| | Wii L D. [74€ LOS | , KW 2 Lo e HUE [2 PURCHASED FOR THE UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY FROM THE CANADA COUNCIL SPECIAL GRANT FOR . Economic History PTPLE CET c 15 ete pe AP = DÉFENSE DE PLUSIEURS OUVRAGES SUR L'AGRICULTURE: OU RÉPONSE AU LIVRE zrtitulé : MANUEL D'AGRICULTURE ; dans lequel M. DE LA SALLE & attaqué MM. DUHAMEL , TILLET , & PATTULLO.. Par M. DE LA MARRE. HOPARIS, Chez H. L. GuériN, & L. F. DELATOUR, rue S. na An se Thomas ele à aps Kerca - Z Avec APProbaïion &° Prévilége du Reë, - + MALALUT- : Vs Le x La rer LS 4 L L # e F à F ? * s L = 1 D _ * LA . æ » | +5 3 | 2 AT, 1 NN LGZLS . LT - me. 22 . ‘ ORNE er ee 0. RE ae ni PIFIIIIIIIIISE PTT A ASTTTT É Sie seridtires TABLE DES TITRES Contenus dans cet Ouvrage. F RÉFACE 3 Page 1 $ I Ne doit-on écrire fur lAgricul- ture que pour le vulgaire des gens de la campagne ? 37 SIL Tous les Ecrits faits depuis quel- ques années , concernant l'A- griculture , font-ils à rejetter? Doit-on ne conferver aëétuelle- ment x pour toujours , que ceux de M.de la Saller. 58 $- IL, Parallele du Syfféme de M. de la Salle avec celui de M. Du- hamel , concernant les Prairies Artifrcielles, IOI $. IV. Des Jacheres. $. V. Suite de Particle des Jaché- res. 140 6. VE. Des Engrais, 145 $>-VIL, Sur les Infirumens de Labour a ij employés pour la Nouvelle Cul- ture , 153 6. VIII. Des Semoirs , 1 E76 $.IX. La Méthode de M. Tull peut-elle étre exécutée en grand avec fuccès ? 200 $. X. La Culture fuivant les Principes de M. Tull n’eft donc pas un idée de Cabinet, 220 S. XI. Difficultés que préfente M. de la Salle , relativement a l'exécu- tion de la Cultureen Planches, €r avec Le Semoir ; 237 $. XIL. Conclufion, 258 CORRECTIONS ET ADDITIONS. P AGE 9. ligne 7. fatisfaire à une quantité, lifez fatisfaire une quantité. P. 18.4. 6. confidérabe , lifez confidérable. P. 51.77. Vandusfel , [4/2 Vanduffel. P. 92./,r11.Ainf,/ifez Aufli dans la Préface. Ibid. ligne pénulrieme, on la dirige ,léfez on le dirige. P, 1 . Quoiqu’il foit peu d’ufage de labourer les champs avec 14 bêche, qui eft plus ordi- nairement un inftrument de jardinage , nous avons confervé ici ce terme ; pour répon- . dre à l’affertion de M, de la Salle , que l’on avü, p.121, ne parier que de quelques arpens cultivés avec la Béche, P 169. 1, 21, liv. 2. lifez lieu 2. P, 202, L, derniere , d’endroit, lifez d’endroits. P REÉFACE SES SES SENS NUS NES Sa RE & RARE ASS DEEE CE & PARPÉACE. JL EsrT RARE que les écrits ramenentdes perfonnes fortement prévenues. Mais ils fervent à ré- pandre la lumiere, & à faire con- noiître la vérité. M. de la Salle vient de publier un Â/anuel d’ A- griculture pour. le Laboureur ; pour de Propriétaire ; & pour le Gouvernement : contenant les vrais Jeuts moyens de faire profpérer "Agriculture, tant err France que dans tous Les auires Etats ou l’on culrive; avec la Re- utation de la nouvelle Methode de M. Thull(*): Paris, Lottin lainé , 1764,in-8°. De crainte (*) M. de la Salle écrit toujours T#4/!, On prie le Leéteur de ire l’h Ce Gen- tilhomme Anglois ne met pas fon nom autre= ment : M. Duhamel s’y eft conformé : & M, de la Salle peut être Le feul qui ait défiguré cs nom PTOPrES À œ + PRÉFACE. qu'onnefe prévale de cetouvrage, annoncé comme triomphant ; j'ai cru qu'il importoit au progrès de l'Agriculture, derendre publiques les réflexions qu’il m'a donné lieu de faire. | L'Auteuravoit publié, à Paris, environ huit ans auparavant , un fort bon ouvrage , fous le titre de Prairies artificielles, ou Let- ére..... fur des moyens de fèr- æilifer des terreins fecs & ftériles, &c. La réputation dont M. de la Salle a joui depuis limpreflion de ce petit ouvrage, & le fpécieux de plufieurs des raifons qu'il met en avant dans fon Manuel d” A gri- culture, pourroient féduire des efprits à quiil ne manqueroitpour mieux juger , que de connoitre les raifons contraires. I] devient donc intéreflant de les leur expofer. Quand je ne réuflirois pas à éclai- rer quelques perfonnes détermi- nées à fe méprendre, au moins eq tte; PRÉFACE. 3 puis-je efpérer de fixer celles qui feroient dans le doute, & de dé- tromper celles que la feule igno- rance des faits auroit abufées. IL eft jufte de mettre à portée de ju- ger avec connoiflance de caufe, quiconque voudra fe décider fans partialité. Ce n’eft pas ici une fimple dif pute littéraire , indifférente pour une partie confidérable des per- fonnes qui s'occupent de la lec- ture. Le fonds de cette affaire intérefle l'Agriculture en géné- ral. M. de fa Salle prétend être le feul qui connoiffe le vrai fyftême d'une bonne Agriculture : & il réprouve abfolument toute autre méthode que la fienne. Avons- nous donc été dans l'erreur juf- qu'au moment où fon Manuel a paru ? Aucun des Modernes n’a- t-ilentrevû ouindiqué une bonne route à cet égard ? Ont-ils même ignoré celle de M.de la Salle ? Voi- | | AMFR T « 4 PRÉFACE. là l’objet queje me propofe de dif: cuter;enexaminantle Livre deM, de la Salle, & ceux qu'il combat. M. Duhamel a fait imprimer en 1762 les E/emens d'Agricul- ture , comme un précis & une forte de fupplément des fix volu- mes de fon 7raité de la Culture des Terres. L'un & lautre ou- vrages font attaqués aujourd’hui ar M. de la Salle. Un autre livre d'Agriculture, contre lequel il fe déclare hautement , eft l’Z fJaz de M. Pattullo fur ? Amélioration des Terres. Le but de M. de ia Salle eft d'établir qu’en obfervant ce qui fe pratique en différents cantons, on y découvre lestraces de la plus parfaite Agriculture ; qu'ainfi pour renouveller cet Art, il fuffit de rappeller aux pratiques locales les Cultivateurs accou- tumés à fuivre une routine vicieu- fe. De cette conféquence il n'y a _qu'un pas à faire pour profcrire f PRÉFACE. € 1 tout ce qui ne fe trouve point dans nos pratiques locales. Tout fyftême moderne doit donc être rejetté ; fur-tout la méthode de M. Tull, qui eft connue fous le nom de ÂVouvelle Culture : puif- que M. de la Salle exige qu'en fait de culture , au lieu d'admettre aucune nouveauté, on remonte aux pratiques qui fufhrent ancien- nement pour rendre l'Agriculture très-floriffante. Aufli dit-il (p. 72 & 73.) que « fa méthode & fon » principe étant appuyés par tou- » tes les pratiques locales du mon- + de entier où l’on cultive, & y » étant généralement reconnues, » il faut rejetter toutes les nou- » velles méthodes, qui, non feu- » lement admettroient d’autres » principes, mais qui fupprime- » roient quelques - unes des opé- >» rations qu'il a détaillées , ou fe- » roient des changements dans la » façon de les exécuter». Cet Ai € PRÉFACE. arrêt fuppofe que le Juge qui le prononce a découvert des prati- ques d'Agricultureuniformes dans tout lunivers , & généralement fuivies. Nous ferons voir que cet- te annonce chimérique eft défa- vouée par l’Auteur même. Il pré- tend encore que les principes de MM.Tull & Pattullo font oppofés aux bons principes d'Agriculture : ce que nous détruirons par les textes mêmes de ces deux Au- teurs , & ceux de M. Duhamel; ainfi que par les propres aveux de leur antagonifte. Mécontent que les nouvelles . méthodes qu'il attaque , fuppri- ment la Pâture des Jachères ; on vient de l'entendre cenfurer leur entreprife ; & il s'étend beaucoup là - deflus , en plufieurs endroits de fon Ouvrage : mais lui-même, dans beaucoup d’autres, convient qu'il y a des circonftances heu- reufes où cette fuppreflion eft !: TPRÉRBACE vi] d'ufage , & il enfeigne divers moyens pour.y parvenir. Tel eft lefprit du fyftême qu'il s'efforce d'élever en renverfant tous ceux des autres Modernes. Et voici comment il fe fraye la route du triomphe. Il à habile- ment fenti qu'ayant à indifpofer en général contre les nouvelles lumieres offertes fur l'Agriculture ; & foutenant que lui feul a connu & touché le but ; il devoit fe concilier la bienveillance des la- boureurs. C'eft pourquoi il déci- de , fans laiffer de lieu à l'appel, que tout livre qui n'eft pas fait direétement pour eux, ne pro- duira jamais un bon effet : mais il ne laiffe pas de prouver fort au long , dans ke même volume , que PA griculture ne peut être réparée qu'autant que lon éclairera les propriétaires pour leur rendre fen- fible l'intérêt qu'ils ont de concou- rir avec les fermiers dans les dif- A iv ÿ PRÉFACE. pofitions & les travaux. Comme ce n'eft pas le malin plaifir de cen- furer ; qui nous fait écrire , nous ne nous bornons pas à oppofer M. de la Salle à lui-même : nous difcutons encore le fonds de cette queftion ; fçavoir , fi les Traités d'Agriculture doivent être faits pour le commun des cultivateurs, plutôt que pour les propriétaires. Tel eft l’objet du $. 1, où nous avons foin de montrer qu'il y au- roit de l'injuftice à regarder géné- ralement les fermiers & les labou- reurs comme des efpeces d’Auro- mates. Aïinfi que tout autre nom colleéif de gens qui s'occupent de quelque art ou fcience, le nom de Laboureur comprend un petit nombre d'hommes qui réfléchif- fent fur leur art , & qui feuls mé- ritent d’être qualifiés de Cutriva- teurs : ils fe diftinguent de la ru. _zitude; & l'on rencontre dans cel- le- ci divers degrés de génie & PRÉFACE. 9 d'intelligence qui tendent plus ou moins à s'élever : le refte eft ram- pant , livré à la routine , & inca- pable de penfer. On doit aufli convenir que prefque tous ceux qui font doués de jugement ont à fatisfaire à une quantité de pref- fants befoins , qui ne leur laïffent pas le loifir de faire des tentatives dont ils preflentent les fuccès , mais à l'incertitude defquels ils ne peuvent prudemment expofer la modicité de leur fortune. Il convient donc de n'écrire fur les moyens de perfeétionner l’Agri- culture, que pour des perfonnes intelligentes &c aifées , qui ayant franchi les premiers pas, donne- ront plus d'affurance aux Labou- reurs à quiilne manquoit que cet encouragement : & l'exemple de ceux-cientrainera les autres. C’eft ce que nous avons l'avantage de prouver par des faits qui dépo- fent énergiquement en faveur de À v IO PRÉFACE. la Méthode de M. Tull, puifque nombre de Laboureurs & de Pay- fants l’ont adoptée d'eux-mêmes, après avoir bien vü qu’elle pracu- roit de meilleures récoltes. - M. de la Salle ayant déclaré qu'il vouloit anéantir par fon li- vre tous les écrits publiés depuis quelques années relativement à l'Agriculture ; nous faifons voir dans le $. 2, que les Auteurs qu'il a attaqués nommément ont trai- té avec foin, & dans un grand détail , les mêmes chofes qu'il regarde comme importantes pour l'Agriculture , & dont il avance que ces Auteurs z'ont fait aucune mention : tandis qu'ailleurs il mo- difie ce jugement, en difant que toutes les fois qu'ils ont voulu en parler is n’ont fair que balburier. Plufieurs endroits du livre de M, de la Salle rendent fenfible le but qu'il fe propofe , en s'é- tayant de moyens fi peu réguliers. PRÉFACE. II Content d'avoir réufli à amélio- rer fes champs par des patura- ges , il prétend être unique dans fon genre. Son livre fur les Prai- iles artificielles lui a juftement acquis une réputation à laquel- le n'ont pas peu contribué Îles mêmes perfonnes quil attaque aujourd'hui : & comme fi leur nom portoit ombrage au fien ,il veut , à quelque prix que ce foit, les effacer pour demeurer feul & pour toujours en poñleffion de di- riger l'Agriculture. Auflia-t-il diftribué dans fon livre trois fortes d'inftruétions : pour de Eaboureur; pour de Propriétaire ; pour le Gou- verrLement. Nous n'héfitons pas à accorder à M. de a Salle, qu'en étudiant les pratiques locales, & compa- rant leurs divers ufages , on peut en tirer une excellente notice de ce qu'il convient de faire pour mettre nos campagnes en pleine V} #7 PRÉFACE, | valeur. C’eft ce qui a été reconnu expreflément par MM. Duhamel, Tillet, & Pattullo; quoique M. de la Salle affure qu’ils n’en ont pas fait la moindre mention : voyez notre 2° 6. | Les Prairies artificielles font du nombre de ces pratiques lo- cales , ufitées depuis long - temps dans plufieurs de nos Provinces; de même qu'en Hollande, en Flandre, en Angleterre, &c. Tan- tôt M. de la Salle a dit , contre toute évidence , que M. Duha- mel n’en avoit pas fait mention : tantOt il a reproché à cet Acadé- micien de n’en avoir traité qu’en ignorant, ouen foible écolier.C'eft pourquoi, dans le 3°. $, j’ai mis en parallele le peu que M. de la Salle a dit fur les Prairies artificielles, avec la manière détaillée dont M. Duhamel en a traité: En rappro- chant la plus grande partie de ce qui concerne ces Prairies dans PRÉFACE. 12 chacun des volumes du Traité de la Culture des Terres, & dans les Elemens d Agriculture, ÿai trou- vé de quoi faire fans art un tableau magnifique par lui-même ; dont le vafte champ offre à l'œcono- mie rurale une abondance extrê- mement variée , & l’Art de culti- ver chacune de ces nombreufes plantes , que le génie de l'Agri- culture deftine à devenir des Prai- ries artificielles. Le fyftême de M. de la Salle eft prefque borné à la culture du Sainfoin : nous ren- dons juftice à linduftrie qu'il a eue d’en faire un fonds de fubfiftance pour le bétail ; qui, fourniffant enfuite des engrais , a fait changer de face aux domaines de ce Cul- tivateur. Mais fon procédé n’eft pas tellement au-deflus de la por- tée des autres hommes, qu'il faille croire , fur la parole de M. de la Salle , que ce font des opérations uniques , fans exemple , qui doi- 14 PRÉFACE. vent fervir de leçon aux Agricul- teurs dans tout PUnivers, &c. Ce qui eft bien , n’eft pas toujours le mieux poflible :la fupériorité avec laquelle l'article des Prairies artifi- ciellesaété traité par M. Duhamel, prouve quel'onadéjà avancé beau- coup plus loin que M. de la Salle. La Méthode de M. Full pro- pofe de fubftituer ces Prairies aux Jachères ; c’eft-à- dire, d'établir un produit confidérable, & qui contribue à améliorer la terre , au lieu de laiffer abfolument inutile une portion de nos champstoutes les années , fous prétexte de la- bourer & amender beaucoup cet- te portion. M. de la Salle, au contraire , regarde les Jachères comme un ordre de la Nature, un droit auquel il n’eft pas permis de donner atteinte ; & dont la fup- preffion n'iroit à rien moins qu'à la deftruétion des bêtes à laine. Cependant, en d’autres endroits à PRÉFACE. 1£ du même livre , il oublie qu'il s'eft engagé à contredire M. Tull: & je ne fçai quel motif le porte à convenir que l’on ne prévarique pas à l’ordre naturel en n’obfer- vant point des Jachères, quand on a une terre excellente ; il va même jufqu'à détailler plufieurs moyens, à l’aide defquels on peut y parvenir. Ces objets intéreffants font détaillés dans le 4° $. Nous y faifons voir , ainfi que dans le 3°, que le bénéfice des Prairies arti- ficielles eft d’un bien plus grand fecours que les Jachères, pour nourrir le bétail; que les Jachè- res ne font nullement néceffaires pour ces animaux; qu'en fe pri- vant de l'avantage qui réfulte des excréments qu'ils dépofent fur la terre, on y fupplée par des engrais d’une autre nature : outre quil en faut beaucoup moins quand la terre a été bien ameublie par les labours, Nous prouvons aufli 16 PRÉFACE. dans le 3°. $ , que les chevaux & tout le bétail diftinguent fenfible- ment & préferent au fourrage commun, celui des Prairies arti- ficielles ; & qu'ils font très-avides de celui qui a été cultivé par ran- gées: cette difpofition des plantes entretenant dans les tiges & ra- meaux une abondance de fucs déli- cats, quine permettent que difhici- lement à ces parties de s’endurcir. Après avoir examiné l'utilité des Jachères, & les circonftances qui peuvent autorifer à les fuppri- mer, je fais voir que leur omif- fion eft, en divers endroits, un de ces ufages locaux auxquels M. de la Salle nous rappelle : & les principes mêmede cet Auteur , fervent à démontrer quelesterres cultivées fuivant la Méthode de M. Tult, font exaëtement dans le cas où fon antagonifte dit que Fon eft difpenfé des Jachères. Au refte, en réformant l'ufage que PRÉFACE. 17 Pon fuit d'habitude pour la prati- que des Jachères, l'Auteur An- glois ne fait qu'y fubftituer une autre méthode. Car il a toujours dit que la terre ne pouvoit fournir de bonnes récoltes de froment, que par des labours multipliés : & ces labours feroient impratica- bles fi tous les champs étoient en- tièrement enfemencés. On verra donc dans le 5°. que M. Tull obferve des Jachères , plus éten- dues même que celles dont M. de la Salle voudroit faire une loi invariable : elles n’en diffe- rent que par leur difpofition , qui ne peut être appellée zou- velle, que jufqu'à certain point : mais ce qui les diftingue réelle- ment des Jachères communes, eft qu’elles ont l'avantage de prépa- rer beaucoup mieux la terre; de la perfettionner fucceflivement , d'une année à une autre ; & la bien nettoyer d'herbes, Leur du- 18 PRÉFACE. rée eft égale à celle des Jachères communes. M. de la Salle ayant voulu perfuader que la quantité de terre qui n'eft point occupée dans le fyftème de M. Tull , eft trop confidérabe pour qu'il n’en réfulte pas une perte digne d’at- tention : je fais voir par des preu- ves inconteftables , & par de bon- nes raifons , que cette perte n'eft qu'apparente ; qu'elle occafion- ne même un bénéfice réel, dans la récolte de Fannée. J'avoue que les Jachères de M. Tull de- viennent inutiles au bétail. Mais la pâture que ces animaux trou- vent dans les Jachères com- munes, & dont ils font privés ici, mérite-t-elle qu'on y facrifie lavantage de recueillir du fro- ment toutes les années , dans une même terre, quinen porteroit que tous les deux ou trois ans; ou même encore plus de loin en loin , puifqu'il y a certaines terres PRÉFACE. 19 à qui on laifle jufqu'à quatre & huit années de repos abfolu ? La Méthode de M. Tull rendant la terre bien nette d'herbes, il feroit fuperflu d'y conduire le bétail. Refte à fcavoir fi M. de la Salle préféreroit de laiffer croître quan- tité d'herbes inutiles dans les ter- res à bled , plutôt que de détruire ces plantes qui dérobent une par- tie de la nourriture du froment. Au moins avoue-t-on unanime- ment que l’on s'applique, pendant l’année de Jachère, à en diminuer le nombre : ce qui prouve que l’on fent l'avantage qu'il y auroit à les détruire toutes. C'eft à quoi lon n’eft encore parvenu qu'a- vec la nouvelle Culture. Olivier de Serres avoit pareïllement dit, (Théâtre d Agriculture , lieu 2. chap. 2. p. 79 & 80. de l'Edition de Lyon 1675 ,in-4°.), « que la- » vantage de retourner le chaume » dans la terre pour y fervir d'a- 20 PRÉFACE. » mendement, Ôte deux comimo= » dités; l’une, dela nourriture du » bétail laineux , qui dépait long- » temps fur les éteules en man- » geant les herbes forties avec les » bleds; l’autre , de la coupe des + chaumes que l’on employe à » couvrir les maifons , chauffer le >» four, & faire de la litiere au bé- » tail. Quant à ces deux préten- » dues raifons, dit-il, je ne trouve » pas être ménage, que pour un » peu d'herbes & de paille qu'on + peut profiter fur les éteules, l’on » fe doive priver de cette grande » quantité de bled que la culture » avancée, promet avec raifon. » Car c’eft une chofe aflurée que >» la terre étant maniée de longue- » main, &c. » Je cite volontiers cet Auteur, parce qu'il eft un bon garant ; & en fecond lieu, parce que M. de la Salle s'appuie fou- vent de fonfuffrage. « Concluons * donc qu'il eft plus avantageux PRÉFACE. 21 » de faire en Päturages artificiels » une petite réferve de fes terres, » pour la fubfiftance du bétail, » que de les mal cultiver toutes, + au préjudice de la récolte : puif- » que non-feulement un arpent de » bon Pré produit plus d'herbe que » fix arpents de Jachères , ou de » chaume ; mais encore qu'un » feul arpent de Luzerne donne >» plus de fourrage que fix arpents » de bon Pré. Ces faits démon- »trent que le produit d’un bon ar- » pent de Luzerne furpañle celui » de 30 ou 36 arpents de Jachères » ou de chaume (*). On fait beaucoup valoir que le féjour du bétail fur les Jachè- res y diftribue un engrais qui in- flue fur les récoltes fuivantes, C’eft ce qui m'a engagé à traiter, dans le 6° $, la queftion de la néceflité, ou fimplement de Puti- lité des engrais. On.y voit la (*) Cult, des Terres FE, À ps luiij, & lëxe 22 PRÉFACE. caufe des labours plaidée contre les engrais, par M. de la Salle même : qui,fans paroître foupçon- ner qu'il fe contredife , reproche à MM. Tull, Duhamel & autres, d’avoir dit qu’en labourant bien & fouvent, on pouvoit fe pafler d’a- mender. Aurefte,cetteimputation ne devroit pas regarder M. Duha- mel, puifqu'ila conftamment dit que l’on trouveroit une utilité foli- de dans l’ufage des divers engrais. Le 7°$ , confidere les inftru- mens du labour. On y verra que les bonnes charrues ufitées dans chaque province , peuvent fufhire pour exécuter tous les labours de la nouvelle culture. L'objet que on s'eft propofé en imaginant des inftruments plus ou moins dif- férents des charrues ordinaires , a été de rendre l'opération du la- bour plus commode & plus expé- ditive. Nous entrons à cet égard, dans des détails intéreffants. Et PRÉFACE. 23 avec le flambeau de la critique, nous répandons la lumiere fur des endroits où M. de la Salle s’étoit efforcé de jetter un nuage d'obfcu- rité & de confufion. : Nous difcutons dansle 8° «, tout ce que cet Ecrivain a dit au défavantage des inftruments nom- més Sernozrs. Leur utilité réelle , par rapport a l’œconomie, à la diftribution convenable du grain, & à l'abondance de la récolte, de- vient fenfible ; au moyen des preuves de raifon & de fait, que nous oppofons aux allégations va- gues de M. de la Salle, L’expofé des différentes manieres de fe- mer , employées dans l’'ufage or- dinaire, relativement à la diverfi- té des terreins , forme un fur- croit de preuves. Mais comme -M. de la Salle prétend tirer avan- tage de ce que M, Duhamel a dit, qu'au moins il convenoit de fe Servir du femoir , lors qu’on feme- 24 PREFACE. roit en plein , au lieu d’enfemen- cer par rangées fuivant la mé- thode de M. Tull ; nous démon- trons que ce n'eft pas wz dernier effort pour foutenir la nouvelle culture, & comme un retranche- nent où fe cantonne un Auteur ut veut, a quelque prix que ce foit , défendre & maintenir [on ouvrage. On verra que, même en femant en plein avec le femoir , on retrouve les principaux avan- tages de la nouvelle culture ; l'a- bondance des récoltes , produite par l’œconomie fur la quantité de la femence, & par la diftribution du grain à une profondeur & dans un efpacement convenables , fur une terre bien ameublie , bien nettoyée d’herbes, & encore raf- fraichie par les focs du femoir. C’eft en quoi l’ufage de cet inftru- ment jouit d’une grande fupério- rité vis-à-vis de tout ce qui peut être regardé comme bonne agri- culture PRÉFACE. k ”: culture dans la méthode ordinai- re. Mais la culture établie par rangées eft conftamment encore plus avantageufe ; quand on fe trouve à portée de la bien exécu- ter. Bien plus, nous ajoütons que le femoir occafionne a tous égards une moindre dépenfe que la pra- tique commune de femer. Les principes invariables d’une bonne agriculture fe réduifant à bien préparer la terre, & à répan- dre convenablement la femence ; iln’y a plusàdouterquelaméthode de M. Tull foit capable d’attein- dre au but. Toute autre, qui conduira réellement au même terme , devra aufli être réputée bonne. C'eft pourquoi M. Duha- mel , qui n’avoit aucun intérêt particulier à faire valoir la prati- que de l’Auteur Anglois, & qui ne seft propofé que de ranimer le goût pour l’agriculture & d’af- figner des principes RS > 26 PRÉFACE. conftamment dit dans fes huit volumes que la méthode de M. T'ull étoit une bonne route à fui- vre ; quelle n'étoit pas la feule dont il réfultät une parfaite agri- culture; mais que toutes les bon- nes pratiques à cet égard rentre- roient dans ce qu'elle contient d'effentiel. En juge éclairé & impartial , il a -aufli averti des défauts & inconvénients qui pour- roient diminuer l'avantage de cette pratique:Coz/ulrez notre 12° $. Voiciencoreunendroitoùüilne s’agit point de cultiver des rangées de froment; où néanmoins M. Du- hamel fait l'éloge d’une autre ef- pèce de bonne culture : « Un Mé- » tayer du Préfident de Montef- » quieu recueillit dans fa Métai- » rie, auprès de Clairac, une moif- » fon abondante ..... pendant » que tous fes voilins en firent | _ » une très-mauvaife. M. de Mon- » tefquieu lui ayant demandé PREFACE. 27 # comment il avoit pù faire pour » fe procurer cet avantage fingu- - lier : le Métayer répondit qu'il » avoit labouré fa terre onze fois » depuis les femailles jufqu'à Îa » récolte ; que par cette raifon la » terre avoit profité de toutes Îles » pluies, rofées, brouillards, &c, » au lieu que la terre de fes voi- » fins n’en profitoit pas, à caufe » d’une efpèce de croûte feche & > dure , qui fe forme au-deflus » quand on ne la travaille pas. » Cette obfervation quadre amer- » veille , avec les principes fur » lefquels la nouvelle culture eft » établie(c ).» Ses principes font démontrés vrais, par des propofi- tions même que M. de la Salle a fortement foutenues, & qui font admifes de tout bon Cultiva- teur. On a donc lieu de traiter de para- doxe limpoflibilité d'exécuter en (c) Cult, des ÎTerr, Tome 2, pages 3703 3719 1] 28 PREFACE. grand la culture de M. Tull. Auf rapportons-nous dans le 9° $, nom- bre de faits qui conftatent que l’on a enfemencé par rangées & avec fuccès dans des terres de quali- tés très-différentes , & fous di- vers climats, jufqu'àa cent vingt arpents. Sont-ce donc-là des effais en petit; des travaux de 3 ou 4 arpents , comme M. de la Salle affirme que la culture en plan- ches y a été toujours reftrainte, fans que perfonne ait ofé aller au- dela tr … Cette démonftration fait la bafe du 10° $, où je prouve que la méthode de M. Tull n'eft pas une /dse de Cabinet. J'ajoûte ici que l'efpèce d'adoption qu'en a publiquement faite M. Duhamel ne permet pas de douter que ce ne foit un fyfême folide & de pratique. L'illuftre Académicien dont je me félicite de prendre Îa défenfe , a récemment fait une PREFACE: 29 nouvelle déclaration de fa façon de penfer à l'égard de tout ce qu'onappelleSy/éme.Ecoutons-le s'expliquer dans la Préface de fon Traite de l'Exploitation des Bois, p. v. & 17. « En nous aidant des » lumieres de la Phyfique , ne pré- » fumons point trop des nôtres ; » gardons - nous de commencer » par imaginer des fyftèmes pour » en faire la bafe de raifonne- » mens fpécieux ; évitons de trop » généralifer des faits particu- » liers ; foyons bien perfuadés » que fi l'édifice que nous entre- » prenons d'élever n'eft pas fondé » fur l'expérience & fur lobfer- » vation , il ne fera pas de longue » durée : le réveil diflipe bientôt » toutes les efpérances flateufes + qu'un fonge agréable avoit fait + naître. Comme il n’eft point + queftion ici de faire un Roman, » ni de préfenter des fiétions , » mais d'offrir des faits , nous de- B ii ? D 2 2 22 > ) PREFACE. vons éviter de nous livrer avec trop de confiance aux produc- tions de l'imagination, qui n’en- fante ordinairement que des éclairs paflagers, qui fe difli- pant auffi-tôt , nous laiffent er- rer à l'aventure au milieu d’é- paifles ténèbres. Il n’y a que l'expérience & lobfervation qui puiflent fournir au Phyfi- cien une lumiere permanente, capable de fatisfaire tout hom- me judicieux , & à l'aide de la- quelle il foit poflible de mar- cher avec sûreté dans la car- riere des connoifflances humai- nes. Il faut donc faire des épreu- ves , en combiner les réfultats, en comparer les avantages & les inconvénients , & aflervir toù- jours la Théorie aux faits bien obfervés. Quoiqu'une pareille route foit bien longue , bien coûteufe , & bien pénible par l’'affiduité qu'exigent les expé- PREFACE,. 31 » riences , jai cru devoir la fui- » vre, parce qu'elle m'a paru être » la feule qui püt me conduire à » la découverte de la vérité..... » Comme je n’ai aucun intérêt à # établir une chofe plutôt qu'une » autre ; & comme j'ai VOUÉ tou- » tes les dépenfes confidérables » que j'ai faites , & confacré tou- » tes mes peines à l'avantage du » Public ; j'ai foin de prévenir + mes Leëteurs , quand l'occafion » s'en préfente , des fcrupules qui # me font reftés dans l’exaétitude » de mes recherches ». Ce que M. Duhamel a fait par rapport aux Bois, eft abfolument fembla- ble à la conduite qu’il a tenue pour l'Agriculture. Il a obfervé la mê- me marche dans les huit volumes Où il a traité de la méthode de M. Tull, & de PAgriculture en gé- néral. Nous aurons fouvent occa- fion de le faire obferver dans le cours de cet ouvrage. Biv 32 PREFACE: J'ai cru devoir relever encore dans le 10° 6, l'affeétation mar- quée avec laquelle M. de la Salle traite M. Duhamel d'ignorant en ce qui concerne la culture dester- res. Etcomme il s'eft faitun triom- phe de dire que ficetAcadémicien eût jugé réellement avantageufe la pratique de M. Tull, il auroit établie fur toutes fes terres ou au moins fur une de fes fermes; cette obje&ion fpécieufe eft levée de maniere à faire fentir que M. Du- hamel a exécuté dans fes terres, pendant plufieurs années confé- cutives la nouvelle culture, au- tant que ce travail pouvoit fe con- cilier avec fes autres occupations. Comme ce Scçavant, prodigieufe- ment laborieux, a toujours infifté pour que les Propriétaires n’aban- donnaffent pas à des Valets les _ opérations de cette méthode , il a dû fe borner a l'exploitation que permettoit le peu d'afliduité qu'il PREFACE: 33 pouvoit donner à la campagne. Mais fes fuccès toujours foute- nus , quoi qu’en dife M. de la Sal- le , prouvent qu'il ne fe difpenfoit as d'exécuter par lui-même ce a quoi il invitoit les Amateurs d'Agriculture. Dans le 6 11e, je difcute les difficultés , foit réelles, foit ap- parentes , qui fe rencontrent dans la pratique de la culture en plan- ches. On y voit que la néceflité de tourner fur foi-même ou fur fes . voifins, pour exécuter les labours auxiliaires , eft un inconvénient réel pour quiconque ne peut ou n'ofe pas facrifier cette perte au profit qui réfulte de ces labours, fur la totalité du champ. Mais plus l'exploitation eft vafte, moins il eft queftion de cette difficulté : parce qu'alors beaucoup de terres aboutiflent fur des chemins & au- tres endroits dans lefquels la char- rue , en tournant, ne caufe aucun dommage. B y 34 PREFACE. Je dis en fecond lieu, que c’eft une crainte mal fondée que de prétendre qu'on ne réuflira point a plier les gens de la campagne aux attentions que demande la nouvelle culture ; je fais voir qu’il y a divers ufages tout aufli embar- raffants , dont les Laboureurs fe tirent fort bien, A propos de ces ufages , je rappelle nombre de Pratiques locales , fi analogues à la méthode de M. Tull, qu'on eft naturellement porté à croire que cet Auteur n'a prefque rien intro- duit de nouveau en ce genre. Les gens quis’acquittent bien de tous ces travaux, font, pour ainfi dire , tout dreffés pour la nouvelle cul- ture. Il refte fans doute beaucoup de chofes que j'aurois pü alléguer en faveur de la caufe que j'ai entre- prife contre M. de la Salle. Mais le Public trouvera dans ce petit Ouvrage fufhfamment de motifs PREFACE. 35 ‘pour fe décider. J'ai prouvé que cet Auteur eft perpétuellement en contradiétion avec lui-même ; qu'il propofe des objettions pré- vûes ou réfolues depuis nombre d'années par M. Duhamel mèê- me ; enfin qu'il parle des huit vo- lumes publiés par cet Académi- cien , comme feroit un homme qui ne les auroit jamais lûs. Un critique évincé par des moyens auffi forts que ceux-là, mérite-t-il quelque confidération ? En fe def- honorant , il donne gain de caufe aux perfonnes qu'il vouloit atta- quer. an B v) - tait 27 APS : # : Fe : ne. | . : ‘ - » | & te « & Fa : rs s à; - LL ES s. F . , Ce | \ S À Fa | dvi #5 PR r AT = mp] L ‘ s Ée ; "3 E « F La = ; r #3 fi es ñ "Le * AREA j= y  Ÿ ' “ “ L à 2 ji . ÿ - ST te : " ‘ + #” ] _— - dé d =. CS x . : v | Ê _. ! x » é L J "2 3 - di + 4 à / \ 1 * ! e : | . … 2 | » fn 2 J TA 5 | 8 - r } 4 : #” | : . . 4 Fe : LÉ + = «I L LA D" 4 : | » DÉFENSE DE PLUSIEURS OUVRAGES SUR L'AGRICULTURE; &c- . I. Ne doit-on ecrire fur l Agricul- ture , que pour le vulgaire des Gens de la Campagne 2 ouTE notre Agriculture étant entre les mains des gens de la campa- |gne, qui compofent feuls en France le Corps » des Agriculteurs ; ce n’eft qu'eux » qu'il convient d’inftruire » : felon M. de la Salle, p.ij, 4, s : & 6. 33 Défenfe de plufieurs Ouvrages En ne conteftant point cette fup= pofition , malgré toute l'étendue qu’il lui donne, on eft en droit d’en tirer une conféquence oppolée à la fienne: je veux dire que s’il falloit n’écrire fur l'Agriculture que pour les gens de la campagne , il feroit fuperflu de publier aucun livre en ce genre. Car ce prétendu Corps des Agriculteurs eft compofé de gens dontles unsne fçavent point lire, oule fçavent mal , ou lifent fans comprendre : beaucoup d’autres ne hfent point, foit faure de loifir, foit parce qu'ils n’ont pas le goût de la le&ture; ou enfin, rebu- teroient tout ce qui heurteroit leurs préjugés. Nous n’éprouvons que trop de réfiftance de leur part, quand il s’agit de les ramener à leurs vraïs in- térèts parles meilleures raifons fou- tenues d'expériences dont nous les rendons eux - mêmes témoins & comme les inftruments. Que peut- on donc fe promettre d'un livre où on les inviteroit à réformer leur ma- nière de cultiver ; finon qu'ils en fif- fent entr'eux une cenfure méprifan- te ? La Multitude de ces Agriculteurs eft fervilement attachée à ce qu’elle à - [ur l'Agriculture. 39 appris par routine;& décideavec hau- teur que tout autre qu'eux elt 1gn0- rant en fait de la culture des terres. M. de la Salle fe flatte néanmoins de parvenir à les inftruire ; & (eom- me il dit, p. vij ) « les retirer de leurs » routines, pour donner une pleine » profpérité à l'Agriculture. » If compte que les Laboureurs ferontun accueil diftingué au Manuel qu'il vient de compofer pour eux ; & que ceux qui ne fçavent pas lire, l'apprendront dans ce même Ouvrage fous des Mai- tres. Aurefteil ne propofe aucune pra- tique qui ne foit déjà employée par les bons Laboureurs. Pour ce qui eft des népligents , nous défirerions que fon Livre eût parmi eux un heureux fort. 11 s’en flatte, parce qu’il ne leur pro- pofe rien ( dit-il ) qui foit étranger aux ufages connus. « Comme la premiere » partie de ce Manuel eft faite pour » expliquer les pratiques locales, & » montrerqu'il enréfulte évidemment » une admirable méthode, la feule » qu'il intérefle de faire connoitre à »tous les Laboureurs; le Gouverne- » ment (dit-il) ne peut fe difpenfer de » répandre &: diflribuer cette partie de 49 Défenfe de plufieurs Ouvrages » fon Livre dans toutes les campagnes : >. PP. 468, 469. Voyez-y auf les pp. #70 ; 471 & 484. Plufeurs Ecrivains ont déjà eu un femblable défir ; & tout récemment M. Thierriat, par rapport à fes Inffruétions fur la Culture es terres : confultez le Journal Œcono- mique , Juin 1764 , p. 241. | M. de la Salle apperçoit déjà, dans un agréable avenir, fon Livre entre les mains de toute la jeunefle ; cha- que famille, chaque Collége, cha- que Univerfité , l’adopter pour enfei- snement, & comme « le feul Rudi » ment dont on puifle faire ufage , ” dans cette branche d’éducation » déformais nécefaire : P. 484.7 Cependant s’il ne convient d'inf- truire que les gens de la campagne , comme le veut cet Auteur ; & fi c’eft de cette inftru&ion que lon peut at- tendre une pleine profpérité pour l'A griculture ; pourquoi dit-1l( p. x.) que « l'on ne parviendra jamais, en » France ni ailleurs, à rétablir parfai- ” tement l'Agriculture , que par les » Propriétaires ? « OùS convenons que c’eft en effet aux Propriétaires que doivent être ———— MS fur l'Agriculture. _ 14 principalement adreflées ces fortes d'inftru&ions ; pour qu'ils dirigent les opérations des Agriculteurs. Auffi M. de la Salle a-t-il deftiné unique- ment, pour cet ordre deperfonnes, la 2e-partie de fon Manuel : & cette partie occupe plus de 80 pages. Il y établit l'importance de former des Prairies dans un corps de ferme ; & fait voir 10. « que le défaut de Prairies » ne peut être réparé que par les Pro- » priétaires ; 2°, comment ils doi- » vent s'y prendre pour y parvenic » fans avoir la peine de faire valoir pat » eux - mêmes ; 3°, ce qu'ils doivent » faire encore après l’établiflement » des Prairies; 4°..... quelles font » les autres attentions qu'ils doivent » avoir fur leur corps de ferme ; $°, ce » qu'ils doivent fçavoir d’Agricultu- » TE; EC. » Une conféquence naturelle de tou: tes ces inftruttions , eft que les Trai- tés d'Agriculture adreflés à d’autres qu'aux gens de la campagne, font utiles , importants , néceffaires : vû, fur-tout, que la première partie du Manuel (adreflée aux Laboureurs } eft un tiflu de phrafes emphatiques, de 42 Défenfe de plufieurs Ouvrages difcours vagues , & de raifonnements peu fuivis , où il feroit difficile d’ap- percevoir beaucoup de notions pré- cifes dont un Laboureur puiffe pro- fiter. | Mais en prononçant ainfi en faveur des Fermiers ; M. de la Salle ne vou loit vraifemblablement que faire une levée de bouclier, deftinée à préve- nir d’abord contre quelques ouvrages modernes, qu’il a raifon de regarder comme au - deflus de la portée du vulgaire. Tel eft entre autres le fyité- me de M. Tull, qui n’a encore été compris que par des perfonnes accou- tumées à réfléchir fur les effets des diverfes pratiques d'Agriculture. J’a- voue que, dans ce que M. de la Salle nomme le Corps des Agriculteurs , peu de gens ont contraëté cette heureufe habitude , laquelle cependant jointe à une affiduité de travail, que les obftacles invincibles rebutent feuls , fraye la route des grands fuccès. Au refte ,nous n’avons garde de foufcrire à l’affertion de M. de la Salle qui décide que lon a été conduit à propofer de nouvelles méthodes pour réformer l'Agriculture, parce qu’on = fur l'Agriculture. 