entourés de hauteurs considérables. La plupart de ces établisse- ments sont d'anciennes stations d’Indiens, qui existaient déjà à l’époque de la conquête. La terminaison gasta, qui reparait si souvent dans les noms, est un mot indien. Il signifie pays natal ou résidence, comme la terminaison heim dans l’ouest de l’Alle- magne et hagen ou dorf dans l’est. Le district de ces localités re- lève de la province de Catamarca. Le Rio Guacra forme la limite entre celle-ci et celle de Tucuman, qui, à l’est, s’arrête au Rio Hondo, où elle confine à celle de Santiago del Estero. | Le Rio Dulce, ainsi que le Rio Salado, le Rio Vermejo et le Rio QUANTITÉS DE PLUIES DU BASSIN. 281 Pilcomayo, est soumis à un changement de niveau annuel. Ce changement estproduit par les pluies violentes d’été qui tombent sur les régions orientales des provinces de Salto et de Jujuy. Elles déterminent une différence moyenne de 15 pieds entre le niveau le plus bas et le plus élevé. Ces pluies commencent avec assez de régularité à la fin du printemps, en octobre, et durent du mois de novembre jusqu’en mars. Elles ne tombent pas tous les jours, mais recommencent après de courtes pauses, de sorte que sous leur influence les rivières et ruisseaux de cette contrée se gonflent beaucoup et atteignent leur niveau le plus élevé dans le cours de l’été. Dans la partie météorologique de cet ouvrage, Je donnerai plus de détails, en m’appuyant sur mes observations . personnelles à Tucuman.“ Pour le moment, il suffit de dire que les pluies sont apportées par l’alizé humide du sud-est, dont la vapeur d’eau se condense sur les hauts sommets neigeux des montagnes voisines, et tombe sur les plaines etles vallées en avant de ces sommets. Les régions des provinces de Salta et de Cata- marca placées à l’ouest ne reçoivent rien de ces pluies bienfai- santes. Le courant humide arrêté et rafraichi par ces sommets se condense en eau, et ne peut plus atteindre jusqu’à ces régions si- tuées à l’ouest. Telle est l’origine des districts stériles et presque déserts du Despoblado et du Campo del Arenal, ainsi que de la plaine située à l’ouest du système de l’Aconquija et qui, par sa position, est condamnée à une sécheresse permanente. > Il nous reste encore quelques détails à donner sur le cours in- férieur du Rio Dulce. Jusqu’au-dessous de Santiago la rivière est limpide, roule des eaux claires et coule sur un lit de galets. A la suite des pluies violentes qui se déversent sur la région de ses sources, ellese gonfle tellement qu’elle monde de larges surfaces et devient même menacante pour. la ville située dans un bas-fond sur la rive occidentale °. Elle déplace son lit, mais devient si bas lorsque les pluies ne la gonflent plus, qu'on peut la traverser sans danger avec des chars lourdement chargés. Jai passé ainsi cette rivière le 22 juillet 1859, une demi-lieue au-dessous de San- tiago (voy. Reise II, p. 112). 282 COURS INFÉRIEUR OU RIO SALADILLO. À environ dix lieues au sud de Santiago, le Rio Dulce atteint le | bord de la steppe Salde, et ses eaux se chargent de sel. Il change alors de nom et n’est plus connu que sous celui de Rio Saladillo, Autrefois il n’entrait pas en contact avec le sol salé au même degré qu'il le fait aujourd'hui. En 1825, après une grosse crue, la rivière abandonna son ancieh lit, situé plus à l’est, plus près du Rio Salado, et passa par-dessus ses berges à l’ouest, inondant tout le bas-fond de la plaine situé de ce côté. Il se fragmenta en de larges bassins réunis par des canaux étroits, et depuis lors con- serva cette nouvelle disposition, abandonnant son ancien lit sur une étendue de plus de vingt-cinq lieues. Cette étendue se trouve entre les 28° et 29° degré de lat. S., à côté des villages indiens de Loreto, Atamisqui et Salavina, qui, privés de l’eau de la ri- vière, devinrent encore plus misérables qu'auparavant. La ré- gion environnante, comme je l’ai dit, est un prolongement du désert salé central, et comme lui est seulement à 400 pieds au- dessus du niveau de la mer. Au-dessous de cette étendue la ri- vière rentre de nouveau dans un lit unique, et forme un cours d’eau fermé et indépendant, avec des rives assez basses. Elle ne roule plus de cailloux, et est bordée de plantes halophiles (une Salicornia) qui couvrent quelquefois ses berges plates sur de larges surfaces. Je l’ai traversée dans cette région à la Posta del Monte. En cet endroit le Saladillo s’inflechit plus à l’est et atteint un autre bas-fond, où l’on retrouve des traces d’un ancien lit qui le conduisait probablement jusqu’au Salado. Actuellement la ri- vière ne suit plus cet ancien bras oriental, mais va se perdre dans un grand marais, dont le milieu est occupé par une nappe d’eau ouverte, la lagune Porongos. Avec la faible inclinaison du sol dans cette contrée, son eau s'écoule très-lentement et perd beaucoup par l’évaporation; le tronc principal lui-même se di- vise en plusieurs bras parallèles qui rampent lentement avec des contours plus ou moinssinueux dans la plaine etsillonnent le ter- ritoire de la nation des Abipones % jadis célèbres, aujourd’hui disparus. Mais ce terrain n’en retire aucun bénéfice à cause du sel contenu dans ses eaux. En dehors de quelques petits postes, ESTUAIRE DE LA PLATA. 283 ou fortsélevés contre les attaques des Indiens encore sauvages du nord, tous les établissements de cette contrée ont été abandonnés et délaissés. 8. Le golfe de la Plata. La large embouchure qui reçoit l’eau des six cours d’eau que nous venons de décrire est moins une embouchure de fleuve qu’un véritable golfe qui devait déjà exister dans les temps primitifs, comme le prouve le dépôt de coquilles marines situé sur la rive du Rio Paranä, assez loin en amont jusqu'à 91° 40 lat. S. Cet ancien golfe marin a di- minué graduellement d’étendue à mesure que le pays se soule- vait. Les masses de limon apportées par les rivières qui s’y déver- sent en ont comblé le fond, phénomène dont les îles de l’embou- chure du Rio Paranä fournissent la preuve la plus évidente. On y trouve en effet des ossements d'animaux marins qui appartiennent à Pépoque actuelle, et nous apprennent ainsi que les eaux de la mer remontaient encore jusque-là dans l’époque présente de la terre, mais longtemps avant nos jours °. Sous sa forme actuelle ce golfe représente un triangle qui pénètre environ de 40 milles g6ographiques dans le pays au nord-ouest, et est large d’environ 30 milles à la base, là où il touche l'Océan. Ce triangle se divise en deux sections : un golfe extérieur plus large, qui embrasse environ un tiers de la profondeur totale et, d’après la nature de ses éaux, appartient plus à la mer qu’au fleuve, et une partie inté- rieure plus étroite qui comprend les deux autres tiers de la pro- fondeur totale. Cette dernière partie a seulement une largeur de 12 à 13 milles à son entrée entre la Punta Espinillo, près de l'embouchure du Rio Santa-Lucia, au-dessus de Montevideo et de Ja Punta de das Piedras du rivage sud. Cette section intérieure du golfe contient surtout de l’eau douce, et perd complétement tout caractère marin peu au-dessus de son embouchure. Nous allons maintenant essayer de décrire plus complétement ces deux sec- tions du golfe de la Plata ©. | La partie antérieure, dont les caractères la rattachent surtout à l'Océan, représente un espace elliptique en avant de la véritable embouchure du fleuve. Son ouverture dans l'Océan est délimitée 254 GOLFE EXTÉRIEUR DE L’EMBOUCHURE DE LA PLATA. par la pointe rocheuse près de Maldonado et par le Cabo de San- Antonio nommé aussi Punta Norte, sur la côte méridionale. L'eau de cette partie est encore assez pure, ressemble plus à celle de l'Océan qu’à celle d’un fleuve, et marque un degré de salure con- sidérable, mais qui décroit à mesure qu’on s'enfonce plus en avant 7!. Ses rivages sont presque partout élevés et escarpés, avec un littoral étroit dominé au nord par des escarpements de ro- ches métamorphiques, et çà et là par des pitons, tandis qu’au sud ses pentes sont formées de lehm du diluvium. Gette formation se continue sur tout ce côté jusqu’à l’embouchure du Rio Parand, et constitue en grande partie les berges de ce fleuve. Près du ri-- vage nord hérissé de rochers le golfe, jusqu’à Montevideo, a une profondeur de plus de 2 brasses, souvent même de 3 à 4, et atteint jusqu'à 10 à 44 brasses en s’écartant. de la terre ferme. Mais le fond se relève bientôt autour d’une petite île de rochers, l’Isla de Flores, située à l’est de Montevideo, à deux milles de la côte la plus voisine et trois de l'entrée du port. Sur son pourtour la profondeur de l’eau n’est plus que de 5 à6 brasses. En partant de cette île et se dirigeant au sud on rencontre à une distance de 2 milles 2 un bas-fond dangereux, le banc des Anglais (banco Ingles). Au milieu la profondeur de l’eau est d’une brasse seulement, et il cause de nombreux nau- frages, bien qu’on allume un phare près de lui. En arrière de ce banc et en dedans se trouve le petit Banco Archimedes, et plus encore dans le golfe d’autres petits banes, tels que Banco Medusa, Banco Narcissus, Banco Frances et d'autres encore dont la profondeur d’eau ordinaire varie entre 24 brasses et 3 brasses. Ils forment une zone de bas-fonds jusqu’au Cabo San- Antonio. Elle rend difficile la navigation dans le golfe de la Plata, et même dangereuse avec de forts vents d'est. Le rivage méri- dional décrit un golfe presque en demi-cercle, le Somborombon, qui est limité à l’est par le Cabo San-Antonio, à l’ouest par la Punta de las Piedras. Sa plage est complétement plate, avec seulement 1 à 2 brasses de profondeur, et 4 à 9 brasses à 3 ou 4 milles de la terre. La profondeur atteint ensuite PARTIE INTÉRIEURE DU GOLFE DE LA PLATA. 285 10 à 11 brasses en se rapprochant du milieu de lentrée. Comme il n’existe pas de population nombreuse de ce côté on n’y voit jamais de navires. L’embouchure elle-même du Rio Salado, la plus grande rivière du système de la Pampa, est inaccessible pour les bateaux, puisqu'elle n’a qu'une demi-brasse d’eau. Sur le côté nord du golfe les écueils de rochers empêchent également la na- vigation, et repoussent le commerce entre }Maldonado et Monte- video, plus au fond du golfe, où les profondeurs moyennes sont de 7 à 9 brasses. La partie intérieure du golfe de la Plata est plus importante que la partie extérieure. On reconnaît sur le champ par la couleur trouble et par la faible salure de l’eau qu’on pénètre dans la veri- table embouchure du fleuve. Son entrée est marquée sur la côte septentrionale par l'angle aigu situé à l’ouest de Montevideo, nommé Punta Espinillo, a côté duquel débouche le Rio de Santa- Lucia, sur la côte sud par la Punta de las Piedras déjà men- tionnée.Elle a une largeur de 13 milles géographiques et demi; mais elle se rétrécit à vue d’œil, et à l'extrémité où se trouvent les embouchures des deux grands affluents le Rio Uruguay et le Rio Paranä, elle n’a plus que 2 milles de large. Le golfe se rétrécit entre Colonia et Ensenada, où il a un peu plus de 5 milles de large; sa largeur moyenne à Buenos-Ayres est de 7 milles. Le caractère du rivage ne se modifie guère sur toule cette étendue. Il n’en est pas de même pour le fleuve, qui forme par ses allu- vions un large bas-fond devant le rivage nord, de l'embouchure du Rio Santa-Lucia jusqu’à l’angle de la Golonia del Sacramento. On lui donne le nom de Banco de Ortiz. Il rend la côte inabor- dable pour les gros navires, puisque la profondeur d’eau n’v dé- passe pas 24 brasses, et souvent même n’est que d’une brasse et demie. Ge banc, qui s'étend loin au sud-est et y est recou- vert de 3 à 3+ brasses, rejette la route navigable du Rio de la Plata dans le voisinage du rivage méridional. De ce côté et à une distance de un à un mille et demi de la côte on trouve une pro- fondeur moyenne de 34 à 44 brasses avec une largeur de 21 à 3 milles. Mais ce chenal déjà assez resserré est encore ‚286 DIRECTION, LARGEUR ET PROFONDEUR DU CHENAL, obstrué par un grand bas-fond, le Banco Chico, qui n’a que 2 brasses à 24 brasses d’eau, et laisse libre un passage de un mille et demi. Heureusement qu’en ce point il a 6 brasses de profondeur et en conserve 5 plus en avant. Un phare entretenu par Buenos-Ayres indique la position du bas-fond. E À l’ouest du Banco Chico le chenal s’élargit, s'étend jusqu’à la Colonia del Sacramento avec une profondeur de 34 à A brasses, et se termine avec une profondeur de 6 brasses près de la petite île de San-Gabriel, située près de l’angle de Colonia. Cette île, d’un accès facile, était pour ce motif une station très-fréquentée par les Espagnols dans les premières années après la découverte, — Malheureusement ce canal profond ne se prolonge, dans l’ex- trémité nord-ouest de l'estuaire, que jusqu’à 1 + mille de Buenos- Ayres. [ci la profondeur descend au-dessous de 3 brasses, ettombe même à 2+ et 24 brasses. A l’ouest de Buenos-Ayres elle m'est plus que de 14 à 14 brasse, jusqu’à ce qu’on arrive près des embouchures des fleuves. Ceux-ci donnent naissance à de larges bas-fonds, et dans leur voisinage l'estuaire n’a plus que + à 2 ou au plus 1 brasse. Il reste cependant devant chaque embou- chure un passage étroit plus profond, dans lequel la profondeur varie entre 2 et 24 etquelquefois 3 ou Abrasses. En face de ces ca- naux se trouve l’île Martin Garcia, massif de roches métamor- phiques détaché de la Banda oriental. De chaque côté existe un chenal étroit profond de 5 à 6 et même de 8 brasses. L’ile appar- tient au gouvernement argentin, et domine complétement l’entrée des fleuves. Un fort y rendrait impossible tout accès à l’intérieur du pays.—En dehors de létendue de rivage comprise entre Buenos-Ayres et Belgrano, qui est composée d’un sol dur de con: crétions argilo-calcaires du diluvium, tout le reste du littoral de l'estuaire de la Plata est formé par un sable fin et gris, sans galets et n’offrant aucun mélange. € De cette description ressort clairement le motif pour lequel Buenos-Ayres, bien qu’une des premières villes de commerce de l'Amérique du Sud, n’a pas encore de véritable port, mais sim- plement une rade ouverte sur laquelle les gros navires jetten‘ PROJET DE CONSTRUIRE UN PORT A BUENOS-AYRES. 287 l'ancre à 1 mille de la ville. On se préoccupe beaucoup du projet d'y créer un port artificiel dans une dépression du golfe située au nord de la ville, et qui a 3brasses de profondeur. Mais il n’existe aucun accès pour arriver à cette dépression que l’on appelle la Santa-Catalina, et il faudrait en creuser un, entreprise beaucoup trop considérable pour les ressources dont on dispose, et par suite inexécutable. On a alors pensé à faire un port pour Buenos-Ayres de la baie de Ensenada de Barragan, située au sud de la ville à une distance de 6 milles, et qui al 4 à 2 brasses de fond. Un chemin de fer y mène déjà, et le projet pourra se réaliser d'ici à quelques années si le commerce doit prendre encore un plus grand essor ’?. Les eaux du golfe de la Plata, qui sont en communication si directe avec l'océan Atlantique, participent naturellement à ses mouvements de flux et de reflux; mais bien que le phénomène se fasse sentir beaucoup en avant dans le golfe, il manque cepen- _ dant de régularité et d'intensité. En général l’eau est plus basse le matin qu’à midi, heure jusqu’à laquelle elle monte lentement. L’apres-midi elle descend, pour remonter ensuite Jusque vers mi- nuit. À Buenos-Ayres la différence du flux et du reflux est faible _et ne dépasse pas 4 à 5 pieds. Le courant aussi est lent, environ 1 à 4 4 mille à l'heure. Plus loin en dehors, la différence devient plus considérable, et dans la baie de Somborombon elle s’élève à plusieurs mètres. | . L'action des marées est moins sensible’que celle des vents, qui soufflent ordinairement avec assez de violence et tournent facilement à la tempête. Nous y reviendrons dans le chapitre de météorologie. Les vents du nord, particulièrement ceux de l’ouest- nord-ouestet du nord-ouest, dépriment le niveau du fleuve, en sorte que toute la bordure plate du littoral se trouve découverte, et qu'on voit de grandes surfaces de sable du rivage à nu. Au con- traire, les vents du sud-sud-est font monter beaucoup le fleuve, et dans les tempêtes fréquentes du sud-est chassent l’eau sur le littoral plat. Ges phénomènes peuvent causer une différence de niveau de 42 pieds, mais qui du reste est rarement atteinte et dure 288 OSCILLATIONS DU NIVEAU DE EAU. seulement quelques heures. En outre, l'estuaire de la Plata subit aussi les variations annuelles du niveau des fleuves, et roule àla fin de l’été une masse ‘d'eau un peu plus considérable qu'en hiver. Ordinairement, la crue maximum a lieu au commencement demars, et pendant ce mois les plages basses du rivage sont inon- dées presque chaque année. Toutefois cette différence n’est ja- mais aussi grande que sur les fleuves intérieurs; d’une part, parce que les eaux ont une grande surface où s'étendre, d'autre part, parce que les crues des différentes rivières ne sont pas Si- multanées, et par suite s’&quilibrent mieux à l'embouchure et de- viennent moinsfortes. Elles ne dépassent pas la différence de niveau déjà mentionnée, et demeurent en général au-dessous, s’arretant entre 6 et 8 pieds. Cet état est parfaitement constaté depuis de longues années pour Buenos-Ayres, et les assertions qui pré- tendent que l’eau du fleuve a diminué ou que lestempêtes étaient beaucoup plus fréquente sautrefois, reposent sur des bruits et des opinions dénués de tout fondement positif. XII SYSTÈME HYDROGRAPHIQUE CENTRAL DE LA SIERRA DE CORDOVA. Le système hydrographique central de la république Argentine se compose de cinq petites rivières qui sont toutes si semblables et si peuimportantes, qu'on n’a pas cru nécessaire de leur donner des noms particuliers. On les désigne simplement par leur nu- méro d'ordre en allant du nord au sud. Elles naissent toutes par plusieurs petits ruisseaux dans les gorges de la Sierra Cordova ou de ses annexes. La plupart de ces ruisseaux sortent de la grande vallée longitudinale entre les deux chaines principales de lamon- tagne. Tant qu’ils sont encore dans le voisinage des chaines et de leurs flancs fortement inclinés, ils roulent sur de gros galets et F LE RIO PRIMERO. 289 cailloux, etaprès de grandes pluies entraînent même degros blocs. Ils se réunissent à la fin en courants simples qui serpentent len- tement dans la plaine, dans un lit de sable argileux sans galets, et à l'exception du troisième s’y terminent en se perdant dans des bas-fonds marécagéux. Tous ont leur cours dirigé à l’est, un peu inflechi au sud-est, vers le Rio Paranä, que tous iraient rejoindre comme le troisième s’ilsétaient plus riches en eau qu’ils ne le sont. En temps ordinaire ces petites rivières n’ont pas plus de 2 pieds d’eau, mais après les pluies abondantes et subites qui tombent dans leur bassin elles se gonflent si fortement, qu’elles atteignent unmiveau huit fois plus élevé. Elles deviennent alors si impé- tueuses, qu'elles entrainent tout ce qui fait obstacle à leur cou- rant. C’est pour cela qu’on n’avait pas encore établi de ponts sur les gués qui servaient de passage aux principales voies de com- munication du pays. On traversait le Rio Tercero sur un radeau construit avec des barils à vin, et on passait les autres dans l’eau. Je les ai franchies toutes cinq de cette façon lors de mon voyage en 1857-1859. Aujourd'hui, presque toutes ont des ponts solide- ment construits qui servent au passage du chemin de fer central. Ces rivières n’ont pas de crues annuelles régulières; elles sont cependant plus abondantes en eau au printemps et au commen- cement de l’été que dans les autres saisons de l’année, et leur étage le plus bas a lieu en automne et en hiver. Nous allons passer en revue ces cinq petites rivières les unes après les autres, en suivant le numéro d’ordre qui leur sert de nom. 1. Le Rio Primero est le plus au nord. Il naît dans la Punilla, à l'extrémité nord de la vallée longue située entre la Sierra del Campo et la Sierra Grande ou de Achala, par deux branches, le Rio San-Antonio qui vient du nord, et.le Rio San-Roque, du sud. Ges deux cours d’eau se rejoignent au-dessous du village du mème nom et y passent à travers la montagne orientale. Le Rio Antonio commence assez loin au nord, environ sous 30° 45! à 90, à l’état de petit ruisseau. Je l’ai franchi sans peine à Quimbelates, un des établissements les plus au nord dans cette vallée. Il court droit au sud, touche le village de Chacras, où il forme une jolie REP, ARG, — I. 19 290 LE RIO SEGUNDO ET LE RIO TERCERO. cascade, ensuite San-Antonio, Cosquin, Rosario, et atteint le vil- lage de San-Roque. Il rencontre dans ce village le bras méri- dional plus court qui sort par cinq petits ruisseaux de la Sierra Achala située en face, tandis que la branche nord recueille les affluents qui viennent de son côté. Une fois hors dela montagne, la rivière décrit un arc peu étendu, se tourne ensuite un peu au sud, puis aussitôt à l’est, passe à Cordova avec une direction légèrement au nord, et coule à l’est dans la plaine où elle va se perdre dans un marais situé au sud de la lagune Porongos, et nommé Mar Chiquito. | 9. Le Rio Segundo se forme des nombreux petits ruisseaux qui descendent soit de la Sierra Achala dans le prolongement de la Punilla, soit de la pente orientale de la Sierra del Campo ou Chica, comme on la nomme dans cette région. Les premiers se déversent dans la branche principale du Rio Segundo, et tirent leurs noms des localités qu’ils traversent : del Portrero et de los Reales pour le plus au nordet le plus au sud, et entre eux le Rio Medio. Le cours réuni de ces ruisseaux coupe la Sierra del Campo, et une fois dans la plaine reçoit, du nord, le Rio Anisacate sur le bras laléral duquel se trouve la belle estancia Alta Gracia, du sud, le Rio de los Molinos. Le Rio Segundo traverse ensuite la plaine à l’est, en décrivant un are très-fort au nord-est, se rapprochant ainsi très-près du Rio Primero. Il coule parallèlement à ce der- nier à l’est-nord-est et se perd également dans un marais, la la- gune de Chipeon, au sud de la précédente, avec laquelle elle est reliée par un faible canal. 3. Le Rio Tercero est le plus grand des cours d’eau de ce sys- tème, et le seui d’entre eux qui se deverse dans le Rio Paranä Iltire son origine de nombreux ruisseaux, tels que le Rio de los Sauces, le Rio Quiyinso, le Rio Manzano, le Rio Durazno, le Rio Santa- Rosa, le Rio Sauce, entre les deux chaînes de la Sierra Cordova, au sud du précédent, sous 32° 10 à 40', et leurs cours réunis traversent la chaîne orientale sous le nom de Rio Grande. Au- dessous du village de San-Augustin il fait une cascade, puis en- suite à sa sortie de la montagne traverse le village de Salto, au LE RIO CARCARANAI.. 291 delà duquel il prend son nom de Rio Tercero. Près de ce village il reçoit un affluent du nord, et se dirige ensuite à peu près direc- tement à l’est avec une légère inclinaison au sud jusqu’au-dessous de Frayle Muerto (San-Geronymo). En cet endroit le Rio Tercero s’inflechit au sud, pour se retourner ensuite au nord-est en dé- crivant un grand arc, et avec celte direction 1l vient rejoindre le Rio Paranä, dans lequel il se jette sous le nom de Rio Carcarañal à l'extrémité des hauteurs qui bordent la berge oceidentale. Dans cette partie inférieure, il reçoit le prolongement du Rio Quarto, sous le nom de Rio Saladillo, près d’une misérable localité du mème nom. C’est à partir de cette jonction que la rivière prend le nom de Carcarañal. Au-dessous du Saladillo elle reçoit encore un second affluent du nord, l’Arroyo de las Tortugas, qui trace les limites entre les provinces de Santa-Fé et de Cordova. Ce tri- butaire sort des bas-fonds marécageux où se perdent le Primero et le Segundo, et constitue ainsi leur déversoir dans le Rio Ter- cero. Celui-ci roule une assez grande quantité d’eau, est profond, difficile à passer à cause du fond vaseux (Voy. Reise, I, p. 45) et bordé de berges élevées et escarpées qui le rétrécissent. Le Gar- carañal aussi a des rives élevées, et on pourra bientôt le traverser sur un beau pont, ce qui n'était pas toujours possible auparavant. Cette partie inférieure de la rivière est navigable pour les petits bateaux, et a été parcourue de bonne heure par des yachts non pontés jusqu'au Saladillo. Mais depuis que le chemin de fer de Rosario à Cordova est construit, il a absorbé tout le transport des marchandises en sa qualité de moyen de transit plus rapide, plus commode et moins coûteux. Cette partie inférieure, depuis l’em- bouchure du Saladillo et même au-dessus, roule de l’eau salée et ne peut s’utiliser pour les cultures qui y manquent totalement. A l'embouchure même du Carcarañal, où Cabot avait construit son fort de San-Espiritus, il n'existe aucun établissement, et il faut descendre plus au sud, le long du Rio Paranä, pour rencontrer le beau couvent de San-Lorenzo, avec les quelques maisons des ha- bitants du village situé en dehors de ses murs. Mais la partie su- périeure du Rio Tercero, entre le Saladillo et Villa Nueva, estune 292 LE RIO CUARTO. _jolie contrée, bien peuplée, avec de belles forêts qui accompa- gnent la rivière jusqu’au pied de la sierra, dans le voisinage de laquelle elles s'étendent jusque dans les bassins du Rio Segundo et du Rio Primero. Cette contrée a pris un grand essor aujour- d’hui qu’elle est traversée par le chemin de fer qui suit la rivière depuis la courbe au-dessous de Frayle Muerto jusqu’à Villa Maria, enface de Villa Nueva. Il traverse la rivière à quelques milles de Rosario, plus loin l’Arrovo de las Tortugas, rejoint le Rio Tercero au-dessus du Saladillo, pour le quitter de nouveau à Villa Maria, court en ligne droite à Cordova, et traverse au village de Pilar le Rio Segundo qui en cet endroit a un lit assez large. A Villa Maria est l’embranchement de Rio Guarto, qui plus tard doit être pro- longé jusqu’à San-Luis, San-Juan et Mendoza. Pour le moment on travaille au prolongement de Cordova à Tucuman et à la fron- tiere de Bolivie *. | | 4. Le Rio Cuarto sort par plusieurs ruisseaux de l’extrémité de la Sierra Achala, des contrées au nord de la petite ville d’Achiras (Reise, 1, p. 153). Le plus au nord de ces ruisseaux, nommé Ar- royo de las Barrancas, naît très-près des sources du Rio Tercero; le plus au sud prend le nom de Arroyo de Piedra Blanca. Ils se réunissent tous près d’Achiras, et constituent un cours d’eau d’un débit médiocre, mais dont le lit large décrit de nombreuses sinuo- sites et se dirige à l’est-sud-est, où je l’ai traversé dans la petite ville de Rio Cuarto. La rivière y charrie encore des cailloux roulés qui disparaissent plus loin de la sierra. Son débit d’eau s’affaiblit bientôt et les établissements voisins l'utilisent. Plus loin elle se perd, comme le Rio Saladillo, dans une série de marécages au delà desquels le courant ne se prolonge qu’après les pluies vio- lentes. Le bas-fond dans lequel elle aboutit décrit un arc prononcé au nord-est et la contraint à l'y suivre, ce qui ne se réalise que lors des fortes eaux. Elle rejoint alors le Rio Tercero au village de Saladillo. Mais cette partie inférieure de son lit, qui se trouve dans une contrée déserte, sans végétation et salée, est ordinai- rement à sec. Dans mon voyage, lorsque je traversai son lit, je n°y trouvai que des flaques isolées (Reise, I,p. 140). LE RIO QUINTO. 