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BIBLIOTHÈQUE DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
M. A. MÜNTZ
Professeur à AS gui National Agronomi R
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NEW YORK
BOTANICAL
SARDEN:
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EMPOISONNEMENTS QU'ELLES DÉTERMINENT
CH. CORNEVIN
PROFESSEUR A L'ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE DE LYON
LIBRAIRIE DE FIRMIN- DIDOT ET Cr
IMPRIMEURS DE L' INSTITUT
56, RUE JACOB, 56 5 — h
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PRÉFACE
Occupé, depuis plusieurs années, de recherches sur quelques maladies virulentes et particulièrement dé- sireux de connaître le mécanisme par lequel les micro-
es sujets attaqués, je me persuadai qu’en étudiant une façon générale l'élaboration des substances
xiques par les cellules végétales et les empoisonne- lents qui en résultent, ce serait me rapprocher du
% ut. Le rôle de plus en plus prépondérant que l’on es t tenté d'attribuer aux ptomaïnes dans la genèse ‘des maladies infectieuses, la ressemblance et le paral- isme de la symptomatologie de plusieurs d’entre
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hytes producteurs de ces affections causent la mort
VIII PRÉFACE.
On sait que, par sa végétation, la plante emmaga- sine l'énergie solaire et l’amène à l’état de matière organique chargée de potentiel. Introduite dans l’or- ganisme animal, cette substance se transforme, sui- vant le principe de l’équivalence,en mouvement, en chaleur et en produits indifférents qui sont éliminés. Or, abstraction faite des sucs caustiques, toute matière toxique est un substratum chargé à l'excès d'énergie chimique, ce qui nous amène à dire que tout empoisonnement résulte d’une transformation trop brusque ou trop intense du toxique, en mou- vement ou en chaleur.
Par la soudaineté et l’intensité de la transforma- tion, l’organisme est atteint dans ses fonctions et ses tissus ; la matière nerveuse est le plus souvent et plus spécialement attaquée. De cet ébranlement résultent les modifications de la calorification, les divers phé- nomènes d’excitation, de convulsisme, d’incoordina- tion des mouvements, de tétanisation et plus tard de coma, de stupeur, de paraplésie, qu’on rencontre dans les intoxications.
De même que la Bromatologie ne sera vraiment constituée que quand l’équivalence de chaquealiment
aura été déterminée, la Toxicologie ne recevra son
couronnement que par l'établissement de l’équiva-
lence des substances vénéneuses. Peut-être qu’en
mettant en regard les effets produits par les Corps ‘1
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_ du végétal, les saisons, la culture, le sol; s'ils sont
: domestiques. Il serait superflu de faire remarquer ES: longuement que l’étude des corps extraits et isolés
PRÉFACE. 1x
toxiques et leur composition chimique, on hâtera la solution des questions de dynamopoïèse et on éclai- rera quelque peu le rôle respectif des matières azotées et des substances ternaires dans la produc- tion de la force et de la chaleur.
Mais avant de toucher à ce but lointain, il faut rassembler des matériaux dont la pratique est appelée à retirer un bénéfice immédiat. Chaque plante sus-
_pecte doit être examinée en particulier afin de voir
quels sont ses organes ou ses tissus dangereux; si les poisons, élaborés par certaines parties, subissent des migrations vers d’autres organes; si leur production quantitative et qualitative est influencée par l’âge
saisonniers ou permanents, volatils et destructibles
_ par la cuisson et la dessiccation ou fixes et résistants _ à de hautes températures, etc.
Ces points élucidés, l’action de chaque plante doit JF 5 être suivie sur l’homme et les espèces animales |
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x PRÉFACE.
d'examiner les effets des capsules de pavot ou de l'extrait d’opium.
Après la détermination de la quantité de chaque plante nécessaire pour amener un empoisonnement mortel selon qu’elle est verte, desséchée ou même cuite, si elle comporte cette préparation culinaire, et l’examen de la symptomatologie ainsi que des lésions, il faut rechercher soigneusement s’il y a loca-
lisation des principes vénéneux en un point particu-
lier de l’économie, ou au contraire dissémination
dans tout l'organisme. Il faut voir si, au contact des .
liquides organiques et sous l'influence de la tempé- rature du corps, ils sont décomposés et entrent dans de nouvelles combinaisons. Outre l'intérêt que des recherches de ce genre peuvent présenter pour la médecine légale, elles sont indispensables pour ré- soudre une grave question d’hygiène publique, celle de l’utilisation des chairs des animaux qui succom- bent à un empoisonnement foudroyant ou qu’on égorge en prévision d’un dénouement funeste.
En me conformant à ce programme derecherches, javais étudié expérimentalement un nombre déjà élevé de plantes vénéneuses, réuni et condensé, pour les autres, de nombreux documents épars dans des mémoires originaux ou des publications périodiques, dressé le bilan des connaissances actuellement acqui-
ses, quand mon excellent ami, M. Müntz, me per-
PRÉFACE. | x
: suada qu'il y avait utilité à publier les matériaux ras-
_ semblés. ;
; _ Avec lui, je me plais à penser que les agriculteurs
Be _ trouveront dans cette publication d'importants ren-
ne. seignements sur les dangers que plusieurs plantes _ offrent pour l'espèce humaine, particulièrement à pour les enfants. J'ai tâché également de bien faire
4
_ connaître celles de ces plantes qui peuvent se trou- _ ver mêlées à la nourriture du bétail, ainsi que les 5:48
additions et les sophistications d'origine végétale,
_ dont quelques résidus industriels sont l’objet et qui
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Di 10 _ les rendent nuisibles pour les animaux auxquels on | 4 _ les distribue.
d’utiles indications sur une partie de l'hygiène et sur
_ quelques points de pathologie peut-être un peu trop laissés dans l’ombre jusqu’à ce jour.
; Me chimie oréshique, en montrant combien de corps S PRE restent à noe et combien de plantes LS
Cu. CORNEVIN.
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PREMIÈRE PARTIE. 4 on GÉNÉRALE
ET DES INTOXICATIONS ._ QU'ILS OCCASIONNENT
Le
DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ARTICLE ΰ". — FORMATION DES POISONS D'ORIGINE VÉGÉTALE; CAUSES QUI L’INFLUENCENT
Les végétaux supérieurs répandus à la surface de la terre, par le fait même de l’exécution de leurs fonc- tions vitales, puisent dans le milieu ambiant des élé- ments simples qu’ils font entrer dans de nouvelles com- binaisons et dont ils constituent des corps plus, com- plexes, tandis que, par une opposition admirable, les végétaux inférieurs et les animaux décomposent les corps complexes et en dissocient les éléments.
Tout végétal est une machine qui, mettant en œuvre des matières premières très simples, puisées dans l’at- mosphère et le sol, les utilise à la formation de produits plus élevés, de substances protéiques,amylacées, grasses, sucrées; de résines, d’essences, etc., dont le rôle, dans l'alimentation de l’homme et des animaux, ainsi que dans l’industrie, n’a point besoin d’être détene
Mais, dans (at fonctionnement, les cellules végé- tales ne fabriquent pas seulement des matières utiles, celles d’un grand nombre de plantes groupent les élé- ments puisés dans le milieu ambiant de telle façon qu’il en résulte des substances toxiques. A côté de lélabora- tion de corps de haute utilité, elles créent des poisons.
L'étude purement chimique des poisons d’origine végétale est déjà avancée, mais on est loin de connäître aussi bien le déterminisme de leur formation. Cette connaissance est intimement liée aux progrès de la chimie biologique et de la physiologie végétale; la marche incessante de ces sciences nous est un garant qu’elle ne tardera pas à s’agrandir.
Pour le moment, nous admettrons que la formation des poisons végétaux peut se rattacher à quatre modes :
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 3
à _ 1° La substance toxique existe dans la graine; elle ne “4 subit pas de modification lors de la germination, mais 54 elle passe intégralement et immédiatement dans la tigelle - et la radicelle, qui sont vénéneuses au moment même
de leur formation. Il n’y a pas d’interruption dans la _ toxicité de la plante qui hérite, non seulement de la » faculté d'élaborer un poison à son tour, mais qui re- . cueille directement tout ce qu’en contenait la graine _ dont elle estissue. £ - Les graines vénéneuses dont les cotylédons volumi- - neux servent à nourrir la tigelle sont dans ce cas. On + peutprendrecomme exemple les Légumineuses toxiques et particulièrement le Cytise Aubour, où il est très facile _ de suivre cette sorte d’hérédité.
2° Le principe vénéneux n’existe pas dans la graine
_et on ne le rencontre pas dans la jeune plante; il … ne se forme que plus tard, lorsque certaines parties 1 _ qui l’élaborent, telles que ce laticifères pour quelques | Végétaux, se trouvent dans les conditions nécessaires _ pour cette production. Il y a transmission héréditaire _de la faculté créatrice du poison, mais non du poison à hi même. É: _Nous citerons comme exemples de ce cas le Tabac et le Pavot somnifère, dont les graines sont inoffensives et 2 qui deviennent dangereux, le premier quand son paren- 4 | chyme foliaire s’est étalé, et le second lors de la forma- tion de sa capsule. _ 3° Il peut arriver que la graine soit vénéneuse sans ‘É la plantule qui en est issue le soit immédiatement.
*
4 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
truction du poison lui-même. L’Ivraie enivrante appar- tient à ce groupe.
4° Les éléments d’un poison peuvent exister dans un végétal, mais dans des parties ou des tissus séparés, de telle sorte que le poison ne se forme réellement que lorsque ces tissus ou ces parties sont déchirées et mises en contact les unes avec les autres. Tel est le cas de quelques Rosacées, notamment des Amandiers qui ren- ferment de l’amygdaline et de l’émulsine, corps inoffen- sifs s'ils restent séparés mais qui, mis en contact en présence de l’eau, produisent de l’acide cyanhydrique. L'amygdaline paraît confinée dans les tissus parenchy- mateux de l'embryon, l’émulsine dans les tissus libé- riens des jeunes faisceaux.
L'élaboration des poisons est soumise chez les végé- taux à des variations nombreuses qui sont du même
ordre, d’ailleurs, que celles qui concernent les matières
protéiques, hydrocarbonées, les essences, etc. Celles- ci ont été étudiées avec soin par un grand nombre d’ob- servateurs de tous les pays, qui se sont efforcés d’en pénétrer l’origine, les transformations, les migrations et la disparition. Nombre de problèmes de physiologie générale des plus intéressants ont été élucidés dans ces dernières années.
Nous possédons peu de matériaux sur les mêmes problèmes soulevés à propos des substances toxiques. Nous allons résumer ici ce que l’observation a appris en y ajoutant le résultat de nos propres recherches. |
Les différences constatées, tant dans le moment d’ap- parition que dans la quantité des substances toxiques
élaborées, tiennent au végétal producteur ou au milieu
dans lequel il vit.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. s
$ 1. — Variations inhérentes au végétal.
L'activité d’une plante vénéneuse peut être subor-
_ donnée à son âge, elle peut se montrer dans toutes ses à | parties ou n'être l’apanage que de quelques-unes. À À A. Age. — Si, en thèse générale, l’activité des tissus
_ d’une plante est à son maximum au début de sa végéta- - tion, on ne peut point ériger en règle que les jeunes n° de tous les végétaux PR élaborent plus E _ activement des poisons que les tissus plus âgés. Ce n’est à exact que pour deux sortes de plantes, celles dont le | poison, concentré et en quelque sorte à l’état latent dans un organe important, tel que la graine ou le bulbe, afflue vers la jeune tige qui en est promptement gorgée, et celles dont les bourgeons et les très jeunes pousses an- nuelles produisent seuls une substance toxique pendant un laps de temps fort limité et LS day toute propriété | fâcheuse à mesure que la saison s’avance. Le Vérâtre, le _ Colchique, la Ciguë et même quelques légumes sont . des exemples de ‘la première catégorie; les Quercinées ; | représentent la seconde. Ilest, au contraire, de nombreuses plantes qui ne - sont pas ou sont à peine vénéneuses quandelles sontjeu- . nes; quelques-unes sont même consommées à cemoment . par l'homme ou prises comme fourrage par les animaux sans aucun inconvénient. Ce n’est qu’en vieillissant elles deviennent nocives et fabriquent des poisons. Le Tamier, les Pavots, le Tabac, la Férule, quelques { LS rentrent dans cette catégorie, mais le cas le lus Do qu il n m ait été ou d'observer est celui
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6 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
près inoffensives, constatation qui explique comment des paysans ont pu, au printemps, donner à leur bétail, sans qu'il en résultât d’empoisonnement, de jeunes pousses d’If provenant de la taille de haies.
La plus grande période d’activité formatrice des poi- sons existe plutôt au moment des phénomènes de florai- son et de fructification qu’à une autre époque. Et encore on doit faire remarquer que cette proposition comporte denombreuses exceptions. Une fois cette période passée, que les principes toxiques se concentrent ou non dans la graine, il y a un temps d'arrêt qui ne cessera qu’à l’année suivante.
Sur le plus grand nombre des végétaux vénéneux ar- borescents, les vieux tissus sont incomparablement moins vénéneux que les récents, ils restent imprégnés du poison élaboré antérieurement, mais n’en produisent | plus. C’est le cas du bois comparé aux couches corti- cales ou aux organes foliacés et floraux, et celui des couches subéreuses de l’écorce mises en parallèle avec celles du liber.
B. Partie du végétal. — Il est des plantes qui sont vénéneuses par {outes leurs parties : racine, tige, ra- meaux, écorce, bourgeons, teuilles, fleurs et fruits; telles sont le Colchique, le Vérâtre, la Scille, la Pari- sette, l’'Anagyre, le Mélia Azédarach, la Camélée à trois coques, etc. Néanmoins, ce ne sont pas celles qui occa- sionnent, dans l’espèce humaine, le plus d'accidents, parce qu’elles sont connues comme dangereuses, même du vulgaire, et qu’on en évite l'emploi. si
D’autres ne sont toxiques que par quelques parties déterminées et comme on a pu faire usage impunément des parties non vénéneuses, il en résulte dés incerti= tudes pleines de conséquences AC ee . considérations sont nécessaires à ce sujet. POUR 4
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 7
_ Parties souterraines. — Les plantes vénéneuses dont _ la vie aérienne est relativement éphémère et qui ont _ une végétation latente par des bulbes, des rhizomes ou des racines très développées, sont souvent plus dan- | gereuses par ces parties souterraines que par leurs _ organes aériens; ceux-ci sont communément peu . nocifs, tandis que les premières le sont à un degré élevé. Il peut se faire que la partie souterraine seule soit vénéneuse, comme dans l’Atractylis gummifera, dont la tige et les capitules sont comestibles, ou qu’elle partage ce triste privilège avec une seule partie aérienne, généralement le fruit, comme dans la Violette commune _ et le Tamier. % L’inverse peut se présenter, la partie souterraine ne > point contenir ou contenir des traces très faibles de + poison, tandis que les parties exposées à la lumière sont _ dangereuses; les Solanées nous fournissent une parti- _ cularité de ce genre. __ Parties aériennes. — On remarquera d’abord que le | groupe des végétaux à feuilles persistantes renferme des Da espèces vénéneuses tout comme celui des plantes à feuil- _ lage caduc, mais la proportion entre les espèces Hanee É _reuses et de espèces inoffensives n’a été établie jusqu’à É. présent ni pour l’un ni pour l’autre groupe. Dans chacun _ deux, des espèces n’élaborent leur poison que par des . _ tissus ou des organes aériens déterminés. Il peut arriver _ que le poison fabriqué dans ces parties soit entraîné _ ensuite dans les autres organes.
- Des plantes sont vénéneuses par leur écorce et leurs feuilles et ne le sont pas par leurs fleurs et tout ou he de leurs fruits, tel est PI.
Il en est qui le sont spécialement par leurs fleurs et dont les autres parties aériennes sont nuisibles à un
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degré beaucoup PUR comme le Sarrazin qui, au
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8 DES PLANTES VENÉNEUSES.
. moment de sa floraison, cause de si singuliers accidents sur les moutons et les bœufs.
Quelques végétaux sont vénéneux seulement parleurs fruits, comme le Ricin et l’Ivraie ; parmi eux, les uns ne sont dangereux que par l’amande, les autres par l’enve- loppe seule. La faîne ou fruit du Hêtre est un exemple du second cas, la Coque du Levant en est un du premier.
Inversement, on trouve des végétaux vénéneux par toutes leurs parties, sauf le fruit:le Sumac en est le type. | È
On sait déjà qu’une plante peut produire, dans les mêmes organes, plusieurs principes toxiques ; les exem- ples de ces élaborations multiples et parallèles sont nombreux et chaque année la chimie nous en révèle de nouveaux. Le plus connu est celui du Pavot qui ne pro- duit pas moins de six principes bien étudiés.
Un cas moins fréquent, mais plus curieux peut-être, est celui où chacune des parties de la plante élabore un toxique différent. Comme type de cette sorte, nous cite- rons la Parisette à quatre feuilles, dont la souche agit comme vomitive, les feuilles comme anti-spasmodiques et les baies comme cardiaques. |
$S 2. — Variations dépendant du milieu.
L'influence du milieu, si considérable sur tous les êtres, est plus marquée sur les végétaux qui ne peuvent, comme les animaux, se soustraire partiellement à son action. Elle se fait sentir sur la taille, le coloris, la fruc- tification; elle modifie l’organisation, augmente ou déprime la production de telles ou telles matières organiques, exalte ou affaiblit l’odeur et la saveur et n’a pas une moindre action sur la formation des poisons. |
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 9
4
D. Le milieu est constitué par un ensemble de facteurs 4 faisant tous sentir leur puissance sur les êtres qui y _ vivent, d’où la nécessité d'examiner ces facteurs sépa- rément.
Influence de la lumière. — Toutle mondeconnaît la prépondérance de son action dans les phénomènes végétatifs, principalement dans la fonction chlorophyl- _ lienne; mais son rôle dans la formation des poisons n’a _ point été élucidé autrement que par l'observation. Des études expérimentales concernant les végétaux supé- _ rieurs, sont à entreprendre sur ce point; nul doute _ qu’elles ne soient fructueuses si l’on considère ce qu’ont
donné déjà celles exécutées sur les Cryptogames bacil-
laires, doués de propriétés pathogènes. 4 On peut affirmer toutefois, d'ores et déjà, qu’on ne . pourra pas généraliser et que chaque groupe de végétaux devra être l’objet d’études spéciales. Tel poison, l’Atrac- tyline, ne se forme qu’à l’obscurité, dans les parties sou- _ terraines, tandis que tel autre, la Solanine, s’élabore _ surtout dans les parties vertes exposées à la lumière. _ Du moment que les rayons lumineux sont de puissants _ agents d'associations ou de dissociations, rien d’éton- ? nant à ce qu’ils agissent différemment vis-à-vis des poi- E sons végétaux dont la constitution chimique est très _ variée et très différente. Nous dirons à ce propos que _ s’il est vrai que le Sumac a des émanations vénéneuses _ pendant la nuit et n’en produit point dans le jour, _ il fournit un exemple de dissociation d’un principe _ vénéneux, l'acide toxicodendrique, sous les rayons _ solaires. | 4 _ Chaleur. — Son action a des relations si étroites avec celles de la lumière, des saisons et des climats, qu’elle nest guère envisagée isolément. Lorsqu'elle est pro- longée, elle amène la dessiccation de la plante et par
10 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
conséquent l’évaporation et la destruction du poison, lorsqu'il est volatil. Ce résultat se produit pour la plu- part des Renonculacées, pour quelques Chénopo- dées, etc.
Là chaleur humide, c’est-à-dire la cuisson, conduit au même résultat pour les mêmes poisons ; la Mrédle annuelle devient inoffensive lorsqu'elle a été soumise à cette action, par suite de la volatilisation de son toxique, la mercurialine.
L'activité des végétaux producteurs de poisons non volatils semble augmentée par la cuisson, non qu’elle le soit réellement, mais parce qu’à la suite de cette opé- ration, la partie qui renferme la substance nuisible et lui sert de substratum et de gangue, est plus facilement attaquable par les sucs digestifs, plus rapidement désa- grégée, qu’ainsi le poison est plus vite mis en liberté et dans la possibilité d'exercer son action. L'expérience élémentaire qui consiste à prendre deux animaux de même race, de même âge et de même poids et à leur faire ingérer la même quantité de graines nuisibles, avec la précaution de soumettre à la cuisson celles destinées à l'un des deux et de donner les autres sèches et crues, met fort bien ce fait en évidence.
Électricité. — D’après des recherches récentes, la lumière électrique favorise la formation de la chloro- phylle, Péclosion des fleurs, la maturation des fruits chez les végétaux supérieurs. Elle produit une augmen- tation de l’activité cellulaire qui porte à se demander si elle n’aurait pas d’effets sur la formation ou la migration des poisons. Mais nous n’avons encore sur ce ‘he que des notions très vagues. |
Saisons. — Les saisons qui règlent la marche de la
végétation et président aux mouvements et aux dépla- cements des substances organisées dans la trame végé-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 11
tale, ont également la part la plus considérable dans la formation et les migrations des matières toxiques. Nous savons déjà que telle partie d’un végétal, fort vénéneuse quand elle touche à la fin de sa vie, ce qui correspond à la période automnale ou hibernale, est à
sa végétation, c’est-à-dire au printemps. Inversement, l’observation a également appris que telle partie, fort toxique lorsqu'elle se forme, le devient de moins en moins à mesure que le temps marche et que les saisons se succèdent. Les pharmacologistes se sont occupés de ce point, important pour la récolte des plantes médici- nales, qu’il faut recueillir juste au moment où leur te- _ neur en principes actifs est la plus élevée. Leurs recher- à ches nous ont éclairé sur plusieurs plantes; elles ont FL fait voir, par exemple, que le bulbe du Colchique perd une partie de sa toxicité lors de l’émission des feuilles en avril et au moment de l'apparition des fleurs à la fin de septembre. Après la formation de la graine, il récu- père son pouvoir toxique qui est à son maximum à la fin de juillet et au mois d’août. Des renseignements intéressants ont également été
pour les Aconits, pour les Ciguës, les Pavots, etc. Gé- _ néralement dispersés, pour la plus grande partie, dans
_ peu à peu dans la graine, pour un grand nombre de _ plantes, par des déplacements analogues à ceux de . plusieurs corps qui viennent constituer la graine elle- même.
4 k ai pu suivre de se ces migrations di poison sur le
lhde: mois en mois et recherchons quelle quantité de leur extrait, toujours préparé de même façon, est nécessaire
peu près inoffensive lorsqu'elle est utilisée au début de
fournis pour la plupart des Renonculacées, notamment
les organes foliacés, les principes actifs se concentrent
72 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
pour produire le vomissement chez les carnivores, j'ai observé les faits suivants :
Récolte du 20 mai(les fleurs s'ouvrent), il faut 2 grammes | de feuilles desséchées pour produire le vomissement.. — du 10 juin (les gousses commencent à se former), il
faut 4 gr. de feuilles desséchées pour produire le vo- f Par mMissément,s 4: Earth LES TES ein iv te Le UNE KILOG. — du 28 juillet (les gousses sont toutes formées), il faut DE 12 gr. de feuilles desséchées pour produire le vomis- | pois SEMERT. 700 Eine eo 00 1e Me 0e VE VIF.
—- du 28 septembre (les gousses commencent à se sécher, les graines sont dures), il faut 20 gr. de feuilles dessé- chées pour produire le vomissements
F1G. 1.— VARTATIONS DE LA TENEUR EN CYTISINE, PENDANT LA PÉRIODE ANNUELLE DE VÉGÉTATION, DANS LES FEUILLES DU CYTISE AUBOUR.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 13
Le graphique précédent présente le fait d’une façon frappante. De ce diagramme, se dégage de la façon la . plus nette le déplacement de la matière vénéneuse et sa concentration dans la graine, mais il en résulte aussi qu’à toutes les époques de la végétation, la feuille est vénéneuse. . J'ai fait des observations de même ordre sur la gousse. En agissant, comme il vient d’être dit pour les
ÉTAT DE Me Éd A + AG Gr. ac
Val
4 feuilles, sur cette partie du fruit soigneusement débar- ÿ rassée du grain qu’elle renfermait, j'ai fait les constata- 1 tions suivantes :
nn
4 Récolte du 17 juin (les gousses sont fraîches, les graines
J qu'elles renferment sont très petites et s’écrasent faci-
É lement), il faut 2 grammes de gousses desséchées pour
3 amener la mort. J
# — du 28 juillet de graine est ten FAR dise, . nai la gousse perd sa couleur verte), il faut 7 gr. de gousses Fete b desséchées pour amener la mort.. : . . .:.. ., RE
$ — du 10 octobre (la gousse est na noire ets nee a
spontanément), impossibilité HO la mort même
- en se servant de doses énormes, on ne produit que quelques contractions musculaires d’abord, puis un peu de somnolence sur les sujets d'expérience, . .
s Si EehÈr
| Conditions topographiques. — Il est admis, en _ thèse générale, que la /atitude a de l'influence sur la - formation des poisons et que l’habitat dans les pays > méridionaux augmente la nocivité des plantes véné- 4 neuses. Pour soutenir cette manière de voir, on argue _ de la grande abondance de ces sortes de végétaux dans _ les climats équatoriaux et de la très grande activité des poisons produits, activité telle, chez quelques arbres,
4 que leurs émanations seraient bee à l’imprudent qui s’endormirait sous leur ombre. On sait aussi que des _ végétaux, vénéneux dans le Midi, perdent une grande
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14 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
partie de leur nocivité dans le Nord, tels que l’Aconit et le Laurier-cerise.
On comprend sans peine que la puissance de végéta- tion qui caractérise les climats chauds ait pour corollaire une élaboration plus active des matières toxiques. On doit faire remarquer toutefois que la proportion des végétaux vénéneux vis-à-vis de la totalité des espèces n’a été déterminée ni pour la flore tropicale, ni pour la flore tempérée, de sorte que nous manquons de bases rigoureuses de comparaison.
Ce serait une erreur compléte de considérer la flore des climats très froids comme dépourvue d’espèces toxiques; pour ne citer qu'un exemple, nous rappelle- rons que la Sibérie et le Kamschatka sont l’habitat na- turel du Rhododendron chrysanthum. L. dont les pro- priétés vénéneuses sont des plus marquées.
Lorsque le mode de formation des poisons par les végétaux sera mieux connu, il est probable que l’on constatera que les pays chauds produisent de préférence certaines sortes de substances toxiques et les pays tem- pérés ou froids certaines autres.
Ces notions se dégagent dès à présent quand on étudie l'influence de l’altitude qui, par plusieurs côtés, confond ses effets avec ceux de la latitude. Effectivement, les
plantes vénéneuses sont communes dans les hauts pâtu-
rages de montagnes, qui constituent des stations froides, il suffit de citer le Vérâtre blanc, les Hellébores et le Rhododendron pour en être convaincu.
Les lieux ensoleillés, le couvert des bois, les plateaux arides et rocailleux ainsi que les plaines marécageuses ont leurs espèces dangereuses. En un mot, chaque condition HORS pPAtE possède des formes vénéneuses et aucune n’en paraît exempte.
Constitution minéralogique du sol. — Nulle es-
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pèce de terrain n’est dépourvuc de plantes vénéneuses; on en rencontre dans le groupe des espèces calcicoles, _ silicicoles, etc., ce qui s'explique d’ailleurs par le + nombre des espèces suspectes et leur dissémination dans la plupart des familles végétales.
L'étude, qui serait des plus intéressantes, des modif- cations de la vénénosité d’une plante transportée de son habitat normal dans un terrain de constitution diffé- rente est à peu près entièrement à faire. Ce sont là, du reste, des recherches expérimentales qui se rattachent de près à la question de culture. On n’a guère noté jus- qu’à présent que les modifications de couleur, de taille, _ de pilosité éprouvées par plusieurs de ces plantes, par- à ticulièrement par la Digitale qui, d’un beau rouge lors- - qu’elle croît dans les terrains granitiques où ellese plaît,
les terrains calcaires. Il reste à examiner la toxicité avec __ Je même soin. | Culture et engrais. — Il y aurait puérilité à s’appe- santir sur les différenciations que la culture, aidée des _ engrais, a imprimées aux végétaux dans leur taille, leur _ poids, leur fécondité, leur odeur, leur saveur, ctc., puis- . qu’il suffit, pour se faire une opinion, de comparer - quelques-unes de nos plantes cultivées à celles de la _ même espèce et dont elles dérivent, que nous voyons _ croître spontanément autour de nous. Dans ces der- _ nières années, on s’est attaché d’une façon toute parti- _ culière à suivre les modifications qu’apportent la culture ‘ et les diverses fumures à la composition chimique de _ quelques plantes alimentaires et industrielles. La bette- rave a été, notamment, l’objet de ces études et l’on sait | pertinemment Mddihui l'influence que tel ou tel Deus exerce sur sa teneur en sucre. . Nous ne possédons, en toxicologie, que de rares do-
pâlit considérablement lorsqu’elle est transportée dans :
16 ” DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
cuments sur ce sujet, mais ils nous permettent de con- clure qu’il est des poisons qui sont modifiés considéra- blement, dans le sens de l’atténuation, sous l'influence des soins culturaux. Nous citerons l’Aconit napel à titre d'exemple; fort vénéneux quand il végète spontané- ment, sa toxicité diminue si rapidement qu’au bout de
quelques générations, il est à peine dangereux lorsqu'il :
est cultivé-dans le sol très fertile d’un jardin.
Nous ne connaissons pas de plantes dont les proprié- tés toxiques s’exaltent par la culture et les engrais. Mais nous savons qu’il en est qui ne sont point ou sont peu influencées par ces conditions; de ce nombre sont les plantes messicoles, comme l’Ivraie et le Mélampyre. Leur habitat et leur mode de végétation expliquent suf- fisamment la fixité de leur vénénosité.
Malgré les façons culturales, le Pavot et le Tabac con- tinuent à produire leurs alcaloïdes spécifiques. Les recherches persistantes faites sur cette dernière plante ont montré qu’une fois une variété fixée par une suite de cultures à un taux déterminé de nicotine, elle con- serve ce taux par hérédité, tant que les conditions de milieu restent les mêmes. N’y a-t-il point un curieux rapprochement à établir entre ces résultats et ceux obtenus sur quelques microphytes pathogènes dont on fixe aussi par une série de cultures in vitro la virulence primitivement exaltée ou atténuée ?
Nous dirons enfin que des plantes habituellement inoffensives et cultivées comme fourragères, ont été
accusées de devenir vénéneuses quand elles végétent .
dans des conditions défavorables. Le Sorgho a été mis en cause et signalé comme produisant, quand sa végéta- tion est entravée, un poison qui n’a pas été isolé d’ail- leurs. Si des observations ultérieures confirment ce qui a été dit à ce sujet, on aura un bel exemple de l’influence
DES PLANTES VÉNÉENEUSES. 17
_ de la culture sur l’atténuation des propriétés toxiques des plantes. ’
4 III. — Réflexions générales sur le déterminisme Ne de la toxicité.
= : { >
- Les quelques notions rassemblées dans les deux para- - graphes précédents montrent qu’un très grand nombre + de points relatifs à l'influence des milieux sur la pro- - duction des substances toxiques restent encore à éluci- _ der; pourtant ce qu’on en sait déjà va nous permettre d'avancer quelques hypothèses sur cette production.
_ Puisqu’en soustrayant telle ou telle plante à l'influence … detel ou tel agent, en la plaçant dans des conditions _ arrêtées à l’avance, on atténue ou on fait disparaître sa -. vénénosité, n’est-on pas fondé à dire que cette plante - n’est devenue toxique qu’à partir du moment où elle a été placée dans des conditions inverses, qu’elle n’a éla- > boré un produit dangereux que lorsqu'elle a été sou- . mise à l’action de l’agent dont la disparition fait cesser _ cette élaboration ?
._ Siunepareilledéduction est permise, n’est-on pas auto- _ risé à dire que la toxicité n’est point un caractère primor- _ dial des végétaux actuellement vénéneux, mais une pro- - priété acquise par quelques sujets placés dans des condi- . tions favorables pour cela? Ces sujets, dans l’impossi- - bilité de se déplacer, ont produit, sur place, des descen- _ dants soumis aux mêmes influences qu’eux; l’hérédité
_ Si cette hypothèse est fondée, les familles très natu- relles, dont les espèces vivent dans les mêmes stations et
giques, doivent élaborer des poisons identiques ou ET ET se . - . » ort voisins. On trouve la confirmation de cette idée en
"
18 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
examinant les Légumineuses, les Euphorbiacées, les Renonculacées. Dans ces familles, des plantes apparte- nant à des genres différents produisent un poison identique, comme l’Anagyris, la Coronille et le Cytise parmi les Légumineuses, les Aconits et les Dauphi- nelles dans les Renonculacées, tandis que toutes les es- pèces d’un même genre peuvent ne pas étre vénéneuses, vraisemblablement parce que les unes se sont trouvées dans des conditions favorables ou nécessaires pour la production du toxique, tandis que les autres en ont été éloignées.
La doctrine émise ici trouve un solide appui dans les travaux exécutés sur les végétaux inférieurs, particuliè- rement sur l’atténuation et l’augmentation de leurs pro- priétés pathogènes. Les Cryptogames microbiens, aux- quels on fait allusion, agissent selon toute probabilité sur l'organisme animal dans lequel ils sont introduits, par leur prolifération et par l’élaboration d’un poison comparable à ceux dont nous faisons l’étude en ce moment. L'activité du toxique secrété n’est point tou- jours la même, elle varie énormément. La fièvre char-
bonneuse, par exemple, est due au Bacillus anthracis;
or il est des cas où la mort arrive. bien qu’à l’autopsie on trouve peu de bacilles; elle n’est explicable qu’en admettant qu’ils étaient doués d’un pouvoir toxique con- sidérable. D'autre part, personne n’ignore aujourd’hui que, tout en respectant la végétabilité de ces microphytes, on peut les dépouiller de la totalité ou d’une partie de leur virulence et créer des races de microbes atténués, peu ou point dangereux. Tout le monde sait aussi que l'introduction, dans un organisme, de ces microphytes atténués le préserve des atteintes des mêmes microbes non atténués; c’est le fondement de la doctrine des ino- culations préventives ou vaccinations. 2
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 19
Les causes d'atténuation sont déterminées aujourd’hui % pour un grand nombre d2 végétaux inférieurs patho- . gènes; en modifiant le milieu dans lequel on les fait » vivre et reproduire, en agissant sur eux par la chaleur, la lumière ou par quelques substances chimiques, on atteint ce but assez promptement.
4 Inversement, on est parvenu à augmenter l’activité - normale des microphytes et à la leur restituer quand elle a été atténuée.
. Sans doute que les obstacles sont plus grands quand il s’agit des végétaux supérieurs, surtout parce qu'il faut faire entrer le temps en ligne de compte, tandis que pour les microbes, les générations succèdent aux générations avec une telle rapidité que toute difficulté disparaît de ce côté. Mais les obstacles ne sont pas insurmontables
_ et les résultats obtenus dédommageraient amplement D ceux qui se livreraient à ce genre dois
ARTICLE II. — RÉACTIONS DE L'ORGANISME ANIMAL EN PRÉSENCE DES POISONS.
| Avant de rechercher comment l'organisme humain et _ celui de nos diverses espèces animales réagissent vis à
| _ lable un coup d’œil sur la façon dont les empoisonne- de ments se produisent. |
$ I. — Conditions de l'empoisonnement spontané.
. Pour l'espèce humaine, c’est naturellement parmi les
_ Les enfants fournissent le plus fort contingent, parce _ qu'avec lPinsouciance qui est l’un des privilèges de
vis des poisons, il ne sera pas inutile de jeter au préa-
0 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ils touchent à tout ce qui leur tombe sous la main, cueil- lent et mangent toutes sortes de fruits, particulièrement les baies qui les tentent par leurs belles couleurs rouges, roses ou noires-bleuâtres. Il a déjà été dit, et l’on en trouvera de nombreuses preuves dans le cours de cet ouvrage, que souvent le poison se concentre précisément dans le fruit.
Chez les adultes les intoxications sont plus rarés, elles se produisent surtout par confusion d’une plante véné- neuse avec une plante usuelle, telles que les feuilles d’Æthuse ache des chiens prises pour celles du Persil, la racine de l'Œnanthe safranée pour celle du Panais, les fleurs du Cytise pour celles du Robinier, etc. On en voit aussi être le résultat de l’ignorance des effets malfai- sants de quelques plantes; ceci se présente particulière- ment pour l’Ivraie, la Nielle, le Mélampyre, dont on laisse broyer les graines avec le Blé ou le Seigle et qui contribuent à faire un pain nuisible à la santé.
Les empoisonnements volontaires par ingestion de plantes vénéneuses sont moins fréquents aujourd’hui qu’autrefois, bien que le nombre des suicides augmente d'année en année. Mais les désespérés et les vaincus choisissent, à notre époque, des moyens plus rapides, ils cherchent particulièrement dans les armes à feu le moyen de mettre fin à une existence qui leur pèse et qu’ils n’ont plus le courage ni la vertu de supporter.
Quant aux animaux domestiques, on dit assez fré- quemment que, guidés par leur instinct, ils ne touchent point aux plantes qui peuvent les incommoder et quesi, par hasard, ils en mangent avec leurs aliments habituels, ils n’en prennent jamais suffisamment pour faire naître des symptômes alarmants.
Cette assertion n’est point conforme à la vérité, de nombreuses observations m'en ont convaincu. Il est
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 21
d’ailleurs peu de vétérinaires exerçant à la campagne, qui n'aient été appelés près de bestiaux empoisonnés spontanément et qui ne puissent confirmer ce que j'a- vance. Les animaux sauvages ne s’empoisonnent pas en s’alimentant, à moins que l’homme n’intervienne pour mêler à leur nourriture quelque substance vénéneuse, mais les animaux domestiques sont dans de tout autres conditions. La domestication a affaibli en eux l’in- stinct qui éloigne leurs congénères, vivant en liberté, des _ plantes vénéneuses; quand celles-ci ne possèdent ni sa- veur âcre, ni odeur nauséabonde, ils les mangent volon- tiers. Combien d’empoisonnements de chevaux et de _ bœufs n’a pas causés l’If à baies! Il est des circonstances qui favorisent les acci- dents. Lorsque le bétail a été maintenu pendant tout l'hiver en stabulation, au régime du sec, et qu’aux premiers beaux jours du printemps on le met en liberté dans la campagne, il se repaît avec avidité de toutes les _ herbes qui lui tombent sous la dent, sans que sa voracité momentanée lui laisse le temps de faire une distinction entre les plantes vénéneuses et celles qui ne le sont pas. . C’est à ce moment que les Ombellifères, les Aroïdées, - les Asparaginées causent leurs méfaits. _ Il peut arriver que, dans les prairies et les pâturages, - les bonnes et les mauvaises plantes soient mélangées _ si intimement, qu’en prenant les premières, le bétail _ consomme forcément une partie des secondes; cela se présente surtout pour le Colchique, extrêmement abon- _ dant dans certaines régions et dont les fleurs peuvent être mangées à l’automne en quantité suffisante pour déterminer des empoisonnements. # . Le plus souvent l’homme est le coupable; on le voit 4 forcer ses animaux à pâturer dans les forêts et à manger,
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D oAure d’une autre nourriture, des plantes sylvestres vé-
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22 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
néneuses, telles que la Parisette ou de jeunes pousses de Quercinées et de Conifères. Ou bien il leur présente à l’étable des plantes vénéneuses quelquefois seules, le plus souvent associées à d’autres fourrages. On a vu, pendant l’hiver, distribuer des feuilles d’'Hellébores au bétail et celles-ci ne pas être refusées, parce qu’elles tran- chent par leur verdeur sur la nourriture sèche qui con- stitue le régime de cette saison. D’autres fois, c’est un mélange de bonnes et de mauvaises plantes qui sont données à l’étable, telles que des sarclures de jardins infestées de Mercuriale ou d’Euphorbe, des fourrages artificiels où se trouvent le Pavot coquelicot, l’Aristo- locHEs etc
Une intoxication peut aussi être la résultante d’une alimentation trop exclusive et trop longtemps prolongée avec des graines peu vénéneuses, elle prend alors un caractère chronique; nous étudierons sous les noms de lathyrisme et de lupinose les accidents de ce genre occasionnés par les Gesses et le Lupin jaune.
Une proportion élevée d’empoisonnements se produit par les graines vénéneuses mélangées, lors du battage, du vannage et du triage, à de menus grains de céréales distribués aux animaux comme criblures. Plusieurs vraies, le Mélampyre et la Nielle sont du nombre. Les farines qui servent à blanchir les boissons des animaux, à faire des barbottages et qui ont été extraites de telles graines, occasionnent les mêmes accidents.
On voit que les circonstances où nos animaux domes- tiques peuvent s’empoisonner sont nombreuses et qu’il n’y a aucun crédit à accorder à l’opinion qui prétend que leur instinct les défend constamment et suffisam- ment. Souvent cet instinct est en défaut et l’on ad- mettra sans peine que les races très perfectionnées, améliorées particulièrement par ce qu’on a appelé pitto-
+
: DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 23
resquement « le repos au sein de l’abondance » c’est-à- dire par le régime de la stabulation aidé d’une copieuse
…_ les races plus rustiques, encore soumises presque toute _ l’année au régime du pâturage. …_ Si l’on s’explique que sous l'empire de la faim, tou- jours mauvaise conseillère, ou desdiverses circonstances … qui viennent d’être indiquées, les bestiaux s’empoison- + nent spontanément, on conçoit plus difficilement que - quelques-uns manifestent un goût prononcé pour des _ végétaux qui doivent les intoxiquer. Quelle explication » donner de l’avidité du bœuf pour les feuilles desséchées du Tabac et de celle de la chèvre pour le Rhododen- dron des marais, avidité que ces animaux paient souvent de leur vie? La saveur de ces aliments leur plaît-elle au point d’étouffer en eux l’instinct de la conservation? Quelle que soit la cause de l’intoxication, nous avons à examiner les variations d'activité que présente un - même poison lorsqu'on l’introduit dans un organisme animal. - On ne peut juger, à ce point de vue, l’activité d’un - poison qu’en adoptant un étalon. Celui dont on se ser- vira cst la quantité de substance vénéneuse nécessaire _ pour tuer 1 kilog. de matière vivante, quantité qui fut > aussi prise comme unité par M. Bouchard et appelée _ par lui une toxie. Or l’expérimentation montre que le poids de la toxie __ varie dans des limites considérables suivant plusieurs . causes, dont la plus active est espèce animale à laquelle _ appartient le kilog.de matière vivante qu’il s’agit de tuer. _ Pour examiner ces causes, nous les rangerons sous cinq chefs : r° la voie oc du poison, 2° l’âge du sujet; 3° son sexe; 4° son ceuce 5° sa race et son individualité.
alimentation, sauront moins se soustraire au danger que.
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S IF. — Variations d'activité ayant pour cause la voie d'in- troduction de la substance toxique dans l'économie.
Dans les conditions ordinaires, les empoisonnements ont lieu par l'introduction du végétal dangereux dans le tube digestif, à titre d’aliment. Dans les laboratoires, pour les études expérimentales, on se sert assez rare- ment de ce moyen, on recourt plus volontiers aux voies intra-veineuse et hypodermique. On a tout avantage à agir ainsi lorsqu'il s’agit de poisons qui provoquent le vomissement, puisque, introduits par le tube digestif, ils ne tardent pas à être rejetés hors de l'estomac et que l’on n’en peut alors suivre les effets consécutifs.
Mais quand même on n’est point en-présence d’une substance vénéneuse douée de propriétés émétiques, l'introduction de son extrait dans le torrent circulatoire ou sous la peau est encore à recommander à l'expéri- mentateur, parce que les effets sont sûrs et rapides. Un poison ne manifeste son activité propre que lorsque, dans un temps donné, il est en assez grande quantité dans le sang pour venir inciter certains tissus et notam- ment le tissu nerveux. Son introduction par le tube digestif n’a pas toujours ce résultat, parce que l’absor- ption se fait lentement d’une part et que l’éiminationse produit parallèlement d’autre part. La voie veineuse et la voie hypodermique mettent immédiatement la masse introduite dans le cas d’agir sur le tissu d'élection; charriée qu’elle est par l’irrigation sanguine, elle exerce de suite son action soit directement, soit par effet réflexe.
Si le sujet d'expérience est doué d’un très grand pou- voir digestif ou mieux encore si l’on prépare la substance vénéneuse de telle sorte qu’elle soit attaquée très facile- ment par les sucs digestifs, il n'y a guère qu’une diffé- rence de rapidité dans l’action, le résultat final est le
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mème quelle que soit la voie d'introduction. Mais si les plantes et surtout les graines vénéneuses ingérées sont dures, sèches, l'élimination par l’appareil de la dépura- tion urinaire fait que l’empoisonnement ne se produit pas ou qu’il manifeste son action par des symptômes si _ fugitifs que l’observateur ne les note pas. % Nous verrons, lorsque nous étudierons les différences _ d’effets des poisons d’après les espèces animales, le grand parti que l’on peut tirer de leur introduction dans les deux voies sus-indiquées pour projeter un peu de lu- mière sur certains points obscurs de leur histoire. Nous devons faire remarquer que, pour les recherches de laboratoire, la voie veineuse est la mieux indiquée, celle qui produit les effets les plus sûrs et surtout les plus prompts. Si elle doit avoir la préférence de l’expé- rimentateur quand il s’agit de l’action de médicaments qui se dissolvent très bien dans l’eau, il n’en est plus de même lorsqu'on veut étudier la totalité des principes nuisibles que contient un végétal. On s'adresse alors _ aux sucs des plantes, obtenus le plus souvent par tri- - turation et expression, quelquefois par cuisson, décoc- -. tion, macération et infusion. L'introduction de ces çextraits dans les veines n’est pas toujours sans dangers, _ car il peut se former des embolies capables de détermi- ner rapidement la mort. - La voie sous-cutanée est préférable, elle n’expose à au- _ cun accident, ne nécessite aucune éducation chirurgicale … préalable pour mettre à découvert tel ou tel vaisseau, et si ses effets sont un peu moins rapides que ceux produits _ par l'introduction directe dans les veines, ils ne sont | pas moins sûrs et moins nets. Nous l’employons tous les jours largement. | _ I n’est pas hors de propos de dire à cette place que
+”
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veineuses, l’extrait végétal à injecter doit être de prépa- ration récente et l’eau qui sert de véhicule, quand il est nécessaire d’en employer, soigneusement stérilisée au préalable. Les sucs végétaux fermentent très rapidement et si l’on n’y prend garde, on introduit avec eux des mi- croorganismes qui peuvent se multiplier dans les tissus des sujets d'expériences. Ces phénomènes de proliféra- tion microbienne s'ajoutent à ceux que produit le poi- son et en faussent l'étude. L'histoire des erreurs com- mises à propos des effets du Cyclame est le plus bel exemple qu’on en puisse citer.
Introduits par la voie sous-cutanée, les poisons met- tent deux à trois fois moins de temps, selon leur sorte, à manifester leur présence par les symptômes qui leur sont propres, que s'ils ont été ingérés.
Quant aux différences dans la quantité de substance vénéneuse nécessaire pour produire la mort, suivant qu'on l’introduit sous la peau ou qu’elle est envoyée dans le tube digestif, elles sont subordonnées à l’espèce vénéneuse, à la puissance digestive du sujet qui l’ingère, à sa facilité d'élimination et à l'état sous lequelon la lui présente. L'espèce vénéneuse agit par sa constitution botanique, par son action élective sur les tissus ou les organes et par le chemin qu’elle suit pour son élimina- tion. Une plante à tissus serrés abandonnera plus diffici- lement ses produits nuisibles qu’une autre à tissus lâches, et conséquemment l'écart ne sera pas le même entre les deux plantes, administrées l’une et l’autre comparativement par la bouche et sous la peau. Quand un végétal possède une action élective sur le tube diges- tif qu’il irrite par contact direct, il est évident que cette action irritante se manifestera plus tôt si le poison est ingéré que s’il a été versé sous la peau. Il va de soi que si l’on fait boire un extrait vénéneux, il y aura moins
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 27
d'écart entre les quantités nécessaires pour tuer par le ; tube digestif et par“la voie sous-cutanée, que si l’on fait ; manger la plante sèche ou les graines très mûres; puisque, dans le premier cas, l'absorption est plus facile que dans | le second. L'esprit saisit avec non moins de facilité les | différences qui se présentent suivant que la plante cst i tendre et gorgée de sucs ou arrivée à maturité, herbacée ou ligneuse, qu’il s’agit de tubercules peu consistants ou de fruits très durs, qu’elle est crue ou cuite, etc. 4 Tout ce qui favorise l’action digestive et l’absorption, . abaisse l’écart qui existe entre les quantités nécessaires pour tuer par les deux voies dont il s’agit. L Les causes qui tiennent à la puissance digestive du 1 sujet et au fonctionnement de ses appareils de dépura- > tion seront étudiées plus loin.
‘à S III — Variations d'activité causées par l’âge du sujet ? qui recoit la substance toxique.
1 D: 1 Les enfants et les jeunes sujets de toutes les espèces animales sont beaucoup plus sensibles à l’action des _ poisonset aussi à celle des médicaments que les adultes. Ce n’est pas seulement parce que leur poids est plus | faible, car en nous servant, comme nous l'avons fait constamment, de la toxie pour unité, cette considéra- tion perd toute valeur. Il est d’autres raisons, en tête desquelles il faut placer la masse plus considérable des tissus nerveux, proportionnellement au reste du corps et l’activité plus grande des cellules qui mettent rapidement et largement en œuvre les matériaux qui | leur arrivent. ‘à L'observation et l’expérimentation montrent la gra- _… vité de tous les empoisonnements chez les jeunes et la | statistique indique quelle forte proportion de terminai- pos fatales ils amènent. Au reste, l'expérience suivante,
28 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
facile à exécuter, met très bien en évidence la différence de susceptibilité suivant l’âge : qu’on prenne un lapin adulte et un lapereau, qu’on leur distribue à chacun et proportionnellement à leur poids, le même nombre de toxies empruntées aux feuilles d’une solanée vireuse, on verra le sujet adulte sortir sain et sauf de l’épreuve, tan- dis que le jeune y succombera.
La grande susceptibilité des jeunes est d’ailleurs un fait reconnu et bien étudié en pharmacologie. On estime que la dose médicamenteuse d’un sujet à la mamellé doit être seulement le 1/16 de celle de l'adulte, et que du sevrage à l’âge adulte on doit suivre une progression croissante de 1/5 à 1. Evidemment, ces données sont très générales et bien des causes les font varier, mais nous pouvons néanmoins les appliquer sans inconvé- nient aux toxies.
S IV. — Variations d'activité qui tiennent au sexe.
Les différences sexuelles sont très prononcées dans l'espèce humaine, elles le sont à un moindre degré dans les espèces animales. Néanmoins la femelle, comme le jeune, a le système nerveux plus développé, proportion- nellement à la masse du corps, que le mâle, sa sensibi- lité est plus vive et elle réagit plus promptement.
On peut dire que les poisons, particulièrement les nerveux, agissent plus fortement et plus vite sur la femme et les femelles animales que sur l’homme et les animaux mâles. Lorsque l’utérus est gravide, les femelles sont particulièrement sensibles et plusieurs plantes qui, ingérées par des individus de l’autre sexe, ne tradui-. raient leur action nuisible que par des coliques, des nausées et une purgation, peuvent amener des contrac- tions utérines, l'expulsion prématurée du fœtus et toute
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la série des conséquences fâcheuses inhérentes aux avorte-
ments. Il est même des poisons qualifiés d’utérins parce que, indépendamment d’autres effets, ils agissent vive- ment sur la matrice.
On verra aussi, dans le cours de ce livre, signalées des plantes qui, sans être vénéneuses dans le sens litté- ral du mot et sans influence appréciable sur les mâles, ont une action fâcheuse sur les femelles dont elles taris- sent la sécrétion lactée, telles sont les feuilles de Noyer et de Nerpum. C’est là un inconvénient qui, pour les femelles exploitées spécialement en vue de leur lait, méritait une mention spéciale.
$ V. — Variations d'activité liées à l'espèce.
Parmi toutes les causes qui font varier l’activité des plantes vénéneuses, l’espèce zoologique qui ingère ces végétaux doit être signalée au premier rang. Cette in- fluence est si puissante que des animaux ne paraissent éprouver aucun effet fâcheux de l’ingestion de végétaux qui causent des empoisonnements mortels sur d’autres espèces.
Si l’on voulait appuyer d'un exemple les différences de sensibilité d’espèces diverses vis à vis d’un même poison, la Belladone le fournirait aisément. En effet, cette plante est très active sur l'organisme de l’homme,
_ active sur ceux du chat, du chien et des oiseaux, peu
active pour ceux du cheval et du porc, érès peu pour ceux du mouton et de la chèvre et & peu près inactive
_ pour celui du lapin.
On s'explique en partie de pareils résultats quand on réfléchit aux différences anatomiques et physiologiques qui séparent l’homme des animaux et les divers ani- maux les uns des autres. Parmi ces différences, celles
30 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
qui ont trait à l'appareil digestif et au système nerveux se placent au premier rang.
Du côté de l’appareil digestif, il faut faire entrer en ligne de compte l’état de la dentition, le nombre et la conformation des estomacs, l'étendue de la partie intes- unale et son rapport avec la portion stomacale, le déve- loppement des glandes annexes, la quantité et la qualité des sucs sécrétés, toutes dispositions qui commandent le mode d’alimentation, la perfection du travail digestif et la puissance assimilatrice.
Le développement et la conformation du système ner- veux n’offrent pas de moindres différences dans ses par- ties encéphalique, spinale, périphériqueetsplanchnique. Comme la plupart des poisons végétaux agissent avant toutsur la cellule nerveuse, la prépondérance du système nerveux dans les phénomènes toxicologiques s’impose.
La possession ou l’absence de la faculté de vomir influe également de la manière la plus notable sur la résistance aux substances vénéneuses, puisque, dans le premier cas, ily a élimination du toxique, qui reste dans l’économie dans le second.
La susceptibilité de l’homme en face des poisons, si bien expliquée par la perfection de ses organes et le très grand développement de son système nerveux, le place en tête des êtres et dans une catégorie à part.
Pour les animaux domestiques, les séries d’expé- riences que j'ai exécutées m'ont fait les classer dans l’ordre suivant :
Ane. Oiseaux de basse-cour. Mulet. » Cobaye.
Cheval. Bœuf. |
Chat. Mouton et chèvre. Chien. Lapin.
Porc.
“Line
% DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 31
Je m’empresse d'ajouter que si ce groupement est expression de la mrjorité des résultats que J'ai obte- nus, il y a une minorité qui n’y correspond pas. Dans _ cette minorité, on trouve des poisons vis-à-vis desquels, _ conformément à l’opinion anciennement en vigueur, les
Carnivores possèdent une sensibilité supérieure à celle des Équidés; on en rencontre aussi dont l’action est tout à fait spéciale à quelques espèces et nulle pour les autres. Il est bon de savoir que deux animaux classés zoolo- _ giquement dans le même ordre et parfois dans le même genre peuvent avoir une susceptibilité très différente pour le même poison. L'ordre des Rongeurs peut être pris comme exemple : le rat est plus sensible à l’action de quelques poisons que le cobaye et celui-ci l’est beau-
_ coup plus encore que le lapin.
La première place occupée par l’âne dans notre arran- gement, n’a rien qui doive surprendre. Outre que cet animal a la masse encéphalique proportionnellement plus développée que le cheval, le bœuf et le porc, il est aussi de tous les animaux domestiques celui qui possède le pouvoir digestif le plus élevé. Les végétaux les plus
_ grossiers et les plus durs, inutilisables par tous les autres _ herbivores, lui servent de nourriture, il les triture et en extrait des matériaux absorbables. L'étude histologique des glandules de son estomac a révélé combien elles sont nombreuses, développées et bien disposées pour la sécrétion des liquides gastriques.
_ Cette puissance digestive s’exerce vis-à-vis des végé- - taux vénéneux comme sur les fourrages, elle les désa- grège promptement et intégralement et place les sub- stances toxiques qu’ils renferment dans les meilleures - conditions pour accomplir leur œuvre. Elle est telle . que, pour plusieurs poisons dont je cherchais à déter- _ miner comparativement les toxies d’après la voie diges-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
G3 &
tive et la voie hypodermique, je n'ai pas trouvé de diffé- rences quantitatives, il ne s’en produisait que pour la rapidité de l’intoxication.
Il semblerait, a priori, que les Ruminants dont le coefficient de digestibilité est élevé et qui, grâce à la seconde mastication qu’ils effectuent, extraient des prin cipes assimilables de fourrages de médiocre qualité, dussent être placés près de l’âne, tandis qu’ils viennent presque au dernier rang et qu’ils ne laissent que le lapin après eux. La raison d’un pareil fait se trouve dans la lenteur de leur digestion et dans l’activité de leurs appa- reils de dépuration et d’élimination.
Ceci nous amène à examiner de près une question que nous n'avons fait que poser tout-à-l’heure.
Les toxicologistes considèrent certains organismes comme réfractaires à l’action de poisons déterminés; lalouette et la caille peuvent être nourries sans inconvé- nients avec la Ciguë, leur chair se saturerait même, avance-t-on, d’une telle quantité de toxique, que son ingestion suffirait pour empoisonner les carnivores. Le Coquelicot peut être largement distribué au lapin sans crainte de l’empoisonner. L’Euphorbe rend vénéneux le lait des chèvres qui le broutent, sans que celles-ci soient incommodées d’une façon appréciable.
On dit couramment que, non seulement ces mêmes animaux ne sont point intoxiqués par le Cytise aubour, mais encore qu’ils le recherchent, et les chasseurs avan- cent que, pendant l’hiver, les lièvres et les lapins rongent avidement l'écorce de cet arbuste sans en être incom- modés. Le porc peut manger impunément le rhizome du Cyclame qui est un poison pour l’homme et pour plusieurs animaux.
Une pareille immunité est-elle absolue ou edité que relative? Nos connaissances sur la constitution des
DES PLANTES VÉNÉEÉNEUSES. 33
tissus d’un même système dans la série animale nous portent de prime abord à douter qu’elle soit absolue. Mais nous possédons un moyen des plus simples de décider la question. Au lieu d'introduire le poison par le tube digestif, plaçons-le directement dans le torrent circulatoire à l’aide d’une injection intra-veineuse, ou choisissons la voie hypodermique, si favorable FR ment à une rapide absorption. En mettant à exécution cette expérience, qui n’est d’ailleurs que la répétition de celle que fit CI. Bernard sur la strychnine, nous acquerrons la preuve que l’immunité absolue n’existe pas. Les organismes réfractaires ne le sont que d’une façon relative, simplement parce que, dansles conditions habituelles, il n’y a pas une quantité suffisante de matière toxique dans le sang pour impressionner les tissus sur lesquels elle dirige spécialement son action.
Une pareille constatation nous poussa à rechercher pourquoi — le rejet des substances vénéneuses par le vomissement étant laissé de côté — quelques animaux ne peuvent s'empoisonner par la voie digestive, puisqu'ils ne sont pas absolument réfractaires à l’action du poison qu’on étudie.
On peut émettre deux HYporhèses pour tâcher d’expli.
quer cette apparente anomalie. Ou bien chez ces ani- maux, la marche des aliments dans le tube digestif serait très rapide et partant la digestion des.aliments incom- plète; il en résulterait que les poisons n’auraient point le temps d’être extraits des parties végétales qui les renfer- ment et de passer dans l’organisme; ils seraient rejetés avec les fèces pour la plus grande partie. Ou, au contraire, leur digestion ne serait point te __ rieure à ce qu’elle est chez d’autres animaux, et l’extrac- _ tion du poison, sa séparation d’avec les aliments se _ ferait complètement, mais la fonction urinaire serait 3
PE Le. #7
34 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
particulièrement active et l'élimination de la matière toxique par l’urine s’exécutant au fur et à mesure de sa production, il ne pourrait y avoir d'intoxication.
Nous avons cherché la réponse à ces questions par l'expérience suivante :
Un lapin de bon poids (2 k.500) est laissé pendant qua- rante-huit heures à la diète afin de nettoyer le tube digestif des résidus des digestions précédentes, puis nous lui ingur- gitons de force 30 grammes de graines de Cytise broyées qui ne paraissent produire aucun effet sur lui. Vingt heures après, ce sujet est tué et ouvert rapidement, on trouve la vessie pleine d’une urine très trouble qui rougit fortement le tournesol. On la jetté immédiatement sur un filtre.
On enlève ensuite le contenu de l'estomac, de l'intestin grêle et du cœcum où l’on reconnaît les débris de Cytise in- gérés, on fait bouillir, on exprime et on filtre. Les produits ainsi préparés, on fait apporter deux chats laissés depuis la veille à jeun, afin d’en exalter la sensibilité. A l’un, on pousse sous la peau 40 grammes de l’urine filtrée. A l’autre, même quantité de l'extrait des matières intestinales. Tenus l’un et l'autre en observation, ce dernier n’a Jamais présenté le moindre signe de malaise ou d’indisposition. L’autre, dix minutes après l'injection, a été pris de nausées et d'efforts de vomissements violents et répétés, il y a eu successivement salivation, dilatation de la pupille, titubation, incoordination des mouvements, chute, coma; en un mot tous les signes de Vempoisonnement par le Cytise se présentaient à moi de la façon la plus nette. E
La question me semble donc tranchée et la réponse.
très décisive. Le 14pIA élimine par l’urine le toxique que j’étudiais, ct j’ai à peine besoin de faire remarquer que ce poison accumulé dans la vessie n’incommode pas le sujet, la muqueuse vésicale ne l’absorbe pas ou l'absorbe très peu et l’épithélium vésical lui présente
DES PLANTES VÉNENEUSES. 35
une barrière infranchissable tant qu'il est intact. L’ex- traction du poison contenu dans la gangue alimentaire _ se fait lentement, et cette lenteur permet son élimina- tion. Mais quand il pénètre brusquement et en quantité considérable dans l’économie, ainsi que le cas se pré- sente lors d’injection hypodermique, l'élimination n’a pas le temps de se faire assez rapidement pour que l’em- poisonnement n'ait pas lieu. | Il est probable que les choses se passent de même . pour la chèvre et les autres animaux qu’on ne peut em- _ poisonner par la voie digestive avec quelques plantes pourtant vénéneuses.
Quelques recherches exécutées sur les vertébrés à sang froid ont fait voir que ces animaux étaient sen- sibles à l’action des toxiques comme les animaux à sang
. chaud. Les animaux aquatiques présentent des particu- . Jarités intéressantes. Il est quelques substances véné- _ neuses qui, placées dans les cours d’eau, détruisent » rapidement le poisson; la Coque du Levant, qui n’est . que trop connue, est dans ce cas. Il en est d’autres qu’on » peut y jeter impunément. Des sucs vénéneux tuent quel- ques espèces et en respectent d’autres. Des expériences _ bien conduites ont montré que l’extrait du Cyclamen | europeum, déposé dans une rivière, tue les jeunes pois- _ sons, les naïades et les vorticelles, tandis qu’il respecte 4 pes ae les argules et RS larves.
_ L'interprétation de pareils résultats n’est pas sans | À difcultés. On peut penser que les épithéliums et en É particulier le revêtement branchial constituent un filtre si parfait qu ils LE oi Ji le passage de la matière | toxique, ainsi qu’on le constate dans quelques cas de Dousion sur le one ou que les branchies absorbent
DR
36 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ganisme et de devenir nuisible. Dans le cas où il y a destruction des animaux, elle serait la conséquence de
l’altération de l’épithélium qui permettrait alors la péné-
tration et l’absorption de la substance toxique.
$ IV..— Variations d'activité d'après la race et l'individualité.:
Les animaux domestiques appartenant à des races très
perfectionnées jouissent d’une réceptivité plus grande pour les poisons végétaux que ceux des races rustiques et non améliorées, parce que leur perfectionnement
porte précisément sur l’appareil digestif qui s’est dé-.
veloppé et dont le fonctionnement est devenu plus actif. Lorsque des végétaux vénéneux sont ingérés par eux, la gangue en est plus rapidement et plus complète- ment désagrégée et la matière toxique plus vite absorbée et en plus grande masse à la fois. Parmi les preuves de cette assertion, je choisirai la suivante qui m’a été four- nie récemment par M. Boitel. Il est d'usage, dans le pays basque, de faire entrer le feuillage du Quercus tosa dans l’alimentation de l’espèce ovine. Or tandis que les moutons pyrénéens le broutent sans danger, des mou-
tons southdowns importés dans la région et soumis à ce.
régime furent rapidement frappés par l’hématurie. On
dut renoncer à toute tentative d'implantation de cette
race dans le pays.
Nous n’insisterons pas davantage sur ce point parce que les animaux perfectionnés doivent être affouragés,
soit à l’étable, soit au pâturage, avec des aliments de
choix et qu’il y a, conséquemment, peu de chances
d'intoxication pour eux.
Il faut consigner ici une observation qui remonte à
une époque très lointaine, qui se transmet parmi les propriétaires de bestiaux et qui a été recueillie sur plu-
[!
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 35
sieurs points différents du globe par les naturalistes voyageurs qui ont parlé du bétail des pays qu'ils visi- taient. [l s’agit de la plus grande résistance des animaux de robe noire à l’action des poisons en comparaison des sujets de pelage clair. Sans essayer une explication plus ou moins plausible, enregistrons simplement cette observation à côté de celle des éleveurs, notamment des propriétaires de petits animaux et d'oiseaux de basse- cour, qui ont remarqué que l'élevage des sujets blancs est plus difficile que celui des individus à peau et à phanères pigmentés.
Enfin, dans l’empoisonnement, il faut aussi tenir compte de cet ensemble de propriétés qui constitue l’in- dividualité et qui est formé par la constitution, le tem- pérament et l’idiosyncrasie. Toutes choses étant égales du côté de l’espèce, de la race, de l’âge et du sexe, deux sujets, empoisonnés avec la même toxie, ne réagiront pas exactement de la même façon; la mort, si les doses sont suffisantes, n’arrivera pas à la même minute, parce qu'indépendamment des différences qui peuvent exister dans le rapport des solides et des liquides organiques et des variations de leur composition, il faut tenir compte de la façon dont les tissus et les organes fonctionnent et réagissent. Or la mesure de l’activité fonctionnelle ou dynamique dépasse les ressources de l’observation seule et celle-ci ne permet pas de préjuger la marche d’un empoisonnement. |
Les alcaloïdes vénéneux fournis par la Belladone et le Tabac impressionnent diversement des sujets qui, en
_ apparence, sont dans des conditions physiologiques
identiques; on peut les citer comme de bons exemples de
poisons d’origine végétale dont l’action est très nette-
ment influencée par l’individualité. P
DEUXIÈME PARTIE
ÉTUDE SPÉCIALE DES PLANTES VÉNÉNEUSES ET DES EMPOISONNEMENTS QU'ELLES OCCASIONNENT
Ainsi que cela a été dit précédemment, on s’efforcera
de déterminer les tissus ou les organes dangereux dans
un végétal suspect, d'indiquer la quantité nécessaire pour empoisonner l’homme et les animaux domestiques, de
tracer brièvement la symptomatologie, la marche, les ter-
minaisons et les lésions des empoisonnements et enfin de faire connaître, autant que le permet l’état actuel de la chimie, les principes auxquels ce végétal doit sa toxicité.
Les descriptions botaniques seront [aussi succinctes que possible, on tâchera seulement qu’elles soient suffi- santes pour permettre de reconnaître les plantes dont il est question et de se reporter aux Traités spéciaux ou
aux Flores régionales pour en posséder complètement > les caractères.
[I] a semblé qu'il était préférable de passer en revue
| les végétaux dangereux en suivant une classification u pnniaue FAMIAE que de les rassembler en familles patho-
TÉTAESERSEMRE
ESRI VRP ER NC
40 DES PLANTES VENENEUSES:
logiques, d’après leur action, comme on le faiten Matière médicale. Les considérations exposées précédemment sur la présence de plusieurs principes différents dans un même végétal et sur les variations d'activité d’après les saisons, m'ont surtout déterminé à suivre cette marche.
Tout en sachant ce que les classifications botaniques même les plus récentes, présentent encore d’incomplet et d’artificiel, tout en n’ignorant point que ces groupe- ments n’indiquent pas toujours une parenté entre les divers genres qui les composent, elles me semblent cependant moins imparfaites, moins arbitraires que ne pourraient l’être actuellement des familles toxicolo- giques. Pour établir rationnellement de telles familles, il faudrait que les conditions d'élaboration des principes toxiques fussent déterminées, que l’étude chimique en fût achevée et que les rapports qui unissent les formules atomiques et la toxicité fussent dégagés et traduits en lois. Ces bases font encore défaut; lorsqu'on les possé- dera, on pourra perfectionner la Taxinomie. Quand on considère, en effet, la diversité des produits fabriqués par la cellule végétale, nécessairement plus subordonnée que la cellule animale à Paction du milieu, on pressent que l'élaboration cellulaire devra entrer en ligne de compte, dans les classifications de l’avenir, à côté de la structure et de l’agencement morphologique.
Une pareillenomenclature rendralatâche du Toxicolo- giste plus facile ; en attendant qu’elle s’établisse, le mieux est de suivre une classification purement botanique.
Dans l’embranchement des Phanérogames, les deux groupes qui le constituent, Gymnospermes et Angiosper- mes, renferment des végétaux vénéneux. Le tableau sui-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. At
vant montre les diverses familles où on va lesrencontrer :
GyYMNnOSPErMES « « « + + + + + + + - Conifères. * : Aroïdées. Graminées. Colchicacées. | Liliacées. ! Monocotylédones. . . . . Asparaginées. Smilacées. Amaryllidées. Dioscorées. Iridées. Juglandées. Cupulifères. Phytolaccées. Polygonées. Aristolochiées. Thyméléacées. Corianthacées. Euphorbiacées. Renonculacées. Ménispermées. Berbéridées. Papavéracées. Crucifères. Violariées. Caryophyllées. Hypéricinées. Rutacées. Méliacées. à 4 Ilicinées. É | Dialy pétales. En _Rhamnées. Térébinthacées. Coriariées. Légumineuses. Rosacées. Crassulacées. Cucurbitacées. Ombellifères. Araliacées. | Caprifoliacées.
AMES.
PHANÉROG
% | Angio-
spermes.
Apétales.. . |
Dicotylé- dones.
DES PLANTES VÉN
PREMIÈRE SECTION
PHANÉROGAMES GYMNOSPERMES
à Le groupe des Gymnospermes ou Phanérogames sans ovaire, renferme trois familles: Cycadées, Coni- fères et Gnétacées.
_ De ces trois familles, une seule nous intéresse, celle des Conifères.
CONIFÈRES
La famille des Conifères, constituée par des arbres ou des arbrisseaux dont le port est caractéristique, les feuilles petites et persistantes dans le plus grand nombr2 des espèces, occupe particulièrement les régions tem- pérées ; ses représentants sont rares dans les pays chauds. Parmi les groupes qui constituent cette famille, _ ilen est deux que nous devons signaler, ce sont les _ genres Taxus |lf) et Juniperus (Genévrier).
4 I. — Taxus. Tournef. {If Dans ce genre, l'espèce _ suivante offre pour nous un intérêt de premier ordre :
- Taxus baccata. L. — If à baies. — Arbre croissant spontanément dans les régions montagneuses des pays
tempérés et particulièrement dans les lieux ombragés. Sa taille varie entre 8 et 15 mètres, son tronc assez droit,
44 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
jamais bien gros, est rameux dès le pied. Pas de ca- naux résineux dans la tige. Ses rameaux (Voyez fig. 2) sont très nombreux, garnis
Fic. 2. — Taxus baccata. — IF À BAIES.
de feuilles persistantes, dures, aciculaires, planes, étalées horizontalement et un peu irrégulièrement, d'un vert luisant et comme vernissé en dessus, vert clair en dessous.
CRE EAU
un
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 4
« Fleurs mâles solitaires dans les aisselles des feuilles,
subsessiles, globuleuses, étamines 5-8, à 4-6 sacs pol- liniques connés autour du sommet du filet, s’ouvrant en dessous et en dedans. Chatons femelles 1 fleur, axil- laires, sessiles, portant à la base des écailles stériles, ter- minées par un ovule dressé orthotrope, unitégumenté et dont la base est entourée d’une cupulle arilleuse accres- sente, devenant succulente à la maturité. Embryon à deux cotylédons. » (Vesque.)
Son fruit est une drupe rouge, ouverte au sommet, de saveur douce, renfermant une graine à enveloppe ligneuse, à amande blanchâtre et charnue,
Le bois en est très dur, veiné de’ rose ou de rouge, facile à polir. Il a été de tout temps très apprécié pour l'ébénisterie.
L'Tf est un des arbres qui se prêtent le mieux à la taille et se plient le plus docilement aux fantaisies des jardiniers, c'était l'arbre à la mode à la fin du dix-sep- tième et au commencement du dix-huitième siècle. Au- jourd’hui encore on lui donne dans nos jardins les for- mes les plus variées et parfois les plus bizarres. Ses rameaux touffus et toujours verts le font adopter pour l'établissement de haies de bordures.
[Il paraît qu’au Japon on extrait de son amande une huile qui sert à la toilette.
L'Ifest classé parmi les végétaux les plus dangereux de notre flore et bien que ses propriétés vénéneuses soient connues depuis fort longtemps, l'étude de ses pure toxiques n'est pas encore parachevée.
_ Ilest un de ceux qui occasionnent le plus d’accidents
parce que rien ne meét en garde contre sa toxicité. Il -n'exhale point, quoi qu’on en ait dit, d’odeur forte, _ repoussante; ce n’est pas un résineux comme la plupart __ desautres Conifères, etson feuillage d’un vert foncétente
46 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
les animaux domestiques qui, pendant l'hiver surtout, alors qu'ils sont soumis au régime du sec, broutent ses rameaux et s'empoisonnent.
On connaissait dans l'antiquité ses funestes propriétés
et par une association d’idées assez commune autre-
fois, on le plantait, ainsi qu’on le fait d’ailleurs encore aujourd’hui, pour ombrager les tombes. Les médecins et les naturalistes anciens, Théophraste, Pline, Diosco- ride, Galien signalent sa toxicité et César (De bello gallico, livre VI, $ xxx1) rapporte que Cativolcus, roi de la moitié du pays des Eburons, s’empoisonna avec de l’If. Mais par une de ces exagérations dont les anciens ne savaient point se garder, ils ont avancé que son ombre était mortelle pour quiconque s’endormait sous ses rameaux, ce qui est erroné. Strabon nous apprend que les anciens Gaulois trempaient leurs flèches dans le suc de ce végétal pour les empoisonner. Ici encore nous voyons une manœuvre issue d’une idée exagérée de l'énergie de l'If, car la quantité de toxique qui, se fixant à l'extrémité des flèches, pouvait rester dans la plaie, était insuffisante pour déterminer un empoisonnement.
La réalité est suffisamment triste et trop de cas de mort dans l'espèce humaine et sur les animaux domes- tiques ont été enregistrés pour qu’on se puisse défendre de toute exagération. Dans notre espèce, nombre d’em- poisonnements ont été constatés chez de malheureuses jeunes filles qui, pour cacher une faute, ont eu recours à cet arbrisseau, soit qu’elles le confondissent avec le Genévrier sabine, soit qu'elles lui attribuassent les mêmés propriétés abortives, soit enfin qu’elles fussent résolues à terminer par le suicide une existence brisée.
Nous verrons plus loin quellës sont les espèces do- mestiques qui s’empoisonnent le plus facilement et dans quelles circonstances les intoxications se produisent. …
ke DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 47
On a beaucoup recherché quelles sont les parties de l'If qui sont vénéneuses, voici ce que nous en savons actuellement.
Bois et écorce. — Il était de croyance populaire autrefois que le bois d’If était vénéneux et que les bois- sons conservées dans des vaisseaux de cette substance étaient nuisibles; on fera sagement d’imiter la prudence des anciens.
L’écorce était employée au xvni° siècle comme médi- cament. Dans un mémoire intéressant sur les proprié- tés de V’If, MM. Chevalier, Duchesne et Reynal dé- nient toute propriété toxique à l'écorce et on répète communément aujourd’hui cette assertion; c’est à tort, mes propres recherches ont démontré qu’elle est véné- neuse.
Fleurs. — Les mêmes auteurs, dans le but de voir si les fleurs sont dangereuses, ont recueilli jusqu’à 4 déci- grammes de pollen qui, administrés à un moineau, n’ont produit aucun effet sur lui.
Fruits. — Contrairement à ce que nous aurons fré-
_quemment à constater sur beaucoup de plantes véné- neuses, les fruits drupacés de l’If contiennent une très _ faible quantité de poison. La simple observation du _ goût décidé que montrent quelques oiseaux, notamment _ les grives, pour ces drupes, le faisait penser. M. Clos, . de Toulouse, dans un travail d’une très consciencieuse » et très remarquable érudition, en a, sinon démontré _ l’innocuité absolue, car les faits positifs qui lui ont été | opposés conservent leur valeur, du moins il a prouvé É que la quantité de poison qu'ils renferment est ge _ rablement plus faible que dans les feuilles et qu’à moins | de susceptibilité individuelle spéciale, ils PrOvOquEnE L _ rarement des accidents. Dès 1816, Grognier, professeur à l'École vétérinaire
ah parmi L'état éd cé Qi LE ® si. .
CS Fe + 4 +
48 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
de Lyon, avait cherché à savoir si le fruit de l’If est vénéneux et au cas d’affirmative, si c’est la partie char- nue ou amande. Un cheval à jeun auquel il fit avaler 800 grammes d'amandes n’en ressentit aucune indispo- sition; Grognier en avait conclu que cette partie du fruit n’est point le siège du poison, conclusion exagérée, car son expérience prouvait seulement qu’à cette dose, elle est insuffisante pour rendre malade le cheval, Quant à la portion charnue, sa conclusion doit être également réservée, Grognier ayant eu l’idée malheu- reuse d’en faire une décoction aqueuse qui fut donnée à un chien, Or nous verrons que le poison, quand il existe réellement, n’est point abandonné à l’eau par ce procédé. L’incertitude régna sur ces points jusqu’en 1879, époque où R. Modlen publia une relation circon- stanciée de l’empoisonnement d'enfants à Oxford par les fruits de l’If, Cette relation démontra que la pulpe n’est point vénéneuse, mais que les graines renferment une certaine proportion de matière toxique.
Feuilles. — Il n’y a ici aucune dissidence, tous des observateurs sont d’accord pour reconnaître que les feuilles sont les parties du végétal les plus riches en principe vénéneux et les plus dangereuses par consé- quent. Mais il est nécessaire de faire une distinction qui n’a été mentionnée nulle part. |
Des recherches sur les variations qu’'éprouvent les végétaux vénéneux quant à leur teneur en principe toxique suivant les saisons, m'ont fait constater pour l’If un fait curieux dont j'ai déjà dit un mot antérieurement. Contrairement à ce qui se voit pour beaucoup de Pha- nérogames, où les parties les plus jeunes, les pousses et les feuilles encore tendres sont très vénéneuses, les pousses vernales de l’If sont peu dangereuses.
Tant qu’elles conservent la teinte vert tendre qui est
DES PLANTES VÉNENEUSES. 49
comme leur livrée de printemps, les animaux peuvent en ingérer de fortes quantités sans en être sérieu- sement incommodés. Ce n’est que lorsque leur cou- leur s’est mise à l’unisson des feuilles préexistantes, qu’elle est devenue vert sombre, qu’elles sont réellement dangereuses. Faute d’avoir fait cette constatation, on ne peut accepter que sous réserve les résultats présentés par plusieurs auteurs.
D’après M. Reynal, la dessiccation ne détruit point les propriétés de If. Il y avait longtemps d’ailleurs qu'une observation de Harmand de Mongarni nous a révélé lempoisonnement d’un enfant auquel on avait admi- nistré de la poudre de feuilles d’If désséchées contre des accès d’éclampsie.
Le principe toxique que nous étudions ici est inso- luble dans l’eau. Après d’autres expérimentateurs, j'ai traité des feuilles d’'If par macération à froid, par infu- sion et par décoction prolongée. L’injection hypoder- mique ou l’ingestion par la voie digestive de l’eau em- ployée ne m’a permis de noter aucun symptôme, aucun
d'expériences. Mais en faisant prendre à un cheval d’ex- * périence, 650 grammes de feuilles cuites, j’ai déterminé _ sa mort : preuve que le poison était resté dans le végétal _ et que la cuisson ne le détruit pas.
L'alcool ne paraît pas être un meilleur dissolvant que _ l’eau pour le principe que nous étudions; il n’en est pas > ainsi de l’éther qui épuise l’If de sa substance véné- neuse. L’extrait éthéré de poudre de feuilles est trèsactif. . [l'en est de même du suc que l’on obtient par expres-
RP CRT PAT lt, Va “ à
. d’abord, puis safranée, d’une saveur douceâtre et d’une
_ aussi actif que les feuilles d’où on l'extrait. Nous nous x. +
dérangement dans le rythme des fonctions des sujets
. sion des feuilles fraîches. Ce suc d’une couleur verte
50 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. en sommes fréquemment servi dans nos recherches.
Parmi les animaux domestiques, il va de soi que les herbivores sont seuls exposés à s’empoisonner par PIf, les carnivores, les porcs et les oiseaux de basse-cour ne le sont guère que dans un but expérimental et par suite de l'intervention de l’homme.
J’appelle particulièrement l’attention sur l’'empoison- nement spontané des herbivores par les feuilles et brindilles d’If. Pour peu qu'ils soient poussés par la faim, l'instinct ne les avertit pas de dédaigner cet arbre dangereux. Le fait a été signalé pour le cheval, la vache et je l'ai constaté pour le lapin. Il faut donc éviter d’atta- cher un cheval à un If, de planter cet arbrisseau en bor- dures de prairies où vont paître des bestiaux et de leur donner les débris tombés sous les cisailles du jardinier lors de la taille.
Les Équidés, chevaux, ânes et mulets, sont les ani-
maux sur lesquels les empoisonnements ont été le plus
fréquemment signalés.
Quoique doués d’une sensibilité moins grande, les Ruminants ont fourni leur cortingent de victimes. On a enregistré aussi quelques accidents sur l’espèce DOÇE
et j'ai déjà dit que, parmi les rongeurs, les lapins s'em- :
poisonnent sans difficulté.
Dans mes recherches, exécutées avec des feuilles au- tomnales et hibernales, la quantité à ingérer nécessaire pour tuer 1 kilog. de poids vif fut de : .
PAT 4 d'a NS pour le cheval.
IBES 60 2 4 L'URSS ICEERSS — l'âne et le mulet. DONS GUN IN S As — le mouton.
A PERS PES — la chèvre.
DRE ML + < 4 N'a ue — la vache.
DR ee Le ete PA -- le porc. PASS dd s'CNRe — le chien.
2OBRRATUR ni R RICA — le lapin.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. sr
Les oiseaux de basse-cour, poules, oies, canards et faisans sont également empoisonnés par les feuilles d’If, mais la mort est rare sur les palmipèdes qui rejet- tent promptement par le vomissement le poison ab- sorbé.
Des expériences exécutées sur ce toxique, il découle qu’il n’est pas susceptible de s’accumuler dans l’orga- nisme. Dans la Hesse, au dire de Ahlers, les paysans donnaient jadis, lors des hivers rigoureux, quelques brindilles d’If à leurs bestiaux, en petite quantité mais pendant assez longtemps,sans qu’il survint d'accidents, quand ils avaient la précaution de ne.pas arriver à une dose trop élevée. D’autre part, M. Baillet a pu dans l’es- pace de 13 jours donner 24k. 260 gr. de feuilles d’If à une vache sans qu’il en résultât rien de fâcheux pour cette bête, bien qu’elle en ait reçu de cette façon près de 2 kilog. chaque jour. À un jeune lapin de deux mois, M. Philippaux a donné, pendant 60 jours et chaque matin, 5 gr. de feuilles d’If hachées et mélangées à ses autres aliments sans voir survenir ni trouble de la santé ni arrêt de la croissance.
La question de savoir si ce poison est décomposé | dans lorganisme, ou s’il est expulsé sans modification ; par l’un des appareils dépurateurs et notamment par les | reins, est à étudier de près.
Symptomatologie. — Nous allons d’abord la suivre
à psur les animaux parce qu’on a pu l’y étudier expérimen- | talement et par conséquent d’une façon plus complète que chez l’homme. _ Lorsque la quantité d’If: ingérée est faible, il faut une | certaine attention pour percevoir quelques symptômes. _ Un peu d’agitation, une faible émotion de la circulation _cet de la respiration, se traduisant par une légère éléva- tion de la température, c’est tout ce qui se de dei
LL?
DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Un tb
Quarid elle est plus considérable, sans être mortelle pourtant, l'agitation est d’abord plus prononcée et n’é- chappe généralement pas à un observateur attentif, puis surviennent des nausées chez les animaux qui, comme le chien, le porc, le canard, vomissent sans difficultés. Parfois elles sont remplacées par un mouvement de déglutition continuel, comme si le sujet avait reçu dans l’arrière-bouche quelque chose de particulièrement amer dont il veuille se débarrasser.
Cette période d’agitation dure peu et une phase de coma lui succède. La respiration et la circulation se ralentissent de la façon la plus prononcée, le pouls est petit, lent, difficile à percevoir et les mouvements des flancs d’une telle lenteur qu’on croit volontiers la fonc- tion respiratoire sur le point de se suspendre. La sensi- bilité est fortement émoussée, la contractilité et la mo- tricité sont moins atteintes, c’est plutôt parce qu’il paraît accablé par le sommeil que par faiblesse musculaire, que l’animal se déplace difficilement. La température baisse, la peau et les extrémités sont froides. La tête est portée basse, les yeux à demi clos et l’animal reste dans le décubitus. 3
Quelques femelles pleines ont avorté, mais le fait est loin d’être général.
Chez le cheval, on remarque des tremblements mus- culaires particulièrement aux régions de la croupe et. de la rotule avec de très fréquentes émissions d'urine. Ce sont là d’ailleurs des symptômes que nous retrou- verons sur cet animal dans plusieurs empoisonnements bulbaires. |
La rumination se suspend chez les bœufs et les mou- tons etune météorisation plus ou moins prononcée ap- paraît avec éructations, nausées et quelquefois vomitu- ritions. à So,
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 53
Le porc se cache la tête dans la litière et dort d’un sommeil interrompu de temps à autre par quelques nausées et des plaintes, ou bien il se relève, fait quelques pas en chancelant et se recouche bientôt.
Les plumes des oiseaux de basse-cour se hérissent sur le dos, la tête leur semble trop pesante, les ailes sont pendantes et ils sont plongés dans le coma.
Lorsque la dose a été suffisante pour amener la mort, deux cas peuvent se présenter :
Dans un premier, les deux phases d’excitation et de coma qui viennent d’être décrites, se manifestent et ont pour terminaison la mort qui arrive d’une façon brusque et foudroyante, 40, 50 minutes, 1 heure, 2 heures ou davantage après l'introduction du poison dans lorga- nisme.
Quand on étudie expérimentalement sur les chiens l’empoisonnement par l’If, on peut très bien suivre la marche indiquée; je vais, à titre d'exemple, rapporter
un cas de cette sorte.
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Un chien loulou reçoit sous la peau 20 grammes de suc de feuilles d’If. Trois minutes après l'injection, il s’agite, secoue la É _ tèteet fait entendre avec sa langue le bruit que produisent les . «hiens qui essaient d’avaler leur salive. Douze minutes après _ jagitation augmente, le sujet bat des pattes, sort et rentre con- tinuellement la langue de la gueule et fait une grimace analo- ; _gueà celle qui s’observe sur les animaux de son espèce quand 3 on leur a déposé sur la langue quelque chose de très amer, É
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de l’aloës, par exemple. Un quart d'heure après, l'agitation
_ cesse, le chien se couche, étend la tète sur les pattes et sem- . ble sommeiller, sa respiration est très calme. Il reste plongé _ dans le coma pendant cinq minutes, puis se réveille brusque- | ment, est saisi de nausées et de vomissements, sa pupille se dilate. Il se recouche, mais son sommeil est agité et, de | temps en temps, il branle la tète et se relève. Tout à coup, à
_ la quarante-deuxième minute après l’injection, il se dresse
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54 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
puis tombe brusquement, pousse deux cris, a quatre ou cinq grandes et profondes inspirations, étend les pattes ct meurt. Voici le tableau des oscillations des températures rectale et sous-cutanée pendant la durée de cette expérience :
Au moment de l'injection. T. rectale 30,5. T. s.-cutanée 37,4
10 minutes après — — 40 58,4 20 — = — 40,6 38,5 30 FA qe cf a 37,9 +" CE 2 Fi 39,7 37,1
Huit minutes après la mort, la température rectale avait monté de 1/10 de degré.
Sur le mouton et le porc empoisonnés par la voie digestive, le même tableau symptomatologique se déroule, mais avec plus de lenteur, ce n’est que huit, dix et douze heures après l’ingestion d’un repas d’Ifque la mort arrive au milieu de quelques convulsions et toujours assez brusquement.
Le second cas, plus fréquent que le précédent, a de- puis longtemps attiré l'attention et frappé l'imagination du public. Il se voit surtout sur le cheval, l'âne et le mulet, mais on l’a également observé sur le bœuf, le lapin et les oiseaux de basse-cour. Ici, la période de coma n'existe pas, la phase d’excitation est peu prononcée et passe souvent inaperçue pour les propriétaires d'animaux et pour leur personnel, de telle sorte que la mort semble arriver brusquement, comme si les animaux avaient été foudroyés ou empoisonnés avec une dose mortelle d’a- cide cyanhydrique. Ils s’arrêtent, secouent la tête, leur respiration se modifie, ils tombent sur le sol et expirent quelquefois sans se débattre, d’autres fois après quel- ques convulsions, par arrêt de la respiration et du cœur. | |
Dans l’espèce humaine, quand une dose d’If a été prise dans une intention. criminelle, on voit, d’après
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. : 55
les relations que nous possédons sur ce sujet, quatre heures environ après l’ingestion, survenir de l’étourdis- sement, du vertige, des troubles de la vue, une prostra- tion profonde, l’impossibilité de se tenir debout, de l'assoupissement, puis la mort arrive également avec une très grande soudaineté.
Autopsie. — La rapidité avec laquelle un dénouement
fatal se montre dans les cas d’empoisonnement par V’If, fait qu’il est à peu près toujours possible de retrouver, dans le tube digestif, le corps du délit. C’est là, dansles expertises médico-légales qui s’y rapportent, le point essentiel, car en raison de la façon dont se déroule la scène pathologique et de la nature du poison, les lésions sont peu nombreuses. _ Le cadavre des sujets empoisonnés par l’If présente parfois à sa surface des élevures qui font songer à l’é- chauboulure; dans l’espèce humaine on a signalé des taches ecchymotiques, particulièrement aux membres et sur le ventre. |
La muqueuse de la bouche et de l’arrière-bouche est pâle; parfois des spumosités, sanguinolentes ou non, dans l’arrière-bouche; parfois aussi quelques taches ecchymotiques dans l’œsophage. L’estomac présente sur la muqueuse du sac droit, et plus spécialement près du pylore et près de la ligne de jonction des sacs gauche et droit, une inflammation d’intensité moyenne, s’accom-
pagnant d’ecchymoses d’un brun noirâtre très foncé. Il y a toujours une forte proportion de mucus qui enve- loppeles matières alimentaires. La muqueuse durumen,
chez le bœuf et les autres animaux polygastriques, s’ex-
folie et se colle aux aliments; les trois autres estomacs . peuvent aussi présenter de semblables marques d’exfo- liation.
L’intestin grêle est toujours assez malade, du moins
56 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
dans sa première portion. Sa coloration peut aller du rouge au noir, en passant par le violet et le brunâtre, elle diminue d’intensité à mesure qu’on s’éloigne du pylore; elle peut exister ou faire défaut sur le gros in- testin, tout cela étant subordonné au temps écoulé de- puis l’empoisonnement et à la forme symptomatolo- gique de celui-ci. Chez le bœuf, on a signalé sur une Jongueur de 2 mètres 1/2 environ, à partir du pylore, une teinte noire-verdâtre. Les dernières portions du tube digestif sont généralement intactes, à l’exception du rectum parfois renversé, congestionné et de l’anus resté béant.
Parmi les glandes annexes du tube digestif, le foie est celle qui a subi les modifications les plus prononcées. Il est tuméfié et d’une teinte quelquefois violette, plus souvent jaunâtre, très nette sur le bœuf, moins pro- noncée sur d’autres animaux, particulièrement sur le chien. Vésicule biliaire généralement distendue par une forte quantité de bile.
Rate normale. Reins plus volumineux qu'à Pétat habituel et dont la substance corticale est quelque peu désorganisée si l’empoisonnement a eu une marche lente. Parfois, des traces d'irritation dans la vessie et les uretères.
Les poumons ont leur couleur rosée et ne sont que fort peu engoués. Des spumosités sanguinolentes se constatent dans les bronches et la trachée, mais non con- stamment ; parfois aussi quelques taches ecchymotiques.
Le cœur est en diastole; les ventricules, particu- lièrement le gauche, sont pleins de sang. Il est assez habituel de trouver un engorgement des vaisseaux céré- braux ainsi que du système capillaire sous-cutané. On voit alors un pointillé sur les coupes de matière céré- brale.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 57
Ces constatations faites, il faut revenir sur l’examen des matières älimentaires. Il a été dit qu’il est très facile de retrouver les débris d’If dans l'estomac et les pre- mières portions de l'intestin, en raison du peu de durée de l’empoisonnement. En enlevant le mucus qui entoure et agglutine les aliments ingérés, on distingue avec la plus grande facilité les feuilles de cet arbre; les unes sont encore entières et même réunies sur un frag- ment de petit rameau par 6 ou 8 ; d’autres fois, elles sont coupées, mais encore reconnaissables à leur pointe. Si l’autopsie est faite très peu dé temps après la mort, elles ont conservé leur couleur vert sombre; le plus souvent on les trouve d’un vert jaunâtre.
Mélangés à ces feuilles, on trouve des brindilles, de petits rameaux, avec ou sans écorce.
_ Si l’on conserve quelques doutes sur la nature de ces débris végétaux, pourtant facilement reconnaissables pour peu qu'on ait quelque connaissance de l'If, il faut alors avoir recours à l'examen microscopique du bois.
Mécanisme de l’empoisonnement, — Ce n’est point comme irritant que l’If amène les désordres que nous constatons. Les lésionsinflammatoires delestomac et de l'intestin sont secondaires, c’est par son action anesthé- sique et narcotique d’abord, plus tard par la sédation et l'arrêt du cœur et de la respiration qu’il témoigne de sa puissance. À en juger par analogie, c’est un poison ner- veux, agissant spécialement sur les centres bulbaires. A-t-il aussi une action hématique? Ce point reste à dé- terminer. Parmi les éléments nerveux, les sensitifs sem-
_blent particulièrement atteints.
La question de savoir si la viande des animaux de
__ boucherie qui ont succombé à un pareil empoisonne-
58 DES PLANTES VÉNÉNEUSES. .
points de l'organisme, probablement sur les centres nerveux. Jusqu'à présent, nous ne connaissons qu’un seul fait à l’appui de l'innocuité d’une telle viande. Il est rapporté par Viborg. Un porc venant de suc- comber à l’empoisonnement par l'If, l'estomac et les intestins furent enlevés, la chair de cet animal livrée à la consommation et parmi les personnes qui en firent usage, on ne signala aucun dérangement de la santé.
Ce cas dépose en faveur de la localisation du poison, mais il est unique; avant de se prononcer définitive- ment, il faudra de nouveaux essais.
Le médecin et le vétérinaire ne sont guère appelés pour combattre les effets de l'Tf, leur rapidité n’en laisse généralement pas le temps. Le plus souvent, c'est pour pratiquer des autopsies qui sont toujours d’une grande utilité dans la circonstance. S'il s’agit de l'espèce humaine, qu'il y ait suicide ou homicide, la justice a besoin d'être renseignée. S'il n'y a que perte de bestiaux, il faut voir aussi quelle en est la cause. de façon à pouvoir rassurer les propriétaires, générale- ment très alarmés par la brusquerie du dénouement et qui craignent toujours sPpArt ee d’une maladie conta- gieuse.
Ce n’est guère que lorsque la quantité de poison in- gérée n'a pas été bien considérable et que la phase de coma se prolonge, que l'intervention de l’homme de l’art est utile et qu’il peut porter un pronostic rassu-
rant.
Principe actif. — D’après les sé Rones de Marmé, le principe actif de l’Tf serait la taxine, substance soluble dans l’alcool, l’éther, le chloroforme et la benzine, à peine soluble dans l’eau et insoluble dans Péther de pétrole. En laissant évaporer sa solution benzinique, on l’obtient cristallisée avec assez de facilité. Elle est
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 59
fortement alcaline. D’après Marmé, l’acide sulfurique qui la colcre en rouge serait le réactif qui permetttait de la reconnaître.
L'étude clinique des empoisonnements par l’If révé- lant des différences symptomatologiques, nous sommes enclins à nous demander si, à côté de la taxine, il n’exis- terait pas d’autres principes toxiques dans ce végétal. Est-ce le même corps qui ecchymose le tube digestif et qui agit sur les centres nerveux régulateurs de la circula- tion et de la respiration? Vu la forme foudroyante du dé- nouement, y a-t-il témérité à penser à la formation d’un poison, dans l’organisme, aux dépens des glycosides de PTf d’une part et des liquides organiques d’autre part? Je ne serais point éloigné de soupçonner quelque réaction analogue à celle qui produit l’acide cyanhydrique dans certains végétaux de la tribu des Amygdalées. Si cette vue est exacte, 1l n’est point besoin que cette substance soit mise directement et par la voie digestive en contact avec la salive, le suc gastrique ou d’autres liquides intesti- naux, puisque l'injection hypodermique ou intra-vei- neuse conduit au même résultat.
Quoi qu’il en soit, de nouvelles recherches me sem- blent nécessaires pour élucider ces points. |
Une variété de l’If à baies, le Taxus fastigiata, qu’on trouve en Irlande et qui est caractérisée par ses branches dressées et ses rameaux courts, a occasionné des empoi- sonnements analogues à ceux produits par le type dont elle dérive.
II. — Juniperus. L. (Genévrier). La plupart des espèces de Genévrier ont une odeur forte, une saveur âcre et possèdent des propriétés irritantes; nous signa- lerons les suivantes, comme dangereuses :
A. Juniperus sabina. L. Genévrier sabine ou simple-
bo DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ment Sabine. Arbrisseau des lieux rocailleux, spéciale- ment abondant dans la région pyrénéenne et cultivé quelquefois dans les jardins. Il est dioïque, rameux, à feuilles très petites, squamiformes, imbriquées sur quatre rangs. Les fruits sont de fausses baies de la gros- seur des groseilles, d’un bleu glauque à la maturité et renfermant 1-2 graines.
Les feuilles de la Sabine sont vénéneuses, mais leur odeur forte, résineuse et leur saveur âcre éloignent les bestiaux qui ne les broutent jamais. Elles renferment l'essence de Sabine.
Dans l'espèce humaine, à part quelques indications thérapeutiques bien déterminées, l'emploi de la Sabine se fait dans un but criminel qui relève de la médecine légale.
Du moment où l’empoisonnement par la Sabine ne peut être spontané ni chez l’homme, n1 chez les ani- maux, nous n'avons point à nous en occuper davantage dans ce livre. |
B. Juniperus virginiana. L. Le Genévrier de Vir- ginie, communément désigné sous le nom de Cèdre de Virginie, et appelé aussi Cèdre rouge, Red Cedar, est un arbrisseau de l'Amérique du nord, cultivé à titre ornemental dans les parcs et les jardins. Son bois est brun, odorant, brillant et facile à fendre.
Les chèvres broutent volontiers le Cèdre de Virginie et s'empoisonnent. Douze à quinze heures après en avoir suffisamment ingéré, elles deviennent tristes, grincent des dents; leur sécrétion lactée. est supprimée, une diarrhée intense et fétide se déclare et la mort arrive du 3° au 4° jour après le début du mal.
Avant d’en terminer avec les Conifères, nous signale- rons le danger qu'il y a à laisser, au printemps particu- lièrement, les animaux paître dans les forêts de Sapins
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 61
et de Pins. Éprouvés par le régime du sec auquel ils ont été soumis pendant l’hiver, ils se laissent tenter par les bourgeons et les jeunes pousses qui sont d’un beau vert tendre. L’ingestion de ces parties en quantité un peu considérable occasionne l’hématurie où pissement de sang, affection encore appelée mal de brou ou mal de bois. Comme d’autres bourgeons et jeunes pousses, spé- cialement ceux du Chêne, occasionnent de pareils acci- dents, nous nous occuperons du mal de bois à propos des Cupulifères.
BIBLIOGRAPHIE
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OL) DA LAVE AFTER
62 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
R. MooLen, Empoisonnement d'enfants par l’If, Pharma- ceutical Journal, 1870.
Genévrier. — Pour les empoisonnements par la Sabine, consulter les Traités de matière médicale, de toxicologie et d’obstétrique. Pour le Genévrier de Virginie voyez : CAGNAT. Empoisonnement de chèvres par le J. Virginiana, Recucil de Médecine vétérinaire, 1859.
DEUXIÈME SECTION
PHANÉROGAMES ANGIOSPERMES
Les Phanérogames angiospermes se subdivisent en deux sous-groupes, celui des Monocotylédones et celui des Dicotylédones. Nous avons à examiner dans chacun d’eux les familles et les espèces dangereuses.