43 la regarde comme un Art imparfait , méprifable , ignominieux , réduite comme elle eft, à de fimples fermiers & locataires ( *) : Quand nous difons que le plus grand nombre des gens de campagne font incapables de revenir fur les opé- rations d'Agriculture auxquelles ils font habitués ; nous fuppofons tou- jours comme une vérité établie, & qui fort naturellement de notre pro- poñition même, que la claile des La- boureurs comprend des gens fenfés, dont la main eft dirigée par le juge- ment, & qui adoptent volontiers ce qu'ils reconnoiffent pour bon, de quelque part qu'il vienne. Auf M. Duhamel , toujours équi- table & Juge bien éclairé, a-t-il fait fentir dans fon Traité de la Culture des Terres l’eftime que méritent ces Laboureurs diftingués. Il y dit dans Ja Préface du Tome V.p. 11j, que « ce- » Jui qui fçait tirer de fon champ un » plus grand produit que ne font les » autres , doit être regardé comme »un homme qui en s’enrichiffant , (*) Man. d'Agric. p. 4; 44 Défenfe deplufieurs Ouvrages » procure en même temps le bien de » la fociété ; un Citoyen précieux, » qu'il faut encourager, & même ré- » compenfer. Car onelt heureux que » le défir d'augmenter fes revenus & » d'acquérir de la confidération, pui. » fe faire des Citoyens. » D Nous voyons encore avec fatisfac- tion, dans la Préface du Traite de lEx- ploitation des Bois, p.iv & v; ce vrai Sçavant apprécier les talents & le gé- nie de ceux qui s occupent à la main- d'œuvre dans l’Œconomie Rurale. Après avoir dit que l'examen des bois pour la charpenterie eit un objet trop fçavant, dans certains cas, pour de fimples Ouvriers ; il ajoute : « Qu'on » ne me foupçonne cependant point » de regarder les Ouvriers avec mé- » pris : nés dans les forêts , & livrés > au travail dès leur enfance , ils s’oc- » cupent uniquement de l'objet qui » fait leur état. Non, la fueur & la » poufliere dont ils font couverts ; » leur peau brûlée par le Soleil ou » flétrie par le froid ; les haïllons dont »1ls font vêtus, ne me font point » 1llufion. Je me fuis entretenu avec » de ces bonnes gens, que j'airecan- fur l'Agriculture. 4$ » nus doués d’un bon jugement na- » turèl, & capables de réflexions >» juftes fur leurs opérations. Maisils » font trop conflamment occupés de » leurs travaux, pour pouvoir fe li- » vrer à des recherches : toujours » preflés dans leurs opérations, ils » n’ont pas le loifir d'étendre leurs » réflexions ; & le befoin de faire fub- » fifter leur famille les contraint de » fuivre, fans s'en écarter, les prati- » ques qu'ils ont reçues de leurs pe- » res Nombre d’entre eux fçavent » fort bien ce qu'ils ont vü & revü; » 1ls font même de temps entemps, » des remarques qui les conduifent à » mieux opérer , Ou à éviter quel- » ques-uns des inconvénients qui ré- » fultent des pratiques établies : mais » renfermés dans un petit cercle d’i. » dées, leur jugement naturel ne les » met pas à portée de urer toutes les » conféquences que pourroient leur » fournir leurs propres opérations, » Gardons-nous bien de traiter d’au- » tomates ces fimples & bons opéra- » teurs : je me fais un plaifir d'avouer » qu'ils ont été mes premiers maitres ; » mais aufli ne nous perluadons pas 46 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages » qu'ils fçachent tout ce qu’on peut » fçavoir {ur les objets qui les oc- » cupent. Ce n’eft donc point dans » la vue de les méprifer, que j'ai cru » qu'il convenoit de venir à leur fe- » cours». Ces expreflions, dignes d'une belle ame , annoncent un dif- cernement très - jufle. On ne peut difconvenir que la pratique de l’ad- minifiration Rurale a beloin de ré- forme. Mais un grand homme fe fait beaucoup d'honneur lorfqu'il donne de juftes éloges aux Culuiva- teur & aux Ouvriers qui ont cer- taine portion d'intelligence quoi- que fes inférieurs en capacité à d’au- tres égards. Piufieurs Laboureurs ont déjà eu le courage de mettre à des épreuves plus ou moins confidérables la Nouvelle Culture : & le produit moyen de diver- fes années confécurives les a raflurés contre la jufte défiance d’une nou- veauté peu connue. La perfpetive de tripler leur revenu fut un motif affez intéreflant pour engager quelques- uns d’eux à fuivre les confeils de M. Duhamel, en17503 & ce zélé Pa- triote acheva de lever toute difhculté, fur l'Agriculture. 47 en promettant un dédommagement fi le fuccès ne répondoit pas à fon at- tente : * Tr. de La Cuir. des Terres, T.IT p.s & 6. Un payfan d'un village voi- fin imagina de lui-même une expé- rience pour s’aflurer de la jufteffe des principes qui font la bafe de la nou- velle Culture, & laréuffite en fut très- avantageufe : même Tome, p. 20, 21, & 22, On y voitencore ( p.$1 & 52.) un particulier qui pratiquoit depuis plufeurs années la nouvelle Culture, encouragé par le produit de fes épreuves, étendre cette Cul- ture à d'autres piéces de terre, Ani- més par l'exemple des fuccès opé- rés entre les mains de M, de Chäteau- vieux « plufieurs Payfans, & c’eft beau- » coup dire, ont fait faire des Char » rues femblables à la fienne, pour » labourer leurs terres : * p. 115.» Dès 1752, le fils d’un gros Fermier, du voifinage de M. Duhamel, établit la nouvelle Culture fur 12 arpens de fa ferme : (p. 123-24.) M. de Châ- teauvieux rapporte qu'en 1753 plu- fieurs Payfans du Génevois, voulurent auf faire ufage du femoir , dont ils voyoient réfulter des avantages très- 48 Defenfe de plufreurs Ouvrages réels dans les terres de ce Cultivateur attentif. Voici ce qu’il ajoûte. « Leur » exemple ne fera pas indifférent pour » Ja fuite. Onconnoîtleurrépugnance » à fe prêter à de nouvelles pratiques : > celle-ci s’elt fait jour à travers leurs » préventions ; mais bien éclairés fur » leurs intérêts , la vûe de leurs fe- » mailles leur fait regretter de n’avoir ».pas enfemencé une plus grande » étendue de terre fuivant cette mé- » thode : » (Tr. de la Cult. des Terr. T. III. p.163. ). En 1753, «des Pay- » fans du Bayonnois, renommés pour » bons Agriculteurs, ayant eflayé la » nouvelle Culture dans de bonnes » terres bien fumées ; la beauté de » leur froment attira bien des fpe&ta- » teurs ..... Ils battirent tot leur » grain , fans avoir la précaution de » féparer celui de la nouvelle Culture » d’avec l’autre. Mais ils fe propofc- » rent de continuer : preuve qu'ils » étoient contents (T.IV.p.103).» Un Génevois, quiavoit fait en 1752, 3 & 54, des expériences paralleles de la nouvelle Culture & de l’ancien- ne, ayant euen 1754 un fuccès fou- tenu & des avantages confirmés : « le | « Métayer fur l'Agriculture. 43 » Métayer fut bien perfuadé qu'il fal- » loit préférer la nouvelle maniere » d’enfemencer les terres, à l’ancien- » ne ; & pria très -inftamment fon » Maître, de ceffer dès-lors toute cul- » ture en parallele , & lui permettre » d’enfemencer toutes fes terres avec » le femoir (p. 368-9.» M. de Châteauvieux rapporte en- faite (pp. $31-2) que, durant l'hiver de 1754, quelques Payfans charge- rent un d'entre-eux de venir lui dire qu'ils commençoient à avoir très- bonne opinion de fa méthode ; que la beauté de fes femailles les éton- noit ; que s’il vouloit bien leur com- muniquer le détail de fes expérien- ces, 1ls fe rafflembleroient plufieurs pourles lire & y faire leurs réflexions. Puis il ajoûta : « Je crois bien que » nOus ferons d’avis de femer en » plein avec le femoir ; après cela » NOUS verrons: peut-être bien faudra- » t-il en venir à faire des planches. » Ce refpe&able Magiftrat, qui fçaic, ainfi que M. Duhamel , difcerner le mérite des hommes, { V, ci - deflus : pp. 43 & fuivantes.) dit « qu'il trouva # beaucoup de bon fens ir con: #o Défenfe de plufieurs Ouvrages » duite réfléchie dans ces Payfans ss. En 1753 ; un Laboureur d'Ouroux en Bourgogne , nommé Terrier, zèlé & intelligent Cultivateur, fema 687 perches de terre, tant en orge qu'en froment , fuivant la nouvelle culture , avec un femoir qu'il conftruifit lui- mème (*). Si M. de la Salle a jamais là ce Traire de M. Duhamel, qu'il prétend réfuter invinciblement aujourd'hui, fa mé- moire eft donc bien infidèle, puif- qu’il a avancé affirmativement dans la p. 526 de fon Manuel d'Agriculture, que « quoiqu'il y ait bien des années » que cette méthode foit annoncée , » on n’a pas encore vû un feul de tout » le corps des Agriculteurs qui ait été » feulement tenté de l’effayer ;, ni en » grand, ni même en petit ; malgré » les exemples qu’on s’eft efforcé de » leur en donner.» Mais il eft toujours très-vrai que le plus grand nombre des Agricul- teurs eft incapable de fe décider pour rifquer une pratique , d’ailleurs au- deflus de leur intelligence; & qu’ainfi les moyens de perfectionner l’Agri- {*) Cas, des Terre Te VIe pe 137-8 > 1408 fur l'Agriculture. s* culture doivent être adrellés à des Cultivateurs d’un ordre plus relevé, & à des Propriétaires en état de diri- ser la main du Laboureur. Tels font, par exemple , MM. de Montefui, d'Ogilvy , de Neuville, Credo, Van- dusfel, Bonnet, Conilh, Navarre, Guerin de Corbeilles, de Montfoury, de Laumoy , Veron, Harrouard , de Beelinski ; Nonand, Colombet , Rouflel , de Meflay , de Sournia, Blanchet ; Mad. la Préfidente d’Au- geard ; D. Edouard Provenchere ; le Frere François ; D. le Gendre ; MM. Boifliere , de Vormefel , Never, de Trolly , d'Elbene, de Javonfa, de Garfault, Bonrepos , de Brue , Dian- court, Aymen, Dailly, le Vayer , de Villiers , de la Croix, Thomé, de Blane, de Dallemans, de la Fond, de Juranvigny , Claffé , Beaulieu , Délu, Donat, France, Tulle ( Avi- gnonois , dont M. Duhamel a re. gretté la mort en 1758, dans le 6°, vol. du Tr. de la Cult. des Terr. page 66 ) ; & autres perfonnes de divers états & conditions, dont les procé- dés attentifs & réfléchis font indi- qués dans le même Ouvrage de M, Ci 52 Défenfe de plufieurs Ouvrages Duhamel. Confulrez-en le T. I, p: xxxv'le TH po, 928% 127; 238, 250-5-9 ;» 261 ,; 270 , 348» 355-9,:367:leT. III, p. xlviij, 6, 23 , 349 » 61, 178: I, IV.p. vi, VI) IX, Xj; 35 $ > 20-$ » 30-7 , 55 » 79 ; 98 , 110-6-7-9 » 366, $530-3-4 : T.V,p.V,5, 9 11:20; 54, 60-73; "1, 84, 118,127; 144, 150,213, 247-8-9 , 251-3-4-5-6, 261-2 , 283- 6,486, $06:T. VI. p. 47, 52-4, G1- 2-$-6-7,72-3-4-7: 84, 97; 101-2 juf- qu'à 136, 137» 193-7» 100-1 ,493-7s M. de Chäteauvieux a communi- qué à M. Duhamel, pour être infé- rée dans le même Livre deltiné à éclairer les Cultivateurs, une fuite de journaux de fes propres expériences, où l’on a lieu d'admirer que ce Ma- giftrat chargé de l’adminiftration de la République de Genèêve, fçache a!- : lier aux occupations de l'Homme Pu- blic , les foins d’un homme privé, pour la régie de fes biens. Voyez le Tr. de la Cult, des Terr. T. II. p. 89, 280,318,333: TL. IL. p. 74 jufqu'à 177 53 & 214: ENIN PRET, EC: T.V, p. 416, &c, &c, &c. La Mé- thode contre laquelle M, de la Salle fur l'Agriculture. LE fe déclare, y paroît avec une fupé- riorité , au pied de laquelle échouent tous les raifonnemens deftitués d’ex- périences fuffifantes. M. de Chateau- vieux , à force de labours & de foins, réduifit fes terres (de différentes qua- lités) à l’état d’ameubliflement qui rend fenfbles les avantages de là Nouvelle Culture. Malgré les efpaces vuides , les récoltes fe font montrées annuellement de plus en plus abon- dantes, & toujours beaucoup fupé- rieures à celles que produifoit la pra- tique commune : outre que le même champ portoit du froment fans inter- ruption , & fans avoir befoin d’une année de repos abfolu, ni d’une autre année de foulagement deftinée aux Mars. | Nous aurons occafon de dévelop- per plus amplement ces objets. Ii fufhra pour le préfent d’avoir montré que les inftruétions relatives à lAgri- culture , doivent être offertes à des Cultivateurs au-deffus d’une multitude qui s'occupe ordinairement de la ma nutention des terres. On conçoit aifé- ment que plus une pratique défec- tueufe elt univerfelle parmi le com- Ci 54 Défenfe de plufieurs Ouvrages mun des gens de la campagne, plus il eft ralonnable de n’en propofer d’abord la réforme qu’à des perfonnes d'uné condition aïfée & d’un efprit cultivé. Leur inteligence, leurs fa- cultés , l'avantage d’être plus libres pour difpofer de leur temps , les met- tent à portée de tenter, d'exécuter même les pratiques que l’on préfume être plus avantageufes. Si ces perfon- nes réufliffent, le Payfan fe détermine à les imiter. On a affez conftamment l'expérience que, tout incapable qu'il eft en général de fe prêter aux chofes de raifonnement , lors même que l'é- vidence en accompagne la démonf- tration , il fenc à la fin qu'il Ii im- porte d'imiter une pratique dont on a fenfiblement retiré du profit fous fes yeux. Ce n’eft donc pas aux Agricul- teurs purement pratiques qu'il faut s'adreffer pour introduire une nou- veauté, dont lutilité & le produit fe: ront principalement pour eux. Le nom feul de Nouveauté fufiit pour les éloigner : à plus forte raïfon fi la nouveauté exige des dépenfes extra- ordinaires , quoique bien compen- fées par le produit. fur l'Agriculture, SÉT Un Fermier ou Locataire capable de penfer & réfléchir, & qui peut dif- pofer d’une partie de fon temps & de quelques fommes, eff de niveau avec les Propriétaires dans l'intention de celui qui offre de nouvelles lumieres fur l'Agriculture ; mais avec cette dif- férence que peut-être les gens de Îa campagne font un peu plus lents, plus difficiles à émouvoir, à con- vaincre , à perfuader. Mais l'intérêt qui anime toujours efhcacement , & qui fait toujours impreflion fur eux, parce qu’ils font environnés de be- foins preffants, opere avec letemps, par rapport aux nouveautés réelle- ment utiles , une révolution qui con- firme les premiers acquiefcemens de laraifon. i D'ailleurs M. de la Salle femble méconnoitre qu'il y a des perfon- nes de tout état, qui vivent habituel- lement à la campagne , & y font va- loir leur bien en tout ou en partie. D'autres y pañlent plufeurs mois de l'année,& fouhaitent de pouvoir amé- liorer leur jouiffance. Combien d’Ec- cléfiaftiques y font fixés par devoir ! Les perfonnes qui ie a ces dif- | iv 6 Défenfe de plufieurs Ouvrages férentes claffes, doivent être moiïns livrées aux préjugés qui tyrannifent le Payfan fubjugué par l'indigence & par le défaut d'éducation. Elles font plus difpolées à fe prêter à des tenta- tives qui ont une utilité bien appa- rente : & leurs fuccès ne peuvent man- quer d’exciter lémulation. Le Payfan oui verra fon Seigneur, fon Curé, ou {on voilin, faire habituellement des récoltes plus avantageufes que les fiennes, prendra du goût pour telle méthode qu’il n’auroit jamais goûtée fans ces exemples fenfibles , qui font précifément ceux qu'il faut aux gens de cet ordre. Il eft donc à defirer que les Phyfi- ciens amateurs d'Agriculture , les Gentifshommes & les Eccléfiaftiques qui réfident habituellement à la cam- pagne , & les autres perfonnes éclai- rées que l’état ou le goût détermi- nent à fuivre les moyens de faire va- loir les terres ; il eft, dis-je , à defi- rer que toutes ces perfonnes concou- rent à éclairer le Payfan. Indépen- damment des fecours de’ce genre, déja émanés des Bureaux d’Agricul- ture établis dans les Provinces , nous 4 fur l'Agriculture, 5? avons fait ci-deflus une énumération aflez nombreufe, quoique incomplets te , de perfonnes intelligentes & ac- tives, qui ont donné à leur canton l'utile exemple de ce que peut pro- duire une heureufe application des bons principes d'Agriculture. Que M. de la Salle , plein de lui- meme , dife d’un ton d'Oracle ( Mu- nuel d'Agric. p. $14) : « On peut pré- » dire avec confiance que la Mé- » thode de M. Tull ne s’établira ja- » mais en France ; l'Agriculture n’y » étant généralement exercée que » par les gens de la campagne, &c. » Nous venons de voir que cet Art n’efE pas reftreint à ceux qui ne fourniffent que la main-d'œuvre ; & que la nou- velle culture a déja quelque crédit parmi les Laboureurs mêmes. S'il y en a entre les mains de qui elle n’ait pas réufli pour le froment, toujours eft-il vrai qu'ils ont eu des fuccès pour d’autres végétaux. La fuite de cet examen achévera de montrer quel fonds on peut faire fur laprédic= tion indifcréte de M. de la Salle. C y $8 Défenfe de plufreurs Ouvrages. ë Sc E Tous les Ecrits faits depuis quelques an- nées , concernant l'Agriculture , font- ils à rejetter ? Doit-on ne conferver aftuellement & pour toujours , que ceux de M. de la Salle. Dr’ s le moment où parutleTraité des Prairies artificielles | dont nous avons parlé ci-deflus p. 2, les Con- noifleurs s’emprefferent d’en faire l’é- loge : & depuis , ils ont unanimement continué de le regarder comme unli- vre digne d’êtremisentre lesmains des Cultivateurs. M. de la Salle fe plaint néanmoins aujourd’hui ( Manuel d'A- gric. p. 38 ), que fon ouvrage n'a pas été fufhfamment accueilli. Qu'ambi- tionne-t-1l donc de plus, que des fuf- frages fi honorables ? Réunir en fa fa- veur les voix de Juges éclairés & in- tégres, c’eft inconteftablement jouir du droit de fe dire à foi-mèême ;, que | l’on avoit bien fait. Plus ceux qui le publient hautement font refpecta- bles par la fupériorité de leurs lumie- res , plus leur témoignage devient fur l'Agriculture. s9 fatisfaifant quand on peut fentir la valeur de telles approbations. MM. Duhamel & Pattullo, qui ont fignalé leur zèle pour les progrès de l'Agriculture , fe font particulière- ment fait un plaifir d’annoncer le mé- rite du premier Livre de M. de la Salle ; & leur célébrité a fans doute beaucoup contribué à la réputarion dont il a joui. Il a lieu de fe féliciter de ce qu'on lit dans les pages 4 & $. de l’Effai fur l’Amélioration des Ter- res : « L’Auteur des Prairies artif- » cielles , qui a eu pour objet l’amé- » lioration particuliere de la Cham- » pagne, a du moins découvert par » fa propre application & fon induf- » trié , l'unique moyen , qui eft d’y » faire des Prairies artificielles , & d'y » augmenter la quantité du bétail. » la couché les vrais principes ». M. Pattullo le cite encore avec éloge dans les pages, 159 , 160-7. Non-feulement M. Duhamel, dans le 6e. volume de fon Traité de la Cul- gure des Terres , a cité (p. v ) M. de la Salle, comme ayant tracé une bonne route ; & dit(p. 161) que fa méthode eit très-bien expofée dans le Livre G v] 60 Défenfe de plufieurs Ouvrages des Prairies artificielles : il en donne encore le précis (p. 162-3-4-5 ) ; & y ajoûte des réflexions toutes obli- geantes pour cet Auteur. Faifant en-- fuite le parallele de ce fyftême avec celui de M. Pattullo, M. Duhamel avertit que la pratique de M. de la Salle « convient principalement pour les » terres Où une partie des champs eft » propre aux herbages , & l’autre à » porter du grain. » Comme M. de la Salle attaque fur- tout ces deux célèbres Auteurs, j'ai cru devoir expofer le procédé géné- reux dont Hs l'ont prévenu ; & qui devoit lui diter une conduite de mo- dération & d’égards , lors même qu'it fe croyoit en droit de s’oppofer à leurs fentiments particuliers. Mais il avoit pris fon parti pour ab- batre tout ce qui pouvoit recevoir en concurrence avec lui les honneurs qu'il prétend réferver pour lui feul, Plus ces adverfaires font célèbres, plus ils irritent fon ambition & fon envie. Auffi n’eft-il pas maître de dif- fimuler que c’eft contre eux qu'il di- _rige d’abord fes batteries. S'il pou- voit réuflir à éloigner ceux qui {en fur l'Agriculture. ér tent que de tels hommes méritent des refpe&s, il fe flatte de raffemblez autour de lui tous les hommages. Son Manuel d'Agriculture réfu= te ( dit-il, p. x1ij & xiv ) ce à l’excep- >» tion de l'Ouvrage des Prairies Arti- > ficielles, tous les Auteurs & Ecri- -» vains Modernes fur l'Agriculture , >» parce qu’ils ontméconnu nos Prati- » ques locales, & la Méthode con- >» tenue dans fon Manuel ; parce qu'ils » Ont ignoré... que les Propriétai- » res font les feuls qui puiflent rétablir » parfaitement l’Agriculture ( Voyez » Ci-deflus p. 41.); & parce qu'ils » n’ont pas réfléchi à l'utilité, Pavan- » tage, & mème la néceflité , des ja- » chères : plufeurs d'eux n’ayant pas » même entendu cette matiere. » « ]l croit les réfuter avec d'autant » plus de raifon, qu'il prétend qu'ils » font caufe que le Gouvernement , » malgré toutes fes bonnes inten- > tions, n’a pü rien faire encore pour » le rétabliflement de l'Agricultu- 2 FE. » Enfin, cet Auteur ajoûte « qu'il s’eft » attaché plus particuliérement à ré- >» futer la méthode de M. Tull, parce 62 Défenfe de plufieurs Ouvrages »u'elle renverfe plus dire&ement % nos Pratiques locales. » M. Tull ( c’eft-à-dire , M. Duha- mel, puifque c’eft lui qui a éclairci & accrédité la méthode de cet An- glois }, eit donc le principal but à la deftru&tion duquel tend M. de la Salle, I! fait encore affez fouvent retentir en ennemi le nom de Paitullo. Sans nom- mer M. Tillet , il témoigne très-in- telligiblement fa jaloufie contre cet Académicien de Paris au fujet du Prix que l'Académie de Bordeaux a adjugé à fa Differtation fur les Mala- dies des Grains. M. de la Salle ne nous laïfle pas ignorer le motif qui l'anime contre ce troifieme Auteur célébre : confultez le Manuel d'A- gricult. p. 340-1-2. On fouhaiteroit qu'il n’eût point fini par dire qu'au- cun Laboureur intelligent n'ayant écrit fur les moyens de remédier à la Nielle ou Brune, & lui-même ayant Été trop OCCUPÉ pour CONCOUrIr au Prix de Bordeaux ; « c’eft ce qui a » donné tout l'avantage apparent à » ceux qui ont ofé écrire fur cet Art, » d’açrès de fimples ipéculations ( p. »313-)2 _— RS S Rene Remeste — fur l'Agriculture, 63 On pourroit croire que M. de la Salle qui regarde fa Méthode comme Univerfelle, a été indifpofé contre M. Pattullo, pour avoir 1û dans l'E fai [ur l'Amel. des Terres, p.43; que le Traité des Prairies artificielles eft entré dansun affez grand détail « mais relatif à l’état » prélent de quelques Provinces par- >» ticulieres, plus qu’àl ’ufage général » du Royaume : & p.çs; que tout » ce qu'on pourroit defirer à la Mé- » thode qu'il propofe, c’eft qu'elle » fût un peu moins lente ». Il aura peut-être encore trouvé offenfant que M. Pattullo lui ait donné des avis, dans la page 161. Pour M. Duhamel, je n'ai rien ap- perçu dans fes écrits , qui ait pû don- ner fujet d’épancher la bile de M. de la Salle : à moins que ce ne foit une obfervation inférée à la p. 167 du 6e, vol. du Traité de La Culture des Terres 3 où , fans paroitre avoir aucune inten- tion de critiquer , M. Duhamel rap- porte hiftoriquement « que fes Fer- »miers font depuis long-temps quel- » que chofe de pareil à ce que M. dela »Sallea exécuté avec uneintelligence »digne d’être propofée pour mode- G4 Défenfe de plufieurs Ouvrages »le».Durefte, M. de la Salle a cru que la Nouvelle Culture frondoit fa Métho- deadoptive. Mais s’ilavoiït bien étudié cette nouvelle pratique, il en feroit bientôt devenu lapologifte, com- me d’un fyftême relatif à toutes fes meilleures vûes , & parfaitement d’ac- cord avec les vrais principes de l’A- griculture : vérités que les allégations de faits démontreront avec évidence dans toute la fuite de cet Ouvrage. Le 4e, adverfaire , que M. de la Salle défigne par le nom de certain Auteur , nous eft tout-à-fait inconnu. Il compte apparemment que la dé- faite de ce très-petit nombre , fufira pour caufer une déroute générale. Car il ne fpécifie que ces quatre Ecri- vains : & cependant onavû (p.61) qu'il fe vante de réfuter tous les Au- teurs & Ecrivains Modernes. Après avoir déclaré que nous ne pre- nons pas la défenfe de tousles Auteurs qui ont écrit depuis peu fur lAgri- culture,nous nous en tenons à exa- miner fi MM. Duhamel, Tillet & Pattullo, ont méconnu les Pratiques Locales; la maniere de mettre les terres en Valeur ; l'importance ds fur l'Agriculture. 6S concours des Propriétaires avec les Fermiers ; l'avantage & la pratique des Prairies artificielles ; les effets qui réfultent des Jachères. C'eft à quoi fe réduit tout ce dont M. de la Salle les accufe. Je commence par M. Tillet ; la difcuflion des deux au- tres affaires ayant befoin de plus de temps, & embraffant tous ces objets, dont une partie feulement entroit dans le plan de fa Differtation. | Pour s’aflurer que M. T1L£EET n'a point écrit d’après de fimples fpecula- tions , comme l’a dit M. de la Salle, (ci- deffus , p..62); il ne faut que confulter fa Differtation fur la caufe qui corrompt & noircit les grains de bled dans des épis, & [ur les moyens de prévenir ces accidents : couronnée par l'Académie de Bordeaux en 1754, contrele vœu de M. de la Salle. On y voitune Théo- rie foutenue d’Expériences variées & multiphées par lAuteur même, en 1751, 1752 & 1753. S'il n’eût pas été inftruit des diverfes pratiques in- diquées ou d’ufage pour remédier à la maladie , le premier & le 4°. chapitre de fa rre, Partie ne feroient point une énumération des moyens employés 66 Défenfe de plufieurs Ouvrages ( par exemple ) en Picardie, dans l'E letion de Chatellerault, & dans le Pays de Caux ; ni le précis des opi- nions , & des préfervatifs que diffé- rents Auteurs ou Cultivateurs ont adoptés ; outre les propres conje&u- res & tentatives de M. Tillet. Cet Académicien de Paris peut-il ignorer comment on établit des terres en valeur, & avoir fcavamment parlé de quantité de faits, dont un Cultiva- teur aflidu , & un Obfervateur, peut feul être en état de rendre compte, & de les combiner comme 1l'a fait en homme éclairé, dans les chapitres 2,3 & 43 dans leur fupplément ; & dans la 2e. Partie ? Pour ce qui eft de la découverte que M. de la Salle femble s’appro- prier, qu'il donne à entendre que M. Tillet a ignorée, & que nous conve- nons avec lui être un excellent moyen pour fe préferver de la Nielle &c : nous fommes encore fâchés pour l'honneur de M. de la Salle que le té- moignage dû à la vérité nous force à _dire qu’on trouve la même chofe dans la Diflertation de M. Tillet. On en jugera par cet extrait fidele des deux Ouvrages. fur l'Agriculture. 67 Ce que M. de la Salle (Man. d'Agric. p. 330 ) appelle Bruine , paroît être la maladie nommée Carie par M. Tillet ; Differt.p. 33:34:35. Le Bled échaudé où retrait, dont il eft queftion dans les pp. 28 & 29 de la même Differ- tation couronnée à Bordeaux, eft vraifemblablement le Bled Nielle de la p. 332 du Manuel d'Agriculture. M, de la Salle dit qu'on ne peut pas re- médier à cette Nielle ; mais que l'on peut prévenir ce qu'il nomme Brui- ne, & en garantir le Froment. Ce réfervatif « ne confifte qu'à tremper » le grain dans une eau tiede, en le » remuant plufieurs fois en tous fens » avec un bâton, & enlevant chaque » fois avec une écumoire tous les » grains quifurnagent : on répéte cette » opération jufqu'à ce qu'il n’en fur- » nage plus»:p.333. Tous les grains qui s’élévent à la fuperficie ne font pas fains , ni fufhfamment pleins... » On a l'expérience ( ajoute-t-1l, » p. 334. )que, quand on ne feme » qu'un grain bien mûr & bien net, » qui ne provient que des meilleures » gerbes fur lefquelles on n’a donné 68 Défenfe de plufieurs Ouvrages » que quelques coups de fléau, on eff » exempt de la Bruine. I] paroît donc » que cette maladie ne provient que » de la foibleffe & de l’imperfeétion de » la femence ; c’eft-à-dire, de fon dé- » faut de maturité, ou de quelque al- D CÉ[ATION », M. Tillet infifte de même en plu- fieurs endroits fur l’importance de ne femer que du grain bien conditionné. Nommément p. 130 de fa Diflerta- tion ,il reconnoît par le réfulta de fes expériences fi habilement combinées, par rapport à la maladie en queftion , « l'avantage qu’il y a de n'employer » qu'un grain pur & bien choifi, mé- » M€ fans aucune préparation ». Il ajou- te, p. 144, comme un fait dontil eft certain par fes propres yeux, « qu’un » des plus forts Laboureurs , qui ap- » porte une attention fcrupuleufe au » choix de la femence , n’a jamais fes » bleds gâtés. .... Puis 1l dit que du froment pur (c'eft-à-dire, fans préparation }, feule- ment bien lavé, & féché au foleil ; Jui fournit un beau champ, où les épis cariés furent extrtèmement rares : fur l'Agriculture. 69 voyez fon fecond Plan figuré. Les expériences de M. Tillet ont encore fervi à confirmer ce qu'il a avancé (p. 84.) que «les Bleds ca- » riés font ceux dont les épis ne fleu- » riflent point , quoique bien confti- ». tués en apparence & pourvûs de » leurs étamines ; & dont les grains » fe corrompent par degrés fans perdre » beaucoup de leur forme naturelle, » & finiflent par fe convertir inté- » rieurement en une pouflière grafie, » noirâtre , & d’une odeur infuppor- » table ». M. de la Salle faupoudre de chaux le grain , aufli-tôt après l'avoir lavé; afin qu’il fe féche, fe foruifie , & ger- me plus vite : Man. d'Agric. p. 335$. Cette pratique , aflez commune dans les campagnes, n’a pas échapé à M. Tillet : qui, pour éprouver jufqu'a quel point on pouvoit en tirer avantage ; a de plus combiné la chaux avec une lotion de fel marin. Pour ce qui eft d’enlever avec une écumoire les grains qui furnagent ; on voit cette pratique depuis long-temps dans les livres d'Œconomie rurale, &s "© Défenfe de plufieurs Ouvrages dans le Traité de la Culture des Terres T. IL. p. lv. Voyez auffi les Elémens d'Agriculiure T. I. p. 326 & 327. Ces divers textes de MM. Tillet & de la Salle ont une reffemblance aflez frappante pour annoncer incon- teftablement que l'un & l’autre Au- teur ont eu intention de dire la mê- me chofe. Mais la Difertation de M. Tillet a paru en 175$ : & M. de la Salle n’a publié qu’en 1764 le Ma- nuel d Agriculture , où ilaffe&e de mé- connoitre le contenu de la Differta- tion. On ne s’oppolera pas qu'il eflaye de difputer à M. Tillet la gloi- re d'être inventeur : deux hommes de génie peuvent atteindre au même but, fans que l’un ait aidé l’autre. Nous fouhaiterions cependant que M. de Ja Salle eût le mérite d’avoir cherché à s’inftruire , par la leture des lumi- neux écrits de fon antagonifte ; où, au lieu d’affertions vagues, on trouve des expériences faites avec beaucoup de foin, & des preuves completes ; où l’on voit des moyens très-efica- . ces pour prévenir l'accident du noir, ou de la carie ; & que-du grain bien fur l'Agriculture, 7? mûr, bien {ec , & bien conditionné, donne des épis noirs quand on l'a barbouillé de ceite pouflière, &c. &c. Le Syftème de M. ParTurzcoa-t-il reçu quelque atteinte réelle des coups que M. de la Saile lui a portés ? Au- tre quéftion intéreffante, » Pour remédier aux caufes du dé- » labrement de notre Agriculture , je » propofe (dit M. de la Salle p. 115 & #iv) deux moyens bien fimples, qui » auront certainement tout l'effet » qu'on peut s’en promettre, quoi- » qu'aucun de tous ceux qui jufqu’à >» préfent ont écrit ou donné des Mé- » moires pour la rétablir, n'en ait » feulement pas fait la moindre men- > tiONn ». Sans doute qu’il excepte le Traité des Prairies artificielles , comme nous avons déjà obfervé qu'il le fait expref- fément ailleurs. Mais, comment MM. Duhamel, Pattullo, & généralement tous ceux qui ont fuggéré des moyens d'améliorer la Culture des terres, ont- ils ignoré ce que M. de la Salle a feul découvert? Ou plutôt , comment les yeux de ce Lynx ont-ils été affez in- fideles pour lui rapporter qu'aucun | a 72 Défenfe de plufieurs Ouvrages Ecrivain n'a fait la moindre mention de ce qu'il donne aujourd’hui comme du neuf ? En vérité que penfera-t-on de lui quand j'aurai démontré que tout ce qu'il dit de plaufñble eft ex- preflément contenu dans les livres qu'il s'efforce de déchirer? C’eft un fair conftant. En voici les preuves : outre celles qu'on a déjà vues par rap- port à M. Tillet. | Confidérons d’abord ce qui regar- de M. Pattullo : j'aurai occafion de rappeller cette imputation , relative- ment à M. Duhamel, Ces deux moyens uniques, vantés par M. de la Salle, font 1°, « lacon— » noiflance des Pratiques locales de chaque Canton, de chaque Ter- roir, &c. Ces pratiques contien- » nent (dit-il,p. iv & v) la véri- table Méthode d'Agriculture. Auf- » fi eft-ce l’objet de toute la pre- » miere partie de fon Manuel , où il » a voulu en expoler les principes, » les opérations, les différentes fa- » çons de les exécuter relativement » à toutes les fortes de qualités de » terreins qui fe rencontrent ; & com- » ment On doit s'y prendre pre les ien vw VV La 7 vu VU fur l'Agriculture. 73 » bien connoître, à l'effet de parve- » nir à leur donner à chacune les cul- >» tures qui peuvent leur convenir, » en fe fervant de l'expérience, dont » cette même Méthode indique f1 _» bien l'ufage & les effets. » Arrêtons - nous un moment pout pefer toutes les parties de cette {om- me de perfeétions, en les comparant avec l'ouvrage de M. Pattullo, Qui- conque a lu fon Efjai für l’Ameélioration des Terres, imprimé à Paris en 1759, y a néceffairement oblervé qu'il re- garde comme très -importante Îa connoiffance des diverfes Pratiques locales. Non feulement il compare notre Méthode de tenir les terres avec celles que l’on fuit avantageufe- ment en Angleterre, en Hollande, & en Irlande (nommément p. 259 & 260) : on y lit encore, pp. 212, 213 & 262, que « chaque Province a {a » culture particuliere ......fouvent » quelque pratique plus avantageufe » Ou plus facile que ce qui s’obferve » ailleurs; & que......beaucoup » d'obfervations qui nous reftent à » faire exigeroient des connoiflances > particulieres qu'il faut acquerir fur les 74 Défenfe de plufieurs Ouvrages » lieux ». Bien plus, M. Pattullo dit politivement , p. 272, qu'ilæferoit à >» defirer que de toutes les connoiffan- » ces éparfes dans les meilleurs Ecrits » économiques de toutes les Nations, » autori{ées par leur pratique, véri- » fiées & conflatées parles obferva- » tions diverfes que l'émulation ..