293 9. Le Rio Quinto ne descend plus de la Sierra de Cordova, mais de la Sierra de San-Luis, à l'extrémité orientale de laquelle il naît dans la gorge profonde du nom de Cañada Honda qui sépare au sud le massif principal de la montagne des chaînes latérales et de leurs contreforts. Les mines d’or de Carolina sont situées à l’ex- trémité supérieure de cette gorge, au-dessus des sources du Rio Quinto. La rivière se dirige d’abord au sud, mais se détourne bientôt au sud-sud-est et plus tard au sud-est. Dans son cours supérieur où je l’ai traversée, on trouve des cailloux roulés semés dans un large lit qu’elle sillonne en serpentant, divisée en plusieurs petits bras, ce qui prouve qu’elle peutdevenir impétueuse à certains moments dans les fortes crues. Plus loin, au sud, elle pénètre dans jes plaines sans fin des Pampas, et tombe dans une dépression semblable à celle du Rio Cuarto, mais plus grande. Elle y forme un marécage allongé, avec des lacs, des dunes de sable et de jolis bois qui s'étendent au sud et qui feraient de cette cañada un ex- cellent district de colonisation si les menaces perpétuelles d’at- taque des Indiens des Pampas n’y mettaient obstacle. En conti- nuant son cours au sud-est, la rivière va enfin se perdre dans la lagune Amargo ou Juncal, sous 34° 50' lat. S. et 64° de long. ouest de Greenwich. La dépression se prolonge cependant encore plus à l’est, avec des marais et de petits lacs semés çà et la. Sous la forme d’une contrée humide appelée Bañados par les indigènes, elle s'étend parallèlement au 34° de lat. S. jusqu’à la limite de la province de Buenos-Ayres, où elle reparait avec de nouveaux lacs et forme le point d’origine du Rio Salado, que l’on pourrait considérer comme le prolongement du Rio Quinto. Outre ces cinq grandes rivières, la Sierra Cordova et ses an- nexes donnent encore naissance à une quantité de petits ruis- seaux qui ont tous le même caractère, à savoir d’être pauvres en eau et de se perdre dans la plaine après un cours peu long. Nous indiquerons ici seulement leurs noms en y ajoutant leur origine et leur direction, qui l’une et l’autre les rattachent au système hydrographique central. Nous les pariagerons, d’après leur di- rection principale, en ruisseaux du nord, de l’ouest et du sud, 294 RIVIÈRES VENANT DU NORD. Au nord il en coule deux qui prennent leur source sur le ver- sant nord-ouest de la Sierra de Cordova. Le premier est l'Arroyo de Cruz del Eje, véritable système de petits ruisseaux qui sortent des gorges à l'extrémité de la Sierra Achala. Ils se réunissent en un cours unique qui traverse le village dont il porte le nom. Le second coule au nord en sortant de la large vallée entre la Sierra Achala et la Sierra Serrezuela. Il tire son nom du village de San-Carlos qui est au milieu de la vallée, à l'extrémité supérieure du ruisseau. | Les petites rivières qui prennent leur origine entre la Sierra de Cordova et celle de San-Luis se dirigent à l’ouest et au nord- ouest. La plus importante est une rivière peu longue près de l'extrémité supérieure de la Sierra de San-Luis, et qui se forme de deux branches dont celle du nord s'appelle Rio San-Pedro, celle du sud Rio Conlare. Elles se réunissent à leur sortie dans la plaine et s’y terminent sans prolonger plus loin leur cours. Le Rio San-Pedro reçoit ’Arroyo de San-Lorenzo et celui de Mina Cla- vero. Celui-ci sort de la Sierra Serrezuela, l’autre de la Sierra Achala, et a près de lui une source thermale qui est utilisée pour les bains. Le Rio Conlare tire son eau aussi bien de la Sierra Achala que de la Sierra de San-Luis ; il reçoit de cette dernière les ruis- seaux de Piedra Blanca et Uyaba, de la première ceux de Renca, Dolores et Santa-Rosa. Plus loin à l’ouest la Sierra de San-Luis envoie au nord-est, dans la plaine, deux petits ruisseaux qui s’y perdent bientôt, leurs eaux étant absorbées par l’évaporation et les infiltrations dans le sol poreux des steppes salées avoisinantes. Celui du nord emprunte son nom au village de Quinez, celui du sud, un peu plus fort, au village de San-Francisco. Les ruisseaux qui descendent des montagnes centrales en se di- rigeant au sud sont plus nombreux. Nous citerons d’abord l’Arroyo de Chorillos, près duquel se trouve la ville de San-Luis et qui, dans les années pluvieuses, ar- rive jusqu’à la lagune Bevedero. RIVIÈRES VENANT DU SUD. 295 Ensuite le ruisseau qui sort du Morro à San-José, et le Zanjon qui coule entre le premier et le Rio Quinto, parallèlementàce der- nier. Deux autres petits ruisseaux analogues suivent encore la même direction que celle du Morro et forment ensemble l’Arroyo Chajan ou de la Punilla. Il sort de la gorge appelée EI Portezuelo, ren- contre dans la plaine au sud un gros ruisseau qui arrose la petite ville d’Achiras, et aboutit dans le bas-fond où le Rio Quinto se perd. 7 Entre cet Arroyo de Achiras et le Rio Cuarto coulent encore trois petits ruisseaux, l’Arroyo de las Lajas, l’Arroyo Barranquito et l’Arrovo Ojo del Agua. Dans mon voyage je les aitous traversés ainsi que les précédents, et je les ai figures sur ma carte dans le tome I du Reise. ë Enfin au nord du Rio Cuarto on trouve encore l’Arroyo Chucul qui suit la direction sud-est de la rivière et court parallèlement à elle pour venir se terminer dans un marais. Au nord coule l’Arroyo Tagua, d’abord avec une direction semblable, ensuite en se dirigeant au nord-est, vers le Rio Tercero, mais sans le rejoindre. Près de lui, au nord, court encore un autre petit ruisseau, l’Ar- royo Peñas, qui tarit encore plus tôt que celui-ci. La plupart de ces ruisseaux coulent à travers des contrées boisées, et ont sur leurs bords des villages de même nom dont ils alimentent les ha- bitants et leurs cultures avec leurs eaux. On trouve encore dans la plaine, à une plus grande distance des sierras, des ruisseaux ana- logues utilisés de la même façon et qui, par leur existence, ren- dent habitables ces contrées. Tels sont l’Arroyo Carnerillo et l'Arroyo Cabral, que j'ai traversés aussi dans mon voyage (tome I, p. 143). | Au nord du Rio Tercero, entre cette rivière et le Rio Segundo, des ruisseaux semblables existent encore dans la plaine, qui sans eux serait aussi inhospitalière que la Pampa du sud privée de ruisseaux et de leurs bois. Ces ruisseaux coulent à l’est et se diri- gent vers ladépression dans laquelle aboutissent le Rio Primero et le Rio Segundo. Le centre de cette dépression est occupé par la 296 RIVIÈRES DONT LE COURS TARIT. Canada de las Vivoras et son prolongement au sud la Canada de San-Antonio, de laquelle sort l’Arroyo de las Tortugas. La cañada envoie encore d’autres prolongements semblables à l’ouest, dans lesquels se déversent les ruisseaux en question, et dont nous cite- rons comme les plus connus lArroyo de Alvarez, l’Arroyo de Asna, l’Arroyo Algodon et l’Arroyo de las Mojarras. XIII RIVIÈRES DES CORDILLERES DONT LE COURS S’ASSECHE. Les rivières qui descendent des Cordillères et de leurs annexes entre 26 et 35° lat. S., sont toutes insignifiantes et méritent à peine ce nom. Aucune d’elles n’a un lit profond avec beaucoup d’eau, mais seulement un cours faible de 2 à 3 pieds d’eau qui ne devient un courant impétueux que temporairement, et sans aucune régularité. Elles entrainent alors de gros cailloux et des blocs, mais en temps ordinaire elles ne peuvent entrainer que des galets et du gravier. Ces rivières sont formées par la réunion de plusieurs ruisseaux qui descendent des sommets couverts de neige du voisinage, ou tirent leur origine des prairies sus- pendues le long des pentes, et apparaissent d’abord par des filets d’eau à peine sensibles. Elles sortent de la montagne par des gorges quelquefois très-étroites, qui paräissent être le résultat de l’érosion du courant, se detournent toutes à l’est et au sud- est conformément à l’inclinaison de la plaine, et y tarissent après un cours plus ou moins long, lantôt sans extrémité définie, tantôt en se perdant dans des lagunes ou ciénegas. Aucune d’elles n’atteint l'Océan. Toutes les pluies qui tombent sur le côté oriental des Cordillères et toutes les vapeurs de l'atmosphère que se condensent sur leurs sommets glacés, entre 26 et 39° lat. S., restent sur le sol près duquel elles se sont formées, ou LE -RIO COLORADO. 297 remontent par l'évaporation dans la couche des nuages d’où elles étaient descendues. Il n’en arrive pas une goutte à l'Océan. Ces cours d’eau se laissent naturellement grouper en six petites rivières que nous allons énumérer du nord au sud, et décrire brièvement. | 1. Le Rio Colorado ’‘ est la plus au nord d’entre elles. Son artère principale traverse la partie nord de la province de Cata- marca, et se termine sur les limites de la province de La Rioja en se dirigeant vers la steppe salée centrale. Il naît avec deux rameaux principaux, dont celui du nord vient du sommet neigeux de San-Franeisco, celui du sud de l’Alto de Machaco et par plu- sieurs petites sources (Reise II. p. 255). Ce dernier rameau est le plus long et le plus riche en eau. Il a deux sources, dont la plus élevée descend du pied du Gerro, l’autre de la passe de Losas. Elles se réunissent bientôt et coulent au sud dans la vallée étroite qui sépare le prolongement du système de Famatina du premier plateau des Cordillères. La rivière. s'appelle alors Rio. Casadero. Plus loin elle traverse la chaîne de Famatina par la quebrada resserrée de Cuchuil, et peu avant sa sortie de {la montagne reçoit du nord un affluent du même nom. Alors elle pénètre dans la vallée étroite entre la chaine de Famatina et la Sierra Gulumpaja, et arrose le village de Fiambala près duquel des sources thermales alimentent des bains salutaires. Continuant son cours au sud, elle recoit à Anillaco l’autre rameau du sud appelé Rio de la Troya qui traverse également icı la chaine de Famatina par une gorge étroite, et coule ensuite par le goulet entre Anillaco et San-José dans la vallée de Copacavana où elle prend son nom. Là elle reçoit du nord-est le petit Rio de Zapate. Au-dessous de cette localité la rivière se détourne au sud-est et s’inflechit ensuite entièrement à l’est. Dans l’arc de cette cour- bure elle reçoit du sud-ouest les petits affluents du Rio Santa- Cruz, du Rio de las Campanas et du Rio de los Angelos, qui ne Vatteignent que dans les fortes pluies, tandis qu’en temps ordi- naire ils sont réduits à l’état de flaques d’eau (Reise II. p. 240). Elle se dirige vers l’angleterminal du Cerro Negro, le contourue 298 RIVIÈRES SE RATTACHANT AU RIO COLORADO. au nord-est, et coule avec cette direction dans les vastes plaines entre l’Ambato et les dernières pentes de la Sierra Gulumpaja. C’est dans cette partie qu’elle est rejointe par le Rio Sauce, dont les eaux abondantes descendent de la Sierra Velasco. Alors la rivière prend son nom de Rio Colorado, parce que son eau trouble et rougeätre emprunte cette coloration au lehm du diluvium. Dans la plaine elle s’infléchit toujours plus à l’est et plus tard au sud-est, touche plusieurs localités, comme Agua Caliente, où je lai traversée (Reise II. p. 233). Elle pénètre dans la moitié orientale et encore plus stérile de la même plaine par la gorge de la Sierra de Mazan, etse dirige alors presque complétement au sud. Près de la courbe, au village d’Anapa, où j'ai passe une mauvaise nuit, elle forme un large marais et s’appauvrit en eau, tant et si promptement qu'elle se trouve réduite à l’état d’un ruisseau. Dans son prolongement au sud, son eau se charge de beaucoup de sel, et avec cet aspect de ruisseau salé elle traverse, “sous le nom d’Arroyo Salado, la route de Catamarca à la Rioja. Plus loin elle se rapproche de la steppe salée et se perd dans les sables. . Il faut mentionner iei comme cours annexes du Rio Colorado plusieurs petites rivières qui à la vérité ne sont pas en commu- nication avec lui, mais ont une direetion et une origine presque les mêmes, et comme lui vont aboutir dans la steppe salée en. se perdant dans la plaine voisine. Ces petites rivières sortent des montagnes qui bordent les vallées de la province de Catamarca et les alimentent d’eau. Elles ont leurs sources soit dans les an- nexes des Cordillieres, soit dans celles.de l’Aconquija, et ressem- blent complétement par leurs caractères au Rio Colorado. Elles sont cependant plus petites, c’est-à-dire moins longues et plus pauvres en eau. Nous allons décrire les deux plus grandes du groupe. Le Rio Belen est une petite rivière insignifiante, mais d’une grande valeur pour la vallée dans laquelle elle coule et à laquelle elle emprunte son nom. Elle se forme de plusieurs petits ruisseaux entre les contreforts qui relient la Sierra de Belen et la Sierra LE RIO DE CATAMARCA. 299 Gulumpaja, coule au sud par la vallée de Belen et en sort pour entrer dans la plaine déserte qui occupe l’extrémité supérieure de la province de Catamarca. Ses sources prennent les noms des localités près desquelles elles passent, comme Guafin et Grana- dillos, villages qui datent de l’époque des Indiens alors que l’on combattait les Calchaquis. Zurita fonda la ville de London à la sortie de la rivière dans la plaine ; elle se dirige alors au sud-est vers le bassin salé situé dans la même direction, mais n’y arrive que rarement, après de fortes pluies. Près de là, à l’est, plusieurs petits ruisseaux sortent des gorges de l’Atajo, avec un cours et une terminaison identiques. Ils portent les noms des localités fondées près d’eux, et deviennent un peu plus considérables en se rapprochant de l’Aconquija. De ses pentes sort la petite rivière sur laquelle se trouve Fuerte de Andalgalä, fort construit en cet endroit par les Espagnols contre les Galchaquis. La rivière est assez riche en eau, et son cours arrose plusieurs établissements voisins. Le Rio de Catamarca est plus important que les cours d’eau cités jusqu'ici. Son bassin est situé dans la vallée entre la Sierra Ambato et la Sierra de Alto ou de Ancaste. Il se compose de deux branches qui naissent au sud du Campo de Pucara, celle de l’ouest près de Humaya sur la Guesta de Guanomil, celle de l’est à côté du Puesto de Bazan sur les pentes de la Sierra Paclin ou San-Antonio. Ges deux ruisseaux se réunissent à Colpes, et coulent à travers la montagne par une gorge étroite jusqu’à la Puerta, où la vallée devient un peu plus large. La rivière reçoit ici de l'ouest un affluent qui tire son eau des hauteurs du Machado, et décrit, en inclinant fortement à l’est, de nombreuses sinuosités dans une longue vallée resserrée entre la Sierra de Paclin à Pest et la Sierra de Lorenzo à l’ouest. Peu après sa sortie de cette jolie vallée, bien peuplée et cultivée, elle pénètre dans la plaine stérile de Catamarca, et recoit le Rio de Paclin au-dessous de cette ville, qui est située un peu à l'écart sur sa rive occidentale. Le Rio de Paclin coule dans la vallée entre la Sierra de Alto et de San-Antonio à côté de la branche orientale du Rio de Catamarca, 300 LE RIO VERMEJO. et arrose aussi de ses eaux cette jolie vallée. Il arrive jusqu’au Rio Catamarca seulement après les fortes pluies. Ce dernier s’asséche aussi bientôt, et cesse ordinairement de couler déjà avant la large dépression entre l’Ambato et la Sierra de Ancaste qui ferme son lit. De petits ruisseaux qui descendent de l'Am- bato, et que j'ai signalés dans mon voyage (Reise, I. p. 295), n'arrivent pas pour la plupart à la rivière principale vers laquelle ils sont dirigés. 2. Le Rio Vermejo est une rivière tout à fait semblable, mais plus longue que la précédente, qui coule au sud de celle-ei à travers les provinces de La Rioja et de San-Juan, et arrive jusque dans la région de cette dernière ville. Elle a aussi dans son cours supérieur deux branches semblables et assez riches en eau; mais celles-ci restent plus longtemps séparées et sont considérées comme des rivières distinctes. L’une et l’autre descendent des sommets du plateau des Cordillères : celle de Vest, le Rio Jagué, du Gerro Bonete ; celle de l’ouest, le Rio Blanco, du volcan de Copiapö et de la Barranca Blanca. Je les ai traversées toutes deux dans leur partie supérieure et les ai signalées dans mon voyage, mais je ne connaissais pas bien alors leur connexion et leur cours : ce que je vais réparer maintenant. Le Rio Jagué coule dans la vallée entre le système de Famatina et le plateau oriental des Cordillères, et sort dans la région du Cerro Bonete, dont le sommet couvert de neige entretient son cours, sinon directement, au moins par la condensation des vapeurs de l’atmosphère. I reçoit de la même région un affluent, le Rio de Loro (Reise II., p. 258)”, qui se réunit avec lui dans la vallée, et les deux rivières constituent dès lors un cours d’eau important. Elles coulent au sud dans la vallée sous le nom de Rio Jagué, et près de la localité du même nom pénètrent dans le prolongement beaucoup plus large de la vallée entre la chaîne de Famatina qui se dirige à l’est et le prolongement du premier plateau des Cordillères. Ici le Rio Jagué traverse en se dirigeant au sud-est la montagne de l’est, le prolongement de PAlto Machaco. Il rencontre, dans la large plaine mentionnée à côté de LE RIO BLANCO. 301 la chaîne de Famatina, le Rio Vinchina, qui coule parallèlement au Rio Jagué et se forme au centre du système de Famatina près de l’Alto de Machaco par de petits ruisseaux analogues situés au sud, comme le Rio de la Troya qui en descend à l’est. Le Rio Jagué, étant le plus considérable, donne son nom aux deux rivières réunies, mais coule plus loin au sud dans la direction du Rio Vinchina. Il recoit sous 29 35 un affluent de l’ouest, le Rio Guandacol, qui sort d’une gorge à l'extrémité de la montagne. A partir de là, le Rio Jagué continue son cours unique au sud et prend bientôt le nom de Rio Vermejo, dénomination avec laquelle il descend jusqu’à 31° lat. S., et se réunit alors avec le Rio Jachal, qui est leprolongement du Rio Blanco. Le Rio Blanco sort de plusieurs ruisseaux qui naissent encore plus haut que le Rio Jagué sur le plateau des Cordillères. Le plus au nord est le Rio Salado (Reise II., p. 269), dont la source est placée dans le voisinage de volcan de Copiapö, où elle sort de prairies dans une dépression au pied du piton couvert de neige. Un autre ruisseau plus à l’est prend le nom d’Arroyo Blanco, et un troisième, un peu plus important, celui de Rio Blanco. Ils se réunissent de bonne heure, à la sortie de la Barranca Blanca (Reise IL., p. 268), et le Rio Blanco ainsi formé, assez riche en eau, reçoit plus tard le Rio Salado en se transformant en une rivière considérable. Il coule ensuite au sud dans la vallée entre les deux plateaux des Cordillères, reçoit sur ce parcours plusieurs petits tributaires qui naissent de la chaine occidentale des Cordil- lères, tels que le Rio Come Caballo, le Rio Carnerito, le Rio del Pasto Largo, ete., et arrive ainsi jusqu’à 29 30' lat. S. Lei la rivière se tourne à l’est, vers la Sierra de Jachal qui court pa- rallèlement à elle, et la traverse sous 30° lat. S. pres de la localité de mème nom. A partir de là elle prend le nom de Rio de Jachal et coule quelque temps entre les deux chaînes de montagnes, résultat du dédoublement de la Cordillère latérale, puis elle sort à l’est près du village de Mogna, dont elle arrose les terres. Au-dessous de cet établissement, elle se détourne de plus en plus à lest else rapproche du Rio Jagué, que l’on ap: 30 , LE RIO DE SAN JUAN. pelle déjà en cet endroit Rio Vermejo, et qui roule peu d’eau. Le Rio Jachal lui-même s’est beaucoup appauvri. Les deux rivières se rencontrent près de 31° lat. S., et coulent quelque temps au sud-sud-est dans la plaine au nord du Pié de Palo avec un cours unique. Celui-ei devient peu à peu de plus en plus faible, et tarit complétement dans le district sans eau, à peu près désert, entre la Sierra Huerta et le Pié de Palo. 3. Le Rio de San-Juan. Tandis que les deux rivières précé- dentes, qui viennent du plateau des Cordillères, se dirigent d’abord au sud, le Rio San-Juan, ainsi que les suivants, est dirigé surtout de l’ouest à l’est et ne prend la direction du sud que plus tard, à l'extrémité de son cours, avec un lit unique. Cette rivière est une des plus riches en eau du système des Gordilleres, et, par sa source, en opposition complète avec le Rio de Mendoza, avec lequel elle se réunit cependant pour ne plus former qu’un cours. Tous deux ont leur point d’origine près des sommets couverts de neige de la Cordillère principale. Le Rio San-Juan a deux sources : au nord le Rio de Castaño, et au sud le Rio de los Patos. Celui-ci coule d’abord au nord, au pied de la chaîne principale des Gordilleres occidentales, et sort par deux ruisseaux, l’Arroyo Blanco de l’ouest et l’Arrovo Atulia du sud, des pentes orientales de cette chaîne, dans les ravins étroits qui se rejoignent sous 30° 90° pour con- stituer le Rio Castaño. Celui-ci se tourne à l’est en traversant le contrefort isolé à l’est de la chaîne principale des Cordillères, près de la Cordillera de las Leñas. Il pénètre alors dans la vallée, entre cette chaîne principale et le bord occidental de la Cordillère latérale, et vient se réunir avec le Rio de los Patos, au pied de cette montagne, dans le voisinage de l’ancien village indien de Galin- gasta.— Le Rio de los Patos sort aussi par deux sources près de lPAconcagua. Celle du sud vient des flancs de ce sommet élevé; celle du nord du Ligua, presque aussi élevé, et porte le nom d’Ar- royo Yesero. Toutes deux viennent constituer le Rio de los Patos sous 32° 20', Celui-ci se dirige d’abord à l’est, plus tard au nord-est, et rejoint le Rio de Castaño à Calingasta. Avant cette réu- nion, le Rio de los Patos recoit plusieurs affluents considérables ess ul hs Sn = LE RIO DE MENDOZA. 303 de la chaine des Cordillères, tels que le Rio de las Leñas, le Rio Aldeco et le Rio Colorado, qui sortent tous du: Ligua. Le Rio de los Patos et le Rio de Castaño réunis embrassent un groupe isolé du contrefort des Cordillères orientales, qui porte des sommets élevés jusque dans la région des neiges, comme le Gerro Espi- nacito, et s’avance un peu à l’estsous la forme d’un puissant massif montagneux. De cette montagne sortent le Rio de Calingasta et le Rio Ansillo qui se déversent, le dernier dans le Rio de los Patos, le premier dans le Rio Castaño. La rivière prend alors le nom de Rio de San-Juan, coule en ligne droite avec une légère incli- naison au sud, à travers la Cordillère latérale, et en sépare le groupe riche en minerais qui, sous le nom de Sierra de Tontal et de Uspallata, s'étend jusqu'au sud de Mendoza, où elle a son centre dans le Paramillo. Le Cerro de Villicun un peu plus au sud, qui forme pour ainsi dire l'extrémité de la Cordillère latérale de l’est, oblige larivière à faire un coude en S, au delà duquel elle se di- vise en bras parallèles qui se détournent bientôt au sud, et s’élar- gissent en une grande cienega près de laquelle elle ne conserve plus qu’un petit cours à l’est. Elle arrive ainsi dans la dépression de la lagune Guanacache qui reçoit son eau. %. Le Rio de Mendoza ressemble beaucoup au précédent, mais est un peu plus court et un peu plus riche en eau. Il se forme par deux branches dans la vallée,entre les deux chaines principales des Cordillères. La branche nord vient de l’Aconcagua par deux ruis- seaux, le Rio de las Cuevaset le Rio Horcones; la branche sud sort du Tupungato et porte le nom de Rio de Tupungato. Plusieurs petits ruisseaux, qui coulent de l’ouest à l’est dans un sillon transversal des Cordillères, augmentent un peu son débit, jusqu'à ce qu’il sorte de la gorge des Cordillères nommée El Cajon, et entre dans la plaine d’Uspallata qui est le prolongement de celle plus au nord où le Rio Castaño et le Rio de los Patos forment le Rio San- Juan. lei il reçoit du nord l’Arroyo de Uspallata, et se détourne au süd par un are peu étendu en suivant le prolongement devenu très-étroit de la vallée, jusqu’à ce qu’elle s’ouvre dans la plaine des Pampas, à l’extrömite de la Sierra de Uspallata. Arrivé en cet 304 LE RIO DE TUNUYAN. endroit, le Rio de Mendoza s’inflechit au nord-est, coule pendant plusieurs milles avec la même direction dans la plaine, près dela sierra, et rencontre la lagune de Guanacache dans laquelle il se perd après s’etre également divisé en plusieurs bras parallèles entre des cienegas. | Cette lagune est un grand réservoir d’eau entouré de larges marais couverts de joncs. Elle commence ici au pied de la mon- tagne, à une distance de 5 à 6 milles géographiques, sous le 32" de lat. S., et se continue à l’est sur une longueur de 10 milles en devenant peu à peu plus étroite. Alors elle rencontre les hauteurs que nous avons décrites comme chaînes annexes de la Sierra de San-Luis, et se ramasse de nouveau en un courant unique. Gette rivière, assez importante et profonde, connue sous le nom de Desaguadero, coule avec des eaux bourbeuses à côté des hauteurs au sud, et aboutit dans une autre dépression où se trouve la grande lagune de Bevedero. Cette lagune estJe réservoir où vien- nent se rendre toutes les petites rivières qui descendent des Gor- dillères entre le 30° et le 35° de lat. S. Nous en parlerons de nouveau à la fin de ce chapitre. | 9. Le Rio Tunuyan est plus simple que les deux précédents. ll recoit son eau de l'extrémité de la vallée située entre les deux chaînes principales des Cordillères, au sud du Tupungato, dont le sommet couvert de neige alimente ses principales sources, et des pentes orientales de la Cordillère orientale qui porte en cet endroit plusieurs hauts sommets neigeux. Le Rio Claro, situé le plus au nord, est aussi le plus important de ses tributaires. Il doit tirer ses eaux des sommets neigeux. Les autres ruisseaux plus au sud prennent les noms des localités qu'ils traversent. La source principale qui descend du Tupungato passe à Totoral et, par une branche qui va se relier au ruisseau voisin situé au nord, il forme une ile, La Isla, célèbre par sa fertilité. La route de la passe de Portillo suit le cours de ce ruisseau. La source la plus méridionale emprunte son nom au fort de San-Carlos. Elle sort des pentes voisines du Maypü, et se prolonge avec d’autres petits ruisseaux plus loin au sud, jusque près du volcan, dont LE RIO PRIMERO. 289 cailloux, et après de grandes pluies entraînent même degros blocs. Ils se réunissent à la fin en courants simples qui serpentent len- tement dans la plaine, dans un lit de sable argileux sans galets, et à l'exception du troisième s’y terminent en se perdant dans des bas-fonds marécageux. Tous ont leur cours dirigé à l’est, un peu infléchi au sud-est, vers le Rio Paranä, que tous iraient rejoindre comme le troisième s’ilsétaient plus riches en eau qu'ils ne le sont. En temps ordinaire ces petites rivières n’ont pas plus de 2 pieds d’eau, mais après les pluies abondantes et subites qui tombent dans leur bassin elles se gonflent si fortement, qu’elles atteignent un niveau huit fois plus élevé. Elles deviennent alors si impé- tueuses, qu'elles entrainent tout ce qui fait obstacle à leur cou- rant. C’est pour cela qu’on n'avait pas encore établi de ponts sur les gués qui servaient de passage aux principales voies de.com- munication du pays. On traversait le Rio Tercero sur un radeau construit avec des barils à vin, et on passait les autres dans l’eau. Je les ai franchies toutes cinq de cette façon lors de mon voyage en 1857-1859. Aujourd’hui, presque toutes ont des ponts solide- ment construits qui servent au passage du chemin de fer central. Ces rivières n’ont pas de crues annuelles régulières; elles sont cependant plus abondantes en eau au printemps et au commen- cement de l'été que dans les autres saisons de l’année, et leur étiage le plus bas a lieu en automne et en hiver. Nous allons passer en revue ces cinq petites rivières les unes après les autres, en suivant le numéro d’ordre qui leur sert de nom. 1. Le Rio Primero est le plus au nord. Il naît dans la Punilla, à. l’extrémité nord de la vallée longue située entre la Sierra del Campo et la Sierra Grande ou de Achala, par deux branches, le Rio San-Antonio qui vient du nord, et le Rio San-Roque, du sud. Ges deux cours d’eau se rejoignent au-dessous du village du mème nom et y passent à travers la montagne-orientale. Le Rio Antonio commence assez loin au nord, environ sous 30° 45! à 90, à l’état de petit ruisseau. Je l'ai franchi sans peine à Quimbelates, un des établissements les plus au nord dans cette vallée. Il court droit au sud, touche le village de Ghacras, où il forme une jolie REP. ARG, — I. 19 * 322 DIVISIONS POLITIQUES DE LA RÉPUBLIQUE. règlent leur emploi et le budget du pays ou de la province. Ala tête de chaque province est un gouverneur, et à la tête de la na- tion un président. L’un et l’autre sont élus au suffrage universel de tous les habitants électeurs, etsont responsables devant le pays conformément aux articles de la constitution. Le président a le commandement de l’armée permanente que le pays entretient ; les gouverneurs, des gardes nationales que chaque province or- . ganise. Nous n’entrerons pas plus à fond dans les details de la consti- tution et de l’administration, qui n’appartiennent plus à une des- cription physique du pays. Ce qui précède a été donné seulement pour faciliter l'intelligence de ce qui suivra. Remarquons encore que le caractère de toutes les institutions du pays est complétement démocratique et qu’il n'existe dans le pays aucune autre aristo- cratie que celle de l'argent et de la richesse foncière. Les quatorze provinces envisagées d’après leurs caractères na- turels, seul point de vue auquel nous ayons à nous placer, se di- visent en quatre groupes, comme suit : 1° Les trois provinces septentrionales de Jujuy, Salta et Tucu- man. Ce sont les plus riches en produits naturels et les plus ac- cidentées. Elles ont un climat très-chaud, mais pas extrêmement sec, possèdent de hautes montagnes et de belles et vastes plaines avec une splendide végétation, sont propres à la grande culture des plantes subtropicales, contiennent des cours d’eau riches en eau quand ils ne sont pas navigables, et donnent en produits natu- rels tout ce dont l’homme a besoin non-seulement pour assurer sans peine son existence, mais encore pour la rendre agréable et douce. La vigne elle-même est cultivée avec de bons résultats dans les vallées à l’ouest de Salta. 