PREMIER SOUS-GROUPE
MONOCOTYLÉDONES VÉNÉNEUX
des Angiospermes monocotylédones, neuf doivent être signalées comme renfermant des plantes vénéneuses, ce sont celles des Aroïdées, des Graminées, des Colchica- _ cées,des Liliacées, des Asparaginées, des Smilacées, des _ Amaryllidées, des Dioscorées et des Iridées. Mais l’im- __ portance qu’elles présentent au point de vue où nous sommes placés est bien inégale, aussi leur consacrerons-
4 À _ nous une place en rapport seulement avec les chances
_ d'accidents qu’elles offrent.
ARTICLE [%. — AROÎDÉES
_ Cette famille est riche en espèces tropicales, mais _ pauvrement représentée dans les pays tempérés. Elle
Des familles nombreuses qui forment le sous-groupe
64 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
est constituée par des plantes herbacées vivaces, acaules, à racine charnue, âcres et vénéneuses pour la plupart dans toutes les parties.
L’attention se portera sur les genres Arum et Calla.
I. — Arum L. (Gouet). Dans ce genre, on doit signaler en première ligne l’Arum maculatum (L.) ou Gouet tache.
Cette plante (fig. 3), désignée vulgairement sous le nom de Pied-de-veau, est herbacée, vivace, à souche épaisse, à feuilles amples, engainantes à la base, luisantes et tachetées de noir. Sa spathe est ouverte en cornet et renferme un spadice droit, blanchâtre, qui se flétrit après l’anthèse; il porte à sa base les fleurs femelles et au-dessus les fleurs mâles. D’abord verdâtres, les baies deviennent rouge corail à la maturité.
Le Gouet taché croît dans les lieux ombragés et un peu humides.
Toutes ses parties, souche, feuilles et fruits, sont vé- néneuses. Elles renferment un suc, dont l’analyse chi- mique reste à faire et qui, heureusement, perd ses pro- priétés par la dessiccation ou la cuisson de la plante.
Les fruits, bacciformes et d’un beau rouge, ont tenté de malheureux enfants qui se sont empoisonnés en les consommant, malgré l’odeur spéciale qu’ils répandent quand on les écrase.
Les feuilles qui exhalent, lorsqu'on les froisse ou les” broie, l’odeur fétide déjà signalée, ne sont prises spon- tanément par les animaux que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Comme le Gouet est une plante vivace, il peut arriver que des bestiaux soumis au régime du sec pendant toute la durée de lhiver, finissent par l’accepter. Mais ils n’en prennent jamais une quantité suffisante pour s’empoisonner mortelle-
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06 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ment, ils la refusent bientôt. Dans mes expériences, des cobayes à qui l’on présentait cette plante à l'exclusion de tout autre aliment, y touchaient fort peu et se se- raient plutôt laissés mourir de faim que de s’empoi- sonner en la mangeant en abondance.
La racine trouvée par le porc n’est jamais, non plus que la feuille, prise en quantité suffisante pour le tuer, elle n’occasionne qu’un dérangement de la ‘santé dont on va voir maintenant les symptômes.
Mis en contact avec les muqueuses, le suc de l'Arum agit comme irritant. La bouche et la langue du porc qui a mâché quelques racines fort riches en ce suc rou- gissent et se tuméfient, la salive coule et bientôt la déglutition devient difficile en raison de linflammation de l’arrière-bouche. |
Introduit en petite quantité dans le tube digestif, comme c’est toujours le cas, je le répète, dans les em- poisonnements spontanés des animaux, l’'Arum agit à ia facon des irritants, des purgatifs et parfois des vomitifs. Il y a de vives douleurs intestinales, de lagitation, un peu de contraction musculaire des membres, du balan- cement de la tête, une superpurgation avec épreintes. Le ventre reste douloureux et l’appétit peu marqué pendant quelques jours.
Si la quantité a été suffisante pour causer la mort, comme on le voit dans l’'empoisonnement de jeunes en- fants par les fruits. indépendamment des symptômes de superpurgation, apparaissent des crampes, des convul- sions, des douleurs stomacales terribles, avec sensation de brûlure à l’arrière-bouche et à l’épigastre, tous sym- ptômes qui avaient fait établir aux anciens médecins un rapprochement entre l'empoisonnement dont il s’agit et le choléra. La mort survient de la dixième à la vingtième heure après l’ingestion du fruit vénéneux,
re
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 67
si les soins médicaux ont été trop tardifs ou infruc- tueux. Le pronostic est toujours grave quand :ïl s’agit des
enfants, et l’on doit, en attendant l’arrivée du médecin,
tâcher de faire rejeter, par le vomissement, le végétal toxique, puis administrer du lait à titre d’adoucissant.
L'ancienne médecine employait la racine d’Arum comme médicament purgatif; elle est aujourd’hui com- plètement abandonnée.
L’Arum italicum, qui n’est peut-être qu’une variété de l'espèce précédente, mais plus développée et plus méridionale, possède les mêmes propriétés et appelle par conséquent les mêmes observations.
L'Arum dracunculus L. ou Gouet serpentaire a des feuilles longuement pétiolées et digitées, sa spathe est pourpre en dedans, son spadice rougeâtre répand une mauvaise odeur. Il est moins âcre que les deux précé- dents, néanmoins, il n'est pas plus accepté qu’eux des bestiaux et 1l pourrait occasionner les mêmes accidents.
IT. — Calla, L. (Calla). — Dans ce genre assez peu étendu, nous trouvons le Calla palustris dont le rhy- zome, passablement volumineux, est âcre et dont l’in- gestion peut amener des dérangements intestinaux. Ainsi que les Gouets, le Calla des marais perd ses pro- priétés nocives par la cuisson et peut même devenir
comestible.
ARTICLE II, — GRAMINÉES
La famille des Graminées, si importante par le nom-
bre de ses espèces, la profusion avec laquelle elles sont
répandues, surtout dans les pays tempérés, les produits
_ qu’elles fournissent à l’agriculteur et à l'industriel, n’a
CONTRE
58 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
heureusement qu’un intérêt fort restreint pour le mé- decin et le toxicologiste.
Dans notre flore, deux genres de cette vaste famille, Lolium et Zea, ont seuls été signalés comme renfer- mant des plantes suspectes. On a bien accusé le genre
Melica de fournir une espèce, la Molima cœrulea
(Mélique bleue), qui serait malfaisante pour les chevaux au moment de sa floraison, mais c’est un point qui reste douteux. Nous dirons aussi qu’il existe au Pérou une graminée, la Festuca quadridentata, dite Pigonil, qui passe pour fort vénéneuse; nous nous conten- terons de la mentionner à cette place, car nous man- quons de renseignements détaillés sur son histoire toxicologique.
$ I. — Des Ivraies vénéneuses; de l’Ivraie enivrante en particulier (Lolium temulentum, L.)
Le genre Lolium L. (Ivraie) renferme des plantes herbacées, à inflorescence en épi allongé et comprimé, à épillets comprimés latéralement, à 3-25 fleurs, le ter- minal à 2 glumes, les latéraux à une seule, par suite de l'avortement habituel de la supérieure. Glume inférieure herbacée, résistante, convexe. Fleurs hermaphrodites. 2 glumelles, 2 stigmates terminaux sortant à la base de la fleur. Le fruit est un caryopse soudé aux glumelles, al- longé, avec un sillon sur l’une de ses faces. Feuilles rou- lées ou pliées dans la pousse.
Parmi les espèces de ce genre, deux constituent d’ex- cellents fourrages et entrent dans la composition des prairies, ce sont : le Lolium perenne, communément appelé Ray-grass anglais et regardé comme une de nos graminées fourragères les plus précieuses, et le Lolium italicum, Ivraie ou Ray-grass d'Italie, un peu moins
| DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 69
_ apprécié que le précédent. Le L. multiflorum n’est pro- bablement qu’une variété de l’Ivraie vivace et participe
| à ses qualités fourragères. Deux autres sont des plantes adventices, messicoles et vénéneuses sur lesquelles notre attention doit s’arrêter, il s’agit du Lolium temulentum et du Lolium linicola. A.— Lolium temulentum L. ([vraie enivrante). Plante annuelle, herbacée, de 60 centimètres de hauteur en moyenne, que l’on distingue de l'Ivraie vivace et de l’I- vraie d'Italie par sa tige généralement plus forte et par ses glumes qui dépassent ses épillets, tandis qu'elles sont plus courtes que ceux-ci dans les deux espèces pré- citées (Voyez les fig. 4, 5 et 6). Elle fleurit de juin à août. La tige et les feuilles de l'Ivraie enivrante ne sont pas dangereuses pour le bétail qui les broute ; il est possible qu'elles renferment les principes vénéneux dont nous allons parler, mais soit qu'ils s’y trouvent en trop faible quantité, ou que les éléments qui doivent les constituer ne soient pas encore associés, on ne signale point
d’accidents par leur usage. Il n'en est pas de même du grain. Il est vénéneux _ pour l’homme et les animaux, et le danger qu'il pré- _ sente est d'autant plus grand que l’Ivraie enivrante étant une plante messicole, son grain se mêle à celui des céréales, et s’il échappe au criblage, il peut être broyé au moulin avec le blé, le seigle, l’orge et l’avoine. Sa farine, se mélangeant en quantité suffisante à celle des céréales, amène l’empoisonnement des personnes _ qui mangent sans défiance le pain qui en provient _ et dont aucune saveur ni aucune odeur particulières . ne décèlent les fâcheuses propriétés. Mélée à l'orge et .- à l’avoine, l’Ivraie est consommée à l’état de grains _ par les animaux, chevaux, porcs, moutons, auxquels
7o DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
en boissons blanches, en barbottages, en machs, etc.
Il paraît que dans le Midi on distribue quelquefois l’Ivraie à des mulets rétifs avant de les mettre en vente, afin de dissimuler le vice dont il sont atteints par l’état comateux où les amène momentanément cette graine.
Dans la pratique ordinaire, le danger est surtout dans la distribution des criblures aux animaux de la ferme. Chacun sait que pendant l'hiver le cultivateur, au fur età mesure du battage, passe ses grains au tarare et donne les déchets comme nourriture à son bétail. D'après l’expérience personnelle que j'en ai, je n'hésite point à attribuer, pour la plus grande part, les troubles intestinaux, les coliques sourdes-et persistantes, la som- nolence, la gastro-entérite accompagnée ou non de jau- nisse, qu'on constate pendant l'hiver, particulièrement sur les jeunes chevaux, à l'usage de criblures où se trouvent des graines de Nielle, de Coquelicot, de Ja- rosse, et où l'Ivraie enivrante tient sa place.
Enfin l'on a constaté, pour l'espèce humaine, des ac- cidents dus à l'usage de bière fabriquée avec de l'orge infestée d'Ivraie et d’eau-de-vie obtenue par la fermenta- tion de seigle renfermant également une forte propor- tion de zizanie, nom sous lequel, en bien des Es on désigne l'Ivraie. |
Dans 16 fabrication de la bière, on mêle parfois inten- uonnellement l'[vraie à l'orge, afin de donner, croit-on, plus de montant à cette boisson. C'était même une pra- tique si répandue au moyen âge, que des règlements furent édictés, dès l’époque de saint Louis, pour dé- fendre « de faire entrer l’Ivraie dans la bière ».
Les anciens, particulièrement les Orientaux, connais- saient les propriétés de l'Ivraie et ils les exagéraient même. Sans appuyer mon dire de nombreuses citations faciles à faire, je rappellerai simplement que Virgile
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 71
accole l'épithète d’infelix au mot Lolium, indiquant par ce qualificatif les effets funestes qu'on lui attribuait de son temps.
Plus tard, alors que la nourriture des populations de
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FiG. 4. Fic. 5. à F1G. 6.
RaAY-GRASS vIVACE. RaAy-GRASS D'ITALIE. IÎVRAIE ENIVRANTE.
_ nos campagnes était si grossière, l’attention n’a pas cessé . de se porter sur cette plante dont les grains entraient _ dans l'alimentation humaine avec ceux des céréales.
_ , Puisque le grain seul est dangereux, nous devons
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v2 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
nous attacher tout particulièrement à le décrire, afin de fournir les moyens de le reconnaître lorsqu'il est mêlé à d’autres semences de céréales. L'examen de son amidon doit également nous arrêter pour le cas où il aurait été broyé et mêlé aux farines comestibles.
Les grains de l’Ivraie enivrante, tombés à maturité, sont isolés ou encore réunis à une portion de l'axe de l’épillet. On trouve souvent, mélangée avec eux, la glume qui accompagnait l’épillet dont ils faisaient par- tie, Ces grains ne sont jamais nus, mais constamment enveloppés de deux glumelles très adhérentes qu'on ne sépare qu'en y mettant du soin. La glumelle inférieure porte une arête longue et très pointue qui ne part pas de son sommet, mais naît en dessous. C'est la présence
de cette longue arête qui distingue le caryopse du L.
temulentum de celui du L. perenne. Le L.italicum en pos- sède une aussi, mais sa graine, comme grosseur, estinfé- rieure à celle de l'Ivraie enivrante.La glumelle supérieure présente un sillon large, profond, dans lequel se voit, le plus souvent, le pédicelle qui l’attachait à l'épillet. Les extrémités de ce caryopse sont obtuses ou subobtuses.
Il n'y a guère qu'avec les grains des Bromes qu'on pourrait confondre ceux de l’Ivraie enivrante, mais avec un peu d'attention, la confusion ne se fera pas. Les se- mences de Bromes ont des reflets violacés que ne pré- sentent point celles des [vraies qui sont jaune verdâtre, elles sont plus allongées, plus pointues à leurs extrémités, plus minces, leur glumelle supérieure est ciliée sur ses bords. Les enveloppes détachées, on trouve, pour l’Ivraie enivrante, un grain relativement gros et riche en farine,
tandis que celui des Bromes est comme racorni, spici-
forme et moins riche. Débarrassé de ses glumelles, le rite de l’Ivraie eni- vrante rappelle quelque peu un'grain de seigle avorté,
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Fic 7. À. AMIDON D'IVRAIE ENIVRANTE. — B. AMIDON DE 5E?GLE. FA 4à 84 25 à 45 pu
(Grossissement = 260)
supérieure. Écrasé, il ne dégage aucune odeur; sa farine placée dans la bouche ne décèle non plus aucune saveur _ ‘spéciale. | | . Les granulcs d'amidon delIvraie enivrante se distin-
74 DES FLANTES VÉNÉNEUSES.
guent facilement de ceux du froment, du seigle, de l'orge, aveclesquelsils peuvent se trouver mêlés.En effet ils sont beaucoup plus petits, de 5 à 8 x de diamètre, simples en grande majorité, quelques-uns agrégés et d’autres, plus rares, composés de 3 à 5 granules, polyé- driques ou arrondis partiellement, avec un nucléus ou une cavité nucléale fusiforme. L’iode les colore très bien en bleu. Ils se rapprochent assez de ceux du maïs, mais ils sont environ 8 fois moins gros. Quant à ceux du Brome, la confusion n’est nullement possible, car ils appartien- nent au groupe des granules simples terminés de tous côtés par des surfaces arrondies et leur grosseur les rapproche de ceux des céréales, notamment de ceux de l'orge. Au reste un coup d’œil jeté sur la figure ci-contre donnera immédiatement une idée de la conformation de l’amidon de lIvraie et de la différence qu’il présente avec celui du seigle auquel il est le plus souvent mélangé.
L’amidon de l’Ivraie est blanc, il n’a ni odeur ni sa- véur'et. ceñmn'est point à lui qu il faut attribuer l'acti- vité db la graine qui lie produit. MM. Baillet et Filhol ont dirigé Haes recherches vers ce dernier point. Ils ont vu que la vénénosité résulte de deux principes dif- férents : une matière jaune spéciale, associée à une cer- taine quantité de cholestérine, contenue dans une huile verte qu’on sépare du grain par l’éther; puis une sub- stance existant dans l’extractif qu’on sépare, par l’eau, de - la farine préalablement épuisée par l’éther. Ils ne sont pas volatils et ils s’altèrent quand on les soumet à une température dépassant 100°. L'un et l’autre sont solubles dans Palcool. Si ces deux substances, matière jaune et extractif, sont nuisibles et vénéneuses, elles ne sont point les principes actifs, isolés et purs; nous ne con- naissons pas encore dans quel groupe chimique ceux- ci devront être placés et quelle sera leur formule.
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Il reste donc une lacune importante à combler, car lors d’expertises relatives à des farines suspectées ren- fermer de l’Ivraie enivrante, il serait utile de pouvoir séparer à l’état de pureté chimique, les corps toxiques. En attendant que ce désidératum soit rempli, on se rap- pellera les indications précieuses que fournit le micros- cope pour la distinction des amidons et on recourra aussi aux manœuvres fort simples indiquées par MM. Baillet et Filhol pour l’extraction des principes vénéneux. En traitant par l’éther une farine renfer- mant une proportion nuisible d’Ivraie, on obtiendra une matière grasse de couleur olive, se rapprochant de laxonge par sa consistance. Traitée à froid par l'alcool à 85 degrés, elle se dédouble en deux substances, l’une soluble dans l’alcool est jaune orangé, l’autre insoluble est verte. L’évaporation de l’alcool donne à la sub- stance jaunâtre une consistance de cire.un peu molle.
La matière obtenue par l’éther est un poison, comme il sera toujours facile de s’en assurer sur quelques sujets d'expérience. Orfila avait d’ailleurs déjà conseillé de traiter une farine suspecte par l'alcool, avançant que si elle renferme de lIvraie, l'alcool prendra une teinte jaune verdâtre.
Quoique non isolées, les deux substances trouvées par MM. Baillet et Filhol, ont été bien étudiées par ces auteurs dans les effets qu’elles produisent sur les animaux auxquels on les administre; ils ont constaté que ces effets sont différents, suivant qu’on administre Pun ou l’autre des deux principes et suivant les espèces qui les reçoivent; l’un et l’autre peuvent amener la mort.
Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point, mais comme ces deux principes sont associés dans les grains
_ ou dans la farine consommés par l’homme et les ani-
maux, leurs effets s’enchevètrent dans l’empoisonnement
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76 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tel qu’il a lieu dans les conditions ordinaires. Nous
devons donc examiner d’abord les effets de l’intoxica- tion que j'appellerai complète.
Nous ne possédons que peu de documents sur la quantité de graines nécessaire pour amener la mort. Cette quantité doit être élevée, car si les empoison- nements ont été relativement communs, surtout autre- fois où la condition du paysan était loin d’être ce qu’elle est actuellement et où l’on ne s’attachait point à
Pépuration des grains et des farines comme aujour- d’hui, les cas où la mort en a été le dénouement sont
fort rares. On en cite un où l'individu qui succomba avait consommé un pain fabriqué pour un tiers de farine de froment et deux tiers de farine d’Ivraie. Dans un autre exemple, un paysan avare fit moudre du blé et de l’Ivraie dans la proportion de 1 du premier pour 5 de la seconde; la consommation du pain fait avec la farine qui en résulta, amena sa mort. Il est douteux qu'on trouve quelque part aujourd’hui dans notre pays, des individus, même poussés par la misère ou l’avarice, disposés à faire de pareils mélanges.
La dose de 30 grammes de farine d’Ivraie paraît être le maximum de ce qu’un homme adulte peut prendre sans ressentir de symptômes fâcheux, au delà commen- cent des accidents qui vont en augmentant proportion nellement à la quantité ingérée.
Le poids de grains nécessaire pour tuer 1 kilog. de poids vif est de : | |
Pourles Rquidés. ,1, +. 40 60 environ. MP ERIEN.. ie s'# SR DER —
Les ruminants et les oiseaux de basse-cour paraissent peu sensibles aux effets de l’Ivraie; 1l faut aller jusqu’à
15 à 18 grammes de graines par kilog. de poids vif pour
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produire des phénomènes de malaise : titubation, saliva- tion, griñcement de dents, arrêt d’appétit et de rumina- tion chez le mouton; je ne crois pas qu’on soit jamais parvenu à éempoisonner mortellement avec l’Ivraie intro- duite par la voie digestive cet animal,pas plus que lebœuf, mais par la voie intra-veineuse ou hypodermique, on y arrive sans difficulté. Les porcs sont très peu affectés par l’[vraie; les poules et les canards sont moins sensi- bles encore à ses effets, car Clabaud rapporte qu’il a nourri pendant cinq semaines des poulets, d’abord avec de l’Ivraie en grains, puis de pâte faite de farine, puis de son, puis de pain d’Ivraie et enfin de grains d’Ivraie fermentés, tout cela sans que les animaux aient pré- senté les symptômes spéciaux de l’empoisonnement; il fait seulement remarquer qu’ils avaient beaucoup maigri à ce régime. M. Baillet a dû employer l’extrait de 3 kilog. 400 grammes pour tuer une poule.
Symptomatologie.— Chez l’homme, après l’ingestion d’Ivraie réduite à l’état de pain ou de gâteau il y a ver- tige, éblouissements, raideur dans les mouvements, courbature et somnolence très accentuée. Le malade cède généralement au sommeil et les symptômes se dissipent. Si la quantité de poison a été plus forte, il éprouve en outre des nausées, avec ou sans vomissements, du pyro- sis, de la pesanteur à l’épigastre, des troubles de la vue et des bourdonnements d’oreilles, puis 20 à 24 heures après, de la diarrhée avec douleurs intestinales plus ou moins violentes, du ténesme vésical avec mictions fré- quentes et douloureuses. Pas de sueurs. Enfin si la quantité a été telle que la mort en doive être la consé- _ quence, celle-ci arrive à la suite de coliques très vio- _ lentes, accompagnées parfois de dysenterie; la respira- _ tion se ralentit, le pouls est petit, il y a des convulsions, _ du délire.
78 DES PLANTES VÉNÉNEUSES. |
La symptomatologie a été bien tracée pour les ani- maux par MM. Baillet et Filhol; nous allons la leur emprunter :
« Lorsque l’on fait prendre à des carnassiers (chiens ou chats) de l’Ivraie que l’on réduit en farine et que l’on associe à leurs aliments ordinaires, à la dose de 250 à 500 grammes pour le chien, et de 40 à 200 grammes pour le chat, on ne tarde pas à voir se manifester les effets de cette substance toxique. Un quart d’heure, une demi-heure, ou une heure au plus, après l’ingestion, l'animal devient triste et cherche à se retirer dans un coin du lieu où on l’observe. En même temps des trem- blements apparaissent dans diverses régions du corps; ces tremblements d’abord faibles, locaux et passagers, deviennent bientôt généraux, continus et d’une violence plus ou moins marquée. Le plus souvent ils sont accom- pagnés de contractions spasmodiques des muscles des membres, du cou, de la face et des paupières, de mou- vements convulsifs, et parfois même de raideur tétani- que momentanée du cou, des membres et de la queue. Souvent les animaux que l’on voit d’abord répandre une bave abondante et filante finissent par vomir, mais Pabsorption des principes actifs est si rapide, que le vomissement, même lorsqu'il est effectué fort peu de | temps après l’ingestion du poison, ne suffit pas pour soulager le malade et pour le tirer de danger. Il est même ordinaire de voir les symptômes s’aggraver dans les instants qui suivent le rejet des matières contenues dans l’estomac. Comme nous l’avons dit déjà, lorsque les animaux qui sont sous Le coup de l'empoisonnement par l’Ivraie sont abandonnés à eux-mêmes, ils cherchent à se coucher. Si on les tait lever et marcher, d’autres symptômes apparaissent. En général, on voit l’animal écarter les membres comme pour élargir la base de sus-
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tentation; sa démarche est embarrassée, chancelante, il pose ses pattes sur le sol avec hésitation comme s’il éprouvait quelque douleur, et le plus souvent les trem- blements généraux et les contractions involontaires des muscles sont si forts, que le malade pour se soutenir est obligé de s’appuyer contre le mur ou contre les corps voisins. Si alors on le force à marcher, il trébuche et parfois même, ses membres fléchissant brusquement, il s’affaisse sur le sol et ne se relève qu'avec difficulté. Quelques sujets, dans les intervalles des crises où les symptômes s’exagèrent, recherchent les boissons, mais il ne boivent qu'avec beaucoup de peine, à cause des tremblements dont les mâchoires sont agitées. Il en est de même encore lorsqu'ils veulent prendre les aliments qu’on leur présente au moment où les symptômes com- mencent à se calmer, et nous avons vu des chiens, dans ces circonstances, pousser avec le nez les morceaux de viande qu’on leur offrait sans pouvoir réussir à écarter les mâchoires pour les saisir.
« Quelque vives que soient les douleurs qu’éprouvent les animaux soumis à l’influence de l’Ivraie, la part d’in- telligence que la nature leur a départie ne paraît nulle- ment altérée. Ils entendent encore parfaitement la voix des personnes qui leur donnent des soins, répondent à leur appel en levant la tête, en agitant la queue, et par- fois même, lorsqu'ils ne peuvent plus marcher, ils se traînent sur le sol pour venir chercher des caresses. Il semble néanmoins qu’à ce moment les sensations que l'animal perçoit par les yeux sont confuses. Presque tou- jours, en effet, les pupilles sont énormément dilatées. Une fois, cependant, nous avons observé que, sur un chat, elles étaient contractées outre mesure. © « Aux symptômes essentiels que nous venons d’indi- quer on peut ajouter que la respiration et la circulation
So DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
sont accélérées, que les battements du cœur sont forts, et que les muqueuses de la bouche et de l'œil sont d’un rouge violacé. |
« Quand la dose d’Ivraieadministrée n’est pas suffisante pour déterminer la mort, les symptômes se calment peu à peu. Le temps après lequel le calme survient est très
variable. Le plus souvent, il est de trois à six ou huit heures. En général une période de somnolence et de coma succède à la violente agitation et aux convulsions qui se sont d’abord montrées. L'animal se couche et s'endort, et, pendant son sommeil, on observe encore des tremblements, et de temps à autre des soubresauts de tout le corps et des mouvements convulsifs dans les membres. Toutefois, ces derniers symptômes ne tardent pas à disparaître à leur tour, et c’est tout au plus si, le lendemain de l'expérience, on voit encore, à des inter- | valles de plus en plus rares, des tremblements partiels. Du reste, on conçoit que nee différences doivent se ma- nifester ici, suivant le degré de résistance des animaux, et suivant e dose du poison qu’ils ont prise. Nous avons vu un chien, soumis à l’action de l’un des principes ac- tifs de l’Ivraie, offrir encore de temps à autre des trem- blements partiels, sept ou huit jours après celui où le poison avait été administré. | È _ « Lorsque la dose du poison est assez élevée pour déter- miner la mort, les symptômes, au lieu de se calmer, s’aggravent. Les convulsions deviennent d'une violence extrême, et c’est le plus ordinairement au milieu d’une crise de convulsions que l’animal succombe.
«Lésions. —A l’autopsie,on rencontre toutes les lésions qui caractérisent l’action des poisons narcotico-âcres. La muqueuse de l'estomac et celle de l’intestin présentent les traces d’une irritation plus ou moins vive, qui parfois s'étendent sur une assez grande surface, et qui, d'autres
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fois, son: très limitées. Le foie et la rate sont gorgés de sang noir. Tout le système veineux est rempli de sang offrant la même teinte, que l’on retrouve aussi dans la petite quantité de ce liquide que renferment le cœur gauche et les principaux troncs artériels. Tout indique aussi une congestion des centres nerveux. Les vaisseaux qui rampent à la surface de l’encéphale et de la moelle épinière sont distendus par le sang, et lorsqu'on fait des coupes de la substance nerveuse, on reconnait un sablé de points rouges qui sont comme autant de petits foyers apoplectiques.
« On a réussi à provoquer la mort d’un cheval, à l’école vétérinaire de Lyon, en lui faisant prendre deux kilo- grammes d’Ivraie. Les symptômes qui ont alorsété obser- vés sont une forte dilatation des pupilles, du vertige, une marche chancelante, des tremblements partiels dans diverses régions et des mouvements particuliers d’on- dulation du corps d’avant en arrière. L’animal est en- suite tombé, son corps était froid, ses extrémités raides et tendues, la respiration difficile, le pouls lent et petit, et des mouvements convulsifs avaient lieu dans la tête et dans les membres. Cet état se prolongea jusqu’au lendemain. L’animal s’affaiblit rapidement, une bave filante s'échappait de la bouche, et la mort survint trente heures après le début de l’expérience. A l’autop- sie on ne trouva pas autre chose que des traces d’irri- tation dans l’intestin grêle et le gros intestin. »
Il a été dit précédemment que deux principes avaient été extraits des graines du L. temulentum. Bien qu'ils n'aient point été isolés et obtenus à l’état de pureté, il a été néanmoins constaté que la matière jaune, obtenue à l'aide de l’éther, agit à la façon des hyperesthésiques,
_ elle provoque des tremblements, de la salivation, par-
fois des vomissements, des convulsions et de la raideur 6
EP, 7 NRA
8 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tétanique. L’extrait aqueux représente un mélange d’ef- fets anesthésiques et narcotiques : somnolence, coma, prostration et incoordination des mouvements; 11 ya aussi salivation et vomissements, comme dans l’admi- nistration de la matière jaune. |
Les carnassiers paraissent d’une susceptibilité à peu près égale pour les deux principes, mais les solipèdes, les bêtes ovines et les poules sont particulièrement sen- sibles à la matière jaune, tandis que le lapin et le canard sont plus impressionnés par l'extrait aqueux.
Il a été dit que ce n’est que très exceptionnellement, et alors que la dose ingérée a été relativement énorme que la mort est le résultat de l’empoisonnement par VI- vraie. Le pronostic peut donc être rassurant dans la très grande majorité des cas.
En présence des méfaits de l’Ivraie, le cultivateur devra s'attacher à ne confier à la terre que des semences purgées de plantes messicoles et, en l'espèce, de Lolium temulentum. Si, malgré ses soins, ces plantes apparais- sent, il devra les sarcler. Sa vigilance devra être appelée aussi sur les criblures dont nous avons dit les dangers, et si ces résidus étaient par trop infestés de mauvaises graines, il ne faudrait pas hésiter à les détruire.
Telle est, tracée à grands traits, l’histoire toxicologi- que de l'Ivraie enivrante. J’ajouterai que la culture ne lui enlève point ses propriétés malfaisantes, ce qui s'ex- plique, puisque c'est une plante messicole qui profite, à ce titre, des labours et des engrais donnés à la terre, en vue de la culture des céréales qu'elle accompagne.
Trois variétés du Lolium temulentum, plus ou moins communes selon les localités, sont vénéneuses au même titre que le type, ce sont : L. leptochæton, Braun (L. arvense de With et L. robustum de Rehb.), L. ma- crochæton, Braun et L. oliganthum de Godron..
DES PLANTES VEÉNÉNEUSES. 83
B. — TI était utile de rechercher si d’autres [vraies possèdent aussi des propriétés vénéneuses. MM. Baiïllet et Filhol se sont chargés de cette tâche. Ils ont constaté que le L.1talicum, ou Ray-grass d'Italie, est inoffensif. Le L. perenne renferme un peu de matière extractive, mais en si faible proportion qu'on peut, dans la prati- que, le regarder comme inoffensif. Il n’en est pas de même du L. linicola.
_L. linicola Sond. — L'Ivraie linicoie est une plante annuelle à tiges simples, droites et grêles, naissant par- fois par deux ou trois sur une même touffe de ra- cines. Les feuilles, peu nombreuses, sont étroites, lisses, à ligule courte et tronquée. La glume est un peu plus courte que l’épillet, caractère qui semble la rappro- cher des espèces inoffensives et la glumelle inférieure est mutique ou parfois surmontée d’une arête courte et grêle, s’insérant au-dessous du sommet. Malgré la dis- position de sa glume, quelques auteurs soupconnent l’I- vraie linicole de n'être qu'une variété de l’Ivraie -eni- vrante, modifiée par le voisinage de la plante près de laquelle elle vit.
Elle croît exclusivement, en France tout au moins, dans les champs de lin. « Son grain ne se rencontre donc que dans la graine de lin que l'on récolte pour les besoins des arts et de l’industrie ou pour l’usage de la médecine. Il n’a guère que le tiers ou le quart du vo- lume que présente le grain du L. temulentum dont il rappelle assez la forme. Il est, comme lui, enveloppé de ses glumelles, creusé d’un sillon assez large sur sa face ventrale, et muni à sa base d’un fragment de l'axe, qu'il a emporté au moment où il s'est détaché. Mais il est proportionnellement un peu plus allongé et d'une couleur plus terne et plus sombre. Le caryopse, que l’on _ sépare très difficilement de ses enveloppes, est lisse, at-
S4 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ténué à chacune de ses extrémités, renflé dans son mi- lieu et affecte un peu la forme d'un fuseau raccourci. Le sillon de sa face ventrale est peu profond. Le grain renferme une quantité de farine plus grande que celle que l’on devait s'attendre à y rencontrer en raison de son volume peu considérable. Cela résulte du peu d'é- paisseur de la pellicule de son qui le revêt. Par tous ces caractères, le grain du ZL. linicola se distingue facile- ment au milieu des graines de lin qui sont elliptiques, lisses, brillantes, aplaties et de couleur brune. »(Baïllet.)
On trouve dans l’Ivraie linicole la matière jaune et l’extractif rencontré dans l’Ivraie enivrante, et la pro- portion de ces substances y est même plus élevée. Les symptômes et les lésions de l’empoisonnement par cette plante étant identiques à ceux que nous avons décrits pour l’Ivraie enivrante, nous n’avons pas à y revenir.
Les recommandations faites à propos de cette dernière sur la nécessité de sarcler les moissons, de cribler les grains et même de détruire les criblures où elle se trouve en abondance, s'appliquent de tous points à l'Ivraie linicole. Le médecin et le vétérinaire devront veiller à ce que la graine de lin qu’ils ordonneront pour tisanes ou boissons adoucissantes et diurétiques soient soigneusement expurgées de l’Ivraie qui la pour- rait souiller.
Il sera bon que les propriétaires qui donnent des cap- sules de lin à leurs animaux, comme aliment ordinaire, ainsi que des graines de lin pendant le cours de l’engrais- sement, fassent de même. On a signalé en Belgique des cas d’empoisonnements de bestiaux qui recevaient du linet des capsules de lin, empoisonnements qui se tradui- saient par de l’hypersalivation, de la gastro-entérite, de la météorisation et de la paralysie, avec vue obtuse, yeux enfoncés, langue pendante, pouls petit et accéléré, et
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terminaison mortelle. N’y a-t-il pas bien des raisons de croire que ce n’est pas le Lin qui a été le coupable ainsi que le pensentles vétérinaires belges, mais plutôt l’Ivraie linicole qui pouvait s’y trouver mêlée ?
S II. — De quelques accidents attribués aux fleurs mâles du Maïs.
Les caractères botaniques du Maïs (Zea maïs) L. sont trop connus pour que, dans un ouvrage de la na- ture de celui-ci, il y ait quelque utilité à les rappeler. Il en est de même des services que rend cette précieuse graminée dans l’alimentation humaine, dans l’affou- ragement de nos bestiaux et dans l’industrie dela distil- lerie. Aussi passons-nous immédiatement aux observa- tions d’ordre médical qui s’y rattachent.
Le Maïs a des épillets monoïques, les mâles sont réu- nis en une panicule terminale; les femelles, placées plus bas, sont axillaires sur un axe épais et enfermées dans des bractées engainantes. Depuis quelques années, on emploie en médecine les stigmates de Maïs pour remé- dier aux affections calculeuses de la vessie, et l’on dit grand bien des effets produits, dans ces cas, par la partie de la fleur femelle employée. D'après les uns, elle les devrait à un sel de lithine, probablement le carbonate, qui a la propriété de favoriser la dissolution des calculs urinaires. Suivant les autres, elle éloignerait seulement les coliques néphrétiques, en empêchant les phéno- mènes réflexes qui les produisent.
Mais, depuis quelque temps aussi, des vétérinaires ont signalé les fâcheux effets qui résultent pour les bêtes bovines de l’ingestion des panaches de fleurs mâles. Dans les régions où le Maïs est très largement cul- tivé, comme dans la haute Italie, par exemple, lors
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86 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
de la floraison et quand on suppose la fécondation ac- complie, les cultivateurs coupent les panaches qui portent les fleurs mâles et les distribuent aux bêtes à cornes. Or, cette alimentation, continuée pendant quel- que temps sans interruption, aurait pour résultat, d’a- près les observations de vétérinaires italiens, d’occasion- ner la formation de calculs et la production de toute une série d’accidents du côté de l’appareil urinaire. Ce n’est que consommés à l’état frais que les panaches sont dan- gereux;; desséchés, ils cessent de l’être, malgré qu'ils aient été récoltés au moment de la floraison. La nature du terrain sur lequel végète le Maïs influerait sur sa nocivité et les formations argileuses le rendraient inof- fensif ou à peu près.
En Italie, on commence à observer les accidents sur les bœufs nourris aux cimes de Maïs dans la première moitié de juillet ; ils sont très nombreux dans la dernière quinzaine, puis décroissent pour cesser vers le 10 ou 12 août. Ils coïncident donc complètement avec l’épo- que de la floraison de cette graminée dans la Lombardo- Vénétie. :
Les accidents produits sont : des coliques néphréti- ques, la dilatation des uretères, la cystite, l’uréthrite et l'arrêt partiel ou total de l’excrétion urinaire. Ils recon- naissent pour cause le passage dans les voies urinaires d’une poussière irritante, fine, de couleur jaune pâle qui, suivant la nature des accidents observés, reste disséminée ou s’agrège en concrétions de volume variable, formant des calculs généralement cylindriques, à extrémités ar- rondies et d’une longueur variant de quelques milli- mètres à cinq centimètres. On n’aperçoit à leur intérieur aucune trace de stratification, ils ont l’apparence cris- talline bien marquée, se réduisent facilement en pous- sière et sont aisément taillés par l’instrumenttranchant.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 87
Après quelque temps d'exposition à l'air, ils deviennent grisâtres et plus durs.
Il y avait lieu de se demander si la poussière urinaire ou les calculs n'étaient pas produits directement par le passage du pollen, toujours abondant sur les cimes du Maïs, dans les voies urinaires. Ce fut l'opinion soutenue par M. de Tuoni, ancien professeur à l'Ecole de Turin. Mais elle n’est appuyée ni par l'examen microscopique, ni par l’expérimentation. Quand on examine au micros- cope comparativement du pollen de Maïs et de la pous- sière urinaire, on ne trouve aucune ressemblance. Les grains urinaires se présentent sous l'aspect de petits cristaux prismatiques à quatre faces latérales et à extré- mités à deux facettes, ils sont plus pesants que l’eau, 1in- solubles dans ce véhicule et dans l'acide acétique et un peu solubles dans l’eau bouillante. Les analyses de Ros- ter ont fait voir qu’ils sont constitués par du lithurate de _magnésie, des traces de carbonate de chaux et du mucus.
Quant à l’expérimentation, voici comment un vété- rinaire italien, M. Furlanetto, y a procédé; il a récolté du pollen dans les champs de Maïs où des accidents avaient été constatés sur le bétail qui avait déjà reçu des cimes fraîches, il Pa fait prendre, mêlé à d’autres ali- ments, à deux génisses et à un mouton. L'expérience a duré quelques jours et a porté sur plusieurs onces de pollen. À un second lot, comprenant des bovins, il a fait donner les panaches entiers provenant des mêmes champs. Aucun desanimaux qui avaient reçu le pollen ne manifesta la moindre indisposition, tandis que, dans le second lot, une bête manifesta des symptômes de coli- ques néphrétiques dès le 3° jour de l'alimentation spé- ciale et exclusive à laquelle elle avait été soumise. L’au- teur, s'appuyant sur ces deux sortes de preuves, conclut qu’il faut innocenter le pollen et attribuer les accidents
88 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,.
qui surviennent à la présence, dans les parties terminales des panaches du maïs, au moment de la floraison, d’une substance capable de produire du lithurate de magnésie par son introduction dans l’appareil urinaire.
J'ai tenu à signaler ces observations faites à l'étranger, mais trop peu connues en France, parce que la culture du Maïs, dans notre pays, tend plutôt à s'étendre qu’à rester stationnaire et qu’il importe de savoir que notre bétail peut présenter de semblables accidents.
A première vue, l'opposition entre les effets des stig- mates de Maïs si favorables dans les cas de calculs vési- caux, et ceux des fleurs mâles qui sont producteurs de petites concrétions urinaires, paraît étrange. Mais elle n'est peut-être qu’à la surface des choses. D’où vient l'acide lithurique qui se combine à la magnésie pour former les calculs vésicaux des bœufs nourris avec des panaches de Maïs? Il y a, pour résoudre les questions qui se posent à l'esprit à ce sujet, des recherches de chimie biologique à faire qui présenteraient assurément un haut intérêt.
& III. — Empoisonnements, de nature indéterminée, consécutifs à l'usage de quelques Graminées.
Les Graminées peuvent être envahies par des parasites et subir, sous leur attaque, des altérations qui en rendent Ja consommation dangereuse pour la santé publique.
Au premier rang, on doit signaler le Seigle dont le grain, altéré par un champignon, le Spacelia segetum, Lev. ou Sclerotium clavus, C., devient très dangereux. Son usage amène, selon la dose, un empoisonnement aigu Ou un empoisonnement chronique désigné sous le nom d’ergotisme.
Jl faut citer ensuite le Maïs qui, récolté dans de mau-
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vaises conditions, est envahi par plusieurs sortes de moisissures végétant à ses dépens. L'alimentation avec les grains moisis ou avec la farine qui en provient, est suivie de désordres pathologiques dans l’espèce humaine et les animaux domestiques; elle détermine à la longue, sur l’homme, une affection décrite en pathologie sous le nom de pellagre.
Mais l’ergotisme et la pellagre ne sont point produits par le Seigle et le Maïs, ce sont les végétaux inférieurs vivant sur ces graminées, à leurs dépens, qui sont les facteurs uniques de ces deux affections. Il est donc lo- gique de ne pas disjoindre l’étude du mal de la cause qui le produit et de les renvoyer l’une et l’autre au mo- ment où l’on s’occcupera des Cryptogames vénéneux.
Il est d’autres intoxications coïncidant avec l’usage de Graminées, dont la nature et la cause sont encore l’objet de controverses, mais qui doivent cependant être expo- sées ici.
Le Sorgho sucré (Sorghum saccharalum, Per. Holcus _saccharatus, L.), qui fut introduit à grand bruit parmi nos cultures comme plante industrielle et qui paraît en effet être utilisé à ce titre aux États-Unis, est cultivé dans notre pays seulement comme plante fourragère. Distribué en vert, il est appété par les animaux de la ferme quand il est près de la maturité, mais lorsqu'il est jeune, 1l est peu recherché. On l’a vu occasionner parfois des accidents qui recommandent quelque cir- conspection dans son emploi.
Nous empruntons à un journal agricole la relation _ d’un empoisonnement par cette plante :
« M. D. cultivateur à Allones, près Chartres, ayant un champ de Sorgho dont la végétation languissait, essaya de le faire pâturer par ses moutons. Ces animaux brou- tèrent les autres herbes du champ et laissèrentle Sorgho.
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90 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
« Quelques jours après, le Sorgho était coupé à la fau-
cille et on le donnait à manger aux quinze vaches qui peuplent l’étable de Ia ferme dans la proportion de 2 kilog. par tête. Trois vaches refusèrent d’y toucher. Les douze autres furent prises des symptômes les plus alarmants : tremblements continuels, état de somno- lence hébétée, trépignements des membres postérieurs, saillie des yeux hors de l’orbite, perte d’appétit, ballon- nement du ventre, envies fréquentes d’uriner, etc. Deux de ces vaches succombèrent. Les autres furent guéries par les soins du vétérinaire.
« L’autopsie des vaches qui avaient péri ne révéla d’autres lésions qu’un peu de rougeur dans l’un des estomacs et un caillot de sang noir dans le cœur. Tous les autres viscères étaient à l’état normal. »
Malgré sa concision, cette note nous fait connaître les symptômes et les lésions d’une façon suffisante pour qu’il n’y ait pas lieu de multiplier les relations d’intoxi- cations semblables, ainsi qu'on pourrait le faire.
Avant d'ouvrir la discussion sur la recherche du prin- cipe qui cause de tels accidents, nous allons: exposer les méfaits — tout aussi accidentels — des graines d’une autre de nos graminées alimentaires, Le Seigle.
Une préparation alimentaire, assez commune pour les animaux dans l'Est et le Nord, consiste à faire cuire du _Seigle avec une quantité suffisante d’eau et à le distri- buer particulièrement aux jeunes bêtes d'élevage, pou- lains et veaux. On fait aussi macérer des mélanges de
farine de seigle et d’orge concassée, ou de cette même ,
farine avec des navets, des betteraves, des menues pailles, des balles de crucifères, des capsules de graines de lin etc., ou même de l'orge égrugée et soumise à la fermentation.
Ces préparations alimentaires ont donné lieu, de
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. a1
temps à autre, à des intoxications portant de préférence
sur les poulains, mais dont les autres animaux ne sont
point exempts, et dont les principaux symptômes furent les suivants :
Pouls petit et vite, pâleur des conjonctives, regard anxieux, tête appuyée sur la mangeoire, dos voussé, coliques, diarrhée. Quelquefois de la fourbure, de la polyurie et même de l’hématurie, parfois aussi de la paraplégie quand l’intoxication n’a pas un brusque dé- nouement.
Le pronostic est toujours grave et la terminaison subordonnée à la quantité d’aliments ingérés et à la sen- sibilité des sujets. Lorsqu'elle doit être mortelle, elle survient de la 8° à la 10° heure après l'apparition des premiers symptômes.
On trouve peu de lésions à l’autopsie; le cœur rempli de caillots volumineux et très noirs, la muqueuse du sac stomacal droit plus ou moins enflammée et enfin les vaisseaux de la pie mère engoués, sont celles qu’on ren- contre habituellement. Si la mort a été lente à venir, il y a inflammation intestinale et quelquefois altération des reins. |
Le lecteur a sans doute déjà fait un rapprochement entre la symptomatologie de l’intoxication par le Sorgho et celle de l’empoisonnement par le Seigle; il n’a point manqué de remarquer que, tout en tenant compte des différences liées aux espèces animales que l’on ob- serve, le tableau symptomatologique est le même. Or si des effets semblables ne sont pas toujours produits par des causes identiques, les exceptions qui se présen- tent n’infirment point la règle et de sérieuses probabi- lités se présentent à l'esprit pour que, dans tous les cas examinés dans ce paragraphe, une même cause ait été agissante. Mais quelle cause ?
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92 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
On a avancé que le Sorgho, plante fort épuisante et très avide de nitrates, emmagasine de l’azotate de potasse et devient nuisible par la présence de ce sel. Une pareille assertion est difficile à accepter. Si elle était conforme à la réalité, il semble que les intoxications par le Sorgho devraient perdre leur caractère tout à fait exceptionnel et se montrer plus fréquemment. D’autre part, la quan- tité de sel de nitre contenu dans la graminée qui nous occupe, analysée à l’état frais et dans les conditions indiquées comme favorables à l’intoxication, ne dé- passe pas 4 à 5 grammes par kilog. Qu’on se rappelle que des vaches ont été empoisonnées avec 2 kilog. de Sorgho vert, ce qui correspond à 8 ou 10 grammes de nitrate et qu’on mette cette faible quantité en regard de la dose toxique indiquée par les thérapeutistes vétéri- naires, dose qui est de 200 grammes, n’abandonnera-t- on pas de suite une pareille idée ?
Doit-on songer à l’existence éphémère d’un principe malfaisant dans toutes les jeunes pousses de Sorgho, principe qui disparaîtrait avec les progrès et l’âge de la plante? L’objection présentée tout à l’heure et fondée sur le caractère tout exceptionnel des intoxications par les tiges de Sorgho se dresse ici avec toute sa valeur.
Il a été dit que ce principe toxique ne se formait que dans les tiges d’un Sorgho languissant, souffreteux, végé- tant dans un terrain qui ne lui convient point ou soumis à des influences atmosphériques qui contrarient sa venue. Nos connaissances sur le déterminisme de la formation des poisons sont encore si peu avancées, comme je l’ai fait remarquer antérieurement, qu’il nous est impossible de discuter actuellement cette manière de voir; accep- tons-la provisoirement comme une hypothèse dont l'avenir aura à examiner la valeur, en recherchant
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 93
d’abord la nature de cette substance vénéneuse, si elle existe réellement.
Quant au Seigle, personne ne soutiendra que ses grains renferment normalement un principe toxique. Leur emploi journalier dans l’alimentation dispense de dis- cuter une semblable opinion.
On est amené, en rapprochant l’intoxication pro- duite par les deux graminées en cause, à penser que dans les cas où le Sorgho s’est montré malfaisant, il avait subi un commencement de fermentation. Celle-ci est d’ailleurs très prompte à se déclarer, après la coupe, sur ce fourrage comme sur tous les végétaux riches en - sucre. Quant au Seigle, il est dit très expressément, dans les récits d'intoxication qui le concernent, qu’il avait subi la fermentation.
S’il en est ainsi, 1l reste à chercher sur quels élé- ments la fermentation a dû agir et si cette opération a pu produire de nouveaux corps doués de propriétés no- cives. Les analyses chimiques apprennent que les tiges de Sorgho contiennent du sucre cristallisable et de la glycose, en proportions variables suivant la saison où l’on prélève les échantillons, mais toujours en quantité considérable (46 gr. 4 de matières sucrées par kilo- gramme de tiges fraîches récoltées en août, analyse de M. Meunier). Indépendamment de l’amidon, les grains de Seigle contiennent de la synanthrose, c’est même le seul sucre qu’on y rencontre (Müntz).
La fermentation agit donc, dans les cas qui nous occu-
pent, sur du sucre cristallisable et de la glycose, de la synanthrose et de l’amidon. Est-elle capable, pendant qu’elle s'opère, de rendre nuisible l’une quelconque de ces matières ? Cette question est fort intéressante, surtout à cause de l’extension que prend l’usage de la glycose; aussi a-t-elle été déjà examinée par quelques chimistes.
94 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
MM. Schmitz et Nessler ont étudié la glycose de pomme de terre et ils ont constaté qu'après fermenta- tion, l’ingestion du résidu par l’homme occasionnait de la difficulté de la respiration, des sueurs froides, des nausées et surtout une violente’migraine.
La preuve de la nocivité de la glycose de pomme de terre ressort de leurs expériences, mais celles-ci ne per- mettent de conclure que pour ce cas particulier et elles ne s'appliquent point à toutes les glycoses. Il reste donc à examiner celle du Sorgho de près et à étudier égale- ment d’une façon spéciale la synanthrose qui réserve peut-être des surprises aux expérimentateurs.
En résumé, de toutes les hypothèses qui se présentent - à l'esprit pour rendre raison des intoxications produites par les tiges de Sorgho et les grains de Seïgle, la forma- tion d’un principe nuisible, lors de la fermentation des matières sucrées qu’elles contiennent, semble la plus acceptable dans l’état actuel de la science.
Avant de clore ce qui a trait aux Graminées, } 'appelle- rai l'attention sur l’intoxication alcoolique qui se re- marque sur les animaux nourris avec les drèches ou résidus de brasserie, ainsi qu'avec d’autres produits qui ont subi la fermentation alcoolique. A plus forte raison, les produits préparés pour la subir, comme le malt, qui pourraient être donnés accidentelle au bétail, l’a- mèneraient plus sûrement et plus rapidement.
Les vétérinaires belges, bien placés pour observer les résultats d’une pareille alimentation, ont décrit avec soin l'ivresse ou intoxication alcoolique qui en résulte. A la suite d’un usage immodéré de drèches de distillerie , ou de brasserie, les bêtes ainsi nourries tombent comme : foudroyées quand on les sort de l’étable et qu’elles arri- vent à l'air. Les propriétaires qui voient ces accidents pour la première fois, sont fort inquiets et songent à
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 95
l’apoplexie ou à la paralysie ; leurs alarmes, généralement, ne sont pas de longue durée car, si on laisse les animaux tranquilles, ils se rétablissent, se relèvent et retrouvent tous les attributs de la santé. Pourtant, la terminaison n’est pas toujours aussi favorable, la mort peut arriver ou l’intoxication passer à l’état chronique si l’alimenta- tion reste la même. Les bêtes bovines conservent alors des allures incertaines, du balancement du train posté- rieur, de l’hébétude, de l’inappétence, de l’enfoncement des yeux, de la tuméfaction des muqueuses oculaires et de la cyanose des conjonctives.
L’abatage pour la boucherie ou le changement immé- diat de régime sont indiqués; les propriétaires ont géné- ralement recours à la première mesure.
L’acidification, la putréfaction et diverses moisissures peuvent aussi altérer les drèches ainsi que les pulpes, et les rendre malfaisantes pour les animaux. Leur re- trait de l’alimentation s'impose immédiatement dans ces Cas.
ARTICLE III. —- CoLcHICACÉES
Si la famille des Colchicacées ne renferme qu’un nombre très restreint d'espèces, par un triste privilège, toutes celles-ci sont vénéneuses. Elles se groupent dans les deux genres Colchicum et Veratrum; nous allons les étudier successivement.
I.— Colchicum, Tournef. (Colchique). Ce genre est
constitué par des herbes vivaces à souche bulbeuse, à
feuilles et à fleurs radicales et à périanthe prolongé par en bas en tube très long, naissant sur le bulbe.
On compte dans ce genre une vingtaine d’espèces eu- ropéennes et méditerranéennes. Nous nous contente-
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96 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
rons de signaler le C. variegatum, L. qui croît dans les iles de l’Archipel et en Asie mineure; ses bulbes passent pour fournir l’hermodacte des officines. Nous arrivons immédiatement au C. autumnale, l'espèce la plus répan- due dans notre pays et conséquemment la plus dange- reuse. Nous ne considérons le C. Provinciale, Loret, qui croît dans le Midi, que comme une de ses variétés méri- dionales et tout ce que nous dirons de celle-là s'applique à celle-ci.
Colchicum autumnale, L. Le Colchique d'automne, vulgairement appelé Safran bâtard, Veilleuse, Veillotte, Tue-chien, selon les localités, est une herbe qui croît dans toutes les prairies un peu basses et humides de l'Europe occidentale.
Elle présente un bulbe formé par la partie inférieure de la tige et enveloppé d’une tunique noirâtre ; près de lui se développe un second bulbe qui doit pourvoir à la végétation de l’année suivante.
Du bulbe naissent, en automne, de 1 à 3 fleurs, hautes de 12 à 18 centimètres, d’une belle couleur lilas tendre, avec une gaine à leur base, réunies en tube communi- quant avec le bulbe (fig. 8). Les étamines, au nombre de 6, sont à filets distincts et à anthères volumineuses, biloculaires et mobiles.
Après la fécondation, les fleurs se flétrissent rapide- ment, l’ovaire reste caché dans le sol, mais au printemps, en même temps qu’apparaissent les feuilles qui sont lancéolées, sans découpures sur leurs bords, il s'élève au-dessus du sol et forme un fruit capsulaire, trilocu- laire, à déhiscence septicide, polysperme. Les graines sont petites, brunâtres, irrégulièrement globuleuses, ayant quelque ressemblance avec celles des Crucifères, mais rugueuses et renflées à l’ombilic.
Le mode de végétation du Colchique fait qu’il y a tou-
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QUE D'AUTOMNE.
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Fic. 8. — Colchicum autumnale. — CoLcui
08 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
jours une saison d’hiver intercalée entre la floraison et la fructification ; ses fruits sont donc loin de précéder ses fleurs, comme le dit le vulgaire. Il en résulte aussi que dans le foin on ne peut trouver que des feuilles et des capsules, mais jamais de fleurs, et que dans le regain on récolte des fleurs, mais point de capsules, particula- rités bonnes à connaître, puisqu'elles peuvent nous permettre de déceler le mélange du foin au regair ou inversement, quand ces fraudes ont été commises,
En se desséchant, les fleurs prennent rapidement la couleur tabac; ilen est de même des feuilles et sur- tout des capsules qui la présentent à un degré plus pro- noncé. Même après leur dessiccation, les fleurs sont néanmoins faciles à reconnaître, car les anthères restent avec leur coloration et leurs caractères spéciaux,
Pas d’amidon dans les graines, mais beaucoup de granulations se colorant en jaune par la teinture diode.
Le Colchique est âcre et peu appété du bétail; il ne répand point, sauf lorsque l’on touche aux bulbes, l'odeur nauséeuse qu’on lui a attribuée. En faisant une décoction de ses feuilles ou de ses fleurs, on ne perçoit pas davantage de mauvaise odeur, mais plutôt la sen- teur du foin qui n’a rien de désagréable,
Toutes les parties du Colchique, bulbes, feuilles, fleurs, capsules et graines sont vénéneuses. Contraire- ment à ce qui s’écrit couramment, la dessiccation n’en- lève point aux feuilles, aux bulbes et aux fleurs, leurs propriétés malfaisantes ; l’eau de macération ou de dé- coction de ces parties est très vénéneuse, je m’en suis assuré plusieurs fois. Il est vrai qu'après la formation et la maturation des graines, les feuilles, qui d’ailleurs se dessèchent spontanément, sont moins riches en prin- cipe toxique qu'auparavant, quoique toujours dange- reuses, mais c’est le résultat de la migration du poison,
Le
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 99
de son passage partiel dans la graine, la dessiccation
n’y est pour rien, d’ailleurs, le principe vénéneux, la Colchicine, n’est pas volatil. Au moment de la floraison, le bulbe est également moins toxique, il en est de même lors de la frondaison, quand il se vide pour four- » nir un aliment aux feuilles; il y a déplacement des prin- » cipes dangereux, et si l’on doittenir compte de ces faits pour la récolte des bulbes en vue d’usages médici- naux, on ne doit point oublier qu’il en reste assez pour . que cette partie doive toujours être traitée en suspecte. C’est en août et septembre que les bulbes sont le plus - riches en colchicine. | Posoiogie. — En dehors de l'intervention d’une main - criminelle, l’homme n’est point exposé à trouver dans ses aliments ni les fleurs, ni les feuilles, ni les bulbes ._ du Colchique ; lorsqu'on a eu à constater des empoison- » nements par cette plante, ils ont toujours été le résultat > d’une préméditation coupable. _ [ln’en est pas de même pour les animaux domestiques. . Les cas d’empoisonnements accidentels observés sur les chevaux, les ruminants et les porcs sont nombreux. Ces » accidents s'observent en France à deux époques, de fin avril à fin mai et du 15 septembre à fin octobre. A la - première époque, ce sont les feuilles etles coques, vertes “et tendres, qui sont mangées par les animaux, affamés . par le jeûne de l'hiver. A la seconde, ce sont les fleurs - que l’animal ingère avec l’herbe de la prairie. Le bœuf évite autant que possible de les manger, mais il lui arrive d’en happer avec sa langue en mêmetemps qu’il ‘ pu l'herbe et il peut en ire une quantité suffisante
5 © En raison des variations dans ll teneur en principe Y ne néneux, qui sont le fait des migrations saisonnières,
100 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tité suffisante pour empoisonner des animaux. Pour les feuilles vertes, des essais m'ont niontré que l’ingestion de 8 à 10 grammes par kilogramme de poids vif suffit pour amener la mort des ruminants.
Les bulbes frais peuvent empoisonner le porc qui les mangerait à la dose de 3ocentigrammes par kilogramme de ee. vif.
Des bulbes récoltés en automne, au moment de la floraison, puis desséchés et utilisés un an après pour faire une décoction qui fut injectée hypodermiquement, ont tué le chien et Le chat, à la dose de 2 grammes (après dessiccation) par kilogramme de poids vif.
Des feuilles recueillies dans du foin, et par consé- quent bien sèches, entourant des capsules pleines de graines très mûres, utilisées trois ans après leur récolte, également par décoction et injection hypodermique, ont tué le chienet le chat à la dose de 3 grammes par kilo- gramme de poids vif. Il est donc acquis que les feuilles de Colchique, mélangées en trop forte proportion au
foin, le rendent nuisible. Les herbivores dépourvus de
la faculté de vomir peuvent être empoisonnés de cette façon; on a signalé dernièrement en Belgique la mort de quatre truies pleines auxquelles on avait donné de la litière renfermant des tiges desséchées de Col- chique.
Symptomatologie. — Du moment où l’homme n’est empoisonné que par des préparations officinales, nous jaisserons de côté les symptômes qu'il présente dans ces cas.
Parmi les animaux, les jeunes ont, proportionnel-
lement à leur poids, une susceptibilité extrême pour le :
poison qui nous AO
Les symptômes n'ont rien de caractéristique et pour- 1 raient être. attribués aussi bien à l’emploi de violents
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 1O1I
purgatifs qu’au Colchique. Il est pourtant quelques par- ticularités à signaler.
D'abord, il faut noter que le Colchique n’agit qu'un temps relativement long après son ingestion ou sa pénétration dans l’organisme. Même quand on se sert des voies intra-veineuse ou hypodermique, ce n’est guère que deux heures après, en moyenne, qu’il mani- feste son action, tandis que nombre d’autres poisons, même moins violents que celui-là, agissent presque im- médiatement, soit de 2 à 5 minutes après l'injection. Cette particularité a pour résultat de rendre les empoi- sonnements par le Colchique très dangereux et difficiles à combattre. En effet, quand il y a eu pénétration dans le tube digestif, en raison de la longueur de cette phase d’attente, le Colchique est en partie digéré. Les vomisse- ments, qu’ils soient spontanés ou qu’on cherche à les pro- voquer thérapeutiquement, ont peu de chance de débar- rasser l’organisme qui est déja imprégné; il en est de même des évacuants par les voies rétrogrades.
Le pronostic de cet empoisonnement est donc tou- jours très grave car, alors même qu’il n’est pas mor- tel, les animaux sont longs à se remettre de Ia se- cousse éprouvée, une constipation opiniâtre succède à la diarrhée, le lait ne revient que lentement à la vache, et ce n’est guère qu’au bout de 12 à 14 jours que les malades sont complètement rétablis.
Le premier symptôme qui apparaît, en général, est _ une salivation abondante et exagérée, avec constriction ._ de la gorge et dysphagie, puis viennent des nausées avec _ vomissements, des coliques et des évacuations abon- | dantes, répétées, diarrhéiques et devenant dysentéri- | ques à la fin, avec des épreintes douloureuses. Emis- _ sions abondantes d’urine; respiration courte, accélérée,
102 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
et abdominaux. La fonction circulatoire n’est modifiée que si l’empoisonnement est mortel, alors le pouls est petit et intermittent vers la fin de la scène symptomato- logique. Enfin il y a abaissement notable de la tempéra- ture; on pourrait le préjuger rien qu’en passant la main sur la peau des malades et les prises de température rectale ne laissent aucun doute sur ce sujet. Pendant la première heure où se manifestent les symptômes, elle peut baisser d’un degré et plus, et le refroidissement se | prononce de plus en plus à mesure que le dénouement « fatal approche. La mort arrive de la 16° heure au 6° jour après l’ingestion du Colchique, suivantlaquantité ingérée ou la force de résistance des animaux. Chez le lapin, elle peut ne survenir que le 8°et même le 10° jour.
Pendant les dernières heures les animaux sont éten- dus de tout leur long sur la litière, absolument inca- pables de se tenir debout, l’anus béant ou le rectum en prolapsus, l’œil enfoncé au fond de l'orbite, la sensibilité émoussée ; ils meurent par arrêt de la respiration précé- dant celui du cœur. La rigidité cadavérique arrive, m'a-t-1l semblé, plus lentement qu'après la mort dans d’autres circonstances, la contractilité musculaire se manifeste encore 1 heure, 1 heure 1/2 et r heure 3/4 après la mort. Pendant la durée de la maladie, la con- traction musculaire présenterait, chez la grenouille tout au moins qui a servi à des observations de M. Laborde, une forme caractéristique, mais ces observations sont encore inédites, |
Le cheval présente quelques mouvements spasmo- diques du train postérieur et un peu de surexcitation de l'appareil génito-urinaire. |
Le bœuf ne rumine plus et grince des dents ; il y a sécheresse du mufle, ptyalisme, gémissements, coliques fort douloureuses, dysen‘erie, l’œil est extrêmement
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 103
enfoncé et larmoyant, l’anus est souvent béant. Expul- sion de matières glaireuses noirâtres, très fétides, entou- rant les excréments. Il y a suppression radicale du lait chez la vache et on a signalé quelques avortements.
Le porc bave très abondamment, vomit, se tient le groin enfoncé dans la litière et expulse des matières diarrhéiques mêlées de sang, extrêmement fétides.
Le lapin est abattu et ne veut pas se déplacer, sa respi- ration est très accélérée. Il expulse d’abord les excréments moulés qu’il a dans le tube digestif, puis il est pris de diarrhée qui provoque l’expulsion d’un liquide grisâtre; l'animal semble mourir épuisé par cette diarrhée.
Chez le chien qu’on empoisonne intentionnellement,
indépendamment de la salivation, des nausées et de la diarrhée, on remarque au début la grande accélération de la respiration, l’animal est haletant. Il s’agite, tourne en rond, a de légers spasmes aux membres postérieurs, puis se couche mais ne ferme pas les yeux; pas de som- nolence.
Lésions. — Sur le cadavre, le train postérieur est tou- jours sali par les matières alvines. Les lésions ne por- tent guère que sur le tube digestif et les reins.
Il en est de constantes, quel que soitle mode d’intro-
duction du poison dans l'organisme. Je signalerai
comme telles la présence d’une couche de matière mu- queuse, blanchâtre, avec trainées sanguines, qui dénote clairement que le colchique est un hypersécrétoire, puis
une inflammation du gros intestin, spécialement à sa
partie rectale, qui peut aller de la congestion simple à
lhémorrhagie et à l’ulcération.
Celles qui siègent sur les muqueuses stomacale et
_ duodénale sont contingentes. Le plus souvent, l’iléon est _ sain et j'ai été plusieurs fois frappé par la netteté de la ligne de séparation entre cette portion de l'intestin dont
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104 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
la membrane interne était à l’état normal, et le cœcum qui était vivement enflammé. Tout à fait contingentes aussi sont les ulcérations et le gonflementdes plaques de Peyer, des ganglions mésentériques, des follicules et des . glandes intestinales; elles ont manqué plus souvent qu'elles se sont montrées dans les autopsies que j'ai pra- tiquées.
Les glandes annexes du tube digestif, foie, rate et pan- créas, ne présentent généralement pas d’altération; par- fois, la vésicule biliaire est très distendue et le foie un peu congestionné.
Les reins sont toujours enflammés et la vessie vide ou à peu près.
Rien à signaler dans l’appareil respiratoire si ce n’est, accidentellement, quelques petites ecchymoses sous- pleurales.
Cœur sain, présentant exceptionnellement de petites ecchymoses sous l’endocarde. Sang coagulé, abondant dans le ventricule droit, en petite quantité dans le gau- che. Un peu de congestion des méninges.
Chez les ruminants, on trouve des débris de Colchi- que dans le rumen avec une inflammation marquée de la caillette, sans préjudice des altérations intestinales.
En résumé, s’il existe des lésions constantes dans _ cette intoxication, elles ne sont point caractéristiques, puisqu'on peut les rencontrer dans d’autres empoison- nements par les drastiques.
Si l’on cherche à s’éclairer sur le mécanisme de l’em- poisonnement par le Colchique, on voit que le principe actif de cette plante n’agit pas seulement sur lintes- tin par irritation de contact, puisque, injecté par les voies intra-veineuse ou hypodermique, le résultat est le même. Serait-ce une action indirecte par l'inter- médiaire du système nerveux? C’est possible, mais il
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 105
faut avouer que l'intervalle, toujours relativement consi- dérable, qui s'écoule entre l'administration du poison et Papparition des symptômes, est peu favorable à cette hypothèse. On serait plutôt tenté de se rallier à l'idée d’une action éliminatrice par l'intestin et partiellement par les reins.
[1 semblera donc indiqué, dans les expertises, de re- chercher avant tout le poison dans ces deux sortes d’or-
‘ ganes, et de recourir aux deux ordres de réactions
qui sont signalées comme se manifestant avec le prin- cipe toxique du Colchique : teinte orangée par le trai- tement par l’acide azotique, passant au rouge par la po- tasse ; teinte brune par le ferricyanure, passant an bleu verdâtre par le perchlorure de fer. Ces deux réactions se complètent mutuellement, mais 1l est bon de savoir qu'elles ne sont pas absolument celles de la colchicine pure qui donne une teinte rose violette par l’acide azo- tique et une teinte verte après traitement successif par le ferricyanure et le perchlorure de fer.
Il reste des recherches à faire afin de voir si, les appareils digestif et génito-urinaire étant enlevés, on pourrait utiliser la viande des bœufs morts de cette façon. En effet, pendant la durée de l’empoisonnement, il y a élimination d’une partie du poison par les urines et les matières alvines ou par le vomissement. Il en résulte qu’au point de vue médico-légal et indépen- damment des causes indiquées plus haut, ce qui en reste est difficile à retrouver dans l’organisme. Peut- être aussi à cause de cette élimination, la chair des ani- maux intoxiqués ne présenterait-elle pas de danger et pourrait-on l'utiliser, tout au moins pour la nourriture des porcs et des chiens.
Principe actif. — Les données que nous possédons sur le principe: actif du Colchique d’automne sont
106 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
encore fort incertaines, les chimistes qui s’en sont occu- pés étant arrivés à des résultats différents.
« MM. Pelletier et Caventou, après quelques essais rapides, ont signalé les premiers dans le Colchique la présence d’une substance de nature alcaline, possédant les propriétés actives de la plante, et qu’ils ont envisagée comme étant de la vératrine. Plus tard, MM. Hess et Geiger ont retiré du même végétal un alcaloïde extré- mement vénéneux, différant de celui de MM. Pelletier et Caventou par quelques propriétés et pour lequel ils proposèrent le nom de colchicine. D’après ces chimistes, la colchicine cristallise en prismes ou en aiguilles in- colores. Si le liquide est trop concentré, elle se dépose sous la forme d’une couche d’aspect résineux. La col- chicine possède une réaction légèrement alcaline; elle est assez soluble dans l’eau, soluble dans l’alcoo!l et dans l’éther. Elle possède une saveur âcre très amère. Elle n’a pas d’odeur, elle est inaltérable à l’air et fusible à une douce chaleur. La colchicine produit avec la solu- tion d’iode une coloration rouge-brique foncé; elle pré- cipite en jaune par le bichlorure de platine et forme, avec l’infusion de noix de galle, un précipité floconneux blanchâtre. Sous l’influence de l’acide azotique concen- tré, elle se colore en bleu ou violet foncé, et cette teinte passe peu à peu au vert olive ou au jaune. Enfin, acide sulfurique la colore en jaune brunâtre, ce qui la dis- tingue de la vératrine, qui prend une coloration violette par le même réactif.
« Cet alcaloïde neutralise les acides et forme avec eux des sels qui, pour la plupart, sont cristallisables, solu- bles dans l’eau et l'alcool. Les alcalis précipitent Pal- caloïde de la solution aqueuse, pourvu qu elle ne soit pas trop étendue.
« D’après M. Oberlin, la colchicine de MM. Hess et
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 107
Geiger, qu’il n’a jamais pu obtenir cristallisée, serait un produit complexe; il a en effet retiré de la colchicine préparée par le procédé de MM. Hess et Geiger une substance neutre, cristallisant avec facilité, et pour la-
_ quelle il a proposé le nom de colchicéine.
« La colchicéine cristallise en lamelles nacrées à peu près insolubles dans l’eau froide, plus solubles dans l'eau chaude, solubles dans l'alcool, dans l’éther et dans le chloroforme; la colchicéine est soluble dans lacide benzoïque en formant une solution d’un jaune intense, dans l’acide chlorhydrique avec une coloration jaune plus clair et dans l’acide acétique sans coloration. Elle est soluble dans la potasse ainsi que dans l’ammoniaque, qui la laisse cristalliser par l’évaporation à l'air.
« La colchicéine est inaltérable à l’air et fond vers 155 degrés; elle n’est pas volatile, elle est sans action sur les réactifs colorés. Elle se colore en vert par le bichlorure de fer. L’infusion de noix de galle ne la pré- cipite pas de ses dissolutions. Elle paraît se combiner avec la baryte, en donnant un précipité gélatiniforme dans un excès d’eau de baryte. La colchicéine serait isomérique avec la colchicine et répondrait à la formule:
C17 H19 Az Os.
« M. Oberlin s’est assuré que la colchicéine préexistait dans le Colchique et d’après lui, elle ne serait pas véné- neuse. » (Dictionnaire de chimie, de Würtz, article Colchicine.)
À côté de ces principes, existerait dans les semences une huile grasse douée de propriétés purgatives énergi- ques (Oberlin).
_ Il. — Veratrum. Tournef. (Vérâtre). Ce genre est
_ constitué par des plantes herbacées, vivaces, dont le
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108 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
périanthe est à folioles libres ou soudées en un tube très court et à fleurs en panicules. Il renferme plusieurs espèces dont deux, abondantes dans nos pays, présentent de l'intérêt pour nous. Toutes ces espèces contiennent un ou plusieurs principes vénéneux. |
Veratrum album L. Le Vérätre blanc encore désigné sous les noms de Varaire, d'Hellébore blanc, est une herbe à souche tubéreuse et à fibres radicales grises; ses feuilles sont ovales et plissées dans le sens de la hauteur; sa tige simple atteint 0,60 à 0,80 cent.; ses fleurs blanchâtres apparaissent de fin juillet à fin août suivant les localités. On trouve le Vérâtre blanc dans tous les pâturages de montagnes, dans les Vosges, le Jura, le Plateau central, les C'éteniel les PRÈS et les Foro
La racine, la tige, les feuilles, les fleurs et les se- mences du Vérâtre blanc sont vénéneuses; la dessiccation ne leur enlève point leurs propriétés malfaisantes et l’on prétend que lors du tassement en meules ou dans les greniers à foin, les herbes qui sont en contact direct avec elles s’imprègnent du poison qu’elles renferment et deviennent dangereuses à leur tour (Rodet et Baïllet, d’après Marret). Si cette malfaisante action de contact est réelle, ce doit être une raison de plus pour détruire cette mauvaise plante dans les pâturages de montagnes où elle est fort abondante.
Posologie. — On s’est soigneusement appliqué, en thérapeutique, à déterminer la posologie du principal des alcaloïdes retirés du Vérâtre, mais les renseigne- ments que nous possédons sur l’ingestion de la plante sont peu nombreux jusqu’à ce jour.
Bien que toutes les parties soient vénéneuses, nous n’avons-de renseignements positifs que pour la racine.
110 DES PLANTES VÉNÉNEUSES: A l’état frais, il en faut environ :
1 gr. par kilog. de poids vif pour tuer le cheval. 2 gr. — les ruminants.
Le porc ne s’empoisonne pas mortellement par cette voie à cause de la facilité avec laquelle il vomit. D’ail- leurs, fraîche, cette racine est âcre, brûlante dans la bouche, et très rarement les animaux continuent à en prendre assez pour se rendre malades. Desséchée et réduite en poudre, la racine de Vérâtre produit l’éter- nuement quand elle s’introduit dans les narines. Il en faut environ quatre fois moins que fraîche, pour pro- duire les mêmes effets.
Symptomatologie. — Rien dans cette plante ne peut tenter l’homme et surtout les enfants. Son emploi ne peut avoir lieu dans notre espèce que dans un but thé- rapeutique ou criminel.
Il est fort rare aussi que cette plante soit mangée en vert par les animaux, bien que sa tige et ses feuilles ne répandent aucune odeur vireuse, mais elle est d’une saveur âcre qui la fait repousser. Aussi quand on par- court les pâturages des régions montagneuses où elle est abondante, on trouve la plupart des pieds d'Hellé- bore blanc intacts tandis que tout autour l’herbe est tondue.
Cependant on a signalé des empoisonnements d’a- gneaux qui, accompagnant leurs mères au pâturage, ont mangé cette plante et sont morts. |
C’est plutôt dans le foin qu’elle est dangereuse parce qu’elle ne perd point, ainsi qu’il a été dit, ses propriétés par la dessiccation et parce qu’aussi elle imprègne de ses alcaloïdes les plantes tassées avec elle. Il se produit en effet, dans le foin, pendant la première quinzaine de mise en tas, des fermentations où il y a formation d’al-
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_ bres, le tout résultant de ce que la vératrine, par suite
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. III
cool et de divers éthers. Or le principal des alcaloïdes du Vérâtre, insoluble dans l’eau, est, au contraire, soluble dans ces derniers produits, ce qui explique les effets constatés.
[I faut dire aussi que ses graines tombent dans le foin et, comme elles sont fort vénéneuses, elles peuvent amener des accidents. On a enregistré des empoisonne- ments d'oiseaux de basse-cour auxquels on avait jeté des graines de foin et qui sont morts à la suite de l’ingestion des semences de Vérâtre qui s’y trouvaient mêlées.
L’ingestion d’une quantité peu élevée de Vérâtre ou de fourrage le renfermant provoque chez les solipèdes de la salivation, de l’agitation, des tremblements mus- culaires commençant au grasset et au coude, quelques contractions de même nature aux muscles de l’encolure et notamment de la région du larynx. Il y a émission abondante d’une urine claire et expulsion copieuse de matières fécales un peu ramollies. La respiration est accélérée, un peu difficile, avec des arrêts suivis de mouvements plus rapides, le pouls se ralentit, les mu- queuses pâlissent et la température rectale s’abaisse. Aux symptômes précédents s'ajoutent des efforts infruc- tueux de vomissement chez le bœuf et sur un certain nombre de sujets, des vomituritions. Le porc vomit abondamment.
Si la quantité ingérée a été plus considérable et suffi- sante pour causer la mort, on remarque de violents mais impuissants efforts de vomissement chez les soli- pèdes, des tremblements généraux qui amènent rapide-
_ ment une sudation très abondante, car la sueur ruisselle
sous le ventre des malades. Il y aincoordination des mouvements, ataxie locomo- trice, faiblesse, chute sur le sol, avec agitation des mem-
113 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
d’une action spéciale sur la fibre musculaire, comme l'ont démontré les expériences de Bezold, de Hirt, de Marey, permet au muscle de se raccourcir facilement, mais ne le laisse se relâcher qu'avec difficulté et lenteur.
Le cœur s’affaiblit et le pouls devient petit et inter- mittent; la respiration est fortement modifiée, elle est saccadée par suite de la brusquerie avec laquelle s’exé- cutent l'inspiration et l’expiration, elle se ralentit et la mort arrive par son arrêt qui précéde celui du cœur.
Chez les bêtes bovines et ovines, il faut ajouter du ballonnement, des éructations, une superpurgation, et des coliques généralement plus marquées que sur les solipèdes, sans doute parce que la mort est plus lente à arriver.
Le pigeon et ie canard qui ont avalé des graines de Vérâtre s’en débarrassent assez promptement par le vo- missement et ils ne succombent qu’exceptionnellement. Les poules, qui ne peuvent vomir, périssent après avoir
présenté de la tristesse, de la difficulté à se déplacer, de
la diarrhée, tous symptômes qui, d’ailleurs, n’ont rien de pathognomonique. | Lésions.— Le Vérâtre agit comme poison bulbaire et peut-être musculaire; ses principes toxiques s'éliminent par les urines, ne laissant sur le cadavre que des lésions peu marquées et moins considérables que celles pro- duites par la colchicine. Néanmoins, comme il est pur- gatif, son action se remarque sur le tube digestif. L’estomac montre des taches rosées et parfois des plaques hémorrhagiques. L’intestin grêle, particulière- ment dans sa portion duodénale, est hyperémié, présente quelquefois des exsudats pseudo-membraneux ou des ulcérations ovalaires. On trouve des arborisations vas- culaires et des suffusions sanguines sur le grosintestin,
mais non d’une façon constante comme dans l’empoi-
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DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. 113
sonnement par le Colchique. Le foie est souvent, mais non toujours, congestionné. Vessie vide et revenue sur elle-même. Reins enflammés.
- I ya des probabilités pour l’existence de lésions bul- baires.
L’élimination du toxique se fait par les urines, Pré- vost en a donné la démonstration. Malgré son action sur l'intestin, il ne semble pas s’éliminer par cette voie (Kaufmann). Il est de toute vraisemblance qu’il y a, lorsque la mort a été le résultat de l’action du Vérûtre, accumulation du poison dans le bulbe etla moelle allon- gée; mais, en raison de l’action modificatrice de la contraction musculaire, y a-t-il aussi imprégnation des muscles ? Cette question intéressante a été résolue par l'affirmative, et l’utilisation de la chair n’est pas pos- sible. Le lait des vaches empoisonnées est également dangereux. |
En raison de ses propriétés vénéneuses, le V. album doit être détruit par l’agriculteur qui le rencontre dans ses prairies ou ses pâturages.
Veratrum nigrum ( Vérätre noir). — Cette espèce est moins abondante que la première, on la rencontre sur- tout dans l'Est. Ses propriétés vénéneuses sont celles du Vérâtre blanc. Tout ce que nous avons dit de celui-ci est applicable au Vérâtre noir, et nous ne nous répéterons
pas.
Nous ne ferons que mentionner une autre espèce éga- lement fort toxique, le Veratrum viride. Quoique très
| voisine morphologiquement de notre Varaire, elle ne
fait pas partie de notre flore, elle est indigène de l’Amé-
rique du Nord et souille les fourrages de cette pro-
venance. Principes actifs. — Le Vérâtre doit ses propriétés
_ malfaisantes à plusieurs alcaloïdes distribués en quan-
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:
114 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tités inégales, ce sont : la Vératralbine, découverte par Mitschell ; la Vératramarine qui, d’après Weppen, exis- terait en petite quantité dans la racine; la Jervine, signalée par Simon et la Vératrine.
Ce dernier alcaloïde, C**H?Az?Of, a été isolé par Pelletier et Caventou; il se présente sous forme de poudre blanchäâtre, incolore, à peu près insoluble dans l’eau, mais soluble dans l'alcool et l’éther. Traité par le réactif d'Erdman (acide sulfurique concentré, 20 grammes; acide nitrique étendu, 1/2 gramme), il donne une coloration jaune qui passe au rouge brique et au rouge cerise par addition de quelques gouttes d’eau. Selon Budlock, deux bases existeraient dans la vératrine, l’une, la vératroïdine, serait insoluble dans l’'éther, l’autre, la viridrine y serait soluble.
Ajoutons qu’à côté des alcaloïdes cités, on a encore signalé la cévadine, la cévadilline, la sabadilline et la sabatrine; mais ces alcaloïdes sont surtout abondants dans quelques Vérâtres exotiques, tels que le V. saba- dilla et, pour ce motif, nous ne nous en occuperons pas davantage.
Il y a un écart très considérable entre la quantité de vératrine nécessaire pour amener la mort, suivant qu’on l’'emploie en injections hypodermiques ou intra-vei-
neuses, ou qu’elle est introduite directement dans letube
digestif. Une injection sous-cutanée de 5 centigrammes de vératrine suffit pour tuer un chien de taille et de poids moyens, tandis que cette même quantité, prise par le tube digestif, détermine un vomissement après lequel l'animal retourne à l’état de santé. Si on veut le tuer, 1l faut arriver jusqu’à 80 centigrammes, et même parfois 1 gramme, soit une dose de 16 à 20 fois plus forte.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 115
ARTICLE IV. — LiILIACÉES, ASPARAGINÉES,
SMILACÉES, AMARYLLIDÉES, DIOSCORÉES ET IRIDÉES
Nous réunissons les six familles précédentes sous le même titre, parce qu'elles ne renferment chacune que quelques espèces vénéneuses et surtout parce qu'il est assez exceptionnel que des empoisonnements aient lieu, de leur fait, dans l’espèce humaine et dans les espèces animales domestiques.
| S I. — Liliacées.
Les Liliacées, qui comprennent dans leur groupe exo- ._ tique les Aloës, plantes médicinales par excellence, mais . dont nous n’avons pas à nous occuper ici, renferment ._ quelques genres auxquels nous devons une mention.
A. Urginea, Steinh. (Urginée). Nous avons à signaler
dans ce genre l’espèce suivante :
Urginea scilla, Steinh. (Urginée scille). Plus com- __ munément désignée sous le nom de Scille maritime, l'Urginée est une liliacée vivace qui croît spontanément et abondamment sur les plages de l'Océan et de la Méditerranée et qui est surtout très commune en Algé- rie où sa présence est un ennui pour l’agriculteur. Sa tige, de 20 à 60 centimètres de hauteur, est nue et cylin- _ drique, ses feuilles sont radicales, lancéolées, se déve- _ loppent avant la tige et se fanent avant la floraison. Ses _ fleurs forment une grappe terminale qui s’épanouit d'août à septembre. Sa base est un bulbe volumineux, désigné généralement sous le nom d’oignon de Scille (fig. 10). __ Toutes les parties de la Scille sont vénéneuses, mais _ le bulbe est la portion du végétal la plus riche en toxique.
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116 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Si la Scille joue un rôle important en thérapeutique, en revanche et fort heureusement, les empoisonnements spontanés qu’elle a causés dans notre espèce et parmi les animaux domestiques sont peu nombreux.
Les bulbes et les feuilles ont été incriminés. Il est arrivé qu'à la suite de défrichements exécutés pour se débarrasser de cette mauvaise plante, l’agriculteur a jeté sur le bord des chemins les bulbes arrachés et que des porcs affamés en ont pris suffisamment pour s’empoi- sonner, malgré leur odeur et leur saveur.
La feuille étant vénéneuse, on a vu, dans quelques pâturages qui en sont infestés, comme ceux de la Mi- tidja, en Algérie (Boitel), l'empoisonnement de jeunes animaux.
Les quantités de bulbe ou de feuilles fraîches de Scille qu’il est nécessaire d’ingérer pour amener une intoxi- cation mortelle, n’ont point été déterminées directement. En nous basant sur les doses thérapeutiques de poudre de cette plante, nous ne croyons pas nous éloigner beaucoup de la vérité en indiquant comme toxiques les quantités suivantes de Scille fraîche prise par la voie digestive :
Cheval.. . o gr. 20 centigr. par kilog. de poids vif. Ruminants o — 50 — — — Porc. Hole RU —
Prise en petite quantité, elle détermine d’abondantes émissions d'urine, pousse à l’expectoration et ralentit les battements du cœur par une action spéciale sur les filets nerveux cardiaques. ÿ
En plus grande quantité ou en quantité modérée mais continuée pendant quelques jours, la diurèse se trans- forme en hématurie et anurie, des nausées et des vomis- sements se montrent, de la diarrhée accompagnée de |
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 117 coliques apparaît chez les herbivores, la respiration devient difficile et pressée, le pouls s'accélère, ily a de l'agitation et des convulsions qui font place à une
Fic. 10. — Urginea scilla. — SCILLE MARITIME.
_ phase de prostration pendant laquelle la mort arrive.
De. À l’autopsie, on trouve une irritation du tube SRECNE _ et des voies urinaires.
Partout où la Scille végète, l’agriculteur doit lui faire
118 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
la guerre; le colon algérien y est spécialement intéressé. Lors du fauchage, on devra distraire de l’herbe coupée toutes les feuilles et les hampes, les brûler ou les lais- ser pourrir. L’arrachage des bulbes est également tout indiqué.
Bien que l’étude des principes vénéneux de cette plante réclame de nouvelles recherches chimiques, on semble pourtant d'accord aujourd’hui pour en distin- guer deux : 1° la scillitine, corps amorphe, rougeûtre,
de saveur âcre et d’odeur forte, déliquescent et par con-
séquent très soluble dans l’eau, soluble aussi dans l'alcool et le vinaigre; 2° la skulleine, également amor- phe, âcre, mais insoluble dans l’eau et lalcoo!l faible, et soluble dans l’éther (Naudet). Cette dernière sub- stance aurait des propriétés toxiques beaucoup plus ac- tives que la première qui, d’ailleurs, serait peut-être un corps complexe. | B. Fritillaria, L. (Fritillaire),. — Ce genre ren- ferme une espèce ornementale, Fritillaria imperialis, L. Fritillaire impériale, plus communément appelée Couronne impériale, ou simplement Zmpériale, dont les bulbes sont vénéneux. Cette plante ne croît pas spon- tanément dans nos pays, mais on la cultive beaucoup dans les parterres à cause de la beauté de ses fleurs nom- breuses, allant du rouge safran au blanc, et réunies en
une sorte de couronne au-dessous d’un bouquet de
feuilles terminant la tige. Il se pourrait que ses bulbes fussent jetés volontairement ou distribués par négli- gence aux animaux et particulièrement aux porcs. L’agriculteur veillera à ce qu'il n’en soit point ainsi, puisque des empoisonnements pourraient en être la conséquence.
C. Tulipa, L. (Tulipe). — Ce genre n’est pas très
riche en espèces, mais tout le monde sait combien. sont
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 119
nombreuses les variétés qui se sont formées, soit par hybridation, soit sous l'influence de la culture, car il est peu de plantes qui aient provoqué un pareil engouc- ment.
Il a été trouvé assez récemment dans la Tulipe un principe qui fut désigné sous l’appellation de tulipine et dont l’introduction dans l’organisme, en quantité un peu notable, ne serait pas exempte de dangers.
Pour cette raison, nous applquerons aux oignons de Tulipe les réflexions que nous venons de présenter au sujet des bulbes de la Fritillaire impériale.
D. Allium, L. (Aïl,. Les Liliacées qui constituent ce genre sont distribuées en espèces dont plusieurs entrent dans l’alimentation humaine. Elles renferment une essence qu'on croit être un mélange de plusieurs sul- fures d’allyle et à laquelle on a attribué des propriétés anthelminthiques et antivirulentes.
Ce n’est point parce qu’elles sont capables d’occasion- ner des empoisonnements que je les signale, mais parce qu’elles sont quelquefois mangées par les vaches lai- _tières; elles communiquent au lait (l'ail et l’échalotte en particulier) un goût alliacé prononcé et des plus dé- sagréables. La couleur de ce liquide est également mo- difiée, il prend une teinte rouge jaunâtre qui rappelle celle des oranges mandarines. Sa saveur est brûlante et provoque dans l’arrière-bouche une cuisson persistant longtemps malgré les gargarismes. Les autres proprié- tés du lait ne sont pas modifiées et la quantité qu’en four- nissent les vaches n’est pas diminuée (Boulay, d’A- vesnes).
_ Il a été également remarqué que la viande des ani- # 4 maux qui mangent des aulx, en acquiert l’odeur d’une __ façon prononcée.
_ L’Ail des ours ( Allium ursinum L.) qu’on trouve en
120 DES‘PLANTES VÉNÉNEUSES.
abondance dans les haïes et les bois de l’Est et du Nord, où il croît spontanément, présente le même inconvé- nient quand ses feuilles sont broutées par le bétail. L’odeur alliacée qu'il répand n'empêche pas les vaches de le manger.
$S II. — Asparaginees et Smilacées.
La famille des Asparaginées qui fournit l'Asperge à nos tables et la Salsepareille à nos pharmacies, possède aussi deux espèces vénéneuses, le Muguet et la Pari- sette. |
A. Convallaria, L. (Muguet). Dans ce genre, tout le monde connaît l'espèce Convallaria maialis, L. Muguet de mai, petite plante des lieux ombragés, à rhizome hori- zontal rameux, à hampe grêle, à feuilles ovales, longue- ment pétiolées, curvinerviées, à petites fleurs blanches, campanulées, en grappe et d’une odeur des plus suaves, qui s’épanouissent d’avril à mai et auxquelles succèdent des baies globuleuses, rouges à la maturité (fig. 11).
Cette jolie plante est vénéneuse dans toutes ses parties qui, mises en macération hydro-alcoolique, abandon- nent un poison très violent. Les fleurs sont les parties les plus dangereuses, les feuilles le sont moins.
Walzaextraitde cette plantelaconvallarine, C*H®?0"1, substance vénéneuse qui, bouillie avec un acide, se dé- double en sucre et en convallarétine. Martin en aurait isolé un alcaloïde appelé maialine et un acide dit maia- lique. | _ L’extrait de muguet est un poison si actif que quatre gouttes en injection intra-veineuse suffisent pour tuer un chien en dix minutes. Ses propriétés ont été particu- lièrement étudiées par MM. Sée et Bochefontaine. Pris en quantité moyenne, il ralentit d’abord les mouvements
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. 11. — Convallaria maïialis. — MuGuET DE MAI.
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122 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
du cœur et de l’appareil respiratoire qui s’'amplifient. A cette période en succède une autre où il y a des inter- mittences du cœur, de l’arrêt de la respiration et des vomissements. Diurèse très manifeste chez l’homme, peu prononcée sur les animaux. |
En forte quantité, la période de ralentissement est très courte, le pouls devient bientôt rapide et petit, la respiration s’amplifie à l’extrême, puis le cœur s'arrête en systole ventriculaire.
Il y a trop peu de temps que l’attention s’est portée sur le Muguet pour que nous possédions des renseigne-. ments sur la quantité de fleurs, de feuilles, de baies ou de rhizomes qui doivent être consommés par les ani- maux pour amener des empoisonnements. Je me bor- nerai à dire que, dans les années de disette fourragère, où, par une tolérance spéciale de l’administration fores- tière, le bétail pourra aller paître sous bois, l’agricul- teur et le vétérinaire devront songer à cette plante en cas d'accidents.
B. Paris, L. (Parisette). On trouve dans ce genre une espèce, Paris quadri folia L. Parisette à quatre feuilles, qui suggère les mêmes réflexions que la précé- dente; le vulgaire la nomme Raisin de renard. On la faisait entrer autrefois, dit-on, dans la composition de philtres aphrodisiaques. Elle vient, comme le Muguet, dans les bois et les pâturages ombragés et humides.
C’est une herbe vivace, à longue souche, à tige simple, à feuilles au nombre de 4 généralement, formant un verticille au haut de la tige, acuminées, à grande fleur terminale tétramère ou pentamère, à 8 étamines, se mon- trant d’avril à juin et à laquelle succède une baïe noire bleuâtre quand elle est mûre.
La Parisette est toxique dans toutes ses parties. Walz a extrait de ses feuilles un glucoside qu’il a nommé
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124 7” DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
paridine, C’HO!*. Chauffé avec l'acide chlorhydrique, ce corps se dédouble en glucose et en une matière résineuse que le même chimiste appelle paridol et au- quel il donne la formule C*H#7O".
Si les diverses parties de cette plante sont vénéneuses, il se dégage des recherches de Cazin qu’elles n’agissent pas toutes de Ia même façon. Ainsi, l’action des baies se fait sentir particulièrement sur le cœur, les feuilles sont antispasmodiques et la souche est vomitive. De nouvel- les études sont à entreprendre sur cette plante qui serait probablement fort dangereuse, si elle était broutée par le bétail dans les circonstances indiquées pour le Mu- guet.
On devra recommander aux enfants de ne point tou- cher à son fruit, non plus qu’aux baies du Muguet.
Dans la petite famille des Smilacées, si intimement liée à celle des Asparaginées que leur séparation semble artificielle à plusieurs botanistes de mérite, nous men- tionnerons l’Abama ossifraga ou Narthecium ossifra- gum,Narthécieossifrage, plante des lieux marécageux du Nord et de l'Est, qui passait autrefois, mais sans preuves, pour rendre friables les os des bestiaux qui la brou- taient, d’où son nom spécifique (fig. 12). Dernièrement, en Belgique, on a attribué une gastro-entérite violente à son usage. Il serait utile que des expériences fussent entreprises pour savoir à quoi s’en tenir à son sujet.
$ III. — Amaryllidees.
La famille des Amaryllidées fournit à nos jardins et à nos serres de belles plantes ornementales ; on en a ac- climaté dans la région méridionale quelques espèces exotiques, pour cet objet. Mais, à part les Agaves, on
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126 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
n'y trouve pas de végétaux utiles à l’agriculteur. Au contraire, ceux qui croissent spontanément dans notre rays sont dédaignés du bétail et ils renferment, spécia- lement dans leur bulbe, un principe vénéneux.
Comme césontavanttout des végétaux d’ornement,que les espèces spontanées sont peu nombreuses et assez fai- blement représentées, une simple nomenclature suffira.
Nous laisserons de côté l’'Ææmanthus toxicaria et l’'Hœmanthus nudus qui, avec l’'Amaryllis disticha, ser- vent dans l’Afrique australe, par le suc extrait de leurs bulbes, à empoisonner les armes des indigènes.
A. Dans le genre Amaryilis, nous devons citer VA. belladona, originaire des Antilles, mais acclimaté dans la région méditerranéenne, quiest vénéneux à un degré supérieur à |A. lutea, celui-ci autochtone et croissant spontanément dans la même région.
B. Outre ses variétés ornementales, le genre Narcis- sus (Narcisse), renferme deux espèces très envahissan- tes qui croissent spontanément dans nos prairies humides et sur le bord de nos petits cours d’eau; ce sont: le N. poeticus, L. Narcisse des poètes et le N. pseudo-nar- cissus, L. Narcisse faux-narcisse (fig. 13). Leurs feuilles et leurs tiges sont refusées du bétail, il en est de même de leurs bulbes qui sont émétiques. Les fleurs du A. pseudo-narcissus ont été signalées comme dangereuses.
En 1877, M. Gérard a retiré du bulbe du Narcisse faux-narcisse un alcaloïde qu’il a nommé narcissine et auquel on aurait reconnu des effets différents, selon qu’il aurait été extrait du bulbe avant ou après la floraison.
C. Le Galanthus nivalis L. Galanthe des neiges, vul- gairement appelé Galant d'hiver ou Perce-neige, et les Leucoium vernum L. Nivéole du printemps, appelé éga- lement Perce-neige, et Leucoium œstivum L. Nivéole d'été ont des bulbes violemment émétiques.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 127
D. Il en est de même du Pancratium maritimum qui croît sur les bords de la Méditerranée et en Algérie; on le désigne fréquemment sous les noms de Petite Scille et de Scille blanche.
$ IV. — Dioscorees.
La petite famille des Dioscorées, où l’on rencontre plusieurs espèces exotiques remarquables comme plan- tes alimentaires, n’est représentée dans notre flore que par deux espèces et l’une d’elles, Tamus communis, L. T'amier commun, est vénéneuse.
Le Tamier (fig. 14), encore appelé Taminier, Seau de Notre-Dame, Herbe aux fenimes battues, Vigne noire, est une plante sous-frutescente, vivace, à souche char- nue, grise en dehors, blanche en dedans, à tige grêle, longue de 2 à 3 mètres, à feuilles alternées, pétiolées, volubile, d’un vert luisant, à fleurs dioïques par avorte- ment, petites, jaunâtres, en grappes, à périanthe, avec limbe à 6 divisions, portant six étamines insérées à la base des lobes du périanthe. Elles se montrent de maïà juillet, produisent des baies globuleuses un peu plus grosses que celles du groseillier, d’un beau rouge à l’automne.
Le Tamier est commun dans les haies où il trouve des arbrisseaux pour enrouler et soutenir sa tige. Sa racine, qui est féculente, est très âcre et agit sur l'intestin; les propriétés purgatives de cette partie sont connues de- puis longtemps. Dans la médecine populaire, on la rape, on la réduit en pulpe et on l’applique sur les contu- sions, d’où le nom vulgaire qui lui a été donné. On la fait infuser dans du vinaigre et on la donne aux vaches, en Dauphiné, à la dose de 200 grammes environ, pour aider à l'expulsion des enveloppes après la mise- ee Jui attribuant ainsi des propriétés emménagogues.
128 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Si les tiges et les feuilles sont vénéneuses, la propor- tion de matière toxique qu’elles renferment est peu considérable puisque, d’après Mérat et de Lens, les Italiens et les Arabes mangeraient les jeunes pousses de cette plante à la façon des asperges, et que d’autre part les chèvres et les moutons la broutent, sans en parer incommodés.
Quant aux fruits, ils sont vénéneux et cette propriété est méconnue du plus grand nombre; leur couleur rouge, leur pulpe juteuse et l’absence de saveur désa- gréable peuvent tenter les enfants qui les voient pendre aux haies qui bordent les chemins.
Le principe vénéneux du Tamier n’a point encore été isolé, mais l’empoisonnement récent aux environs de Lyon, d’une jeune enfant à laquelle sa mère, dans son ignorance, donna à manger des baies de cette plante, a permis de recueillir quelques symptômes et a pro- voqué quelques recherches expérimentales sur les ani- maux de la part du docteur H. Coutagne, qui fut chargé d’un rapport judiciaire lors de cette affaire.
De cet ensemble d'observations, il se dégage qu’à 2 É
petites doses, les fruits du Tamier déterminent de lin- quiétude, de la somnolence et de la difficulté dans les déplacements. |
En quantité plus considérable, il y a des vomisse- ments, des douleurs intestinales et un commencement de paralysie du train postérieur; la mort arrive assez promptement.
Quant aux lésions, elles seront empruntées intégra-
lement au rapport précité, où M. Coutagne relate ce qu’il a observé à l’autopsie de l’enfant :
La surface péritonéale des intestins est d’une coloration ordinaire dans toute l'étendue de l'intestin grèle et dans
DES PLANTES VÉNENEUSES. 120
toute celle du gros intestin, à l'exception du cœcum, au ni-
veau duquel nous notons une congestion assez vive. À l’ou- verture de l'intestin grèle, nous constatons sa vacuité presque
9
130 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
absolue; sur la muqueuse, à part une exsudation séreuse d’origine probablement cadavérique, nous n’avons à noter que trois érosions punctiformes de la dimension de la tête d'une épingle. Par contre, tout le gros intestin, depuis le cœcum jusqu’au rectum, est plein, ou, pour parler plus exactement, gonflé de matières fécales de consistance pâteuse, d’une coloration vert foncé et d’une odeur franchement ster- corale. Au milieu d'elles, particulièrement dans le cœcum, nous trouvons des débris végétaux consistant surtout en un grand nombre de graines arrondies, brunâtres, et en plusieurs enveloppes vides de petits fruits rouges, dont un premier examen ne nous permet pas de déterminer la nature.