…. >» pourroit faire apporter de tous cô- » tés ...., On formät un corps com- » plet d'Agriculture ». M. Partuilo ne mérite pas plus le reproche qu’on lui fait de n'avoir point eu égard aux Différences de Terreins , pour y proportionner la Culture. Ces objets, au contraire, l'ont beaucoup occupé. On peut en juger parles Titres fuivants. Page23: « De la différente Nature des Terres, » & de la qualité & quantité d'engrais » qui conviennent à chacune. P. 36, » &c: Ordre & Travaux d’Améliora- » tion & de Culture. 1re Efpece : des » Terreaux , & Terres de Jardin. » 2€ Efpece : des Terres argilleufes » & pefantes. 3° Efpece : des Terres » mélangées & moyennes. 4° E/pece: » des Terres fablonneufes, grave- » leufes, & légeres ». Ces détails fe fur l'Agriculture, 7$ renouvellent avec des inftruétions de pratique, depuis la page 81; & repa- roifient encore à la p. 114. Enfin ie fyflème du livre entier a pour bafe une culture relative à chaque efpece de terre , foit pour le choix & la quan- tité des engrais , foit pour la diftribu- tion & l'emploi du terrein; toujours dans la vûe d’en tirer le meilleur parti pofhble. Mais M. de la Salle prétend avoir _ feul faifi les vrais principes & les vraies opérations dont il réfulte une méthode propre à devenir univer- felle (p.vj). A-t-il donc propofé à cet égard quelque maxime utile, que M. Pattullo ait omife, ou contre- dite d'avance? J'avoue que je n’ai rien apperçu de tel, en lifant avec attention leurs ouvrages refpe&tifs. Ileft dit dans le Manuel d'Agricul- ture, p. 183 que M. Pattullo, en pro- pofant de mettre en Prairies artifi- cielles la moitié ou les ? d’un corps de ferme de 300 arpents, ne réferve point aflez de terre pour fournir la paille que confommeront fix cents vaches ou bœufs. Pour bien juger de cette difhculté, on doit fe rappeller D ij 76 Defenfe de plufieurs Ouvrages que M. Pattullo compte fur les avan. tages de la culture qu'un corps de ferme recevra dans fa totalité par le fyftème qu'il propofe : fyftème qui. diftribue fur toutes les terres une fuc- ceffion continuelle de fumiers & d’au- tres amendemens. Perfonne ne doute qu'une bonne culture ne foit capable de porter fort haut le produit des ter- res. Aufli M. de la Salle dit-il (Prairies Artif. p. 63, 64, 65 & 66), que lui- même a réuflt, par le moyen des en- grais, à recueillir en froment dans 24 arpents 15 fois la valeur de ce que cette étendue rendoit auparavant en feigle : ce qui confirme le principe de M Pattullo (p. 175$ ), que « c’eft » moins l'étendue des cerres miles » en grains , que l'efpece de culture » qu'ils reçoivent , qui décide de la » quantité de la récolte ». 51 donc M. de la Salle a recueilli en froment 15 fois la valeur de ce qu'il recueilloit en feigle auparavant, c’eft comme fi fon ancienne récolte eût été ditri- buée fur une étendue quinze fois plus grande. Il cite un terrein de 24 ar- pents : On peut donc aujourd'hui l’é- galer à 360. Au lieu du 15°. que M. fur l'Agriculture. 77 de la Salle s’eft procuré, ne peut-on pas accorder un cinquieme de béné- fice à M. Pattullo ? car fa méthode roule conftamment fur de puiflants engrais, comme celle dont il eft queftion dans le livre des Prairies ar- tificielles. Cent arpents de femence rendront donc alors autant que font $00 aujourd’hui, tant en grains qu'en tuyaux. Or la paille de 500 arpents eft fuhfante pour bien entretenir fix cents têtes de bétail ,tant en fourrage qu'en Jitiere ; fur-tout fi l’on obferve d’en- tremêler la nourriture, d'herbe frai- che ou féche, & de paille , comme l'enfeigne M. Pattullo, p. 151. Il eft littéralement vrai qu'une terre amé- liorée rend beaucoup plus de grain & de paille : puifqu'au lieu d’un feul tuyau auquel chaque plante fe trouve communément réduite dans une terre qui eft en mauvais état de culture, les tuyaux ou tailles fe multiplient en raifon égale à l'amélioration. Au refte M. de la Salle ne peut contefter ce calcul ; puifqu’il a dit (Prairies artif. p. 55 ) que dix à douze arpents, tant prés que marais , lui nourrifloient jadis cinq ou fix vaches, & environ une D) Dé 78 Défenfe de plufieurs Ouvrages trentaine de moutons , dans le temps où fa ferme étoit prefque de nulle valeur : c'eft comme s’il difoit que chaque arpent d’un fort médiocre pà- turage fournifloit la nourriture d’une bête à corne; fuivant fa propre évalua- tion, de cinq à fix moutons pour une vache (Prairies artif, p. $$ ). Com- ment donc les pailles de oo arpents de terre bien tenus, & 200 arpents de bonnes Prairies aruficielles , ne pourroient-ils pas fufhre à nourrir fix cents de ces mêmes animaux ? Et la paille fuppofant l’exiftence du grain , il s'enfuit que le grain de la valeur de $oo arpents peut bien nourrir € entretenir le ménage du Fermier : ce que M. de la Salle regardoit com- meimpofüble ; Man. d'Agric. p. 1282, 184 & 18. Et comme il faut toujours avoir tort quand on ne fuit pas la route tre- cée par M. de la Salle, il dit ( Manuel d'Ag. p. 295 ) que «M. Pattullo , fans » s’'appercevoir qu'il alloit contre les » premiers principes de l'Agriculture, » n’a pas héfité de propofer fon grand » fyftême d’herbages & de beftiaux, pour parvenir à établir générale- fur l'Agriculture. 75 5 ment fur toutes fortes de terres , in- » définiment, la fuppreffion des ja= » chères par le feul moyen des en- » grais ; comme s’il nétoit queftion » que d'employer leur abondance & » leur renouvellement , pour en ti- » rer fans les laifler repofer ; autant » de récoltes qu’on le voudroit. » Nous examinerons par la fuite l’ef- fet des jachères en elles - mêmes. Ne les confidérons ici que fous le rapport fpécial qu'elles ont avec le fyftème de M. Pattuilo. Le fond de la chofe intérefle le Public. Mais, pour évincer M. de la Salle , ül fufht de loppofer à lui-même,comme nous avons fait jufqu'ici, & de mon- trer que fes imputations portent tou- jours à faux. Les engrais , joints au bon labour , comme on les voit mar- cher de front dans toute la pratique de M. Pattullo , peuvent-ils être accufés d'aller contreles premiers principes de l’A- griculture ? Quoique le mélange des terres , tel que le propofe M. Pattul- lo , foit d’une grande difhculté dans l'exécution , à raifon de la dépenfe ; il n'eft pas moins vrai que ce procédé réduit toutes Les différentes terres à Div 50 Défenfe de plufieurs Ouvrages une feule efpèce à qui l'on donne un degré d'excellence, proportionné aux attentions & aux frais que l’on y emploie. Et M. de la Salle qui crie fi haut en faveur des jachères, convient ailleurs « qu'il y a des can- » tons dont les terres par leur heu- » reufe pofition n’ont befoin que d'ê- » tre labourées & femées , fans qu'il » faille y employer les engrais & les » jachères ; qu'il y a même quelques » Pratiques locales entieres où , par le » moyen des engrais, on peut fe paf- » fer des jachères : ( Manuel d’A- » griculture ,page 71). » M. Pattullo ne s’eft donc pas écarté des bon- nes pratiques locales : ainfi qu'il n’a point frondé les premiers principes de l'Agriculture. Voici encore un rexte de M. de la Salle, qui plaide lui- même la caufe de fon Adverfaire , p. 244. « Le repos que donnent les ja- » chères méritant, dit-1l, la plus » grande attention, ils’agit de fçavoir » quand il convient de les employer » ou de les fupprimer :-on peut dire » qu'en celaconfifte la grande fcience » de Agriculture ». Les jachères ne fur l'Agriculture, Sr font donc pas d’une abfolue néceffté. - 2°. M. de la Salle fait encore va- loir ce qu'il a dit du concours des Propriétaires avec les Fermiers, pour le bien de l'Agriculture : comme fi M. Pattullo n’en avoit pas fait la moindre mentions ce font fes termes, p. iv. Ce- péndant je vois dès la p. 10 de l'Effai fur l’'Amélioration, M. Pattullo propo- {er fa méthode particuliere, autant aux Propriétaires mêmes qu'au commun des Fermiers. Puis à lap. 127, il ob- ferve que le préjugé de vouloir abfo- Jument mettre en grains deux foles completes, a paflé des Fermiers aux Propriétaires , dont la plüpart y obli- gent les Fermiers dans leurs baux. » Ainfi , ajoute-t-1l , c’eft eux [les Propriétaires ] « qu’il faut commen- »cer par détromper ; les affurant » bien ..... que ce font les pâtures » & les prés naturels ou artificiels qui » améliorent les terres par le double » moyen du repos, & du fumier des » beftiaux qu’ils mettent à portée de » nourrir. Plus on fera d’abord de ces » herbages artificiels , plus l’amélio- » fatiOn ira vite », D v £2 Défenfe de plufieurs Ouvrages L’Auteur des Prairies artificielles er a-t-il parlé d’une manière plus expref- five © | M. Pattullo demande ( p. 157) que les J’ropriétaires faffent la dépenfe d’enclorre chaque ferme ; qu'ils en divifent les foles ; qu'enfuite ils veil- lent à l’ordre de la culture telle qu'ils Tauront établie, & qui, felon lui, re- nouvelle & entretient des Prairies artificielles dans tout un corps de ferme. Dansles pp.178 & 179, il fait fentir que la mifere du Fermier reflue nécef- fairement fur le Proprietaire ; & que celui-ci eft intéreffé à faire les dé- marches convenables pour y apporter reméde. Après avoir parlé de linconvé- nient des Baux limités à une durée infuñifante pour la bonne exploita- tion: enfin du défavantage qui rélulte de la mauvaife diftribuuion des terres & héritages morcelés entre quantité de Propriétaires : il dit (p. 194-95- 06-97-98-99 , & 282) que tout Pro- priéraire gagneroit beaucoup à échan- ger les morceaux qui lui appartien- nent, enforte que tout fon bien füt | à fur l'Agriculture. 83 raffemblé. Les pp. 278, 279, 280, éclaircifflent l'avantage de faire des baux plus longs que de neuf années, Cet Auteur fuggere auffi aux Poflef- feurs de grandes terres lPintérèt qu'ils ont de ne pas abfolument ignorer A. griculture ; & de ceffer de s'en fap- porter à des gens que la: feule avidité dü gain conduit, Enfin l'invite (p. 2r$.,216.5)266, 267) chaque Pros piiétaire « à donner l'exemple à fes » Fermiers, la plüpart trop peu inf- 2 truits & trop prévenus pour vouloir » rifquer quelques avances à cé qu’ils » appellent. avec une forte de dériz s fion, dés Expériences & des Pros » jets ; & qui d'ailleurs font trop à 2 l’étroit, & manqueroient des fo 1ds » néceflaires. Chacun de ceux qui en » font à portée, dit M. Pattullo, de- » vroit faire valoir du moins une de » fes fermes; y mettant tout lé foin & » la dépenfe néceffaires ; y pratiquant + toutes les efpeces d'amélioration # dont elle pourroit être fufceptible ; »felon fes connoiïffances où celles » dés'plus entendus de fes voifins : on * rendroit ainfi les avantages de l’ina » duftrie fenfibles & palpables à tous Ÿ} 84 Défenfe de plufieurs Ouvrages » les Fermiers.. «... Des gens de la » plus haute naiffance ont été les pre- » miers à commencer en Angleterre » & en Ecofle ; & ils enont acquisun » furcroît de confidération ». Ces divers endroits ainfi rappro- chés (& que nous prions que lon veuille bien comparer avec letexte de M. de la Salle rapporté ci-devants p.40 & 41 }ne préfentent-ils pas ,.en faveur de M. Pattullo , le tableau d’un Auteur perfuadé de l'avantage que les Propriétaires peuvent procurer à VAgriculture ; & qui a fait de louables efforts pour les engager à y concourit avec leurs Fermiers ; par des avances convenables, & par leur propre exem- ple ? M. de la Salle a pris de bonne heure ce fage parti; &ilena détaillé les bons effets dans fon ouvrage des Prairies artificielles. Auffi lui en a-t-on fait honneur. Mais par quelle fatalité veut-il,contre toute évidence , que la même route ne fe trouve aucune- mént tracée dans les bons livres mo- dernes ? Je crois qu'ondui rendroit un bon office en publiant qu'il les a blä- més fur des rapports infideles qu'on lui en a faits ; & que fes occupations fur l'Agriculture. 8$ l'ont empêché de confulter ces livres mêmes. ._ AYANT jufqu'ici expofé l’incon- féquence de M. de la Salle , dans un degré de démonitration qui ( j'ofe le dire ) triomphe des plus forts préju- gés ; il me refte à plaider contre lui une derniere caufe : celle de M, Du hamel. On ne fera pas furpris que je redouble mes efforts pour achever d’éteindre un écrit deftiné à flétrir des noms refpe@ables. L’imagina- tion de M. de la Salle s’enflamme, fur - tout, quand 1l s'agit de cenfurer M. Duhamel : les termes peu mefu- rés, des injures même, fufhfent à pel- ne à fa pétulance. Mais pour peu que lon foit fur la réferve , on voicclaire- ment qu'il a moins voulu attaquer en forme la nouvelle Culture, qu'indif- pofer contre elle par des déclama- wons. Toute la critique qu'il en fait roule fur de faufles indu@ions , ou fur des conjectures hazardées. En y ré- pondant j'aurai le même avantage que Jai conftamment eu jufquà cette heure , de battre M. de la Salle par fes propres armes, & faire voir qu'il a attribué à M. Duhamel des fentiments 86 Défenfe de plufieurs Ouvrages oppofés à ceux que fes ouvrages an= noncent de la maniere la plus pofi- tive; & que cet Académicien a de- puis long-temps publié, ou réfuté folidement, les obje&ions qu'on pré- tend lui faire aujourd’hui. Venons aux preuves. M. Duhamel eft un des Auteurs acculés dans le Manuel d'Agricule. p.1v & v, de n'avoir pas feulement fait la moindre mention des Pratiques Lo- cales, & des principes qui doivent fervir de guide pour en fäire Fappli- cation aux différentes terres , d’après l'expérience. Siona lu, ou fion veut hre , le Traité de la Culture des Terres , & les Elémens d'Agriculture ; deux Ou- vrages que M. de la Salle a en vue lorfqu'il attaque ce grand Naturalifte & Cultivateur : on fera bientôt décidé fur cette allégation. Des Titres feuls de Chapitrés la réfutent. Fels font premierement ceux des 7, 8, 13, & 15°. Chapitres du 1r. vol. du Traité de la Cult. des Terres : où M. Duhamel parle de l’ufage ordinaire pour le dé- frichement des bois, des landes , des prés, &c; des différentes manières dont on laboure relativement à la fur P Agriculture. 87 qualité du terrein : une terre légere, une bonne terre à grain qui ne retient pas l'eau , une terre forte , & ainfi des autres , demandant des traitements différents. M. Duhamel y parle des Jabours en planches, & de ceux en fillons ; & des bonnes ou mauvailes façons dont ces labours s’exécutent ; .& l’on peutrapporter à ces principes généraux les pratiques des différentes Provinces. [compare auf la cultur ordinaire des Raves & des Navets pour le bétail; & celle des Bleds, & des Mars ; avec la méthode indi- quée par M. Tull pour la culture de ces diverfes plantes. On préfume bien que toutes les pratiques ne font pas rapportées en détail dans ce livre 3; celles d'une feule Province pouvant fouvent fournir la matiere d’un petit volume. Ces mêmes objets font en- core traités dans le 15. Tome des Elé. ments d'Agriculture, livre fecond , cha- pitres 1 & 2 qui compofent enfemble dix Articles. On voit auffi des Pratiques Loca- les, rappellées dans fa Préface du ir. volume du Traité dela Cult. des Terr. p. xxxij & lvij ; & des Obferva- 88 Défenfe de plufieurs Ouvrages tions judicieufes fur le fol général de certains cantons, p.liiÿ: Ê.2.p.114, 374, & fuivantes:'T.3,p. 1x, xij, XXXVII, S: 45 RE» 1431447 T6, p.482: T.6,p.7,32-4-5-6-9 , 44- 5-6,86:96,167, 224, 226, 268,269, 506 : & dans les Eléments d'Agriculture Tr, p.v, 126 juiqu'à 157, 202, 222, 227, 271, 368-369, 389, 393; 402, 40$ : T. 2,p. 8 & fuivantes, 399; 400-06; & ailleurs : Toutes connoif- lances quiréfultent des propres voya- ges de M. Duhamel , ou des avis contenus dans les Mémoires de fes plus exaéts Correfpondants. Les dé- tails fur les différentes manieres de labourer & d’exploiter étoient même effentiels pour faire mieux compren- dre les effets & la pratique de la nou- velle Culture. | De plus, toutes les inftru@ions, toutes les expériences bien faites, qui {ont diftribuées dans ces huit volu- mes, annoncent, ou fuppofent né- ceffairement , que l’on a eu égard aux Pratiques Locales & à la Différence des Terres, pour combiner ces no- tions & en tirer un parti avantageux. d'antôt ce font des ufages d'une Pro: fur l'Agriculture. 89 vince ou d'un Canton, que l'on met en expérience à côté d'autres. Tan- tôt un même effai fe répéte avec exac- uitude fur des champs dont les quali- tés font plus ou moins oppofées. On obferve les circonftances des faifons, la marche des évenements ; on ba- lance les fuccès des divers procédés, on étudie enfin le Livre de la Nature; & il en réfulte un précieux affemblage de faits choifis & de principes lumi- neux, relatifs à toute efpece de cul- ture. QuaxDp M. de la Salle dit ( Man. d'Agr. p. 30) que le Laboureur amen- de , feme & laboure toujours de mé- me, fans diflinétion de terrein , ce qui occafionne un grand défordre; croit- il nous apprendre quelque chofe quenous n’ayons pas déjà vû obferver par M. Duhamel? Cet Académicien, au contraire, infifte en beaucoup d'en- droits, fur la routine par laquelle on exécute ces opérations importantes ; fans raifonner fur leurs effets relatifs à la qualité du fol. Ainfi, dans le 10€, chapitre du 1, volume du Traité de la Cult: des Terres, cet Académicien, après avoir examiné ce qui réfulte du co Defenfe de plufieurs Ouvrages plus ou moins de profondeur où les femences fe trouvent placées, obfer- ve (p. 129) que dans un champ plein de mottes , & inégal la plus grande partie du grain s’amaffe dans les fonds, pen- dant qu’il en refte peu fur les éminen- ces : diftribution que l’on voit être fort inégale, & qui fait que les grains entaflés trop près les uns des autres fe fuffoquent mutuellement, & venant à avorter , occafionnent une perte confidérable pour la récolte. D'ail- leurs le grain qui fe trouve trop avant enterre, ne léve point :tandis qu’au contraire une partie, qui refte fans être enterrée , devient la proie des oifeaux. Dans la Préface du même volume ; (p. lt) M. Duhamel demande « que » l’on faffe attention que les terres » qui font lesmeilleures pour produire » dufroment, font rarement très-bon- » nes pour l’aveine ; & que les plus » propres aux menus grains, four- >» niflent ordinairement peu de fro- » ment ». D'où il tire cette confé- quence naturelle, que le véritable intérêt des Cultivateurs demande- roit qu'on ne fit porter à chaque foi fur l'Agriculture. Gi que ce qui peut y réuflir avec le plus d'avantage ; fans s’aftreindre à vouloir tirer du froment de chaque piéce de terre, puis des menus grains. On trouve rappellée dans Le 3°.vo- lume (p. 1$0) » cette importante » maxime de labourage, fi peu prati- » quée par les Fermiers, de ne jamais > faire travailler les charrues lorique » les terres font trop humides ». Nous y lifons encore (p. 155$)» qu'une même quantité de femence ne convient pas pour toutes fortes de terres ; qu'il faut la varier avec intelli- gence, & larégler fuivantles circonf- tances du temps, & la bonne ou mauvaife préparation que lon a don- née aux terres. Puis (p.204) M. Duhamel obferve que dans les années féches, les grains doivent plus taller dans les bonnes terres franches , que dans les légeres ; qui fe defféchent promptement ; mais que quand l’année eft humide & froi- de, les grains tallent plus dans les terres légeres que dans les franches ; celles-ci étant plus froides. Une multitude d’autres endroits dépofent pareillement contre M. de 02 Défenfe de plufieurs Ouvrages la Salle , que les ouvrages de M, Duhamel ont fait une ample mention des chofes qu'il prétend y avoir été abfolument omifes. Qu'il faille que les Proprietaires conviennent avec les Fermiers fur les moyens de tenir leurs terres en bon état de culture ; c’eftun article qui a encore été traité par M. Duhamel : quoique M. de la Salle affure le con- traire. Ainfi, dans la Préface du 15. volume du fr. de la Cult. des Terr. lit- on ( p. liv ) que « fouvent une partie + des terres d’une grofle ferme eft » très-propre pour le froment, pen- + dant qu'une autre n’eft bonne que » pour les menus grains ; dans ce cas » un Propriétaire feroit l'avantage de » fon fermier en lui permettant de » déranger les foles pourles employer » à produire l'efpece de grain qu'il » fçaura par expérience y mieux réuf- » fir». On reconnoit là ce que j'ai déjà eu plufieurs fois occafion d’obferver ; que M. Duhamel eft d’avis que l’on confulte le Laboureur , pour profiter de l’acquit que lui a donné l'ex- périence, & qu’enfuite on la dirige vers la perfeétion par les principes fur l'Agriculture, 93 lumineux des obfervations & de la {cience. Dans le 2e. volume du même Trai- té, p. 344, M. Duhamel dit qw’il faut » que le Maître s'occupe lui-même de » la nouvelle Culture ; fans quoi ;, » point de fuccès ; và que l’on ne » peut gueres attendre d'un fermier » l'attention de ne négligeraucundes » articles de cette méthode ». Cet avis important eft répété dans la Pré. face du 4e. volume, p. xiv ; où l’on voit que quand « on abandonne cet- » te culture à des valets, leur attache- » ment aux anciens ufages, leur pa- » refle , leur peu d'intelligence , leur ? nonchalance pour ce qui peut aug- » menter le produit des terres, l’un » ou l’autre de ces motifs influent » prefque toujours fur les travaux. . -...&c. Voyez encore les pages 69 & 386 du même volume ; & le Tome $- p-60& 1$1. M. de la Salle qui, comme on l’a vû €i-deflus ( p. 4r }), avertit les Propriétaires qu'ils ont des moyens de mettre en valeur des terres incul- tes fans en prendre la peine par eux- mêmes, ne défavoueroit pas ce que 04 Défenfe de plufieurs Ouvrages dit. M. Duhamel dans le 6e; volume au Tr. de la Culr. des Terr. p. 218; & dans les Elem. d'Agric. "À. 1. p. 2177-18, qu'un Propriétaire fait très- Lien « d'abandonner fes mauvaifes » terres à des Payfants, qui feuls peu- » vententirer parti: attendu que ce » font eux qui exécutent avec leur - famille les travaux de fouille , d'é- » pierrement, &c, dont le Proprié- taire ne viendroit à bout avec des » gens de journée qu'à grands frais ». Il peut auffi aider les Payfants , de fes avis, pour qu’ils trouvent mieux leurs intérèts dans cette entreprife. Dans le 1r. volume des Elements d'Agriculture ( p. x) & xij), ce zélé Pa- triote donne en peu de mots, aux Propriétaires , une fuite de confeils importants ; QUE ; fans doute, on me fcaira gré d’avoir tranfcrits 1CI. « Pour que les domaines fuffent te- » nus en bon état, il feroit à défirer » que les Propriétaires Îes fiffent va- » Joir par leurs mains; ou qu'au moins » ils vouluflent préfider aux opéra- »tions. Les Fermiers, peu inftruits » des recherches que l’on a faites fur » l'Agriculture, & qui ne font pas Jur l'Agriculture, CF » aflez opulents pour rifquer des expé- _»riences,ne connoiflent que leur rou- » tine ordinaire : & comme ils ne font > qu'ufufruitiers , ils n’ont point d’au- » tre objet que de tirer tout le profit » poffible des terres qu'ils tiennent » à loyer, fans s’embarraffer de les » dégrader. Les Propriétaires, ordi- » nairement plus inftruits, neperdent » pas de vue l'amélioration de leur » fond; & ils tendent continuelle- » ment à perfectionner leurs opéra- » tions, Mais rien ne dégrade tant une » terre, que de la louer en entier à » des gens riches , qui s'engagent de » faire bon des deniers. Ces mercé- » naires tirent parti de tout : ils dé- » gradent les bois, négligent l’entre- » tien des prés, ruinent les fermiers » & les pauvres habitants des campa- » gnes. Dès que les uns ou les autres » ne fe trouvent pas en état de payer » aux échéances, ils fonc tout faifir ; » grains, beftiaux, uftenfiles de la- » bourage, &c ; pourvû qu'ils tirent > un gros profit de leurs baux, leur cb. » jet eft rempli. Ces coeurs durs & avi- » dés ne font nullement fenfibles aux # cris des miférables qu'ils écrafent, 06 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages » Quelle différence entre une pa- >» reille régie , & celle de ces Proprié- » taires vertueux & amis de l’huma- » nité, qui s’intéreflent au progrès » de l'Agriculture, & dont j'ai (dit- » il } fait ci-devantmention®». Le 4°. Article du 12e. livre des mè- mes Eléments (Tome 2), roule en- tièrement fur l'utilité dont feroient en certains cas, pour l'avancement de l'Agriculture , les Baux à longues années. M. de la Salle a cependant afluré que M. Duhamel n’avoit pas fait la moindre mention du concours des Propriétaires avec leurs Fermiers , comme très-avantageux & mème né- ceffaire à la réforme qu’exige l'état a@uel de notre Agriculture. J'avoue que M. Duhamel n’a pas préfenté un Propriétaire dans l'aétion où M. de la Salle s’eft peint lui-même par rap- port à l’établiffement de fes Prairies artificielles, Mais avoir parlé de fa méthode avec beaucoup d'éloge, n’eft-ce pas avoir invité les Proprié- aires à fuivre l’utile exemple qu'il leur a donné ? Tanror cet Ecrivain prétend que M. fur l'Agriculture, 07 M. Duhamel & tous les autres n’ont pas feulement fait mention de ce que lui {eul a découvert comme des moyens uniques ( p. iv ) : tantôt il fe contente de dire que, quoique l’expofé de ces mêmes prétendues découvertes »ne foit, pour ainfi dire, que l’AI- » phabet de l'Agriculture, . ...tous » nOS Auteurs & Ecrivains modernes » y ont pleinement échoué lorfqu’ils en ont » traité : p. XV) & xvij». Eft-ce contra- di&ion , ouun fimple oubli, dans M. de la Salle , que ces phrafes oppofées fur un même fujet? A-t-il inten- uon d'expliquer, de modifier peut- être, dans le fecond texte, ce qu'il avoit hazardé dans le premier ? Quoi qu'ilen foit, voyons fi M. Duhamel a pleinement échoué lorfqu'il a traité des Prairies Artificielles. Car c’eft un de ces moyens fimples dont M. de la Salle prétend avoir feul parlé, au moins de maniere à en apprendre le véritable ufage. Il a probablement fenti après coup que c’étoit aller contre l'évidence que de dire affirma- tivement, comme il avoit fait d’a- bord, que M. Duhamel n’avoit pas traité cet objet, E 08 Defen/e de plufieurs Ouvrages Selon M. de la Salle ( p. vij & viij) c'eft avoir touché le point de la « pleine profpérité de l'Agriculture , «que d'avoir mis les Cultivateurs » en état de bien exécuter l’opéra- » tion de l’engrais , qu'il eft queftion » de toujours renouveller & entrete- » nir fur la totalité de leurs corps de » ferme, fi confidérables qu'ils puif- » fent être , pour les maintenir en » parfaite valeur. Et ne pouvant y par- » venir que parles Prairies & les bef- » tiaux ; on doit rendre fenfible aux » Cultivateurs que, dans les pays & » cantons Où Ja nature n’a point éta- » bli de Prairies , ou n’en a pas établi » affez, ils peuvent y fuppléer par des » établiffements de Prairies Artificiel- » les». Perfonne ne pouvant contef- ter que M. Duhamel ait beaucoupin- fifté fur l'importance & la néceflité des Prairies Artificielles , dans cha- cun des fix volumes qui compofent le Traité de la Culiure des Terres, & dans les deux Tomes des Elémens d’Agricul: ture, ilferoit fuperfiu de s'arrêter à démontrer cefait. Toute la queltion. femble donc réduite par M. de la Salle même (p. viij) à fçavoir «s’il n'y fur l'Agriculture. 09 » a que lui qui ait fixé raifornable- »ment la quantité de ces Prairies, » pour ne pas faire tort aux Jachères » & à la pâture des Bêtes-blan- » ches ». | Je n’héfite point à convenir haute- ment que cet Auteur a tracé une bonne méthode de pratique à cet égard , dans fon Traité des Prairies Ar- tificielles. On a vû c1 devant (p. ç9 & 60 ) que MM. Duhamel & Partullo fe fonc fait un plaifir de lui rendre cette juftice. Mais , de ce qu'une chofe eit bonne, s’enfuit-il qu'eile foit ex- cellente & parfaite ; qu'elle doive être fuivie, à l’exclufon abfolue de toutes les autres ? On peut encore moins en conclure qu'il n’y a aucune de celles ci qui ne foit très-vicieufe. Je n’outre pas la penlée de M. de la Salle : fi M. Duhamel & tous les Mo- dernes , excepté lui , ont pleinement À échoue quand ils ont traité des Prairies Aruficielles , 1ls font donc dans le Vaux ; & lui feul , dans le vrai. D'’ail- 4 leurs j'ai déja eu occafon de faire re- marquer en partie le ton faftueux avec lequel il s'annonce pour terrafler les {Héros ; anéantir tous ceux qd nos 1] de di&er des Loix , & offrir aux ref- per le fens que j'ai donné à fa façon 100 Défenfe de plufieurs Ouvrages jours ont pris la plume ou qui par la fuite oferont le faire pour écrire fur l'Agricuiture. De-là il fe juge capable pe&s de l'Univers Cultivateur, le nou- veau MANUEL , comme devant être le livre des Princes , le /eul Rudiment de tous les Colléges, &c, Voyez [a page 484. L'ordre des matieres ne me forcera que trop fouvent de montrer encore M. de la Salle dans cette atti- tude de fufhfance. J’ajoûte feulement ici une phrafe qui acheve de dévelop- de pr vs Après avoir répété que c’eft à lui qu’eit dûe la « découverte de la véritable méthode de lAgri- » culture , dans chacune de nos pra- >» tiques locales ; il dit qu'il en ré- » fultera que deformais on ne s'avi[erah » plus de propofer d’autres méthodes, ..& » qu’on fçaura a quoi s’en tenir » : (Ma- NUEL D'AGRIC. p. x. ) _ Le fond de la queltion relative aux Prairies Artificielles, eft un objet fil important pour l'Agriculture, que Îa comparaifon un peu détaillée du Syf# tème de M. de la Salle avec celui d M. Duhamel, mérite l'attention dek fur l'Agriculture. De 0): tous ceux qui s'intéreflent aux pro- grès de PAgriculture. D'ailleurs l'é- tat de cette queftion, telle que M. de la Salle l’a propofée (ci - devant p. 99 ) nous conduit encore à apprécier l'avantage & la pratique des Jachères, & à examiner à elles doivent indif- penfablement faire partie de lapâture des bêtes à laine. Pour traiter plus commodément ces grands objets, je les diviferai dans les Paragraphes fuiv. S'TTT Parallele du Syftême de M. de La Salle avec celui de M. Duha- mnel, concernant les Prairies Artifictelles. Nous avons reçu des Anglois mo- dernes la dénomination de Prairies Artifrcielles , ou Päturages Ariificiels. Jls nominent ainfi des raves, navets, trefles, fainfoins , luzernes , & autres racines ou herbages propres à nourrir le bétail. Les anciens Ecrits fur l’A- griculture ont fait mention de plu- fieurs de ces plantes , & ont rendu fenfible l'avantage de les cultiver. Depuis, on a pareillement infifté fur | E 102 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages la culture de ces plantes fiutiles , & fr. propres à être fubftituées au fourrage ‘des prés naturels. Il y a déja du temps qu’en France & ailleurs on a plus ou moins fuivi cette pratique, dont il réfulte un fort grand bien pour le bétail , & pour l'amen- dement des terres. Ainfi, aux envi- rons de Perpignan , lorfqu’on a un terrein que l'on peut arrofer , l’ufage eft d'y femer du trefle aufli-tôt après … la récolte , fur le chaume même du froment ; on l’arrofe aufli-tôt, & en- core plufieurs fois pendant l'été ; & durant lhyver on le fait paître aux moutons & aux agneaux. Ceux qui n'ont point de troupeaux s'accommo- dent de leurs herbes avec les Fer- miers de la montagne qui ont des troupeaux qu'ils ne peuvent nourrir à : caufe que leurs terres font couvertes. de neige : cette récolte produit un! revenu confidérable. Au printems, quand l'herbe a été mangée en verd par le bétail, on arrofe le terrein ; le trefle repouffe fort vire ; on le fauche lorfqu'il eft en fleur , & on le fane pour le ferrer avec les autres foins. Immédiatement après cette récolte , | fur l'Agriculture. | 103 ôn fume la terre; & ceux qui ne erai- gnent pas de l'épuifer, la labourent , & y fément des haricots ou du mil- let, après la récolte defquels ils la- bourent pour femer du froment. ( Ir. de la Cult. des Terr. T. VI, p.35, 36 }. La Hollande , la Flandre , l’Ar- tois , la Picardie , font depuis long- temps accoutumés à répandre Ja . graine de trefle , au printemps, fur le froment , le feigle ou l’aveine, déja levés ; pour que le trefle fe trouve un eu fort au temps de la récolte ;on le coupe plufieurs fois pendant deux, trois , ou quatre ans. Enfuite de quoi la terre fe trouve affez amendée pour qu’il fufhfe de retourner le trefle ; her- {er , & femer du froment , fans autre labour. Dans Pifle de France, en Lan- guedoc , en Dauphiné, &c. on {eme depuis long-temps beaucoup de trefle & de luzerne; en Bourgogne, en Nor- mandie, &c, du trefle ; en Beaufle, en Gatinois , & dans quantité de provin- _ ces, dufainfoin; en Bretagne , en Li- moufin , de gros navets ; des choux, des carottes , du jonc marin. Nous voyons dans les Elémens du Commerce , T. I, éd, de 1754 p.221 iv 104 Défenfe de plufieurs Ouvrages & fuivantes, des détails circonftan- ciés fur l’ufage des prairies artificiel- les dans plufeurs Provinces d’Angle- terre. On y obferve particulièrement en quelques endroits une alternative derécoltes & de pätures:p.223,229, 2433-46-47, 260. « L’Agriculture » Angloife ne fépare point la nourri- » ture des beftiaux, du labourage; foit » à caufe du profit qu'elle donne par » elle-même , foit parce qu’elle-mèê- » me fertilife les terres » : dit cet ha- bile & judicieux Auteur, p. 229. Je ne fçai depuis quand fubfifte à S. Domingue l'ufage où font plu- fieurs Habitants , de fubftituer à leurs prairies naturelles une plantation de fucre accompagnée de différentes plantes deftinées au bétail, dans le même pré. Toujours eft -1l certain que cette pratique a augmenté les revenus de ceux qui l'ont fuivie. Traité de la Cult. des Terr. T. I. p. vi. M. Tull obferve que par-tout où l'on a établi des Prairies Aruficielles, on fe trouve en état de nourrir par Jeur moyen beaucoup plus de bétail, que lorfqu’on eft réduit aux feuls prés naiu.cis. Il afflure même que cet avan- fur l'Agriculture, 10$ tage fait un dixième de différence, dans les climats les plus froids ; & qu’au moins on peut en nourrir deux fois plus que le nombre ordinaire, dans les endroits où l'Agriculture eft peu avancée. Ou, fi l’on n’en nourrit pas plus qu'avec l'herbe commune, (dit-il encore ), ces animaux feront toujours mieux nourris : Horfe-Hoing Hufbandry , Chap. 4. Confultez aufii le Traité de la Cult. des Terres, T. 4. p.5223 & T.6.p.154-55-56-57. En effet on ne peut contefter qu'un arpent de luzerne, par exem- ple, produit plus d’herbe que n’en donnent fix arpents de bon pré. Voyez-en la preuve de calcul , & par des faits, dans le Traité de la Cult. des LerrsLe.3;p. xl; Tome 4,p.25-6, 316-17-18-19; Tome $ , p. $27- 28-29. M. Duhamel , inftruit par fa propre expérience , a toujours parlé à l’avan- tage des Prairies Artificielles ; nom- mément encore dans le $e Volume du même Traité, p. xxVj, XXVIj, 6 $77- Il y a dans le 6° Volume un Cha- pitre de 36 pages, qui concerne | cesPrairies. Après y ee du le Y 106 Défenfe de plufieurs Ouvrages produit elfentiel que rend toute ef- pece de bétail, M. Duhamel ajoute que l’on ne peut donc trop multiplier Jes beftiaux ; mais que , comme il eft indifpenfable de les nourrir, il eft également indifpenfable de fe procu- rer des pâturages. Cet Auteur bien verfé dans tout genre de culture, donne enfuite une notion fuccinéte, mais très-jufte , des diverfes qualités de prés ou de pâturages naturels , & de la maniere dont on en tire le meil- leur parti. Puis il dit ( p. 24$ : « Lorf- »quon n'a pas de terrein propre à » faire de bons prés naturels , 1] faut » aVOir recours aux prés artificiels. On » les forme en femant dans des terres » bien labourées, certaines plantes » très-vigoureufes qui, pouflant avec » force, produifent beaucoup d’her- » be agréable au bétail. Je ne parle » ni des pois de brebis, nide la vefce, » ni de l’efcourgeon , ni du feigle que » l’on coupe en verd pour la nourri- »ture du bétail pendant l'été, où » qu'on fanne pour le nourrir l'hiver: » ( Voyez le 42 Volume du Traité de le » Cult. des Terres). Ces plantes annuel- » les, non plus que les gros navets fur PAgriculture. 