2, Les quatre provinces occidentales de la région des Cordil- lères, par la stérilité prédominante de leur sol, la rareté des pluies et le vent chaud et souvent violent du nord, forment une contrée moins favorisée. Elles ne sont pas propres à l’agricul- ture, car toutes les cultures n’y sont possibles qu’à l’aide d’irriga- tions artificielles, Elles produisent plus de fruits que de grains, LES QUATRE GROUPES DE PROVINCES. 323 donnent d'assez bons résultats avec la vigne, fournissent à la boucherie de bons animaux engraissés sur les champs artificiels, eten font une grande exportation au Chili, enfin possèdent de riches mines de cuivre, d'argent et même d’or. Du nord au sud ee sont les provinces de Catamarca, La Rioja, San-Juan et Men- doza. 3. Les trois provinces centrales de San-Luis, Santiago del Es- tero et de Cordova, doivent être considérées comme les moins fa- vorisees par la nature; elles participent en effet de la stérilité de la région des Cordillères, sans être compensées par les au- tres avantages que possède cette région. Les Pampas stériles yprédominent et les pluies y sont rares, d’où l’agriculture n’y est possible le plus souvent que sur des champs arrosés artifi- ciellement. Cependant San-Luis et Cordova ont déjà au sud des prairies naturelles, des pampas fertiles, mais malheureusement exposées aux incursions des Indiens du Sud, comme Santiago à ceux du nord. Cette dernière province, la plus chaude de l’inté- rieur, est propre à la culture du coton. Cordova et San-Luis pos- sèdent de bonnes mines, et San-Luis des mines d’or qu promet- tent beaucoup. 4, Les quatre provinces orientales comprenant la région des pampas fertiles, reçoivent des pluies abondantes bien qu’en quan- tité variable suivant les années, sont propres surtout à l’élève du bétail, moins à l’agriculture, parce que les champs sont de peu d’etendue et en général très-maigres, à l’exception des bons ter- rains à froment que l’on trouve surtout dans les dépressions. Ce- pendant le maïs restera dans tout le pays la culture la plus im- portante; en sa qualité de plante indigène il croît beaucoup mieux ici que les espèces de grains introduites de l'hémisphère oriental. La vigne ne réussit pas ; en général tous les fruits comes- tibles viennent mieux dans l’ouest que dans l’est; les pommes de Cordova sont célèbres, les oranges de Santiago del Estero non moins, La province de Buenos-Ayres est le véritable pays du mouton; le bétail et les chevaux réussissent bien aussi dans les autres provinces. 324 LES QUATRE PROVINCES ORIENTALES. Ces quatre provinces se divisent de nouveau en deux groupes d’après la nature de leur sol : | I. Les provinces montueuses et boisées de Corrientes et d’En- trerios qui constituent la Mésopotamie argentine. II. Les provinces des pampas de Santa-Fé et Buenos-Ayres, sans région montueuse et en grande parlie aussi sans bois, avec un tapis de verdure naturel propre à faire des pacages. En faisant connaître les principales sources de production de chacune de ces quatre grandes divisions naturelles du territoire argentin, nous avons déjà dépassé les bornes de notre sujet qui doit se restreindre à une description physique. Nous avons ce- pendant pensé que ces quelques indications seraient utiles. Dans les détails nous devons exclure de notre exposition le point de vue économique; nous le laissons aux écrivains qui s'occupent d’études statistiques sur le pays, et nous renvoyons aux rensei- gnements consignés avec zèle et sagacité par M. Martin de Moussy dans sa Description géographique et statistique de la confede- ration Argentine. Paris, 1860-1863, 3 vol. in-8. Nous évite- rons à dessein de nous rencontrer avec cet ouvrage, dont le but est tout différent et qui a beaucoup de valeur dans son genre. Dans les paragraphes qui suivent sur chaque province nous nous occuperons uniquement de leurs limites, de leur population et de la position précise de leur capitale. Nous énumérerons en- suite les principales localités en y ajoutant quelques renseigne- ments remarquables ; mais nous n’entrerons pas dans des des- criptions détaillées, et renverrons le lecteur à la description générale du pays, que nous venons de donner. Les chiffres de la population sont empruntés au recensement que le gouvernement central a fait exécuter en 1869 et sur lequel on a imprimé un rapport circonstancié. Nos notices seront em- pruntées à ce rapport, et nous renvoyons à l’ouvrage original pour plus de détails *°. | PROVINCE DE BUENOS-AYRES, 325 1. Buenos-Ayres. Les limites de cette province sont fixées par la nature au nord et à l'est : au nord le Rio Paranä depuis l’embouchure de l’Ar- royo del Medio et le golfe de la Plata qui fait suite au Paranä; à l’est la côte de l'océan Atlantique. A l’ouest la limite est d’abord bien définie par l’Arroyo del Medio qui, jusqu’à son embouchure, constitue la vraie limite septentrionale, en laissant au delà, jus- qu'à la lagune Larga, une contrée ouverte dans laquelle se trou- vent les sources du Rio Rojas. Cette région appartient encore à Buenos-Ayres, et au. delà commence la province de Santa-Fé. A partir de là on tire une ligne au sud-ouest jusqu’à la lagune Chañar, en coupant les sources du Rio Salado et qui se dirige au- dessous jusqu’au 64° ouest de Paris (64° 40’ de Greenwich) que l’on adopte ensuite pour limite de la province jusqu’à l’océan At- lantique. Le pays situé à l’ouest de cette ligne est attribué à la Patagonie; cependant la province de Buenos-Ayres revendique encore les environs de la Bahia Blanca jusqu’à 39°95' lat. S. Le reste de la Patagonie relève du gouvernement national, qui le gouverne et l’administre comme territoire bornant la répu- blique. La province entière est formée par une plaine uniforme revêtue du tapis de verdure des pampas fertiles, et interrompue en deux endroits par les petites collines que nous avons décrites dans le chapitre X. Elle est arrosée par les nombreux ruisseaux et petites rivières qui ont été énumérés dans le chapitre XV, et par d’innom- brables lagunes. Les forêts manquent, et on n’y trouve que des halliers situés près des embouchures des rivières et dont l'arbre le plus grand est un beau saule (Salix Humboldtiana Willd.) Le recensement porte le chiffre de la population de la province à h95107 âmes, parmi lesquelles 274873 du sexe masculin et 220 234 du sexe féminin. Sur ce chiffre 151 241 sont des étrangers, dont 108 954 hommes et 42 287 femmes. La capitale est la ville du mème nom, la plus grande cité de la république et. la place la plus peuplée de l'Amérique du Sud après 326 POSITION GEOGRAPHIQUE DE BUENOS-AYRES. Rio de Janeiro. Elle a été fondée en 1535 par D. Pedro de Men- doza (p. 20) ; elle futabandonnée ensuite et fondée une seconde fois en 1580 par De Garay (p. 112). Il choisit un emplacement élevé de 40 à 50 pieds au-dessus du niveau du'fleuve, entre deux petits ruisseaux qui inondent encore aujourd’hui les rues voisines après de violentes pluies. Sa position géographique est fixée assez exactement sur les anciennes cartes par 40° 45" ouest de l’île de Fer (60° 45° de Paris ou 58° 25’ de Greenwich) et 3437! de lat. S. Après de nombreuses observations il semble qu’on doive la placer plus exactement sous 60° 41’ 25" ouest de Paris (58° 21! 25” de Greenwich) et 34° 36° 35” lat. S. °®. Personne n’attendra de nous que nous donnions ici une des- cription complète de la ville de Buenos-Ayres. J’ajouterai seule- ment que comme toutes les villes fondées par les Espagnols dans l’Amerique du Sud, elle a été divisée en carrés réguliers de 400 pieds de côté et qu’elle a des rues rectilignes de 32 pieds seu- lement de largeur, dont un trottoir dalé en pierres enlève encore o pieds sur chaque côté.Elle est divisée en 11 paroisses, a 20 églises, parmi lesquelles 3 protestantes, 3 couvents de moines et deux de religieuses. D’après le recensement de 1869 sa population est de 177 787 habitants, dont 98 000 hom- mes et presque 80 000 femmes. Sur ce chiffre d’habitants, 81 000 sont étrangers, presque tous originaires d'Europe, dont plus de la moitié, presque 42 000, Italiens. Les plus nombreux ensuite sont les Espagnols et les Français, chacune de ces nationalités ayant un chiffre de 13000 individus, dépassé cependant de 600 par les Espagnols. Les Allemands et les Anglais sont en nombre beaucoup plus faible, 3000 des premiers et 2500 des seconds; les Suisses sont à peu près au nombre de 1400, les Américains du Nord de 600 seulement. Mais le nombre des Américains du Sud nés hors de Buenos-Ayres est assez grand; parmi eux on en compte 6000 des pays orientaux et 700 seulement du Brésil. Le nombre des Nègres est considérable; mais comme presque tous sont nés à Buenos-Ayres, ils sont comptés comme indigènes ; 1ls appartiennent sans exception aux classes inférieures de la popu- ANCIENNES DESCRIPTIONS DE BUENOS-AYRES. 327 lation. Buenos-Ayres possède un grand nombre d’écoles, dont une publique dans chaque paroisse ; beaucoup de colléges privés pour les enfants de la haute société, un collöge national, une uni- versite; mais elle ne fait que des docteurs en droit. Suivant le système allemand, l’enseignement secondaire s’y rattache sous le titre d’Estudios preparativos ; en outre une faculté de médecine, la seule du pays. L’enseignement de la théologie n’existe pas et les jeunes étudiants doivent aller au séminaire de Cordova pour l’apprendre ; d’ailleurs beaucoup d’ecclésiastiques sans cures sont étrangers. Nous avons une courte description de Buenos-Ayres en 1691 par le jésuite Anton Sepp, dans laquelle on l’appelle une petite ville, car elle n'avait alors que deux rues en croix ; les maisons étaient construites en pisé, les toits couverts de paille et le tout si mal établi, que ces maisons duraient à peine sept années et s’é- croulaient ensuite. La ville possédait alors quatre couvents, dont les bâtiments et les églises n'étaient pas mieux construits. Les Jé- suites, arrivés peu de temps auparavant, commencèrent à cuire de la brique et à bâtir avec de la chaux, matériaux de construc- tion inconnus jusque-là à Buenos-Ayres, car les tuiles pour la toi- ture de la nouvelle habitation du gouverneur furent apportées d’Espagne. L’habitation du gouverneur n’était guère mieux que les autres maisons, quoiqu’elle füt entourée d’un petit rempart et d’un fossé. La garnison était de 900 hommes, mais on pouvait compter sur 30 000 hommes d’origine indienne, les aïeux des Gau- chos, montés à cheval et avec leur armement particulier. Après le gouverneur, le premier personnage était l’évêque, dont le revenu s'élevait à 3000 thalers (pesos espagnols), ce qui ne veut pas dire beaucoup, car tout était très-cher. Un couteau ordinaire se payait 1 p. f., un chapeau 10à 12 p. f., une carabine 20 à 30 p. f., suivant la qualité, une vara de toile 2 p. f., ou à l'intérieur jus- qu’à 3 et4p. f. Au contraire, tous les vivres étaient à vil prix: une vache ne coûtait pas deux réaux, un cheval le double; les figues et les pêches étaient en superflu, on les donnait pour rien, car tout le monde en avait assez. 328 PROVINCE DE SANTA-FÉ. Un siècle plus tard, Félix de Azara vint à Buenos-Ayres et nous décrit cette ville comme étant déjà un lieu considérable. Elle avait alors 40000 habitants, était bien bâtie dans le vieux style espagnol, et possédait la Cabildo et les cinq grandes églises voisines de la Plaza qui en font encore aujourd’hui l’ornement; le portail grec de la cathédrale n’existait pas encore. Nous supposons cette des- cription connue, et comme ce livre se trouve dans toutes les mains, nous ne la répéterons pas. Beaucoup de ce qu’il dit sur le mode d’existence de la ville à cette époque s’applique encore à l’état actuel, et prouve l'exactitude de ses observations et la téna- cité avec laquelle les habitudes nationales persistent une fois ac- quises et transmises. En outre de la capitale, la province de Buenos-Ayres a encore un nombre assez grand de petites villes qui forment le centre des districts dans lesquels on la divise. Le recensement indique le chiffre de la population de chacun de ces districts, mais sans dé- tailler celui des villes, ce qui ne nous permet pas de connaître le nombre de leurs habitants. Parmi les plus importantes citons Lujan, Mercedes, Chivilcoy, Chascomus, San-Nicolas, Pergamino, Lobos, Dolores et Azul qui ont de 8 à 10000 habitants dans le district et 2 à 3000 dans la ville; les autres districts ont des à 6000 habitants et les villes 1000 à 1200. La contrée la mieux peu- plée est celle de Lujan; elle est la plus proche de Buenos-Ayres etla plus ancienne ville de la province. Elle a été construite sur l'emplacement où on retrouva le cadavre du cavalier du même nom tué dans le premier combat contre les Indiens et à côté de lui son fidèle cheval encore en vie (voy. note 33, p. 124). 20 Santa-Fe. La province de Santa-Fé forme une zone de terre étroite en- tièrement plate sur la rive occidentale du Paranä, longue d'environ 70 milles géographiques et large de 15 à 20. Elle s’étend de l’Ar- royo del Rey au nord sous 29° lat. S., jusqu’à l’Arroyo del PROVINCE D’ENTRERIOS. 329 Medio au sud, et à l’ouest elle est limitée par l’Arroyo de las Tor- tugas avec son prolongement idéal au nord et au sud. On estime sa surface à 3650 lieues carrées. Elle est bornée au nord par le Gran Chaco, cette contrée non encore civilisée ; à l’ouest par la pro- vince de Cordova, au sud par celle de Buenos-Ayres. Son carac- tère physique est le même que celui de cette dernière, du moins dans sa moitié méridionale, c’est-à-dire qu’elle est formée de pampas fertiles, sans aucun mouvement de terrain, ni forêts; mais au nord elle devient stérile et prend peu à peu le caractère de forêt du Gran Chaco. Ce côté n’est pas encore peuplé, parce qu'il est exposé aux attaques des Indiens. D’après le recensement de 1869 le chiffre de la population s’é- lève à 89 117 âmes, dont 49 375 hommes et 39 742 femmes. Son centre principal, la ville de Rosario, est situé sur le Rio Paranä, presqu’äl’extr&ömite de la province, et aun peu plus de 23 000 ha- bitants. Ce chiffre considérable, le plus élevé après celui de Buenos- Ayres et de Cordova, fait de Rosario la troisième ville de la répu- blique, et sa position heureuse à la tête du chemin de fer central lui assure un brillant avenir. — La capitale, Santa-Fé, est sous 60° 40° ouest de Greenwich et 31° 3% lat. S.; elle n’a que 10670 habitants, qui se divisent en 5381 hommes et 5289 femmes; toutes les autres localités de la province sont des villages avec moins de 2000 habitants. On a fondé plusieurs colonies suisses et allemandes, comme Esperanza, San-Geronymo et San-Carlos, qui font de l’agriculture et réalisent des gains considérables dans les bonnes années. 9900 Européens vivent dans ces colonies, parmi lesquels 2200 Suisses, 1700 Francais et 1100 Allemands. En de- hors des colonies, il y a encore dans la province 4300 Italiens et 1600 Espagnols en grande partie Basques et Galiciens (Gallegos). 3° Entrerios. Cette province comprend la moitié méridionale du territoire décrit plus haut sous le nom de Mésopotamieargentine, et se trouve ainsi déjà suffisamment connue au point de vue physique. Ses 330 PROVINCE DE CORRIENTES. limites sont au nord, les ruisseaux de Guaiquirarö et de Mocoretä, à l’ouest l’Uruguay, à l’est et au sud le Paranä. Le recensement porte sa population à 132271 âmes, dont 71531 hommes et 62740 femmes. Sa ville la plus ancienne, Paranä ‘7, date seulement de l’année 1730; elle est à 7! 35° à l’est de Santa-Fé et à peu près 9” plus au sud(*). Elle a été longtemps, de 1852 à 1862, la capitale de la république, bien qu’elle n’ait pas encore 10 000 habitants. La capitale de la province est la ville encore plus jeune de Con- ception del Uruguay, fondée en 1778 et dont le nombre des habi- tants s'élève à 6513. Après ces deux villes vient Gualeguaychü avec presque 12 000 habitants, centre le plus important, le plus peuplé, le plus industrieux, et très-commerçant. Il ne sert pas de siége au gouvernement parce qu'il est situé tout à fait à l'extrémité mé- ridionale de la province. Il existe encore quelques autres petites villes de 4 à 5000 habitants, telles que Concordia au nord-est, Gualeguay, Nogoya et Victoria au sud-ouest, et La Paz au nord- ouest. La province est très-agricole, mais produit surtout du bétail, dont les peaux sont très-recherchées, et des chevaux dont on uti- lise la peau et la graisse dans les saladeros. L'industrie des mou- tons n’a pris d’essor qu’au sud où existent de vastes pâturages. On a établi aussi une fabrique importante d’extrait de viande. La pro- vince fournit encore presque toute la chaux employée à Buenos- Ayres; on l'extrait à Paranä et Diamante des dépôts coquillers de l’époque tertiaire. | 4. Corrientes. La partie septentrionale de la Mésopotamie argentine est oc- cupée par cette province. Au nord-est elle confine aux Missions (*) Ces différences donnent pour Paraña 60° 32’ 25‘! et 31° 45° lat. S. PROVINCE DE CORDOVA. 391 des jésuites, dont elle est séparée par le Rio Agapay et son pro- longement idéal jusqu'aux Rio Paranä; les Missions exclues, elle a les contours et les limites naturelles tracés par les fleuves. Le dernier recensement porte la population de la province à 199 093 âmes, dont 63 103 hommes et 65 920 femmes. En dehors de la capitale peuplée de 11 218 habitants, elle n’a plus que de petites villes insignifiantes, dont aucune n’atteint un chiffre de population au-dessus de 5000 âmes. Les plus grandes se trouvent dans le sud, où les plus importantes sont Esquina à l’ouest et Monte Caseros à l’est. A l’intérieur le centre le plus populeux est Mercedes. La province produit dans le sud des céréales, au nord surtout des fruits et plus spécialement des oranges : l'élève du bétail y prend cependant une grande place. A Mercedes et Saladas on cultive déjà la canne à sucre, culture plus étendue au nord, et le tabac forme la culture la plus importante. Les Indiens du Gran Chaco viennent souvent à Corrientes pour y vendre des peaux d'animaux Sauvages qui constituent déjà un article de commerce. On tire encore des districts septentrionaux des bois de construc- tion et le thé du Paraguay des Missions, bien qu’il soit inférieur au véritable du Paraguay. 5 Cordova. Cette province est la plus peuplée et la plus vaste de la répu- blique après Buenos-Ayres, avec 210 508 habitants dont 100 525 appartiennent au sexe masculin et 109 983 au sexe féminin. Elle occupe le centre de la confédération, et est, par conséquent, la mieux placée pour en posséder un jour la capitale, qui n’est pas encore définitivement fixée. Elle se trouve aussi au point central des principales voies de chemins de fer du pays. Ses limites sont à l’est les provinces de Santa-Fé et de Buenos- Ayres; nous avons déjà fait connaître ses lignes de démarcation. 392 SON IMPORTANCE COMMERCIALE. Au nord elle est bornée par Santiago del Estero et Catamarca ; la ligne de séparation passe ici par la grande steppe salée et ren- contre le Rio Dulce au-dessus de son embouchure et le côtoie jusqu’à la lagune Porongos ; à l’ouest elle est limitée par les pro- vinces de Catamarca, la Rioja et San-Luis ; la ligne de frontières passe entre la Sierra de Cordova et San-Luis jusqu’au Rio Quinto au sud et la saline centrale au nord. Au sud il n’existe pas de limite définie; la province s’étend jusque dans les steppes pata- gonnes, mais ne possède plus aucun établissement au sud du Rio Quinto. Les plaines en culture finissent déjà au Rio Cuarto et deviennent très-rares au sud de cette rivière. La province de Cordova.est une des plus variées dans sa phy- sionomie naturelle, sans être la plus riche. Elle a des pampas fertiles avec de bons pacages au sud et à l’est, des plaines stériles au nord et à l’ouest, des forêts dans le voisinage et dans les ravins de la chaîne centrale, dont les trois arêtes parallèles entièrement séparées alternent avec des vallées en partie revetues de belles forêts de palmiers, des mines dans la montagne également riche en calcaire et en marbre remarquable par sa blancheur et la fi- nesse de son grain. La culture des céréales et l'élevage du bétail sont florissants surtout dans les districts les plus frais entre les deux principales chaînes de la sierra où le blé vient bien. Les arbres fruitiers y réussissent très-bien aussi, et les pommes de Cordova sont renommées dans tout le pays. La province est très- peuplée et son peuplement date des premiers temps après la conquête ; les Espagnols qui vinrent s’y établir ouvrirent un com- merce actif de bétail avec le haut Pérou, la Bolivie actuelle, et y conduisirent surtout des mules en grand nombre, ce qui attira beaucoup de colons. On dit que la belle cathédrale de la ville a été construite avec les riches revenus de ce commerce, qui a diminué dans les temps modernes. La province est demeurée sta- tionnaire sous l'influence de ses nombreux établissements reli- gieux, qui ont étouffé tout zèle, toute activité industrielle et com- merciale. De nos jours seulement elle commence à se réveiller de cet assoupissement d’une vie purement contemplative. INSTITUTS SCIENTIFIQUES DE CORDOVA. 299 La ville de Cordova est située dans une cuvette sur la rive méridionale du Rio Primero, sous 66°3010" ouest de Paris (64020! ouestde Greenwich) et 31°2# lat. S. Son ancienne po- sition sous 459314" ouest de l’île de Fer (65°23'14" ouest de Paris) et 31°26 lat. S. était trop à l’est et au sud et sans exacti- tude. La détermination actuelle se fonde sur des observations faites à l’occasion des études du chemin de fer et semble être exacte. — D'après le recensement elle a 28 523 habitants, possède six couvents, deux de religieuses,et quatre de moines, parmi les- quels se trouve le grand collége des jésuites, dont l’ancien local, à l'exception de l’église et du presbytère, est occupé aujourd’hui par l’université de San-Carlos et Le collége national de Montserrat. Cordova est le siége d’un évêché, possède un clergé nombreux, a, en outre de la cathédrale et de six églises claustrales, plusieurs autres chapelles, un grand hôpital et un refuge d’orphelins. L’u- niversité, fondée en 1622, possède seulement une faculté de droit avec quatre professeurs et une faculté des lettres avec trois pro- fesseurs. A côté et indépendamment d’elle existe l’Académie des sciences exactes avec six professeurs et les instituts scientifiques nécessaires bien dotés. L'Académie publie un Boletin en cahiers trimestriels et des Acta sans terme fixe qui constatent l’activité des membres *. Le personnel de l’université n’y a aucune part. Cordova possède encore un troisième institut scientifique supé- rieur; l'observatoire astronomique national, qui commence à bien marcher sous la direction du docteur B. A. Gould. A cet observatoire se rattache l’institut météorologique centre de douze stations réparties dans la république. Cordova tend donc de plus en plus vers sa destination de devenir le centre intellectuel de la république Argentine, et son nom ne tardera pas à briller à côté des autres écoles de haute culture intellectuelle qui se sont fon- dées dans l'Amérique du Sud. Tel fut le but du fondateur de l’u- niversit& qui jusqu'ici est malheureusement demeurée inconnue parmi ses sœurs. En dehors de sa capitale, la province de Cordova n’a aucun autre centre important. Tous les autres chef-lieux de districts 334 PROVINCE DE SANTIAGO DEL ESTERO: sont insignifiants et leur population le plus souvent ne dépasse pas 9000 âmes. La localité la plus peuplée après Cordova est Rio Cuarto avec 5414 habitants ; les autres ont au-dessous de 3000 âmes, comme Villa Nueva et Villa Maria, qui pourront pro- bablement devenir bientôt plus importantes comme points de jonction de l’embranchement du chemin de fer de Rio Cuarto avec la voie principale. Les contrées du nord, où Chañar est la principale localité, sont très-peu peuplées. Elles sont habitées en grande partie par des descendants des Indiens. Les mines donnent soit du cuivre, soit de l'argent mêlé avec de la galène, et sont exploitées dans les districts nord-ouest de la Sierra Achala à Cruz del Eje, et dans la Sierra Serrezuela à Pocho et Minas. 6. Santiago del Estero. Cette province est une des plus grandes de la république et si on lui attribue encore le Gran Chaco, comme elle le reven- dique, elle se trouvera la plus vaste de toutes. Mais la partie en culture de ce territoire, que le recensement un peu exagéré es- time à 10 000 lieues carrées, est seulement de 3000 lieues car- rées, et reste pour la densité de la population en arriere de plu- sieurs des autres provinces. La population totale, d’après le recensement, s'élève à 132 898 âmes, dont 66 017 hommes et 66 881 femmes. Si on la calcule d’après l’aire, on trouve 79 indi- vidus par lieue carrée, tandis que Buenos-Aires en a deux cin- quièmes de plus, c’est-à-dire 125, et Tucuman, province dont la population est la plus dense, arrive au chiffre presque double de 149 individus. Mais dans ses districts peuplés, Santiago ne compte guère moins de têtes par lieue carrée que la plupart des autres provinces. C’est par l’adjonction de tout le Gran Chaco qu’elle devient la province la moins peuplée et en même temps celle ou les Indiens sont en plus grand nombre; des villages entiers situés NATURE DU SOL DE CETTE PROVINCE. 330 Jusque dans les parties cultivées se servent du guarani comme de leur langue maternelle. . | Quant aux limites de la province de Santiago, elles sont indé- terminées à l’est, où elle confine au Gran Chaco; au sud elle est bornée par Cordova, par la ligne de séparation indiquée plus haut; au nord elle a pour voisines Tucuman et Salta, et la limite passe du Rio Dulce à l'embouchure du Rio Hondo jusqu’au Rio Salado près de l’Estanzia Mojon, en se prolongeant sans détermi- nation sûre au delà, dans le Gran Chaco. La position de Mojon est fixée à 25°40' lat. S. et 64030 ouest de Greenwich (66°50' de Paris), mais elle manque de précision rigoureuse. A l’ouest, San- tiago confine à Catamarca; la limite longe la Sierra Ancasta du Rio Guacra jusque dans la Grande saline, mais laisse à la pro- vince de Catamarca les établissements situés au pied de la sierra. La plus grande partie du sol de la province appartient à la pampa stérile, et la partie occidentale se classe dans les régions les plus misérables du pays. Des surfaces immenses sont occu- pées par le désert salé, impropre à toute espèce de culture. La colonisation commence seulement à partir du Rio Dulce à l’est, où on rencontre Atamisqui, la Cañada, Salavina, et quelques autres localités voisines habitées par des descendants des Indiens. La région à l’est jusqu’au Rio Salado est la partie la mieux cul- tivée de la province, on y trouve des pacages ; mais déjà près du Salado commence le caractère forestier du Gran Chaco, qui s’é- tend de là jusqu’au Rio Paranä et est habité ou parcouru seule- ment par des hordes d’Indiens. Dans le sud de la province, où elle confine à celle de Cordova, elle en prend aussi le caractère; c’est-à-dire que la pampa stérile y prédomine, avec forêt d’ar- brisseaux, sans surfaces un peu étendues propres à l’agriculture. J'ai visite cette région dans mon.voyage; à la station de Porte- zuelo (Reise II, p. 103) on touche le sol de Santiago del Estero, et on y reste jusqu’à Gramillo. Au delà de ce poste, à Bagual, le caractère beaucoup meilleur du district de Tucuman commence à se montrer. La province entière forme une plaine continue sans montagnes ; 336 SES PRODUCTIONS. la seule exception est la petite sierra stérile de Guazayan, à l'ouest de la capitale. Elle est formée de roches métamorphiques et ne s’eleve pas à plus de 330 mètres au-dessus de la plaine. Celle-ci estla partie la plus déprimée de la plaine argentine centrale, et se trouve en moyenne entre 140 et 180 mètres au-dessus du niveau de l’Océan en se relevant lentement à l’ouest au pied des monta- gnes voisines. La steppe salée en est le point le plus bas et se trouve à peine à 140 mètres au-dessus de l'Océan. La province a un climat très-chaud, et comme elle participe déjà à la pauvreté en pluies de tout le côté occidental, elle n’offre aucune chance de succès à l’agriculture sans irrigations artificielles. La région du Rio Hondo seule a des champs de blé. Le bétail, les chevaux et surtout les mulets sont les produits les plus fructueux et les plus recherchés. Les oranges de Santiago sont les meilleures du pays ; à Robles et Higuera sur le Rio Dulce, on cultive la canne à sucre, et on apporte de l’intérieur du Gran Chaco sur le marché de San- tiago beaucoup de miel de la guêpe lecheguana (Chartergus). Les districts indiens fournissent les étoffes des vêtements ordinaires, et principalement des ponchos et des couvertures de laine que les femmes tissent avec habileté et savent, par des procédés sim- ples, orner avec des laines teintes. Cette industrie est très-an- cienne chez les femmes indiennes et s’est conservée jusque chez les générations actuelles. Avant la conquête elles employaient le coton. | La capitale, Santiago, bien que la plus ancienne ville de l’inte- rieur (voy. p. 88) a été longtemps un centre très-insignifiant d’un aspect misérable. En 1869 elle n’avait que 7 775 habitants et aucun édifice remarquable, car l’ancienne cathédrale était tombée en ruine; mais elle est reconstruite aujourd’hui. La seule curiosité est un couvent avec une haute tour. La ville, d’après la détermi- nation du lieutenant Page, est située sur le Rio Dulce par 66° 47 15" ouest de Paris (64 2% 15" ouest de Grenwich.) et 27° A6! 