Nous avons alors exprimé tout le contenu intestinal dans un verre à pied parfaitement propre, et après lavage dans l’eau distillée et filtration, en avons séparé : des fragments de pain ct de fromage incomplètement digérés, des résidus non digérés de poire, enfin, un très grand nombre de graines brunes, à peu près sphériques, dépassant un peu comme dia- mètre une tête de grosse épingle en acier; nous en comp- tons 55 libres dans le liquide stercoral; 9 autres sont agglu- tinées à trois fragments végétaux rouge ponceau, qui sont évidemment l'enveloppe du fruit qui les a contenues; comme pour en rendre la démonstration plus nette, une de ces en- veloppes à peu près intacte, vidée seulement de sa pulpe, par un léger orifice, contient, retenues dans son intérieur, deux dernières graines, identiques aux précédentes; ajoutons, pour compléter l'examen du contenu intestinal, la mention de deux fragments d’enveloppes minces de fruits de même nature, mais sans graines adhérentes. Autant qu’on en peut juger par l’enveloppe restée presque intacte, le volume du fruit en question rappelle celui de la groseille ordinaire.
Pris dans leur ensemble, les symptômes et les lésions ne permettent pas de regarder les baies de Tamier comme agissant exclusivement sur l'intestin; à côté de cette action locale mais non exclusive il y a des effets géné- raux qui nous autorisent jusqu’à nouvel ordre à ranger
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 131
le T. communis dans la classe des narcotico-âcres en attendant qu’une étude chimique et des recher- ches physiologiques complémentaires nous apprennent quelle est sa véritable place dans la classification des poisons
$S V. — Jridees.
Les Iridées sont, comme les Amaryllidées, des plantes :
qui concourent à l’ornementation de nos jardins; on a créé, parmi elles, un grand nombre de variétés à très belles fleurs. Les espèces qui croissent dans notre pays à l’état spontané se rencontrent dans les lieux ombra- gés ou incultes, sur le bord des cours d’eaux et ne sont pas très nombreuses. Délaissées par le bétail et à peu près sans emploi, nous leur devons une mention à cause de leurs propriétés âcres, purgatives et émétiques. Leur rhizome est dangereux surtout à l’état frais, les graines aussi, les autres parties du végétal sont également véné- neuses bien qu'à un moindre degré. On devra donc __ éviter de les distribuer aux animaux, particulièrement | aux porcs. En tête de toutes les espèces du genre Iris, comme _ vénénosité, doit se placer l’Iris pseudo-acorus, L. l’Iris _ faux-acore, vulgairement dénommé /ris jaune, Glayeul
des marais ou simplement Faux acore. Linné l'avait _ déjà signalé comme dangereux pour le bétail; ses fleurs et ses rhizomes ont des propriétés drastiques et émé- tiques très marquées.
A côté de cette espèce et partageant, mais à un degré _ inférieur, ses propriétés, citons : Z. germanica, I. flo- _ rentina, I. fœtidissima, I. siberica. _ Mentionnons aussi dans le genre Gladiolus, L. L. Dnveur, les espèces. G. segetum, Gawl. Glay-eul des
132 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
moissons et G. communis, L. Glayeul commun qui ont, du reste, les plus grands rapports entre elles
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 133
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 135
DEUXIÈME SOUS-GROUPE
DICOTYLÉDONES VÉNÉNEUX
Les végétaux du sous-groupe des Dicotylédones, le plus important des Phanérogames, à beaucoup près, ont été partagés d’après la disposition du périanthe, en Apétalés, Dialipétalés et Gamopétales. Nous avons à passer, tour à tour, chacune de ces divisions en revue.
PREMIÈRE DIVISION DICOTYLÉDONES APÉTALES
Les Apétales, caractérisés par un périanthe simple, non différencié en calice et en corolle, auquel se rattachent directement les étamines, renferment plusieurs familles sur lesquelles nous devons arrêter notre attention; il s’agit des Juglandées, des Cupulifères, des Phytolaccées, des Polygonées, des Aristolochiées, des Thyméléacées, des Loranthacées et des Euphorbiacées.
ARTICLE [. — JUüuGLANDÉES ET CUPULIFÈRES
I. — Juglandéés.— La famille des Juglandées, carac- térisée par des fleurs monoïques, dont les mâles sont en chatons pendants et les femelles en épis dressés, à éta- mines en nombre indéfini, à ovaire infère uniloculaire, à fruit drupacé, dont l’exocarpe est charnu, l’endocarpe ligneux et la graine unique, n’est représentée que par des arbres de grande taille, à feuilles alternes non dentées.
Notre flore n’a qu’un seul genre de cette famille, encore
est-il peu riche en formes, c’est le Juglans L. (Noyer).
_ L’espèce la plus répandue est la suivante:
136 DES PLANTES VENÉNEUSES.
Juglans regia, L. Noyer commun. Arbre trop connu pour qu'il y ait ici la moindre utilité à rappeler, même très sommairement, ses caractères botaniques. Cultivé depuis la plus haute antiquité, son amande est un ali- ment agréable, contenant une huile excellente qui rancit fort vite. Les feuilles, les leurs et lacouche fibro-charnue, enveloppant le fruit (brou, exocarpe), contiennent une huile aromatique, du tannin et une substance amère, âcre, très avide d'oxygène, noircissant promptement à l’air et teignant les tissus et les doigts.
Rien n’autorise à considérer ces parties comme véné- neuses; leur emploi en médecine, à titre d’astrin- gentes, est fort ancien et aucun empoisonnement n’a été mis à leur charge jusqu’à présent.
Si les Noyers figurent dans ce volume, c’est parce que, dans quelques pays, notamment en Suisse, où ils sont nombreux et les pailles rares, on avait eu l’idée d'employer leurs feuilles comme litière. Mais on a re- marqué que si des vaches mangent ces feuilles, placées sous leurs pieds, la sécrétion laitière baisse énormément et peut même se tarir complètement.
I] y a également lieu de présenter une observation à propos des tourteaux laissés comme résidus de l’extrac- tion de l’huile de noix. Ces tourteaux, fort employés dans le Midi où on les désigne dans le langage populaire sous le nom de nougats, constituent un bon aliment pour le bétail, mais ils ont, comme l’huile de noix elle- même, l’inconvénient de rancir promptement. Dans cet état, ils communiquent à la viande des animaux qui les consomment, et particulièrement à celle du porc, une odeur qui se dégage à la cuisson et qui est tellement dé- testable qu’on répugne à manger un tel produit. Les anciens usages du Languedoc autorisent l’acheteur d’un
animal ainsi engraissé à attaquer le vendeur en restitu=
time lin : d
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 137
tion de prix. Pour éviter tout ennui, il est indiqué de cesser l'administration des tourteaux de noix aux ani- maux destinés à la boucherie, au moins trois semaines avant la vente et l’abatage, et de ne point faire consom- mer ceux qui ont subi le rancissement.
II. — Cupulifères. — Cette importante famille est constituée par des arbres et des arbrisseaux, à feuilles simples, alternes, entières ou dentées. Leurs fleurs sont monoïques ; les mâles, disposées en chatons, ont de4 à 20 étamines libres, à filets inégaux, insérées sur une écaille ou au fond d’un périanthe caliciforme; les fe- melles, isolées, rarement réunies dans des involucres, ont pour base un périanthe tubuleux adhérent à l'ovaire qui est infère et à 2 à 6 loges. L’involucre accompagnant ces fleurs se développe après la floraison, devient mem- braneux, coriace ou ligneux, prend, dans beaucoup d'espèces, la forme d’une cupule qui a fourni le nom de la famille. Le fruit est uniloculaire et généralement monosperme par avortement. Cotylédons charnus.
Parmi les tribus renfermées dans cette famille, celle des Quercinées doit particulièrement nous arrêter et nous avons à examiner les genres Fagus et Quercus.
A. Le genre Fagus ne contient qu’une espèce euro- péenne, Fagus sylvatica, L. Hêtre commun. Le Hêtre est, avec le chêne, un des plus beaux arbres
_ de nos forêts. On l'appelle vulgairement Fayard ou
Foy ard. Son tronc est droit, à écorce blanchâtre et lisse, ses rameaux sont étalés, ses feuilles sont d’un beau vert, luisantes en dessous, ses stipules sont roussâtres, velues et caduques, ses fleurs apparaissent avec les feuilles, ses fruits, moins gros que la noisette, sont
_ bruns, luisants, trigones, enveloppés d’une cupule
138 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
coriace, péricarpoide; on les désigne sous le nom de faïines. Ce sont les seules parties du végétal dont nous ayons à nous occuper.
La saveur de la faîne rappelle celle de la noisette; on trouve dans ce fruit une proportion élevée d’une huile grasse, d’un goût agréable si elle a été extraite à froid, et douée d’âpreté quand elle a été exprimée à chaud. Elle a le grand avantage de rancir difficilement.
A côté de cette huile, la faîne renferme un principe vénéneux, mal connu chimiquement, dont l’action toxi- que a d’étroits rapports avec celle de l’Ivraie enivrante que nous avons fait connaître précédemment (Voyez page 74). Les probabilités sont grandes pour que ce poison soit localisé dans l’enveloppe péricarpoïde, car on n’a jamais constaté d’accidents à la suite de l’usage de l’huile de faînes, qu’on emploie couramment dans l'Est et spécialement dans la haute Alsace. Il n’y a eu d’empoisonnements que par les tourteaux qui restent à la suite de la fabrication de l'huile. Et encore il importe de faire une distinction ; si les tourteaux proviennent de faînes décortiquées, ils sont inoffensifs, tandis que s’ils sont formés de débris de fruits non décortiqués, ils sont dangereux. Une expérience de Magne témoigne dans le sens qu'avait indiqué la pratique et Hertwig a montré que le rancissement doit être mis hors de cause, puisque les tourteaux frais ontla même action que ceux qui datent de plusieurs mois.
Tous les animaux sont sensibles aux effets de tels
tourteaux, mais on a signalé les chevauxcomme en étant particulièrement incommodés et il y a bien longtemps que Laurent Rusé a dit que les juments, soumises à ce régime, avortent.
On devra n’acheter, pour l’alimentation du bétail, que des tourteaux décortiqués et, pour la même raison, ne
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 139
pas distribuer des quantités trop considérables de faînes aux porcs qui en sont avides, ni aux autres animaux ct aux oiseaux de basse-cour.
Les ruminants mangent volontiers les feuilles de Hêtre, vertes ou sèches, et aucun inconvénient n’a jamais été signalé à la suite de cette alimentation.
B. On ne compte pas moins de trois cents espèces dans le genre Quercus; pour notre sujet, nous n’en envisagerons qu’une seule, la plus commune. D’ail- leurs, les considérations présentées à son endroit pour- raient s'appliquer aux autres.
Quercus Robur, L. (Chêne rouvre). Avec nombre de botanistes, nous réunirons dans cette espèce linnéenne, les deux variétés Q.pedunculata, Thrh. et Q. sessiliflora Smith, ainsi que les formes qui dérivent de l’une et de l’autre, notamment le Q. Cerris et le Q. pubescens, Willd.
Le Chêne est si connu qu’il serait hors de propos d’en faire une description botanique à cette place. Rappelons seulement que le fruit a sa base plongée dans une cupule,
pédonculée dans la variété qualifiée précisément de pé-
donculée pour cela, et sessile dans le Q. sessiliflora,
tandis que la disposition inverse se remarque dans les feuilles de ces deux formes.
Indépendamment du bois et du tan qu'il fournit pour l’industrie et le chauffage, le Chêne donne annuelle- ment ses glands et, dans quelques régions, ses feuilles pour l'alimentation des animaux.
C’est sur les feuilles exclusivement qu'il faut appeler l'attention ; elles occasionnent au bétail qui les con- somme et dans des circonstances spéciales, des acci- dents d’une réelle gravité.
Au premier printemps dans la plaine, un peu plus
PE e EEE SR
140 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tard sur les plateaux, quand les bourgeons des arbres de nos forêts viennent de s’entrouvrir et que les jeunes feuilles ont encore la couleur vert tendre qui teinte si délicieusement la campagne au renouveau, il arrive que les agriculteurs, dont les provisions de fourrage sont épuisées, font paître leurs bestiaux dans la forêt. C’est habitude chez les forestiers, les charbonniers, les bû- cherons qui exploitent les coupes, et c’est souvent une nécessité pour les petits cultivateurs des pays boisés. Le bétail, depuis longtemps entretenu au régime du sec et qui trouve peu d’herbe encore sur le sol de la forêt, mange avidement les pousses récentes et les Jeunes feuilles à sa portée; s’il pâture dans un taillis, son avidité n’a pas de bornes au début.
Après quelques jours de ce régime apparaissent, ‘d’a- bord sur les jeunes animaux et spécialement, a-t-on remarqué, sur ceux à peau mince et à pelage blanc, puis sur les vaches laitières et le reste du troupeau, les signes d’une maladie observée et décrite depuis longtemps sous le nom caractéristique de mal de brou ou de mala- die des bois. Dans le Midi, elle a été observée à la suite de la dépaissance dans les landes où croissent di- vers arbrisseaux et notamment le Genêt d'Espagne, on appelle vulgairement genestade.
Symptômes. — Les animaux, pleins d’appétitau com- mencement, mangent de moins en moins, ils ruminent peu et avec difficulté, semble-t-il ;ils sont ensuite atteints d’une constipation qui va en augmentant, leurs excré- ments sont durs et coiffés. Ils restent longtemps couchés et regardent de temps en temps leur flanc, comme dans le cas de coliques sourdes, puis se relèvent et se campent pour uriner; le liquide est émis par jets et il est d’abord de couleur roussâtre. La sécrétion lactée baisse consi- dérablement chez les femelles et finit par tomber à rien.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 141
11 y a de la fièvre, des tremblements musculaires partiels et un peu de faiblesse du train postérieur, le poil est piqué, la colonne dorso-lombaire est plus sensible qu’à l’état normal, la bouche chaude, la salive rare. Trois ou quatre jours après le début du mal, la rumi- nation est complètement suspendue, les sujets piétinent, accusent des coliques, ont le ventre rétracté, le pouls dur, le cœur tumultueux, la respiration accélérée et plaintive, des secousses musculaires assez violentes et ils se campent très fréquemment pour uriner. Un caractère qui frappe toujours est la couleur de l’urine : constam- | ment elle est foncée, mais avec des variations de teintes R qui vont du rouge clair à la coloration noire foncée du vin de Malaga, avec la nuance brune comme dominante.
Si l'animal est soustrait à la cause de son mal et s’il
reçoit les soins nécessités par son état, le plus générale- ment il guérit. Le pronostic n’est fâcheux que lorsqu’à la constipation succède une dysenterie spumeuse, très fétide et très abondante. Alors les malades s’affaiblissent très rapidement et meurent dans le marasme. À Dans la très grande majorité des cas, le mal de brou n’a point une marche rapide; pourtant on a constaté, exceptionnellement, une sorte d’explosion subite du mal. Il y a eu expulsion immédiaté et abondante d'urine san- guinolente, avec des coliques violentes et parfois hémor- rhagie intestinale; dans ces conditions, les sujets ont succombé dans les vingt-quatre heures.
Lésions. — Ce sont celles de la gastro-entérite et de la néphro-cystite. Les premières ne sont point en rap- port, généralement, avec l’intensité et la marche du mal. Les secondes sont plus accentuées : les reins ont doublé ou triplé de volume, présentent des taches ecchymoti- ques à leur surface, des foyers hémorrhagiques dans leur parenchyme, l’inflammation du bassinet, la des-
RARE |. 1 sr NEA Le
142 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
truction des canalicules urinifères ou leur obstruction par des coagulats fibrineux. La vessie est presque tou- jours revenue sur elle-même, à peu près vide ou renfer- mant une petite quantité d’urine foncée, la muqueuse est enflammée.
L'étude de l’urine, qui est la partie la plus intéressante cans l’histoire de l’hématurie, avait été fort négligée jus- que dans ces dernières années. On ne s'était occupé que des caractères physiques les plus saillants, et encore ne s’'accordait-on pas sur un point essentiel, la présence ou l'absence d’hématies dans l’urine. Stockfieth en niait l'existence dans ce liquide, tandis que la plupart des auteurs français l’admettaient. M. A. Robin a fait une bonne étude de ce point d’urologie et nous ne pouvons mieux agir que de lui emprunter le résumé de ses obser- vations. ;
L'urine est visqueuse, à réaction alcaline, à odeur de bouverie, riche en sédiment formé surtout de matière albuminoïde coagulée et teintée de brun. Les globules sanguins y sont rares, mais On y trouve des cristaux d’urate d’'ammoniaque, très peu de carbonate de chaux, quelques gouttes de graisse,des leucocytes, point d’oxalate de chaux, un peu plus d’urée qu’à l’état normal, une di- minution considérable des hippurates et une augmen- tation notable des chlorures, un peu d’acide phos- phorique, de l’albumine en quantité considérable ainsi que de l’urohématine et de ’hémoglobine. Aucune trace de sucre.
De ses analyses, M. Robin conclut que, pendant le cours de la maladie « l’organisme fait de plus grandes pertesenurée etsurtouten chlorures, pertes d’autantplus
sensibles que les animaux mangent moins ; que l'acide
urique remplace l’acide hippurique, rapprochant tem- porairement ainsi l’urine des animaux malades de celle
4 |
LU
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 143
des carnivores ; que les sels de chaux diminuent dans le liquide et d:sparaissent dans le sédiment; que la graisse libre et les cylindres augmentent et apparaissent aux alentours de la défervescence ; enfin, que l'affection paraît être une hémoglobinurie plutôt qu’une hématurie véritable. »
Quelle est la substance productrice de cette hémoglo- binurie ? Elle doit se trouver dans les jeunes pousses et les nouvelles feuilles du Chêne, mais on a remarqué que celles du Charme, du Frêne, de l’Aulne, du Coudrier, du Troëne,du Cornouillier, du Sapin, del’Epicea, de l’'Ajonc et du Genêt, dans les mêmes conditions, étaient capables
‘ d’occasionner des accidents semblables. Toutes ces
pousses et ces feuilles sont riches en tannin, et l’ona été naturellement porté à regarder ce corps comme le fac- teur du mal. Nous avons à discuter cette opinion.
Pour la soutenir, on peut arguer que le tannin est en plus forte proportion dans les végétaux incriminés, et spécialement dans le Chêne, au printemps qu’en hiver et qu’il est plus abondant chez les jeunes Chênes que chez les vieux, puisque dans ceux-ci le tannin se transforme en acide gallique puis, peu à peu, en extractifs bruns. I] est acquis que la teneur en tannin, chez les végétaux à contenu tannique, est en rapport avec l’activité physio- logique des tissus, de telle sorte que son maximum se rencontre dans les jeunes organes, tels que les bour- geons, les jeunes rameaux et les premières feuilles, les tissus formateurs, le cambium et le phellogène.
En résulte-t-il que c’est une plus grande introduction de tannin dans l’économie qui occasionne le mal de brou ? Je nele pense pas. En effet, on donneaux animaux des aliments qui sont également fort riches en tannin et qui, néanmoins, n’occasionnent point d’accidents mal- gré la durée d’un tel régime. Citons d’abord les glands
144 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
qui, dans les districts forestiers, en France et ailleurs, sont distribués à profusion, pendant plusieurs semaines, à tous les animaux, chevaux, bêtes d’engrais, porcs, et qui n’amènent jamais d’hématurie, mais produisent d’excellents effets. Les feuilles de vigne sont, parmi les organes foliacés, des plus riches en tannin; de temps immémorial, on les récolte et on les conserve même en silos comme provision d’hiver pour le bétail. Qui a jamais constaté le mal de brou par suite de leur consom- mation ? Dans les pays scandinaves, dans le nord de la Russie et dans l’Asie septentrionale, spécialement parmi les tribus baskirs, on fait provision d’écorce de Bouleau,
de Pin, de Sapin, d'Orme, de Mérisier, de Tilleul, de:
Saule, également d'une haute teneur en tannin, pour la nourriture des animaux pendant tout l'hiver et nul inconvénient, nul accident n’en résultent.
L’expérimentation, soit avec le tan, soit avec l'acide tannique tel que le fournissent les pharmaciens, n’a pas davantage démontré la nocivité de ces substances et la production d’accidents hémoglobinuriques. Gobhier a exécuté, dans cet ordre d’idées, une expérience souvent citée. Il a fait prendre de grandes quantités d’écorce de Chêne à des chevaux qui en ont d’abord retiré de bons effets, puis ont fini par éprouver un arrêt de la digestion avec constipation opiniâtre, mais sans hématurie. Leur sang, loin d’avoir de la tendance à abandonner son
hémoglobine, est devenu plus vermeil, plus coagulable
et d’une putréfaction beaucoup plus lente. | D'autre part, les recherches de thérapeutique faites sur l'acide tannique employé aussi pur que possible, n’ont point décelé d'hématurie à la suite de son emploi longtemps soutenu. Enfin, nous ajouterons que la consommation des feuilles de Chêne, de Frêne, etc. en été, en automne ét en
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 145
hiver, alors qu’elles contiennent du tannin en moins
forte proportion qu’au printemps, c’est vrai, mais pour- tant encore en quantité élevée, n’amène plus la maladie des bois. Dans la région montagneuse du sud-est et du centre, particulièrement dans les Hautes et les Basses- Alpes, la Lozère, l'Ardèche, la Haute-Loire, le Rhône, etc., on coupe en automne les rameaux feuillus des Chênes entretenus en têtards et l’on en nourrit fort longtemps les moutons sans accidents.
Si le tannin des écorces, des fruits, des feuilles esti- vales et automnales ne doit point être accusé, deux hy- pothèses se présentent : il existerait dans les jeunes feuilles, à côté du tannin, une substance vénéneuse, éphémère, qui disparaîtrait bientôt; ou le tannin lui- même serait sous un état spécial qui lui donnerait les propriétés malfaisantes qui viennent d’être décrites.
La première hypothèse est peu soutenable, car il serait assez singulier que ce poison ait échappé jusqu’à présent aux chimistes et aux botanistes qui ont étudié de très près les tannins. Nous ne la repousserons point d’une façon absolue, car 1l ne faut jamais engager l’ave- nir et nous ne pouvons prévoir ce que l’on découvrira
ultérieurement, mais nous attendrons que des faits viennent l’appuyer.
Voyons la seconde. On admet aujourd’hui que les vé- gétaux renferment le tannin sous forme d’un gluco- _ side polygallique fort altérable. Les variétés en sont
. nombreuses, suivant les espèces végétales qui les four- _ nissent; il est probable que, dans une même espèce, _ plusieurs de ces variétés, dérivant les unes des autres, _ apparaissent et disparaissent pour faire définitivement place à la variété spécifique. Il serait très utile que les _ chimistes étudiassent ce point en commencant leurs D. analyses dès le début du printemps. Le contrôle de l’his-
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10
146 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tologie végétale ne serait point à dédaïgner. On possède actuellement plusieurs bons réactifs qui pourraient four- nir d’utiles indications : le perchlorure, qui colore en vert ou en bleu, suivant la nature du tannin; le bichro- mate de potasse, qui forme un composé compact rouge brun; la dissolution de molybdate d’ammoniaque dans une solution concentrée de chlorhydrate d’ammoniaque, qui colore les tannins en rouge et qui a l’avantage de permettre de distinguer les tannins glycosides de l’acide tannique, car un excès de chlorhydrate d'ammoniaque produit dans les premiers un volumineux précipité tan-. dis que ce dernier reste coloré en rouge.
Ces variétés de tannin, très altérables comme il a été dit, peuvent subir des modifications dans l’économie et fournir soit des acides, soit des corps spéciaux comme la pyrocatéchine.
Or, de fort intéressantes recherches de M. G. Hayem ont montré que le sang des animaux soumis à l’action de l'acide pyrog one et de la pyrocatéchine éprouve des modifications spéciales. Les hématies sont atta- quées, une certaine proportion d’hémoglobine s’extra- vase. Il y a formation de méthémoglobine à la fois dans les globules rouges et dans le plasma et déglobu- lisation plus ou moins intense.
D'un autre côté, on a constaté que dans la fièvre hé-
maturique et dans l’hémoglobinurie paroxystique, les urines renferment de la méthémoglobine. : Toutes ces notions ne concordent-elles pas pour nous faire admettre la possibilité d’un état particulier du tannin dans les jeunes tissus et la modification de ce tannin dans l’économie animale ?
Quoi qu’il en soit, l’agriculteur doit voir par ce qui précède, que si l'alimentation avec des feuilles récoitées en été et en automne ne soulève aucune objection parce
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 147
qu’elle n’entraîne aucun inconvénient, il n’en est pas de
_ même lorsque la dépaissance se fait au commencement du printemps et porte sur les bourgeons et les très jeunes feuilles. Le mieux sera de n’y point soumettre les animaux.
Avant de terminer, nous dirons que l’emploi de la sciure de bois de Chêne, comme litière, n’est pas à recom- mander ; elle fournit un fumier acide qui ne peut être employé utilement qu’après avoir été corrigé par les phosphates. On a accusé également cette litière d’atta- quer à la longue le pis des vaches laitières et d’y occa- sionner des inflammations (Darbot).
ARTICLE II. — PHYTOLACCÉES ET POLYGONÉES.
[. — Phytolaccées.— Cette famille ne renferme que la seule espèce suivante qui nous intéresse : Phyto- . Lacca decandra, L. Phytolaque à dix étamines, vulgaire- _ ment Raisin d'Amérique, Herbe à la laque, Epinard doux, Michoacan du Canada (fig. 15). Plante herbacée, 1 vivace, à tige dressée, cannelée, de 1 à 3 mètres de haut, > très riche en moelle et de teinte rougeâtre, comme les rameaux. Grandes feuilles alternes, ovales, à petite . pointe calleuse. Fleurs petites, à longues grappes, à _ 10 étamines. Baies noirâtres, sillonnées à la surface et composées d’un assez grand nombre de carpelles.
Originaire de l'Amérique du Nord,le Phytolaque est . depuis longtemps acclimaté en Europe, à tel point qu’on ._ pourrait maintenant le croire spontané dans le midi. _ Il renferme dans toutes ses parties un principe qui . agit à la façon des purgatifs. On s’est servi, et l’on se . sert peut-être encore, de ses baies pour colorer les vins, . mais l'emploi doit en être prohibé à cause des dangers qui peuvent en résulter pour la santé des consomma-
148 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
teurs de pareilles boissons. La prohibition a été édictée déjà en Portugal. On s’en sert en Allemagne comme colorant dans la pâtisserie et la confiserie; ce ne peut être non plus sans danger.
Dans le midi de la France, on a constaté Pempoison- nement du cheval et de l’âne par l’ingestion des feuilles du Phytolaque. Cette intoxication s’est présentée avec les caractères de la superpurgation. Baston a vu mourir promptement un chien auquel il avait administré de l'extrait de ce végétal.
L'étude chimique du principe toxique du Ph. de-
candra est à faire; pour le moment nous savons seule- ment que c’est un cathartique qui semble détruit par la cuisson et aussi par l’étiolement, car en Amérique, au moment où les bourgeons de cette plante sortent de terre, on les mange comme les asperges. :
Une espèce voisine, le P. dioïca, devient un arbre dans le midi de l’Europe et en Afrique, c’est le Bel- ombra des Algériens et des Niçois, la Bella sombra des Espagnols; il n’a jamais été mis en cause.
II. — Polygonées. —— Plantes herbacées ou fru- tescentes, à tige quelquefois volubile, souvent noueuse, à feuilles simples, alternes, hastées, dont le pétiole est entouré d’une ochrea. Fleurs petites, de nuances di- verses, généralement hermaphrodites, isolées ou réunies en épis, en grappes, en panicules, à périanthe herbacé ou pétaloïde formé de 3 à 6 lobes, étamines 4 à 10, le plus souvent 6 à 9, insérées à la base du périanthe et accompagnées ou non de petites glandes. Ovaire supère, uniloculaire, uniovulé, trigone ou comprimé à 2 ou 3
styles. Fruit indéhiscent, monosperme, trigone ou.
aplati, à péricarpe coriace. Albumen farineux. D’assez nombreuses espèces de Polygonées se rencon-
. DES PLANTES VÉNÉNEUSES. ‘tag
trent dans les champs et les pâturages; il en est qui sont mangées avec plaisir par les bestiaux; d’autres
Fig. 15, — Phytolacca, — PHYTOLAQUE A DIX ÉTAMINES. (Fleurs.)
_ comme le Poly gonum hydropiper, L. Renouée poivre à d’eauou Persicaire brûlante, sont dédaignées de tousles ; _ animaux; quelques-unes sont refusées par une espèce . et acceptées par d’autres. telles la Bistorte, Poly gontim
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150 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Bistorta L. que le cheval ne mange pas, et la Renouée amphibie, Poly gonum amphibium, que la vache refuse. La Renouée Liseron, Poly gonum convolvulus, L. est quelquefois excessivement commune dans les moissons; sa tige volubile s’enroule après celle des céréales et ses graines, trigones, dures, à arêtes aiguës se mêlent au blé, à l’avoine, etc. M. Galtier a publié des faits qui prouvent qu’une avoine trop chargée en graines de Renouée peut occasionner, par un usage prolongé, une entérite plus ou moins grave, parfois mortelle, surtout quand elle est distribuée à des chevaux gloutons qui mâchent à peine leurs aliments.
Les Polygonées sont amères, riches en tannin, mais on ne leur connaît pas de principes vénéneux; aussi ne nous en occupons-nous ici que pour recommander de soumettre à un criblage convenable les avoines qui en renferment une forte proportion.
A. Le genre Rumex, très riche en espèces et en va- riétés, fournit des plantes qui sont peu recherchées des bestiaux. Parmi ces espèces, on doit signaler la sui- vante :
Rumex acetosella L. Rumex petite oseille. Herbe vivace, vulgairement appelée Oseille de brebis, à feuilles glabres pétiolées, à fleurs dioïques et rougeâtres, à val- ves intérieures du périanthe membraneuses, à valves extérieures dressées. Elle est commune dans les terrains sablonneux et sur le bord des chemins.
Les botanistes agricoles disent que la Petite oseille est mangée avec plaisir par les moutons, qu’elle peut préserver de la cachexie aqueuse. Mais quelques vété- rinaires l’accusent de produire des intoxications chez le cheval et le mouton qui la broutent lorsqu'elle est à maturité et couverte de ses graines. ;
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 151
Sur le cheval, les symptômes ont d’abord, a-t-il été écrit, quelque ressemblance avec ceux de l’ivresse, c’est- à-dire démarche titubante, écartement des membres pour le soutien, facies anxieux, lèvres pendantes, ptyalisme, muqueuses cyanosées. pe il y a des fré- _ missements musculaires des fessiers et des scapulo- olécraniens, dilatation de la pupille, relâchement des sphincters, émission d’urine, pouls lent, faible, avec des intermittences de cinq en cinq minutes. Enfin, contraction convulsive des lèvres, rétraction de l’œil au fond de l’orbite, respiration accélérée, stertoreuse, dilatation extrême des naseaux, contracture tétanique des muscles de l’encolure, du dos et des membres, soubresauts convulsifs comme sous l'influence de dé- charges électriques, sueurs abondantes, chute sur le sol. L'animal se relève, reste quelque temps extrêmement abattu, puis la même série de symptômes recommence jusqu’à ce qu’il expire au milieu de convulsions finales (Michels). Tel est le tableau symptomatologique.
A l’autopsie, on a trouvé le sac droit de l’estomac très enflammé; ce fut la principale et à peu près la Fons lésion.
Il n’a été émis jusqu’à présent que des hypothèses sur le principe vénéneux que renfermerait la Petite oseille. Sa recherche et son isolement restent encore l’une des tâches de la chimie ; l’absence des documents que cette science pourra nous fournir un jour, nous oblige à nous tenir, jusqu à nouvel ordre, dans une prudente réserve.
B. Le genre Fagopyrum doit nous arrêter et nous avons à considérer spécialement l'espèce Fagopyrum _ vulgare, Nees. (F. esculentum Mænch , Poly gonum fa- _ gopyrum L.) Sarrasin commun. Elle est constituée par
152 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
une plante annuelle, de taille très variable suivant la fertilité du sol et la saison, à tige rougeâtre, à feuilles cordées, aux fleurs blanches ou rosées, en grappes courtes, aux fruits trigones, noirs et lisses.
Cultivé dans les terrains maigres, le Sarrasin est par- fois enfoui en vert ou pâturé par le bétail, mais le plus souvent il est récolté pour sa graine. Celle-ci est riche en farine et fournit un pain nutritif, mais d’une diges- tion difficile dont l’usage se restreint de plus en plus, même dans les pays pauvres. A part le peu de digesti- bilité de ce pain, on ne lui signale pas de SE ot spéciales.
Les fleurs, la paille et les graines provoquent sur les animaux qui les consomment une-série de phénomènes congestifs assez singuliers. Les grains sont peu dange- reux, la paille l’est davantage, mais ce sont surtout les sommités fleuries qu’il faut redouter.
La cuisson enlève aux grains leurs mauvaises pro- priétés et en les donnant aux porcs après cette prépara- tion, l’engraissement est activé.
A état cru, les oiseaux de basse-cour en retirent les meilleurs ets, les femelles sont poussées à la ponte et on ne remarque pas d'accidents sur cette sorte d’ani- maux. Mais donnés aux chevaux de quelques grandes compagnies de transport, en mélange avec de l’avoine, ils ont occasionné des poussées congestives à la peau et des démangeaisons qui ont cessé quelque temps après la suspension de leur usage.
La paille sèche est la cause d’accidents plus graves et de symptômes singuliers, se manifestant le plus commu- nément sur les moutons qui, plus que tous les autres animaux de la ferme, reçoivent cette paille comme nour- riture et comme litière. La symptomatologie de cette intoxication a été fort bien tracée dans une communi-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 153
cation de M. Moisant, vétérinaire à Chateaudun; nous allons la reproduire :
Le 10 mars 18..., M. R..., cultivateur du canton d’Orgères
(Eure-et-Loir), fit entrer de la paille sèche et battue de Sar- rasin pour un quart dans la ration d’un troupeau composé de 400 bêtes ; 150 agneaux, placés dans une bergerie séparée, n’en recurent pas. Ce régime fut continué jusqu’au 10 avril. Le troupeau vécut tout ce temps dans la bergerie, etaucun phé- nomène particulier ne fut remarqué. Peut-être en eût-il été ainsi quelques semaines encore si, pour enlever le fumier de la bergcrie, M. R... n’eût pas fait séjourner dans la cour de sa ferme 8o brebis pendant trois heures. Sous l’influence de Vair extérieur, la tête et les oreilles de ces brebis devinrent énormes ct le berger, ayant été leur donner à manger, resta stupéfait de les voir en cet état. Elles s’agitaient, bélaient et cherchaient à se frotter la tète contre les murs, partout où elles pouvaient. Elles furent immédiatement rentrées et une heure après, à l’exception de 5 ou 6, elles fourrageaient avec appétit, l’engorgement de la tête et des oreilles se dis- sipait peu à peu et le lendemain il n’y avait plus que de la rougeur à la peau. M. R... voulut voir alors si le même phénomène se repro- . duirait sur un lot de 75 bêtes plus jeunes, gaudines et ante- | naises, placées dans un autre compartiment de la bergerie, en les faisant également sortir et séjourner dans la cour. Au bout de deux heures, tout le cortège de symptômes observés la veille sur les autres apparut, se dissipa de même à la ber- gerie et trois Jours après la rentrée de ch lot,ilne restait aucun signe apparent de maladie. |
M. R..., qui est doué d’une grande placidité de caractère, ne s’émut pas davantage de cet accident qu’il croyait tout à fait éphémère; mais le 15 avril, ayant envoyé tout son trou- peau au pâturage, les mêmes phénomènes se reproduisirent avec une égale intensité. Un ancien berger, consulté alors, diagnostiqua la clavelée. M. R..., ne connaissant pas cette grave maladie, même de nom, conserva son calme habituel
154 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
et, en persistant à faire séjourner son troupeau au dehors, il eut bientôt la satisfaction de voir disparaître les signes les plus saillants du mal inconnu. Du 24 avril au 18 mai tout sembla rentré dans l’ordre accoutumé.
A cette dernière date, notre cultivateur, ayant fait tondre son troupeau, s’apercut que les bètes, dépouillées de leur laine, ne pouvaient plus rester à l’air libre sans béler, s’agiter, le- ver la tète et se précipiter à chaque instant du côté de la ber- gerie. La tête, les oreilles surtout, la vulve, étaient rou- ges et tuméfiées et la peau de tout le corps participait plus ou moins, selon les places, à cet état congestionnel. Les, brebis étaient comme folles, selon l’expression du berger.
Cette fois M. R..., tout à fait alarmé, vint me prier d’ac- compagner chez lui mon excellent confrère et ami M. G... de B.…, son vétérinaire habituel. Notre première ques- tion à l’un et à l’autre, une fois en possession des renseigne- ments qui précèdent, fut de lui demander si son troupeau n'avait pas mangé de Sarrasin. Aussi, après sa réponse affir- mative, nous rendimes-nous à sa ferme bien fixés sur la nature de la maladie, d’autant mieux que les 150 agneaux auxquels il n’avait pas été donné de Sarrasin n’avaient rien éprouvé et étaient les seuls qui n’eussent rien éprouvé. Ce fait que M. R... ne s’expliquait pas avant de nous avoir consultés, le fixa à son tour sur la cause des accidents qu’il remarquait.
Le troupeau nous fut présenté à la bergerie dont on ne l'avait pas fait sortir depuis vingt-quatre heures: À part un peu d’épaississement et de rougeur à la peau des oreilles, un peu plus d’excitabilité et de bèlements qui ne pouvaient frap- per d’ailleurs que des gens prévenus, on ne constatait rien d’anormal; ies bêtes mangeaient avec appétit et avaient un embonpoint ordinaire. Après ce premier examen nous les fimes sortir et conduire en deux bandes séparées sur des ter- rains en friche qui avoisinent la ferme; pendant cinq à six minutes elles se mirent à brouter l’herbe comme en bonne santé, puis elles commencèrent à s’agiter, à lever la tête, à béler; les oreilles et la vulve se tuméfiaient visiblement, les pauvres bêtes se campaient comme pour urineretelles allon-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 155
geaient les membres jusqu’à ce qu’elles tombassent étendues sur le sol; elles se relevaient aussitôt, puis toutes cherchaient à se précipiter du côté de la bergerie, et lorsque, malgré les hommes et les chiens qui veillaient à les en empêcher, elles pouvaient se frayer un passage, elles y couraient de toutes leurs forces. Une fois rentrées, l’agitation persistait pendant un certain temps, une demi-heure, trois quarts d’heure, puis progressivement, tout rentrait dans l’état précédemment indiqué.
Les sommités fleuries occasionnent des accidents du même genre mais dont la terminaison est parfois mor- telle. On les a signalés chez le bœuf, le mouton, le porc et le lapin.
Des chasseurs prétendent que le lièvre, levé dans une pièce de Sarrasin en pleine floraison, devient facilement la proie du chien qui le poursuit, car il chancelle comme s'il était en état d’ébriété et oublie ses ruses habituelles pour dépister ses ennemis.
Les porcs qui s’échappent dans un champ de Sarrasin en fleurs ou que l’on y conduit volontairement, ne tar- dent pas à présenter des symptômes qui rappellent les phases de l'ivresse alcoolique : agitation, grognements, sorte de délire furieux qui les fait se battre entre eux, se précipiter sur les chiens et sur les bergers, puis titu- bation marquée, agitation en rond, chute et frottement sur la terre, enfin coma et sommeil profond.
Sur les moutons, la phase d’agitation et de délire est plus courte, moins nette, mais la titubation, l’incoordi- nation des mouvements, la marche sur les boulets et
enfin la chute sur le sol arrivent rapidement. Ces signes s’accompagnent de bouffissure de la tête, sorte d’anasar-
que à marche rapide, de congestion et de larmoiement des yeux, d'écoulement clair par les narines et d’augmen- tation de la salivation.
156 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Les bœufs présentent des symptômes analogues à ceux du mouton. On les voit trébucher, puis tomber lourdement sur le sol; la bouffissure de la tête ne se montre pas toujours, il peut arriver que la congestion se fasse sur les centres nerveux et la mort, dans ce cas, termine la scène. Les bêtes bovines sont moins sensi- bles que les moutons à l’action des fleurs de Sarrasin et il faut l’ingestion de quantités élevées de sommités fleuries pour déterminer les accidents en question. On les a observés de préférence quand ces sommités étaient distribuées à l’étable et que les animaux sortaient en- suite au grand air.
Il est à peine besoin de dire que, dans des cas ana- Jogues à ceux rapportés ici, une seule chose est à faire pour arrêter le mal: supprimer la cause, c’est-à-dire le pâturage dans les champs de Sarrasin.
La paille et le grain du Sarrasin ont été l’objet d’ana- lyses chimiques fort consciencieuses de la part de plu- sieurs savants, notamment de M. Lechartier, de Rennes. Aucun d’entre eux n’a signalé jusqu’à présent la pré- sence d’un principe auquel nous puissions attribuer les faits signalés. Si nous avions à risquer une hypothèse et à faire un rapprochement, en attendant de nouvelles études chimiques sur ce point, nous rapprocherions les effets du Sarrasin de ceux que produisent sur l’homme le Chanvre des pays méridionaux et particulièrement le Cannabis indica. L’ivresse, les hallucinations et le nar- cotisme produits par le haschish ont avec les effets du Sarrasin en fleurs plusieurs points de contact.
Nous ignorons si le F. T'artaricum et le F. cymosum possèdent les propriétés du Sarrasin ordinaire et si des accidents doivent leur être attribués.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 157
ARTICLE Î1[1. — ARISTOLOCHIÉES, THYMÉLÉACÉES
ET LORANTHACÉES.
Fic. 16. — Aristolochia clematitis. — ARISTOLOCHE CLÉMATIiTE.
1. Fruit. — 2. Graine.
fois grimpantes, aux fleurs bizarres et aux fruits capsu- laires. L'espèce suivante nous intéresse spécialement :
Aristolochia clematitis, L. (Aristoloche clématite). (fig. 16). Herbe de 0,60 à 0,80 centim. de taille, avec une où plusieurs tiges dressées glabres, à feuilles cordi- formes, entières et alternes. Fleurs jaune clair, à pé-
TT pr.
155 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
rianthe longuement tubuleux, prolongé inférieurement en une lèvre unique; capsule pyriforme; souche tra- çante et profonde.
Elle se trouve dans les lieux ombragés, pierreux, dans les interstices des chaussées d’endiguement, dans les buissons, les vignes et parfois les luzernes. Cette plante est généralement citée comme un bel exemple de fécon- dation par les insectes. |
Dans les campagnes, on la désigne sous les noms vulgaires de Sarrazine, Ratelaire, Pomme rasse, Poison de terre. La racine de l’Aristoloche était employée dans l’ancienne médecine, mais elle est abandonnée aujour- d’hui, à tort peut-être
où n’a point Corctiéne d'accidents arrivés à l’homme par son usage; on ne voit pas d’ailleurs ce qui pourrait l'engager à y toucher. En raison de l’odeur vireuse qu’elle dégage,.les bestiaux la prennent rarement au pâturage, mais quand elle se trouve mêlée à d’autres fourrages, elle est mangée et il a été remarqué que, prise à petites doses pendant quelque temps, elle communique au lait une saveur désagréable.
Ingérée en quantités plus fortes, elle occasionne une véritable intoxication. Jeannin, ancien vétérinaire au dépôt de remonte d’Arles, a relaté l’empoisonnement de cinq chevaux qui recevaient une luzerne contenant l'énorme proportion de 1 kilog. 100 gr. d’Aristoloche clématite par 7 kilog. de luzerne. Voici, d’après cet observateur, les symptômes présentés par les malades : « À ma première visite je constatai une espèce d’immo- bilité générale, de la torpeur, un état voisin de ivresse, la démarche incertaine; l'un des malades chancelait
et traînait avec peine son train de derrière. Le pouls
avait acquis de l’ampleur, de la vitesse, de la force et de la dureté. Des soubresauts, des spasmes, des convul-
DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. 159
sions légères se manifestaient dans diverses régions du corps pendant les somnolences longues, comateuses, qui avaient lieu. La pupille était dilatée, la vision obscurcie. Anorexie. Un peu plus tard, constipation opiniâtre, émission fréquente d’urine, spasme génital. La convalescence fut très longue. »
Chevalier et plus tard Walz ont extrait de la racine d’Aristoloche un principe amer, jaune, insoluble dans lPéther, soluble dans l’alcoo!l, dans 50 parties d’eau chaude et 200 d’eau bouillante, auquel ils ont donné le nom d’Aristolochine. Walz lui. attribue la formule C5 H'° Of. A côté de l’aristolochine, ce chimiste a encore obtenu l'acide aristolochique et l'essence d'aristoloche.
Il est probable que c’est à l’aristolochine qu'il faut attribuer les effets constatés chez les chevaux dont il vient d’être parlé.
L’agriculteur devra détruire l’Aristoloche quand elle apparaîtra dansses prairies permanentes ou temporaires.
Les autres espèces d’Aristoloches indigènes : À. ro- tunda, À. longa, À pistolochia, sont àcres comme l’Aris- toloche clématite et occasionneraient probablement les mêmes accidents. Il sera bon d’être en garde également vis-à-vis de l'A. Sipho, plante américaine acclimatée maintenant chez nous et communément utilisée pour ombrager les tonnelles et les berceaux dans les jardins.
Les Aristoloches exotiques sont nombreuses et à peu près toutes fort vénéneuses. Il en est une qui est parti- culièrement bien connue des colons des Antilles, c’est l'A. grandiflora Sw. qu’ils appellent vulgairement Tue- cochon et Viande à cochon empoisonnée pour indiquer son action malfaisante sur cet animal.
Il. — Thyméléacées. — Cette famille, constituée principalement par des arbustes, nous intéresse spéciale-
160 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ment par le genre Daphne. Plusieurs espèces se rencon- trent dans ce groupe, toutes sont vénéneuses. Nous allons prendre comme type celle qui a été le plus sou- vent citée à cause des accidents qu’elle a occasionnés.
Daphne Mexereum, L. (Bois-Joli), (äg. 17). Petit ar- buste de 50 à 90 centim. encore appelé Bois-gentil, Faux-Garou et Lauréole gentille, à feuilles lancéolées, glabres, pâles en dessous, apparaissant après les fleurs. Celles-ci sont roses, sessiles, odorantes, disposées laté- ralement le long des rameaux en un faux épi couronné de jeunes feuilles ou d’un bourgeon, accompagnées de bractées, hermaphrodites, à 8 étamines. Le fruit est une baie ovoïde, d’un beau rouge à la maturité.
Le Bois-joli croît spontanément dans les forêts de montagnes et on le cultive dans les jardins pour la beauté de ses fleurs très printanières.
Toutes les parties du Daphné sont âcres et véné- neuses, mais les fruits ont occasionné le plus d’acci- dents, car ils sont une tentation pour les enfants qui parfois les ont mangés et en ont très vivement ressenti les effets.
La dessiccation n’enlève pas au Daphné ses proprié- tés vénéneuses. L’écorce appliquée sur la peau agit à la façon des vésicants et la thérapeutique l’emploie dans cesens.Sil’on mâche une partie quelconque de ce végétal, on éprouve à la bouche, à la langue et au palais, une sensation de brûlure et si la quantité ingérée a été suf- fisante, 1l y a empoisonnement, dont les symptômes sont ceux des narcotiques combinés aux drastiques. Un quart d'heure à 20 minutes après l’ingestion de baies, par exemple, il y a de la prostration, du malaise, de l’hébétude. Un peu plus tard, se montrent des frissons, de la pâleur, il y a perte dela connaissance, dilatation des pupilles en même temps qu’insensibilité à la lumière.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 161
Tuméfaction des muqueuses buccale et labiale; coli- ? ques et quelquefois nausées. Si la quantité ingérée n’est
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Fic. 17. _ Daphne Mezereum. — Bois-Jor.
_pas suffisante pour amener la mort, il y a généralement une amélioration marquée après d’abondantes évacua- 54°
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162 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tions, néanmoins l’assoupissement persiste quelque temps encore.
Si le dénouement doit être fatal, les douleurs intesti- nales deviennent d’une violence extrême, il y a dysen- terie et évacuations de débris de la muqueuse intestinale en même temps que convulsions musculaires, car- dialgie, troubles respiratoires et circulatoires; la mort arrive au milieu de souffrances atroces.
I] ne faut guère qu’une douzaine de baies pour em- poisonner un enfant.
Le Bois-joli est tellement âcre que les bestiaux qui ont commencé à le brouter s'arrêtent promptement et s’'empoisonnent très rarement. On fait usage de son écorce en médecine vétérinaire à titre de séton et de trochisque, spécialement pour le bœuf.
Gmelin et Baer ont extrait de cette écorce un corps que Vauquelin avait précédemment retiré du D. alpina et qui a été appelé daphnine; sa formule est CH: O"+2H*°0.
La daphnine a une saveur amère, astringente, elle est insoluble dans l’éther, peu soluble dans l’eau froide, davantage dans l’eau chaude et très soluble dans Pal- cool chaud, Elle cristallise en prismes triangulaires ou en aiguilles enchevêtrées. Traitée par l'acide sulfurique, elle se dédouble en glucose et en daphnetine C'°’H'"*O*.
Il paraît que ce n’est ni la daphnine ni la daphnétine qui communiquent au Bois-gentil ses propriétés véné- neuses, ce serait lOmbelliférone C'HfO*. Ce corps a été extrait par Zwenger de l’écorce du D. mezereum puis de la racine de plusieurs Ombellifères. Il s’ob- tient en fines aiguilles incolores, à peine solubles dans l’eau froide, mais très solubles dans l’alcoo!l. La potasse le dissout également sans l’altérer à froid, mais vers 60-70 degrés, elle le transforme en acide ombelliféronique.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 4768
Casselmann a isolé des graines du Bois-joli une autré substance cristallisée, à laquelle il a imposé la formule CO?K*? (AzO?), 4AzH* et le nom de Coccognine.
_ Tout ce qui vient d’être dit du D. mezereum s’appli- que aux autres espèces indigènes de Daphnoïdées, notamment au D. laureola ou Laurier des bois, au D. Gnidium ou Garou, Sain-Bois, au D. cneorum ou Daphné odorant et au D. alpina ou Tymelée des Alpes. Leurs propriétés vénéneuses sont les mêmes et on a extrait aussi de leurs graines, de leur racine ou de leur écorce, des principes identiques. |
IH, — Loranthacées. — Cette petite famille n’a qu'une espèce que nous devions signaler, Viscum album. L. ou Gui à fruits blancs. Le Gui est une plante parasite commune; elle n’était pas rare autrefois, paraît-il, sur les Chênes, aujourd’hui | nous la trouvons surtout sur les branches des Poiriers, des Peupliers, des Pommiers et des Saules. Tige poly- . chotome, rameaux articulés, feuilles opposées, charnues, . formant touffe; fleurs jaune-verdâtre, dioïques, les mâles - sans corolle, à 4 étamines, les Es teHes à périanthe double, Le ee est une de blanche, presque trans- L parente, ressemblant à la groseille à grappes, renfermant une matière visqueuse propre à faire la glu.
Le Gui est parfois très abondant dans les vergers et . dans les pays de pommes à cidre, on l’enlève avec soin car il épuise l’arbre sur lequel il végète. Il est des Pommiers qui portent jusqu’à 20 kilog. de touffes de
Jui. | CT « Il était tout naturel de songer à donner ces touffes Vertes et suffisamment tendres pour être broutées, aux nimaux, particulièrement aux ruminants qui les man-.
164 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
gent avec plaisir. C’est d’une pratique courante dans quelques pays.
Il ne semble pas que les feuilles et les tiges du Gui soient vénéneuses, mais si elles sont accompagnées de baies, celles-ci rendent l’alimentation dangereuse et il a été signalé un empoisonnement d'animaux dans ces circonstances.
Les enfants n’ont point manqué de cueillir et de manger les baies du Gui. Un médecin anglais, le doc- teur Dixon, a relaté l’'empoisonnement d’un petit gar- çon auquel il fut appelé à donner ses soins. La pre- mière impression de ce médecin fut que l’enfant était sous l'influence de l'alcool. Il avait les lèvres livides, les conjonctives injectées, les pupilles dilatées et immobiles, le pouls lent et plein, la température normale, la res- piration ralentie et stertoreuse, du coma et des halluci- nations, L'administration d’un vomitif permit de con- stater que cet enfant n’avait ingéré ni vin, ni bière, ni aucune boisson alcoolique, mais il rendit huit baïes de Gui, incomplètement mächées et les débris de plusieurs autres mieux triturées.
Rappelons ici que les traditions populaires attribuaient au Gui des propriétés antispasmodiques et antiépilep- . tiques. L’étude chimique de son principe vénéneux est à faire et celle de l’empoisonnement est à contrôler expérimentalement.
ARTICLE ÎIV. — EUPHORBIACÉES. :
La famille des Euphorbiacées, d’une connaissance : très importante au point de vue spécial où nous sommes placés, est, constituée par des végétaux herbacés, des : arbustes et des arbres. EE RS
Les feuilles sont alternes, entières ou dentées; les
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fl:urs unisexuées; monoiïiques ou dioïques sont à pé- rianthe nul ou très petit et ordinairement à 3, 5 folioles distinctes ou soudées entre elles par la base. Dans les fleurs mâles, les étamines sont en nombre variable, égal à celui des divisions du périanthe ou en nombre infé- rieur et quelquefois réduites à une seule. Dans les fleurs femelles, on trouve un ovaire sessile, à 3 ou à 2 loges uni ou biovulées et autant de styles que de carpel- les, libres ou soudés sur une certaine longueur. Fruit capsulaire se séparant en coques égales comme nombre aux carpelles ; quelquefois 1l est charnu. Une ou deux graines par loge, à test crustacé.
Les Euphorbiacées renferment un latex abondant, de couleur blanche et plus ou moins âcre. |
Quatre genres indigènes : Euphorbe, Mercuriale, Ricin et Buis, doivent retenir notre attention. Pour des raisons qui seront déduites plus loin, nous devrons aussi dire quelques mots de plusieurs genres exotiques.
Ï. —Euphorbia. L. (Euphorbe).— Les plantes de ce genre sont désignées fréquemment sous l’appellation de Tithymales ; elles sont nombreuses en espèces quitoutes, bien qu’à des degrés divers, sont âcres et vénéneuses. L’E. lathyris va être prise comme type pour la descrip- tion des symptômes de l’empoisonnement a elles pro- DAAUSRE:
A. Euphorbia Lathyris.L. L'Euphorbe épurge, vulg. Épurge (fig. 17),est une plante herbacée, bisannuelle, à tige rigide de 60 centimètres à 1 mètre, à fenilles oppo- sées par paires et en croix, lancéolées, à grande ombelle et à larges bractées à « involucre caliciforme, enfermant plusieurs fleurs mâles monandres et une fleur femelle centrale simulant par conséquent une fleur hermaphro-
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dite » (Vesque). Grosse capsule, graines brunâtres et ovoides. On la trouve sur la lisière des chemins et des sentiers, dans les jardins et les vignes.
Son latex est âcre et vénéneux; ses graines contien- nent une huile extrêmement purgative.
La dessiccation affaiblit les propriétés nocives de l'Euphorbe, mais ne les détruit point entièrement.
L’homme est assez fréquemment intoxiqué ; à la cam- pagne, 1l n’est point rare de voir les paysans avaler quelques grains de cette plante dans l'intention de se purger, dépasser la dose thérapeutique et être victimes de leur imprudence,
Les bestiaux n’y touchent guère que quand elle est fort jeune, plus tard ils la refusent; on a pourtant rap- porté des cas d’empoisonnement. La chèvre, plus que tous les autres animaux, peut s’en nourrir.
Il a été signalé des intoxications que j'appellerai indirectes. On a vu des chèvres qui avaient mangé de l'Euphorbe fournir un lait qui s’est révélé par des pro- priétés toxiques vis-à-vis des personnes qui l’ont con- sommé. Des médecins ont publié des relations desquelles il résulte que la consommation d’escargots, ramassés dans des haies où l’'Epurge croissait en abondance, a amené une série de symptômes rappelant ceux de lé poisonnement par la plante elle-même sans que, d’ail- leurs, on ait déterminé si la chair des mollusques incriminés était nuisible par imprégnation du principe vénéneux ou si des débris d'Euphorbe n'étaient point restés dans leur corps par suite d’un nettoyage insuf- nsant.
Symptomatologie.— Le suc des Euphorbes appliqué sur la peau agit comme irritant et vésicant. Ingéré, son action sur les muqueuses commence par être la même; la muqueuse de l’arrière-bouche est spécialement at-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 167
teinte. Les mêmes effets se produisent par la mastica- tion et l’ingestion des graines. Trois quarts d'heure à 2 heures et même plus, après
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ces premiers phénomènes, arrivent des vomissements fort pénibles, suivis d’évacuations diarrhéiques, le tout _ avec abaissement de la température. Si la quantité ingé- rée a été suffisante, apparaissent aussi des phénomènes 5 _ nerveux, vertiges, délire, secousses musculaires, troubles Se:
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respiratoires et circulatoires, qui disparaissent après d’abondantes sueurs quand lempoisonnement n’est pas mortel. S'il l’est, ce sont les phénomènes de superpur- gation et d’entérite violentes qui dominent la scène, mais toujours accompagnés de symptômes nerveux et de désordres circulatoires. Ù
A l’autopsie, on trouve les lésions des gastro-entérites intenses. | |
La dose de suc, pas plus que celle de graines, néces- saire pour amener des empoisonnements mortels, n’a pas encore été déterminée rigoureusement. Dans les ou- vrages de Pharmacologie, on enseigne que 6 à 12 graines suffisent pour amener la purgation, mais quelques essais de MM. Sudour et Caraven-Cachen ont fait voir que l’ingestion de 2 graines seulement, avec mastication prolongée, suffit pour déterminer le vomissement. Il y a d’ailleurs de grandes variations dans la répartition du principe vénéneux dans les diverses parties de la plante et même dans les graines.
Ce principe vénéneux qui agit, nous venons de le voir, comme vésicant, vomitif, drastique et convulsivant, est fort mal connu. La chimie a extrait d’une même Euphorbe plusieurs résines ‘d’une composition et de propriétés différentes. L’une que l’alcool épuise à froid, se présente en une masse rouge brun et a pour for- mule C?° H%° O*; une autre, soluble dans l’alcoo!l bouil- lant, se dépose en cristaux indistincts et correspond à C?H ? O?; une troisième enfin serait soluble dans les alcalis.
Chacune de ces résines agit-elle d’une façon complexe sur l’économie animale et produit-elle une association d'effets différents, ou est-ce par leur réunion naturelle dans la plante qu’elles produisent les effets multiples qu’on observe? La seconde hypothèse paraît la ‘plus pro-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 169
bable, mais des recherches sont à faire pour la confir- mer ou linfirmer.
B. Les propriétés qu'on vient de reconnaître à l'E. lathy ris se retrouvent dans les principales espèces indi- gènes. Nous citerons d’une façon particulière :
E. sylvatica, E. esula, E. cyparissias, E. characias, E. peplus, E. verrucosa, E. palustris, E. helioscopia et E. Gerardiana.
En dépouillant les revues spéciales, on trouve la relation d’empoisonnements occasionnés sur lespèce humaine et sur le bétail par ces diverses formes végé- tales. Après ce qui vient d’être exposé pour l'Epurge, ce serait tomber dans des redites que de faire l’histoire distincte de ces accidents dont la symptomatologie varie peu. Nous dirons seulement que les agriculteurs ont grandement raison de qualifier toutes les Euphorbes de « mauvaises herbes » et de les détruire.
Parmi les espèces exotiques du genre Euphorbe, nous citerons E. canariensis, E. abyssinica et E. coti- nifolia dont les sucs sont fort vénéneux.
II.— Mercurialis. Tournef. (Mercuriale). — Ce genre renferme quatre espèces indigènes douées de pro- priétés vénéneuses. Nous allons choisir comme type la plus répandue et la plus souvent citée.
A. Mercurialis annua. L. La Mercuriale annuelle, vulgairement désignée sous les noms de Foirole, Foi- rande, Blé foiroux, Leuzette, Ortie morte, Chencvière sauvage, Vignette, Marquois, Ramberge, Cagarette,
_ Vignoble, selon les localités, est une herbe glabre, de petite taille, à tige dressée etanguleuse, à feuilles opposées ovales, dentées, vert clair, à fleurs dioïques. Les mâles,
… (fig.18bis), sont en glomérules surun ou plusieurs pédon-
170 DES PLANTES VENÉNEUSES,
cules communs, plus longs que la feuille. Les femelles, (fig. 18) sont solitaires ou en petit nombre à l’aisselle
F16. 18. — Mercurialis annua
Plante femelle.
des feuilles et à pédoncules très courts. Le fruit est une capsule arrondie, didyme, hérissée de petits aiguillons verts et de poils blancs.
La Mercuriale annuelle croit avec une grande abon- .
DES PLANTES VENENEUSES. 171
dance dans les jardins, les friches, le bord des chemins, les jeunes luzernières, les décombres. Quoique apparte-
Frc. 18 bis. — MERCURIALE ANNUELLE,
Plante mâle.
nant à la famille des Euphorbiacées, elle n’a pas de latex, mais elle est très aqueuse et contient un suc vénéneux.
Elle exhale une odeur désagréable qui fait que les bestiaux la prennent rarement dans les champs, mais ils
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172 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
l’acceptent lorsque, nourris à l’écurie, on la leur donne mélangée à d’autres plantes; les empoisonnements se constatent surtout dans les très petites exploitations rurales, où l’on utilise, pour la nourriture de quelques têtes de bétail, les sarclures de jardin, les herbes ramas- sées de tous côtés. J’ai eu l’occasion d’en observer un cas sur les chevaux d’un fermier qui faisait consom- mer la première coupe d’une luzerne où cette plante dominait.
Dans l'espèce humaine, les intoxications, très rares d’ailleurs, sont toujours le résultat de l'emploi médical de la Mercuriale. En effet, de temps immémorial, elle fait partie de l’arsenal thérapeutique populaire et les anciens, connaissant sa dioïcité, mais prenant la fleur femelle pour le pied mâle et inversement, comme on le fait encore dans nos campagnes pour le Chanvre, lui attribuaient une influence marquée sur le sexe du fœtus, de là le qualificatif de zapdevtov qu’ils lui don- naient. Elle était employée dans toutes les maladies des femmes, dans les hydropisies, les fièvres inter- mittentes. Aujourd’hui on s’en sért encore à la cam- pagne à titre de purgatif. On comprend que l’usage de cette plante dont on buvait le suc, qu’on appliquait en pessaires, etc., ait pu amener quelques accidents. S'ils mont point été plus nombreux, c’est que, fort heureu- sement, la dessiccation et la cuisson détruisent les pro- priétés vénéneuses de la Mercuriale, à tel point qu’on peut s’en servir alors et qu’on l'utilise comme aliment dans quelques régions de l'Allemagne. Nous l’avons vu employer sans inconvénients dans quelques fermes de l'Est de la France, après cuisson, pour la nourriture du porc. | Les observations recueillies par les médecins sur les effets de la Mercuriale ne permettent pas de savoir exac-
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Ce
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 178
tement à quoi s’en tenir, puisqu'ils les qualifient tour à tour de diurétiques, d’emménanogues, de purgatifs et même d’hypnotiques. Les relations des vétérinaires ap- pelés à donner leurs soins aux animaux domestiques empoisonnés, débrouillent la question en partie, mais elles présentent une lacune, elles ne renseignent pas sur la quantité de Mercuriale nécessaire pour amener un empoisonnement mortel. Toutefois, elles nous appren- nent que son principe vénéneux s’accumule dans l’orga: nisme, car c’est généralement au bout de sept, huit, dix jours d’une alimentation où elle entre pour partie que les symptômes d’intoxication apparaissent.
Elle porte son action sur le tube digestif et sur l’appa- reil urinaire: il y aindigestion avec léger ballonnement, puis surviennent des coliques d’intensité variable; diarrhée au début pouvant faire place à de la constipa- tion dans la suite. Un autre symptôme de cet empoi- sonnement est l’hématurie. La miction est tréquente, douloureuse, et l'urine rendue est noirâtre, sanguino- lente.
Comme signes accessoires et consécutifs aux précé- dents, il y a de la tristesse, de l’inappétence, une fai- blesse en rapport avec la durée de la maladie et du jeûne, qui se traduit par la conservation obstinée de la position décubitale ; le cœur bat très fort, le pouls est vite, ample,
et la muqueuse oculaire rouge-jaunâtre; la Win
ne semble pas modifiée.
L’autopsie montre les lésions ns la gastro-entérite et de la néphrite. ; | :
M. Schultz a étudié expérimentalement l’action de la M. perennis sur des porcs et des lapins. Nous verrons
tout à l'heure que le principe actif de cette plante est le
même que celui de la M. annua, nous pouvons donc in- tercalerici le résultatdes seche du savant allemand.
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174 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
Chez le porc, les injections hypodermiques d’extrait de Mercuriale ont provoqué des tremblements, des fris- sons, de l'injection de la peau, des éructations, puisune polyurie manifeste qui persista pendant 24 heures; en outre, il y eut des selles diarrhéiques.
La consommation de fourrage renfermant de la Mer- curiale amena chez le porc la même polyurie.
Sur les lapins; l’expérience a donné comme résultats constants, de la rétention d’urine avec distension de la vessie, c’est-à-dire des effets en apparence manifeste- ment opposés à ceux recueillis sur le porc.
De ces recherches, M. Schultz conclut que la Mercu- riale contient un principe qui exerce sur les plans mus- culaires de la vessie une action paralysatrice à certaine dose ou chez quelques espèces et tétanisante dans d’au- tres circonstances.
Quel est ce principe? M. E. Reichhardt a extrait des tiges et des semences de M. annua et M. perennis une base volatile, constituée par un liquide incolore, hui- leux, alcalin, se résinifiant facilement à l'air, d’une odeur rappelant celle de la nicotine, provoquant le larmoie- ment, paraissant très narcotique et bouillant vers 140°. I] lui a donné le nom de mercurialine et indiqué CH°Az comme sa formule; elle serait donc un isomère de la méthylamine.
Il est réservé à l’avenir de nous apprendre si la mer- curialine est un corps unique et si c’est le seul principe qui rend les Mercuriales vénéneuses.
La viande des bœufs et moutons empoisonnés par la Mercuriale peut-elle être livrée sans dangers à la consom- mation ? À priori, une réponse affirmative semble s’im- poser; puisqu'il a été dit que la cuisson détruit le prin- cipe vénéneux dans la plante, elle doit aussi le détruire s’il s’est accumulé en quelque partie de l'organisme.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES, 175
Mais l'expérience a été faite et nous savons par M. Jou- quan qu'aux environs de Vitré, une vache empoisonnée par la Mercuriale et abattue alors que tout espoir de la sauver était perdu, fut consommée sans « qu'aucun mauvais effet pour personne » ait pu être noté.
Si la mercurialine était employée dans un but cri- minel, le toxicologiste chargé de la recherche du poi- son sur le cadavre ne devrait pas oublier sa facile des- truction et agir ici comme vis-à-vis de tous les dérivés ammoniacaux volatils.
B. Le genre Mercuriale renferme encore d’autres es- pèces. Citons d’abord M. perennis, L. Mercuriale vivace, Mercuriale sauvage, Chou de chien, comme on Pappelle encore. Plus riche peut-être que la précédente en prin- cipe vénéneux, elle a été signalée depuis bien longtemps comme susceptible d’empoisonner le bétail et notam- ment les moutons.
S1 les espèces M. tomentosa L. et M. ambigua sont plus rares et font surtout partie de la flore méditerranéenne, elles appellent néanmoins les mêmes réflexions que les précédentes; ce sont, comme elles, des plantes à dé- truire.
III. — Buxus. Tournef. (Buis).
Buxus sempervirens. — L. Buis toujours vert et plus simplement Buis. Arbrisseau à tige tortueuse, d’un bois jaunâtre, très dur, végétant de préférence dans les ter- rains calcaires et d’une taille très variable, plus élevée dans les pays méridionaux que dans les contrées du nord. Ses feuilles sont persistantes, parcheminées, lui- santes, opposées et entières. Fleurs monoïques, très petites, verdâtres, hibernales. Les fleurs mâles ont _ 4 étamines avec périanthe porteur d’une seule bractée,
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jes fleurs femelles ont un périanthe à 3 bractées, un ovaire à trois styles courts. Le fruit est une capsule à 3 loges dispermes.
Toutes les parties du Buis ont une odeur désagréable. et une saveur détestable. Sous l'influence des soins qui ont été donnés à cet arbrisseau, fréquemment employé comme ornement dans les jardins et les parcs, il s’est formé plusieurs variétés telles que le B. nain, le B. a bordures, le B. à feuilles étroites, le B. à feuilles de romarin, le B. a feuilles de myrte. Les propriétés toxi- ques de ces variétés étant celles du type, nous les négli- gerons pour ne parler ici que du B. sempervirens.
Le Buis a occasionné des empoisonnements sur l’homme et les animaux. Pour l’espèce humaine, les ac- cidents ont été causés par l’emploi frauduleux du Buis dans certaines industries à la place d’autres produits. La substitution la plus commune est celle des feuilles de cet arbrisseau en remplacement du houblon dans la fabrication de la bière. Une autre supercherie consiste à mêler ses feuilles à celles du séné. La bière ainsi sophistiquée est malfaisante en proportion de la quan- tité de Buis qui a servi à sa fabrication et l’emploi thé- rapeutique d’un séné falsifié n’est point sans dangers.
Les animaux peuvent s'empoisonner spontanément en broutant les touffes de cet arbrisseau. De pareils accidents ont été observés dans les pays arides où les animaux ne trouvant guère d'autre nourriture verte que le Buis, le mangent faute de mieux. Hansway a rapporté qu’en Perse des chameaux ont succombé à la suite de sem- blables repas. |
En Europe, on a vu des intoxications résulter de la distribution, à la fin de l'hiver, de brindilles de Buis provenant de la tonte des bordures de jardins. Il y a peu d'années, un vétérinaire suisse, M. Hübscher a
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 177
publié la relation d’un empoisonnement de porcs aux- quels on avait fait une distribution de feuilles et de tiges et qui moururent le lendemain.
Toutes les parties de la plante sont vénéneuses, mais les feuilles et l'écorce de la racine passent pour avoir le maximum d’activité. La dessiccation et la cuisson ne dé- truisent pas le poison.
On admet que chez l'homme les feuilles à l’état frais, à la dose de 10 grammes, commencent à faire sentir des effets purgatifs qui vont en progressant comme la quan- tité elle-même. A la dose de 30 grammes, l'écorce agit de même.
A petites doses, le Buis est éméto-purgatif. A doses moyennes, 1l y a, en outre, des symptômes nerveux, de la courbature, quelques secousses musculaires, du ver- tige, des bourdonnements d'oreilles, puis une période de coma avec retour à l’état normal au réveil. A forte dose, la mort arrive comme après l’usage abusif des drastiques, avec douleurs abdominales intenses, flux dysentérique, épreintes, convulsions, gêne de la respi- ration, troubles circulatoires.
Les renseignements nécropsiques, fournis à l’autopsie des sujets intoxiqués par le Buis, ont montré des lésions inflammatoires étendues et violentes de l’appareil diges- tif, ainsi que de la congestion pulmonaire, indice de l'asphyxie à la dernière phase de l’empoisonnement.
La recherche du principe actif du Buis a fait décou- vrir à M. Fauré un alcaloïde auquel fut donné le nom
de buxine. Il se présente en masse incristallisable, de saveur amère, à peu prèsinsoluble dans l’eau, très peu aussi dans l’éther, mais très soluble dans l’alcoo!l. | La buxine est l’un des éléments vénéneux du buis, mais ce n'est pas le seul, car à côté existent une résine et une huile essentielle qui n'ont point été encore l’ob-
4 12
178 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
jet de recherches expérimentales, mais qui mériteraient d'être étudiées, car l’analyse chimique fait voir que les feuilles sont moins riches en buxine que l'écorce et pourtant l’expérimentation montre qu’elles sont trois fois plus actives. Preuve évidente que cet alcaloïdé n'est pas la seule substance vénéneuse agissante. Serait-il prudent de consommer la viande d’un ani- mal domestique empoisonné par le Buis ? Les études de Gubler lui ayant appris que la buxine ne s’élimine pas parles urines, il en a conclu que cet alcaloïde devait se décomposer dans l’économie. Cette conclusion ne s’im- pose pas nécessairement, Car la buxine pourrait se loca- liser en un point de l'organisme autre que les reins et la vessie, point qui resterait à déterminer. En admettant comme fondée l’opinion de Gubler, il faudrait voir si,en se dissociant, la buxine n’entrerait pas dans d’autres combinaisons, à l’aide des liquides organiques, pour former des ptomaïnes ou des leucomaïnes vénéneuses. Des recherches sont à faire sur tous ces points; en attendant on devra se tenir dans une sage réserve.
IV.— Ricinus. Tournef. (Ricin). — Ricinus commu- nis L. Ricin commun. Plante herbacée et annuelle dans nos pays, arborescente et vivace sur la plage méditerra- ‘ néenne et dans nos possessions africaines. Sa tige, chez nous, ne dépasse guère 1 ou 2 mètres, tandis qu’elle forme un véritable arbre en Afrique. Ses feuilles sont très amples, alternes, palmées à 5-9 lobes dentés. Ses fleurs monoïques, apétales, forment une panicule termi- nale, composée de grappes dont les fleurs supérieures sont mâles, les inférieures femelles. Etamines nom- breuses, à filets réunis en faisceaux. Ovaire à 3 styles soudés par la base, à stigmates velus et colorés en rouge. Fruit capsulaire à trois coques monospermes. La graine
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 179
| 4 est ovale, aplatie sur une face, convexe sur l’autre, à sur- l _ face lisse, luisante, marbrée. On voit au sommet un ; ombilic surmonté d’une caroncule charnue. Elle ren- . ferme un albumen charnu, huileux et riche en aleurone; l'embryon, très grand, a de larges cotylédons.
On extrait du Ricin une huile qui est purgative etusi- tée à ce titre en médecine; il reste comme résidu un tourteau dont les propriétés sont plus prononcées que celles de l'huile elle-même. Il en est de même des graines entières qui sont fort vénéneuses.
Nous n’avons point à nous occuper de l’usage théra- peutique de l'huile de Ricin, mais à considérer les empoi- sonnements qui peuvent survenir chez l’homme et les animaux à la suite de l’ingestion de graines de Rüicin, et chez les animaux seulement comme conséquence de l'alimentation avec des tourteaux de Ricin.
Dans l'espèce humaine on a vu survenir des accidents chez des personnes qui, attribuant à tort aux graines les seules propriétés évacuantes de l’huile, en ingé- raient pour se purger. Des enfants, prenant ces graines pour des haricots ou des pistaches (Chevalier), en ont mangé; des herboristes ignorants en ont parfois délivré ._ àtitre de purgatif au lieu de Phuiïle médicinale (Houzé . del’Aulnoy).
D'après les observations de plusieurs auteurs et notamment de Pécholier, quatre graines causent déjà . des accidents notables, huit amènent un état très grave, et au delà la mort peut en être la conséquence.
3 Au moment où le fruit du Ricin est mangé, il ne laisse _ ni chaleur ni mauvais goût dans la bouche. Survien- _ nent, au bout d’un temps variable suivant les prédis- | positions, des douleurs épigastriques et abdominales, _ une fièvre prononcée avec suppression des urines, une
_ pâleur extrême de la face tirant sur le jaune, puis des 4 : ;
180 DES :PLANTES VÉNENEUSES.
nausées, des vomissements, des évacuations répétées et douloureuses. Plus tard la température baisse, il y a une prostration profonde, des crampes, le pouls devient misérable et la mort, conséquence de lirri- tation intestinale, peut arriver plus ou moins promp- tement.
A l’autopsie, on trouve dans le tube digestif les lésions habituellement consécutives à la superpurgation : alté- ration profonde des tuniques intestinales, ramollisse- ment, teinte noirâtre, ecchymoses, infarctus et pointillé hémorrhagique. Il y a aussi hyperémie du foie et con- gestion du poumon.
Des empoisonnements ont été constatés, sur les oiseaux de basse-cour et sur les porcs, par l’ingestion directe des graines de Ricin. On en a vu aussi sur des ruminants auxquels, par ignorance et dans un but d’éco- nomie mal entendue, on avait distribué des tourteaux de Ricin. M. Audibert, de Tournelle, près Beaucaire, fit connaître autrefois à la Société centrale d'agriculture la mort de 80 moutons qui avaient mangé du tourteau de Ricin.
Quel est le principe toxique du Ricin et où se trouve-
t-il? On n’est pas fixé sur sa composition; il est vrai- semblablement « de nature résineuse, analogue à ceux de lEpurge et du Croton-tiglium et il y a beaucoup de chances pour qu'il soit réprésenté par le corps que Soubeyran a retiré de la semence du Ricin. » Il réside exclusivement dans la graine, mais on n’a point déter- miné rigoureusement dans quelle partie de celle-ci. On a indiqué tour à tour l’embryon CERSS la coque, l’amande (Delioux de Savignac).
Des auteurs, notamment Pécholier, ont émis l'hypo- thèse que le principe toxique dela semence du Ricin n’y préexiste point et ne se développe que dans l'estomac
dat alt "PROS
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 181
| par une réaction analogue à celle que produit l'essence de moutarde dans la semence du Sinapis nigra.
M. Tuson a extrait des semences du Ricin un al- caloïde qu’il a appelé ricinine; il est d’une saveur amère et cristallise en prismes rectangulaires, mais 1l n’est pas purgatif et ce n’est point à lui qu’on peut attribuer les propriétés toxicologiques et thérapeutiques des graines. Par divers procédés de laboratoire, on obtient avec l'huile de Ricin de la ricinélaïdine CFHT®O0** que les alcalis transforment en acide ricinélaïdique: en la sapo-
nifiant, on obtient l’acide ricinique et l'acide ricinolique qui sont très âcres mais qui, néanmoins, ne possèdent pas davantage les propriétés des semences de Ricin.
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ni a ot tie Sète etes, GR. Ca
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Il est des Euphorbiacées exotiques que nous ne pou- vons nous dispenser de mentionner.
anni Gin élite, si, oi ni dr ovté
V. — Croton. L. (Croton). — A citer dans ce genre l'espèce suivante : Croton tiglium L. Arbuste répandu dans toutes les ; )
nn fé à als ‘Er à LA
régions tropicales et introduit dans nos serres où il fleurit quelquefois. Il est souvent désigné sous les noms de Bois de Tülly, Bois pur gatif des Molugues, etc. Il fournit des graines plus petites que celles du Ricin, | mais leur ressemblant, fréquemment appelées petits _ pignons d'Inde, graines de Tilly ou de Tigli. On extrait de ces graines l’huile de Croton tiglium qui constitue _ l’un des purgatifs les plus violents dont dispose la thé- | rapeutique en même temps qu’un vésicant énergique. Les propriétés de l'huile de Croton ont été longtemps attribuées à Pacide crotonique, C* H° O?, de Pelletier et _ Caventou. Il résulte de recherches récentes qu’il faut _ seulement considérer cet acide comme vésicant et que les propriétés purgatives sont le ru d’une matière
182 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,.
encore à isoler, qu’on soupçonne de nature résineuse.
Des empoisonnements, suivis généralement de mort d'homme, ont été le résultat de l’administration, par erreur dans les officines, de doses trop fortes d’huile de Croton ou de l’ingestion de graines par ignorance de leurs effets. Les symptômes ont été ceux de la plus vio- lente superpurgation, avec vomissements répétés, cya- nose, crampes; le facies du malade ferait songer à une attaque cholériformesi lon ne connaissait la cause du mal.
Mais ceci est surtout du domaine médical et nous n'avons point à y insister davantage. Nous devons à cette place attirer tout particulièrement l’attention des agriculteurs sur le mélange frauduleux de tourteaux de Croton à d’autres tourteaux comestibles, comme ceux de Palme, de Coton et de Coprah qui nous sont envoyés de létranger pour la nourriture de notre bétail.
Les animaux qui reçoivent de pareils mélanges meu- rent avec les symptômes de la superpurgation et à l’au- topsie, on en trouve toutes les lésions.
VI. —Jatropha. L. (Jatropha). — Jatropha curcas (Curcas purgans, Med. J. cathartica). Cette Euphorbia- cée est un arbre de 3 à 4 mètres de hauteur, croissant dans l'Amérique méridionale et sur la côte occidentale d'Afrique, spécialement au Gabon. |
Le Jatropha donne des graines connues sous les di- vers noms de Noix américaines, grands Haricots du Pérou, Pignons de Barbarie, Meédiciniers, Purgères, Noix des Barbades, gros Pignons d'Inde, Ricins sau- vages (fig. 19). On en extrait une huile dont les effets se rapprochent beaucoup de ceux que produit Phuile de Croton, et il en reste comme résidu un tourteau des plus dangereux. L’huile est employée pour Péclai- rage ou en médecine à titre de parasiticide
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 183 :
Les graines de Jatropha prises par mégarde ou par ignorance ont occasionné des accidents trop Souvent mortels : larareté de ces graines en Europeestheureuse- mentunegarantie contre les empoisonnements qu’elles peuvent causer.
Il n’en est pas de même de leurs tourteaux qui ont concouru dans ces dernières années à falsifier d’autres
Fic. 19. — Fruits du JATROPHA Curcas.
résidus et ont occasionné des empoisonnements mor- tels sur le bétail.
Actuellement, il existe en Portugal de nombreuses ; fabriques d’huile de Jatropha (de Purgueira, en portu- gais) qui font venir les graines des côtes d'Afrique et qui écoulent une partie des tourteaux en France.
Si ces résidus étaient employés uniquement à la fu- mure des terres, il n’y aurait rien à dire; malheureuse- ment, on s’en sert parfois pour falsifier les tourteaux alimentaires, particulièrement ceux de Chanvre aux- quels ils ressemblent beaucoup, soit en mêlant les deux tourteaux quand ils sont pulvérisés, soit en glis- sant quelques galettes de Jatropha au milieu de celles de Chènevis. Le résultat d’une pareille fraude est généralement la mort des bestiaux qui reçoivent ce mé- lange.
Les signes de l’empoisonnement sont ici encore ceux
184 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
de l’inflammation du tube digestif et de la superpurga- tion. Les documents font défaut pour nous renseigner exactement sur le poids de tourteaux de Purgère né- cessaire pour amener la mort; ce poids doit être peu élevé puisque les expériences d’Orfila ont appris que 4 à 12 grammes de farine de graines de Jatropha, suivant la taille, suffisent pour tuer en dix heures les chiens à qui on les fait prendre.
Les graines de Jatropha contiennent de l'acide jatro- phique et un principe très âcre, la curcasine, mais des expériences sont nécessaires pour s’assurer si ces prin- cipes sont vénéneux et si ce sont les seuls qu’elles ren- ferment.
Comme il est d’un grand intérêt de distinguer le tourteau de Chanvre du tourteau de Jatropha ou de Purgère, comme on l'appelle communément, nous allons emprunter à MM. Renouard et Corenwinder, le procédé suivant qui permet de le faire et qui, par sa simplicité, est à la portée de tout le monde :
Broyer dans un mortier un échantillon du tourteau à essayer, puis délayer la poudre dans l’eau froide et fil- trer immédiatement. Si l’on a affaire à du tourteau de Chanvre, la liqueur prend une couleur ambrée caracté- ristique; avec le tourteau de Purgère, la couleur est brun-foncé. 11 suffit d’une proportion de 10 0/0 detour- teau de Jatropha dans celui de Chanvre pour donner au liquide filtré une teinte beaucoup plus foncée que celle obtenue avec le Chanvre pur.
Les falsifications de tourteaux avec le Jatropha ont des conséquences si graves pour le bétail qu’un agriculteur, trompé de cette façon, ne doit pas hésiter à recourir à l'intervention judiciaire pour obtenir, en même temps que la répression de cette fraude, réparation du préju- dice qui lui a été causé.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 185
VII. — Hura. — A signaler dans ce genre l’espèce Hura crepitans, dite Sablier élastique. Son fruit est une capsule ligneuse, formée de 12 à 18 coques qui en se desséchant s’ouvrent subitement et font entendre un bruit très fort. Ce végétal fournit un lait, analysé autre- fois par M. Boussingault, qui est dangereux. Les fruits ne le sont pas moins. — « Une femme de chambre avait recu de son frère résidant en Amérique un fruit de Sablier. Sept ans après, ce fruit éclata et fit sauter à peu près une douzaine de noyaux aplatis. Trois bonnes en mangèrent chacun un et lui trouvèrent un goût d'amande. Peu d’heures après, elles se trouvèrent mal, eurent des nausées, une forte sensation de brûlure à la gorge. L’une d’elles qui avait mangé la graine avec son enveloppe eut de violents vomissements et de la cépha- lalgie ; les autres qui l’avaient pelée n’éprouvèrent qu’un vomissement, mais de violentes douleurs d’estomac et une forte diarrhée » (Lorenzen).
Le principe actif est un alcaloïde découvert et analysé par Boussingault et Ribero.
VIII. — Nous ne ferons que mentionner ici quelques autres espèces exotiques très dangereuses.
1° Excœcoria Agallocha, Arbre aveuglant, végétal des Moluques dont le suc est extrêmement caustique; on prétend même que la fumée qui se dégage, lors- qu’on brûle cet arbre, est dangereuse.
2° Hyœnanche globosa, de l'Afrique australe.
3° Elæococca verrucosa, Arbre à huile du Japon; ses graines sont très vénéneuses.
4° Manihot utilissima, Maniot amer, contient dans sa racine un suc vénéneux rappelant l'acide cyanhy- drique, très volatil, de sorte qu'après fermentation ou cuisson, cette racine est comestible.
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186 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
59 Crozophora Tinctoria, Tournesol ou Maurelle, a un sucre âcre et des graines purgatives.
6° Hippomanes mancenilla, Mancenillier. Arbre de l'Amérique tropicale, possède un suc très vésicant et des fruits fort vénéneux, mais Jacquin a prouvé combien est exagérée l’assertion prétendant que son ombre est mortelle.
7° Dans la vallée du Niger, les flèches, d’après Barth, sont empoisonnées par le suc d’une Euphorbe appelée Kunkumuria, commune dans l'Afrique centrale et qui sert à cet usage dans beaucoup de localités,
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158 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
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DEUXIÈME DIVISION DICOTYLÉDONES DIALYPÉTALES
Les Dialypétales, caractérisés par une corolle formée de pétales libres, un androcée polyandre et un ovule gé- néralement dichlamydé, constituent un groupe renfer- mant les familles les plus nombreuses que nous ayions à examiner. Ce sont celles des Renonculacées, Ménis- permées, Berbéridées, Papavéracées, Crucifères, Vio- lariées, Caryophyllées, Hypéricinées, Rutacées, Mélia- cées, Célastrinées, Rhamnées, Térébinthacées, Coria- riées, Légumineuses, Rosacées, Cucurbitacées, Cactées, Ombellifères et Araliacées.
ARTICLE I. — RENONCULACÉES
La famille des Renonculacées est constituée par des végétaux herbacés pour la plupart, à feuilles entières ou divisées, à fleurs généralement régulières et herma- phrodites. Ces fleurs peuvent avoir un périanthe corol- liforme simple, le plus souvent il est double. Sépales caducs, souvent colorés avec des formes quelquefois bizarres. Pétales alternes avec les sépales, parfois plans ou concaves, parfois de formes assez étranges. Étamines en nombre indéfini, hypogynes, à anthères biloculaires
DES PLANTES VÉNENEUSES. 189
et extrorses. Carpelles en nombre indéfini ou réduits au nombre de 1 à 5. Ovaire uniloculaire, monosperme ou polysperme. Fruits variés : akènes ou follicules, quel- ques-uns sont bacciformes.
Cette famille jouit d’un fàcheux privilège : ses espèces indigènes, fort nombreuses, sont toutes vénéneuses; heureusement que, par une sorte de compensation, plu- sieurs ne le sont qu’à l’état frais et perdent leurs pro- priétés par la dessiccation ou la cuisson.
I. -- Clematis, L. Clématite). — Quelques-unes des espèces de ce genre sont sarmenteuses et ont des fleurs à carpelles surmontés d’un style accressent, plumeux après la floraison. Nous signalerons la suivante comme la plus répandue :
Clematis vitalba. L. Clématite vigne blanche, encore dite Viorne, Clématite des haies, Berceau de la Vierge, Clématite brülante, Herbe aux gueux. Elle est abon- dante dans les haies qu’elle étouffe et garnit de ses ra- meaux.
Toutesses parties sont vénéneuses, mais au commen- cement du printemps, alors que les tiges sont encore jeunes, leur âcreté est peu développée et quelques ani- maux très robustes, tels que l’âne et la chèvre, peuvent en brouter FAP grandes quantités sans en être in- commodés sérieusement. Plus tard, ils ne pourraient le faire sans danger.
La dessiccation et la cuisson font perdre à cette Re- nonculacée la plus grande partie de ses propriétés vénéneuses. Il en serait de même du séjour dans l’acide acétique, car, dans quelques contrées, on coupe les jeunes pousses de Clématite, on les met confire dans le vinaigre et on les mange ensuite. |
Appliquée à l'extérieur, la Viorne est irritante et
190 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
même vésicante. Prise à l’intérieur, elle agit d’abord comme diurétique,puis elle purge violemment,enflamme les tuniques intestinales et détermine des dysenteries parfois mortelles.
Dans l’espèce humaine, on connait l'usage qui en fut et qui en est encore fait quelquefois par des mendiants ; ils s’en frottent les bras ou les jambes dans le but de développer des plaies superficielles pour solliciter la charité publique.
A côté de la C. vitalba, citons la C. flammula, com- mune dans le bassin méditerranéen et désignée habi- tuellement sous l’appellation de Cleématite odorante. Comme la Viorne, elle est âcre et vénéneuse à l’état frais, mais perd ses propriétés par la dessiccation, si bien que dans quelques localités du Narbonnais, on la récolte et on la dessèche pour la faire servir de nourriture d'hiver aux bestiaux.
Donnons aussi une mention particulière à la C. erecta de notre flore méridionale et à la C. integrifolia. Cette dernière, commune en Italie, en Hongrie et dans le bassin méditerranéen, s’est beaucoup répandue en France depuis quelque temps à cause de la beauté de ses larges fleurs bleues; elle est fort vénéneuse. Roques rapporte, d’après Tarzioni Tazzetti, qu’au siècle der- nier, le maréchal de Palfy perdit plusieurs chevaux qui s’'empoisonnèrent en broutant cette plante, très com- mune en Pannonie où étaient ses propriétés.
Une analyse des feuilles sèches de Clématite, de très ancienne date et due au docteur Mueller, a fourni une huile essentielle, un extractif et une résine. Il faudrait reprendre cette analyse. |
On devra se garder de considérer la Clématitine, de Walz, comme l’alcaloïde des Viornes, car c’est le prin- cipe vénéneux de l’Aristoloche clématite.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 191
IT. — Thalictrum. L. (Pigamon). — Ce genre com- prend des herbes vivaces par la racine, à feuilles ternées décomposées, à fleurs hermaphrodites, à périanthe à 4-5 sépales pétaloïdes, à étamines nombreuses, débor- dant le périanthe, à 4-10 carpelles. Le fruit est un akène.
Les espèces de ce genre sont mal délimitées; la plus commune dans notre pays estle 7°. flavum, L. Pigamon jaune, encore dite Rose des prés, Rhubarbe des pauvres, qu’on rencontre dans les lieux humides et ombragés. Nous citerons ensuite le 7. aquilegifolium, L. Pi- gamon à feuilles d'Ancolie ou Colombine plumacée et le T. macrocarpum qu’on voit dans la région pyré- néenne.
Si la tige, les feuilles et les fleurs des Pigamons ne constituent pour le bétail qu’une nourriture assez mé- diocre, il ne semble pas que ces parties soient véné- neuses, ou si elles le sont, ce n’est qu’à un faible degré. Il en est autrement de la racine qui est très manifeste- ment toxique.
La meilleure étude que nous possédions actuellement sur l’empoisonnement par la racine de Pigamon est due à M. Doassans; elle a été effectuée sur le 7. ma- crocarpum.
M. Doassans a fait voir qu’on peut en extraire iso- lément deux substances. L'une est un alcaloïde cris- tallisable, doué de toutes les propriétés vénéneuses de la racine, qui a reçu le nom de thalictrine; l’autre est une matière colorante jaune, qui, chimiquement, se rapproche de la berbérine et ne possède aucune pro- priété physiologique, le nom de macrocarpine lui a été donné.
En faisant un extrait aqueux avec la racine, on obtient un liquide doué de telles propriétés vénéneuses que 2 à
Cr, à Le 1 77 C4 hs vw. Le 4 # 21 J à ed fn * 2
192 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
3 centigr. insérés sous la peau d’une grenouille suffisent pour la tuer. 2 à 4 grammes introduits par la même voie dans l’organisme d’un chien le tuent.
Le Pigamon est par excellence un poison nerveux dont le mode d’action se rapproche beaucoup de celui de l’'Aconit. Il agit sur les centres nerveux en portant spé- cialement son action sur l’innervation cardiaque et peut- être aussi sur la fibre musculaire elle-même.
Toutes les fonctions sous la dépendance immédiate du système nerveux sont déprimées. La pression arté- rielle diminue par suite d’un affaiblissement marqué des systoles cardiaques, affaiblissement qui coïncide avec une accélération des battements du cœur; la res- piration s’accélère aussi, sans toutefois qu'il y ait as- phyxie véritable. La motilité est proportionnellement beaucoup plus frappée que la sensibilité. La mort est surtout le résultat de l’atteinte portée aux contractions cardiaques.
Sans affirmer que le 7°. flayum possède une activité égale à celle du 7°. macrocarpum, il est hors de doute qu’il nest point inoffensif. Il est donc indiqué de traiter tous les Pigamons comme de mauvaises herbes, de les détruire, car les porcs en fouillant la terre pourraient s'empoisonner en mangeant leurs racines.
III. — Anemone, L. (Anémone). — Genre compre- nant des plantes herbacées, vivaces, à floraison printa-
nière, dont l'habitat est le bord des eaux, les bois et Les
lieux couverts. Leur périanthe est à 4-20 sépales péta- loïdes; carpelles en nombre indéfini, à style persistant. Le fruit est un akène. La beauté des fleurs de plusieurs Anémones les a fait adopter par la floriculture.
Les espèces d’Anémone sont assez nombreuses etelles passent pour être toutes vénéneuses; il y a des proba-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 103
bilités pour qu'il en soit ainsi, mais il n’y a de certitude que pour trois espèces, desquelles a été extrait le prin- cipe toxique qui les signale à l’attention. Ces trois espèces sont l’A, pratensis, l'A. pulsatilla, L. et PA. nemorosa, L. | :
Toutes les parties des Anémones citées sont véné- neuses; le principe toxique est volatil et se détruit par Ja Hessiceation ou la cuisson.
Je n’ai vu consignés nulle part d'empoisonnements mortels, pour l’espèce humaine, par suite de l’usage de P'Anémone. Une espèce peu commune, l'A. ranuncu- loïdes donne un suc que les habitants du Kamtschatka utilisent pour empoisonner leurs flèches. Mais il y a eu d’assez nombreux accidents locaux consistant en irri- tation, tuméfaction, vésication. Ces accidents sont dus à l'emploi, dans quelques-unes de nos campagnes, des Anémones, qu’on applique après les avoir broyées, sur
_les vieux ulcères ou sur les poignets dans le cas de fièvre
intermittente. Quand on écrase l’Anémone pulsatille ou Coquelourde, on a la bouche et le nez irrités.
. Des bestiaux se sont empoisonnés en mangéant ces plantes à l’état frais; c’est particulièrement l’A. nemo- rosa ou Sylvie, qui a occasionné des accidents, parce qu’elle est extrêmement abondante sous bois ou le long des haies au printemps, et qu’à ce moment les bestiaux affamés n’ont ni la précaution, ni la patience de la dé- mêler des autres herbes auxquelles elle est associée.
- La symptomatologie de pareils empoisonnements se traduit par des nausées, des hoquets et des vomissements sur les sujets susceptibles de vomir, par de l’hébétude, des tremblements musculaires, des coliques violentes accompagnées parfois d’hématurie et toujours de diar- rhée et de dysenterie. Troubles respiratoires et car- diaques prononcés.
13
104 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
A l’autopsie, peu de lésions. L’irritation intestinale n’est point en rapport avec les douleurs, la diarrhée, la dysenterie et l’hématurie constatées du vivant. On se trouve en présence d’un toxique dont l’action sur les fonctions circulatoire et respiratoire doit être reprise.
Ce poison a été isolé par Heyer qui lui a donné le
nom d’anémonine et dont la formule serait C':*H120O%.
Il se présente en masses blanches, cristallines, peu solubles dans l’eau, davantage dans l’alcool; Pacide azotique le convertit en acide oxalique, les alcalis le dissolvent facilement et le transforment en acide ané- monique.
IV. — Adonis, L. (Adonis). — Groupe de plantes herbacées, quelques-unes messicoles, à fleurs solitaires, à ha double, constitué par un calice à 5 ral caducs, une Corolle à 3-15 pétales, des étamines et des carpelles nombreux. Quelques espèces sont cultivées dans les jardins pour la beauté de leurs fleurs. De ce nombre sont l’A. autumnalis dont les pétales rouges lui ont valu le nom de Goutte de sang et l'A. vernalis, L. plante alpestre à fleurs jaune d’or. |
Les racines de A. vernalis dégagent une odeur nau- séeuse et possèdent une saveur très âcre. [ngérées à très petite dose, elles agissent comme tonique du cœur, mais
à dose moyenne elles amènent des vomissements et pur-
_gent fortement. Si la dose a été trop élevée, la mort arrive par superpurgation et désordres cardiaques (Hu- chard). Elles possèdent aussi une action emménagogue, pour laquelle on les utiliserait en Sibérie, au dire de Pallas, sous le nom de Starodoubka. On a cru autrefois que l'A. vernalis était | Héllébore noir des anciens. Les propriétés vénéneuses de l’Adonis sont dues à un glucoside désigné sous le nom d’adonidine.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 195
V. — Ranunculus, L. (Renoncule). — Ce genre comprend des végétaux herbacés, annuels ou vivaces,
à feuilles très variées, puisque les unes sont entières et
les autres profondément découpées. Leurs fleurs, le plus souvent de couleur jaunâtre, ont un périanthe double dont le calice a 5 sépales et la corolle généralement 5 pé- tales accompagnés d’une fossette nectarifère. Carpelles nombreux, uniovulés. Akènes réunis en capitule ou en épis. Les espèces en sont très nombreuses et à peu près toutes âcres et vénéneuses. Heureusement qu’elles per- dent par la dessiccation leurs fâcheuses propriétés; sans cette circonstance le foin de beaucoup de prairies serait inutilisable, car elles sont très répandues dans les lieux bas et humides. Nous attirons particulièrement l’atten- tion sur les formes suivantes :
1° Ranunculus sceleratus, L. La Renoncule scélérate est encore appelée Mort aux vaches, Grenouillette des marais, Herbe sardonique. Elle végète dans les praïi- ries basses, les lieux fangeux, le bord des mares. C’est une plante annuelle, de 50 centimètres de hauteur, à tige striée, rameuse, à feuilles réniformes, à petites fleurs jaunes HART D des bondeile Spici- formes d’akènes. |
Afin d'éviter des redites, nous allons décrire l'empoi-
_ sonnement par la Renôncule scélérate, comme le type des intoxications par les Renonculacées, sans affirmer
toutefois et tant que des recherches étendues n’auront pas été faites à ce sujet, que le principe toxique est le
__ même dans toutes les espèces du genre Renoncule.
L'ancienne médecine se servait couramment des Re- noncules à l’extérieur et à l’intérieur, il ne serait point
impossible que ce fussent quelques accidents causés par
leur emploi qui en aient amené l’abandon. Ce renoncec-
196 DES PLANTES VÉNÉNEUSES:
ment à leur usage fait que l’on ne signale pas d’empoi- sonnements pour l’espèce humaine ; pourtant écrasées et appliquées sur la peau, la tige et les feuilles fraîches sont irritantes. Den Il paraît que dans quelques districts pauvres d’Alle- magne et d'Angleterre, on mange les jeunes pousses de quelques-unes de ces herbes après les avoir fait bouillir. La cuisson, comme la dessiccation, les rend inoffensives. Ce n’est donc que sur le bétail qu’on doit s’attendre à constater des empoisonnements et de fait, ils ne sont pas absolument rares, tant parce que les Renoncules sont communes dans les Pie bas et leur végétation printa- nière, que pare qu’on les sarcle dans les champs, les jardins: et qu’on les distribue aux animaux. . Symptomatologie. — Les premiers symptômes ob- servés à la suite de l’ingestion de la Renoncule sont ceux de la gastro-entérite avec bâillements, coliques, piéti- nements, nausées et vomissements si l’espèce le com- porte, rejet de matières fécales noires, à odeur re- poussante, diarrhée, épreintes. Il peut survenir de l'hématurie, mais ce symptôme n’est pas constant, il n’a été observé que dans le cas d’ingestion de jeunes renon- cules et il n’est pas sûr qu'aucune autre plante nuisible n’accompagnait celles-ci. La quantité de lait fournie par les vaches baisse beaucoup.