107 » dont nous avons donné la culture + dans les Tomes I, III & IV , ainfi » que les pommes de terre, ne for- » ment pas, abfolument parlant, des » prés artificiels , quoique ces racines >» {oient d'un grand fecours pour la 2 nourriture du bétail. Les plantes vi. _» vaces, dont on a coutume de former » des prés artificiels, font ordinaire- + ment le trefle, le fainfoin, la luzerne, . » le fromental, tous les ajoncs. On » pourroit encore eflayer de cultiver » les plantes & les arbuftes qui pro- _» duifent des fleurs légumineufes ; car » les beftiaux en font fingulièrement » friands. En quelques campagnes on » coupe les fommités du genêt quand » la fleur eft paflée , on fait fécher ces » jeunes branche, on en nourrit les + moutons pendant l'hiver ». Mettant à part fix efpèces confi- dérables de nourritures déjà ufitées en nombre d’endroits, fur-tout en Angleterre, comme pâturages artif- ciels ; M. Duhamel nous montre une heureufe abondance de plantes viva- ces, également agréables au bétail, à qui elles fourniffent une nourriture fucculente. E vi 108 Défenfe de plufieurs Ouvrages On trouve encore dans le se Vo- Jume du même Traité, p. xix, le con- feil de « deftiner quelques arpents des » meilleuresterres d’une ferme, à for- » mer un potager que l’on cultivera » avec la même charrue dont on fe » fert pour les terres à grains : les » gens du fermier en feroient mieux » nourris ; & ce qui lui refteroit de » cette récolte , tourneroit au profit » du bétail». Nombre de plantes Ombelliferes, & de celles qui ont leurs Fleurs en Croix, augmentent donc la liffe importante de ce que M. Duhamel indique pour former des Prairies artificielles. La culture du fainfoin & celle de la luzerne font traitées dans les tomes r, 3 , 4 &S$. M. Duhamel détaille dans le 6°, (p. 146 & fuivantes } les cul- tures du trefle, du fromental & de Ja fpergule. Il traite encore de la lu- zerne & du fainfoin, dans les pages 152-$3-$4-55-56-57-59: 1600-61. es fuivantes contiennent un précis du livre des Prairies Artificielles, de M. de la Salle, avec des réflexions qui en font l'éloge. Entre autres chofes dignes d’un Ecrivain aufli judicieux fur l'Agriculture. 109 que fe l’eft coujours montré M. Duha- mel, on obferve particuliérement _(p. 16$) que, malgré l’efpece de profufon qu'il vient d’expoler à nos yeux, il dit que M. de la Salle « a » bien fait de fe borner au fainfoin , » puifqu’il a reconnu qu'il réuflit dans » fes terres roufles [ incapables d’ali- » menter du grain ]. Puis 1l ajoûte : » Ailleurs on fera bien de préférer la » luzerne, qui donne beaucoup plus » d'herbe ; dans d’autres endroits on » tentera les navets, dont M. France » fe trouve très - bien, ainfi que les » Anglois »: [ Voyez les Elements du Commerce, Tom. I. p. 259 ]. « Le »trefle, la fpergule, le fromental » pourront avoir des avantages en » d’autres circonflances, &c.».Quand on voit les objets avec l'avantage que donne la fupériorité des lumie- res, onfe plaît ainfi à éclairer, à raflurer, encourager, louer les ten- tatives , & préfenter les chofes du côté qui peut leur être favorable. Per- fonne ne fe plaindra d’avoir été cen- furé avec hauteur n1 affeétation dans aucun ouvrage de ce Citoyen refpec- cable : lorfqu'il a cru devoir avertir 110 Defenfe de plufieurs Ouvrages des méprifes de quelques Cultiva= teurs, afin d’en garantir les autres, il a toujours confervé les égards que l'humanité & la bienféance ont droit d'attendre d’un galant homme. À la fuite dela Méthode de M. de la Salle , on trouve dans le même Cha- pitre 2 du 6e Vol. de la Cult. des Terr. le plan du Syftème de M. Pattullo. En- fin M: Duhamel traite en particulier de l’Ajonc, & des Pommes de terre ; dont la culture , aflez neuve pour nous , y eft bien circonftanciée. Tout cela fe trouve rappellé dans le 2e. volume des Elémen:s d’Agricul- ture , p. 109 & fuivantes; mais avec de nouveaux détails inftruétifs, tant pour l'entretien des pâturages natu- rels, que pour la culiure des prairies artificielles. M. Duhamel, toujours attentif à multiplier les avantages de FŒconomie rurale, loue (p. 123) MM. de la Société de Bretagne, d’a- voir réfolu de faire cultiver féparé- ment prefque toutes les plantes qui viennent d'elles - mêmes dans les campagnes de cette Province, afin de pouvoir par la fuite reeonnoïtre celles qui fourniflent le plus d'herbe, Jur l'Agriculture. I1£ & dont le fourrage eft le plus agréa- ble au bétail. Puis 1l invite à étendre de femblables effais fur les plantes étrangeres. Tout ce qui regarde la luzerne & le fainfoin , dans les fix Volumes du Traité de La Culture des Ter res , fe trouve ici rapproché, & ré- duit en principes , depuis la p. 124 jufqu’à la 1402, M. Duhamel dans les articles fuivants, traite de même le trefle , Le ray - graff, le fromental , Pajonc. Il employe tout le 3e Cha- pitre, à parler de plufieurs Herbages quë fervent à la nourriture du bétail, “Toit en verd, foit en fec : ce font des plantes ane nuelles: la ! fpergule ou efpargoule, le feigle , l'efcourgeon ou orge quarrée , le maïs, la be , les pois "4 brebis. la féverole, les choux. M. Duhamel ÿ joint ce que Fon appelle mainte- nant Fourrage-verd , qui eft un mélan- ge de toutes fortes de criblures , {e- mé fur un côteau à l'abri , où l’on en- voie les troupeaux pendant l’hiver : Coniultez les pages 159 & 160. Dans Ja 1616, ce grand Maître en Bcono- mie accumule de nouveaux fecours. de fourrages , en avertiffant fimple- ment que les feuilles de toutes fortes. 212 Défenfe de plufieurs Ouvrages d'arbres, cueillies peu avantleur chü- te, font très - bonnes à fécher pour nourrir les vaches & les moutons du- rant l'hiver ; que les rameaux & les feuilles de la garance, & la fane du fafran, plaifent beaucoup aux vaches; mais que cette derniere herbe com- munique au beurre un goût défagréa- ble. Le 4e Chapitre eft deftiné aux Racines qu’on cultive pour la nourri- ture du bétail, & que les Anglois met- tent au nombre des pâturages artifi- ciels. Ici M. Duhamel, toujours habile à faifir les moyens d'étendre nos avanta- ges ,répand fur ces objets un jour plus fumineux, ce femble, que dansle Traité de la Culture des Terres. L’ufage , & la culture de chaque plante féparément , font des tableaux auxquels on ne peut que s’intérefler quand on aime l'Œco- nomie rurale : il y eft queftion de la pomme de terre, (la Patate, ou Truffe rouge }), du topinambour, des navets , raves, & carottes. Tout cela occupe depuis la page 109 jufqu’à 181. Il eft auffi à propos de confulter les pages 405-6-7 : le fouci eft ajouté, dans cet- te derniere page , aux autres herbes fur l'Agriculture. 113 utiles pour le bétail. Je doisencore in- diquer 1c1 la trainaffe , ou centinode, que l’on nomme auffi renouée ; dont M. de Montfoury a recueilli un foin égal en valeur au froment parmi le- quel cette plante avoit beaucoup pro- fité : comme on le voit dans une Let- tte de ce Cultivateur, rapportée à la p.82 du 2e Volume du Traite de la Cul- ture des Terres. Voilà certainement une matiere traitée avec toute l’étendue que mé- rite Pimportance dont elle eft pour l'Agriculture. Un avantage de ces ré- capitulations qui compolent les Elé- ments d'Agriculture elt, qu'elles for- ment par elles-mêmes un Œconome, & qu'elkes le dirigent fufhfamment pour qu’il foit en état d'agir en confé- quence, & de réuflir. Des principes courts, des idées nettes , des expref- fions & un ftyle qui y répondent, un ordre pour les opérations femblable a celui de la Nature, enfin l'attrait d’une utilité que le fimple expoférend fenfible , font le bel Art que ce zélé Patriote emploie pour engager les hommes à profiter des reflources que leur offre une bonne Agriculture. 114 Défenfe de plufieurs Ouvrages Nous n'avons garde de vouloir déprimer la méthode propofée & fi heureufement exécutée par M. de la Salle, pour établir des Prairies ar- üficielles, & améliorer fes fermes. Le parallele que nous nous fommes propofé d’en faire , n’a d’autre objet que de faire connoître combien M. Duhamel lui eft fupérieur à cet égard: loin d'avoir pleinement échoué, ainfi que M. de Îa Salle a hazardé de le dire. C'eft rendre juftice à ce Cultiva- teur , que de dire avec M. Duhamel, qu’il à bien fait de fe borner à la culture du fainfoin , puifque cette plante réuf- filoit dans des terres peu propres à la culture des grains. Ces parties juf- ques-là inutiles cefferent de l'être : l'herbage dont elles fe couvrirent fer- vit à nourrir du bétail, qui fournit enfuite des fumiers fufhfants pour ren- dre lerefte des terres plus fertile. Son domaine devint ainfi, par degrés, plus confidérable par le produit des terres & le nombre des animaux. On voit bien, dans les Prairies Ar= tificielles & dans le Manuel d'Agricul- ture, que M. de la Salle connoiît Pa- fur l'Agriculture. 11$ vantage que peuvent donner la cul- ture du trefle & celle de la [uzerne : & il a raïfon (Wan. d'Agr. p.404-$ ) de donner au fainfoin la préférence , en le confidérant comme une plante qui n’eft point difhcile fur la qualité du terrein , & que l’on peut fans rif- que abandonner au bétail. Mais cet Auteur ne prend -il pas trop fur lui, quand il prétend (p. 405, 406 ) que cette herbe , femée clair, & à plus forte raifon par rangées, comme dans la nouvelle Culture, poufle des tiges trop groffes & trop dures ; & que les feuilles n'en font plus affez fines & tendres, pour que les beftiaux les mangent volontiers féches? Il fe fonde fur une parité qu'il établit entre le foin des prés naturels, & celui-ci. « Qu'on faifle attention » ( dit-il p. 40$ ) que ce qui rend Île » foin des prés naturels préférable à » toute autre forte de foin, c’eft que » l'herbe des prés eft toujours extrè- » mement fine & tendre ». Ce fait n'eft admiflible que pour certaines fortes d'herbes, & qui ne font pas les plus communes de nos prairies. On ne voit que trop fouvent le foin garni 116 Défenfe de plufieurs Ouvrages de Jacées & d’autres plantes prefque ligneufes , ainfi que d’herbe dure & infipide : fur cent bottes, à peine en rencontrerat-on cinq d'herbe dou- ce, fine, agréable à l’odorat, Tout bétail en fait promptement la diffé- rence. Qu'on leur laiffe encore le choix des prairies naturelles, ou de celles qu'on nomme aujourdhui artificiel- les ; on les voit toujours préférer celles - ci, tant en fec qu’en verd ; & faifir par inftiné l'excellence de cel- les qui ont été cultivées fuivant la nouvelle Méthode. M. de la Salle n'avoit donc pas fuffifamment obfervé les chevaux ni les beftiaux , puifqu’il vient de dire que le foin des prés na- turels eft préférable à tout autre. Les animaux pour qui nous deftinons lu- ne & l’autre nourriture , ont un fenti- ment qui les rend juges irréformables a cet égard. Oui, c’eft en vain que M. de la Salle voudroit intimider les Cultivateurs en leur faifant entendre que le bétail rebutera le fainfoin ou la luzerne dont les tiges feront grofles. Ces plantes fucculentes , cueillies & féchées à propos, fuivant que l’en- ‘” fur l'Agriculture. 17 feigne M. Duhamel dans les endroits indiqués ci-devant , confervent l’o- deur agréable, la faveur exquife , & la fouplefle , qui fervent d’attrait au che- val & autres animaux pour lefquels nous ménageons cette herbe. Conful- tez le Traite de la Culture des Terres T. I. p.260-61-64-6$ 3 T.IV.p. 20-21; T. V. p. 71-2-3-5-6-7 , $29 : & les Elements d'Agriculture V. IT, p. 129, 133 & 134 Au refte, s’il y a quelques tiges de fainfoin auxquelles on puifle re- procher d’être dures, ce font afluré- ment celles qui ayant eu la liberté de prendre toute leur croiffance , ont fubfifté dans le champ jufqu'a la par- faite maturité de leur graine. Cepen- dant ces mêmes plantes, dans [a nouvelle Culture fervent encore à affourrer le gros bétail ; qui Les prefere au gros foin des prés bas, & à la paille du froment, Pour qu’illes mangebien, on a feulement l'attention de les ha- cher à- peu-près comme l’on hache la paille en Efpagne , en Allemagne, & depuis quelque temps parmi nous; ou de les battre avec des maillets, de même que l’on fait pour l’ajonc a18 Defenfe deplufieurs Ouvrages dans quelques Provinces. Traité de la Cult. des Terres, T. I. p.262. : De plus, M. Duhamel dont le témoignage eft toujours. conforme à l’exacte vérité, m'a dit que des ra- meaux d’une luzerne qu'il faifoit culti- ver {uivant la nouvelle Méthode, de- vinrent gros comme du bois de far- ment, & fe trouverent cependant très -tendres, en forte que fes che- vaux & fon bétail les mangeoient avi- dement & fans en rien laiffer perdre. Il a aufli rapporté d’après quelqu'un de fes correfpondants, qu'ayant mêlé de grofle luzerne cultivée, & de la lu- zerne ordinaire plus fine, les beftiaux commençoient par manger la grofle qu’ils trouvoient apparemment plus à leur goût : il n’y a rien là de furpre- nant ; les grofles racines , les gros lé- gumes, font communément plus ten- dres que les autres. Un fuccès fi marqué, joint à celui du produit abondant du fainfoin cultivé fuivant les nouveaux princi- pes, démontre pleinement la fupério- rité de cette méthode fur la pratique commune. Et en conféquence nous pouvons dire que fi M. de la Salle eût fur l'Agriculture. 119 connu & voulu fuivre le fyftême de M. Tull, dans le cemps quil fit de fi louables efforts pour établir ies Prai- ries artificielles , 11 fe feroit épargné beaucoup de peine & de dépenie , & fes opérations euflent été plus promp- tement fuivies de la réuflite. Au lieu que la Méthode vulgaire , deftituée de lumieres fufffantes , ne le {econ- doit qu'avec une lenteur dont il fe plaint, & qui lui occafionna d’inuti- les dépenfes : ( Manuel d'Apricult. p. s70-71.) Il doit içavoir mieux que beaucoup d’autres , combien eft pré- cieux le temps que l’on donneaux tra- vaux de l’Agriculture ; que la célé- rité de lexécution augmente confi. dérablement la fomme des produits ; & que tout retard eft proportionnel- lement préjudiciable. Voyez encore ce que M. Pattullo dit d’analogue aux réflexions précédentes, dans fon EfJai fur l Amélioration des Terres, p. 161. Terminons cet article par obferver que M. Duhamel ne confeille pas de cultiver toutes les Prairies aruificiel- les. Il dit expreflément qu'on doit femer la luzerne en plein , quand on fe propofe de remettre les terres en 120 Defenfe de plufieurs Ouvrages grain après les avoir laïffé repofer quelques années ; mais qu’il faut les cultiver fuivant la nouvelle méthode quand, ayant peu de terre propre à cette plante , on defire la conferver long-temps dans le même terrein. 6. IV. Des Jacheres J'Ar eu ci-devant occafion. ( p. 79 & 80) de montrer que tantôt M. dela Salle regarde les Jachères comme in- difpenfables dans une bonne Agricul- ture, & qu'ailleurs,il convient qu’ily a des terres heureufes où l’on s’en pañle fort bien. Je pourrois me renfermer dans le droit que cette variation me donne , de demander que tout ce qu’il dit fur cette matiere, foit traité comme des inconféquences , jufqu'à ce qu’il fe foit tiré de la contradittion où il s’eftmis avec fes propres princi- pes. Mais cette maniere de procéder, qui fufht fouvent pour le triomphe d'une caufe, ne rempliroit pas mes _ principales vüûes : je penfe moins à confondre M. de la Salle, qu'à dé- fendre fur l'Agriculture. 121 fendre les Auteurs d'Agriculture aw’il attaque injuftement ; & à éclairer les perfonnes qui ont befoin de l’être, fur le fyftème de M. Tull. ON nomme Jachères, des terres qu’on laïfle repofer ; & à qui, durant l'année de repos, on donne plufeurs labours, & des engrais, pour y femer du froment l’Automne fuivante. Ces labours répétés fubftituent une terre nouvelle à celle qui a été fatiguée par les précédentes récoltes. Si l’on pou- voit renouveller en moins de temps la terre & l’engrais, on feroit bien de fupprimer les jachères, qui pro- duifentune non -valeur. Ces notions font avouées de M. de la Salle : puif- qu'il dit , (Man. d’Agric. p.8 )« qu’en »n€ faifant valoir à la bêche qu’en- » viron deux à trois arpents au plus, »1il n’eft pas ordinairement que -» tion de jachères ; y ayant bien plus “» de facilité à exécuter, foit le re- » nouvellement de lengrais, foit le # renouvellement de terrein », D’où il réfulte que ce pourroitêtreun ufage “ordinaire , que de ne laïfler en ja- -chère aucun champ , toutes les fois que l'amendement & les labours en F 122 Defenfe de plufieurs Ouvrages feront aufli faciles à exécuter que dans deux ou trois arpents cultivés à la bêche. Pour y parvenir, il ne s’agit que de proportionner les forces & le temps à l'étendue d'un vafte ter- rein, dans la même raifon que pour celui de trois arpents. Puis donc qu’il cft inconteftablement vrai que le la- bour à la bêche emploie beaucoup moins de forces, & plus de temps, que celui qui fe faitavec la charrue ; on n'aura pas befoin de jachères dans un champ de 60 à go arpents, fi l’on peut fe procurer un inftrument qui furpafle 20 ou 30 fois la bêche , tant en puiflance qu'en célérité; & qui faffe un aufli bon labour. Il faut fup- pofer que ces deux inftruments agif- fent dans des terres de qualités fem- blables. Or la force du levier, & celles de l’homme qui le meut, join- tes aux forces des animaux qui tirent la charrue, produifent une puifflance au moins vingt fois égale à celle de la bèche mue par un homme , qui peut très-bien cultiver annuellement trois arpents, en ne fe fervant que de la bêche. La vicefle de la charrue peut bien aufli faire une différence … fur l'Agriculture. 123 de dix à un, fur le travail de la bèche. Si nous voulions fuivre ces calculs, les loix de la Méchanique nous fourni« roient une progreflion bien plus éten- due. Mais pour le moment cette fup- pofition me fufht ; parce que je vois une forte d’unanimité pour évaluer à environ 7$ OU 100 arpents au total, le travail d’une charrue ; plus ou moins, à proportion de la force ou de la légereté des terres ; mais tou- _ jours, foit que l’on partage le corps de ferme compofé de ce nombre d’ar- pents ; en trois foles, dont une elt en jachère ; foit que, ne cultivant que des Mars , on féme chaque année fans repos toutes les terres de la fer- me ; ainfi que l’obferve expreflément M. de la Salle, pp. 10, 12 & 13, de fon Manuel d'Agriculture. Je conviens que le travail de la char- rue, telqu'il s'exécute à l'ordinaire, eft confidérablement inférieur à celui de la bèche. C’eft- pourquoi l’on fe voit comme forcé à perdre tous lesansun tiers du produit , pour fuppléer par le nombre des labours, à l'ameubliffe- ment que la bêche opere àune profon- deur de dix à douze Ponnes, .Laroutine 1] 124 Défenfe de plufieurs Ouvrages & le défaut de connoiffances fuffifan: tes, laiffent toujours au laboureur le regret de ne pouvoir parvenir avec fa charrue aufli bas que la bèche , dans des terres qui ne font pas meubles par elles-mêmes. M. de la Salle trouve que « la gran- » de fcience de l'Agriculture confifte » à fçavoir quand 1l convient d’em- » ployer ou dé fupprimer les jachè- » res :p. 244». Je ne refuferai pas de foufcrire à cette propofition dans le fens que je viens de lui donner. D'ail- leurs , elle contient un aveu dont je me prévaudrai dans un moment. Mais je me garderai bien d'ajouter, com- me M. de la Salle le fait immédiate- ‘ment après : Que « dans toute lAgri- » culture .....il n’en eft de cette » fuppreffion, vis-à-vis de Pufage » des jachères,; que comme d’une » exception à l'égard d'une regle gé- ; nérale », Cette prétendue regle n’eft w’un ufage de l’indolence ;'érranger à l'Agriculture. J’en trouve la preu- ve dans le bon état de ces mêmes ter- res qui n'ont jamais de’repos : Woy. ci-deffus, p. 121.S'il y a une pratique ‘qui émane fenfiblementde la fcience, | | | fur l'Agriculture, 125$ c’eft celle dont les effets atteignent le but marqué par la fcience même. Les Jachères ne font donc pas plus une regle générale, que tout autre abus. On ne prefcrit jamais contre le bien ; il eft la vraie regle; & ce qui s’en écarte, quelque progrès qu'il fafle , doit toujours être regardé com- me un abus. Je crois que ces principes une fois admis , réduifent à rien les grandes phrafes que voici:« On fera donc » bien étonné d’apprendre que c’ef? + renverfer tous les principes de l’A- » griculture , que de propofer deren- » dre générale la fuppreffion des Ja- » chères. En attendant, on commen- » cera par dire que, faute de bien > entendre ce que c’eft que Jachères, » foit pour les obferver, foit pour les fupprimer, on ignore pleine- » ment l'Agriculture , & qu'on ne » peut que s’égarer. La preuve n’en » eft que trop évidente dans les écrits » de nos Auteurs Modernes, & dans » ceux-même qui ont eu la plus gran » de réputation ; puifqu’ils n’ont fait #”que bégayer fur cette importante » matiere: c'eft du moins le jugement Fi 126 Défenfe de plufieurs Ouvrages » qn’en ont porté les Cultivateurs » qui ont le plus d'expérience, & » qui peuvent feuls décider. Ils ont » même inféré de la grande réputa- » tion que ces Auteurs fe font ainfi » faite, qu'on eft encore bien igno- » rant en France fur l'Agriculture ; » tandis que fur toute autre matiere » On eft fi éclairé. Manuel d’Agricul- » ture, P. 244-45 4 | J'AvouE mon ignorance fur l’ori- gine du mot Jachère. Il fignifie Ser- vant de Pâture, s’il faut en croire M. de la Salle. Ne perdons point en recherches étymologiques, prefque toujours vaines, un temps deftiné à des inftructions folides. En admet- tant la fuppofition, nous trouverons- nous forcés de convenir que les ja- chères font une pâture eflentielle 3 « la meilleure & même lafeule, qu'on > puifle procurer aux bêtes blanches »? M. de la Salle le prétend anfi, pp. 245 & 246. Mais je remarque dans tout fon livre une marche finguliere ; c'elt un affemblage d’aveux écha- pés, ou pofés comme principes, & d’affertions qui les contredifent. No- tre Auteur, qui a qualifié de Corps € pe fur P Agriculture. 127 de ferme qui n’ont point de jachères , ceux où l’on ne pratique qu'une petite culture où il n’eft queftion, tous les ans , que de grains de Mars p.12 & 13 ) ; femble s’accorder avec lui-mé- me lorfqu'il dit(p. 247) squ'onne » peut appeller Lerres à Jachéres cel- » lés qui, après s'être repofées pen- » dant l'hiver, font enfemencées au » mois de Mars ». Il avoit effe@ive- ment befoin d’infifter là-deflus, pour établir que « l’idée exaéte & précife » des Jachères ......ne doit abfo- » Jument tomber que fur le repos que » les terres ont pendant les deux fai- » {ons du Printems& de l'Eté; & non » fur celui qu'elles ont déjà eu précé- » demment pendant l’Automne & » pendant l'Hiver:..... parce que, » quoiqu'elles foient labourées dans » les deux faifons du Printems & de » l'Eté, cela n’empêche pas qu’elles » ne puiflent fervir de pâture aux bêé- >» tes blanches : (p. 246,247 ».) À la rigueur , ces terres labourées … peuvent leur fournir un peu de nourri- ture ; mais qui ne fert gueres qu'à les amufer. Quelle différence d'avec cel- le que fournit un champ où les grains | F iv 128 Défenfe de plufieurs Ouvrages échapés des épis, & le chaume, oc- cupent utilement le bétail ! De l’aveu de notre FES , Jachère fignifie Ser- vant de Päture. Pourquoi veut-il priver de cette fignification une bonne & fo- lide pâture, dont l’autre n’elt que le phantôme ? Auffi le voyons-nous re- venir bientôt fur fes pas, & dire avec ingénuité dans la page fuivante (243) que les terres qui n’ont de repos que durant l’Automne & l’Hiver « fervant » auffi de pâture aux bêtes blanches, >» elles pourroient, pouf cette raifon, x étre ésalement appellées Jachères ». IL n’eft pas furprenant qu’un Ecri- vain fi accoutumé à détruire ce qu'il avance, dife avec fon ton aflirmatif, (p.251, 252) « qu'il feroit contre » l’ordre de la Nature , que des terres » qui ont travaillé pendant les deux » faifons du Printems & de l'Eté, fuf- » fent encore dansle même cas pen- » dant les deux faifons fuivantes de » l’Automne & de l’Hiver ». Qu’a-t-il prétendu par-là ? Eft-ce qu’il défap- : prouve que l’on donne les premiers labours aux Jachères avant le prin- tems ? S’imagine-t-il que les grains femés dès l'automne ne reçoivent PP OT SC mm it de fur l'Agriculture. 129 pas les fucs de la terre pendant l’hi- ver? N'y a-t-il donc point de fruits dont la maturation foit conftamment affe@ée à leurexiftence fur pied durant l'hiver? Le Perce - neige , FAconit jaune , le Pied de Griffon, &c, ne commencent-ils pas à fleurir au fort de l’hiver, dans les endroits incultes ? Tout habitant de la campagne voit le froment végéter, taler ; en un mot, la terre dans une ation conti- nuée , mais feulement plus lente, pourvu que le froid ne foit pas trop * rigoureux, ou que la pluie trop abon- dante ne s'oppofe pas à la végéta- tion ; ce qu'elle fait de même quel- quefois au printems. Les plantes fi- tuées fur des ados , ou celles qui font abritées dans les bois & dans nos jar- dins, font des progrès fenfibles durant Phiver , fans aucun autre fecours de Part. D'un labour à un autre , depuis la S. Martin jufqu'au Printems, di- verfes herbes naiflent & grandiffent. -Ainfr c’eft la Nature elle-même qu'il faut accufer de déroger à {on ordre, tel que le voit M. de la Salle. On conviendra avec cet Auteur (p.253 & 2$$)qu'une FR femée F 130 Défenfe de plufieurs Ouvrages en Mars & moiflonnée en Juillet & Août, ne peut être fufhfamment ameu- blie fuivant la pratique ordinaire, par les labours, avant la fin de l’automne,, pour recevoir du fromént dans cette faifon ; & qu’ainfi le gain qu'on pré- tend faire alors , n’a que des apparen- ces. Cela eft exactement vrai pour des terres qui ne font pas d’elles-mèê- mes fufhfamment meubles, ou qui ont nourri avec les grains une infinité d'herbes, dont la plupart y ont répan- du leurs femences. Mais rien ne s’op- pofe à ce qu’un champ net d’herbes , & à-peu-près aufli meuble après la moiflon que lors des femailles , re- -çoive du froment dès l'automne fui- vante , après un ou deux Jabours. Des faits conftants, & foutenus de fuccès égaux à ceux que M. de la Salle fe promet de l'obfervarion des jachères , démontrent la vérité de ce que je viens de dire. Je citérai mes garants lorfque je rappellerai ces faits dans la fuite : car beaucoup de per- fonnes pourroient s’en laiffer impofer par le ton de Maître avec lequel M. de la Salle dit, (p. 256) « qu'il faut »un peu d'expérience pour fentir la fur l'Agriculture. 131 » vérité de fes détails qu’on ne peut » contredire ; & que c’eft pourquoi » ceux qui n’en ont point, n'annon- » cent & ne propofent que fuppref- » fion de jachères ». Voici une objettion fpécieufe , qu'il importe de ne pas laiffer fub- fifter. « Il n’y a généralement ( dit » notre Auteur, (p. 256 ) que les ja- » chères qui donnent au bétail blanc, » depuis le commencement de Mars » jufqu'à la moiflon, la pâture qui » leur convient». J'avoue que ces animaux trouvent de petites racines & quelques jeunes herbes, dans le labouré des jachères. Mais ce qui feroit douter que ce foit une telle pature qui leur convienne pendant fix mois , eft que quand on les y conduit, on a de la peine à leur faire quitter l'herbe qu'ils rencontrent fur le chemin ou fur des revers de foffés. L'inftin& qui les y arrête de préfé- rence, eft-1l donc fuiet à être fautif ? D'ailleurs M. de la Salle eft convenu (p. 71) qu'il y a des cantons dont les terres font fi favorifées de la Na- ture, qu'on les enfemence tous les ans, fans jamais y. obferver de jachères. V) 132 Défenfe de plufieurs Ouvrages Il dit (p. 313) que le bétail y languit durant le printems & l'été. Pourquoi donc cet Auteur fuggere-t-1l lui-mê- me , comme nous le ferons voir p. 137 ,; des moyens de fupprimer les ja- chères dans de bons terreins qui ont beaucoup de fond ? | = Ne prenons pas le change fur ce que M. de la Salle a eu foin de mettre en avant , comme pour prévenir cette difficulté. « Je ne contefte point, dit- »1l,que dans certains pays, & can- » tons Où la fuppreflion des jachères a » lieu, ce n’eft pas tantle froment qui » fait le principal objet, que d’autres » grains d'hiver quine demandent pas » tant de culture». Il cite pour exem- ple le colza, la lentille ; & ajoute un &e : (p. 237-8). Chacun fera fur cet endroit les réflexions qu'il jugera convenables. Mais, pour ne pas per- dre de vue le fond de ma caufe, je reviens toujours à douter que M. de la Salle n’ait pas prétendu parler de terres à froment , quand il a dit (p. 71 )}qu'il «y a quelques cantons dont » les terres par leur heureufe pofition » n'ont befoin que d'être labourées & _» femées, fans qu’il foit queftion d'y 2 fur l'Agriculture. 153 # employer les engrais & les jachères. » Il y a même quelques Pratiques lo- » cales entieres où, par le moyen des » engrais, On peut fe pañler des ja- » chères». Mon doute devient une certitude , dans les pp. 278 & 279, comme on le verra dansun moment, II feroit à défirer que cet Auteur nous eût expliqué comment des cantons favorilés de la Nature & des Pratiques locales entieres, fuppléent en faveur du bétail, à une pâture qu’il dit être la feule convenable durant la faifon du printems & celle de l'été. Des indica- tions précifes des endroits , au lieu d’affertions vagues , nous mettroient à portée d'y obferver l’état des terres & celui du bétail. On ne difconvient pas que certai< nes Prairies naturelles, fituées dans des bas fonds, puiffent occafionner parmi les bètes à laine la maladie que Fon nomme Pourriture. Mais M. de la Salle ne connoît - il point de prés dont la pofition foit plus avantageu- fe ? Pourquoi ne fait-il mention que de ceux-ci, (p.257), comme sil n'y avoit point d'autre reflource que Les jachères ? Les prés hauts , les col- #34 Défenfe de plufièurs Ouvrages lines, certains valons de fable , les revers des foflés, & tous les en- droits fablonneux, n'offrent - ils pas une herbe courte , plus ou moins fine & délicate, que le bétail broute vo- lontiers, & qui l’entretient en bon état, ainfi que fa laine? Qu'on lui donne un peu de grain, & de la paille d’aveine , au retour de cette pâture ; je puisaflurer que l’on aura un excel- lent troupeau. Auffi d’habiles Labou- reurs m'ont - ils fait obferver qu’on ne conduifoit leur bétail dans les ja- chères que pour l’amufer, après lui avoir laiflé prendre ailleurs chaque jour une pâture fufhfante. Les petites racines qu’il trouve dans la terre re- muée par les labours, peuvent lui être utiles. Mais des payfans, ou un pauvre fermier, qui n’ont à donner que cette nourriture pendant fix mois, tiennent leurs bêtes à une diete rigou- reufe , dont l'effet néceflaire eft la maigreur. Âu contraire , le bétail en- tretenu comme je l'ai déjà dit, eon- ferve un embonpoint habituel , qui difpenfe prefque de l’engraifler avant de le vendre : fa laine ne fe détache _ pas d'elle-même par lambeaux , com fur l'Agriculture. 135$ me il arrive fréquemment au bétail dont le mauvais état annonce la mi- fere du Maitre. Ajoûtons que, dans les années plu- vieufes, la terre fe trouvant fort at- tendrie, le bétaïl la réduit fouvent dans un. état aufli contraire à la bonne culture que la friche même. En parlant de la nourriture des bé- tes à laine, je n’ai pas fait mention de plufieurs herbes de prairies artifi- cielles, que je regarde comme ne pouvant être données à ce bétail qu'en très-petite quantité , hors le temps où on veut l’engraifler promp- tement. Les racines des navets & des carottes font à peu-près dans le même cas que le trefle & la luzerne ; enforte que le bétail pour qui elles font une partie confidérable de la nourriture: devient gras; mais iln'a qu’une laine de qualité inférieure. Les brebis y trouvent une abondance de fucs , qui leur fournit le lait dont el- Jes ont befoin pour que les agneaux {oient vigoureux. Le refte du. trou- peau, que l’on garde quelquefois pen- dant deux ou trois ans , n'a pas be- foin de nourriture fucculente ; elle 136 Défenfe de plufieurs Ouvrages Je rend malade. Une herbe courte & délicate , le grain , la paille d’aveine, quelques graines de Mars , le mettent excellemment en état de donner tout Je profit que l’on a en vûe. Teleft auffi à peu-près le fentiment de M. de la Salle, page 300. On lit dans le VI. volume du Traité de la Culture des Ter- res , qu'un Gentilhomme du Gäti- nois «ayant beaucoup de prés, dont » la plûpart donnoient d’aflez mau- » vaife herbe, un Berger lui propofa » de nourrir fon troupeau avec ces » feuls prés, fans paille, ni grains » ce qui réuflit fort bien. » Con- fultez les pp. 206 & 207 où M. Duhamel expofe la méthode de ce Berger. Je conclus de tout cela, que les jachères ne font rien moins qu'eflen- tielles à l'entretien des bêtes à Jaine. Qui croiroit , après les efforts qu'a faits M. de la Salle contre la fuppref- fion des jachères , qu'il enfeigne lui- même comment il faut s’y prendre pour parvenir à les fupprimer , dans des exploitations confidérables ? Où eft donc cet ordre de la Nature , pour [ur l'Agriculture. 137 lequel il témoignoit tant de refpeét ? Que deviendra le bétail, en faveur de ui il a plaidé pour la néceflité des jachères ? Je me häâre de montrer la vérité de cette efpèce de paradoxe. Il fe trouve dans la premiere Partie ; Settion 3°. Le titre du &. V, l'annon- ce pofitivement : De la fuppreffion des jachères par le renouvellement de terrein. Après y avoir dit (p. 279 ) qu'en confultant les Pratiques locales « fur » Ce qui a pü déterminer la fuppref- »fion des jachères dans quelques » Cantons , nonobitant fufage des » grains d'hiver , qui ne fe fement » qu'en automne, on voit que c’eft » parce que les terres y font de Ia » meilleure qualité , qu’elles font ai- »fées à labourer & à ameublir , & » qu'elles ont un fond fufhfant pour » pouvoir être renouvellées au be- » foin par le travail de la charrue »: Il ajoûte (p. 280) que « quand on eft » en état de renouveller ainfi un bon » terrein, ce n’eft plus la même terre » qu'on fait porter ; mais une nou- » velle qu'on lui fupplée, qui s’eft re- » pofée depuis long-temps , & qui » par conféquent ne dérange point 138 Défenfe de plufieurs Ouvrages » l'ordre:dela Naniwe 2e, Ti) ” s’agit de bien exécuter ce renou- » vellement , pour gagner le béné- » fice de cette fuppreflion, qui ne va » pas moins qu'à mettre tous les ans »en produit & en rapport tout ce » qu'on fait valoir: » ( p. 281). Les dix pages fuivantes détaillent dife- rentes façons dont on peut fe fervir pour la bonne exécution du renouvellement de terrein. L’Auteur va jufqu'à dire ( p. 288) qu'en conféquence «1lne fera » pas néceflaire de rien facrifier de » fon terrein pour le mettre en Prai- » ries artificielles ; & que l’on aura en » plein rapport fon domaine en- » TIET ». M. de la Salle n’a donc pû mécon- noitre entiérement l'avantage , la fa- gefle , & la poffibilité de fe palfer de jachères. C’eft bien quelque chofe qu'un tel aveu. Il fert au moins à at- tefter que les jachères ne font pas d’une néceflité abfolue , même pour le bétail. Mais l’Auteur que nous fui- vons ainfi de près , a-t-il quelque moyen d'éluder les conféquences que fes aveux & fes propres inftruétions emportent en faveur de la nouvelle fur l'Agriculture. 139 Culture ? Car elle a conftamment l'effet de rendre bonnes les terres qui ne font pas abfolument mauvailes ; elles deviennent fort meubles , douces, aifées à travailler : le labour réitéré des plate-bandes rapporte fucceflive- ment vers la fuperficie une nouvelle quantité de la terre du fond ; & cette terre que l’on rejette à chaque fois fur le bord des rangées, pour rechauf- - fer les plantes, forme un guéret tou- jours meuble & comme pulvérilé 3 dont la profondeur confidérable eft utile pour l'avancement & la vigueur des plantes. M. de la Salle fe retranche à dire que la méthode de M. Tull , au lieu de fupprimer les jachères , comme cet Auteur Anglois l'annonce , ne fait qu'en augmenter la proportion. Cela eft vrai; & M. Duhamel la dit dans fes Elémens d'Agriculture ; en ob« fervant que la Nouvelle Culture ne fait qu’interpofer des jachères entre les-terres qui font en rapport. Je vais examiner cet atticle dans Le Paragra- phe fuivant. 