20" lat. S., position assez conforme à celle admise an- térieurement. M. Moneta m’a donné au contraire 66° 39! 55" comme résultat de ses observations. — En dehors de cette ville il PROVINCE DE SAN-LUIS. : 9 n’en existe aucune autre dans toute la province qui mérite d’être citée pour le chiffre de sa population, ou pour son industrie. Toutes sont de misérables localités avec des maisons en pisé et des toitures en chaume, et il est inutile d’en donner la liste. La région à Pest du Rio Dulce, de Salavina à Santiago, habitée par les descendants des Indiens, est la plus peuplée. 7. San-Luis. Cette province est une des plus petites et des moins peuplées de la république, et à ce point de vue ressemble à La Rioja et à Jujuy, bien que ces deux dernières soient encore un peu infé- rieures par le nombre des habitants. Le rencensement de 1869 accuse seulement 53 294 âmes, dont 25189 hommes et 28105 femmes. La capitale placée à une altitude de 758 mètres, par 66° 15 40" de Greenwich (68° 35° 49" de Paris) et 33° 25° 45" lat. S., n'a que 3 748 âmes, et cette faible population lui donne, après Jujuy, la dernière place parmi les capitales de province du pays. A côté d'elle il n'existe aucune autre localité importante dans le territoire Puntanien, dénomination usuelle employée par les ha- bitants de San-Luis et empruntée à l’ancien nom de la ville, ap- pelée San-Luis de la Punta à l’époque où elle appartenait encore au gouvernement du Chili et en constituait la pointe orientale. A l’est, la province est bornée par celle de Cordova, dont nous avons déjà fait connaître la ligne de démarcation ; au nord par La Rioja dont la ligne de démarcation court sous 30 5' lat. S.; au nord par Mendoza, dont le Rio Desaguadero forme la ligne de démarcation, et au sud elle se prolonge sans délimitation pré- cise dans les steppes de Patagonie, où elle englobe la région de la lagune Bevedero. Elle forme une large plaine, interrompue dans le nord par la sierra, coupée en diagonale dans le sud par le Rio Quinto. Elle offre peu de ressources agricoles, mais s’ap- proprie très-bien à l’élève des animaux. La moitié sud est en grande partie formée de pacages qui malheureusement sont en- core exposés aux attaques des Indiens. Les hordes qui habitent le REP, ARG. — 1, 22 998 PROVINCE DE MENDOZA. sud de cette province sont d’une nature très-sauvage et appartien- nent à la grande famille des Araucaniens, dont ils possèdent en- tierement le caractère. Ils portent le nom de Ranqueles et sont de la branche septentrionale des Puelches, rameau oriental des Arau- caniens. D’après Azara ils ont absorbé les débris des Querandis et habitaient par conséquent la province de Buenos-Aires ®. La principale richesse de la province est dans la sierra, qui contient des mines importantes connues depuis fort longtemps, mais exploitées avec méthode seulement depuis peu de temps *. La sierra où se trouvent ces mines est peu étendue, comme nous l’avons vu en la décrivant (pag. 238), mais elle s'élève à une grande hauteur. Les sommets les plus importants, le Cerro Pan- cata, le Gerro Monipote et le Gerro Tomalasta, atteignent get 2000 et 2200 mètres. 8. Mendoza. D'après le recensement de 1869, cette province a 6513 habi- tants, dont 32291 hommes et 33122 femmes. Elle forme une plaine qui s'incline doucement du pied des Cordillères latérales dans les pampas jusqu’au Desaguadero, sa limite orientale, en s’abaissant d’une élévation moyenne de 770 à 800 mètres à un minimum de 410 à 420 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au nord elle est bornée par San-Juan de façon à ce que le bassin du Rio San-Juan lui appartienne, et celui du Rio de Mendoza à cette dernière province. La démarcation est formée par une ligne imaginaire tirée de la source du Rio de los Patos jusqu’à la la- gune Guanacache. A l’ouest, elle confine au Chili, la crête princi- pale occidentale des Cordillères servant de frontière. Au sud elle se prolonge jusque dans les steppes patagonnes, mais ne possède plus aucun établissement au sud du Rio Diamante. Dans presque toute son étendue le sol de la province est de la pampa stérile; mais comme les petits ruisseaux qui descendent des Cordillères et les rivières du Rio de Mendoza, du Rio Tunuyan, du Rio Dia- mante et du Rio Atuel, qui toutes coulent par un pays déclive, facilitent les irrigations arüficielles, il s’est créé près des deux SES PRODUCTIONS. 399 premières nommées des terrains de culture étendus sur lesquels on récolte du blé, du mais et de la luzerne. Après l’agriculture, l’engraissement du bétail est l’industrie la plus importante. Les quatre provinces des Cordillères envoyent chaque année 40 000 à 50000 têtes de bétail au Chili, dont le prix moyen s'élève à 20 p. [. Mendoza en fournit un quart, San-Juan un tiers, les deux au- tres provinces le reste, Catamarca la moins (3 à 4000 têtes), parce que cette province possède peu de surfaces en culture au _pied des Cordillères. Après l’agriculture proprement dite, les arbres fruitiers sont un des revenus les plus importants du pays. Les melons, les pêches et les abricots de Mendoza comptent parmi les meilleurs ; les pêches, notamment, récoltées en grand nombre et dessé- chées, viennent jusqu’à Buenos-Ayres. Mais la fabrication du vin surtout promet de bons bénéfices, bien qu’on le consomme presque tout dans la province, et que par la manipulation défec- tueuse du raisin il reste de qualité médiocre. Des producteurs plus intelligents pourront faire mieux. L'auteur, pendant son sé- jour à Mendoza possédait un champ de vigne (vina) et pendant une année entière n’a bu que du vin du cru. Il peut certifier que le raisin bien traité fournira des vins très-buvables, et que sou- vent le vin rouge vieux et dépouillé se rapproche du bourgogne. On plante la vigne et la luzerne dans des champs clos, que l’on submerge de temps en temps, au moyen de canaux qui parcou- rent tous les champs et sont sous la surveillance d’un employé particulier. Gelui-ei prend soin que chaque lot de terre rezoive la part d’eau qui lui revient. Outre le vin, on fait encore beaucoup de raisins secs qui se vendent bien à Buenos-Ayres. On récolte aussi des olives que l’on expédie jusqu’à Buenos-Ayres sous forme de conserves. La ville de Mendoza a été complétement anéantie par le violent tremblement de terre du 20 mars 1861 ; mais on l’a reconstruite à neuf°!, D’après le recensement elle a 812% habitants et était plus peuplée avant le tremblement de terre. Elle est riche et of- frait avant le cataclysme l'aspect d’une jolie cité avec cinq belles . 340 POSITION DE LA VILLE DE MENDOZA. églises, quatre couvents, dont trois de moines et un de religieuses, qui, m’a-t-on dit, seront reconstruits, mais seront inférieurs aux anciens édifices par l'étendue et es La position géogra- phique avait d’abord été portée trop à l’ouest puisqu’on la pla- çait par 92° ouest de l’île de Fer (72° de Paris et 69° 40’ de Green- wich). De nouvelles observations ont démontré que cette position était presque d’un degré trop à l’ouest, et que son véritable em- placement, déduit de trois observations faites par divers auteurs, devait être ainsi fixé : 68° 45° 9" ouest de Greenwich (710 5' 49" de Paris) et 32 52 lat. S. *?, Les observations de mon ami Mo- neta sont un peu différentes, et donnent 68° 45' 39" pour la longi- tude et 32° 53° 5" pour la latitude. J’ai déterminé moi-même son élévation au-dessus du niveau dela mer à 772 mètres, moyenne de plusieurs observations barométriques que j'y ai faites. Le côté occidental de la province est montagneux; il contient l'extrémité des chaînes latérales des Cordillères connues sous le nom de Sierra de Uspallata ; et le prolongement du massif prin- cipal des Cordillères, avec les sommets élevés de l’Aconcagua et du Tupungato, traverse la province dans toute sa longueur. Ce que nous avons déjà dit antérieurement sur ces deux montagnes (p. 201 et 204) est suffisant. La Sierra de Uspallata possède à l’ouest, vers Uspallata, des mines de cuivre exploitées avec peu d'énergie. Les fonderies pour le cuivre se trouvent dans la vallée de Uspallata sur la principale route allant au Chili. En dehors de la capitale, la province ne possède plus aucune autre ville et aucune localité ayant 1000 habitants. Après Mendoza, le village le plus important est Lujan, au sud de la province, et San-Vincent à l’est, peuplés chacun de 800 habitants. Le point ha- bité le plus méridional de la province est le fort San-Raphael sur le Rio Diamante. Il n’existe aucun établissement à l’intérieur des Cordillères, et dans la Sierra de Uspallata on ne trouve que des estanzias pour le bétail, avec peu d'habitants. Le district agricole le plus important est la région supérieure du Rio Tunuyan, entre Totoral et Estacado. PROVINCE DE SAN-JUAN. 341 9. San-Juan. Par ses caractères physiques, cette province est une répétition dela précédente; mais elle s’en distingue en ce que l’industrie minière y est beaucoup plus importante, tandis que l’agriculture et la viticulture y sont moins développées. Sa population, d’après le récensement, est de 60 319 âmes, dont 29 029 hommes et 31 299 femmes. La capitale a 8353 habitants et en dehors d’elle la province n’a aucune autre localité digne du nom de ville. Ses limites au sud, du côté de Mendoza, ont été indiquées plus haut; à l’ouest elles sont formées par la chaine principale des Cor- dillères, au nord et à l’est par la province de La Rioja. La ligne de démarcation entre les deux provinces passe à l’est de la Sierra Huerta et de la Sierra Famatina jusqu’à 30° lat. S., où elle traverse cette dernière en se dirigeant à l’ouest-nord-ouest vers les Cor- dillères, qu’elle rencontre sous 29° 30", près de l’extrémité de la Sierra de Guandacol, et elle remonte vers la crête par la vallée du Rio Blanco, à l'endroit où il sort des montagnes. Le Rio Blanco sert ici de ligne de séparation. L'agriculture et l’industrie pastorale des habitants de cette pro- vince ne diffèrent pas beaucoup de celles des précédentes. Les environs immédiats de la capitale seuls sont complétement cul- tivés. On y récolte du blé, du maïs, des fruits et du vin, mais uni- quement pour les besoins locaux. M. P. Moneta a déterminé la position de la capitale par 70°55' 32" ouest de Paris et 31° 31° 31 lat. S. Les mines se trouvent surtout dans la chaine secondaire des Cordillères située au-dessus de la Sierra de Uspallata, et qui forme la Sierra de Tontal; en outre, dans l’arête orientale des Cordil- lères, appelée Sierra de Castaño et Sierra de las Leñas, ainsi que dans la Sierra Huerta à l'extrémité de la chaine de Famatina. Elles rendent de l'or, de l’argent et du cuivre. D’après les renseigne- ments de la commission du recensement, il existe 41 mines d’or à Tontal et dans la région de Gualilan, de Jachal et de Valle Fertil, 342 PROVINCE DE LA RIOJA. 10 mines d’argent et de galène argentifère dans la Sierra Huerta et 1 mine de cuivre avec les forges nécessaires à son exploitation. Plusieurs de ces mines, particulièrement celles d’or et d'argent, sont entre les mains de sociétés anglaises, mais avec participation des nationaux %, Dernièrement on a trouvé dans la contrée ap- pelée Marayas, à l'extrémité de la Sierra Huerta, des gisements de houille exploitables, mais qui malheureusement paraissent avoir peu d’etendue *. 10. La Rioja. Cette province aussi a le même caractère prédominant que les deux précédentes : on peut même dire qu’elle résume la pampa stérile mieux encore que celle de Mendoza et même que celle de San-Juan. Elle est en effet plus pauvre en eau et reçoit moins de pluie que ces deux provinces. Son territoire s’étend obliquement de la steppe salée centrale jusqu’à la crête occidentale des Cor- dillères, et est borné au sud par San-Luis et San-Juan, parla ligne de démarcation indiquée, à l’ouest par cette aröte, à l’est et au sud-est par le bord de la grande saline, où elle confine à Cor- dova, au nord-est par Catamarca. De ce côté la limite est tracée par une ligne imaginaire, tirée du bord de la grande saline sous 30° 20’ en décrivant un arc légèrement convexe au nord-est jus- qu’au bord du plateau des Cordillères sous 27° 50’, de façon à ce que le massif principal de la Sierra Famatina tombe en dedans de cette ligne du côté de La Rioja. La province, d’après le recense- ment, a 48 746 habitants, dont 22 775 hommes et 25 971 femmes; 4500 habitent la capitale. Sa position astronomique a été fixée par les nouvelles observations de mon ami P. Moneta à 69° 91° 95" ouest de Paris (67° 1° 16” de Greenwich) et 29° 18’ 58 lat. S. Les anciennes déterminations la placaient sous 66°58 ouest de Green- wich, ou 69° 18 de Paris et 29° 35’ lat. S. Les autres localités les plus peuplées sont Villa Argentina ou Chilecito avec presque 1500 habitants, et Famatina avec un nombre à peu près égal; puis enfin Guandacol avec 1300 habitants, Dans les environs de ces PROVINCE DE CATAMARCA. 943 grands établissements on pratique l’agriculture comme à Men- doza et San-Juan dans des champs irrigués artificiellement ; _ mais on y cultive surtout la vigne et l’oranger, et il se fait un commerce actif de leurs produits du côté de Cordova, où ni la vigne ni loranger ne croissent bien. L’indusirie principale de la province est cependant celle dés mines, dans les environs de Famatina et de Chilecito, où existent de bonnes usines qui pro- duisent de l’or, de l’argent et du cuivre. Le recensement parle de 7 mines d’or, 12 mines d'argent et 9 de cuivre en activité et exploitées avec profit. Dans le nord de la province, au pied de la Sierra Velasco, où se trouve le district d’Arauco, on cultive l’oli- vier avec de beaux résultats. La culture de la vigne se fait surtout dans les environs des anciens villages de Nonagasta et de Bichi- gasta au sud de Chilecito, c’est-à-dire dans la vallée bien cultivée située entre la Sierra Velasco et le tronc principal de Famatina ; le vin de la première localité est le plus renommé. Cette province très-montagneuse, puisque la Sierra Famatina en grande partie, la Sierra Velasco et de los Llanos en totalité lui appartiennent, est pauvre en cours d’eau. Les deux princi- pales rivières de cette région, le Rio Jagué et le Rio Jachal, lui appartiennent seulement dans la partie haute de leur cours: le Rio Jagué jusqu’à Guandacol, l’autre tant qu’il porte le nom de Rio Blanco, et en outre il coule dans le plateau des Cordillères. 11. Catamarca. Nous n’avons rien de particulier à dire sur le caractère phy- sique de cette province, tant elle ressemble aux précédentes. La pampa stérile y est aussi prédominante et l’agriculture n’y trouve de place que dans des champs irrigués artificiellement. On y ren- contre cependant un peu plus de pacages naturels sur les hauteurs et dans les vallées hautes des montagnes : parmi elles la plus im- portante est le Campo de Pucarä. On y élève du bétail sur une grande échelle, et on y fabrique de bon beurre et de beau fro- mage. Cette vallée et les districts analogues de la Sierra Belen, de 44 SES PRODUCTIONS. la Sierra Zapate et de la Sierra Copacavana envoient au Chili des animaux engraissés et munis de fers aux pieds pour la traversée des Cordillères. Une autre source de bénéfice existe dans les mines qui produisent de l'argent et du cuivre, et sont surtout abondantes dans les branches latérales de l’Atajo à Capillitas. Des établissements importants, comme celui de Pilcaio, exportent le minerai et donnent degros bénéfices %. Les limites de la province au sud, où elle est bornée par La Rioja et Gordova, ont déjà été tracées. La province s’y étend jus- qu’à la steppe eentrale et est séparée de La Rioja par une ligne de convention qui, partant du milieu du désert salé, se dirige aunord- ouest en contournant la Sierra Velasco vers la Sierra Famatina, coupe son extrémité.supérieure jusqu’à Angulos et Campanas, et franchit le plateau des Cordillères pour aboutir au bord à Pircas- Negras. A l’ouest, la limite est formée par le bord du plateau du côté du Chili. Au nord elle est bornée par Salta et s'étend à peu près jusqu’à 26° lat. S.; à l’est par Tucuman et Santiago del Es- tero. Elle est séparée de cette dernière province par l’arête de l’Aconquija jusqu’au Rio Guacra, de la précédente par une ligne parallèle au pied de la Sierra Ancasta, du Rio Guacra jusqu’à la steppe salée. | D’après le recensement, la province a une population de 79 962 individus, qui se divisent en 38 650 hommes et 41 312 fem- mes. La capitale a seulement 5718 habitants et son aspect est assez misérable. On y a cependant construit récemment un bel hôtel de ville (cabildo) et une jolie église. La ville est alimentée d’eau potable par un grand bassin construit au pied de la mon- tagne occidentale voisine. On s’occupe beaucoup de la culture des arbres fruitiers et de la vigne dans la vallée de Las Chacras, qui est la partie la plus peuplée ; mais la préparation du vin y est très en retard et il est moins estimé que celui de La Rioja. On n’y cul- tive pas la canne à sucre etle coton, comme je l’avais dit par er- reur dans mon Voyage, maisseulement du mais et un peu de blé. On distille avec le raisin de bonne eau-de-vie que l’on exporte en grande quantité en Bolivie. Get article est très-recherché dans PROVINCE DE TUCUMAN. 345 tout le pays sous le nom de caña et consommé surtout par les Gauchos; aussi toutes les provinces ont-elles leurs distilleries d’eau-de-vie. La plus estimée est celle de Tucuman, préparée avec de la canne à sucre. La position de la ville de Catamarca était placée trop à l’ouest sur les anciennes cartes, et tout le tracé de la province était dé- fectueux %, J’ai constaté ceci en construisant la carte du tome II de mon Voyage, et j'ai placé Catamarca par 69° 20° ouest de Paris. Mais les nouvelles observations de mon ami P. Moneta prouvent que cette position est encore de plus d’un degré trop à l’ouest, et ses déterminations lui ont donné 68° 14 49" ouest de Paris (65° 54 44" de Greenwich et 28° 28° 0,8” lat. S.). Toutes les autres localités de la province sont insignifiantes et leur position géographique n’est pas fixée avec certitude. L’erreur au sujet de celle de la capitale doit les faire reporter toutes plus à Vestqu’on ne faisait jusqu'ici. Copacavana, par exemple, où j'ai passé quatorze Jours souffrant de la fièvre et dont j'ai déterminé à 1168 mètres l'altitude au-dessus de l'Océan, doit se placer sous 67° 25° ouest de Greenwich, tandis que je l’avais portée sous 68° 39° sur ma carte. Le plateau des Cordillères, à qui on n’ac- cordait jusqu'ici qu’une largeur de 1 degré de longitude, en a plus de 2 en cet endroit, y éomprisle groupe de Famatina, et salargeur estenviron de 30 milles géographiques. On peut en effet le con- stater par mon itinéraire, puisque j'ai mis cinq jours, avec deux jours de repos, pour traverser tout le plateau. 12. Tucuman. Avec cette petite province nous arrivons à la plus belle partie du territoire argentin, à laquelle on donne souvent la dénomi- nation de Jardin de la République. La densité de sa population, qui sur une surface totale de 750 milles carrés s’élève à 109 000 ha- bitants , c’est-à-dire à 145 par mille carré, prouve déjà ses grandes ressources naturelles. La province de Buenos-Ayres elle- 346 SES PRODUCTIONS. même est en arrière pour la densité de la population, comme nous le verrons plus tard. Les limites de la province sont à l’ouest la Sierra Aconquija, par-dessus l'extrémité nord-ouest de laquelle elle projette cepen- dant un angle aigu. Au nord elle confine à Salta par une ligne qui court parallèlement à 26° lat. S. en s’inflöchissant à l’est un peu plus au sud, jusqu’au point où le Rio Talä sort de la mon- tagne et franchit la Sierra Buruyaco pour aller rejoindre l’Arroyo Uruena. A l’est elle est bornée par Santiago del Estero; de ce côté la limite est formée par une ligne imaginaire tirée de l’em- bouchure du Rio Hondo jusqu’au Rio Salado dans le prolonge- ment de l’Arroyo Uruena.Au sud par Gatamarca, où le Rio SE sert de ligne de démarcation. Cette province par toute sa nature est agricole et industrielle. En outre des légumes et plantes fourragères de toutes sortes, elle produit d’excellentes qualités de tabac, de riz, de sucre et d’eau-de-vie, mais pas de vin; la vigne ne trouve pas de sol ap- proprié à sa croissance dans le lehm dur des pampas recouvert d’une couche peu épaisse de terre végétale. Les orangers y sont au contraire beaux et renommés, et croissent déjà à l’état sauvage dans les forêts voisines. L'élève du bétail sur les pacages élevés de l’'Aconquija donne lieu à un commerce considérable. La vallée de Tafi pratique surtout cette industrie avec succès, et le fromage qu’on y prépare est renommé dans tout le pays. On élève quel- ques bêtes pour la boucherie et on les consomme sur place; il existe des fabriques de cuir qui en préparent des qualités aussi fines que celui de Cordoue ou que le maroquin. Enfin les grandes forêts du pied sud-est de l’Aconquija fournissent de beau bois de construction et de travail, beaucoup utilisé par les provinces voi- sines pour les travaux de menuiserie et de charronnerie. Les travaux de femmes sont aussi très-florissants dans la province ; on y tisse de belles housses de selle (pellondes) recherchées dans toute la république, et des dentelles fines (randas) pour la fabri- cation desquelles les Tucumaniens ne sont pas moins renommés que pour celle de leur fromage, | POSITION DE LA VILLE DE TUCUMAN. 347 La province, d’après le recensement, a 108 953 habitants, dont 53382 hommes et 55571 femmes. La capitale, propre et bien construite, a 17438 habitants. Elle fut d’abord placée, par Villa- roel en 1565, plus au sud, à l'embouchure du Rio Monteros dans le Rio Sali: mais comme le climat humide y entretenait des fiè- vres intermittentes continues (chuzo) le gouverneur Mate de Luna la transporta en 1685 sur son emplacement actuel. Elle possède deux couvents et 4 églises nouvellement construites, dont aucune n’a d'intérêt architectonique. L'église princrpale surtout est un assemblage bigarré du style le plus grotesque. Sa position géographique a été admise jusqu'ici par 68° 20’ ouest de Paris et 26° 52 lat. S., mais elle se trouvait ainsi beaucoup trop à l’ouest ; les observations de Page aussi la placent par 66° ouest de Green- wich et 20° 51° lat. S. Mon ami Moneta, s’appuyant sur des obser- vations personnelles, arrive aux chiffres de 65° 77° 20" ouest de Greenwich (67° 37 16° de Paris) et 26° 50° 2° lat. S., ainsi plus de ?/; de degré (44) plus à l’est. L’altitude au- dessus de l’Océan, que j'ai portée dans mon Voyage à 441 mètres, est d’après lui de 453 mètres; mais il faudrait pouvoir tenir compte du lieu d'observation, car la ville est située sur l’ancienne berge de la rivière, élevée au moins de 50 pieds au-dessus du niveau actuel de la rivière, et elle présente quelques inégalités de niveau même dans son emplacement ac- tuel. Après la capitale, il n’existe plus aucun centre digne du nom de ville. La plus grande localité est Monteros, sur la route de Cata- marca avec 1432 habitants, et Graneros au sud de la province avec 1006 ; les autres villages contiennent moins de 1000 habitants. La province s’avance à pas rapides vers le bel avenir que lui promet sa situation privilégiée. Déjà le chemin de fer central en construction est prolongé d’une bonne longueur au delà de Cor- dova, et lorsqu’il sera achevé Tucuman deviendra l’entrepöt d’un commerce important avec la Bolivie par l'intermédiaire de Bue- nos-Ayres et Rosario, qui alimenteront son marché des produits de l’industrie européenne et de l'Amérique du Nord. Aujourd’hui 348 PROVINCE DE SALTA. déjà elle l'emporte sur toutes les autres villes de l’intérieur, et comme sa population est des plus actives et des plus intelli- gentes on peut, sans crainte de se tromper, lui promettre un grand avenir. | 13. Salta. Semblable à la province précédente par sa nature, elle reste cependant beaucoup en arrière par son activité industrielle et a moins d'habitants malgré l’étendue quadruple de son territoire. Ceci provient de ce qu’une partie considérable de sa surface est restée inhabitée. La région occidentale embrasse de grands duis- tricts déserts appartenant au système du Despoblado, et l’est fait partie du Gran Chaco. On ne trouve de population, c’est-à-dire des colons d’origine européenne, que dans les environs de la capitale et près des routes principales qui traversent la province : prin- cipalement la partie de la route de Tucuman au Rio Salado, où là rivière a reçu le nom de Rio Juramento; une partie de la route du Chili et celle de Gatamarca en Bolivie; en outre la ré- oion d'Oran sur le Rio Vermejo, où l’on trouve une végéta- tion et un climat tropicaux. Le reste, et de beaucoup la plus grande partie de la province, est encore inculte. Ses limites au sud sont les lignes déjà indiquées qui la séparent de Catamarca et de Tucuman; une autre ligne, tirée de l’angle nord- est du territoire de Tucuman à travers le Gran Chaco jusqu’au Rio Vermejo au-dessous d’Esquina Grande, forme la limite avec Santiago del Estero ; mais les deux provinces ne possèdent aucun établissement de ce côté. Salta seule a près de l'embouchure du Rio Grande Jujuy dans le Rio Vermejo la pauvre localité citée avec quelques champs cultivés alentour. A l’est la limite est indé- terminée pour le moment, mais en fait elle se trouve sur le Rio Vermejo. Au nord elle confine à Salta et Jujuy, et l’Arroyo de Santa-Cruz, qui se rend dans la vallée du Rio Perico, sert de ligne de démarcation. Celle-ci accompagne ensuite le Rio La- vayen jusqu’à son embouchure dans le Rio de Jujuy, et contourne la Sierra Alumbre au sud. Au nord-ouest l’Arroyo de los Burros PROVINCE DE JUJUY. 349 qui coule de l’ouest à l’est sur le plateau du Despoblado et s’y perd, forme la limite, et au nord-est le Rio de las Piedras sépare de Jujuy la contrée où se trouve Oran. Le recensement porte le chiffre des habitants à 88 933, dont 44 745 hommes et 44 188 femmes. La capitale, dont M. Moneta a fixé la position sur sa carte, déjà plusieurs fois citée, par 65° 31! 7" ouest de Greenwich (67° 51° 16° de Paris) et 24° 47° 20” lat. S., a 11,716 habitants. Après elle il n’existe plus aucune autre localité importante, et le district d'Oran a seulement 4592 habi- tants. La région la plus peuplée, après les environs de la capi- tale, est la vallée du Rio de Santa-Maria et la partie inférieure du Rio de Calchaqui, dont San-Carlos est l'endroit le plus important. On y a planté la vigne avec succès et le vin de Cafayata qui vient de cette contrée est la meilleure espèce de toute la république, autant du moins que j'ai pu connaître et goûter ses vins, Mais il doit être consommé frais; avec l’âge il prend un goût amer et perd en finesse ce qu'il gagne en force. On ne fait de vin nulle part ailleurs dans la province; on cultive les céréales, élève du bétail et plante encore en petite quantité du tabac et de la canne à sucre, principalement dans le district d'Oran. Le bananier y croît et donne de bonsfruits. On a essayé quelques plantations de café, mais jusqu'ici nous ignorons quel en a été le résultat. La moitié orientale de la province contient de bonnes forêts ; on y trouve en grande quantité des bois de travail qui donnent déjà lieu à un commerce considérable, bien que la difficulté du trans- port en amoindrisse la valeur. Les districts de l’ouest sont abso- lument dénués de végétation et prennent çà et là l'aspect du désert d’Atacama et du plateau des Cordillères. Les régions nord-est sont sujettes à des tremblements de terre qui y ont déjà causé des désastres considérables (voy. note 62). 