Après ces phénomènes d'irritation du tube digestif .
apparaissent des symptômes d'ordre nerveux : ralentis- sement du pouls et de la respiration qui devient ster- toreuse, ronflante, dilatation des pupilles, faiblesse du train postérieur, difficulté dans la mastication et sur- tout la préhension des boissons, affaiblissement et perte de la vue. Quelques mouvements spasmodiques des oreilles, des lèvres, des joues; irritabilité réflexe à peine aliérée.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 107
Si la quantité de Renoncule ingérée est très forte et les soins médicaux nuls ou mal dirigés, de véritables
Fic. 20. — Ranunculus acris. — RENONCULE ACRE.
#
_ convulsions se déclarent, qui s’'accompagnent du retrait
198 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
d’un arrêt absolu d’expulsion des matières fécales. La mort arrive généralement de la 6° à la 12° heure après l’apparition des convulsions.
A l’autopsie, on trouve les lésions de inflammation du tube digestif et parfois des reins.
Dans l’ignorance de ce qui a pû se passer, si l’on était tenté, en présence d’empoisonnements de cette nature, de songer à une maladie infectieuse, l'examen du sang urerait le praticien d’embarras; ce liquide a conservé ses caractères normaux, il se prend promptement en caillot et ne montre aucun microbe parmi ses globules.
La suppression immédiate de la plante incriminée est l'indication capitale à remplir dans le cas présent.
Je ne crois pas qu’il y aurait inconvénient à consom- mer la viande d'animaux empoisonnés par les Renon- cules, puisque le principe toxique qu’elles renferment est détruit par la cuisson.
Après la Renoncule scélérate que Polli place en tête comme puissance vénéneuse, il faut citer À. acris, R. bulbosus, R. flammula, R. Thora, R. lingua, R. repers, R. ficaria et R. arvensis.
2° La Renoncule äcre (fig. 20) est fort commune dans les prairies, ce qui lui a valu le nom de Renoncule des prés; c’est peut-être celle qui cause le plus d'accidents. Ses fleurs sont les parties les plus dangereuses, viennent ensuite la tige et les feuilles.
3° La Renoncule bulbeuse, vulgairement appelée Rave de saint Antoine, est fort reconnaissable à son collet renflé en bulbe. Celui-ci est d’une vénénosité variable suivant les saisons : dangereux quand la tige et les fleurs sont desséchées et coupées, 1l l’est beaucoup moins lorsque la plante étale sa corolle; le poison semble, à ce moment, avoir émigré au sommet du végétal pour l’'abandonner quand il se dessèche sous les feux de l'été.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 199
4 et 5° La Renoncule flammette et la Renoncule langue (fig. 21), désignées, la première sous le nom de petite Douve et la seconde sous celui de grande Douve,
CET PRET SESS EPTII TRES
le dir. Cap Si ar , ns jé à
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Fic. 21. — Ranunculus lingua. — RENONCULE LANGUE.
sont aussi malfaisantes mais moins abondantes que les précédentes.
6° La Renoncule Thora, qui croît dans les Vosges, les Alpes, les Pyrénées, est peut-être plus dangereuse que
200 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
toutes les précédentes; ses propriétés se sontrévélées de- puis longtemps, puisque les , Gaulois empoisonnaient leurs flèches avec le suc de ses feuilles.
7° La Renoncule rampante, appelée Pied de poule, nom que l’on donne aussi àla R. arvensis dans quelques contrées de la France, est à détruire à cause de sa grande facilité de propagation. Si elle cause quelques empoi- sonnements, quand elle est fraîche, ses feuilles ont été utilisées, après cuisson, pour la nourriture des dindon- neaux.
8° La Renoncule des champs est une plante messicole qui souille les blés et surtout les avoines. Le cultivateur doit lui faire la guerre, d’abord parce qu’elle est véné- neuse quand elle est verte et ensuite parce qu'après ma- turité et au battage, ses fruits aplatis, bruns, garnis de tubercules épineux se mélangent aux céréales et en di- minuent la valeur marchande. Des avoines nous ont été soumises, à l’École vétérinaire de Lyon, qui contenaient 3 grammes de ces graines par kilogramme; en raison de leur présence, elles étaient mâchées et avalées avec une certaine difficulté par les chevaux. De quelques expériences que j'ai faites, il ne semble pas résulter que ces graines renferment le principe toxique des Renon- culacées, ou du moins s’il existe, il n’a pas paru agir sur les cobayes et les pigeons qui m'ont servi.
La Renoncule ficaire (fig. 22), pour laquelle quel- ques botanistes ont créé le genre Ficaria et l’espèce F. ranunculoïdes, Mæœnch. est désignée, suivant les localités, sous les noms de petite Chélidoine, Herbe au fic, Éclairette, petite Éclaire, petite Scrofulaire, Gre- nouillette, Ganille, Pissenlit rond, Jauneau, Billonée, Herbe aux hémorrhoïdes. Elle n’est pas vénéneuse quand elle est jeune, car en Allemagne on en mange les premières pousses en salade, mais plus tard elle le de-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 201
vient; Dioscoride l’indiquait déjà. Il faut éviter de la
Fic. 22. — RENONCULE FICAIRE.
laisser prendre aux animaux, car un vétérinaire anglais,
202 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
M. Flower, a relaté l’'empoisonnement de trois génisses par cette plante.
Au point de vue particulier où nous sommes placés, ce sont les variations dans la teneur du poison, selon la partie du végétal et selon la saison, qui dominent dans l’histoire des Renonculacées. A la sortie de l’hiver, au moment où les jeunes pousses apparaissent et se déve- loppent, elles sont peu et pour quelques-unes (R. fica- ria, par exemple), elles ne sont pas vénéneuses; avec les progrès de la végétation, le principe toxique se forme et la plante est particulièrement dangereuse au moment de la floraison. Plus tard, les propriétés vénéneuses dé- croissent au fur et à mesure de la maturité et de la dessiccation.
Les fleurs sont les parties les plus toxiques, puis vien- nent les feuilles et la tige; chez la Renoncule bulbeuse, le collet est surtout malfaisant en automne et en Has Il n’a pas été démontré que les graines d’aucune espèce fussent dangereuses.
La connaissance du principe vénéneux des Rénon- cules exigerait de nouvelles recherches chimiques. Pour le moment, on sait que c’est une essence jaunûtre, soluble dans léther, non sulfureuse, très âcre, qui s’épaissit par l'évaporation et se dédouble, pense-t-on, en acide anémonique et anémonine. [l ÿ aurait aussi un peu de matière résineuse.
D’après M. S. Martin, on trouverait dans toutes les Renonculacées un acide très âcre, volatil, décom- posable par la chaleur, qu’il appelle acide ficarique. Ce même chimiste aurait trouvé dans LR. Jicaria une substance qu’il rapproche de la saponine, mais qui s’en distingue en ce qu’elle n’est pas colorée par le chlorure ferrique et qu’il nomme ficarine. Disons enfin que Dra- gendorf donne le nom de Renonculol à une substance
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 203
qu’il identifie à l’anémonol et nous aurons montré la nécessité de nouvelles études chimiques sur le groupe des plantes du genre Renoncule.
Les recherches de Clarus ont montré que l’Anémonol se dédouble en anémonine et acide anémonique dans l'organisme. Or, dans les empoisonnements expérimen- taux par l’anémonine, on a retrouvé ce corps dans les matières vomies et le contenu intestinal, mais non dans le sang, le foie et la rate. Ce fait établit une forte pré- somption en faveur de la possibilité d'utiliser la chair d'animaux ayant succombé à un empoisonnement de ce genre.
VI. — Caltha, L. (Populage). — Ce genre renferme une espèce commune et intéressante :
Caltha palustris, L. (Populage des marais). Herbe vivace de 30 centimètres de hauteur en moyenne, dont la tige est striée, fistuleuse, les feuilles radicales palma- tinerviées, un peu crénelées, les fleurs jaunes d’or,assez grandes, à périanthe simple, à 5-9 sépales pétaloïdes, caducs ; carpelles nombreux terminés par un style per- sistant.
Le Populage est une plante fréquente dans les lieux. marécageux, on la désigne à la campagne sous le nom de Souci des marais. Elle partage toutes les propriétés des Renoncules et ce que nous avons dit de celles-ci lui est applicable. Elle a fort peu ou pas d’âcreté au mo-
_ment où elle sort de terre, devient vénéneuse au temps
de sa floraison et perd sa toxicité par la cuisson et la des- siccation. D'ailleurs, les bestiaux la dédaignent le plus souvent ; quand, mêlée à d'autres fourrages, elle a produit des empoisonnements, les symptômes et les lésions ont été ceux que nous venons d'étudier à propos des Renon- cules. Cela nous dispense de nous y arrêter davantage
204 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
VII. — Helleborus, L. (Hellebore). — Les plantes de ce genre sont vivaces, herbacées, à feuilles palmati- séquées, à calice à 5 sépales persistants et pétaloïdes, à corolle à 3-21 pétales très petits, en forme de cornets pédiculés, carpelles en nombre variable, formant autant de follicules à sa maturité. Trois espèces indigènes doi- vent être mentionnées dans ce genre; ce sont: A. ni- ger L., Æ. viridis L., H. fœtidus L. Mais aucunedeces espèces ne correspond à l’Hellébore dont il est question fréquemment chez les anciens et qui jouissait, pensait- on, de propriétés curatives des maladies mentales. Celui-ci serait, d’après Tournefort, l’Æelleborus orien- talis, qu’il aurait recueilli dans son voyage en Orient et qui n’a pas été retrouvé. « Le nom d’Æ1. orientalis a été donné à plusieurs espèces distinctes qui ont été de nouveau séparées et dont on a également écarté l’an- cienne espèce sous le nom d'A. ponticus. Toutes ou presque toutes sont, du reste, peut-être des variétés d’une espèce, l'A. caucasicus, qui correspond en général à l’ÆT. orientalis des jardins » (Vesque). È
LH. niger, Hellébore noir (fig. 23), possède une souche épaisse, noire en dehors; ses feuilles sont per- sistantes, longuement pétiolées, à segments oblongs, dentés en scie à leur pointe, d’un vert foncé et coriaces. Ses fleurs sont grandes, blanc-rosé et, comme elles fleu- rissent en hiver, on comprend le nom de Rose de Noël qui lui fut donné. On le trouve dans les lieux ombragés et pierreux, sans distinction de nature du sol. R
L’H. viridis, Hellébore vert, se distingue du précédent par ses feuilles d’un vert moins foncé, non persistantes, à segments plus étroits et beaucoup plus finement den- tés, à fleurs moins grandes et verdâtres, s’ouvrant seu- lement à la fin de l’hiver. Il n’est pas rare dans les pâtu- rages de montagnes et dans les coteaux pierreux. :
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F1G. 25. — Helleborus niger. — HELLÉBORE NOIR.
tale d'Hellébore noir.
ébore fétide, — 3. Pé
Pétale d’Hell
1. Fleur. — 2.
206 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
L'H. fœtidus, Hellébore fétide, a des feuilles d’un vert très foncé, tirant sur le noir, persistantes, à seg- ments presque entièrement dentés, des fleurs très nom- breuses, verdâtres, avec une petite bordure pourprée. Il exhale une odeur vireuse de toutes ses parties et on le désigne communément sous le nom de Pied de griffon. Son pollen, ainsi que celui de l’'Hellébore noir, est pointillé, tandis que celui de l’'Hellébore vert est orné d’un réticule.
Ces trois espèces d'Hellébores sont vénéneuses et pa- raissent, à quantité égale, posséder la même activité, bien que des auteurs aient cru devoir placer au premier rang l'Hellébore noir et d’autres l’'Hellébore vert.
La dessiccation et la cuisson ne détruisent pas leurs propriétés toxiques, comme cela arrive pour beaucoup d’autres Renonculacées.
Des empoisonnements ont été causés par ces plantes sur l'espèce humaine et sur les animâux domestiques.
Sur l’homme, ils ont eu lieu, soit par erreur dans les
harmacies. soit à la suite d'administration de racine P ;
d'Hellébore par des charlatans et des empiriques à de trop crédules personnes.
Appliqué sur la peau, l’'Hellébore produit de la rubé- faction et de la vésication; si la barrière épidermique est endommagée ou détruite, il y a absorption rapide et production des phénomènes d’intoxication. Sur les muqueuses, l’absorption est la règle. = Que l’'Hellébore ait été pris à l’intérieur ou qu’il ait
pénétré par effraction dans l’organisme, ses effets se manifestent par de l’agitation, de la salivation, des nau- sées, du vomissement, des douleurs abdominales, de la purgation. Celle-ci manque pourtant quelquefois, mais quand elle se manifeste, elle est très violente, les ma- tières expulsées se teintent de sang, plus tard se mêlent
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 207
de sérosité et se couvrent de mucus, elles répandent alors une odeur infecte. Les grandes fonctions se trou- blent, le pouls s'accélère et devient petit, la respiration éprouve des alternatives d’accélération et de ralen- tissement, puis apparaissent des contractions muscu- laires et quelques secousses convulsives, particulière- ment aux muscles du cou et de l’abdomen. Si la mort doit terminer la scène, le pouls devient de plus en plus imperceptible, le corps se refroidit et le malade expire en s’agitant convulsivement.
Ferrary, pharmacien à Saint-Brieuc, a rapporté autre- fois l’observation de lempoisonnement de deux per- sonnes qui, sur le conseil d’un rebouteur, burent un verre d’une décoction composée de : racines de sceau de Salomon, feuilles de lierre terrestre et racine d’Hellé- bore noir, le tout bouilli dans du cidre et qui mouru- rent, l’une 1 heure 1/2 et l’autre 2 heures 1/2 après lin- gestion de cette étrange boisson.
Les vétérinaires se servent, dans la médecine du bœuf spécialement, des racines d’Hellébore comme trochis- ques. [ls Pemploient aussi à titre d’antiparasitaire, de vomitif et de diurétique, mais il faut être très prudent dans son emploi. M. Wehenkel a relaté l’empoisonne- ment de trois vaches auxquelles un empirique avait administré de l’'Hellébore noir pour les guérir d’un malaise au sujet duquel le propriétaire de ces bêtes Pavait consulté.
[Il est rare que les bestiaux prennent suffisamment d’Hellébore pour s’empoisonner, cependant cela est arrivé. Ces plantes étant vertes pendant la mauvaise saison, On a vu des propriétaires besoigneux aller en ramasser les feuilles sous la neige et les mêler à la nour- riture sèche de leurs animaux qui, de la sorte, les man- geaient sans trop de difficultés. Fauchées au printemps
208 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
dans des champs de Luzerne et de Trèfle, elles ont été prises avec ces Légumineuses. |
L’exemplesuivant,emprunté à MM. E. et H. Thierry, donnera une bonne idée des symptômes et des lé- sions qui résultent de l’empoisonnement des bêtes bo- vines par l’Æ7. viridis. |
« Inappétence, diarrhée, épreintes, efforts violents qui, après cinq ou six jours, n’aboutissent plus qu’à l’ex- pulsion de matières glaireuses, noirâtres; ventre tendu, tristesse profonde par moments; jusqu’à la fin le pouls | reste lent et intermittent. Les battements du cœur sont faibles et, après cinq ou six battements, 1l y a un temps d'arrêt égal au moins à la durée d’un battement et 1 demi. Ce fait a été constaté à toutes nos visites quoti- diennes.
« Un fait remarquable, c’est l’amaigrissement très lent | et la persistance jusqu’au dernier jour de la sécrétion | lactée. |
«En présence de l’aggravation des symptômes nous avons soumis nos malades à un traitement excitant : | café à haute dose, infusions aromatiques, alcool, fric- | tions d’huile de croton-tiglium, et de temps à autre | quelques électuaires d’ipécacuanha pour ramener la ru- mination. La première morte a succombé le 20 juin, c’est-à-dire douze jours après l’empoisonnement, la seconde n’est morte que le 6 juillet.
« Les deux autopsies, faites au plus trois heures après la mort, ont montré des lésions absolument semblables,
à cette nn près que sur la seconde elles étaient beaucoup plus accusées.
« Le péritoine est sain ainsi que le gros intestin. Quel- ques portions de l'intestin grêle sont d’un rouge brun, mais sur une étendue très restreinte. Dans toute la lon- . gueur du tube intestinal il n’y a aucune matière ali-
DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. 209
mentaire, on ne trouve que quelques mucosités noi- râtres. Le rumen, le réseau et le feuillet sont remplis d'aliments comme si les animaux venaient de prendre leur repas. La caillette est vide, d’une teinte brune et . dans sa portion conique, à l'endroit de sa jonction avec le duodénum, elle présente sur une surface de la largeur de la main des ulcérations rouges, profondes, au nom- bre de neuf à dix et de la superficie d’un centime. C’est peut-être ce qui explique l'absence de matière alimen- taire dans l'intestin. Ce véritable vésicatoire du pylore ne se serait-il pas opposé au passage du chyme?
« Le poumon et les plèvres sont sains, le péricarde non plus ne présente rien de particulier, mais le cœur pré- sente à sa surface une grande quantité d’ecchymoses. Dans les cavités, ces ecchymoses sont encore bien plus nombreuses, surtout dans le cœur gauche qui est vide et dont l'oreillette a une teinte complètement noire ainsi que toutes les valvules. »
Il a déjà été dit que toutes les parties dés Hellébores sont vénéneuses et qu’elles ne perdent leurs propres ni par la dessiccation, ni par la cuisson.
250 grammes de racines fraîches suffisent pour tuer le cheval et le bœuf, 70 grammes des mêmes parties desséchées amènent le même résultat. On estime qu’il en faut 30 à 40 grammes à l’état frais pour tuer le mouton et le chien et 8 à 10 grammes à l’état sec.
Si l’on veut dépouiller ces plantes de leurs propriétés toxiques, 1l les faut faire macérer dans l’alcool qui de- vient alors dangereux, tandis que l’eau d’ébullition ne l’est nullement. :
Bastick a retiré de l’Hellébore noir un principe qu’il a appelé helléborine; après lui Vauquelin, Fenelle et Ca- _ pron, et plus récemment Husemann et Marmé ont repris _ ces études. Des recherches des deux derniers, il résulte
14
210 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
qu’on trouve dans les Hellébores noir, fétide et vert, deux glucosides l’elléboréïine et l’elléborine. La pre- mière est soluble dans l’eau, blanche, hygroscopique, d’une saveur mi-sucrée mi-amère, difficilement soluble dans l'alcool et l’éther. L’acide sulfurique concentré la dissout presque instantanément en la colorant en rouge foncé.
L’elléborine est difficilement soluble dans l’eau et dans l’éther, facilement soluble dans lalcool et le chlo- roforme. L’acide sulfurique concentré la colore peu à peu en violet. Dragendorff attribue particulièrement à l’elléboréine les propriétés vénéneuses; ce fait paraît difficile à concilier avec les empoisonnements qui se produisent quand on se sert d’un liquide alcoolisé pour faire infuser les Hellébores et qui ne se manifestent pas quand on prend l’eau comme véhicule.
Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons dicter de règle de conduite raisonnée pour l’utilisation des cadavres de bestiaux empoisonnés par les Hellébores. Nous ne savons comment leurs prin- cipes actifs s’éliminent, ni s'ils subissent dans l’éco- nomie quelques transformations. En effet, Heide a re- cherché infructueusement l’elléboréine dans l’urine, les reins, le foie, le cœur et les muscles d'animaux empoisonnés. Cette ignorance justifie notre réserve.
VIII. — Actea, L. (Actée). — La similitude d’effets toxicologiques nous oblige à rapprocher l’Actée des Hellébores. Ce genre est constitué par des plantes her- bacées, vivaces, dont la tige est un rhizome à feuilles al- ternes. Une seule espèce indigène est à signaler :
Actea spicata, L. L’Actée en épis, qu’on appelle aussi Æerbe de Saint-Christophe et dont Tournefort avait constitué le genre Christophoriana, est une plante
DES PLANTES VEÉNENEUSES. 211
peu nombreuses, sont décomposées, ternées. Fleurs - blanchâtres, en épis terminaux, régulières : calice à . 4 sépales pétaloïdes. Corolle à 4 pétales. Le fruit est - une baie lisse, ovale, noirâtre. . Toutes les parties de cette plante sont vénéneuses,
-tige, feuilles, fleurs, baies et souche; les deux dernières _ sont les plus dangereuses. La dessiccation leur enlève
une partie de leur toxicité. |
Les empoisonnements spontanés sont rares, car P'Actée exhale une odeur désagréable; tout au plus “ Les enfants pourraient-ils manger ses baies. Mais comme sa souche est employée parfois à titre de purgatif et ses autres parties comme parasiticides, quelques empoi- _ sonnements ont pu se produire de ce chef. - Il paraît que ses souches sont mêlées frauduleuse- ment à celles des Hellébores, notamment de l’Hellé- . bore noir et vendues pour elles. En tous cas, on a rap- - proché les symptômes de l’empoisonnement qu’elle - produit de ceux des Hellébores: inflammation vive du _ tube digestif, purgation violente, vomissements, effets antispasmodiques, puis ivresse et délire furieux. Ce rapprochement nous dispense d’en donner une descrip-
_ été isolés.
540 et À. racemosa, et en Sibérie, une espèce : _ À. Cimicifuga, qui jouissent des mêmes PORTE vé- & | néneuses que notre Actée indigène.
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n IX. — Aconitum, L. (Aconit). Les genre est con=
de 40 à 80 cent. qu’on trouve dans les bois. Ses feuilles,
_ tion détaillée pour le moment, d’autant plus que le ou _ les principes vénéneux qu ‘elle renferme n’ont pas encore
On trouve en da deux espèces d’Actées : À,
_ stitué par des plantes herbacées, vivaces, à feuilles al- _ternes, palmatipartites, à fleurs assez belles, bleues ou
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31 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
jaunes, réunies en grappes ou en panicules au sommet des rameaux. Calice à 5 sépales inégaux, le supérieur ordinairement en forme de casque recouvrant la corolle, sans pourtant que ce soit là un caractère général du genre. Corolle à 2-5 pétales irréguliers, les 2 posté- rieurs, longuement onguiculés contenus dans le casque, sont terminés par une lame enroulée et formant un cornet renversé et éperonné. Étamines très nombreuses. Carpelles 3-5, sessiles, pluriovulés se transformant en follicules. Graines nombreuses à enveloppes ridées, ru- gueusées. | |
On trouve dans le genre Aconit plusieurs espèces indigènes toutes vénéneuses, mais à des degrés inégaux : A. napellus, A. anthora, A. paniculatum, À. lycocto- num, et une espèce exotique végétant en Asie, plus vé- néneuse que toutes les autres, c’est l'A. ferox.
Depuis la plus haute antiquité, les effets pernicieux des Aconits ont été observés, ilen est fait mention dans Pline, Dioscoride, Galien, etc. La période moderne est fort riche en travaux sur ces plantes, considérées sur- tout au point de vue thérapeutique; dans notre siècle, à l’aide de la méthode expérimentale, l’étude de leurs effets physiologiques et toxiques a été reprise et suivie avec soin. Ilen a été de même de l’examen de leurs principes actifs.
L’Aconit napel, la plus dangereuse des espèces indi- gènés, sera prise comme type.
A. Aconitum Napellus, L. L’Aconit napel (fig. 24) est une herbe de 1 mètre de hauteur environ, à souche napi- forme et noirâtre, à tige peu rameuse, à feuilles nom- breuses, luisantes en dessus, vert-pâle en dessous, à fleurs bleues ou violettes, quelquefois blanches ou pa- nachées, disposées en grappes terminales, commune dans les lieux ombragés et un peu humides des montagnes
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914 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
et cultivée dans quelques jardins comme plante orne- mentale.
Il a été désigné autrefois par les botanistes sous le nom de Napellus vulgaris. Nous ne considérons les prétendues espèces À. macrostachyum et À. Neuber- gense que comme des variétés de l’A. napellus, et ce qui sera dit de celui-ci s’appliquera à ceux-là,
L’Aconit napel est une plante fort vénéneuse, mais d’une toxicité très inégale dans ses diverses parties; la racine est la portion la plus dangereuse, viennent ensuite les graines et les feuilles. Il présente des inéga- lités qui tiennent aussi à son âge et au climat. Peu actives au moment où.elles sortent de terre, ses pousses acquièrent leur maximum de toxicité un peu avant la floraison, pour redescendre au minimum au moment de la maturation des graines. Ce végétal est plus actif dans le Midi que dans le Nord; à mesure que l’on monte à une latitude plus septentrionale, sa vénénosité décroît, à tel point qu’au témoignage de Linné, en Norvège et en Laponie, on en mange les jeunes tiges sans aucun danger. On a constaté aussi que l’Aconit napel cultivé dans les jardins depuis quelques générations comme plante ornementale, est beaucoup moins vénéneux que celui qui végète spontanément sur le flanc des monta- gnes. | |
Par la dessiccation, l’Aconit perd une partie de ses propriétés vénéneuses, mais on a observé que la perte est beaucoup moins considérable lorsque la dessicca- tion a lieu lentement et à l'obscurité que quand elle s’opère rapidement, sous l’influence d’un soleil ardent. La cuisson lui enlève la plus forte partie de sa vénéno- sité, ses principes actifs étant solubles dans l’eau d’ébul- lition.
Les publications médicales renferment de nombreux
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 215
_ exemples d’empoisonnement de l’homme par l’Aconit, à la suite surtout de l’ingestion de ses racines et aussi, mais plus rarement, par l’emploi de ses feuilles, de ses _ fleurs et de ses graines. Sa racine renflée, par sa ressem- blance avec le navet et la rave, a été l’occasion de mé- prises fatales. Quelques erreurs regrettables dans des prescriptions pharmaceutiques ont également été signalées.
Généralement, dans les pâturages les animaux l’évi- tent; on a pourtant enregistré quelques empoisonne- ments de chevaux, de bœufs, de moutons et de porcs. On s’abstiendra de donner aucune indication relative aux quantités d’Aconit napel nécessaires pour amener lempoisonnement. Cette réserve est imposée par les variations énormes dans la teneur en principes toxiques des parties examinées, suivant l’époque, la localité, l’état, etc. On ne pourra qu’approuver cette abstention quand on saura que la lecture des mémoires consacrés à cette plante montre des variations de 1 à 40 dans les doses indiquées par les auteurs. Tous à coup sûr sont de bonne foi, mais ils ont opéré sur des Aconits napels de composition différente.
Symptomatologie. — Appliqué sur la peau humaine intacte l’Aconit, quel que soit le mode de préparation employé, ne produit pas d’effet, mais quand il est placé sur les muqueuses ou sur le tégument très fin, il y a production manifeste de chaleur, de prurit et d’un peu d’hyperesthésie locale.
Dans la bouche, il cause, par l’acreté de sa saveur, une sensation brûlante qui, si la substance est avalée, se fait sentir dans l’œsophage et l’estomac. Lors- que l’homme en a ingéré une quantité insuffisante pour produire la mort, environ une demi-heure après l’ingestion, surviennent des nausées, de la gêne de la
216 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
respiration, puis de l’engourdissement et du picote- ment, d’abord des lèvres et de la langue, ensuite de la face, des membres et surtout des doigts. Faiblesse mus- culaire. Diurèse. Diminution de la fréquence du pouls, mais conservation de son rythme. Vertiges. Etat léthar- gique.
Quand la quantité de poison ingérée est suffisante pour amener la mort, tous les symptômes précédents s'aggravent : la face devient très pâle et exprime une vive anxiété, la voix s’affaiblit en même temps que les forces baissent, la respiration s’embarrasse, de l’écume s’écoule de la bouche, la pupille se dilate, l’ouie et la vue se perdent à peu près entièrement, le pouls est à peine perceptible, la peau se refroidit de plus en plus, de très légères convulsions apparaissent. Puis la respiration finit par s'arrêter alors que le cœur continue à battre encore pendant quelques instants. Le plus fré- quemment, les patients conservent leur intelligence jusqu’à l’asphyxie qui les emporte, quelquefois ils tom- bent dans le délire.
Sur le cheval, on observe « des mouvements des mâchoires, de la salivation, des contractions fibril- laires des muscles olécraniens, de la croupe, puis de tout lè corps; des douleurs intestinales accusées par des piétinements, des coups de pied sous le ventre et en arrière avec les membres postérieurs, des contrac- tions intenses et douloureuses des muscles de la région cervicale inférieure, de l’hyoïde et de l'abdomen; une augmentation de la sensibilité, une expulsion répétée de crottins, d’abord une congestion, puis une grande pâleur des muqueuses, une diminution du volume des artères; quelques petits cris au moment de la contrac- tion des muscles de l’encolure et de l’abdomen, des nausées, de la raideur musculaire dans les membres
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 217
postérieurs, une démarche vacillante, une respiration laborieuse et enfin une paralysie motrice, respiratoire et sensitive » (KaUFMANN).
En résumé, ce qui domine dans lintoxication par P'Aconit, ce sont des phénomènes de dépression se ma- nifestant sur le système nerveux et sur les appareils circulatoire et respiratoire. Comme il s’y joint quelques symptômes de tétanisation, on peut en inférer que le végétal qui nous occupe ne renferme pas qu’un seul principe actif.
Le pronostic de cet empoisonnement varie naturelle- ment selon la quantité de la plante ingérée; il devient fort grave lorsqu'elle est un peu élevée.
Lésions, — Elles sont peu importantes. Inflamma- tion des premières parties du tube digestif, ne se pro- pageant généralement pas loin, surtout si la mort est survenue promptement, taches ecchymotiques sur les plèvres et sur l’endocarde du cœur gauche; un peu d’engouement du poumon; vessie vide, rétractée et en- flammée ; reins irrités rappelant lempoisonnement par les cantharides,
Les toxicologistes ont retrouvé les principes actifs de V’Aconit dans le contenu stomacal et intestinal, dans le sang, l’urine, le foie, la rate et les reins. Une pareille dispersion sous l'influence de l’irrigation sanguine in- dique que la consommation des chairs d’un herbivore empoisonné par l’A. napellus ne serait pas sans dangers, car 1l faudrait déployer pendant la cuisson une chaleur de 120 degrés pour décomposer le principe vénéneux. La consommation ne devra donc pas être autorisée.
Aucun contrepoison n’est encore connu.
Principes actifs. — Il y a déjà longtemps que l’on s’est efforcé d’extraire la matière véritablement véné- neuse de l’A. napellus. Brandes, le premier, en isola un
218 DES PLANTES VÉNENEUSES.
corps qu'il appela aconitine et qu’il considéra comme le principe immédiat actif de cette renonculacée. Les tra- vaux des chimistes modernes ont fait voir que laconi- tine de Brandes était très impure et les progrès de la chimie ont amené à l’obtenir aujourd’hui à un état de pureté satisfaisant. Ces recherches ont montré aussi que l’aconitine, bien que devant être considérée comme le principe le plus important des Aconits, n’est pas le seul actif. En effet, on a retiré de l’Aconit napel un autre alcaloïde appelé aconelline qui serait identique à la nar- cotine. Hubschmann pensait en avoir isolé un troi- sième auquel il avait imposé le nom de napelline, mais son existence fut contestée et son auteur l’a récemment abandonné.
L’aconitine, C5 H#7 O‘* Az’, est blanche, cristallisée dans le système rhombique (tandis que ses combinai- sons cristallisent dans le système monocline), très amère, très soluble dans le chloroforme, se dissolvant dans 7, 20 parties d’eau, 5,65 de benzol et 36 d’alcool absolu. Elle fond à 85 degrés et devient anhydre. Chauffée à 120 de- grés, elle se décompose en dégageant de lammoniaque; l'acide sulfurique concentré la colore d’abord en jaune, puis en brun-rougeâtre et enfin en violet.
B. L'Aconit anthora (Aconitum anthora, L.) moins élevé que le précédent, à fleurs jaunes en courtes grap- pes, est âcre et vénéneux comme lui. Tout ce qui a été dit de l’empoisonnement par l’Aconit napel est appli- cable à l’Aconit anthora et ce serait tomber dans des redites que d’en faire à nouveau une description symp- tomatologique.
C. L’Aconit tue loup (Aconitum Lycoctonum, L.), dont la souche est épaisse et charnue, les feuilles pro-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 219
fondément incisées et les fleurs d’un jaune pâle, est éga- lement fort vénéneux.
Indépendamment de l’aconitine, lAconit tue loup renferme deux autres alcaloïdes isolés par Dragendorff et Spohn, la /ycaconitine et la myoctonine. Ces deux corps, identiques par beaucoup de propriétés et qui pro- duisent sur les sujets d’expérience les mêmes effets, se distinguent par la manière dont ils se comportent avec léther pur, la lycacoctonine étant soluble dans ce véhi- cule et la myoctonine ne l’étant pas.
L'action physiologique de ces alcaloïdes est analogue à celle du curare et ils n’altèrent point la muqueuse intestinale comme laconitine; ils se décomposent en partie dans CRU
D. On a trouvé dans l’Aconitum heterophy llum, à côté de l’aconitine, un principe spécial, l’atisine, Rec Paction est faible.
E.L'Aconitum ferox, Wall, Aconit du Népaul, connu en Asie sous le nom de Bish ou de Bikh et aussi sous celui de Racine d'Issikoul, parce qu’il croît en grande abondance sur les bords du lac de ce nom, est le plus vénéneux de tous. Il a acquis une triste célébrité, car il sert à perpétrer bien des crimes dans l'Asie centrale, parmi les populations Kirghises.
Quelques maisons anglaises introduisent en Europe l'Aconit du Népaul pour l’extraction de ses principes actifs, qu’elles vendent sous le nom d’aconitine. C’est à tort, car à côté de l’aconitine, cette plante contient un autre alcaloïde, plus violent et plus rapide dans ses effets; on lui a donné le nom de népaline ou pseudoaco- nitine. La népaline est plus soluble que lPaconitine dans l’eau, Palcool, la benzine et le chloroforme. En contact
229 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
avec l’acide azotique et la solution alcoolique de potasse, il y a production d’une coloration violette, tandis que dans les mêmes circonstances, l’aconitine ne donne pas de réaction colorée. :
La népaline exerce sur les muqueuses et la peau une action locale fort énergique; aussi la mort survient- elle très rapidement chez les individus intoxiqués par J’Aconit féroce.
X. — Delphinium, L. (Dauphinelle). — Genre très naturel constitué par des plantes herbacées, annuelles ou vivaces, rameuses, à feuilles palmatiséquées,à belles fleurs en grappes, bleues, roses ou blanches, dont le calice est à 5 sépales pétaloïdes, le supérieur prolongé en éperon. Corolle à 4 pétales soudés par leur base en un éperon inclus dans celui du calice, ou distincts et les deux su- périeurs prolongés en deux éperons également emboi- tés ; 1-5 carpelles pluriovulés se transformant en folli- cules. |
Un alcaloïde vénéneux a été trouvé dans toutes les espèces indigènes, mais la suivante seule le contient en proportions telles qu’elle est fort dangereuse :
Delphinium Staphysagria (fig. 25), L. La Dauphinelle staphy saigre ou plussimplement la Staphy saigre,que les gens de la campagne appellent Mort aux poux, Herbe aux pouilleux, parce qu’ils lemploient pour détruire les parasites de la peau de leurs bestiaux et parfois les leurs, est une jolie plante annuelle qui croît spontané- ment dans les lieux ombragés du Midi, qu’on cultive pour les besoins de la pharmacie et aussi comme plante ornementale. Sa tige, haute de 0,60 à 0,80 centimètres est rameuse, un peu rougeâtre et velue, ses feuilles à pétiole velu, palmatipartites, ses fleurs bleues ou gri- sâtres en grappes. Carpelles très velus. Follicules épais
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 224
S , À Dreuot 7
Pre, 25. Delphinium Staphysagria. — STAPHYSAIGRE. |
déformées par pression réciproque. L’enveloppe de ces 4 graines, d’un brun-grisâtre, présente à sa surface un réseau de lignes saillantes enchevêétrées.
222 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Les principes vénéneux se concentrent dans les graines qui sont les parties les plus actives et les plus dange- reuses de la Staphysaigre. Au moment de la floraison, toute la plante est suspecte, mais le bétail n’y touche guère. Les coutumes populaires ayant consacré l’usage de la graine, à titre médicinal, cette partie seule doit ètre incriminée.
Elle a causé plusieurs intoxications sur l’homme, par- ticulièrement par son emploi à titre de purgatif; elle en a déterminé aussi sur le bétail quand on s’en est servi pour des lotions anti-parasitaires.
Les symptômes, les lésions et le pronostic de l’em- poisonnement par la Staphysaigre sont, à peu de choses près, ceux de l’Aconit ou tout au moins il n’a pas été fait jusqu’à présent de différences sérieuses. Nous ne croyons pas utile, pour ces motifs, d’en tracer à nouveau l’histoire, renvoyant au paragraphe précédent.
Principes actifs. — Lassaigne et Feneulle décou- vrirent dans la plante qui nous occupe en ce mo- ment un principe auquel ils imposèrent le nom de Del- phine. Des études récentes firent voir que ce corps, auquel on attribuait les propriétés vénéneuses de la Staphysaigre, n’est point simple comme on le croyait. On est arrivé à le décomposer et aujourd’hui on admet que la D. Staphysagria renferme quatre alcaloïdes désignés sous les noms de Delphinine, Delphinoïdine, Delphisine et Staphysagrine; la delphisine n’est pas constante.
La delphinine, C?? H°° Az° Of, cristallise dans le sys- tème rhombique, elle est amère, se dissout dans 11 par- ties d’éther et 15,8 de chloroforme.
La delphinoïdine, C*? H'$ Az°? O7, est amorphe, amère,
se dissout dans 3 parties d’éther et à peu près en toutes
proportions dans le chloroforme.
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DES PLANTES VENÉNEUSES. 223
La delphisine, C* H*° Az°? Of, agit comme la delphi- noïdine, mais elle cristallise en fines aiguilles.
La staphysagrine, C?? H°* Az° O*, est amorphe, soluble
dans 200 parties d’eau, 885 d’éther et en toutes propor- tions dans le chloroforme. _ Au point de vue physiologique et toxicologique, la delphinine et la delphinoïdine se comportent comme laconitine et la népaline, tandis que la staphysagrine se rapproche de la Iycaconitine et de la myoctonine, c’est- à-dire du curare.
Après la Staphysaigre, nous citerons D. Reqguienii, D. C. qu’on trouve dans le Midi de la France, en Corse, en Italie et D. pictum W. également de l’Europe méridionale. Ces deux formes ne sont probablement. que des variétés de D. staphy sagria. Elles en partagent toutes les propriétés.
L'espèce D. consolida, L. connue partout sous le nom de Pied d’alouette, est commune dans nos mois- sons. Quoique moins actives que celles de la Staphy-
saigre, ses graines sont néanmoins dangereuses et, à
doses élevées, elles produisent des symptômes ana- logues, ce qui conduit à penser à l’identité des principes malfaisants.
L’agriculteur devra comprendre cette plante au nom- bre de celles qu’il faut détruire par le sarclage; il devra également, lors du vannage et du triage, éliminer ses graines mêlées aux céréales.
XI. — Aquilegia, L. (Ancolie. — Ce genre ne renferme qu’une seule espèce indigène; nous allons la décrire parce qu’elle est vénéneuse.
- Aquilegia vulgaris, L. — L’Ancolie commune, vul- gairement connue sous les noms d’Aiglantine, de Co- lombine, de Cornette, de Gant de Notre-Dame, est une
+
224 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
herbe vivace de 0,60 cent. de haut en moyenne, à tige rameuse, à feuilles vertes en dessus et glauques en des- sous, alternes décomposées, ternées, à grandes fleurs bleues, purpurines ou panachées, à 5 sépales pétaloïdes, caducs, à 5 pétales alternant avec les sépales roulés en
cornets dont l’éperon -descend entre les sépales. Car-
pelles 5, pluriovulés, se transformant à la maturité en follicules. |
L’Ancolie commune est une assez jolie plante, qu’on trouve dans les pâturages de montagnes, dans les lieux ombragés et humides, sur le bord des ruisseaux. Elle est âcre, vénéneuse; le bétail ne la prend qu’exception- nellement et peut alors s’'empoisonner.
Son ou ses principes vénéneux n’ont pas été isolés à ma connaissance et, dans les empoisonnements qu’elle produit, on rapproche la symptomatologie et les lésions
de celles qu’occasionnent les Aconits. Comme pour la
Staphysaigre, nous renverrons à l'étude pathogénique des Aconits afin de ne point nous répéter. |
Les graines sont les parties les plus dangereuses, mais les racines, la tige et les feuilles sont nalériete véné- neuses quoique à un degré beaucoup RE
Il est encore d’usage, dans quelques campagnes, d’em- ployer des infusions de graines d’Ancolie pour favoriser l'apparition des élevures dans les fièvres éruptives; maniée par des mains inhabiles, une telle médication peut occasionner des intoxications, surtout chez les en- fants, ainsi que l'avait déjà prévu Linné.
Ces mêmes graines, mélangées aux céréales ou à d’autres semences comestibles et ingérées par les ani- maux, peuvent les empoisonner. |
AIRES.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
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Aconits. — Tous les Traités de toxicologie, de matière médicale et un grand nombre de Mémoires publiés au siècle dernier. Parmi les auteurs plus récents, voyez : FLEMING. An Inquiry into the Physiol. an medical properties of the Aconitum napellus. Londres, 1845. — ScHrorr. Aconitum lycoctonum in pharmakognost. toxikologisch und historicher Hinsicht. Traduction analytique dans l’Union médicale de 1854. — Haxx. Essai sur l’Aconit. Thèse de Strasbourg, 1864. — LABORDE et DUQUESNEL. Des Aconits et de l’aconitine 1 vol. in-8, Paris, 1883. — KaurMann. Article Aconit du Precis de thérapeutique vétérinaire, 1886. — DRAGENDORFF et SPOHN. Sur la lyÿcaconitine et la myoctonine, in Manuel de toxico- logie, — Ewers. Ueber die phy. Wirkung der aus Aconitum ferox dargestel Aconitum. Dissertation de Dorpat, 1873.
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226 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
ARTICLE II. — MÉNISPERMÉES, BERBÉRIDÉES, PAPAVÉRACÉES ET CRUCIFÈRES
Sous-ARTICLE I. — MÉNISPERMÉES ET BERBÉRIDÉES
I. — Le plan de cet ouvrage ne comporte pas la des- cription des Ménispermées dont les espèces n’appartien- nent point à notre flore, mais à celle des tropiques. Cependant il faut en parler car, parmi les genres peu nombreux qui nous sont connus, plusieurs ont des. espèces vénéneuses. C’est ainsi que le Cocculus palma- tus, de l'Afrique australe, fournit la racine de Colombo qui est officinale à dose moyenne et toxique à haute dose, et que le Cissampelos des Antilles nous donne une drogue mal étudiée désignée sous le nom de Pareira brava.
L’'Anamirta cocculus, Arn.(Cocculus suberosus, D.C. Menispermum lacunosum, Lamk.), mérite une mention spéciale, car son fruit fournit la Coque du Levant.
« Les fruits, composés de deux ou trois drupes ar- quées, à cicatrice stylaire rapprochée de la base d’inser- tion, contiennent un noyau muni intérieurement d’un prolongement bilobé sur lequel se moule la graine. Celle-ci, sous ses téguments, renferme un albumen corné, au milieu duquel est un embryon à cotylédons divariqués » (Baïllon).
L'amande renferme un poison dont l’usage tend malheureusement trop à se répandre en Europe et qui a déjà occasionné quelques accidents, ce qui m'oblige à le mentionner. |
De temps immémorial, dans l’Inde, on se sert de la Coque du Levant pour tuer le poisson dans les cours d’eau et le recueillir ensuite avec toute facilité. Les importateurs de ce produit ont appris aux braconniers
DES PLANTES VÉNENEUSES. 227
de nos rivières l’usage qu’on en peut faire et la connais- sance s’en est répandue rapidement. J’ai été très étonné de le trouver dernièrement entre les mains de pêcheurs habitant de pauvres hameaux isolés.
On se sert aussi de la Coque du Levant pour commu- niquer à la bière une saveur plus amère et des effets enivrants; il nous vient d'Angleterre, pour cet usage, un extrait aqueux tout préparé.
Les recherches faites sur la Coque du Levant ont montré que tous les vertébrés sont vivement impres- sionnés par cette substance ; parmi les invertébrés, les - mollusques se sont montrés relativement réfractaires. Û Sy mptomatologie. — Comme phénomène primordial, on observe de la torpeur qui s'accompagne d’un ralen- tissement des fonctions cardiaques, d’engouement des capillaires et d’obtusion de la sensibilité. Si la dose a été . suffisamment élevée, à la torpeur succèdent des convul- . sions toniques, spécialemcat dans les extenseurs, de la . parésie et de l’incoordination motrice. Au moment de - l'apparition des convulsions, le cœur ne bat plus qu'avec . diffculté, puis reprend son rythme, mais avec décrois- : sance, en nombre et en force, en raison directe des con- _ vulsions. L’engouement des capillaires est parallèle à laffaiblissement du cœur. La sensibilité, d’abord forte- |. ment émoussée, s’exalte dans la phase convulsive pour
s’anéantir dans le collapsus final.
Dans le trâvail qu’il a consacré à l’intoxication par la » Coque du Levant, M. Planat conclut : 1° qu’elle agit sur . le myélencéphale; 2° qu’elle épargne le cerveau et les cellules idéo-motrices et porte principalement son . action sur le bulbe, le cervelet et la moelle; 3° qu’elle en _ surexcite les éléments, d’où exagération et déviation | _ fonctionnelle suivie de paralysie par dépense excessive | _d'influx nerveux; 4° que la conséquence principale de
298 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
cette suractivité est l’arrêt plus ou moins complet du système circulatoire (par action sur le pneumogastrique et le dépresseur de Cyon). Il y a donc une action cardio- vasculaire sous la dépendance de l’action nerveuse.
A l’autopsie, on ne trouve que les lésions de l’engoue- ment capillaire et de l’asphyxie commençante.
La vénénosité des Coques du Levant est due à la picrotoxine qu’elles contiennent dans la proportion de 5 o/o de leur poids. On ne la trouve que dans l’amande, non dans les enveloppes.
La picrotoxine cristallise en prismes soyeux, à quatre pans, groupés souvent en choux-fleurs. Elle se dissout dans 25 parties d’eau bouillante et dans 1 50 d’eau froide. L’éther, l’alcool, le chloroforme et l’ammoniaque la dissolvent avec facilité. En fondant, elle répand des vapeurs à odeur de caramel. Ce n’est pas un alcaloïde et d’après M. Barth, sa formule serait C'? H#* O*.
A côté de la picrotoxine, la Coque du Levantrenferme, dans son péricarpe, un principe amer, doué de proprié- : tés émétiques, la ménispermine. Soù activité est loin d’égaler celle de la picrotoxine.
On peut causer de grands dégâts dans les pièces d’eau à l’aide de la Coque du Levant, car on estime que 40 centigrammes suffisent pour tuer en dix heures un cyprin de 200 à 300 grammes.
La vente de cette substance, sa délivrance à des per- sonnes peu recommandables, nous paraissent se faire en France avec trop de facilité, d'autant plus quesi le pois- son tué par la Coque du Levant n’est pas vidé immédia- tement, sa chair devient vénéneuse et n’est pas consom- mée sans danger.
Si, par malveillance, un de nos herbivores domes- tiques était empoisonné par la Coque ou par son toxique, l'usage de sa chair ne pourrait être toléré.
DÉS PLANTES VÉNÉNEUSES. 229
II. — On trouve dans la famille des Berbéridées une espèce américaine, Podophy llum peltatum, qui four- nit à la médecine, par son rhizome, un purgatif éner- gique; pris à trop fortes doses il peut devenir un poison.
L’empoisonnement parle Podophyllum se traduit par des nausées et des vomissements, de violentes coliques avec évacuation de matières diarrhéiques; il y a une dé- pression musculaire considérable.
La mort arrive assez rapidement et les lésions sont celles de la superpurgation.
La substance active du Podophyllum est une matière résineuse, la podophylline, soluble dans l’alcool, mais insoluble dans l’eau et d’un goût désagréable.
Une autre espèce, d’origine américaine aussi, mais acclimatée en Europe, le Mahonia à feuilles de houx, Mahonia aquifolium, Nutt. a été suspectée récemment de donner des fruits capables d’empoisonner les oiseaux de basse-cour. Il serait nécessaire de vérifier expéri- mentalement ce qu’il en est.
Sous-ARTICLE Il. — PAPAVÉRACÉES.
La famille des Papavéracées est formée de plantes
_herbacées, annuelles, bisannuelles ou vivaces, glauques
ou couvertes de longs poils, dont la fleur est très ca- duque et le fruit une capsule ou une silique. Ces plantes élaborent un latex blanc ou coloré, quelquefois âcre et doué de propriétés narcotiques.
Les genres Pavot, Glaucion et Chélidoine doivent nous arrêter. ;
I.— Papaver, T. (Pavot). — Ce genre renferme
des plantes annuelles, à feuilles lobées ou disséquées, à
grandes fleurs portées sur de longs pédoncules, soli-
30 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
taires, blanches, lilas, roses, rouges ou panachées, à calice à 2 sépales, corolle à 4 pétales, étamines nom- breuses à anthères noirâtres, stigmates 4-20, sessiles, rayonnant sur le sommet de l’ovaire. Capsule ovoïde, s’ouvrant par des pores operculés placés sous le disque terminal entre les placentas; sa cavité montre un grand nombre de placentas pariétaux élargis en fausses cloi- sons. Graines très nombreuses et très petites. Les espèces suivantes nous intéressent :
A. Papaver somniferum L. (Pavot somnifère). Cette espèce, originaire de l’Orient, mais depuis longtemps cultivée en France où elle croît parfois d’une façon spontanée, est caractérisée par ses capsules globuleuses, son calice glabre et ses feuilles complexicaules à dents obtuses. |
Les agriculteurs français la cultivent surtout comme plante oléagineuse et on en connaît deux variétés : le Payot noir et le Payot blanc; le premier ayant des cap- sules à pores ouverts et à graines noires; le second, porteur de capsules indéhiscentes à graines blanches.
Mais le Pavot n’est pas seulement une plante oléagi- neuse, c’est encore un végétal producteur d’opium, c’est-à-dire d’une substance qui joue en médecine un rôle capital et qui est aussi un agent d’intoxication rela- tivement commun.
Nous n’avons point à parler du rôle médical de l’o- pium, l’un des mieux étudiés de la thérapeutique, mais le Pavot nous appartient comme plante toxique et c’est à ce titre que nous allons l’examiner.
De temps immémorial, le public connaît les proprié- tés vénéneuses du Pavot somnifère; les annales mé- dico-légales renferment une trop nomb:euse série d’em- poisonnements qui lui sont dus, empoisonnements
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 231
volontaires, accidentels ou criminels, le défilé en est long et chaque année la liste s’en accroît.
A côté de ces cas aigus, il faut placer l’intoxication chronique qui s'empare des fumeurs invétérés d’opium et qui abrutit tant de peuples de l'Orient. Les Occiden- taux ont résisté jusqu’à ce jour à cette habitude funeste. Cependant, depuis quelques années, la pratique médi- cale s’est trouvée en face d’une affection nouvelle due à l’abus, non de l’opium entier, mais de la morphine, l’un de ses alcaloïdes constituants; c’est la morphino- manie, passion non moins tyrannique que d’autres, qui déséquilibre et désorganise ceux qui s’y abandonnent.
Les Pavots, à l’état vert, répandent une odeur forte et ont une saveur désagréable, aussi les bestiaux n’y touchent guère et ne s’empoisonnent pas spontanément. Cependant un vétérinaire allemand, Leonhardl a relaté lempoisonnement de quatre bêtes bovines par des têtes de Pavots données comme litière et mangées par ces animaux.
La tige, les fleurs et les feuilles du Pavot sont véné- neuses, mais leur activité n’égale point celle des cap- sules qui sont les organes les plus riches en opium et sont, pour ce motif, la partie exploitée. C’est un peu avant la maturité que la teneur en opium des capsules est portée à son maximum ; cette teneur est d’ailleurs fort variable suivant les \ocufiiés la nature du terrain, le climat, etc.
La ni don des capsules ne leur enlève pas leurs principes vénéneux; elles les abandonnent dans l'eau bouillante.
Les nombreuses graines renfermées'dans la capsule ne sont pas vénéneuses, celles du Pavot blanc sont mangées en Orient et l’on en fait en Italie une sorte de gâteau, la payerata. À |
232 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
J’ai déjà dit qu’on en extrait une huile désignée dans le commerce sous le nom d’huile d’œillette. Pas plus que la graine d’où on la retire elle n’est vénéneuse, on peut en faire usage sans inconvénient. On s’en sert pour la falsification des huiles d’olives. |
Les tourteaux d'Œillette et de Pavot sont appétés par les animaux et leur réussissent bien ; on a prétendu qu’ils maintiennent les bestiaux qui en font usage dans un demi-sommeil très favorable à l’engraissement, ce qui supposerait la présence d’un peu d’opium dans Pen- veloppe du grain, mais cela reste à démontrer.
Symptomatologie. — Chez l’homme, lorsqu'il y a eu empoisonnement à la suite de l’ingestion d’une décoction de têtes de Pavots, on remarque d’abord une période d’excitation qui se traduit par une suractivité des sécrétions glandulaires et notamment de la salive. Elle est assez fugitive et l’on voit survenir de Parrêt de la digestion avec difficulté de la déglutition, sécheresse de larrière-bouche, puis nausées et vomissements.
Une phase de stupeur succède aux précédentes, les facultés intellectuelles sont les premières et les plus profondément touchées ; lesujetintoxiqué perd lanotion du liey où il se trouve et des personnes qui l’entou- rent, 1l se tient immobile et devient la proie d’halluci- nations et de rêves. Au milieu de cette stupeur morphi- nique, le moindre bruit est perçu et il impressionne désagréablement le malade. La sensibilité n’est qu’é- moussée mais non abolie. La respiration devient irré- gulière et de plus en plus lente. Après s'être ralenti pendant un court intervalle, le pouls s'accélère con- sidérablement. La température rectale s'élève ainsi que celle de la peau. Il y a parfois des sueurs et de la dysurie.
Sur les animaux, les symptômes dominants sort des
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DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. _ 233
coliques avec tympanite, une difficulté accentuée de la respiration, la bouche écumante, etc.
Pendant les derniers moments, les températures cen- trale et cutanée s’abaissent rapidement, quelques mou- vements convulsifs apparaissent au milieu du coma; la mort arrive par arrêt de la respiration qui précède celui du cœur.
Si la quantité ingérée, quoique forte, est insuffisante pour amener la mort, il importera de ne point oublier que lélimination par les reins se fait lentement et dure plusieurs jours, que les troubles cérébraux ne se dissi- pent que petit à petit, que le malade en se réveillant est comme effaré, avec les yeux hagards et qu’il ressent une violente courbature, tous phénomènes qui ne se dissipent qu'avec lenteur. |
Lésions. — Ce sont surtout celles de Pasphyxie et de l’apoplexie, car les muqueuses stomacale et intestinale sont peu enflammées.— Le cerveau est fortement hyper- émié, les vaisseaux de ses enveloppes sont distendus, les poumons sont engoués, le cœur en diastole. Il y a aussi inflammation des reins.
On retrouve les alcaloïdes du Pavot dans les matières vomies, le contenu du tube digestif, les glandes an- nexes et l’urine; ils passent dans le sang mais n’y sé- journent pas longtemps. L’urine est le liquide qui en renferme le plus et celui qui devra surtout servir au toxicologiste pour ses recherches.
Principes actifs. — Nous avons dit qu’il s'écoule des capsules de Pavot, après incision, un suc qui se con- crête et forme l’opium. Celui-ci n’est point un pro- duit simple, car il renferme six alcaloïdes principaux, bien connus, et d’autres qui sont à l’étude actuellement. Les six principaux sont : la morphine (C!T H!? Az Of), la codéïne (C'# H°1 Az O*) la thébaïne (C'° H?1 Az O), la
234 . DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
papavérine (C? H?! Az O‘), la narcotine (C?? H°° Az O°), ja narcéïine (C?* H°° Az O). Ils n’existent pas dans l’o- pium à l’état de liberté, ils sont combinés en partie avec l’acide méconique.
Leur proportion dans l’opium varie suivant la prove- nance et maintes autres circonstances, mais la morphine domine toujours de beaucoup; cet alcaloïde possédant des propriétés énergiques, on s'explique comment l’ac- tion toxique des capsules de Pavot se rapproche de celle de la morphine. Ce n’est pourtant point, d’après les recherches de CI. Bernard, le plus vénéneux, ce rôle est rempli par la thébaïne d’abord, la codéine ensuite. Le plus somnifère des alcaloïdes de l’opium est la narcéine. |
La morphine cristallise en prismes rhomboïdaux blancs, inodores, qui fondent à 120 degrés, se dissol- vent dans 1000 parties d’eau froide et 500 d’eau bouil- lante, dans 40 d’alcoo!l absolu, peu solubles dans léther, le chloroforme et la benzine.
Elle se combine pour former des sels, chlorhydrate, acétate, sulfate qui, comme elle, sont employés cou- ramment en médecine. La codéine, la narcéine et la papavérine ont déjà reçu quelques applications théra- peutiques.
B. Papayer Rhœæas, L. Le Pavot coquelicot (fig. 26), qui végète à profusion dans les moissons, est une plante con- nue de tout le monde. Sa tige est hérissée de poils raides, ses feuilles sont pinnatipartites, à dents ciliées, ses fleurs à grands pétales d’un rouge vif et tachés de noir à la base, sa capsule, glabre, subglobuleuse est assez petite.
Toutes les parties de cette plante sont vénéneuses, à un degré moindre que celles du Pavot somnifère, mais suffisant pour occasionner des accidents chaque année.
AU RRREE ES LEAN PEN QT 7: HAS SEAL AL RE TAN D etes © DES
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 235
Les animaux domestiques s’'empoisonnent lorsqu'on
(27: AL
1. Fruit. — 2. Fleur avant l'épanouissement. 73 leur distribue le Coquelicot en vert avec d’autres herbes provenant des sarclages, ou avec des trèfles et des sain-
hide: à s ee
236 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
foins qui en sont infestés, ou encore lorsqu'ils en pren- nent les capsules avec d’autres déchets ou produits du vannage et du triage des céréales.
Le bœuf empoisonné par le Coquelicot présente d’a- bord de l'excitation qui se traduit par des déplacements continuels, l’action de gratter le sol ou la litière et l'émotion de la respiration et de la circulation. Viennent l'arrêt des fonctions digestives et, parfois, un peu de tuméfaction des paupières. Une période de coma suc- cède à ces premiers phénomènes, l'animal semble dormir debout, se tient immobile et, si on le force à se déplacer, il marche en chancelant; bientôt il se laisse choir et reste, si la terminaison doit être mortelle — ce qui est l'exception — étendu sur le sol; sa respiration se ralen- tit, la température baisse; quelques mouvements convul- sifs apparaissent et la mort arrive par arrêt de la respi- ration.
Mêmes lésions que dans l’empoisonnement par le Pavot somnifère, avec des désordres intestinaux plus marqués.
Le lapin paraît jouir d’une sorte d’immunité vis-à-vis du Coquelicot. J’ai vu, à la campagne, une personne pauvre aller chaque jour dans les champs, chercher des bottes de cette plante à tous les degrés de végétation et les distribuer comme nourriture à peu près exclu- sive à ses lapins. Ceux-ci s’accommodaient très bien de cette alimentation et pendant tout le temps qu’elle a duré, je n’ai point remarqué de dérangement dans leur santé.
Une telle immunité, complète si l’on n’envisage que les conditions ordinaires de l’alimentation et que nous retrouverons pour d’autres plantes, ne l’est plus si Pon introduit la morphine dans l’économie par les voies sous-cutanées ou intraveineuses. Mais dans ce cas en-
u Ai 22
DES PLANTES VÉNENEUSES. 237
core, on est obligé de se servir de doses considérables, relativement au poids du corps des Léporins.
Toutes les parties du Coquelicot ont fourni à Hesse un alcaloïde qu’il a appelé rhœadine et qui a pour carac- tères d’être presque insoluble dans l’éther, la benzine, le chloroforme, l'alcool et l’eau; l'acide acétique étendu le dissout et le décompose. Chauffée avec une solution étendue d’un acide minéral, la rhœadine se dédouble et donne une coloration rouge de sang.
C. Papaver Dubium, L. Le Pavot douteux, moins répandu que le Coquelicot, végète comme lui dans les moissons, les fleurs sont d’un rouge plus pâle, il pos- sède des propriétés analogues, mais moins prononcées. Il est probable qu’ingéré en grande quantité par les animaux ou pendant longtemps, il produirait des em- poisonnements analogues.
Le cultivateur a tout intérêt à faire disparaître de ses moissons, par des sarclages répétés, le Coquelicot et le Pavot douteux.
II. — Glaucium, T. (Glaucion). — Ne renferme que l’espèce suivante qui nous intéresse :
Glaucium luteum, Scop. Le Glaucion à fleurs jaunes, vulgairement connu sous le nom de Pavot cornu, fut décrit par Linné sous celui de Chélidoine Glaucion et rattaché au genre CHÉLIDOINE (Ch. Glaucium). C’est une plante bisannuelle, glauque, de 4 à 8 décimètres, dont la tige est rameuse, les feuilles un peu charnues, pinna- tipartites, les fleurs grandes, terminales, jaunes, dont le calice est à 2 sépales herbacés, le truit capsulaire, long,
_ à deux valves qui, à la maturité, se détachent du sommet
à la base. Le Glaucion, dont lhabitat de prédilection est con-
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238 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
stitué par les décombres, les graviers et les terrains sablonneux, renferme dans toutes ses parties un latex jaune, âcre et vénéneux. Les bestiaux ne prennent pas spontanément cette plante, mais elle peut leur être dis- tribuée avec d’autres fourrages et les empoisonner.
L'étude du principe actif du G. Luteum n’a point encore été exécutée, que Je sache, non plus que la sym- ptomatologie de l’empoisonnement. Provisoirement et jusqu’à ce que des études ultérieures aient décidé, nous identifierons l’intoxication par cette plante à celle qu’oc- casionne la grande Chélidoine que nous allons exa- miner.
IIT. — Chelidonium, T. (Chélidoine). — Comme le précédent, ce genre n’a qu’une espèce qui doive nous arrêter :
Chelidonium majus, L. La Chélidoire majeure, encore dite grande Chélidoine, Éclaire, grande Éclaire, Herbe aux verrues, Herbe aux boucs, Herbe de l’ Hirondelle, est une plante vivace, commune dans les vieux murs, les matériaux de démolition, les lieux pierreux et un peu frais. Sa tige a 0,50 en moyenne, elle est poilue; ses feuilles sont grandes, molles, pinnatiséquées ; fleurs jaunes en ombelle simple, à 2 sépales et 4 pétales. Cap- sule siliquiforme, s’ouvrant de bas en haut en deux valves. Graines lisses.
La grande Chélidoine exhale une odeur fétide ettoutes ses parties sont gorgées d’un suc jaunâtre, très âcre et vénéneux.
Elle a joué un certain rôle dans l’ancienne médecine et aujourd’hui encore les gens de la campagne l'utilisent contre les verrues et les parasites; ils l’emploient aussi comme émétique, purgative et à titre de collyre dans les maladies des yeux. Par suite de ces usages et de l’em-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 230
ploi immodéré qui est fait du suc de cette plante, ii se produit parfois des empoisonnements sur l’espèce humaine. |
Les bestiaux dédaignent la grande Chélidoine, ils ne l’acceptent que très exceptionnellement et lorsqu'on a eu recours à quelque artifice pour la leur faire prendre.
La dessiccation et la cuisson ne lui enlèvent pas ses propriétés vénéneuses.
Sy mptomatologie. — Appliqué sur la peau, le suc de la Chélidoine est irritant. Introduit dans l’organisme, il produit rapidement des nausées, des vomissements, puis des coliques apparaissent accompagnées d’évacua- tions abondantes de matières fécales diarrhéiques ou dysentériques. Si la quantité ingérée a été suffisante, la mort est la conséquence de la superpurgation.
Les lésions sont celles que l’on constate à la suite de Padministration des purgatifs drastiques.
Le poison de la Chélidoine localise son action spé- cialement sur l’appareil digestif; on peut s’en assurer en pratiquant une injection intra-veineuse ou sous- cutanée de suc, on produit alors les effets évacuants et irritants ainsi que les lésions qui viennent d’être si- gnalés.
Principes actifs. — L'action toxique de la grande Chélidoine est produite par deux alcaloïdes renfermés dans son latex : la Chélidonine et la Sanguinarine. Ils agissent inégalement, le premier n’a qu’une faible acti- vité, c’est au second que sont dus surtout les effets constatés.
On y trouve aussi un acide dit chélidonique, mais les recherches de plusieurs chimistes, celles de Schmidt, en particulier, ont fait voir que ce corps n’est autre que de l’acide succinique avec lequel il doit être identifié. I] n’y a pas autrement à s’y arrêter ici. nr
240 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
Dans les cas d'empoisonnements, il faut rechercher dans le tube intestinal les alcaloïdes spécifiques, quelle qu'’ait été d’ailleurs, je l’ai dit, la voie d'introduction du poison. On les retrouve aussi dans le sang, la bile, le foie et la rate. L’élimination par les reins est assez faible.
Ils sont stables, car dix semaines après les avoir mé- Jangés à du sang et à des aliments, on a pu les isoler.
Avec l’acide sulfurique concentré, la sanguinarine donne une solution violet pâle passant ultérieurement au vert; la chélidonine donne immédiatement la cou- leur vert pâle passant ensuite au brun et au brun violet.
En raison de la stabilité des alcaloïdes et de leur passage dans le sang, Pautorisation d'utiliser pour Pali- mentation le cadavre d’herbivores empoisonnés par la Chélidoine ne peut être accordée.
Sous-ARTICLE III. — CRUCIFÈRES
La famille des Crucifères, si naturelle, si intéressante pour la botanique pure et si importante au point de vue économique, n’a qu’un très faible intérêt pour nous. Les trois espèces dont il va être question dans.les para- graphes suivants, méritent seules une mention.
I. — Sinapis, L. (Moutarde). — Ce genre, d’une grande importance agricole et médicale, renferme une espèce nuisible :
Sinapis arvensis, L. La Moutarde des champs, encore dite Séneve, Moutarde sauvage, Raveluche, Sanve, Jatte (fig. 27), est une plante annuelle, très envahissante qui couvre les guérets d’un tapis Jaune d’or au prin- temps et gêne le développement des céréales. Haute de 0,60 cent., en France, elle dépasse un mètre en Algé- rie; sa tige est dressée, rameuse, hispide, ses feuilles
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242 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ovales, oblongues, les inférieures lyrées, les supérieures sinuées dentées, elle a des fleurs jaunes assez grandes; son fruit est une silique glabre, surmontée d’un bec comprimé. Graines petites, lisses, noires, ayant le goût de moutarde. |
La Moutarde des champs est une mauvaise plante que l’'agriculteur doit détruire, d’abord parce qu’elle souille ses céréales, notamment les avoines et les orges et qu’elle tend à étouffer les bonnes plantes, ensuite parce qu’elle peut déterminer des accidents sérieux sur les bestiaux qui la prennent. Elle est à peu près inoffensive quand elle est jeune, mais elle devient particulièrement dange- reuse à partir de sa floraison, au moment où les graines commencent à se former. Les animaux mangent ses feuilles, sans les rechercher. L’ingestion un peu consi- dérable de cette plante, continuée pendant une vingtaine de jours, est capable de provoquer des accidents, parfois mortels, sur les chevaux et les mulets.
Leschevaux présententles signes suivants: « Tête basse, grande tristesse, respiration plaintive, pénible, accé- lérée, avec un fort soubresaut comme chez un cheval poussif au dernier degré, muqueuses jaunâtres, de temps en temps toux convulsive, avortée, quinteuse, s’accom- pagnant de grande anxiété à la suite de laquelle l’animal jette par le nez une abondance de liquide mousseux, ressemblant à de la mousse de bière. Le patient peut ainsi en rejeter une dizaine de litres dans l’espace d’une heure. Cette émission de liquide spumeux a lieu parti- culièrement quelque temps après l’ingestion des bois- sons et souvent l’animal meurt asphyxié dans un accès de toux. A l’autopsie, on trouve les poumons conges- tionnés et comme soufflés, les bronches injectées, d’un rouge foncé et remplies de liquide mousseux jaunâtre » (Mégnin).
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 243
Quelques agriculteurs ont voulu utiliser les graines
de Moutarde sauvage en les mélangeant à celles de la Navette. Ils ont obtenu un tourteau de très mauvaise qualité qui, distribué au bétail, amena des inflammations intestinales avec diarrhée épuisante et soif inextinguible. Tous ces symptômes fâcheux ne cessèrent que lorsqu'on supprima l’usage de ce tourteau. _ La Moutarde sauvage agit comme irritante par toutes ses parties quand elle est en fleurs et plus tard seulement par ses graines. À en juger par ses effets, il y a de fortes présomptions pour qu’elle agisse par du sulfocyanure d’ally le ou essence de Moutarde qui prendrait naissance lors de son contact avec les liquides organiques. Ce se- rait un point de ressemblance de plus entre la Moutarde des champs et la Moutarde noire dont les usages médi- cinaux sont connus de tout le monde.
La production de la bronchorrée dont il a été ques- tion tout à l’heure, semble indiquer qu’il y a élimination de l’essence par la voie pulmonaire.
IT. — Raphanus, T. (Raifort). — L'espèce suivante du genre Raïifort est à signaler :
Raphanus Raphanistrum, L. Le Raifort sauvage est encore appelé Ravenelle des champs, Pied de Glène, et aussi Raveluche et Jatte ; ces deux dernières expressions populaires indiquent qu’on fait souvent une confusion entre le Raifort sauvage et la Moutarde des champs.
_ Ces deux plantes ont, en effet, plusieurs points de res- _semblance : l’une et l’autre souillent les moissons et
sont envahissantes au possible, leur tige, leur taille, leur port, leurs feuilles, quelquefois entières, permettent la
confusion avant la floraison. Après que celle-ci est effec- _ tuée, on trouve sur les pétales du R. Raphanistrum des _ veines violettes qui n’existent pas sur ceux du S. arven-
244 DES PLANTES VÉNÉNEUSES:
sis. La silique du Raïfort est moniliforme (Voy. fig. 27 b), avec un étranglement très net entre ses graines, chaque article est monosperme. La Moutarde infeste les terres calcaires, la Ravenelle préfère les régions siliceuses, argileuses et granitiques.
Pour tous les motifs indiqués à propos de la Mou- tarde, l’agriculteur doit détruire, par des sarclages très soignés, le Raïfort sauvage. Quand cette plante est verte, elle est aussi peu appétée par les animaux que la précédente, elle peut comme elle occasionner de la sia- lorrhée et de la bronchorrhée. Ses graines sont très âcres et susceptibles de produire des dérangements in- testinaux, quand, mêlées aux graines des céréales lors du triage, elles sont données aux animaux. Il y a des probabilités pour que le principe actif du Raïfort soit identique à celui de la Moutarde, cependant il serait bon que des recherches chimiques fussent faites de ce côté.
III. — Sisymbrium, L. (Sisymbre). — On trouve dans le genre Sisymbre une espèce qui doit être men- tionnée, c’est la suivante :
Sisymbrium alliaria. Scop. La Sisymbre alliaire, qui fut décrite sous les noms d’Erysimum alliaria |Velar alliaire) et d’Alliaria officinalis (Alliaire officinale), est une plante bisannuelle de 0,50 à 0,80 cent. à grandes feuilles réniformes cordées, largement crénelées, à fleurs blanches et à longues siliques étalées, très répandue dans les lieux frais et ombragés. Elle exhale de toutes ses parties, quand on la froisse entre les doigts, une odeur d’ail très prononcée et c’est à cette particularité qu’elle doit son nom.
Le cultivateur doit connaître et détruire cette plante; elle n’est pas vénéneuse et les vaches la mangent très
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 245
volontiers, mais sous l'influence de cette nourriture, leur lait contracte une odeur d’ail qui en rend la con- sommation pénible et le déprécie grandement. Les con- > sidérations développées à la pagè 119 à propos de l’Aïl | lui-même sont applicables ici, car dans un cas comme dans l’autre, il y a formation d’essence d’ail qui com- munique son odeur sui generis au produit des glandes mammaires,
BIBLIOGRAPHIE.
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Mahonia. — Recorpon. Empoisonnement d’un paon par le fruit du M. aquifolium, in Presse vétérinaire, 1885,
Pavot somnifère. — L'Opium a été l’objet d’une telle quantité de travaux qu’il nous est absolument impossible ici d’en présenter même un aperçu. On les trouve d’ailleurs résumés dans tous les traités de Thérapeutique et de Toxi- cologie. Nous nous contenterons de renvoyer au mémoire de CI. Bernard qui a étudié comparativement les propriétés physiologiques de chacun de ses alcaloïdes, in Comptes ren- dus, t. LIX, page 406 et suivantes.
Pavot Coquelicot. — Barse. Effets du P, rhæas sur les femelles de l'espèce bovine, in Recueil de médecine vétéri- naire, 1881. — Hasse. Annal. d. Chem. a Ph. t. CXL, Sur la Rhœæadine.
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Moutarde des champs. -- Roner jet BALLET. Botanique | agricole et médicale, art. Moutarde des champs. — Mécnin. | Bronchorrhée produite par la Moutarde des champs, in L’Ele- veur, 1886. — Poncer. Exhalation broncho-pulmonaire con-
_ sidérable due au Sinapis arvensis, in Recueil de méd. vét.
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246 DES PLANTES VÉNÉNEUSES, ARTICLE III. — ViOLARIÉES ET CARYOPHYLLÉES Sous-ARTICLE I, — VIOLARIÉES
La famille des Violariées, bien que peu étendue, est très intéressante par les particularités qu’elle présente dans sa fécondation et fort importante par ses espèces; quelques-unes répandent de suaves parfums, d’autres ont un coloris des plus remarquables et ont fourni à la foriculture plusieurs belles variétés. Contrairement à toute attente, elle renferme des plantes vénéneuses.
Viola, L. (Violette). — Parmiles espèces de ce genre, trop multipliées par la plupart des auteurs, nous devons nous arrêter à la suivante :
A. Viola odorata, L. La Violette odorante, connue de tout le monde et universellement appréciée pour ses petites fleurs d’une beauté modeste mais d’un parfum exquis, est une herbe vivace, acaule, à rhizome horizon- tal, renflé et redressé à l’extrémité, stolonifère, à feuilles réniformes, crénélées, à fleurs violettes, très odorantes, à style terminé en bec courbé, à capsule subglobuleuse et velue. Elle croît spontanément et abondamment dans les haies et les buissons.
L'horticulture s’est emparée de cette espèce et en a. tiré des variétés, aussi appréciées que la forme spon- tanée; il se fait aujourd’hui, pendant l’hiver surtout, un commerce considérable de bouquets de Violette.
Ses fleurs sont aussi récoltées et séchées pour usage médicinal; elles sont béchiques et pectorales.
Quant au rhizome et aux graines, ils sont vénéneux. Le rhizome a, d’ailleurs, à l’état frais une odeur et
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 247
une saveur nauséabondes qui font pressentir sa toxicité.
Introduites dans l'organisme, ces parties provoquent presque immédiatement des nausées et des vomisse- ments très douloureux, avec accompagnement de phé- nomènes nerveux du côté des appareils circulatoire et respiratoire qui peuvent prendre, si la dose est suffisante, un caractère alarmant et même amener la mort par arrêt de ces fonctions.
On en a extrait un alcaloïde auquel le nom de Violine a été attribué par Boullay. Il est doué de propriétés émétiques accusées. Peretti a trouvé aussi dans la vio- lette de l’acide violénique qui cristallise en aiguilles incolores et qui est soluble dans l’eau, l’alcoo! et léther.
B. A côté de la Violette odorante, on place d’autres variétés que quelques botanistes élèvent au rang d’es- pèces, telles que V. tolosana, T. L. Viola scotophylla, Jord. Viola suavissima, Violette de Parme, Violette des quatre saisons. Toutes sont à fleurs odorantes, à graines et à racines vénéneuses.
Un botaniste, M. Timbal-Lagrave, qui a beaucoup étudié les Violettes, a fait la curieuse observation qu’il y a une corrélation entre la suavité des fleurs et la véné- nosité des racines; les Violettes inodores, telles que Y. canina et V. sylvestris ont des racines à peu près dé- pourvues de toxicité et sans odeur nauséabonde.
Sous-ARTICLE II. — CARYOPHYLLÉES
Quoique très étendue, cette famille a peu d’espèces qui, à notre point de vue, présentent de l'intérêt. L’une d’entre elles fait exception et doit être examinée très attentivement, elle appartient au genre Agrostemme.
248 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,.
[. — Agrostemma, L. (Agrostemme). — Dans ce genre, fusionné avec le groupe des Lychnis par plu- sieurs auteurs, l’espèce suivante est à signaler :
Agrostemma githago, L. L’Agrostemme githago, dé- crite aussi sous le nom de Lychnide githago,(Lychnis gi- thago, Lamk.), etcommunément appelée Nrelle des blés, Couronne des blés, ou simplemént Melle, Noyelle (fig. 28),est une plante messicole, annuelle, à tige dres- sée, raide, de 60 à 80 centimètres, garnie de longs poils très doux. Les feuilles, également velues, sont allongées, linéaires-lancéolées. Les fleurs terminant de longs pédon- cules, sont d’un rouge violet plus ou moins foncé, Le calice, couvert de poils fins, est retréci à la gorge, avec des côtes saillantes et terminé par 5 divisions allongées et dépassant la corolle. Corolle à 5 pétales longuement onguiculés, 10 étamines, 5 styles. Le fruit est une cap- sule uniloculaire, s’ouvrant au sommet par cinq dents.
La Nielle croissant au milieu des moissons, ses cap- sules peuvent être ouvertes au moment du battage, ses graines mêlées à celles du froment ou du seigle et broyées avec elles sous la meule. Comme elles sont vénéneuses, elles communiquent au pain de détestables propriétés,
Des empoisonnements ayant été signalés tant par l'emploi de la farine que par celui des graines entières, une description de ces graines et de la farine qu’elles fournissent est indispensable.
Les graines, au nombre de 30 à 40 dans chaque cap- sule, sont petites, noirâtres, irrégulièrement sphériques par suite de la pression réciproque qu’elles exercent les unes sur les autres, leur surface est un peu chagrinée. Inodores, elles laissent à la langue une saveur amère quand on les broie dans la bouche. Leur poids moyen est de 8 milligrammes,.
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DES BLEÉS.
250 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Leur farine contient généralement de petites pellicules noirâtres provenant du spermoderme. L'examen de ces pellicules doit être fait avec soin, car elles fournissent un bon moyen de se prononcer sur la présence ou l’absence de Nielle dans une farine suspecte. Traitées par une solution bouillante de chlorure de calcium et montées dans la glycérine, elles se montrent sous le microscope et à un grossissement faible (oc. 1, obj. 1, de Nachet) avec un aspect caractéristique. On constate qu’elles sont formées de cellules brun-foncé, à contour irré- gulier et dentelé, maculées de petits points noirs. Dans la partie médiane, chaque cellule présente une zone épaisse, foncée sur les bords et claire, transparente au centre.
Lorsque les farines ont été blutées avec soin, ces pel- licules ne se trouvent pas. Il faut alors diriger toute son attention sur la farine proprement dite. Celle-ci, lors même qu’elle est dépourvue de pellicules, n’a point la blancheur de la farine de blé, elle a une nuance grisâtre et la pâte qu’elle forme après addition d’eau laisse échap- per une odeur spéciale, désagréable, qu’on retrouve dans le pain après cuisson. Son amidon, examiné au micros- cope, a des caractères spéciaux qui empêcheront de le confondre avec celui de blé ou de seigle auquel il pourrait se trouver mêlé. Il est en grains punctiformes (Voyez fig. 20, A.),de petites dimensions, car leur diamètre est de 1 à 2pet ne dépasse pas 6 y. Ces granulations présen- tent,en outre, deux caractères importants: 1° traitées par la potasse, elles résistent beaucoup plus longtemps à son action dissolvante que les amidons auxquels elles peu- vent se trouver accidentellement associées ; 2° soumises à l’action de l’iode, elles sont longues à produire la réac- tion bleue caractéristique et il faut se servir de quantités relativement considérables de ce métalloïde pour y ar-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 251
river, ce qui tient à la propriété qu’a le principe toxique de la Nielle d’absorber l’iode et d'empêcher la coloration bleue, caractéristique de son action sur
lamidon, de se produire. Cette propriété a été heureu- sement utilisée, non seulement pour déceler la présence de la Nielle dans une tarine suspecte, mais encore pour en doser la quantité.
On prépare une liqueur diode titrée à of',or par
252 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
centimètre cube d’alcool,qu’on place dans un tube gradué et effilé à son extrémité inférieure, de façon que le liquide tombe goutte à goutte.
On fait une liqueur d’épreuve en prenant 1 gramme de farine de blé de bonne qualité qu’on dépose dans 100 grammes d’eau, on laisse digérer pendant 1 heure à 50 degrés et l’on ajoute, après filtration, quelques cen- timètres d’une dissolution d’empois. En laissant tomber dans ce liquide la liqueur titrée d’iode, la coloration bleue caractéristique apparaît à la troisième ou qua- trième goutte.
Si l’on prend 1 gramme de farine de Nielle, qu’on la traite comme il vient d’être dit pour la farine de blé et qu’on y verse la dissolution d’empois, on constate qu'il faut verser environ 30 gouttes de la liqueur d’iode, soit de 7 à 10 fois plus, pour produire la coloration bleue spécifique (Tabourin).
A l’aide de cette base, rien de plus facile que de doser quantitativement la proportion de farine de Nielle mêlée à une farine comestible.
Traité par l’acide sulfurique concentré pur, Pamidon de Nielle se colore en brun verdâtre et devient partielle- ment bleu-violet ou rouge si on l’abandonne au contact de l’air,tandis que l’amidon du blé ou duseiglen’éprouve pas de coloration.
L’enveloppe du grain de Nielle ne contient pas le prin- cipe toxique.
Le pain fabriqué avec la farine de Nielle a une colo- ration bleuâtre et un goût amer.
Le bétail ne touche point à la Nielle sur pied; tous les empoisonnements enregistrés Jusqu'à présent sont dus à la graine. Ces intoxications ont porté sur lespèce humaine et sur toutes nos espèces animales domesti- ques. Pour l’homme, c’est l’utilisation à la fabrication
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DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. 253
du pain d’une farine contenant une certaine proportion de Nielle, qui a provoqué des accidents; la chaleur, tout au moins celle qui est nécessaire à la panification, est impuissante à détruire le principe toxique de cette plante. Quant aux animaux, c’est l’emploi de farines dites troisièmes, confectionnées avec les criblures et destinées à faire des barbottages, ou l'usage des criblures elles- mêmes qui amènent les accidents relativement nombreux qui ont été signalés dans ces dernières années. IL s’est trouvé des négociants assez peu scrupuleux pour faire entrer dans les farines destinées à l’alimentation des animaux jusqu’à 45 0/0 de farine de Nielle, ainsi qu’un procès qui s’est déroulé devant le tribunal de Lyon en 1874 l’a mis en évidence. Inutile d’insister sur la véné- nosité d’une pareille farine. Quelquefois les proprié- taires empoisonnent eux-mêmes leurs animaux par ignorance des propriétés de la Nielle.
Pour le moment, il ne m'est possible de fournir de données relatives à la quantité de farine nécessaire pour amener la mort que pour les animaux suivants :
Veau: "2787230"
FAPCR TETE De ; | Chien. .. o— go { Par kilog. de poids vif. Poule. . . 2 — 50
En raison du vomissement, il est exceptionnel qu’une forte dose amène d'emblée la mort du porc; on remar-
que plutôt sur les animaux de cette espèce l’empoison-
nement chronique causé par la distribution journalière et plus ou moins répétée de graines ou de farine de Nielle.
Si l’on emploie les graines entières au lieu de la farine, il en faut un poids presque double, ce qui tient à ce que la pellicule noire qui enveloppe le grain ne contient pas
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254 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
le principe vénéneux et aussi à ce qu’un certain nombre de grains échappent toujours à l’action de la digestion ou ne cèdent qu'incomplètement leurs principes consti- tuants.
Présentées seules, les semences d’Agrostemme githago ne seraient pas prises en quantité suffisante par les ani- maux pour qu’ils s'empoisonnassent, c’est du moins ce qui résulte de mes observations sur les oiseaux de basse- cour; mais mélangées à d’autres graines bien appétées, ou réduites en farine et également données en mélange, elles sont mangées à dose nuisible.
J'ai recherché si, après le battage, la tige et les cap- sules vides pouvaient présenter quelque danger au cas où, se trouvant en très forte proportion dans les pailles de céréales, elles seraient distribuées aux animaux avec celles-ci. À priori, on pouvait se demander si le toxi- que, répandu dans toute la plante au moment de la flo- raison, abandonne la tige, les feuilles et les capsules, pour se concentrer dans le grain et si sa migration est complète. Mes recherches ont fait voir qu’il en reste toujours dans ces parties après la maturation des graines et que la toxie est, dans ces cas, d’environ 25 à 30 grammes pour les herbivores. |
Sans doute que, pour un animal de poids un peu fort, cette proportion exigerait qu’il reçût une quantité élevée de tiges et de capsules vides et l’empoisonnement aigu n’est pas à craindre, sauf peut-être pour les jeunes su- jets. Mais une faible quantité ingérée quotidiennement pourrait à la longue amener une intoxication chronique.
Symptomatologie. — Les empoisonnements peuvent se présenter sous forme chronique et sous forme aiguë.
La première s’observe quand la Nielle est prise à petites doses répétées pendant longtemps. Elle est à peu près la seule qui se constate sur l'espèce humaine, tandis
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 255
qu’elle est plus rare sur les animaux, sauf peut-être sur le porc. On pourrait l’appeler Githagisme. On devine qu’elle est, chez l’homme, le résultat de l’alimentation avec un pain fait de farine niellée, en proportion insuf- fisante pour amener l’empoisonnement aigu, mais qui néanmoins n’est pas inoffensive. On a observé à maintes reprises, en Europe, cette intoxication et assez récem- ment, en Amérique dans la région du Dacota, elle a été signalée (Grosjean, communication orale).
Le githagisme n’a rien de caractéristique et ce n’est que par l’expérimentation sur les animaux qu’on a pu le déceler. Les sujets qui sont sous son empire dépé- rissent peu à peu, s’essoufflent, perdent leurs forces, sont atteints de diarrhée chronique, de troubles sen- sitifs et finissent par succomber dans le marasme et Pétisie.
Avant de passer à l’étude de l’empoisonnement aigu, disons que le principe actif de la Nielle est extrêmement irritant pour les tissus qu’il touche; son action locale est inflammatoire au premier chef. S'il est introduit dans
le tube digestif, il l’irrite et amène des coliques. de la 8 ; q )
diarrhée, il peut même produire l’entérorrhagie. Si on injecte l’extrait de Nielle par la voie sous-cutanée, on produit, au point d'injection et à son pourtour, une in- flammation des plus intenses et des plus douloureuses. Mais on n’oubliera point que c’est là une action entière- ment locale, résultant du contact du toxique et non pro- duite par effet réflexe. L’injection hypodermique ou intraveineuse n’amène point de désordres intestinaux et inversement l’ingestion ne produit jamais d’épanche- ments sous-Cutanés. Faute d’avoir fait cette remarque,
on a attribué trop d'importance aux désordres intesti- _naux dans les empoisonnements par la Nielle, on les a
regardés comme des phénomènes généraux, tandis que
256 DES PLANTES VÉNÉNEUSEÉES.
ce ne sont que des accidents in situ. Les symptômes généraux sont d’ordre nerveux.
Cette remarque faite, nous allons étudier l’empoison- nement aigu chez nos principaux animaux.
Le cheval, qui n’a reçu par la voie digestive qu’une faible quantité de Nielle, ne manifeste l’impression qu’il en éprouve que par des bâillements, des coliques sourdes, du piétinement et l’expulsion de matières fécales un peu ramollies.
Si la quantité a été élevée, environ-une heure après le repas, l'animal se met à saliver, il bâille fréquemment et regarde son flanc, des borborygmes se font entendre, des coliques se déclarent, les muqueuses pâlissent nota- blement, le pouls devient précipité et petit, la tempéra- ture s'élève et la respiration s'accélère. Quelque temps après, il y a des tremblements musculaires auxquels succède une raideur prononcée; les matières fécales sont diarrhéiques et fétides. L'animal se couche et ne se relève qu'avec peine. Il tombe dans une sorte de coma, s'étend de son long et succombe sans convulsions si la quantité de graines a été suffisante.
Le bouvillon, environ une heure après le repas qui doit RRONERNS paraît inquiet, se met à saliver, puis à grincer des dents. Il y a successivement agitation, coliques, trouble des grandes fonctions, parfois un peu de toux. Cet état dure de cinq à huit heures, puis arrive une période de coma « caractérisée par un décubitus permanent, une diarrhée continuelle avec rejet de ma- tières fétides, une respiration pressée et plaintive, un pouls accéléré de plus en plus effacé, la diminution graduelle de la sensibilité et de la motilité, l’abaissement progressif de la température » (Tabourin). La mort arrive vers la 24° heure.
Le porc qui se nourrit d’une pâtée dans laquelle entre
DES PLANTES VÉNENEUSES. 257
une forte proportion de farine de Nielle fait entendre des grognements plaintifs, reste constammentcouché, le groin enfoncé dans la paille, vomit, manifeste des sym- ptômes de coliques plus ou moins violentes; une diar- rhée se déclare consécutivement et il y a rejet de matières fécales spumeuses, d’odeur infecte ; parfois quelques con- tractions cloniques. Les porcelets sont très sensibles à J'action de la Nielle et la mortalité est toujours forte parmi ceux qui reçoivent des farines niellées,
Chez le chien, on remarque au début des vomisse- ments répétés; PARA ils ne sont pas constants. Si la quantité, bien que forte, est pourtant insuffisante pour amener la mort, environ trois quarts d’heure après le repas il y a des tremblements musculaires, un peu d’agitation qui fait bientôt place à du coma. La sensibi- lité s’'émousse, les paupières restent à demi closes, la marche est irrégulière, le sujet pose ses membres à terre avec hésitation, comme s’il marchait sur des épines, il y a quelques mouvements choréiques et de la diarrhée, Il reste dans cet état d’hébétude et d’obtusion des sens de 18 à 30 heures, puis petit à petit tout rentre dans l'ordre.
_ Lorsque la dose a été mortelle, l’animal se tient con- stamment en décubitus, les troubles de la motricité sont plus marqués. Il y a d’abord incoordination des mouve- ments avec quelques secousses choréiques, puis para- plégie. L’abaissement de la température, qui se produit parallèlement au ralentissement des fonctions circula- toireet respiratoire, est trèsremarquable. L’inflammation intestinale est des plus vives et les matières expulsées très fétides. | Le pigeon et le canard à qui l’on a ingurgité de force
_ des graines de Nielle s’en débarrassent un quart d’heure après par des vomissements, Si on leur donne de la
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258 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
farine, qu’ils ne peuvent expulser complètement, ils sont pris d’une diarrhée qui les épuise et à laquelle ils succombent.
On a étudié récemment, avec l'attention minutieuse qu’on apporte maintenant dans l’analyse des problèmes de physiologie, non pas la Nielle elle-même, mais la Saponine qui est le principe qu’on en extrait et qui va être examiné dans un instant. De ces études, ressor- tent les principales conclusions suivantes :
Mise en contact avec les nerfs et les muscles striés, la saponine en abolit presque instantanément L'éRO PRbaEE son action est beaucoup moins prononcée sur les mus- cles à fibres lisses et les fibres striées cardiaques. Intro- duite dans la circulation, elle agit sur la substance grise de la moelle, elle en diminue puis en détruit l’exci- tabilité, d’où paralysie des mouvements volontaires ou réflexes.
Les mouvements respiratoires sont ralentis puis ar- rêtés. Parallèlement, le cœur va s’affaiblissant de plus en plus jusqu’à l'arrêt par paralysie de son appareil d’innervation. Comme conséquence des troubles car- diaques, il y a ralentissement de la circulation et abaissement de la pression sanguine. La température diminue rapidement et peut s’abaisser de 8 à 9 degrés au-dessous de la normale. Les sécrétions sont considé- rablement déprimées.
La saponine est une substance irritante au premier chef; mise en contact avec la muqueuse intestinale, elle l’'enflamme, mais introduite dans l'organisme par une autre voie, elle agit comme poison nerveux et amène la mort sans troubles intestinaux; c’est donc à tort qu’on en a fait un poison narcotico-âcre.
Lésions. — Nous rappellerons que si, dans un but expérimental, on a introduit l'extrait de Nielle sous la
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 259
peau ou dans les vaisseaux, on ne trouve pas de lésions intestinales, Le tube digestif est à peu près complète- ment vide, sauf dans sa partie terminale, par suite du jeûne volontaire auquel se soumettent les animaux em- poisonnés, mais il n’est pas irrité. C’est le point d’in- jection et sa périphérie qui Demers les lésions de lin- flammation.
Au contraire si la Nielle a été prise avec d’autres ali- ments, comme cela arrive toujours dans la pratique, son action irritante se produit sur l’appareil digestif, parfois de l’œsophage à l’extrémité de l'intestin grêle. Les matières qu’il renferme sont très fétides et mêlées de mucosités, sa muqueuse est toujours ecchymosée.
ÆExceptionnellement un peu d’inflammation du larynx : P Y
et de la partie supérieure de la trachée. Pas d’endocar- dite; le cœur est en diastole et les gros vaisseaux sont pleins de sang. Injection des enveloppes cérébrales et médullaires ; engouement du poumon. Reins un peu enflammés. Foie normal. La rigidité cadavérique est longue à survenir.
En résumé, les lésions les plus graves sont celles qui siègent sur l'intestin, mais elles n’ont rien de spécifique. Le relâchement du cœur est un signe à noter mais qui, lui
aussi, se présente dans d’autres circonstances, de sorte
que les renseignements fournis par l’autopsie restent vagues ct doivent être complétés par la recherche du principe toxique dans les tissus.
Serait-il prudent de consommer la chair dant empoisonnés par l'A. githago? La question se pose sur-
tout pour le porc qui est, de tous nos animaux, celui qui _est le plus exposé à être empoisonné par les graines ou
les farines suspectes. Sans être en mesure de donner une solution définitive, je crois devoir répondre à la
question par la négative en raison de notre ignorance
260 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
actuelle sur la localisation du poison, de l'impuissance de la chaleur à le détruire et surtout de la durée de la maladie {24 à 30 heures). En supposant même que la viande ne fût pas toxique, elle appartiendrait toujours à la catégorie des chairs fiévreuses vis-à-vis desquelles les règlements de police sanitaire sont armés. -
Principe actif. — Les premières recherches sur le principe actif de la Nielle sont dues à Malapert, phar- macien à Poitiers. Il a extrait de cette plante un corps qu’il a désigné sous le nom de Saponine à cause de sa propriété de rendre mousseuse l’eau dans laquelle on la dissout, et auquel il attribue les propriétés véné- neuses dont nous venons de faire l’histoire.
La saponine, C**H%:O'%, est un glycoside assez ré- pandu dans le règne végétal, qui se présente sous forme de poudre blanche, non cristalline, sans odeur, de saveur d’abord douceâtre puis âcre. Elle se dissout bien dans l'alcool faible, mal dans l’alcool absolu et point dans l’éther. L’eau la dissout en toute propor- tion et 1/1000° suffit pour rendre l’eau mousseuse. Ses solutions aqueuses sont troublées à froid par l’infusion de noix de galle et par le ferricyanure de potassium, à chaud par le perchlorure de fer et l’acide arsénieux. Il est juste de dire que la découverte de la saponine est due à Schræder qui l’a isolée, pour la pre- mière fois, de la saponaire d'Orient.
Depuis les travaux de Malapert, les propriétés de la saponine ont été étudiées par divers auteurs, notamment par MM. Rochleder, Kôhler et plus récemment par M. Christophson. Des recherches de ce dernier, effec- tuées au laboratoire de Dragendorff, à Dorpat, il résulte que les propriétés toxiques peuvent ne pas être dues uniquement à la saponine. Plus elle est pure moins elle a d’action, tandis que les résidus provenant de son épu-
DES PLANTES VENÉNEUSES.] 261
ration sont toxiques; mais le corps qui lui est uni reste encore à isoler. D’après Rochleder, il aurait la formule C#HS#O'$, ce serait un homologue supérieur de la saponine, Pre:
De ce qui vient d’être dit, se dégage pour l’agriculteur la nécessité impérieuse de faire disparaître, par des sar- clages minutieux, la Nielle qui croit dans ses moissons. Il la devra trier aussi, soit avant le battage, au fur et à mesure que les rbes sont déliées, soit après. On devrait toujours en détruire les graines et ne point les laisser dans les criblures destinées aux animaux. |
D’après des renseignements qui m'ont été fourmis, 1l est des négociants en grains qui achètent les semences d’Agrostemme githago et les revendent à des industriels pour un emploi que je n’ai pu connaître. Je ne suis donc pas en mesure d’affirmer que ces graines sont broyées et mélangées à du son, à des recoupes, à des farines troisièmes pour l'alimentation du bétail, quoi- qu'un nombre déjà élevé de cas d’empoisonnement recueillis par les vétérinaires le donne à penser. Mais comme il s’agit de l’utilisation d’une matière première toxique , ne serait-il pas du devoir de l'administration de se renseigner sur son emploi dans les usines dont
nous parlons? S'il était reconnu qu’on la mêle aux matières alimentaires indiquées plus haut, des mesures prohibitives devraient être prises.
‘II. — Saponaria, L. (Saponaire). — Une espèce de ce genre doit être mentionnée à cette place: ,
__: Saponaria officinalis, L. La Saponaire officinale, _ vulgairement appelée Herbe à savons. est Une plante _ vivace, à souche traçante, à tige de 50 à 70 centimètres _de batteur. rameuse, à feuilles ovales, à belles fleurs _ roses disposées en cymes serrées dont le calice est
- - NS ANS OP 4 MUR ar PONE ui DTA ARE 4 07e ME nt, VE AE re AS D ER EE
262 DES PLANTES VENÉNEUSES.
renflé au milieu et la corolle à 5 > ,PFteIRS à onglet étroit. Étamines 10. Le fruit est une capsule s’ouvrant au som- met par 4 dents.
Les propriétés de la Saponaire sont bien connues : sa racine et ses fleurs, agitées dans l’eau, la rendent mous- seuse à la façon du savon, d’où son nom. On l’a em- ployée en médecine.
Des empoisonnements ont été signalés sur l’espèce humaine par l’ingestion d’une décoction de ses racines (Dragendorff). Les bestiaux refusent d’y toucher.
On en extrait aussi de la saponine. La matière qu’on a retirée étant identique à celle que nous venons d’étu- dier dans la Nielle, toute description symptomatolo- gique serait une répétition et nous renvoyons à ce qui a été dit à propos du githagisme.
III. — Arenaria, L. (Sabline). — A citer dans ce genre l'espèce suivante :
Arenaria serpyllifolia, L. La Sabline a feuilles de serpolet est une petite Caryophyllée annuelle, de 10 à 15 cent., à feuilles vert-grisâtres, très finement ciliées, à fleurs très petites, dont la corolle est à 5 pétales plus courts que le calice et dont le fruit est une petite cap- sule. Elle croît dans les champs sablonneux, entre les pavés, sur les murs.
Elle est signalée ici, non point qu’elle soit vénéneuse et qu’elle ait occasionné des accidents de personnes ou d'animaux, mais parce qu’elle possède la propriété de faire saliver très abondamment les chevaux et les bœufs qui la broutent. Verte ou desséchée, elle produit les mêmes effets.
La quantité de salive émise dans ces circonstances est considérable et le ptyalisme dure quelque temps encore après le repas. Quelques propriétaires pourraient s’en
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 263
effrayer outre mesure, ce serait à tort. Des observations faites sur la Sabline m'ont démontré qu’à part l’hyper- salivation, aucun autre phénomène anormal n’est la conséquence de son ingestion. A la vérité, si cette sécré- tion exagérée n’était pas arrêtée, il y aurait un dépéris- sement notable des animaux, mais il suffit de supprimer l'usage de la Sabline pour la voir cesser.
Si le lecteur veut bien se souvenir que le ptyalisme est aussi un des symptômes de l’empoisonnement par la Nielle, il se demandera sans doute avec moi si ce ne serait pas la saponine, à peu près inoffensive quand elle est pure, je le répète, qui existerait dans la Sabline à l’état de pureté et produirait ce phénomène. S’y trouvant seule et sans association avec un autre principe, il ny aurait pas d’effets toxiques.
J'incline d'autant plus à le croire que cette plante, froissée dans l’eau, la rend mousseuse. Jusqu’à ce jour, l'étude chimique de la Sabline n’a pas été faite.
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Sabline.— Paucoué. Propriétés sialagogues de l'Arenaria serpyllifolia, in Recueil de médecine vétérinaire, 1876 P- 1270.
ARTICLE IV. — HyYPÉRICINÉES. — RüuTACEES. — MÉLIACÉES. — ILICINÉES. — CÉLASTRINEES. — RHAMNÉES.— THÉRÉBINTHACÉES. — CORIARIÉES.
SOUS-ARTICLE Iή%, — HyYPÉRICINÉES.
Dans la petite famille des Hypéricinées, nous n’avons à considérer qu’une espèce, elle est roues dans le genre Hypericum, L. (Hypéric) :
Hypericum perforatum. L. L’Hypéric à feuilles per- Jorées, plus connu sous le nom de Millepertuis commun et appelé aussi Xerbe aux mille pertuis, Herbe de la Saint-Jean,Chasse-diable,estune planteherbacée, vivace, de 0,50 centim. à tige rigide présentant deux lignes peu saillantes, à feuilles elliptiques, qui regardées à contre- jour se montrent parsemées de nombreux points trans- parents. Fleurs jaunes en panicules ;'anthères terminées par des glandes sécrétant une matière violet-foncé. Fruit capsulaire trivalve. |
Commun dans les lieux ensoleillés, le long des che-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 265
mins, le Millepertuis répand une odeur résineuse quand on le froisse entre les doigts; sa saveur est amère et un peu salée. Il a été beaucoup plus employé en médecine autrefois qu’il ne l’est actuellement. |
Aucun empoisonnement sur l’espèce humaine n’est à ma connaissance. Le bétail ne prend pas volontiers cette plante, on a pourtant signalé des accidents chez des juments poulinières nourries avec de la luzerne qui la renfermait entrès forte proportion. Elle avait été fanée avec la légumineuse qu’elle infestait, ce qui PTouve Le la dessiccation ne la rend point intensive
Voici l'analyse des symptômes relevés sur une jument,
par le vétérinaire Paugoué, dans un cas de ce genre. _ Le pouls est large, plein et lent, la respiration pro- fonde et rare, l'appétit nul. Au repos, la bête a un air hébété, elle porte bas la tête, l’agite en différents sens; elle est sans cesse en mouvement. Sa marche est chancelante, mal assurée. Les fonctions de l'audition et de la vision paraissent sinon anéanties, du moins dimi- nuées; les pupilles sont dilatées, les conjonctivès forte- ment injectées et d’un rouge Bacs Dans la place qu’elle occupe à l'écurie, elle se porte constamment en arrière. Quelquefois les membres antérieurs sont étendus sur le sol, la tête appuyée dessus, pendant que les postérieurs restent infléchis; c'est un demi-décubitus assez sem- blable à celui du chien couchant lorsqu'il est en arrêt. La peau du bout du nez étant dépourvue de pig- ment, elle se teinta en rouge lie de vin, comme dans le -purpura.
Cet état comateux avec tendance au recul dura environ douze heures puis, progressivement, il y eut retour à l’état normal.
Les recherches chimiques ont dévoilé dans le Mille- pertuis un principe résineux, une huile volatile et deux
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matières colorantes. Un seul de ces principes suffit-il pour déterminer les accidents qu’on vient de décrire, ou faut-il qu'il soit associé à un ou plusieurs autres ? Intéressante question qui reste à résoudre.
Sous-ARTICLE II. — RUTACÉES
Dans la famille des Rutacées, nous avons à signaler les trois genres Rue, Péganum et Citronnier.
I. — Ruta, L. — Le genre Rue renferme plusieurs espèces dont les propriétés sont identiques, nous pren- drons la suivante comme type :
Ruta graveolens L. Rue odorante, Rue fétide, Rue des jardins, Rue puante, Rue commune, Herbe de grace. Plante sous-frutescente de 0,90 cent. de haut, à tige rameuse et dure, à feuilles alternes, décomposées, à lobes oblongs, le terminal obovale, parsemées de petits points glanduleux. Fleurs jaunes, corymbiformes, à calice per- sistant, corolle à 4 ou 5 pétales, 8-10 étamines avec fos- settes nectarifères. Fruit capsulaire.
La Rue croît spontanément dans nos départements du Midi et on la cultive dans les jardins pour les usages médicinaux. Exhalant de toutes ses parties une odeur désagréable, d’une saveur âcre, elle n’est prise spontané- ment par aucun herbivore domestique et ne peut point occasionner d’empoisonnement à moins que l’homme n’intervienne.
Il n’en est pas de même pour lespèce humaine. . Comme on lui attribue des propriétés vermifuges et emménagogues, elle est prise parfois par les gens de la campagne à doses trop fortes ou par des femmes dans un but coupable et elle amène des accidents. Ce sont ses feuilles et ses fleurs qu’on emploie; la dessiccation
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ne leur fait point perdre leurs propriétés, mais elle les atténue quelque peu.
Fraîche et appliquée sur un tissu dénudé, la Rue est irritante. Elle provoque quelquefois de la rougeur, des démangeaisons chez les personnes qui, dansles officines, font des préparations dont elle forme la base. Introduite dans le tube digestif à dose un peu forte, elle l’irrite, len- flamme et détermine une gastro-entérite en rapport avec la quantité ingérée; il:y a d’abord excitation puis abattement profond, dépression du cœur, ralentissement considérable et petitesse du pouls, abaissement de la chaleur cutanée, salivation abondante, tuméfaction de la langue; enfin on note une hypersécrétion muqueuse de la matrice et une certaine irritation de cet organe.
A l’autopsie, on trouve les lésions de l’inflammation intestinale qui siègent particulièrement sur l'intestin grêle; les dernières portions du tube digestif sont habi- tuellement saines. Les organes génitaux de la femelle sont congestionnés et de couleur violacée, s’il y a eu avortement. Ces lésions peuvent faire défaut, quand l'utérus n’était pas gravide.
La Rue doit son activité à une huile essentielle con- tenant diverses substances, parmi lesquelles on cite la rutine ou acide rutinique, phy toméline, meline, trouvée par Weiss et étudiée par Bornträger et par Zwenger et Dronke. Sa formule encore incertaine C?° H?$ O', la rapproche du quercitrin. Elle est en fines ‘aiguilles
jaune clair, très peu solubles dans l’eau froide, plus
solubles dans l’eau bouillante. Elle ne réduit pas la liqueur de :Fehling, le chlorure ferrique la colore en vert foncé. Suivant Greville-Williams la partie principale de l’essence de Rue serait l’aldéhy de évodique C'' H? 0.
Les deux espèces R. angustifolia, Pers. (Rue à feuilles
étroites), appelée aussi R. chalepensis, Villars et R. mon-
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tana Clus. (Rue des montagnes), encore dénommée À. legitima, Jac. R. sylvestris, Mill. R. tenuifolia, Desf. fotsedet les mêmes propriétés que la Rue odorante et provoquent les mêmes considérations. ee
IT. — Peganum, L. (Péganum). — A signaler, dans ce genre, l’espèce qui suit :
Peganutt harmala, L. Plante vivace, à feuilles entières avec deux dents sétiformes à la base. Feurs blanches à calice persistant et quinquepartité. Pétales 5. Étamines en nombretriple. Fruit capsulair es ouvrant en FE Le valves loculicides.
Elle croît dans les sables dela région méditerra- néenne, dans la péninsule hispanique; elle est particu- lièrement abondante dans le sud de la Tunisie. On peut en extraire une matière tinctoriale rouge et ses graines sont quelquefois employées en Eee comme con- diment. it |
Son odeur est repoussante et sa saveur âcre, aussi est- elle respectée par la dent des animaux. Elle agit comme la Rue, mais avec plus d'intensité, elle provoque les mêmes symptômes et les mêmes Jens Il y a de fortes probabilités pour que sa toxicité soit due aux mêmes principes. Elle a, d’ailleurs, été quelques nee abusivement, sous le nom ‘de Rüe: |
‘III. Citrus, L. (itronnier) — Dans ce genre, dont le dénombrement. en espèces est encore fort : incertain, nous devons noùs arrêter à la suivante :
Citrus Bigaradia. N. D. Le Bigaradier, décrit par Risso sous le nom de C. vulgaris et qui ressemble beau- coup à l’Oranger proprement dit par son port et son feuillage, possède des fleurs extrêmement parfumées; il PRES un fruit connu sous le nom de bigarade ou
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 269
d'Orange amère, dont le zeste est rugueux et la pulpe très amère, même à parfaite maturité.
On se sert du Bigaradier pour la préparation de divers produits, tels que l’essence de Néroli vraie, l’eau de fleurs d'oranger, l’écorce d’oranges amères qui con- court à la fabrication du curaçao; ses fruits, appelés oran- gettes ou petits grains, servent à préparer des chinois confits et certaines liqueurs dites Bitter. Les ouvrières occupées à peler les oranges ressentent des accidents locaux et généraux. Le jus qui s'écoule de l’incision se répand sur les mains et il est transporté accidentelle- ment sur d’autres parties du corps. Il est irritant, occa- sionne des érythèmes, des éruptions vésiculeuses et pustuleuses, de la cuisson et des démangeaisons.
L’essence qui se dégage du fruit vicie l’atmosphère des pièces où se trouvent les ouvrières et devient la cause de phénomènes morbides généraux, tels que ver- tiges, crampes, névralgies, maux de tête et quelquefois convulsions.
Tous ces accidents ont peu de gravité et se dissipent promptement.
Sous-ARTICLE III. — Du MÉLIA AZEDARACH.
Composée de végétaux exotiques, la famille des Mé- liacées renferme une espèce du genre Mélia, L. qui, acclimatée chez nous comme ornementale, est des plus vénéneuses, c’est la suivante : S
Melia Axzedarach, L. Le Mélia axedarach, qu’ on ap- pelle bre à chapelets, Laurier grec, Faux Sycomore, Lotier blanc, Patenôtre, Margousier, Arbre saint, Cyrouenne, Lilas des Indes, Lilas de Chine, estun arbre gracieux, originaire des parties chaudes de l’Asie et maintenant naturalisé en France, tout au moins dans
270 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
le Midi. Grandes feuilles d’un beau vert, un peu lui- santes, deux fois pennées, à folioles ovales; fleurs en panicules, à corolle lilas à 5 pétales. Étamines 10, sou- dées par leurs filets en un tube staminal pourpre. La fleur répand l’odeur du lilas. Le fruit est une drupe ovoide, grosse comme une cerise verte, puis jaunissant en murissant. Les graines sont solitaires dans les cinq loges du noyau; elles sont fort riches en corps gras.
Toutes les parties du Mélia azédarach sont vénéneu- ses, mais les fruits et les racines sont les plus actives. On assure que les oiseaux ne touchent jamais aux x drupes de PAzédarach.
Il a été enregistré des accidents dans l’espèce RHIN et sur les animaux domestiques.
Quelques fruits, qu’ils soient frais ou secs, suffisent pour indisposer hit les enfants, et si le nombre en est tant soit peu considérable, la mort est la consé- quence de leur ingestion. |
Des vaches et des chiens ont été empoisonnés par la pulpe de ces fruits, mais le porc, poussé par sa voracité naturelle, est l'animal qui le plus souvent en a été la victime. De recherches déjà anciennes de Gohier, il résulte que 200 grammes de fruits suffisent pour pro- duire un commencement d'intoxication sur un porc de six mois; à partir de cette quantité, les phénomènes vont en augmentant jusqu’à produire la mort, |
L'empoisonnement par l’Azédarach se traduit par des nausées, des vomissements, des douleurs coliquatives violentes, de la tympanite, à laquelle succèdent de la
diarrhée, is sueurs, des convulsions, une marche i incer- |
taine et difficile, une soif très vive. ; La mort peut survenir de la 3° à la 25° heure après l'ingestion, suivant la quantité qui a été prise.
Les lésions sont celles de l’inflammation intestinale.
dtéted. ‘n, EÙ à
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 271
Il existe dans l’Azédarach une base amère, l’azadi- rine qu’on a présentée comme succédané du quinquina et qui ne paraît pas être productrice des intoxications. Celles-ci seraient plutôt sous la dépendance d’une huile spéciale abondante dans le fruit. R
Dans l'ignorance où nous sommes des modifications que peut subir le toxique dans l’économie et des organes où il s’'accumule, la prudence conseille de ne pas laisser consommer la chaïr d'animaux empoisonnés par cet arbrisseau.
Les habitants du Midi qui plantent volontiers l’Azé- darach dans leurs jardins, devront avertir leurs enfants de ses propriétés vénéneuses et n’en jamais distribuer le fruit au bétail.
Sous-ARTICLE IV. — Du Fusain D'EUROPE.
Le genre Evonymus L., de la famille des Célastrinées, comprend une espèce indigène très répandue qui est à signaler :
Evonymus europœus, L. Le Fusain d'Europe, vul- gairement appelé Bois carré, Bonnet de prêtre, est un arbrisseau de quelques mètres, commun dans nos haies et nos buissons, dont les jeunes rameaux sont té- tragones et ont une écorce d’un beau vert. Feuilles oppo- sées, ovales lancéolées. Petites fleurs hermaphrodites, vert-jaunâtre, à calice persistant, à corolle à 4 ou 5 pé- tales. Etamines 4-5 alternes avec les pétales. Fruit cap- sulaire, à 3-5 loges, d’abord vert, puis rose à la matu- rité, à graines très dures enveloppées par un arille charnu d’un jaune orangé.
L’écorce, les feuilles et les fruits sont vénéneux. Les enfants peuvent s’empoisonner avec les fruits qui agis- sent à la façon des purgatifs: Bien que le Fusain ait une
i Re LL po. J SON PP PNEU TR . N pe. ie CURE Er, LI
272 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
odeur assez prononcée, les chèvres et les moutons en broutent volontiers les jeunes rameaux et les feuilles ; on a signalé quelques empoisonnements de bêtes à laine par cette plante. A la fin de l’été et en automne, après la floraison et la formation du fruit, les feuilles sont très peu dangereuses.
Les symptômes et les lésions de l’empoisonnement par le Fusain sont ceux que produisent les purgatifs violents ; exposés déjà à propos de plusieurs plantes, il ne nous semble pas utile de les relater à nouveau en ce moment. | à
On a retiré du Fusain un sucre désigné sous le nom d’évonymite, identique à la dulcite suivant Gilmer. Grundner en a isolé aussi une substance amère, cris- talline, insoluble dans l’eau, soluble dans lalcool et Péther qu'il a appelée evony mine; nous la soupçonnons d’être toxique. AR
Il se pourrait qu’une espèce exotique du même genre VE. japonicus, aujourd’hui acclimatée et assez répan- due en France, comme plante ornementale, possédât les propriétés de la précédente; c’est un point à élu- cider.
Soys-ARTICLE V, — DES NERPRUNS.
Dans la famille des Raamnées, le genre Nerprun, qui en est le type, doit nous arrêter. . Rhamnus,L. Nerprun. Trois espèces de ce genre ont de lintérêt pour nous, nous en parlerons successive- ment :
A. Rhamnus alaternus, L. Le Nerprun alaterne ou simplement l’Alaterne est un arbrisseau des coteaux de l'ouest et du midi de la France qu’on cultive dans les
4 1 is
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parcs à cause de ses feuilles persistantes, coriaces, lui-
_ santes et parfois panachées ; ses fleurs sont petites, dioi-
ques, vert jaunâtres, disposées en courtes panicules axil- laires. Corolle nulle. Etamines 4-5. Fruits charnus, à 2 noyaux, d’abord rouges et passant au noir à la maturité.
Ses baies sont purgatives, on le sait depuis longtemps, et il y aurait danger à en ingérer une certaine quantité, car des symptômes de superpurgation pourraient se déclarer. On les emploie pour colorer le vin, ce qui con- stitue une fraude répréhensible puisqu'elles pourraient
nuire à la santé publique en rendant ce liquide indigeste.
Les feuilles sont astringentes et dans une communi- cation récente, un médecin italien, M. Prota-Giurlæo, attira l’attention sur la propriété, très nette d’après lui, qu'auraient les feuilles du Rhamnus alaternus et du Troène ordinaire (Ligustrum vulgare), prises en infu- sion, de diminuer ou même d’arrêter complètement la sécrétion lactée chez les femmes qui allaitent. Il a cité quelques exemples à l’appui.
Les vétérinaires consultés pour faire tarir le lait chez des femelles, chiennes, chattes, truies, juments qui ont perdu leurs petits ou qui ne doivent plus les allaiter, le moment du sevrage étant arrivé, pourraient essayer la vérification des assertions de M. Prota-Giurlæo. Si le résultat se montre ce qu’il a été annoncé, la thérapeu- tique vétérinaire aura là un agent d’autant plus pré- cieux qu’il est à bas prix. Les éleveurs, de leur côté, auront à surveiller les vaches et surtout les chèvres pour les empêcher de toucher aux haies de Troëne et de Fusain, puisqu'il en résulterait une diminution dans la quantité de lait qu’elles fournissent.
B. Rhamnus catharticus, L. Le Nerprun purgatifest un arbrisseau de 2 à 3 mètres, à bois rosé, abondant dans
18
274 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
4
les taillis, dont la tige est rameuse et dont les rameaux offrent une épine à leur bifurcation. Feuilles caduques, ovales brusquement atuminées, régulièrement dentées. Fleurs dioïques, jaune verdâtre, en fascicules axillaires. Fruits drupacés indéhiscents, noirs à la maturité, à 2-4 noyaux monospermes.
Les fruits de ce Nerprun fournissent un suc rouge violet passant au vert par le contact de l’air; on en retire une matière colorante, le vert de vessie, et la médecine vétérinaire les fait entrer dans la confection d’un sirop purgatif.
Mangés par l’homme ou les animaux, ces fruits amè- neraient des désordres intestinaux comme ceux de les- pèce précédente.
C. Rhamnus Frangula, L. Le Nerprun Bourdaine, qu’on appelle parfois Bourgène, Bois noir, Aulne noir, est un arbrisseau de la taille du précédent, dont l’écorce est noirâtre, chargée de lenticelles et dont les rameaux ne sont point épineux. Fleurs hermaphrodites, d’un blanc verdâtre, en fascicules à l’aisselle des feuilles.
L’écorce et les fruits de la Bourdaine passent pour ._ purgatifs comme ceux des Rhamnées précédentes. Mais, d’après une récente observation de M. Petersen, des symptômes différents de ceux de la superpurgation et plus graves peuvent résulter de l’ingestion des fruits.
« L’ingestion de quelques baies a suffi pour produire chez un jeune garçon, après quatre ou cinq heures, les signes suivants : céphalalgie, vertiges, perte de connais- sance, convulsions cloniques des extrémités, de la face, des muscles, des mâchoires. Pupilles assez larges, égales, réagissant lentement à la lumière; pouls très petit et fréquent, respiration irrégulière. »
On a tenté d'isoler le principe actif des Nerpruns ou
PER ON 77 en V'ONC à à RUE. CPP? « :
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 275
tout au moins du Nerprun purgatif. M. Fleury en a extrait une matière douée de propriétés colorantes, mais non purgative, qu’il a appelée Rhamnine, puis un acide qu'il a qualifié de Rhamnique et qui pour lui serait Pagent purgatif.
La relation de M. Petersen montre que l’acide rham- nique ne peut pas être mis seulen cause. Cet observateur pense qu’il y a aussi formation d’un peu d’acide prussi- que, quand les noyaux sont broyés et avalés. Si son opinion est fondée, il en résulte que l’ingestion des baies entières présente beaucoup plus de dangers que celle du suc. On devra veiller à ce que les enfants n’y touchent pas. |
Sous-ARTICLE VI. — TÉRÉBINTHACÉES.,
Dans la famille des Térébinthacées ou Anacardiacées, les genres Sumac, Camélée et Aïlanthe doivent nous arrêter.
I. — Rhus, L. (Sumac). — Tous les arbrisseaux de ce genre contiennent un suc très astringent; dans l’espèce suivante, il est vénéneux :
Rhus Toxicodendron, L. Le Sumac vénéneux, Arbre
_ à poison, Lierre du Canada, Arbre à la gale (fig. 30), originaire de l'Amérique du Nord, est acclimaté et cul- tivé dans nos parcs comme plante ornementale. C’est un arbrisseau dioique, rampant quand il est jeune et plus
‘tard sarmenteux quand il a trouvé un soutien pour se
fixer. (Les deux prétendues espèces, R. Toxicodendron et
R. radicans, ne sont que deux formes d’une seule espèce
correspondant aux deux phases végétatives sus-indi- quées.) Ses racines sont traçantes, ses feuilles trifoliolées,
à folioles très amples, vert luisantes en dessus, plus pâles
276 DES PLANTES VENÉNEUSES.
en dessous. Fleurs verdâtres, en panicules axillaires.
Les feuilles de cet arbre contiennent un suc résineux, blanchâtre, extrêmement âcre et vésicant. Appliqué sur la peau, ce suc l’irrite et y fait apparaître les vésicules de la révulsion externe. On prétend que les émanations elles-mêmes qui se dégagent de cette plante pendant la nuit, peuvent occasionner aux personnes qui se repose- raient ou s’endormiraient sous son feuillage, des érup- tions érysipélateuses et pustuleuses, tandis que dans la journée, alors que le soleil est ardent, ces émanations ne seraient plus à craindre.
Le suc qui s'écoule d’incisions faites à l'arbre, la tige, l'écorce et les feuilles sont toxiques. Les fruits sont simplement astringents. La dessiccation enlève aux feuilles une partie, mais non la totalité de leur toxicité.
Les personnes qui recueillent le Sumac pour l’indus- trie, qui le taillent ou qui en manient les rameaux, sont ‘ bientôt atteintes de démangeaisons, de rougeur des tégu- ments, d’érysipèle au visage, aux mains et aux parties génitales, de stomatite avec fièvre et sentiment d’oppres- sion. Des phlyctènes se forment, puis la tuméfaction diminuant, l’épiderme se détache par lambeaux. Ces accidents peuvent durer jusqu’à un mois; le plus fré- quemment la résolution arrive peu à peu, on a cepen- dant constaté quelques cas de mort. Ils se sont présentés quand l’inflammation des parties génitales à été très prononcée.
En raison de leur odeur et de leur saveur, les feuilles et les jeunes rameaux ne sont point recherchés par le bétail et les empoisonnements ne se produisent pas spontanément.
Plusieurs expérimentateurs, notamment Orfila, ont étudié l’'empoisonnement par le Sumac. Nous connais- sens déjà l’action des émanations, du suc ou des fric-
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tions opérées sur la peau à l’aide des feuilles. A l’inté- rieur, ce végétal agit comme irritant et produit tout le cortège des désordres gastriques et intestinaux auxquels vient s’ajouter, quand l’absorption est faite, une action stupéfiante sur le système nerveux, avec vertige et sen- sation particulière de picotement et de tiraillement dans les membres qui, parfois, présentent des tuméfactions douloureuses.
Le pronostic est toujours grave. Quand la mort est la terminaison de l’intoxication, on trouve des lésions externes consistant surtout en érysipèles et en œdèmes sous-cutanés, et des lésions internes siégeant sur les muqueuses stômacale et intestinale. Ces parties sont violemment enflammées et parfois il y a desquamation ou ulcération selon la durée de l’indisposition. Celle-ci peut être de 1 à 5 ou 6 jours après l’apparition des pre- miers symptômes.
Une autre espèce de Sumac, le R. Cotinus, appelé Fustet, Arbre à Perruque, Sumac des teinturiers, laisse échapper de ses rameaux, quand on les incise, au prin- temps, un suc irritant comme celui du Sumac vénéneux et capable d’occasionner des accidents analogues, mais moins graves.
La très grande richesse en tannin des Sumacs, Fe en fait des arbrisseaux précieux pour la corroyerie, con- tribue peut-être, pour une part, à les rendre nuisibles, une fois introduits dans l’économie, par suite des modi- fications du tannin, modifications dont nous avons parlé à propos des Quercinées. Mais ce corps n’est vraisem- blablement ni le seul ni même le principal coupable. M. Chevreul a extrait du À. cotinus une matière colorante jaune, cristallisable, qu’il nomme Fisétine et que Bolley et Mylius ont démontré être identique à la quercétine. Maisch dit avoir découvert dans le
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PONS
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suc des Sumacs un principe volatil, corrosif auquel il a donné le nom d'acide toxicodendrique. Ce serait ce corps qui, mélangé aux gaz qui s’échappent de la plante par suite des actes végétatifs, formerait avec eux une atmosphère malfaisante, pendant la nuit, au- tour du Sumac vénéneux, dans une périphérie de 5 à 6 mètres. La lumière solaire dissocierait ses éléments constituants, de là l’innocuité des émanations du R. toxi- codendron pendant les belles journées de Pété.
IT. — Cneorum, L. (Camélée). — A signaler dans ce genre l'espèce suivante :
Cneorum tricoccum, L. La Camélée à trois coques est un arbrisseau toujours vert des contrées arides du Midi, de 0,50 à 0,80 cent. de haut, à feuilles coriaces, d’un beau vert, étroites, entières, ovales, à petites fleurs jaunes hermaphrodites. Fruit sec à 3 coques mono- spermes, d’abord vert, puis rouge, enfin noir à la ma-
| turité.
Toutes les parties de la Camélée sont âcres et drasti- ques; introduites dans l’organisme, elles purgent vio- lemment et peuventamener la mort, silaquantité ingérée est tant soit peu considérable.
IIT. — Aïlanthus, Desf. (Ailanthe). — Nous signa-
lerons dans ce genre l’espèce suivante :
Ailanthus glandulosa, Desf. L’Arlanthe glanduleux, plus connu sous le nom de Vernis du Japon ou Vernis de la Chine est un arbre d'importation asiatique, de taille élevée, cultivé d’abord dans les parcs, mais qui se répand de plus en plus le long des chemins, sur les talus des voies ferrées, dans les bosquets. Racines traçantes et drageonnantes; tronc droit, à écorce grise, à rameaux cassants et bien pourvus de moelle. Feuilles à nom-
80 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
breuses folioles, oblongues, un peu dentées avec une petite glande au sommet de chaque dent. Fleurs verdä- tres, à 5 pétales polygames, à 10 étamines dans les mâles. Carpelles 4-5, uniloculaires, monospermes, oblongs, entourés d’une aile membraneuse.
Le Vernis du Japon répand une odeur désagréable qui empêche les animaux de s'attaquer spontanément à ses feuilles et à ses rameaux. Cela arrive pourtant quel- quefois quand ils sont sous l’empire de la faim ou lors- qu’il s’agit d'individus très gloutons.
Il peut occasionner des éruptions vésiculeuses et quelquefois, pustuleuses au visage et aux mains des jardiniers qui l’élaguent.
L’écorce et les feuilles sont irritantes et vénéneuses; la dessiccation ne les dépouille que d’une petite quan- tité du principe âcre qui lui communique ses pro- priétés, car, prises à l’intérieur, sous forme de poudre et à titre de vermifuge, elles déterminent de violentes coliques.
On fera remarquer en passant que si les feuilles d’Ai- lanthe sont vénéneuses pour les animaux supérieurs, elles sont inoffensives pour certains animaux inférieurs et particulièrement pour quelques insectes puisqu’un Lépidoptère, le Bombix Cynthia, s’en nourrit.
Un observateur, M. Caraven-Cachen a reiaté l’em- poisonnement de canards qui avaient brouté les sur- geons de quelques pieds d’Aïlanthe. Il a noté comme symptômes de la stupeur, des douleurs intestinales et, comme lésions, une très vive inflammation du tube digestif. Il a reproduit expérimentalement cet empoi- sonnement sur des volatiles de la même espèce.
L'observation de M. Caraven doit faire classer défini- tivement le Vernis du Japon parmi les végétaux sus- pects; peut-être contribuera-t-elle à arrêter un peu
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 81
l'engouement que quelques personnes manifestent pour cet arbre. |
Réveil en a tiré une matière résineuse très âcre qui, appliquée sur la peau, y détermine la vésication. Cette résine est-elle son seul principe actif ou s’en trouve- t-1l d’autres à côté?
Sous-ARTICLE. VII. — Du REebouz ou CORROYÈRE A FEUILLES DE MYRTE.
La petite famille des Coriariées est composée du seul genre Goriaria, lequel nous intéresse par l’espèce qui suit :
Coriaria myrtifolia, L. La Corroyère à feuilles de Myrte ou Herbe aux tanneurs, plus connue sous les noms de Redoul ou de Redoux, est un arbrisseau de r à 2 mètres qui croît spontanément sur les collines des départements méridionaux et qu’on cultive quelquefois
dans les jardins. Ses rameaux sont grêles, grisâtres,
tétragones, ses feuilles opposées, coriaces, ovales-aiguës. Fleurs petites, verdâtres, en grappes. Calice persistant. Pétales 5, étamines 10. Fruit bacciforme, noir et luisant à la maturité, à graines pendantes.
Toutes les parties du Redoul sont vénéneuses, mais les jeunes pousses et les baies sont les plus dangereuses. On a signalé des empoisonnements mortels dans l’es- pèce humaine et sur les animaux domestiques.
Sur l’espèce humaine, des accidents assez nombreux ont été occasionnés soit par l’ingestion des baies qui ont une saveur douceâtre dissimulant leur activité, soit par suite d’une fraude qui s’est faite dans le commerce de la droguerie et qui a consisté à substituer ses feuilles à celles du Séné. Cette fraude est facile à dévoiler, car les feuilles du Redoul sont absolument glabres et ont des nervures
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longitudinales qui courent parallèlement aux bords, tandis que les feuilles de Séné n’en présentent pas.
Parmi les animaux de la ferme, les chèvres, toujours occupées à brouter les haies et les arbrisseaux, se sont empoisonnées en mangeant des pousses de Redoul (Magne).
Symptomatologie. — Dans l’empoisonnement par la Corroyère, on observe d’abord des mouvements con- vulsifs des membres qui gagnent rapidement la tête ou qui, inversement, débutent par cette partie pour passer au tronc et aux jambes. Puis l’écume paraît à la bouche, des vomituritions successives ont lieu avec quelques éva- cuations alvines. Les convulsions augmentent progres- sivement de force et de durée, elles deviennent cloniques et tétaniques à la fois; les muscles thoraciques et abdo- minaux se contractent spasmodiquement et entravent la fonction respiratoire, il y a en même temps trismus, contraction de la pupille, puis abolition complète de la sensibilité, Les malades succombent à l’asphyxie.
Le pronostic est toujours fort grave et la mort survient de la 10° à la 120° minute après l’ingestion, suivant la quantité de toxique absorbée. La rigidité cadavérique apparaît très rapidement.
A l’autopsie on trouve le cœur et les gros vaisseaux remplis de sang, le poumon engoué et les méninges injectés. |
Il n’y a pas de lésions intestinales, car il s’agit d’un poison essentiellement nerveux.
On a rapproché le principe vénéneux, renfermé dans le Redoul, de la strychnine; mais il est impossible de les identifier, car le premier abolit la sensibilité, tandis que la seconde l’exalte, puisqu'on sait que le moindre frôle- ment au voisinage d’un sujet sous le coup de cette sub- stance amène une exacerbation des accès convulsifs.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 283
Les animaux à sang chaud ne sont pas les seuls qui subissent les effets toxiques du Redoul; il a été démon- tré que les grenouilles, danis les vertébrés à sang froid, et les insectes parmi les invertébrés, y sont sensibles. Les mouches qui viennent butiner dans une solution aqueuse et sucrée de Redoul sont bientôt prises de convulsions, étendent brusquement pattes et ailes ct succombent rapidement.
La vénénosité du Redoul est due à un principe non azoté découvert par M. Riban et appelé par lui Corya- mirtine. Il a pour caractères de cristalliser dans le système rhomboïdal, d’être peu soluble dans l’eau et très soluble dans l'alcool bouillant et dans l’éther. Sa formule serait C*° H*° Of°,
Une réaction d’une grande sensibilité et par là pré- cieuse dans les expertises est la suivante. En traitant un milligramme de coryamirtine par l'acide iodhydrique fumant à 100 degrés, il se dépose, en même temps que de liode réduit, un corps noir et mou qu’on lave à l’eau et qu’on dissout dans l’alcool. Si l’on ajoute à cette liqueur quelques gouttes de soude caustique, on obtient une couleur pourpre caractéristique.
M. Peschier dit avoir trouvé dans les feuilles du Re- doul une substance cristalline, non azotée, qu’il a nom- mée coriarine. Elle n'est pas vénéneuse et ne peut, par conséquent, point être confondue avec la coryamirtine.
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Orange amère. — IMBERT- GouRBEYRE. Recherches sur l'huile essentielle des Oranges amères, in Moniteur des hôpi- taux, 1854.
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Mélia Azedarach. — DE Gasparin. Empoisonnement de porcs par l’Aÿedarach, in Mémoires de la Société d’agricul- ture et histoire naturelle de Lyon, 1828.
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Nerprun Alaterne. — PROTA-GiurLæ&o. Sur l’action nui- sible à la sécrétion lactée du R. alaternus et du Ligustrum vulgare, in Il Zootecnico, 1885.
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Redoul. — Risanx. Recherches expérimentales sur le prin- cipe toxique du Redoul. Thèse de Montpellier, 18635.
ARTICLE V.,. — LÉGUMINEUSES.
Cette famille, dont les caractères botaniques sont connus de tous et qui renferme tant de formes comesti- bles ou fourragères, mérite de retenir toute l’attention à cause des particularités présentées par quelques-unes de ces formes et de la vénénosité de quelques autres.
Parmi ces plantes, généralement fort nutritives comme le sont à peu près toutes les Légumineuses, il en est qui réussissent bien à quelques espèces animales et qui sont absolument refusées par d’autres à qui elles seraient nuisibles. On en trouve qui, acceptées sans répugnance ou même prises avec avidité, empoisonnent à la longue les sujets qui les consomment. Plusieurs ont une activité considérable et occasionnent, aussitôt leur introduction
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dans l’organisme, une intoxication à marche rapide dont la mort est souvent la terminaison.
Aussi la famille des Légumineuses doit-elle être comptée au premier rang par le nombre de ses plantes vénéneuses ou simplement suspectes. Les genres Ana- gyris, Cytisus, Coronilla, Wisteria, Spartium, Trifo- lium, Lupinus, Lathyrus, Ervum, Phaseolus, parmi les indigènes, £rythrophlœum et Gymnocladus, dans les exotiques, possèdent des espèces à examiner de près.
Nous allons commencer par l’étude de l’empoison- nement par les Cytises, parce que le principe vénéneux qu’ils renferment se retrouve dans d’autres genres et que, conséquemment, de cette intoxication une fois connue, on pourra y renvoyer le lecteur quand il s’agira de ces derniers.
Sous-ARTICLE {EL — Des Cyrises.
Le genre Cytisus, le plus redoutable de tous ceux de la famille des Légumineuses par le nombre de ses espèces toxiques et la violence du poison qu’elles produisent, renferme des arbres et des arbrisseaux à bois dur, un peu jaunâtre, à feuilles trifoliées, à fleurs disposées en grappes jaunâtres, très odorantes, à calice persistant et bilabié; étendard plus long que les ailes et la carène, étamines monadelphes. Légume linéaire, comprimé et polysperme.
Grisebach, s'appuyant sur les caractères de la graine
qui est strophiolée dans quelques espèces et dépourvue
de strophiole dans d’autres, a dédoublé le genre Cytisus et groupé dans son genre Laburnum les espèces stro- phiolées. Au point de vue où nous sommes placés, nous ne pouvons adopter cette division, car on trouve des formes vénéneuses dans lun et l’autre groupe. D’ail-
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leurs l'hybridation qui se fait sans difficultés entre le Laburnum vulgare de Grisebach (Cytisus Laburnum) et le C. purpureus,ne permet guère d'admettre sa classi- fication.
Les espèces renfermées dans le genre Cytise sont assez nombreuses. Je me suis efforcé d’en recueillir le plus possible et d’en examiner les propriétés.
Mes recherches ont porté sur treize sortes. Sur ce nombre trois, le C. argenteus, le C. sessilifolius et le C. capitatus, se sont montrées dépourvues de propriétés vénéneuses. Trois, le C.proliferus, le C. nigricans et le C. supinus, n’ont accusé qu’une faible activité qui s’est traduite par quelques frissons et quelques contractions musculaires sur les sujets employés pour ces recher- ches. Deux autres, le C. elongatus et le C. Alschingeri, plus riches en principe toxique que les deux précé- dentes, le sont moins pourtant que les cinq espèces suivantes, qui, à poids égal, de feuilles ou de graines en renferment sensiblement la même quantité, qui est énorme, ce sont: C. alpinus, C. laburnum, C. purpu- reus, C. Weldeni et C. biflora.
Parmi ces espèces, la plus répandue dans notre pays est le C. laburnum, L. communément appelé Aubour, ÆFaux-Ebénier. Par la vigueur de sa végétation, la rapi- dité de sa croissance et > beauté de ses fleurs en grap- pes, c’est une pee qui se répand de plus en plus et son expansion n’est pas sans danger. Nous la prendrons comme type de nos descriptions; ce qui en sera dit sera applicable aux autres espèces vénéneuses du genre.
Mais avant d’aborder ce sujet, il est utile de rappeler que les Cytises orientaux, à de rares exceptions près, sont inoffensifs. Il existe même une espèce dans l’Inde, EC cajan, appelé dans le langage du pays Dal, Urbur, Toar, qui est comestible pour l’homme. Aussi les
«
É
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auteurs anciens, botanistes, agronomes ou médecins, ne font nulle mention des propriétés vénéneuses des Cytises. Les premiers les recommandent même comme d'excellentes plantes fourragères. Il est bien évident que ce n’est point de nos formes occidentales, dange- reuses pour la plupart, qu'il s'agissait.
Quelle est l’espèce fourragère que possédaient les agriculteurs grecs et dont ils faisaient de si pompeux éloges? Serait-ce la plante qu’actuellement encore, on cultive dans la terre d’Otrante et la Pouille, sous le nom de Cytise de Virgile, pour la nourriture des bestiaux et spécialement des chèvres? On l’ignore au juste. Plu- sieurs commentateurs se sont efforcés de faire la lumière sur ce point, mais ils n’ont pu trancher la question, parce qu'ils se sont appuyés uniquement sur les textes anciens.
Nous pouvons affirmer aujourd’hui qu'il ne peut s'agir du C. laburnum, ni de quelques autres espèces qui, comme lui, sont extrêmement vénéneuses, car les empoisonnements qui en seraient résultés n'auraient point passé inaperçus. D’autre part, les Grecs ne con- naissaient pas notre Aubour qui actuellement n'existe pas encore dans la péninsule Hellénique, au témoignage de plusieurs botanistes et notamment de Boissier, si autorisé en pareille matière. Les Latins n'étaient guère plus avancés; pourtant Pline le signale comme un « arbre des Alpes peu connu, ayant le bois dur et blanc, une fleur longue d’une coudée à laquelle les abeilles ne touchent pas ».
Si le C. laburnum doit être mis hors de cause, nous rappellerons, avant d’aller plus loin, qu’il existait au moins une espèce vénéneuse en Grèce, celle que Galien à signalée dans une localité de la Mysie, et qu’il com- pare au Myrte.
Il faudra déterminer par l’expérimentation et en agis-
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288 DES PLANTES VENÉNEUSES.
sant sur des espèces orientales, de quel type 1l s'agit.
En restant dans les espèces méditerranéennes, nous voyons Honorius Belli Vicentini, médecin de Candie, émettre le premier l’idée que le Cytise fourrage des anciens est le Medicago arborea où Cytisus Marantæ ; après lui Martyn et Amoreux acceptent son idée qui est également défendue par Sprengel et par Fée.
Si l’on ne veut pas sortir du groupe des Cytises orien- taux et en laissant par conséquent de côté la luzerne arborescente, on peut s'arrêter soit au C. sesszlifolius, soit au C. capitatus. Ni l’une ni l’autre de ces espèces ne sont vénéneuses, ainsi que je m'en suis assuré expé- rimentalement; elles constituent des arbrisseaux à feuil- les trifoliées que les animaux broutent sans danger. Seulement, tandis que Sibthorp et Bory considèrent le C. sessilifolius comme autochtone de l’Eubée et des Cyclades, Boissier émet quelques doutes sur son indi- génat, tout en l’indiquant comme faisant partie de la flore actuelle de la Grèce. Quant au C. capitatus, il est accepté sans réticence comme autochtone.
Le C. laburnum, L. (Laburnum vulgare, Griseb.) Cytise aubour, Cy'tise commun, Cytise a grappes, Faux- Ébénier (fig. 31), est un arbrisseau pouvant atteindre jus- qu’à 5 mètres de haut, dont les fleurs réunies en longues et belles grappes jaunes ont été comparées à une pluie d’or. Le bois en est dur et servait jadis à la fabrication des arquebuses et des crosses de fusil. Aujourd’hui il est employé par les tourneurs en raison du poli qu'il prend facilement.
Feuilles longuement pétiolées, à 3 folioles, vertes en dessus, blanchâtres et plus ou moins pubescentes en dessous. Calice pubescent soyeux. Légume d’abord pu- bescent mais presque glabre à la maturité. |
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Le Cytise aubour végète spontanément, de préférence dans les terrains calcaires.
On ne pourrait soutenir que la connaissance des pro- priétés malfaisantes du Cytise soit sortie du domaine
Fic. 31. — Cytisus laburnum. — Crise augour.
(Grappe de fleurs.)
médical et vulgarisée. Ici, comme en bien d’autres ma- tières, le passé pèse toujours sur le présent. Des bota- nistes répètent encore aujourd’hui que les bestiaux brou- tent « avec plaisir » les pousses de Cytise, sans faire une distinction spécifique indispensable; les chasseurs par- lent d'une prédilection du lièvre et du lapin pour le
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Faux-Ébénier et nos littérateurs, reprenant les images des anciens, nous montrent la chèvre s’attachant à cet arbrisseau.
Il y a là des erreurs qu’il faut faire disparaître.
De nombreuses recherches expérimentales m’ont fait voir que toutes les parties du végétal sont vénéneuses, le bois, l’écorce, les feuilles, les bourgeons floraux, les fleurs, les gousses, les graines ainsi que les parties sou- terraines. Le bois, l'écorce et les racines possèdent à peu près constamment la même toxicité. Les feuilles et les gousses présentent des variations saisonnières très remarquables, conséquence de la migration du poi- son vers la graine. Le détail de ces variations a été exposé précédemment. (Voyez 1° partie, page 12.)
A propos de la graine, j'ai recherché si le principe nuisible réside dans le spermoderme ou dans amande. En broyant les graines et en séparant par tamisage la farine et l'enveloppe, j'ai vu la première douée d’une grande activité, je n'ai trouvé que des traces dans la seconde et encore je ne suis point sûr que quelques parcelles de l’amande ne lui soient restées attachées.
La dessiccation n’a aucune influence sur la toxicité du végétal. En prenant une quantité déterminée de fleurs, feuilles ou écorces, en la soumettant à la dessiccation, la pesant ensuite et établissant la proportionnalité entre le poids à l’état vert et le poids à l’état sec, on voit qu'il n’y a pas de différence d’activité. La cuisson, l’ébulli- tion, même prolongées, n’ont pas davantage d’influence sur-le poison qui n’est pas volatil.
Je me suis demandé si les parties traitées par l'ébul- lition prolongée abandonnaïent au liquide la totalité de leurs principes nuisibles. C’est particulièrement sur les graines que mes recherches ont porté, car je voulais savoir s’il ne serait pas possible d’utiliser ces mêmes
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graines après cuisson et pression, de façon à en faire des sortes de tourteaux. L’expérience n’a fait voir que lébullition, prolongée pendant deux heures, n’enlève pas complètement le principe toxique, car ces graines cuites et soumises à la presse pour l’extraction du prin- cipe nuisible, données à des animaux d’expérience, ont amené de la tristesse, du coma, de la difficulté de la marche, de la diarrhée. Dans de telles conditions, il ne serait pas prudent de les utiliser pour la nourriture des animaux.
Il ressort aussi de mes recherches que le toxique n’est point détruit par la germination, mais se retrouve dans la tigelle et la radicelle.
Symptomatologie. — Chaque année, on signale des empoisonnements par l’Aubour tant sur l'espèce hu- maine que sur les animaux domestiques. Dans l'espèce humaine, ce sont surtout les fleurs qui occasionnent des accidents, soit parce que les enfants en portent les grappes à la bouche et les mâchonnent, soit parce qu’on s’en sert pour quelques usages culinaires, par exemple, pour aromatiser des aliments, à la place de fleurs d’acacia. |
Voici les symptômes relatés chez l’homme par les médecins. |
Il y a d’abord des nausées et des vomissements, puis du vertige, de la céphalalgie, de la diarrhée, ensuite une sorte d'ivresse accompagnée d’une grande prostra- tion des forces, de titubation, de coliques, de cyanose de la face faisant place bientôt à de la pâleur, de sueurs abondantes, spécialement à la tête, et d'émission d’urine.
Si la quantité ingérée a été telle qu’un dénouement fatal doive arriver, des convulsions apparaissent, la respiration s’embarrasse, devient bruyante et la mort
29° DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
survient de la quatorzième à la quarantième heure après le commencement des accidents.
De tous les animaux, les solipèdes sont les plus sen- sibles à l’action du poison du Cytise. Après eux, il faut citer les carnivores; les symptômes qu’ils présentent
sont d’une netteté parfaite. Nous allons nous en servir
comme de type.
Lorsque l’on introduit l'extrait de Cytise dans l’éco- nomie d’un chien soit par la voie digestive, soit par injection hypodermique, soit par injection intra-vei- neuse, On provoque sûrement les symptômes de l’empoi- sonnement. Mais ils diffèrent suivant que la dose admi- nistrée est faible, moyenne ou forte.
Quand elle est faible, qu’on injecte par exemple l’ex- trait de 30 centigrammies de graines par kilogramme de poids vif sous la peau, trois à quatre minutes après lin- jection, on voit apparaître de la surexcitation : l’animal s’agite, se déplace, a quelques nausées, surtout s’il a mangé depuis peu (il arrive qu'il n’en présente pas s’il est à jeun), puis apparaissent des frémissements musculaires aux muscles de l’épaule et de la cuisse prin- cipalement, il y a salivation, élévation de la température
et respiration plus ample. Le sujet cherche à se cou- cher, s'étend de son long, a un peu de somnolence qui
se dissipe bientôt. Cet état d’excitabilité musculaire avec un peu de coma dure environ une heure et demie -à deux heures, puis tout rentre dans l’ordre générale- ment après une émission abondante d’urine.
Si la dose a été plus forte, mais néanmoins encore
éloignée du point d'intoxication mortelle, les phéno-
mènes de coma, d’hébétude, de résolution musculaire sont dominants; ils suivent de très près la surexcitation
initiale et les vomissements, souvent ils masquent la
première aux yeux de l’observateur. Si l’on augmente
:
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 203
encore la dose, aux manifestations symptomatiques pré- cédentes viennent s’ajouter des convulsions.
Lorsque la dose est toxique, le sujet est pris immédia- tement d’un malaise considérable, la respiration s’accé- lère énormément, les côtes sont comme tordues, elles s’abaissent et se relèvent alternativement avec violence. La pupille se dilate, le souffle labial se produit et l’animal urine abondamment en général. Survient un peu d’apai- sement, l'animal tourne à droite et à gauche, se couche et se relève pendant huit à dix minutes, puis des con- tractions cloniques se manifestent, il chancelle et se laisse tomber. La membrane nyctitante apparait sur l’œil grand ouvert, la sensibilité périphérique devient de plus en plus obtuse, le sujet réagit mal quand on le pince et le pique. Les contractions sont très intenses et rythmées, elles se montrent même fréquemment à la mâchoire inférieure qui se relève et s’abaisse alternativement. La respiration se ralentit de plus en plus, bientôt elle ne s'exécute plus qu’à de longs intervalles, puis elle s’arrête complètement après deux ou trois hoquets. Les mouvements rythmés de la mâchoire inférieure persistent longtemps. La sen- sibilité n’est complètement abolie que tout à fait dans les derniers moments de la vie.
Le chat est d’une sensibilité plus grande encore que le chien et présente des symptômes qui s’éloignent peu de ceux que.nous venons de décrire.
L’empoisonnement du cheval, de l’âne et du mulet, se traduit par des caractères spéciaux. Lorsque la quan-
_tité de graines ou de feuilles de Cytise ingérée est faible,
on constate seulement des bâillements, une démarche mal assurée, le train de derrière vacille et s’harmonise mal avec le train antérieur. Un tel état dure environ deux heures, puis après émission d’urine tout rentre dans l’ordre.
204 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Si, sans être mortelle, la dose est très considérable, on remarque, en outre, des efforts infructueux de vo- missement, quelquefois de l’opisthotonos sur l’âne, des sueurs, des tremblements musculaires, puis l’animal entre dans un coma profond qui dure jusqu’à quinze heures; ensuite et peu à peu, il y a retour à l’état pri- mitif.
Lorsque la dose est suffisante pour amener la mort, le cheval commence par avoir des bâillements, il relève la lèvre supérieure à la façon de l’étalon qui flaire la jument ; campements incessants et émission de quelques gouttes d’urine; un peu d’érection. Bientôt la respira-
tion s'accélère, devient bruyante, il y a un peu de cor-
nage, des tremblements musculaires se produisent, suivis de contractions qui débutent par le train de derrière et gagnent peu après la partie antérieure, le facies se grippe, l’animal chancelle, des sueurs se montrent et bientôt ruissellent sous le malade qui est dans une véritable buée.
La température baisse rapidement pour se relever un peu pendant la période convulsive. Le pouls est d’abord plus vite et plus fort, mais le nombre des battements revient rapidement à la moyenne pour remonter faible- ment quelques minutes avant la mort. Le rythme en est d’abord très irrégulier et les pulsations s’associent par deux, trois et quatre, mais près du dénouement, il redevient régulier.
Enfin l'animal tombe, il essaie en vain de se relever, les narines sont dilatées, la bouche grande ouverte, la
. L3 . LA L respiration se fait de plus en plus rare et la mort arrive
au milieu d’atroces souffrances.
Les Ruminants sont beaucoup moins sensibles que les Équidés à l’action du Cytise et je ne suis pas parvenu à les empoisonner par la voie digestive, parce que (et mal-
DES PLANTES VENÉNEUSES. 295
gré qu’on ait représenté la chèvre comme très avide de cette plante) ils s'arrêtent après avoir mangé quelque peu et se refusent obstinément à continuer. Mais ils ne sont point réfractaires, car si l’on emploie les voies hypo- dermique ou intra-veineuse, on produit l’intoxication.
Sur les ruminants, ce ne sont pas les contractions musculaires et tétaniques qui forment le tableau symp- tomatologique, mais, c’est, au contraire, la résolution musculaire et l’hébétude. Il y a incoordination des mouvements, titubation, marche sur les boulets, chute sur le nez, branlements intermittents de la tête, embar-
ras de la respiration.
Parmi les Rongeurs, le cobaye est plus sensible à Pac- tion du. Cytise que le lapin; ce dernier animal jouit, comme les ruminants, du privilège de ne pouvoir être empoisonné par la voie digestive, mais pas plus qu’eux, il n’est réfractaire quand on choisit les veines ou le tissu cellulaire sous-cutané pour faire pénétrer le toxique dans l’organisme.
En raison de l’abondance des graines de Cytise à la fin de l'été et des chances d’empoisonnement qui en résultent pour les oiseaux de basse-cour, les symptômes de l’intoxication ont été suivis avec soin sur ces ani- maux.
La poule recherche peu ces graines et, chez elle, Pempoisonnement est lent, parce qu’elles franchissent difficilement le jabot qu’elles paralysent en quelque sorte, de telle façon que ce n’est que peu à peu que la cytisine se dissout et se dégage pour intoxiquer tout
l'organisme. Même en recevant par la bouche de très
fortes quantités de graines, elle met en moyenne vingt heures à mourir. Quand la dose est faible, — et elle
peut l'être beaucoup, car en faisant avaler rammes 7 8
de graines à une poule bressane de 1 kilogramme, je
FORTE SIN RE TEE en ie LL
A
206 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
l'ai empoisonnée mortellement, —le dénouement se fait attendre soixante-dix à soixante-quinze heures. Je n’ai noté comme symptômes chez la poule empoisonnée que du coma, l’immobilité dans un coin et le refus absolu des aliments, quelquefois de la diarrhée.
Par injection hypodermique le symptôme dominant est le coma. Cinq minutes après l’injection, l’oiseau s’affaisse sur ses jambes, porte la tête en arrière, tombe, se relève, retombe sur son bec, bâille, raidit ses mem- bres, il y a opisthotonos, la mandibule inférieure s’a- gite convulsivement, les ailes battent et l’animal meurt de trente-cinq à cinquante minutes après l'injection.
Les expériences faites sur les pigeons présentaient un intérêt tout spécial en raison de l’avidité des colombins pour les graines rondes, en général, et aussi à cause de leur facilité à vomir. Si l’on mélange des graines de Cytise à d’autres semences, les pigeons en prennent d’abord quelques-unes, mais bientôt, avertis sans doute par quelque malaise, ils n’y touchent plus.
Lorsque la quantité de graines que l’on fait ingérer à un pigeon bizet du poids de 350 grammes environ, qui est la moyenne de la race, ne dépasse pas 4 grammes, on ne remarque rien d’anormal dans la santé de l’animal. Si l’on dépasse cette dose, il vomit, chancelle sur son perchoir et manifeste des crampes dire les jambes, puis tout rentre dans l’ordre.
Si on lui fait ingurgiter une très forte dose de graines, 20 à 25 grammes par exemple, les symptômes sont plus marqués; mais le vomissement est si facile chez le pigeon qu’il se débarrasse rapidement de ce qui: est entassé dans son jabot. En me servant de graines arrivées à maturité et crues, je ne suis pas PAPIER à DÉmporp Ier. par les voies digestives, Pate qu’ait été la dose que j'aie fait prendre.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES, 207
Si l’on a la précaution de faire cuire les graines puis de les faire ingurgiter avec l’eau de cuisson, de façon que l'absorption ait lieu plus rapidement et que l’or- ganisme ait moins de facilité à se débarrasser du poison, on amène la mort assez rapidement, vers la 24° heure.
L’injection hypodermique de l'extrait de Cytise pro- duit la mort avec les mêmes symptômes que ci-dessus, mais avec beaucoup plus de rapidité, cela va de soi.
Le canard est non moins sensible que la poule et le pigeon au poison du Faux-Ebénier; comme le pigeon, il s’en débarrasse rapidement par le vomissement.
Quand un canard a été gavé de graines de Cytise,une demi-heure après le gavage, il bat des ailes d’une façon saccadée, fait entendre une série de sifflements sourds et comme étouffés. Une heure à une heure et quart après, 11 vomit tout ce qu’il a dans le jabot et revient peu à peu à l’état normal en présentant un peu de coma.
Mais l’administration du toxique par injection hypo- dermique en a raison, et la mort arrive promptement par tétanisation et arrêt de la respiration et de la circu- lation. Cet animal, qui résiste si longtemps à l’asphyxie, est rapidement tué ici, ce qui prouve que la respiration seule n’est pas en jeu dans le mécanisme de la mort par le végétal qui nous occupe en ce moment.
J’ai recherché également si les animaux à sang froid pouvaient être empoisonnés par le Cytise et j'ai vu que quelques gouttes d’extrait injectées sous la peau de la grenouille et de la limace grise suffisent pour amener leur mort. Il en fut de même des poissons, tout au moins de la tanche et du cyprin doré qui ont servi à mes recherches. Une injection de quelques gouttes dans les muscles de la partie postérieure du corps cause la mort en six heures environ.
Je tiens à consigner qu’en ajoutant des quantités rela-
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298 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
tivement énormes de ce toxique dans l’eau des aquariums où se trouvaient mes poissons d’expérience {60 grammes d'extrait par litre d’eau) je ne suis point parvenu à les tuer, une observation attentive n’a même pas permis de constater aucun signe de malaise chez eux. L’épithé- hum branchial oppose probablement une barrière infranchissable au poison ou ne le laisse passer qu’en quantité si minime et si lentement qu’il est éliminé avant d’avoir eu le temps de s’accumuler et de devenir nui- sible.
Lésions. — Les lésions sont peu marquées chez les individus qui ont succombé à l’action du Cytise, parce que la mort arrive très rapidement et parce qu’il s’agit d’un poison agissant surtout sur la cellule nerveuse. [] faut faire une exception pour les oiseaux, chez qui le dénouement, plus lent à se produire, détermine des lésions plus accentuées.
Même dans le cas où la substance vénéneuse a été introduite dans l’estomac et n’a pu être rejetée parce que le vomissement n’existe point dans l’espèce, les désor- dres anatomiques ne sont pas très marqués. Voici, à titre d'exemple, les lésions observées sur un âne empoi- sonné de cette façon :
Œsophage contenant une certaine quantité d’aliments, ou qui n'avaient pu franchir le cardia pour descendre dans l'estomac, ou qui étaient ressortis de ce viscère sous l'influence des efforts de vomissement, mais n’avaient pu aller plus loin. Estomac moyennement distendu, très légèrement enflammé dans le sac droit, renfermant la plus grande partie des grains de Cytise concassés, mais très reconnaissables. Pylore extrêmement resserré et comme tétanisé. Peu de graines vénéneuses l’ont franchi et se trouvent dans l’intestin grêle qui est enflammé, assez légèrement d’ailleurs, dans les deux premiers tiers de
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 209
sa longueur, le reste étant sain. Les glandes annexes du tube digestif paraissent normales; la vessie renferme une assez forte proportion d'urine. Les poumons sont rouges, engoués comme dans l’asphyxie au début; le cœur est en diastole et gonflé de caillots; les gros vaisseaux sont également pleins de sang qui se coagule promptement. Au microscope, les globules sanguins ne montrent point d’altération. Les plexus cérébraux sont injectés comme les autres vaisseaux en général, mais la masse encéphalique paraît anémiée; la moelle épinière a gardé sa coloration à peu prés normale. Les muqueuses sont pâles.
Chez le coq, nous avons retrouvé dans le jabot la presque totalité des graines ingérées ; quelques-unes seu- lement avaient passé dans le ventricule succenturié et dans le gésier. Il semble qu’il v a eu paralysie des parois du jabot qui a empêché les graines de franchir cet organe. Très légère inflammation du ventricule et de la première portion de l’intestin. Tout le reste est sain, sauf les poumons qui sont congestionnés.
Sur le chien, nous avons vu quelquefois les cordes vocales serrées l’une contre l’autre; la congestion des vaisseaux encéphaliques est toujours prononcée sur cet animal.
Ces lésions ne sont ni bien étendues ni bien nom- breuses; à plus forte raison, quand l’empoisonnement est le résultat d’une injection hypodermique massive, sont-elles encore moins marquées, en raison surtout de la rapidité du dénouement.
Lorsqu'on a laissé l’empoisonnement suivre son cours, la rigidité cadavérique arrive assez rapidement, mais si l’on a retardé la mort par la respiration artifi- cielle, ou si l’on s’est adressé à des animaux chez qui la respiration cutanée supplée à la respiration pulmonaire
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300 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
comme la grenouille, on est frappé de la flaccidité que conservent les membres, et du temps que la rigidité cada- vérique met à se montrer. Avec cette flaccidité, signa- lons la conservation de l’excitabilité neuro-musculaire assez longtemps après la mort. |
Quantité de graines nécessaire pour amener la mort dans les diverses espèces étudiées. — [] est d’un grand intérêt, tant au point de vue purement expérimental qu’à celui de la pratique, de connaître exactement la quantité de Cytise nécessaire pour tuer les divers animaux do- mestiques. Nous savons peu de chose sur ce point; les chimistes nous ont seulement. appris qu’il faut injecter de 30 à 40 milligrammes de cytisine sous la peau du chat et « quelques décigrammes » sous celle du chien pour les tuer, et que si l'injection est poussée directe- ment dans le torrent circulatoire, ces doses peuvent être diminuées des deux tiers pour amener le même résultat. Dans la pratique, ce n’est pas avec la cytisine préparée par les chimistes qu’arrivent les empoisonne- ments. Je ne sache pas que jusqu’à présent une affaire d'empoisonnement par ce corps se soit déroulée devant les cours d’assises. C’est toujours une partie quelconque de l’arbrisseau qui a été employée, d’où la nécessité de déterminer, en poids, ce qu’il en faut ingérer pour pro- duire la mort. J’ai pris les graines pour type et j'en ai déterminé la quantité nécessaire pour tuer 1 kilo- gramme de poids vivant de l’espèce examinée. Si Pon veut bien se rappeler que les fleurs et l'écorce dessé- chées ont, à poids égal, la même activité que les graines, on pourra arriver par un calcul des plus simples à déter- miner le poids nécessaire pour amener la mort quand ces parties sont à l’état frais. |
L’empoisonnement spontané se fait par les voies diges- tives; en regard de la quantité qu’il faut ingérer pour
ARR
PRET PEAU EME NE Un
DES PLANTES VÉNENEUSES. 301
LE POISON est INJECTÉ SOUS LA PEAU ; dose par kil. de poids vif.
ÉEPOISON
SORTES
est ingéré;
, y D ANIMAUX. DOSE PAR KIL. DE POIDS VIF.
En raison du vomis-
; | sement, on ne peut DIET RU : 2 grammes. tuer par cette voie
Cat à. | ; ji gr 25:
qu'en liant l'æœso- |
phage. Mouton et chèvre.| N’ai pu tuer par cette! 6 grammes.
: voie.
Cheval. . . . . .| 8o centigrammes. 60 centigrammes. Ane,... «. . . .| 6o centigrammes. 60 centigrammes. Lapin... ... 1 Je n'ai pu tuer le sujet( 6 grammes. Cobaye. . adulte par cette voie.l 3 gr. 50. Rat blanc. . . . .| A refusé d'ingérer le| 2 gr. 75.
Cytise. Poule... . .| 6 grammes. 3 grammes. Canard. . Eu Vomissent avec une fa-( 3 grammes. Pigeon . cilité extrême. 3 à 4 grammes. Grenouille.. . Poissons. . : | Quelques gouttes.
L Et Localisation et élimination du poison. — Des recher- ches, dont on ne peut faire ici l'exposé, m'ont démontré que chez les animaux peu sensibles à l’action du Cytise, tels que le lapin et la chèvre, le poison est éliminé par l'urine. Il est à peine besoin de faire remarquer que ce toxique accumulé dans la vessie ne les incommode
point, parce que la muqueuse vésicale ne l’absorbe pas et que l’épithélium vésical lui présente une barrière
302 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
infranchissable tant qu'il est intact. L’extraction du poison contenu dans la gangue alimentaire se fait len- tement et cette lenteur permet son élimination par le travail digestif. On sait déjà que lorsqu'il pénètre brusquement et en quantité considérable dans léco- nomie, ainsi que le cas se présente lors d’injections hypodermiques, l'élimination n’a pas le temps de se faire assez LA ETES et assez complètement Por que l’em- poisonnement n'ait pas lieu.
Quant aux animaux qui, à l'inverse des Ruminants et des Rongeurs, sont très sensibles à l’action du Cytise, parce qu’ils n’éliminent point la matière vénéneuse avec une rapidité suffisante, il faut s’enquérir si celle-ci imprègne tout l’organisme ou si elle se localise en un système ou en un tissu. Cette recherche est très impor- tante pour la médecine légale et pour la police sani- taire. En supposant qu'il y ait accumulation du poison dans un seul système ou même sur un seul tissu, le toxicologiste courrait le risque de s’égarer en le cher- chant ailleurs et la justice, s’il s’agit de l’espèce hu- maine, pourrait ne pas poursuivre un coupable parce que le corpus delicti n'aurait point été rencontré dans les organes de la victime habituellement étudiés par les experts, tels que le foie, les reins et le cœur. D'autre part, s’il s’agit d’un animal comestible empoisonné, peut-on en utiliser la chair et les débris?
Jai multiplié et varié les recherches sur ce point; elles ont prouvé que ni le sang, ni les muscles, ni les poumons, n1 les glandes annexes du tube digestif, ne sont les lieux d'élection du poison.
Je me tiendrai sur la réserve pour le lait et, sans être très affirmatif, j'estime qu’il sera prudent de ne point boire celui d’une femelle qui a mangé une certaine quantité de feuilles d’Aubour.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 303
Mais je puis résolument affirmer la nocivité du tissu nerveux dans sa partie encéphalique; c’est dans le bulbe et le liquide céphalo-rachidien que les toxicologistes devront chercher le poison des Cytises et qu’ils l’y trou- veront sans aucune peine. Il se localise sur le tissu ner- veux par une sorte d’affinité, de sorte que la chair peut être utilisée sans danger pour la santé publique; on prendra seulement la précaution de jeter la tête. Ce sont les cellules. nerveuses qui sont attaquées, mais non les globules sanguins, sur lesquels on ne remarque aucune altération, ni les leucocytes, ni la fibre musculaire. Il y a une action élective sur la substance bulbaire; il ne semble pas que celle-ci réagisse sur le poison en le
désorganisant et en le faisant entrer dans d’autres com-
binaisons, puisque nous l’avons retrouvé dans cette partie avec son activité.
Mécanisme de l’empoisonnement. — Une analyse un peu minutieuse des symptômes et des phénomènes biologiques qui viennent d’être exposés, permet de reconnaître trois phases dans l’empoisonnement par la cytisine : 1° phase d’excitation; 2° phase de coma et d’incoordination de mouvements; 3° phase de convul- sions. L'ordre d'apparition, la durée et l'association de ces phases sont subordonnés à la dose reçue et à la sen- sibilité du sujet. La première peut exister seule lorsque la dose administrée a été très minime; sa durée dans ce cas n’est jamais bien considérable et peu à peu tout revient à l’état normal. Il en est de même de la troisième lorsque la quantité administrée a été massive et donnée à un animal très sensible comme le chat. Mais le plus souvent elles s'associent deux à deux. Lorsque la dose est moyenne, il y a excitation puis coma seulement, la troisième phase fait défaut. La même chose se remarque toujours sur les Ruminants, alors cependant qu'ils ont
304 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ingéré des quantités très fortes de poison. Quand la dose a été élevée, la première phase est ou supprimée ou si courte qu’elle passe la plupart du temps inaperçue, on ne voit que les deux dernières, coma et convulsions qui d’ailleurs, un peu après la pénétration du poison dans l'organisme, existent simultanément.
Dans la première phase, il y a élévation de la tempé- rature; dans la seconde, il y a abaissement et ce n’est qu’à la troisième période et près de la mort-que la tem- pérature centrale se relève. Dans la deuxième et la troi- sième, la respiration est ralentie, tandis que la tension artérielle s'élève, que le nombre des pulsations augmente et que leur rythme est modifié. A la fin de la troisième, la tension artérielle baisse, les pulsations deviennent de moins en moins perceptibles, mais sont d’un rythme uniforme. Les mouvements respiratoires se ralentissent et finalement le cœur n’a plus que des battements im- perceptibles quand toute trace de respiration s’efface.
En commentant la symptomatologie et les lésions, on est amené à conclure que la cytisine est un poison ner- veux. Si l’on se rappelle que le bulbe régit le centre respiratoire, les innervations cardiaque, gastrique et vaso-motrice, on voit que la cytisine commence par stimuler les cellules bulbaires, stimulation qui se fait sentir sur les glandes salivaires pour en activer la sécré- tion, sur l’estomac pour amener des nausées et des vomissements et qui provoque des bâillements se liant au mécanisme respiratoire.
Le bulbe est ensuite attaqué plus vivement, proba- blement dans sa partie grise : de là les modifications de la respiration, de la circulation et de la calorification.
La sensibilité ne devient obtuse qu’à la dernière phase de l’empoisonnement, quand le dénouement approche.
La motricité est manifestement exaltée à toutes les
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 305
périodes de l’empoisonnement. Si la dose a été faible, il n’y a que de l’agitation et de l’excitation; si elle a été plus forte, un symptôme considérable apparaît, l’in- coordination des mouvements, l'agitation désordonnée, l’ataxie locomotrice. Enfin lorsque la dose a été massive et mortelle, des convulsions se montrent (le plus sou- vent cloniques, quelquefois toniques), des troubles cho- réiques, des crampes, des contractures spéciales comme l’opisthotonos. La contractilité des muscles est encore très nettement perceptible au moins un quart d’heure après la mort. |
On se trouve donc en présence d’une perturbation fonctionnelle de la motricité qui, partant de la simple excitation, aboutit au convulsisme.
Des observations précédentes, il se dégage de la façon la plus nette que la cytisine n’est point un narcotico- âcre comme on l’a avancé, mais bien un poison nerveux et spécialement bulbaire.
Principe actif. — Malgré d'importants travaux, la connaissance du principe toxique des Cytises n’est point complète.
Chevalier et Lassaigne furent les premiers chimistes qui se livrèrent à l'étude de ce corps et tentèrent de l'isoler. Ils obtinrent de l’Aubour un produit auquel ils donnèrent le nom de cytisine. Peschier et Jacquemin isolèrent le même produit du C. alpinus et considérèrent la cytisine comme identique à la cathartine du Séné. Après eux, Gray reprit la question et il conclut de ses études qu’il existe dans le C. laburnum, non seulement un alcaloïde, comme le croyaient Chevalier et Lassaigne, mais deux principes amers neutres, la laburnine et le cystinea, ainsi qu'un acide, l’acide laburnique. Huse- mann et Marmié, qui à leur tour s’occupèrent de ce sujet, obtinrent un alcaloïde qu’ils appelèrent /aburnine;
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306 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
mais Husemann, dans un travail ultérieur, nia l’exis- tence de la laburnine. Il affirma qu’il n’existe qu'un produit, la cytisine, tandis que la laburnine n’est que de la cytisine impure.
La cytisine a C°H*Az°O pour formule, elle forme
une masse blanche de cristaux rayonnés, sans odeur, de saveur amère, inaltérables à l’air. Elle se dissout dans l’eau en toute proportion; elle est également très soluble dans l’alcool, mais à peine soluble dans l’éther pur, le chloroforme, le sulfure de carbone et la ben- zine. Elle fond vers 154 degrés en un liquide huileux qui se prend en cristaux par le refroidissement. A une température plus élevée, elle se volatilise. Elle est soluble dans l’acide azotique et sa solution jaunit sous l'influence de la chaleur. La solution incolore de cyti- sine dans l'acide sulfurique concentré, additionnée d'acide nitrique ou d’acide chromique, jaunit, puis brunit et finalement passe au vert.
« La cytisine est énergiquement alcaline; sa saveur est légèrement caustique. Elle s’unit, soit à deux, soit à quatre atomes des acides monoatomiques, pour former des sels neutres dans le premier cas, acides dans le second. Les sels de cytisine ont une saveur amère plus prononcée que la base elle-même; ils sont très solubles et un grand nombre, notamment les sulfates, sont déli- quescents. »
Sans me départir d’une très prudente réserve, je vou- drais pourtant dire qu’à côté de la cytisine dont l’exis- tence n’est pas contestable, il pourrait fort bien exister, comme le pensait Gray, un ou plusieurs autres prin- cipes. En effet, pendant l'exécution des centaines d’expé- riences qu’a nécessitées le présent travail, j’ai remarqué que les symptômes de l’empoisonnement n'étaient pas toujours rigoureusement les mêmes dans des conditions
DT INA ER OPA TETE 3 RE de ENST SAS ES
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 307
en apparence identiques, comme cela devrait être la règle si l’on agissait sur un principe unique et toujours le même. C’est particulièrement quand je me suis servi de l'écorce, surtout de l’écorce de la racine, que j'aï noté ces différences symptomatologiques. Ne tien- draient-elles point à lexistence d’un autre principe dont la formation est peut-être liée à des conditions saisonnières restant à déterminer, apparaissant à côté de la cytisine puis s’épuisant et disparaissant? Je rap- pellerai que dans les tiges étiolées du C. laburnum on trouve de l’asparagine et j'émets le vœu que l'étude de l’écorce de la racine soit reprise par des chimistes
autorisés.
SOUS-ARTICLE IT. — DE L'ANAGYRE, DES CORONILLES, DE LA GLYCINE, DU SPARTIER ET DU TRÈFLE HY- BRIDE. |
Si nous réunissons ces espèces sous un même article, c'est que, pour quelques-unes, le principe toxique qu’elles renferment a déjà été étudié et que, pour les autres, l’'empoisonnement qu’elles occasionnent a été mal examiné jusqu’à présent.
Ï. — Anagyris. — Ce genre est constitué par des arbrisseaux à feuilles alternes, pétiolées, trifoliées, à sti- pules soudées oppositifoliées; fleurs jaunes, en grappes terminales, étendard plus court que les ailes; 10 étamines libres.
Une espèce doit être mentionnée à cette place, parce qu’elle croît dans le Midi de la France, dans toute la région méditerranéenne et dans nos possessions du
Nord de Afrique, c’est l’A. fætida, L. Elle est quel- __ quefois cultivée comme plante ornementale,
308 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
L'Anagyre fétide est un arbrisseau vénéneux partoutes ses parties, comme le Cytise, mais il offre peu de danger d’empoisonnement spontané en raison de l’odeur détes- table qu’il exhale. Il mérite pleinement le qualificatif de fétide que lui ont imposé les botanistes, et les bestiaux n’y touchent point. Dès 1553, P. Belon, relatant les obser- vations qu'il avait faites en Orient, disait en parlant de l’Anagyre fétide qu’il est « de si mauvais goust que les chèvres affamées ne le veulent brouter ». M. Vesque rapporte que ses graines, qui sont très toxiques, ont donné lieu à des méprises funestes à cause de leur res- semblance avec des haricots. Des soldats, en Algérie, se sont empoisonnés en les mangeant.
On pense que l’activité de l’Anagyre est due à un principe identique à celui des Cytises. Tout ce qui a été dit dans le précédent article à propos de l’empoi- sonnement par la cytisine est donc de tous points appli- cable ici.
IT. — Coronilla. — Genre composé de plantes frutes- centes ou herbacées, à feuilles imparipennées, 1-3 fo- lioles, très petites stipules. Fleurs en ombelles, calice à 5 dents courtes, inégales, pétales onguiculés, carène incurvée, étamines diadelphes, ovaire sessile. Légume allongé, à articles oblongs.
Parmi les espèces de ce genre, deux, C. emerus, L. et C. scorpioides, K. passent pour purgatives par leurs feuilles qui, d’ailleurs, sont assez peu recherchées du bétail. Deux autres, C. varia et C. fœtida ont fourni à l'analyse chimique une petite quantité de cytisine. Nous signalons ce fait parce que la culture de la Coronille à fleurs bigarrées (C. varia) a été préconisée à titre de plante fourragère. Avant d’entrer dans cette voie, il serait utile de s'assurer si l'alimentation prolongée
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 309
avec cette plante serait sans aucun danger pour les animaux.
III. — Wisteria. — Genre constitué par des lianes à feuilles imparipennées, à folioles ovales-acuminées, à calice bilabié, à étendard redressé et portant deux petits appendices à la base. Carène très recourbée. Etami- nes diadelphes. Légume allongé, à valves convexes. Graines réniformes.
Ce genre comprend deux espèces : L’une, Wisteria sinensis, D. C. encore décrite sous les appellations d’A- pios sinensis, Sp. et de Glycine sinensis, Curt. est dési- gnée communément sous le nom de Glycine de Chine, nom qui rappelle son origine. C’est une fort belle plante sarmenteuse et ornementale, bien acclimatée et très répandue chez nous à cause de la beauté de ses fleurs en grappes bleues qui répandent une odeur agréable.
On a accusé, à plusieurs reprises, la Glycine d’avoir occasionné des accidents de personnes, d’avoir provoqué des migraines, des nausées, du vertige et des désordres nerveux analogues, sinon identiques, à ceux que nous avons décrits à propos des Cytises. Il aurait suffi à des enfants de mâcher quelques brindilles de Glycine pour présenter les symptômes les plus graves (D' Leouffre).
S'il n’y a pas eu erreur dans la détermination spécifique de la plante incriminée, on est obligé d'admettre que la toxicité de la Glycine n’est que passagère et se manifeste seulement au commencement de l’année. avant la florai- son. Car il a été fait par plusieurs personnes et par nous- même des recherches sur la vénénosité de cette Légumr neuse en employant les racines, les feuilles, les tiges vertes ou desséchées, récoltées en été et en automne; les animaux d'expérience qui ont reçu les extraits aqueux
310 DES PLANTES VEÉNÉNEUSES.
ou alcooliques n’ont jamais présenté de symptômes morbides d'aucune sorte.
IV. — Spartium (Spartier). — Genre renfermant des arbrisseaux à calice persistant, fendu en dessus, à carène incurvée a 2 pétales distincts, à étamines mo- nadelphes, à style très long, à ovaire sessile et multiovulé. Légume linéaire, glabre, polysperme.
La principale espèce de ce genre est le Spartium jun- ceum. L. Spartier à rameaux jonciformes, connu vul- gairement sous le nom de Genét d'Espagne. Elle con- stitue un arbrisseau de 1 à 2 mètres de haut, à rameaux grèles, peu feuillus, riches en moelle, dont les fleurs d’un beau jaune doré répandent une odeur des plus suaves. [Il croît spontanément dans la région méditer- ranéenne et on le cultive parfois comme plante fourra- gère dans le Languedoc. Les bestiaux le mangent très volontiers. |
Mais l’observation a appris que ses jeunes pousses, broutées au printemps amènent sur les animaux des accidents du côté des voies urinaires et du tube digestif. On désigne sous le nom de Genestade, dans le midi de la France, l'affection qui résulte de cette alimentation. En médecine vétérinaire, on considère jusqu’à présent comme identiques les manifestations causées par le Genêt d'Espagne et celles qu’occasionne l’ingestion des jeunes pousses et des bourgeons de Chêne. Nous ren- voyons, en raison de cette circonstance, pour la patho- génie de la genestade à ce que nous avons dit, page 140, de l’hématurie par ingestion de pousses de Cupulifères.
Une autre espèce, Spartium scoparium, Spartier à balai, qui a été placée par Lamark dans le genre Genêt (G. scoparia) et dont Wimmer a fait le type de son genre Sarothamne (S. vulgaris), est communément désignée
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 311
sous le nom de Genêt a balai; elle comprend des végé- taux fort répandus dans les lieux incultes et que ies bes- tiaux broutent volontiers. Sa culture comme plante fourragère a été préconisée dans les terrains pauvres mais, ainsi que nous l’avons fait pour la Coronille, il est nécessaire de placer quelques réserves, car Stenhouse a découvert en 1850, dans cet arbrisseau, un alcaloïde auquel le nom de spartéïine a été attribué et qu’on rap- porte à la formule Ct* H* Az°. Son point d’ébullition est à 287 degrés, son odeur est pénétrante et sa saveur très amère. Incolore, plus dense que l’eau, la spartéine est soluble dans l'alcool, l’éther, le chloroforme, inso- luble dans l’eau, la benzine et les huiles de pétrole. Sa réaction est très énergiquement alcaline. Elle se combine avec les acides et forme avec l’acide sulfurique en excès, un sel soluble dans l’eau et cristallisable en gros rhom- boèdres.
L'étude de cette substance faite par Müils, par Fick, par Mitchels, a été reprise dernièrement par M. Germain Sée au point de vue médical. De ses recherches, il résulte qu’à l’état de sulfate de spartéine et à doses thérapeuti- ques, c’est un médicament précieux dans les affections du cœur. Il relève et tonifie cet organe, en régularise le rythme troublé et en accélère les battements. Mais il est toxique en quantité un peu forte.
La dose thérapeutique étant, d’après M. Sée, de o gr. 10 de sulfate de spartéine et 1 k. de la plante fournissant environ 3 gr. de principe actif, les restrictions que nous venons de faire au sujet de sa culture étaient néces-
saires.
V.— Trifolium. Tourn. (Trèfle). — Dans ce genre, l’un des plus'vastes et des plus riches en formes, nous avons une seule espèce à signaler et nous le faisons avec
312 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
réserve, il s’agit du 77. hybridum. L. (Trèfle hybride). La réserve dont nous parlons nous est dictée par la confusion qui règne dans les indications des auteurs qui ont parlé d’intoxications dues au Trèfle. Rappelons d’abord que deux espèces sont qualifiées de T°. hybri- dum; l’une est une plante méridionale, à tiges étalées, à fleurs blanches et à légume crénelé, qui a été désignée abusivement de cette sorte par Savi et qu’on a dénom- mée aussi 2. nigrescens. L'autre, appelée antérieure- ment T°. hybridum par Linnée, est une plante septen- trionale, assez rare en France, mais commune dans les pays du Nord où on la cultive comme fourrage. Nous croyons que c’est elle qui a été indiquée comme nuisible pour le bétail, sans en avoir toutefois une cer- titude complète. En effet, ce sont les vétérinaires belges qui l’ont signalée comme malfaisante, mais quelques- uns font suivre son nom scientifique de la mention « coucou des Français ». Or, dans notre pays, cette appellation populaire s'applique plutôt au 7. repens qu’au trèfle hybride, de telle sorte qu’un doute sub- siste sur l'identité de l'espèce incriminée. D’autre part, il a été avancé que le Trèfle hybride est inoffensif mais que les accidents en question sont dus au 7°. ele- gans qui mêle fréquemment ses tiges aux siennes. Pour arriver à fixer la science sur ce point, rappelons sommairement la description du 7. hybridum. L. Herbe vivace, à tige dressée dès la base, de 0,40 cent. de hauteur environ, fistuleuse et glabre. Feuilles à larges folioles, finement dentées avec des stipules très développés, ovales avec une pointe aiguë. Gros capitu- les en boules, à pédoncules souvent pubescents, plus longs, que les feuilles en vieillissant. Fleurs blanchâtres en s'épanouissant, passant au rose ensuite et brunis- sant à la fin. Calice glabre, à dents droites les deux su-
DES PLANTES VENÉNEUSES. 313
périeures plus longues; 2 à 4 graines dans le légume.
Bien qu’on ait conseillé de cultiver le Trèfle hybride comme plante fourragère, il est consommé avec hésita- tion par les animaux domestiques, particulièrement par le cheval.
Si l’on alimente exclusivement et pendant quelque temps cet animal avec ce Trèfle,on voit d’abord se décla- rer du ptyalisme qui s'accompagne promptement de stomatite; la quantité de salive rejetée est souvent con- sidérable. Si la cause n’est pas supprimée, des symptô- mes généraux apparaissent, 11s consistent en sueurs très abondantes, en mouvements convulsifs des mâchoires et parfois en une tuméfaction œdémateuse de la face et de la lèvre supérieure. On observe parallèlement les signes de l’irritation intestinale chronique et notamment des coliques sourdes. Dans les cas les plus graves, les membres pelviens s’engorgent, le pouls devient petit et irrégulier, l'appétit estabsolument supprimé; la marche est chancelante, les battements du cœur tumultueux, la conjonctive infiltrée et offrant, ainsi que la muqueuse buccale, une teinte jaunâtre prononcée. L'’attitude géné- rale du malade dénote une prostration profonde.
Si l'alimentation avec le Trèfle hybride remonte à quelque temps déjà, le pronostic est grave, les sujets peuvent succomber. Ce qui le rend plus fâcheux, c'est que la cessation du régime ne fait pas toujours dispa- raître le mal. Lorsque des lésions intestinales étendues et profondes se sont produites, il peut arriver que les animaux restent souffreteux, sans appétit PaRgane 20) 30 et même 40 jours, puis sec on EBe On n’a constaté que des lésions du tube digestif; les autres organes étaient sains.
L'étude chimique du toxique du Re hybride n’a pas été faite.
314 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Sous-ARTICLE III. = Du EuPIN °AUNE.
Le genre Lupinus Tour. renferme des plantes herba-
cées, à feuilles digitées, multifoliolées et stipulées, dont les fleurs en grappe terminale ont un calice bilabié, une carène en bec et des étamines monadelphes. La gousse est coriace, polysperme, à graines séparées par des épais- sissements.
Les espèces de ce genre sont nombreuses et plusieurs sont l’objet d’une culture étendue; on les utilise comme engrais verts, comme fourrages, comme plantes alimen- taires pour l’homme et même à titre de plantes orne- mentales.
Depuis un temps immémorial, une espèce, Lupinus albus, L. le Lupin à fleurs blanches, nommé aussi Pois de loup, Fève de loup (fig. 32), est cultivée dans les pays méridionaux et orientaux pour ses graines. Dépouillées de leur amertume par la macération, celles-ci étaient vendues cuites dans les rues de l’ancienne Rome, elles entraient pour une part dans l'alimentation des Grecs, des Égyptiens et elles sont encore employées aujour- d’hui au même titre par les habitants de l’Andalousie, de la Corse et du Piémont.
Les anciens ne nous ont transmis aucun récit d’em- poisonnement par cette plante et il y a lieu de sup- poser que si elle renferme une matière toxique, ce n’est qu’en fort petite quantité, puisqu'on ne l’incrimine pas dans les pays où l’homme la consomme encore.
Le Lupinus angustifolius, L. Lupin à fleurs bleues, dont les graines rondes, maculées de blanc et de gris sont caractéristiques, est cultivé dans notre pays par- ticulièrement pour la nourriture des moutons. Il a été laissé à peu près hors de cause jusqu’à présent dans
Ya PÉ CS EN UH SEE EME JÉMEIAET. {
F1ic. 32. — Lupin.
316 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
les relations des méfaits attribués à quelques Lupins.
Une autre espèce, également autochtone de la région méditerranéenne, mais répandue aujourd'hui dans toute l'Europe centrale, Lupinus luteus L. Lupin jaune, Lupin odorant, mérite d'arrêter notre attention à titre de plante dangereuse.
Ce Lupin est à tiges dressées de 0,80 centimètres de haut, à feuilles à 7-0 folioles, à fleurs jaune pâle, odo- rantes, pourvues de bractées {les fleurs du Lupin blanc en sont dépourvues). Entretenu d’abord comme plante ornementale, il a passé dans la grande culture, car il est moins amer que le Lupin blanc et il est accepté plus volontiers par les animaux. Il a pris une grande exten- sion surtout en Allemagne, aussi ne devra-t-on point s'étonner d'apprendre que dans ce pays, les ravages dus au principe nuisible qu’il contient sont considé- rables, et que l’empoisonnement qu’il occasionne y a été particulièrement étudié. On a donné le nom de lupinose, qu’il n’y a nul inconvénient à accepter, à cette intoxication.
Vers 1860, on a commencé, en Allemagne, à observer la lupinose sur les moutons et peu à peu l'attention s'est portée sur cette maladie en raison des ravages énormes qu’elle a causés dans les troupeaux. On en jugera par les seuls chiffres suivants : en 1880, dans la Poméranie, sur un effectif de 240 000 moutons, 14138 sont morts de lupinose, soit 5,89 p. 100. Un empoisonnement constaté sur l’homme en 1875, par R. Bellini, vint donner une nouvelle impulsion aux recherches relatives à cette intoxication. Des chimistes, des médecins, des vétérinaires s’en occupèrent acti- vement et des expériences furent instituées aux Ecoles vétérinaires de Berlin et de Hanovre par MM. Roloff, Schütz et Munk et par MM. Dammann, Arnold, Le-
st * A 4 *2 dd “ 7,18. Æe.. LI LA
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 317
mcke et Schneidemühl. (Voyez l'index bibliographique.)
La lupinose sévit spécialement sur le mouton, parce que cetanimal, plus que toutautre, est soumis au régime de cette légumineuse, mais la chèvre, le bœuf, le cheval, le chien, le lapin et le cobaye n’y échappent point lorsqu'ils sont soumis aux mêmes conditions causales, et nous avons vu plus haut que l’homme ne peut faire impunément sa nourriture de graines de Lupin jaune.
Plusieurs vétérinaires allemands prétendent que ce végétal, à partir du moment de sa floraison jusqu’à sa ma- turité, n'offre que fort peu de dangers s’il est pâturé sur place, mais qu’il devient dangereux lorsqu’il est remisé en grange après la coupe. Sa toxicité présenterait aussi de grandes variations et parfois elle serait si élevée qu’un seul kilog. de la plante suffirait à déterminer un ictère mortel chez le mouton. La dessiccation n’a pas d'’in- fluence sur le poison.
Lorsque les animaux sont soumis au régime à peu près exclusif du Lupin et de la paille, la maladie est par- ticulièrement intense, tandis qu’elle est bénigne s’il entre du foin, des tourteaux, des betteraves pour une certaine proportion dans la ration. Elle ne se montre pas si le Lupin ne forme qu’un appoint dans la ration et si l’on en interrompt de temps en temps la distribution. On estime, en Allemagne, qu’elle peut se déclarer sur le mouton, si chaque bête reçoit quotidiennement et sans interruption, au minimum 500 grammes de la plante avec gousses et graines bien formées, ou 300 grammes de gousses vides ou enfin seulement 100 grammes de graines.
La race, le sexe et l’âge des animaux attaqués n’ont paru avoir aucune influence sur son apparition; mais elle se déclare plus rapidement sur les individus chétifs et surtout cachectiques que sur les sujets vigoureux.
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318 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Chercher dans le Lupin un moyen d’enrayer la pourri- ture du mouton est une chimère. |
Symptômes. — La lupinose peut se présenter à l’état aigu ou à l’état chronique.
Dans le premier cas, les moutons sont frappés subite- ment. Il y a inappétence, dyspnée, fièvre intense. Le thermomètre accuse une augmentation de 1 degré au début, et de 1°5 les jours suivants; on constate de lhé- maturie, des troubles circulatoires et digestifs, des grincements de dents, des tremblements pouvant se transformer en contractions spasmodiques. Quelquefois il y a des phénomènes vertigineux, avec mouvement en cercle et poussée au mur. Puis l’ictère apparaît et traduit son existence par la coloration jaunâtre des muqueuses. Il est assez commun, mais non constant, de voir ensuite les paupières, les lèvres et les oreilles se tuméfier. La miction est fréquente, mais peu abon- dante, l’urine renferme de l’albumine; les excréments sont rares etsecs. L'animal est plongé dans un collapsus profond, l’amaigrissement progresse rapidement et la mort survient du 4° au 6° jour après le début du mal.
Dans le second cas, les symptômes sont moins accu- sés, particulièrement les phénomènes nerveux; ce sont les signes de l'hépatite chronique interstitielle qui do- minent. La tuméfaction de la tête apparaît comme dans le premier cas, mais elle se délimite bien. Il y a des troubles digestifs qui indiquent une gastro-entérite chronique. Cet état dure 15 à 20 jours pendant lesquels les œdèmes céphaliques s’éliminent par gangrène et où les animaux restent languissants et sans appétit.
La gravité de la lupinose est considérable sur le mou- ton, comme nous l'avons déjà dit, et lorsque la mort n’en est pas la terminaison, les animaux restent ectiques par suite de l’atrophie du foie; il est rare qu’ils se guérissent
1
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES,. 3:9
tout à fait. Dans les autres espèces, la mortalité n’est pas moindre, car sur un effectif de 44 chevaux atteints de lupinose et suivis par Roloff et Schütz, 11 moururent.
Lésions. — Dans la lupinose aiguë, le foie est ramolli, exsangue, d’une couleur jaune safranée, partielle ou totale, qui toutefois n’est pas constante. Les reins sont enflammés, l’urine renferme de la matière colorante de la bile, à peu près toujours de l’albumine et souvent aussi des cylindres hyalins ou granuleux. La rate est molle et tuméfiée, les premières voies digestives sont enflammées, il y a épanchement de sang dans le canal intestinal, le péritoine, l’endocarde, le médiastin, sous formes de taches de dimensions variables; on peut en voir sur la peau. Les muscles ont une coloration gris jaunâtre. L’æœdème du poumon, du larynx et de la pie- mère est constant.
Dans la lupinose chronique il y a ou dégénérescence graisseuse du foie ou atrophie avec coloration jaune ou rouge, dégénérescence graisseuse des reins et lésions de la gastro-entérite chronique. Sur le cheval, les lésions intestinales dominent à peu près exclusivement. On a assimilé les lésions hépatiques de la lupinose à celles de l’intoxication aiguë par le phosphore.
Les conséquences de ce qui vient d’être dit s’im- posent d’elles-mêmes. L'agriculteur devra être réservé dans l’emploi du Lupin jaune pour ses animaux, surtout des graines. (N’étaitson amertume, le Lupin blanc con- viendrait mieux.) Jamais on n’en devra constituer la
ration exclusive du troupeau, mais on l’associera à d’au-
tres aliments, on en interrompra de temps en temps l'usage et si des cas de lupinose se déclarent, son exclu- sion du régime doit être complète.
Abstraction faite des principes suspects qu’il ren-
ferme, le Lupin tient l’un des premiers rangs parmi
320 DES PLANTES VÉNÉNEUSES:
les aliments, en raison de sa richesse en matières pro- téiques. Il serait tout indiqué pour la ration des jeunes bêtes, agneaux et veaux, en période d’accroissement ainsi que pour relever la relation nutritive de plusieurs aliments, particulièrement des résidus industriels, riches en matières hydrocarbonées mais pauvres en protéine.
Aussi s’est-on beaucoup préoccupé des moyens de rendre les Lupins.inoffensifs. Celui qui se présente le premier à l’esprit est la macération, soit dans l’eau aci- dulée, soit de préférence dans l’eau alcalinisée qui dissout passablement le principe nuisible.
M. Glaser, de Berlin, avance qu’en stratifiant des graines de Lupin avec les aliments qu’on ensile d’ordi- naire, maïs-fourrages, drèches, pulpes, etc., et qui subis- sent en silo la fermentation acétique, la légumineuse devient inoffensive sous l'influence de lacidification. D’après cet observateur, il se dégagerait, pendant la fer- mentation, des principes toxiques, spécialement de la conicine et de la conhydrine qui viendraient s'accumu- ler dans les couches superficielles des silos. D’où la nécessité d’avoir la précaution, lorsque le moment est venu d'utiliser les aliments ensilés, d'enlever ces couches qui sont d’ailleurs, pour d’autres raisons, sou- vent inutilisables.
M. Glaser affirme que la consommation du mélange s'effectue très bien par les animaux et que la lupinose n'apparaît pas.
Après ce qui a été exposé plus haut, il est superflu d'indiquer que les graines de Lupin jaune doivent être proscrites de l’alimentation humaine.
On ne connaît pas jusqu'ici d’antidote du poison élaboré par cette légumineuse. En raison du nombre et de l’étendue des lésions ainsi que de notre ignorance actuelle sur les lieux d’élection du toxique, il ne
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 3er
semble guère possible d'autoriser la consommation de la viande d'animaux atteints de lupinose.
Principes actifs. — Depuis que l’étude des accidents dus au Lupin jaune est à l’ordre du jour, les chimistes se sont efforcés d’en isoler le ou les principes nui- sibles, mais ces recherches ne sont pas parachevées, Il semble pourtant s’en dégager dès à présent que cette légumineuse ne contient pas une seule, mais plusieurs substances nocives.
Stener crut que le Lupin renfermait de la méthy lconi- cine qui le rendait toxique. Les travaux de M. Krocker lui firent apercevoir plusieurs alcaloïdes dans cette même plante. M, Baumert, qui s’occupa aussi de ce sujet, prétendit que le véritable principe actif du Lupin est un alcaloïde qu’il appela Zlupinin et dont la formule est
-C?! H*° Az? O?, Il jouerait le rôle d’une base biatomique
et serait capable de déplacer l’ammoniaque dans les sels ammoniacaux. M. Baumert en aurait préparé plusieurs composés salins tels que sulfate, nitrate, chlorure.
Schulze et Barbieri appelèrent lupinidine un glycoside non azoté qu'ils réussirent à extraire du Lupin.
Arnold, qui vint à son tour, appela lupinotoxine le corps qu’il crut capable de produire la lupinose, corps que Kuhne avait désigné précédemment sous le nom d’ictérogène, pour bien indiquer sa principale fonction pathogénique.
Assez récemment, on a extrait des cotylédons du Lupin jaune de l’arginine, substance fortement alcaline, facilement soluble dans l’eau et dont la formule est C‘H“*Az'O?.
Et comme si ce n’était pas assez de confusion, les observateurs allemands se divisent à leur tour sur la question de savoir si ce sont les corps extraits de la
plante incriminée qui occasionnent véritablement la
21
322 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
lupinose. Plusieurs ne leur attribuent qu’une faible importance dans sa production; dans leur opinion, elle serait due à la fermentation du Lupin, pauvre en amidon et en matière grasse, fort riche en protéine végétale. Ils ne nient point les propriétés toxiques des principes extraits, mais ils soutiennent que ces prin- cipes introduits expérimentalement dans l’organisme des animaux, après leur préparation à l’état de pureté chimique, agissent à la façon des poisons nerveux en déprimant l’encéphale, les nerfs vaso-moteurs, la fibre musculaire et le centre respiratoire, mais ne produi- sent pas l’ensemble des lésions de la lupinose.
Leurs adversaires leur ont opposé une série d’expé- riences où ils s'étaient efforcés d'éviter toute fermenta- tion et où ils prétendent avoir obtenu la lupinose.
Sans intervenir dans le débat, faisons pourtant re- marquer qu'autre chose est d’administrer expérimenta- lement une dose plus ou moins forte d’un principe isolé chimiquement et autre chose de donner pendant long- temps la plante productrice de ce principe. Dans ce dernier cas, l’introduction s’en fait journellement mais en très minime quantité, ses effets se combinent parfois avec ceux d’autres principes coexistants, d’où produc- tion de symptômes différents et plus complexes.
Quoi qu’il en soit de toutes ces divergences, on admet que le principal toxique du Lupin est insoluble dans l’éther, l’alcoo!l et la glycérine, qu’il est peu soluble dans l’eau acidulée, mais très soluble dans les liquides alcalins; les solutions de carbonate de potasse con- viennent bien pour son extraction.
L’ébullition sous pression, à une température de 140 degrés C. prolongée pendant 4 heures, a affaibli la toxicité du Lupin, mais ne l’a pas fait disparaître totale- ment; le liquide qui passe à la distillation est vénéneux.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 323
Une température de 70 degrés, pendant 24 heures, ne détruit pas non plus la vénénosité. Des gousses soumises pendant 6heures à une température de 120 degrés étaient encore vénéneuses et des graines laissées à macérer pen- dant 4 semaines dans de l’alcool à 90 degrés, n’avaient point perdu leur activité.
Si l’on soumet l'extrait à une pression de 2 atmo- sphères 1/2, il perd sa toxicité, (Roloff, Schutz et Munk.)
On n’est pas encore en mesure, actuellement, de dire si les principes nocifs, introduits dans l’économie, y subissent des décompositions ou entrent dans de nou- velles combinaisons, surtout quand l’empoisonnement est le résultat de l'alimentation prolongée avec le L. luteus. Il y a de nouvelles recherches à faire auxquelles Ja médecine légale est spécialement intéressée.
Sous-ARTICLE IV. = DEs GESSES.
Le genre Lathyrus, L. (Gesse), est constitué par des plantes herbacées, pourvues de stipules et de vrilles. La corolle présente bien le type des Papilionacées, avec 10 étamines didelphes ; gousse BORIS BRMRES lisses, anguleuses, grises, tachetées de noir.
is espèces que contient ce genre sont assez nom- breuses : les unes sont cultivées et fournissent des graines qui entrent dans l’alimentation de l’homme et un fourrage pour les bestiaux; les autres croissent spon- tanément dans nos moissons, le long des chemins, dans les haies, etc. Comme la condition déterminante des effets nuisibles des Gesses est leur administration à peu près exclusive et en tous cas prolongée, il en résulte que ce sont les espèces cultivées qui ont été particulière- ment accusées.
,
34 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Les Gesses spontanées indigènes, administrées dans les mêmes conditions, seraient-elles toutes vénéneuses ou quelques-unes seulement possèderaient-elles cette propriété? Actuellement, nous ne sommes pas en mesure de répondre à ces interrogations.
Nous savons seulement que dans leur nombre, quatre ont été incriminées : L. purpureus, L. aphaca, L. amcæ- nus et L. Clymenum, cette dernière propre à l'Algérie.
Le L. amœænus, Fenzl. croît en Asie Mineure, en Syrie,
en Palestine, en Perse et dans l’Inde; ce n’est peut-être qu’une variété du L. cicera. Si on veut l’élever au rang d’espèce, elle reste très voisine de celle-ci, dont elle ne diffère guère que par des feuilles plus larges, des pédon- cules allongés, une plus grande diversité de couleurs et par une gousse polysperme plus longue, marginée, por- tant 3 carènes sur les bords et pas d’ailes. Graïn irré- gulier, gris lilas.
Dans l'Inde, cette Gesse est désignée sous les noms de Kaisari Kaisar, Tiura, Tiuri et Latri. Elle com- mence à arriver en Europe avec les céréales des posses- sions anglaises de l’'Extrême-Orient et elle a déjà causé des pertes d'animaux. Nous avons été consulté, il y a trois ans, pour une affaire où les accidents arrivés à des chevaux étaient dus à cette Légumineuse.
Le groupe des Gesses est si naturel qu’il y a des pro- babilités pour que d’autres espèces spontanées produi- sent aussi à la longue de fâcheux effets.
Parmi les espèces cultivées, trois sont citées comme vénéneuses, ce sont : L. odoratus, L. cicera et L. satr- vus. On admet que les deux dernières espèces s’hybri- dent ou mieux se croisent et produisent une forme intermédiaire à graines également toxiques.
L'espèce L. odoratus, L. Gesse odorante, Pois de sen- teur, Pois musqué, n’est cultivée qu’à titre ornemental;
y nés des “sf. du ion ’ 7.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 325
ses graines n’entrent point dans la consommation de homme ou des animaux. Il suffit de signaler sa véné- nosité, sans y insister davantage.
Quant aux espèces L. cicera et L. sativus, leurs pro- priétés ont donné lieu à des discussions nombreuses et stériles. Actuellement, quelques personnes persistent encore à leur dénier toute toxicité ou à attribuer, dans les cas d’empoisonnement, la cause du mal aux altéra- tions qu’elles auraient subies.
Le motif d’une semblable diversité d’opinionstouchant des faits qu’il suffit pourtant de constater, tient à ce que l’on ne s’entend point sur les choses dont on parle. Effectivement, dans les discussions on se sert couram- ment de l’expression Jarosse ou Jarousse; or ce mot, suivant les contrées, désigne le L. cicera, le L. sativus, l'Ervum ervilia et l'Ervum monanthos. À cette première cause de confusion s’en ajoutent deux autres : des per- sonnes, peu rigoureuses sur la précision du langage, emploient indifféremment les expressions de Gesse chiche et de Pois chiche, confondant ainsi le L. cicera avec le Cicer arietinum. D’autres commettent une confusion semblable en se servant des mots Pois cornu qu’on a appliqués et qu’on applique journellement à ces deux mêmes espèces.
D'une pareille logomachie, ne pouvait rien sortir de précis quand il s’est agi de discuter les propriétés des Gesses que nous cultivons. Comment s'entendre si, quand l’un parle du Pois cornu, il envisage la Gesse chiche, espèce incontestablement vénéneuse, tandis que son interlocuteur applique ce nom au Pois chiche, espèce non moins incontestablement inoffensive, ali- mentaire et fort estimée ? | . N’insistons pas davantage et affirmons qu’aujourd’hui la toxicité du L. sativus et du L. cicera ne peut laisser
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place au moindre doute. D'ailleurs la première fut long- temps regardée avec Lamark comme une variété de la seconde.
Leur vénénosité est- elle égale? I1 semble que, dans notre pays, la supériorité sous ce rapport appartienne à la Gesse chiche et que la Gesse cultivée, qu’on appelle encore Lentille d'Espagne, Gesse à larges gousses et Pois carré, soit moins dangereuse. Mais sous d’autres climats, celle-ci acquiert une activité égale à la Gesse chiche; elle a occasionné dans les Indes anglaises une grande mortalité sur les indigènes qui s’en nourris- saient. Importée depuis quelques années en Angleterre, où ses graines sont désignées couramment sous le nom de pois nine elle a causé de nombreux accidents sur le bétail auquel on l’a distribuée.
Les effets du L. cicera ayant été très bien étudiés en Europe, dans l’une et l’autre médecine, nous allons prendre cette Gesse pour type de nos descriptions; ce
que nous en dirons au point de vue toxicologique
pourra s'appliquer aux autres espèces cultivées.
Lathyrus cicera, L. La Gesse ciche, Gesse chiche, Jarosse, Jarousse, Garousse, Pois breton, Pois cornu, Pois chabot, Garande, Jarande, est une plante qui croît spontanément en divers endroits de la France méridio- nale et notamment en Corse. On la trouve aussi, à la fois spontanée et cultivée, en Kabylie où elle reçoit le nom de djilben boueniete; en Espagne et en Italie où elle est exploitée comme plante potagère et comme plante fourragère. En France, elle est cultivée “exclusi- vement pour le bétail, sauf dans quelques localités du Midi, où on la fait entrer dans l’alimentation humaine.
La Gesse chiche est une plante herbacée, annuelle, de 20 à 80 centimètres, à tige grimpante, à feuilles alternes,
+ ATARI
328 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
stipulées à la base, à pétiole ailé, terminé par une vrille à 2-4 divisions. Folioles lancéolées. Fleurs solitaires à pédoncules portant deux bractéoles. Calice gamosé- pale à cinq dents. Corolle papilionacée, rougeûtre. Gousse comprimée, glabre, oblongue. Graïnes angu- leuses, lisses et tachetées de noir.
Pendant la première partie de sa végétation et jus- qu'après la floraison, la Jarosse n’a point été accusée d’être vénéneuse et de produire des accidents. On la distribue à titre de fourrage vert, particulièrement aux bêtes ovines et bovines qui en sont très friandes et il n’a pas été enregistré d’accidents de son fait. Mais à partir de la formation de la graine dans la gousse, elle est dangereuse; le processus formatif du poison semble avoir lieu parallèlement à celui du grain. L’agriculteur devra toujours s'arranger pour que la coupe de la Gesse chiche soit faite avant qu’elle porte semence.
A dater de ce moment le grain, soit entier, soit réduit en farine, est la partie la plus vénéneuse, mais la tige, les feuilles et les gousses, dépourvues de graines, sont également nuisibles à la santé. La dessiccation n’a pas d'influence sur la toxicité. Il a été avancé que la cuisson et l’ébullition détruisaient le principe véné- neux. Il est possible que l’action très prolongée de la chaleur amène ce résultat, mais dans les conditions ordinaires, la cuisson d’un pain fait à.la farine de Gesse ne lui enlève pas sa vénénosité, les exemples en sont nombreux ; il en est de même de la cuisson de la bouillie.
Quant à l’ébullition, des expériences répétées m’ont fait voir que le poison est abandonné, en partie tout au moins, à l’eau d’ébullition et non volatilisé complète- ment, car l’introduction d’un pareil résidu dans l’orga- nisme a constamment causé la mort des sujets employés pour les recherches. En revanche, les graines cuites ou
cera dans le pain (Leroy de Méricourt)
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 329
bouillies ont perdu la plus grande partie de leur tozi- cité et ne produisent pas d’accidents, si l’eau de cuisson a été jetée.
Lorsque les Gesses sont données aux animaux con- cassées ou réduites en farine, les phénomènes morbides apparaissent plus rapidement que si elles sont distribuées entières et sans avoir subi ces opérations.
De tout temps, la Légumineuse qui nous occupe en ce moment a été considérée comme vénéneuse. Hippo- crate, Columelle et Pline parmi les anciens la signalaient déjà; parmi les modernes Olivier de Serres, Ramazzini (1691), Duvernoy (1770), Targioni Tozzetti (1784), plus récemment Vilmorin, Yvart, plusieurs médecins français et étrangers, ont rapporté des accidents survenus dans l'espèce humaine. De leur côté, les vétérinaires ont été à même de constater de nombreux accidents de ce genre dont ils ont recueilli les observations. On trouvera au bulletin bibliographique l'indication des principaux travaux des médecins et des vétérinaires sur ce sujet.
J’ajouterai que dès 1671, un édit de Georges, duc de Wurtemberg, interdit de faire entrer la farine de L. ct-
De l’ensemble des observations recueillies dans les deux médecines, il résulte que l’intoxication par la Ja- rosse est une des mieux connues aujourd’hui; pour en tracer le tableau, nous n’aurons qu’à les résumer.
Avant d’aller plus loin, disons que le professeur Can- tani (de Naples) a eu l’heureuse idée de désigner cette
‘intoxication sous le nom significatif de lathyrisme, qui
a été adopté sans opposition par le monde médical. M. Proust a proposé plus récemment de la nommer lathyrisme médullaire spasmodique. On l’appelle cou- ramment en Italie mal de Cicerchie eten Kabylie meurd djilben (maladie du djilben).
30 DES PLANTES VEÉNÉNEUSES.
Lo
Le lathyrisme a été observé sur l’homme, le cheval, l'âne, le mulet, le mouton, le porc, les oiseaux de basse- cour, le chien, le lapin et le cobaye. Je ne connais d'autre relation concernant le bœuf que celle faite par le D' Kirch; cet observateur rapporte que dans l'Inde, les habitants de Sangor sont persuadés que les bœufs nourris de Gesse chiche perdent l’usage de leurs membres.
Quelle que soit la partie du végétal employée, la con- dition de nocivité est qu’elle entre pour une forte proportion dans l'alimentation et que son usage soit prolongé. L’âge des sujets ne paraît pas avoir d’action sur la facilité d'intoxication. ;
Les observations recueillies en Kabylie par MM. Bour- lier et Astier, lors d’une épidémie de lathyrisme, ont fait voir que c'était généralement vers le quatrième mois de l’alimentation avec des galettes ou du kous-koussou de Gesses chiches que les accidents se déclaraient sur l’homme.
Celles prises sur les chevaux par plusieurs vétérinai- res de notre pays et de l’étranger, ont appris que laf- fection s’est montrée à partir du 10° jour après le début de l’alimentation avec la Gesse, quand celle-ci constitue exclusivement la ration, et seulement vers le 87° jour quand elle n'entre que pour un à deux litres de graines associées à une quantité suffisante d'avoine, de foin et de paille.
Il faut noter aussi que la maladie est susceptible de se déclarer après la cessation de l’alimentation incri- minée. On l’a vue apparaître sur des chevaux, ANATARÉE" trois et même cinquante-quatre jours après qu’on eût cessé l’usage de la plante.
Chez l'homme, les médecins considèrent l’action du froid humide comme adjuvante, car c’est habituellement
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 33:
après qu’il y a été soumis que la maladie apparaît sur lui.
La Gesse produisant une intoxication chronique, il est difficile de dire quelle quantité de cette plante est nécessaire pour amener la mort; car s’il y a accumula- tion du principe toxique dans l’économie, ce qui paraît incontestable, il est peu probable que la totalité du poison s’emmagasine. Quoi qu’il en soit, les observa- tions faites en vétérinaire ont établi que lorsqu'un che- val a ingéré de 100 à 120 litres de Jarosse en grains ou 350 à 400 k. de Jarosse en fourrage sec, les accidents se déclarent. |
En expérimentant sur un chien de taille et de poids moyens, j'ai vu qu’en faisant bouillir 5 litres de graines dans quantité suffisante d’eau, en concentrant le résidu et l’injectant hypodermiquement, on amenait la morten 24 heures. En agissant de même sur le cobaye, 300 gr. de graines ont suffi. ;
Symptomatologie. — Dans l’espèce humaine, le plus souvent c’est à la suite d’un refroidissement que la ma- ladie débute. Parfois elle surgit brusquement et atteint d'emblée son maximum. D’autres fois la marche est pro- gressive; le malade constate à son réveil que ses mem- bres inférieurs refusent d’obéir à sa volonté; s’il essaie de se lever, ses jambes sont affectées d’un tremblement qui se propage au reste du corps. Il y a, mais non con- stamment, de l’incontinence d’urine, des douleurs en ceinture, de la pesanteur du ventre, des irradiations douloureuses dans les membres. Ces derniers symp- tômes ne dépassent pas l’ombilic et ils sont toujours plus accusés à gauche qu’à droite.
« Une fois la maladie confirmée, elle est caractérisée par des signes constants et des signes inconstants. Les signes constants sont la paresse, l’exaltation des réflexes
332 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tendineux, les contractures d’abord passagères, plus tard permanentes. Tous ces accidents sont localisés aux membres inférieurs et accompagnés de tremblement. Les signes inconstants sont surtout des troubles de Ia sensibilité.
a Rien n'est plus caractéristique que la démarche. Quand une jambe doit se mettre en mouvement, il y a une forte projection du corps en avant et latéralement, du côté opposé au membre qui va se mouvoir, suivie brusquement d’une contraction dans les muscles des gouttières vertébrales amenant un mouvement de redres- sement de la partie supérieure du corps; il semble que les hanches qui oscillent et surtout font osciller tout le corps aient à soulever un poids considérable; la jambe reste raide, le genou fléchit peu ou pas du tout; le pied qui ne peut se redresser est allongé outre mesure la pointe tournée en dedans, les orteils relevés vers la face dorsale. Les genoux pressent fortement l’un contre l’autre et toute la jambe est animée d’un mouvement de trémulation rapide. Si le malade rencontre un fossé même peu profond ou un obstacle, les mouvements deviennent désordonnés et la chute est imminente si personne ne vient lui offrir un point d’appui solide » (L. Astier).
- On a fait remarquer que le lathyrisme réalise les symptômes du tabès dorsal spasmodique. Il est à noter que les membres supérieurs sont vigoureux, la parole facile, l'intelligence conservée. Pas de troubles trophi- ques; rien du côté de la vision, ni du côté de l'appareil digestif. Les fonctions génitales, excitées au début, tom- bent peu à peu à néant pendant le cours de la maladie.
On a rapproché aussi le lathyrisme d’une maladie exotique, le béribéri, qui est encore incomplètement connue en France.
292 AA LÉ CES ER he
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 333
En regard des symptômes observés sur l'espèce humaine, nous allons présenter le tableau de ceux fournis par les animaux domestiques et en particulier par le cheval. Pour cet animal, nous l’empruntons à MM. Baillet et Reynal. R
« Au repos, à l'écurie, les chevaux ont toutes les ap- parences de la santé, à part l'injection et la rougeur des muqueuses apparentes, de celle de l’œil notamment, rien dans l’état extérieur ne dénote que ces animaux sont malades. Si on les fait sortir de leur stalle, on con- state un affaiblissement marqué dans le train postérieur, une gêne dans les mouvements et une sorte de balan- cement qui peuvent tout d’abord en imposer et faire croire à un eflort des reins. Après un exercice de dix minutes au pas chez les uns, au trot chez les autres, on entend à distance un sifflement aigu qui se produit dans la partie supérieure des voies respiratoires, et qui, chez certains animaux, prend bientôt les caractères d’un cor- nage affreux, accompagné de beuglements et d’une dyspnée suffoquante. Cela se produit surtout si l’on exige que l'animal prenne une allure plus rapide, ou simplement si l’on prolonge la durée de l'exercice. Les naseaux se dilatent alors outre mesure, les bat- tements du flanc et du cœur s’accélèrent, le corps se couvre de sueur, les muqueuses apparentes rougissent, les veines superficielles se gonflent, l’asphyxie de- vient imminente, et les chevaux succomberaient infailli- blement si la marche n'était ralentie ou brusquement arrètée. |
« La locomotion est à peine suspendue que peu à peu les symptômes s’apaisent et diminuent d'intensité. Dix minutes, un quart d'heure ou une demi-heure après que l’animal a été laissé au repos, la respiration si gra- vement troublée revient à son état normal, le cornage
334 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,.
cesse, et si l’on rentre l'animal à l’écurie, il piaffe, il s'ébroue, cherche à manger et ne PERSQREE plus aucun des symptômes précités.
« Le tableau que nous venons de tracer est l’expression fidèle de ce qui se passe chez les animaux qui sont le plus gravement atteints; mais nous devons nous hâter de faire observer que les symptômes ne sont pas toujours aussi fortement accentués, et que chez quelques che- vaux, le cornage paraît compatible jusqu’à un certain point avec la santé; il ne se fait entendre que pendant le travail et alors seulement que le tirage exige, de la part du sujet, de violents efforts de traction.
« Mais si le cornage se présente parfois avec ce carac-
tère moins alarmant et moins préjudiciable aux intérêts
du propriétaire, il est des circonstances où il apparaît, au contraire, même lorsque les animaux sont laissés au repos le ue absolu. M. Verrier rapporte, en effet, qu’un cheval, déjà atteint sous l'influence de la Jarosse d’une paralysie incomplète, fut pris à l’écurie et sans cause connue, d’un premier accès de cornage qui ne dura pas moins de trois heures, et qu’il eut trois jours après, au milieu de la nuit, un nouvel accès semblable au pre- mier pendant lequel il mourut asphyxié.
« L'état morbide déterminé par l’usage de la Gesse chi- che se complique quelquefois d’une congestion sur la portion lombaire de la moelle épinière, bientôt suivie de paralysie. Il n’est même pas rare de trouver, dans l'écurie, un des chevaux alimentés avec la Jarosse, cou- ché sur la litière. C’est en vain que l’on cherche alors à le faire relever, car déjà il y a une perte complète du mouvement et de la sensibilité.
« Le plus ordinairement cette paralysie est précédée par une gêne évidente dans les mouvements de progression, par des tremblements, par une faiblesse du train de
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 335
derrière et par une boiterie particulière de l’un des mem- bres postérieurs. M. Verrier qui a observé d’assez nom- breux exemples de cette paralysie l’a vue, dans quelques cas, déterminer la mort, avant même que le cornage ait apparu. Dans d’autres circonstances, elle a été accom- pagnée de ce dernier symptôme et, pour plusieurs animaux, On a vu le cornage déterminer la mort par asphyxie, alors qu’on avait obtenu une amélioration évidente du côté de la paralysie générale ou de la para- plégie; tandis que, pour d’autres, la paralysie suivant sa marche a mis les sujets hors de service, après qu’on ‘eût pratiqué la trachéotomie. |
« Chez quelques animaux, on observe une surexcita- tion extrême. Ils manifestent au moindre attouchement, au moindre bruit, une très grande sensibilité : l’œil est vif, hagard, très impressionnable à la lumière; la colonne vertébrale est raide, immobile; des tremblements et des piétinements intermittents agitent les membres posté- rieurs; on croirait les animaux sous le coup du tétanos.
« Enfin certains chevaux, pendant la durée de l’alimen- tation avec la Jarosse, sont exposés à des congestions sanguines sur les intestins, à des indigestions graves, souvent vertigineuses, qui s’accusent par des coliques très violentes, des mouvements désordonnés et par cet ensemble de symptômes nerveux caractéristiques du vertige symptomatique. » ,
_. À ce tableau, nous ajouterons quelques documents recueillis en Angleterre dans ces dernières années.
A côté des troubles respiratoires qui aboutissent à l'apnée, il y a des désordres circulatoires importants; le cœur bat irrégulièrement avec des temps d’arrêts très manifestes, le pouls devient petit, accéléré et également irrégulier, au repos il oscille autour de 80 pulsations à la minute pour monter jusqu’à 150 et 160 pendant un
336 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
exercice même modéré. On sent manifestement le pouls veineux à la jugulaire. Sur les chevaux très malades, on peut percevoir distinctement, même au repos, des vi- brations dans la région du larynx.
Malgré l’état du pouls, la température ne s’élève pas, elle s’abaisse plutôt, assez peu d’ailleurs.
On a signalé aussi l’apparition d’éruptions cutanées qui débutent souvent dans la région du garrot et s’éten- dent peu à peu de tous côtés. Un examen minutieux de la cavité buccale décèle également parfois une éruption semblable sur les gencives et les joues.
Lorsque le mal est très avancé, les poils et les crins’ se détachent avec une grande facilité, l’'amaigrissement apparaît et une fois le travail de dénutrition commencé, il marche rapidement, De larges plaques de peau sont dépourvues de leurs phanères, le sujet se déplace avec difficulté et se couvre de sueurs au moindre exercice. La mort arrive brusquement par apnée, |
Pour donner une idée de la symptomatologie dans l’empoisonnement du mouton, nous allons emprunter une relation publiée par M. Dus, vétérinaire à Mehun (Cher), qui eut à traiter un lot d’agneaux nourris exclu- sivement depuis deux mois et demi avec de la Jarosse récoltée à maturité et donnée non battue.
.« En mai 1871, M. B. me fit appeler pour me consul- ter au sujet d’un lot d’agneaux âgés de 5 mois environ, moitié mâles, moitié femelles, en tout 125 têtes, atteints . d’une affection commune qui se caractérise par l’impos- sibilité où sont ces animaux de se tenir debout sur leurs membres antérieurs, ce qui les oblige à se traîner sur les genoux, le train de derrière restant complètement libre de ses actions.
« Examinés à la bergerie, ces animaux se tiennent cou- chés beaucoup plus longtemps que de coutume. Malgré
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 337
tout, ils ont l’œil vif, la physionomie très attentive à ce qui se passe autour d’eux, sont faciles à effaroucher et fuient volontiers lorsqu'on les approche. L’appétit est parfaitement conservé et ces agneaux prennent leur repas au ratelier dans l'attitude de l’agneau qui tette sa mère.
« Si l’on oblige ces animaux à se déplacer, ce que Pon obtient facilement, le train de derrière seul se redresse, les membres antérieurs restent fléchis et ces agneaux cheminent en exécutant une espèce de reptation sur le moignon représenté par l’avant-bras doublé de l’extré- mité métacarpo-phalangienne, mais cela avec beaucoup d'énergie et de vivacité. On serait tenté de croire qu’ils affectent volontairement ce genre de locomotion anor- male.
« Si l’on cherche à remettre ces animaux en position quadrupédale, ils s’y maintiennent, mais à la condition de rester immobiles ou de ne se déplacer qu’avec une extrême lenteur, en exécutant des pas excessivement raccourcis; car si le train postérieur imprime au tronc une impulsion trop considérable, les membres de devant se dérobent sous le poids du corps et l’animal retombe dans son attitude primitive... La sensibilité de cette partie du membre était singulièrement émoussée, les animaux restaient indifférents à la piqûre d’épingle. »
On fit cesser le régime et trois semaines après, les agneaux avaient récupéré leur liberté d’allures.
Des porcs atteints de lathyrisme furent observés par le D' Ferrares, dans les Abruzzes ; ils devinrent para- lysés des extrémités postérieures.
Des oies et des paons ont été empoisonnés par une
pâtée de farine de Jarosse,
Lorsqu’à l’aide d’une dose massive donnée dans un but expérimental, on se propose de tuer très rapidement
22
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338 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.,
un chien, dans 24 à 30 heures par exemple, on observe, un quart d'heure après introduction du poison dans l'organisme, des tremblements puis des secousses spas- modiques, commençant en général eux membres pos- térieurs pour se propager à lilio-spinal, aux muscles du cou et enfin aux membres antérieurs. Plaintes et cris. L’animal s’étend comme s’il était sous le coup d’une fatigue extrême. Environ dix heures après l’injec- tion, il y a nausées et vomissements. Profonde tris- tesse. L'animal peut à peine se servir de ses membres postérieurs. À partir de la 15° heure, il vacille et ne peut avancer sans culbuter. Il finit par s'étendre de tout son long et n’obéit plus aux incitations faites pour le forcer à se lever. Respiration très ample, mais non accélérée. |
A la 20° heure, la motilité est abolie, l'animal laisse ses membres dans la position où on les place. Mort sans convulsions de la 24° à la 30° heure.
Lésions. — Sous l'influence de l’alimentation par la Jarosse, le liquide sanguin éprouve des modifications qui font dire aux agriculteurs que cette plante pousse au sang. En effet, il se coagule plus rapidement qu’à l’état normal, la quantité de fibrine et d’albumine augmente ainsi que le nombre des globules proportionnellement au sérum; mais ces modifications se font remarquer après l'emploi de toutes les Légumineuses, vénéneuses ou non, et particulièrement des Vesces, de la Luzerne et des Pois. De ce côté, il n’y a donc point d’action spéciale aux Gesses. | à
La symptomatologie de l’empoisonnement par la Jarosse employée à haute dose indique qu'il s’agit d’un poison nerveux, c’est donc du côté du système nerveux qu’il faut chercher des lésions. Malheureusement, quand l’expérimentateur amène de cette façon la mort d’un
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 339
animal, clle arrive si rapidement que les lésions ne peu- vent pas même esquisser celles qui se produiraient si l’intoxication était chronique. C’est ainsi que chez le chien empoisonné dans les conditions indiquées plus haut, j'ai trouvé les ventricules absolument vides, mais les oreillettes distendues, les vaisseaux des enveloppes du cerveau et de la moelle épinière très congestionnés. Des coupes du cerveau montraient un pointillé remar- quable et au bout de quelques instants il y avait de véri- tables gouttelettes sur la surface de coupe; la substance grise de la moelle allongée et de la moelle épinière était également congestionnée. “1 _ L'étude des altérations nerveuses, à la suite de l’in- toxication lente, mériterait d’être faite à fond; jusqu’à présent elle n’a été qu’ébauchée. On a signalé seulement l’atrophie des cellules de la moelle et la dégénérescence pigmentaire de la névroglie. Le pneumogastrique devra être examiné d’une façon toute particulière, en raison des phénomènes asphyxiques.
Dans le lathyrisme chronique, il y a sur les muqueu- ses stomacale et intestinale des îlots congestifs et des plaques irrégulières, de dimensions variables, présen- tant un très notable épaississement. Le foie se montre plus foncé‘et plus friable; accidentellement, un peu de liquide dans l’abdomen.
* Les poumons sont engoués et les bronches présentent des traces de catarrhe et de congestion.
Le larynx est le siège de lésions très curieuses et ca- ractéristiques, on voit sur sa muqueuse des plaques congestives, irrégulières, particulièrement autour de la glotte; ses muscles intrinsèques sont plus pâles et plus petits à gauche qu’à droite. L'examen microscopique fait constater la dégénérescence graisseuse de ce même côté, le crico-arythénoïdien postérieur est particulière-
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340 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ment affecté. De pareilles lésions rendent compte du cornage.
Le muscle cardiaque a également subi la dégénéres- cence graisseuse, mais ses valvules ne sont point alté- rées ; le liquide péricardique est toujours plus abondant qu’à l’état normal. |
L'ensemble des symptômes et des lésions démontre que les Gesses renferment un poison qui a une action spécifique sur le tissu nerveux et que ce poison s’accu- mule dans l’économie. Sous son influence prolongée, il ya des modifications telles dans l'irrigation sanguine du système nerveux central que, petit à petit, il en résulte des troubles de nutrition aboutissant à la dégénéres- cence des éléments nerveux et à la production de lé- sions médullaires qui, pour l’espèce humaine, ont une grande analogie avec celles du tabès spasmodique ou de l’ataxie locomotrice. Ces lésions médullaires peuvent sans doute siéger sur toute l'étendue du rachis, mais avec prétérence pour les régions bulbaire et lombaire.
Dans l’espèce chevaline, il y a une action spéciale sur le pneumogastrique et plus particulièrement sur les branches laryngiennes du récurrent.
Les taches hémorrhagiques et les plaques d’épaissis- sement sont d’ordre réflexe et non le résultat d’une irri- tation directe du tube digestif.
Le pronostic du lathyrisme est toujours grave, il n’en peut être autrement quand on sait combien les lésions médullaires ou encéphaliques sont difficiles à guérir. Il n’est pas rare dans l’espèce humaine de voir des indi-
vidus incapables de se servir correctement de leurs
membres inférieurs deux ans après la cessation de Pali- ment incriminé.
Sur les animaux domestiques, la mortalité est assez considérable soit par asphyxie soudaine, soit par para-
NES PLANTES VÉNÉNEUSES. 341
“
plégie et congestion pulmonaire à marche plus lente; quelquefois, on est obligé d’abattre les chevaux qui sont devenus corneurs outrés. Parmi les porcs, la mort par asphyxie est la terminaison la plus commune.
Si la maladie est longue, grave, si les suites en sont difficiles à pallier, elle n’est pourtant point toujours incurable, ce qui prouve que les altérations médullaires, si elles ne sont pas trop anciennes et trop profondes, peuvent disparaître. Suspendre l’usage de laliment incriminé est la première indication à remplir et à peu près la seule, quand il s’agit de l’espèce humaine. Pour les animaux, il faut agir de même; pourtant s’il se trouvait qu’on fûten possession d’une certaine quantité de graines, on pourrait les utiliser à la condition de ne les faire entrer dans la ration que pour une petite pro- portion et de les mélanger à d’autres aliments. On aurait aussi au préalable la précaution de les faire macérer ou cuire dans l’eau pour les débarrasser, en partie tout au moins, de leur principe nuisible. A laide de ces précautions, des fermiers, en Angleterre, ont pu utiliser, sans accidents, des quantités de Gesses relative- ment fortes. Lorsque le cornage s’est déclaré sur des chevaux, le propriétaire doit réclamer l’intervention de l’homme de l’art pour y remédier par l’opération de la trachéotomie qui a procuré d’heureux résultats et per- mis l’utilisation d'animaux dont il était impossible de se servir auparavant. | |
Une étude chimique approfondie du poison renfermé dans la Gesse reste à faire. Cette Légumineuse contient- elle un ou plusieurs principes? Quelle en est la for- mule? Quelles en sont les propriétés? Quelle quantité en renferment les graines? Autant de questions à ré- soudre. |
De quelques essais, M. Astier a conclu que les graines
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342 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
du L. cicera renferment au moins un alcaloïde qu’il a proposé de nommer lathyrine et qu’il considère comme très volatil.
Pourrait-on livrer à la consommation des moutons, des bœufs et des porcs, abattus lors de l’apparition des premiers symptômes du lathyrisme ? Il me semble qu’on peut le faire sans inconvénient. D’après ce qui a été dit antérieurement de la lenteur d'apparition des symptômes d'intoxication chez l’homme, où ce n’est qu'après 4 mois d'alimentation à peu près exclusive par la Gesse qu’on les constate, il est peu supposable qu’un ou quelques repas faits avec la viande d’un sujet lathyrisé soient suivis d'accidents, d’autant plus qu’il y a de fortes pro- babilités pour que le poison de la légumineuse incri- minée se localise sur le tissu nerveux.
Sous-ARTICLE V.— DE L’ERS ERVILIER, Du HARICOT, DE L’ERYTHROPHLEUM GUINEENSE ET DU GYMNO- CLADUS DIOICA.
I. — Le genre Ervum, L. (Ers) a été récemment démembré et une partie de ses espèces incorporée au genre Vicia. Nous l’envisagerons ici tel que Linné l'avait créé. Il renferme des plantes herbacées fort re- cherchées du bétail, à calice tubuleux à 5 divisions égalant presque la corolle. Etamines diadelphes. Gousse allongée contenant 1-4 graines. HOe suivante seule nous intéresse : |
Ervum Ervilia, L. Ers ervilier. Syn : Vicia Ervilia, Wildd, Vesce ervilière; Ervilia sativa, Lenk. Ervilier cultivé. Désignée vulgairement sous les noms de Lentille bätarde, Lentille ervilière, c’est une plante annuelle, de 0,30 cent. de haut, à feuilles paripennées, dépour- vues de vrilles mais terminées par une petite arête.
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Folioles nombreuses. Stipules semi-sagittées. Fleurs petites, blanchâtres veinées de violet et pendantes, Gousse glabre, oblongue, renfermant généralement trois graines irrégulièrement globuleuses et de couleur gris jaunâtre.
L’Ers croît spontanément dans les régions méridio- nales de la France, on le cultive dans ces mêmes pays et en Algérie; depuis quelques années sa culture prend de lextension, particulièrement dans le causse albi- geois où elle est fort productive. On le distribue aux animaux qui l’appètent beaucoup et qu’il nourrit fort bien,commetoutesles Légumineuses d’ailleurs; l’homme en a consommé quelquefois en mêlant sa farine à celle du blé dans la fabrication du pain.
Mais la consommation de cette plante ne peut être ni exclusive, ni prolongée. Elle renferme un principe mal- faisant qui ne tarde pas à manifester ses effets.
On a avancé qu’elle ne devenait. vénéneuse qu’au moment de la formation des graines; cette assertion est inexacte, car si des oisons viennent à la consommer avant que cette phase végétative soit accomplie, ils meurent. Les grands herbivores qui la prennent comme fourrage vert en sont incommodés et peuvent même io oi nes si on n’a pas le soin d’en suspendre de temps en temps administration. La dessiccation ne lui enlève pas ses propriétés toxiques.
Ce sont surtout ses graines qui sont dangereuses. D’après les quelques renseignements que nous possé- dons, l’organisme humain est peu sensible à l’action toxique de l’Ers. Les paysans albigeoïis ont fait entrer autrefois — et peut-être quelques-uns le font-ils encore — un peu de farine de cette Légumineuse dans leur pain et les médecins n’ont signalé aucun accident à la suite d’une pareille alimentation. Il est vrai qu’il y a eu ici
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intervention de la cuisson et nous ne sommes pas en mesure de dire si la chaleur détruit ou non le principe toxique. On raconte aussi qu’un malheureux privé de sa raison et sans ressources, mangea pendant tout un hiver une certaine quantité de graines d’Ers crues, sans dommage pour sa santé (Pagès). Mais ici encore nous ne possédons pas de données sur la quantité exacte de graines ingérées et il est fort probable qu’il s’y joignait d’autres aliments, du pain, de la viande, etc., que cet insensé devait à la commisération publique.
Il serait assez étrange que l’homme échappât totale- ment à l’action de l’Ers, alors que tous les animaux de la ferme y sont sensibles. Il est vrai qu’ils le sont d’une facon très inégale, on les classe dans l’ordre suivant : le porc, les oiseaux de basse-cour, le cheval, le mulet, le mouton et le bœuf. La tolérance de ces deux der- niers est remarquable; ce n’est que lorsqu'ils reçoi- vent sans interruption des quantités relativement con- sidérables de graines qu’ils présentent les accidents qu’on va décrire. Si elles leur sont données avec modé- ration et surtout mélangées avec d’autres aliments, sui- vant une pratique très en usage dans le sud-ouest, ils en retirent d'excellents effets, qu’il s’agisse d'animaux d'engrais ou d'animaux de travail.
C’est habituellement sous forme de farine qu’on donne l’Ers au porc et au cheval, on l’associe à d’autres résidus, à des recoupes, à du son. Lorsqu’on le leur dis- tribue en graines, il faut le déposer dans l’eau au préa- lable pour le faire gonfler, sinon, une fois introduit dans Pestomac, il absorberait les sucs digestifs et, par le vo- lume acquis, il amènerait la distension et parfois la rupture de la poche stomacale. l
Des observations faites, il résulte que l’organisme finit par acquérir une certaine tolérance pour cette Légu-
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mineuse. On peut en élever progressivement la dose et arriver à donner des quantités bien supérieures à celles par lesquelles on aurait pu débuter. On estime que le porc ne peut recevoir sans dangers un litre de graines d’Ers pour commencer, tandis qu’après quelque temps, on peut le lui distribuer impunément. Il serait également imprudent d’en distribuer d'emblée deux litres au cheval, quantité qu'il peut prendre plus tard.
Symptomatologie. — Le porc étant l’animal le plus fréquemment empoisonné par la Lentille ervilière, les symptômes qu’il offre en cette occasion sont les mieux connus et vont nous servir de type :
Somnolence qui passe au coma, interrompue de temps en temps par des tremblements musculaires, parfois par des nausées et des vomissements. Quoique dans un état de stupeur prononcé, le porc se relève, change de place et va se coucher ailleurs. Si on lui fait faire quel- ques pas, sa démarche est chancelante, le train de derrière suit mal le train antérieur, il trébuche, tombe lourdement et souvent n’essaie pas de se relever. Le centre respiratoire est atteint, l’hématose se fait mal et c’est même la cause prépondérante de la mort, qui arrive au milieu d’une torpeur et d’une insensibilité profondes. Quand par le vomissement, lé porc a pu se débarrasser à temps, il revient à la santé.
Chez le cheval et le mulet, indépendamment des phénomènes de coma, d’affaiblissement des membres postérieurs, de paraplégie et de dyspnée, on peut con- stater du cornage et souvent des coliques sourdes.
Lésions. — On ne trouve guère d’autres lésions que celles causées par l’asphyxie, le poison de l’Ers devant, selon toute probabilité, être rangé dans la catégorie de ceux qu’on qualifie de nerveux. Les quelques lésions intestinales ou stomacales, qui existent (la rupture de
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l'estomac déterminée par une action mécanique de la graine laissée de côté), sont peu étendues et peu impor- tantes.
Aucune recherche chimique pour isoler et déterminer le principe toxique de l'Ervum ervilia n’est à notre con- naissance.
La similitude des symptômes de l’empoisonnement par l’Ers et par les Gesses, permet de supposer que si le poison n’est pas identique dans ces deux genres de végétaux, il est tout au moins du même groupe chi- mique. En raison de ce rapprochement ainsi que de la tolérance très grande de l’organisme humain pour l'Ers, nous pensons qu’on pourrait consommer sans dangers la chair d’un animal victime de cette Légumi-
neuse. 3
II. — Phaseolus, L. (Haricot). — Genre constitué par des plantes annuelles, à tige grimpante ou non, à feuilles trifoliées dont les fleurs ont un calice campanulé bilabié pourvu d’un calicule, une carène contournée en spirale avec les organes sexuels, des étamines didelphes, Légume allongé, polysperme, chaque graine séparée de la voisine par un épaississement celluleux.
Phaseolus vulgaris, L. Le Haricot est une légumi- neuse tellement connue qu’elle ne sera pas décrite 1ci. Ses gousses et surtout ses graines entrent dans lali- mentation des peuples modernes. Les anciens ne la connaissaient pas et de -Candolle incline à la croire d’origine américaine; malgré son introduction relative- ment récente dans la culture, une foule de variétés et. de sous-variétés se sont formées entre les mains d'hor- ticulteurs habiles.
Si l’homme consomme volontiers le Haricot, il est bien remarquable qu'aucun de nos animaux ne “LCR
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che spontanément cette plante, soit en vert, soit en graines. Quand on la leur distribue, les moutons sont les seuls qui en broutent les fanes ou qui en mangent les graines, après qu’on a eu la précaution de les faire tremper dans l’eau.
J’ai fait de nombreuses observations qui m'ont appris que ni les équidés, ni le porc, ni le chien et le chat, ni le lapin et le cobaye, ni les oiseaux de basse-cour, y compris le canard le plus vorace ét le plus indifférent des animaux quant à la nourriture, n’acceptent volon- tiers les gousses et les graines de Haricots,crues ou cuites.
Ces remarques engageaient tout naturellement à se
demander si le Haricot ne renfermerait pas, en minime proportion, un principe toxique vis à vis duquel lorga- nisme humain serait peu sensible, mais qui agirait avec plus d’activité sur quelques-unes de nos espèces domes- tiques. . Les expériences que j'ai entreprises sur ce sujet et dont quelques-unes sont encore en cours d’exécution me permettent de conclure par l’affirmative. Cette con- clusion, je m’empresse de le dire, n’a qu’un intérêt exclusivement scientifique et ne peut influencer la cul- ture de la Légumineuse dont il s’agit. Pour que celle-ci devint dangereuse, il faudrait qu’elle constituât à elle seule toute l’alimentation et qu’on la distribuât pen- dant fort longtemps, ce qui n’arrive jamais.
IIT.—Erythrophleum.— Ce genre, qui n’appartient pas à notre flore, renferme deux espèces, l’Erythro- phleum guineense et V Erythrophleum Couminga dont je veux dire un mot. | |
LE. guineense a encore été appelé Fillæa suaveo- lens, Erythrophleum judiciale, Sassybaum, Rothwas- serbaum, Red Water tree.
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L'E. Couminga a été désigné sous le nom de Kou- mengo de bah
Il paraîtrait qu’en Afrique les chevaux s’empoison- nent spontanément en rongeant l'écorce de ces arbres, et les physiologistes ont démontré que le chien, le chat, le cobaye et d’autres animaux sont fort sensibles à l’action du poison qu’ils produisent, poison que la dessiccation et la cuisson ne détruisent pas.
Ces espèces contiennent un alcaloïde, l’érithro- phléine, découvert en 1876 par MM. Gallois et Hardy dans l'E. guineense. Ils en ont étudié les effets physio- logiques et toxiques; après eux, MM. G. Sée et Boche- fontaine ont repris cet examen.
L'Érythrophléine se rencontre dans l'écorce, les feuilles et les fruits. Au dire des Sakalaves des îles Seychelles où l'E. couminga est commun, lorsque cet arbre est en fleurs, il est tellement dangereux, que les oiseaux qui se perchent sur ses branches et les animaux qui se reposent à son ombre sont frappés de mort {(?).
L'E. de Guinée, commun sur la côte occidentale d'Afrique, fournit aux Guinéens le tél, qui n’est autre qu'une décoction d’écorce de Mançone (nom sous lequel ils désignent l'E. guineense) et qui leur sert à empoisonner leurs armes. On a proposé d'introduire l’érythrophléine en thérapeutique. |
Localement, le Mançone a une action irritante, car les personnes qui préparent les écorces sont “prises de coryza et d’éternuement.
Après l'introduction du toxique dans l’organisme, il y a de l'inquiétude, de l'agitation, puis de l’affaisse- ment, des nausées et des vomissements. Le pouls, d’abord irrégulier et lent, s’affaiblit et s'accélère. Une action paralysante se produit sur le cœur, les batte- ments sont de plus en plus faibles, avec des inter-.
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mittences, la pression sanguine devient nulle et enfin il y a un arrêt définitif.
Au début les mouvements respiratoires sont un peu ralentis et amples; dans la période terminale ” devien- nent plus fréquents.
Du côté du système nerveux, l’excito-motricité des nerfs phréniques est diminuée et parfois abolie.
A l’autopsie, on trouve le cœur en diastole et flasque. MM. Gallois et Hardy ont retrouvé, dans le sang de sujets empoisonnés expérimentalement par la Légu- mineuse qui nous occupe, le principe toxique qu’elle renferme. Il y aurait donc lieu, le cas échéant, de pros- crire de l’alimentation la viande d’un animal qui aurait succombé à son action.
L'érythrophléine est soluble dans l’eau et l'alcool, peu soluble dans le chloroforme et la benzine. Elle se com- bine avec les acides pour former des sels. La solution mise en contact avec l’acide sulfurique produit, si l’on chauffe, une couleur brun sale qui passe au violet par le refroidissement. Pas de coloration avec les acides nitri- que et chlorhydrique. Précipité jaunâtre avec le bichro- mate de potasse et blanc avec le bichlorure de mercure.
IV. — Gymnocladus.— Ce genre, exotique comme le précédent, nous intéresse par l’espèce suivante : Gymnocladus dioïca, Michx.(G. canadensis, L. Gui- landina dioïca, L.). Il s’agit d’un arbre de l'Amérique du Nord qu’on désigne sous le nom de Chicot du Canada ou encore de Coffee-tree. Comme il a été in- troduit dans les jardins européens, nous le signalerons IC: | Ses graines sont appelées coffee-bean en Amérique, et, torréfiées, servent à remplacer celles du café. Mais il ne faut pas ignorer qu’elles sont toxiques,
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ainsi que l’ont prouvé les recherches du docteur Bar- tholow. Les premiers effets sur le système nerveux moteur consistent à mettre les muscles volontaires dans l’état spasmodique. Diminution du nombre des pulsa- tions cardiaques, abaissement de la tension artérielle. Du côté du système nerveux sensitif, stupéur cérébrale, puis anesthésie.
On a extrait la Saponine du Gymnocladus; il est probable, eu égard aux symptômes qu’on vient d’exposer, que ce glucoside ou le principe qui lui est intimement uni, est le facteur des troubles enregistrés.
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352 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
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ARTICLE VI. — Rosacées, CucuRzITACÉES, OMBELLIFÈRES, ARALIACÉES.
Sous-ARTICLE I. — RosACÉES.
La famille des Rosacées renferme une tribu, celle des Amygdalées dont presque toutes les espèces con- tiennent une proportion généralement minime, parfois plus forte, d’acide cyanhydrique. Cet acide se forme par la décomposition des glucosides renfermés dans ces plantes, l’amy gdaline et la lauro-cérasine qui, sous l’in-
fluence d’un ferment également contenu dans la plante,
l’éemulsine, ou d’un acide étendu et en présence d’eau, sont décomposés en acide prussique, essence d'amandes amères et sucre. j
Trois espèces doivent être signalées comme capables d’occasionner des accidents par quelques-unes de leurs
ES EX
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parties, l’une appartient au genre Amandier, l’autre au genre Cerisier, et la troisième au genre Quillaja.
I. — Amygdalus. Tournef. (Amandier). — Ce genre ne renferme que la seule espèce suivante :
Amy gdalus communis, L. Amandier commun. Sous l'influence de la culture, il s’est formé plusieurs va- riétés ; il en est une qui nous intéresse, elle est dite à Amandes amères.
L'Amandier à amandes amères est un arbre de 6 à 8 mètres, plus vigoureux que celui à amandes douces. Il est cultivé non seulement pour ses fruits, mais encore pour servir de sujet de greffe aux Amandiers, aux Pêchers et aux Abricotiers.
Dans les amandes amères on trouve, indépendamment d’une huile grasse, de l’amy gdaline et de l’émulsine, de telle sorte qu’il y a production d’essence d'amandes et d'acide cyanhydrique. L’amy-gdaline, C? H?7 Off, est un glycoside cristallisable, amer, soluble dans Peau et l'alcool, insoluble dans l’éther et contenu dans la pro- portion d'environ 2 p. 100; elle paraît se trouver surtout dans les tissus parenchymateux de l'embryon.
L’émulsine ou sy naptase est amorphe, quaternaire, soluble dans l’eau et insoluble dans l’alcool; elle est ren- fermée surtout dans les tissus libériens des ; jeunes fais- ceaux (Vesque).
Cette séparation indique que l’acide cyanhydrique ne préexiste pas dans l’amande qui n’a point, d’ailleurs, d’odeur caractéristique tant qu’elle est intacte, mais lorsqu'on l’écrase de façon à mettre le glycoside et le ferment en présence, l’odeur apparaît.
On a observé quelques empoisonnements par le fruit de l’Amande amère, surtout sur les enfants; on en a signalé davantage par les préparations dérivées, telles
23
354 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
que l’eau distillée d'amandes amères, l’eau d'amandes amères diluée, les aliments (particulièrement les confi- tures et les bonbons) et les liqueurs aromatisées par l’'amande elle-même ou par l’eau qu’on en retire. On ajoute quelquefois à des eaux-de-vie de mauvaise qua- lité de l’essence ou de l’eau distillée d'amandes amères pour en masquer le mauvais goût et leur donner une fausse apparence de kirsch, opération des plus condam- nables, puisqu'elle a non seulement pour but de tromper sur la nature de la chose vendue, mais qu’elle est nui- sible à la santé publique.
On a signalé l’empoisonnement d'animaux auxquels il avait été distribué des tourteaux d’amandes amères, résidus de la fabrication d’huile de ce fruit. Il est bon de noter que l’huile est inoffensive; on a cité, il est vrai, quelques cas d’intoxication par cette substance; ils s'expliquent par la présence d’une petite quantité d'essence qui se forme au moment où l’on divise les amandes fraîches et se mêle à l’huile, mais celle-ci, lorsqu'elle est pure, n’est nullement dangereuse. La vénénosité est développée au plus haut point dans les tourteaux; on doit les détruire pour éviter tout accident.
En résumé, deux principes, l’un et l’autre non pré- existants, se forment et donnent à l’amande amère sa toxicité, ce sont l’essence d'amandes amères et l’acide prussique. Fous deux sont extrêmement vénéneux.
Symptomatologie. — Les symptômes de l’empoison- nement par les amandes amères ou par les préparations dans lesquelles elles entrent, sont une combinaison de ceux que produit l’essence et de ceux qui sont dus à l'acide prussique.
Après l’ingestion d'amandes amères, il y a saliva- tion, pesanteur d’estomac, nausées, vomissements,
DES PLANTES VÉNENEUSES 355
dyspnée, accélération des battements du cœur, cépha- lalgie, vertiges, tremblements, titubation, dgroutioe
de la sensibilité.
Si la dose ingérée n’est pas suffisante pour amener la mort, tous ces symptômes se dissipent assez rapidement, en laissant seulement le malade comme étourdi pendant plusieurs heures.
Si elle est suffisante, la dyspnée augmente, l’haleine sent l’acide prussique et la respiration finit par s’arrêter; le cœur, d’abord accéléré, se ralentit à son tour jusqu’à extinction. Il y a, concomitamment, des spasmes, des
contractions tétaniques, de l’exophthalmie.
La mort est occasionnée par une action spéciale sur le système nerveux central et par un effet toxique sur les hématies, qui entrave l’hématose; cet effet est dû à l’acide cyanhydrique.
Lésions. — Klles sont peu nombreusés et causées
particulièrement par l'acide prussique. Toutes les par-
ties du cadavre, mais spécialement les viscères, déga- gent, à l’autopsie, l'odeur d'amandes amères et se con- servent plus longtemps que d'habitude avant d’être envahies par la putréfaction. Les yeux restent longtemps brillants avec la pupille dilatée, la peau est cyanosée, les doigts et les mâchoires contractés. Il y a conges- tion des centres nerveux et du poumon, un peu d'hyperémie du tube digestif et l’on trouve assez fré- quemment quelques bulles gazeuses dans les cavités cardiaques. Le sang est noirâtre d’après la plupart des observateurs, rouge clair d'après Dragendorff, non coagulé, visqueux et comme huileux. Les globules sanguins ont perdu toute affinité pour l’oxygène et les raies de l’hémoglobine, observées au spectroscope, sont élargies et mal délimitées. On a signalé aussi, en la donnant comme caractéristique de l’empoisonnement
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par l'acide cyanhydrique, la coloration bleuâtre de la bile.
La técherche de l’acide prussique, lors de l’empoi- sonnement par les amandes amères, ne présente nulle difficulté pour les toxicologistes. |
L'action élective de l'acide cyanhydrique sur le sang et la diffusion de ce toxique puissant dans tout l’or- ganisme interdisent de laisser consommer la viande d’un animal mort à la suite de l’ingestion de tourteaux d'amandes amères. Bien que lé point d’ébullition de l'acide cyanhydrique soit très bas et qu’il y ait lieu de penser que, par la cuisson, la plus grande partie serait volatilisée, on se trouve en présence d’un poison si re- doutable qu’un excès de prudence est indiqué.
II. — Cerasus, Juss. (Cerisier). — L’espèce dont nous allons parler est classée par quelques auteurs dans le genre Prunier et Tournefort lui avait consacré spé- cialement le genre Lauro-cerasus :
Cerasus Lauro-Cerasus, Lois (fig. 34). Le Cerisier Laurier-Cerisier, encore appelé Prunier Laurier-Ceri- sier et plus communément Laurier-Cerise, Laurter- Amande ou encore Laurelle à lait, est un arbrisseau toujours vert de 4 à 5 mètres de haut, à feuilles per- sistantes, coriaces, vert luisantes en dessus, ternes en dessous. Petites fleurs blanches en grappes axillaires, pédonculées. Drupes noires et ovoiïdes. Le Laurier- Cerise est cultivé comme plante ornementale dans les pays méridionaux.
Ses feuilles sont les parties dangereuses; quoique persistantes, celles qu’on récolte en juillet et août sont plus vénéneuses que celles recueillies au printemps. La dessiccation leur enlève les principes toxiques formés, mais les éléments de ces principes restent dans les par-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 357
ticules désséchées et le poison se reforme, lorsqu'on
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1 Fic. 34. — Cerasus Lauro-Cerasus. — CERISIER LAURIER-CERISIER.
place les feuilles ou la poudre qui en provient dans cer- ___ taines conditions.
358 DES -PLANTÉS VÉNÉNEUSES:
Les toxicologistes assurent que la toxicité du Laurier- Cerise est liée à son habitat dans le Midi. Cet arbrisseau doit son activité à l’essence qu’il renferme et dont la formule serait C*° H'$ (Soubeiran) et à l’acide prussique.
De nombreux accidents se sont produits sur l’homme et les animaux domestiques.
Pour l'espèce humaine, quelques-uns sont dus à l’habi- tude où l’on est d’aromatiser le lait avec les feuilles de ce végétal qui a même reçu, à cause de cela, le nom de Laurelle à lait; les victimes ont été surtout des enfants, plus impressionnables et plus exposés que les adultes à recevoir du lait comme boisson ou comme nourriture.
Les plus fréquents sont dus à l’eau distillée de Lau- rier-Cerise, l’un des médicaments antispasmodiques les plus usités et les plus actifs, soit qu’il y ait eu erreur dans sa délivrance à l’officine, soit qu’elle ait été employée dans une intention criminelle.
Les annales agricoles et vétérinaires de leur côté, contiennent la relation d’empoisonnements de bestiaux. Gerlach a cité l’intoxication d’un troupeau de vingt- cinq moutons et, parmi les cas relatifs aux bêtes bovines, l’un des plus curieux et qui fait un peu sourire est celui d’un taureau, lauréat du comice agricole de Rovereto (Italie) que son propriétaire, fier d’un tel animal, avait enguirlandé d’un collier de feuilles de Laurier-Cerise. Le lauréat mangea la guirlande et tomba foudroyé peu après sur l'emplacement du concours.
L’essence de Laurier-Cerise est vénéneuse par elle- même comme celle d'amandes amères. Parallèlement, l'acide cyanhydrique fait son œuvre.
On ne décrira point les symptômes et les lésions de l’empoisonnement par les feuilles de Laurier-Cerise, ce serait se répéter, puisqu'ils sont identiques à ceux de Pintoxication par les amandes amères.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 359
La conduite à adopter vis-à-vis des viandes des vic- times ne peut être différente et ce qui a été dit des unes s'applique aux autres.
III. — Quillaja. Molini. — Si ce genre est exotique, néanmoins mention doit en être faite, car l'espèce sui- vante fournit un produit dangereux importé en quantité considérable en Europe.
Quillaja Saponaria, Molini. Le Quillaja, originaire du Chili, est une Rosacée qui fournit au commerce son écorce très riche en saponine ; on l’emploie sous le nom d'Écorce de Panama pour le nettoyage des étoffes. Elle nous est expédiée sous forme de plaques de 0",005 mil- lim. d'épaisseur environ, foncées en dehors et blanc- jaunâtres en dedans; elle est très riche en cristaux d’oxa- late de chaux, c’est même là un bon caractère pour la reconnaître.
_ La saponine qu’elle contient rend cette écorce très dangereuse; elle provoque des éternuements chez les personnes qui la pilent.
. La médecine s’est emparée de ce produit; on en ordonne parfois des infusions, mais elles ne sont point
sans dangers, s’il y a des ulcérations sur la voie diges-
tive. On a déjà signalé des suicides par de telles infu- sions. |
Les symptômes et les lésions sont identiques à ce que nous avons décrit pages 254 et 261 à propos des intoxications par la Saponaire et la Nielle des blés,
puisque le Quillaja contient de la saponine en abon-
dance. Nous rappelons ici qu’il n’est point définitive- ment prouvé que la saponine est véritablement l’agent toxique de ces diverses plantes.
- On introduit depuis quelques années dans le com-
360 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
merce un extrait provenant du Quillaja et désigné sous le nom de Panamine, auquel toutes les observations précédentes s'appliquent.
Sous-ARTICLE LE" — CUCURBITACÉES.
La famille des Cucurbitacées, si naturelle et si im- portante pour l’économie domestique, renferme des es- pèces vénéneuses dans trois de ses genres.
[.— Bryonia, L. (Bryone). — Comprend des végé- taux grimpants, pourvus de vrilles, à racine vivace, à petites fleurs et à petites baies, vertes, noires ou rouges.
A signaler d’abord l'espèce suivante, fort commune dans les haies:
À. Bryonia dioïca, Jacq. La Bryone dioïque, Couleu- vrée, Navet du diable, Rave de serpent, Bry one blanche, Vigne blanche (fig. 35) est une plante vivace par la racine. Celle-ci, grosse comme le bras, est pivotante et charnue; la tige est grêle, longue, assez rude au toucher, se soutenant par des vrilles filiformes. Feuilles cordi-
formes, à poils raides sur les deux faces. Fleurs dioïques
jaune-verdâtres, les mâles longuement pédonculées, les femelles subsessiles. Fruits globuleux, rouges à la ma- turité et pleins d’un suc visqueux.
La souche, les jeunes pousses et Les baies sont véné-
neuses, la première à un degré très supérieur aux secon- des. La dessiccation ne fait pas disparaître les propriétés
fâcheuses de la Bryone. Le suc qui s'échappe de la racine
est également très toxique.
La racine a causé des accidents dans espèce humaine.
Par sa ressemblance avec les raves et quelques variétés de navets, elle a été employée quelquefois pour rem-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 361:
placer ces légumes dans la préparation de soupes, soit par ignorance de ses propriétés, soit par erreur; des
familles entières qui s’en étaient nourries, ont été empoi- sonnées. Une autre cause d’accidents tient à la croyance
362 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
populaire qui attribue au Navet du Diable la propriété
de faire dissiper le lait des nourrices au moment du sevrage des enfants. Galtier rapporte l’histoire d’une femme qui, ayant pris un lavement préparé avec 30 gram- mes de Bryone pour faire passer son lait, succomba au bout de 4 heures.
Les empoisonnements d'animaux domestiques sont fort rares; le porc et les oiseaux de basse-cour sont les seuls exposés à ingérer une quantité suffisante de cette Cucurbitacée pour en mourir, le porc en s’adressant aux racines et les volailles aux baies.
On estime qu’une quarantaine de baies amènent la mort d’un homme adulte et qu’une quinzaine suffisent pour les enfants.
A l’état frais, 25 grammes de racines OU 15 grammes de suc déterminent une issue funeste.
Symptomatologie. — Appliquée sur la peau, fraîche et réduite en pulpe, ou sèche et pulvérulente, la racine de Bryone produit un effet irritant bien marqué; il y a erythème et même production de phlyctènes. A l’in- térieur et à doses modérées, la Bryone provoque des sueurs, la lividité de la face, des nausées, puis de deux à quatre heures après l’ingestion, des selles abon- dantes, très aqueuses, sans ténesme et peu douloureuses. Elle a aussi une action diurétique.
En quantité élevée, des phénomènes nerveux viennent compliquer les symptômes précédents : stupeur, convul- sions tétaniformes, priapisme, opisthotonos, exophthal-
mie, rétraction des parois abdominales; le pouls devient
petit, irrégulier, la température s’abaisse et le refroidis- sement se produit rapidement. Il y a parfois superpur- gation, tandis que, surquelquesindividus, les évacuations
sont supprimées et le sujet meurt dans un état semblable
à celui que produit la forme sèche du choléra.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 363 Lesions. — Elles sont peu nombreuses et peu signi-
ficatives. On trouve de l'engouement des poumons, le cœur en diastole avec les ventricules remplis de caillots
et quelques plaques ecchymotiques sur la muqueuse
intestinale.
Si l’on rapproche ces quelques lésions des symptômes, on est conduit à conclure que l'action purgative de la Bryone, longtemps regardée comme primitive et pré- pondérante, est secondaire et d’origine réflexe.
Lorsque le principe vénéneux de’cette plante a été introduit dans l’économie par injections hypodermiques ou intra-veineuses, on admet que l’élimination se fait
* surtout par la surface intestinale, mais il en arrive aussi
dans l'urine, la bile et il en reste dans le sang.
Principe actif. — On a isolé deux principes de la racine de Bryone, la bryonine et la bryonitine.
La bryonine, C‘' HS? O'°, appelée autrefois bryonin, est un glucoside amorphe, jaunâtre, amer après avoir paru d’abord sucré à la langue, qui se dissout avec une couleur rouge-cerise sale dans l’acide sulfurique con- centré et avec une couleur violet-bleuâtre dans l’acide sulfovanadique. Elle est également soluble dans l’eau, l'alcool, mais peu dans l’éther. C’est à elle qu’on attri- bue les effets toxiques de la plante. L’acide sulfurique la dédouble en glucose et en deux corps amorphes, la bryorétine et l'hy drobryorétine. Quant à la bryonitine, elle est cristallisible, blanche et soluble dans Peau.
A côté de ces deux principes, la racine de Bryone renferme une grande quantité de fécule, séparable par l’eau froide et qu’on pourrait utiliser en cas de besoin.
. La masse peut en être élevée, car il arrive que la racine
atteint la grosseur de la cuisse et la bryonine n’entre dans sa constitution que pour 4 p. 100 environ, nou- velle preuve, d’ailleurs, de l’activité de ce glucoside.
364 DES PLANTES VÉNENEUSES.
B. Bryonia nigra. Nous ne ferons que mentionner une autre espèce européenne, la Bry one noire, long- temps confondue avec la précédente mais qui s’en dis- tngue parce qu’elle est monoïque et que ses fruits sont noirs; on l’appelle communément Vigne noire. Comme la précédente, elle contient de la bryonine et jouit de sa regrettable activité.
IT. — Ecballium, C. Rich. (Ecballion). — Ce genre comprend des végétaux à fleurs monoïques dont le fruit, arrivé à maturité, s'ouvre à la base et lance au dehors les graines et le liquide un peu pulpeux qu’il contient. À signaler :
Ecballium Elaterium, C. Rich. L’Ecballion élastique que Linné appelait Monordique élastique ([Monordica elaterium) et qu’on désigne fréquemment par l’expres- sion de Concombre sauvage, est une plante méridio-
nale, annuelle, dont les tiges étalées et rameuses, assez
longues, ont des poils rudes. Feuilles épaisses, poilues, blanchâtres en dessous, cordiformes. Fleurs jaune pâle, pédonculées, isolées ou groupées en petit nombre. Fruit oblong, verdâtre et hirsute.
L’Ecballion est vénéneux par toutes ses parties, mais la pulpe du fruit est la plus active. |
La symptomatologie de l’intoxication par cette Cucur- bitacée est sinon complètement identique, du moins très semblable à celle de la Bryone; les symptômes de purgation sont prédominants à doses moyennes, tandis que les désordres nerveux dominent la scène quand la quantité est mortelle. On se reportera à l’histoire de l’empoisonnement par la B. dioïca.
L’Ecballion doit son activité à un glucoside découvert par Morries et Hennelle et appelé élatérine. Sa formule serait C° H°$ O0; il cristallise en prismes hexagonaux,
M5
DES PLANTES VEÉNÉNEUSES. 365
n’est pas soluble dans l’eau, les alcalis et les acides étendus, mais se dissout dans l’alcool à chaud et dans le chloroforme.
Traitée par l’acide sulfurique pur, l’élatérine prend une coloration jaune passant peu à peu au rouge. En traitant sa solution alcoolique bouillante par la potasse,
Buchheim a modifié l’élatérine de telle façon qu’elle
a perdu ses propriétés drastiques.
_ [IT — Citrullus, Neck. (Citrulle). — Ce genre, constitué par des plantes exotiques, acclimatées en
Europe, à tiges étalées ou grimpantes munies de vrilles,
nous intéresse par l’espèce qui suit :
Citrullus colocynthis, Schrad. La Citrulle colo- quinte ou plus simplement la Coloquinte est une plante annuelle, à feuilles cordiformes, à fleurs jaunes, à fruits globuleux, gros comme des oranges, verts puis jaunes à maturité, qui contiennent sous une écorce mince, dure et coriace, une pulpe blanche, spongieuse, sèche, ren- fermant des graines nombreuses. La pulpe est d’une amertume typique, que les graines ne partagent point.
Le fruit de la Coloquinte est doté de propriétés véné- neuses dont l'espèce humaine a été plutôt victime que les animaux. En effet, depuis les temps les plus reculés, il a été employé dans la médecine populaire pour les indications les plus nombreuses et les plus diverses; on a dépassé de temps en temps les doses thérapeutiques pour arriver aux quantités toxiques avec terminaison
mortelle. La dessiccation ne lui enlève point sa toxicité
et c’est même toujours à l’état sec qu’on le trouve dans le commerce. La symptomatologiede Perte par la Colo-
quinte se rapproche des deux précédentes. Elle a beau-
coup de symptômes communs : sueurs froides, nausées
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366 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
et vomissements, pouls petit, respiration anxicuse, abaissement de la température, hoquets, constriction abdominale, priapisme, évacuations abondantes; en un mot, état cholériforme. Mais elle se distingue par des douleurs aiguës à l’épigastre, des coliques violentes qui déterminent de la dysenterie, du ténesme rectal et de la cuisson à l’anus. La Coloquinte est un évacuant puis- sant, mais très douloureux; son action se propage aux reins et à l’utérus qui se congestionne et se contracte.
On pressent que les lésions doivent être plus accen- tuées que dans les cas précédents. Elles siègent particu- lièrement sur l’estomac et le rectum; on trouve les ma- nifestations d’une violente inflammation, taches rouges ou noires, suffusions sanguines, parfois ulcérations. Les reins et la vessie présentent aussi des lésions inflamma- toires.
La Coloquinte doit son activité à un corps étudié d’abord par Braconnot qui lui a donné le nom de colo- cynthine. Il est amorphe, non azoté, amer, jaunâtre, soluble dans l’eau, l'alcool, l’éther, la soude et l'acide oxalique. L'acide sulfurique concentré le colore en jaune puis en rouge clair.
Dans l’intérieur de l’organisme ainsi qu’au contact des matières en putréfaction, la colocynthine se trans- forme en partie en colocynthéïne. Celle-ci est cristal- line, peu soluble dans l’eau, fort résistante à la décom- position et plus active que la colocynthine.
Dans les cas d’empoisonnements non mortels, l’éli- mination de ces deux corps est longue à s’effectuer, elle se fait par la portion rectale de la muqueuse intestinale et par l’urine; on la retrouve dans ce dernier liquide plu- sieurs jours après. Une telle lenteur d'élimination expli- que pourquoi les convalescences sont si longues, con- sécutivement à l’intoxication par la Coloquinte.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 367
En cas de mort, on retrouve les principes actifs dans les fèces, l’urine, le sang, la bile, le foie et la muqueuse intestinale.
La dissémination de ces principes et la résistance toute spéciale de la colocynthéine à la décomposition, rendent dangereuses les chairs des animaux victimes d’un pareil
empoisonnement.
Sous-ARTICLE III. — OMBELLIFÈRES.
Cette famille, très étendue et très naturelle, comprend plusieurs espèces dangereuses. On les trouve dans les genres Contum, Cicuta, Anthriscus, Œthusa, Œnanthe, et Ferula; d’autres ne sont que suspectes, elles appel- lent néanmoins quelques réflexions.
$ I. — De la Ciguë tachetée.
Le genre Conium, L. (Ciguë), ne renferme qu’une espèce indigène :
Conium maculatum, L. Ciguë tachée ou tachetée, plus généralement désignée sous le nom de Grande Ciguë et parfois sous celui de Ciguë officinale. De Candolle l'avait rattachée au genre Cicuta et il en avait fait l'es pèce Cicuta major.
La Grande Ciguë (fig. 36)est une plante fortcommune, qui croît dans les décombres, sur le bord des chemins, dans les terrains ombragés. Sa tige dressée, fistuleuse, striée et parsemée, surtout à sa partie inférieure, de taches rouges violacées, dépasse 1 mètre. Ses feuilles sont un peu luisantes, 2, 3 ou 4 fois pinnatiséquées, à segments pinnatifides et dégagent, lorsqu’on les froisse, une odeur désagréable qu’on compare à celle de la souris. Ombel- les terminales à rayons nombreux. [Involucre à folioles
368 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
réfléchies, blanchâtres sur le bord; involucelles à folio- les déjetées du côté extérieur de l’ombelle. Fleurs blanches. Calice à limbe à peine marqué, 5 pétales ob- cordés, à pointe fléchie en dedans. 5 étamines alternes avec les pétales. Fruit ovoide, comprimé par les côtés, à 5 côtes proéminentes, ondulées, crénelées. Entre ces côtes, se trouvent des vallécules striées qui ne con- tiennent pas de canaux oléo-résineux, mais un plan de cellules spéciales, à parois épaisses, colorées en brun et qu'on croit contenir tout au moins l’un des principes actifs de la Ciguë. Les graines sont creu- sées d’un sillon profond et étroit du côté de la com- missure.
Depuis les temps les plus reculés, la Grande Ciguë a été reconnué comme une plante toxique; on admet que les Athéniens s’en servaient pour faire mourir leurs condamnés et qu’elle fut imposée à Socrate.
Verte, toutes ses parties aériennes sont vénéneuses, mais l'expérience a fait admettre que les Ciguës qui croissent dans les pays méridionaux sont-plus actives que celles qui végètent au Nord. Avant la floraison, les feuilles sont plus dangereuses qu'après, attendu que le toxique émigre en grande partie dans le fruit. Celui-ci est plus actif avant sa maturité qu'après.
La racine ne contient que des quantités très minimes des alcaloïdes de la partie aérienne.
Coupée et séchée à l’air libre, à la façon des fourrages, la Ciguë perd une forte partie du principal de ses alca- loides vénéneux, qui se volatilise facilement. Les phar- maciens qui veulent préparer et conserver de la poudre de feuilles de Ciguë, doivent les dessécher rapidement à une température modérée et les conserver, après pul- vérisation, dans des flacons bien bouchés et tenus à l'abri de la lumière. L’agriculteur, dans les foins duquel
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TACHETÉE.
370 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
se trouvent des Ciguës desséchées, a donc peu à redouter pour la santé de son bétail.
La cuisson enlève les mauvaises propriétés de cette ombellifère; Pline dit même qu’on peut en manger la tige, quand elle est cuite.
Les empoisonnements qui se produisent dans l’espèce humaine sont le résultat d’erreurs dans la délivrance de médicaments à base d’extrait de Ciguë, ou la suite d’une activité exagérée de ces médicaments mal dosés. Les annales judiciaires renferment aussi des relations où l’on voit cette plante administrée dans un but cri- minel. En raison de l’odeur de ses feuilles, des taches rouges de sa tige et de la volatilité de son principal alcaloïde, il est rare qu’elle occasionne des accidents par méprise, par confusion, ainsi que nous le verrons pour d’autres Ombellifères.
Elle est vénéneuse pour le bétail quand elle est mangée en vert, mais les accidents sont très peu communs, car elle n’est pas prise spontanément à cause de son odeur vireuse; ce n’est que lorsqu'elle est mêlée à d’autres plantes qui en masquent la présence ou au début du printemps, alors que les bestiaux se jettent sur la nour- riture verte avec gloutonnerie, qu’elle est ingérée par eux en quantité suffisante pour être nuisible.
Parmi les animaux de la ferme, les petits ruminants passent pour être à peu près réfractaires à ses effets, tandis que les autres en sontimpressionnés. On prétend, en Allemagne, que les alouettes et les cailles sont insen- sibles à l’action toxique de la Ciguë et qu’on peut sans inconvénients les nourrir avec cette plante. On ajoute que, dans ce cas, leur chair se sature d’une quantité de toxique suffisante pour empoisonner les carnivores qui la mangeraient. Si cette immunité est réelle, elle ne s'étend pas à toute la classe des oiseaux, car un empoi-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 351
sonnement de canards par la graine de Ciguëé a été signalé.
Pour produire un empoisonnement mortel, 1l faut que :
Le cheval ingère environ 2 k. à 2 k. 1/2 de Ciguë fraîche. Le bœuf — — 4k à 5Kk. — -—
S'il est exact, comme le prétendent les Allemands. que les principes vénéneux s'accumulent dans l’orga- nisme de quelques oiseaux, cette accumulation ne paraît pas se faire dans celui des Mammifères domesti- ques. Les anciens vétérinaires, notamment Gohier, qui employaient la Ciguë dans le traitement du farcin, ont pu continuer pendant plusieurs mois l’administration de 60, 150 et même 200 grammes de cette plante verte, coupée et mêlée à l’avoine tous les matins, sans autre modification dans la santé des chevaux qui la man- geaient, qu’un ralentissement de la nutrition et un mou- vement de résorption.
Symptomatologie. — Tardieu a tracé un excellent tableau de l’empoisonnement de l’homme par la Ciguë. nous allons le lui emprunter : « Une heure environ après l’ingestion de la Ciguë, surviennent des éblouisse- ments, des vertiges, de l’obnubilation, une céphalalgie très aiguë. La personne empoisonnée titube comme si elle était ivre; ses jambes se dérobent. Quelquefois, mais non toujours, une anxiété précordiale, une vio- lente cardialgie se font sentir. La gorge se sèche, la soif est très vive, et cependant la déglutition est parfois im- possible. Il y a quelques vomituritions sans résultat (les vomissements presque constants dans l’empoison- nement par la Ciguë vireuse, manquent souvent dans ceux par la Grande et la Petite Ciguë). La face est pâle et la physionomie profondément altérée, mais l’intelli-
372 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
gence reste nette. Les malades entendent, quoique ne pouvant parler; le regard est fixe, les pupilles dilatées, la vue trouble et parfois abolie. Des mouvements spas- modiques, des contractions tétaniques agitent les mem- bres et alternent avec des lipothymies, des défaillances qui se répètent par intervalles; puis une sorte de stu- peur s'empare du malade, chez lequel la respiration stertoreuse annonce seule la persistance de la vie. Le corps se refroidit, la tête se gonfle et l’enflure s’étend quelquefois à d’autres parties; les yeux sont saillants, la peau livide. Dans quelques cas, on voit éclater un dé- lire furieux et des convulsions épileptiformes. La mort est toujours très rapide et il ne faut pas plus de trois, quatre ou six heures pour que l’empoisonnement par la Ciguë se termine d’une manière funeste. »
Le cheval qui reçoit une faible dose de Ciguë éprouve un peu d’abattement, laisse entendre quelques borbo- rygmes; il bâ&ille; son pouls s'accélère, sa pupille se dilate ; il a quelques convulsions des lèvres et parfois du spasme des muscles de l’encolure. Le tout se dissipe quatre ou cinq heures après.
Si la quantité a été forte, 1l y a nausées et efforts infruc- tueux pour vomir, grincements de dents, accélération de la respiration et dyspnée, tremblements musculaires commençant aux membres postérieurs et se transmet- tant successivement aux membres antérieurs, puis au rachis, ensuite difficulté de la locomotion, sueurs, mais non constantes, chute, paraplégie, puis paralysie; la sensibilité s’oblitère, la température s’abaisse, le pouls très vite est filant, la respiration devient de plus en plus difficile et la mort arrive par arrêt de cette fonction qui précède un peu celui du cœur.
Chez les bêtes bovines, il y a ptyalisme, arrêt des fonctions digestives, météorisation, constipation, abat-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 373
tement et stupcur; on a vu des vaches en état de gesta- tion avorter à la suite de cette intoxication.
Quoique les moutons et les chèvres soient peu sensi- bles à l’action de la Ciguë, ils ne sont point complète- ment réfractaires, des observations recueillies en France et en Angleterre mettent ce fait hors de contestation.
Dans l’état actuel de la science, on admet que le poi-
son contenu dans la Ciguë tachée agit sur les extrémités
terminales des nerfs moteurs qu’il paralyse, la dyspnée n'étant que le résultat de la paralysie des nerfs incita- teurs de la région pectorale, et l’accélération du cœur celui dela paralysie des fibres modératrices du pneumo-
- gastrique.
Lésions. — Elles sont peu nombreuses comme dans tous les cas où il s’agit d’un poison essentiellement ner- veux. On trouve une congestion intestinale marquée, de l’engouement du foie, des centres nerveux, du pou- mon. Quelques taches ecchymotiques sur les plèvres et sur la peau.
Le poison de la Ciguë s’élimine par les urines et aussi par les bronches, l'odeur spéciale de l’air expiré par les animaux empoisonnés l'indique. On ne lui connaît pas d’antidote spécial.
Principes actifs. — La: Ciguë tachetée contient plu- sieurs principes actifs : la conicine, la conhydrine, l'éthylconicine et la méthy lconicine.
La conicine, encore appelée cicutine, est la principale et la plus puissante de ces substances; vient ensuite la méthylconicine; les deux autres sont beaucoup moins actives. Elle a été découverte en 1827 par Giescke et isolée à l’état de pureté en 1831 par Geiger. On estime que la tige et les feuilles en renferment, à l’état vert, de 0,02 à 0,05 p. 100 et les fruits 0,70 p. 100 et même. davantage s’ils sont peu mûrs.
374 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
C’est un alcaloïde de la catégorie de ceux qu’on qua- fie de volatils, existant sous la forme d’un liquide huileux, jaunâtre, de saveur très âcre, d’une odeur nau- séabonde, facilement altérable à la lumière et par la chaleur. Il se volatilise sous le vide de la machine pneumatique et bout entre 187 et 189 degrés, se dissout facilement dans l’alcool, l’éther, la benzine, le chloro- forme et l’éther de pétrole ; il a la propriété de coaguler l’albumine.
La conicine ne possède pas de réactifs bien caractéris- tiques; aussi, dans les cas d’empoisonnements, doit-on s'attacher à chercher avec grand soin dans le tube diges- tif les débris de Ciguë comme corps du délit, et se fami- liariser avec la forme des feuilles et des fruits qui est assez caractéristique. Les poumons sont la partie où l’on pourrait plus facilement retrouver la conicine, puisque c’est par là spécialement que se fait l'élimination, si la chimie possédait des moyens de la bien distinguer de la nicotine, dont les réactions se rapprochent beaucoup des siennes.
$ II. — De la Cicutaire ou Ciguë vireuse, de l’Anthrisque sauvage et de la petite Ciguë.
Les phénomènes morbides occasionnés par ces trois espèces n’ont point, jusqu’à présent, été différenciés de ceux que produit l’empoisonnement par la Grande Ciguë. Nous renverrons donc, pour le tableau symptomatolo- gique, à ce que nous venons de dire à propos de cette dernière plante.
A. Cicuta virosa, L. La Cicutaire, qu’on appelleencore Ciguë vireuse, Cicutaire aquatique (Cicutaria aquatica, Lans, (fig. 37), est une ombellifère vivace, glabre, d'un
* … “ D rh a Un
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la] . . OÙ Fic. 37. — Cicuta virosa. — CiGuE VIREUSE.
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376 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
mètre environ de hauteur, qui végète dans les marais et dans les fossés. Sa racine est volumineuse, blanchâtre, charnue, creusée à l’intérieur de lacunes pleines d’un suc jaunâtre. Sa tige est fistuleuse, rameuse et un peu rougeâtre à la base, ses feuilles sont bi-tripinnatiséquées, à folioles lancéolés linéaires, aigus dentés sur les bords. Ombelles à 10-15 rayons égaux, pédonculées sans invo- lucre. Ombellicules munies d’involucelles à bractées linéaires. Fleurs petites et blanches présentant un calice à 5 dents, une corolle à 5 pétales échancrés, à languette interne, 5 étamines alternes avec les pétales. Fruit con- tracté par côtés et dydyme. Carpelles à 5 côtés aplaties, égales. Vallécules à un vaisseau oléorésinifère.
La Ciguë vireuse passe pour la plus délétère des Ciguës ; saracine napiforme a occasionné dans l’espèce humaine des méprises fatales; on l’a confondue avec quelques racines comestibles et notamment avec le Céleri, erreur que le suc jaunâtre qui s’en écoule et sa saveur amère auraient dû faire éviter. Les bestiaux y touchent peu et ne s'empoisonnent que tout à fait exceptionnellement. Comme pour la Grande Ciguë, il a été dit que les mou- tons et les chèvres peuvent la manger sans en être sérieu- sement incommodés.
On a cru jusque dansces derniers temps que le principe vénéneux de cette ombellifère était la conicine. Dragen- dorff avance qu'il s’agit d’une substance spéciale, non encore suffisamment étudiée, de telle sorte que, pour le moment, le toxicologiste est dans l'impossibilité de con- stater scientifiquement un pareil empoisonnement. La symptomatologie et l'anatomie pathologique en sont à reprendre.
. : Or: B. Anthriscus sylvestris, Hoffm. L’Anthrisque sau- vage, que Linné avait appelé Cerfeuil sauvage (Chæro-
Le ©: A, S
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 377
phy llum sylvestre) et que le vulgaire désigne sous le nom pittoresque de Persil d’ane, est une herbe vivace de 0,60 à 1 mètre de hauteur et fort commune. Sa tige est fistuleuse, striée etrameuse, ses feuilles bi-tripin- natifides ; les ombelles sont longuement pédonculées. Les fleurs sont blanches, le fruit à côtes non apparentes et à bandelettes à peine distinctes. Involucelles à 4-6 fo- lioles lancéolées.
L’Anthrisque sauvage a une odeur forte et une saveur âcre qui n’empêchent pas, dit-on, les ânes de la recher- cher. D’après Rodet et Baillet, les autres animaux pourraient aussi la manger sans inconvénients. Cepen- dant un vétérinaire hanovrien, Kohli, a publié le récit de l’empoisonnement d’un troupeau de porcs qui venaient de fourrager en vert l’Anthrisque sauvage. Ils étaient frappés de paraplégie, avaient la pupille dilatée, refusaient toute espèce de nourriture et montraient des signes d’entérite. Quatre porcs succombèrent et, à leur autopsie, on constata une vive inflammation gastro- intestinale.
C. Æthusa cynapium, L. L'Éthuse ache des chiens, plus connue sous les noms de Petite Ciguë, Faux Persil, est une ombellifère annuelle, de 0,60 cent. de hauteur environ, dont la tige rameuse est finement striée et un peu couleur lie-de-vin à la partie inférieure. Les feuilles sont bi-tripinnatifides, à segments pinnatipartits, à par- titions découpées elles-mêmes. Pétioles engainants. Ombelles longuement pédonculées, à 5-10 rayons iné- gaux. Fleurs blanches, à pétales tachés de vert sur l’on- glet. Involucre nul. Involucelles à 3 folioles, réfléchies et déjetées en dehors. Fruit ovoide à côtes proéminentes et carénées. |
La Petite Ciguë (fig. 38) est assez commune dans les
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F1G. 58. — Æthusa cyYnapium. — ETHUZE ÂCHE DES CHIENS.
FPT SP AC. BRAS 0e COPA UND CLR NT ni
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 379
champs et dans les jardins. Elle est regardée comme la moins active de toutes les Ciguës et pourtant c’est elle qui a occasionné le plus d’accidents de personnes. Cela tient à ce que, croissant dans les jardins, elle est prise par mégarde pour le Persil et consommée à sa place. Les bestiaux ne recherchent pas spontanément la Petite Ciguë et les oisons qui la broutent en meurent. Elle se distingue du Persil par la coloration lie-de- vin de la partie inférieure de sa tige, par l’odeur désa- gréable qu’exhalent ses feuilles lorsqu’on les écrase entre les doigts, par la coloration de ses fleurs qui sont blan- ches au lieu d’être jaunes comme celles du Persil et par ses involucelles unilatéraux et pendants. On ne peut
la confondre avec le Cerfeuil qui exhale une odeur bien-
connue empêchant toute méprise. Elle doit ses propriétés vénéneuses à la cynapine, alcaloïde cristallisable étudié par Ficinus.
$ IIT. — Des Œnanthes.
Le genre Œnanthe, L. comprend les ombellifères les plus vénéneuses de nos pays. Il est constitué par des herbes vivaces, à tige fistuleuse dont les fleurs ont un calice à 5 dents accrescentes, des pétales à pointe fléchie en dedans, un fruit allongé, des carpelles à côtes.
Quatre espèces sont vénéneuses : Œ.crocata, Œ. phel- landrium, Œ. fistulosa, Œ. apiifolia, — mais l'Œ. cro- cata l’est beaucoup plus que les autres, aussi la pren- drons-nous pour type.
A. Œnanthe crocata. L. L’'Œnanthe safranée ou Œnanthe à suc jaune, encore désignée sous les noms de Ciguë aquatique, Navet du diable, Persacre, Pantacre, Pimpin, Bêne, croit dans les lieux marécageux, les
380 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
fossés, sur les talus; elle est particulièrement abondante dans l'Ouest, mais elle est loin d’être inconnue dans les autres régions de notre pays et partout où elle existe, elle a causé des accidents.
La tige est droite, d’une hauteur variant de 0,60 à 12,20 ; cannelée, fistuleuse et présentant plusieurs ra- meaux à la partie supérieure. Les feuilles assez grandes et vertes sont pétiolées, engainantes à la base, bipinna- tiséquées : les inférieures à segments ovales, incisés dentés, les supérieures à segments plus étroits, lancéolés ou linéaires. Très belles ombelles, à rayons nombreux et grêles. Fleurs blanches, petites, très rapprochées, les extérieures de chaque ombellule, longuement pédi- cellées, les centrales subsessiles et seules fertiles. Fruits ovoides, à côtes longitudinales, couronnés par les cinq dents du calice et les deux styles qui sont longs et persistants. La souche estpourvue de cinq à six tuber- cules épais, napiformes, charnus, de grosseur variable, entremêlés de quelques fibres grêles, le tout enfoncé assez profondément; l’odeur en est désagréable.
L'ŒÆnanthe safranée contient dans toutes ses parties, et plus particulièrement dans sa racine, un suc laiteux, blanchätre, extrêmement vénéneux qui, en se desséchant, prend une couleur jaune safranée.
Cette plante occasionne chaque année des empoison- nements dans l'espèce humaine et sur nos bestiaux. Ses feuilles sont parfois prises pour celles du Céleri et mangées comme telles, mais ce sont spécialement ses racines qui ont causé les accidents les plus nombreux. On les a confondues avec celles du Panais; elles ont d’ailleurs une saveur douceâtre assez agréable qui con- tribue aux méprises.
Cette racine a été également confondue avec celle de l'Œ. pimpinelloïdes qui est comestible. Dans l'Ouest,
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Ÿ C NS SSS SR
(D'après Naudin.
382 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
après la fenaison, les enfants vont dans les prairies récolter les tubercules de cette ŒEnanthe; ïis sont comestibles et ont un agréable goût de noisette. Bien qu'ils aient une forme plus allongée, que leur suc soit blanc et qu’ils ne soient point enfoncés aussi pro- fondément dans le sol que ceux de l’'Œ. crocata, il y a eu des méprises dont on devine les conséquences.
Les bestiaux s’empoisonnent spontanément, surtout lors du curage des fossés, alors que les racines d’'Œnanthe sont rejetées sur les talus ; ils les prennent et les mangent sans répugnance, montrant ainsi de la manière la plus évidente combien la domesticité a affaibli leur instinct.
Toutes les parties de la plante sont dangereuses, mais la racine l’est beaucoup plus que la tige et les feuilles. Ces dernières le sont à des degrés inégaux suivant les saisons, mais l’étude des variations qu’elles éprouvent dans leur toxicité est encore à faire. La dessiccation ne détruit qu’en partie celle-ci, la cuisson l’affaiblit davan- tage sans l’annihiler entièrement.
L'homme et tous les animaux domestiques sont sus- ceptibles d’être empoisonnés par l'Œnanthe; parmi ceux-ci, et contrairement à ce qui se remarque souvent, les carnivores sont moins sensibles à son action que les herbivores. |
En employant la racine fraîche, il faut pour empoi- sonner :
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Pour l’homme, la quantité n’est pas déterminée exac- tement, mais elle est peu considérable, car on lit dans
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DES PLANTES VÉNENEUSES. 383
les relations médicales que telle personne mourut après avoir mangé «un morceau de racine d'Œnanthe ».
S1, au lieu d'employer la racine entière, on se sert du suc qu’on en exprime, la quantité nécessaire pour ame- ner la mort est basée sur le poids en racine donné plus haut, car c’est le suc qui est la partie active.
Symptomatologie. — Placé sur la peau de l’homme, le suc qui s'écoule de l'Œnanthe l’irrite fortement et lon ne peut râper cette plante, sans s’exposer à des accidents extérieurs.
La personne qui a ingéré de l’'Œnanthe éprouve une sensation de brûlure à l’arrière-gorge, qui s’étend à Pœsophage, à l'estomac et à l'intestin; puis surviennent des nausées suivies ou non de vomissements. Quand les matières vomies renferment des fragments de la plante, ceux-ci ont une odeur de céleri grillé. Frissons,
_sueurs froides, pouls petit, filiforme, respiration sacca-
dée, anxieuse, secousses convulsives des muscles de la
face, des mâchoires, trismus intense, délire, stupeur ou
convulsions violentes avec insensibilité générale, car- dialgie, défaillance, mort. Celle-ci peut survenir de la 4° à la 20° heure après l’ingestion.
Lorsque l’empoisonnement n’est pas mortel, on voit parfois apparaître sur les mains, à la face, des taches roses, puis rouges comme dans l’urticaire. Ces taches peuvent même gagner tout le corps; leur apparition n’est
pas constante. Quand les sujets se rétablissent, ils res-
tent longtemps avec des symptômes nerveux.
Environ une heure après avoir mangé de l’'Œnanthe safranée, le bœuf devient triste et sa respiration s’accé- Jèrec Dis les conjonctives s’injectent, l'œil pirouette dans l'orbite, le pouls est faible mais vite, la bouche écumeuse. À mesure que le temps débile: lPaccéléra- tion de la respiration fait des progrès et bientôt appa-
384 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
raissent des coliques, des contractions spasmodiques des membres. Fréquemment les mâchoires participent à ces mouvements et la bête semble mâcher conti- nuellement.
Si la quantité ingérée est suffisante pour amener la mort, l’animal se laisse tomber à terre et agite sans arrêter ses membres, comme sil voulait galoper; il pousse des beuglements, sa pupille se rétrécit, la sensi- bilité devient de plus en plus obtuse et la mort arrive au milieu des convulsions, plus ou moins rapidement selon la quantité ingérée.
Lorsque celle-ci, tout en ayant été importante, n’amène pas la mort, les bœufs peuvent rester paralysés (Bellamy).
Chez le cheval, l'intervalle entre l’apparition des symptômes morbifiques et la prise de l’ombellifère vénéneuse est moins long, les symptômes nerveux plus accentués, et le dénouement généralement plus rapide.
Le porc qui n’a mangé qu’une faible quantité d'Œ- nanthe, vomit peu après et se débarrasse du poison, mais si la dose a été considérable, les vomissements ne se produisent pas et la mortarrive avec une rapidité qui rappelle l’empoisonnement par l'acide cyanhydrique.
Le lapin commence par uriner abondamment, puis sa respiration s'accélère, des convulsions violentes des membres simulant les mouvements d’une course accélérée apparaissent; il y a paralysie de l’arrière- train. | tes
Le chien qui a reçu une dose mortelle d’extrait d'ŒÆnanthe reste une heure, une heure et demie et même deux heures, sans rien présenter d’anormalen apparence, puis tout-à-coup des convulsions d’une extrême vio- lence apparaissent et le dénouement fatal arrive dans l’espace d’un quart d'heure.
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DES PLANTES VÉNENEUSES. 385
Le pronostic de l’empoisonnement par l’Œ. crocata est toujours très grave; les statistiques faites en méde- cine humaine sur ce sujet montrent qu’un individu sur quatre a succombé. Pour les animaux domestiques la proportion n’est pas moins élevée.
Lésions. — Elles sont peu nombreuses, nullement caractéristiques et le médecin légiste ne doit pas s’at- tendre à recueillir par l’autopsie des renseignements bien circonstanciés.
Lorsqu'on ouvre l’estomac d’un sujet qui a succombé à l’'empoisonnement que nous étudions, on est frappé par l’odeur spéciale qui se répand et qu’on assimile à celle du céleri grillé; on retrouve habituellement dans cet organe des morceaux de racine d’(ŒEnanthe, à moins qu’il ne s’agisse d’une intoxication par le suc seul.
Quand le dénouement a été très rapide, l’examen des viscères thoraciques et abdominaux ne montre rien d’a- normal, pas plus que celui du sang. On ne trouve qu’un peu de. congestion des centres nerveux, avec pointillé rouge de la substance cérébrale. Les veines de la pie- mère sont distendues, il y a parfois des foyers apoplec- tiques. Le plexus choroïde et les enveloppes sont injec- tés, quelquefois les ventricules contiennent une plus grande quantité de liquide qu’à l’état normal. Subs- tance médullaire congestionnée.
Lorsque la mort a été plus lente à arriver et que la maladie a duré 6, 8, 10, 15 et même 24 heures, on trouve des lésions viscérales consistant particulièrement en taches ecchymotiques; elles existent de préférence aux ouvertures pylorique et cardiaque mais peuvent se trouver aussi sur les intestins. La couche corticale des reins est injectée.
Nous ne savons pas exactement re quelle voie s’éli-
25
386 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
mine le poison de l'Œnanthe, mais il y a quelques pro- babilités pour que ce soit surtout par le poumon. En effet, on a recherché si le lait d’une vache empoisonnée par cette plante avait des propriétés nocives et lon n’a rien constaté d’anormal dans ce liquide (Bellamy). On a fait boire à des porcs le sang de bœufs intoxiqués, on leur a fait consommer le cœur, le foie, le cerveau sans qu’il en soit résulté aucun dérangement dans leur santé.
On peut consommer sansaucun inconvénient la chair des animaux intoxiqués par cette ombellifère. L’expé- rience en est faite depuis longtemps en Bretagne oùles cas d’'empoisonnement sont plus fréquents qu'ailleurs, Sous l'influence de la cuisson, le poison non éliminé pendant la vie se volatilise, disparaît en grande partie et la viande n’est nullement malfaisante. D’autre part, la courte durée des souffrances et la rapidité du dénoue- ment rapprochent ces viandes de celles qui proviennent d'animaux foudroyés qu’on mange sans danger. Je ne conseillerai qu’une exception, ce sera pour les pou- mons qu’il sera prudent de jeter.
Le poison renfermé dans-le suc d'Œnanthe est mal connu chimiquement; on croit le trouver dans une résine, d’odeur vireuse en même temps qu’aromatique et de saveur âcre, qu’on en a extrait, mais les toxicolo-
gistes ne possèdent point encore, à ma connaissance du :
moins, de réactifs spéciaux pour le déceler. Quand ce désidératum sera comblé, ce sera spécialement dans les poumons qu’ils devront le rechercher lors d’expertises médico-légales.
B. Œnanthe phellandrium, Lamk. (fig. 40). L'Œnanthe phellandre qui fut placée dans le genre Phellandrium
par Linné et appelée Ph. aquaticum, L. Phellandre
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 387
aquatique, a été désignée aussi, abusivement, sous le nom de Ciguë aquatique. Cébr une, herbe vivace, de 0,60 cent. à 1 ”, 20 de haut, ‘dont la ‘base est une ete à fibres grêles à filiformes d'où partent plusieurs tiges fistuleuses, rameuses, à feuilles pétiolées bi ou tripinna- tiséquées, à segments pinnatifides, à ombelles courte- ment pédonculées. Fleurs blanches, fruits ovoiïdes. Habitat : les lieux marécageux, les fossés, etc. L’Œnanthe phellandre passe pour être très vénéneuse, mais sa toxicité est moindre au printemps, alors que ses pousses sont jeunes, que plus tard. À ce moment, les bêtes bovines peuvent la brouter sans en être incommo- dées, mais les chevaux ne le peuvent pas sans dangers.
C. Œnanthe fistulosa, L. L’Œnanthe fistuleuse ou Persil des Marais a le même habitat que la précédente, Comme elle, elle est vivace, mais sa taille n’atteint guère que 0,50 à 0,60 cent.; sa souche est à fibres dont quelques-unes sont grêles, les autres charnues et fusi- formes. Sa tige, peu rameuse et peu feuillée, a des feuilles longuement pétiolées et un peu différentes suivant leur situation. Ombelles longuement pédonculées, la termi- nale fructifère, les latérales stériles. Fleurs blanches, les extérieures pédicellées, les intérieures sessiles. Fruits anguleux.
L’Œnanthe fistuleuse est vénéneuse, mais ce n’est que
fort exceptionnellement que les animaux y touchent
spontanément. Îl est probable que le principe toxique de cette plante est identique à celui ee la Pros
D. Œnanthe apiifolia, Brot. Elle : se e rapproche de V'Œ. crocata par ses propriétés vénéneuses ; son suc est incolore, ses feuilles plus due ses fbliales plus aiguës.
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F1G, 40. — Œnanthe phellandrium. — ŒNANTHE PHELLANDRE.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 389
On ne saurait trop recommander aux agriculteurs de détruire les Œnanthes dont il vient d’être question, mais particulièrement l'Œ. safranée. Elles végétent vigou- reusement et ont de la tendance à étouffer les plantes fourragères qui les avoisinent; non seulement la pru- dence, mais encore l’intérêt bien entendu des propric- taires doivent les pousser à faire disparaître ces mau- vaises plantes. |
$ IV. — De la Férule commune.
Le genre Ferula, Tournef. comprend une soixan- taine d’espèces de l'Ancien Continent, dont quelques- unes sont utiles à l’industrie et à la médecine, par les gommes-résines qu’on en retire. À notre point de vue spécial, la suivante seule nous intéresse :
Ferula communis, L. La Férule commune a été dé- crite sous les noms de Æ. lobeliana, Visiani, et de F.nodiflora, Sibthorp et Smith; la F. glauca de Decan- dolle n’en serait qu’une variété. C’est une plante très commune dans le bassin méditerranéen; on la trouve dans les lieux montueux de la France méridionale, elle abonde en Algérie où les indigènes l’appellent E/kelakh et les colons Fenouil. Cette dernière appellation est regrettable, puisqu'elle indique une confusion avec une plante qui, loin d’être vénéneuse comme la Férule, est recommandée pour le bétail dans des circonstances par- ticulières. |
Dans notre colonie africaine, sa taille est notablement supérieure à celle qu'elle possède dans notre pays où elle ne dépasse guère 1",50, tandis qu’elle peut atteindre 25,50 en Afrique. Sa tige dressée est forte, cylin-
_ drique et rameuse. Ses feuilles sont plusieurs fois pinna-
tiséquées, à lanières étroites et allongées. Ombelles à
300 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
rayons nombreux, ordinairement disposés 3 à 3. Fleurs jaunes, à calice à 5 dents; pétales entiers et ovales. Fruit ovoide, entouré d’une bordure mince, aplati d’un côté à l’autre avec des côtes assez saillantes et des vallé-
cules à une, deux ou trois bandelettes. Racines assez fortes, charnues.
Après dessiccation, la Férule commune conserve pen- dant plusieurs années une odeur aromatique agréable, odeur qui est peut-être l’une des causes pour lesquelles le surnom de Fenouil lui a été donné, mais elle n’est plus nuisible,
à
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 301
Au moment ou elle sort de terre et pendant les pre- miers temps de sa végétation elle est inoffensive, puis sa tige et ses feuilles deviennent vénéneuses jusqu’au moment de sa floraison; après cette époque, elle n’est plus à craindre et les Arabes prétendent qu’alors on peut la manger et qu’elle constitue même un bon aliment.
Elle a occasionné quelques empoisonnements dans l’espèce humaine et elle en a causé de nombreux sur les bestiaux d'Algérie.
Lors des disettes, on a vu les Arabes employer les côtes des feuilles de Férule comme aliments, au grand détriment de leur santé : plusieurs en sont morts.
En Algérie, les animaux, particulièrement les moutons et les bœufs, s'adressent à cette Ombellifère dont les tiges vigoureuses font souvent contraste avec l'herbe rare et desséchée du voisinage.
Symptomatologie. — Dans l’espèce humaine, à la suite d’une alimentation dans laquelle entrait la F. com- munis, On a vu survenir une grande faiblesse, de l’es- soufflement, une diarrhée abondante et des plaques ecchymotiques, particulièrement sur les membres. Nous empruntons le tableau symptomatologique de cette in- toxication à M. Fabries qui a pu, en Algérie et dans des circonstances lamentables, étudier de près : « Les indi- gènes qui avaient eu recours à ce moyen d’alimentation, au milieu de Ia santé apparente, étaient pris de faiblesse générale, telle que la marche leur devenait impossible. La face intérieure des jambes et des pieds, moins sou-
_vent celle des avant-bras, se couvrait d’une sérosité sanguinolente qui paraissait sourdre à travers la peau. Le lavage des parties montrait que la peau sous cet enduit était complètement intacte, sans ulcération, même sans érosion. Le liquide sanguinolent avait traversé la
‘ peau à la manière dont certains liquides traversent les
302 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
membranes endosmométiques. Les malades accusaient des douleurs dans les parties des membres atteints de ces suffusions. La peau, dans le reste de son étendue, était saine, exempte de taches ecchymotiques. Le pouls était petit, un peu fréquent; la chaleur du corps nor- male, les muqueuses pâlès mais saines, surtout celles de la bouche.
« Chez ces malades, après sept ou huit jours, la fai- blesse devenait excessive; ils avaient de la peine à se mouvoir; la diarrhée se déclarait et la mort survenait inévitablement si le malade n’était pas de constitution très robuste ou manquait de soins. »
M. Fabries dit qu’il ne s’agissait point d’hémorrhagies vraies, que le liquide qui transsudait était, non du sang en nature, mais du sérum coloré par l’hémoglobine dissoute.
L’empoisonnement des animaux domestiques par la Férule a été bien observé et bien décrit par un vétéri- naire algérien, M. Brémond. Nous allons lui laisser la parole :
« Tous les animaux s’empoisonnent spontanément par cette plante, mais ce n’est que quand ils ont pacagé dans des endroits où elle est abondante que des cas d’empoisonnement s’observent. Il faut qu’il y ait, en quelque sorte, accumulation dans l’économie de l’agent toxique pour qu’il produise ses effets. Si, dès les pre- miers cas, on déplace le troupeau, la mortalité s'arrête promptement, mais si on néglige cette précaution on ne tarde pas à voir succomber jusqu’à 40 moutons par jour sur un troupeau de 350 à 400 têtes. Voici comment on pourrait classer les espèces par rapport à leur suscepti- bilité à l'égard de l’intoxication par la Férule : mouton, chèvre, bœuf, solipèdes et porc.
« Nous prendrons le mouton comme type de notre
«
DES PLANTES VÉNENEUSES. 393
description symptomatologique, car il est l’animal le plus sujet à être empoisonné.
« Le début est brusque; tout à coup l’animal perd l’ap- pétit et laisse échapper par les narines quelques gouttes de sang rutilant d’abord, mais qui ne tarde pas à avoir l'aspect du sang veineux. Ce saignement de nez est un signe constant, on pourrait dire caractéristique. Quel- ques heures après le début (4 à 8 heures) l'écoulement nasal s'arrête, mais si l’animal urine on dirait qu’il pisse du sang pur. Il y a aussi rejet de caillots sanguins, noirs, par l’anus. Ces caillots sont d’abord mélangés aux excré- ments, puis ils sont expulsés seuls. L’entérorrhagie est plus ou moins accusée, mais elle s’observe dans tous les cas. Il en est de même de l’hématurie. Dès l'apparition du premier symptôme, l’animal est triste, comme acca- blé, mais ne paraît éprouver aucune douleur. Bientôt la torpeur augmente au point que le sujet ne suit plus le troupeau et reste planté sur ses quatre pattes sans avoir conscience du monde extérieur. La respiration s’accé- lère, le pouls dès le début est très difficilement percep- tible, la température est au-dessous de la normale, les muqueuses apparentes sont pâles; 12, 15, rarement 24 heures après le début, la dyspnée augmente, l’as- phyxie estimminente, l’animal tombe sur le sol, se débat pendant quelques minutes et meurt sans pousser la moindre plainte. Cette symptomatologie est constante, typique en quelque sorte, et s’observe d’une manière uniforme sur les différentes espèces domestiques.
« Le pronostic est des plus graves, 98 p. 100 des sujets atteints succombent. La durée de la maladie varie de 12 heures à 48 heures. Plus les animaux sont plétho- riques, plus est rapide la marche de la maladie et plus élevée la proportion des sujets atteints. Quelquefois après l’expulsion d’un ou de plusieurs caillots sanguins
membranes endosmométiques. Les malades accusaient des douleurs dans les parties des membres atteints de ces suffusions. La peau, dans le reste de son étendue, était saine, exempte de taches ecchymotiques. Le pouls était petit, un peu fréquent; la chaleur du corps nor- male, les muqueuses pâlès mais saines, surtout celles de la bouche.
« Chez ces malades, après sept ou huit jours, la fai- blesse devenait excessive; ils avaient de la peine à se mouvoir; la diarrhée se déclarait et la mort survenait inévitablement si le malade n’était pas de constitution très robuste ou manquait de soins. »
M. Fabries dit qu’il ne s’agissait point d’hémorrhagies vraies, que le liquide qui transsudait était, non du sang en nature, mais du sérum coloré par l’hémoglobine dissoute.
L’empoisonnement des animaux domestiques par la Férule a été bien observé et bien décrit par un vétéri- naire algérien, M. Brémond. Nous allons lui laisser la parole :
« Tous les animaux s’empoisonnent spontanément par cette plante, mais ce n’est que quand ils ont pacagé dans des endroits où elle est abondante que des cas d’empoisonnement s’observent. Il faut qu’il y ait, en quelque sorte, accumulation dans l’économie de l'agent toxique pour qu’il produise ses effets. Si, dès les pre- miers cas, on déplace le troupeau, la mortalité s’arrête promptement, mais si on néglige cette précaution on ne tarde pas à voir succomber jusqu’à 40 moutons par jour sur un troupeau de 350 à 400 têtes. Voici comment on pourrait classer les espèces par rapport à leur suscepti- bilité à l’égard de l’intoxication par la Férule : mouton, chèvre, bœuf, solipèdes et porc.
« Nous prendrons le mouton comme type de notre
DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. 393
description symptomatologique, car il est l’animal le plus sujet à être empoisonné.
« Le début est brusque; tout à coup l’animal perd l’ap- pétit et laisse échapper par les narines quelques gouttes de sang rutilant d’abord, mais qui ne tarde pas à avoir l'aspect du sang veineux. Ce saignement de nez est un - signe constant, on pourrait dire caractéristique. Quel- ques heures après le début (4 à 8 heures) l’écoulement nasal s’arrête, maïs si l’animal urine on dirait qu’il pisse du sang pur. [ly a aussi rejet de caïllots sanguins, noirs, par l'anus. Ces caillots sont d’abord mélangés aux excré- ments, puis ils sont expulsés seuls. L’entérorrhagie est plus ou moins accusée, mais elle s’observe dans tous les cas. [Il en est de même de l’hématurie. Dès l'apparition du premier symptôme, l’animal est triste, comme acca- blé, mais ne paraît éprouver aucune douleur. Bientôt la torpeur augmente au point que le sujet ne suit plus le troupeau et reste planté sur ses quatre pattes sans avoir conscience du monde extérieur. La respiration s’accé- lère, le pouls dès le début est très difficilement percep- ble, la température est au-dessous de la normale, les muqueuses apparentes sont pâles; 12, 15, rarement 24 heures après le début, la dyspnée augmente, l’as- phyxie estimminente, l'animal tombe sur le sol, se débat pendant quelques minutes et meurt sans pousser la moindre plainte. Cette symptomatologie est constante,
typique en quelque sorte, et s’observe d’une manière
uniforme sur les différentes espèces domestiques.
« Le pronostic est des plus graves, 98 p. 100 des sujets atteints succombent. La durée de la maladie varie de 12 heures à 48 heures. Plus les animaux sont plétho- riques, plus est rapide la marche de la maladie et plus élevée la proportion des sujets atteints. Quelquefois après l’expulsion d’un ou de plusieurs caillots sanguins
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396 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
la Férule commune, c’est que son principe vénéneux est volatil; la cuisson l’annihilerait également et la consom- mation de la viande ne présenterait aucun danger. D’ail- leurs de temps immémorial en Algérie, les Arabes mangent les moutons empoisonnés sans qu’il en soit jamais résulté le moindre inconvénient pour eux.
$ V. — Observations sur quelques autres Ombelhfères.
Il ne sera point inutile, avant de terminer l’article consacré aux Ombellifères vénéneuses, de présenter quelques brèves considérations sur d’autres espèces.
A. Daucus carotta, L. Tout le monde sait que sous l'influence de la culture, la Carotte s’est considérable- ment modifiée, particulièrement dans sa racine, et qu’elle entre aujourd’hui largement dans l’alimentation de l’homme et des animaux.
A l’état spontané, sa racine est grêle, d’odeur forte et de saveur âcre. Cette âcreté serait-elle due à quelque principe malfaisant qui n’existerait plus qu’en très mi- nime quantité dans la Carotte cultivée, mais néanmoins s'y trouverait encore à l’état de traces ? On serait tenté de le penser en présence d’une expérience de Bohm. Cetexpérimentateur ayant donné des racines de Carottes à des souris blanches, les vit mourir assez prompte- ment à la suite de cette alimentation.
De nouvelles recherches seraient à faire sur ce point.
B. Heracleum sphondylium, L. La Berce Branc- Ursine ou Héraclée commune, très abondante dans beaucoup de prairies et habituellement inoffensive, a été accusée d’avoir produit, dans des circonstances spé- ciales, des accidents sur des personnes ou des animaux.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 307
Ces accidents ont été observés en Belgique et on les a désignés sous le nom de Panaïisie ou mal de Panais, parce que, dans ce pays, la Berce est vulgairement ap- pelée Panais des vaches. Un des cas les plus typiques fut observé sur une escouade d’ouvriers, qui au mois d'août 1856, par un temps très brumeux et très chaud, l'herbe étant chargée de rosée, fut employée à arracher des pieds de Berce, dans un parc, à Hambraine, pro- vince de Namur. Presque tous les ouvriers éprouvèrent dans la journée ou le lendemain un sentiment de cuis- son intense sur le bras gauche et autour des poignets. Une inflammation érysipélateuse se développa, avec complication de nombreuses phlyctènes qui s’ouvrirent pour faire place à de petites plaies. Il y eut ainsi une sorte de vésication qui mit fort longtemps à se cicatri- ser et qui occasionna un arrêt de travail de 10 et même 20 jours. Quelques bêtes bovines auxquelles on avait donné les plantes qu’on arrachaït, ressentirent de l’irri- tation gastro-intestinale, une soif très vive et de la diarrhée. Il faut dire que les ouvriers occupés au sar- clage avaient relevé leurs manches, et qu’arrachant la plante de la main droite, ils la déposaient sur le bras gauche, jusqu’à ce qu’ils en eussent une botte qu’ils
allaient jeter. On nota que les ouvriers arrivés les pre-
miers et qui avaient commencé leur travail à la pointe du jour eurent des accidents beaucoup plus graves que les retardataires arrivés seulement alors que le soleil dissipait le brouillard et la rosée.
On a multiplié les hypothèses pour expliquer les accidents de Hambraine, et ceux qui se produisirent à diverses reprises dans d’autres localités de la Belgique. H. Rodet, que ces faits avaient beaucoup intrigué, pen- sait que dans des conditions qui restent à déterminer, mais où l’humidité et l’absence de soleil tiennent la
wi
398 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
première place, la Serce devient pauvre en huile essen- tielle et qu’elle élabore un principe âcre et vénéneux, semblable à celui que produisent beaucoup d’'Ombelli- fères. La commission belge, chargée de l’étude de la Panaisie, faisait jouer le rêle principal à l’huile volatile que la Berce renferme normalement. Pendant le jour, cette huile s’évapore au fur et à mesure de sa formation, mais par une matinée brumeuse, sans soleil, dans une prairie chargée de rosée, elle se condenserait au lieu de se volatiliser, puis se dissoudrait dans la rosée qui couvre la plante; de là les propriétés irritantes de celle-ci.
Cesinterprétations, ainsi que toutes celles qu’on a pro- posées et que nous nous abstiendrons de reproduire, n’ont que la valeur toute relative qu’on veut bien accor- der aux hypothèses. Nous regrettons une fois de plus que le déterminisme de la formation des poisons d’ori- gine végétale soit si peu avancé.
C. Sium latifolium, L. La Berle à larges feuilles est une herbe des lieux marécageux et des fossés. Elle passe pour être vénéneuse, tout au moins par ses racines. On voit pourtant les bêtes à cornes et les porcs manger sa tige sans en paraître incommodés. Mais il importe néan- moins de ne pas laisser les vaches laitières s’en nourrir, parce qu’elle communique au lait une saveur désagréable.
Les mêmes observations s'appliquent à la Berle a
feuilles étroites (Sium angustifolium), L. encore dé-
crite par Koch sous le nom de Beérule (Berula angus- tifolia) et à la Berle nodiflore (Sium nodiflorum), L. que Koch a rattaché au genre Hélosciadie et dont il a fait l’'Hélosciadie nodiflore. |
‘D. Petroselinum sativum. Hoffm. Le Persil cultivé, dont les usages culinaires sont connus et qui est pris
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 309
sans hésitation par tous les animaux domestiques, est regardé comme toxique pour les oiseaux, notamment pour les perroquets. Il serait bon de n’accepter cette opinion que sous bénéfice de vérification, car dans de récentes expériences, M. Gadau de Kerville a fait in- gérer des feuilles vertes, des racines, des graines, et boire une infusion de cette plante à des Psittacidés, sans qu’il en soit résulté aucun dérangement appréciable de leur santé.
Le Persil contient, d’après les recherches de Homolle et Joret, une huile essentielle et un principe doué de propriétés fébrifuges et emménagogues nommé Apiol par ces observateurs.
E. Bien que le Panais (Pastinaca sativa) L. constitue un bon légume pour l’homme et un excellent fourrage pour les animaux, l’agriculteur s’abstiendra d’en donner à ses vaches laitières dont le lait prendrait bientôt son odeur sui generis.
F. La Caucalide fausse Carotte (Caucalis daucoïdes) L. n’est point une Ombellifère vénéneuse, mais son fruit est hérissé de petits tubercules épineux et il se mêle, parfois très abondamment, à l’avoine qu'il déprécie. Il est difficile à enlever au trieur. Il faut néanmoins s’ef- forcer de le démêler, car les chevaux qui reçoivent des avoines ainsi souillées, les mangent plus lentement et semblent éprouver de la douleur à l’arrière-bouche lors de la déglutition, douleur causée par ses petites tubé- rosités.
G. Eryngium campestre, L. Le Panicaut des champs, plus connu sous le nom de Chardon roland et qui a, en effet, l’aspectetles feuilles coriaces des Chardons, est fort
400 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
commun dans les lieux incultes et sur le bord des che- mins. Les bestiaux n’y touchent point; la difficulté de le mâcher en est probablement la cause principale, mais peut-être aussi renferme-t-il quelque principe qui leur serait nuisible. En effet, l’ancienne médecine attribuait des propriétés diurétiques énergiques à sa racine et cette partie est encore parfois employée comme telle dans les campagnes. On peut donc émettre une pareille supposition, en désirant quelle soit vérifiée par de pro- chaines recherches chimiques.
Sous-ARTICLE IV. — CRASSULACÉES ET ARALIACÉES.
Peu étendues et assez peu importantes, les deux fa- milles que nous rapprochons possèdent chacune une espèce vénéneuse.
J. — Dans la famille des Crassulacées, le genre Sedum, L. (Orpin), constitué par des plantes à feuilles épaisses, succulentes, de formes très diverses, souvent pourvues de deux sortes de tiges, les unes florifères, les autres stériles, offre à notre examen l’espèce suivante:
Sedum acre, L. L’Orpin äcre, encore appelé Vermi- culaire äcre, Orpin brûlant, Poivre de muraille, très abondant sur les vieux murs et les coteaux exposés au grand soleil, est une plante vivace, glabre, charnue, à souche rameuse, à tiges en touftes de 0,05à 0,10 centim. de longueur, à feuilles courtes, ovoides, à fleurs jau- ne doré, en cymes 2-3 pares.
Il possède une saveur âcre, caustique dans toutes ses parties; placé sur la peau, il a une action locale marquée qu’on utilise dans la médecine populaire pour faire dis- paraître les cors et les durillons.
A l’intérieur, on lui attribue des effets émétiques et
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 4oi
purgatifs. Les premiers sont le résultat de son action irritante sur la muqueuse gastrique, car si l’on a recours à la voie hypodermique pour introduire le suc de ses feuilles, on ne les produit qu’exceptionnellement.
En introduisant, sous la peau d’un chien, du suc exprimé des feuilles à la dose de 7 grammes de feuilles par kilog. de poids vif, nous avons obtenu les symptô- messuivants, dont l’apparition acommencéuneheure 1/4 après l’injection hypodermique : salivation, tremble- ments musculaires qui, d’abord faibles, augmentent de violence et se transforment en mouvements choréiques; ceux-ci plus marqués aux membres postérieurs qu’aux antérieurs. Respiration très modifiée, ample, accélérée, torsion des côtes à chaque respiration. La marche s'exécute sans hésitation, les sens ne paraissent point affectés et l'animal répond aux caresses. A cette période d’excitation qui dura environ trois quarts d’heure, a succédé une phase de somnolence et de coma d’une durée de douze heures, phase pendant laquelle la respiration a continué à se faire en deux temps, avec soubresaut, puis tout est rentré dans l’état normal après
une abondante émission d’urine. Il y a eu diarrhée con-
sécutive.
Cette expérience est confirmative de l'existence d’un principe toxique dans le Sedum, mais ce principe, tout au moins dans les feuilles récoltées en hiver, ce qui fut le cas dans notre recherche, ne paraît pas avoir la violence que lui attribue Orfila disant qu'il tue rapide- ment les chiens. Quoi qu’il en soit, on notera qu’à côté de l’irritation intestinale se place une action spéciale sur la respiration qui a probablement la prépondérance dans le mécanisme de la mort.
Dans les conditions ordinaires, l’'Orpin âcre n’est guère susceptible d’occasionner des accidents que sur
29
402 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
les oies ou les canards qui le mangeraient; il est trop peu abondant et trop peu recherché pour que d’autres animaux en prennent suffisamment pour s'empoisonner.
II. — Dans la famille des Araliacées, le genre Hedera, Tournef. (Lierre), formé de plantes grim- pantes, ligneuses, à feuilles persistantes et coriaces, nous intéresse par l’espèce Hedera Helix, L. Lierre rampant.
Le Lierre, une des plantes les plus communes et les plus connues, se garnit en automne de petites fleurs d’un vert jaunâtre, réunies en ombelles terminales aux- quelles succèdent des baies globuleuses, surmontées du style qui est persistant, vertes d’abord et d’une odeur mi-résineuse mi-aromatique quand ‘on les écrase, puis noires à la maturité.
Ces baies tentent d’autant plus les enfants qu’elles apparaissent en hiver, alors que les autres fruits sont rares. Elles sont toxiques, les anciens le savaient et Pline en parle. De temps à autre, la presse médicale enregistre l’'empoisonnement d’enfants par l’ingestion de ces fruits.
Les symptômes de cet empoisonnement sont com- plexes; à côté d’effets émétiques et purgatifs assez in- tenses, se placent des phénomènes nerveux rappelant ceux de l'ivresse : excitation, puis coma, secousses con- vulsives, démarche mal ordonnée, respiration sterto- reuse, etc. Se |
Les lésions sont peu nombreuses et peu étendues. L'inflammation plus ou moins vive des voies digestives et l'engouement des méninges et des poumons, sont à peu près les seules traces de l’action du poison.
La complexité des symptômes porte le pathologiste à
soupconner plusieurs principes vénéneux dans le Lierre
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DES PLANTES VÉNENEUSES. * 403
et les recherches chimiques confirment cette opinion. Vandamme et Chevalier ont retiré des graines un alca- loïde, l’Hédérine, regardé, il est vrai, comme problé- matique par quelques chimistes. On a extrait des feuilles un glycoside, C*? H°*O*!, cristallisable, insoluble dans l’eau et le chloroforme, soluble dans l’alcool et les alcalis chauds et donnant par l'acide sulfurique étendu un sucre cristallisable, non fermentescible. On a retiré l’acide hédérique, C'*H%O*, des graines en les épuisant par l’éther et l’alcool.
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104." DÉS PLANTES VÉNÉNEUSES.
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 405
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TROISIÈME DIVISION
DICOTYLÉDONES GAMOPÉTALES
Caractérisé par une corolle à pétales soudés et un ovule généralement monochlamydé, le groupe des Ga- mopétales renferme des végétaux vénéneux dans les familles suivantes : Caprifoliacées, Valérianées, Com- posées, Ericacées, Primulacées, Apocynées, Asclépia- dées, Convolvulacées, Solanées, Scrofulariées et Oro- banchées.
ARTICLE [%. — CAPRIFOLIACÉES, VALÉRIANÉES, CoMPOSÉES ET ÉRICACÉES.
Les quatre familles que nous réunissons dans cet ar- ticle n’ont qu’une importance secondaire pour l’hygié- niste, aussi parlerons-nous brièvement de chacune é.:déHes,
Sous-ARTICLE I. — CAPRIFOLIACÉES.
Cette famille, dont le type est le Chèvre-feuille et qui comprend quelques plantes herbacées passablement dures et des arbrisseaux, offre le genre suivant à notre examen : |
. Sambucus, L. (Sureau).— Végétaux herbacés ou li-
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gneux à feuilles pétiolées, stipulées ou non, pinnatisé- quées, à fleurs en corymbes ou en panicules; les fruits sont des baies. À signaler deux espèces :
A. Sambucus Ebulus, L. Le Sureau Hyèble, encore dit ssmpiement Æ/yèble ou Yèble, Yèle, Petit Sureau, est une herbe vivace, d’un mètre de haut en moyenne, à tige rigide, cannelée, à feuilles opposées, stipulées, à 5-11 segments, finement dentées, à fleurs blanches, parfois un peu rosées, à baies noires, luisantes, qui croît avec vigueur dans les lieux incultes, un peu argileux, et sur le bord des chemins.
L’Hyèble exhale de toutes ses parties, sauf des fleurs, une odeur forte et repoussante qui empêche les animaux d'y toucher. Aussi, malgré que sa racine, son écorce et ses feuilles soient douées de propriétés purgatives prononcées, n’enregistre-t-on point d’accidents de son fait. Ses baïes, également purgatives, tentent rarement les enfants à cause de l’odeur de la plante. Mais elles sont employées par des viticulteurs ou des marchands peu scrupuleux, pour colorer le vin auquel elles com- muniquent des propriétés évacuantes. | _ On a observé l’empoisonnement de dindons par ces fruits. Les graines qu’elles contiennent ont des proprié- tés supérieures à celles des fruits eux-mêmes; les racines sont dans le même cas. La dessiccation affaiblit l’activité de l'Hyèble, mais ne l’annihile pas complètement.
A doses modérées, les symptômes de l’empoisonne- ment sont ceux de la purgation; en quantités plus éle- vées, on remarque une dépression considérable des forces et des effets éméto-cathartiques si violents qu’ils sont comparables à ceux de la cholérine. En même temps que les vomissements et la diarrhée apparaissent, on note une diurèse abondante et de l'accélération du
Lu te de LEE TRS PSS EE LEE AR GA NES Ge é 2 M .* CORAN |
DES PLANTES VÉNENEUSES. 407
pouls. 11 n’y a pas d’élévation de température et les avis
sont partagés au sujet de la diaphorèse. |
Les lésions dans les cas, très rares, où la mort sur- vient, sont celles de la superpurgation.
On extraitdes diverses parties de l’'Hyèble, qui lesren- ferment en proportions très variables, une huile douée de propriétés vomitives et purgatives, une résine et un peu d'acide valérianique. Il est possible que les effets spéciaux de la plante soient dus à ces trois sortes de principes.
B. Sambucus nigra, L. Le Sureau à fruits noirs ou Sureau commun, appelé par les gens de la campagne Seuillet, Seuillon,est un arbuste commun dans les haies, dont les rameaux ont leur centre garni d’une forte quantité de moelle blanchâtre. Les feuilles ont de 5 à 7 segments ovales lancéolés; les fleurs en corymbes sont blanches et passent au jaunâtre par la dessiccation; elles ont une odeur aromatique prononcée. — Baies globuleuses noires.
Les fleurs de Sureau sont d’un emploi quotidien en médecine comme sudorifiques et pectorales. On attri- bue aux feuilles, à l’écorce et aux baïes, les mêmes pro- _priétés qu’à celles de l'Hyèble. La seconde écorce ou couche libérienne est considérée comme la partie la plus active.
Ce qui a été dit de l’intoxication produite par l’Hyèble s'applique au Sureau commun. Il y a des probabilités pour qu’on puisse aussi en faire l'application aux autres espèces et aux variétés créées par l’horticulture pour la décoration des jardins. On citera particulièrement, le S. racemosa, L. Sureau à grappes, Surea des mon- tagnes, des graines duquel on extrait, en Allemagne, une huile à graisser les voitures; le S. peruriana,
408 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
H.B.K. dont les baies sont employées au Pérou comme purgatives et peut-être aussi le S.canadensis ou Sureau du Canada.
SOUS-ARTICLE II. — VALÉRIANÉES.
Nous n'avons qu'une mention à accorder au genre Valeriana, L. qui est le type de ceux que renferme la petite famille des Valérianées.
Dans ce genre se trouve l'espèce Valeriana officinalis, L. La Valériane officinale qu’on appelle encore Herbe aux chats à cause de la prédilection singulière qu’ont les chats pour elle, est une herbe vivace, de 0,60 à 0,80 cent. de hauteur, à souche tronquée, à tige fistuleuse, un peu pubescente, à feuilles pinnatiséquées et pubescentes, à fleurs blanches légèrement rosées, petites et d’une odeur agréable. On la trouve au bord des ruisseaux, dans les lieux ombragés et humides.
Le bétail en mange la tige et les feuilles; sa racine, douée d’une odeur nauséeuse et d’une saveur âcre, ne pourrait probablement point être ingérée sans danger, car la médecine l’emploie comme l’un de ses antispas- modiques les plus fidèles. Mais la quantité en devrait être élevée, car dans les expériences de laboratoire, il a fallu donner des doses relativement massives pour provoquer une émotion des grandes fonctions. |
On attribue les effets spéciaux de la Valériane à l’és- sence de Valériane quise décomposeelle-même : 1°en un hydrocarbure appelé Valérène C°! H'°; 2° en un cam- phre C?® H'# O?; 3° en Valéral ou aldéhyde valérique C1 H19 O?; 4° en acide valérianique C'° H'° O“. |
On gratifie des mêmes propriétés la Valériane dioïque et la Grande Valériane où Valériane Phu.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 409
Sous-ARTICLE III. — CoMPOSÉES.
Si la famille des Composées est la plus vaste de toutes
et si, dans la période géologique actuelle, elle se montre
la plus envahissante, elle est, heureusement, l’une des moins riches en végétaux dangereux. Nous n'avons à signaler que deux genres véritablement vénéneux ; un très petit nombre d’espèces appelleront, en outre, quelques réflexions spéciales.
I. — Atractylis, L.— Ce genre, réuni par plusieurs auteurs aux Carlinées, se distingue « par son involucre à bractées extérieures, grandes et foliacées, les inté- rieures dressées et non rayonnantes, par son style à peine bilobé au sommet et par ses achaines oblongs, couverts de poils longs et serrés, simulant une aigrette extérieure et surmontés d’une aigrette véritable, à soie 1-3 sériées plus ou moins connées à la base et plu- meuses à la partie supérieure » (Baïllon). Il comprend une douzaine d'espèces méditerranéennes, parmi les- quelles 1l faut parler de la suivante :
Atractylis gummifera, L. Cette espèce que l’on ap- pelle depuis l’antiquité Chamæléon blanc, pour laquelle Cassiniavait crééle genre Chamæleon etque Decandolle a fusionné avec le genre Carlina sous le nom de C. gum- mifera, est une plante à courte tige avec une rosette de feuilles pinnatifides, portant à son centre des fleurs réu- nies en capitules. Les écailles extérieures de l’involucre ont les bords épineux et tricuspides au sommet. La racine est grosse comme le bras, avec des sillons longi- tudinaux; son odeur est agréable et rappelle celle de la
_ violette.
410 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
La tige, les feuilles et les capitules ne sont pas véné- neux: les derniers sécrètent une sorte de glu qui est inoffensive. On mange même, én Algérie, les feuilles et les réceptacles de cette plante, après les avoir fait cuire. |
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Fic. 42. — Atractylis gumniifera. — ATRACTYLE A GOMME. (D'après M. Lefranc.)
La racine est nocive; les anciens le savaient et des expériences récentes l’ont confirmé. D'ailleurs, de temps à autre, des empoisonnements, suites de méprise ou de délibération criminelle, viennent prouver la réa- lité des propriétés toxiques de la racine d’Atractyle,
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DES PLANTES VÉNEÉNEUSES. ati
Elle sert, dans les pays africains, à commettre des crimes, remplissant le rôle que, précédemment, nous avons dit être dévolu à l’Aconit dans l’Asie centrale.
_ On accuse les femmes arabes d’en faire prendre des décoctions dans du lait aux maris dont elles veulent se débarrasser.
Les vétérinaires algériens ont publié des relations d’empoisonnement de bestiaux qui, en temps de pénurie alimentaire, ont mangé des racines de cette plante, jetées à la re de terrains récemment défrichés, et ont succombé très rapidement.
Les symptômes, d’après M. Lefranc, pharmacien militaire, qui a fait surtout l’étude chimique du prin- cipe actif, sont ceux des poisons narcotico-âcres avec association d’effets cardiaco-vasculaires rappelant ceux du Colchique. On voit les signes habituels d’une irri- tation intestinale plus ou moins vive en même temps qu’une grande dépression dans les phénomènes circu- latoires ; le pouls est petit, intermittent; la respiration est difficile et s'éteint avant le cœur. Les phénomènes nerveux précipitent le dénouement qui se fait peu at-
tendre.
Principes actifs. — On trouve dans la racine d’Atrac- tyle gummifère, de l’inuline, de l’asparagine, des su- cres lévogyres et de l'acide atractylique. Cet acide, C30 Hit S? O'$, de saveur styptique, étant très hygros- copique, n’est obtenu qu’à l’état de sirop; sous diverses influences, il se décompose en acide valérianique, en résine et en atracty line.
L’atractyline est un glycoside, dont la formule est C2 H% Of, de saveur sucrée, très soluble dans l’eau et
J’alcoo!l, insoluble dans l’éther. L’hydrate de potassium
étendu la dédouble en une matière cristallisable, lafrac- ty lligénine, et en glucose.
413 DES PLANTES VENÉNEUSES.
II. — Lactuca, L. (Laitue). — Genre composé de plantes herbacées bisannuelles ou vivaces, dont quel- ques-unes ont été introduites dans la ere marai- chère, contenant, surtout à la fin de leur végétation, un suc lactescent, anodin ou âcre et vénéneux. Nous pren- drons comme type des Laitues vénéneuses l’espèce qui suit :
A. Lactuca virosa, L. La Laïitue vireuse, quelquefois
appelée Laïtue papaveracée (fig. 43), est une plante an-
nuelle, croissant dans les décombres et les endroits pier- reux, à tige rigide, rameuse, d’une hauteur de 1 mètre à 1%,50 ;elle porte des aiguillons dans sa partie inférieure colorée en violet. Feuilles glabres, tachées de violet, amplexicaules, avec de petits aiguillons sur la partie inférieure de la nervure médiane. Les capitules sont nombreux, en grappe le long des rameaux. Involucre à folioles violettes. Fleurs jaunâtres; akènes noirâtres, non hispides au sommet.
Cette plante renferme en abondance, dans toutes ses parties, un latex blanchâtre et elle exhale une odeur désagréable. Aussi lés animaux n’y touchent guère et évitent ainsi de s’empoisonner, car elle est nuisible. Mais il y aurait exagération si on la considérait comme douée de propriétés très actives. Il faudrait que les grands animaux consentissent à en prendre des quanti-
tés très fortes pour en être sérieusement incommodés,
ce qui n’est jamais le cas.
Si, par hasard, semblable éventualité se produisait,
la symptomatologie aurait la plus grande ressemblance avec lintoxication par les têtes de pavot, et les phé- nomènes de narcotisme seraient dominants. Cette simi- litude, qui n’est pas de l'identité, nous dispensera d’en tracer le tableau.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 413
Ce n’est pourtant, comme on l’a cru pendant long- temps, ni à la morphine,ni à la narcotine que la Laitue doit ses propriétés. Plusieurs chimistes ont analysé le latex qui s'écoule de cette plante et qui, en se dessé- chant, brunit, se coagule et exhale une odeur opiacée; on lui a donné le nom de lactucarium. D’après Ludwig, il renfermerait, indépendamment de principes non spé- cifiques tels que l’albumine et la mannite, de la lactu- cone, de la lactucine et de l'acide lactucique.
La lactucine, C?*H?O7, serait la substance à laquelle la Laitue devrait ses propriétés narcotiques. Elle est jaune, très amère, cristallisée en tables rhombiques et soluble dans 80 parties d’eau froide.
B. Lactuca scariola. La Laïtue scariole, plus abon- dante que la précédente, et si voisine botaniquement, que des auteurs ne la regardent que comme une de ses variétés, produit le même latex suspect et jouit des mêmes propriétés.
C. Lactuca sativa. La Laïtue cultivée, sous l’in- fluence d’une culture qui remonte à une époque bien reculée, a produit plusieurs variétés intéressantes pour l'agriculture maraîchère et qui entrent, pendant l'été, dans notre alimentation. On discute si la Scariole ne serait pas sa forme ancestrale; il y a des probabilités pour qu’il en soit ainsi. Elle renferme, comme les autres Laitues, un latex qui est moins actif mais qui ne peut être Mot comme complètement inoffensif, car les chimistes en ont extrait de la lactucine.
En soumettant pendant quelque temps des lapins à une alimentation à base de Laitue cultivée, qu’ils pren- nent volontiers d’ailleurs, il est rare que, dans le nombre, plusieurs ne succombent on nouveau témoi-
Fic. 43. — Lactuca virosa. — LAITUE VIREUSE.
(D'après Gourdon et Naudin)
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 415
gnage de la présence d’un toxique pour lequel les ani- maux de l'espèce cuniculine auraient une sensibilité prononcée. Cette réceptivité, opposée à l’insensibilité de ces mêmes animaux aux effets du Pavot, est une preuve clinique qui vient appuyer la différence signalée par la chimie entre l’'Opium et le Lactucarium.
De cette constatation expérimentale découle l’indica- tion d’exclure la Laitue de la nourriture du lapin ou de ne la lui distribuer qu’en petite quantité et d’une façon intermittente.
III. — Nous allons passer en revue, dans ce para- graphe, quelques Composées auxquelles ne s’applique pas strictement la qualification de vénéneuses, mais qui appellent cependant quelques courtes réflexions.
Le Topinambour est une plante précieuse pour les contrées ingrates de la France et on la fait entrer dans l'alimentation du bétail avec juste raison. Tant qu'on l'emploie avec modération et surtout mélangée avec d’autres fourrages, rien n’est à craindre; distribuée en trop grande abondance, elle amène des dérangements intestinaux, de la fourbure, de la météorisation et par- fois une sorte d’ivresse, toutes choses qui se dissipent rapidement.
Des accidents plus graves, véritables intoxications, ont été signalés à la suite d'usage de Topinambours récoltés trop tot et mal conservés. On considère l’apparition de ces accidents comme certaine, lorsque de tels tuber- cules ont été placés quelques heures dans l’eau avant de les distribuer aux animaux.
Les travaux de plusieurs chimistes, entre autres ceux de MM. Ville et Joulie, Pope, Müntz et Girard, ont dé- montré l’existence dans les tubercules du Topinam- bour d’un sucre particulier, désigné sous le nom de
416 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
synanthrose. C’est probablement à des fermentations de cette matière sucrée que doivent être attribués les acci- dents en question.
La famille des Composées renférme plusieurs plantes qui sont complètement refusées du bétail ou consom- mées seulement quand elles sont jeunes, mais dédai- gnées plus tard, ou bien encore qui communiquent au lait ou à la chair un goût particulier.
Nous citerons l’Armoise absinthe (Artemisia absin- thium, L.), amère dans toutes ses parties, d’une odeur forte et pénétrante, qui a l'inconvénient de communi- quer à la chair et au lait des animaux qui la PIERRE sa saveur spéciale. |
On en retire, par distillation, une me dont l’abus amène, dans l’espèce humaine, une intoxication de nature spéciale et des plus graves. Les effets en sont dus à l’es- sence d’absinthe. Cet empoisonnement, avec plusieurs traits de l’intoxication alcoolique, possède des caractè- res propres et ses ravages doivent être une des préoccu- pations des économistes et des hommes d'État.
On ne pourrait, sans s’exposer à de graves dérange- ments intestinaux, capables d’aller jusqu’à l’entéror- rhagie et de produire la mort, prendre pendant plusieurs jours de suite une quantité un peu élevée de vin ou d’al- coolature d’Absinthe. On connaît plusieurs accidents de ce genre dus à l'emploi de ces boissons à titre d'utérins.
La Pyrèthre matricaire (Pyrethrum parthenium, Smith) appelée aussi Matricaire officinale {Matricaria parthenium) et Chrysanthême matricaire (Chrysanthe- mum parthenium) est douée d'une odeur pénétrante. Son action est excitante et tonique; elle est refusée par le bétail.
Ilen est de même de la Camomille pyrèthre (Anthemis
PAT Ce Pr PET" NN AT , x PT. { : à SE
4
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 417
pyrethrum). Sa racine a une saveur âcre, brûlante et elle produit une action sialagogue des plus marquées. L’Achillée sternutatoire (Achillea ptarnica, L.) que
les animaux ne veulent non plus accepter, produit.
par ses feuilles et sa racine des effets sternutatoires.
Sous-ARTICLE IV. — ERICACGÉES.
Cette famille, composée d’arbrisseaux la plupart tou- jours verts, renferme un groupe de plantes dangereuses, les Rhododendrées, divisé actuellement en trois genres : Rhododendron, Azalée et Ledon.
[. — Rhododendron, L. — Ce genre est constitué par des arbustes à feuilles persistantes, croissant de pré- férence dans les régions élevées ou les pays septentrio- naux; on leur donnevulgairement le nom de Rosages. Leurs fleurs sont brillantes et à ce titre ils ont été intro- duits dans nos jardins comme plantes ornementales. La corolle est caduque, infundibuliforme, irrégulière, à 3-5 divisions; étamines 10; capsule généralement à 5 loges, quelquefois à 8-10, s’ouvrant en autant de valves qu’il y a de loges.
Parmi les espèces, toutes suspectes, nous signalerons en première ligne la suivante qui servira de type :
A. Rhododendrum ferrugineum, L. Le Rhododendron ferrugineux, plus connu sous le nom de Rose des Alpes et appelé aussi Rosage, Laurier-Rose des Alpes (fig. 44), est un arbrisseau de 0,50 centimètres, à feuilles ovales entières, dont la face inférieure est couleur de rouille, qu’on trouve sur les hauts plateaux et les régions éle- vées des Alpes et des Pyrénées. Ses belles fleurs rouges
s'ouvrent en juillet et août.
On prépare dans la Haute-Italie un éléœlé, qu’on dé- 22
418 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
signe sous l'appellation pittoresque d'huile de marmotte et qui est le résultat de l’infusion des bourgeons du Rhododendron dans l’huile; on s’en sert pour applica- tions locales sur les articulations et les membres des rhumatisants.
En Russie et en Allemagne, on emploie à l’intérieur la décoction des feuilles d’un Rhododendron dans le traitement de la goutte et du rhumatisme; on a ‘signalé dans ces pays quelques cas d’intoxication sur l’homme, lorsque la quantité ingérée était trop forte.
Le Rhododendron produit d’assez fréquents empoi- sonnements parmi les bestiaux qui alpent sur les pla- teaux où il croît, notamment parmi les moutons et les chèvres. Ces derniers animaux fournissent le contingent le plus élevé de victimes, car ils broutent sans défiance ni répugnance les jeunes tiges et les feuilles de Rosage.
Après un pareil repas, ils font entendre des plaintes répétées, véritables gémissements qui témoignent de leurs vives souffrances; ils grincent des dents, une bave filante s'échappe en abondance des commissures labiales, la sécrétion lactée baisse considérablement ou même se tarit chez les bêtes laitières, des nausées suivies parfois de vomituritions apparaissent. Pas de météorisation; diarrhée intense. |
Lorsque la quantité ingérée n’est pas considérable, ces symptômes s’amendent et s’apaisent petit à petit, toujours assez lentement, car les animaux restent 24, 30 et même 48 heures sans vouloir accepter d’aliments. Si elle a été suffisante pour produire un fâcheux dé- nouement, on voit survenir une toux forte et particu- lière, des tremblements généraux, puis de véritables secousses tétaniques, des vertiges, de la difficulté de se déplacer et de se tenir debout. Le pouls devient très fréquent, petit, et la mort arrive assez rapidement.
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DES PLANTES VENEÉNEUSES.
419
A l’autopsie, on trouve des taches ecchymotiques sur
_ Fic. 44. — RHODODENDRON.
la muqueuse digestive, une congestion des vaisseaux
420 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
encéphaliques, du pharynx, du larynx et de l’œsophage. On rencontre aussi du pointillé et de petites plaques hémorrhagiques à la surface du cerveau.
B. Rhododendrum hirsutum, L. Ce Rhododendron, voisin du précédent, se trouve dans les mêmes régions et produit de pareilles intoxications.
C. Rhododendrum ponticum, L. Rapportéc des bords de la mer Noire par Tournefort, cette espèce s’est largement répandue dans les jardins à cause de la beauté de ses feuilles et surtout de ses fleurs. On a prétendu que les abeilles qui butinent celles-ci dennent un miel vénéneux; quelques érudits pensent que le miel qui indisposa les compagnons de Xénophon et dont il est question dans la Retraite des dix mille avait cette pro- venance, tandis que d’autres penchent vers les Azalées.
Quoi qu'il en soit, ce Rhododendron est vénéneux; les vétérinaires anglais et belges ont publié des relations d'empoisonnement de moutons et de chèvres, qui avaient cette origine. L’agriculteur fera sagement de veiller à ce que cette plante, si ornementale, soit tou- jours à l’abri des dents des petits ruminants.
D. Nous mentionnerons aussi à cette place le Rho- dodendrum Chrysanthum, L. dont les fleurs, en om- belles d’un beau jaune d’or, égaient les régions froides
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de la Sibérie et du Kamtschatka, d’où les noms de Rose de Sibérie, Rose des neiges de Sibérie, qui lui ont été
donnés. Ses feuilles, employées en Russie et en Alle- magne dans le traitement des rhumatismes, ont occa- sionné les empoisonnements signalés plus haut pour l'espèce humaine.
Non moins vénéneuses sont les deux espèces À. maxi- mum L. et R. punctatum And., communes dans l’Amé-
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 421
rique du Nord et introduites dans nos jardins, la première surtout, à cause de la beauté originale de ses fleurs bleues.
On retire des feuilles du Rhododendron ferrugineux un tannin qui colore les sels de fer en vertet qu’on a appelé acide rhodotomique. Chauffé avec les acides minéraux étendus, il donne une substance jaune-rou- geâtre insoluble, la rhodoxanthine.
On y trouve en outre l’éricoline C*“H#O*!, substance résineuse, jaune brun, de saveur amère et fusible vers 100°. Chauffée avec l’acide sulfurique étendu, elle se dédouble en éricinol et glucose.
IT.—Azalea, L.(Azalée).— Quelquefois confondues avec les Rhododendrons auxquels elles ressemblent
beaucoup, les Azalées en ont été distraites et réunies en
un genre spécial, à cause de leurs étamines qui sont au nombre de cinq seulement etnon de 10 comme dans les Rhododendrons. Elles s’hybrident d’ailleurs avec eux.
Les Azalées sont des arbustes de la région méditer- ranéenne et particulièrement de l'Orient; elles sont communes aussi dans l’Amérique du Nord. Depuis quelques années, elles ont pris une très grande exten- sion dans la floriculture française et nos serres sont garnies d’une profusion de variétés qui luttent par la beauté de leurs fleurs. L’espèce la plus commune est la suivante :
Azalea pontica. L’Azalée pontique est un arbuste originaire de l’Asie Mineure, à feuilles caduques, à belles fleurs jaunes odorantes.
C’est une plante très vénéneuse. On s’accorde à recon- naître que le miel provenant de ses fleurs est toxique.
Très redoutée en Orient, elle empoisonne tous les ani-
maux qui la broutent.
422 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
On a rapproché les symptômes de l’empoisonnement produit par les Azalées de ceux qu’occasionne l’Ivraie enivrante. Une expérimentation rigoureuse, qui reste à faire, nous dirait si ce rapprochement est justifié.
Nous ne croyons point hors de propos de citer ici le passage où Xénophon décrit l’état de ses compagnons qui, arrivés aux montagnes de la Colchide, mangèrent du miel qu’ils récoltaient en abondance dans ce point. « Tous les soldats qui mangèrent des gâteaux de miel eurent des transports au cerveau, vomirent, furent purgés et aucun d’eux ne pouvait se tenir sur ses jambes. Ceux qui en avaient mangé davantage ressem- blaient, les uns à des furieux, les autres à des mou- rants. On voyait ces malheureux étendus sur la terre comme après une défaite; la même consternation ré- gnait au milieu d’eux. Personne néanmoins n’en mourut et le transport cessa le lendemain, à peu près à l'heure où il avait pris la veille; mais pendant trois ou quatre jours, ils se levèrent fatigués comme des malades qui ont usé d’un remède violent. »
Sans entrer dans l’énumération des nombreuses variétés d’Azalées créées par les horticulteurs, nous citerons les À. arborescens et A. nudiflora, espèces américaines, l'A. sinensis, VA. punicea, VA. liliiflora et l’A. indica, toutes plantes dont les débris, provenant de la taille ou du rempotement, ne doivent jamais être mis à portée des petits ruminants. Elles sont véné- neuses au même titre que celle que nous avons prise comme type.
III. — Ledum, L.{Ledon). — Genre renfermant des arbrisseaux de petite taille croissant dans les contrées
marécageuses du Nord. A signaler : | Ledum palustre, L. Le Lédon des marais, Romarin
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 423
sauvage, Romarin de Bohème, est un arbrisseau à feuilles étroites et épaisses, dont la face inférieure est couverte d’un duvet jaunâtre. Fleurs supportées par de grêles pédicelles. Étamines 10.
Le Lédon, surtout au moment de sa floraison, répand une odeur pénétrante qui écarte les bestiaux ; ses feuilles d’ailleurs sont amères. Cependant on a vu des chèvres s’empoisonner en mangeant cette plante.
Des accidents se sont produits dans l'espèce humaine, à la suite de l’administration de l’infusion des feuilles de Lédon qu’on prescrit parfois, à l’étranger, contre la toux convulsive et contre les maladies cutanées. On en a observé aussi sur des personnes qui avaient bu de la bière dans laquelle on avait fait entrer cette plante.
Les symptômes sont semblables, sinon identiques, à ceux de l’empoisonnement par le Rhododendron.
On a trouvé dans le Ledum palustre un tannin don- nant une coloration verte avec les sels de fer, on l’a appelé acide léditannique C?H*O*; chauffé avec l'acide chlorhydrique, il donne un corps rougeûtre ap- pelé lédixantine C'*H'?05 (?). On trouve, en outre, une huile essentielle dite éricinol C''H'O et de l’éricoline, corps déjà signalés à propos des Rhododendrons.
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Azalée.— BaicLow, Article Azalée du Dictionnaire ency-clo- pédique des sciences médicales.
ARTICLE ÎII.— PRIMULACÉES, APOCYNÉES ET ASCLÉPIADÉES.
L'importance de ces trois familles est inégale ; la plus intéressante est celles des Apocynées qui renferme plu- sieurs plantes très répandues et fort vénéneuses.
Sous-ARTICLE Ï]. — PRIMULACÉES.
La famille des Primulacées, très naturelle, est formée de plantes herbacées, frutescentes à la base, générale- ment à rhizome-vivace, à feuilles radicales ou caulinaires et à fleurs axillaires ou solitaires, souvent sur une hampe florale ou en ombelle. Nous avons à nous arrêter au genre Cyclame.
[. — Cyclamen, L. (Cyclame).— Groupe de plantes à rhizomes tubéreux, à feuilles radicales longuement pé- uolées, ovales ou réniformes, à fleurs très élégantes, sur une hampe grèle. Calice campanulé, corolle hypo- gyne. Étamines 5. Fruit capsulaire.
Ees Cyclames sont des plantes de l’Europe centrale et de la région méditerranéenne. En raison de l'élégance
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 425
_ de leurs fleurs, on les cultive comme végétaux d’orne- ment. Nous signalerons:
Cyclamen Europœum, L. Le Cyclame d'Europe ou Pain de pourceau (Arthanita des officines) croît dans les forêts et les parties rocailleuses de la France et de l'Europe centrale. Ses feuilles sont réniformes. marbrées en dessus, rougeâtres en dessous. Fleurs pur- purines ; rhizome à radicules noirâtres, aplati, brun en dehors, blanc à l’intérieur, inodore, mais de saveur âcre.
Le rhizome est la partie dangereuse du Cyclame, la seule dont nous nous occuperons ici. La dessiccation lui enlève une partie de sa toxicité et la torréfaction. le rend si complètement inoffensif qu’il peut être mangé sans inconvénient. Ce qui va en être dit ne s’appliquera donc qu’au rhizome frais.
Les propriétés toxiques et partant médicales du Cy- clame se sont révélées dès la plus haute antiquité. On ‘s’en servait, paraît-il, pour empoisonner les flèches, et Pline nous apprend qu’on employait déjà de son temps, en Italie, pour tuer les poissons dans les rivières, prati- que qui subsiste encore dans ce pays.
Le poison du Cyclame est l’un des rares toxiques qui agissent diversement suivant les espèces en pré- sence desquelles on les place. À peu près inoffensif pour quelques-unes, il est dangereux pour le plus grand nom- bre. Par exemple, il impressionne vivement lorga- nisme humain tandis que le porc ressent à à peine ses effets; jeté dans l’eau, il fait périr les poissons et plu- sieurs petits animaux aquatiques, tandis que d’autres habitants des eaux, à tissus délicats, tels que les
cyclopes, les Hoi et quelques larves jouissent Se
immunité très remarquable. La racine fraîche de Cyclame, usitée dans l’ancienne
426 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
pharmacopée et restée dans la médecine populaire, a occasionné des empoisonnements dans l’espècehumaine. Parmi les animaux domestiques, il n’y aurait que le porc qui, en fouillant la terre, pourrait découvrir et manger cette racine; or il vient d’être dit que cet ani- mal possède une immunité pour le poison dont il s’agit. Mais son emploi pour la pêche présente de sérieux in- convénients, car, à l’aide de cette substance, on capture non seulement de fortes quantités de poissons, mais on détruit encore l’alevin et on amène rapidement le dé- peuplement des cours d’eau. Jusqu’à présent, en France, les braconniers s'adressent plus volontiers à la Coque du Levant, mais les communications avec l'Italie, où l’on se sert du jus de Cyclame, sont si nombreuses qu’il est bon de prévoir l'emploi qui en pourrait être fait chez nous dans un avenir plus ou moins proche.
De nombreuses expériences, faites dans plusieurs pays de l'Europe par des savants très autorisés, ont
élucidé plusieurs points de l’histoire toxicologique du
Cyclame, néanmoins il reste encore des lacunes à com- bler ; il faut surtout chercher la clef des contradictions qui se remarquent dans les résultats obtenus.
Localement, le suc de racine de Cyclame est irritant et même vésicant. Appliqué sur la peau, il la désorga- nise; introduit par la voie hypodermique, il produit des effets du même ordre et plus intenses. Dans le tube digestif son action est moins violente; on l’a même
comparé au Curare qui n’est pas absorbé par la muqueuse
stomacale, mais la comparaison est inexacte, car il ya irritation avec le Cyclame, seulement elle est moins prononcée que par une autre voie. Sur les oiseaux, les effets sont beaucoup plus nets que chez les mammifères,
Déposé dans l’eau, même en petites proportions (un centimètre cube de suc de Cyclame pour 2 litres d’eau),
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rat toûmt. Le ns,
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 427
il fait périr promptement les jeunes poissons et plus lentement les adultes en désorganisant leur peau. Les grenouilles et surtout les tétards sont aussi rapidement atteints que les petits poissons.
Pris à l’intérieur et à doses modérées par l’homme, le suc de Cyclame détermine de la stupeur, des vomis- sements, de la purgation, du vertige, des tintements d'oreilles et des sueurs froides. À doses mortelles, aux phénomènes précédents succèdent des mouvements convulsifs, une superpurgation avec selles sanguino- lentes, parfois des vomissements de sang. La tempéra- ture s’abaisse graduellement jusqu’à la mort; la respira- tion est tantôt accélérée et irrégulière, tantôt ralentie et difficile. La circulation n’est modifiée qu’à la dernière phase de l’empoisonnement, les contractions cardiaques augmentent alors de fréquence, diminuent de force et deviennent irrégulières. On constate une hyperesthésie plus ou moins intense; des auteurs affirment qu’il y a paralysie, d’autres soutiennent que les nerfs moteurs sont intacts.
Les lésions sont d’abord celles produites par l’irrita- tion locale résultant du contact du suc avec les tissus : peau, tissu conjonctif sous-cutané, muqueuse intestinale. L’empoisonnement spontané ayant lieu par la voie di- gestive, on trouve les lésions habituelles de la gastro- entérite. Indépendamment de ces lésions locales et primitives, on peut trouver des extravasations séro- sanguinolentes dans diverses parties du corps, particu- lièrement dans les grandes séreuses, et une quantité variable de liquide teinté en rose. L'examen microsco- pique des hématies montre qu’elles ont été attaquées, elles sont décolorées et leur noyau est devenu plus apparent. Le cœur est arrêté en diastole.
On est unanime à admettre que pour kes animaux
428 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
inférieurs, la mort est le résultat de l’action destructive des tissus par contact direct du suc. Pour les êtres supérieurs et particulièrement pour l’homme, cette action primitive est insuffisante, il vient s’y ajouter un ébranlement des centres nerveux. Seulement des obser- vateurs soutiennent qu’il est déterminé par une action élective du toxique sur la matière nerveuse, et d’autres, se refusant à accepter cette sélection, avancent qu’il y a d'abord modification du sang dans les vaisseaux et secondairement action sur les centres nerveux, par l’in- termédiaire du liquide sanguin ainsi modifié.
À priori, se rappelant que la torréfaction enlève au rhizome du Cyclame ses propriétés vénéneuses, on pou- vait admettre que la consommation de la viande d’un animal empoisonné de cette façon est possible après une bonne cuisson. La question se posait surtout pour le pois- son ;elle aété étudiée de près en Italie et une commission de la Faculté de médecine de Naples, qui a eu mission de s’en occuper, a conclu, après expériences, à l’inno- cuité des poissons pêchés à l’aide de cette substance.
Principe actif. — Sans affirmer que l’ensemble des symptômes morbides dont on vient de faire l'exposé soit dû exclusivement au principe qui va être décrit, l’expérimentation a mis hors de doute qu’il joue le rôle principal. Ce principe est la cyclamine.
Découverte par Saladin en 1830, la cyclamine a été étudiée ultérieurement par plusieurs chimistes qui lui ont donné la formule C?H%O'!°; elle est blanche, amorphe, légère, inodore, assez hygroscopique, soluble dans 500 parties d’eau. Elle est insoluble dans l’éther, le sulfure de carbone et les huiles essentielles, mais soluble à chaud dans l'alcool, les alcalis et la glycérine.
C’est un glycoside formé par l'association de deux sucres, la glycose et la mannite. Elle mousse par agita-
FÉRAP A |
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 429
tion de sa solution aqueuse, ce qui la rapproche de la saponine.
IT. — Anagallis, L. (Mouron). — Genre formé d'herbes dressées ou rampantes, à feuilles opposées ou verticillées, à fleurs axillaires, pédicellées, rouges ou bleues. Mentionnons :
Anagallis arvensis, L. Le Mouron des champs est une herbe des plus communes, annuelle, rameuse, à tiges étalées, à feuilles opposées et sessiles, à fleurs rouges ou bleues suivant les variétés.
Cette plante a joui, jusque dans le premier quart de ce siècle, d’une réputation extraordinaire en matière médi- cale; on lui attribuait de merveilleuses propriétés, entre autres celles de guérir l’épilepsie et la rage. L’oubli profond dans lequel elle est tombée aujourd’hui, après le grand engouement dont elle fut l’objet, provoque dans lesprit des réflexions de diverses sortes qu’il est inutile de consigner à cette place.
Mais si la crédulité publique a cessé d'admirer ses vertus imaginaires, on ne devra pas oublier que c’est _une plante vénéneuse. Elle irrite l'intestin et stupéfie le système nerveux.
En raison de son peu de développement, le Mouron n’est jamais pris par les grands animaux en quantité suffisante pour les empoisonner. Mais-les expériences de Grognier et celles d’Orfila ont mis hors de doute ses propriétés toxiques que ni la dessiccation ni la coction
ne détruisent. A l’école vétérinaire de Lyon, on a tué
intentionnellement des chevaux par la seule administra- tion de sa décoction.
L’Anagallis a fait périr des oiseaux de cage et de vo- lière auxquels on l’avait distribué par confusion avec le Mouron des Oiseaux. Il importera d’éviter cette mé-
430 DES PLANTES VÉNENEUSES.
prise; ce dernier croît aussi dans les champs, mais ce n’est point une Primulacée, c’est la, Mor geline (Alsine media), L. dont les fleurs sont blanéhes-et à cinq pétales bifides, tandis que le Mouron des champs est gamopé- tale et à fleurs rouges ou bleues.
L’agriculteur doit détruire l'A. Arvensis lors du sar- clage et l’épithète de mauvaise herbe lui est justement applicable.
Sous-ARTICLE II. — APOCYNÉES.
La famille des Apocynées, assez peu étendue, possède le triste privilège de compter la plupart de ses espèces, qu’elles soient indigènes ou exotiques, au nombre des plus dangereuses. Dans le groupe des Apocynées indi- gènes, les deux genres Nerium et Apocynum sont à étu- dier; dans celui des exotiques, on doit citer les genres Tanghina, Cerbera et Gelseminium. On notera aussi qu’à côté de ces plantes très vénéneuses, s’en placent d’autres simplement drastiques. Dans cette famille, comme dans plusieurs de celles qui renferment beau- coup de plantes toxiques, on trouve aussi des végétaux très alimentaires.
I. — Nerium, L. (Nérion). — Groupe d’arbrisseaux toujours verts, à feuilles verticillées, coriaces, à corclle infundibuliforme, à étimines dont les anthères présen- tent deux prolongements à la base et un appendice velu et spiralé au sommet. Graines à aigrettes.
Nerium oleander, L. Le Nérion laurier-rose, ou plus habituellementle Laurier-Rose, la Laurelle Rose (fig.45), est un arbrisseau de taille variable suivant son habitat, pouvant s'élever à 4 mètres et plus dans le Midi. Ses rameaux Ontun canal médullaire presquetriangulaire,ses
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. SEE DEN
feuilles sont étroites, lancéolées; ses fleurs généralement roses, quelquefois blanches, sont grandes et fort belles,
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inodores à l’état frais, un peu odorantes à l’état sec,
Elles sont abondantes et se disposent en corymbes
d’un bel effet. RE HP ) Le Laurier-Rose est entretenu en caisses dans toute
432 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
+
l'Europe centrale, il embellit les avenues, les cours et les jardins; on le plante en pleine terre sur le littoral méditerranéen et il croît spontanément en Algérie, sur le bord ou dans le lit des torrents de préférence.
Ce magnifique végétal est un des plus dangereux; il a occasionné nombre d’empoisonnements sur l’homme et les espèces animales.
Ona avancé que, lorsqu'il est en fleurs, ses émanations seules suffisent pour déterminer des accidents; c’est peu probable, car le principe auquel il doit sa toxicité n’est pas volatil. Les indispositions constatées par suite de sa présence dans un appartement sont plutôt la résul- tante de la viciation de l’air, par l’acide carbonique ainsi que celaarriveavectoutesles fleurs, puisqu'elles exhalent ce gaz par l’accomplissement normal de leurs fonctions.
Toutes les parties du Laurier-Rose sont vénéneuses, bois, écorce, feuilles et fleurs. Je me suis assuré que ni la dessiccation, ni l’ébullition n’altèrent le principe toxique; dans des recherches récentes, J'ai utilisé des fleurs recueillies depuis 7 ans et je leur ai trouvé toute leur nocivité première. -
L’écorce passe pour la partie la plus active. On aurait tort toutefois de ne pas attribuer au bois une grande énergie, car en le rapant ou le réduisant en sciure et en l’'incorporant à des corps gras, on en constitue « une mort aux rats » très fidèle, preuve sans répliques de son activité.
L'homme a fourni aux propriétés délétères du Laurier- Rose un plus fort contingent de victimes que les ani- maux. Ceux-ci, à part quelques exceptions, refusent d’en brouter les feuilles et les rameaux. On a cité, en Algérie, des cas d'empoisonnements de personnes qui avaient bu de l’eau dans laquelle étaient tombées des
feuilles et des fleurs de Laurier-Rose; d’autres avaient
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 433,
consommé des boissons contenues dans un vase à large goulot qui avait été fermé avec un morceau de bois de ce même arbre. Mais la relation la plus curieuse con- cerne des soldats campés en Corse; pour faire rôtir des volailles, ils les traversèrent de brochesenboisde Laurier et l’ingestion de la chair de ces oiseaux les empoisonna.
Si avec l’homme, la plupart des animaux sont très sensibles à l’action du Laurier-Rose, il en est pourtant qui semblent réfractaires ou à peu près. On cite la che- nille du sphinx nérion comme se nourrissant de ses feu1l- les et M. Mayet, de Montpellier, a observé que la tortue mange spontanément les fleurs demi-desséchées qui tombent du Laurier-Rose sans en paraître incommodée.
Les renseignements sur les quantités nécessaires pour déterminer des accidents sont peu nombreux et ne visent que l’homme. Ces renseignements, d’ailleurs, manqueront toujours de précision quand on parlera de la plante elle-même et non du principe actif extrait à l’état de pureté, s’il est vrai, comme le disent quelques auteurs, que l’activité du Laurier-Rose décroît à mesure qu’il monte vers le Nord.
Pour l’homme, une expérience que fit Loiseleur-Des- longchamps sur lui-même, en se servant d’une teinture composée de 30 grammes d'extrait de feuilles dans 120 grammes de vin, a appris que 50 gouttes de ce breuvage font apparaître des symptômes d’empoison- nement assez légers, d’ailleurs; c’est la dose minimum.
Des recherches effectuées avec des fleurs desséchées dont l'extrait aqueux était injecté hypodermiquement m'ont appris qu'il faut, par kilogramme de poids vif:
3 gr. de fleurs sèches pour amener la mort chez le chien.
2 gr. 50 — — — — chat.
pr. — — — :— pigeon.
5 gr. — — ni : | Cobayéat, 28
434 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Les herbivores auxquels j’ai présenté des feuilles ou
des fleurs desséchées ont toujours absolument refusé de
les manger, malgré la précaution qu’on avait prise de les laisser à la diète; il m'a donc été impossible de ras-
sembler des chiffres relatifs aux doses toxiques par la
voie digestive. Symptomatolägie: — L'homme qui absorbe une
faible dose d’extrait de Laurier-Rose ressent dé l’inappé-
tence, du malaise, une sorte de courbature et de lassitude générales. En quantité plus forte, on observe des vomis- mere it vertige, des sueurs froides des défaillances, et si cette quantité a été telle qu’un dénouement funeste en doive être la conséquence, des convulsions tétaniques se montrent, la peer prend une grande ampleur et la mort arrive.
Chezles animaux que jai Éd expérimentale- ment, 20 à 30 minutes après l'introduction du toxique sous la peau, apparurent des nausées et des vomisse- ments incoercibles, car l'estomac était vidé depuis long- temps que les efforts expulsifs continuaient. Quand le toxique fut pris par le tube digestif, les vomissements arrivèrent plus tardivement, r heure et demie, 2 heures ct même 2 heures et demie seulement après le repas. Ils furent précédés d’agitation puis de stupeur, de somno- lence. Les sujets se couchaient, puis se relevaient brus- quement pour marcher à reculons, ils faisaient entendre des plaintes et des cris. Il y avait quelques contractions musculaires, expulsion de déjections solides et liquides; quand le rectum fut nettoyé, les efforts expulsifs conti- nuèrent.
La respiration devint très ample, un peu soubresau- tante, mais sans mouvements désordonnés, la sensibilité assez obtuse. La température s’éleva légèrement au début pour redescendre jusqu’au moment de la mort.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 435
Enfin les contractions tétaniques recommencèrent, les malades se couchèrent et se roulèrent en boule, puis se raidirent et moururent de la 20° minute à la 4° ou 5° heure après le début des symptômes. Généralement,
la mort fut annoncée par quelques cris, puis il y eut arrêt brusque du cœur. On perçut encore quelques
inspirations après que le cœur eût cessé de battre.
- Dans l’intoxication à marche très rapide, il est impossible d'établir des phases et de dissocier les sym-.
ptômes qui s’enchevêtrent. Lorsque les doses, tout en
restant mortelles, sont moins élevées, il est plus facile: d'établir de l’ordre dans la symptomatologie; on con-
state alors une première phase de stupeur à laquelle suc- cède un stade de convulsisme et la scène se termine par une période d’insensibilité, puis de paralysie.
Le Laurier Rose a été présenté par M. Pélikan comme
un poison du cœur; M. de Girard a contesté ces conclu- sions, en s'appuyant sur des expériences faites sur la grenouille. Celles que j'ai exécutées sur les carnivo- res me portent à me ranger à l’opinion du premier de ces observateurs.
Lésions. — Elles sont très peu étendues. Le cœur est en systole, le ventricule gauche vide, le droit renfer- mant quelquefois un caillot noir; les oreillettes et les gros vaisseaux sont engoués ; pas de congestion pulmo- naire; pas ou peu de phlogose de la muqueuse intes- tinale; un peu d’inflammation des reins.
Ces lésions prouvent que la mort n’a pas été produite par l’asphyxie, car on trouve du sang très rouge dans l'oreillette gauche et on ne constate pas d’engouement du poumon.
Principes actifs. — On a isolé trois substances du Laurier-Rose : l'acide oléandrique, l'oléandrine et la pseudo-curarine. La dernière est inactive et n’a point de
L ; 1 Jr 6 ani
436 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
part dans la production de l’empoisonnement, les deux premières déterminent l’intoxication et leur énergie dit- férerait peu.
L'oléandrine est un corps résinoïde, jaunâtre, inodore et fort amer, peu soluble dans l’eau, passablement dans l'éther et l’alcool; c’est une substance azotée qui se rapproche des alcaloïdes. Injectée en solution aqueuse dans les veines, elle détermine la mort presque instan- tanément. |
La pseudo-curarine est d’aspect semblable, également inodore, mais insipide. Comme l’oléandrine, elle est so- luble dans l’eau et l’alcool, mais elle est insoluble dans l’éther. C’est aussi une ben eee azotée qui, chauffée avec de la potasse, donne de l’ammoniaque.
La dissolution d’oléandrine traitée par l'acide nitrique
pur, donne un précipité floconneux, jaune, qui est l'acide oléandrique. Peu soluble dans l’eau, davantage dans l'alcool absolu, point dans l’éther, l’acide oléandrique ést très amer.
III. — Apocynum, L. (Apocyn).— Genre composé de plantes sous-frutescentes, rameuses, végétant dans le Midi de l’Europe, dans les régions plus septentrionales de l’Asie et de l'Amérique. Les espèces à signaler sont :
Apocynum androsæmifolium, L. L’Apocyn a feuilles d’'Androsème, qu’on appelle encore Gobe-mouches, Tue- chien, Ipécacuanha d'Amérique, est une plante cultivée comme ornementale en Europe; elle est fort abondante dans l'Amérique du Nord. Rameaux souvent rougeâtres au moins sur une face, feuilles ovales, à face inférieure couverte de duvet blachade Fleurs en cymes au som- met des branches, blanches avec des stries roses.
Toutes les parties de l’Apocyn sont gorgées d’un latex
amer, vénéneux; on en retire aussi du caoutchouc, une
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 437
matière colorante et une huile volatile. La souche est la partie la plus riche. Si la dessiccation affaiblit l’action de l’Apocyn, elle ne la détruit point complè- tement et la poudre de ce végétal détermine des effets énergiques.
Le suc agit localement comme irritant; placé au con- tact de la peau, il la rubéfie et l’enflamme. A l’inté- rieur, il provoque des vomissements, des évacuations diarrhéiques et, pour peu que la quantité ingérée ait été élevée, une superpurgation dont les suites peuvent être fatales.
Apocynum cannabinum. L’'Apocyn à feuilles de chanvre, qu'on désigne plus souvent sous le nom de Chanvre indien, agit de la même façon que l’espèce précédente. En Amérique, on le jette dans les rivières pour tuer les poissons qu’il ne reste plus qu’à recueillir à la surface de l’eau.
Il existe aux Antilles deux espèces d’Apocyns véné- neux, ce sont l’À. citrifolium et l'A. maculatum.
Tous les Apocyns devraient leur toxicité à l’apocy- nine, substance assez mal définie que M. Griscom au- rait extraite de l’Ap. à feuilles de chanvre,
III. — Nous ne ferons, dans ce paragraphe, qu’ac- corder une courte mention à des genres d’Apocynées assurément tort vénéneux, mais exotiques, rarement introduits en Furope et qui produisent fort peu de cas d’empoisonnement dans nos pays.
Danslegenre Tanghinia, on netrouve qu’une espèce, T. venenifera, Pois. ou Tanguin de Madagascar. Le
Tanguin est un bel arbre d’une dizaine de mètres de haut, à feuilles lancéolées et coriaces, qu’on trouve à .
Madasieoé ainsi que l’indique son nom. Le suc blanc-
verdâtre qui s’en écoule quand on l’incise, est fort
438 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
vénéneux et l’on s’en sert comme poison d’épreuve dans cette grande île.
Le Tanguin est regardé comme un toxique du cœur qu’il paralyserait dans ses éléments nerveux avant d'impressionner les autres tissus. Quel que soit d’ail- leurs son mode d’action, son principe est d’une grande puissance, puisqu'on aurait vu 6000 personnes suc- comber dans une journée, en 1830, à l’action du jus de Tanguin que le roi Baker avait ordoniie à ses sujets de boire pour « purger la terre des sorciers ».
Le genre Cerbera renferme l’espèce C. manghas L. ou Manghas lactescens, Burmann. Le Manghus est un végétal de la région de Singapore, à suc laiteux et vénéneux comme le Tanguin.
Le genre Echites comprend une espèce, désignée sous les noms d’Inée ou d'Onage, qu’on trouve en abondance au Gabon. Cette espèce fournit une petite graine noire et allongée que les Gabonaïis écrasent pour en retirer un suc qui sert à empoisonner leurs flèches. Nous ferons remarquer qu’on ne s'entend pas sur la signification à donner au mot Inée. Pour les uns, 1l s’appliquerait à la plante fournissant le poison; pour d’autres, ce serait au poison lui-même qu’on retirerait du Strophantus hispidus. En tous cas, l’activité de cette substance vénéneuse est telle qu’on la compare à celle du Curare.
Son mode d’action est identique à celui des espèces précédentes, d’après M. Pélikan qui en a fait l'étude.
Citons encore le genre Plumeria, dont l'espèce P. rubra renfermerait un suc tellement caustique qu’il attaquerait le linge, et les genres Stapelia, Thévetia et Wrightia, tous suspects.
I] est un groupe de plantes dont la place dans les
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. -439
classifications est encore discutée par les botanistes, il s’agit des GELSEMIÉES. Plusieurs classificateurs s’accor- dent à les rattacher aux Apocynées, c’est Fa raison pour laquelle nous les signalons ici.
_ Le genre Gelsemium comprend une espèce fort commune aux États-Unis, Gelsemium sempervyirens, Ait. C’est un arbuste grimpant, à feuilles luisantes, à grandes fleurs en cyme. |
Le rhizome du Gelsémium ou Faux-Jasmin est vénéneux ; on commence à l’importer d'Amérique, la médecine se sert aujourd’hui de son principe actif etil a déjà causé quelques empoisonnements.
Son action, sur les animaux à sang chaud, est para- lysante de la motricité puis de la sensibilité, tandis que chez les animaux à sang froid et particulièrement chez Ja grenouille, elle suit une marche inverse. |
On a extrait de la racine du Faux-Jasmin, un alca- loïde appelé gelsémine. Il est difficilement soluble dans Peau, plus soluble dans l'alcool, l’éther et le chloro- forme, on ne l’a pas encore obtenu à l’état cristallisé. Dans les recherches de chimie légale, on doit se rap- -peler que les réactions de la gelsémine ressemblent beaucoup à celles de la strychnine. |
A côté dela gelsémine, qui est fort toxique, sé trouve l'acide gelsémique qui se rapproche de l’esculine:et us n’est pas considéré comme vénéneux,
Sous-ARTICLE III. — ASCLÉPIADÉES.
Autrefois réunies aux Apocynées, les Asclépiadées en ont été séparées surtout à cause de la disposition des étamines et du pollen qui est agglutiné en 2-4 mas- ses par anthères. La plupart sont vénéneuses par l’action d’un suc lactescent dont elles sont gorgées
440 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
comme les Apocynées. Nous signalerons trois genres à l'attention. |
I, — Asclepias, L. (Asclépiade). — Ce genre, sou- vent remanié et pour cela difficile à caractériser, offre à notre étude l’Asclepias Cornuti, Decaisne.
L’Asclépiade de Cornuti a été décrite aussi sous le nom d’Asclépiade de Syrie par Linné (Asclepias syriaca, L.), appellation impropre, car elle est d’origine américaine. C’est une herbe vivace d’un mètre de haut, à tige dressée, à feuilles opposées, oblongues, un peu cotonneuses en dessous. Fleurs très odorantes, en om- belles, à corolle à 5 divisions. Les filets staminaux ont des appendices en forme de cornet d’où émerge un pro- longement qui se recourbe en corne sur le stigmate. Follicules volumineux, fusiformes, à tubercules ou épines molles. Graines munies de poils soyeux dont on se sert pour faire de la ouate, d’où le nom vulgaire d’'Herbe à la ouate qui lui a été donné. Souche ra- meuse.
L’Asclépiade est cultivée chez nous comme plante sornementale; toutes ses parties contiennent un suc abondant, âcre et vénéneux, qui doit la faire tenir en suspicion, malgré la beauté et le parfum de ses fleurs.
On sait, par quelques expériences sur les animaux, que le suc de l’Asclépiade agit comme un puissant drastique et qu’il tue rapidement; les carnivores no- tamment sont fort sensibles à son action. Mais celle-ci aurait besoin d’être étudiée à nouveau. |
Lorsqu'on chauffe ce suc, son albumine se coagule en entraînant une matière particulière qu’on a appelée Asclépion et dont la formule, encore douteuse, se- rait C?H*?0*, Isolé, l’asclépion est en masses blanches, mamelonnées, inodores, insipides, insolubles dans
ae it ae
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 441
l’eau et l’alcoo!l, mais très solubles dans l’éther et un peu moins dans l'essence de térébenthine.
On trouve aux États-Unis l'A. tuberosa, qu’on ARE communément dans ce pays Pleurisy-Root et qu’on emploie dans le traitement de plusieurs maladies, par- ticulièrement de la pleurésie. Si elle vient à se répan-
dre en Europe, on devra la tenir pour suspecte au même .
titre que la précédente.
IT. — Vincetoxicum, Mœnch. (Dompte-venin). — Compris autrefois dans le genre Asclépiade, il en a été distrait assez récemment ; son espèce la plus intéres- sante est la suivante : |
Vincetoxicum officinale, Mœnch. Le Dompte-venin officinal, qui fut décrit sous les expressions d’Asclépias vincetoxicum, L., de Cynanchum vincetoxicum, R. Br., est une herbe vivace, de 0,60 à 0,80 de hauteur, dont les feuilles un peu coriaces, opposées, sont ovales-lan- céolées. Fleurs blanchâtres portées par des pédon- cules assez longs. Follicules fusiformes; graines à ai- grettes soyeuses,.
Le Dompte-venin est commun dans toute l’Europe et nos bois en abritent beaucoup ; il répand une odeur désagréable et toutes ses parties sont amères. Son rhi- zome frais est spécialement âcre, mais la dessiccation lui fait perdre partiellement son odeur et sa saveur. Il est vénéneux et les bestiaux n’y touchent point.
Feneulle a extrait de cette plante une substance amor- phe, jaunâtre, insoluble dans l’eau et lalcool, qu’on appela Asclépiadine ou Cynanchine. Elle est amère et vomitive ; on lui attribue les propriétés de la plante en-
tière d'où elle provient.
L’appellation emphatique de Dompte- -venin donnée à ce végétal rappelle qu'on lui prêtait autrefois des pro-
PE, + RSR 7e
442 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
priétés anti-venimeuses. Loin qu’il en soit ainsi, nous venons de voir qu’il est lui-même dangereux.
On pense quel’espèce Vincetoxicum nigrum, Mœnch. (Asclepias nigra, L.) possède les mêmes propriétés que le Dompte-venin officinal.
III. — Cynanchum, L. (Cynanque). — A signaler dans ce genre :
Cynanchum acutum, Gr. et Goë: Le Cynanque aigu, dont la synonymie est Cyn. Monspeliacum, L. Cy- nanque de Montpellier et qui fut appelé autrefois -abusivement Scammonea Monspeliaca, est une herbe volubile, pubescente, de 0,60 centimètres à 1: mètre. Ses feuilles sont opposées, ses fleurs verdâtres, en petites ombelles. Leurs filets staminaux ont des appendices en forme de couronne. Follicules oblongs, lisses et laissant échapper à la maturité des graines à aigrette soyeuse.
Commune ee le midi de la France, cette plante laisse écouler un suc laiteux abondant no on la blesse; sa racine en est particulièrement riche et on la désigne sous le nom de Scammonée de Montpellier, mais en réalité cette dernière substance est tout autre.
Le suc du Cynanque se concrète à l'air, il est très âcre et possède des propriétés violemment purgatives. A-doses un peu élevées, il produit des vomissements incoercibles, des convulsions violentes et la mort. :
On a extrait de ce suc un corps cristallisé en petites aiguilles brillantes, presque insoluble-dans l’alcoo! froid et assez soluble dans l'alcool chaud. Sa formule serait C'H?0 et le nom de Cynanchol lui a été donné.
A côté de lui, se trouve un alcaloïde volatil non vé- néneux.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 443
Sous-ARTICLE IV..— CONVOLVULACÉÉS.
\
Nous ne. ferons. qu’accorder une citation à cette petite famille dont les représentants, la plupart volu- biles et à grandes corolles infundibuliformes, sont aussi connus que répandus. En effet les espèces fran- chement vénéneuses sont exotiques; les propriétés des indigènes sont beaucoup moins développées et elles ne peuvent être regardées comme vraiment dangereuses,
[. — Convolvulus, L./Liseron). — Dans ce genre qui fournit le Liseron des champs à nos campagnes et le Lise- ron tricolore ou Belle-de-jour à nos jardins, on trouve:
Convolyulus Scammonia, L. La Scammonée est un Liseron volubile qui présente assez de ressemblance avec notre C. arvensis, mais dont la racine vivace, pivotante, devient volumineuse. Elle renferme un suc laiteux, doué de propriétés drastiques qui constitue la Scammonée des pharmacies. Comme tous les drastiques pris à doses trop élevées et placés dans les conditions qui favori- sent leur activité, la Scammonée peut produire des conséquences fâcheuses.
- Les thérapeutistes en ont étudié l’action avec soin et ils ont fait de très intéressantes constatations. Son prin- cipe actif. introduit directement dans le torrent circula- toire ne produit point d’effets purgatifs. [1ne les manifeste qu’à la condition de rencontrer dans l'intestin des liqui- “des alcalins, la bile notamment; à ce contact son action se manifeste et, une fois commencée, elle s’accroît par action réflexe sur le pancréas et le foie. Mais quand la dose est trop considérable et la quantité de liquide alca-
lin nécessaire à l’activité de la Scammonée épuisée, il ya
non plus purgation, maisaction desséchantesur l'intestin.
EEE
444 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Le principe actif de la Scammonée est un glycoside, la Convolvuline, substance blanche, ressemblant à la gomme arabique, inodore et insipide, très soluble dans l'alcool mais insoluble dans l’eau et l’éther. Sa formule CCS |
Traitée par l’acide sulfurique concentré, elle se dis- sout et au bout de 15 à 20 minutes la solution prend une belle teinte rouge amaranthe. En étendant cette solution d’eau, on en sépare une huile qui constitue l'acide contre ane ou rhodéorétinolique.
Dans les recherches de médecine légale, il n’est pas possible de retrouver la convolvuline dans lPurine et les fèces (Dragendorff). En tuant un animal peu de temps après lui avoir fait prendre de la Scammonée, on peut rencontrer encore le principe actif dans l’estomac et le sang, mais lorsque ce corps est parvenu dans l’intes- tin grêle, il se décompose au contact de la bile, et dans le gros intestin ses transformations sont si profondes qu’il est impossible de le reconstituer.
Les espèces C. Jalappa, qu’on a intercalée récem- ment dans le Genre Ipomœæa (7. purga, Hayne) et C. Turpethum ont, comme la Scammonée, des racines à propriétés purgatives qu’elles doivent à la Jalapine, corps homologue de la convolvuline, dont la formule serait C**HS#O', Cette homologie nous dispense d’entrer dans aucun détail sur les effets qui pourraient résulter de l’ingestion de ces racines.
IT. — Calystegia, R. Br. (Calystégie).— Nous cite- rons, comme espèce indigène, la Calystegia sepium, K. Br. décrite aussi sous le nom de Convolvulus sepium L.
La Calystégie des haies est une herbe grimpante qui.
enserre, par places, les buissons de ses tiges volubiles,
qui les recouvre deses feuilles amples, cordées sagittées :
PARA PT." 1°}
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 445"
à oreillettes tronquées, et les orne de ses grandes fleurs blanches.
Les bœufs n’y touchent point, mais les porcs ne dé- daignent pas ses racines qui sont traçantes et assez fortes. On leur attribue des effets purgatifs dus vrai- semblablement à une petite proportion de convolvuline.
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Scammonée. -- DraGenporrr, Toxicologie, Article Con-
volyuline.
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"PR
440 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ARTICLE III. — SOLANÉES.,
La famille des Solanées, bien homogène et constituée par des végétaux que leur aspect général fait reconnaître
immédiatement a, en toxicologie, un intérêt qui sur-
passe, si c’est possible, celui qu’elle offre à Pagriculture et à la médecine. Aussi va-t-0n examiner tour-à-tour chacun des genres qu’elle comprend.
Sous-ARTICLE ÏI. — Du GENRE MoRELLE.
Le genre Solanum ou Morelle renferme des herbes et desarbrisseaux de port assez varié, à feuilles entières lobées, à grandes fleurs blanches, jaunâtres ou violettes, à corolle rotacée ou campanulée. Etamines 5, à filets courts et à anthères dressées. Style simple, ovaire bi- loculaire. Le fruit est une baie.
Dans ce genre se trouve une des plantes on plus importantes, la Pomme de terre; nous allons débuter par son examen.
$ I. — Solanum tuberosum, L. (Pomme de terre).
Il serait sans utilité de faire à cette place la descrip- tion botanique de la Pomme de terre, d'écrire l’histoire de son importation et de sa propagation en Europe ét particulièrement en France, de tracer la nomenclature
des nombreuses variétés créées par la culture et de dire
ses usages alimentaires et industriels, car ces DATA larités sont classiques et connues de tous.
On connaît moins les propriétés vénéneuses de cette plante et surtout on est mal renseigné sur les conditions
de formation du toxique, sur sa distribution dans les
divers Organcs et sur ses variations quantitatives.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 447
La Pomme de terre renferme un principe toxique appelé Solanine, dont la production semble liée à la présence de la chlorophylle. On le trouve assez abon- dimment dans les germes que donnent au printemps ou en hiver les Pommes de terre enfermées en caves, dans les épluchures des vieux et des très jeunes tuber- cules, dans la tige encore peu développée en mai ou en juin. Quand un tubercule, insuffisamment enfoui en terre, a recu les rayons solaires et que son enveloppe a verdi, celle-ci est dangereuse. Le tubercule proprement dit est la partie qui en renferme le moins, mais elle n’en est pas complètement dépourvue. Les chiffres suivants, empruntés à M. Haaf, montrent les propor- tions de solanine calculées sur un demi-kilogramme :
Tubercules Tubercules
germés, jeunes. Le tubercule entier en contient... 0,21 0,16 La partie charnue seule........... 0,16 0,12 Len CDITICRUTES 5 use mans 0,24 0,18
Lorsqu'on soumet la Pomme de terre à la cuisson, la solanine n’est point détruite, elle passe dans l’eau de cuisson.
Bien qu'il ne soit ni extrêmement actif, ni très abondant, le principe vénéneux de la Pomme de terre occasionne néanmoins des accidents, car il s’accumule dans l’organisme ou, plus exactement, il s’élimine lentement. | A ms | : Pourtant, il n’est point à ma connaissance que des intoxications se soient produites dans l’espèce humaine. Cette immunité tient à plusieurs causes : l’homme ne consomme que le tubercule, c’est-à-dire la partie la plus pauvre en solanine, il l’épluche et jette l’écorce qui en
contient le plus, ille fait toujours cuire et enfin il est
22 Gal
448 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
rare qu’il en fasse sa nourriture exclusive pendant un laps de temps bien considérable, il l’associe à d’autres aliments, ne fussent que des galettes ou du pain. On s'explique donc sans difficultés que les accidents qu’on prédisait à Parmentier comme devant résulter de Ja consommation de la Pomme de terre, ne se soient point réalisés sur notre espèce. #
Mais ils ne sont pas très rares sur les animaux do- mestiques. En éliminant tous ceux qui résultent d’alté- rations de la Pomme de terre par la gelée, l’envahis- sement par des cryptogames et quelques fermentations, on en enregistre chaque année qui sont incontestable- ment dus à la solanine. En compulsant les relations d'empoisonnement par cette Solanée, j'ai constaté que l'espèce bovine est celle qui a fourni le plus de victimes, mais les autres espèces n’ont point été complètement épargnées; on en a même signalé sur des chiens qu’on alimentait exclusivement par la Pomme de terre.
Il est possible que les vaches soient relativement sen- sibles à son action, mais il est probable aussi que la pro- portion plus élevée d’intoxications relatées pour leur espèce tient, en grande partie, à ce qu’on leur distribue ordinairement les tubercules crus et non pelés en grande quantité. Elles les acceptent très bien et l’on pense que leur sécrétion lactée en est grandement activée. Pour les autres animaux, les moutons exceptés, on les fait habi- tuellement cuire.
En temps de pénurie fourragère, on distribue quel- quefois comme nourriture verte les tiges ou fanes aux vaches qui les mangent sans trop de difficultés, mais au détriment de leur santé, si cette alimentation se prolonge.
Symptomes. — Nous allons d’abord présenter le tableau symptomatologique de l’'empoisonnement des bêtes bovines par les fanes de Pomme de terre, d’après
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 440
M. Heiss, qui eut à le constater dans l'automne de 1885.
Le premier symptôme est la constipation, auquel suc- cèdent rapidement des signes plus graves : Inappétence, augmentation de la température, accélération de la cir- culation, 60 à 70 pulsations à la minute; la respiration reste normale. De la bouche s'écoule une salive vis- queuse, sans mauvaise odeur. Les paupières sont légè- rement tuméfiées, les yeux larmoyants, la conjonctive injectée. Au bord supérieur du cou, le poil se dresse à la façon d’une brosse, tandis que le derme est couvert de croûtes ne se laissant que très difficilement détacher. Ces croûtes sont formées par la dessiccation du contenu de nombreuses petites vésicules crevées. L’exsudation continue encore après que les vésicules se sont ouvertes, et les croûtes acquièrent petit à petit une épaisseur assez considérable, surtout aux parties inférieures des extrémités, c’est-à-dire à la moitié inférieure du canon et au boulet. Aux points où les croûtes sont le plus apparentes, la peau montre des fentes et même des cre- vasses d’une largeur de 3 millimètres. Dans bien des cas, la formation des croûtes s'étend jusqu’au-dessus du jarret, notamment à la face interne des cuisses. Chezles vaches, la mamelle et les trayons, chez les bœufs et les taureaux, le scrotum se trouvent de même couverts de croûtes. Le derme du scrotum montre surtout des fentes. Des croûtes existent aussi à la région de l’origine cau- dale, ainsi qu’au pourtour de l'anus.
En examinant la cavité buccale, on remarque au bord édenté de la mâchoire supérieure des places, de la grosseur d’une pièce de 50 centimes, dépourvues de
muqueuse. Ces excoriations sont purulentes dans
leur centre, tandis que leur bord est formé par la muqueuse boursouflée et que toute la périphérie est for- tement injectée. Ces pertes de substance ont une grande
2
450 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ressemblance avec les aphtes en voie de guérison. Heiss pense que ces lésions sont probablement de nature traumatique, provenant de ce que les bêtes, à cause des démangeaisons qu’elles éprouvent, frottent avec la bouche les membres postérieurs couverts de croûtes âpres. Les membres postérieurs se trouvent pareille- ment, mais plus légèrement affectés. Leurs mouvements s'exécutent avec beahcb ie de raideur et semblent cau- ser de grandes douleurs à l’animal.
Dans cette période, la défécation se fait fréquemment; les fèces sont liquides et d’une teinte foncée. L'état gé- néral paraît fortement troublé; les bêtes sont abattues et se couchent la plus grande partie du temps, les membres postérieurs complètement étendus. Les plus malades montrent un amaigrissement assez prononcé. -
Cet empoisonnement est le plus rare, car on s’abstient de couper les tiges de la Pomme de terre, sachant que cette UE nuit au rendement en tbe Son pronostic n’est pas grave; il suffit d’écarter la cause pour faire cesser le mal.
Celui qui résulte de la distribution des tubercules est le plus fréquent ; on le constate de préférence au prin- temps, alors que, sous l'influence de lélévation de la température, les Pommes de terre conservées en çave poussent de longues tigelles très riches en solanine. Mais il est loin d’être inconnu à l’automne et pendant l'hiver, si lon donne exclusivement, comme nour- riture aux bestiaux, des Pommes de terre crues avec leur enveloppe.
Dans l’un et l’autre cas, le fond du tableau sympto- matologique estle même, mais dans le premier, la quan- tité de solanine étant plus élevée, la marche est plus ra- pide et le dénouement plus prompt.
On constate de la tristesse, de l’inappétence, la sup-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 451
pression du lait, des grincements de dents, puis une prostration profonde; les animaux restent couchés de tout leur long sur la litière, sans supporter la tête, refu- sent de se lever, ont les yeux fermés et sont dans un état d’assoupissement et de somnolence remarquables, la respiration est presque normale, plutôt ralentie, le pouls petit et accéléré. A aucun moment de l’empoi- sonnement, il n’y a dilatation de la pupille.
La digestion est troublée, il y a un peu de météorisa- tion et une diarrhée opiniâtre succède à une période de constipation. Chez les animaux appartenant à des espèces capables de vomir, telles que le porc et le chien, il y a des vomissements violents.
Le pronostic est toujours grave et la mort la termi- naison habituelle de cette sorte d’empoisonnement. Mais elle arrive d’une facon différentesuivantles circonstances.
Quand lintoxication est le résultat d’une forte dose, comme celle qui résulte de l’ingestion des pousses et des épluchures, la prostration se transforme en une véritable paraplégie avec perte de la sensibilité et la mort se produit à bref délai sur un animal profondé- ment stupéfié.
Lorsqu'elle est la conséquence de l’ingestion prolon-
gée et en forte quantité de tubercules crus, mais non germés, le dénouement se fait attendre beaucoup plus longtemps, d’une à trois semaines; à la prostration, qui reste le caractère dominant, s’ajoutent l’irritation intes- tinale et un amaigrissement qui fait de rapides progrès. Les animaux meurent dans le marasme. - Le principe toxique dela Pomme de terre est un stu- péfiant du bulbe, de la moelle et des cordons nerveux, il paralyse les terminaisons des nerfs sensitifs et moteurs; c’est un analgésique puissant.
Lésions. — A l’autopsie, on trouve sur l'intestin des
45e DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
lésions qui sont celles de l’entérite aiguë ou de lentérite chronique, suivant le mode d’intoxication; lintestin grêle est la partie la plus altérée. Les glandes annexes et les autres organes ne présentent rien d’anormal. Il y a congestion du cerveau et de ses enveloppes.
Quelques personnes ont avancé que la chair des ani- maux empoisonnés par la Pomme de terre dégage à la cuisson ure odeur vireuse spéciale. Cette assertion n’est pas acceptée par d’autres qui soutiennent que cette odeur n'apparaît que quand on a distribué des Pommes de terre gâtées. Pour ces dernières, la viande provenant de bestiaux uniquement empoisonnés par la solanine et non par des produits contingents issus des diverses cryptogames que renferment les Pommes de terre ma- lades, n’a ni odeur, ni saveur, ni aucun autre caractère qui la distingue de celles provenant d'animaux abattus en pleine santé.
S'il en est réellement ainsi, c’est une preuve que la solanine éprouve des décompositions dans l'organisme, car elle possède par elle-même une odeur vireuse et une saveur âcre. On pourrait, en raison de la dissocia- tion du toxique, utiliser les animaux abattus au début de l'empoisonnement, bien que dans l’état d’indécision où l’on se trouve encore vis-à-vis de l’activité des produits formés par cette dissociation, il soit plus sage de s’abs- tenir. Mais si on a laissé prendre un caractère chro- nique à l’intoxication, la viande rentre dans la catégorie des chairs fiévreuses ou ectiques et doit être traitée comme telle. ;
La conduite de l’agriculteur se dégage des faits expo- sés : ne jamais affourager son bétail avec les fanes de Pommes de terre, ne faire entrer les tubercules crus que pour une partie dans le régime, en suspendre de
temps en temps l’usage et les faire cuire de préférence;
DES PLANTES VENÉNEUSES. 455
toujours rejeter les longues pousses formées en caves; au printemps, faire cuire les tubercules quicommencent à germer et jeter l’eau de cuisson. A l’aide de ces précautions fort simples, il se mettra à l’abri de tout accident; il se rappellera, d’ailleurs, que la cuisson augmente la digestibilité de la Pomme de terre et que le bénéfice qu’on en retire paye largement les frais de combustible.
Principe actif. — I1 est possible qu'il y ait dans la Pomme de terre plusieurs principes vénéneux, mais un seul a été isolé et étudié convenablement. Il a été dé- couvert en 1821 par Desfosses, et le nom de Solanine lui a été imposé.
La solanine C“#H'AzO' (Hilger) est un alcaloïde qui dépose en aiguilles très fines dans sa solution alcoo- lique, à peu près insoluble dans l’eau, peu soluble dans l’éther, inodore à l’état sec, d’une odeur sui generis en s'hydratant, d’une saveur très âcre et nauséeuse. L’acide sulfurique concentré la colore en orangé et cette teinte passe peu à peu au violet foncé. Traitée à chaud par les acides sulfurique et chlorhydrique étendus, elle se dé- double en solanidine et en glucose. Elle fond à 235°.
Nous avons indiqué antérieurement les parties les plus riches en solanine dans la Pomme de terre et les varia- tions de toxicité qu’elles éprouvent. On fera bien de se rappeler que cette substance s’élimine lentement de l'organisme et que le foie la retient assez longtemps. Elle se transforme dans le sang et les intestins en sola- nidine qu’on retrouve dans l'urine; celle-ci devient même albumineuse, si la quantité de solanidine est un peu considérable.
Sans avoir une activité de premier ordre, la solanine est vénéneuse incontestablement; un nombre déjà élevé d'expériences a mis sa toxicité hors de toute contes-
D te 7 ) L\ AGP: MIT at NAT t PU rh ”] at
451 DES PLANTES VEÉNÉNEUSES.
tation. Si elle n’est pas l’unique cause des accidents dé- crits plus haut, elle paraît en être la principale.
S II. — De l’Aubergine, de la Douce-amère, de la Morelle noire et de la Tomate.
Nous réunissons ces diverses espèces, parce qu'elles possèdent toutes la solanine comme principe commun, auquel elles doivent leurs propriétés malfaisantes; les développements dans lesquéls nous venons d’entrer à propos de la Pomme de terre, nous permettront de nous borner à de simples citations, puisqu'il y a commu- nauté d’effets ou à peu près.
A. Solanum melongena, L. La Morelle melongène, plus connue sous le nom d’Aubergine et décrite aussi par Duval sous l’appellation de Morelle comestible (Sola- num esculentum), est une herbe annuelle, originaire de l'Inde, de 50 centimètres de hauteur, à tige un peu ligneuse, à feuilles amples, pubescentes en dessous, à fleurs rappelant celles de la Pomme de terre, mais d’un violet plus foncé. Calice accressent. Fruit charnu, volu- mineux, ovoide, luisant, noir, vineux, jaune ou blanc suivant les variétés. |
L’Aubergine est cultivée dans le Midi pour son fruit qu’on mange après cuisson. À la maturité, la proportion de solanine qu’elle renferme n’est pas suffisante, pour qu’il y ait danger à la consommer, mais incomplète- ment mûre elle est malfaisante, sa teneur en toxique est élevée et des empoisonnements ont été signalés dans l’espèce humaine. On devra donc s’abstenir de manger ou de distribuer aux animaux, et notamment au porc, des Aubergines récoltées dans ces conditions.
DES PLANTES VÉNENEUSES. 455
B. Solanum dulcamara, L.. La Morelle douce-amère, diteencore Vigne de Judée ou simplement Douce-amère, est une plante sarmenteuse de 1 à 2 mètres, dont la tige grêle supporte des rameaux flexibles et faciles à casser. Les feuilles sont hétéromorphes,les supérieures décou- pées en trois segments, les inférieures entières. Fleurs violettes en cymes pédonculées. Baies petites, ovoides, rouges à la maturité.
Le nom de Douce-amère donné à cette plante vient de la saveur de l’écorce qui est d’abord amère puis dou- ceâtre.
M. Legrip a extrait la solanine de la tige et des feuilles de la Douce-amère, ces parties doivent donc être regar- dées comme suspectes. Mais cet alcaloïde n’y existe point seul,’ car M. Vulpian a observé que l'extrait de Douce-amère produit de la mydriase, tandis que la sola- nine pure n’en détermine point. Est-ce à un glycoside que ce végétal renferme aussi et que Pfaff appelle dul- camarine ou picroglycion, que la dilatation pupillaire est attribuable ou à d’autres principes qui lui sont assOCIés ? |
Quant aux baies, MM. Rodet et Baillet les décla- rent sans propriétés malfaisantes; cependant une per- sonne m'affirma dernièrement avoir perdu quelques volailles qui avaient becqueté les fruits d’un buisson de Douce-amère. Floyer dit que trente baies ont suffi pour amener la mort d’un chien, mais Dunal affirme en avoir fait prendre davantage à cet animal sans qu’il en soit résulté aucun dérangement de sa santé.
Comme des faits négatifs ne peuvent infirmer les positifs, de nouvelles recherches sont à exécuter pour voir si la solanine n’éprouverait pas, dans les baies de Douce-amère, des variations quantitatives ; ce n’est point improbable quand on connaît les rapports de la chlo-
456 DES PLANTES VÉNENEUSES.
rophylle et de ce corps. Incomplètement mûres et encore vertes, elles sontvraisemblablement dangereuses; mûres et rouges, elles ne le seraient plus. Nous venons de voir le même fait dans les Aubergines.
Les ouvriers employés à la préparation de l'extrait de Douce-amère présenteraient, d’après M. Proust, des plaques érythémateuses à la face, aux membres et aux parties génitales et même de véritables éruptions.
C.Solanum nigrum, L. La Morelle noire estune plante
annuelle, abondante autour des habitations et qui ex-
hale une odeur assez désagréable. Sa taille moyenne est de 0,30 cent., ses feuilles sont sinuées, vert-sombre, ses fleurs petites, blanches, en cymes ombelliformes. Baies globuleuses, d’abord vertes, puis noires, quelquefois jaunâtres ou rouges.
C’est dans les fruits de cette plante que la solanine a été constatée pour la première fois en 1821. On doit donc les tenir pour suspects malgré les affirmations contraires de Dunal. Du reste, il a été publié des rela- tions d'empoisonnements d’enfants par les baies de la Morelle noire. Mais en se rappelant la susceptibilité particulière des jeunes organismes, on évitera de tom- ber dans des craintes exagérées.
La solanine n’est pas très abondante dans la tige et les feuilles, et 11 a été dit que ce n’est pas un alcaloïde bien actif. Gohier a pu faire prendre 3 kilogr. de Morelle, à l’état vert, à un cheval et n’a déterminé que des symptômes sans gravité.
D. Solanum Lycopersicum, L. La Morelle tomate, au- jourd’hui détachée du genre Morelle pour entrer dans
le groupe des Lycopersicées sous le nom de Lycoper-
sicum esculentum, Dunal, est une plante annuelle,
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 457
cultivée dans les potagers sous le nom de Tomate. Sa tige, de 0,60 cent. de hauteur en moyenne, est rameuse. Ses feuilles inégalement pinnatiséquées dégagent une forte odeur vireuse. Fleurs d’un jaune pâle, en cymes extra-axillaires. Baies volumineuses, par réunion de plusieurs fleurs.
Ces baies sont consommées, sous le nom de Pommes d'amour, en grande quantité, surtout dans le Midi où leur acidité les fait apprécier. Mangées crues et incom- plètement mûres, elles peuvent déterminer des accidents analogues à ceux que nous avons signalés à propos des autres fruits des Morelles et notamment des Aubergines. MM. Foderé et Hecht en ont extrait de la solanine.
Sous-ARTICLE II. — DES GENRES ATROPA, MANDRA- GORE, D'ATURA, JUSQUIAME ET SCOPOLIA.
Une seule espèce étant comprise dans le genre Atropa, nous allons immédiatement nous en occuper.
$ I — De la Belladone (Atropa belladona L.).
La Belladone (fig. 46), dont le nom gracieux ne révè- lerait point les propriétés délétères si Linné ne lui avait imposé celui d’Atropa (ärporoc, cruel), est encore appelée Morelle furieuse. C’est une herbe vivace, de 1 mètre à 1,50 de haut, dont la tige forte, dressée et ramifiée est un peu velue-glanduleuse en haut. Feuilles amples, finement pubescentes, entières, ovales à limbe aigu au sommet, - vert-sombre. Fleurs latérales ou terminales, pédoncu- lées, grandes, penchées. Calice foliacé, persistant, à 5 divisions. Corolle large, tubuleuse, un peu rétrécie à la base où existent 5 nervures; sa couleur est d’un pour- pre sale ou jaunâtre. Cinq étamines ; filets grêles, poilus
458 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
à la base; baies pulpeuses, biloculaires, grosses comme des cerises, adhérentes au calice, vertes d’abord, puis rouges etenfin d’un beau noir luisant à la maturité, dont la pulpe tache en rouge vineux. Dans l'Ouest où la Belladone est commune, on appelle son fruit Guigne des côtes. Racine épaisse et charnue.
La Belladone est une plante vénéneuse dont les baies, ressemblant à des cerises et d’une saveur douceître, ont été la cause de méprises.
Toutes ses parties sont dangereuses, mais leur toxi- cité est inégale. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les baies sont les parties les moins riches en principes actifs, tandis que les racines sont les plus énergiques; la tige, les feuilles et les fleurs occupent une position intermédiaire. On estime que les racines sont cinq fois plus actives que les baïes, mais on devra se rappeler que, dans la Belladone, comme dans toutes les autres plantes vénéneuses, il se produit des varia- tions saisonnières ; un peu avant la floraison, la racine est plus riche qu'après.
La dessiccation ne détruit pas les propriétés véné- neuses de la Belladone.
La susceptibilité des espèces et même des sujets d’une même espèce est très variable vis à vis de cette plante; c’est une de celles qui se prête le mieux aux observations sur l'inégalité de réceptivité et c’est aussi une de celles dont on s’est servi le plus fréquemment pour les suivre.
L'homme a une grande réceptivité pour ce poison; après lui viennent le chat, les oiseaux, le chien; le che-
val ne se place qu’assez loin de ces animaux. Le porc, :
la chèvre, le mouton et le lapin sont peu sensibles à son
action, ils ne s’empoisonnent pas par la voie digestive,
même en mangeant la racine. Aussi les a-t-on pré- sentés comme réfractaires à la Belladone. Leur non-
LA
F1G. 46. — Atropa B2lladona. — BELLADONE.
46o DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
réceptivité n’a rien d’absolu, elle tient à la rapidité d'élimination du toxique par les urines, mais si l’on emprunte, pour le faire pénétrer dans l’économie, une voie différente, si l’on à recours à l'injection intra-vei- neuse, on détermine l’empoisonnement.
Nous avons déjà rencontré dans la famille des Légu- mineusesun poison, la cytisine, qui semble, lui aussi, ne point avoir d'efficacité sur les rongeurs et les rumi- nants, nous avons démontré qu’il n’y a là qu’une appa- rence et que l’immunité tient à la rapidité d’expulsion du toxique par les reins (Voyez page 302). Toutes les considérations développées à ce moment s'appliquant à la Belladone, nous n’y reviendrons point ici; on se contentera de rappeler que l’urine d’un lapin empoi- sonné par cette Solanée contient le principe toxique en quantité notable.
Les différences de réceptivité portant sur des indi- vidus de la même espèce et à peu près dans les mêmes conditions d’âge, de sexe et de poids, s'expliquent plus difficilement. Tant qu’il ne s’est agi que de personnes ayant mangé à peu près le même nombre de baies de Belladone et présentant néanmoins des symptômes d’une gravité différente, on a pu invoquer l’inégale teneur de ces baies en poison, inégalité due à la diffé- rence de maturité et de grosseur des fruits. Mais M. Trasbot en expérimentant sur des chiens avec lal- caloïde de la Belladone, a trouvé des variations consi- dérables. De deux chiens de même taille et de poids peu différents, l’un exigea une quantité double du même corps qui tua son congénère à dose moitié moindre. Parler, à propos de ces résultats, de variations dans l’impressionnabilité des tissus nerveux est se payer de mots, car c’est précisément la raison de ces variations qu’il faudrait trouver.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 46t
Il y a peu de chances pour que les animaux domes- tiques s’empoisonnent par la Belladone, ce ne pourrait être à craindre que pour les oiseaux de basse-cour. Parmi les autres animaux, les carnivores, qui sont passablement sensibles à ce poison, ne sont point exposés à le prendre spontanément; les herbivores, on l’a dit, en sont peu impressionnés. D’autre part, l'accumulation du principe actif dans l’organisme n’est pas à redouter et l’élimina- tion se fait rapidement par les reins, raison de plus pour éloigner les chances d’accidents.
Ces raisons ajoutées aux variations dans la teneur du toxique, font qu’il est impossible de donner des chiffres représentant les quantités de Belladone verte qui tue- raient les herbivores. Gohier et d’autres expérimenta- teurs ont pu en donner 1 kilog. à des chevaux sans amener de désordres bien marqués et cette dose continuée trois jours de suite n’a pas produit de troubles pathologiques plus accentués.
Hertwig prétend que les grands ruminants sont plus sensibles que les chevaux à l’action de la Belladone, mais il faudrait contrôler son assertion. Quant aux petits ru- minants, on est unanime à les déclarer fort peu impres- sionnables par cette plante.
L'homme est exposé à s'empoisonner et en raison de sa sensibilité particulière pour l’atropine, les symptômes
ont toujours un caractère très grave chez lui. Les en-
fants peuvent être séduits par le fruit et les accidents
sont communs parmi eux. Ils ne sont pas rares non plus
chez les adultes, l’ignorance des propriétés vénéneuses de la Belladone ou sa confusion avec quelque inoffensif végétal à baies les explique. On a vu une jeune paysanne cueillir les baies de cette plante pour celles de l’Airelle (Vaccinium my rtillus),les vendre pour ces dernières et
empoisonner toutes les personnes, ignorantes comme
462 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
elle, qui les achetèrentetles mangèrent (Roques). Quand on compulse les publications médicales, on y trouve de
nombreuses relations d’intoxications de cette sorte, qu’il
n’y a d’ailleurs aucun motif de résumer ici, car les cif-
constances en sont toujours les mêmes. Le plus connu
et aussi le plus frappant de ces récits est celui de Gaultier
de Claubry; ce médecin fut témoin en 1813 de l’empoi-
sonnement de 160 soldats qui, trouvant des baïes de
Belladone dans leur campement, les mangèrent sans se
douter de ce qui allait en résulter pour eux.
Pour un adulte, l’ingestion de deux ou trois baies n’a pas de suites nuisibles; passé ce chiffre et jusqu’à 25 ou 30, des signes d’'empoisonnement se manifestent, plus. ou moins marqués selon le nombre ingéré, mais la ter- minaison n’est pas fatale. Au delà de ce nombre, la mort est à craindre si les vomissements et une intervention médicale éclairée ne font pas éliminer le principe véné- neux de l'organisme. Heureusement que l’un des effets de la Belladone est précisément de provoquer des nausées et de contribuer elle-même à son évacuation. Les en- fants, beaucoup plus impressionnables que les adultes, ne peuvent supporter que de faibles quantités de ces fruits, mais nous n'avons pas de documents précis sur ce point.
Symptomatologie. — Employée depuis un temps im- mémorial en thérapeutique, la Belladone et l’alcaloïde auquel elle doit son activité ont été étudiés avec soin dans les deux médecines, la symptomatologie en a été « soigneusement tracée et l’on a donné le nom d’Atropisme à l’empoisonnement que provoque leur introduction dans l'organisme en proportion trop élevée.
Lorsqu'une personne a mangé une quantité de baies suffisante pour la rendre malade mais non pour la tuer, elle éprouve, de la 2° à la 3° heure après ce repas, de Ia sécheresse de la langue, de la bouche et de l’arrière-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 463
bouche, elte ressent quelques nausées, sa vue se trouble par dilatation pupillaire, elle a des défaillances, de la fai- blesse musculaire, trébuche, tombe et ne se relève que pour tomber de nouveau. Puis surviennent des phéno- mènes de céphalalgie, du vertige, une sorte de folie avec agitation ou de l’hébétude, de la torpeur, mais plus rarement. Inconscience des actes, perte de la person- nalité et de la mémoire, difficulté de la déglutition, aphonie complète ou seulement émission de cris sourds et inintelligibles; besoins décevants d’aller à la selle. La sensibilité tactile est diminuée; la respiration est peu modifiée, mais néanmoins elle est légèrement ra- lentie, par contre il y a augmentation du nombre des battements du cœur. Dysurie, constipation, quelquefois priapisme, hallucinations.
Lorsque la quantité ingérée est suffisante pour amener la mort, lessymptômes précédents se précipitent et s'accentuent, mais 1l s’en ajoute peu de nouveaux. Les nausées s’accompagnent de vomissements, l’œil est proéminent, la mydriase portée au maximum et la vue à peu près abolie, car les malades se heurtent à tout ce qui les entoure. Les manifestations intellectuelles n’existent plus; il y a des hallucinations singulières de l’ouïe; les moribonds croient entendre des tintements de cloche ou divers autres bruits. La sensibilité d’abord exaltée diminue et disparaît peu à peu, de telle sorte qu’on a vu les malades toucher le feu et n’en point ressentir les brû- lures. L’incoordination des mouvements est complète, d’ailleurs les malades se laissent tomber comme des masses. Les battements du cœur s’accélèrent considéra- blement, mais le pouls devient de plus en plus petit. La respiration est stertoreuse, pénible; la température dimi- nue de 1 à 3 degrés. Quelques émissions répétées d’urine au commencement de l’empoisonnement, puis dysurie.
464 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Lorsque la mort est proche, des tremblements mus- culaires et des contractions cloniques se montrent, la face se grippe et se contracte spasmodiquement, le rire sardonique apparaît, les membres se détendent comme touchés par des décharges électriques. Cette phase de convulsisme est très courte, mais ellé est nette sur quel- ques malades; d’autres ne sortent pas du profond coma où ils sont plongés.
La Belladone annihile l’action des filets nerveux moteurs des fibres circulaires de l’iris, de façon que l'appareil constricteur étant paralysé, le système dilata- teur agit seul et qu’il y a mydriase. C’est par un effet de même nature qu’elle tarit les sécrétions glandulaires en paralysant les terminaisons des- nerfs sécréteurs et qu’elle accélère les battements cardiaques par paralysie des fibres modératrices du pneumogastrique.
Pour porter un pronostic judicieux dans lintoxication par la Belladone, il faut se baser, non sur la symptoma- tologie qui est trompeuse, si nous en Jugeons du moins par ce que nous voyons sur les animaux qui servent à nos études expérimentales, mais sur la durée du mal. Lorsqu'un malade survit au delà de six à sept heures après le début de l’empoisonnement, on peut le consi- dérer comme sauvé. Les signes de l’intoxication persis- tent pendant 24 et même 48 heures, en s’affaiblissant peu à peu; l'intelligence est lo à revenir à sa netteté normale et la dilatation de la pupille, avec les troubles de la vue qu’elle entraîne, persiste de 3 à 8 jours.
Les lésions de l’empoisonnement par la Belladone n’ont rien de caractéristique. On trouve quelques taches ecchymotiques ou parfois sphacéliques dans l’estomac, le reste de l'appareil digestif et ses annexes ne présentent rien à relever; les poumons sont engoués et parsemés
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 455
de petits points asphyxiques. Un peu d’hyperémie des centres nerveux, quelquefois petites hémorrhagies bien limitées des méninges. Vessie généralement remplie d'urine. L’iris est revenu à son état normal et la dilata- tion de la pupille ne persiste pas après la mort.
Il est bien évident que si le toxicologiste n’avait que ces lésions à discuter, il ne pourrait arriver à conclure à un empoisonnement. Mais indépendamment des ca- ractères chimiques du principe actif, caractères que nous indiquerons dans un moment, il devra se rensei- gner par l’examen des matières vomies et du contenu stomacal et intestinal. Il trouvera peut-être dans ces matières quelques baies plus ou moins intactes, mais sûrement leur enveloppe violette-noirâtre et surtout leurs graines. Celles-ci sont réniformes, à embryon recourbé en fer à cheval, leur surface est rugueuse et elles ont 2 millim. de long sur 1 millim. 1/2 de large. L’urine contenue dans la vessie devra être divisée en deux parts, l’une destinée aux recherches chimiques, l’autre à l’expérimentation. Cette dernière portion sera injectée hypodermiquement, non à des oiseaux ou à des lapins, mais de préférence au chat; s’il y a eu réelle- ment intoxication par la Belladone, onobserveraimman- quablement sur les félins d'expérience la dilatation de la pupille qui est si remarquable, en même temps que les autres symptômes, mais ceux-ci moins accusés. On trouve là une ressource qu’on aurait grand tort de négli- ger dans les affaires médico-légales.
Principes actifs. — La Belladone doit son activité à l’a- tropine, alcaloïde signalé par Brandes, mais isolé en 1883, simultanément par MM. Geiger et Hess et par M. Mein. On trouve bien encore dans cette solanée un peu d’hyos- cyamine et aussi de la belladonine; au surplus cette der- nière n’est considérée que comme un mélange d'atro-
30
466 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
pine et d’oxyatropine et peut-être ne préexiste-t-elle pas dans la plante.
L'atropine C'TH?* Az O* est le principe important, le seul qu’on se soit attaché à isoler pour l’utiliser en thé- rapeutique. Cet alcaloïde cristallise en aiguilles soyeuses, sa saveur est amère, il est incolore et inodore quand il est bien pur. Il fond à 115 degrés et se volatilise à 140 de- grés. Peu soluble dans l’eau froide et dans l’éther, il l’est davantage dans l’alcool et dans l’eau chaude. Chauffé en présence de la potasse, de la chaux ou de la baryte, il se dédouble sous leur influence en acide fropinique et en tropine. Des nombreuses réactions indiquées comme capables de déceler l’atropine, le plus grand nombre n’est pas spécifique; la suivante recommandée par Vitali est l’une des meilleures : verser 3 ou 4 gouttes d’acide azotique fumant sur l’atropine, évaporer au bain-marie, il reste un résidu jaunâtre qui se dissout avec une belle couleur violet-rougeâtre dans une solution de potasse caustique dans l’alcool à 90 degrés.
$ II. — Mandragora, Tourn. (Mandragore). Ce genre offre à notre observation lespèce qui suit : Mandragora officinalis, Mill. La Mandragore offi-
cinale que Linné a décrite sous le nom d’Atropa Man-.
\
dragora est une plante vivace, à souche forte et géné- ralement bifurquée, acaule, dont les feuilles, toutes radicales, sont grandes, étalées, oblongues et bosselées. Fleurs blanchâtres ou teintées de pourpre, portées sur des hampes radicales; calice velu, corolle campanuli- forme, pubescente, étamines 5. Baies globuleuses, char- nues, vert-jaunâtres.
La Mandragore ne se trouve en France que dans les
me CR. ds. te inst Se sc à 2 ss à0S
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 467
jardins botaniques, mais elle est spontanée dans la région méditerranéenne.
Cette plante est vénéneuse dans toutes ses parties; elle a d’ailleurs une saveur âcre et une odeur vireuse qui la font tenir immédiatement pour suspecte. De temps immémorial, ses propriétés toxiques ont été con- nues et la crédulité des anciens l’acceptait comme capa- ble de jouer un rôle dans la composition des philtres.
Le principe actif de la Mandragore est l’atropine; les effets de cette plante sont donc identiques à ceux de la Belladone, ce sont ceux de l’atropisme et il n’y a pas à les développer à nouveau.
Quelques botanistes ont voulu élever au rang d’es- pèce une variété de Mandragore qui fleurit au printemps (et non en automne commela Mandragora officinalis), et dont les baies sont très volumineuses, ce serait la Mandragora vernalis, Bertol. Peu importe le rang qu’on lui assigne dans la classification, il nous suffit de savoir que ses effets sont ceux de Pespèce prise pour type.
S III. — Datura, L. (Datura).
Genre de Solanée constitué par des espèces toutes vénéneuses, la suivante est la plus commune :
Datura stramonium, L. La Stramoïne, vulgairement appelée Pomme épineuse, Herbe aux sorciers, Herbe magique (fig. 47), est une plante annuelle, originaire de l'Amérique mais acclimatée et trop largement répandue en Europe. Sa tige a 0,60 cent. à 1 mètre de hauteur; elle est rameuse et dichotome. Ses feuilles sont larges, longuement pétiolées, inégales,sinuées-dentées,sesfleurs grandes, blanches, portées sur des pédoncules naïssant à la bifurcation des rameaux. Corolle longue et infundi- buliforme, à limbe plié. Capsule volumineuse, garnie de
468 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
piquants et portant en bas le reste annulaire du calice. A son intérieur, deux loges divisées inférieurement par une fausse cloison chacune en deux loges secondaires, à déhiscence septifrage, s’ouvrant en 4 valves longitu- dinales.
Les graines du Datura sont dés plus résistantes aux agents de destruction, ce qui est probablement cause de la dissémination rapide de cette plante exotique, qu’on voit surtout dans les décombres, autour des habitations et sur le bord des chemins. "Eat
La racine, la tige, les feuilles, les bourgeons, les fleurs, les capsules et les graines sont vénéneuses ; Les graines sont les parties les plus actives. La dessiccation et la cuisson n’en détruisent pas la toxicité.
Dans l’espèce humaine, des accidents ont été signalés sur des enfants qui ont ouvert les capsules de la Stra- moine et en ont mangé les petites graines dont le goût est un peu sucré. Des criminels s’en sont servis; parmi les causes judiciaires les plus singulières, on peut citer celle concernant une association d’aubergistes qui faisaient infuser la semence dela Stramoine dans du vin, mêlaient ce breuvage empoisonné aux boissons des voyageurs et les détroussaient facilement lorsqu'ils étaient sous son influence. (De Sauvages.)
Les animaux repoussent cette plante dont l'odeur est désagréable et la saveur nauséeuse. Il n’y a donc guère lieu de redouter de voir le bétail s’ empoisonner spontanément. Quelques expériences de Gohier ont appris qu’un cheval qui avait reçu la décoction de 122 grammes de graines, présenta pendant 6 à 7 heures les symptômes de l’intoxication, mais qu’il se rétablit.
Les symptômes de l’empoisonnement par la Stramoine sont ceux de l’Atropisme, ce qui nous dispensera d’en faire l'exposé.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 469
Principe actif. — On donne le nom de Daturine à l’alcaloïde retiré de la Stramoine. Plusieurs savants
Fic. 47. — Datura stramonium, L. — STRAMOINE.
(a. Capsule. — b. Graine.)
admettent qu’il y a identité entre ce produit et l’atro- pine; la composition chimique est la même et les effets toxiques, y compris la dilatation pupillaire, ne diffèrent point. Mais quelques chimistes pensent que la daturine
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470 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
est seulement un isomère de l’atropine ; ils s'appuient, pour soutenir cette manière de voir, sur sa plus facile cristallisation et sur la formation d’un précipité blanc par le chlorure d’or tandis qu’il est jaune avec Patropine.
Lorsque l’intoxication sera due aux graines de la Stramoine, on les trouvera dans les matières vomies et dans le contenu du tube digestif; on les distinguera de celles de la Belladone par leur couleur noire et par leur longueur qui est de 4 à 5 millimètres.
On cultive dans nos jardins, comme plantes orne- mentales, d’autres sortes de Datura. Citons le D. metel, le D. fastuosa, appelé par quelques amateurs Trom- pette du Jugement, le D. ferox, le D. arborea et le D. suaveolens, toutes espèces dangereuses au même titre que celle qui a été choisie pour type.
S IV. — Hyoscyamus, Tournef (Jusquiame).
Genre assez étendu dont toutes les espèces passent pour vénéneuses; la suivante sera prise comme exemple :
Hyoscyamus niger, L. La Jusquiame noire (fig. 48) est une plante annuelle qui croît dans les décombres, autour des habitations. Sa tige, de 0,40 à 0,80 centimètres de haut est dressée, rameuse, poilue. Grandes feuilles oblongues, profondément découpées. Fleurs d’un blanc jaunâtre marquées d’un réseau noir violacé, à calice velu, renflé à la base; corolle infundibuliforme; éta- mines 5. Capsule à 2 loges polyspermes, à déhiscence circulaire s’ouvrant horizontalement au sommet, de telle sorte que la partie supérieure forme une sorte d’oper- cule. Racine fusiforme assez grosse.
La Jusquiame noire est visqueuse dans toutes ses par- ties, son odeur est désagréable et sa saveur nauséeuse. Ainsi que les Solanées précédemment étudiées, elle est
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 471
FIG, 45. — HYOSCYAMUS NIZET. — JUSQUIAME.
(a. Capsule réduite. — b. Graine.)
sauvage, du Panais; ses jeunes pousses et ses feuilles ont été introduites par mégarde comme légumes dans l'alimentation humaine et ses semences ont été ingérées
_ par des enfants. En général, le bétail ne touche point à cette plante dans la campagne; on a noté néanmoins l’empoison-
- Len A 4 ea
479 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
nement de vaches qui l’avaient reçue à l’étable mêlée à d’autres fourrages. D’après MM. Rodetet Baillet, il est 1 des pays où l’on mélange aux aliments des animaux qu'on veut engraisser de petites quantités de graines de Jusquiame ou de Stramoine. S'il est exact, comme le pensent les personnes qui recourent à une pareille pra- tique, que l’engraissementen est favorisé, on peut l’expli- | quer par l’assoupissement et la tendance au repos qui résultent des propriétés stupéfiantes de ces graines. |
Nous manquons de renseignements précis sur la quantité de semences qu’il ne faut point dépasser dans cette circonstance.
Pour l’homme, nous savons, par une relation de | Murray, que l’ingestion d’une vingtaine de graines suffit à déterminer des accidents relativement graves, | mais que la mort ne survient pas. 4
Les symptômes, la marche, les terminaisons et les 1 lésions sont semblables à ce que l’on constate dans l’atropisme, à quelques différences près. Parmi elles, nous citerons en premier lieu une salivation assez abon- dante et non la sécheresse de la bouche comme dans l'intoxication atropinique. Ce symptôme rapproche l’action de la Jusquiame de celle des Morelles, mais elle ne peut point lui être identifiée, puisqu'il y a dilatation de la pupille, ce que l’on ne constate pas dans l’intoxication par la solanine. La mydriase qui résulte de l’action de la Jusquiame se produit plus lente- ment que celle causée par la Belladone, et elle se dissipe aussi avec moins de rapidité.
Parmi les hallucinations produites par la Jusquiame, il en est une singulière, notée depuis longtemps et qui semble lui être propre, elle consiste pour les individus empoisonnés à se « sentir en l’air », à croire qu'ils ne touchent plus terre mais qu’ils flottent au-dessus du sol.
DES PLANTES VÉNENEUSES. 473
Principes actifs. — On a retiré de la Jusquiame un alcaloïde qu’on appelle hyoscy amine. Isolé d’abord par Brandes, il a été récemment l’objet de nombreuses études. On lui attribue la formule C'*H!7AzO; :üil cristallise difficilement, se présente sous la forme d’un liquide sirupeux dans lequel se voient quelques cristaux au microscope, est très soluble dans lalcoo!l, l’éther, le chloroforme et la benzine. Il fond à 108°, se dé- double comme l’a tropine quand on le fait bouillir avec l’eau de baryte, mais il se volatilise plus facilement que ce corps. Traité par le chlorure d’or, il donne un précipité blanc-jaunâtre.
Indépendamment de lhyoscyamine, Ladenburg a trouvé dans la Jusquiame un corps agissant aussi comme mydriatique, qu’il a nommé hyoscine.
Nousne ferons que mentionner les espècesquisuivent:
Hyoscyamus albus, L. La Jusquiame blanche, com- mune dans les pays méridionaux, est moins rameuse, moins élevée que la précédente; ses fleurs sont plus pe- tites, d’un blanc sale, sans veines POUFPFEES: Vénéneuse au même titre.
Hyoscyamus aureus, L. La Jusquiame dorée, culti- vée comme ornementale dans quelques jardins, est spon- tanée dans la région méditerranéenne et en Orient. Ses fleurs sont pédonculées, d’un beau jaune avec la gorge de la corolle et les étamines teintes en pourpre foncé. Les expériences de Bulliard ont démontré sa toxicité.
Hyoscyamus faleslez...….. Cette espèce appelée El bethina par les Arabes, croît dans le M’zab et le sud de nos possessions africaines. Elle est éminemment vé- néneuse et une triste célébrité s’est attachée à elle dans ces derniers temps : son suc a servi à empoisonner les dattes offertes à la mission Flatters. |
474 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
$ V. —- Scopolia.
Ce genre, confondu jadis avec le précédent, sera seu- lement mentionné, car ses représentants sont surtout exotiques.
On s’est assuré de la vénénosité des espèces S. physa- loïdes, S. datora {Sekaran des Arabes), S. muticus, S. carniolica et S. orientalis. De cette dernière espèce, on a extrait la solanine et un autre alcaloïde qui possède les propriétés mydriatique et sialagogue de l’hyoscyamine.
Sous-ARTICLE III. — Du TABAC.
Le genre Nicotiana, L. (Tabac), est constitué par des herbes élevées, parfois sous-frutescentes, à feuilles indivises, à fleurs blanches, purpurines, verdâtres ou jaunâtres, à calice tubuleux, infundibuliforme; étami- nes 5. Ovaire biloculaire, ovules nombreux, capsule septicide.
Les espèces de ce genre s’élèvent à une quarantaine, toutes probablement ne résisteraient point à un examen critique sérieux et plusieurs seraient ramenées au rang de variétés. La plus connue est la suivante :
A. Nicotiana Tabacum, 1. (fig. 49). D'origine améri- caine et cultivé actuellement dans les deux Mondes pour des usages que personne n’ignore, le Tabac est une plante si connue qu’il n’y a pas à en faire la description botanique ici pas plus qu’à retracer l’histoire, faite cent fois, de son introduction dans l’Ancien Continent. Ces points laissés de côté, on abordera de suite ce qui con- cerne sa toxicité.
Le Tabac est vénéneux, mais sa teneur en matière toxique ou nicotine est soumise à des variations dont
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 475
l'examen a été faitavec le plus grand soin par M. Schloæ- sing et qui dépendent de l’âge de la plante, du climat et de la nature du sol,
(a. Fruit. — b. Fruit entr'ouvert.
Toutes les parties de ce végétal ne sont pas véné- neuses, les graines ne renferment pas l’alcaloïde toxique qu’on trouve principalement dans les feuilles.
=
476 DES PLANTES VÉNÉNEUSES,
Au moment où le jeune plant de tabac commence à se développer, ses petites feuilles sont pauvres en matière toxique, mais la proportion de celle-ci aug- mente au fur et à mesure de la végétation; les chiffres suivants relatifs à des feuilles détachées successivement à diverses époques de mêmes plantes, en fournissent la démonstration :
Nicotine p. 100 de feuilles desséchées.
25 Mai. 7, Ju DREAM 0,79 18 juillet. sen PRES TRS 1,21 6 août. 214 L im, M EU AU PERS 1,93 27 AOÛT. 4 22.00 CNP ES ORNE 2,27 8 septembre ist tenais GITES à 3,36 25 septembre Le 0e ENS 7 4,32
Le climat a une influence non moins considérable et des variations du simple au quadruple se constatent, comme on peut s’en assurer par les chiffres suivants :
Nicotine p. 100 de tabac sec.
UOT.S pete 175 ca le) CUS NE 7,96 Lofet-Garonnci.\..., UerRS 7,34
Nord: 4 ne ete CORRE ARTE 6,58 Ille-et-Vilaine . . . . . . Ras 6,29 Pas-de-Calais::7. 0er 4,94
Alsace. Tir LÉ PRNTERRRRSSS PA Virginie..." IE $ 6,87
Kentucky. OMR enNERS ; 6,09 Maryland? .: 31e eRRerRSS RS 2,2 . Havane. 21,408: LT 2 (un peu faible).
La nature du terrain et les engrais influent aussi quelque peu sur la teneur en nicotine; leur influence s'exerce en modifiant la structure de la feuille et son épaisseur, car la proportion de l’alcaloïde spécifique est en rapport avec l'épaisseur du parenchyme. Les terrains sablonneux, à sous-sol argileux, sont ceux qui parais-
DES PLANTES VÉNENEUSES. 477
sent pousser le plus à l’élaboration de la nicotine parce que les feuilles y deviennent épaisses.
La dessiccation n’enlève point au Tabac ses propriétés malfaisantes ; son eau de macération ou de cuisson est extrêmement dangereuse et l’on dit que les plantes et les graines qui se trouvent à son contact pendant sa dessiccation peuvent à leur tour acquérir de fàcheuses qualités.
[ndépendamment de l’intoxication chronique qu’on attribue à l'habitude de fumer et sur laquelle nous reviendrons, de très nombreux accidents sont arrivés et des crimes ont été commis par l'emploi du Tabac. Très souvent il y a eu mort d'homme, car la nicotine est l’un des poisons les plus actifs et les plus dangereux que l’on connaisse. Les principales causes de ces acci- dents ont été les lotions au jus de Tabac exécutées par les gens du peuple pour se débarrasser de parasites, le dépôt, par une plaisanterie stupide, de Tabac, spécia- lement de Tabac à priser, dans le verre de personnes attablées, la déglutition involontaire du Tabac par les chiqueurs, etc.
Les empoisonnements d'animaux domestiques sont proportionnellement plus fréquents que ceux qui ont trait à l'espèce humaine, mais ils se répartissent d’une façon très inégale; l’espèce bovine paie à elle seule un tribut plus lourd que toutes les autres réunies.
Une cause générale d’empoisonnement d’animaux est identique à celle qui a été mentionnée pour l’homme, il s’agit de lotions et de lavages parasiticides au jus de Tabac. Les propriétaires de bétail trouvent dans ce liquide un agent anti-parasitaire énergique, que les Manufactures de Tabac livrent aujourd’hui à très bas prix, double raison pour que son emploi se soit rapide- ment généralisé. Il arrive que si le lavage a été fait sur
478 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
tout le corps, et surtout s’il y avait des excoriations, des crevasses ou de petites blessures de la peau, Pab- sorption de la nicotine se fait rapidement et lintoxica- tion se manifeste avec tout son cortège de symptômes graves et alarmants.
Une autre cause d’empoisonnement, moins générale que la première puisqu'elle ne sévit que dans les ré- gions où la culture du tabac est autorisée, est l’ingestion de la plante elle-même par les animaux, soit verte, soit desséchée. Sous le premier état, elle est moins dange- reuse que sous le second, parce que la proportion de toxique n’est vraiment considérable que dans les der- niers temps de la végétation; mais sous le second ses propriétés sont très développées.
Il faut faire remarquer qu’à l’exception des bêtes bovines, les autres espèces ne recherchent pas sponta- nément les feuilles de Tabac; la chèvre elle-même, dont la dent s’attaque à tout, dédaigne cette Solanée. Ces es- pèces ne s’empoisonnent que lorsque le fourrage qui leur est distribué en contient accidentellement. Le bœuf faitexception; par un goût étrange, que des vétérinaires ont cru maladif et qu’ils ont comparé au pica, 1l re- cherche les feuilles de Tabac, surtout celles qui sèchent, les mange et s'empoisonne. S’il peut s’introduire dans la grange qui sert de séchoir au planteur, il happe les plantes suspendues de tous côtés et s’intoxique. Il semble qu’au lieu de lPéloigner, l'odeur spéciale du Tabac qui sèche l’attire ; on cite comme preuve à Pappui, ce qui arriva chez un paysan d’un de nos départements du Midi. Cet homme, pour soustraire quelques feuilles de Tabac à l’impôt, les avait cachées dans la paillasse d’un lit placé au fond de sa grange. Pendant une absence du personnel de la métairie, un des bœufs se détacha de l’étable, pénétra dans la grange, éventra
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 479
la paillasse, mangea les feuilles qui y avaient été cachées et mourut dans la soirée. (Deynaud.)
Le Tabac renferme un toxique tellement actif que quelques gouttes placées sur l’œil d’un chien le tuent
en peu de minutes, néanmoins de grandes différences:
se remarquent dans les susceptibilités individuelles, chez l’homme et chez les espèces domestiques. Tout le monde sait qu’il est des personnes qui n’ont jamais pu, malgré les tentatives qu’elles ont faites, s’accoutumer au Tabac. La plus minime quantité les rend malades, tandis que d’autres en supportent d'emblée d’assez fortes proportions. Les études expérimentales faites dans les laboratoires montrent, sur les animaux et par- ticulièrement sur les chiens qui servent habituellement à ces recherches, des différences de même ordre. Tel chien sera tué avec 4 centigr. de nicotine, tandis que tel autre, dans des conditions semblables d’âge, de sexe et de poids, résistera à une dose double.
Mais si ces différences sont très réelles, elles n’impli- quent point que quelques espèces jouissent d’une im- munité complète et absolue vis à-vis du Tabac. O. Nasse a avancé que les chats qui viennent de naître et les souris sont insensibles à la nicotine; cette assertion n’est pas exacte, M. René l’a prouvé par plusieurs expé- riences exécutées sur ces animaux.
Ün autre point intéressant dans l’histoire de lempoi-
sonnement qui nous occupe est l’accoutumance de l'organisme à la nicotine. C’est à cet alcaloïde que pourraient s'adresser les personnes désireuses d’imiter . Mithridate et de montrer qu’un organisme saturé de ce toxique est beaucoup moins sensible à l'introduction de nouvelles quantités qu’un organisme vierge de tout nicotisme. La résistance des grands fumeurs qui du
matin au soir ont la pipe à la bouche, mise en parallèle
D dèe caf: À PERTE CRE = LU x tem ?
PR NRC Fe 1,1% x ns
LA 7e ee
480 DES PLANTES VEÉNÉNEUSES.
avec les nausées et les angoisses des débutants, quel que soit leur âge, en est une preuve sans réplique.
A cause des variations considérables dans la teneur du Tabac en nicotine et dans les susceptibilités orga- niques, il n’est possible de déterminer les doses toxiques que d’une façon approximative. On estime que pour l'enfant, l'introduction de 8 grammes de Tabac dans l'organisme détermine la mort; pour l'adulte, 30 à 40 grammes seraient nécessaires.
Les animaux domestiques s’empoisonnent rarement et difficilement avec les feuilles vertes; avec les feuilles desséchées, de 500 grammes à 2 kilog. pour le bœuf, de 300 à 1200 grammes pour le cheval, de 30 à 100 grammes pour les petits ruminants, nous paraissent les limites entre lesquelles l’intoxication est susceptible de se manifester.
Symptomatologie. — L’empoisonnement peut être aigu ou chronique; les deux circonstances sont à exa- miner. Il va de soi que, chez les animaux, l’intoxication est toujours aiguë.
a) Empoisonnement aigu. — A l'extérieur, le jus de Tabac et la nicotine produisent des effets irritants mar- qués, l'absorption est très rapide et l’on voit bientôt apparaître les effets de l’intoxication. Certaines parties ont une puissance d’absorption considérable, il suffit de déposer une goutte de nicotine sur la conjonctive d’un cobaye pour le voir mourir dans la minute qui suit.
A lintérieur, après l’ingestion ou l'absorption cu- tanée, on voit survenir, si la dose a été faible, une sali- vation abondante, de l'agitation, des nausées, des vomis-
sements, des sueurs froides, de l’angoisse, de la pâleur
de la face et des muqueuses, quelques douleurs intesti- nales et des évacuations. Il y a ralentissement des batte-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 481
ments du cœur, en même temps qu’accélération de la respiration.
A dose plus forte, mais non mortelle, la respiration devient laborieuse, les mouvements ou fré- quents et amples, l’essoufflement est prononcé, il y a res- serrement de la pupille, trouble de la vue, vertige et défaillances. A cette phase d’excitation succède une période de stupeur, la respiration s'arrête, pour repa- raître après une ou deux minutes, la circulation devient irrégulière, faible et intermittente, la tension artérielle s'élève puis s’abaisse.
Si la dose a été toxique, aux symptômes précédents s'ajoutent des mouvements incoordonnés, des convul- sions tétaniques, il y a chute sur le sol, pâleur extrême, battements rapides et incohérents du cœur, ralentisse- ment puis arrêt de la respiration, collapsus, obtusion de la sensibilité, paralysie, mort.
Les animaux présentent des symptômes analogues à ceux qu’on vient d'envisager sur l’homme, avec des variantes sous la dépendance de l’organisation spéci- fique. Ne vomissant pas pour la plupart, ils font de vains efforts afin de se débarrasser de la matière qui les intoxique, l’irritation du tube digestif est toujours très marquée, à de la constipation de début succède une diarrhée fétide, qui entraîne des débris SABRE intestinal et Fe mucosités.
. Le Tabac produit les effets qu’on vient d'exposer par excitation des centres moteurs bulbo-médullaires, des terminaisons ganglionnaires des fibres d’arrêt des pneumogastriques et des vaso-constricteurs. Il déter- mine surtout la mort par arrêt des muscles inspira- teurs,
b) Empoisonnement chronique. — Spécial à l'espèce humaine et déterminé par l'habitude de se servir avec
31
482 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
exagération de Tabac sous une forme quelconque, on lui a donné le nom de Nicotisme.
L'usage du Tabac à fumer ou à priser a fait couler des flots d’encre; les uns l’ont chargé de tous les mé- faits, les autres ont refusé de le considérer comme nuisible. Il serait oiseux d’exposer à cette place les ar- guments des partisans et des adversaires du Tabac, d’au- tant plus que toutes ces interminables discussions n’ont rien changé aux habitudes et aux penchants de nos concitoyens.
Si l’on peut discuter sur l’usage, on est unanime à blâmer l’abus. En effet, il se produit alors une véritable intoxication par l'introduction incessante de petites doses de nicotine dans l’organisme.Commeeffets locaux, on citeuneirritation spéciale de la muqueuse nasale, avec affaiblissement de l’odorat et quelquefois production d’ulcères et de polypes chezles priseurs; chez le fumeur, l'excitation des tissus peut réveiller des dispositions héréditaires et faire apparaître le cancer de la bouche, de la langue ou des lèvres.
Comme effets généraux, on cite l’otite, l'itablyopies la diminution des va génésiquess 0 HE ner- veux du côté du cœur et des poumons ainsi que des tremblements. |
On a discuté et l’on discute encore si les ouvriers des deux sexes employés dans les manufactures de Tabac subissent ou non l’empoisonnement chronique; la dis-
cussion n'étant pas close, il est difficile aujourd’hui de
se rallier à une opinion plutôt qu’à l’autre.
Si les désordres produits par l’abus du Tabac sont suffisamment graves pour qu’il n’y ait pas besoin de les exagérer comme on l’a fait souvent, il est rassurant de pouvoir dire qu’ils disparaissent rapidement quand leur cause efficiente cesse, ERA DE:
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 483
Lésions.— Taches inflammatoires sur le tube digestif,
parfois depuis l’arrière-bouche jusqu’à l'intestin, d’autres fois appréciables seulement sur l’estomac et l’intestin. Ecchymoses sur le poumon et sur les valvules auriculo- ventriculaires gauches. Injection des centres nerveux et des sinus. Tissus pâles, capillaires vides, gros vaisseaux et cœur droit engoués de sang noir. Rigidité excessive du cadavre qui, nn Robin, résiste plus longtemps à la putréfaction qu’à Dérdinaire,
Bien que la mort arrive très rapidement chez les her- bivores empoisonnés par le Tabac, on ne peut consom- mer leur chair. On conteste que cette viande répande une odeur de Tabac. Alors même que cette contestation serait fondée et qu'aucune modification physique ne se serait produite, comme la nicotine se retrouve dans le sang et qu’elle baigne avec lui tous les tissus, comme, d’autre part, cet alcaloïde ne se décompose qu’à 240°, température qui n’est jamais atteinte dans les opérations culinaires, il y aurait danger à la faire entrer. dans Ja consommation.
_ Principe actif. — Les feuilles de Tabac doivent leur activité à la nicotine qui n’y est pas libre mais à l’état de citrate et de malate. On y trouve bien encore d’autres principes immédiats : les acides oxalique, acétique, pectique, de lPamidon, du sucre, de la cellulose, des principes solubles dans l’éther, résines verte ou jaune, graisse, essence, matières azotées.
_ La nicotine CHA isolée pour la première fois, à l’état de pureté, par MM. Posselt et Reimann, est un liquide oléagineux, incolore à l'abri de air mais qui brunit et s’épaissit par oxygénation. Peu odorante à froid, elle est extrêmement âcre et irritante à chaud, très RObuBle dans l’eau, l'alcool, l’éther et les huiles grasses, très hygroscopique, elle bout à 250°etse solidifie à — 10°,
AS ré CACIT Nr TARIFS L $, d À ls Fo > RE x , A Le " E
484 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
D'après Kletzinsky, une goutte de nicotine projetée sur de l'acide chromique sec s’enflamme avec production d’une odeur camphrée de Tabac.
Au contact de l'acide sulfurique, à froid, la nicotine prend une couleur rouge-vineux; en présence de l’acide chlorhydrique, elle émet des vapeurs blanches; avec l'acide azotique, elle prend une couleur jaune-orangé.
B. Nicotiana rustica, L. Le Tabacrustique qu’on ap-
pelle encore Petit Tabac, Tabac à feuilles rondes, Tabac femelle et Tabac du Mexique, est une plante annuelle, herbacée, de 0,60 à 0,70 centimètres de haut, à feuilles épaisses et poilues. Les fleurs sont à corolle verdâtre, hypocratérimorphe, le fruit capsulaire comme dans le Tabac ordinaire, mais plus petit et plus obtus.
Cette espèce est moins répandue que la précédente, on la cultive pour les usages pharmaceutiques.
Sa toxicité est celle du Tabac ordinaire, un peu atté- nuée.
On pense qu’il en est de même des espèces ou variétés suivantes : N. fruticosa, N. petiolata, N. macrophylla, N. quadrivalvis, N. repanda, N. persica, N. chinensis, N. asiatica, N. glauca.
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. Morelle noire. — RoQuE, Phytographie médicale, t.I.. :
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. "5 Eu
Belladone. — La Belladone et l’Atropine ont été l’objet d’un si grand nombre d'Études, de Mémoires, de Notes que l’'énumération en serait démesurément longue, encore cour- rait-on le risque de commettre des omissions. Aussi ren- voyons-nous simplement aux Traités de Matière médicale, de Thérapeutique et de Toxicologie, pour ce qui les con- cerne, ainsi que pour la Stramoine et la Jusquiame.
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486 DES PLANTES VÉNENEUSES,
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ARTICLE IV.— CamMPANULACÉES, SCROFULARIÉES, OROBANCHÉES ET LABIÉES.
Dans le dernier groupe végétal qui reste à examiner, les familles des Campanulacées et dEe Scrofulariées sont les plus importantes. |
Sous-ARTICLE I. — CAMPANULACÉES.
En plaçant les Campanulacées après les Solanées, nous nous écartons un peu de la classification purement bo- tanique; l’identité de l’alcaloïde vénéneux trouvé dans quelques-unes des premières et des secondes est notre excuse.
Le genre Lobélia, L. est le seul de la famille des Campanulacées dont nous ayons à nous occuper. Il est composé d’herbes et de sous-arbrisseaux à feuilles alternes, à pédoncules uniflores, axillaires ou disposés
en épi, à calice régulier ou bivalve, à corolle générale-
ment fendue jusqu’à la base. Capsule bivalve.
Ce genre, constitué surtout par des formes des régions chaudes, renferme peu d’espèces européennes, citons pourtant : |
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DES PLANTES VÉNENEUSES. 487
Lobelia urens. La Lobélie brûlante est une herbe vivace, de 0,50 centimètres de haut, semi-aquatique, à fléurs d’un bleu-clair agréable. Elle renferme un latex très âcre qui, porté dans l’œil, détermine une vive inflammation. Prise à l’intérieur, elle provoque des symptômes analogues à ceux de la Belladone, avec des accidents inflammatoires en plus. On en a extrait de l’Atropine. Aussi renvoyons-nous pour l’intoxication par la Lobélie à ce qui a été dit page 463 des effets de RP belladona.
Nous signalerons encore dans le même genre va ert- nus petite plante de l'Afrique australe, à fleurs bleues,
acclimatée par nos horticulteurs et employée à faire des .
bordures, L. cardinalis, L. splendens, L. fulgens,toutes d’origine américaine, introduites aussi dans les jardins européens, comme ornementales. Ces formes doivent être tenues en suspicion pour le même motif que la Lobélie brûlante.
Sous-ARTICLE II. — SCROFULARIÉES.
… Les Scrofulariées, fort nombreuses car on en compte environ 1900 espèces, sont herbacées pour la plupart, quelques-unes sous-frutescentes, et forment un groupe très naturel. Plusieurs d’entre elles sont vénéneuses.
$ I. — Verbascum, Tournef. (Molène).
Ce genre, que plusieurs botanistes distraient des Scro- fulariées pour en faire le type de la petite famille des Ver- bascées, renferme des plantes dont les caractères sont intermédiaires à ceux des Solanées et des Scrofulaires. On trouve un grand nombre de Molènes, peu différentes et partant assez difficiles à distinguer les unes des autres,
488 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
d’autant plus qu’il y a parfois hybridation et production de formes intermédiaires. Nous devons signaler :
Verbascum Thapsus, L. (Molène Bouillon blanc). Le Bouillon blanc, encore dit Bouillon male, Herbe de saint Fiacre, Bonhomme, est une plante des lieux in- cultes et destaillis, d’un mètre de haut, dont la tige et les feuilles sont couvertes d’un tomentum abondant et fort doux. Les feuilles sont molles, épaisses, vert-jaunâtre, à peu prés entières. Fleurs en épi au sommet de la tige, corolle d’un beau jaune d’or, rotacée à cinq lobes iné- gaux. Etamines 5. Fruit capsulaire. Graines très petites, oblongues.
Les feuilles et les fleurs du Bouillon blanc sont em- ployées en médecine comme émollientes et pectorales. Les graines sont narcotiques, on s’en sert, dit-on, pour engourdir et même empoisonner les poissons; c’est à ce titre que nous signalons cette plante à laquelle, d’ail- leurs, les bestiaux ne touchent point. L'étude chimique du toxique que contiennent les graines mériterait d’être faite.
$ II. — Gratiola, L. (Gratiole).
A signaler, dans ce genre, deux espèces possédant les mêmes propriétés : l’une, exotique, croît au Pérou, c’est la Gratiola peruviana, L. l’autre est indigène et va nous arrêter un instant :
Gratiola officinalis, L. La Gratiole officinale, appe- lée quelquefois Petite digitale et plus communément Herbe au pauvre homme, est une plante herbacée de 0,30 centimètres de hauteur, à tige quadrangulaire, gar- nie de feuilles d’un vert-clair, lancéolées, dentées à l'extrémité. Fleurs solitaires à l’aisselle d’une feuille, pédonculées. Corolle à tube strié, blanche rosée; fruit capsulaire, bivalve, souche traçante.
er Pa de LL Lan LE Er
SL LCA Z PÉLE
DES PLANTES VEÉNÉNEUSES. 489
La Gratiole croît dans les lieux humides, sur le bord des ruisseaux. Toutes ses parties, d’une saveur amère, sont vénéneuses. La dessiccation et la coction ne détrui- sent pas sa vénénosité.
Elle a occasionné quelques empoisonnements dans l'espèce humaine, parce qu’elle est employée dans le peuple comme purgative et parfois comme anthelmin- thique.
Les animaux la dédaignent; quand elle est desséchée
avec le foin et qu’elle entre dans la composition de
celui-ci, les animaux en prennent suffisamment pour en éprouver de mauvais effets.
En infusion, l’homme ne peut guère sans danger
dépasser la dose de 10 grammes. _ La Gratiole est un purgatif drastique très violent; prise sans ménagement, elle détermine tous les acci- dents de la superpurgation, avec vomissements et dépres- sion considérable des forces. La mort peut être le résultat de son action sur le tube digestif, mais c’est exceptionnel; le plus souvent, il ne reste qu’une pros- tration profonde et assez persistante. Les animaux qui reçoivent un foin mêlé de Gratiole, ont des diarrhées qui les épuisent et les font beaucoup maigrir.
Les lésions sont celles de la superpurgation.
Principe actif. — La Gratiole doit son activité à un glycoside, découvert par Marchand etappelé Gratioline. Sa formule serait C?°H#:0'; elle est blanche, cristalline, soluble dans l’eau bouillante et dans l'alcool, insoluble dans léther. Sa saveur est amère ; traitée par l’acide sul- furique, elle se colore en rouge et au contact de l’am- moniaque et de la potasse, elle prend la coloration verte.
Après une ébullition d’une heure avec de lacide sulfu- rique étendu, elle se dédouble en sucre, en gratioluré-
_tine et gratiolétine.
490 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
$ III. — Scrofularia. Tournef. (Scrofulaire).
Le genre Scrofularia renferme plusieurs espèces .
d’une odeur désagréable, d’une saveur amère, d’une énergie remarquable sur l'appareil digestif et qui ont joui autrefois d’une vogue très grande contre la scrofule. Elles sont tombées dans un discrédit médical complet aujourd’hui. L'espèce suivante sera prise comme type :
Scrofularia nodosa, L. La Scrofulaire à racine
noueuse, dite aussi Grande scrofulaire et Herbe aux
écrouelles,est une plante herbacée, vivace, de 0,60 centi- mètres de hauteur, à tige quadrangulaire, à feuilles gla- bres, cordées à la base, arrondies au sommet, à bords dentelés. Fleurs petites, à corolle verdâtre, en panicule terminale. Fruit capsulaire. Rhizome horizontal et noueux.
La grande Scrofulaire, qu’on trouve dans les endroits ombragés et humides, est énergiquement émétique et purgative ; ingérée en trop grande quantité, elle pour- rait amener des superpurgations mortelles. Heureuse- ment qu’en général les bestiaux n’y touchent pas.
Le discrédit dans lequel elle est tombée, au point de vue médical, fait qu’il n’y a pas d’accidents à redouter de sa part sur l’espèce humaine.
Walz a extrait de cette plante une matière cristallisant en écailles, amère, soluble dans l’eau et précipitable en blanc par le tannin, il lui a imposé le nom de Scro- fularine. Sa solution est d’une amertume très pronon- cée.
Nous ne ferons que citer les espèces : S. Aquatica, " (Scrofulaire aquatique ou Benoîted’'eau)etS. Core
L. (Scrofulaire ou Rue des chiens).
Elles doivent aussi être tenues pour suspectes, Walz |
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 491
a également extrait de la Scrofulaire aquatique une ma- tière qui est analogue, mais non identique à la scrofu- larine. Il l’a nommée scrofulérine. Elle est soluble dans l’alcoo! et l’éther et très irritante.
$ IV. — Digitalis, Tournef. (Digitale).
Genre comprenant de quinze à dix-huit espèces; nous avons à signaler la suivante qui est la plus importante :
Digitalis purpurea, L. La Digitale pourprée, dite aussi Gant de Notre-Dame, Gantelée, Doigt de la Vierge, Pétereau (fig. 50), est une herbe bisannuelle ou vivace, de 0,60 à 0,90 centimètres de hauteur, qu’on trouve dans les pays montagneux et qui végète avec une grande vi- gueur dans les terrains granitiques ou dérivés, mais se plaît moins dans les régions calcaires. Sa tige est dressée, simple, cylindrique et pubescente. Feuilles alternes, les inférieures en rosette, les supérieures de plus en plus petites, ovales, oblongues. Grandes fleurs pendantes, disposées en grappes spiciformes et unilatérales. Corolle irrégulièrement tubuleuse, à limbe inégalement bilabié, d’un rose vif dans les terrains qui conviennent bien à la végétation de cette plante, plus pâle sur les pieds culti- vés, à titre ornemental, dans nos jardins ou croissant spontanément dans des terrains renfermant beaucoup de calcaire, montrant, en dedans, quelques poils et des taches ocellées, pourpre foncé avec auréole blanche ou ponctuée. Etamines 4. Capsule biloculaire et bivalve, à loges polyspermes. Nombreuses petites graines, ovoides, brun pâle, alvéolées. Racine très divisée et fibreuse. -
Toutes les parties de la Digitale sont vénéneuses et bien que la médecine n’utilise que les feuilles, l'analyse chimique a montré que les graines sont les parties les
492 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
plus riches en principes actifs. Il y:a des migrations de ces principes sous l'influence des saisons; ainsi les feuilles sont plus toxiques avant la floraison qu'après. La provenance exerce une influence sur la vénénosité et la Digitale cultivée dans les jardins est moins active que celle qui croît spontanément dans les montagnes. La situation des feuilles sur la tige l'influence aussi, les caulinaires étant plus actives que les radicales. Celles d’une plante de deux ans le sont également davantage que celles de l’année.
Ni la dessiccation n1 la coction ne détruisent la toxi- cité. |
Il a déjà été dit que la médecine utilise largement la Digitale, plusieurs empoisonnements ont été enregis- trés par suite de doses exagérées prises par erreur. Il n’est guère douteux aussi, lorsqu'on considère la profu- sion avec laquelle elle est répandue et la facilité qu’on a de se la procurer, qu’elle ait été employée par des criminels. Un procès célèbre a, d’ailleurs, mis le fait hors de contestation pour son alcaloïde le plus actif, la digitaline. ;
Dans les champs, les animaux ne la broutent point; en parcourant les friches et les montagnes du centre et du sud de la France où elle est très abondante, on la voit partout respectée, même par les chèvres.
En présence des variations d'activité signalées plus
haut et des susceptibilités individuelles, il est assez difficile de dire quelle quantité de feuilles il faudrait
faire infuser pour obtenir une boisson capable d’en-
trainer la mort. En groupant quelques relations d’em-
poisonnements de cette sorte, on voit que lorsque la quantité employée pour l’homme a atteint 10 grammes
de feuilles sèches, soit 40 grammes de feuilles vertes, le patient ou est mort ou est allé aux portes de la mort et
Fic. 50. — Digitalis purpurea. — DIGITALE POURPRÉE.
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494 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
ne s’est remis qu'après une pénible convalescence. Pour les animaux domestiques, les quantités capables d'amener d'emblée une issue fatale seraient en feuilles vertes, approximativement de :
Cheval teens 120 à 140 grammes.
BœŒufs 4 0 Rire é 160 à 180 — $ Mouton, 5 250 SM CAE —
POrC. 125 RAR te 15 à 20 —
En feuilles sèches, la quantité serait quatre fois moindre :
Symptomatologie. — À dose moyenne, la digitale agit primitivement sur le système nerveux et par action réflexe sur divers appareils organiques. On voit des vomissements et des coliques, mais seulement au bout de 24 ou 36 heures, ce qui prouve qu’il ne s’agit point d’une action locale; on parle de diurèse, mais cet effet est contesté. L’actionde la Digitale sur le cœur est des plus remarquables, il y a un ralentissement du pouls qui se manifeste de 10 à 24 heures après son administration et qui, une fois commencé, continue et augmente, même quand iln’y a pas de nouvelles prises de Digitale; il peut être constaté huit jours après le début. En même temps qu’il y a ralentissement, il y a une énergie plus grande des contractions cardiaques.
Du côté du système nerveux on note de la pesanteur de la tête, de la céphalalgie, des bourdonnements d’o- reilles et parfois des hallucinations; on constate aussi une action déprimante sur le système musculaire.
Quand la quantité ingérée est suffisante pour produire la mort, l’anxiété et la douleur épigastriques sont poi- gnantes, les nausées et les vomissements incoercibles, les vertiges s’accentuent, la peau se refroidit, il y a de l’affaissement, des hoquets. Le pouls est irrégulier, fré- quent, puis lent, pour redevenir fréquent à la dernière
-
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 495
période. Parfois on voit des mouvements convulsifs.
Il ne faut point oublier que la marche de l’empoi- sonnement par la Digitale est insidieuse ; il est rare que la mort arrive rapidement, pour cela il faudrait que la quantité ingérée ait été élevée. Le plus souvent elle est lente à venir, on l’a vue survenir huit et même dix jours après le début des accidents, alors qu’on croyait les malades sauvés.
Le pronostic est donc difficile à établir lorsqu’on n’a que la symptomatologie pour se guider et qu’on manque
de renseignements sur la quantité de Digitale qui a été
prise.
Lésions. — Sang noir et poisseux. Centres nerveux congestionnés. Vascularisation de la muqueuse digestive, teinte rouge par plaques. Taches ecchymotiques sous les plèvres; spumosités bronchiques; poumons enflam- més, ecchymoses sur l’endocarde et le tissu musculaire du cœur. Dépôts fibrineux dans les cavités cardiaques.
Principes actifs. — Les recherches de Schmiedeberg ont fait voir qu’il existe dans la Digitale 1° de la digi- taline, 2° de la digitonine, 3° de la digitaléine, 4° de la digitoxine.
De tous ces produits, le plus important et celui auquel la plante doit la plus grande partie de ses propriétés est la Digitaline. Mais l'accord n’est pas fait entre les chi- mistes au sujet de ce corps, car Nativelle qui l’a obtenu cristallisé lui donne la formule C*H#Ot, tandis que Homolle lui assigne CH*?0'et Schmiedeberg CSH#O?.
Pour Nativelle, la digitaline se présente sous la forme de petits cristaux légers, formés de courtes aiguilles groupées autour d’un axe. À peine soluble dans l’eau et l'éther, davantage dans l'alcool, elle trouve dans le chloroforme son meilleur dissolvant. L'acide sulfu- rique la dissout en prenant une teinte brun-verdâtre.
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496 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
Pour Schmiedeberg, elle est en grains amorphes, incolores, sphériques, mous, insolubles dans leau ou à peu près, peu solubles dans le chloroforme et l’éther et aisément solubles dans l'alcool et l'acide acétique. L'acide sulfurique les dissout sans coloration.
Ces différences sur un point capital de l’histoire de la digitaline nous indiquent que dans l'état actuel de la science, la vérité est difficile à dégager et qu'il faut attendre de nouvelles recherches. |
La digitonine est un produit analogue à la saponine, soluble dans l’eau, insoluble dans l'alcool absolu, la benzine, l’éther et le chloroforme etdontla digitorésine, la digitonéine, la digitogénine et la paradigitogénine, sont des dérivés. ;
La digitaléine est amorphe, insoluble dans l’eau froide, soluble dans l’alcoo! pur et dans l'acide acétique,; donnant en se décomposant de la digitalirésine.
La digitoxine est cristallisée et donne en se décom- posant de la toxirésine.
On cite encore d’autres produits dont la réalité demande vérification, tels sont la digitalose, le digi- talin, l'acide digitalique, l'acide digitaléique, etc.
Ces divers corps ne sont pas probablement inertes et leur action, dans la plante, se joint sans doute à celle de la digitaline, qui est prépondérante,
Ce qui vient d’être dit de la Digitale pourprée s’ap- plique, croit-on, aux autres espèces et notamment à la Digitalis lutea, L., Digitale jaune dont la corolle est blanc-jaunâtre et sans taches à l’intérieur et aux espèces D. ochroleuca (décrite aussi sous le nom de D. gran- diflora et D. ambigua), D. Thapsis et D. tomentosa. Mais leur activité aurait besoin d’être déterminée compara- tivement à la sienne.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 497
$ V. — Linaria, Tournef. (Linaire).
Genre riche en espèces herbacées, qui toutes sont âcres et vénéneuses. Elles sont dent abandonnées au- jourd’hui en médecine, même dans les campagnes, après avoir été d’un fréquent usage, et aucun empoisonnement nest signalé. D’autre part, en raison de leur odeur vireuse et de leur saveur nauséabonde, elles sont re- poussées par le bétail; à ma connaissance on n’a point d'accidents non plus à signaler de ce côté. Enfin si la toxicité de la plante est incontestable, l’intoxication n’a pas été rigoureusement étudiée et le ou les principes actifs ne sont pas isolés. Voilà autant de raisons qui nous engagent à mentionner simplement les espèces les plus répandues afin qu’on les tienne pour suspectes. Ces espèces sont :
Linaria vulgaris, Mœnch. Linaire vulgaire, décrite par Linnésousle nom d’Antirrhinum Linaria ou Muflier linaire, commune dans les champs sablonneux et sur le bord re chemins.
Linaria spuria, Mill. Linaire bätarde, plus connuëé sous le nom de Velvote, commune dans ee champs en friche.
Linaria Cymbalaria, Mill. Linaire cymbalaire, qui vient dans les fissures des vieux murs.
Linaria Elatina, Desf. Linaire Elatine ou plus sim- plement Elatine.
$ VI. — Pedicularis, Tournef. (Pédiculaire).
Les plantes de ce groupe, assez belles par leurs fleurs; deviennent noires en se desséchant. Quelques auteurs pensent que le nom qui leur a été donné provient de ce
32
498 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
que, présentées aux bestiaux et assez mal acceptées, ceux-ci maigrissent et se couvrent de poux. Il est plus vraisemblable qu’elles ont dû être employées autrefois en décoction, pour détruire la vermine. Elles ont joué un rôle dans l’ancienne matière médicale, mais elles sont de nos jours tombées dans un discrédit complet. On ne devra toutefois point oublier qu’elles ne sont pas inof- fensives, et qu’elles peuvent occasionner le vomisse- ment et la purgation. Pas plus que pour les plantes du genre précédent et pour les mêmes raisons, nous n’entre- rons dans aucun développement sur les intoxications qu’elles pourraient produire. Nous nous contenterons de signaler comme suspectes les espèces qui suivent :
Pedicularis palustris, L. La Pédiculaire des Marais (fig. 51) vient, comme l’indique son nom, à la surface des tourbières, dans les prairies spongieuses; elle est parfois assez abondante, mais toujours refusée par tous les animaux. Brugmann dit que si, pressés par la faim, ils la prennent, la première conséquence de cette alimen- tation est l’hématurie.
Pedicularis sylvatica, L. La Pédiculaire des bois, dont les lieux ombragés sont l'habitat, est acceptée par le bétail quand elle est très jeune, mais plus tard elle est refusée comme celle des marais.
Pedicularis comosa, L. La Pédiculaire chevelue, commune dans les pâturages de montagnes, passe pour moins suspecte que les deux précédentes.
$ VIT. — Rhinanthus, L. (Rhinanthe).
Ce genre est constitué par des plantes parasites des
Graminées, aujourd’hui rattachées aux deux espèces sui- vantes que Linné avait réunies en une seule sous lens lation de R. crista galli :
500 DES PLANTES VÉNEÉNEUSES.
10 Rhinanthus major, Ehrh. Le Rhinanthe à grandes
fleurs,appelé vulgairement Cocriste ou Crète de cog, est une plante annuelle, de 0,20 à 0,40 cent., à tige raide, à feuilles opposées,sessiles et lancéolées Fleurs brièvement pédonculées, à calice pâle, membraneux, à grande corolle jaunâtre, à lèvre inférieure quelquefois tachée de bleu.
On distingue deux variétés dans cette espèce, le R. hirsutus à calice velu qui correspond à l’Alectorophus hirsutus des anciens botanistes, et le R. glaber.
20 Rhinanthus minor, Ehrh. Le Rhinanthe à petites fleurs a un calice d’un vert obscur, maculé de brun etune corolle moitié plus petite que celle de l’espèce précédente.
Ces deux espèces, communes dans les prairies qu’elles épuisent puisqu'elles vivent en parasites sur les grami- nées, se multiplient avec une grande rapidité et prennent la place des bonnes plantes. Comme elles se dessèchent promptement et que sous cet état elles sont refusées du bétail, c’est un premier motif pour l’agriculteur de les détruire; pour y arriver il les fauchera avant qu’elles aient formé leurs graines.
Mais il doit avoir à leur égard une autre cause de suspicion. Lorsque leurs graines se mêlent à celles des
céréales, sont broyées avec elles et restent dans la farine, ilen résulte un pain rougeâtre ou violet-brunâtre qui «traité par l’alcool sulfurique, fournit un extrait coloré en bleu-verdâtre, rapidement décoloré par le chlore. Si l’on fait bouillir avec de l’alcool une farine ne contenant même que de faibles quantités de ces graines, on obtient un extrait coloré en jaunâtre » (Dragendorff).
Les Rhinanthes doivent cette propriété à un glycoside
isolé par Ludwig, la Rhinanthine C*HO". Elle cris- tallise en prismes incolores réunis en étoiles, sa saveur estamère et douceûtre, elle se dissout'aisément dans l’eau
et l'alcool. Chauffée en solution alcoolique avec un peu
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DES PLANTES VÉNÉNEUSES. Soi
d'acide chlorhydrique, elle se dédouble en sucre et en Rhinanthocyon. Celui-ci constitue la matière colorante qui est tantôt bleue, tantôt verte, le plus souvent brune. Il est eliable, insoluble dns l’eau et‘soluble ins le chloroforme.
On explique l'apparition de la coloration bleue sous l'influence des parcelles de Rhinanthe par ce que le pain subit les fermentations alcoolique:et acide et con- tient un peu d’acide chlorhydrique, deux conditions précédemment indiquées pour le dédoublemñent de la rhinanthine et la formation du rhinanthocyon.
On a obtenu dernièrement du pain rougeâtre, par la présence de graines de Rhinanthe, avec des farines venant de la Haute-Bavière. Jusqu'à nouvel ordre, on tiendra les graines de cette plante pour suspectes et capables de donner une mauvaise couleur au pain, mais des recherches restent à exécuter pour s’assurer si elles sont véritablement vénéneuses. M. Lehmann penche pour la négative, en s'appuyant sur quelques essais exé- cutés sur lui-même et sur de petits animaux. Il a pu ingérer jusqu’à 35 grammes de graines de Rhinanthe, réduites en pâte et cuites, sans en être incommodé; il a fait manger à un lapin, en quatre jours, 1238 grammes de plante fraîche portant des graines à moitié mûres et cet animal n’a paru rien ressentir.
Ces essais sont encore insuffisants pour autoriser.une conclusion définitive; si la plante suspectée doit produire dé mauvais effets, ce n’est probablement qu’à la longue, à la suite de sa distribution continuée pendant long- temps, comme cela arrive pour lIvraie et la Gesse, Actuellement, en présence de la coloration rougeâtre, on m'est sûr que d’une chose, c’est que le pain a été fabriqué avec des farines mal épurées. Pour le reste, il faut se tenir < sur la réserve.
502 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
$ VIIT. — Melampyrum, Tournef. (Mélampyre).
Les plantes que contient le genre Melampyrum ont d’étroits rapports avec les précédentes; comme elles, ce sont des parasites des Graminées et peut-être aussi d’autres plantes. L’espèce la plus commune et la plus intéressante est la suivante :
Melampyrum arvense, L. Le Mélampyre des champs, désigné vulgairement sous le nom de Blé de Vache, Blé de bœuf, Rougeole, Queue de renard (fig. 52), est com- mun dans les moissons et dans les friches. C’estune plante annuelle de 0,25 à 0,40 centimètres de hauteur, à tige raide, pubescente, à feuilles opposées et à bractées flo-
rales d’un beau rouge, laciniées, à divisions très longues.
Fleurs en épis rougeâtres, dressées. Corolle purpurine, blanchâtre à la gorge, avec tache jaune à la lèvre infé- rieure. Fruit capsulaire.
En vert, le Mélarhpyre est pris par tous les animaux et il passe même pour pousser les vaches au lait. Il noircit par la dessiccation. Ses graines, un peu moins grosses que celles des céréales, s’en séparent assez difficilement.
Mélangées à celles-ci en proportions un peu considé-
rables et réduites avec elles en farine, elles donnent au pain une teinte violette plus ou moins foncée, une odeur particulière et une saveur âcre.
Cette coloration est due à un glucoside cromasiel analogue à la Rhinanthine qui est coloré à l’ébullition en brun violet ou en brun par les acides étendus et de- vient vert, en solution alcoolique, sous l’influence de l'acide sitiirique:
Pour reconnaître la présence du Mélampyre dans une farine suspecte, Dizé recommande de pétrir 15 grammes de cette farine avec une quantité suffisante d’acide acéti-
que étendu, placer dans une cuiller d’argent et chauffer
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. 503
graduellement pour amener l’évaporation de l’eau et de l'acide. En coupant le petit morceau de pâte, on remarque
# L Fri Fic. 52. — Melampyrum arvense. — MÉLAMPYRE. y Le e. » . 4 une coloration rouge violacée de la section. Dans des € ‘réchérches de ce genre, il faut se rappeler que les Ne de “A
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S04 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
graines du 7rifolium arvense qui, elles aussi, se mélan- gent aux céréales, communiquent au pain une couleur rouge sanguine ; celles du Bromus secalinus, non moins communes, le Fendent noir. |
Dans uelques circonstances, on a remarqué des sym- ptômes cérébraux, notamment du vertige, chez des per- sonnes qui avaient consommé du pain fait de farine mélampyrée. Mais dans d’autres occasions, ces acci- dents ne se sont pas reproduits; on n’est donc pas défi- nitivement fixé sur la toxicité de la plante en cause et de nouvelles recherches sont à entreprendre.
Malgré ces desiderata, et en considérant que le Mé- lampyre des champs est une plante parasite, l'agricul- teur devra s’efforcer de le faire disparaître de ses mois- sons lors des sarclages.
Sous-ARTICLE III. — OROBANCHÉES ET LABIÉES
Nous rapprochons arbitrairement ces deux familles parce que nous n'avons que quelques brèves considéra- tions à présenter sur une espèce de chacune d’elles.
I. Orobanchées. — Cette famille peu étendue, au- trefois confondue avec le groupe des Rhinanthacées dont elle a beaucoup de caractères, renferme des plantes qui vivent aussi en parasites sur d’autres végétaux. Dépour- vues de chlorophylle, elles sont roussâtres et se foncent davantage par la dessiccation. A signaler dans le genre Orobanche qui est le type de la famille :
Orobanche minor, Sutt. L’'Orobanche à petites fleurs est une plante annuelle, de 15 à 30 centimètres, à tige dressée, roussâtre, écailleuse à la base. Elle a des brac- tées ovales pubescentes, des fleurs en épi avec une co=
rolle à tube large, renflé en haut, blanchâtre et veiné ae: de violet. Étamines 4, stigmate violacé, Fruit capsulaire.
DES PLANTES VÉNÉNEUSES. k 505
Cette espèce est parasite'de plusieurs espèces de Trèfles, de la Coronille, de la Pimprenelle, de la Carotte sau- vage, etc. Rare aux environs de Paris, elle est plus com- . mune dans l'Est, le Sud-Est et dans quelques régions de l'Europe centrale.
Lorsqu'elle a envahi un champ de Trèfle, elle y cause rapidement un grand préjudice et parfois on est obligé de suspendre pendant quelque temps la culture de cette légumineuse. L’agriculteur a donc là un premier motif
de détruire cette plante épiphyte. D’après une observa-
tion de M. Boitel, lorsqu'elle se trouve en forte propor- tion dans le Trèfle et qu’elle est ingérée avec lui, elle est susceptible d’occasionner de violentes coliques aux ani- maux; nouvelle raison pour lui faire la guerre.
_ L’attention étant aujourd’hui appelée sur l’'Orobanche par les remarques de M. Boitel, des études s’exécute- ront tôt ou tard pour la recherche du principe qui doit, dès maintenant, la faire tenir pour suspecte.
II. Labiées. — La famille des Labiées, si uniforme par ses caractères botaniques, ses propriétés, les pro- duits qu’elle élabore, l'odeur pénétrante, généralement agréable et la saveur chaude de ses représentants, carac- tères safe font des plantes aromatiques par excellence, n’a qu’une seule espèce appelant une observation, elle appartient au genre Teucrium :
Teucrium scordium, L. La Germandrée scordium, qui fut décrite ausssi sous le nom de Germandrée des ma- rais, est une herbe vivace, velue, à tiges couchées, à feuilles molles, fortement dentées. Fleurs brièvement pédonculées, à corolle purpurine à tube court. Éta- mines 4. Souche courte et traçante.
Cette Germandrée croît dans les lieux humides; quand on en froisse les feuilles entre les doigts, elle dé-
506 DES PLANTES VÉNÉNEUSES.
gage une odeur un peu alliacée. Malgré qu’elle ne soit pas vénéneuse, en général le bétail y touche peu; quand, par exception, les vaches laitières la consom- ment, elle communique à leur lait une odeur d’Ail prononcée et désagréable, sur l’origine de laquelle des agriculteurs non prévenus pourraient se tromper. C’est à cause de cette particularité que nous avons cru devoir la signaler.
BIBLIOGRAPHIE
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Digitale. — C. Paur, De l'influence de la Digitale sur le pouls, Société de Thérapeutique, 1868. — BERNHEIM, Étude sur le mécanisme de l'action de la Digitale sur le cœur, in Revue médicale de l'Est, 1875. — DyBrowsky et PÉLIKAN, Recherches physiologiques sur l'action de différents poisons du cœæur,in Gazette hebdomadaire de médecine, 1861. — Tar- peu ET Roussin, Relation médico-légale de l'affaire Couty de la Pommeraie. Empoisonnement par la digitaline, in Annales d'Hygiène publique et de médecine légale, 1864. — BouLey ET Revna, Recherches sur la Digitale et la digi- taline,in Recueil de médecine vétérinaire, 1849.— KAUFMANN, Recherches sur la Digitale, in Journal de médecine vétéri- naire et de zootechnie, 1885.
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FIN
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES
ESPÈCES ET VARIÉTÉS SIGNALÉES
Pages.
ACHINEAUPDIATAICA. 5 4 7. 7, 417 Aconitum anthora.,. . . . . . 218 — heterophylium. . . 219
— OPUS Le Ge 223
— lycoctonum . . . . 218
te napelluss +... 212 Méleatsmcntass 30: 24%". 210 Adonis vernalis. , . . . FÉPERE C7 Æthusa cynapium. . . . . .. 377 Agrostemma githago. . . . : . . 248 Aüilanthus glandulosa , . . . . 279 Allium sativum, . . .. D'éte l T3Q es UE RIIRONER L705 5 1, 20, 119 Amarÿllis bélladong: . . . . . 126 = distichasr, 2. Lis 5 126
Del rate u te 190 Amygdalus communis, . ... 353 Anagyrisfætida . =. : 4. . 307 Anagallis arvensis. . . . . . . 429 Anamirta cocculus . . . . . . 226 Anemone nemorosa. . . . . . 193 USA Es PE ares 105
0 pratensis 5. -,/... 193 Anthemis pyrethrum. 417 Anthriscus sylvestris. . . . . 376 Apocynum androsæmifolium. 436
Apocynum cannabinum. . . . — citrifolium. . . . . — maculatum ,. . Aquilegia vulgaris. , . . . . . Arenaria sérpyllifolia . - . . . Aristolochia clematitis . . . . — grandiflora . —- lonpa 22e _ pistolochia . . — rotunda. . . . : — SPRL TL AS
Arum dracunculus, . . . . . =, MaHCne 2 Er — maculatum , . . . ..
Asclepias cornuti "220740 — tuberesa 4". 202
Atractylis gummifera. . . . .
Atropa belladona . . . . . ..
Azalea arborescens 7221727; LT “IndiCA A ETUIS 0? HOT AS SET PES su
Sinensise 12706 TRES
Ru ireu
| RE er 508 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCE a Pages. 1 RAIN Bryonia dioïca.. . . . .... 360 | Buxus sempervirens. , , , . . mn MBA se se TUE | AC nie L C L 1 "1 ] à
1
Calla palustris, . . . . . ... 67 | Coronilla emerus. , . . 2 : Caltha palustris; . 215% 100200 —" .… otide Tee Calystegia sepium. . . . . . . 444 — scorpioides. . . .
Caucalis daucoïdes. . . . . . 3099 |. — Varia à sir 0 en Cerasus lauro-cerasus. . . . . 356 | Croton tiglium. . . . . . . Cerbera manghas. . . . . . . 438 | Crozophora tinctoria. . . . Chelidonium majus. . . . . . 238 |. Cyclamen europeum, . , . . . Cicuta virosa, 4 4... 4: 2 0974 1 CYpancium acutum. AS Citrullus colocynthis. , . . . 365 | Cytisus alpinus, , . . , . , .
Citrus bigaradia., . . . . . 268 ,— ; -alschingen à Line _286 Clematis -ercetan ic ec TO — argenteus.:.°.,. 40 e8t — integrifolia. ..... . 1Q0 — ” biflori FÉMIANERES — : flammula, ! : 24, 100. | capte = + MEME: AN TC NOT — elongatus. PATES ER Cneorum tricoccum. . . . . . 279 —: abur num EN NE Colchicum autumnale, . ... 96 | — nigricans UNS “+ — provintialc: .22%.77306 — “purpureus, 0 RE Conium maculatum . * . . . . 367 — proliferus. . , RIT Convallaria maïalis. : , . .. 120 | — sessilifolius. , < | ses me Convolvulus jalappa. . . . ., 444 | — supinus.*.. AE
— scammonia.. . . 443 | — weldeni, , , , . Coriaria myrtifolia, , , . . , 281 \ +1 LR SEE
CR]
. . . . . .
Daphne alpina, . L'ENCRE. "9 AND —, Lénine >, 405 088 PR 0 ORAN PTS D: "AMÉZÉTÉUMN. uv ie
Datura arborea, , |; . : . , Er ÉRSTUDAR. his LUEUR
; ALPHABÉTIQUE ! DES. ESPÈCES. RSR Pages. | | Delphinium reguienii. “+ 40223 F Digitalis purpureg.: : +. _ staphysagria. PRE LT — thapsis, ARR dat 4 | Digitalis latente. sl: 4096 — tomentosa. . . .
<a "y “à . : e E Ecballium elaterium, . . . . . 364 | Euphorbia esula. , . .. Elæococca Nerrucosa. . : . : 185 — gerardiana. . . Fa ervilia. PR RE Pitt J42 = helioscopia . . De Eryngium campestre. . . . . . 309 —. Jathyris. . . . … Erythrophleum guinense . . . 347 2 — palustris. . . . | — couminga.. . . 548 | — RéDlus is AL Eupherbia abyssinica. . . . . 169 — verrucosa. . . > ra canariensis. . . . 169 — sylvatica. . . . PE — Characias . .. «+ «+ «+ 169 | Evonymus europeus. . . . ©: — cotinifolia.. . . . 169 | Excæcoria agallocha.. , .
cyparissias. . . .
‘ agopyrum vulgare. . . .. Pare SYIVARICA: Te 7 à FA … Ferula communis. MERE
» y 4
lo. Roma Es 1 ins Dia. AL.
LR j aium sempervirens . ut
169 4
F
151 | Festuca quadridentata. . . 137 | Fritillaria imperialis . . . 390
œ 5
“ .
Glaucium luteum....; . .
126 . 439 | Gratiola officinalis. . . . . _131 | Gymnocladus dioïca. . . .
132
Pages. + 491 + 496 + 496 . 169 . 169 + 169 S267 100 169 169 + 169 . 271
118
510 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES.
Pages, ; Pages. Helleborus orientalis. . . . . 204 | Hyœnanche globosa . . . . .
— : viridis. , . . . . 204 |! Hyoscyamus albus. , D" La Heracteum sphondylium. . . . 396 |! ‘: +: - “aureus. : . "x Hippomanes mancinella, . . . 156 —_ faleslez 23 Nr Htura Crepilans.t, : - 000 185 — nigets Pr ENS
Iris fœtidissima. . . . .’, « + _131 |N Iris germanica 0e — florentissima. . . ., RS 1 — pseudo-acorus. . . . . .
Jatropha cartas se ‘108 Juslans regia: 21e 136
Juniperu sabina . . . . . . . — virginiang. . / . .
Kunkumaria:: L 7 pi-ch a /0PL v'LRE CR RL DE DD NI E UD À À 1e ©
Lactuca sativa, . . , , . . . 413: Linaris SPORE
——,Vscaripla. s 54 ue 28e 413 — Vulgaris\ ES = 'NAPOSA 5 0) SUEDE 412 Lobélia cardinalis 24726002 Lathyrus amænus. . . . . . . 432 — ,'erinus MIO — aphaca, "sente 324 — fulgens JE ERNE Le TR CIN Ms dLURSE 326 1. — spléndéns-, Ass — clymenum. . . . .. 324 — . _ureBs, = ANT SOIR —. odoratus. .‘.’.. . : 324 | Lolium linitol 220 — °purpuseus“, CS UE 324 — leptochæton. . . . . . = 6 -sativUs. NES CS CNE 325 — macrochæton. . .... Ledumpalustre. "1040 422 —" oliganthum es". Leucoïum æstivum. . . . .. 126 — temulentum. . ., . —. NerNum, . . . + . «120: | Lupinus albus e Linaria Cymbalaria , . . . .. 497 — angustifolius. . - - .
me | FORM, ML M0 — luteus.. 75.20
a
TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES.
Pages Mahonia aquifolium. . : . . 229 | Mercurialis ambigua. . . . Manihot utilissima. . . . . . . 185 — annüa. : . . . Mandragora officinalis. . . . 466 _ perennis:.." — Mere 5 22.) : 467 — tomentosa. . . Mellt AZeldarach 7, : : 1 . 26) Molinia cærulea , Melampyrum arvense. , . . . 502
Narcissus pseudo-narcissus. , Narthecium ossifragum . . . , Nerium oleander. . . . . . . Nicotiana asiatica. — CHIREDSIS La US — FLHRICOSS AL NE al 29 à — DIANCd 70 a 4 à
CAN RE DC
Œnanthe apiifolia. . , . . . . — A1 PR NON A — fistulosa , . . .
Pancratium maritimum. . . . Papaver dabium. :7. 1. ... — TRANS LE — somniferum . . : . . Paris quadrifoltas, ©." 2": , 4 Pastinaca sativa. A Pedicularis comosa. . . . . . rc palustris: 221,
126 | Nicotiana macrophylla.
124 — perce nc x 430 — petiolata. . . . 484 — quadrivalvis .
484 — repanda . . . . 484 — PUSTICAS AE Sur: 484 — tabacum. . . .
O
387 Œnanthe phellandrium. . 379 Orobanche minor. . . . .
387
127 | Pedicularis sylvatica., . . 237 Peganum harmala. . . . . 234 Petroselinum sativum,. . . 230 | Phaseolus vulgaris... . . . 122 Phytolacca decandra.. . . 309: «Plumerie rabra tee
498 Podophyllum peltatum . . 498 | Pyrethrum parthenium.
S11
SANT E
386
at T0
512 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES.
Pages Pages. Quercus cerris 4. . . …. 139 Quercus sessiliflora. . . . . . 139 —; "pedunculata..e.::510672r80 — . 1084 2 FN AO RENE
= ‘pubescens 2%: «920 159 Quillaja saponaria. . + . . « . .359
=" AFODUT 50e PET AUTEUR 159 e
R
Ranunculus acris,. .« .« « « « + 198 Rivanthus minor 277000 500 _ arvensis. « « « « 200 Rhododendron chrysanthum. . 420 — bulbosus, -. 4274708 — ferrugineum . . 417 — fcairiat 2 tie 200 — hirsutum, . . . 420 _ flaramula,:2%2008 199 — maximum . . . 420 — Iinsan*K LENS RÈNE 199 — ponticum.. . . 420 — Tepens; 21e 200 us punctatum. . . 420 — sceleratus ps 2e 195 Rhus"cotints LS MEME 278 — thora::1".127674 199 — ‘toxicodendrop. . . : . . 275 Raphanus raphanistrum.. . . 243 Ricinus communis. . . . . . … 178 Rhamnus :alateruus, :: 2.55 272 Rumex :acetosella MERS - FAU 2, 1 CAtarIEUS 2 STE 279 Ruta angustifolia . . . . . . . 267 =. frangula se OMC 274 — gravenlens AMP AR 266 Rhinanthus major. 4 #42 500 — montana. . . .. Fe ro 207
Sambucus canadensis. . . . : 409 | Sédum'acre. 000400
— ÉDAIUSE 2e AE 406 Sinapis arveñsis, % 12 - 940 — MASRA 157: D 'VSSRE 407 | Sium latifolume "0008 — peruviana . . . . . 408 | Sisymbrium alliaria. . . . . . 244 Le lACeMOSd:: . 4 , 4 408 | Solanum dulcamara, . . . . . 455
Saponaria officinalis. . . . . . 261 | — lycopersicum. . .-. . 456
Scopolia carniolica.. , . . .., 474 — melongena, . :.% 454 = VPAMIOEA. 2 21e 1 474 — nigrum. , . . .. ex 406 7 L'MUTICUS", ?, 2 ne 474 —. tubéros mA en = VOMIRTItAlIS. 4 Dueue La 474 | Sorghum saccharatum. . . . . 89 — physaloïdes.. . . . . 474 | Spartium junceum., . . . . . 310
Scrotularia aquatica. , . . . . 490 — scopariumi;:; 4181328 De CHNIDA 4: 08 490 | Strophantus hispidus . . . . . 438 — nodosa . , . , . . 490 | É
TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES.
Pages.
Tamus commis. +... . . . 127 Tanghinia venenifera. . . . . 437 PR RC e 743 réitietata.ss "re. 7: 59 Teucrium scordium. ,. . . . . 505 Thalictum flavum. . . . . . 191
Ureinéa-sCHlA. "5,7. 0 ;
Malerianà dioica, . © 408 — offcinalis.:. +. 408 — LIT ÉGAMONT SEE 408 Veratrum album... ,.... 108 An DIS rUM ee 2 0 2. ., 113 — MEET ere 113 Verbascum thapsus. . . . . . 488
IAASTÉRIN SIENS IS 2 EE US ie
Zen: Mais ee,
5x3
Pages.
Thalictum macrocarpuri. . . . 192 Etrfolunr ele pans TETE re — LA 4020 C0 LE Lee PRE 311
_— nigrescens s 24/4 LS 512
— TÉPÉRS en nue STADE
ga 2e ÉN DNRN S PE ASES ‘ 119 Niisitet, SN AIS es are CYR 45 Vincetoxicum officinale., , . . 441 -- IPSTUDES TL ES 442 Viola odorata, 4 2447 10. 240 — . scotophylla. : . ... .…. 247 + -SUAaVISSINA 8 a LUE 247 1 10108404 - Ar sara 247 Viscum album., , , . . . 163 L ° . L . . L L2 LA L L L2 3c9 at eo neg ere, NN Put Er UT" QUE 85
TABLE DES MATIÈRES
Pages LE LETTRE PR TP PE Pr PAR EE AR EE I “ PREMIERE PARTIE ÉTUDE GÉNÉRALE DES POISONS D'ORIGINE VÉGÉTALE ET DES INTOXICATIONS QU'ILS OCCASIONNENT ARTICLE PREMIER. Formation des poisons d’origine végétale, — Causes qu l’influencent. $ Ier, — Variations inhérentes au vénetals vi Qu 3e 5 & II. — Variations inhérentes au milieu où il s'est dEVEIOPPÉ: 7 TENTE SN SEE 8 - 8 II. — Réflexions générales sur le déterminisme de la POAICAIE OS EU A AN PR ES Re ren 17
ARTICEESIE Réactions de l'organisme animal en présence des poisons.
& Ier. — Conditions de l’'empoisonnement spontané... . 19 Il. — Variations d'activité ayant pour cause la voie y P d'introduction dans l'économie, . , . .. 24
L
516 TABLE DES MATIÈRES. Pages. ? III. — Variations d'activité causées par l'âge du sujet qui reçoit la substance toxique. . . . . . 27 ? IV. — Variations d'activité qui tiennent au sexe. . . 28 2 V. — Variations d'activité liées à l'espèce . . .…. 29 4 VI. — Variations d'activité d’après la race et l'indivi- dualité des sujets empoisonnés. . . . ... . 36 DEUXIEME PARTIE ÉTUDE SPÉCIALE DES PLANTES VÉNÉNEUSES ET DES EMPOISONNEMENTS QU'ELLES OCCASIONNENT 39 PREMIÈRE SECTION PHANÉROGAMES GYMNOSPERMES | Conifères À De l'Ifà Baies. . HV ART LI EPSON (oi Dü ‘Génevriér sâbine’,. 1211: 2 C'ÉERUNSRNENNSRR Go \*
Du Cèdre de Virginie’. ‘4.4 MONA 6o
DEUXIÈME SECTION
PHANÉROGAMES ANGIOSPERMES
PREMIER SOUS-GROUPE
MONOCOTYLÉDONES VÉNEÉNEUX
Aroïdées. Du Gouet tachés "1. 500 SSSR ve 64 Du Gouct d'Italie. 22,402 28 SO NRRRRS 67 Du:Gouet serpentaire, . "7%. UNS SN
Du Calla des Marais... :. 262 C0 CORNE 67
Graminées.
De l'Ivraie enivrante.. . . . . . 5 4 ÈS ET ÈS A 68 De l'Ivraie limcole, + + . : LU SOC 53
TABLE DES MATIERES. 517
Pages. Accidents attribués aux fleurs mâles du Mais. . . . . . .. 85 Empoisonnements de nature indéterminée consécutifs à lasse” dérquelques:Graminées 512282 er re Xe 83 Colchicacées.
Enenleqhedattamnes ka LT AU Re isa ie areas 96 Ba Veratre où Hellebore blanc:/ 34272305 0 AN LT, 10S D AN SR MR a Re TE 5 LUN STE TE CORRE RN TERESA ENS EE LE À
Liliacées. PP Ge mamie LIT nee NN OS RUES LES D En Enr Aer LL SENS LUE GX 7 T6 A DEN RO ÉD SR Re 2 EL O EN EE ET RE LR EE nn 2 SEAT Asparaginées.
RE OS ES CI MO TA 7 Sa trs D À Ha Pabisette a quatro foules). 55, ML un 4: 22 Smilacces.
DAENATEREEIS Osarape di AS EM Oh PR, 2e à, | F94
A maryllidées. Pétamarsihs Beladaner Er PMU USER AR. de ee 0 20 RU TN MASSE re CU RP RE es PEN re “120 Ar Ranthe.des Heiges. kPa TT TRAIN LE 20
DE RE RON RE ET ET AE TE 2 PNR EC AL ETINé EC ARR MARS TS er ES 00, 127
Dioscorées. AT AUOT CDN. re fe me Se TN Iridées.
Désiris etspécialementde lIristfaux'acont. . 07. 4 2m r3ù DE RE RE A AT a TT PA dt ae a LU à * TO
518 TABLE DES MATIÈRES:
DEUXIÈME SOUS-GROUPE
, DICOTYLÉDONES VÉNÉNEUX
PREMIÈRE DIVISION
DICOTYLÉDONES APÉTALES
Juglandées.
Pages. Des feuilles de Noyer et des tourteaux de noix . . . . . .. 136
Cupulifères. Des fruits du Hètre et des tourteaux qui en proviennent.. . 137
Des jeunes feuilles de Chêne et de l’hemoglobinurie qu'en- traîne leur conSommation./." 14: SIREN
Phytolaccées.
Du Phytolaque à dix étamines. . .: . . ANRT
Poly gonées.
Du Rurmmrex petite /oseilte:".15 ee at D TRANS Du Sarrasin commun: et spécialement de s ses | HÉURS 5 ie PDP Aristolochiées.
De l’Aristoloche clématite. "157.19 0 ON De-l'Aristoloche sipho. : 444 4 NUS
De l’Aristoloche à grandes fleurs. os RUE
Thyméléacées.
Du Bois-Joli. 2. 00 042 HI ROOMS Du Laurier des Bois... . "2,0 LOS Dy'Garou.L::1€ is RU OO ENERRRRRS Du Daphné odorant. 2. 1)40 e NSSSS 163 Du Tymelé des Alpes. .. 5% 4 SSSR
Loranthaceées.
Du Gui à fruits blancs... :2. L'54 5 POS NOIRS 163
mme : _ TABLE DES MATIÈRES. Euphorbiacées.
De l’'Euphorbe Epurge.. . DU Ne RO enr e Des Euphorbes vénéneuses autres que l'Epurge. Della Mércuriale annuelle. ::: "7. :
Des Mercuriales vénéneuses autres que la M. annuelle. . . 175
RE D ei Se NS CIE Code D ie ee
AO DEMO EE RER ANS OUR RER re DR PDA UMR AE. eu Di Ai ten Du Sablier élastique... . . . . Se Autres Euphorbes exotiques vénéneuses. . . . .
DEUXIÈME DIVISION DICOTYLÉDONES DIALYPÉTALES
: i Renonculacées.
D ARTS LB EE LT AMENER GET 1 ue 0 US AO TRE ENS PA ME LS EUX Se LES RE COS ef CE ONPPS MR OR SSP RER ESS MeRlous printatier. 0 MS pu vi Per Rénoncule-scélérate, à: AN Eu Je LS
519
Pages.
AE APTE RD NUE RENE Le PL RE AMONT à: FRA DL
SION UE STE MARS 181 ee 182 RO FO
PAR EN UE LE)
SRE ORNE À
PR 191
A À: 7 | ie "109
Des Renoncules vénéneuses autres que la R. scélérate. . . 108
EmPopuläse des Marais. 51 40 c.. ei Des Hellébores noir, fétide et vert. . . . . . . . PL I TT TPE PORTE RTE Ê DRAC Napel cie re TR _ Des Aconits autres que l'A. napel.. MAUSTÉRA De la Staphysaigre.. BA UE RENE NEA EE D AUCONE COMMUNE. 4 ects k see
ï é RÉTEES __ Ménispermées.
Du fruit de l’Anamirte à coque ou Coque du Levant. . . . 226 ie EMESS | Berbéridées.
‘ ‘pa Podophyllin à fétittes-peltéesss2 208 ES
Du Mahonia à feuilles de Houx. . ........
Papavéracées.
APS AGENT TE. 203
A TE ch salsa SDF
Serie Valle à 212
PONT ART ISERE ES
RE END AGAR 7 da.
RURAL ON DD
520 TABLE DES MATIÈRES. Du Pavot douteux.
Du Glaucion à fleurs jaunes. ARS | Della grande :Ghélidoine,$ ANSE SLRMES RS
Crucifères. De la Moütarde des’chamips 22420100
Duü:Raïfort:sauvage. 420 EE Du Sisymbre ailiaire..
Violarices.
De la Violette odorante. De quelques Violettes vénéneuses autres que Ja V.
Caryophyllées. De la Nielle des blés.. .
De la Saponaire. . . . Mt se De la Sabline à feuilles de Serpolet.. APRES À.
Hypericinées. Du Millepertuis."52. MAUR RENRRE Rutacées. Dé la Rué odorgate. "ie SERRES
Du Peganum' harmalas:: AM RUES ES De l'Orange amèêres. 252200 TENNIS SERRE
Méliacées. Du Mélis-Azcdarachs 5 PO ANNEES Célastrinées.
Du Fusain d'Europe . sn CRT ER) RIRE RER
Rhamnées. Du Nerprun alaternes5,/ 20 MS Du‘Nerprun purgatifs 5" Ve RM TEEN
De la Bourdaine. + 52e eee
odorantc.
246 247
248 261 262
SA OR CR SR OR RO PE PEN A
TABLE DES MATIÈRES.
Térébinthacées.
A en DER CAameles 47 tro. coques. 2... 2.7, 4 Li Rs RC MR BlanqaulEux. se 0 CUS LS Tee
RAP TE | Coriariées.
12"
_ Du Redoul ou Corroyère à feuilles de Myrte.. . . . . . Légumineuses.
A MU Do SN TS CAE PAU "1 4 ZEN Des Cytises vénéneux autres que l’Aubour. RE NAT RE td ARE Lo
_ De l’Anagyre fétide. DS LAURE AA RE A ET SEE PAP ODEsGarontiles. ere; ue see se tte 308 PrGiyene de Chiesa)... 0), fit 7 ir A 809 PS Artier a TAMEAUtIONCIOrINeS: 2 Liu US s ° 3T10 enr 310 Do FE rene hybrides te EU IL er 5 SLI ie D UPS VÉnÉEUSCS RES 0 LS UT ET er te 10e 923 sé . De l'Ers ervilier. FRE Nr L'OCÉAN! Du Haricot. . . M Dr ee EE a TN Te AU EN De l'Érythrophleum de La Guyane. D ES ES TE RE A ERA = Du Chicot du Canada. . . . ............... 349
Rosacées.
-p
De l’Amandier à amandes amères. . . . . . DRE RER AN LE PAROI R-EETISO 2 QU 22 Ca din Ne NE SA he LT NN. SO Du saponafiass: te MS LT As 2 et 2 399
Etes >: Caçurbtiagtées7" +")
d. De la a Bryone dioique. MAC PPS ARR A RE ET SE RER 1
RC TE QU RE A PTE Er rS À UC he tarte A SR De l'Rcbalion élastique. LOS A A OR ul ÉPLLT S A 2 2 PP OU TU £ Ia Citrulle en. A RP a ee AE Fa LE PC AOOSÉE RS
10 INR | Ombelifères. x | Dei Gus eee Poe RO I SR UE PSE PE Te 7 é _vireuse. ee si SANTE CAES HE rA
$ De de.
+
LE fe AUS Te
422 TABLE DES MATIÈRES. 38 4 ve
De l'Œnanthe phellandre. 7) MONS — fistuleuse. "72 2 CAPES — aphifolia. . ............... 0 De la Férule commune.. . . ë …: MST E ENS Observations sur quelques Ombellifères autres que celles décrites précédemment (Carotte, Héraclée, Berle à larges feuilles, Persil, Panaiïs, Caucalide et Panicaut des champs).
CHU g FIVE
De l'Orpin âcre. :., 4 44 et NO SR
; Araliacées. ae Du Lierre rampänt::. 2% MONTRES A se 4 LA re TROISIÈME DIVISION é : PEER : Y Frog DICOTYLÉDONES GAMOPÉTALES A Re. #
Caprifoliacées.
De l'Hyébles ::4 4-5 RUSSE RL COS RRRS TE FE ä Du Sureau noir. 5 4,4 04 SSSR
Valérianées. 7 LEONA De la Valériane @fficinale; 2222 eee
Composées.
Dé l’Atractylé gummifére, 25" 27e RER De la Laitue vireuse.. =... "10 PCs — Starivle; ." Lu 5,8 de OO PE NOTES
. — Culfivée : 52/2058 SCENE
De quelques Composées autres que celles énumérés es pré cédemment (Topinambour, Absinthe, Matricaire, C ie D<
mille, Pyrèthe et Achillée sternutatoire). . . . <
Ericacéee | LR Du Rhododendron ferrugineux. ie CLEA CONS — hifsute.! 71 NANTERRE ne pontiquess "> NE EEE — de Sibérie."<;," "4 VS Del'Azalée pontique.. . 12: 414 LENS
Du Eédon des marais, ‘5, SN RTE
TABLE DES MATIÈRES. 523
Primulacées. Pages DRE MR EPA DES Sr 0 SNS A0 a LAIA DOME RER CMAIMPS. + à..." } CU RRNR 1, PR 2 Apocynées. D RE SU or 0 oh OT TE RACE 430 Dé l'Apocyn-aieuiliés d’Androsème. . .:: . 4.1, : 0e 436 = — D CHAN UrE ie NET EE 437 Du EanPhttieMadapascars .: . . . . 4, 5 een 437 DCE TOO MARAIS... 1 le Nage 438 DE ARR S Le 1 Le EM ee 438 DOCOEISCAMOR EOUIOMEVETEs . . ur One 439 Asclépiadées. He PeciEmade dE COPA): 1... . . LHN ue 440 HD DOMDIEvENIN) OCR. 2... Leu 441 A QUE ARE RARE. 7: LL Te 442 Convolvulacées. MODE RR R AR U . 0, LUOTO ROUE 443 A el ee ne alu Ua tal 444 DDR CAE TELE des MAES NN, Lee ee 0 ni PC URAU 444 Solanées. PR OC ME MR A" Us.) ue Rae 446 RER TS ti TRS 454 De RC EEE RL en UN te UE 455 DÉPAADIRRE MSNM Ra ne NTI IN RARE 456 BAUER ke RIRE Et nd 456 PO REED 487 DR RE AT ii L'U R ReReRN 466 D A A TT cuir UV Eee 467 Be Se Amen. 5. du. 470 Se NES 470 - SUITE ONE PRES EEE A QT 473 — ARE LUN A Dial sf NE NNSAIORNES 475 — HMÉRIER A lire ne NUL HOME 475 DOS nr Re Sas ii os ER RAeUe 474. M . 70 NN RU 474
Des espèces de Tabac autres que celle du Tabac ordinaire. 484
Campanulacées.
DIN ERONENC Drûlante,., ‘0, 40% RATER INR 3 AS
es 2 er ie ds CFE SAS en D A 2 ht +
a 524 TABLE DES MATIÈRES. L Scrofulariées.
De la Molène bouillon-blanc.. . . . . . . . . . . . | De la Gratiole officinale.!. . 24 MAN ERNNIENSERS * De la Scrofulaire à racine noueuse.. . . . Dela Digitale pourprée. : 4.24 SNS
Des Linaires:. ::. "3. PRENONS SIREN Des Pédiculaires. . ..:. :... 20 4 CCE Des Rhinanthés.:. : 211%, SUIS EMORRNSS Du Mélampyre des champs.. +... COMORES De l’Orobanche:à petites fleurs." 7 40e
Labiées. De la Germandrée Scordium,.:.12 #2 LSRETE
Table alphabétique des espèces et variétés signalées. . . . .
PO
ie, EE
BIBLIOTHÈQUE DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
SR SRE LE OUVRAGES PUBLIÉS
Herbages et Prairies. — Volume de 759 pages avec 120 figures
dans le texte, par M. BorTEL.
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Les Engrais : Tome I. Alimentation des plantes, fumiérs, en- grais de villes et engrais végétaux. — Volume de 580 pages, avec figures dans le texte, par MM. Munrz et A.-CH. GIRARD.
Les Engrais : Tome II. Engrais azotés et engrais phosphatés. — Volume de 603 pages, par MM. Munrz et RCE GIRARD.
Les Engrais : Tome Il. Engrais potassiques, engraïs calcai- res, etc. Achat, transport, contrôle, essais des engrais. — Vo. lume de 627 pages, par MM. Muxrz et A.-CH. GIRARD.
Méthodes de Reproduction en Zootechnie : croisement, sé- lection, métissage. — Volume de 500 pages, avec67 figures dans le texte, par M. Baron. E
Le Cheval considéré dans ses rapports avec l’économie rurale et les industries de transport : TomelI. Alimentation, écuries, ma- réchalerie. — Volume de 483 pages, avec 89 figures dans le texte, par M. LavaLarp. |
Le Cheval : Tome II. Choix et achat. Utilisation du cheval. Si- tuation actuelle de la production chevaline. — Volume de 426 pages avec 45 figures dans le texte, par M. LavaLARD.
Les Irrigations : Tome I. Les eaux d'irrigation et les machines.
— Volume de 720 pages, avec 192 figures dans le texte, par.
M. RonNaA.
Les Irrigations : Tome II. Canaux et systèmes d'irrigation. — Volume de 618 pages, avec 360 figures dans le texte, par M. Ronwa.
Les Irrigations : Tome III. Les cultures arrosées. L'économie des irrigations. Histoire, législation et administration, — Vo- lume de 810 pages, avec 22 figures dans le texte, par M. Ronna.
Législation rurale. — Volume de 831 pages, par M. Gauwain.
Agriculture générale. — Volume de 607 pages, par M. Boite.
Les Industries du lait. — Volume de 647 pages avec 112 figu- res dans le texte, par M. LEzé.
Des Résidus industriels dans l'alimentation des animaux de la ferme, volume de 552 pages avec 40 figures dans le texte, par M. CoRNEvIN.
L’Alimentation de l'homme et des animaux domesti- ques : Tome I. La Nutrition animale. — Volume de 404 pages, par M. L. GRANDEAU.
Le Matériel agricole moderne : Tome I. Instruments d’ex-
térieur de ferme.— Volume de 531 pages avec 370 figures dans le texte, par M. TREsCA. :
Pour paraître incessamment :
Les Maladies des Plantes, par M. PRILLIEUX. - Les Céréales, par M. GaroLa.
Cultures méridionales, par M. Gos. Viticulture, par M. ViaLa.
Le Matériel agricole : Tome II, par M. TRESsCA.
Typographie Firmin-Didot et C*, — Mesnil (Eure),
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