140 Défenfe de plufieurs Ouvrages g: V: Suite de Particle des Jachères: Pour bien apprécier le produit d’une terre cultivée en planches fui- vant les principes de M. Tull , 1l faut examiner ft, dans une Ferme dont le tiers a été en jachère chaque année, tandis que les deux autres foles ont porté du froment & des Mars ; le pro- duit de trois années égale , ou fur- pañle celui d’une autre Ferme, dont toutes les terres ont été gouvernées conformément à la nouvelle Culture, pendant la mme durée de temps. Nous devons fuppofer que toutes chofes font égales dans l’une & l'au- tre exploitation ; & que la différence de produit dépendra uniquèment de la maniere d’exploiter. | M. Tull a fait un calcul , rapporté dans le premier volume du Traité de la Culture des Terres, Chap. 21, pag. 288 & fuivantes; d’où il rélulte que fa méthode produit les deux tiers de plus que la culture ordinaire , tou- tes déduions faites. fur l'Agriculture. 147 La qualité & la quantité des grains contribuent à former ce bénéfice. Car M. Tull fuppofe que toutes les terres d’une Ferme font en froment 3 au lieu que dans la pratique commu- ne , les aveines ou d’autres menus “grains de moindre prix, occupent en- viron un tiers. Si les épis {ont plus nombreux , plus longs , & mieux pourvûs de gros grains, dans la nou- velle Culrure , que dans l’ancienne ; le produit devient encore confidéra- ble par ce côté-la. L’Expérience à foûtenu depuis quatorze ans parmi nous, ce que M. Tull avoit affüré, touchant cette abondante récolte de grains , qui eft occañonnée par fa Méthode. Voyez le Traité de la Cul- ture des Terres , Tome II, p. 298-0 : T; HE p. 14, 18, 61, 99, 110-1, 226-7 : TL. IV, p. 25. 293-9 , 334, -368,370-1-6-7: T. V.p. xïtj, 440-171, 489, 490-1-2-3-4, 513: I. VI, p. 133-8. Il y a même des raifons de conve- nance , pour que la nouvelle Culture foit favorable au bon rapport des plantes. Difpofées comme elles font par rangées , où l'air & Le foleil x42 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages ont une libre aétion , on peut les -comparer aux plantes qui fe trouvent fur le bord des bois, des vignes , des terres , ou des chemins ; foit arbres, oit végétaux moins confidérables, même des plantes annuelles , on y obferve conftamment une vigueur que n'ont pas celles qui font moins expolées. De-là vient aufli qu'il eft fort ordinaire , que quelques plantes de froment, d’orge, &c , que l’on: cultive ifolées , dans un potager , ou . fur la crête d’une vigne, produifent chacune 40 à $0 épis, dont chacun contenant 40 à $0 grains, la fomme totale que rend une feule plante, eft de 1600 à 2500 grains pour un. Confultez le I. volume du Ir. de la Cult. des Terres, p. 134$ ; le T. IT, p.21-2:leT.IV, p. 37 ,236-7; le T. VI, p. 96,138, 157. Ces faits, dont il eft facile de s’af- #ûrer par-tout dans la campagne , & que l’on peut foumettre à fa propre expérience , fans frais & fans beau- | coup de foins ; conduifent à regarder au moins comme plaufible ,ce que M. Tull dit des fuccès de fa Culture, mal- gré Ja largeur des efpaces qu'il laiffe fur l'Agriculture. 143 -vuides entre les planches occupées par des rangées de froment. Si le coup d'œil prévient d’abord contre cette perte apparente , la récolte en fait juger tout différemment. La plû- part des pieds ayant produit 20 ou 30 tuyaux, au lieu de deux ou trois qu'ils auroient eu par la culiure ordinaire , l'efprit peut fans beaucoup de travail, . diftribuer ce nombre de tuyaux dans les efpaces vuides ; & ainfi trouver, en calculant un peu, que le champ eft aufli bien garni que tout autre qui eft femé en plein. D'ailleurs , com- me les épis font plus longs, & que les grains en font plus gros ; on s’ap- perçoit que les gerbes pefent davan- tage : & de deux champs également étendus , mais cultivés différemment pour en faire la comparaifon, il y aura plus de boiffeaux remplis par la nouvelle Culture. Enfin ce même froment, bien plus net de mauvaifes herbes, & plus fain à tous égards, ne peut qu'augmenter confidérable- ment le produit de la récolte. Voyez le Traite de la Culture des Terres, T. IT, p-3133, 3624: D: Hi;p.94-$, 1273 T, IV, p.287, 385; TL. V ,p. vi, 1144 Défenfe de plufieurs Ouvrages iX, XV, XV) ; 498 , 469 ; Tom. VI; p.239 On ne peut difconvenir que , dans l’ufage commun , il y a tous les ans le tiers des terres d’une ferme qui ne produit rien; qu'un autre tiers eft oc- cupé par de menus grains, moins précieux que le bled; & qu’ainfi il n’y a que la 3° partie qui porte du fro- ment. La Méthode de M. Tull, qui mettoutes les terres en bled, n’en occupe réellement pas mêmeun tiers; parce qu'il n’enfemence qu'environ quatorze pouces, dans une étendue de quatre pieds & demi, ou cinq pieds de largeur. Mais attendu que beaucoup de grains avortent par la culture ordinaire ; & très - peu , au moyen de la nouvelle Culture; il fe trouve plus de plantes dans une feule rangée double , prife fur la longueur de huit perches de terre avec une plate-bande large de fix pieds, qu'il n’y en auroit eu dans toute cette étendue femée à la maniere commu- ne ; de Faveu même de férmiers très- révenus contre la nouvelle Culture. Traité de la Culture des Terres, T.IIT, _p.21:T, VL p. 219 , 220, 268-0. Ainfi * fur l'Agriculture, 14$ Ainfi les plate - bandes ne préiudi- cient point à la récolte. Et puifque l'on recueille du froment fur toutes les terres fans en laifler repofer aucu- ne dans fa totalité , il ya évidemment un tiers de bénéfice tous les ans ; en fuppofant même que chaque champ cultivé fuivant les Nouveaux Princi- pes, ne rapporte pas plus qu'il ne fe- roit avec la méthode ordinaire. Voy. le Traité de la Culture des Terres , T.V, P- 502, 503,504, 505. J'abrége les détails, pour ne point groflir ce Volume par les extraits d'ouvrages qui font entre les mains de tout le monde, & qu'il eft utile ue chacun confulte par foi - même. £ préviens aufli que l’on verra dans les paragraphes fuivants , que ce qui difpenfe de laiffer repofer les champs où l’on pratique la Nouvelle Culture, eft qu'au lieu de s’épuifer, la terre y acquiert annuellement plus de ferti- lité, $. VI. Des Engrais. » DE toutes les opérations de l’A- p grues COM de la Salle; pr 146 Défenfe de plufreurs Ouvrages » 100 )il n’y en a point de plus inté= » reffante, qui demande autant d’at- > tention, & qui foit plus capable d’a- » méliorer un terrein, que celle du » labour ; principalement dans ceux » qui Ont Encore un fond de terre >» au- deffous de celui qu’exigent fes 2 produétions ; à la différence des » autres terreins qui n'ont que ce » qu'il leur faut pour les faire venir ; » dans lefquels Popération de lEngrais » eft celle qui a le plus d'effet ». Les médiocres terres fur lefquelles M. de la Salle a exercé fon Syflème d'a mélioration , étoient de ce dernier genre ; aufli parvint-il à en obtenir de bonnes récoltes, en y répandant fufifamment d’'Engrais. Mais quelque fréquemment que Von porte des engrais dansun terrein médiocre, s’il a aflez de fond pour fe rèter au renouvellement qu'opere la charrue, on doit ne compter de le rendre fertile qu’autant que l’on affo- ciera les labours aux engrais. Manuel d'Agric. p. 292 ; 293: Plus on peut amener de nouvelle terre à la fuperficie par l'opération du _ Jabour, moins les engrais deviennent fur l'Agriculture, 147 néceffaires : fans être difpenfé d’en employer, on pourra en réduire la quantité , dit encore M. de la Salle, p.114,117 & 124. C’eft pourquoi il rapporte (pages 122, 123 ) que des terres qui avoient neuf à dix pouces de fond , & où l’on ne femoit que du feigle, ayant enfuite été bien défon- cées rendirent environ huit feptiers de froment bien pefant , quoigw’elles n'euffent été aucunement amendées. Cet Auteur ajoute ( p. 124) que, comme les terres de la Champagne font ordinairement très-légeres, iln’ÿ A que celles qui ont quelque confif- tance, où le renouvellement par le labour puifle réuffir fans engrais. Ainf c'eft une exception à la re. gle qu'il pofe ailleurs (p. 117); en difant que« généralement, quand un æ renouvellement de terrein aura été » bien fait & bien travaillé, quand le » deffus & le deffous auront été bien # fouillés, bien recherchés, & bien # retournés par l'opération & par le # travail de la charrue, on pourra fe » pafer d'engrais. Aufli dit-il immédia- ? tement après (p.118), que toutes æ les épreuves que l’on en fera ne Gi) #48 Defenfe de plufieurs Ouvrages » pourront que le confirmer ; à moins » qu’un terrein par lui-même, quoi- » qu'ayant beaucoup de fond , ne foit » extrêmement léger & cendreux, ou » ne foittrop froids. Si on peut fe pañler de toute efpe- ce d'engrais lorfqu’on réuffit à renou- veller le terrein à une profondeur confidérable , par le moyen des la- bours, M. de la Salle n’eft donc pas en droit de biämer lexclufion que M. Tull a donnée aux engrais. Car on ne peut contelter que les premiers labours deftinés à établir la Nouvelle Culture piquent affez profondément our renouveller le terrein ; & que es fréquents labours que l’on prati- que à côté des plantes durant leur vé- gétation , fervent beaucoup à affi- ner la terre, & à bien mélanger celle de deflus avec celle de deflous. Je ne hazarde point des avantages ima- ginaires : ce font des faits nombreux , gconftatés par de bons témoignages 3 & nommément celui de M. de Cha- teauvieux , qui aflure que par les {euls labours il a réufli à rendre pref- que égaux en bonté des terreins de qualités très différentes. Voyez ci= | | fur P'Agriculture, 148 défflous, $ 9 & 10. Et quoi qu’en dife M. de la Salle ( p. 544 ) ces terres continuant d’être travaillées de même tous les ans , donnent des récoltes fi abondantes, qu'on peut regardes comme inepuifable la fource de fécone dité que les labours y introduifent,. D'ailleurs on peut remarquer que dans la méthode ordinaire il ÿ a un grand nombre de plantes qui périffent avant de parvenir à leur maturité, & que ces plantes épuifent la terre ; au lieu que la Méthode de M. Tull diftri- buant les femences de maniere qu’il eft rare qu'aucune plante foit étouf- fée par celles qui l’avoifinent, les facs nourriciers ne font pcint co 1- fommés inutilement; & une terre qui ÿ pourvoit fans fe forcer , eft en état de fubvenir à plufieurs récoltes confé- -Cutives. De quoi ne devient-elle pas capable enfuite , fi l’on a foin de pré- fenter fucceflivement à l'ation des météores {es parties bien divifées par Je labour ? M. de la Salle ( p. s44 ) fe vante d'avoir prouvé fans réplique que ce renouvellement de fucs eft un para- doxe infoutenable, Mais lui-même , en G iij _ xso Défenfe de plufieurs Ouvrages propofant différentes façons de dor- ner aux terres afiez de vigueur pour que l’on puiffe fe paffer de jachères , c’eft-à-dire, pour qu’elles rapportent fans interruption; dit (p.289 ) que « trois à quatre pouces de plus, que « la charrue ramene , fe mélangeant » avec la terre qui vient de porter, » cela lui rend de nouveaux fels & de ss nouveaux fucs qui peuvent la mettre > en état de fupporter la fuppreflion >» des jachères ». Ildirencore (p.116) « qu'une terre abiolument neuve qui provient de la partie du deffous d'un » terrein qu'on laboure, doit avoir » plus d'efficacité que lé meilleur en- > grais, tel qu'il foit ». En vain prétend-il jetterun ridicule far M. Duhamel par la maniere dont il préfente le fyftème de cet Acadé- micien furles Engrais. Trop fage pour donner comme un avantage conftam- ment attaché à la pratique de la Nou- velle Culture, celui de fe paffer ab{o- lument d’engrais, M. Duhamel atou- jours infifté fur l'utilité dont feroient les amendemens , lors même qu'on . adopteroit la nouvelle méthode, mal- gré les fuccès de ce genre , que fon fur l'Agriculture. tSÈ caratere d’hiftorien lautorifoit à publier. Les avis qu'il donne fur J'ufage des amendemens ne font pas reftreints « aux cendres , aux fuyes » de cheminées , aux boues , aux cen- » dres de chaux, & à d’autres fem- » blables petits engrais ; en excluant » les fumiers de beltiaux , ainfi que » l'annonce M. de la Salle, p. 345$ ». Me conviendroit-il de fupprimer les preuves dont dépend la démonftra- tion des vrais fentimens de M. Duha< mel? Le fimple expolé des faits fuf- fira pour répondre aux allégations ha. zardées de fon adverfaire. Cet Académicien prouve dans Île 37 Volume du Traité de la Culture des Terres, p. 52 & fuivantes, qu'il » eft bien plus avantageux d'augmen- » ter la fertilité des terres par les la- _ » bours que par le fumier : 1°, parce » que fouvent on ne peut fe procurer » qu'une certaine quantité de fumier , » la récolte de vingt arpents fufhfant _» à peine pour en fumer un ; au lieu » qu'on peut divifer & fubdivifer les »# molécules deterre prefque à l'infini. » Les fecours qu’on tirera des fumiers » font donc limités ; au lieu qu'on G iv 152 Défenfe de plufieurs Ouvrages » n'apperçoit point les bornes de ceux # que les labours nous produiront , &c. Puis il dit (p. $6) que lefumier eff. également avantageux aux terres lègeres & aux terres fortes 1& p. 59,60 , quele fumier eft néceflaire ; « qu'on ne peut » en memfutilité fans démentir l’ex- » périence de tous les temps & de » tous les lieux », Dans le 4e Vol. l’ar- ticle 17, du 3° chap. indique «une * nouvelle façoh de rétablir & bonifer » de vieux prés naturels: façon qui » rendies engrais plus utiles qu’en fui- » vant la pratique ordinaire ». On trouve dans le T. V.p. 97 & fuivan- tes, une maniere fort ingénieufe dont MM. Rouflel fe font fervi pour con- duire & répandre le fumier ; dans des champs établis en planches. Le 2x arti- cle du 1° chap. (dans le même Volu- me ) eft entierement deftiné à traiter du bon ufage des engrais : & on voit dans les p. 427-8, $21-2 ,une bonne méthode de faire que le chaume ferve d'engrais. Nous invitons à lire en- core le 3° chap. du 6° Volume ; où après avoir dite qu'une térre qu'on # ne pourra pas fumer , & qu'on aura æ mal labourée , ne produira rien; au ET ee Jur l'Agriculture, 153 » lieu que cette même terre donnera » des récoltes avantageules fi, étant » dans Pimpoffibilité de la fumer ,on » la laboure avec grand foin & fou- » vent ; mais que les récoltes feront » des plus abondantes fi l'on peut » joindre les engrais aux bonnes cultures»: M. Duhamel traite fort au long , des divers engrais : c’eft-à dire, depuis la p. 176, jufqu'a 218. Cette matiere occupe encore 60 pages qui font le 3° chap. du 2e liv.des Eléments d'A- griculture. Comment .donc M. de la Salle a-t- il pu avancer que M. Duhamel étoit ennemi des engrais ; pendant qu'ilne cefle d'en publier les avantages ? $. VIL Sur les Inffruments de labour em: ployes pour la Nouvelle Culture. Beaucoup de perfonnes parlent de . Ja Nouvelle Culture ; & fort peu fça- vent exactement en quoi elle confifte, Dans le nombre des Amateurs , il n’y en a que trop qui fe fontillufon en croyant avoir commencé je l’exécus Y € 154 Défenfe de plufieurs Ouvrages ter. « J'ai été vifiter des terres qu'on » difoit cultivées fuivant nos princi- » pes, dit M. Duhamel, Tr. de la Culr. » des Terres, T. III, p.72 & 73. Les - Propriétaires en étoient eux-mêmes » très - perfuadés ; néanmoins iln'en >» étoit rien. Je voyois par -tout de » groffes mottes, des terres labourées - avec de larges focs, quirenverfoient ® la terre par grands gâteaux ; au lieu » de la brifer & de l’emietter. On ap- + pelloit, dans ces cantons, charrues » légeres, des inftruments plus maf- » fifs que nos plus fortes charrues ; & > toute la différence qu'on apperce- > voit dans ces champs, confiitoit en «ce que le froment étoit femé par »rangées. Dans les terres cultivées » fuivant nos principes, la terre quel- * que forte qu'elle foit, paroit aufli # meuble que du terreau. On ne peut » parvenir à cet état, qu'en multi- » pliant tellement les labours qu’elle » n'ait jamais le temps de fe conden- » {er ». Quand M. Duhamel parle de Char- rues légeres , & qu'à certains égards il blâme de larges focs & des inftru- mens maflifs ; ce n'eft pas que cet fur l'Agriculture. 155$ habile interprete de M. Tull, veuille faire entendre que la Nouvelle Cul- ture aflujétit à des inftruments parti- culiers pour les labours. Aucontraire, dès le premier Volume où il annonça au Public la Méthode de l'Auteur An- glois, il dit fpécialement dans la Pré- face (Tr. de la Cult. des Terr. T. E. p. xxxiij , 2° Edition ) que « les Char- æ rues ordinaires peuvent produire » le même effet que la charrue à qua- » tre coutres , inventée par M. Tull». » Î[l ajoutoit (p. Ixj) que, «au lieu » de cet inftrument fort lourd , & » extrêmement difhcile à conduire, » On peut avec les charrues ordinai- »res, en prenant peu deterre à la » fois , parvenir à divifer auffi - bien » la terre ». Toujours d'accord avec lui-même, parce qu'il n’avance rien que fur des notions épurées , M. Du- hamel a conftamment tenu un fem- blable langage dans les autres volu- mes. Ainfi, par exemple, ce judicieux Ecrivain dit dans le T. II, (p. 27 & 28 ): « Comme j'ai décrit à la fin de # mon Ouvrage, [ le 1° volume du »# même Traite |] , des charrues & des # inftruments qui ne font point en 3 156 Défenfe de plufieurs Ouvrages » ufage dans les Provinces, on s’ima: # ginera peut-être qu'il faut commen- » cer, avant toutes chofes, par s’en » pourvoir. .......Il fufñt de bien » employer les charrues qui font en » ufage dans chaque province. Le bu # qu'on doit fe propofer, eft de ren- » drelaterre meuble à une grande pro- # fondeur : pourvû qu’on parvienne » à ce point, il eft indifférent quel » moyen on ait employé ; & toutes » les dificultés font levées quand » On peut, comme nous , faire labou- srer la terre, à bras; [il ne s’agif- foit que de quelques pieces de terre, pour éprouver la Nouvelle Culture 7. 5 Néanmoins , continue M. Duha- » mel, j'en ai fait labourer avec les » charrues que nous nommons à ver- » foir. Mais alors, fi je voulois que >» la terre fütremuée à une grande pro- » fondeur fous les rangées de fro- » ment, je fefois pafler deux fois la » charrue dans le mème fillon >. Puis cet Académicien ajoute : « Il > eft vrai que toutes les charrues ne » font point aufli propres les unes que _» les autres, à bien labourer la terre. # Celles qui n'ouvrent la terre que fur l'Agriculture. 157 # comme un coin, font beaucoup in- ® férieures à celles qui ont des cou- » tres & des focs coupants. Mais en< » fin, quand on fçait ce qu'il faut fai- “re, chacun doiteffayer d’y parvenir » par les moyens les plus commo- » des ». . Voyez encore les pages 114» 375 & fuivantes : & le Tome V, p. 61. Dans le I. Volume (p. Ixij), M. Duhamel faitaufli obferver que quand Pinclinaifon du foc d’une charrue n’eft ee réglée par un avant-train, les la- ours ne font jamais bien exécutés, & que les bêtes de trait en foufirent beaucoup. Pour rendre plusexpéditifle travail de la charrue, divers Amateurs fe font occupés de perfeétionner les charrues ordinaires , ou d’en imaginer de nou- velles. M. Duhamel, en faifantmen= tion. de quelques - unes, avertit (T. IV , p.x) quil « y en a qui convien- # nent mieux dans les terres fortes, » & d’autres dans les terres légeres. » Après quoi il dit qu'il fera avanta- » geux de rapprocher ; le plus qu'il eff pofr » fible, la forme de ces charrues, de celles p qui font déjà en ufage | | N xs8 Défenfe de plufieurs Ouvrages Ces fortes de changements éroient fur-tout néceflaires pour les labours que la Nouvelle Culture indique com. me eflentiels à faire auprès des ran- gées de grains, à différentes fois de- puis les femailles jufqu’à la récolte. S’agiflant alors d'enlever une mince épaifleur de terre, la plûpart de nos charrues fe trouvent trop pefantes pour ce labour fuperficiel. D'ailleurs leur volume devient embarraffant pour pañler entre les planches, lorfque le froment eft dans un étatavancé. On a donc imaginé des charrues légeres & commodes, pour cette efpece de ratiflage. Voyez le I. Volume du Traité de la Culr. des Terr. Chap. 23 & 24:le Tome I1,p. 175-6-7 : le Tome V, p. xxiv, 250: Tome VF, p. 264. Mais on doit ne pas perdre de vue les fages ménagemens de M. Duha- mel ; qui, après avoir dit (T. V, p. xxiv ) que « au moyen de quelques » légers changements qu'ila faits à la » charrue ordinaire de fon canton, » il eft parvenu à la rendre propre à » cet ufage ; » ajoûte:e Nous nous fommes rencontrésencelaavec plu- fur l'Agriculture. i$9 » fieuts de nos Correfpondants, qui » ont également réuffi à rendre les » charrues de leurs Provinces, pro- » pres à remplir les vues de la Nou- » velle Culture », Voyez encore la y. 285, & les fuivantes. Ajoûrons ici un endroit du 4e Vo- lume (p. 469, 470), où M. de Chi- teauvieux dit : « Si j'eufle pû préfu- » mer qu'en propofant pour l'ufage » de la Nouvelle Culture , quelques » autres inftruments que la chaïrue » proprement dite , on eût pù les re- » garder comme des aflujettuiflements » coûteux & embaraffants , capables » de détourner de cette culture, je » n’aurois pas penfé à les préfenter au » Public. Mais pourquoi PAgricul- »5 ture ne jouiroit-elle pas des mêmes » avantages qu'on a fçu fe procurer » dans prefque toutes les grandes > Manufaétures , où l’on a fçu profiter » de toutes les inventions & les dé- » couvertes utiles, foit pour en per- » feionner les ouvrages , foit pour » les fabriquer en moins de temps & » avec moins de dépenfe ? C’eft auñfi » dans la vue de faciliter les travaux & de la culture ; c’eft pour les mieux 160 Defenfe de plufieurs Ouvrages » exécuter ; c’elt pour les faire avec: » moins de dépenie, & plus promp- » tement, que jai introduit mes nou- » veaux inftruments dans la pratique » de la culture de mes terres. Si d’au- » tres que moi en veulent faire ufage, » 1ls jouiront de tous ces avantages: » je ne les préfente donc point com- » me néceflaires ; la charrue feule » peut être fuffifante. Mais après lPu- » fage que j'ai fait de mes inftrumens » pendant les années 1753 & 1754; 2 j'ai cru devoir en confeiller l'ufage # aux partifans de la Nouvelle Cul- 2 TUTE ». Outre les raifons que j'ai alléguées comme de bons motifs pouradopter, foit les changemens faits aux char- rues ordinaires, foit l'invention de nouvelles charrues ; je crois devoir encore faire obferver, d’après M. Duhamel ( Cult. des Terr. T. VI, p. 219), qu'il y a beaucoup de variété entre les charrues ufitées dans diffé- rentes provinces ; & quoique l'on puifle fuppofer que la différente na- ture des terres, {oit fortes, foit lé- geres , ou pierreufes , avoit exigé que a l'on variät la forme des inftruments »* ter fur l'Agrièulture. 16E # de labourage; cependant, tout bien » confidéré, cette raifon n'exiite pas » toujours. C’eft pourquoi , dans plu- » fieurs pays , il feroit à propos d'a- » dopter pour cultiver les terres , les » charrues qu’on emploie dans d’au- » tres». Confultez encore le 6° Vo- lume du Tr. de la Cult, des Terr. p.43; 44. Cette réflexion eft fuivie d'un {çavant détail fur les diverfes efpeces de charrues , tant légeres que fortes , ufitées dans chaque province. M. Duhamel y fait obferver ( p: 224) que plulieurs de ces charrues font affez commodes pour labourer entre des arbres, ou entre des fillons de vigne ; & qu’elles pourroient fer- vir à donner les cultures aux plate- bandes du froment , & entre les ran- gées de fainfoin & de luzerne ; mais qu’on doit plutôt les regarder com- me des Cultivateurs , que comme de vraies charrues. Les Culrivateurs étoient alors des inftruments légers qui remuoient la terre en la fouillant en deflous , & fans la changer de place. M. de Chäteauvieux & quel- ques. autres Amateurs ont imaginé de ces inftruments, qui rendent la 162 Défenfe de plufieurs Ouvrages terre bien meuble ; mais qui, ne la renverfant pas fur le côté, laifloientles plantes privées d’un avantage confi- dérable , celui d’être rechauffées par le labour. Confulcez ce VIe Volume, p.226. Il eft néanmoins poffhble d'y adapter un Ou deux Verfoirs , comme on le voit dans le IVe Volume, p. 18,113, 114, 11S, 469. Quant aux grofles charrues, M. Duhamel rend très-fenfible (p. 225 ) l'inconvénient de celles d’une certaine confiruétion où, fans foc tranchant & fans coûtre, un gros bloc, traîné par des bœufs, eft dirigétant bien que mal par un le- vier. Remarquant enfuite que telle charrue qui convient dans les terreins fablonneux & légers , ne peut fervir dans des terreins fort pierreux, fur- tout quand ces pierres tiennent du filex ou du grès qui ufent les coûtres & les focs ; ce grand Maitre en fait de Culture , expole (p.227 &’ fui.) les caratteres auxquels on reconnoit une bonne charrue ; & finit en difant ( p. 237) : « Mais toutes ces charrues » dont la forme paroît fi différente, » fe reffemblent dans les points eflen- « tiels. Ainfi chacun fera bien d’em- fur l'Agriculture. 163 : ployer celles qu’il trouvera ufitées » dans chaque province ; fe conten- » tant de faire quelques légers chan- » gements à 1e dut du foc & à la > forme du verfoir, pour les rendre » plus propres à remplir fes inten- 22 CIONS 3. R È * Le refte de la page contient un fait , defliné à montrer que certai- nes charrues méritent la préférence fur les autres ; & qu’il y a des circonf- tances où un cultivateur intelligent peut trouver un avantage réel à s'ap- proprier les charrues d'une autre Pro: vince. Ces principes fe retrouvent avec la même uniformité dans les Elémens d'Agriculture, Liv. 2 , ch.2 3; & liv. 7 ; ch. 1. Bien plus, le 4e article du 1° chapitre du 6 livre traite de la Maniere de pratiquer la Nouvelle Culture avec Les Inffruments ordinaires. J'ai cru devoir infifter fur cet ob- jet, pour que l'on fût perfuadé que Ja Culture dont il s’agit n’oblige pas ceux qui l’exécutent, à fe fervir d’infe truments, dont la ftruture & la con- duite leur foient étrangeres, Je ne dif fimule pas aufli que j'ai eu intention 164 Défenfe de plufieurs Ouvrages d'écarter les préjugés que M. de la. Salle seit efforcé d'établir par rapport aux Charrues de nouvelle invention. Cet Auteur a décoré fon Manuel d'un Frontifpice où la Culture de M. Tull eft repréfentée fous la forme d’une femme qui tâche de féduire un jeune laboureur pour qu'il fe ferve d’une charrue à femoir (*) ; & Triptolème J'avertit de ne point changer de foc : ex- preflion que M. de la Salle rappelle fententieufement dans le corps de l'ouvrage. Sept pages entieres ( ss & fuivantes ) font employées à la com- menter, & à en faire l'application, telle qu'Olivier de Serres la jugeoit convenable pour des charrues pro- pofées fous le regne de Henri IV. Qu'il me foit permis de faire une di- greflion à ce fujet : car des arguments préfentés avecunair d'importance par un Auteur qui a de la réputation , ne doivent pas demeurer fans réponfe. Premierement, cette longue fuite de phrafes tend vifiblement à faire pren. dre le change fur l’état de la queition. (*) M. de la Salle dit Semoir à charrue : cette expreflion n’a jamais été employée dans aucun des Volumes de M, Duhamel, fur l'Agriculture. 16$ De Serres n’a dit, Ne change point de foc , que par rapport à de nouvelles inventions de focs de charrues, qu'il défapprouvoit; & M. de la Salle n'atta- que que les Semoirs, inftruments dont nous parlerons dans la fuite, & dont les focs ne font nullement deftinés ._ à labourer la terre, mais à diriger la femence dans les fillons , en opérant feulement une divifion des molé- cules qui peuvent fe rencontrer vers Ja furface. 29, J'ai évidemment expofé les rais fons que l’on a eues pour adopter, foit certains focs, foit des verfoirs particuliers, foit d’autres changements aux charrues ufitées dans chaque pro- vince. On a vû queles perfonnes les plus capables de faire autorité en ce qui regarde la Nouvelle Culture in- fiftent pour que l’on tire tout le parti poflible des charrues ordinaires ; aflu- sant même, par leur propre expérien- ce, que fans rien innover dans les bons inftruments du labour , on peut parfaitementameublir laterre.Sidonc quelques curieux ont voulu fe donner la fa tisfation d'inventer d'autres char- gues , quelque ingénieules qu'elles 166 Défenfe de plufreurs Ouvrages foient, on ne doit pas dire qu’elles ap: partiennent effentiellement à la Mé- thode de M. Tull. 3°, I ne feroit pas difficile de prou- ver que le texte même d'Olivier de Serres, en motivant fa cenfure , de- vient un blâme pour celle de M. de la Salle. Car de Serres étoit trop bon juge pour condamner ce qui feroit avantageux à l'Agriculture; & les ex- ceptions qu'il met pour confentir à des changements, font très - fayoras bles à la Nouvelle Culture, 4°, Parce que Caton a dit avant de Serres , Ne change point de foc ; M. de la Salle employe cette double au- torité comme une arme redoutable dont il croit que le Syftème de l’Au- teur Anglois ne peut fupporter les coups. S'agit-il donc ici d'un Dogme Théologique? Les Sentences les plus authentiques peuvent - elles quelque chofe contre des expériences certai- nes, en ce qui eft du diftri@ de la Na- ture ? Quand les faits évidents fe mul- tiplient pour établir une vérité, on doit préfumer que toute perfonne éclairée fe feroit fait honneur d’y don- ner {on fuffrage fi elle eût conqu des fur l'Agriculture. 167 reuves fi décifives. On verra dans a fuite de nos Obfervations , que la Méthode de M. Tull remonte fort haut dans l'antiquité ; que ceux qui l'ont fuivie avant nous, en ont ob- tenu des fuccès ; & qu’on pourroit bien regarder comme innovation la pratique commune. » ]l n’y a point de terrein laboura- » ble, fi difhcile qu'il puifle être ,( dit » M. de la Salle, p. 53, 55) qui par » le moyen de la charrue à verfoir, + ou de celle à oreille , ne puifle être » bien ameubli, bien retourné, bien .» fouillé, & même renouvellé lorfque » le fond le permet. Ne pouvantêtre » exigé rien de plus de l’ufage d’une » charrue , à quoi donc peuvent fer- » vir toutes les inventions nouvelles » en ce genre, propofées par M. Tull » & par d’autres» ? On a vû ci-de- vant(p. 15$-6-7-8-9, 160) que M. Du- hamel & plufieurs de fes Correfpon- dants font perfuadés qu’on peutretour. ner,défoncer & parfaitement ameublir un terrein avec Îles charrues ordinai- res, & qu'ils les y ontemployéesavec fuccès. Mais il faut être doué de l’in- telligence de ces habiles Cultivas 168 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages teurs , & avoir des gens aufli adroits que ceux dont ils pouvoient difpofer, pour exécuter ces mêmes opérations dans un champ femé à la maniere de M. Tull. Nous examinerons bientôt quel peut être l'avantage de ces pra tiques. Pour ne point nous écarter de l'objet préfent, on peut demander à M. de la Salle s’il croit que la charrue à verfoir & la-charrue à oreille, en général, foient auffi parfaites qu’elles peuvent l'être. S'il infite pour l'afhir- mative , 1l fe trouvera dans lanéceflité de prouver que telle ou telle efpece de l’une ou l'autre charrues, ne mérite pas de préférence fur aucune autre. Car, pour peu que l’on change de canton , l'on apperçoit de la diffé- rence dans ces inftruments. Ce font toujours des charrues à verfoir, ou à oreille ; mais elles varient prefque au tant que la forme des maifons deceux qui emploient ces inftruments. On obferve ces doubles objets de compa- raifon en pañlant de l'Ifle de Franceen Champagne , Bourgogne, Brabant, Flandre , Picardie, Normandie , Bre- tagne, Poitou, Guyenne, Langue- doc ; Provence , & en parcourant fucceflive- fur l'Agriculture. r69 fucceflivement les autres Provinces, Les meilleurs inftruments de labour, pourvus de verfoirs ou d'oreilles, y {ont aufli peu uniformes que le lan- gage, la façon de bäur les maïfons de payfans , & que d’autres ufages. Si de tels changements arbitraires ne auifent point à la parfaite exécution des labours, -ainfi que M. de la Salle doit l’admettre , par fa propoñition, n'a-t-On plus aujourd’hui le droit d’y rien innover ? Les innovations de ce genre peuvent - elles manquer d’être avantageufes , quand elles feront fai- tes par des perfonnes inftruites des loix de la Méchanique, & pour qui l'expérience jointe aux connoiffances acquifes par les voyages , feront des guides éclairés? De Serres, l’Oracle de M. de la Salle , dit très-fenfément à propos des charrues & de l’Agri- culture ( Théärre d'Agric. Liv. 2, ch. 2, p. 71, del’Ed. de Lyon 167$,in-4°): « Nous pouvons fçavoir ce que » nos peres ont fçu le temps pañé. » Avec jugement pouvons-nous y |» ajoüûter de nos inventions expéri- » mentales pour fervir d’adrefle à la # conduite de nos affaires ; ce qu’on 170 Défenfe de plufieurs Ouvrages # ne doit opiniatrément rejetter ». On peut donc regarder comme une illufion cet autre aphorifme, que M. de la Salle extrait de la Maifon Ruffique de Liébaut : Qu'importe comme foit lecouteau, pourvi qu’il coupe le pain. Il faut fuppofer que le couteau eft en état de bien couper; & alors, fi la lame , bien tranchante , eft emman- chée folidement & commodément, le refte peut être regardé comme ac- cefloire. Ce n’eit pas aflez qu'une charrue ouvre la terre ; il faut qu’elle le faffe de maniere à en procurer l'a- meublifiement:or l'infpe&tion & la ratique des divers inftruments de la- 5 démontrent qu'il y a des char- rues qui ouvrent la terre fans l’ameu- blir. Telles font celles qui n’agiflent que par preflion & écartement, com- me faitun coin dans du bois : l'oreille ou le verfoit qui accompagnent de tels focs ne retournent & ne rejettent fur le eôté que des mafñes de terre ; & le labour eft conféquemment fort mauvais. L’ameubliflement eft l’ef- fet des charrues dont le coutre en- tame laterre dans le fens vertical ; le foc la coupe en-deflous ; & em fur l'Agriculture. 17€ cet état elle parvient à l'oreille qui la renverfe. Ces différences , très. fenfibles dans la conftru&tion des inf ruments , ainfi que dans leur effet , font eflentielles : l’expérience à la- quelle il plait à M. de la Salle de nous rappeller fouvent avec affeétation , en fournit des preuves évidentes. | Ainf cet Auteur feroit capable d’é- garer ceux qui , fur fa parole, adopte- roient le commentaire qu’il fait de la phrafe de Liébaut , que nous venons de difcuter. Voici fes termes : « Lié- » baut ne traite de la charrue que pour » dire qu'il faut la daiffer telle qu’elle _ Left; fans même entrer dans aucun _» détail fur fa conftruétion ; parce qu'il _ + eft clair que tous les changements qu'on pourra propofer feront tou- | + jours aumoins inutiles ». Man. d’A- gric. p. 157 & 153. M. Pluche fe fert judicieufement quelque part , de l’expreffion de bon- homme Liébaut. Ce que nous venons de dire prouve fans réplique, que ce qu'il décidoit {ur la charrue , étoit un trait de bon-hommie. Les amis de M. de la Salle ne peuvent que le plaindre d'y avoir donné fon fuffrage. |: | H ïj 172 Défenfe de plufieurs Ouvrages Je pañle fommairement fur toutes fes objections, parce que je ferois obligé de faire un gros volume fi je voulois répondre à chacune des phra- fes qu’ila le talent de muluplier , pour ne dire qu'une même chofe en diffé- rentes façons. Les perfonnes qui vou- dront prendre la peine de comparer fon livre avec celui- ci, faifiront fa- cilement l'identité de penfée qui remplit prefque toujours plufieurs pa- ges par forme d'accompagnement de chaque endroit principal que j'ai foin de citer. | « Mais ,ditcet Auteur (p. 58), dans sle cas où il conviendroit de faire # quelques changements à la charrue ; » fera-ce un Amateur d'Agriculture , » qui n’a jamais expérimenté Ou que » très-peu, qui fera capable de les trou: » ver; tandis que de tous ceux qui » jufqu'à préfent ont véritablement » connu l'Agriculture, & qui Font » pratiquée toute leur vie avec les » inftruments ordinaires, iln'y en à » pas un feul qui ait propolé fur les » charrues & fur les façons de femers » aucune nouveauté ; parce qu'ils en æ Ont tOUjOuIs conçu l'inutilité? » ILef& Me ee Re ne für l'Agriculture, 173 vrai que la pratique des Arts met fur la voie pour les perfettionner. Ceux qui s'y exercent avec une vraie intel- ligence feroient fouvent capables de reiñer ce qui y fubfifte de défauts, & d'y fuppléer par des découvertes, Mais, comme on l’a obfervé ci-deflus p.45, la plûpart des artifans étant pref- fés par une multitude de beloins aux- quels ils ne peuvent fubvenir que par untravail prefquetoujours forcé, n'ont ni le loifir ni les facultés néceffaires pour réfléchir fur leur Art; & ceux qui facrifient la raifon d’un travail aflidu, au defir de la perfection & des décou- vertes , s’expofent trop fouvent à l’in- digence pour qu'un femblable goût ne paroiffe pas dangereux. C’eft donc un bonheur pour les Arts, que des Amateurs quine font pas fans expé- rience , & dont le goût eft dirigé par les lumieres de laPhyfique , fe livrene à des recherches utiles. Archimede, ui n’étoit pas Artifan, a été d’un ais infini aux gens de cette claffe. Pourquoi l’Agriculture feroit-elle le feul Art qu'il fallût abfolument exer- cer par état, pour devenir capable d'y introduire la perfe&ion ? Aurefte, Hi 174 Défenfe de plufieurs Ouvrages nous avons déjà fait mention (p. $0ÿ du Semoir exécuté par un Laboureur même , de la Généralité de Bourgo- gne. Le fieur Petit, qui exploite à Genainville la ferme des Chartreux de Gaillon, & qui, ayant ofé faire parquer fon troupeau durant tout lhi- ver , a réufhi & a eu le bon fens d’aug- menter par degrés, chaque hiver, le nombre des bêtes qu'il expofoit aux rigueurs de la faifon ; ( Tr. de la Cult. des Terr. T. VI. p.203-204); un tel laboureur feroit, fans doute, capable d'imaginer & d'exécuter bien des chofes dignes d’un homme que la routine ne décide point. Feu le fieur Daily , qui faifoit valoir une portion du parc de Marly, & qui mettoit de mème parquer fes mou- tons, a imaginé plufeurs change- mens utiles à un des meilleursSemoirs. (Cuir. des Terr. T.IV , p.117 & fui- vantes). Nous devons mettre au nom- bre de ces Laboureurs diftingués , qui faififlent habilement les traits de lu- miere propres à les guider dans la perfetion de leur Art, cet autre à qui M. de la Salle ( Man. d'Agric. p. 64), donne de juftes éloges pour avoir fur l'Agriculture. 