14. Jujuy. Cette province est la moins importante de toutes, non par sa superficie, mais par le chiffre de sa population. Elle n'a que 300 SES LIMITES. 40 379 habitants, dont 20 105 hommes et 20 274 femmes; par conséquent 8000 de moins que La Rioja, dont la superficie est d’un tiers plus grande. $es limites au sud et à l’est du côté de Salta sont déjà connues ; à l’ouest et au nord elle touche à la Bo- livie et confie avec cette république dans la région déserte de Despoblado. On admet comme ligne de frontière le bord occidental du plateau de Puna, qui forme le centre du système du Despoblado et est désigné sur beaucoup de cartes sous le nom de Sierra Esmoraca. La ligne de démarcation suit l’Arroyo Quiaca qui coule de l’ouest à l’est dans la vallée entre le plateau de Despoblado et la Bolivie jusqu’à son confluent avec le Rio Sococho sous 22° 15 lat. S. En ce point elle franchit la chaîne de Yavi et arrive dans la vallée de lArroyo Porongal, qui se jette dans le Rio Vermejo principal sous 22° 20, et la limite court ensuite parallèlement au 22° jusqu’au Rio Paraguay. La plus grande partie de la moitié occidentale de la province est un territoire désert, stérile et aride qui rappelle le désert d’Atacama et se prolonge avec lui sans dis- continuité. Ce plateau désert et inhospitalier, qui oscille entre 3900 et 3800 mètres au-dessus du niveau de la mer, n’a que de rares et pauvres ruisseaux alimentés par les neiges des sommets de la chaîne centrale du plateau et qui s’écoulent à l’est. Tels sont l’Arroyo de Burros et l’Arroyo de las Doncellas qui vont se perdre dans des dépressions plates du sol entourées de petites prairies, et qui entretiennent de petits pacages près de leurs bords. Ces contrées sont en grande partie inhabitées, et ne sont fré- quentées que par les Tropas qui se rendent de Salta, Jujuy ou Oran, par Atacama à la côte de l’océan Pacifique ou inversement, et qui ytrouvent d’assez pauvres lieux de halte. La principale route allant en Bolivie franchit la crête de jonction entre ce grand plateau et celui plus petit de Yavi par la gorge de Humahuaca, près des sommets couverts de neige de Castillo et Jujuy. La passe, l’Abra de la Cortadera, a une altitude de 3950 mètres. Mais la moitié orientale de la province est un pays mieux favorisé, riche en petites rivières, qui coulent dans de belles vallées boi- sées et vont se réunir avec le Rio Grande de Jujuy ou de San- SUPERFICIE DE LA RÉPUBLIQUE. 351 Franeisco, rameau méridional du Rio Vermejo. Ici commence la plaine du Gran Chaco au delà de la Sierra Alumbre placée au sud du Rio San-Franeisco. Ces contrées sont bien peuplées et pos- sèdent une agriculture prospère et une industrie commencante. Ontrouve sur les flancs des ramifications du Despoblado de beaux pâturages analogues à ceux de la vallée de Tafi et du Campo de Pucarä, et dans la plaine près du Rio San-Franeisco on cultive le mais et le tabac, ainsi que la canne à sucre et le riz qui y pous- sent bien. Les plateaux de Yavi sont habitées en grande partie par des descendants d’Indiens, qui chassent les animaux et ap- portent sur les marchés des peaux de vicuñas ou de chinchilla. Enfin, on élève des chevaux et des mulets dans le distrietde Tum- bava, et il s’en fait un commerce actif avec la Bolivie. La capitale, Jujuy, est à peu près au milieu de la province, un peu plus rapprochée cependant de la frontière sud, dans une jolie vallée sur la rivière du même nom à 1230 mètres au-dessus de la mer. M. Moneta a déterminé sa position géographique par 65° 20! 39" ouest de Greenwich (67° 40' 46" ouest de Paris) et 24° 10° 59" lat. S. Elle n’a que 3071 habitants et rien de remar- quable à noter. Il n'existe pas dans la province d’autres localités qui vaillent la peine d’être mentionnées. XVIII SUPERFICIE DES PROVINCES ET DE LA RÉPUBLIQUE. Déterminer l'étendue territoriale de. chaque province et de toute la république est un problème assez difficile lorsqu'on prétend à une exactitude suffisante, condition fondamentale de toute étude scientifique: On n’a encore Jamais exécuté aucune véritable mesure. Les possesseurs de grandes propriétés de plu- sieurs provinces, et notamment ceux de la province de Buenos- Ayres, possèdent des mesures exactes de leurs territoires, Ges 352 ÉTENDUE DE LA RÉPUBLIQUE. mesures ont servi à construire la grande carte de la province publiée en 1864 sous le titre de Registro grafico de las pro- priédades rurales, en quatre feuilles, par le Departemento topo- grafico. Mais ceci ne nous avance à rien pour les autres pro- vinces, et le problème de mesurer leur superficie reste toujours aussi difficile. Quelques essais ont déjà été tentés dans ce sens. Dans ces conditions, il ne nous reste d'autre ressource que de calculer la surface des provinces d’après les contours qu’on leur donne sur les carte:, et d’en déduire aussi approximative- ment que possible leur étendue. Un travail de ce genre ne saurait prétendre à une grande précision; on ne pourra pas par ce moyen déterminer la véritable étendue territoriale de chaque province, mais il sera au moins possible de fixer assez sûrement leur superficie relative, puisque les erreurs inévitables seront les mêmes pour toutes les provinces et n’affecteront pas beaucoup leurs relations réciproques. J'ai essayé de calculer de cette manière l’étendue territoriale de la république et de ses diverses provinces, et je n'hésite pas à donner ici le résultat obtenu à la fin de mon esquisse géographique. Je le soumets aux savants plus compétents et pourvus de moyens plus exacts es être revisé et amélioré s’il y a lieu. Parmi les essais analogues antérieurs je n’en connais qu'un, cité par Woodbine Parish ; il mentionne en effet le calcul d’Ar- rowsmith et donne le chiffre total de 726,000 milles carrés anglais. Je préfère prendre pour unité de mesure le mille géo- graphique de 15 au degré, et je donnerai la superficie de la république et dé ses provinces en milles carrés géographiques. La méthode employée consiste en ceci : déterminer le nombre de degrés carrés de la république et de ses provinces, et multiplier les nombres obtenus par le nombre de milles carrés contenus dans un degré carré. Quant au nombre de milles carrés de chaque degré carré, je n’ai pu en faire un calcul rigoureusement exact, puisque les degrés de longitude vont en diminuant de l’equateur au pôle et contiennent ainsi moins de 15 milles géographiques. Pour ob- CALCUL DE LA SUPERFICIE. | 399 tenir la superficie avec exactitude par cette méthode, il faudrait commencer par déterminer celle du degré carré pour chaque degré de latitude, travail pénible et en fin de compte sans utilité, puisque les inégalités de la surface du sol seraient encore né- gligées. Dans ces conditions, j'ai préféré admettre des nombres ronds, que j'ai choisis à dessein un peu forts, pour échapper au reproche que mon calcul porte préjudice à la république en réduisant son étendue. Comme il ne s’agit pas ici de éomparai- sons rigoureusement exactes, mais d’une approximation suffi- sante, il ya moins d’inconvénient à ce que les nombres soient plutôt trop grands que trop petits ; car dans ce cas je m’exposerais au reproche d’un amoindrissement prémédité absolument hors de ma pensée Aussi, j'ai estimé le degré carré de 22° à 40° lat. S. à 225 milles carrés, et de 40° à 55° lat S. à 180 milles . carrés %, Je sais bien que le premier chiffre est trop fort et que les résultats obtenus devraient être réduits ; mais la différence ne serait pas très-considérable et, obéissant au principe formulé pius haut, j'ai préféré être en erreur en trop plutôt qu’en moins pour échapper à toute inculpation malveillante. Je remarque encore que dans la détermination de l'étendue territoriale des provinces on à {nu compte non pas seulement des surfaces cultivées, mais des frontières réelles de chaque province, et que d’un autre côté on à négligé les prétentions de quelques-unes d’entre elles sur de vastes territoires voisins complétement en dehors de leur in- fluence. Ainsi le Gran Chaco et la Patagonie n’ont été attribués à aucune province, mais on les fait entrer en ligne de compte dans le relevé de la république entière, comme étant placés sous l'administration du gouvernement national. Quant aux superficies des provinces données par le recensement de 1869, ellesreposent uniquement sur des estimations personnelles, et j'en ai très-peu tenu compte à cause de leur exagération hors mesure, Au con- traire, le chiffre adopté en général par les traités de géographie de 40000 milles carrés pour la république Argentine se rap- proche de la vérité aussi près que cela a lieu d'ordinaire dans les calculs en nombres ronds de cette sorte ; il est cependant au REP. ARG, — I. 23 304 SUPERFICIE DE BUENOS-AYRES, SANTA-FE, ETC. moins d’un huitième trop.faible, lors même que le mien serait: un peu trop fort. | Il est bien certain que la province de Buenos-Ayres est la plus grande de toutes par l’étendue de son territoire ;.mais on n’en connaît pas exactement la dimension, car les opinions varient sur ses limites à l’ouest et au sud. J'ai admis le territoire comme il est tracé sur le Registro grafico, y comprenant la région de Bahia Blanca que le gouvernement provincial revendique comme sa propriété. La superficie ainsi comprise occupe 20 degrés carrés de chacun 215 milles carrés, .ce qui fait un total de 4300 milles carrés. Comme la province possède une population d'environ 900 000 âmes, il y a 120 habitants par mille carré en y com- prenant la ville de Buenos-Ayres, et 75 seulement sion en sépare la capitale avec ses 177 787 habitants. — Le recensement estime la surface à 6750 lieues carrées, chiffre qui concorde avec le mien en calculant le degré carré sous 35 — 40° lat. S. à la valeur de 335 lieues carrées, valeur qui me paraît un peu. trop élevée. D’après le recensement il existe 71,6 personnes par lieue carrée. nie La province de Santa-Fé embrasse 7 degrés carrés, dont l’éva- luation à 215 milles carrés donne un total de 1500 milles pour la province. Calculée en lieues carrées d’après l’échelle admise pour Buenos-Ayres, on arrive au chiffre de 2555. Le recensement en donne 3650, mais j'ignore d’après quelle base. D'après. mon calcul, 59,40 personnes existent dans cette province par mille carré ; d’après le recensement, 23,64 par lieue carrée. J'ai admis 6 1/2 degrés carrés pour Entrerios, ce qui nous donne pour son aire territoriale 4400 milles carrés. Avec.une population de 132271, on trouve à peu près 94,5 personnes. par mille carré. Le recensement porte 4000 leguas astronomaicas (sic) et admet 36,84 habitants par lieue carrée. Corrientes, les Missions défalquées, est un peu plus grande qu’Entrerios, mais moins peuplée. J’ai estimé son étendue, avec la défalcation susdite, à 7 degrés carrés et ainsi à 1500 milles carrés, chacun avec 86 personnes. Le recensement porte 32,08 - SUPERFICIE DE SANTIAGO, CORDOVA, SAN-LUIS, ETC. 309 individus par lieue carrée et fixe l'étendue à 4052 lieues carrées. Santiago del Estero, d’après mon calcul, embrasse 8 degrés carrés enne prolongeant pas son territoire au delà des contrées réellement peuplées ; elle a donc 1720 milles carrés. Ge chiffre, traduit en lieues carrées de 335 au degré carré comme pour Buenos-Ayres, donne un total de 2680 lieues carrées. Le re- censement, très-exagéré, admet 10 000 lieues carrées pour la province y compris le Gran Chaco. D’après mon calcul, 11 y a 77,26 personnes par mille carré ; d’après le recensement, 39,97 par lieue carrée. En prenant cette densité comme point de départ, on trouve 4030 lieues carrées pour l'étendue territoriale et non plus les 10 000 du recensement. .Cordova, la plus grande province de la confédération après Buenos-Ayres, comprend d’après mon calcul 15 degrés carrés, c'est-à-dire 3225 milles carrés, ou 5025 lieues carrées. Le re- censement en porte 696% avec 30,31 personnes sur chacune ; mon calcul m’a donné 62,17 par mille carré. San-Luis. J’estime l'aire de cette province à 9 degrés carrés, donc à 1075 milles carrés, et la densité de la population à 49,45 personnes par mille carré. Le recensement admet 4050 lieues carrées et porte la densité à 13,15 personnes par lieue, chiffre d'accord avec le territoire indiqué; mais celui-cı est exagéré au moins du double. La province de Mendoza, d’après mon estimation, a8 degrés carrés d’etendue, ainsi 1720 milles carrés, ou 2840 lieues carrées, tandis que le recensement lui en accorde 9000. La densité: de sa population est de 37,10 têtes par mille carré; d’après le recensement, de 13,08 par lieue carrée et, en adoptant mon total de 28 40 lieues carrées, de 25,03 individus seulement par lieue carrée. San-Juan est un peu plus petit que Mendoza, d’où j'estime l'aire de cette province à 7 1/2 degrés carrés, ce qui donne 1612 milles carrés ou 2500 lieues carrées, Le recensement élève ce chiffre à 9699 lieues carrées, ainsi à une dimension triple, ce qui est sûrement beaucoup exagéré. La densité dela population est 900 SUPERFICIE DE LA RIOJA, CATAMARCA, ETC. à peu près la même que dans la province précédente, à savoir de 37,42 par mille carré et 24,01 par lieue carrée. Le recense- ment porte 18,27 personnes par lieue carrée, chiffre qui dé- . montre clairement l'erreur de son aire, puisque avec cette popu- lation par lieue carrée on trouverait pour la province entière 174 000 habitants, ainsi presque trois fois autant qu'il y en a réellement. La Rioja, d'après mon évaluation, embrasse 7 degrés cit, done 1500 milles carrés ou 2345 lieues carrées. Il y a 32,50 in- dividus par mille carré et 20,15 par lieue carrée. Le recensement porte seulement 13,92 têtes par lieue, et a estimé la surface un peu trop grande. J’evalue la province de Catamarca à 9 degrés carrés ou 1940 milles carrés, qui donnent 3015 lieues carrées. La densité de la population est de 40,70 par mille carré et 26,52 par lieue carrée. Le recensement admet une superficie de 7753 lieues carrées et 10,31 individus par lieue carrée, ce qui concorde avec le chiffre de sa population, mais exagère e presque de quatre fois la superficie Tucuman est la province la plus petite car elle n’a que 2 1/2 degrés carrés de superficie, ou 560 milles carrés et 840 lieues carrées. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de cette pro- vince est montagneuse et fertile partout, ce qui en augmente beaucoup la superficie ; aussi j'ai proposé d’admettre un chiffre un peu plus élevé et de le porter à 750 milles carrés ou 1200 lieues carrées. Les quatre provinces précédentes et les deux suivantes présentent bien une disposition analogue, mais la difference des surfaces planes et accidentées y est moins im- portante : d’abord parce que leur superficie est beaucoup plus grande, ensuite parce que les régions montagneuses n’ont pas une importance aussi grande pour ces provinces que pour Tucuman, et qu’elles occupent en grande partie des étendues désertes et stériles. D’après cette évaluation, la province a une densité de population de 145,26 têtes par mille carré et 90,85 par lieue carrée. Le recensement est très-exagéré lorsqu'il || SUPERFICIE DE SALTA, JUJUY, ETC. 307 donne à la province 2855 lieues carrées et 54,47 personnes par lieue carrée, L'évaluation de 1500 lieues carrées adoptée par Martin de Moussy et rejetée par le recensement est encore trop élevée bien que plus rapprochée de la vérité, . Jévalue la surface de Salta à 9 1/2 degrés carrés, dont plus de la moitié est occupée par des montagnes; mais la nature stérile de presque toute la moitié occidentale m'empêche de sur- élever la superficie de cette province. Mon évaluation donne 2050 milles carrés ou 3182 lieues carrées. Il existe donc 43,38 personnes par mille carré et presque 28 par lieue carrée. Le re- eensement de 1869 fixe la superficie de la province à 5000 lieues carrées et la population à 17,78 personnes par lieue carrée. - On peut admettre pour la superficie de Jujuy 4 1/2 degrés carrés ou un peu plus parce que la plus grande partie du terri- toire est montagneuse. Comme elle est située au nord et que les degrés carrés y sont un peu plus grands, j’adopterai le chiffre de _ 1000. milles carrés ou 1500 lieues carrées; mais non pas 3000 comme Martin de Moussy, ou même 4400 comme le re- censement, car ce sont des évaluations très-exagérées. D’après mon estimation il existe 38,92 habitants par mille carré, et seule- ment 13,46 d’après celle du recensement qui a admis une super- ficie trop grande. Le total en milles carrés des provinces réunies est de 25 292 pour la partie cultivée de la république, et la moyenne des habi- : tants de 65 personnes par mille carré. Il reste encore à énumérer les territoires non-civilisés occupés par des peuplades d’Indiens qui relèvent directement du gou- vernement national, et nous aurons passé en revue la superficie entière de la république. Ges districts sont : 1. Le Gran Chaco, dont on peut estimer la superficie à 25 degrés carrés, y compris la partie au nord du Rio Vermejo que la république du Paraguay revendique. Ce territoire est de 5400 milles carrés et 45000 Indiens d’après le recensement y habitent, d'où 8,5 par mille carré. 2. Les anciennes Missions embrassent environ 3 1/2 degrés 398 AIRE TOTALE DE LA REPUBLIQUE. carrés que j'estime à 700 milles carrés. Leurs 3000 habitants donnent done un chiffre de 4,3 têtes par mille carré. 3. Les Pampas au sud des provinces jusqu'aux limites de la Patagonie. J’estime ce territoire à 28 degrés carrés et admets le chiffre de 6000 milles carrés. La population indienne s'élève à 21 000 individus, ce qui donne 3,5 individus par mille carré. 4. La Patagonie ou le pays à l’est des Cordillères et au sud de fo lat. S. jusqu’au détroit de Magellan. Elle embrasse 50 degrés carrés, ce qui nous donne seulement 8000 milles carrés à cause de la diminution graduelle de la superficie pour chaque degré de latitude au sud. Le recensement admet 24000 Indiens dans ce territoire, ce qui fait trois individus par mille carré. Le territoire entier de la république Argentine est de 45392 milles carrés et sa population de 1826913 habitants, ou 40 têtes par mille carré. Nous serons donc très-près de la vérité si nous acceptons en chiffres ronds 45000 milles carrés pour l'étendue de la répu- blique comme nous l’avons fait plus haut ®, et nous nous con- tenterons pour le moment de ce résultat, en attendant que l'avenir nous fournisse des renseignements plus exacts et plus détaillés. #3 — | G68‘er — er6 La — = = ie = ER. 0€ 000,8 4 000°7% = = - — = .suosefeg € c'e 000°9 — |000‘F = er - u “edweg e[op « ‘y 001 — {000€ > > < > — *"SUOISSIN sap « «8 | 007 — |000C7 en Br 2. ® = Hey) UE.) NP SUAIPUT OSSE | 000,7 | FLOE 1618°07 |YLa‘08 |C01‘08 QC Y9L 65 010% | 97 67 L9 | "er Änfag 86.67 | 080% |OILFF |C66'88 |ssrry |C7L‘vy Nr. 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Trelles, Buenos- Ayres, 6187, in-8. | Cuestion de limites entre la Republica Argentina y Bolivia, por Man. Ric. Trelles. Buenos-Ayres, 1872, in-8. Cuestion de limites con Chili, apendice à la Memoria de relac. exter. de 1873. Buenos-Ayres, in-8. Continuacion del apendice sobre la cuestion Chileno-Argentino. Buenos Ayres, 1874, in-8. | Martin de Moussy, dans sa Description géographique et statistique de la confédération Argentine, t. I, p. 52, a résumé les anciennes conventions entre l'Espagne et le Brésil, et à la page 47 et suivantes les négociations avec les États voisins poursuivies jusqu'à l’époque de l'achèvement de son ouvrage. Voy. aussi Registro estadist. de la Rep. Arg., t. I, 1864. 2 (148). La carte du voyage de A. Du Graty au Paraguay, qui a été pu- bliée à une échelle réduite dans la Zeitschr. f. allgem. Erdkunde. Neue Folge, 13. Bd., S. 51, Taf. I, fait voir clairement les prétentions du gou- vernement du Paraguay. 3 (149). Azara, qui prit part au règlement des limites, trace ainsi la ligne de frontières sur la carte planche VI de son Voyage. Les Portugais s’avancèrent plus tard encore un peu au delà au sud-ouest et occupèrent tout le pays sur les deux côtés de la moitié supérieure du Rio Jaura qui appartient maintenant au Brésil. 4 (151) Les écrits cités dans la note 1 exposent avec détails la situation des choses. Le Chili a commis une usurpation qui ne trouve d’excuse que 362 NOTES 5, 6 dans le laisser faire les Argentins. L'état actuel de la colomsation du détroit se trouve décrit dans le voyage de Rob. Cunningham, Notices on the Zoology of the Mag.-str., etc., Dublin, 1871, in-8°; nous y renvoyons les lecteurs. 5 (152) Afin de mieux orienter les lecteurs, je vais indiquer quelques points bien mesurés, qui marqueront l’inclinaison de la plaine. J'ai moi-même exécuté deux mesures au pied des Cordillères. Au nord, à Copacavana (28° 28' lat. S.), la plaine est à 1168 mètres, et au sud, à Mendoza (52° 55 lat. S.), à 772 mètres. Au milieu de la plaine, au nord de Cordova et au bord de la grande steppe salée, l'altitude est de 178 mètres ; — mais la ville de Santiago del Estero, située à l’extrémité nord de cet ancien lac, n’est qu’à 162 mètres d’où il suit que la partie la plus déprimée de la steppe està un niveau en- core plus bas (peut-être 150 mètres). La ville de Corrientes sur le Rio Parana est presque sous la même latitude que Santiago. Le fleuve, d’après les mesures de Page, s’y trouve à 67 mètres au-dessus du niveau de la mer; le sol descend done encore de 99 mètres de Santiago au Rio Paranà, c’est-à-dire sur une étendue de 60 milles géographiques. La petite ville de Rio Cuarto se trouve assez exactement au milieu de la région méridionale de la plaine argentine. Elle est à une altitude de 444 mètres, parce que la montagne voisine a un peu relevé tout le sol en- vironnant; la petite ville d’Achiras, tout au pied de la montagne, est à 823 mètres. À partir de là le sol s’abaisse à l’estet à l’ouest iusqu'au Desa- guadero, dont le niveau est à 446 mètres, ce qi nous donne la plus grande dépression de cette région. Toutes les autres villes de l’intérieur sont encore plus rapnrballéé du pied des montagnes que Rio Cuarto, et sont placées sur des rehaussements . considérables du sol: Cordova à 417 mètres, Tucuman à 453 mètres, Jujuy, située déjà presqu’au pied du plateau de Bolivie, à 1230 mètres. A peu près sous la même latitude que Rio Cuarto, c’est-à-dire un peu au-dessous de Rosario, le Paranà est à 16 mètres d'altitude ; sous la latitude de Gordova, c’est-à-dire au-dessus de Paranä, à 24 mètres et sous la latitude de Tucuman, à l’embouchure du Rio Vermejo dans le Rio Paraguay, à 83 mötres. Voy. note 60. Il est facile maintenant de comprendre l’inclinaison de la plaine argen- tine. 6 (153). Dans mon voyage à travers les États de la Plata j'ai fait remar- quer (Reise, t. Il,p. 322) que la nature du littoral occidental de l'Amérique du Sud se modifie aussi complétement en même temps que la direction des Cordillères. Mais on peut encore aller plus loin et étendre cette modifi- cation au caractère entier de la montagne elle-même, qui au sud du 20° degré de lat. S. prend celui d’une steppe et depuis lors se prolonge en s’élevant graduellement jusqu’à l’Aconcagua sous la forme d’une plaine haute sans végétation, ou d’une arete. NOTES 7 — 12. 363 7 (157). La description des Pampas que je donne ici est une reproduction et un résumé des diverses descriptions que j'avais consignées soit dans mon Reise durch die la Plata-Staaten, Th]. I, S. 112, 148, ete., soit dans mon mémoire sur la région du Rio Salado (Zeitschr. f. allgem. Erdkunde. Neue Folge, 15, Bd., S. 225). — Le mot Pampa, comme beaucoup d’autres noms de lieux, vient de la langue Quichua et signifie campagne ouverte, plaine. Voy. Garcilaso de la Vega, Comentar. reales, etc., t. I, p. 118. 8 (161). C’est aujourd’hui une opinion très-répandue dans la province de Buenos-Ayres que l’eau des lagunes, même des plus grandes, est en décrois- sance, et on entend exprimer là-dessus les opinions les plus fantastiques. Les demi-savants ont surtout adopté l'opinion qu’il s'est ouvert dans le sol des canaux d'écoulement invisibles, et il est d'autant plus difficile de les en dissuader, que la vraie cause à leur opposer sonne très-désagréablement à leurs oreilles. Ce n’est ni l'accroissement de l’évaporation, ni la diminution des pluies dans le pays qui déterminent l’amoindrissement de l’eau dans les lagunes, car il n'existe aucune espèce de raison pour admettre ces deux causes. —1l faut plutôt s’en prendre à l’augmentation constante des animaux tenus dans les pacages voisins, et ce sont eux qui produisent la diminution de l’eau. Lorsque chaque jour plusieurs milliers de chevaux, de bœufs et de moutons vont boire à la lagune et v absorbent autant d’eau qu’ils veu- lent; qu'en outre ils entrent dans la lagune, la parcourent en tous sens, bouleversent le fond et augmentent l’évaporation par une agitation conti- nuelle, Peau ne peut alors que décroître peu à peu dans ces bassins plats et d’une étendue limitée, bien que la pluie vienne de temps à autre en relever le niveau. Après s’etre désaltérés, les animaux rentrent dans la campagne, s’y débarrassent du liquide absorbé et engraissent ainsi le sol, ce qu’on considère à bon droit comme le meilleur des amendements. Mais ils en- lèvent à la lagune une grande partie de son eau, et celle-ci décroît d'autant plus que le nombre des animaux s’augmente d'année en année. Toutes les la- gunes, en effet, s’alimentent seulement par les pluies et ne recoivent d’eau d'aucune autre source. 9 (162). Jai décrit deux de ces dunes dans mon Reise, I, Bd., S. 147, et dans Zeitschr. f. allg. Erdk. I, 239. J'ai observé celle de la rive orientale à la pointe de la presqu'île Darss et Mönkgut, ainsi que sur l’île Hiddensoe. On peut consulter là-dessus mon Histoire de la création, p. 15 et 31. Paris, 1870, in-8. Des dunes s'étendent aussi sur une grande étendue sur toute la côte de Patagonie. 10 (162). Voy. Th. Page, la Plata, ete., p. 346. 11 (165). C’est au Chardon-Marie (Sylibum marianum) que se rapportent les observations de Darwin sur les chardons de ce pays dans son Voyage d'un naturaliste autour du monde (p. 127 de la traduction française), et en outre il mentionne une description de Francis Head, que je n’ai pu me pro- eurer, . 12 (165). On trouvera dans mon Reise, Bd. I, p. 220 et suiv. et Bd. II, p. 233 et suiv. une description de ces plaines arides. — On comprend de soi- 364 | NOTES 13-- 47. même que l’agriculture et l'élève du bétail n’y sont possibles qu’à l’aide de soins artificiels, c'est-à-dire lorsqu'on peut amener de l’eau sur le sol et le rendre propre à la végétation du blé et du trèfle. Ceci se fait au voisinage de tous les établissements qui sont toujours situés de façon à pouvoir être irrigués. Voy. Anales del Mus. publ. de Buenos-Ayres, t. I, p. 90. 13 (166). Grisebach, dans son ouvrage La végétation de la terre (trad. en français, Paris, 1875, in-8), donne aux Pampas stériles le nom de Chañar- steppes, emprunté à une des principales plantes. Mais le chañar est souvent absent et d’autres espèces d’arbustesy sont aussi, sinon plus répandues, par exemple la jarilla.— Le nom de l'enseralile de la plaine AE est Pampa et non steppe. | 14 (166). Les Argentins appellent les forêts monte, bien que cette expres- sion en espagnol ait la signification de montagne, comme le prouve le nom de Montevideo. Elle tire son origine d’une dénomination générale employée par les soldats espagnols à l’époque de la première occupation; en voyant des forêts seulement sur les endroits montagneux et dans les ravins, et formées d’arbustes assez clair-semés, ‘ils les appelèrent monte, d’est-a-dire bruyères, Cette dénomination passa aux Gauchos et a été adoptée peu à peu par le reste de la population, parce qu’on ne voyait nulle part de vraies forêts avec de grands arbres et un feuillage touffu, les selvas des Espa- gnols. L’expression monte pour signifier des fourrés d’arbrisseaux et de bruyères se trouve chez les anciens écrivains espagnols. 15 (170). J’ai donné, dans les Anales del Museo Publico de Buenos-Ayres, t. 1, p. 104, une description plus détaillée des bassins salés et de la croûte de sel; elle sera reproduite plus loin dans le quatrième livre de cet ou- vrage. Darwin parle aussi de sel de cuisine dans son Voyage, t.I, chap. 4, — La saline de Gatamarca a été étudiée par M. Fr. Sthigkandams, may note 23. 16 (170). C’est un vieux principe d'expérience que Les: cultures faites sur des terrains vierges sont productives seulement lorsqu'on a à détruire une végétation antérieure naturelle pour la remplacer par une autre artificielle. Cette dernière, en se plaçant au point de vue de l’organisation des plantes, * est toujours inférieure à celle qu’elle doit supplanter. Ainsi, au Brésil, on cultive le café en défrichant les splendides forêts vierges, et on plante les faibles arbrisseaux de caféier sur leur sol. Mais les Pampas, mêmeles fertiles, ne produisent qu’un très-misérable tapis de verdure, composé de plantes inférieures au blé qu’on veut y cultiver. Ces tentatives ne réussiront Ja- mais; les Pampas doivent rester en territoire de pacages et ne pourront fournir à l’agriculture que quelques endroits'plus favorisés, mais ne se trans- formeront jamais sur toute leur étendue en une terre labourable féconde. On peut demander au sol seulement ce qu’il a, ou quelque chose d’analogue, en rapport avec sa nature. Il ne rendra jamais ce qu’il ne peut produire. Ce sont là des principes positifs établis dans la chimie agricole de Liebig. 17 (471). Qu'on voie ma description de la forêt d’algarrobes à Chocul, dans le tome I de mon Reise, p. 143, et l'emploi du fruit, tome II. NOTES 18-94. 365 pag. 224. La boisson qu'on en tire s'appelle aloja, et elle est énivrante, Voy. loe, cit. 225. 18 (172). Mon ancien collègue à l’université de Halle, M. le professeur De Schlechtendal, a fait connaître cette plante dans la Botanische Zeitung (1861, n°22), d'après des fruits que je lui ai envoyés. Voy. mon Reise, t. II, p- 105. J'y mentionne plusieurs autres arbres de cette forêt. Je passe sous silence, pour le moment, les particularités de cette végétation qui sera décrite dans le cinquième livre de cet ouvrage. Notons seulement que l’ex- pression Gran-Chaco est à moitié d'origine indienne : Chaco chez les In- diens désigne la méthode de chasse employée pour traquer le gibier sur de vastes plaines. (P. Lozane, Hist., ete., t. I, p.284). 49 (173). Voy. l’article : La forêt vierge des tropiques, dans le second volume de mes Geologischen Bilder. Quant à la forme de cactus mentionnée ici, il faut probablement, d’après M. le professeur Hieronymus, la rapporter au Rhipsalis cassatha. Hook. Exot. Flor. 1, p. 2, pl. 2, dont le fruit doux, comme nos groseilles, est très-recherché par les perroquets. 20 (174). J'ai décrit brièvement dans mon Reise, t. II, p. 48, ces beaux palmiers restés inconnus jusqu’à ce jour, et j'ai mentionné les forêts qu’ils constituent. Les palmiers forment encore de grandes forêts clair-semées dans la région orientale d’Entrerios près du Rio Uruguay, et s'étendent au sud jusque sur les îles entre les embouchures du Paranä; mais ils manquent absolument dans toute l'étendue du côté occidental de la républiques Le Trinaæ est mentionné dans mon Reise, t. I, p. 389. 21 (174). Notre description de la Patagonie s'appuie principalement sur un article de MM. Heusser et Claraz dans la Zeitschr. d. Gesellsch. f. Erdkunde zu Berlin, t. I, p- 324. Comme je n’ai pas visité moi-même le pays, je suis forcé de recourir à des observations étrangères. 22 (176). Darwin, dans son Voyage d'un naturaliste, chap. IV, a décrit une de ces lagunes salées. Comme toutes les lagunes de cette contrée, elle contient de l’eau momentanément et se dessèche complétement en été. 23 (179). Voy. Fr. Schickendantz dans Petermann’s geogr. Mitth., 1868, p. 143. Cet auteur, très-bien renseigné sur la partie où la saline est le mieux développée (Boletin de la Academia d. cienc. Exact; t. 1, p. 240 et suiv.), a essayé de prouver que le sel des salines ne provient pas de lacs salés préhistoriques, débris d'une ancienne mer, mais qu'il est de formation secondaire par la décomposition des roches voisines. Nous renvoyons à son mémoiré sans entrer plus à fond dans les raisons sur lesquelles il appuie son opinion. Le niveau de la saline ne nest pas connu avec certitude. D'après Martin de Moussy (Deser. de la conféd. Arg., t. 1, p. 246) la région de Chumbiche est à 345 mètres et cette localité est assez exactement au même niveau que la saline. 2% (180). Voy. D. Pampeo Moneta dans Informe sobre practicabi- lidad, ete., del ferro carril central Argentino, ete., p. 17, Buenos-Ayres, 1867, in-8. L’observation, émise avec raison par l’auteur, que les lacs salés avec écoulement constant doivent se dessaler, a déjà été faite par Darwin 366 NOTES 25—30. dans son Voyage d’un naturaliste, chap. IV. Le petit crustacé dont il est fait mention et qui est commun dans les lacs salés des steppes de la Russie méridionale (lac d’Elton), s'appelle Artemia salina. Je ne Vai pas observé jusqu'ici en pays argentin. 25 (183). On trouvera une note courte avec carte dans Petermann’s geogr. Mittheil, 1860, p. 369, et une autre plus détaillée dans Neumann’s Zeitschrift für Erdkunde. N. F., t. IX, p. 337. 26 (184). J'ai consigné les résultats de cette étude dans Petomäni geogr. Mittheil. 1864, p. 86, et les ai comparés avec les miens. Je n'ai pu consulter une relation antérieure publiée dans le Journ. of the Royal Geogr. Soc.of London, 1861, p. 155. - 27 (190). J’ai mal tracé le cours du Rio Jagué dans mon Voyage (t. Il, p, 258), ainsi que dans Petermann’s geogr. Mitth. 1860, p. 371, et dans la Zeitschr. f. allg. Erdk., t. IX, p. 347. Je le fais en effet traverser la mon- tagne à l’est et couler du sud au nord, tandis qu’il coule du nord au sud et reste dans la même vallée sans couper la montagne. C’est ce que fait le Rio Fiambalä, plus au nord, que j'avais confondu avec le Rio Jagué. Ces erreurs ont été corrigées dans Petermann’s geogr. Mitth. 1863, p. 111 et 1864, page 87. 28 (193). M. Mühry, dans son Tableau climatologique de la terre, a ex- pliqué mon observation sur le vent d’ouest violent à cette hauteur en Pat- tribuant au contre-alisé supérieur. Voy. son ouvrage, p. 30 et 31: Darwin dit également (Voyage d'un naturaliste, chap. IV) que sur le sommet des Cordillères méridionales le vent vient toujours de l’ouest avec une grande force, et propose une explication analogue à celle du contrealise. Strobel aussi a fait la même observation. (Petermann’s geogr. Mitth.1870, p: 299). 29 (194). Mon ancien collègue de l’université de Halle, M. le professeur Girard, à l’examen duquel j'ai soumis les trachytes du plateau des Cordil- lères, m'a fait remarquer qu’ils possèdent un aspect perlé trös-partieulier qui pourrait denoter un rapide refroidissement de la matière éruptive re- jetée au dehors. Leur couleur très-foncée, presque noire, est remarquable aussi, ainsi que leur mélange avec divers amalgames noirs et rouges de la roche fondamentale. On peut affirmer qu’il n’existe encore aucun autre tra- chyte semblable connu sur la terre. Voy. sur le trachyte des Cordillères distingué par le nom d’andésite, Humboldt, Cosmos, tom. IV, pages 475 et 633. 30 (197). Depuis mon voyage sur le plateau des Cordillères en 1860, le gouvernement national a fait construire pour les voyageurs le long des routes plusieurs petites et solides maisons appelées casuchas que je vais énu- mérer pour fixer l’orientation des routes. Huit casuchas sont sur la route que j'avais suivie: la première à la la- gune de las Mulas Muertas, la seconde à la lagune Brava, la troisième au milieu de la distance entre cette dernière lagune et la Barranca Blanca, la quatrième sur l’Arroyo Blanco, au fond du ravin, la cinquième dans le Zangon, derrière le Rio Salado, la sixième au bord du plateau occidental, vis-à-vis du volcan NOTES 31 — 33. 367 de Gopiapö, la septième au Penasco de Diego, et la huitième à l'embouchure du Rio Cachito, dans le Rio Piuquenes. Une autre route également très-fréquentée vient de La Rioja, part du Jagué et traverse le plateau en se dirigeant au nord-ouest, vers le Porte- zuelo de Come Caballos, et se divise en plusieurs voies parallèles. On y trouve seulement quatre casuchas, car cette route, quoique plus longue, suit en grande partie des vallées où il n'existe aucun grand danger. La première est située sur le chemin qui part de Guandacol, près de l’Aloja- miento de Pasto Amarillo, la deuxième à la Cueva de Pastos Largos, la troi- sième. sur le sentier qui vient de Jagué à la Cueva du Rio Blanco, et la quatrième un peu plus au nord, à l’Embocadura du Rio Come Caballos dans le Rio Blanco. Toutes les casuchas et localités seront exactement indiquées sur une carte spéciale du plateau des Cordillères, qui paraîtra dans l’atlas de cet ouvrage. 31 (198). Les résultats de cette exploration ont été consignés par M. Ed- ward Elint dans le Journ. of the Roy. geog. soc. of London, 1861, p. 155. J'ai donné une note dans Petermann’s geogr. Mitth., 1864, p. 86. (Voy. note 26). 32 (201). Les indications sur la hauteur de lAconcagua ont beaucoup varié ; nous avons adopté celle de Pissis comme la plus exacte (Petermann’s geogr. Mitth. 1864, 35). On trouvera des rensergnements plus anciens dans la même revue, 1858, 44, ainsr que sur les sommets un peu plus élevés de la Bolivie (Ibid., et 1860, p. 320). 33 (204). La description des Cordillères par Humboldt, dans le Cosmos, t. III, pages 306 et suivantes, avec les remarques pages 546 et suivantes, s'applique seulement aux volcans et n’apprend rien sur l’ensemble de la montagne. La partie des Cordillères qui appartient à la république Argen- tine fait partie de la section qui, selon lui, est sans volcans actifs et qui s'étend de là jusqu'au Maypu sous le 34° degré de lat. S. Mais dans cette étendue il existe plusieurs cônes éruptifs que l’on doit sans doute attribuer à des volcans, et il est permis d’affirmer qu’ils ne manquent nulle part depuis le désert d’Atacama jusqu'au Maypu. A l’époque où Humboldt rédigeait son Cosmos (1856 à 1857) il ne pouvait connaitre ni le voyage de Philippi à travers le désert d’Atacama (1860), ni ma traversée des Cordillères (Geogr. Mitth.,1860, p. 369). Ils ont paru tous deux après sa mort (1859) et étaient les premières descriptions de cette région basées sur des observations personnelles recueillies par des voyageurs scienti- fiques. On peut apprécier, d'après cela, l’assertion de Humboldt qu'il n'existe pas de cône volcanique dans les Cordillères de Catamarca et La Rioja. On sait aujourd'hui que ces cônes volcaniques ne manquent pas, même sur la longueur du plateau des Cordillères, mais qu'à partir de son extrémité sous 29° 30! jusqu’au 30° de lat. S., on ne les trouve plus que sur la chaîne occidentale, et qu’ils reparaissent de nouveau même dans la chaîne orien- tale, auprès de l’Aconcagua, qui, du reste, n’est pas d'origine volcanique, ainsi que le prouve suffisamment son sommet divisé en deux dents. Mais ils 368 NOTES 34—39, sont tous en repos jusqu’au Maypu. Humboldt a fait connaître ceux en ac- tivité qui viennent ensuite, ainsi que les hommes à qui nous devons leur exploration. Il estime le nombre de tous les cônes volcaniques dans cette partie des Cordillères à 24, dont 13 ont eu des éruptions dans les temps historiques; mais il en ftiétifiéinaé seulement quelques-uns avec détails. Comme ils se dressent tous sur le côté chilien de la montagne, nous n'avons pas à nous en occuper. 34 (204). Voir la note de W. Frick sur le lac de Riñihue dans Peter- mann’s geogr. Mitth ,1864, p. 47. Bien que ces renseignements ne soient pas complétement prouvés, et que notamment la communication des lacs de l’est avec ceux de l’ouest par un canal navigable repose seulement sur le dire des Indiens du pays, il semble cependant hors de doute qu’il existe là un passage très-bas. Le Rio de ‘Valdivia sort du lac de Riñihue; la branche méridionale du Rio Negro doit être en communication avec le lac de Pest, mais nous n’avons là-dessus que des présomptions. Voy. aussi la note de A. de Conring dans la Zeitschr. f. allg. Erdk. N. F. XIX, p. 370. F. Rosetti a décrit les autres passages plus au nord dans Informe sobre la practicabilidad de un ferro carril transandino Buenos-Ayres, 1870, reproduit dans Petermann’s geogr. Mitth., 1871, p. 280. Voy. aussi la Zeitschr. f. allgem. Erdkunde, N. F., tom. XV, p. 444 et note 39. 35 (205). Sur la question des glaciers dans les Cordillères du Chili, voy. R. A. Philippi dans Petermann’s geogr. Mitth., 1867, p. 347 et suiv. 36 (208). Mon savant ami, mort malheureusement trop töt, le professeur F. J. F. Meyen, cite le volcan de Coquimbo dans son Voyage (t. I, p. 385), et Humboldt aussi dans le Cosmos (IV, p. 321 et 551), mais ils n’en disent rien de plus ; le premier ajoute seulement qu’il est petit. Mon amisetrompe en niant en même temps l’existence du volcan de Copiapö; il existe bien réellement comme je l’ai indiqué dans le texte. J’ai pu le voir moi-nrême pendant une demi-heure et contempler son cône puissant. 37 (211). Ces indications sont empruntées au mémoire déjà cité, Informe, etc, de l'ingénieur professeur D. Rosetti. Le projet de conduire un chemin de fer par la passe de Planchon est abandonné, et on adopte un autre tracé par la Cumbre de Uspallata. Voy. le rapport de l'ingénieur J. Clark, Ferro carril transandino (Valparaiso), 1874. 38 (211). Mon ami M. Pellegrino Strobel a traversé les Cordillères du sud par la passe de Planchon. Il a fait connaître ses observations dans plusieurs publications, et je renvoie à celle donnée dans Petermann’s geogr. Mitth. 1870, p. 298. ; 39 (212). Voir Petermann’s geogr. Mitth., 1865, p. 240, où sont men- tionnées les anciennes indications sur la passe de Villarica; également, la Zeitschr f. allg. Erdk. N. F. XV, p. 444 et XIX, p. 370. Azara en parle dans son Hist. de Parag., 1, p. 167 et suiv., et dit qu’elle a un mille de large. Ses indications sont encore plus détaillées dans le Voyage, ete, t. II, p. 48, où il affirme que les Espagnols allaient autrefois au Chili par cette passe avec des chars, jusqu’au moment où les Aucas les en empe&cherent. NOTES 40—46. 369 40 (215). Mes renseignements sur la Sierra Famatina s’appuient sur un mémoire manuscrit de M. W. Wheelwright qui avait fait explorer la mon- tagne par M: Naranjo au point de vue de sa richesse métallurgique. J'en parlerai avec plus de détails dans la partie géologique de cet ouvrage. Sur les formations de l’époque houillère il faut consulter le mémoire intitulé Carbon de Piedra Argentino, ete., por Klappenbach y Garmendia, Buenos- Ayres, 1872, in-4°. 41 (224). La meilleure description de cette petite montagne de la Sierra de Buruyaco a été donnée par M. Pompeo Moneta dans une carte du projet de chemin de fer de Cordova à Jujuy, publiée dans la Zeitschr. d. Gesells- chaft f. Erdkunde in Berlin, t, III, pl. IV. Voir ma note dans Petermann’s geogr. Mitth., 1868, p. 44. 42 (229). Dans ma carte, publiée dans Petermann’s geogr. Mitth., 1868, pl. 4, j'ai représenté par erreur Y’Atajo comme relié immédiatement à la Sierra de Belen. Cette connexion n’existe pas, car une quebrada assez large sépare les deux chaînes de montagnes. L’extremite de la Sierra de Belen est prolongée aussi trop loin à l’est; elle aurait dû être placée plus à l’ouest jusqu’aupres de San-Fernando. 43 (232). Voir Petermann’s geogr. Mitth. Ergänz. Hft. N. II, p.23, 1860. Le voyage de M. Tschudi le conduisitsur une route rarement suivie par des _ observateurs sérieux et qui traverse le plateau de Puna. Il confirme sa res- semblance parfaite avec le désert d’Atacama. | 4% (233). Cette région de Salta est très-exactement représentée sur la carte déjà citée, note 41, de M. Pomp. Monela. On y reconnait clairement le parallélisme des crêtes. Une erreur s’y est glissée parce que j'avais dit que le Rio Jujuy et son tributaire le Rio Lavayen se jettent dans le Rio Ver- mejo à P’Esquina Grande. L’embouchure est plus loin au nord, presque” sous le 23° degré de lat. S, à environ 10 lieues au sud d'Oran. La rivière qui se jette dans le Rio Vermejo à l’Esquina Grande est le Rio del Valle, qui descend du versant sud-ouest de la Sierra Lumbrera et coule par con- sequent sur le côté opposé de la sierra. 45 (234). C’est par une erreur de copie que l’altitude de Cordova dans mon Voyage est portée seulement à 1178 pieds, 8; je l’ai reconnue plus tard en faisant de nouvelles mesures, et elle doit être fixée à 417 mètres. Avec cela il ne faut pas négliger le bombement plus prononcé de la contrée, qui est assez considérable et doit s'élever au moins à 50 pieds. M. Moneta dans son Informe, etc., déjà cité, donne 394 mètres pour Cordova; mais il m'a dit plus tard que ce chiffre était trop faible et qu'il fallait le remplacer par 408 mètres, 5. La véritable altitude de Cordova pourrait donc bien se trouver entre la mienne et celle-ci. L'observatoire astronomique nouvelle- ment construit n’est pas dans la vallée de la rivière, mais au niveau de la Barranca et se trouve ainsi un peu plus élevé. 46 (235). Une grande carte de la province de Cordova, publiée ici depuis peu par Santiago Echemique (Buenos-Ayres, 1866), indique ces relations assez exactement, mais contient beaucoup d'erreurs de detail. REP, ARG, — I, | 24 370 NOTES 47— 54. 47 (237). M: le docteur A. Stelzener, ancien professeur de minéralogie à l’université de Cordova, a donné dans les Anales de agricultura, t. 1, p. 184 et 202, une courte description de la Sierra de Cordova, à laquelle j'ai eu recours pour compléter mes propres observations. 48 (238). M. H. Avé Lallemant a publié dans la Plata Monatsschrift, 1873, Aprilheft, p. 126, et dans les Anales de agricultura, t. I, p. 82, quelques notes sur la richesse aurifère de la Sierra de San-Luis. 49 (240). Les roches citées ici sont indiquées comme connues de lui- même. par M. H. Avé Lallemant, dans La Plata Monatschrift, 1873, Märzheft, p. 75. 50 (240). Dans ma description de la petite chaîne de la Pampa je me suis appuyé sur celle qui en a été donnée par MM. J.-C Heusser et G. Claraz sous le titre : Ensayos de un conocimiento geognostico-fisico de la provincia de Buenos-Ayres, N° 1. La Cordillera entre el Cabo Corrientes y Tapalque, Buenos-Ayres, 1863. in-8. On trouvera encore une autre petite note de M. de Conring dans la Zeitschr. f. allg. Erdk. N. F. XV,-p. 261. 51 (242). M. Bravard a publié en. 1857 à Buenos-Ayres une carte géolo- gique de la Sierra Ventana, que j'ai utilisée pour ma rédaction. L'auteur donne 1062 mètres pour lepoint le plusélevé, tandis que Heusser et Claraz, dans leur Ensayos, etc., p. 17, d’accord avec Fitzroy, la fixent entre 1160 et 1170, d’après des mesures trigonometriques. 52 (248). Nous traiterons brièvement des affluents orientaux du golfe de la Plata, non-seulement parce qu’ils n’appartiennent pas à la république Argentine pour la plus grande partie de leur cours, mais encore parce qu’ils ont été décrits très-complétement par M. Martin de Moussy : Des- cription geogr. et statist. de la confeder. Argent.,t.1, p. 71 et swv.; il les a considérés surtout au point de vue de leur utilité pour la navigation, ce qui sort des limites de notre étude purement scientifique. Les descrip- tions les plus détaillées sont consacrées au Rio Uruguayet au Rio Paraguay, dont la république Argentine ne possède que la rive occidentale, bien que le chenal navigable soit complétemnnt à sa disposition. En effet, par des traités conclus avec les républiques de l’Uruguay, du Paraguay et avec le Brésil, les trois principaux fleuves, l’Uruguay, le Parana et le Paraguay, ainsi que tout le golfe de la Plata, ont été déclarés ouvertsà toutes les na- tions, et tout le monde peut y naviguer sans rencontrer d’entraves de la part des Etats limitrophes. En cas de guerre seulement chacun de ces États pourrait prendre les mesures qu’il jugerait propres à la défense de son ter- ritoire. 53 (253). Consulter sur ce point mon Reise durch die la Plata-Staaten, t. I. p. 66 et suiv. 54 (254). Les limites fevendiquées par les deux Etats sont Inline sut la carte du Paraguay qui a été publiée dans la Zeitschrift für allgemeine Erdkunde, N. F. t. XIII, pl. 1: Les sources du Rio Grande sont mieux représentées sur la carte de la province de Minas Geraes, qui se trouve dans le cahier complémentaire des Geogr: Mitth. de 1862, et qui a été dessinée NOTES 55-60. . 371 par l'ingénieur provincial Halfeld. Dans mon voyage au Brésil j'ai pu étudier par moi-même les deux sources les plus à l’est, le Ribeiron Grandahi et le Rio das Mortes. La carte d'Halfeld ne donne qu’en partie la région du bras septentrional, le Rio Paranahyba; on y voit cependant le Rio Bartho- lomeo et le confluent des deux rivières à Santa-Anna de Paranahyba. 55 (255) Afin de faciliter l’intelligence du texte, je renvoie à l’article de l’auteur de cette loi dans le Bulletin de l'Acad. imp. des scienc. de Saint- Petersbourg,, t. Il, p. 218, et l'appendice, t. VII, p. 311. Les observations consignées dans plusieurs revues géographiques ont confirmé l'existence de cette loi. Voy. Petermann’s geogr. Mitth., 1871, p. 174. 56 (256). Les petits rapides, près de l’île Apipé, sont indiqués sur la carte publiée dans Zeitsch. f. allg. Erdk., t. XIE, pl. 1. 97 (257). Consulter mon Voyage au Brésil, p. 152, sur cette pause des pluies tropicales, appelée veranico par les Brésiliens. 58 (260). J'ai donné des détails sur les îles flottantes dans mon Reise durch die la Plata-Staaten, t. I, p. 100 et 354. J’y renvoie le lecteur ainsi qu'à ma lettre à Al. de Humboldt imprimée dans Neumanns Zeitschr. f. allgem. Erdk. N. F., t. V, p. 74. La plante principale des îles flottantes est le Pontederia azurea, sur lequel mon collègue De Schlechtendal a donné, d’après mes dessins, une description détaillée dans Abhandl. d.na- turf. Gesellsch. zu Halle, t. VI, 1861. Les longues tiges flottantes dans l’eau avec leurs racines se feutrent et forment peu à peu une base solide, sur laquelle se peuvent tenir, quoique un peu enfoncés, même de gros animaux comme des onces, des cerfs et des tapirs (Hydrochoerus Capybara). 59 (262). Les sources du Rio Paraguay ont été visitées récemment par un voyageur du pays, qui, en sa qualité d’ancien capitaine de navire, est em- ployé aux travaux topographiques et semble mériter confiance, bien que son réoit dénote chez lui une instruction superficielle. Il repousse avec as- surance l’opinion enseignée auparavant que le Rio Paraguay sort de sept petits lacs (Las siete Lagoas), et trace sur sa carte l’origine des deux cours d'eau comme nous l'avons décrite dans le texte. Les sept lacs sont au sud et ont un déversoir particulier qui se dirige au nord et s’ouvre dans le Rio Amulars. La source véritable et la plus septentrionale du Paraguay est ce Rio Amular. Voy. Bartol. Bossi, viage pintor, etc.{con descripc. de la provincia de Matto Grosso, Paris, 1863, in-8, p. 79 et 117. La carte du lieutenant Page, en seize feuilles, publiée par le gouvernement des États- Unis, est la meilleure pour le cours inférieur des deux fleuves le Paraguay et le Paranä, à partir du 19° de lat. S. Nous y renvoyons, comme à la source la plus récente de nos renseignements, ainsi qu'à la copie réduite dans la Zeitschr. f. allgem. Erdk., t. V., pl. 4 et 6, sur laquelle notre description s’appuie en partie 60 (263), Je ne puis admettre avec le lieutenant Page que les crues des deux fleuves le Paranä et le Paraguay sont en opposition, car elles doivent leur origine aux mêmes pluies tropicales, Puisque celles-ci commencent au Brésil, au sud de l’Equateur, seulement avec octobre ou au plus tôt à la 372 - NOTE 60. fin de septembre, leur effet ne ‘peut pas se faire sentir sur le Paraguay déjà en octobre, mais seulement plus tard, plus tôt cependant que sur le Paranä, parce que le Paraguay n’a pas de rapides pour faire obstacle au courant et retarder la progression de la crue. C’est pour cela que la hausse du niveau de l’eau dans le Paranä se fait sentir presque deux mois plus tard. Pour la même raison les hauts niveaux se maintiennent plus long- temps dans le Paraguay, car la forte crue du Paranä refoule les eaux du Paraguay et amène en été (février) une augmentation un peu plus forte, | nommée la repunta. Lorsque Azara dit que la hausse du niveau de l’eau à PAscencion se montre seulement en février (Hist. du Parag., I, 36), il en- tend évidemment son point-extrême et non son commencement, comme l’in- dique son expression. Mais les deux fleuves doivent baisser assez simulta- nement. Le Paraguay, en effet, ne peut pas décroître plus tôt que le Paranä, puisque la crue de ce dernier oblige aussi le Paraguay à se maintenir haut, son embouchure dans le Paranä ne lui permettant pas de descendre de bonne heure plus bas que le niveau de celui-ci. Les choses se passent demêmesur l’Uruguay. Lui aussi est forcé à rester haut par la crue du Paranä, puisque la masse des eaux de ce dernier est beaucoup plus considérable que celle de l’'Uruguay et contraint le fleuve le plus faible à se régler sur lui. | Dans le texte je n’aı pas parlé de l'élévation au-dessus de l'Océan du ni- veau de l’eau dans le Rio Paranä et le Rio Paraguay, parce qu’elle varie suivant les années et les saisons. Le lieutenant Page trace sur sa carte un profil des rives hautes orientales des deux fleuves et au-dessous le niveau de l’eau par une ligne droite. On trouve, d’après l'échelle, les hauteurs moyennes du niveau de l’eau pour les localités suivantes : 3 Montevideo .............1 0 pieds. Buenos-Ayres............. 10 — RT), ES PR EEE 40 — RIO ES SL 60 — Para EE nil fe ont 90 — Lo Pa CR ns UE 119. 5 Cm RE RUN 145 — Ballavista. dt art 170 — Côrrientes: au... 200 — Ascension ....... ee SR 255 — Concepcion (22° 2')......... 285 — Au Pan de Azucar......... 310 — Corumba (19° lat. S.)...... 340 — La distancede Corumba à Montevideo en ligne droite, déterminée d’après le méridien, est de 16 degrés; le fleuve descend doncde 21 pieds par degré de latitude, ou bien, comme la dernière distance dela courbure au sud-est jus- qu'à l'embouchure est longue de plus de deux degrés, à peine de 20 pieds par degré de latitude; par suite, 4 pouces (* de pied) par minute géogra- phique, ou 16 pouces par mille géographique. Une autre observation due NOTES 61, 62. 373 au même explorateur est l'accroissement de la temperature de l’eau dans les deux fleuves du sud au nord. Comme ils viennent de régions à haute température moyenne et sont alimentés par les pluies tropicales qui tombent sur un sol très-échauffé, l’eau doit d’abord être très-chaude dans les deux fleuves, mais celle du Paraguay plus que celle du Parana. Page a en effet constaté que l'eau du Paraguay était plus chaude que la temperature moyenne de l'air, et ne paraissait un peu fraiche que dans les jour- nées brülantes. Ordinairement la différence ne dépasse pas 3 à 6 degrés Fahrenheit en faveur de l’eau, et les localités les plus au nord ont présenté la plus grande différence et celles plus au sud la plus faible. Le Paranà est plus frais que le Paraguay, et pendant le jour ne semble pas dépasser la température de l'air. L'expédition a calculé aussi le débit d'eau du Para- guay. Je renvoie le lecteur à l'ouvrage de Page, p. 605. 61 (269) Cette disposition est clairement indiquée sur la belle carte de M. Pompeo Moneta dans la Zeitschr. d. Berliner Gesellsch. f. Erdk., t. II, pl. 4, à laquelle je renvoie le lecteur. Je profite de l’occasion pour corriger une erreur de rédaction qui fait déboucher les deux rivières réu- nies dans le Rio Vermejo à l’Esquina Grande. Elles se rejoignent au sud d'Oran, et c’est le Rio Lavayen qui vient aboutir à l’Esquina Grande. 