175$ copié en entier le Traité des Prairies Artificielles :: Qu'un tel Homme eût été témoin des récoltes produites par la Nouvelle Culture & par les Se- moirs , dans les terres de M. de Cha- teauvieux & ailleurs ; n’auroit-il pas été empreflé de fe donner un femoir à N'eût-il pas fait encore plus que ce que nous avons rapporté (p. 48 &c} d’un bon nombre de Laboureurs , déterminés à fuivre une méthode dont la nouveauté leur avoit paru fufpe&e ? D'ailleurs , toute pratique qui fron< de en grande partie les ufages reçus en fait d'Agriculture, a-t-elle un privi- lege paruculier , dont foit exclus feul un changement quelconque dans les anftruments du labour ? M. de la Salle, qui fe glorifie (Man. d’Agric. p.202) « d’être le premier dans toute l'Agri- » culture qui ait donné lexemple de » fon Syftème de Prairies Artificiel- » les » ; auroit - il trouvé raifonnable non feulement que l’on blämät fon innovation, mais encore qu'on lui en conteftat le droit comme n'étant point Agriculteur? Car enfin, lorf- qu'il fit fes premiers pe Sr lui mans iv 176 Défenfe de plufieurs Ouvrages quoit ce caractere ; il n’avoit point cette expérience dont il fe pare & s'étaye fi fouvent ; on auroit pu dire qu'il ne faifoit encore que bégayer fur fon Syftème : puifqu’il convient Cp. $71 ) que fes premiers pas ayant été trop peu mefurés, il fe vit bientôt obligé de réformer une partie de fon train. Comme 1l déclame beaucoup contre la routine , qui eft l’ufage or- dinaire, & qu'il prefcrit aux Culriva- teurs un ordre d'opérations qu'ils mé- connoiflent ; je demande à cet Au- teur qu'il s’arrète pour écouter la voix publique qui lui oppofe les mêmes objettions dont 1l prétend fe fer- vir contre la Nouvelle Culture : s'il réuflit à fe juftifier , fes propres dé+ fenfes deviendront l'apologie de cet- te méthode. à LR. Des Semoirs. LE Semoir n’eft réellement qu'une frivolité ; une « invention inutile dans » notre façon de cultiver, & quin’eft » néceffaire que dans la pratique de ? la nouvelle méthode » , dit M. de fur l'Agriculture, 177 Ja Salle , pp. xv, 55 , 68. Je ne fçai fi c'eft à deiiein de plaifanter , en em- ployant une expreflion triviale ; ou {1 c’eft dans une autre vue ; qu'il dit encore (p. 498} que « n'étant pas >» poihble de femer à la main trois ran- » gées dans un grand terrein, on fe ».{ert d’un femoir qu'on dit être de » l'invention de M. Tull, & qu'il ap- » pelle Drill: auffieftl fi?2zsrx dans » fon opération, qu'en faifant les ran- » gées, 1] y répand en même temps » le froment, & le couvre». Si M. de la Salle a réellement voulu faire allufion au terme populaire de Drilles comment na-t-1l pas fenti qu'un Gentilhomme qui a reçu une éduca= tion Angloife n’auroit vraifemblable- ment point choifi, pour introduire dans fa langue naturelle, & en faire un terme important, un mOt qui n’eft d'ufage parmi nous que dans le plus _ bas peuple ? Pour trancher toute difculté à cet égard , je crois devoir rapporter ce que dit M. Tull même : « J'ai nommé cet inftrument Drill, » parce que les fermiers avoient cou- » tume d'exprimer par le nom de Dril- » ling , leur maniere de nes les : À 4 178 Défenfe de plufieurs Ouvrages » feves & les pois dans des fillons ». Notes on the Horf/e-Hoing Hufbandry , London 1733 ,in fol. p. 254. Le Semoir de M. Tull étoit un inftrument fort compofé , & trop dé- Jicat pour être manié par des pay- fans, ainfi qu’en a averti M. Duha- mel dans le Tr. de la Cult. des Terres, T. I,p. 114. Voyez encore le 2e Volume , p. 132-3-4. Ce n’eft donc pas proprement de ce Semoir que M. ‘de la Salle a eu raifon de dire (p.510) que c’eft la piece importante de la Nou- welle Méthode. Comme le Semoir Anglois avoit | des défauts eflentiels ; & que la diftri- | bution rézuliere des femences dans ‘une grande exploitation, tant pour Jeurs diftances refpettives, que pour la profondeur qui ls convient, de- mandoit un inftrument de. ce genre ; on s’elt appliqué à en faire de meil- | leurs , c’elt-à-dire , affez folides pour ne pas rifquer d'être brifés ou déran- ‘gés lorfqu'ils feroient maniés par des gens grofliers & mal-adroits: Onfen- | “tit encore qu'il falloit que ces inftru- ments puflent être conftruits par des ouvriers médiocrement habiles, & fur l'Agriculture. 179 réparés par celui qui doit s’en fervir; en un mot, qu'ils fuflent fimples ; commodes , faciles, & que leur con- duite n’aflujettit pas à trop de pré- ciñion. C'’eft ce que fit remarquer M. Duhamel dans fon 2e Volume du 77. de La Cult des Terres, p.134 & 135$: Cet Académicien propofa en même- temps un Semoir de {on invention; où il avoit raflemblé ces divers avan- tages, & quiexécutoit l’operation de femer & recouvrir le grain, aflez vite our qu'un feul homme püût femer $ à G'arpens dans un jour, Ce Semoir y eft décrie,, & fon ation expliquée , depuis la p. 140. Dès - lors M. de Montefuis’en fervit avec grand fuc- cès, « tant pour femer les terres qu'il » deftinoit à la Nouvelle Culture, 5 que celles qu’il fe-propofoit de cul- pitiver à l'ordinaire » : p. 157, 239. M. Duhamel fit énfuite des change- mens à cette machine : pour bien les _ comprendre, confultez le 2e Volu- ME, p.135, 157-8 , 240-1-43 le 3e, Volume ; p.375 ; le T:1V, p.68-9, 86-7-8,, &c; 117,126-7 , 458 & fui- vantes y T. V, p. 269; 270 juiqu'à 2833 T: VI, p.271-2-3-4-5 ; 357 H v; 180 Défenfe de plufieurs Ouvrages & fuivantes , 374-5 ; les Elémens d'A: griculture , T. IE, p. 404-5. Au moyen de quoi le Semoir eft devenu plus léger, beaucoup moins coûteux, fort aifé à manier, à portée de fervir aux payfans les moins capables de réfle- xion ; & propre à femer en toutes for- tes de terres, fur plufieurs diftan- ces , plus ou moins épais, & des fe- mences de différentes groffeurs. M. de Châteauvieux imagina auffi un: Semoir , dont la précifion ne laiffoit sien à defirer : T. II, p. xv, xvj, 214, &c, 374. Voyez auflrle 4e Vo- lume, p.xi, 458,&c. Bientôtaprés, M. de Montefui en conftruifit un, qui avoit fur les autres l'avantage d’une grande fimplicité : F. ILE, p. xvj, 373-4 & fuivantes ; T. EV , p. 116-7. On voit dans le 42 Volume un autre Ssemoir , de M. Diancourt, p. x1j, 14; &c:&àlap. 110, la defcription d’un inftrument fort peu coûteux, avec lequel M. Vanduffel a femé très - ré- guliérement de petits champs, & qui peut être utile dans d’autres fembla- bles exploitations, dont le produit _ n’indemniferoït pas de l'achat d'un Semoir, Voyez encore les pages fur L Agriculture. 18r 68-9 , 86-7, &c ; T. VE, p. 271-4- 5-7» 280-4-7, 295-7-8-9, 3233 & les Eléments d'Agriculture, T. I, p. 482 ; T. II, p. 404, où M. Duhamel détaille divers inftruments de ce gen- re , imaginés par différentes perfon- nes. Cesattentions multipliées peuvent Âervir à prouver que l’on étoit con- vaincu du bénéfice qui réfute de l’ufa- ge d’un inftrument propre à répandre la femence avec régularité. Avant tous ces Semoirs , D. Jofeph Lucatello en avoit faicexécuter un en Efpagne, quitout imparfait qu'ilétoit, procura un bénéfice confidérable dans la récolte, indépendamment de l'épargne faite fur lafemence. Ce mê- me Semoir , éprouvé en 1663 dans les états de l'Empereur , eut un fuc- cès prodigieux. Confultez le 17 Vo- Jume du Tr.dela Culi. des Terr. p. 372 & 373, puisles pp. 364 & fuivantes ; où cet inftrument eft décrit, & fon ufage circonftancié. On voit encore dans le 2e Volume ; (p+ 189, 190-1 & Planche V,}) une Charrue envoyée de la Chine en France, qui laboure & feme en mè+ me temps, 282 Défenfe de plufieurs Ouvrages Ne réfulte-t-1l pas de ce concours un préjugé favorable à des inven- tions telles que celles-ci, qui réunif- fent la promptitude , la régularité & la commodité du travail ? | « Ces inventions, dit M. de la Salle (p. 563 ) « ne feront jamais ve= » nir un grain de plus vis-à-vis une » bonne agriculture #. Des faits avé- rés feront une preuve convaincante que nos Semoirs Ont EnCOre cet avan- tage, outre les trois qui viennent d’ê- tre indiqués. ‘Ne perdons pas de vue que l’ufage du Semoir produit une épargne confidérable fur la femence. Voici donc une mention fuccinte de témoignages affleznombreux pourren- dre certaine la fupériorité des récol- tes opérées: per le Semoir.°Je’pour- rois accumuler des faits dont ilréful- teroit dans la plus grande évidence; que , vis-à-vis de la culture commune, le Semoir produit prefque le double, tant en mn NP de femence qu'en grain récolté, dans des champs où on l'a employé pour femeren plein. Les perfonnes qui voudront s’enaflurer ; Ja qualité la plus parfaire ; car, ces >» lui qu'il a récolté étoit fort beau » Voyez encore le 4° Volume; p. 394 & 302. | Mais 1l importe de me mettre pré 184 Defenfe de plufieurs Ouvrages cifément dans le point de vue où M. de la Salle s’eft placé , en nous dé- Bant de montrer que Le Semoir puifle faire venir un grain de plus , vis-a-vis d’une bonne culture. Suivant les principes de cet Au- teur , une bonne agriculture eft celle qui ameublit la terre autant qu’ileft pofble, relativement à fa qualité & au befoin des plantes. J'aurai donc gain de caufe fi je puis établir que les terres difpofées en planches, fuivant la Nouvelle Culture, rapportent plus de grains, que celles que lon fe con- tente de femer en plein avec le Se- moir , quoique ces dernieres foient dans un bon état d’ameubliflement & de culture à tout autre égard. Pour y réuflir, je n’aurois prefque befoin que de rapporter le fuffrage refpeétable de M. de Châreauvieux. Cet amateur a adreffé à M. Duhamel , pour inférer dans le Trraité de la Culture des Ter- res. ( Tom. V, p. 498 & fuivantes) une fuite de calculs, en comparaïfon de terres femées les unes en plein, les autres en planches ; relativement aux travaux , & aux produits nets , de plufeurs années, On y voit que le fr l'Agriculture. 183$ produit des planches furpañle éton- namment celui des terres femées en plein avec le femoir, & que celles- ci ont l’avantage fur la pratique or- dinäire. M. d'Elbene a pareillement fourni pour le 6 Volume du même ouvrage un détail très - circonftancié , où , après avoir expolé le produit com- mun de certaine quantité de fes ter- res depuis l’année 1677 jufques & compris 1756 ; il compare ces récol« tes à celles qu’il a eues dans les mê- mes champs en 1757-8 & 1759; en ayant toujours femé une partie fut- vant l’ancienne façon , une autre par« tie en piein avec le Semoir , & une troifieme conformément à la Nou- velle Culture, Puis 1l dit 6p. 133 ): « Le réfultat de ces trois années pa- 5 roîit établir clairement l'avantage » de la bonne fur la médiocre Cul- » ture ; celui du Semoir en plein , fur > la méthode ordinaire de répandre la » femence; & dela Nouvelle Culture, » fur l’Ancienne. . .... Les terres fe- » mées en planches ont donné plus » de grain que celles qui l'ont été à » l’ancienne façon, & avec le Semoir, 136 Defenfe de plufieurs Ouvrages .# Ce bénéfice ne peut avoir été proz # curé que par cette méthode, puif- 5 que jé na! mis du fumier nulle » part 3.:....@& qu'une partie des » champs en plates-bandes eft recon- # nue pour être mes térres de la moin- » dre qualité, & comme telle, étoit » deftinée par mes fermiers à porter » du feigle 55 Des épreuves fi bien faites, & en grand , {ont fans doute des témoins irréprochables. . M. de la Salle, au heu de s’inftruire de la vérité dans ces fources claires , fe contente de jetter des doutes infidieux, afin d’indifpo- fer contre une méthode qu'il ne peut attaquer autrement, Je continuerai d’être fidele à mon plan, comme il l'eft au fien dans tout le Manuel d'A4- griculture : ÿ’oppoferai toujours des preuves à fes foupçons, des faits à fes affertions vagues ; & je préfente- rai la lumiere, où il a répandu des nuages. Tel eft encore cet endroit de la p. $ 62 : « Quand la quantité de femence » a été réglée par le laboureur; qu'ilfe » ferve du femoir, ou qu'il fe ferve » de fa poignée, pour la répandre , y für l'Agriculture. 187 #a-t-1l quelque chofe pour lors 5 à gagner pour lui ? & y aura-t-il » plus d'avantage d’un côté que de » l’autre 5 ? Voici ma réponfe. Quoiqu'il foit vrai qu'un bon femeur acquiert l’habi: tude & l’adrefle de femer à la volée af fez également la totalité d’un champs ce grain répandu à pleine main en forme de pluie, & avec force, bon- diffant fur la terre , tombe en quantité dans les parties les plus bafles , & s’a- malle par pelotons au fond des raies qu'a tracées la charrue , dans une terre douce. Pour couvrir cette femence, on fait paffer la herfe en plufieurs fens; jufqu’à ce que le terrein foit à peu-près uni, & qu'on n’apperçoive plus les fillons. La terre des éminences étant rabbatue dans les raies, le terrein fe met à l’uni ; & la femence leve par rangées , attendu qu’elle s’eft raffem- blée dans les fillons. Cette maniere d'enfemencer ,que l’on peut regarder comme une des meilleures, par rap- port à ces fortes de terres , fait que les grains étant trop preflés, il yena beaucoup qui avortent. D'ailleurs en examinant de près le champ nouvel- 188 Défenfe de plufiéurs Ouvrages lement herfé, on apperçoit à fa furface quantité de grains, qui, étant décou- verts , ne tardent pas à être enlevés par les oifeaux. Qu'on emploie la herfe ordinaire , ou la herfe roulante deftinée à émotter le champ, lin convénient dont nous parlons, fub- fifte toujours, | Dans les terres qui font trop for- tes, trop remplies de mottes, pour permettre l’ufage de la herfe, le grain étant répandu avec la main eft enterré à la Binette : c’eft-à-dire, qu'avec une charrue qui pique peu, l'on refend les éminences pour cou- vrir le grain qui eft dans les fil- lons. Quelque foin que l’on apporte, il eft impoffible de les refendre tou- tes également. Il réfulte donc fou- vent de ce labour général & léger, qu'une partie de la femence fe trouve couverte d’une trop grande épaiffeur de terre, pendant que l’autre n’elt point enterrée. Une troifieme méthode, eft celle de femer fous raies, que l’on emploie dans les terres qui déchauflent ; & _dans les terreins fort légers, où l'on craint que le vent ne découvre la fur l'Agriculture. 189 femence , ou que le Soleil ne deffé- che les racines des grains qui auroient germé trop près de ia fuperficie. Cet- te opération confifte à femer à la main fur le guéret du troifieme labour, & enterrer la femence avec la charrue 3 ayant foin que ce 4° labour foit léger, & pique peu, afin que le grain ne foit pas enterré trop profondément. Îl en refte alors beaucoup qui n'eit point recouvert, D'ailleurs il y en a encore un bon nombre qui fe trouve placé fur des endroits durs, où leurs pre- mieres racines ne peuvent s'établir 3 ce qui occafionne néceffairement une diminution de plantes. Dans les en- droits où l’on enterre ainfi is grain, on ne répand quelquefois d’abord que {a moitié ou le tiers de la femence, & onjette le furplus derriere la char- rue dans les fillons qu’elle vient de former : ce qui confomme beaucou de grain ; & fait que celui des fillons eft fouvent trop enterré, pendant que la portion qu’on avoit jettée fur le guéret, n’eft pas à une fufifante profondeur , & tourne en pure perte, foit par le pillage des oileaux, foit par le defléchement que le foleil ocs xco Defenfe de plufieurs Ouvrages cafionne dans les plantes qui ont leurs racines à découvert. Voyez le Traité de la Culture des Terres, T, II, p. 276. Par - tout où l’on couvre le grain avec la charrue ; pour peu que la terre foit humide , on la corroye , on l’en- durcit, on lui fair beaucoup de tort, & la femence eft enterrée à des pro- fondeurs bien inégales, | Tout ce que je viens de dire eft notoire , & M. de la Salle ne peut en nier aucune partie. Mais, s'il eût vû agir un Semoir , 1l auroit reconnu 1°, que cet inftrument fait des fillons pro- portionnés à la profondeur aue l’on juge convenable pour que chaque efpece de femence foit à portée de bien germer ; 2°, que tout le grain y eft dépofé fur un même niveau, où fes racines fe trouvent enfuite éga- lement à labri du foleil ; aucune plante ne pouvant être plus près de Ja fuperficie que Îes autres; 3°, le femoir rempliflant de terre chaque ri- sole , 1l n’y a point de grain qui de- meure découvert. Ajoutons que cet inftrument ne vérfe dans chaque ri- gole, que la quantité précie de {es ve sut fur l'Agriculture. 191 mence que l'on a jugée être conve: nable. | Ces faits , dont l'oeil juge fans ap= pel, font encore foutenus par ceux que nous avons indiqués comme pro- pres à faire voir, dans une grande évidence, que l’ufage du Semoir pro- duit conftamment des récoltes fupé- rieures à celles qui réfultent du grain femé à la volée ; fuivant l’ufage ordi- naire. Aufli M. Duhamel & beaucoup d’autres Cultivateurs , regardent-ils comme une branche réelle de la Nou- velle Culture , & un article important pour l’Agriculture en général , que Fon fe reftreigne à l’ufage du Semorir, fans rien changer à la façon de labou- rerles terres ; pourvû que l’on aitfoin de leur procurer tout l’ameubliffe- ment dont elles font fufceptibles , & dé les bien nettoyer d'herbes, Dès 1752, M. Duhamel imagina d’em- ployer le Semoir pour enfemencer en plein. Le champ fut très-bien fe. mé ; & quoiqu'on eût mis moins de fémence que dans les terres femées à l'ordinaire , 1l{e trouva autant four- ni d'épis que les autres, dans le 192 Defenfe de plufieurs Ouvrages temps de la moifion : Cult. des Terr. T.If,p. 238. Ainf on n’a pas lieu de regarder comme un dernier effort pour foutenir le Semoir, ce que M, Duhamel à dit dans les derniers Vo- Jumes & dansles Eléments d’Agricul. ture ; que la bonne culture pourroit être réduite aujourd’hui à lufage du semoir en plein, dans des terres bien ameublies & nettoyées par les la- bours. Voyez encore le Tr. de la Cult. des Terr. T. III , p. 63 & 64. Cette méthode, plus aifée à prati- quer que celle de M. Tull, aura tou. jours des avantages réels, du côté de la récolte, & pour l'épargne de la femence. Dans des cultures abfolu- ment égales , celle où tous les grains feront placés de maniere à germer & à produire des plantes, ne man- quera jamais de fournir une récolte beaucoup plus avantageufe , que celle des champs dont une partie du grain n'aura pas été bien couverte. Car, indépendamment de celui que les oifeaux enlevent , une autre portion placée trop avant dans la terre y eft érouffée, & l’on ne voit réuflir que les grains placés par hazard à une profon: - fur F: Agriculture. 193 profondeur convenable. Avec le Se- moir , l'opération eft mefurée, réflé- chie ,uniforme ; en un mot, tout de- vient profitable par cette méthode ; & il y a toujours de la perte réelle, dans l’autre. L’inftrument n’auroit peut-être au- cun avantage fur la main du femeur, fi l’un & l'autre ne faifoient que diftri- buer le grain , enforte qu’au bout du champ il ne reftät rien de la quantité que l'on avoit voulu y mettre, & -qu'on ne fût pas obligé d'y en ajouter une poignée. Cette précifion de la part du femeur eft un mérite : mais elle ne fufñt pas, quoique M. de la Salle affee de la vanter pour la met- tre au moins de niveau avec la préci- fion du Semoir ; p:372 , 562& 563. Ce qui éleve cet inftrument au-defflus de l’autre induftrie, c’eft qu’il difpen- fe de femer beaucoup de grain en pure perte. L'épargne qu'il produit fur la fe- mence eft une économie bien digne d'attention; puifqu’onfe prive foi-mê- me & les autres de tout le grain qui, étant femé, ne produit pas. Qu'on achete le bled de femence Fu que 194 Défenfe de plufieurs Ouvrages lon vende celui qui refte après les femailles , le plus ou le moins, foit d'achat, foit de vente , a un effetréel . dans l’ordre économique , & eft fen- fible à proportion des facultés du Laboureur. Confultez les Eléments d'Agriculture , T. 11 , p. 402-3; & le Traité de la Culture des Terres, T.IV, p.391-23 I. V, p.453 & 454. J'ajouterai ici un autre avantage du Semoir , en le regardant fous un point de vue également intéreffant. C'eit d’après M. France, Cultivateur ha- bile , que M. Duhamel l’a indiqué dans le 6 Volume du Traité de la Cul- ture des Terres, p. 80 & 81. Ayant fait défricher deux pieces de fainfoin qui ne font féparées que parune allée, & dont l’une contient 2132 toifes quar- rées, l’autre, 3003 ; M. France fit labourer quatre fois ,& herfer fix fois, chacune de ces pieces...... La terre en devint extrêmement fine & meu- ble. On enfemença la plus petite des deux en plein, avec un Semoir qui y répandit 87 livres & demie de fro- ment. L'autre fut femée à la main par le laboureur, avec $ 17 livres & de- mie du même froment, qu'il enterra | Ê fur l'Agriculture. 195$ avec la charrue. Les deux opérations fe firent en même temps. Deux hom- mes avec un cheval furent occupés au Semoir; & un autre homme conduifit un cheval pour faire pafler le dos de la herfe fur la terre enfemencée avec cet inftrument. D’un autre côté, le laboureur qui femoit, employa quatre hommes & huit chevaux pour enter- rer fa femence avec quatre charrues ; plus , un homme & un cheval, pour paller un rouleau : & ilne finit qu'une demi-heure avant le Semoir. Voilà une épargne bien confidérable de femence, d’inftruments , d'hommes & de chevaux, tout enfemble : objet frappant, qui démontre qu'il eft beau- coup plus -avantageux de fe fervir du Semoir , que de répandre le grain à la volée, M. de la Salle ne néglige rien pour nous perfuader qu'il regarde comme chimérique le gain que l’on fait fur la femence , en employant le Semoir. Tächons de mettre cet Au teur à portée de bien concevoir ce qu'il auroit pu apprendre comme nous, en lifant les Traités de M. Du- hamel, fur l'Agriculture. Car je fais Li 196 Défenfe deplufieurs Ouvrages profeflion de ne rien dire dans tout cet Ouvrage , que d’après un fi excellent Auteur. M. de la Salle lui impute (p. 561) « d'infifter toujours à attri- » buer à l’ufage du Semoir de pouvoir » beaucoup réduire la femence, fans » expliquer La caufe d’un effet auffi mer- » veilleux. Dans la pratique de la nou- 2 velle méthode, il y a du moins (ajou- >» te-t-il ) une caufe apparente, dans » fon prétendu principe de fécon- » dité : mais le propofer encore dans » une autre méthode qui a des prin- » cipes différents , avec les mêmes » avantages , fans en expliquer la caufe, » C'eft ce qu'on ne conçoit point », Oui, M. Duhamel a propofé l’ufa- ge du Semoir comme avantageux à cet égard , lors même que l’on voudra femer en plein un champ bien ameu- bli, & bien net d’herbes : nous le di- fons il n’y a qu’un inftant. Mais cet Ecrivain exa& , n’a eu garde d’omet- tre l'explication que demande fon adverfaire ; & dont il ne pouvoit! manquer de prévoir l'importance , ayant un zèle fi éclairé fur le Bien public. : Uny a point d’Agriculteur , mê- fur l'Agriculture. 197 fe parmi ceux fur qui le livre de M. de la Salle auroit fait impreflion , qui ne doive voir ici volontiers cette difcuffion intéreflante , quoiqu’elle exige un peu de longueur. M. de la Salle ayant nié des faits , je dois certi. fier leur exiftence : en expofant les raifons qu'allégue M. Duhamel , je me fervirai de fes expreflions mêmes. Voicice qu'on lit dans la Préface du 3° Volume du Traité de la Culture des Terres, pp. vj, vij & viij. « Quand » On €ft parvenu à rendre une terre » nette de mauvaifes herbes , le fro- » ment peut alors s'approprier toute la » fubftance de cette terre ; lorfqu’elle » aura été réduite en petites molécu- » les par des labours réitérés , les raci- » nes du froment s’étendront à des dif. » tances qu'on n'auroit pas imagi- + nées : au lieu de deux outrois tuyaux » que chaque grain produit ordinaire- » ment, il s’en élevera dix, douze, » & même un plus grand nombre : » cette augmentation fuppléera de » refte à ce qu'on aura retranché de » femence ; nous rapporterons dans » la fuite , de nouvelles preuves de ce p fait..,..,,,. Comme il fe trouve J'iij 198 Défenfe de plufieurs Ouvrages » néceffairément de mauvais grains » qui ne germent pas , & que d’ail- » leurs les mulots, les limaces, & » d’autres animaux , en détruifent tou- » jours une partie; 1l eft nécefiaire » de facrifier une portion de femence » à ces accidents. Mais ce furcroît » de femence, qu'on peut regarder » comme une perte nécellaire, ne » fera jamais comparable à la dépré- + dation que l’on éprouve en fuivant » la pratique ordinaire de labourer & » de femer, Suivant cette ancienne » méthode, les grains qui profperent » produifent un où deux épis , quel- » queéfois trois, rarement quatre ; & » pour réduire le tout à un taux com- » mun, fuppofons que chaque grain » produife deux épis, on peut en- » core fuppofer que, l'un dans l'autre, » chaque épi contient trente grains : » ainfi chaque grain de froment qu'on » met en terre devroit en produire » foixante. Néanmoins les récoltes » ordinaires, prifes fur un gros lot de » terres, & réduites à une année com- » mune fur quinze récoltes , ne vont » pas au-delà de quatre ou cinq au plus » pour un. Ces faits qui font exatte- 7 fur l'Agriculture. 195 s ment vrais, prouvent combien ily a » de femence perdue en fuivant l’ufa- » ge ordinaire ; & quelle économie » 1l doit réfulter de la nouvelle façon >» de cultiver les terres, même en em- » ployant le furcroit de femence qui nef néceïfaire pour les accidents » dont nous avons parlé. Il eft bien » vrai qu'on pourroit, MÊME en pra- » tiquant la méthode ordinaire, fe » difpenfer de prodiguer la femence , » comme le font la plüpart des fer- » miers , & que les récoltes n’en fe- »roient que plus abondantes, fur- tout dans les bonnes terres 3 & » qu'on poufleroit encore plus loin > l'économie fi l’on fe fervoit de nos » Semoirs , qui répandent la femence » plus uniformément , & qui la recou- » vrent exactement de terre : mais les » avantages qu'on peut efpérer de » ces changements ne feront jamais » auffi confidérables , que ceux qu'on » obtiendra en fuivant toutes les opé- » rations de la Nouvelle Culture ». Dans le Ve Volume, M. Credo dit, relativement à la Méthode de M. Tull (p. 34 & 35 ) : « Il eft manifefte » à tout le monde qu'il peut y avoit iv 200 Defenfe de plufieurs Ouvrages . > la moitié de la femence épargnée ; . » puifqu'il n’y a pas réellément la moi- » tié de la terreenfemencée. Maisles » expériences démontrent que l’éco- » nomie va bien plus loin. On épar- ngne fans gène les cinq fixiémes. » Cette pratique tire fa bonté de la » perfe@ion des inftruments, qui fe- » ment toutavec profit ». Confultez- y encore les pages 36, 37; 457 & fuivantes. | Je crois être difpenfé de rien citer de plus; ayant déjà allégué fufñhfam- ment de bonnes raifons pour démon- trer en quoi confifte Fépargne opé- rée parle Semoir. On trouveraencore de quoi fe fatisfaire à cet égard , dans le TI. Volume des Eléments d’Agricul- ture, Liv. 6 , ch. 1, art. 2. M'étant fervi jufqu'à préfent en beaucoup d’endroits, des expreflions mêmes employées par M. Duhamel, j'ai donné au Public le moyen de re- connoître que cet habile Auteur ne fait pas dépendre du Semoir le reétablif]e- ment de l'Agriculture ; comme le lui attribue M. de la Salle , p. 372. Cet inftrument eftavantageux en tant qu'il elt commode , expéditif ; qu'il dimi- - fur l'Agriculture. : 2017 nue [a confommation de grain & les autres frais de femaille ; enfin, que. mettant toute la femence dans une fituation au moyen de laquelle on récolte plus de froment & qui elt mieux conditionné à tous égards, 1l rend cette denrée plusabondante, & le-laboureur plus aifé. Mais la vraie bafe fur laquelle M. Duhamel fonde le rétabliffement de l'Agriculture , eft le parfait ameubliffement des terres , & la deftruétion des herbes nuifbles : deux conditions fans lefquelles on feroit fruftré des avantages que pré- fente le Semoir. Voyez le Traite de la Culture des Terres, T. IV, p.30$ & 306. He Au refte , dans la ftruéture des dif. férents Semoirs dont nous avons fait mention, « chacun a travaillé relati- » vement au terrein qu'il avoit à culti- » ver. Ainfi quelques-uns de ces inf- » truments fe font trouvés propres à » enfemencer les terres que l’on feme » à plat ou par larges planches , & où » l’on enterre le grain avec la herfe ; » d’autres ont été deftinés à répandre » la femence dans le fond des raies, » iorfque la nature du terrein exige Iv 202 Défenfe de plufieurs Ouvrages » qu'on feme fous raies, & qu’on en- » terre la femence avec la charrue », Elem. d'Agric. TY. IE, p. 36. Ce texte de M. Duhamel s’oppofe au ridicule que M. de la Salle a voulu jetter fur le Semoir, en difant ( pp. 366 & 367) :« Dans lanouvelle mé- » thode de M. Tull, rien n’eft fi aifé » ni fi facile que la proportion de la » femence ; puifque , felon lui , il ne » s'agit que de réduire à moitié, au » tiers, & mème au quart , la quantité de femence qu'on emploie dans » NOS Pratiques Locales, pour être af- » furé, par ie moyen de fon Semoir, » d’avoir tous les ans d'excellentes » récoltes : il fembleroit donc, à l’en- » tendre , que ce ne feroit ni l'examen » du terrein , ni l'expérience , ni mé- » me toutes les variations & les acci- » dents ......, qui doivent régler + Ja quantité de femence par arpent, » & que l’ufage de fon Semoir auroit » feul cette vertu, parce qu'il a l’ef- >» fet d’efpacer chaque grain qu'il ré- + pand, à la diftance de cinq à fix » pouces plus ou moins ». Ce qui acheve de réfoudre l’objettion, eft que l’on voit en nombre d’e ndroits d fur l'Agriculture. 203 M. Duhamel infifter fur la prudence qui doit diriger le laboureur pour ré- pandre plus ou moins de femence,eu égard aux différentes qualités des ter- res , aux accidents , &cC. Ainfi dans le 4e Volume du Traité de la Culture des Terres, cet Académicien dit (p. XV) & xvii):< Pour trouver le terme » moyen qui doit ètre le plus avanta- » geux; On conçoit bien qu'il faut » avoir égard aux grains viciés qui ne » lévent pas, aux plantes qui périffent » dansles grandes gelées, & à celles » qui font endommagées par les in- » fetes. Ce n’elt pas encore tout ; en » fuppofant qu'on foit parvenu à fixer » la quantité de grain qu'il faut mettre » dans une certaine terre, Cette quan- » tité fera-t-elle également convena- » ble pour des terres plus gralles ou » plus maigres ? » Entre les Problèmes que M. Duhamel propole enfuite aux Amateurs d'Agriculture, le 2e deman- de « Quelle quantité de grain il eft à » propos de mettre dans une terre qui » n'eft ni trop forte ni trop légere » £ Voyez encore ci-deflus pp. 198, 199. ce que nous avons extrait du 3° Volu- me : & dans le 2° Volume Je pages Y] 204 Défenfe de plufieurs Ouvrages 241-2-3-4 & 329; dans le 3e Volu- mep.203 & 204 ;lap.438 du T.IV; la 37e du Ve Volume ; T. VI, p.32. & 64. Eft-ce là ufer témérairement du Semoir ? Ne doit-on pas plutôt re- connoître dans ces expreflions la fa- gefle qui avertit que l’inftrument ne fera utile, qu’autant que l'examen du terrein , l'expérience ,. la confideration des accidents, guideront l'intelligence du femeur, dans fon ufage ? Voyez aufli la 364€ page du Tome IV.II y eft en- core fait une mention exprelle des terreins de différentes qualités, où l’avan- tage du Semoir s’eft foutenu; pp. 370, 271 362 GB. Terminons cet article par un nou- veau genre de preuve, que M. de la Salle auroit dû demander, s’il n’avoit pas fuppofé gratuitement (p. 528 ) qu'aucun fermier n’eft convenu de l’u- tilité du Semoir. Nous avons dit dans le 1r Paragraphe ( p. 48 & 49 ) qu'un Métayer, témoin des avantages conf- tants que fon Propriétaire avoit eus en femant en plein avec le Semoirpen- dant trois années confécutives , pria inftamment qu'on lui permit de fuivre 2. fur l'Agriculture. 20$ cette pratique dans toutes fes terres : 2°, que des Payfans à quiles récoltes de, M. de Chäteauvieux donnoient une meilleure leçon que n'auroient fait beaucoup de livres, députerent lun d’entre eux à ce Magiftrat, à Feffet d'en obtenir la communication du dé- tail de fes experiences, pour la leAu- re defquelles ils s’affembleroient pen- dant l'hiver. « Je crois bien , ».dit le député , « que nous ferons d'avis de » femeren plein avecle Semoir ; après » cela nous verrons: peut - être bien » faudra-t-il en venir à faire des plan- » ches ». Ona auffivû, dans lap. so, qu'en Bourgogne un laboureur s’eft conf- truit , par lui-même , un Semoir. M. d'Elbene, dont lesdétails de eul- ture bien exécutés & bien circonftan- ciés , font rapportés dansle VIe Volu- me du Traité de la Culture des Terres, y dit (p.117) que plufeursPayfans du Comtat Venaiflin, adopterent la Mé- thode de femer en plein avecle Se- moir, aprèsenavoirreconnu lesavan- tages & les fuccès.. M. de Chäteauvieux difoit en 1754, que fes expériences avoient déjà fait Te SR nu À | h | 206 Defenfe de plufieurs Ouvrages une forte impreflion fur beaucoup de perfonnes du Genevois, & que chacun {e décidoit felon fon gout & felon le degré d’efpérance qu'ilconcevoit des avantages attribués à la nouvelle mé- » thode. Il eft vrai, (ajoute-t-il) « que » l’on fe porte beaucoup plus généra- » lement à femer en plein avec le Se- » mOir, qu'à établir des planches , » dont la pratique paroît chargée d’u- » ne grande quantité detravaux, qui » ne peuvent, dit-on, être exécutés » qu'avec des foins continuels, & des » attentions trop fatigantes. L’ufage » du Semoir en plein eft adopté par » préférence , à raifon de fa fimpli- » cité : On a commencé à s'en fervir » l’année derniere ; & cette année + une très-grande iquantité de terres » des environs de notre ville, font + enfemencées de cette façon. Plu- 2 fieurs Payfans ont voulu auffi faire + l'expérience du Semoir : leur exem- » ple ne fera pas indifférent pour la » fuite. On connoît leur répugnance » à fe prêter à de nouvelles pratiques : 2 celle-ci s’eft fait jour à travers leurs » préventions ; mais bien éclairés fur » leurintérêt, la vue de leursfemailles fur l'Agriculture. 