62 (270). Je réunis ici quelques données sur la navigation du Rio Ver- mejo et sur le tremblement de terre d'Oran. Mon ami M. Pompeo Moneta, aux beaux travaux géographiques sur la république Argentine duquel j'ai eu si souvent recours, a fait aussi des études sur le Rio Vermejo, publiées dans le journal El Nacional du 22 mai 1861. D'après lui, le cours supérieur de la rivière, jusqu’à l’em- ‘ bouchure de l’Arroyo Colorado, 2 lieues au-dessus d'Oran, offre plus le caractère d’un torrent impétueux que celui d'une rivière. Il roule de nom- breux cailloux, coule entre des berges étroites et escarpées et n’est plus navigable. L’&tendue elle-même depuis la jonction des deux branches à la Juntas de San-Francisco jusqu'à Oran n’est praticable que durant les grandes eaux. À partir de là, jusqu’à 16 lieues au-dessus d’Esquina Grande, on trouve dans le lit de la rivière beaucoup d’endroits sans profondeur formés par des bancs de sable, qui se modifient continuellement sous l’ac- tion du courant. Pendant l’étiage le plus bas la profondeur d’eau ne dépasse jamais plus de 26 pouces et en beaucoup d’endroits seulement 18. Au- dessaus d’Esquina le caractère reste le même, bien que les bancs ne soient pas aussi nombreux jusqu’à Langayé; pius loin le chenal devient plus pro- fond, mais il est rendu très-difficile et même dangereux par des troncs d'arbre en partie recouverts d’eau. Enfin il existe un rapide à 30 lieues avant l'embouchure dans le Rio Paraguay, le Salto de 1s6, dont la chute a seulement 10 pouces. Il nuit cependant à la navigation, car une pointe de rocher, recouverte dans les hautes eaux, fait saillie au milieu du courant et le divisé en deux bras. La largeur de la rivière atteint en moyenne 140 varas, mais se rétrécit aux nombreux coudes jusqu'à 35 varas, parce qu'elle y forme un banc de sable très-étendu qui empiète sur le chenal. Ces 314 NOTES 63, 64. endroits ont un courant rapide et sont difficiles à traverser. Le fond de la rivière est de sable, sans galets; mais les troncs d'arbres qui commencent à 50 lieues au-dessus d’Esquina le rendent dangereux. La crue des eaux commence à se faire sentir en décembre, la rivière monte jusqu’à la fin de janvier, reste fixe ensuite, commence à descendre en avril et mai et atteint en juin son niveau le plus bas, qui dure jusqu’à la fin de novembre. La différence en février est de 7 à 14 pieds, et pendant ce temps la rivière a un courant assez rapide, estimé par M. Moneta à 7200 varas à l'heure et le plus lent des basses eaux à 3200 varas. De Juntas de San-Francisco jusqu’à Esquina Grande les rives sont basses et bordees de marécages avec d’epais halliers de saules dans lesquels apparaissent seulement çà et là des surfaces plus élevées de terrain solide. Le seul profit à en retirer est de les employer à l’élève du bétail, car la rivière inonde chaque année ces sur- faces. Au-dessous d’Esquina commencent les forêts du Gran Chaco, où les Indiens habitent et empêchent la colonisation dans cette partie. L’exploi- tation des arbres de la forêt est la seule utilité qu'on en puisse tirer: La longueur totale de la rivière de la Juntas de San-Francisco jusqu'à lem- bouchure avec les sinuosités est de 300 lieues, bien qu’en ligne nee il n’y en ait pas la moitié, environ 120 lieues. Un article de l’ingénieur en chef Fr. Host, publié dans la Plata Monats- chift, Il, p. 141, 176 et 197, contient des renseignements analogues quoique moins précis. Il Harle aussi des deux tremblements de terre qui ont éprouvé ces régions en 1871 et 1873; (ibid. 204 et 206). Il estime le nombre des morts dans le dernier événement du 6 juillet 1873 à 400 personnes, chiffre probablement un peu exagéré, mais qui fait voir combien la catastrophe a été terrible. L'histoire du pays mentionne plusieurs tremblements de terre dans les contrées plus au sud. M. Martin de Moussy, dans sa Descrip. geogr. et statist., t. I, p. 340,rapporte que Cabot ressentit un tremblement de terre semblable sur le Paranä, près de San-Nicolas, et que la destruction de la ville d’Esteco,le 13 septembre 1692, fut causée par une secousse très-vio- lente. On trouve dans le mème ouvrage plusieurs mentions récentes de se- cousses ressenties même à Montevideo. Cependant je n’ai rien trouvé dans Guzman hist. arg. ni dans Herrera Dec., etc., au sujet de la secousse que Cabot aurait ressentie sur le fleuve, et je presume une erreur de l'écrivain cité. On sait qu’il existe près de San- Nicolas un courant dans le fleuve, causé par de violents coups de vent et qui occasionne encore aujourd’hui des accidents de temps en temps. 63 (272). Le voyage de M. J.-J. de Tschudi, déjà mentionné à la note 43, passa par la vallée du Rio Calchaqui, et donne des renseignements sur les localités qui s’ytrouvent. Voy. Cahier complémentaire, n°2, des Petermann’s geogr. Mitth., 1860. 64 (275). Dank mon Reise durch die la Plata-Staaten, t. Il, p. 22, je me suis étendu sur les essais de rendre navigable le Rio Salado, et je renvoie le lecteur que cela intéresse à cette exposition, dont les résultats ont été briè- vement indiqués dans le texte. On admet la possibilité de l’entreprise, mais NOTES 65 — 72. 379 les frais d'exécution et d'entretien sont si grands, qu’elle ne promet aucun avantage, surtout maintenant que le chemin de fer central en construction va rendre inutile la voie du Rio Salado. 65 (277). Consulter la carte déjà citée de M. Moneta dans la Zeitschr. d. Gesellsch. f. Erdkunde in Berlin, tom. II, pl. 4, et la description que j'en ai tirée pour ma carte dans Petermann's geogr. Mitth., 1868, 1. IV. ; 66 (277). J'ai décrit avec plus de détails ces affluents du Rio Dulce dans mon mémoire cité dans Peterm. geogr. Mitth., 1868, p. 52, et je renvoie à cette description étendue. 67 (281). J'ai publié dans Peterm. geogr. Mitth., 1864, p. 9, quelques observations sur les pluies quelquefois très-violentes et d’une durée de vingt à vingt-cinq jours qui tombent dans la région des sources du Rio Dulce. 68 (282). Le jésuite Dobritzhofer, qui a vécu vingt ans (de 1748 à 1768) parmi les Abipones, aujourd'hui entièrement disparus, en a donné une des- cription encore intéressante et précieuse. Elle a été publiée en allemand et en latin. 69 (283). En défrichant le sol de ces îles pour les livrer à l’agriculture, on dut arracher plusieurs vieux saules. On trouva il y a peu d'années un squelette complet de cétacé qui appartient à l’espèce vivante de baleine de l'océan Austral (Balanea australis, V. B.). On en conserve les fragments dans le Museo püblico. 70 (283). Notre description de l’estuaire de la Plata s’appuie sur la belle carte et la meilleure publiée en 1869 par l’amirauté anglaise sous la direc- tion du cap. Richard et sur sa révision ultérieure en 1872. En voici le titre : South-America east-cost. Rio de la Plata, compil. from the survey of C. Sullivan, L. SidneyandL. Dawson, etc., etc. D’après cette carte la largeur de l'embouchure extérieure est de 30 1/2 milles géographiques, la largeur du grand golfe antérieur de 13 1/3 milles géographiques, celle de l'embouchure intérieure de 12 1/3 milles, la longueur du golfe intérieur jusqu'à l’embouchure de l'Uruguay de 26 !/3 milles, la largeur de cette partie intérieure dans sa moitié antérieure de 10 milles, le point le” plus étroit entre Colonia de Sacramento et l’angle obtus au-dessus d’Ensenada nommé Punta Lara, de 5 1/4 milles, et la largeur de la partie postérieure entre Buenos-Ayres et la côte en face de presque 7 milles ; enfin le goulet au-dessus de l’île Martin-Garcia, où le Rio Uruguay et le bras principal du Rio Paranä viennent s'ouvrir, de 2 milles. 71 (284). M. Juan J. Kyle, professeur de chimie au collége national de Buenos-Ayres, a publié dans le Boletin de la Academia d. cienc., Exact. 1, p. 234, un travail sur la salure du golfe de la Plata et sur la nature de son eau. J'y renvoie le lecteur. 72 (287). Le projet de faire Ensenada port de Buenos-Ayres a été conçu par mon excellent ami et protecteur M. William Wheelwright, créateur du premier chemin de fer de l’Amerique du Sud, et esprit des plus vastes par 376 NOTES 73 — 77. son initiative dans la conception d'entreprises industrielles gigantesques; c’est à lui aussi que l’on doit l’idée d’un chemin de fer par-dessus les Cor- dillères. Malheureusement cet homme aussi actif que désintéressé, et à l’ac- tivité duquel la république Argentine doit ses chemins de fer, est mort le 23 novembre 1873, à Londres, et a sans doute emporté avec lui au tom- beau son dernier projet de transformer Ensenada en un port. Il n’est plus personne qui se dévoue à son exécution avec l’ardeur et l’abnégation qu'il y apportait. C’est avec bonheur que je dédie ce témoignage désintéressé d’un souvenir durable à celui dont j'ai reçu tant de preuves d'affection et de sympathie, comme à l’homme le plus aimable, le plus respectable et le plus généreux que j'aie jamais rencontré. 73 (292). Le travail souvent cité de M. Pompeo Moneta (notes 41, 44) donne des renseignements sur ce chemin de fer au nord. En voici le titre complet : Informe sobre la practicabilidad de la pr olongacion del Ferro carril central desde Cor dova hasta Jujuy, ete., etc. Buenos-Ayres, 1867, in-8, c. mapa. 74 (297). J'ai décrit le Rio Colorado dans divers Me + publiés dans Peterm. geogr. Mitth., 1860, 372. — 1863, 111. — 1864, 86, et 1868, 53, en dernier lieu d’une façon si complete que je puis être bref iei. La carte jointe à l’article de 1868 donne un aperçu de tout son cours. Sur la carte de la deuxième partie de mon Voyage j'ai tracé seulement quelques portions du fleuve, parce que leur extrémité ne m'était pas encore connue. 75 (300). Dans mon Reise, II, 257, j’ai commis une double erreur à propos du Rio Jagué et de son affluent le Rio de Loro. D’abord j'ai changé Je nom de Rio de Loro en Rio del Oro, et ensuite j'ai fait passer le Rio Jagué à tra- vers la chaîne de Famatina et déboucher dans le Rio Fiambala. Ces deux er- reurs ont été reproduites dans le récit de mon voyage publié. dans Petermann’s geogr. Mitth., 1860, 369, et sur la carte qui y est jointe. Mais je les y ai corrigéesen 1863, p. 111, et 1868, pag. 54. | 76 (306). M. Martin de Moussy, dm sa Descrip. geogr. et statist. de la confed. Arg., p. 171, donne une longue description de cette lagune, à laquelle je dois renvoyer le lecteur, parce que je ne suis pas à même d’ap- préciér son exactitude, et préfère ainsi m’abstenir d'indications plus éten- dues. Les gens du pays racontent beaucoup de choses sur elle, et affirment qu'elle a un canal de deversement souterrain, .ce qui est sûrement une er- reur. L’evaporation continuelle d’une surface d’eau aussi étendue que peu pro- fonde dans une contrée où il pleut rarement suffit à expliquer la constance du niveau. Dans les années pluvieuses la lagune doit se déverser au sud, rejoindre la lagune Curre-Lauquen, et venir se jeter par l’intermédiaire de cette dernière dans le Rio Colorado. Ceci est probable, mais nous ne pos- sédons aucun renseignement digne de foi pour tracer avec certitude ce canal de communication que M. de Moussy a dessiné sur la carte, pl. X, de son Atlas, carte aussi fantaisiste que toutes les autres du même auteur. 77 (307). La carte de l’ingénieur-professeur Rosetti citée dans la note 34, et à laquelle je me réfère, dessine avec détails les sources du Rio Colorado. NOTES 78 — 81. 371 D'après cette carte, les sources du Rio Grande sont sous le 35e de lat. S. et non comme on les place ordinairement, sous le 36°. Elles descendent du volean Petroa et non du Chillan et de: l’Antuco. On avait fait un projet de tracé de chemin de fer dans la région des sources du Rio Grande, par la passe voisine de Petroa, du Rio Valenzuelo à la vallée du Rio Tano, et qui partant de Buenos-Ayres devait se diriger à travers les Pampas. La note de M. Rosetti a été écrite pour exposer ce projet; mais il a été abandonné depuis que l’autre tracé plus facile par Mendoza et la passe de Cumbre, a été adopté. Nous espérons qu’il sera exécuté, car l’idée de M. M. de Moussy (Descrip., ete., t.1, p. 165) développée à l’occasion du Rio Colorado de le relier par un canal avec la lagune Bevedero et d'ouvrir ainsi une route na- vigable de l’océan Atlantique jusqu'à Mendoza et San-Juan, est tout à fait impraticable. La portion supérieure du fleuve n’a pas assez d’eau pour porter même les plus petits bateaux. A cette raison vient encore s’ajouter l'immense détour que les marchandises auraient à suivre dans leur trajet de Buenos-Ayres à Mendoza. 18 (309). M. Martin de Moussy décrit avec beaucoup de détails le Rio Negro, et résume les anciens renseignements avec ce zèle méritoire qui ca- ractérise son œuvre. Nous renvoyons à son livre pour ces recherches an- eiennes, et nous nous bornerons aux faits certains, afin de ne pas répéter. ce qu'il a rassemblé avec soin, lui laissant volontiers le mérite d’un compilateur 'infatigable qui caractérise son œuvre, malheureusement composée sans au- eune espèce de critique pour la section de l’histoire naturelle. Ses cartes, dans l’Atlas, méritent peu de confiance; ce sont de pures fantaisies, et elles manquent de toute la précision exigée aujourd’hui pour ces sortes de travaux. 79 (310). Ces renseignements sont extraits du rapport de l'ingénieur Diaz sur la colonie du Chuhut, publié dans la Zeitschr. d. Berlin. Gesellsch. f. Erdkunde, II, p. 336. 80 (311). Au moment où je rédigeais le texte de mon livre je ne connaissais les résultats du voyage du lieutenant Muster que par l'extrait publié dans les Proc. Royal Geogr. Soc., XV, 41, 1871, reproduit dans Petermann’s geogr. Mitth., 1871, 171. Je viens d’en recevoir la traduction allemande par Martin, lena, Costenoble, 1873, in-8. Je l’ai lue avec plaisir, car elle donne une description très-claire et très-exacte de la manière de vivre des Indiens Tehuelches, nation pas très-sauvage et assez sociable. L'auteur affirme aussi l'existence d’une forêt de pommiers dans un endroit appelé Manzanares (40° 25’ lat. S.), que j'avais mise en doute, page 176. Il en a mangé des fruits et les a trouvés assez agréables. Le nom de la localité prouve que cette forêt est d’origine artificielle et postérieure à la découverte du pays. Les Espagnols donnent en effet le nom de manzanas aux pommes, L'ancien éta- blissement des missionnaires du lac Nahuel Huapé était situé un peu plus au sud. 81 (314). Consulter ma description de cette contrée dans la Zeitschr. f. allgem. Erdk., t. XV, p. 225. Au bout de deux heures l’eau du Rio Sa- lado me donnait la diarrhée, Elle ne faisait qu’augmenter, car tous les ali- 378 NOTES 82, 84. ments préparés avec de l’eau contiennent du sulfate de soude à dose con- centrée. Le jésuite Falkner connaissait déjà la communication du Rio Salado avec le Bañado, où aboutit le’ Rio Quinto, et il la mentionne dans sa description de la Patagonie. Voy. De Angilis, Colec. d. docum., t. I, p. 9de la Descripc. de la Patagonia. QE 82 (318). J’ai décrit avec détails la forêt d’Entre Rios dans mon Reise, t. I. p. 387. Plus au nord, dans la province de Corrientes, la végétation devient plus grande et les arbres prédominent, surtout dans la partie nord- est de cette province, les anciennes Missions des jésuites, où elle prend un aspect magnifique et subtropical. 83 (319). Cette plante a été observée aussi par a Orbigéennl l'a fait con- naître sous le nom de Victoria cruciana, dédiée au président de la Bolivie, le general Santa-Cruz. Les indigènes l'appellent Yrupe. Voy. Martin de Moussy, Descrip., ete., I, 415. Sur les autres caractères physiques de la province de Corrientes, consulter le Regist. estad. d. Tl. Rep. Arg.,t. U, p. 15, 1867. 84 (320). J’intercale ici un article écrit depuis plusieursanndes, mais resté inédit, sur le thé du Paraguay, dans lequel la plante est décrite à différents points de vue. Parmiles plantes de la région du Rio de la Plata, aucune ne joue un rôle aussi important dans l’existence des habitants que l’arbre ou arbuste dont les feuilles fournissent le célèbre {hé du Paraguay et qui, sous la forme où elle circule dans le commerce, est désignée simplement par lexpression l'herbe (yerba). A cet état elle forme une poudre verdätre, mélangée avec de petits fragments de tiges, et elle est apportée sur le marché dansde grands sacs de peau de vache qui pèsenten moyenne 8 arrobes, environ 1 gain 3/4 (l’arrobe pèse 24 livres). La plante, arbre de faible dimension avec des feuilles toujours vertes, ne croit pas dans les parties principales de la république Argentine; mais seulement au Paraguay, dans les Missions, ainsi qu'au Brésil meridional, sur les limites des deux contrées. Les habitants du pays la connaissent très-bien ; mais à l’époque d’Azara, au commencement de notre siècle, aucun botaniste ne l’avait encore étudiée et nommée scientifiquement, de sorte que l’éditeur français du voyage d’Azara, M. C.-A Walckenaer, supposait en 1806 que cette plante était identique avec le Psoralea glandulosa connu sous le nom de Culen et employé à l'instar du thé au Chili. Aujourd’hui cette ignorance n’existe plus, mais on ne peut étudier cette plante que dans les contrées où elle se trouve. Je ne les ai pas visitées, mais je vaisrésumer les renseignements recueillis par d’autres savants, et je renvoie à la deserip- tion qu’en a donnée W. J. Hooker dans le London journal of Botany. vol. I,p. 30. Azara le premier parle de cette plante pour l'avoir vue de ses yeux (Voyage, etc., I, p. 120). L'arbre, dit-il, qui fournit le thé du Paraguay croît à l’état Sarg dans les forêts parmi d’autres buissons sur les rives des ruisseaux et petites rivières qui se jettent dans le Rio Paranä et PU- NOTE 84. 379 ruguay à l'est, aussi bien que dans le Rio Paraguay à l’ouest, en remontant au nord jusqu'à 24° 30’ lat. S. Je lai vu atteindre la taille d’un oranger de grandeur moyenne. Mais il reste à l’état de buisson dans les endroits où on récolte les feuilles, parce qu'on le taille tous les deux ou trois ans, période de temps nécessaire pour que les feuilles se développent compléte- ment. Elles persistent même pendant l'hiver. La tige est d'épaisseur moyenne, l'écorce lisse et grise blanchâtre ; les branches sont toutes dres- sées comme chez les lauriers, et la plante a l'aspect d’un arbuste tres- ramifié. Les feuilles sont elliptiques allongées, plus larges aux deux tiers de leur longueur, acuminées, longues de 4 à 5 pouces et moitié aussi larges ; leur substance est assez épaisse, la surface luisanté, le bord dentelé, le côté supérieur d’un vert plus foncé que la face inférieure, le pétiole court et rougeätre. Les fleurs sont disposées par groupes de 30 à 40 à l’aisselle des feuilles, ont 4 pétales et autant d’anthères alternant avec elles. Le fruit est une baie polycarpienne, très-lisse, rouge violet, et ressemble pour la dimen- sion aux grains de poivre. Pour employer les feuilles, on les grille un peu afin de se débarrasser des branches, on les sèche ensuite au feu jusqu’à ce qu’elles deviennent cassantes, et on les conserve fortement comprimées pour les employer plus tard, car elles n’ont aucun goût agréable aussitôt après leur préparation. Son emploi est général jusqu’au Chili, au Pérou et à Quito où on l’exporte. On apprit à le connaître d’abord par les Indiens de la famille Monday ou Maralayü, et aujourd’hui il est consommé en si grande quantité, que le chiffre s’en élève à 50 000 quintaux au lieu de 12500 quintaux en 1726. On compte une once par personne et par jour. Un travailleur actif en recueille un quintal par jour ét jusqu’à trois s’il s’y entend bien. A l'époque des jésuites on cultivait l’arbre et récoltait les feuilles en temps convenable; mais depuis leur expulsion cette bonne organisation a disparu. Ils arrachaient aussi les feuilles avec plus de précaution et reje- taient les pétioles durs et ligneux, et leur yerba portait le nom de caa-miri. Deux autres qualités portent: les noms de caa-cuys et caa-guazü ; celui-ci est composé de boutons à moitié développés, celui-là de feuilles entières. Caa signifie feuille. Le mode de pulvérisation des feuilles n’a aucune in- fluence sur la qualité du produit, cependant beaucoup de personnes pré- ferent les feuilles peu broyées. Il est seulement indispensable que les feuilles soient bien grillées et desséchées, et qu’elles soient cueillies à une époque convenable. lorsqu'elles ne sont pas humides. On divise la yerba en deux catégories, sans avoir égard au mélange de petites branches ; la première et la plus recherchée est la douce (yerba dulce), la seconde est la forte (yerba fuerte). Gelle-ci est consommée au Paraguay et au Rio de la Plata ; l’autre est exportée, 1000 quintaux à Potosi, le reste au Chili, au Pérou et à Quito. Tels sont les renseignements d’Azara. J.-R. Rengger, qui a vécu long- temps au Paraguay, dit quelque chose du thé du Paraguay à la fin de son Voyage, p. 488. Il décrit l'arbre, mais diffère un peu sur les diverses 380 NOTE 84. sortes énumérées par Azara. D’après lui, l'espèce la plus fine est la caa- miri, composée uniquement de feuilles grillées au feu et pilées dans un mortier; l'espèce la plus commune, qui outre les feuilles contient encore de petites branches, porte le nom de yerba de palos ; les qualités les moins estimées et mélangées sont la caa-quazuü, caa-vera, aperea et caa caara ; mais elles étaient rares à son époque. Ses autres renseignements concordent avec ceux déjà donnés. Jusqu'en 1822 on ne connaissait la plante que sous la dénomination de mate ou thé du Paraguay. A cette époque Aug. de Saint-Hilaire trouva cette plante à Curitiba, dans la province brésilienne de Saint-Paul, où elle estcommune dans les forêts, et la décrivit dans les Me- moires du Muse d'histoire naturelle, vol. IX, p. 351, sous le nomd’Ilex Paraguariensis. Deux années plus tard (1824), Lambert, dans un supplé- ment à son ouvrage coûteux sur les Pinus, donna une. description et la première figure de cette plante, sous le nom de Dex Paraguayensis, deno- mination qui est la meilleure et mérite la préférence, d’autant plus que Saint-Hilaire a changé la sienne plus tard en Ilex Maté dans l'Histoire des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay. La rareté de l'ouvrage dispendieux de Lambert faisait désirer que cette plante remar- quable, dont un petit pied existait au jardin botanique de Glasgow, füt connue d’une façon plus generale; mais on manquait de fleurs et de fruits . Enfin M. Hooker a reçu par un M. Tweedie une branche sèche et plus tard une autre avec un fruit. Mais ce fut seulement beaucoup plus tard qu'il put se procurer, par l'intermédiaire de M. Miers, un rameau en fleur, pris au jardin botanique de Rio Janeiro, où la plante est cultivée. Bien que la forme des feuilles des différents exemplaires ne soit pas identique, Hooker croit cependant qu’ils appartiennent tous à une seule espèce. Il trouve, en effet, des formes intermédiaires qui établissent les transitions, et n’admet qu'un seule véritable espèce. Hooker ajoute à sa description quelques remarques empruntées à d’au- tres auteurs qui fournissent des renseignements nouveaux sur la répartition et l’histoire de la plante. D’après Wilcockes (History of the Republic of Buenos-Ayres), la récolte la plus considérable de la yerba se fait dans les parties orientales du Paraguay, près de la Sierra Maracaya, où l'arbre est cultivé dans les vallées entre les chaînes de hauteurs et jamais sur celles-ci. Il court parmi les terre du pays des idées très-diverses et souvent exagérées au sujet des effets produits sur le corps par l'usage de cette u Il est bien certain que la boisson est rafraichissante et diurétique, comme je l’ai constaté sur moi-même, mais les autres propriétés sont dou- teuses. Elle paraît, comme l’opium, excitante pour les tempéraments mous, et calmante pour les tempéraments nerveux; mais l'usage exagéré devient malfaisant, comme celui de toutes les boissons tonifiantes. Dans les districts miniers on préfère le maté au vin, parce qu’on croit ce dernier nuisible. Les créoles d’origine espagnole se sont tellement accoutumés à cette boisson, qu'ils ne vont jamais au travail sans elle et boivent du maté avant de manger, NOTE 84. | 381 Nous empruntons les renseignements suivants sur Pancienne méthode de récolte à la publication de Robertson intitulée : Francia’s Reign of Terror, or Paraguay, as it is. Les principales yerbales ou forêts à thé du Para- guay sont situées près d’une pauvre petite ville qui porte le nom prétentieux de Villa Real de la Concepcion, à environ 150 milles anglais plus au nord que l’Asuncion. Formées d'arbres et d’arbustes touffus, epineux et jmpéné- trables, peuplées d'insectes et de reptiles venimeux, on ne peut s’y frayer une route qu'à l’aide de bœufs et de mulets, indispensables à ceux qui s'occupent de la récolte de la yerba. Ils enpléiènt les premiers à leur nourri- ture, les seconds au transport de la récolte. Les malheureux animaux souf- frent beaucoup des piqûres des moustiques, et les travailleurs ou péons cher- chent à se protéger les mains et les pieds avec des peaux rouges enroulées, et s’attachent devant le visage une visière de peau de mouton préparée. La troupe se compose de 20 à 25 personnes sous la direction du commerçant à qui le gouvernement a donné la permission de récolter. Il fait connaître pu- bliquement son dessein, et choisit ses compagnons parmi les habitants du district qui sont le plus au fait de ce travail. L’entrepreneur donne à l’avance tout ce qui est nécessaire à ces gens pour le voyage et fournit tous les ustensiles. Durant le voyage on construit chaque soir une charpente haute de 15 pieds pour y dormir à l'abri des mouches qui ne volent jamais aussi haut, et pour n'être pas inquiété par les jaguars et les serpents qui _rôdent dans la forêt. Arrivée au lieu de sa destination, la troupe commence par construire des rangées de cabanes de feuilles de palmier et de bananier, où les familles vont habiter pendant des mois. Ensuite on prépare la place pour dessécher les feuilles, en arrachant toutes les plantes et foulant le sol avec de lourdes masses. On y élève un treillage pour y conserver les feuilles récoltées. Pendant cela quelques individus vont dans la forêt, coupent autant de branches qu’ils peuvent en porter et les transportent au campement. On allume un grand feu et on sèche les feuilles. Ensuite on nettoie le sol, on dé- tache les feuilles des branches à coups de bâton et on les réduit presqu’en poudre. Chaque homme est accompagné d’un enfant, le guayno, qui doit aider et reçoit pour sa part 2 livres de feuilles par chaque 25 livres ré- coltées. Aujourd’hui on se sert encore d’une mule pour détacher les feuilles et les broyer. On les ramasse ensuite et on les porte dans une grande remise (perchel) pour y être comprimées. L’emballage est la partie la plus difficile du travail. On pousse peu à peu jusqu’à 200 livres dans un sac humide de peau de vache. Lorsqu'il est rempli, on le coud et on le fait sécher au soleil, où il se contracte si fortement que la balle devient aussi dure qu’une pierre. Les feuilles les plus petites fournissent la meilleure qualité de yerba, mais il n’est pas possible de les bien trier. Aussi un même magasin peut fournir des qualités très-différentes, ce qui dépend surtout du temps pendant lequel les feuilles ont été eueillies. Les journées humides sont défavorables à ce travail, Un bon péon peut récolter 8 arrobes de yerba dans un jour, c'est-à- dire 200 livres de thé achevé et préparé. L’entrepreneur compte pour chaque 382 NOTE 84. arrobe 1 à 1 1/2 sh. (2 à 3 réaux) et comme les gens qui l’accompagnent sont très-laborieux et actifs, ils gagnent 8 sh. (2 pesos) par jour. Mais en- trepreneurs et ouvriers sont toujours peu riches, parce qu'aucun d’eux n’est économe, et qu'ils dépensent au pays leurs bénéfices aussitôt qu’ils en ont l’occasion. | | | ‘ La plante est en usage au Paraguay depuis le commencement du xvn siècle. On apprit à la connaître par les Indiens Monday, qui habitaient la région des forêts à thé et en communiquèrent le goût à leurs oppresseurs. On raconte que les malheureux Indiens, écrasés par les Espagnols pour lesquels ils de- vaient travailler, périrent peu à peu et disparurent. Les jésuites plantèrent ces arbres autour de leurs établissements et ménagérent le travail de leurs convertis. Mais cette méthode raisonnable a été abandonnée après leur ex- pulsion; aujourd’hui on récolte sur les arbres des forêts et on en détruit beaucoup par maladresse.Il faut ajouter que les forêts sont loin des établis- sements centraux, et que souvent des troupes entières succombent sous les attaques des peuplades sauvages voisines. Le gouvernement du Paraguay n’a rien fait pour régulariser le mode d’exploitation, ou pour la création de plantations nouvelles ; mais il a déclaré ce produit propriété de l’Etat,et en a interdit le commerce libre. Tout le produit de la yerba passe ainsi dans les caisses de l'Etat, qui achète aux collecteurs leur marchandise à un prix fixé par lui-même, et vend le thé par des négociants attitrés dans les différentes places d’exportation, notamment à Asuncion, Rosario, Buenos-Ayres et Montevideo. Cette industrie donne un bénéfice énorme à tous ceux qui y prennent part, et fournit au gouvernement du Paraguay la portion la plus forte, ou du moins la plus productive de ses revenus. Un article de commerce aussi productif devait naturellement éveiller chez les voisins le désir d’en tirer parti aussi et de produire de la yerba pour la mettre dans le commerce. Comme l'arbre croît à l’état sauvage dans le dis- trict nord-est de Gorrientes, les anciennes Missions des jésuites, cette pro- vince de la république Argentine avait le plus de chance de ce côté; mais jusqu’à ce jour le chiffre de ses affaires est de peu d'importance, parce que ses produits ne jouissent pas d’une bonne renommée, et que la yerba des Missions se vend à moitié prix (2 réaux la livre) de la yerba du Paraguay dont le prix en moyenne est de 4 à 5 réaux la livre. Cependant la différence ne peut pas être bien grande, car les Missions s’étendent aussi loin au nord que la contrée à l’est de Villa Rica au Paraguay, où se trouvent de très- bonnes verbales; mais il sera difficile de détruire le préjugé profondément enraciné dans le pays. On regarde avec un mouvement de pitié dédaigneuse ceux qui usent de la yerba des Missions, comme on le ferait aux environs de Paris pour les pauvres diables qui boivent du petit bleu d'Argenteuil. Ge dédain est un grand obstacle à sa consommation, obstacle qui sera d'autant plus difficile à vaincre qu'on voudra étendre plus loin au sud la culture ar- tificielle de la plante. Elle perdra peut-être ainsi de son arome et de son bon goût, comme le thé de Chine qui ne pousse bien que dans sa zone propre primitive. Dans les premiers temps, le gouvernement de Buenos= NOTE 84. 