207 » leur fait regretter de n’avoir pasen- » femencé une plus grande quantité » de terre fuivant cette méthode », Culture des Terres T. III , p. 162, 163 & 164. Ce Magiftrat Cultivateur dit auffi dans le IVe Volume ( p. $29, 530 & $31):«1ly a un grand nombre de » perfonnes éclairées qui ont enfe- » mencé pour la récolte prochaine » une partie de leurs terres en plein » avec le Semoir : nous avons déjà » dans les environs de Genève plu- n fieurs métairies dont 1l y ena de » fort confidérables, qu'on n’enfe- » mence plus que de cette manie- »re.....,.. Il n'eft pas étonnant » que des perfonnes capables de ré- » flexion fe laifient ainfi perfuader ; » mais j'ai été agréablement furpris de » voir la convition s'étendre à des » gens qui n'agiflent ordinairement » que par routine. ee L’épargne de la femence eft un » avantage qui frappe beaucoup le » payfan=, dit pareillement M, Van- duffel , dans le [fle Volume du Traite de la Culture des Terres, p. 37. On voit encore , dans le même 208 Défenfe de plufieurs Ouvrages Tome III, p. 165-6 ; & dans le IVe, P.365-6-8-9, 333, 534; l'ufage de {emer en plein avec le Semoir ,s’éten- dre beaucoup, non feulement parmi les Genevois, mais dans une grande partie de l'Europe. Je ne répete point les autres citations que j'ai eu ci-de- vant occafion de faire. ET « Les expériences ainfi multipliées » répandront de proche en proche » des inftructions qui drefferontles La- » boureurs à de nouvelles pratiques; » & l’on fera engagé à continuer, » par les fuccès & la facilité d’exécu- » ter tous les travaux » : dit M. de Chäteauvieux dans le 1Ve Volumedu Traité de la Culture des Terres, p. $85. Je ne pourrois ajoûter aucune ré- flexion qui fût auffi forte que la preuve complete qui réfulte de tous ces faits. Les progrès de l’ufage du Semoir ne peuvent être dûs à l'attrait de la nou- veauté ; puifque l’adoption de-cet infirument ne s’eft faite qu'avec réfle- xion , & fur le vû des avantages qu'il rocuroit pour les femailles & pour loi récoltes. Les Payfans & les La- boureurs ne peuvent être fufpeéts à cet égard : s'ils ont préféré le Semoir fur l'Agriculture. 209 à leur ufage de femer à la volée, il faut qu'ils aient été fortement con- vaincus de l'importance dont il étoit pour leurs intérêts , de changer de pratique. 6. IX. La Méthode de M. Tull peut- elle être executée £r2 grand S avec fuccès ? JE n’emploierai point ici le té- moignage de M. Tull. On eft dans lhabitude de voir un Auteur parler avantageufement de ce qu'il ainven- té. Voyez néanmoins le Ir Volume du Tr. de la Cult. des Terr. p. 293 & fuivantes ; où M. Duhamel préfente le tableau calculé d’une ferme que l’on feroit valoir fuivant les principes de M. Tull. Comme l’adoption que l'on a faite parmi nous de cette méthode s’eft bornée pendant aflez long-temps à de petits efais; les ‘progrès nom- breux dont M. de la Salle fe plaint (p- 37 ) doivent probablement être at- tribués à la conviétion des expé- tiences.} a 210 Défenfe de plufieurs Ouvrages Le célebre Wolf avoit obfervé an: ciennement que, dans de grandes pieces de terres, les plantes font de belles productions toutes les fois que : femence y a été convenablement enterrée , & qu'on f'y a répandue en petite quantité. «& D'où il conclud » que les champs, les plus étendus doi- » vent autant produire que les petits; » & qu'il eft évident que toutes les » fois qu’une expérience a été faite » avec les précautions néceffaires , » & qu'elle a pu réuflir fur la dixiéme » partie d’un terrein quelconque, elle » doit réuffir également fur deux di- » xiémes, fur trois dixiémes , fur qua- » tre dixiémes, &c, jufqu’à la con- » currence detoutleterrein». Culr. des Terres, T. V, p.432 & 433. M. de la Salle propofe un doute mo- defte fur cette aflertion : Man. d'Agric. p. 196. Puis il décide (p.s1$)« qu'on » peut dire que l'exécution en grand, » de lanouvelle méthode n’eff pas pra- » ticable ». Mais , fuivant la coutume où il eft de fe contredire dans cet ou- vrage, 1l fe contente de prononcer ailleurs (p. 565 ), « qu’elle ne peut » s'exécuter que très - difficilement en » grand » fur l'Agriculture. 217 Si j'ai nombre de faits authenti- ques à oppofer à M. de la Salle , fon jugement & fon expérience fe trou- vent bien en défaut : car c’eftun prin- cipe connu des écoliers même, que l'expérience d’une chofe démontre qu'elle étoit poflible : 4b aëu adpofe, valet confequentia. Je commence par le témoignage de M. de Château- vieux, que M. de la Salle n'a ofé ré- cufer dans aucun endroit du livre au- quelje réponds. « Je-penfe que le fentiment de M° » Wolf fera fufifamment juftifié pa! » une expérience de cinq années , » dont je vais donner le détail » : dit . ce véridique & excellent Culrivateur, dans le Traité de la Culture des Terres, T.V ,p. 433. Il remplit fon engage- ment, depuis la p. 438. Puis 1l ajoute (p.444-5-6-7) : « S'il n’y a que l’ef- » pérance d'un profit confidérable » qui puifle déterminer à adopter la » nouvelle culture, nos calculs doi- » vent emporter une entiére CONVIC-= » tion ; puifque l’on voit que le mê- » me champ a beaucoup plus produit » de grains en cinq années & même » en quatre , qu'il n’en avoit produit 212 Défenfe de plufieurs Ouvrages » en feize. J'avoue que quand j'ai » commencé à pratiquer la nouvelle » culture , je n’efpérois pas d’auffi » grands avantages : ils .auroient pü » néanmoins être encore plus grands, » fi je n’avois commis dans les pre- » mieres années, des fautes qui ont » beaucoup diminué les récoltes de » 1752 & 1753........ SETOIt-ON » raifonnable de prétendre à de plus » grands avantages , que Ceux que » nous venons d'établir ? Je penfe que » tout homme fenfé peut s’en conten- » ter ; mais par quelle fatalité arrive » t-il qu'une infinité de perfonnes ne » veulent pas les appercevoir, oune » fçavent pas les voir ? Je fçai, par » exemple, qu'a exception d’un cer- » tain nombre de perfonnes qui ont » étudié à fond la nouvelle Agricul- » ture, Ou qui l'ont pratiquée avec foin , on croit en général dans ce » pays, que le champ de la préfente » expérience m'a moins rapporté de » grains qu'il n’auroit fait par l’ancien- » ne culture : d’où vient cela? Je le » dirai avec franchife ; c’eft que l’on » décide avec trop de précipitation , # qu'on nexamine pas aflez, qu'on fur l'Agriculture. 213 # ne calcule point........[fetrou- » vera des champs qui ne rendront » pas autant que celui-ci : 1l faut s’y » attendre ; cependant leurs rapports » feront encoreaflez avantageux pour » faire adjuger la préférence à la nou- » velle culture ». : On voit enfuite , des calculs defti- nés à fervir de démonftration. En17$52, comme on le voit dansle Ile Vol. du Traité de la Cult. des Terres (p.328), M. de Châteauvieux énonce des réfultats de récoltes qui l’éton- noient , & qui augmenterent fes efpé- rancés fur la nouvelle culture. En con- féquence , il ajoûte (p. 329):« J'ai » formé cette année de nouvelles » planches fur une plus grande éten- » due de champs. Les pluies trop » fréquentes ne m'ont permis de » pouvoir établir felon la nouvelle » méthode, qu'environ vingt-cinq ar- » pents; mais j'ai fait femer tout le 5 furplus de mes terres avec le Se- » MOIT », I ditencore dans le IIIe Volume (p. 164 & 165$ ): « Nous avons envi- » rOn cent vingt arpents femés en plan- » ches , & plus de 8çofemésen plein. » Des expériences aufli grandes, & 214 Défenfe deplufieurs Ouvrages » faites fur des terreins de différentes qua- » lités ,répandront immanquablement » de nouvelles lumieres; les faits en » feront mieux conitatés ; & l’onaura » lieu d’être pleinement convaincu » que la beauté des produétions fera » dûe à la nouvelle culture, & non pas à des circon/tances favorables , aux- » quelles on eft porté à les attribuer. » On s'efforce de dire que les épreuves » ont été faites fur des terreins d’une »# bonté parfaite ; qu'il eft plus facile # de préparer beaucoup mieux 100 » Où 200 toiles de terrein , qu'on ne * pourroit faire une étendue de plu- » fieurs arpents ; qu'on aura cultivé » ces petits champs avec de grands » foins ; qu'il eft prefque impofñble » de donnerla même attention à de » vaftes campagnes. Il eft donc heu- » reux que plulieurs Amateurs d’A- » griculture faffent des expériencesen » grand : elles prouvent déjà qu’on » peut pratiquer avec facilité la nou- » velle culture dans de grands do- # Maines », Quand M. de Châteauvieux auroit lu dans l'avenir, il n’auroit pas mieux prévenu l’obje&tion que M. de la Salle devoit faire en 1764 dans fon Manuel fur l'Agriculture. 215$ d'Agriculture (p. 529 & 531). Mais il paroïit inconcevable que cet Au- teur ait renouvelié des obje&ions preflenties & réfutées dix ans aupara- vant dans un ouvrage , dont il fait une longue cenfure , & que par con- féquent, on doit fuppofer qu'il a lu avec foin. Nous aurons encore plu- fieurs fois occalion de relever de pa- reilles irrégularités dans l’ouvrage de M. de la Salle : ainfi que nous l’avons fait ci- devant, pp. $0 , 65 & fuiv. 72, &c. 86 & juiquà la fin du 2es : puis , p. 114,151, &c. & 186. Paflons à d’autres faits : car des ex- périences répétées en différents lieux, & qui ont les mêmes fuccès , {e fer- vent réciproquement de preuves, & emportent conviction. Dans le IIIe Volume du Traité de la Culture des Terres. ( p. 123 )onvoit qu'un particulier, encouragé par le fuccès de fes propres expériences, fe propofoit de pratiquer en grand la nouvelle culture ; qu'il avoit com mencé par enfemencer ainfi huit ar- pents ; &qu'ilcontinueroit à augmen- ter de dix arpents cette quantité tous les ans, jufquà ce que toutes les 216 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages terres de fon domaine fuffent établies de Ja forte. Pages 117 & 121,une autre perfonne qui avoit adopté par principes la nouvelle culture, fema d’abord en planches vingt-trois arpents, & y en ajouta enfuite vingt, cultivés de même. M. Duhamel, en témoignant fes regrets fur la mort de M. Diancourt, avertit ( Tome V, p.8 ) que fans cet accident on auroit vû l’année fuivan- te une ferme entiere cultivée felon les principes de la nouvelle culture; M. Diancourt ayant déjà difpofé à cet effet tous fes travaux. Dans la Préface du même Volume (p. xvij), M. Duha- mel parle des épreuves faites en grand par M. d'Ogilvy. On voit, dans la page 85 , deux pieces de l’étendue de vingt arpents, enfemencées fuivant les principes de M. Tull; dix arpents, dans la page 96. « Si plufieurs Cultivateurs fe plai- » gnent de la nouvelle culture » ( dit M. Eyma , dansle VIe Volume du Ir. de la Cul. des Terr. p. 71 ); «j'en attri- » buerai la caufe à ce qu'ils la prati- » quent mal. Je fuis fi perfuadé de la _» vérité des principes de cette cul- ture fur l Agriculture. bn » culture , que je me propole de l’ap- » pliquer l’année prochaine à toutes » mes terres ». Voyez encore les pa- ges 72 & 73. M. d’Elbene qui avoit fait de fes vaflaux autant d’émules , en par- tageant avec eux l’exploitation de fes terres , augmentoit tous les ans la quantité de terrein fur laquelle il exé- cutoit la nouvelle culture. Il avoit fe- mé de la forte en 1759, environ foixante & quinze arpents. Culture des Terres, T. VI,p. 1317. Voici ce que M. de Beelinski, Grand Maréchal de Pologne , manda de Var- fovie à M. Duhamel : « Des épreuves » faites fous un climat différent du vô- »tre, & fuivies de quelques fuccès, » malgré les difhcultés qui fe font pré- » fentées tant de la part des ouvriers » que de celle de mes laboureurs, » beaucoup moins induftrieux que les » vôtres , ne peuvent manquer de don- » ner à la nouvelle méthode un nou- » veau degré de certitude, & de con- » vaincre les plus opiniâtres que Les > pratiques les plus fuivies ne font pas tou- » jours les meilleures », Cult. des £erres, TV, p. 120, K 215 Deéfenfe de plufieurs Ouvrages Ajoûtons ici un endroit de la page 498 du Ve Volume, où M. de Chi- teauvieux fait obferver que, « s’il y » à quelque moyen de perluader aux » laboureurs que la nouvelle méthode » s'accorde avec les meilleurs principes d’A- » griculture ; C'eft par des faits & par 2 des épreuves réitérées pendant plu- » fieurs années, dont les fuccès fe » font foutenus en tant de lieux diffé- 22 FENLS ». Il étroit néceflaire d’articuler ces faits, pour combattre efficacement le préjugé que pouvoit former l’afluran- ce avec laquelle M. de la Salle dit, (p. 529, 530-1, 55 6-7) que fi on excepte » M. de Châteauvieux, il n'y a point » d'Amateurs ou de Propriétaires , qui » après leurs épreuves & leurs expé- » riences en petit (fur 3 ou4arpents, » Ou environ), nonObftant les petits » fuccès qu’elles ont pu avoir vis-à- » vis les routines de quelques fermiers » vOifins, ait été tenté d'aller plus » loin, & d'adopter la nouvelle mé- » thode, pour s’en fervir à faire valoir » tout leur corps de ferme, ou tout » leur domaine » ........ Voilà, (ajoute cet Auteur ) « pourquoi tou- Li - fur L'Agriculrure. 219 » tes les expériences qui font rappor- » tées dans cette nouvelle méthode “ne fignifent rien. Elles font même » d'autant plus contre M. Tull, que » ne la propofant que pour être fubiti- » tuée à l’ancienne ; c'étoit des corps » de ferme entiers qu'il falloit donner ».pour expériences , & des corps de _» ferme fitués fur toutes fortes de ter- » reins , bons , médiocres, mauvais , » reconnus & annoncés comme tels : » c'étoitlevraimoyendela fairetriom- » pher ; au lieu que, ne rapportant » que des expériences en petit, qui » n'ontété exécutées que fur les meil- » leurs terreins., 1l donne lieu d’en # conclure avec raifon , que fa nou- » velle méthode ne peut s’exécuter » qu'en petit, & qu'elle ne peut réuf- » fir fur les cerreins médiocres », Pour toyte réponfe, je me réfere à la mention.expreffe que l’on avue ci-deflus, de terreins aflez confidéra- bles , de domaines étendus, de corps entiers de fermes, exploités fuivant la méthode de M. Tuill , avec connoif- fance de caufe, & à raifon des fuccès obtenus en petit, J’ai cité exatement les volumes & les pages où ces preu- K ij 220 Défenfe de plufieurs Ouvrages ves font dépolées. En confultant les grandes expériences de MM. de Chä- teauvieux & d'Elbene, on verra qu’il y eft fouvent dit que les terres culti- vées de la forte, étoient de qualités très-différentes, & que les fuccès ont généralement répondu à la qualité des Jabours répétés à propos. Confultez encore Ce que nous avons rapporté ci-deflus ,p.185-6, 202-3-4-6-7-8, au fujet des femailles faites en plein avec le Semoir. | Aprèstout, M. Duhamel n’a jamais prétendu que la façon de femer par rangées, ni l'ufage du Semoir, puiflene convenir dans toutes fortes de ter- rein; & il fufht d’avoirbien établiqu’on peut les pratiquer dans quantité de ter: reins de natures très-difiérentes. 1e La Culture fuivant les Princi- pes de M. Tull ir'eft donc pas une idee de Cabinet. M. de la Salle, fier d'avoir com- mencé il y a environ trente ans à veil- ler fur la culture de fes champs, a grand foin de vanter fes opérations & fes lis vies , & de les donner pour des chef: —- fur l'Agriculture. 22% d'œuvres , des entreprifes uniques , des actes de grande fagefle, & d’une expérience confommée : Manuel d'A- griculture , p. XVIj, 25 » 26, 37-8 » 64-5-6,121-2, 438, 476 » 4847» 558, 563 & 564 Nous en avons encore cité quelques traits, ci - def- fus’, pp. 39, 61-2-3, 72-3-5, 97-9; 100, 125-6, 130-175. Malgré l’indécence que l’on com- met en faifant en public fon propre éloge avec une affe&ation fi caracté- rifée , & en revenant toujours à la charge pour inculquer les mêmes cho- fes, on pourroit abfolument excufer cet Auteur, comme un homme qui fouhaite que l’on fçache qu'il a vieilli dans les travaux : Senex , laudator tem- poris ati. Mais comment pañler fous filence le ton d’infulte qu'il a fouvent pris contre M. Duhamel, & contre les autres Cultivateurs, qui ont ré- cemment écrit fur l'Agriculture © Je demande la permiffion de citer quel- ques -unes de ces phrafes, pleines d’affe&tarion : leur expolé conduira à difcuter la propofition qui fait le prin- cipal objet de cetarticle. Pages 75 & 76 du Manuel, on lit K ii 222 Défenfe de plufieurs Ouvrages qu’il « faut n’avoir pas la moindre » teinture pratique de l'Agriculture » » qu'il faut même ignorer jufqu’à fes » premiers principes , pour he pas » fçavoir que c’eft principalement » l'expérience qui apprend à bien ajuf » ter & proportionner les opérations » de l’Agriculture à toutes les fortes » de qualités de terres qui fe rencon- » trent ; &c, &c ». Ona vü ci-deflus (p.86, &c. 125) que cette ignorance & ce défaut d'expérience ont été injuf- tement imputées par l’ Auteur à M. Du- Bamel , qui, dans tous fes ouvrages : ne s’abandonne jamais à aucun rat- fonnement , à aucun fyftème ; qui va toujours l'expérience à la main ; dont les ouvrages ne font qu’un tiffu d’ex- périences & d’obfervations faites où par lui-même ou par fes correfpon- dants. Page 80 :« Cette leçon» , dit M. de la Salle , « ne laïflera pas que de » furprendre un peu nos Agriculteurs » & nos Ecrivains modernes >. Page 96 : « Les grands Phyficiens, » qui traitent de l'Agriculture, fe fer- » vent du terme de Molécules, pout » exprimer Îles petits grains de terre ». [ Au refte l’Auteur peutavoirraifon fur l'Agriculture. 223 de dire que les Payfans n'entendroient pas ce terme. Je ne trouve blâmable que le tour de la phrafe. Le Traité de la Culture des Terres n’a pas été com- . pofé pour des Payfans grofliers, mais our des Propriétaires & des gens que Pres met à portée d’enten- _ dre le terme de Molécules : Voyez le $. 1. |] De plus, ce terme n’eft ni barbare ni hors d'ufage : & M. Du- hamel en a fufifamment donné l’ex- plication. On pourroit encore citer des Fermiers qui ont acheté, lu & en- tendu, les ouvrages de M. Duhamel, dont ils font plus de cas que M. de la Salle. Semblable à ces animaux qui , après avoir exercé leur férocité, vien- nent bientôtenfuite faire des démonf- trations de bienveillance, comme fi leurs carefles devoient ôter fubite- ment l’impreflion fanglante qu’ils ont laiflée ; M. de la Salle termine fon ou- vrage par des compliments à M. Du- hamel : pp. 568 & $ 60. | Il a encore porté d’autres coups moins forts, mais toujours avec très- peu d'égards. Telles font les phrafes Âuivantes. « Si l’'Apologifte de M. K iv 224 Défenfe de plufieurs Ouvrages » Tull avoit fait attention à la grande » importance d’obferver la pofition » denotre Agriculture , il ne fe feroit » affurément pas donné la peine de » publier & d’annoncer fa nouvelle » méthode, qui ne peut plaire qu'à » quelques Amateurs fans expérien- 2 Ce ».p. 4 & $. « Toutes les nou- » velles méthodes ne travaillent qu'à » décrier & détruire nos pratiques lo- » cales.......1l ne faut pas s’éton- » ner que les auteurs de ces nouvelles » méthodes fe foient égarés jufqu’à »ce point ; puifque pour bien con- » noître les pratiques locales , 1l faut. » avoir pratiqué long-temps » : p. 36 & 37. Ailleurs 1l dit que M. Duha- mel & les autres n’ont pas pratiqué l’A- griculture affez long-temps, pour poc- voir en bien parler : p. xvij. M. de Ch4- reauvieux n'eft-1l donc devenu Culti- vateur que depuis fes effais de la nou- velle culture ? En tout cas cela feroit beaucoup d’honneur à fes talens ; puifqu’on voit que dès 1752 il poflé- doit fupérieurement les Connoiflan- ces & l'Art de l'Agriculture. | Pour ce quieft de M. Duhamel; on peut dire en toute affurance que fes fur l'Agriculture: 225$ travaux de culture font d’une date au moins aufli ancienne que ceux de M. de la Salle , qui répete fouvent qu'il a cultivé pendant trente années. La réputation de M. Duhamel étroit fi bien établie fur cetarticle , en 1748, que M. le Chancelier Daguefleau de- fira pour lors de {çavoir fonfentiment furune tradu&tion manufcrite que l’on venoit de faire de louvrage de M. Tull. C’étoit une chofe connue, que ce Naturalifte prenoit intérêt à tout ce qui peut être avantageux à l'Agri- culture. Son travail fur le Syffème de l'Auteur Anglois, confirma de nou- veau la perfuafñion du Public. En Mai- tre habile, M. Duhamel fe remplit des idées & des vues de M. Tull ; ÿ mit un ordre convenable; puis , de- taillant les methodes ufitées pour cultiver les terres, quand ces notions pou- voient faireappercevoirles avantages de la nouvelle culture; & ajoûtant fes propres expériences, tantôt pOur COnfir- met le fentiment de M. Tull, tantôt pour avertir d’ètre en garde contre quelques principes que cet Auteur n'avoit pas fufhfamment conftatés 3 . enfin, fans le fuivre fervilement, M. | K v 226 Défenfe deplufieurs Ouvrages Duhamel rendit l’efprit du Syftème fous une forme toute différente : ce que les Anglois même n’'avoient pas compris , devint ainfi intelligible pour eux comme pour nous ; & le Génie de l'Agriculture faifit ce livre pour s’en fervir comme d’une lumiere propre à exciter & guider beaucoup de bons Cultivateurs, dans nos Pro- vinces & dans les Etats voifins. L’or- dre du difcours conduit M. Duhamel à dire, fans affe&tation, (Traité dela Culture des Terres, T. Ï, p. x!) qu'il avoit fait anciennement des expé- riences fur les moyens d'empêcher le bled de devenir noir & charbonné: il ajoute qu'il en faifoit afluellement de nouvelles, à ce fujet. D'ailleurs , les Obfervations Botanico - Metéorologi- ques , dépofées annuellëment depuis 1740 dans les Mémoires de lAca- démie Royale des Sciences, font une preuve démonftrative que M. Duhamel s’eft occupé des effets que Îa température ou lintempérie ! des faifons produifoient journelle- ment fur les végétaux. Son Traité des Arbres & Arbuftes qui peuvent fe cul- . tiver en pleine terre dans notre cli- fur l'Agriculture. 327% mat; Ouvrage qui a fait naître dans toutes les provinces du Royaume, le gout de cette efpece de Cultureutile, ainfi que {on Traite des Semis 6 Plan- tations ; annoncent un ancien Culti- vateur , que le goût & l'intelligence ont habilement dirigé vers les fuccès en grand. Ce dernier Ouvrage eft d'uneutilité très-reconnue : &ilavoit engagé M. Duhamel à faire un nom- bre prodigieux d'expériences fort coureufes. La Phyfique des Arbres, & le Traité de lExploitation des Bois, écrits lumineux, bien capables d'il- luftrer le nom de ce Sçavant, & dans lefquels on voit qu'ila facrilié au bien public une partie confidérable de fa fortune, pour ne rien avancer que d’après des expériences bien faites ; tous ces ouvrages, dis-je, offrent une étonnante combinatfon d’expé- riences & de réflexions faites pen- dant nombre d’années , dans la vûe de porter à un degré éminent la cul- ture importante des arbres. Mais, dans la page 30, M. dela Salle fait une obje&tion impofñante , fur laquelle je crois devoir inffter, parce que je lai entendu faire par d'au: K vi 228 Défenfe de plufieurs Ouvrages tres perfonnes. La voici. « Que doit= » on penfer de M. Duhamel lui -mê- # me, qui, tout Apologifte qu'il eft » de M. Tull, n’a point exécuté la » nouvelle culture dans une de fes » terres, comme l'a fait M. de Cha- » teauvieux ? On voit feulement dans » fes Ouvrages fon fermier travailler » de la forte un canton ; où même il » exécute la nouvelle culture très- » mal, & avec répugnance ». M. de la Salle a vifiblement fait ufage, pour cette objettion, d’un en- droit du Traité de la Culture des Terres , où M. Duhamel rapporte (T. II, p. 3 & 9 ) qu'étant allé au printems vili- ter lesrangées d’un champ d’expérien- ce , «1l fit féverement arracher tous » les pieds de froment qui étoient » plus près les uns des autres que de »4,5,à 6 pouces ». M. Duhamel ajoute : « On imagine bien que ce » vigneron ne fe prétoit qu’à regret à æ ce retranchement ». Néanmoins il fe rendit, & laboura les plates-ban- des. Sa répugnance ne tombe pas fur les labours , n1 fur la façon de femer ; deux articles qui caraétérifent effen- _tieilement la méthode de M. Tull : fur l'Agriculture: 22ÿ il ne regrettoit que d’arracher des pieds de froment ; car le grain &le champ lui appartenoient : M. Duha- mel l’avoit déterminé à exécuter l’ex- périence, en promettant de le dé- dommager fi Le fuccès ne répondoit pas. à fon attente. Je ne vois point .que cet homme execute mal aucune opération, Au contraire , M. Duhamel dit(p. $ ) qu’il trouvoit beaucoup de fa- cilité à faire exécuter fes expériences. Bien plus, on voit (p. 42 ) que le propriétaire , fatisfait de la nouvelle culture par la récolte de r7$0 ;enfe- mença de même l’autre partie de fon champ, au printems de 1751, en bled de Mars ; afin d’y mettre du fro- ment d'hiver au mois d’'O&obre, auffi par rangées : &(p. $$ ) que le même particulier , encouragé par le fuccès des épreuves qu'il avoit faites , éten- dit cette culture à une autre piece de terre. En 1752, il continua de mettre en froment, fans la fumer, la terre fur laquelle il en avoit déjà re- cueilli en 1750 & 17$1 : p. 232. IL eft vrai que pour cette fois feule- ment, la terre fut mal travaillée ; & divers accidents préjudicierent en- core à la récolte. 230 Défenfe de plufieurs Ouvrages C'eft par prudence que M. Duha= mel n'a fait d’abord exécuter fous fes yeux , qu’en petit , la méthode de M. Tuil : il le dit expreflément (T.II, p-2):<« J’ai cru qu'il failoit travailler »en petit, pour s’aflurer des avanta- » ges de cette nouvelle culture , avant » de fe pourvoir des inftruments né- » cefiaires pour l'exécuter en grand, » qui {ontaflez chers & quine feroient » d'aucun ufage fi la nouvelle culture » des terres n'étoit pas aufli avanta- » geufe que la théorie fembloit le » promettre ». Mais, dès en commençant la publi- cation de ce Traité, 1l prévint (T.I, p. 1j) qu'en « engageant les autres >» à faire l’epreuve de la culture de > M. Tull, il ne prétendoit pas s’en » difpenfer ; & qu'il avoit déjà fait _» des préparatifs pour lexécuter en » grand ». Auf voit-on dans le IVe Volume (p. 2 ), plufieurs arpents de _ Ja feigneurie de Denainvilliers , trai- tés fuivant la nouvelle culture , & en- femencés, partie en froment ordi- naire, partie en bled de Smyrne. Les mêmes champs furent touiours culti- vés fuivant les nouveaux principes , fur l'Agriculture. 237 depuis 1749 jufqu'en 1756 : on y ajouta pour lors de nouvelles terres, où cette culture fut exécutée avec fuccès fur de gros navets, des carot- tes, des beteraves, des falfifix, du bled de Turquie, des choux, de la lu- Zee; E..V..p.1:2.:365:4: Si le but de M. Duhamel avoit été detirer du profit de fes expériences , il auroit dû fans doute quitter Paris & toutes {es autres occupations, ren- voyer un de fes fermiers, & fe livrer à faire exploiter cette partie de fes biens , fuivant les Méthodes qu'il ju- geoitles plusavantageufes; aulieu que n'ayant point pour but {on avantage particulier , mais uniquement le bien public , il s’eft propoléde faire des ex- périences fur toutes les branches d’a- griculture : furles labours, fur les en- grais, fur les prairies naturelles & ar- tificielles ; fur la culture de ditférents végétaux, la confervarion des grains, l'établiflement & le rétabliffement des bois , leur exploitation, &c. Pour remplir ces vaftes projets, il s’eft ref- treint à les fuivre les unsaprès les au- tres : de forte qu'après avoir pratiqué la culture de M, Tull fur une piece de 232 Défenfe de plufieurs Ouvrages terre pendant douze ou quinze an: nées , quand il s’eft yù en état d’en connoiître les avantages & les incon- vénients , il Fa abandonnée pour fui- vre d’autres recherches ; quoiqu'il cultive encore des luzernes fuivant cette méthode. C'eft beaucoup que M. Duhamel ait réufli comme il a fait, ne pouvant pas être préfent aux diverfes opérations relatives au froment. Car en général ceux qui font obligés de s’en rappor- er à leurs fermiers ou à des domefti- ques pour des travaux de cette nature, n'obtiennent pas des fuccès propor- tionnés à ceux des propriétaires qui font préparer, labourer, femer, &c, fous leurs yeux. Comment donc M. Duhamel auroit-il pà rifquer l'exploi- tation d’une ferme entiere, devant Vacquer à fon état d'Académicien de Paris , à fa place d’Infpecteur Général de la Marine, & à tant de travaux qu'il a faits fur différentes matieres ? Ces circonftances ont forcé plus réellement M. Duhamel à ne pas éten- dre davantage dans fes terres la nou- velle culture, que le féjour de Paris p'étoit un obftacle pour M. de la Sale Jur l'Agriculture. 233 le , à compofer une Differtation qui dût concourir au Prix de Bordeaux avec celle de M. Tillet. Ia bien vou- Ju nous dire dans fon Manuel d'Agri- culture (p.340, 341 & 342 ) qu'il fut alors entiérement occupé à folliciter « l'exécution des projets qu'il avoit » feul imaginés & dreffés , pour obte- x hir en faveur de fa Patrie, qui eft la » ville du Sacre de nos Rois , l’hon- » neur d'y ériger le monument de Sa » Majefté ». Si fes négociations au- près des Miniftres, & {on traité avec M. Pigal, fuffrent pour le diftraire tout-à-fait d'un ouvrage auquel il pou- voit vaquer feul dans fon cabinet ; à plus forte raifon doit-il à M. Duha- mel, la juftice de convenir que cet Académicien ne pouvant Ctre en même temps aux. champs & a la ville, a tou- jours été pleinement difpenfé , & mèê- me dans Fimpofñbilité, de donner dans toute l’etendue de fes domaines, l'exemple de pratiquer en grand la méthode de M. Tull, comme l’a fait M. de Châteauvieux, dans certaines métairies , aflez voifines de Genève pour qu'il pût en diriger lui - même tous les travaux, Voyez le Traité de la 234 Défenfe de plufieurs Ouvrages Culture des Terres , T. Ill, p. 161. Heureufement M. Duhamel dans fa jeunefle, avant d’être livré à tant d'occupations;avoit pris un bon fonds de connoiffances ; & les Terres de MM. Duhamel de Denainvilliers & du Monceau, n'étant qu’à 20 lieues de Paris, M. Duhamel du Monceau a pu y faire fréquemment de petits voyages , & commencer des expé- riences fur lefquelles M. de Denain- villiers a bien voulu veiller, de forte qu'elles n’ont jamais été abandonnées à ceux que M. du Monceau avoit chargés de les fuivre. L'objettion de M. de la Salle ne fubfiftant plus ; & ayant été démon- tré par des faits & par de bonnes rai- fons , que la nouvelle culture eft pra- tiquable en grand : il eft facile de dé- truire l’affertion que M. de la Salle fondoit fur cette faufle impoflbilité , & fur la prétendue ination de M. Du- _ hamel. Voici fa phrafe : « Que con- >» clure de tout ce qu’on vient de dire » de cette nouvelle méthode ? Ce » qu'en ont penfé les bons Cultiva- » teurs, c’eft-à-dire, ceux qui fçavent » ce que c'eft que l'Agriculture, & fur l'Agriculture, 235$ ? qui l’ont pratiquée ; qu'elle n'eftqu'une » idée de cabinet & rien plus , qui ne » peur s’exécuter que fur les meilleurs » terreins , & qui ne peut s’y EXÉCULEZ # qu'en petit, & très-difhcilement en » grand ». Page $6$. Nous avons indiqué ci-deflus (pe . 1845-6,20$,211-2-3-4-5 - 6- 7 - 8) des expériences, même en grand, qui ont réuili ; non pas feule- ment {ur les meilleurs terreins , com- me lavance M. de la Salle ; mais fur desterres de différentes qualités. Voi- ci une furabondance de preuves. M. de Châteauvieux , qui n’eft pas fuf- pet à M. de la Salle, rapporte qu'un champ dont la terre étoit d'une qualite très-médiocre , bien labouré , puis femé en plein avec le femoir, rendit plus de onze fois la femence: Traité de la Culture des Terres T. IV, p. 334 & 335. Un autre champ, d'une qualité plutôt inférieure qu’égale à celle du pré- cédent , rendit à-peu-près de même: T. IV p. 335 & 336. Sur quoi M. de Châteauvieux dit(p. 336 & 3 37): « Me voilà parvenu à pouvoir, dès la » premiere année, obtenir par la nou- » velle culture, de meilleures récoltes 236 Deéfenfé de plufieurs Ouvrages » que celles que j'avois faites jufqu’a* »lors...:.....On voit que; par » toutes mes Obfervations, je me fuis » convaincu de l'importance qu'il y. s a de bien travailler les terres ; & je » ne fçaurois trop le recommander. » Les bons effets en ont été fenfibles » dans toutes mes terres : je les ai en- » core mieux reconnus dans celles » des deux champs fufdits. Car, quoi- 2 que leur terre foit peu fertile , ils » Ont néanmoins produit des plantes » femblables à celles de nos meilleurs 2 fonds ». Comme M. dela Salle avoit expref- fément dit que la nouvelle culture étoit redevable des fuccès qu'elle avoit eus entre les mains de M. de Châteauvieux , à la qualité fupérieure des terres où 1l l’avoit pratiquées; ce qu’on vient d'entendre de ce Cului- vateur même, me difpenfe de groflir cet article par d’autres faits n1 d'au- tres remarques. fur l'Agriculture. 237% $ XL Difficulres que préfente M. de la Salle, relativement à l'exécuz sion de la Culture en Planches, & avec le Semoir, L. « CETTE culture ne peut s’exé- » cuter que très - difcilement en » grand ; encore faut-il que Le terrein » foit ifole de toutes paris » : dit M. de la Salle (Man. d'Agric. p. 565). Ar- rétons-nous aétuellement à cette circonftance de terres ifolées qui formeroient le contenu d’une Mé- tairie. Nous convenons que l'on fetrouve gèné dans une exploitation conforme aux principes de M. Tull, quand les terres font enclavées ou contiguës avec d’autres où l'on fuit la pratique ordinaire. M, Duhamel l'a dit avant nous, dans le Tr. de la Cult. des Terr, T. VI, p. $9 ; obfervant qu’alors on manque de place pour tourner en faifant les cultures fubfidiaires , & même pour aller les exécuter. On y voit encore (p. 90) que M, d’Armolis, 238 Défenfe de plufieurs Ouvrages êné par cette circonftance , avoit prisle parti de fe borner à re&ifier l’an- cienne culture, d’après les principes de la nouvelle, foit en employant un Semoir , foit en approfondiflant & multipliant les labours. Dans la p.. 497, M. Thomé dit auf qu'il a aban- donné «la méthode de femer par plan- » ches & plates - bandes ; quoiqu'il » lait reconnue très - avantageufe 3 >» par la raifon que tous fes champs » {ont répandus par petits lots, & fé- » parés les uns des autres ; & qu'il lui » auroit été impoflible d'y donner les » cultures néceflaires , fans emdomma- » ger les terres voifines , ou fans perdre >» une partie confidérable de [on terrein». Mais ce Cultivateur , de même que tant d’autres dont nousavons fait men- tion, s’elt fervi de Semoir avec fuc- cès. Si l'on veut prendre la peine de comparer ces extraits de l'ouvrage de M. Duhamel , avecles pages 240-r, s20-1-2-3, du Manuel d'Agriculture ; onreconnoîitraévidemmentque M.de la Salle n’a fait que circonftancier da- vantage des inconvénients dont le Public étoit déja inftruit ; au moins depuis 1761. fur l'Agriculture. 239 Cet Auteur poufle la conféquence jufqu'à dire (p. 523 -4)» que n'y ayant » prefque point de fituation de corps » de ferme réuni, qui feroit 1folé, à » l'écart , & fans avoir des royés, des » tenants, & des aboutiflants ; ils’en- » fuit que de quelque côté qu'on fe » retourne, il n’y a que des dificul- » tés,des inconvénients , & mêmede >» l'impollbilité , dans exécution de » la nouvelle méthode , pour pouvoir » la travailler en grand ». Ce raïion- nement eft fpécieux ; & on peut lui appliquer Paxiome connu : Qui prouve trop , neprouverien. Beaucoup deterres eboutiient fur des chemins, fur des pâtis, fur des jachères ; & alors l'in- gonvénient n’exifte pas , ou n’exifte qu'en partie. Les terres d'un vaite corps de ferme y font encore moins expofées que d’autres: & s’il y a quel- que exploitation que l'on puifle dire devoir être traitée en grand, c’eft fans doute celles de ce genre : auquel cas l’objetion de M, de la Salle tombe d'elle-même. Or nous avons des pro- vinces & des cantons très-fertiles en bled , tels que la Beaufle , une partie de la Brie, la Normandie , le Soit- fonnois ; où la contenance de la plû- 240 Défenfe de plufieurs Ouvrages art des fermes efttrès-étendue.D'ail- me on eft toujours en droit de dire quele grand nombre d’arpents qui ont été cultivés avec fuccès pendant plu- fleurs années confécutivés fuivant la méthode de M. Tull , ou avec les Semoirs, ainfi que nous les avons rap- pellés dans less. 8 & 9 , avoient fans doute des tenants, aboutiflants , &c. Ces obftacles n’ont pas arrêté : ils ne font donc point infurmontables. M. de Châteauvieux, empêché par les pluies de 1752, d'établir la nouvelle culture fur plus de 2$ arpents , enfe- mença en plein avec le Semoir tout le furplus de fes terres ; (Tr. de la Cult, des Terr. T.1E, p. 329 ). Il faifoit appa- remment tourner la charrue fur lui-mê- me, dans les labours d'été. & ne tenoit point compte de ce préjudice indifpenfable , parce qu'il fçavoit que la récolte l’en dédommageroit am- lement. C'eft ainfi que, dans d’autres cir- conftances d'Agriculture, on facrifie une perte plus ou moinsconfidérable , à un bénéfice qui lui eft fupérieur. Par exemple, M. de la Salle ( Man. d'Agrie, p.214 & 215 ) propofant de divifer fur l'Agriculture. 7 divifer en quatre foles, les terres d’u- ne ferme , convient que l’on cultiveræ alors moins de froment que par la di- vifion en trois foles. « Mais, ajoute- »t-1l,0n pourroit en être bien dé- » dommage par les plantes qu’on fe » procureroit au moyen de l’établifie- » ment de la 4e fole en prairies arti- » ficielles ». La fole qu'on laifle en jachère eft encore dans le cas de ces pertes auxquelles on confent, àraifon de Pavantage qu’elles procurent : M. de la Salle s’eft appliqué à rendre cela fenfible , dans la p. 274. Il étoit donc d'un bon Cultivateur , tel que M. de Châteauvieux , de fçavoir faire la compenfation du terrein qu’il empê- choit de produire, & d’une plus gran- de étendue de terre à laquelle il com- muniquoit par les labours un puiffant principe de féconäité, Nous avouons qu’il eft comme im- poñlible aujourd’hui de faire à bras tous les labours d’une grande exploi- tation. Ce n’eft que pour de petits lots que l’on peut fauver ainf l'incon- vénmient des terres enclavées ou limi. trophes. Confultez le Tr. de La Culr. des Terr, T.[,p.337-9: &T.V, p.86. L 242 Défenfe de plufieurs Ouvrages SECONDE DiFFICULTÉ; par rap- port aux Labours fubfidiaires. « Peut- » on concevoir { dit M. de la Salle, p. 525 )« qu'on parviendra à faire » labourer nos fermiers & nos labou- »reurs dans des plate-bandes qui » laiffent fi peu de terrein ? Le travail >» des laboureurs devient alors excef- > fif, & demande des attentions dont » ne font pas capables des gens de # campagne , qui gâteront les rayons » de froment en labourant les entre- » deux ». Ce ne font-là que des doutes, des difficultés idéales , des opérations du Cabinet de notre Auteur. Oppofons- leur des faits conftants, des témoi- gnages non ÉQUIVOQUES » des chofes de pratique ; & qui plus eft, des Pra- tiques Locales : nom impofant pour M. de la Salle , qui en a fait comme fon Cri de Guerre, Je conviens que l’on éprouve de grandes dificultés lorfqu'il s’agit de = : plier des laboureurs à de nouveaux ufages ; la plûpart étant arrêtés par les moindres chofes, parce qu'ils ne font aucun effort, ou qu’ils ne fça- _ vent pas lever les obftacles, De - là fur l'Agriculture. 243 vient que tel cultivateur fe fert fans peine des nouveaux inftruments, & parvient à bien faire toutes les cul. tures indiquées par M. Tull; & que beaucoup d’autres ne les exécutent point même pañablement, Il n’eft pas rare de trouver le payfan, laiffé à lui-même , agir tout autrement pour ces cultures , qu’on ne lui avoit pref- crit. Voilà pourquoi M. Duhamel à toujours recommandé de n'entrepren- dre d’abord la nouvelle culture que fur 42,15, 20 arpents ; les ouvriers ne s’habituant qu'avec peine à ces Opé- rations , enforte que l’on ne réuffiroit pas la premiere fois à faire à propos toutes les cultures dans une exploita- tion confidérable, Cult. des Terr. T. V, pe xvi; & F. VI, p. so. Mais de ce que le plus grand nom- bre des laboureurs ne s’accoutume que difhcilement à nos pratiques , on ne peut en conclure que ces difficul- tés foient invincibles. M. de Garfault faifoit exécuter fes expériences de nouvelle culture , dont il eft fait men- tion dans le 6e Volume du Tr. de la Cult. des Terres, par un ancien dome tique qui étoit mal-adroit es tout 1] 244 Défenfe de plufieurs Ouvrages autre fervice ; & j'ai vû ce même homme s'acquitter avec intelligence, des opérations de femer & eultiver avec les nouveaux inftruments de M. de la Levrie. Dans le même Volume ( p. 66) M. Duhamel parle encore d’un Métayer Avignonoïs qui « exé- » cutoit parfaitement les labours , fans » rien endommager , avec une char- >» rue à une roue ». Tant d’Amateurs, dont les fuccès font rappellés dans {es Volumes de M. Duhamel, avoient fans doute auffi des ouvriers capables de bien pratiquer ce que M. de la Salle dit être au-deflus de leur portée Tout ce qui eft attention & préci- fon diftingue le bon travailleur dans ce qui eftart, ou même fcience. Un excellent Semeur eft aufli rare que pourra l’être un Laboureur capable de ne jamais rien endommager en labou- rant entre les rangées de froment : & on ne laifle pas de tirer partie des femeurs moins habiles. Un Proprié- taire aif & intelligent , qui pré idera avec afliduité aux travaux, formera peu-à-peu fes ouvriers. M. de Chà- teauvieux afure (Traité de la Cul. des Terr. T. IV, p. 283), que fi on eff Jur l'Agriculture, 24F conftant à obferver pendant 3 ou 4 années de fuite tout ce que prefcrit l nouvelle culture , «on parviendra # Certainement à bien exécuter les » travaux ; les terres feront alors très- » ameublies , très-divifées. « J’A1en- » core mieux connu cette année, dit- il (en 1754, p. $32) « toute la » facilité avec laquelle on cultive les » terres par la nouvelle culture. Je » n'en ai plus fait travailler fuivane » NOTE ancienne méthode, dans la » métairie Où je féjourne quelquefois, » Les foins les plus pénibles que j’a- * VOis à prendre , font maintenant » paflés», M. d'ÉLBEKE dit auf, dans le VIe Volume (p. 134): « Ma cul- » ture fe perfeétionne en la pratiquant: » les valets fe dreffent , leur répugnan- » ce diminue ». Confultez encore les pages 284 & fuivantes du 4° Volume ; puis les pages 303 & 304 ; où M. de Chäteauvieux dit que « toute per- » fonne éclairée par le raifonnement » féuffira indubitablement dans la pra- » tique ; ainfi la pratique d’un feul , » n'ayant plus qu’à être imitée par les # autres, rendroit en peu de temps » général l’ufage de la Me Cui- iij 246 Défenfe de plufieurs Ouyrages » ture ». Citant enfuite fes propres expériences , il rapporte (p. 342 } qu'un laboureur adroit & attentif à fon travail donna fous fes ordres une culture à du bled dont les tuyaux étoient inclinés & à demi-verfés, fans détruire ni gâter aucun épi. De-là vient qu'il déclare (T. IV, p.338 ) que les cultures , ainfi que les labours, peuvent fe faire avec autant de facilite que d'économie. « Le $e& le 6° la- » bours fe faifant avec tant de faci- » lité & en beaucoup moins de temps + que les labours ordinaires, le der- » nier fur-tout qu'on fera aflez ordi- » nairement avec un feul cheval attelé » à la charrue ; tout cela doit faire » comprendre que je ne propofe point des travaux trop difhciles mi trop » difpendieux à pratiquer » : dit cet habile Maître ( T. IV, p. 331 }). Voyez encore le IITe Volume p. vi, 65 73 Après tout , la conduite d’un culti- vateur ou d’une charrue entre les ran- gées de froment, a-t-elle donc des dificultés plus réelles pour nos labou- reurs, que ceux du canton de Bayonne n'en trouvent habituellement à me- fur l'Agriculture. 247 nerentre les plantes de maïs e/pacées à deux pieds ,une charrue fans coutre, dont le foc formant un fer de lance d’un pied de large; fait un fillon en- tre les rangs, & chauffe le maïs ? Tr. de la Cult. des Terr. T. II, p.263 & 264. Ailleurs on eft dans l’ufage de donner des cultures entre les plantes de houblon , avec la charrue & des che- vaux : T. VI. p. 96. M. Duhamel obferve judicieufement (EL d’Agr. Liv VE, ch. E, art. 3.) que toutes les difficultés feroientlevées fi on pouvoit faire à bras les cultures. Des Pratiques locales & des Ufages an- ciens qui {ubfiftent encore , font voir que ces travaux n'Ont rien d'impofli- ble ni même de fort mal-aifé. « Dans » quelques endroits du Pays d’Aunis >» on donne au bled qui eft en terre, » deux petits labours avec cet inftru- » ment que les jardiniers appellent » Béquille. Comme cette Province elt » très-peuplée , il en coûte. peu pour » faire donner cette façon par des fem- » mes ; & la récolte en eft beaucoup » meilleure, quoiqu'on détruife par » ces labours beaucoup de pieds de # froment »: Culture des A SEAT; 1 248 Défenfe de plufieurs Ouvrages p. 31 & 32. Entre Dax & Bayonne, où nous venons de dire que l’on cul- tive avec une charrue & des chevaux entre lés rangées de maïs, on les farcle auffi avec des pioches qui la- bourent profondément : Ibid. p. 263. Il y a d’autres endroits où l’on eft + aflez communément dans l’ufage de » donner au froment un labour à la » houe , dans les mois de Mars ou » Avril ; & cette façon augmente » beaucoup la récolte »: Tome VI, p.96. Le tabac n’eft pareillement en état d'être récolté, qu'après avoir re- çu pluñeurs cultures à bras ; &ilne feroit aucun progrès fans ce fecours. Confultez encorele Ir Volume, p. 32; & le VIe, p. 4s & 270. On y voit même (p. 114 & 115$) que les labours qui précedent les femailles. fe font, dans le Comtat Venaiflin, partie à bras, partie avec l’araire : quelques payfans même les exécutent tous à bras. Enfin les Chinois farclent trois fois leurs rizieres pendant l'été, quoi- qu'ils ne puiffent le faire fans enfon- cer jufqu'aux genoux : ils font ce tra- yail avec tant de foin , qu'ils ara- fur l'Agriculture; 249 chent jufqu’aux racines de toutes les herbes étrangeres. Cult. des Terr. T. IT , p.187. TROISIÈME DirFiCULTÉ ; pour eta- blir les planches & les plate-bandes, L’i- magination de M. de la Salle a faitune dépenfe confdérable, pour traveftir la pratique de cet établiffement : p. 496 & fuivantes, Et il ajoute ( p. 506 ): « Enfin tout fe réduit à faire & prati- * quer des grandes bandes, des plan- 2 ches , des petites bandes, des pla- » te- bandes , avec la plus exaûte pré- » Cifion, & à fe fervir d'un femoir, » &cn. Cet aflemblage de termes eft prefque auffi analogue à la nouvelle culture, que certain endroit d’une Comédie caratérile bien les notes. de Mufique en les défignant par , « Pelle en haut, & Pelle en bass » Pelle noire, Pelle blanche ; » Pelle qui n’a point de manche: » Et Pelle qui n’en.a pas. Qu'eft-ce en effet que ces grandes bandes , ces petites bandes? Trouve-t- on ces termes parmi ceux dont M. Duhamel s'eft fervi relativement aux opérations de la Nouvelle Culture © D'ailleurs le plan de ces opérations. _% 250 Defenfe de plufieurs Ouvrages tel que le décrit M. de la Salle Ç p: 496 & fuivantes ), n'eft point du tout celui que l’on trouve dans le Ir Vo- lume du Traite de la Culture des Terres, où M. Duhamel le donne d’après M. Tull même, pages 196-7-9 , 200-r, 208 , 209. Cependant M. de la Salle s'exprime comme s’il ne faifoit que copier l’Auteur Anglois. L'ordre dans lequel il veut qu'on préparele champ; les dimenfons des planches , des pla- te-bandes, des fillons ; la diftance refpe@ive , tant des rangées que des grains, different eflentiellement de ce que M. Tuill prefcrit dans le Ir Vo- lume du Traité de la Culture des Terres, le feul qui contienne fon vrai Syfté- me : car les autres Volumes ne rap- portent que des expériences faites parmi nous, ou dans le Genevois, & ailleurs qu'en Angleterre. M. Tull ne rend pas le travail auffi minutieux qu'on le voit dans M. de la Salle ; qui pour lors a droit de dire que la nouvelle Culture exige qu’on ait continuellement à la main, foit Je pied, foit la toife, & même le: compas : (p. $1$). Afin d'éviter que l'on ne foupçonne M. Duhamel d'a- fur l'Agriculture. 257 voir altéré en cela le fentiment de M, Tull , j'avertis que j'ai confuité l’o- riginal Anglois; où je n’ai point ap- perçu laloide cette abfolue précifion, qui n'exifte que dans le livre de M. de la Salle. Ne diflimulant point que le pre- mier établifflement des planches & des plate - bandes dans l'étendue d’un champ ,impofe de la gêne jufqu’à un certain point; parce que c’eft une opération à laquelle on n’eft pas habi- tué : nous devons aflurer, d’après tou- tes les expériences bien faites, en grand comme en petit, que les labou- reurstrouvent une facilité réelle à pré- parer le terrein enfuite de la récolte, quand la diftinéion des plate-bandes & des planches eft une fois détermi- née par les labours auxiliaires des unes, & lesrangées des autres. Voyez le Tr. de la Cuk. des Terr, T, IV, p. 7279. | Puifqu'il ne s’agit que d’un à-peu- près , à l'égard de chaque planche & de chaque plate-bande, enforte que fi lune eft un peu plus large ou plus étroite , le défaut fe reifie naturel- lement par la partie voifine , & que L vi 2$2 Défenfe de plufieurs Ouvrages Pexa@itude & la précifion de tel nom- bre de plate - bandes & de planches n'ont leur effet réel & néceffaire que {ur la totalité du champ : Cette opé- ration n’eft point un monftre capable d’éloigner les laboureurs qui fçavene conduire leur charrue avec intelligen- ce. Carnousavonsfait voir($. VE. y que l’on peut très -bien exécuter la nouvelle culture avec les charrues ordinaires. Il n'eft pas.inutile de rap- pellerici qu'un habile femeur a tant de précifion & d'exaétitude , qu'au bout de Ja piece de terre qu'il enfe- mence il ne refte abfolument rien dans fanappe, & que s’ilajoûtoit une poignée de grain, elle feroitde trop: Mais ce feroit une fuppofition très- gratuite , que de dire qu'il n’y a réel- lement pas eu un grain de plus dans une de fes poignées, que dans les autres. De: même , pouryû qu'une piece foit diftribuée en tant-de plan- ches & de plate - bandes, faifant en- femble tant de piedss la Nouvelle Cul- ture n’exige pas que chacune de ces divifions n’ait exaftement que la lar- geur qu’elle leur afligne, & qu'il ne s'y rencontre 7 plus ni moins de pouces, fur l Agriculture, 253 quoique M. de la Salle Fimagine ainf, P. 497 & 516. Quelques Pratiques Locales , fort étendues, & très-anciennes, vont fer- vir à démontrer la poflibilité , d’exé- cuter une femblable opération avec la charrue , ou autremert, fans beau- coup d’embarras. 1°, ]lÿa,en Bour- gogne , des cantons, où une efpece de renouvellement des terres à bled, confifte à y pratiquer des foffés à 3 ou 4 toifes de diftance les uns des au- tres, larges de 4 à $ pieds , fur deux ou trois de profondeur : on répand fur les efpaces intermédiaires la terre que l’on tire des foflés ; on rabat la crête des foffés pour que ces efpaces forment un dos de bahut: puis on les laboure avec la charrue. Voyez en- core le Manuel d'Agriculture , p. 290. Je demande fi, .dans ce travail où 1l y a de la régularité, l'ouvrier a-befoin de tenir continuellement le pied & la toife : il ne prend pourguides ,que fes yeux & l'habitude. 2°, Le labour en planches n’eit pas une nouveau- té qu’ait imaginée M. Tuil. Cet ufa- ge eft prefque général pour de gran- des piéces ; & l’on fait les planches 2ç4 Défenfe de plufieurs Ouvrages: plus ou moins larges , felon que le terrein cft fujet à retenir l’eau. Celui: qui fçait drefler avec la charrue ces fortes de planches, exécutera fans peine ce que M. Tull y a adapté. 3°, Les Büillons, autre pratique d’ufage , font des Planches fort étroites : com- me on a pour lors en vûe de deflécher la terre , on fait alrernativement un billon de guéret & un filon, ou un fond de raie. Le Laboureur adroit forme les billons plus élevés au mi- lieu que versles bords ; en piquant plus ou moins , & prenant plus ou moins deterre. N'y a-t-l donc point ici d’aflujettiflement , de gêne, & de précifon © J'en tire une nouvelle preu- ve en faveur de la poffibilité qu'il y a de furmonter l'embarras où fe trouve un Jaboureur la premiere fois qu'il exécute la diftribution dun terrein en planches & plate-bandes cenfées égales & régulieres. Je dis plus; on - voit en Provence , en Italie, &c, des campagnes entieres, qui font à peu de chofe près, cultivées à lama- niere de M. Tull ; cependant M. de la Salle, en tenant le langage du Pay- fan indolent, lui fournit des armes fur l'Agriculture 25$ contre les changements qu'il veut fai- re à la routine. Celui qui a coutume de conduire négligemment {a char- rue , trouvera des difhcultés énormes & fans nombre quand on lui dira de la faire piquer à 4 ou 6 pouces éga- lement, dans toute l'étendue d’un champ ; & ces difficultés feront réel. les, par rapport à l’habitude que fes membres ont contractée. Comme M. Duhamel a expofé dans le VIe Volume du Tr. de la Cult. des Terr. & dans les Eléments d'Agriculture , T. I, p.134, 471-2-3-4, tout ce qu'il convient d’obferver pour établir un terrein en planches & en plate- bandes ; je ne le copierai pasici. Je dirai feulement qu’au moyen de jalons ou piquets alignés, on trace fort droit chaque raie qui fait les divi- fions générales. Puis un cheval ou ur. bœuf, que l’on conduit-dans cette raie, forme les rangées fur les plan- ches , au moyen du femoir qu'il tire. Confultez les Eléments d'Agriculture , T.1, p. 139; & le 4 Volume du Fraite de la Culture des Terres , p. 125$. On voit auffi dans ce 4e Volume (p. 126 ) le moyen de faire jemer par des 256 Défenfede plufieurs Ouvrages chevaux ou des bœufs , couplés, fans qu’ils endommagent la terre des-plan- ches : ce qui eft avantageux dans la remiere année ; parce que la terre n'étant pas encore bien ameublie , un feul animal y fatigue ordinaire- ment beaucoup. Les labours auxiliai- res ayant été faits à- propos depuis la levée du grain jufqu'à la récelte , on trouve les planches pour les femailles fuivantes , toutes ameublies ; & les. chaumes des planches récoltées fer- vent d'alignement pour tracer droit les nouvelles rangées. C’eft pourquoi il eft à-propos de ne labourer ces chaumes qu'après avoir femé. Ce changement de planches en. plate- bandes, & de plate-bandes en plan- ches, fe fait de même tous les ans. Voyez les Eléments d'Agriculture, T. F,p. 456, 457, 468. Il y a,dans lufage ordinaire , une ancienne Prati= que qui obferve une alternative fem- blable ; c'eft dans les terres qu'on Jaboure en planches : le milieu de chaque planche fe trouve à l'en- droit où étoient les raies qui en for- moient précédemment les bords ; & Je bord des nouv Iles planches eft au fur l'Agriculture. 257 milieu des planches de la derniere ré- colte. M. Duhamel a fait encore pref- fentir d' Autres Dzrrrcuzrés, dans le 6° Volume de fon Traité de la Culrure des Terres, p. 32 & 60. 1] en conclut (p. 32) que chacun . doit « fçavoir appliquer à fon ter- » rein, des principes qu'on peut re » garder comme aflez généralement » Vrais ». Nous croyons devoir terminer cet article par un autre confeil de ce fa- ge Cultivateur : qui a fait obferver que la routine eft un torrent dont on ne peut arrêter le cours que par de- grés , & avec beaucoup de ménage: ments ; qu'ainfi les difhcultés qu'on éprouve pour dreffer tout d’un coup des laboureurs à cultiver le froment fuivant les principes de M. Tul!, fug- gerent de commencer l’ufage de cette nouvelle méthode fur des plantes pour lefquelles on puiffe en exécuter facilement les opérations; & que cet avantage fe trouve dans fa culture du fainfoin & de la luzerne. Quand les faboureurs y feront accoûtumés, on les trouvera plus en état d’appliquer Jes mêmes principes à la eulture du 258 Défenfe de plufieurs Ouvrages froment. Culture des Terres, T. V, p: xxviij ; vOyez encore ce que dit M. de Villiers, dans les pages 12 & 13 du même Volume. $. XII. Conclufion. Que la méthode de M. Tull foit contraire à l'Agriculture en général , comme M. de la Salle le prétend ; c'eft ce qu’on ne peut foutenir : nous avons démontré qu'un parfait ameu- bliffement & des récoltes abondantes en font conftamment les effets. Que ce fyftème doive être fuivi feul, & fubffitué à tout autre ; c’eft poufer : trop loin fa faveur. Le véritable point de vûe eft de regarder la Nouvelle Culture comme admiflible ; attendu qu’elle s’accorde avec les meilleurs principes d'économie rurale, quand on en poflede bien le fyftème & qu’on . Fexécuteavec intelligence. Le Payfan qui ne calcule point, ne voit dans toutes les attentions qu’exi- ge la pratique de M. Tull, que de fré- quents objets de travail & de dépenfe. Ilignore ,& même ilne croit point, lorfqu’on le lui aflure, que dans les premieres années ces frais font infé+ fur: l'Agriculture. 259 rieurs au quart Ou au cinquiéme du bénéfice que produifent les labours répétés. | De deux parties de Îuzerne , par exemple , femées l’une en plein , l’au- tre par rangées ; le produit de celle ci eft toujours plus confidérable. . Quiconque aura lû l'ouvrage de M. de la Salle, pourra s'imaginer que M. Duhamel eft un Apologiite outré de la méthode de M. Tull ; & qu'on ne trouve dans fes ouvrages, que des commentaires & des éloges de cette méthode : mais on fera bien furpris , en lifant les Eléments d'Agriculture de M. Duhamel , de voir que, dans les douze livres qui partagent cet ouvra- ge, il n’y à que le fixiéme (un des plus courts de tous) où il foit quef- tion de la Nouvelle Culture. Dans les autres, cet habile Cultivateur & Naturalifte éclairé, traite des diver- fes parties des plantes ; je veux dire ;, les racines, lestiges, branches, feuil- les, fleurs , fruits ; & leurs ufages : puis de la féve ; des différentes efpe- ces de terres ; des défrichements ; des. labours ; des engrais ; de la divifion des terres, en plufeurs foles ; des 260 Défenfe de plufieurs Ouvrages cultures ufitées dans différentes pro- vinces ; des diverfes façons d’enfe- mencer les terres ; des mauvaifes her bes ; des infettess des maladies des grains ; des récoltes ; la maniere de nettoyer les grains ; leur conferva- tion ; les moyens de les préferver des infetes; les inftruments du: laboura- ge, charrues , femoirs , herfes, &c ; la culture du froment , du feigle , de l'épautre , de l'orge, de l’aveine, du mil ou millet, du maïs , du farazin , &c; les prairies, naturelles & artifi- cielles ; les plantes & racines qui peu- vent fervir à la nourriture du Dédail ; les plantes qu'on emploie pour les teintures & dans lesmanu fa@tures , la gaude, le paftel, le fafran , la garance, ée. Cet ouvrage eft terminé par des réflexions utiles fur l'Agriculture. Voilà bien d’autres chofes que la culture de M. Tull, & que ce qui fe trouve dans les ouvrages de M. de la Salle. F’ajoûte que , quand M. Duha- mel a parlé de la Culture de M. Tull ,. il ne l'a point fait en enthoufaite. Pour être perfuadé de cette vérité ; il fuffit de fuivre , page à page, l'en- droit des Eléments d'Agriculture, où Jur l'Agriculture. 261: il traite cetobjet. Je vais tâcher d’en donner le précis. _ La Nouvelle Culture confifte à bien préparer la terre ; à la bien ameu- blir par les labours, avant de femer ; enfuite à fecourir les plantes par de nouveaux labours , tandis qu'elles vé- getent ;, p. 440. | On laboure les feves , les haricots, le maïs, les choux, les laitues, du- sant le cours de leur végétation : & fans ce fecours, ces plantes ne fe- roient que de chétives produ&ions. Pourquoi ne favoriferoit-on pas de même la végétation du froment , de la luzerne, &c?p. 441 & fui- yantes. Ceux qui ont labouré à bras ont parfaitement reconnu la vérité des principes de lanouvelle culture. « Ce- pendant ( dit M. Duhamel , p. 440) » nous ne difimulerons pas que cet- » te culture prife dans toute fon éten- » due, n'eft point applicable à tou- » tes fortes de terreins ; & que, com- » me elle exige qu'on change entie- » rement les anciens ufages , [c’eft-à dire ,qu'elle differe des ufages pref- que généralement reçus , auxquels 262 Défenfe de plufieurs Ouvrages elle fubftitue des pratiques qui ne font admifes que dans certains can- tons ou pour quelques plantes par- ticuleres |] æ 1l faut ne l’adopter » qu'avec beaucoup de circonfpec- 2 TION ». Il y a des Cultivateurs attentifs, induftrieux, & intelligents, qui font parvenus à donner les laboursentreles rangées de froment, avec les inftru- ments ordinaires du labourage.«Mais » 1] faut avouer que cette culture eft » tout autrement difhcile , que celle » quon voudroit pratiquer à bras » d'hommes. C’eit pourquoi je con- » feille à tous ceux qui, ne réfidant # point dans leurs terres, ne pour- » roient pas préfider par eux-mêmes » à toutes les opérations , dene point » la tenter ».p. 459. « Il ne faut pas fe propofer de prati- » quer cette Culture dans les terres » très-difhciles à labourer....... Il » n'y a point de culture qui puifle ab. » folument convenir à toutesfortes de » terreins. Il faut qu'un propriétaire » étudie tout ce qu'on propofe pour » perfectionner la culture des terres ; » afin d’être en état de choifir la mé- fur l'Agriculture, 263 » thode qui convient le mieux à la » nature de fon terrein,....... J'ai » trouvé des Cultivateurs zélés (con- “ tinue M. Duhamel) qui sétoient » preflés de fe procurer les inffruments » qui conviennent pour la Nouvelle » Culture , avant d’avoir examiné s'ils » éroient dans le cas d’en faire ufage. .» Aufli ces inftruments étoient - ils » reftés inutiles. En me promenant » dans leurs domaines je voyois des >» terres très - mal labourées; où la >» bruyere, la fougere , les ajoncs fe » mOntroient de toutes parts. Cester- _» res cultivées à-demiétoient dures, » compactes , remplies de mottes. » Comme on n'avoit jamais fait qu'é- » gratigner la fuperficie , ces champs » n’avoient point de fond : &les ini- » truments dont on fe fervoit pour les 2 Jabourer étoient très imparfaits . .. » Quand vous aurez détruit les mau- æ vaifes herbes , donné du fond, » ameubli la terre, & rempli toutes » les conditions de l'ancienne cultu- » re ; vous effayerez , fi vous le jugez » à propos, la nouvelle ». p. 460 & 461. M. Duhamel exhorte ( p. 484 ), 264 Défenfe de plufieurs Ouvrages comme il l’a fait en plufieurs autres endroits de fes ouvrages, ceux qui voudront entreprendre la Nouvelle. Culture, de ne point fe propofer de l’é- tablir d'abord en grand. « C’eft, dit-il, + une chofe bien difcile que de plier » les hommes, & même les animaux, » à de nouveaux ufages ......p.48$ » & 486. Les amateurs pourront faire » des effais ; & fuivant le fuccès de » leurs premieres épreuves, ils pour- » ront avec connoiffance de caufe, » faire valoir de cette façon une plus » grande ou une moindre portion de » leur domaine ». M. Duhamel termine ainfi le VIe livre des Eléments d'Agriculture , qui eft le feul où il foit queftion de Ia Nouvelle Culture; pp. 497-8-0. e Comme je n'ai jamais eu Le plus lé- » ger intérêt , de quelque façon qu'on » veuille l'envifager , à accréditer la » Nouvelle Culture, je conviendrai » volontiers que les difficultés fe mul- > tiplient à mefure qu'on veut la pra- » tiquer plus en grand. Un Payfann'é- » prouvera aucun embarras à la prati- » quer lui - même ; & fûrement il fe + procurcra des avantages réels.. Le Fermier Jur l'Agriculture. 26$ = Fermier , qui doit faire prefque tou- » tes fes opérations avec les charrues, » y trouvera plus d’embarras ; quoi- » qu'au fond nous ne changions pref- » que rien à la pratique ordinaire, » puifque nous ne faifons qu'interpo- » {er la jachère entre les rangées de » froment ........ Ainfi la difhculté » fe réduit à avoir l’adrefle d'exécuter » les labours dans des plate-bandes AS pu ont tout au plus trois pieds & » demi de largeur. Mais il y a des cir- » conftances où cette culture ne peut » avoir lieu : par exemple , lorfqu'un » champ qui eft tout en froment ap- » partient à différents propriétaires , »les labours d'été ne peuvent y être » faits fans caufer du dommage aux _» voifins , ou fans perdre beaucoup + de terrein, fur-tout quand les pieces » font petites : car il faut, aux deux » bouts de la piece, un efpace pour » tourner la charrue. 20 ; Cette cul- » ture eft tout - à - fait impraticable » dans les cantons où la pâture grafle » & le parcours font établis. Enfin .» Jen on pratique cette culture > dans l’année où les terres voifines » font en froment , tout va aflez bien: 266 Défenfe de plufieurs Ouvrages » mais la feconde année, quand les » terres du voifinage font en mars; » & la fuivante , quand elles font en > jachère , le champ cultivé fuivant » les nouveaux principes fe trouve » feul en froment, & devient la pä- » ture des oifeaux : cet inconvénient » eft plus confidérable qu’on ne fe » J'imagine ». | Dans le Ile Volume du Traité de la Culture des Terres , après avoir dit( p. 28 & 29), que le but qu'on doit fe propoler dans la nouvelle culture, étant de rendre la terre meuble à une grande profondeur, il e/f indifférent quel moyen on emploie pourvû qu'on parvienne à ce point 3....... & que chacun doit eflayer d’y parvenir, par les moyens les plus commodes ; ce Sçavant , plein de modeltie & de candeur, avertit (dans la p. 279 ) que « les bons obfervateurs feront tres- » bien de varier les pratiques , & de » tenter tous les moyens qui leur pa- » roîtront propres à perfectionner la » culture des terres; car ( ajoute- » t-il) nous fommes bien éloignés de _ » penfer qu'on ne puiffe rien trouver » de mieux que ce que nous avons fur L' Agriculture, 267 » propofé ». M. Duhamel s’expri= moit ainfi dans le temps même où fes propres fuccès , & pluleurs autres dé= jà brillants, pouvoient fufhre à accré- diter la Nouvelle Culture , & donner un grand avantage à une perfonne qui auroit plus fuivi fon imagination ëc fes intérêts, que confulté le Bien public. Aufli développe-t-il la beauté de fes fentiments , dans la Préface du Ille Volume, en difant (p. l &lj): « Notre intention n’eft pas de préten- » dre que l’on doive appliquer notre » culture à toutes fortes de terreins » & àtoutes fortes de plantes. [ Con- fultez la 129° page du même Volu- mé 1. « Nous ne nous fommes pro- » pofé que de faire naître des idées » aux Amateurs d'agriculture ; & nous » leur laiffons la liberté de particula- » rifer, fuivant les circonftances , » les vûes génerales que nous propo- » fons. On peut remarquer que les » principes d'agriculture répandus » dans nos trois Volumes, ainfi que » les expériences qui en démontrent » la vérité, ne font préfentés au Pu- » blic que relativement aux avanta- » ges qui en doivent réfulter pour le M 1] 268 Défenfe de plufieurs Ouvrages » bien des Particuliers. Nous aurions # à NOUS reprocher d’avoir fäit valoir » Cesrecherches d'agriculture partout *.autre motif que celui qui nous ani- » me, & qui doit être aflez puiffant > POur animer tout bon Citoyen, par » la liaifon indifpenfable que ces re- . » cherches ont avec le bien public ». Voyez auffi la 438° page du IVe Vo- lume ; le T, V,p. 260 & 261 ; dans le VIe enfin , les pages $ & 54. Je crois que l’on ne peut defirer rien de plus fort 6 ces témoignages. qui contiennent les vrais fentiments de l'illuftre Académicien fi mal traité par M. de la Salle. J'ai déjà dit, & prouvé ; que celui-ci n’a pas Ià les ouvrages dont il a fait une critique pleine de fiel. Il femble avoir fimple- ment raffemblé des propos populai- 1ES , pour en devenirl’echo. Les Pay- fans négligens & mal intentionnés peuvent lui fçavoir gré d’avoir parlé our eux : les laboureurs dont l’intel- lise & le goût tendent à perfec- tionner l'Agriculture , continueront à fuivre les bons principes , & à pro- fiter des lumieres répandues dans les écrits dont ils auront Connoiffance. fur l'Agriculture. 269 Les Amateurs de quelque rang qu'ils foient , eltimeront toujours les ou- vrages que M. Duhamel a publiés fur cette matiere ; ils fçauront y diftin- guer l'intention d’être généralement utile , le défintérefflement de l’ Auteur, fon zele, fon ativité , le difeerne- ment avec lequel il a difpofé les faits qui lui étoient tranfmis pour fon Journal d’Expériences, la fageffe avec laquelle il s’eft expliqué fur une ma- _tiere fi capable de favorifer l'enthou- ffafme. En eltimant donc les talents & la conduite de M. Duhamel, il n’y aura perfonne qui ne foit difpofé à Jui rendre leshonneurs dûs à un excel- lent Homme, FIN Miij entrent vS APPROBATION. ’Ai lu par ordre de Monfeigneur le Vice- Chancelier un Manuferit qui a pour titre: Défenfe de plufieurs Ouvrages [ur l’Agricul- ture , &c. Je crois que le Public, & principa- lement les Cultivateurs fçauront gré à l’Au- teur d’avoir pris la défenfe des Ouvrages qu’ils ont fort accueillis & où ils ont reconnu V’Art de l'Agriculture réduit à fes vrais princi- pes, & des Méthodes ou Manœuvres nouvelles ou renouvellées ou perfeétionnées,qui font fon- dées fur la Phyfique expérimentale ; confta- tées par des obfervations nombreufes, com- muniquées par amour du bien public & pour la plüpart fuffifamment prouvés praticables & utiles par les fuccès de ceux qui les ont adop- tées dans Les lieux & avec les précautions con- venables. Je penfe qu’on doit permettre l’Im- preflion de certe Défenfe des Ouvrages & des fentimens de nos modernes Triptolèmes ; qui eft aufli celle du vrai, de l’utile ,; des bonnes - intentions & des travaux défintéreflés, A Paris ,ce 16. Janvier 1765. Signé 1x BEcux DE PRESLE. PRIVILEGE DU ROI F7 ; PAR LA GRACE DE Dieu, Ror DE FRANCE ET DE NAVARLE: À nos amés & feaux Confeillers les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Con- feïil , Prevôt de Paris, Baïllifs, Sénéchaux , leurs Lieu- .tenans Civils & autres nos Jufticiers qu’il appartien- dra , SazuT. Notre amé H.L.. Guerin - Libraire Im- primeur à Paris, Nous a fait expofer qu’il défireroic at. ' sd faire imprimer & donner au public un Ouvrage qui a pour ticre : Défenfe de plufieurs Ouvrages fur l’A- griculture, 6 principalement de ceux de MM. Duhamel, Tillec, € Pattullor, par M. de la Marre, s’il Nous plaifoit lui accorder nes Lettres de Permiffion pour ce néceflaires. À ces caufes voulant favorablement traiter. ledit Expofant , Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera, & de le vendre, faire vendre & déhiter par tout notre Royaume pen- dant le tems de trois années confécutives à compter du jour de la datte des Préfentes. Faïfons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & autres perfonnes de quelque qualité & condition qu’elles foient d’en 1n- troduire d’impreflion étrangere dans aucun lieu de notre obéiflance , à la charge que ces Préfentes"feront enregiftrées tour au long fur le Regiftre de la Commu- £ ge des Imprimeurs & Libraires de Paris dans crois ois de la datte d’icelles , que l’impreflion dudit Ou- . vrage fera faite dans notre Royaume & non ailleurs , en bon papier & beaux caraétères , conformément à Ja feuille imprimée attachée pour modele fous le con- “ære-fcel des Préfentes ; que l’Impétrant fe conformera en tout aux Réglemens de la Librairie , & notam- ment à celui du dix Avril 1725 : qu'avant delPex- pofer en vente, le Manufcrit qui aura fervi de Co- pie à Pimprefñion dudit Ouvrage fera remis dans le même état où l’Approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher & féal Chevalier Chan- celier de France le fieur DE Lamorïcnon, & qu’il en fera enfuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Chà- teau du Louvre , un dans celle dudit fieur DE LA» MOIGNON , & un dans celle de notre très - cher & féal Chevalier Vice-Chancelier & Garde des Sceaux de Fran ce, le fieur ne Maureou : le cout à peine de nullité des Préfentes; du contenu defquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir led. Expofant & fes ayans caufes pleinement & paifñblement , fans fouffrir qu’il icur foit fair aucun trouble ou emmpêchement, Vou- Jons qu’à la Copie des Préfentes qui fera imprimée cout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage, foi foir ajoutée comme à l’Original. Commandons au premier notre Huiflier où Sergent fur ce. requit ; de faire pour l’exécution d’icelles cous Aétes requis & néceffaires, fans demander autre permiffien , ,&”-no- nobftanr Clameur de Haro , Charte Normande | & Lectres à ce contraires ; Car telieft notre plaïäir. Dox-. NÉ à Paris le vingt-feprieme jour .du mois de Féyriers ? Van de grace mil fepr cens foixante-cinq.,.& de notre Regne le cinquantieme. : Par le Roiï.en fon Con- fil. | [LE BEGUE: +. Regifiré fur le Regifire XVI. de la Chambre. Royale & Syndicale des Libraires © Impri- meurs de Paris , n°, 480, fol. 270. conformé- ment au Réglement de 1723. A Paris ce 8. Mars 1765. LE BRETON, Syndic. | “0 2 € 7 ê, = * # à à