389 Ayres s'était occupé de faire planter des pieds de maté sur des points con- venables du territoire argentin. A l’époque des Espagnols on avait apporté cette plante dans l’île Martin Garcia et on avait essayé de l’y cultiver. Bon- pland s’y intéressa beaucoup, et lorsqu'il alla au Paraguay, il se proposait d'étudier la culture de la plante dans le pays et de s’assurer de la possibilité de créer des yerbales artificielles. Ce fut le principal motif qui poussa le dictateur Francia à retenir Bonpland si longtemps, sans lui permettre de retourner à Buenos-Ayres ou en Europe. Les interventions des gouverne- ments ne purent rien pour le délivrer. Bolivar lui-même, qui écrivit une lettre personnelle à Francia, ne reçut pas de réponse. Le dictateur craignait trop la perte des beaux revenus de son pays, pour se décider à laisser échapper un homme décidé à causer cette ruine, comme Bonpland le voulait réellement. Après la mort du dictateur, la situation se modifia; Bonpland quitta le Paraguay. Il :n’avait pas dbandbhndnsenn dés ifaronhhide fire de grandes plantations de maté, et dans ce dessein il se fixa à Corrientes où la plante “croît spontanément et où, par conséquent, il pouvait espérer le plus de chances de succès dans sa culture artificielle. Nous possédons de lui un rapport intéressant adressé quelque temps avant sa mort au gouverneur de Corrientes, Don J. Puyol, et qui a paru comme annexe de l’ouvrage : La Provincia de Corrientes por Vicente Quesada, Buenos-Ayres, 1857, J'en tirerai seulement quelques extraits, et renvoie à la traduction complète qui en a été donnée dans Dr Neumann’s Zeitschrift für allgem. Erd. N. Ki; te V, p. 76. Si on tire une ligne, dit Bonpland, de l'embouchure du Rio Grande do Sul au Brésil (sous 32° lat. S.), à la ville de Villa Rica dans l’intérieur du Paraguay, toute la partie au nord-est de cette ligne est riche en forêts natu- relles de maté, tandis qu’au sud-ouest la plante devient rare et existe seule- ment par groupes d'arbres épars. Elle croît très-vigoureuse au Brésil, sur les deux rives du Rio Jacuhy, aux environs du Rio Pardo, sur lequel se trouvent aujourd’hui les établissements allemands de Santa-Cruz et Santa- Theresa. La note de W. Schulz, dans Neumann’s Zeitschr. f. allgem. Erdk. N. F., t. IX. p. 194, contient une excellente description géographique de cette contrée. De là elle s’etend au nord-ouest vers le Rio Uruguay, où l'établissement de San-Xavier est situé dans les anciennes Missions. Ce pueblo est un centre important pour la culture de notre plante. On devait y établir une exploitation modèle, comme Bonpland en avait vu une sem- blable dans le Rio Grande à Santa-Cruz. Il avait déjà reçu des promesses du gouverneur de la province, mais elles demeurèrent sans résultat (voy. loc. eit., p. 78). San-Xavier possède déjà trois yerbales, et il en existe une autre à deux ou trois lieues de là, à Potrero de Mborobe. En outre, toute la con- grée située au delà au nord et jusqu'aux rivières Piquiri Guazü et San- Antonio Guazü, qui forment la frontière entre Corrientes et le Brésil, pos- sède partout des yerbales que lon devrait examiner de plus près, afin de reconnaître leur richesse et déterminer les lieux où on pourrait entreprendre a préparation du thé avec avantage. Aujourd’hui on tire parti de cette 384 | NOTES 84, 85. plante en trois endroits seulement de Corrientes. Deux ont été visités par Bonpland lui-même et se trouvent, le premier sur l’emplacement d’Aripé, et le second près de Santa-Anna, et porte le nom de Caa-caty. Le troisième, Nu-guazü (Campo grande), situé au nord et qui paraît être le plus impor- tant, à sa position mal connue ; mais il se trouve probablement près du Rio Uruguay et les transports y seraient très-facilités par ce fleuve. Dans les premières années de la dictature de Francia, un certain Reynes prépara du thé à Nu-guazü, le transporta à Corpus sur le Rio Paranä et chercha à le faire arriver jusqu’à Corrientes. Mais le dictateur, quile surveillait d’un œil envieux, envoya un détachement de soldats qui s’emparèrent de Reynes et le tuèrent sur son ordre. | Pour assurer à la province de Corrientes la production du maté, Bon- pland propose de rétablir les établissements des jésuites dans ces contrées, et de rassembler autour, comme alors, les Indiens sauvages. Ils s’habitue- raient maintenant, aussi bien qu’autrefois, à une résidence fixe, et s’appli- queraient à la culture de la plante si dans les premiers temps on leur four- nissait les vivres et on leur donnait les outils nécessaires à la cultnre du sol. Ces gens se trouveraient ainsi préparés à la création de nouvelles yerbales artificielles, etbientöt la province retirerait un bénéfice considérable de leur civilisation. En outre, lorsqu'on saurait qu'il y a des bénéfices rémunéra- teurs et certains à faire dans ces contrées, on verrait bientôt arriver du dehors de nouveaux colons pour contribuer au développement d’une -entre- prise qui leur donnerait de gros profits. Bonpland est encore d'avis que la culture du maté pourrait être fructueuse plus au sud. Il s'appuie sur l'exemple des arbres plantés par lui-même à l’île Martin Garcia, et dont il a goûté le thé qui fut trouvé excellent. Il va même jusqu’à affirmer que les yerbales créées artificiellement ont fourni une qualité de thé supérieure à celle des yerbales naturelles. Les feuilles y seraient exposées plus régulièrement à l’action du soleil, et récoltées d'après des règles plus justes aux époques con- venables, tandis que-les plantes à l’état sauvage sont recherchées à toutes les saisons de l’année et exploitées outre mesure, de façon que les arbres commencent d’abord par s’étioler et finissent par périr complétement. Il est d'autant plus convaincu de la réussite, qu’il a établi par semis avec succès une yerbale sur son terrain à Santa-Rita, à l’ouest de Santa-Maria et à en- viron 29 lieues au sud de San-Xavier, et qu’il a transformé avec le même . succès une autre yerbale naturelle à San-Antonio en une yerbale exploitée artificiellement. Bonpland considère donc la culture de l'arbre à thé dans les parties orientales de Corrientes et d’Entrerios comme une très-bonne en- treprise devant rapporter de riches profits en quelques années, et il l’a re- commande très-chaudement aux gouvernements des deux provinces, 85 (324). En voici le titre : Primer censo de la Republica Argentina verificado en los dias, 15-17 de setiembre de 1869, baja la Direccion de Diego de la Fuente. Buenos-Ayres, 1872, in-fol. Le volume a été imprimé aux frais du gouvernement national qui seul peut le vendre. Il forme un fort volume, petit in-folio de 746 pages, et établit des comparaisons avec NOTE 86. 389. d’autres contrées beaucoup et peu peuplées. Le résultat final du travail est que la répèblique n'a pas encore avec certitude deux millions d'habitants, mais que ce chiffre serait probablement atteint si on avait pu écarter tous les obstacles qui se sontnécessairement présentés dans la bonne exécution de ce travail. Le chiffre total certain trouvé est seulement de 1877490 âmes. Les capitales des quatorze provinces donnent une bonne échelle pour ap- précier la densité de la population. Elles se rangent comme suit: Buenos-Ayres seule a plus de 150000 habitants. Deux villes : Cordova et Rosario, en ont plus de 20 000. Cinq villes : Santa-Fé, Corrientes, Tucuman, Salta et Gualeguaychü, plus de 10 000. Les autres, au-dessous de 10000. Il y a dans le pays 67 localités avec 1000 à 1200 habitants, et 74 villages avec moins de 1000 habitants. Le reste des habitants est dispersé dansle pays dans des habitations isolées ou même dans des huttes. La population totale des Indiens est environ de 80 000 individus, compris dans la somme totale, de sorte que la population civilisée en grande partie d’origine européenne est d'environ 1 800000 personnes. 86 (326). Pour être plus complet, je rapproche ici les unes des autres les observations parvenues à ma connaissance et sur la comparaison desquelles j'ai déterminé la position à laquelle je me suis arrêté. 1. Les cartes d’Azara portent 60° 40’ 30! ouest de Paris, soit 58° 20’ 20" ouest de Greenwich et 34° 30! 28! lat. S. 2. Woodbine Parish adopte 58° 23’ 24’ ouest de Greenwich (60° 43’ 24 ouest de Paris) et 34° 36’ 29" lat. S. Il diffère donc de presque 3 minutes avec Azara. 3. Une determination bins récente exécutée à Buenos-Ayres par Mossotti, dont la station se trouvait dans les dépendances du couvent des Domi- nicains, donne 60° 4120!" ouest de Paris (58° 21! 20!’ ouest de Greenwich) et 34° 36 35” de lat. S. | 4. Le résultat que Oltmanns a déduit des anciennes observations espa- gnoles, et qu'il a fait connaître dans les Abhandl. d. Königl. Acad. d. Wissensch. in Berlin, phys. Cl., 1830, p. 110, est assez différent. Le voici : 60° 51! 7!’ ouest de Paris (58° 31’ 7’ ouest de Greenwich). 5. Une observation du capitaine autrichien Friesach, et qui m’a été com- muniquée par mon ami M. Pompeo Moneta, place la ville sous 58° 16’ 19” ouest de Greenwich (60° 36! 19’ ouestde Paris) et 34° 36! 10/! lat. S. 6. Les observations du capitaine de navire Mouchez donnent pour la tour d’Aduana 4 h. 02m. 50 s., soit 60° 40’ 9!’ ouest de Paris (58° 20! 9!’ ouest de Greenwich). 7. Les observations les plus récentes exécutées par le capitaine Fleu- riais et publiées dans la Connaissance des temps donnent 4 h. 02 m. 46 s., d’où 60° 41! 30". | Comme cette observation est celle qui se rapproche la plus de celle de REP. ANG, — 1, 25 386 NOTE 87. Mossotti, je les tiens toutes deux pour les plus exactes et les plus justes. N’ayant pas de motif pour donner la préférence à l’une plutôt qu'à l’autre, jai admis la moyenne comme la position la plus exacte de Buenos-Ayres. Pour la même raison, J'ai conservé la latitude trouvée par Mossotti, qui paraît aussi être la plus juste. La description de Buenos-Ayres en 1691 citée àla page suivante se trouve dans un rare petit volume in-12 que m’a prêté mon jeune ami M. Franz Moreno. En voici le titre : R.R. P.P. Antonii Sepp und Antoni Bœhm; der soc. Jesu Priester deutscher Nation, der erste aus Tyrol, der andere aus Baiern gebürtig, Reisbeschreibung : wie dieselben aus Hispanien in Paraquariam kommen, und kurzer Bericht der denkwürdigsten Sachen selbiger Landschaft, Völker und Arbeitung der sich alldort befindenden P. P. Missionariorum. Nürenberg, 1698. Ge petit volume, imprimé grossièrement par Johann Hoffinann, a 993 pages et donne un récit de tout ce que les bons Pères ont vu durant leur voyage et durant leur séjour dans les Missions au Rio Uruguay, où ils avaient été envoyés. 87 (330). En 1857-58, à l’époque de ma résidence à Parana, qui était alors le siége du gouvernement central, l'ingénieur de l’administration, M. Alfred de Laberge, ancien officier de la marine française, m’a communiqué plu- sieurs observations astronomiques faites par lui sur la position de cette ville et de quelques autres des environs, que j’intercale ici : Paranà est par 62° 52’ 25" ouest de Paris, soit 42° 52! 25’ ouest de l'ile de Fer et 60° 32’ 25” ouest de Greenwich; sa latitude est 31° 43’ 30", La détermination chronometrique est : Paris, 25 h. 22 m. 16,2 s., Paranä, 21 h. 20 m.8s. | La Victoria est à 0° 18,6 23!’ est de Paranä, done 62° 29! 6,4" ouest de Paris, 60° 8’ 42,4!" ouest de Greenwich et 32° 36’ 27.78” lat. S. Nogoya est à 0° 45’ 2%' à l’est de Paranä, done sous 62° 6' 39" ouest de Paris, ou 59° 46! 39!’ ouest de Greenwich et 32° 23! 26,786! lat. S. A l’aide de ces données j'ai fixé les localités sur ma carte du tome II de mon Voyage. Consulter le texte pages 364 et 392, qui indique la déclinaison magnétique de quelques localités, car le même observateur les a déterminées. J'ai eu plus tard les observations du capitaine Friesach, qui donnent des valeurs un peu différentes pour Paranä : longitude 60° 30! ouest de Green- wich, soit 62 50’ ouest de Paris, et 31° 44’ 11" lat. S. Voici les chiffres obtenus par le lieutenant Page : longitude 6% 52: 39" ouest de Paris (60° 32! 39" ouest de Greenwich) et 31° 42',54" lat. S: Les observations de ce dernier se rapprochent le plus de celles de La Berge. Santa-Fé est placée par les anciens observateurs sous le 63° ouest de Paris (43° ouest de l’île de Fer) et 31° delat. S. La première valeur, ramenee au méridien de Greenwich, donne 60° 40! et le lieutenant Pagea fixé la ville à 60° 39’ 48" ouest de Greenwich, et 31° 39! lat. S., ce qui concorde assez exactement avec les anciennes indications et je l’ai adoptée sur ma carte. NOTES 88 — 91. 387 Page fixe Rosario sous 60°36’ ouest de Greenwich, soit 62056” est de Paris et 3256! 44” lat.S. Les anciennes cartes portent 62°52' de longitude et 32° 56’ de latitude, nombres très-rapprochés de ceux de Page, et que l’on peut par suite considérer comme assez justes. Les observations du capitaine Friesach portent 60240! 48" ouest de Greenwich et 32° 56! 54 lat. S. Elles confirment donc l'exactitude de la position indiquée. Friesach donne pour déclinaison ma- gnétique 11° 20! et pour inclinaison 30° 31. 88 (333). L'Académie des sciences exactes existait d’abord comme Faculté de l'Université, mais elle en fut détachée plus tard et placée sous ma direc- tion. Je me suis vivement intéressé à son existence, et j'ai consacré une partie considérable de mon travail àla fondation du Boletin pour 1874. Mais je me suis bientôt aperçu que toutes sortes de contrariétés m’etaient sus- citées par les nouveaux fonctionnaires, et je me suis vu amené à me dé- mettre de la direction. Le gouvernement semble s’être décidé alors à aban- donner l’Académie comme Institut indépendant, pour la réunir de nouveau à l’Université sous forme de Faculté. 89 (338). Azara, dans son Voyage et dans son Hist. du Parag.,t.1. p.165, désigne ces Indiens par le nom,de Indios Pampas. I ajoute qu'eux-mêmes se donnent le nom de Puelches, et qu’à la conquête du pays les Espagnols les appelèrent Querandis. U. Schmidt les nomme Carendis. Azara le premier les rattache avec raison aux Aucas (p. 176), mais il se trompe lorsqu'il y rapporte aussi les Patagons de l’est, les Balchilas, Uhiliches et les Telmechis, comme le prouve la structure du crâne. Les Querandis ont été visités récemment par l’ancien chef militaire des fron- tieres, le colonel D. Lucio Mansilla, et il les a décrits dans son Excursion à los Ranqueles. Buenos-Ayres, 1873, in-8, et d’après lui, A. Kahl, dans La Plata Monatsschrift, II Jahrgang, No. I, 1874. D'après l’étude craniolo- gique faite depuis peu par Virchow, ils sont essentiellement différents par la forme de leur crâne des Tehuelches qui habitent sur le bord de lAtlan- tique et auxquels se rattachent les Patagons décrits comme géants, cette distinetion est encore confirmée par le mode d'existence entièrement diffé- rent des deux peuplades, par leur hostilité réciproque et par le naturel plus doux des Tehuelches (Telmechis comme les appelle Azara, p. 178). A cette dernière tribu appartiennent les anciennes sépultures du Rio Negro, ainsi que les ustensiles qui y ont été: trouvés, sur lesquels mon jeune ami D. Franz Moreno a publié un travail dans la Revue d'anthropologie de Broca, t.WE, 1874, et dans le Boletin de la Academia de Cienc. Exact. , t. I,p. 130. Voy. aussi Sitzungsbericht d. Berl. Gesellsch. für Anthrop., etc., du 14 mars 1874, p. 26, note 9. 90 (338). M. Avé-Lallemant, directeur de la Société, a donné sur les inines d’or de la Sierra de San-Luis plusieurs articles dans La Plata Mo- natschrift, 1 Jahrgang. N° 4, 8, 9 et 10. 91 (339). J'ai publié dans les Abhandl. des Nuturf. Gesellsh, zu Halle, Band VI et VII, deux articles sur le tremblement de terre de Mendoza; j'y tenvoiele lecteur. 388 NOTES 92 — 97. 92 (340). Les troisobservations auxquelles je me réfère dans le texte sont les suivantes . _ Woodbine Parish donne dans un appendice à son livre : Buenos-Ayres from the conquest : 69° 6’ ouest de Greenwich comme position de la ville, ce qui ramené au méridien de Paris s’exprime par 71° 26. Le lieutenant Mac Rae, dans Güllies naval astronom. Exped., donne comme position de Mendoza 68° 51’ ouest de Greenwich soit 71° 11’ ouest de Paris. Le capitaine Friesach, au contraire, a placé la ville par 68° 18! 28” ouest de Greenwich soit 70° 58’ ouest de Paris. La moyenne de ces trois observations est le nombre admis dans le texte : 68° 45! 9" ouest de Greenwich soit 71°5' 9" ouest de Paris, avec lequel, on le voit, concorde presque exactement la détermination de Mac Rae, laquelle est sans doute la plus juste. M. P. Moneta a fait connaître plus tard comme résultat de ses recherches 71° 07! 04'’ (68° 47! 4!’ ouestdeGreenwich) et 32053! 5! lat. S. J’ajouterai encore que l’ancienne position de San-Luis est donnée comme une moyenne des observations de La Berge et Friesach, et que cette moyenne se rapproche plus de l’observation du dernier : 66° 4! 36”, que de celle du premier :*66° 17’ 19". M. P. Moneta m’a communiqué, comme ré- sultat de ses propres observations, les chiffres admis dans le texte : 66° 15’ 49", qui se rapprochent plus de ceux du premier. Je dois encore mentionner une erreur qui a conduit M.le Dr. Aug. Peter- mann à ajouter une note à sa Carte sous mon texte, fixant l’altitude de Men- doza à 707 mètres d’après le nivellement du chemin de fer projeté. Ce nombre contient une faute d'impression, et il faut lire 770 mètres, comme me l’ont assuré les auteurs du mémoire. 93 (342). On trouvera des renseignements détaillés sur l’industrie mi- nière de la province de San-Juan et sur les fonderies de la république dans deux écrits du major J.-F. Rickard qui a été quelque temps directeur des travaux à Tontal, et était inspecteur des mines du gouvernementnational. Voici leurs titres : A mining Journey, ete., with explorat. in the Silv. Min. Distr. of the Prov. San-Juan and Mendoza, Londres, 1863, in-8. — Informe sobre los districtos minerales, etc., de la republica Argentina. Buenos-Ayres, 1869, in-8. | 94 (342). Je renvoie au mémoire déjà cité (note 40), du propriétaire Klappenbach y Garmendia. | 95 (344). Consulter à ce propos l’article de M. F. Schickendantz, directeur de l’établissement de Pilacio, dans Petermann’s geogr. Mitth., 1868, p. 138. 96 (345). Comparer l’article du professeur Neumann dans la Zeiischr. für allgemeine Erdkunde, N. F., t. I, p. 56, et ma description #bid., t. IX, p. 169 et 257, ou dans mon Reise, t. II, p. 209. 97 (353). Comme le chiffre exact de la valeur d’un degré carré en milles géographiques carrés doit varier pour chaque degré de latitude, j'ai pris une moyenne qui est un peu trop petite pour les provinces du nord et un peu trop grande pour celles du sud. Il eût été plus juste de faire plus de deux NOTE 98. 389 groupes, et d'admettre pour les carrés de 22 à 32 environ 220 milles carrés, pour les dix degrés suivants 200, et pour les autres 180. Mais ceci eût rendu le caleul plus difficile sans modifier beaucoup le résultat. 98 (358). Je ferai remarquer que les 45392 milles: géographiques carrés que j'ai obtenus pour le territoire entier de la république Argentine con- cordent presque exactement avec le chiffre que M. Arrowsmith avait donné auparavant d'après Woodbine Parish. Il admet, en effet, 726000 milles an- glais carrés, dont 4 équivalent à un mille géographique, et par suite 16 milles carresäun mille géographique carré. En divisantce nombre par 16 onobtient 45 375, chiffre très-rapproché de 45 392 que j'ai trouvé. J.-E. Wappäus, dans sa description de la république Argentine (Stein’s Handbuch der Geogra- phie,I Theil, 3 Band, S. 936; donne seulement 42000 milles carrés, chiffre qui me parait être trop faible. M. le D' Aug. Petermann, à l’occasion de son dénombrement de la po- pulation de la terre, dans le cahier complémentaire n° 35 des Geogr. Mittheil, a fait faire récemment un calcul de la superficie de la république Argentine, dont le résultat a donné 39 445 milles allemands carrés. Mais on n'a pas tenu compte de la Patagonie, dont le territoire, d’après le même au- teur, embrasse 17 700 milles carrés et avec le résultat antérieur donne une somme totale de 57144, chiffre de 12000 milles carrés plus grand que celui admis par moi et Arrowsmith. Je ne veux pas décider lequel des résultats mérite le plus de confiance, et je n’ajouterai rien de plus. Quant à la carte de la république Argentine publiée par le même célèbre géographe dans le n° 39 des cahiers complémentaires et pour laquelle, sur son invitation spéciale, j'ai écrit un texte peu étendu, c’est évidemment un beau et excellent travail auquel on peut seulement reprocher d’avoir quel- quefois accordé trop de confiance à des sources tout à fait insuffisantes. J'avais prévenu à l’avance M. le D' Petermann au sujet de quelques maté- riaux, et avais manifesté le désir qu’il m’envoyätla carte avant de la publier, pour la revoir et en faire la base de mon texte. Mais on n’a pas répondu à mon désir. Je me suis vu forcé, sur des instances répétées, de composer le texte sans avoir vu la carte; aussi en est-il résulté que les deux travaux different en plusieurs endroits l’un de l'autre. Une note ajoutée à mon texte par M. Habenicht signale ces différences. Elle indique que le tracé des Cor- dillères du plateau au nord jusqu’à l’Aconcagua est défectueux, puisque entre 28° 30 et 32° lat. S. on a dessiné un second plateau allongé qui n'existe pas. Les lacs où aboutissent le Rio Dulce et le Rio Primero sont aussi trop grands, puisque lun et l’autre, la lagune Porongos et le Mar Chi- quita, ne sont que de grands marais avec une petite lagune au centre, exac- tement cemme la lagune beaucoup plus grande de Bevedero sous le 34° de lat. S. La lagune Armago sous le 35° et la lagune Curaco sous le 38e ont aussi un pourtour plus petit que celte grande lagune, et ontété représentées à tort sur la carte comme plus étendues. En effet, plus les rivières dont elles forment l'extrémité sont placées au sud, plus elles deviennent pauvres en eau et par suite incapables d'alimenter de grands lacs. En outre, les salines 390 NOTE 98. des provinces de Gatamarca et San-Juan (28° et 31° lat. S.) ont été gravées comme des lacs, bien qu’elles ne contiennent pas d’eau et qu'il ne s’y forme des flaques isolées qu'après de fortes pluies et pour peu de temps. Enfin les noms de localités, empruntés en grande partie à l’atlas de Martin de Moussy, ainsi que la nature du pays, manquent d’exactitude et reposent plus sur la fantaisie que sur les observations de l’auteur, comme toutes sescartes, ERRATA. Page 1, ligne 8, 1682 lisez 1612. — 9, — 21, quatre — quinze. — 4, — 92, Balbao — Balboa. — 7, — MW, idem. — idem. — 9, — 922, Gorba — Gorda. m, ‘11, Eupan — Lujan. — 22, — 6, fer — pierre. — 22, — 15, couleuvre — loutre. — 32, — 8, toutque — tous ceux que. — 39, — 33, Puerte — Puerto. — 55, — . 4, deux cents— deux mille. — 84, — 93, nord — sud, — 176, — 19, mois, ete. — le lieutenant Musters, qui a visité récemment ces ré- gions, confirme l'existence de cette forêt. (Voy. la note 80, page 377). TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER LIVRE I. Pages. HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE ET DES COMMENCEMENTS DE LA COLONISA- 7... co nd + le 1 CHAPITRE I. Juan Diaz de Solis découvre le Rio de Ja Plata.......... 5 CHAPITRE IL. Seconde expédition commandée par Sebastian Cabot.... 7 CHAPITRE II. Troisième expédition commandée par Pedro de Mendoza. 15 CHAPITRE IV. Fondation de la colonie espagnole au Paraguay........ 28 CHAPITRE V. Alvaro Nuñez Cabeza de Vaca, gouverneur du Paraguay. 41 CHAPITRE VI. Administration de Domingo Martinez Irala ............ 04 Cuaprrre VIL Événements depuis la mort d’Irala jusqu’à celle de De a Fe ne An 14 arena du ann Ru 2 66 CHapITRE VIII. Colonisation des provinces interieures.. .......... u. 64 CHaprrRE IX. Colonisation de la province de Cuyo .:....:..:...:... 103 EBEN 0ONCSIOn... .. hier nes Da veut 108 1 NN ER RR can 0 LIVRE Il. ÉSQUISSE GÉOGRAPHIQUE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE, à sé uenesecies 147 Cuaprrré I. Étendue et limités de la république ..4.,.44..4si4csus: 147 CHAPITRE I. Configuration et nature du sol...:..:...... et. 11 152 CHaprrre I. La plaine argentine, Pampas, förets, salines. 44.44. 157 IHAPITRE IV: Les Cordillöres ét leurs annexes: :...1.440s.s..iiu1 181 392 CHAPITRE V. La Sierra Famatina........,.... re D 213 CHAPITRE VI. Les autres annexes des Cordillères ................... 219 CHAPITRE VII. Le système de l’Aconquija. . ....... OPA 220 CHAPITRE. VIII. La région montagneuse du nord................... . 230 CHAPITRE IX. Le système orographique central.................... 234 CHAPITRE X. Les sierras de la Pampa sud-est...................... 240 CHAPITRE XI. Le bassin hydrographique du Rio de la Plata.......... 243 CHAPITRE XII. Les rivières de Ja Sierra de Cordova ................ 288 CHAPITRE XIII. Rivières sans écoulement des Cordillères............ 296 CHAPITRE XIV. Fleuves de la Patagonie.......,....,..,,..,.,,.., 307 CHAPITRE XV. Rivières de la Pampa sud-est..................,...., . 311 CHAPITRE XVI. La Mésopotamie argentine................. ....... 317 CHAPITRE XVII. Divisions politiques et population. ................. 321 CHAPITRE XVII. Superficie des provinces et de la république ........ 901 NOTES DU. BECONDIENREF u. . 4 ben 0... nn A 361 FIN DE LA TABLE DES MATIERES DU TOME PREMIER. PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. SUITE DE L'ERRATA L’impression de l'ouvrage, ne s'étant pas faite sous les yeux de l’auteur, on a com- mis une quantité d'erreurs, dont nous donnons ici quelques-unes, des plus impor- tantes, priant le lecteur de les corriger pendant la lecture. Page 53, ligne 22, sectateur 88; er M — 405, — 109, _ AU, — 415, — 16, me OT, — 192, 2,488, '— 435, — 144, — A — 158, — 169, — 169, — 4176, — 910, — 919, 7, Xeraguas 13, de deux plus grands 14 et 18, Uspellata 44, il nommait aussi tous 6, 16 Juillet 2 Val, 6, Behaires 3, arias 36, Verlung 6, Guzman 43, 1558 au second lieu 34, relligio 37, 1865 20, paroisso 16, banados 2%, canadas 25, est la de 31, général Martin 32, Lopez 17, les roches calcaires 17, ce fleuve 17, l'est-nord-ouest 12, Ce dernier 21, Pensaco dans la troisième colonne du tableau se trouvent à la fin deux faux nombres : 3380 764 24, tapirs lisez : convertisseurs Xaraguas de l’un des deux plus Uspallata [grands ‚ et celui-ci nommait tous 9 Juillet 4 Vol. Behain Arias Verlegung Irala 1567 religio 1861 paraiso banados canadas de la (sans est) général Saint-Martin Rosas ja roche calcaire Ce fleuve l’ouest-nord-ouest. Le premier Pencoso 1380 3764 Cabiais. "of à RTC D. rh m: + L r er rd dit Fa CA y x | 4 _ x RE % rer » ar . k- a > : F 4 A ‘ M: Wer ” - D 765 “ ? e + di »- , ar u + (at Nr KT, MY a Bee A v.. be 0 de. A À. FA A Een E72 x Ter sut ne à re en Ne € NS ee rn äh. ot Mb E. ns Pr. à g" Pi Bi}: a me Se { 4 Br, I \ PRE NL + à in x onde TE ON A hs ur. fie HA - MST S ARLES de sf ai Ba 4% - L'une à A y FE 5 P, | à Pi anbins ae de OR. PU. A Man ea Bl A er his; alles has | war a ALT ra TON de . è » + D 7 PSE NE ri a : "a - Etant vr > 1% 4 “ u ge. “ u” Wi eu U EN 2 *, ai * ce ’ + + - LT L N ge" MT \ ca eu “ne pd F Burmeister, Hermann 2808 Description physique B924 de la République Argentine t,1 PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY