Jf^ \ *. ^' ri^r. ■'K": ■«^ ~ù- S? MtOlCAU PERI0D1CAL5 1 ANDB00K5_ l^gl fcltXANCrï.!> WC'OÏ'E, BI^DE*. ec >, i^' . ■• Av DICTIONNAIRE DE PHYSIOLOGIE TOME V ^\ -V THEODORE HOUGH, DICTIONNAIRE mass. msT. tech^îology. BOS'ION. MASS. DE PHYSIOLOGIE PAH CHARLES RICHET PROFESSEUR DE PHYSIOLOGIE A. LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS AVEC LA COLLABOKATION MIVI. E. ABELOUS (Toulouse) - ANDRÉ (Paris) —S. ARLOING (Ljyoïi) - ATHANASIU (Paris) BARDIER (Toulouse) - BEAUREGARD (Paris) — R. DU BOIS-REYNIOND (Berlin) — G. BONNIER (Paris) F. BOTTAZZI (Florence) — E. BOURQUELOT (Paris) - ANDRÉ BROCA (Paris) J. CARVALLO (Paris) — CHARRIN (Paris) — A. CHASSEVANT (Paris) — CORIN (Liège) — A. DASTRE (Paris) R. DUBOIS (Lyon) — W. ENGELMANN (Berlin) — G. FANO (Florence) — X. FRANCOTTE (Liège) L. FREDERICQ (Liège) — J. GAD (Leipzig) — GELLÉ (Paris) — E. GLEY (Paris) — L. GUINARD (Lyon) M. HANRIOT (Paris)— HÉDON (Montpellier)— F. HEIM (Paris) - P. HENRIJEAN (Liège) J. HÉRICOURT (Paris) — F. HEYMANS (Gand) — J. JOTEYKO (Bruxelles).- H. KRONECKER (Berne) P. JANET (Paris) — LAHOUSSE (Gand) — LAMBERT (Nancy) — E. LAIVIBLING (Lille) LAUNOIS (Paris) — P. LANGLOIS (Paris) — L. LAPICQUE (Paris) — CH. LIVON (Marseille) — E. MACÉ (Nancy) GR. MANCA (Padoue)— MANOUVRIER (Paris) — L. NIARILLIER (Paris) M. MENDELSSOHN (Pétersbourg) — E. MEYER (Nancy) — IVIISLAWSKI (Kazan) — J.-P. MORAT (Lyon) A. IVIOSSO (Turin) — NEVEU-LEIVIAIRE (Paris) — M. NICLOUX (Paris) — J.-P. NUEL (Liège) F. PLATEAU (Gand) — M. POMPILIAN (Paris) - G. POUCHET (Paris) — E. REITERER (Paris) P. SÉBILEAU (Paris) — C. SCHÉPILOFF (Genève) — J. SOURY (Paris) — W. STIRLING (Manchester) J. TARCHANOFF (Pétersbourg) - TRIBOULET (Paris— 'E. TROUESSART (Paris) — H. DE VARIGNY (Paris) E. VIDAL (Paris) — G. WEISS (Paris) — E. WERTHEINIER (Lille) TOME V D-F AVEC 277 GRAVURES DANS LE TEXTE PARIS FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C' 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1902 Tous droits réservés. DICTIONNAIRE DE PHYSIOLOGIE DIGITALE. — Un certain nombre de principes actifs d'origine ve'gétale, neutres, non azotés, et dont la plupart sont constitués par des glucosides, possèdent, à l'intensité près, sur le cœur des différentes espèces animales, aussi bien à sangcbaud qu'à sang froid, une action tellement semblable qu'il est absolument avantageux, au point de vue pbarmacodynamique, de grouper leur étude : et en effet, l'action de chacun d'eux pris isolément peut servir de type pour l'étude de tous les autres. Le myocarde, aussi bien que le système nerveux, système nerveux intrinsèque et système nerveux central, sont également affectés par ces substances dont les principes actifs contenus dans la digitale sont le plus habituellement choisis comme type. Bien que ces substances aient été, depuis une soixantaine d'années surtout, l'objet d'un nombre considérable de recherches ayant donné lieu à de remarquables travaux, l'étude de leur action physiologique est plus éclaircie aujourd'hui que celle de leur com- position chimique; et les physiologistes sont beaucoup plus d'accord lorsqu'il s'agit de reconnaître les effets produits chez l'homme et les animaux par la digitale que ne le sont les chimistes lorsqu'il s'agit de distinguer les principes immédiats tour à tour désignés par l'appellation de digitaline. On a donné ce nom à ce que l'on a cru d abord constituer le principe actif de la digi- tale. En réalité, les principes actifs contenus dans les diverses variétés de digitale sont assez nombreux; et il est même difficile, actuellement, de résumer ce sujet d'une façon claire et précise, au milieu du grand nombre de mémoires et de travaux contradictoires auxquels il a donné lieu. Dans ces dernières années, la pureté de la digitaline cristallisée, type Nativelle, a été mise en doute, au moins en Allemagne, et on a tenté de lui substituer, comme seul principe déflni, la digitoxine, substance encore plus énergique- ment active que la digitaline cristallisée de Nativelle, mais aussi inconstante dans ses effets et ne présentant certainement pas des caractères de pureté plus incontestables que ceux du produit isolé par Nativelle. Qu'il y ait dans la digitale, à côté de la digitaline chloroformique cristallisable, un autre produit encore plus actif et plus toxique sur le cœur et la circulation, cela n'au- rait rien d'extraordinaire; mais la digitaline cristallisée française n'en constitue pas moins un produit nettement défini, constamment identique et actif, lorsqu'on a pris soin de le préparer par des procédés convenables et de le purifier exactement. C'est à lui que j'accorderai la plus grande importance. Elle me paraît justifiée, tant, par sa prédominance au point de vue de l'action toxique et thérapeutique, que par les belles et intéressantes recherches de physiologie qu'il a inspirées à François-Franck. I. — Généralités. — Préparation. — Propriétés. — Les digitales appartiennent à la famille des Scrofulariacées; il en existe vingt-six espèces, mais une seule intéresse le médecin ou le physiologiste : ce sont des plantes herbacées, bisannuelles ou vivaces, à tige simple, dressée d'un vert grisâtre, à feuilles alternes, décurrentes, les inférieures rassemblées en rosettes, les supérieures de plus en plus petites, ovales ou ovales-oblongues. DICT. UE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 1 2 DIGITALE. Dans la variété Digitalis purpurea qui est la seule officinale, les feuilles inférieures, radi- cales, peuvent atteindre jusqu'à 30 et 40 centimètres de longueur sur 12 à 15 de largeur; le limbe s'atténue et semble former comme un long pétiole qui se raccourcit au fur et à mesure que la feuille est plus élevée sur la tige, et finit même par disparaître complè- tement sur les feuilles qui avoisinent la grappe florale. Ces feuilles présentent des bords crénelés dont chaque dent de la crénelure est garnie d'une glande : leur face supérieure est de couleur vert foncé, presque glabre; tandis que la face inférieure est couverte de poils simples, tomenteuse, de couleur blanchâtre, douce au toucher, parcourue par des nervures formant un relief accentué pour les nervures primaires et un re'ticulum assez serré et apparent par l'anastomose des nervures secondaires; l'abondance des poils donne à cette face inférieure un aspect argenté. Les fleurs, formant une grappe terminale, s'épanouissent du mois de juin au mois d'août : leur calice est court, poilu, persistant, formé de cinq sépales égaux; la corolle, gamopétale, est irrégulièrement tubuleuse, cylindrique à la base et dilatée à l'ouverture 011 elle est assez distinctement bilabiée, très grande, de couleur pourprée, rarement blanc-rosé, et striée de veines et de taches rouge foncé. Ces fleurs sont pendantes, portées sur des pédicelles penchés, pubescents. Les fruits forment une capsule biloculaire, de forme ovale, à déhiscence septicide, à calice marcescent, et renferment un grand nombre de graines très petites, d'environ 1 millimètre de longueur, de teinte brun-pâle. Les racines sont fibreuses, peu riches en principes actifs. La digitale pourprée croît dans les terrains secs, incultes, siliceux; on la rencontre abondamment dans les bois et sur les collines de toute l'Europe, sauf dans le Jura et les Alpes suisses. Elle manque dans les terrains calcaires. La plante sauvage est beaucoup plus active que celle cultivée dans les jardins; mais le terrain, le climat, c'est-à-dire l'humidité, la température, l'exposition à la lumière, les variations atmosphériques, et, probablement, d'autres circonstances encore incon- nues exercent une action prépondérante sur la synthèse des principes toxiques. Ces con- sidérations sont des plus importantes au point de vue des applications à la thérapeutique. Ainsi, comme le fait remarquer Huchard, à Edimbourg, la dose usuelle de 13 grammes de feuilles en infusion est bien tolérée, tandis qu'à Londres on observe des troubles gastriques avec des quantités beaucoup moindres, quoique très élevées encore, de 4 à 8 grammes. La variabilité de composition de la digitale est extrême : l'infusion ou la macération de poudre de feuilles peut donner des effets médicamenteux depuis la dose de 25 à 30 centigrammes; et on a pu employer, en Roumanie notamment, jusqu'à 12 et 15 grammes de poudre de feuilles sans avoir d'effets toxiques. La digitale des Vosges, récoltée dans certaines conditions déterminées, est celle qui paraît la plus constante dans son action. Il est impossible de savoir si la toxicité de la digitale était connue des Anciens; dans tous les cas, cette plante n'était d'aucun emploi, et c'est Léonard Fuchs, de Tubingue, qui lui donna, vers 1542, le nom de digitale, en raison de la forme en doigt de gant de ses fleurs, et en fit la première description botanique précise dans son ouvrage De his- toi'ia stirpium commentarii insignes. Elle ne fut admise qu'en 1721 dans la pharmacopée de Londres, d'après Muruay, et inscrite seulement à partir de 1788 dans les traités con- cernant les drogues simples. Il faut en effet arriver jusqu'à Withering, en 1775, pour voir attirer l'attention des thérapeutes sur ses propriétés hydragogues; dix ans plus tard, en 1785, Withering et CuLLEN, frappés de l'action sédative qu'elle exerce sur le cœur, la dénomment opium du cœur; l'année suivante, en 1786, Schieman constate, par l'expérimentation sur les ani- maux, le ralentissement du cœur; en 1801, Beddoes note l'augmentation de la pression sanguine et, cette même année, Kinglake constate qu'elle exerce son action tonique à la fois sur le cœur et sur les vaisseaux. Enfin, Beau, en 1839, montre que la comparaison faite par Withering et Cullen n'est pas rigoureusement exacte, que les qualités toniques de la digitale l'emportent de beaucoup sur ses qualités sédatives; et il appelle, en con- séquence, la digitale le quinquina du cœur. C'est à une époque très récente que l'action physiologique des principes actifs de la digitale a été élucidée, au moins en partie, grâce DIGITALE. 3 aux travaux de Stannius, de Traube, de Vulpian, de Lauder-Brunton, de Megevand, de GouRVAT, mais surtout de François-Franck. Relativement à la composition immédiate de la difçitale, les premiers essais d'ana- lyse immédiate sont ceux de Paucquy, d'Amiens, en 1820. Leroyer, de Genève, isola en 1824 un principe actif auquel il donna le nom de digitaline, et qu'il décrit comme cris- tallisant très difficilement sous forme de cristaux microscopiques formés par des prismes droits à base rhombe. En 1834, Lancelot publie un travail très documenté d'ana- lyse immédiate inséré dans l'Observateur de Vlndre, et il signale, comme principe actif de la digitale, une substance presque incolore, comme cristalline, verdissant le sirop de violettes et ramenant au bleu le papier de tournesol rougi, soluble dans les acides et pré- cipitant par addition d'eau en excès : c'est avec ce produit que Bretonneau fit ses essais d'application à la thérapeutique. Henry, de Phalsbourg, reprit ces essais en 1837 sans arriver à des résultats plus précis. C'est en réalité du travail de Homolle et Quévenne, en 1844, que datent nos premières connaissances précises relativement aux principes actifs de la digitale. Leur digitaline était une substance amorphe, mélange en proportions variables des dilTérents principes actifs; et il était réservé à Nativelle d'isoler, de la digitale en 1868, un principe défini, bien cristallisé, possédant une activité constante et dont le mélange aux autres principes, plus ou moins actifs, leur imprimait une énergie variable. Depuis cette époque, un grand nombre de travaux sont venus compliquer et embrouiller, comme à plaisir, cette ques- tion déjà fort obscure: les travaux de .Sckmiedeberg, de Kiuani, notamment, ont tenté de faire considérer la digitaline cristallisée de Nativelle comme un produit non défini; et, d'autre part, des appellations différentes appliquées à une même substance extraite delà digitale sont encore venues contribuer à augmenter le chaos dans lequel il est aujour- d'hui difficile de se reconnaître. L'insolubilité de la digitaline dans la plupart des dissolvants est un gros écueil rela- tivement à sa préparation et à sa purification; et les méthodes d'extraction jouent évi- demment un rôle considérable dans la nature et la composition des produits obtenus, aussi, je crois nécessaire d'indiquer avec quelques détails les procédés d'obtention des principales sortes de digitaline, c'est-à-dire les procédés d'HoMOLLE et Quévenne, de Nativelle, de .Schuiedeberg et de Kiliani. Quelques mots auparavant sur la composition immédiate de la digitale, et pour compléter ce que j'ai dit sur la richesse des diverses parties de la plante en principes actifs. Les feuilles, les fleurs, les graines, présentent une richesse croissante, mais cette activité n'est pas due exclusivement à la digitaline; aussi les feuilles (le limbe seul) dont la composition et la richesse en principes actifs sont plus constants sont-elles seules utilisées pour la thérapeutique. Les nervures des feuilles, les tiges, les racines, sont, au contraire, fort pauvres et les proportions de principes actifs très inconstantes : on peut observer une différence de plus de 50 p. 100 entre la richesse de ces parties de la plante et celle des graines, des tleurs ou des feuilles. Les substances ci-après ont été mentionnées comme faisant partie de la composition immédiate de la digitale : digitaline, digitoxine, digitaléine, digitonine, digitine, digi- talose, digitalin, digitalide, acide digitalique, acide antirrhinique, acide digitaléique, acide tannique, inosite, amidon, sucre, cellulose, pectine, matière mucilagineuse (sur- tout dans les graines), matières albuminoïdes, matières colorantes, chlorophylle, huile volatile, sels minéraux. Parmi ces nombreuses substances, quelques-unes sont constituées par un môme prin- cipe immédiat désigné par des noms difTérents, d'autres sont dépourvues de tout inté- rêt, aussi bien au point de vue chimique que physiologique; d'autres enfin, quoique inactives par elles-mêmes (digitonine et certains albuminoïdes, par exemple), ont une grande importance parce qu'elles permettent la dissolution d'autres principes extrême- ment actifs. Je reviendrai, après la description des principaux procédés d'extraction des principes actifs, sur la synonymie de quelques-unes des substances énumérées ci-dessus; mais, comme il ne sera plus question de la plupart d'entre elles, j'en mentionnerai ici deux : l'acide digitalique qui joue probablement aussi un rôle efficace dans la dissolution par l'eau des glucosides actifs et l'acide antirrhinique auquel est due probablement l'odeur de la digitale fraîche. 4 DIGITALE. L'acide digitalique, étudié par Pyrame, est soluble dans l'eau et l'alcool, moins soluble dans l'éther; il est solide et peut cristalliser en aiguilles de la solution alcoo- lique. Cet acide est altérable à l'air, surtout en présence des alcalis; il chasse l'acide carbonique des carbonates et donne des sels bien cristallisés. Les glucosides actifs, digi- taline et digitaléine, étant plus facilement solubles dans des solutions aqueuses d'acides oro-aniques que dans l'eau pure, même en présence de la digitonine et des matières albu- minoïdes, il est fort probable que l'acide digitalique joue un rôle efficace à cet égard dans le traitement de la digitale par l'eau. L'acide antirrhinique constitue un liquide huileux, volatil, incolore, soluble dans l'eau et l'alcool, doué d'une saveur désagréable et d'une odeur rappelant celle qui se dégage lorsqu'on froisse les feuilles et les tiges de la plante fraîche. Procédés d'extraction. — I. Digitaline de Homolie et Quévenne. — On épuise par l'eau dans un appareil à déplacement un kilo de feuilles sèches de digitale grossière- ment pulvérisées et préalablement humectées. La solution aqueuse est précipitée par un léger excès de sous-acétate de plomb, on filtre et on ajoute une solution de carbonate de soude jusqu'à ce qu'il ne se forme plus de précipité. Le liquide filtré est débarrassé de la chaux par l'oxalate d'ammoniaque, et des sels magnésiens par le phosphate de soude ammoniacal. La liqueur filtrée présente une réaction alcaline assez prononcée, une coloration jaune-brun-clair et possède une amertume excessive : on y verse une solu- tion concentrée de tannin en léger excès; le précipité de tannate, filtré et essoré entre des doubles de papier à filtrer, est mélangé au mortier, encore humide, à 20 p. 100 de son poids de litharge porphyrisée. La pâte molle qui résulte de ce mélange est égouttée sur un filtre, pressée entre des doubles de papier à filtrer, et finalement, des- séchée à l'étuve. On la pulvérise alors et on l'épuisé par l'alcool fort. La solution alcoo- lique suffisamment évoporée à une douce chaleur, laisse pour résidu une masse granu- leuse de couleur jaunâtre, surnagée d'une petite quantité d'eau-mère, renfermant le principe amer, en même temps que des traces de substances huileuses, de sels et de matières extractives. On lave cette niasse avec un peu d'eau distillée qui enlève les sels déliquescents entraînés sans dissoudre sensiblement de principe amer'. On laisse égoutter et l'on reprend par l'alcool bouillant, on ajoute du charbon animal purifié, on fait bouillir pen- dant quelques instants et l'on filtre; le liquide filtré est à peu près incolore. On l'aban- donne à l'évaporation spontanée à l'étuve, et il se forme sur les parois du vase une couche mince de substance solide, légère, demi transparente, en même temps qu'il se dépose au sein du liquide des fiocons blanchâtres, granuleux, agglomérés. Ce produit, parfaitement desséché, est pulvérisé et traité par l'éther rectifié, on laisse en macération pendant vingt-quatre heures, on porte à l'ébullition et on filtre. Cette solution éthérée, abandonnée à l'évaporation spontanée, laisse pour résidu une légère couche blanche, cristalline, formée d'une certaine proportion du principe amer, d'une trace de matière oléo-résineuse verte, d'une matière odorante rappelant l'odeur de la digitale fraîche, et d'une substance cristallisée en belles aiguilles, blanche, inodore, d'une saveur âpre mêlée d'un peu d'âcreté, insoluble dans l'eau et l'alcool, fusible au-dessus de 150° et se prenant par le refroissement en une masse jaune, cristalline, rayonnée. Cette variété de digitaline [digitaline amorphe insoluble dans le chloroforme) est presque blanche, inodore, difficilement cristallisable, et se présentant le plus souvent sons forme de masses poreuses mamelonnées ou en petites écailles. Elle possède une amertume tellement intense qu'il suffit d'un centigramme pour communiquer une amertume prononcée à deux litres d'eau. Cependant la saveur de la digitaline solide est lente à se développer à cause de sa faible solubilité dans l'eau. En réalité ce produit est constitué par un mélange de digitaléine, de digitine et de digitonine auxquelles vient s'ajouter une proportion variable de digitaline vraie. II. Digitaline amorphe chloroformique (c'est-à-dire non cristallisée, mais soluble dans le chloroforme). — Cette variété de digitaline est obtenue par un procédé qui est une 1. La digitaléine qui forme la majeure partie de ce produit est, au contraire, assez facile- ment soluble dans l'eau, comme nous le verrons plus tard, grâce ù la présence de la digitonine. DIGITALE. 5 modification de celui de Homolle et Quévenne, procédé adopté par le Codex français pour la préparation de la digitaline amorphe. ^ On humecte, par contusion dans un mortier, un kilo de poudre de feuilles de digitale avec un litre d'eau et on la dispose dans un appareil à déplacement. On verse peu à peu et par petites portions, des quantités d'eau suffisantes pour obtenir 3 litres de liqueur ■dont la densité doit être de lOSO, au minimum. Cette liqueur est précipitée par addition de 250 grammes de la solution de sous-acétate de plomb liquide à 36° B. ; le préci- pité est séparé par filtration, et l'excès de plomb est précipité à son tour par l'addition successive de 40 grammes de carbonate de soude cristallisé et 20 grammes de phosphate de soude ammoniacal préalablement dissous dans des quantités respectives de 100 et 150 centimèties cubes d'eau tiède; puis, le mélange est filtré de nouveau. La solution limpide est alors additionnée d'une solution de 40 grammes de tannin officinal dans 120 centimètres cubes d'eau distillée : la digitaline, la digitaléine, la digitine sont préci- pitées à l'état de tannâtes. Après filtration, le précipité est mélangé intimement, encore humide, avec 25 grammes de litharge puis 50 grammes de charbon animal purifié, fine- ment broyé au préalable, et la masse est soumise à la dessiccation à basse température, de préférence même dans le vide et sur l'acide sulfurique concentré. Après dessiccation, le mélange est épuisé par l'alcool à 90 p. 100, la solution alcoolique est évaporée à siccité au bain-marie, le résidu d'abord épuisé par l'eau distillée est redissous dans l'alcool à 90 p. 100, la solution alcoolique est de nouveau évaporée à siccité au bain-marie; et ce dernier résidu d'évaporation est épuisé par le chloroforme. Par évaporation, la solu- tion chloroforraique abandonne la digitaline amorphe sous forme d'une niasse résineuse et friable. Cette variété de digitaline constitue une poudre d'un blanc légèrement jaunâtre, douée d'une odeur aromatique spéciale, d'une extrême amertume, neutre au papier de tournesol, presque insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et le chloroforme, insoluble dans l'éther, soluble dans les acides dilués. Elle se ramollit à 90° et entre en fusion à 100°. Elle n'est pas précipitée de ses solutions par les sels de plomb, et forme avec le tannin un composé insoluble. Nous verrons plus tard les réactions colorées qui la carac- térisent. III. Digitaline cristallisée (type Nativelle). — L'épuisement par l'eau de la poudre de feuilles de digitale est insuffisant pour en séparer la majeure partie de la digitaline qui y reste à l'état de combinaison insoluble. Le procédé de Nativelle a pour but de remé- dier à cet inconvénient. On dissout 250 grammes d'acétate neutre de plomb cristallisé dans un litre d'eau et, à l'aide de cette solution, on humecte un kilo de poudre de feuilles de digitale des Vosges, recueillies pendant la deuxième année d'existence de la plante et au moment de latlofai- son (prescription du Codex français), et dont on a eu soin de séparer les pétioles et les nervures. On passe la poudre humectée à travers un tamis de crin n° 3 pour bien assu- rer l'homogénéité du mélange et on laisse en contact pendant vingt-quatre heures en brassant de temps à autre. Le mélange est alors introduit dans un appareil à déplace- ment, convenablement tassé, et épuisé, jusqu'à disparition d'amertume, avec de l'alcool à 60 p. 100. La solution alcoolique ainsi obtenue est neutralisée à l'aide d'une solution aqueuse saturée à froid de bicarbonate de soude; puis, quand l'effervescence due au dégagement d'acide carbonique a cessé, on distille de manière à recueillir la majeure partie de l'alcool et l'on achève d'évaporer le liquide aqueux au bain-marie jusqu'à ce que son poids soit réduit à 2 kilos : on laisse refroidir, on dilue en ajoutant 2 litres d'eau et on laisse reposer. Il se forme peu à peu un dépôt poisseux, jaunâtre, très amer, renfermant la digitaline cristallisable, la digitaline amorphe et la digitine déjà visible dans la masse sous forme de cristaux aiguillés; on sépare ce dépôt après deux ou trois jours en décantant la liqueur claire surnageant qui contient la digitaléine, et on le fait égoutter sur une chausse en toile. Ce précipité est traité par de l'alcool à 80 p. 100 à raison de 100 grammes par litre d'alcool. (Un kilo de poudre de feuilles de digitale des Vosges recueilhes au moment de la floraison sur une plante de seconde année et bien séparées des tiges, pétioles et nervures, donne un précipité pesant environ 100 grammes) et le mélange est passé à travers un tamis en crin n° 1). Le liquide trouble qui résulte de cette opération est chauffé jusqu'à l'ébuUition, et on lui ajoute une solution de t) DIGITALE. 10 gi-ammes d'acétate neutre de plomb dans 20 centimètres cubes d'eau distillée; on chauffe pendant quelques instants encore et l'on filtre. Le dépôt resté sur le filtre est lavé avec de l'alcool à 80 p. 100 pour entraîner le liquide qu'il retient, on l'essore; puis, après avoir ajouté aux liqueurs alcooliques 50 grammes de charbon animal purifié, on distille la majeure partie de l'alcool, on évapore le résidu au bain-marie de façon à chasser tout l'alcool et on rajoute la quantité d'eau nécessaire pour remplacer celle qui s'est évaporée. On laisse refroidir, on fait égoutter sur le même tamis de crin ayant servi à la divisioa du précipité dans l'alcool à 80 p. 100, et on lave le charbon avec une petite quantité d'eau pour enlever les dernières parties de liqueur colorée. Ce charbon est ensuite complètement séché à l'étuve, en ayant soin de ne pas dépasser 100°, et on l'épuisé dans un appareil à déplacement avec du chloroforme pur, jusqu'à ce que ce dissolvant passe complètement incolore. Celte solution chloroformique est distillée à siccité dans un ballon, et les dernières traces de chloroforme sont chassées par évapo- ration de quelques centimètres cubes d'alcool à 95 p. 100 que l'on y fait évaporer. Le résidu de cette évaporation est formé de digitaline brute encore mélangée à des substances étrangères de consistances poisseuse et huileuse. On la dissout à chaud dans 100 grammes d'alcool à 90 p. 100, on y ajoute 2 centimètres cubes d'une solution aqueuse saturée à froid d'acétate neutre de plomb et 10 grammes de charbon animal purifié; on fait bouillir pendant dix minutes, puis on abandonne au refroidissement et au repos. On décante sur un tampon de coton, on verse le dépôt charbonneux que l'on épuise par l'alcool jusqu'à cessation d'amertume, puis, par distillation, on sépare l'alcool des liqueurs ainsi obtenues. Cette distillation laisse [un résidu formé, pour la majeure partie, de digitaline qui se présente sous forme d'une masse grumeleuse, encore imprégnée d'une substance huileuse colorée et nageant dans une liqueur aqueuse : on le sépare de cette dernière par décantation, puis on le dissout au bain-marie bouillant dans 10 grammes d'alcool à 90 p. 100, en remplaçant, si cela est nécessaire, l'alcool qui a pu s'évaporer. Après refroidissement on ajoute en étlier officinal la moitié du poids de l'alcool employé, on mélange exactement, puis on additionne d'un poids d'eau distillée égal à la somme du poids d'alcool et d'éther préalablement utilisés, on bouche la fiole dans laquelle on a effectué ce mélange et on agite vigoureusement. Au bout de peu de temps le mélange se sépare en deux couches : l'une, supérieure, colorée, formée d'une solution éthérée d'huile grasse; l'autre, inférieure, incolore, formée de la solution de digitaline qui cristallise presque aussitôt. On abandonne à la cristallisation dans un endroit frais pendant quarante-huit heures, on sépare la masse cristalline en filtrant sur un tampon de coton; et on lave le résidu solide avec un peu d'éther pour entraîner ce qui pouvait adhérer aux cristaux de la couche éthérée colorée. L'éther ne doit pas être séparé au pi^éalable par décantation, car sa présence contribue à la cristallisation de la digitaline. La digitaline ainsi obtenue est encore un peu colorée : pour l'obtenir parfaitement blanche, il est nécessaire de la purifier, au moins à deux reprises, et après l'avoir débar- rassée par le chloroforme d'une petite quantité de digiline qui en altère la pureté. La digitine est en effet susceptible de cristalliser; et une proportion plus ou moins considé- rable se trouve mélangée à la digitaline : son insolubilité dans le chloroforme permet de l'en séparer facilement. Pour cela, après avoir bien desséché et réduit en poudre fine la digitaline obtenue pi'écédemment, on la redissout dans vingt fois son poids de chloro- forme; la dissolution, éclaircie par le repos, est filtrée sur un tampon de coton, évaporée à siccité, et les dernières traces de chloroforme sont chassées par addition d'un peu d'alcool à 95» que l'on évapore ensuite. On dissout le résidu dans 30 grammes d'alcool à 90 p. 100, on ajoute 5 grammes de charbon animal purifié, et l'on porte à l'ébullition pendant dix minutes; puis on filtre, on lave le noir animal resté sur le filtre avec un peu d'alcool à 90" bouillant et on distille l'alcool : le résidu est constitué par de la digi- taline encore un peu colorée. Pour l'avoir tout à fait blanche et pure, il faut la peser dans un ballon préalablement taré, la dissoudre au bain-marie bouillant dans la quantité exactement suffisante d'alcool à 90 p. 100, déterminer par une nouvelle pesée le poids de cet alcool, puis ajouter à la solution un poids d'éther égal à la moitié du poids de cet alcool et un poids double d'eau distillée : on bouche la fiole et on agite. La digitaline se sépare bientôt de la couche hydro-alcoolique inférieure sous forme de cristaux dont on DIGITALE. 7 facilite la formation en exposant le ballon dans un endroit frais. Au bout de vingt-quatre heures elle est complètement séparée sous forme de cristaux aiguillés, blancs, tandis que les matières colorantes elles autres impuretés restent dans les eaux-mères. Les cris- taux sont séparés par filtralion sur un tampon de coton et lavés à l'éther. Cette digitaline cristallise'e se présente sous la forme de cristaux blancs, très légers, formant des aiguilles courtes et déliées groupées autour d'un axe : elle est extrêmement amère, à peu près complètement insoluble dans l'eau, facilement soluble dans l'alcool à 90 p. 100, moins soluble dans l'alcool anhydre et presque insoluble dans l'éther. Son meil- leur dissolvant est le chloroforme. Procédé de Tanret. — Cette modification a pour but d'éviter les chauffages réitérés des solutions comme dans le manuel opératoire précédent. 11 offre, par conséquent, beaucoup plus de sécurité relativement à la préexistence, dans la plante, des produits qui en sont retirés; et il enlève toute valeur à l'argument des modifications causées au pro- duit naturel par les réactions auxquelles peuvent donner lieu son mode de séparation. Les feuilles de digitale, grossièrement pulvérisées et dont on rejette le dernier quart pour éliminer les pétioles et les nervures, sont mélangées intimement avec leur poids d'alcool à JiO p. 100, puis épuisées par déplacement. Quand la lixivialion a été bien con- duite, la plus grande partie de la digitaline a passé dant les quatre premières portions recueillies. Cette liqueur hydro-alcoolique est agitée à plusieurs reprises avec le quinzième de son volume de chloroforme ; puis, après séparation des couches liquides, on décante le chloroforme à l'aide d'un entonnoir à robinet, on ajoute de nouveau le vingtième du volume du liquide primitif de chloroforme, on agite, décante, réunit ce liquide au premier et on abandonne au repos dans un endroit frais pendant une douzaine d'heures. Un dépôt constitué, pour la majeure partie, par des composés gommeux etalbu- mineux se sépare ; et l'on décante la partie claire surnageant qui représente environ les trois quarts du chloroforme employé : il est fortement coloré en vert brunâtre et contient la digitaline, la digitaléine, de la digitine, de la chlorophylle et des matières grasses et cireuses. On le lave avec son volume d'eau afin d'en séparer l'alcool qu'il a dissous; puis on l'agite avec son volume d'une solution aqueuse à 40 p. 100 de tannin. Il se sépare ainsi du tannate de digitaline sous forme d'une masse emplastique qu'on recueille, malaxe avec du chloroforme pour dissoudre celui qu'elle a entraîné, puis cette masse est dissoute dans de l'alcool à 90 p. 100. On ajoute à cette solution de l'hydrate de zinc ou de plomb qui fixe le tannin, tandis que la digitaline, mise en liberté, se dissout dans l'alcool. On filtre, on décolore la solution par addition du noir animal purifié, puis on l'abandonne à l'évaporation spontanée. La digitaline cristallise, tandis que la digitaléine et la digitine restent dans les eaux-mères. Cette digitaline cristallisée est purifiée, par redissolulion dans le chloroforme, puis recristallisation dans l'alcool à 90 p. 100 addi- tionné d'éther et d'eau, comme précédemment. Un point délicat consiste à déterminer le moment où le tannate est complètement décomposé par l'hydrate métallique : l'artifice suivant permet de le reconnaître. Une goutte de la liqueur trouble fournie par l'addition de l'hydrate métallique à la solution alcoolique du tannate est déposée avec précaution sur un papier à filtrer blanc; le pré- cipité forme une tache bien nette entourée d'une auréole de liquide filtré par capillarité : on touche le bord externe de cette auréole avec une baguette imprégnée d'une solution étendue de chlorure ferrique; s'il y reste encore du tannin en dissolution, il se produit une coloration noire qui cesse de se montrer lorsque la totalité du tannin a été fixée à l'état de tannate métallique insoluble par les hydrates de plomb ou de zinc. La digitaline cristallisée obtenue par ce procédé est absolument identique, tant par ses caractères chimiques que par son activité physiologique, à celle obtenue par le pro- cédé précédent. IV. Digitoxine de Schmiedeberg. — Par des essais d'analyse immédiate effectués sur différents échantillons de digitalines de provenances diverses, Schmiedeberg aurait acquis la conviction qu'aucune des substances ainsi dénommées, même la digitaline cristallisée de Nativelle, ne serait constituée par un principe absolument pur et chimiquement défini. Pour ce savant, les principes actifs de la digitale seraient au nombre de quatre : dlgitonine, analogue aux saponines; digitaléine, soluble dans l'eau; digitaline, insoluble ou très peu soluble dans l'eau; et digitoxine, complètement insoluble dans l'eau. Les 8 DIGITALE. trois premières : digitoiiine, difiitaléine, digitaline seraient des glucosides, tandis que la digitoxine aurait une constitution différente encore indéterminée ^ D'après Schmiedeberg, chacune des différentes variétés de digitalines que l'on rencontre dans le commerce de la droguerie sont toutes plus ou moins complètement soluhles dans un mélange à volumes égaux d'alcool absolu et de chloroforme, lorsqu'on les a préalablement mouillées par trituration avec un peu d'alcool absolu. L'addition d'éther à cette solution permet d'en séparer en premier lieu de la digitonine, ensuite de la digitaléine, puis de la digitaline. De nombreuses et successives précipitations frac- tionnées permettent d'isoler ces trois produits qui sont plutôt, au moins en ce qui con- cerne la digitonine et la digitaline, caractérisés par la nature de leurs produits de dédou- blement. La digitonine est très peu soluble dans l'alcool absolu, ce qui la distingue de la digilaléine qui y est au contraire fort soluble. Digitonine, digitaléine et digitaline sont facilement dédoublées, la digitonine surtout, par les influences hydrolysantes; et la digitale même renferme un ferment particulier, déjà entrevu en 1845 par Kossmann, et qui posséderait la propriété d'effectuer ce dédou- blement avec plus ou moins d'intensité. La digitonine doime du glucose et deux premiers produits de dédoublement, la digito- résine et la digitonéine : cette dernière se dédouble elle-même en digitogénine et glucose. La digitaléine donne comme produits de dédoublement par hydrolyse d'abord du glucose et de la digitalirésine soluble dans le chloroforme 'et l'éther, susbtance extrê- ment active au point de vue physiologique et caractérisée par l'action qu'elle exerce sur les grenouilles chez lesquelles elle détermine de violentes convulsions aussitôt suivies de paralysie musculaire. Bien que l'eau n'en dissolve qu'une quantité à peine appréciable, 1 à 2 centimètres cubes de cette solution suffisent à produire de pareils effets. A son tour, la digitalirésine se dédouble en glucose et digitaligénine, substance complètement inerte. La digitaline, que l'addition d'un très grand excès d'éther précipite en dernier lieu de la solution dans le mélange à volumes égaux d'alcool absolu et de chloroforme et que son insolubilité dans l'eau distingue de la digitaléine, la digitaline se dédouble égale- ment par hydrolyse en glucose et digitalirésine, puis, finalement, en glucose et digitali- génine. Ces deux substances, digitaléine et digitaline ne semblent donc être que deux modi- fications allotropiques caractérisées surtout par ce fait que la digitaléine est très soluble dans l'eau et incristalli sable. Schmiedeberg aurait constaté au cours de ces recherches que la digitaline amorphe chlo- roformique préparée suivant le procédé que j'ai décrit précédemment et qui fournit la variété de digitaline inexactement appelée dans le commerce de la droguerie digitaline amorphe d'HoMOLLE et Quévenne, Schmiedeberg aurait constaté que cette variété de digita- line est constituée : de digitaline pour la majeure partie, de digitalirésine en assez notable proportion, de digitogénine et de digitonéine. La digitaline cristallisée de Nativelle ne serait également qu'un mélange dans lequel prédominerait de beaucoup la digitaline vraie, mais duquel on pourrait également isoler de la digitalirésine et de la digitogénine. Je ne crois pas nécessaire de donner ici la description détaillée des procédés employés par Schmiedeberg pour réaliser l'analyse immédiate des divers échantillons de digitalines sur lesquels ont porté ses recherches, je renverrai pour cela au mémoire original publié en 1874 dans le Recueil des travaux de l'Institut de pharmacologie expérimentale de Stras- bourg et traduit en 1895 dans les Nouveaux Remèdes (t. xi, p. 56). Depuis cette publication, d'assez nombreux travaux ont modifié les conclusions un peu exagérées de Schmiedeberg. Mais ses rechei'ches l'avaient conduit à penser que les substances étudiées précédemment n'étaient pas les seules actives dans la digitale; et il fut ainsi conduit à la découverte de la digitoxine dont voici, d'après lui, le mode de préparation. On sèche et on pulvérise les feuilles de digitale, on y ajoute de l'eau et on agite jus- qu'à en faire une sorte de bouillie peu épaisse qu'on exprime à l'essoreuse au bout de douze heures : on répète une seconde fois cette opération. On arrose ensuite les feuilles 1. KiLiANi a nettement démontré depuis que la digitoxine était un glucoside. DIGITALE. 9 essorées avec de l'alcool à 50 p. 100 ; après douze heures de macération, on les soumet à l'essoreuse, on répète cet épuisement par l'alcool à 50 p. 100, et, finalement, on humecte une dernière fois avec un peu d'eau et l'on soumet de nouveau à la force centrifuge. Les liqueurs alcooliques et cette dernière liqueur aqueuse sont réunies et on les traite par l'acétate de plomb ammoniacal jusqu'à cessation de précipité qu'on sépare au moyen du filtre. La réaction de la liqueur doit être, à ce moment, très faiblement ammoniacale. La liqueur claire est jaunâtre et d'une saveur excessivement amère; on en sépare l'alcool par distillation et évaporation, eu ayant soin que la réaction du liquide reste aussi neutre que possible. Déjà, pendant l'évaporation, il se sépare de petites plaques cristal- lines, minces et brillantes de digitoxine, encore mélangées à une substance brune, flo- conneuse. Après avoir abandonné au refroidissement et au repos, on sépare le dépôt par décantation et filtration; on le lave sur le filtre, d'abord avec une solution étendue de carbonate de soude, puis avec de l'eau, et, après dessiccation au bain-marie, on traite la masse colorée en noir ou en gris-brun par le chloroforme jusqu'à complet épuise- ment. On distille le chloroforme et il reste une masse brune, plus ou moins compacte, <5ui renferme surtout, en outre de la digitoxine, une matière colorante spéciale, de cou- leur rouge-orangé, chimiquement indifférente. Pour séparer cette matière colorante, mélangée à une certaine quantité d'un corps gras, on traite la masse par de l'éther jus- qu'à ce que celui-ci ne se colore plus. Cependant, pour éviter une perte de digitoxine, il ■est préférable, mais plus délicat, de purifier la masse par une ébullition prolongée et plusieurs fois répétée avec de la benzine rectifiée. Le résidu d'extraction par l'éther ou de J'ébuUition avec la benzine doit êlre dissous à chaud dans l'alcool à 80 p. 100 ; la solu- tion décolorée au noir animal purifié est, après concentration suffisante, abandonnée au repos pour obtenir la cristallisation. Après un ou deux jours, il s'est séparé une masse cristalline généralement encore de couleur jaunâtre ou rougeâtre. Si, après l'avoir séparée de l'eau-mère, on la trouve encore fortement colorée, il faut la traiter comme il a été dit ci-dessus par une solution étendue de carbonate de potasse, par l'éther et par le charbon animal. On voit alors se séparer de la solution alcoolique des cristaux généralement incolores, que l'on purifie en les lavant à plusieurs reprises avec de l'alcool absolu et en les faisant chaque fois recristalliser. Il est extrêmement important que, pendant l'évaporation, les liqueurs alcooliques soient rigoureusement neutres. La digitoxine fournit, en effet, par hydrolyse, de la toxi- résine, analogue (je dirais même volontiers, pour ma part, identique) à la digitalirésine; et cet hydrolyse est particulièrement facilitée par les liquides acides : l'alcalinité des solutions donne lieu au même phénomène, mais surtout à l'entraînement d'une matière colorante dont il est ensuite presque impossible de débarrasser la digitoxine. Le lavage avec la solution alcaline (carbonate de soude ou de potasse en solution diluée) a pour but d'enlever la matière colorante rouge-orangé dont il a été question précédemment, ainsi qu'une substance analogue ou identique à l'acide chrysophanique, matières colo- rantes déjà signalées par Nativelle. Pour purifier par recristallisation la digitoxine brute, le meilleur moyen est de la faire dissoudre à chaud dans de l'alcool absolu renfermant un peu de chloroforme. La solution est alors fortement concentrée au bain-marie, dans une capsule que l'on aban- donne ensuite au repos sous une cloche rodée reposant sur une plaque de verre dépoli : la digitoxine cristallise peu à peu, Schmiedeberg ajoute : si l'on emploie, comme Nati- velle, de l'alcool étendu, il se dépose facilement aussi d'autres produits cristallins qui ne semblent pas pouvoir toujours être complètement éliminés par l'extraction au moyen de l'éther, ou l'ébullition avec le benzol. Lorsqu'on laisse une solution de digitoxine cristalliser dans des conditions qui permettent l'évaporation du liquide, la solution grimpe le long des parois du vase où elle se dessèche, de sorte qu'on n'obtient pas de cristaux purs, mais bien le même mélange de substances qui se trouvent dans la disso- lution. Le rendement en digitoxine pure est très faible, en dépit des plus grands soins pris pour éviter des pertes. Plus de 20 kilos de feuilles sèches n'ont pas donné plus de 2«'',o0 de substance pure, dont il reste encore toutefois des quantités considérables dans les eaux-mères. Dans une fabrication régulière, en grand, le rendement serait sans doute beaucoup plus considérable. 10 DIGITALE. Voici, maintenant, les caractères assignés par Schuiedeberg à chacun des principes immédiats isolés par lui. A. Diyitoxme. — Masse blanche ayant presque l'éclat nacré; ou fines aiguilles; ou agglomérations de plaques cristallines minces et à quatre pans, qui ne se séparent que par des cassures irrégulières. Absolument insoluble dans l'eau, à laquelle, même par l'ébullition, elle ne communique aucune amertume. Le chloroforme en dissout des quan- tités considérables, mais pas très vite et plus difficilement qu'il ne dissout la préparation de Nativelle. La digitoxine est peu soluble dans l'éther; plus facilement dans l'alcool absolu, à froid; très facilement soluble dans l'action absolu, à chaud. De sa solution, à chaud et concentrée dans l'alcool absolu, elle ne se sépare que lentement par cristallisa- tion. Elle est tout à fait insoluble daus la benzine. Lorsqu'on la faitbouillir avec de l'acide chlorhydrique dilué ou modérément concentré et qu'on aicalinise la solution aqueuse, elle ne réduit pas l'oxyde de cuivre; la digitoxine n'est donc pas un glucoside. [Gomme nous allons le voir incessamment, cette assertion est complètement erronée : les travaux de Kiliani ont démontré avec la plus entière cer- titude que la digitoxine est un glucoside.] Elle est privée d'azote, comme le sont les autres principes actifs de la digitale étudiés ici. Lorsqu'on chaufi'e la digitoxine avec de l'acide chlorhydrique concentré, il se produit, comme avec la digitaline, la coloration caractéristique d'un jaune intense tirant sur le vert, coloration que Nativelle avait observée avec sa digitaline cristallisée. L'acide sulfurique concentré dissout de très petites quantités de digitoxine en prenant une coloration brunâtre ou vert brunâtre; la coloration est brun foncé avec des quantités plus grandes et ne change pas sensiblement sous l'influence du brome. Par l'ébullition d'une solution alcoolique avec des acides très dilués, la digitoxine donne comme principal produit de transformation la toxirésine dont les propriétés sont très voisines de celles de la digitalirésiue. (J'ai déjà dit que je considérais ces deux pro- duits comme identiques, et nous trouverons de nouveaux arguments en faveur de cette opinion dans les travaux de Kiliani.) Sous l'influence de la chaleur, la digitoxine fond à environ 240» et donne un liquide incolore qui se décompose en moussant légèrement et en produisant des vapeurs si l'on continue à élever la température. Il paraît se former de la toxirésine. B. Digitaline. — Masse incolore ou légèrement jaunâtre, rarement un peu brunâtre, légère et facile à pulvériser. Elle se sépare de l'alcool à 80 p. 100 sous forme de petites masses claires, réfractant assez fortement la lumière, de grosseurs diverses, en général de la grosseur de graines de pavots, serrées les unes contre les autres, le plus souvent régulièrement sphériques, plus rarement de forme verruqueuse et de consistance molle; et, lorsqu'elles sont très petites, donnant à leur dépôt dans le liquide l'apparence d'une gelée. Les solutions alcooliques de digitaline se colorent toujours pendant l'évapo- ration et cette coloration est partiellement fixée par la substance qui se sépare à l'état solide. La digitaline est facilement soluble dans l'alcool et dans un mélangea volumes égaux de chloroforme et d'alcool absolu; elle est peu soluble dans l'eau froide, un peu plus soluble dans l'eau bouillante, très peu soluble dans l'éther et le chloroforme : elle ne se sépare de toutes ces solutions, même quand elles sont très concentrées, que très lente- ment. On peut concentrer ces solutions dans l'alcool absolu presque à consistance siru- peuse, sans voir un dépôt se former aussitôt après le refroidissement; tandis que l'alcool absolu ne la dissout à froid que très lentement. La digitaline est également soluble en notable proportion dans l'acide acétique dilué, et surtout à chaud : une partie seulement se sépare lors de la neutralisation de l'acide. Elle est précipitée de ses solutions hydro-alcooliques par le tannin, mais non par l'acétate de plomb ammoniacal. Une courte ébullition de sa solution alcoolique avec de l'acide chlorhydrique très étendu la dédouble facilement en glucose et digilnlirésine elle-même susceptible de se dédoubler en glucose et digitaligénine. J'ai déjà attiré l'attention sur ce fait que la digi- talirésiue est énergiquement toxique alors que la digitaligénine est inerte. Ce serait grâce à la présence de la digitaléine, et surtout de la digitonine, que la digitaline, fort peu soluble, passerait en dissolution dans les liqueurs aqueuses permet- DIGITALE. Il tant de séparer de la digitale les diverses variétés de digitalines. La digitaline d'HoMOLLE et QuÉvENNE n'en renfermerait pas plus de 2 à 3 p. 100. C. Digitaléine. — Masse poreuse, très friable, assez fortement colorée en jaune. La digitaléine est soluble dans l'eau en toute proportion; soluble dans l'alcool, même dans l'alcool absolu; fort peu soluble dans l'éther et le chloroforme. Sa solubilité dans l'alcool absolu, dans lequel la digitonine est fort peu soluble, per- met de la séparer facilement de cette' dernière : l'addition d'étherà cette dissolution dans l'alcool absolu précipite d'abord la digitonine. En redissolvant dans l'alcool absolu les derniers produits de précipitation par l'éther et effectuant de nouvelles séparations frac- tionnées par addition d'élher, on arrive à obtenir une digitaléine dont l'ébuUition en présence d'acide chlorhydrique concentré, ou d'acide sulfurique modérément étendu, ne produit plus la moindre trace de coloration rouge ou violette révélant la présence de digitonine. La digitaléine se dédouble par hydrolyse d'abord en glucose et digitalirésine ; finale- ment, en glucose et digitaligénine. D. Digitonine. — Masse blanche, légèrement jaunâtre, amorphe, friable, facile à pul- vériser, non hygroscopique, soluble dans l'eau en toute proportion, donnant une solution parfaitement transparente et moussant fortement par l'agitation. La digitonine est peu soluble à froid, plus à chaud, dans l'alcool absolu; très soluble dans l'alcool dilué; elle est insoluble dans le chloroforme, l'éther et le benzol ; très soluble, au contraire^ dans un mélange à volumes égaux de chloroforme et d'alcool absolu. La solution aqueuse, diluée, précipite par le tannin, l'acétate de plomb et l'ammo- niaque : l'eau de baryte précipite seulement les solutions concentrées. La précipitation par l'eau de baryte d'une solution aqueuse sirupeuse contenant un mélange de digita- léine et de digitonine permet la séparation de cette dernière. Comme les saponines, la digitonine forme avec le baryte un composé insoluble dans l'eau, composé dont on peut la séparer au moyen de l'acide carbonique. La digitonine se dissout dans l'acide chlorhydrique concentre', ou dans l'acide sulfu- rique dilué de deux à trois fois son poids d'eau, en donnant une solution incolore : sous l'influence d'une ébullition prolongée, cette solution prend une coloration grenat ou rouge violacé; c'est là une des réactions les plus sensibles delà digitonine. L'acide sulfurique concentré la dissout peu à peu et se colore en rouge brun; l'addition d'un cristal de bromure de potassium rend cette coloration à peine un peu plus intense. La digitonine se dédouble par hydrolyse, d'abord en glucose, digitorésine, et digito- néme; finalement, en glucose et digitogénine. La digitorésine est soluble dans l'alcool, l'éther et le chloroforme; à peine soluble dans l'eau. La digitonéine est insoluble dans l'eau, l'éther et le chloroforme, difficilement soluble dans l'alcool froid, plus soluble, surtout à chaud, dans l'alcool un peu dilué (l'alcool à 80 p. 100 est son meilleur dissol- vant), très difficilement soluble aussi à froid dans le mélange à volumes égaux d'alcool absolu et de chloroforme. La digitonéine se transforme par hydrolyse en digitogénine et glucose. Elle donne avec les acides chlorhydrique et sulfurique, et à l'ébuUition, les mêmes réactions colorées que la digitonine : l'acide sulfurique concentré se colore en brun-noirâtre, virant légèrement au vert : la solution est dichroïque, brune par transpa- rence et verte par réflexion. La digitogénine se dissout très facilement dans le chloro- forme, moins bien dans l'éther et dans l'alcool absolu, facilement dans l'alcool bouillant qui l'abandonne sous forme cristalline dès que la solution commence à se concentrer; elle est peu soluble dans le benzol bouillant qui permet aussi de l'obtenir à l'état cristal- lin; elle est tout à fait insoluble dans l'eau. V. Recherches de Kilianf. — A. Digitaline vraie. — Les recherches de Kiliani, effectuées tout récemment, ont complété celles de Schmiedeberg et, sinon élucidé com- plètement la question, du moins définitivement fixé quelques points. Ces essais d'ana- lyse immédiate entrepris sur le produit connu en Allemagne sous le nom de digitaline allemande pure pulvérisée {digitalinum pur. pulv. germanicum), produit obtenu par le traitement des semences de digitale, devaient amener forcément à des résultats difl'érents de ceux obtenus parle traitement des feuilles dont la composition immédiate est diffé- rente, ainsi que l'avaient appris déjà les travaux de Homolle et Quévenne et ceux de Nativelle. 12 DIGITALE. Ce qui donne un caractère d'originalité au travail de Kiliani, c'est cette observation, faite dès le début de ses recherches, qu'avec des substances comme celles qui composent les digitalines commerciales et, plus particulièrement le digitalinum pur. pulv. germanicum, il ne faut jamais compter sur la cristallisation fortuite après évaporation spontanée, quel qu'en soit le contenu, mais qu'il est urgent de préparer de prime abord une solution sursaturée que l'on abandonnera ensuite dans un récipient exactement clos, afin de la mettre sûrement à l'abri de l'humidité de l'air et d'empêcher l'évaporation. La sursatu- ration se réalise le mieux en ajoutant le dissolvant, dans des vases bien bouchés et à la température ambiante, aux substances qu'il s'agit de dissoudre et de séparer par cristal- lisation, jusqu'à ce que la solution arrive à consistance sirupeuse : la modification amorphe d'une substance est toujours, dans ces conditions, beaucoup plus soluble que les cristaux correspondants. L'alcool modérément dilué (à 85 p. 100) est le dissolvant de choix pour la plupart des glucosides de la digitale; il a permis à Kilia.ni d'obtenir à l'état cristallisé la digitonine, partie constituante principale des glucosides tirés des semences et dont le produit connu sous le nom de digitalinum pur. pulv. germanicum ren- ferme au moins 43 p. 100. Ce produit était dissous dans quatre fois son poids d'alcool à 85 p. 100 au bain-marie bouillant; la presque totalité de la digitonine cristallise par refroidissement sous forme de fines aiguilles; le reste est obtenu en évaporant les eaux-mères, reprenant le résidu de cette évaporation par 3 parties d'alcool à 85° bouillant, et ajoutant, après refroidisse- ment, une partie de chloroforme. La partie liquide évaporée à siccité donna un résidu qui fut séché dans le vide et repris par six fois son poids d'alcool absolu bouillant. Par le repos, il se sépare un précipité visqueux, adhérent aux parois du vase, constitué par des substances inactives sur le cœur de la grenouille. La liqueur alcoolique est alors additionnée de 4 p. 100 de son poids d'eau et de son propre poids d'éther à 0,72 : il se sépare une nouvelle quantité de substances visqueuses qui entraîne un peu de la sub- stance active sur la grenouille, mais cette dernière substance reste, pour la majeure partie, en dissolution dans la liqueur éthéro-alcoolique : elle serait identique avec la digitaline de Schmiedeberg, et se séparerait sous forme de granulations cristalloïdes, mais sans donner de véritables cristaux. La séparation de ces granulations s'obtient en agitant le résidu de l'évaporation delà liqueur éthéro-alcoolique avec trois fois son poids d'alcool à 20 p. 100 et en abandonnant au repos, à l'abri de l'évaporation, la solution concentrée ainsi obtenue. En agitant avec de l'éther la solution sursaturée dans laquelle se déposent ces granulations cristalloïdes, on leur enlève une substance oléo-résineuse qui les souillerait sans cette précaution. On lave finalement ces granulations, d'abord à l'alcool à 10 p. 100, ensuite à l'eau distillée, on les dessèche sur des plaques poreuses, dans le vide, et on peut les faire recristalliser dans l'alcool à 93° bouillant, au besoin avec addition d'un peu de noir animal purifié. La solution saturée à chaud se prend par le refroidissement en une pâte de granulations cristalloïdes. Kiliani a donné à ce produit le nom de digitaline vraie [digitalinum verum). Pour ce savant, la digitaléine, soluble dans l'eau et active sur le cœur de la grenouille, telle que l'a décrite Schmiedeberg, n'existerait pas à l'état de principe immédiat et ne serait que le mélange de sa digitaline vraie à des produits solubles dans l'eau. Cette digitaline vraie est, en effet, très difficile à isoler des substances secondaires qui existent en grande quantité dans la drogue, et son coefficient de solubilité estintluencé d'une ma- nière étonnante par la quantité de ces impuretés facilement solubles. A l'état pur, la digi- tonine et la digitaline vraie sont toutes deux très difficilement solubles dans l'eau. La solu- bilité facile du mélange des glucosides est due tout entière à la présence concomitante de corps visqueux, absolument amorphes. Kiliani ajoute qu'il n'a jamais trouvé de digi- togénine dans les échantillons de digitalines allemandes qu'il a examinés. Le digitali- num pur. pulv. germanicum renfermait tout au plus de 3 à 6 p. 100 de digitaline vraie. Bien que jtrécipitable également par l'éther, la digitaline vraie se trouve en proportion si faible au milieu des glucosides bruts, et la dissolution de la totalité de ces glucosides bruts dans l'alcool la dilue si considérablement dans celte solution alcoolique, qu'elle ne précipite plus par l'éther employé en proportion voulue. Aussi est-il indispensable, pour réussir dans sa séparation, d'observer rigoureusement la marche détaillée qui vient d'être décrite. DIGITALE. 13 B. Bigitoxine j3. — Au cours de ses recherches, Kiliani a confirmé ce fait déjà signalé par les premiers observateurs qui s'étaient occupé de la digitale, notamment par Nati- VELLE, que les glucosides retirés des feuilles ditfèrent notablement de ceux obtenus avec les semences : les feuilles ne renfermeraient pas de digilonine ni de sa digitaline vraie, mais une substance que Kiliani a d'abord appelé [B digitoxine en raison de ce qu'il la croyait légèrement différente de la digitoxine de Schmiedeberg. Depuis, Kiliani a reconnu l'identité de ces deux produits, ainsi que l'identité existant entre ces digitoxines et la digitaline cristallisée dite française, préparée par Adrian, c'est-à-dire la digitaline type Nativelle. Il a donné pour la préparation de sa {i digitoxine un procédé assez simple et qui permet d'obtenir le principe actif de la digitale sous forme cristallisée et dans un très grand état de pureté. C'est la raison pour laquelle je crois devoir terminer cette espèce de revue rétrospective des modes de préparation des digitalines par la description de ce procédé. Les feuilles de digitale sont d'abord épuisées à deux reprises par l'eau froide, séchées aussi rapidement que possible et épuisées ensuite par l'alcool à 50 p. 100. Ce traitement par l'eau présente le grand avantage d'enlever dans la solution aqueuse, grâce à la présence de la digitonine et probablement de quelques autres substances amorphes indéterminées, la majeure partie des pi'oduits oléo-résineux qui viennent plus tard souiller la digitaline et l'empêchent de cristalliser. Afin d'éviter le développement des moisissures, si facile et si rapide avec les feuiUes de digitale humides, l'eau est préalablement additionnée de 5 p. 100 de son poids d'alcool à 93. On laisse en macération pendant douze heures, en vase clos, une partie de feuilles [avec 3 parties de ce liquide, on exprime, ce qui fournit environ 2 ■<'' 500 d'un liquide extractif de couleur rouge-brun dans lequel existe principalement de la digi- tonine, ainsi que le prouve la facilité avec laquelle il forme à la moindre agitation une mousse persistante. Un kilo de feuilles séchées, après ce premier épuisement, est alors mis en macération pendant douze heures dans 3 kilos d'alcool à 50 p. 100 en agitant fréquemment. Au bout de ce temps, on exprime le liquide, on le précipite par 400 grammes de sous-acétate de plomb liquide et on filtre après deux heures de repos. Le précipité est de consistante presque niucilagineuse, extrêmement volumineux et emprisonne, même après égouttage sur filtre, une grande quantité du liquide extractif; on est obligé de l'essorer à la trompe. La liqueur filtrée est débarrassée de la majeure partie de son alcool par distillation dans le vide, à basse température : on reconnaît que la plus grande quantité de l'alcool est séparée à l'apparition de la mousse qui oblige à interrompre la distillation. Le liquide résiduaire est alors agité à plusieurs reprises avec son volume d'éther : après séparation exacte des liquides, on décante la couche éthérée, on la lave par agitation avec de l'eau distillée pour lui enlever l'alcool qu'elle a pu dissoudre, et en l'abandonnant au repos à basse température, l'éther ne tarde pas à abandonner une substance qui cristallise et dont on augmente la proportion en distillant partiellement l'éther : la solution éthérée reste colorée en vert foncé par la chlorophylle, tandis que la digitoxine se dépose presque incolore. Un kilo de feuilles fournit ainsi environ 1 gramme de substance cristallisable : c'est là, précisément, la proportion indiquée autrefois par Nativelle. La purification de la substance cristalline s'effectue en la redissolvant, à la tempéra- ture ambiante, dans un mélange à volumes égaux d'alcool méthylique et de chloroforme (soit encore 3o parties d'alcooî méthylique pour 65 parties de chloroforme, en poids) auquel on ajoute ensuite de l'éther à 0,72, jusqu'à obtenir tout au plus une légère opa- lescence, mais pas de précipité : en général, ce résultat est obtenu par l'addition, en éther, de la moitié du poids du mélange d'alcool méthylique et de chloroforme. La digi- toxine commence presque aussitôt à se séparer sous forme de croûte cristalline con- stituée par de petits prismes. On peut aussi, lorsque la substance obtenue par la première cristallisation est fortement colorée, agiter avec du noir animal purifié, la solution dans le mélange d'alcool méthylique et du chloroforme, filtrer, puis ajouter l'éther : la cristal- lisation s'effectue encore mieux el plus rapidement. On pouri-ait encore purifier le produit brut par dissolution, à plusieurs reprises, dans de l'alcool à 85 p. 100 bouillant, agitation avec du noir animal purifié de la solution bouillante et cristallisation. Par le refroidissement, il se forme des masses tubercu- 14 DIGITALE. leuses constituées par des cristaux blancs, feuillete's. Il est nécessaire d'augmenter pro- gressivement, au cours de ce mode de purification, la quantité d'alcool qui sert à redis- soudre la substance : au début, une proportion de 5 parties d'alcool à 80 pour J partie de digitoxine brute suffit à réaliser la redissolulion ; et, à la fin, il faut ajouter jusqu'à 10 parties d'alcool pour 1 partie de substance sèche afin d'obtenir une cris- tallisation et une purification parfaites. Les cristaux qui se séparent du mélange d'alcool méthylique et de chloroforme sont anhydres, tandis que ceux obtenus par recristallisation dans l'alcool à 80° contiennent une molécule d'eau. Les cristaux anhydres fondent vers •250°, tandis que les cristaux hydratés fondent vers iSO". KiLiANi a déterminé les formules et les métamorphoses subies par les difTérents corps qu'il a isolés de la digitale et qu'il réduit à trois : digitonine, inactive, n'exerçant aucune influence toxique sur le cœur; digitaline, très active, poison cardiaque; et digi- toxine, très active, poison cardiaque. Toutes trois sont des glucosides : sa digitonine est soluble dans l'eau, cristallisable; sa digitaline vraie est presque insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, amorphe ; la digitoxine est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et le chloroforme, cristallise'e. Le tableau suivant résume les dédoublements par hydro- lyse de chacun de ces corps. / Dextrose C6H12O6. Digitonine (CsiR^eoiv) | Galactose CSHisos. ( Digitogénine C^^W-'^O^. l Dextrose C6H12O6. Digitaline (C33H34013) Digitalose C'Hi^OS. ( DigitaHgénine C22H30O3. T^- ■. • /riiitr^innx ( Digitoxose CfiRi^O*. Digitoxine (C3*HS40iM < tn- •. • • • riooTTion*. b \ i I Digitoxigenine C--n^^O'^. Par oxydation chromique, la digitaline et la digitoxine fournissent un même dérivé cétonique : la toxigénone C^H^'^O^ — Ce sont donc deux composés extrêmement voisins au point de vue de leur constitution; et cela explique leurs similitudes de réactions chimiques et physiologiques. VL Résumé et Conclusions. — J'ai tenu, avant de résumer les travaux antérieurs et d'exposer la manière de voir que j'ai adoptée et développée dans mon enseignement depuis 1895, à reproduire les méthodes relatives à la préparation des principales variétés de digi- taline afin que le lecteur puisse juger, en toute connaissance de cause, des résultats plus ou moins comparables, plus ou moins identiques parfois même, que ces méthodes peu- vent donner. Si l'on tient compte de ces comparaisons ainsi que des recherches analy- tiques très documentées d' Arnaud et des essais de Houdas, on arrive à conclure qu'en schématisant et synthétisant quelque peu ces résultats, il est possible de rapporter à trois groupes, trois chefs de file en quelque sorte, les principes immédiats les plus im- portants, par leur activité physiologique ou leur quantité, que l'anolyse permet d'isoler des diverses variétés de digitale. A. Digitonine. — Analogue aux saponines. Elle est inactive, comme la plupart des saponines lorsqu'elles sont extraites de plantes desséchées d'une part, et qu'elles ont subi, d'autre part, l'action altérante des réactifs nécessaires pour leur extraction ; mais il est fort probable que si l'on pouvait l'isoler directement de la digitale fraîche, sans l'intermédiaire d'aucun réactif, son action sur l'organisme animal serait bien loin d'être négligeable. Elle est soluble dans l'eau, susceptible de cristalliser dans des conditions particulières; et c'est en grande partie à sa présence qu'il faut attribuer la solubilité, dans les infusions aqueuses, des autres substances actives, insolubles ou fort peu solu- bles dans l'eau. Aussi, voyons-nous les diverses variétés de digitalines amorphes être d'autant plus solubles dans l'eau qu'elles renferment une proportion plus considérable de digitonine. Cette digitonine, elle-même, est d'autant plus soluble dans l'eau qu'elle est moins pure, c'est-à-dire accompagnée de produits amorphes, notamment des albuminoïdes qui se dissolvent en même temps qu'elle pendant l'action exercée par l'eau sur la digitale. B. Dtfyîïa/^ine (Synonymie : digitalinuni verum de Kiliani; se trouve en proportion plus on moins considérable dans les diverses variétés de digitalines amorphes auxquelles DIGITALE. i5 elle donne une activité physiologique variable avec cette proportion), — Je crois bon de conserver pour cette substance l'appellation de digitaléine qui lui a été donnée autrefois par Nativelle : s'il est juste de reconnaître que ce produit a été nettement défÎDi et pré- paré à l'état parfaitement pur par Kiliani, cela ne me semble pas une raison suffisante pour lui enlever l'appellation qui lui fut donnée par celui qui le découvrit et reconnut le premier ses principaux caractères, tant chimiques que physiologiques. C. Digitaline (Synonymie : digitoxine de Schmiedeberg et de Kiliani; digitaline cristallisée chloroformique). — La même raison qui me faisait préférer précédemment le nom de digitaléine me fait préférer ici celui de digitaline. Nativelle a, le premier, c'est absolument incontestable, donné ce nom au produit cristallisé et presque chimiquement pur qu'il a retiré de la digitale. Schmiedeberg, d'abord, et surtout Kiliani, plus récem- ment, ont mieux défini ce produit, l'ont obtenu dans un plus parfait état de pureté, Kiliani, a donné une méthode de préparation (voir ci-dessous la méthode de préparation de sa digitoxine) certainement plus simple et plus efficace que celle de Nativelle; mais tout cela ne me paraît pas une raison pour changer une dénomination que son auteur seul aurait eu le droit de changer. C'est vouloir, comme à plaisir, porter la confusion dans une question déjà fort obscure et difficile, que de changer, sans raisons valables, les dénominations attribuées aux substances par ceux qui les ont obtenues et décrites en premier lieu. Autant il est équi- table de reconnaître l'utilité et la portée des travaux de ceux qui ont perfectionné l'étude d'une substance, autant il est injuste de vouloir, par un changement inutile d'appellation, enlever tout mérite à l'auteur de la découverte qui s'est trouvé aux prises avec toutes les difficultés d'une question encore inexplorée et a ouvert, en définitive, la voie à ceux qui s'y sont engagés après lui. L'identité existant entre les digitoxines allemandes et les digitalines cristallisées chlo- roformiques française, ne peut plus actuellement faire de doute; et c'est, non seulement rendre justice aux travaux, remarquables pour leur époque, de Homolle et Quévenne et de Nativelle, mais encore simplifier autant que possible la question de l'étude des principes actifs des digitales que d'adopter la classification et les dénominations que je viens d'exposer. Maintenant, à côté de ces trois groupes de substances, digitonine, digitaléine, digita- line, existerait-il, dans les digitales, une autre substance, plus ou moins analogue à ces toxines d'une activité presque prodigieuse, telles que l'ouabaïne et la tanghinine? C'est là l'opinion de Houdas, opinion que je partagerais assez volontiers, pour ma part, bien qu'elle ne paraisse pas fondée jusqu'ici sur des preuves expérimentales inattaquables. Dans tous les cas, l'impression que me produirait cette substance, c'est qu'elle doit être éminem- ment altérable, à un degré encore plus accentué que les saponines, par les différents réactifs ou dissolvants neutres auxquels on est obligé d'avoir recours pour isoler les divers principes immédiats. Je me demande même s'il ne s'agirait pas d'une substance albuminoïde, d'une albu- mose, comme celle que j'ai isolée il y a quelques années des oronges vénéneuses, albu- minoïde dont il serait difficile de séparer complètement les produits cristallisables, et dont l'action toxique viendrait s'ajouter à celle du glucoside ou même l'exalter. Ce que j'ai vu relativement à l'action que les albuminoides des Amanita muscaria et A. bulbosa exercent lorsqu'ils sont unis à la muscarine, me paraît permettre d'accorder quelque créance à cette hypothèse. Dans tous les cas, ces matières albuminoides me semblent jouer un rôle assez important, bien que cependant inférieur à celui de la digitonine, dans la dissolution des principes actifs insolubles dans l'eau à l'état isolé et pur. On peut trouver encore dans ce fait une explication des difficultés que l'on éprouve à isoler les différents glucosides à l'état de pureté parfaite. Cela expliquerait, précisément, pourquoi les diverses variétés de digitalines amorphes que l'on peut se procurer dans le commerce de la droguerie et qui sont, évidemment, moins pures que les variétés de digitalines cristallisées, possèdent une activité physio- logique beaucoup plus considérable que celle correspondant à la somme des proportions de digitaline pure et de digitaléine qu'elles renferment. Cela expliquerait encore cette observation, confirmée par les essais d'expérimentation physiologique de P'rançois-Franck, que certaines préparations officinales de digitale manifestent une toxicité de 9 à 12 fois 16 DIGITALE. plus forte que ne le laisserait supposer la somme des quantités de digitaline et de digi- taléine que l'on peut extraire du poids de feuilles qui leur correspondent. La macération aqueuse de 1 gramme de poudre de feuilles de digitale, bien préparée, équivaut, au point de vue toxique, à 12 ou 15 milligrammes de digitaline et digitaléine; et elle en renferme, tout au plus, de 4 à 6 milligrammes. Peut-être faut-il aussi compter dans ce cas avec la digitonine, dont l'activité propre se manifesterait tout en entraînant la solu- bilisation d'autres produits actifs. Peu importe à présent, je pense, la présence, dans la digitale, de produits autres que ceux que je viens d'étudier, au point de vue chimique, avec les détails justifiés par leur importance. L'action physiologique, au moins douteuse sinon tout à fait nulle, de la plu- part de ces substances, comme la digitine qui ne paraît pas être un principe immédiat bien défini, ne présente pour le physiologiste ou le thérapeute aucun intérêt. Je crois devoir étendre cette remarque à la digitoflavone (C^^H'^O^-H^O, dérivée de la phénopyrone), composé phénolique que Franz Fleischer vient d'isoler tout récem- ment de la digitale, en traitant par une solution diluée de soude l'éther ayant servi à épuiser le macératum de poudre de feuilles de digitale dans l'alcool à 50 p. 100, distil- lant l'éther et épuisant le résidu par le chloroforme qui laisse la digitoflavone à l'état insoluble. Cette substance serait insoluble dans l'eau et le chloroforme, soluble dans l'alcool et l'éther; très difficile à séparer complètement de la digitoxine. Toute ces substances me paraissent ne présenter qu'un intérêt bien restreint, inférieur de beaucoup à celui que peut présenter le ou les albumoses dont je viens de parler; et il ne me reste plus qu'à indiquer les caractères généraux des glucosides et à signaler quelques réactions qui ont été données comme plus ou moins caractéristiques de ces diverses substances. Tout d'abord, la digitaline se dissout dans le chloral anhydre qui prend alors une coloration rose passant peu à peu au rouge vineux pour devenir finalement bleu- verdâtre. On avait observé depuis longtemps que les divers glucosides de la digitale donnent lieu à des colorations particulières lorsqu'on fait réagir sur eux l'acide sulfurique con- centré en présence d'un oxydant, tel que le brome, le perchlorure de fer, l'acide azo- tique': KiLiANi a donné, en 1896, les procédés d'essai suivants. Le réactif qu'il préfère est composé de 100 centimètres cubes d'acide sulfurique concentré pur, additionnés de 1 centimètre cube d'une solution aqueuse de sulfate ferrique pur à 5 p. 100. On verse dans un tube à essai de 4 à 5 centimètres cubes de ce réactif, et on y fait dissoudre une parcelle du glucoside à essayer en mélangeant au besoin avec un agitateur pour favo- riser la dissolution de la substance. La digitaléine se colore, au début, en jaune d'or et fournit ensuite une solution rouge qui passe au rouge-violet persistant pendant une journée : si l'on a ajouté le glucoside en trop forte proportion, la solution reste rouge, et la couche superficielle se colore seule en violet par agitation. Le produit de l'hydrolyse de ce glucoside, la digital éigénine, donne lieu aux mêmes colorations et se montre même plus sensible à l'action du réac- tif; c'est-à-dire qu'il en faut une quantité moindre pour donner une réaction colorée aussi intense. La digitaline bi'unit au premier moment, comme si elle était carbonisée, puis fournit une solution de couleur rouge-brun sale. Le produit de l'hydrolyse de ce glucoside, la digitaligénine, ne noircit pas comme la digitaline, mais fournit une coloration rouge spé- ciale en même temps que le liquide devient fortement fluorescent. La digitonine et son produit d'hydrolyse, la digitogénine, ne donnent pas de colora- tion lorsqu'on opère sur de très petites quantités, cependant suffisantes pour donner les réactions ci-dessus : à doses trois ou quatre fois plus fortes, elles donnent seulement lieu à une coloration jaune peu accentuée. La réaction fournie par la digitaline est banale, un grand nombre de substances organiques ayant la propriété de se colorer en brun puis en rouge plus ou moins bru- nâtre sous l'influence de l'acide sulfurique. Une autre réaction, due à Keller, est plus caractéristique : elle consiste à dissoudre la digitaline dans l'acide acétique, à ajouter une goutte de perchlorure de fer, puis à verser avec précaution, dans le mélange, de l'acide sulfurique concentré pur, de façon à superposer les couches liquides; à la sur- DIGITALE. 17 face de séparation, il se produit une zone foncée et, au-dessus, dans la solution acétique par conséquent, un anneau de couleur'bleu-foncé. KiLiAisi a montré qu'on pouvait reconnaître simultanément la présence de la digila- léine et celle de la digitaline en modifiant ce procédé de la façon suivante : L'acide acé- tique et l'acide sulfurique utilisés pour cette réaction sont additionnés, chacun de leur côté, de 1 centimètre cube pour 100 de la solution aqueuse à "1 p. 100 de sulfate fer- rique; on dissout quelques dixièmes de milligramme du mélange de glucosides dans 3 ou 4 centimètres cubes de l'acide acétique, puis on ajoute, avec précaution et en ayant soin d'éviter le mélange intime des liquides, un égal volume de l'acide sulfurique. Il se produit alors au niveau de^la surface de séparation des deux liquides une zone de cou- leur très foncée; au bout de quelques minutes, se montre au-dessus une bande colorée en bleu par la digitaline et cette coloration gagne peu à peu la totalité du liquide acé- tique : ce phénomène s'est produit au bout d'une demi-heure environ, et quelques heures plus tard, cette coloration passe au bleu verdâtre. Quant à l'acide sulfurique de la couche inférieure, il est coloré en rouge-violacé par la digitaléine. La réaction de Lafon est également fort sensible : elle consiste à humecter la digita- line avec une très petite quantité d'un mélange à parties égales d'acide sulfurique et d'alcool, à chauffer très légèrement, sur un bain-marie, jusqu'à apparition d'une teinte jaunâtre, puis à additionner le mélange d'une goutte de perchlorure de fer très dilué (solution à 1 p. 100 de perchlorure de fer sublimé); on obtient une magnifique colora- tion bleu verdàlre, dans laquelle la couleur bleue prédomine d'autant plus que la digi- taline est plus pure. La réaction indiquée par Dragendorff est également assez nette, mais s'applique à des glucosides non rigoureusement purifiés, ce qui est sans doute le cas se présentant le plus fréquemment. L'acide sulfurique concentré pur fournit, au contact de la digitaléine, une coloration vert jaunâtre sale, devenant successivement jaune-brun, brun-rougeâtre, puis rose-cerise : des traces de brome, de perchlorure de fer, d'acide nitrique, ainsi que les réactifs d'ERDMANN et de Frôhde font passer la coloration au rouge-pourpre. La meil- leure manière d'effectuer cette réac.ion consiste à ajouter un tout petit cristal de bro- mure de potassium à la solution sulfurique des glucosides. L'acide chlorhydrique concentré fournit, à froid, une coloration vert jaunâtre avec la digitaline et avec la digitaléine; cette coloration est peut-être un peu plus intense avec la digitaline. La coloration, d'abord jaune, puis devenant peu à peu verdâtre, tarde d'autant plus à apparaître que la digitaline est plus pure : la digitaline cristallisée donne une solution qui reste un moment incolore avant de devenir jaune, puis verte. A l'ébuUition, la coloration jaune-verdàtre est d'autant plus altérée que la digitaline et la digitaléine sont moins pures. La digitonine donne avec l'acide chlorhydrique une coloration jaune devenant rouge-grenat à l'ébuUition; en même temps la solution mousse abondamment : avec l'acide sulfurique dilué (1 de SO*^H- pour 2 à 3 H-0), et à l'ébuUition, la coloration est aussi d'un rouge-violacé, ou violet-rose si la quantité de digitonine est très petite. Toutes ces colorations sont d'ailleurs assez variables, suivant la pureté du produit sur lequel on les essaie. On les voit se modifier successivement à mesure que, partant des glucosides mélangés provenant d'un premier traitement de la digitale, on applique ces réactions à des produits de plus en plus purifiés et différenciés. Pour ne prendre que deux exemples, l'acide chlorhydrique donne, à froid, une coloration verte d'autant plus accentuée que les glucosides sont plus purs; et, au contraire, la coloration rouge-violacé à l'ébuUition est d'autant plus nette que les produits sur lesquels on l'exécute sont moins purs. Cela se comprend facilement puisque cette réaction est due à la digitonine qui se trouve surtout dans les glucosides de premier jet. Avec l'acide sulfurique concentré, la coloration du début est variable; la digitonine donne une coloration jaune brun, la digi- taléine donne une coloration brun rouge, et la digitaline semble se carboniser : l'addi- tion du cristal du bromure de potassium provoque une coloration qui peut varier du brun-verdâtre avec la digitaline absolument pure au rouge-violacé (on l'a comparée, non sans raison, à celle des fleurs de la digitale) au rouge-pourpre vif et même au violet bleuâtre. Au reste, comme toutes les réactions colorées, ces réactions ne peuvent être consi- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 2 18 DIGITALE. dérées comme absolument caractéristiques, ni'Miie lorsqu'elles sont réalisées sur des pro- duits rigoureusement purs. Une réaction colorée produite par des matières organiques en présence de réactifs déshydratants et oxydants est d'un déterminisme éminemment variable et ne saurait offrir la certitude des réactions colorées produites par des com- posés minéraux, par exemple la coloration bleu-d'azur des composés de cuivre dissous dans l'ammoniaque. Aussi, en toxicologie, est-il absolument indispensable de contrôler ces réactions colorées, qui doivent être considérées seulement comme des indications, par la constatation de propriétés plus exclusives, plus particulières à chaque substance toxique, l'action physiologique notamment. Les réactions colorées prétendues caractéristiques des glucosides de la digitale sont précisément l'un des meilleurs exemples que l'on puisse fournir de l'infidélité de ces colorations. Les réactions de Kiliani, si nettes en présence de glucosides parfaitement purifiés, peuvent être reproduites avec la plus étroite analogie à l'aide des extraits d'écorces de Quinquina et de Clwia ciiprea, comme l'a signalé récemment A. Beitter. D'après ce dernier observateur, cette coloration serait due à la présence de l'acide quino- tannique, et le tannin de guarana la fournirait également. J'ai en eifet vérifié ces faits, qui démontrent combien il faut être circonspect en matière de réactions colorées, dites caractéristiques, des alcaloïdes et des glucosides. Voici les caractères des glucosides purs : Digitonine. — Masse amorphe quand elle provient de l'évaporation d'une solution aqueuse ou d'une solution dans l'alcool fort; cristaux aiguillés lorsqu'elle provient de l'évapora- tion d'une solution dans l'alcool à 85 p. 100 : ces cristaux renferment cinq molécules d'eau et sont beaucoup plus difficilement solubles dans l'eau que la variété amorphe. Elle fond vers 225°. Ses solutions aqueuses, précipitent par le lann^in, l'hydrate de baryte, et Tes acétates de plomb : le tannate est soluble dans l'alcool fort et décomposable par les hydrates de zinc et de plomb. • Elle présente de très étroites analogies avec les diverses variétés de saponine, notam- ment avec celle que l'on peut extraire du bois de Panama. BigitaléiJie. — Poudre composée de sphérules cristalloïdes, mais non cristallisés, de couleur presque complètement blanche. Insoluble dans le chloroforme, dans le benzol et dans léther, se gonllant dans l'eau et s'y dissolvant même dans la proportion d'un mil- lième environ : cette solubilité est fortement accrue par la présence de la digitonine et il semble même que, de son côté, la digitaléine facilite aussi la dissolution dans l'eau de la digitonine. La digitaléine est soluble dans 100 parties environ d'alcool à 50 p. 100 et beaucoup plus soluble dans l'alcool absolu. Quelques parcelles de digitaléine introduites dans un tube à essai avec 2 centimètres cubes de solution aqueuse de potasse à 10 p. 100 doivent fournir une solution incolore, au moins pendant quelques minutes : la présence d'impuretés (oléo -résines, autres glu- cosides amorphes, etc.) serait révélée par une coloration jaune immédiate. On fait avec la digitaléine et de l'eau une pâte fine et on y ajoute, en agitant, 22 par- ties d'alcool amylique pour 100 parties d'eau employée, et l'on place le tout dans un flacon bouché : s'il y a de la digitonine, elle se sépare, après vingt-quatre heures, en petites masses cristallines agglomérées. Quand elle est pure, sa solution aqueuse ne précipite pas en présence de l'acétate ou du sous-acétate de plomb. Elle empêche même la précipitation de la digitonine par ces réactifs. Elle n'est pas précipitée non plus par l'hydrate de baryte en solution. Ses solutions aqueuses ou dans l'alcool très dilué précipitent par le tannin : le tan- nate est soluble dans l'alcool fort et décomposable par les hydrates de zinc et de plomb. Digitaline. — Prismes d'aspect nacré, chatoyants, complètement insolubles dans l'eau qui ne contracte aucune amertume, même après ébullition. Comme pour la digitaléine, la présence de la digitonine (peut-être même aussi celle de la digitaléine) facilite sa dis- solution dans l'eau. La digitaline est insoluble dans le benzol, peu soluble à froid dans l'alcool et l'éther, presque complètement insoluble dans l'éther exempt d'alcool, beaucoup plus soluble dans l'alcool chaud, très soluble dans le chloroforme qui en dissout lente- ment de grandes quantités. Les cristaux abandonnés par le chloroforme sont anhydres; DIGITALE. 19 ils fondent à 243-250° : les cristaux abandonnés pai' l'alcool (à 85-95 p. 100) contiennent une molécule d'eau et fondent à Ho^-lSO" Les solutions dans l'alcool ne précipitent ni par la baryte, ni parles acétates de plomb, ni par le tannin, le tannate étant soluble dans l'alcool. Ce tannate ne se précipite que par dilution dans une grande quantité d'eau : il est décomposé par les hydrates de zinc et de plomb. Action physiologique de la digitale. — Très discutée, au moins quant à son mécanisme, l'action physiologique de la digitale 'a été considérablement élucidée dans ces dernières années, grâce aux belles expériences de François-Franck. Ses recherches ont démontré avec la plus entière certitude que la digitaline exerce à la fois son action, mais à des degrés différents, sur le myocarde, sur son appareil nerveux, sur les vaisseaux. L'action sur le myocarde est directe, elle n'affecte pas plus spécialement un des ventri- cules que l'autre; et les vaisseaux pulmonaires paraissent seuls échapper à cette action directe. A côté de Faction cardiaque et circulatoire qui domine, de beaucoup, toute son action thérapeutique ou toxique, la digitale exerce, occasionnellement, une action diurétique dont on peut tirer les effets les plus avantageux. Quant à son action sur l'appareil gastro- intestinal, elle est déjà, lorsqu'elle se manifeste par des symptômes attirant l'attention, l'indice d'un début d'action toxique : c'est en effet par des phénomènes violents intéres- sant l'estomac et les intestins que se manifestent les premiers symptômes de l'intoxica- tion, qu'elle soit primitive ou qu'elle succède aune administration inconsidérément pro- longée de la substance médicamenteuse. L'action physiologique exercée par la digitaline d'une part, parla digitaléine d'autre part, sont, de tous points, identiques : tout au plus pourrait-on faire quelques réserves relativement à l'intensité de cette action et dire que la digitaline est, à poids égal, plus énergiquement active que la digitaléine. Mais si l'on peut dire que l'action physiologique de la digitale peut être calquée sur celle de la digitaline, elle ne lui est certainement pas absolument identique, superposable; et la différence très accentuée dans les résul- tats thérapeutiques obtenus, d'une part avec la digitaline, d'autre part avec les prépara- tions galéniques de digitale, est une des meilleures et des plus incontestables preuves de l'utilité de ces préparations galéniques, en même temps que des différences, très minimes et de détail, il est vrai, dans l'action physiologique. En d'autres termes, la digitaline ne résume pas exclusivement l'activité de la digitale; et, en dehors de la digi- tonine dont l'activité, ou tout au moins l'intervention ne doit pas être négligeable, il faut compter encore avec des albuminoïdes sur le rôle desquels je viens de m'expliquer pré- cédemment. Comme toujours, c'est l'isolement d'un 'principe nettement défini qui a permis de pénétrer les mécanismes de l'action physiologique exercée par la digitale; et c'est l'étude de l'action exercée sur l'organisme animal par la digitaline (digitoxine alle- mande, digitaline cristallisée chloroformique française, voir plus haut la synonymie, page 3), qui va nous servir de type. La digitaline est, en effet, le poison-médicament cardiaque type; et la connaissance de son action rend plus aisée la détermination de celle des autres substances du même groupe. Les diverses espèces animales sont très inégalement sensibles à l'action de la digitaline. Chez le chien, la dose mortelle est de d milligramme par kilo. Chez les animaux à sang froid, l'action de la digitaline est lente, irrégulière dans la succession et la durée de ses manifestations. Malgré cela elle est identique, dans ses grandes lignes, à celles que ce poison exerce sur le cœur des mammifères. Le plus sou- vent, lorsque la dose injectée est efficace, on observe la mort brusque, avec le cœur en tétanos : le ventricule est inexcitable par les courants faradiques. La lenteur dans la façon dont les phénomènes toxiques se développent, la brusque apparition des accidents mortels, lorsque la dose est suffisante, font des animaux à sang froid de mauvais sujets d'expérimentation et rendent absolument indispensable la nécessité d'expérimenter sur des mammifères chez lesquels les phénomènes toxiques se déroulent plus lentement et de façon à permettre de les étudier. Mais on se heurte alors à des difficultés considé- rables de technique qui n'ont été résolues, au moins en grande partie, que dans ces dernières années, grâce aux travaux de Kaui-siann (d'Alfort) et de François-Franck. 20 DIGITALE. Il aurait été presque absolument impossible de suivre, d'une façon fructueuse, les détails de l'action physiologique de la digitaline sur le cœur et la circulation, sans que le texte fût accompagné de dessins reproduisant les principaux phénomènes de cette action et permettant de se faire une opinion base'e sur des résultats précis et indiscutables. Aussi, suis-je fort reconnaissant à François-Franck et à l'éditeur Masson d'avoir bien voulu m'autorisera reproduire quelqups-uns des dessins et des graphiques faisant par- tie des recherches publiées dans ces dernières années par François-Franck, soit dans les Archives de phijftiologie^ soit dans la magistrale étude intitulée : Analyse expérimen- tale de l'action de la digitaline sur la fréquence, le rythme et Vcnergie du cœur, insérée dans la Clinique de la Charité du professeur Potain. Ainsi que j'ai eu déjà l'occasion de le faire remarquer, les travaux de François-F^ranck sur la physiologie du cœur et sur la digitaline ont élucidé, d'une façon indiscutable pour certains points, l'action de cette dernière ainsi que les mécanismes au moyen desquels se produit celte action; et il me paraît impossible, actuellement, d'entrer dans les détails de l'action physiologique de la digitale sur le cœur et la circulation, sans suivre, pour ainsi dire pas à pas, cette belle étude de François-Franck. C'est à l'aide des procédés et des dispositifs expérimen- taux qu'il a imaginés qu'il a pu obtenir des résultats si nets et si précis. Les figures 1 et 2 donnent une idée générale de ces dispositifs et des procédés employés pour la réalisation des expériences. Chien à jeun, pesé, et auquel on pratique une injection de 5 à 7 milligrammes par kilo de bon curare dissous dans de l'eau tiède : l'injection doit être faite par la veine dorsale du pied si l'on veut une curarisation très rapide; dans le cas contraire, elle est pratiquée sons la peau ou dans l'épaisseur des muscles de la cuisse. Au bout de quelques minutes, losque la chute de l'animal dénonce l'invasion des accidents paralytiques du curare, on le fixe sur la gouttière, on pratique rapidement la trachéotomie, puis, après avoir introduit et fixé dans la trachée la canule à clapet de François-Franck, on élablit l'insullation au moyeu du soufilet actionné par le moteur à eau. On procède ensuite sans tarder <à l'ouverture du thorax en suivant les prescriptions minutieusement détaillées dans les Notes de technique opératoire et graphique pour l'étude du cœiir mis à nu chez les mammifères publiées par François-Franck dans le.s ArcJUves de physiologie (-1891, 762; 1892, lOo). Le bout central de la veine jugulaire est armé d'une canule destinée à l'injection de la solution diçritalinique; on place l'animal dans la baignoire-étuve et l'on attend qu'il se soit réchauffé avant d'appliquer les appareils d'exploration. Sous l'influence du choc nerveux produit par l'ouverture du thorax et la préparation des artères et des nerfs, ainsi que des conditions physiques de réfrigération, pendant une opération qui dure de trois quarts d'heure à une heure, la température centrale de l'animal s'abaisse de plusieurs degrés et, dans ces conditions, l'excitabilité des nerfs cardio-accélérateurs s'atténue nota- blemtnit et peut même arriver à disparaître tout à fait, ce qui explique l'insuccès d'un grand nombre d'expériences pratiquées sur l'ensemble des nerfs cardio-pulmonaires. Le réchautfement et le maintien de la température de l'animal pendant toute la durée de l'expérience sont donc absolument nécessaires; ils se trouvent réalisés par le dispositif reproduit dans ce dessin et qui permet de déterminer d'abord le réchauffement, puis d'empêcher le refroidissement excessif de l'animal maintenu immobile par le curare ou par la section du bulbe et soumis à l'insufflation pulmonaire, sans pailler des accidents d'inhibition centrale et périphérique, dus au traumatisme, qui viennent ajouter leur influence réfrigérante à ces causes de déperdition. La baignoire B est à double fond, son compartiment inférieur contient environ 50 litres d'eau qu'on chauffe avec un brûleur à gaz et dont la température est maintenue aux environs de 60° avec un régulateur indirect de d'Arsonval. Le compartiment supé- rieur a pour fond la paroi supérieure A du réservoir à eau qui est muni de deux orifices avec tubulure saillante pour que la vapeur puisse se dégager et ne pas être mise sous pression. On verse sur le fond de ce compartiment supérieur un ou deux litres d'eau qui dégagi'ut une assez grande masse de vapeur, établissant ainsi, autour de l'animal, une atmosphère humide et chaude. Le chien, après avoir été opéré comme il vient d'être dit sur la table à expérience ordinaire, est déposé sur une couverture de laine tendue sur une tablette pouvant se loger dans l'étuve; le tube R du soufilet destiné à la respiration artificielle pénétrant par un orifice latéral dans l'étuve, il est facile de fermer DIGITALE. 21 «■5-?,= M o c2 c^ Ci-. OJ ^ 9- s « -c; w aï a) ^ 3 > o c 3 o c £ a rt « = -o -73 :-" •«« 5 :u ;= "2 i; 3 5 o a u c t^ -^ o o o s-c 05 C^ ,. - 3 T ci M s .5 I ii .s s c M ts « . -ri; es ^ -2 ^ <^ Ih -^ ra ■^ o - -a 7Î S œ :r: '" 5 =3 73 •- -^ .2 73 V (/3 t-, w es o w Jï "^ a 5 g £ o (D î- 3 " m Œ) U •" 3 . 3 -^ O O S r2 S.-2 .-î 2 - ,- 3 a 3 CJ OJ - jj -^ 13 3 ~ M (C 3 - — S O 5 f= — j: .2 D 3 S 5 h rt i- 2 o tH ï S .„ Sa « -^ 3 S ° ^ ^ ■? - § 3 --3 ° 'i --S O +^ 3 S 3 -- ^ c 3 3 a 3 &. «, 3 g-S 0-35 ■es es -D ^ Ch £ n 1, o 'rt 3 S 3 S es « ■;: — " — " es 1) :-. '^ M M -D --'30 ■=^ g es i. -73 o o ~ eS ■- '5 p (D .3 " " 3 42 -3 - - 'î O a cj h 3 aj p .y a .es 3 -"^ 3 « Ch a 3 , rti a es Cl 3 a -3 t3 o -o ;„ 3 es ^ 5 g ^ 3 -13 1^ 3 O 3 ej g2333- 2 ! .^ s - 0 2 - ■= " eu . -2 c 3 -._ ^iZ-o'^-^%P o-u'3 3 3 3 °-ai— a.3 a. râ ■= ® xî aj O '2 o- 3 ï> », .3 t- 2 " es ;!, ■- c 3 -2 3 -- 3- _. = =: 3 rti o 3 «> cr ~ c r^ c3 cS - *^ ^-^ S'3i,:— Sgrsa -^ 5 S « S g l'i ^ g .es o ■a -3 -^ --^ 3 o eu '^ ^ O œ ai e« oj 3 13 c/î •?; "S ô 3 '^ B. a - c 3 05 -oj .2 - "' ? 's ■ c S 3 a w ♦^ *ai 3 . ='■' es 0) ^ 3 3 3* S ! 3 - 5 3 es '~J= 3 3 Îl 3 =.- £ « ^ -3 .ï o -- ^ *aj î*- ^ =- £ f= ;5 - *- '- es 4) o ti .. 3. 3 - es (U >^ -^ a ej 3 h 9 o ci 3 •d 3 O o X ri O O-t'^ 3 3 X <=^ es.- "■:: s a aj «3 oj '3 a t3 >3 = -2© '°^'3k-i.-3cSKcj^Ka)gra n celle-ci avec son couvercle, pendant un temps suffisant au réchauffement de l'animal : un thermomètre plongeant dans une veine cave ou introduit dans le rectum montre que la température qui s'était souvent abaissée à 3a° se relève, en moins d'un quart d'heure, à 38° et 38", 5, A ce moment, on peut commencer l'expérience proprement dite, avec l'assurance que les centres auront repris leur excitabilité, comme Franç.ois-Fr.\nck 22 DIGITALE. s'en est souvent assuré en interrogeant les nerfs accélérateurs, vaso-moteurs, en même temps que les centres cérébraux ou médullaires. C'est alors qu'on dispose les appareils explorateurs du cœur et des gros vaisseaux. Au cours de l'expérience, pour éviter une trop grande élévation de température, on rem- place le couvercle de la baignoire par une simple couverture de laine, et on consulte de temps en temps le thermomètre rectal ou veineux. Cette baignoire-étuve peut rendre encore de grands services en devenant un appareil de surchaulTage, et en permettant de réchauffer et de refroidir alternativement un animal au cours d'une même expérience, sans autre complication que son déplacement et sa réinstallation dans la baignoire- étuve. Les pressions dans l'aorte et dans l'artère pulmonaire sont évaluées en mettant ces vaisseaux en relation, par un tube trifurqué, d'une part avec un hémodynamomètre, d'autre part avec un sphygmoscope : les sphygmoscopes doivent être placés horizonta- lement, de manière à ne pas exercer de pression sur les liquides. Les changements si faibles qu'on observe dans la moyenne de la pression artérielle pulmonaire sous l'in- fluence de la digitaline rendaient difficile, et même sujet à erreur, l'emploi du mano- mètre à mercure; d'autre part, les manomètres élastiques ne pouvaient suffisamment renseigner, le niveau général de la courbe ne subissant que des variations négligeables. François-Franck eut l'idée de substituer au mercure de l'hémodynamomètre une solu- tion à 3,5 p. 100 d'oxalate neutre de soude dont la densité (1.02.Ï) est sensiblement égale au treizième de celle du mercure et qui oflfre, en outre, l'avantage de retarder la coa- gulation du sang : on obtient ainsi des courbes exactement comparatives des pressions aortiques et pulmonaires. Les oscillations des manomètres et des sphygmoscopes sont transmises à des tambours inscripteurs de capacité appropriée. La longueur des tubes de communication est aussi réduite que possible. La membrane des sphygmoscopes est d'une élasticité proportionnée aux variations de pression qu'elle doit subir. Les sphyg- moscopes inscrivent très exactement les pulsations ; qu^ini aux pressions, eWes sont appré- ciées par les déplacements de la colonne d'air surmontant le liquide des manomètres. Pour comparer les pressions moyennes, il y a tout intérêt à supprimer le brusque déplace- ment des liquides dans les manomètres; on y arrive en rétrécissant le tube rempli de liquide en un point voisin de la prise de pression et situé au delà du sphygmoscope; on réalise ainsi des manomètres compensateurs présentant les avantages autrefois signalés par Marey. Mais les sphygmoscopes, tout comme les manomètres à mercure, ont des inconvé- nients : la nécessité de les remplir avec un liquide alcalin expose aux accidents de la rentrée de ce liquide dans le cœur et de sa projection dans les vaisseaux. François-Franck leur a substitué, dans certains cas, des sondes manométriques construites sur le modèle des sondes de Chauveau et Marey, mais ayant subi certaines modifications. L'enregis- trement de la pression intra-ventriculaire gauche, par exemple, peut être réalisé au moyen d'une sonde, de courbure appropriée, introduite par la veine pulmonaire supé- rieure gauche, chez un chien de taille suffisante. Cette sonde, en métal ou en caoutchouc durci, permet d'obtenir, avec un petit diamètre, un calibre intérieur très suffisant pour ne point gêner les transmissions et le va-et-vient d'air; on la termine par une petite car- casse métallique, en ressort d'acier fin, sur laquelle est modérément tendu un doigtier de caoutchouc soufflé qui supportera ainsi les pressions extérieures sans que ses parois opposées s'accolent. Deux sondes de ce genre, emboîtées coneentriquement et à frot- tement doux, permettent un écartement variable, suivant la longueur du cœur des ani- maux, de façon que l'une fonctionne comme manomètre ventriculajre et l'autre comme manomètre auriculaire, chaque explorateur étant exactement dans la cavité correspon- dante. Pour le ventricule droit, la sonde est introduite par un tronc brachio-cépha- lique veineux. La pression intra-auriculaire se mesure aussi très exactement par ce procédé ; et on peut lui combiner l'enregistretnent des pulsations ou celui des changements de volume des oreillettes à l'aide d'un dispositif identique à celui représenté dans la figure 2. La courbe des pulsations ventriculaires donne, à la fois, l'indication des changements de consistance de la paroi et des changements de volume du ventricule ; elle ne renseigne que d'une manière imparfaite sur les valeurs variables de la pression intra-ventriculaire. DIGITALE. 23 L'association de l'exploration manométrique à celle des jJuisations extérieures fournit des notions très précises sur le fonctionnement des ventricules. On peut, tout aussi faci- lement, combiner l'exploration manométrique intra-ventriculaire et intra-auriculaire à l'une quelconque ou à plusieurs des autres explorations cardiaques localisées; et c'est parla comparaison de ces divers graphiques, obtenus simultanément au cours d'une même expérience, que l'on peut préciser très exactement l'action d'une substance toxique sur les dilïérentes propriétés fonctionnelles. Les explorateurs ventriculaires, donnant à la fois les changements de consistance de la paroi et de volume du ventricule, indiquent les pulsations. Les explorateurs auricu- laires indiquent les changements de volume des oreillettes; la systole fournit une courbe descendante, et la diastole une courbe ascendante. Quatre tambours inscripteurs communiquent avec les explo- rateurs et un signal électrique marque les excitations appli- quées soit au nerf vague, soit au myocarde. Ce dispositif permet d'ap- précier les changements d'état qui surviennent, aux mêmes instants, dans les deux oreil- lettes et les deux ventricules. Après l'ouverture du tho- rax sur un chien curarisé et soumis à la respiration artilî- cielle dans la baignoire étuve de la fig. 1, le péricarde est excisé le bord, libre des pou- mons, rejeté en dehors et fixé aux côtes par quelques pinces à pression, continue pour évi- ter leur contact avec les ap- pareils explorareurs. Ces ap- pareils explorateurs sont au nombre de quatre : ils se com- posent des deux explorateurs des pulsations ventriculaires et de deux explorateurs de changements de volume des oreillettes. Les explorateurs ventricu- laires sont de simples tambours manipulateurs du modèle de Marey dont le levier se termine par une petite plaque à coulisse recueillant la pulsation ventriculaire en des points variables, et sur une surface d'environ un centimètre carré. Les explorateuis auriculaires sont de petits tambours fermés par une membrane indifférente et très souple, reliée à l'oreillette par une serre-fine qui la rend absolument solidaire de la paroi. On exerce une légère traction sur la paroi de l'oreillette, de ma- nière que celle-ci, à chaque contraction, attire à elle la serre-fine et la membrane, rap- pelant ainsi l'air extérieur dans le tambour explorateur et déterminant, par suite, une descente du style du tambour enregistreur : l'importance de la courbe descendante sera nécessairement en rapport avec l'importance de la systole auriculaire, et, en comparant le niveau atteint par ces tracés de duninutioii de volume, on pourra se faire une idée assez exacte de la valeur comparative des systoles auriculaires. Inversement, quand l'oreillette se relâche et se remplit de sang, sa paroi refoule la membrane indifférente du tambour explorateur, et la courbe s'élève d'autant plus haut que l'augmentation de volume de l'oreillette est, elle-même, plus considérable. Fbançois-Franck ayant constaté que les indications des diastoles auriculaires étaient beaucoup moins satisfaisantes que celles des systoles, a perfectionné cette disposition FiG. ~'. — Schéma du dispositif cmploj'ë iiour l'étudo dos variations de la fréquence, du rythme et de l'énergie des oreillettes, et des ventricules. -24 DIGITALE. en cherchant à. concentrer sur le centre de la membrane la poussée d'une surface aussi grande que possible de l'oreillette; et il y est parvenu en coiffant la majeure partie de l'oreillette d'une sorte de cône creux, dont l'axe était représenté par la tige rigide formée par la serre-fine et dont la base s'appuyait sur la paroi auriculaire : les déplacements de toute la surface explorée se centraUsaient ainsi en un point circonscrit de la mem- brane. L'exploration des changements de la pression inlra-ventriculaire associée à l'inscrip- tion des pulsations des ventiiciiles permet de vérifier l'indépendance de l'énergie des impulsions ventriculaires par l'excitation des nerfs accélérateurs : l'action cardio-tonique se dégage ainsi de l'action cardio-accélératrice, et l'on voit augmenter d'une façon très notable la puissance des systoles, en même temps que l'on observe de brusques et éner- giques variations de pression, sans que la fréquence et l'amplitude des pulsations ait varié proportionnellement. Ces changements de pression intra-ventriculaire sont appréciés au moyen de sondes manométriques à ampoule élastique. Le grand nombre de travaux, tant cliniques qu'expérimentaux, et visant tous plus particulièrement certains points de l'action thérapeutique ou toxique, n'ont pas fourni de résultats indiscutables. Les méthodes d'appréciation expérimentale étaient jusqu'alors insuffisantes et avaient permis d'arriver à des conceptions erronées, en opposition absolue les unes avec les autres, de l'action physiologique de la digitaline. Les interprétations admises par les divers physiologistes peuvent se rapporter à trois théories principales. La première, celle de Stannius, rapportait les effets de la substance active à l'action qu'elle exerce sur le tissu musculaire du cœur; l'excitabilité du myocarde serait complè- tement abolie. La théorie de Traube attribue à l'action exercée sur le fonctionnement de l'appareil nerveux cardiaque une prépondérance qui relègue au second plan l'influence exercée sur le myocarde : en admettant même, comme l'ont fait certains partisans de la théorie de Traube, une action plus puissante sur les ganglions intra-cardiaques, cela ne suffit pas à interpréter complètement et exactement les phénomènes. Enfin, la théorie de Vulpian envisage cette action comme complexe et portant à la fois, sur le sj'stème nerveux central, sur le système nerveux intra-cardiaque et sur le myocarde. L'ablation de la totalité du myélencéphale chez la grenouille n'empêche pas l'extrait d'inée introduit sous la peau d'arrêter le cœur; seulement cet arrêt est retardé, par suite de l'affaiblissement extrême de la circulation périphérique qui entraîne une lenteur exagérée dans l'absorption de la substance toxique. Polaillo.x et Carville avaient, par cette constatation, démontré que l'expérience ayant servi de point de départ à l'hypo- thèse de Traube est inexacte ; et il fut reconnu, en effet, que la section des nerfs vagues est, presque toujours, sauf circonstances accidentelles spéciales, incapable d'empêcher l'action de la digitale sur le cœur. D'autres procédés expérimentaux sont encore capables de démontrer que, si l'influence exercée par la digitaline sur le bulbe rachidieu et sur les ■nerfs vagues est insuffisante pour interpréter complètement le mécanisme par l'inter- médiaire duquel se produit cette action, il en est de même du rôle que l'on peut attri- buer aux extrémités cardiaques des nerfs vagues, c'est-à-dire aux extrémités des fibres nerveuses cardiaques fournies aux pneumogastriques par les nerfs accessoires deWiULis. Vulpian a montré que la digitaline, injectée dans une des veines crurales chez un chien curarisé soumis à la respiration artificielle, déterminait l'arrêt du cœur : cet arrêt se produit même après section préalable des deux nerfs pneumogastriques. Gourvat a répété ces expériences, rapportées en détail dans sa thèse inaugurale. De même, PoLAiLLON et Carville ont vu l'extrait d'inée déterminer l'arrêt du cœur sur des chiens chez lesquels la curarisalion avait été poussée assez loin pour abolir l'action des nerfs gués. Il faut, toutefois, reconnaître que cet arrêt déterminé par la digitaline est plus lent et plus inconstant ([ue sur un animal non curarisé^: ainsi, il est difficile d'obtenir l'arrêt du cœur chez une grenouille complètement curarisée, et l'expérience nous a appris que le curare abolit, chez ces animaux, l'action des nerfs pneumogastriques sur le cœur; mais il y a lieu également de compter avec la lenteur de l'absorption et la diminution d'ac- tivité de la circulation périphérique chez les animaux curarisés. DIGITALE. 25 L'amoindrissement du volume des ondées sanguines lancées par le cœur, chez un animal soumis à l'influence d'une dose un peu considérable de curare, amoindrissement dû autant à l'action du curare sur le cœur qu'à la vaso-dilatation des vaisseaux munis d'une tunique musculaire, peut empêcher la difçitaline de se trouver en quantité suffi- sante dans le sang pour que son action propre sur le myocarde puisse se produire. En expérimentant avec des poisons du cœur notablement plus énergiques, upas-antiar, inée ou son principe actif strophantine, ouabaïne, langhinine, l'arrêt du cœur est déter- miné d'une façon constante et plus facilement; il n'y a plus qu'un simple retard, comme dans les expériences de Polaillon et Cauville, dans la production du phénomène. On est donc autorisé à dire avec Vulpiax que si la digitaline agit sur le cœur par l'intermédiaire du système nerveux, son iniluence ne se produit pas exclusivement par une excitation des nerfs vagues, soit au niveau de leurs extrémités centrales, soit au niveau de leurs extrémités phériphériques, ni même par une influence irritante exercée sur les ganglions avec lesquels ces nerfs entrent en relation dans l'épaisseur du myocarde. L'action exercée directement par la digitaline sur le myocarde est démontrée nette- ment par l'état caractéristique du ventricule chez la grenouille. Lacontractilité est dimi- nuée d'abord; et quelques instants après l'arrêt, le myocarde est devenu complètement inexcitable. C'est d'ailleurs là un efîet commun à tous les muscles à libres striées dont la contractilité est abolie plus rapidement, sous l'influence de la digitaline, que si la circulation avait été purement et simplement arrêtée par ligature ou excision du cœur. L'influence sur le système nerveux central se trouve prouvée [)ar l'expérience de Traube qui consiste à pratiquer la section transversale de la moelle dans la région cer- vicale : on observe alors que la digitaline produit encore le ralentissement du pouls, mais sans augmentation de la tension artérielle, les vaisseaux se trouvant soustraits à l'action du myélencéphale (partie supérieure du bulbe rachidien et partie inférieure, contiguë, de la protubérance), centre principal des actions vaso-motrices : la vaso-con- striction se produit si l'on vient à faradiser le segment inférieur de la moelle. On est ainsi conduit à considérer l'action produite par la digitaline sur les vaisseaux comme indépendante et distincte de celle exercée sur le cœur. Cette conception de l'action indé- pendante sur le cœur et les vaisseaux ne peut, bien entendu, être absolument rigoureuse, car il est impossible de faire abstraction des influences réciproques qu'exercent les modi- fications éprouvées par le myocarde sur les vaisseaux, d'une part et, d'autre part, le retentissement sur le rythme et l'énergie des contractions cardiaques des variations du calibre des vaisseaux : le cœur et les vaisseaux sont, en effet, dans des relations tellement étroites, soit directement, soit par l'intermédiaire du système nerveux, qu'on ne peut prendre au sens étroit du mot la qualification « d'action indépendante » exercée par une substance toxique sur l'un ou l'autre de ces appareils. D'un antre côté, l'action sur les extrémités terminales intra-cardiaques se trouve prouvée par le ralentissement, empêché ou tout au moins notablement retardé par l'atropine, et par ce fait que la pression, abaissée au bout d'un certain temps, remonte et dépasse même la valeur normal si l'on vient, comme l'ont fait Carvelle et Gourvat, à sectionner les deux nerfs dépresseurs au milieu de la hauteur du cou. Sous l'influence de cette excitation des extrémités intracardiaques des nerfs dépresseurs, les vaisseaux des diverses régions, mais surtout ceux de la cavité abdominale se dilatent, et il en résulte nue dimi- nution de la quantité de sang lancé par chaque ondée ventriculaire dans l'aorte et toute ses branches : la presssion artérielle doit donc s'abaisser, comme lorsqu'on excite les nerfs dépresseurs par un courant faradique. Pour ces diverses raisons, Volpian estimait que l'on est en droit d'affirmer que les efîets produits sur le cœur, tant par la digitaline que par les autres poisons du cœur, ne sont pas dus à des modifications primitives des vaisseaux; c'est-à-dire que les change- ments dans la force, la fréquence et le rythme des mouvements du c(eur ne sont pas sous la dépendance des modifications subies par la circulation périphérique. Les autres modifications fonctionnelles, telles que les troubles gastro-intestinaux, l'algidité, la diurèse, sont encore moins facilement explicables par des altérations fonctionnelles de l'appareil vaso-moteur. 26 DIGITALE. Tout cela vient d'être rigoureusement confirmé par les expériences de François- Franck; mais, avant d'entrer dans letir détail, en raison de leur importance capitale, je crois devoir dire quelques mots de certaines interprétations qui ont eu cours à un moment. Gkrmain Sée pensait que la digitaline exerçait une action e'Iective sur le cœur droit, tandis que Openchowsri localisait cette action élective dans le cœur gauche. Ces deux opinions sont absolument erronées; et les recherches de François- Franck ont démontré d'une façon péremptoire que si les apparences semblent confirmer l'opinion de Germain Ske, l'étude approfondie du déterminisme expérimental doit la faire rejeter. Oïl voit, relativement à la façon dont se produit la mort du cœur, une divergence apparente absolue suivant que l'on expérimente sur les animaux à sang chaud ou sur les animaux à sang froid. On a dit que le cœur mourait en systole chez les animaux à sang froid, en diastole chez les animaux à sang chaud, sans s'arrêter à ce qu'avait de vrai- ment auti-physiologique renonciation de deux résultats, aussi précisément opposés, inconciliables, appliqués à l'influence exercée par une même substance toxique. Les recherches de François-Franck ont encore élucidé ce point et montré qu'il ne saurait y avoir pareille divergence dans la manière dont les propriétés fonctionnelles d'un même organe sont affectées par une même substance. La détermination précise de l'état du cœur au moment de la mort a une importance d'autant plus considérable, comme le fait justement remarquer François-Franck, que l'idée que l'on se fait du genre de mort du cœur influe nécessairement sur la conception du mode d'action physiolo;.;ique d'un poison cardiaque. Si l'on envisage la mort du cœur comme l'expression maxima de l'action physiologique, on conçoit d'une façon très différente la succession des phénomènes qui l'ont précédée, suivant que l'on a vu ce cœur mourir en diastole ou en systole. La mort en diastole fait supposer soit une élon- gation plus complète de la fibre musculaire cardiaque, soit une élasticité plus marquée du myocarde pendant sa diastole; on est tout naturellement entraîné à attribuer l'augmentation de travail du cœur à une réplétion diastolique plus abondante, et c'est ainsi qu'a pu s'établir la théorie de l'action diastolique de la digitale, par effet passif ou actif, suivant l'opinion qu'on s'est fait de la nature du phénomène. La mort en systole évoque une série de renforcements d'action du myocarde, survenant à chaïune des phases de l'action du poison, pour interpréter l'exagération évidente d'énergie du myocarde soumis à l'action de la digitaline. Les conclusions se ressentent naturellement de ces interprétations; et tandis que l'on fait de la digitaline un poison toni-cardiaque si l'on a vu le cœur mourir en systole, on en fait, au contraire, un poison diastolique si l'on a vu ou cru voir le cœur mourir en diastole. Les expériences, aussi nombreuses que variées et ingénieusement conduites, de François-Franck ont démontré que, chez tous les animaux, le cœur meurt en état de tétanos; tétanos dissocié et passager, suivi de relâchement continu et plus ou moins rapide, chez les mammifères, les animaux à sang chaud; au contraire, tétanos parfait, indéfiniment prolongé, chez les animaux à sang froid. Ainsi s'explique l'apparente contra- diction que je signalais tout à l'heure. Cœur et circulation. — l. Fréquence et rythme. — La première action de la digita- line sur laquelle l'attention se trouve attirée consiste dans le ralentissement du cœur. Ce ralentissement est synchrone dans les deux ventricules et rappelle celui déterminé par de faibles excitations des nerfs vagues. Comme conséquence, il se produit une augmentation de puissance des ventricules ralentis et qui doivent agir sur une masse de sang plus con- sidérable, accumulée pendant leur diastole prolongée. Le cœur préalablement arythmique, quelle que soit la cause de cette arythmie, est régularisé; et cette régularisation porte également sur les deux ventricules. A cette action, que l'on pourrait dire bienfaisante de la digitaline, succède, lorsque la dose est assez élevée ou que l'absorption continue, une accélération toxique surve- nant simultanément dans les deux ventricules; et les systoles accélérées restent syn- chrones de part et d'autre. Des pliases d'accélération et de ralentissement alternent dans l'empoisonnement avancé. La démonstration de ces faits à été donnée par Fran- çois-Franck, au moyen de l'exploration de la pression dans chaque ventricule, combinée à l'exploration localisée des pulsations extérieures. DIGITALE. 27 Puis, apparaît la phase d'arythmie digitalinique pendant laquelle on observe un asynchronisme ventriculaire'apparent : une seule pulsation artérielle correspond à deux pulsations cardiaques, d'où l'hypothèse de l'héniisystole du ventricule droit. C'est là une interprétation inexacte, le synchronisme est toujours absolu et les deux ventricules ne Pi\v.g. liiiiff Wl^MW- JUU _ lllllll , fillUi' WUil lu ^ujj'uyyyuL^ im m ÎSiiii'iiiiiiii/i Pl^v.d. «■liiiiÉ»! Fil. 3. — Effets successifs des doses croissantes de digitaline (Homoi.lk et Qckyenne) sur la fonction des deux ventricules, jusqu'à la mort. Pr. il. t/., pression dans le ventricule gauche. — Pr. v. d., pression dans le ventricule droit. — I, tracé nor- mal, avant la digitaline. — 2, 10 minutes après injection veineuse de 3 milligrammes de digitaline : phases d'arythmie; ralentissement prédominant. — 3, 10 minutes après nouvelle injection de 3 milligrammes : ralentissement; systoles redoublées, avortées, dans les deux ventricules. — 4, 2 minutes après nouvelle injection de 1 milligramme : début de l'accélération toxique; accès de palpitations dans les deux vcntri- cules. — 5, 5 minutes après nouvelle injection de 3 milligrammes: renforcement de l'accélération aryth- mique. — 6, 5 minutes après nDuvelle injection de 3 milligrammes; exagération de la tachycardie; sys- toles redoublées plus nombreuses. — 7, 5 minutes après nouvelle injection de 3 milligrammes (total : ]0 milligrammes, dose mortelle): régularisation avec plus grande fréquence. — 8, 10 minutes après la dernière injection et une demi-minute avant la mort : conservation de la régularité, de l'énergie et do la iréquence. — 9, mort subite des deux ventricules : A, C, D, accès demi-tétaniques synchrones dans les deux ventricules — B, E, reprise de quelques systoles ; et enfin, trémulation tibrillaire durant 20 à 25 secondes et aboutissant à la mort définitive en diastole, l'immobilité se produisant un peu plus tôt dans le ventricule gauche. — Synchronisme parfait et constant. se dissocient jamais, ainsi qu'on peut le vérifier en inscrivant les pressions intra-ventri- culaires au moyen de sondes appropriées cà la résistance de chaque ventricule. Ce qui a donné lieu à cette hypothèse inexacte de l'hémisystole, c'est qu'une systole faible du ventricule gauche ne se trouve pas répercutée dans la carotide, tandis qu'une systole faible du ventricule droit l'est encore dans l'artère pulmonaire. 28 DIGITALE. Les troubles arythmiques déterminés par la digitaline se présentent avec des types très variés. On peut observer des systoles ventriculalres rapprochées en groupe de deux, trois, quatre, ou même davantage, produisant ce que l'on a appelé le pouls géminé, bigéminé, trigéminé, etc. On voit encore des systoles ventriculalres redoublées, caracté- risées par la reprise anticipée de la systole, sans pause diastolique suffisante, détermi- FiG. 4. — Accélération dss doux voiitricules produite par des dosns toxir|ues do disritaline, alternant avec dos phases de ralentissement, et synchrone dans les deux ventricules. Chien de 15 kilos : injection veineuse de 5 milligrammes digitaline cristallisée (Adeian). — Puis. \. g. et Puis. V. d., pulsations ventriculaires gauche et droite (pulsations extérieures), enregistrées simultané- ment à l'aide d'explorateurs indépendants (tels que ceux représentés dans la figure 2). — Pr. V. g . et Pr. V. (t., pressions ventriculaires gaucho et droite (pressions intérieures), recueillies au m03'en de sondes à ampoules conjuguées. — Arr. Resp., courte pause de la respiration artificielle afin do mieux juger les détails des modifications produites, — Sr., systoles redoublées, avortées, dans les doux ventricules. -- Succession do trois périodes différentes : 1, accélération; 2, ralentissement relatif; 3, fréquence moyenne, montrant chacune le synchronisme parfait des pulsations et des variations de la pression dans les deux ventricules. nant un défaut plus ou moins complet d'ondée sanguine. A une phase plus avancée, ces systoles ventriculaires redoublées se reproduisent à intervalles plus ou moins prolongés, en séries plus ou moins nombreuses, et formant alors des groupes de systoles demi-téta- niques, comme les contractions que manifesterait un muscle strié soumis à des excita- tions fréquentes produisant un tétanos à secousses incomplètement fusionnées (Voir fig. 17). On observe aussi ce genre de manifestations sur le myocarde dans l'intoxication DIGITALE. 29 chloralique. A ces troubles succèdent des intermittences complètes du cœur, plus ou moins durables, dont on peut observer aussi la réunion en séries à une période encore plus avancée de l'intoxication digitalinique : ces groupes d'intermittences peuvent être réguliers ou associés à des systoles venlricuiaires avortées ou simplement rapprocliées, et s'intercaler entre deux périodes de tachycardie. Tous ces troubles de rythme sont absolument et rigoureusement synchrones dans les deux ventricules. Ce synchronisme a pu être ^mis en doute à la suite d'ex()ériences effectuées d'après un mode défectueux d'exploration comparative, tel que l'exploration manométrique, aortique et pulmonaire, mais il devient évident par l'emploi des méthodes perfectionnées de François-Franck {Voir fig. 3). II. Énergie. — La digitaline renforce l'énergie des systoles ventriculaires : ce ren- forcement se montre jusqu'aux doses fortement toxiques, à la condition, toutefois, qu'il iaiMji IV.V.i I ! t I Norni.l22 l\ Chicvn lif VIII 9r iwmMmaiiillMl nnn Ap. 2 mg . Dig. Adrian 116 P. IVA'.d. .\onn.90 P. Chien ^ VJl 90 ivA^.9. 1 L mm 1 1 : Norm.l^OP. Clii..n 1^ Vil! ni IMMlliltSIbHa hhhhhhhh U \) li M^ V '0 '\i- u u A]) . I nu] \'i Di (.) . Miat he U U ' « ^ « I I _J I I v\p.9 nin.D.Hom. l!)-0 P. Ap..l2 niq. 180 P.: ^ 90 P Ap . 14 m q . ^ 180 P.^ FiR. 5. — Indépendance de l'augmentation croissante de l'énergie ventriculaire et des changements do la fréquence du cœur soumis à l'action de la digitaline. A, digitaline cristallisée (Adrian). — B, digitaline cristallisée (Mialhe). — C, digitaline amorphe, (Homolle et Quévenne). — A, cœur modérément accéléré. — B, cœur à fréquence normale. — C, cœur très for- tement accéléré. — Pr. Y. d. et Pr. V. g., pressions ventriculaires droite et gauche. - L'énergie des contractions cardiaques augmente do valeur; dans tous les cas, il y a, tout à la fois, énergie plus grande de la systole et dépression diastolique plus profonde. Ce n'est qu'à la suite de très fortes doses (14 mil- ligrammes de digitaline amorplie, équivalant, environ, à 3 ou 4 milligrammes do digitaline cristallisée) que cette énergie diminue, mais sans que la fréquence varie par rapport à la pliase précédente. Cela montre on même temps que l'énergie systolique ne commence à s'atténuer que dans les dernières phases do l'intoxication digitalinique. ne s'agisse pas de doses toxiques d'em.blée; et il se manifeste quelle que soit la fréquence des contractions du cœur soumis à l'action de la digitaline. Ici encore, le synchronisme est absolu, mais la synergie est relative. C'est là, précisé- ment, ce qui a donné lieu aux hypothèses de spécificité d'action de la digitaline sur un ventricule plus particulièrement ou sur les artères coronaires de l'un des ventricules. Mais en analysant minutieusement les phénomènes, on ne tarde pas à s'apercevoir que la digitale est un poison du cœur total, et qu'elle affecte au même titre tous les éléments, nerveux ou contractiles, du co'ur droit aussi bien que du cœur gauche. Mais la circula- tion est modifiée dans les vaisseaux, la tension se modifie, et l'un des deux ventricules doit lutter contre une résistance exagérée nécessitant un effort plus grand. La systole cardiaque doit, en effet, surmonter une augmentation considérable de résistance aortique, 30 DIGITALE. tandis que la résistance pulmonaire est faiblement augmentée. Déjà, à l'état normal, et en raison de ces variations de résistance, la masse du myocarde de chaque ventricule est différente ; et, puisque la digitaline exerce une action directe sur ce myocarde, il estration- nel que celte action soil plus efficace sur celui dont la masse de fibres musculaires striées est plus considérable : aussi l'action du ventricule gauche est-elle, comparativement, plus renforcée que celle du ventricule droit. Ce parallélisme, mais non cette équivalence du renforcement d'énergie dans les deux ventricules, peut se mettre en évidence par l'explo- ration des pressions intra-cardiaques ou par la mesure comparative de la pression dans l'aorte et dans l'artère pulmonaire. Cette action cardio-tonique de la digitaline retentit également sur la diastole des deux ventricules. Il en résulte une augmentation de l'extensibilité diastolique ventriculaire, en opposition apparente avec le renforcement systolique. Certains physiologistes, comme Stefani et Gallerani, ont même admis une action diastolique spéciale de la digitaline sur le myocarde. Les expériences de François-Franck sur la contre-pression péricardique nécessaire pour éteindre les contractions cardiaques, ont montré que cette interpréta- tion était inexacte, et confirmé les observations antérieures de Kaufmann qui attribuaitles variations successives de la pression du sang veineux, au cours de Tempoisonnement graduel par la digitaline, aux changements de calibre des artérioles contractiles. En con- duisant l'expérience de façon à graduer lentement les effets cardiaques de la digitaline, on constate que, la pression du sang veineux diminuant par suite d'une activité ventriculaire plus grande et d'un emmagasinement plus considérable du sang dans les artères forte- ment tendues, le degré de contre-pression péricardique qu'il faut atteindre pour suppri merle pouls carotidien est moins élevé que normalement. Ce résultat expérimental con- corde avec ce fait d'observation que la digitale, administrée à doses thérapeutiques, régularise les rapports existant entre les pressions artérielle et veineuse. L'expansion diastolique plus considérable n'est qu'une conséquence de la systole plus énergique : à la brusquerie et à l'énergie de la contraction suivie de l'évacuation ventriculaire plus complète qui en est la conséquence, succède une diastole plus pro- fonde qui n'est, en quelque sorte, que la réaction de la systole renforcée. Pour des raisons analogues à celles que j'exposais précédemment, cette augmentation d'extensibilité diastolique est moindre dans le ventricule droit dont les conditions de réplétion et d'évacuation sont très différentes de celles du ventricule gauche. Un phénomène iden- tique peut s'observer sous l'influence de l'excitation des nerfs toni-accélérateurs. En définitive, ce qui caractérise principalement l'action de la digitaline, c'est son influence cardio-tonique sur le cœur normal et dans certains cas pathologiques. Celte augmentation d'énergie apparaît dès le début de l'action du poison : elle accompagne la phase de ralentissement, se maintient et s'accentue même à la phase d'accélération, persiste et souvent même se renforce encore à la phase d'arythmie. Mais pour cela, il est nécessaire que le myocarde soit en état à peu près parfait d'intégrité, sans quoi la digitale ne produit que des effets insuffisants : elle peut encore être inefficace, voire même nuisible, dans les cas d'atfections valvulaires et aortiques tendant déjà à exagérer le travail du cœur ou lorque le myocarde est profondément dégénéré. III. Mort du cœur. — Dans l'empoisonnement mortel par la digitaline, l'activité des systoles ventriculaires se trouve brusquement supprimée, mais des mouvements ondu- latoires persistent durant un temps variable jusqu'à ce que s'établisse, chez les ani- maux à sang chaud, l'immobilité diastolique complète. Chez les animaux à sang froid, le ventricule reste contracté, vide, ridé à sa surface et presque décoloré. Cette mort subite du cœur est précédée d'une période de tachycardie renforcée, en général régulière, rigoureusement synchrone dans les deux ventricules. Tout à coup éclate un accès téta- nique incomplet, très court, pendant lequel on peut constater la persistance du synchro- nisme, quant à la fréquence et au rythme des secousses, mais avec une synergie diffé- rente. Ensuite apparaît, d'abord à gauche, puis presque immédiatement à droite, une trémulation fibrillaire, indice de la dissociation des contractions des faisceaux musculaires, et qui se produit d'une façon indépendante dans chacun des ventricules : il s'agit bien, cette fois, d'un asynchronisme vrai. La masse myocardique commence alors à entrer en état diastolique, plus maïqué à droite à cause de l'accumulation du sang veineux : le sillon interventriculaire se creuse, les trémulations s'éteignent peu à peu, et enfin la DIGITALE. 31 surface du myocarde prend un aspect lisse, les ventricules s'immobilisant en diastole qui n'a fait qu'augmenter. L'accident tétanique terminal, très bref chez les mammifères, est, au contraire, très prolongé chez les animaux à sang froid. Il doit s'agir alors d'un mode de réaction particu- lier du myocarde; car, ainsi que nous le verrons bientôt, les influences ner- veuses doivent être mises hors de cause à celte période. La succession de ces phénomènes est, en tous points, com- parable à ce que l'on voit survenir à la suite de la faradisa- tion intense des ven- tricules ou de l'intro- duction de liquides irritants dans les ar- tères coronaires. L'exploration extérieure des pul- sations ventriculai- res localisée à des ré- gions éloignées l'une de l'autre, combinée avec l'exploration intérieure des varia- tions de la pression dans les deux ven- tricules, prouve, par la simultanéité des accidents, que les accidents subits de tétanisation incom- plète sont rigoureu- sement synchrones dans les deux ven- tricules. Mais s'il y a synchronisme, il y a défaut de syner- gie; et le ventricule gauche cesse -d'en- voyer des ondées efficaces dans les artères alors que le ventricule droit ali- mente encore, quoique faiblement, l'artère pulmonaire. Il se produit non pas un arrêt primitif du ventricule gauche, comme on serait tenté de le dire au premier abord, mais une suppression de son activité par défaut d'alimentation : la preuve, c'est (jue les systoles peuvent reprendre spontanément si une circonstance amène la rentrée o o 3 1 1 TS •« 13 1 a o © 2 o =^ 2 "i 3 73 3 , u o 3 d >i 5-'° 3, 3 3 © "3 Xfl a o o J3 ~ 73 3 .2 S t> ^ (« 3 -© o w fi ■?•£ t; 13 3 >j 05 c ^ §■ w 3 o S 3 © o 3 c o a ai > ■B 13 .2 s M © 7Î © M +-> a o O ci a. 75 "m « a; a. a) ■u -a os a 3 o 3 c 7] M -3 O 3 _o .3 ~o o 3 O •îi "3 r O O 2 eu 03 o o > '■2 9 O -5 &, , © o c o s o "-2 '-3 a "s 3 *^ 3 © 'Se © S 3 o ES o s © S « a _2 % s C 'S •C3 03 © o '53 3 li I "3 '3 S 'S a o a o © [Si 3 +J *© .3 Q ;— C nS a +-> > -d ^ o o S J= su o o © 3 O 13 5 '5î o a o a a, a 3 T3 ■a ni « c- ci 3. 3 4-» 73 _C3 u o ■M a o 3 rt 3 Cm 2 3 O 13 8 o ■« s ta a o* 3 T3 ■© Ui 3 a. >-> 3 cr' S 3 o T3 O 2 3 •1-9 3 •£ 3 o 3 15 3 3 xr. 3 il g -U x rt 'u ci c s •:_ «ï o ta a o > p 3 :^ 3 "* es :: .- 3 -s! _© 1 ■3 a) 'S T3 "3 C 3 71 r. © o 3 o* 3 ci w o 6 M 'É^ t. « o -u Cl +J 3 £ &. ^ S > s ~3 "> 'c; 3 73 O 3 3 -3 a o c © L. Cl a* 5 f- o o 3 ^ 3 c _2 > a o 0! 3 =. © © > £1 o a o ■M "S 3 3 O 3 O "s a. -a V) s. E.5 Tj a 3 1 73 _© © a 3 ■3 © rt a 3 S: S 3_ »l 73 73 © O -p Cj* '-' C © U •Cl 1 o © ai ÏS i 1 §)fr © 32 DIGITALE. du sanf? dans le cœur gauche. C'est l'apport sanguin qui fait seul défaut (Voir fig. 7). La tétanisation cardiaque finale est l'expression maxima de l'action toni-vëîitriculaire et, en réalité, comme le dit François-Franck, l'asynergie finale est due, non pas à des 3 o es C U CD • aj t, ": -a) — è rt a > es V ri 'TJ a '5 H o i3 2 «> tu VJ p o D 3 . 0--0 M «3 O «3 O a; O œ a "• 3 5 0) a a > 3 ri t; « ,_; c/D 43 3 3 M 3 5. a •œ ? -M w: c: it 3 -a o ^ 5 os '5) o s g - - tu ce œ p îi O o > ^-' «s « c ., o o S 5b "s . = P 3 « cfl a 13 ^ s 3 t- == ^ *^-§ M +J ce o ' , 3 't. -^ M o •^ O ■£- > cl o "3 3 -S T3 a, c3 '■ 'O <7J ,05 3 -^ -^ O 3 :i> -^ OT CS C*H OJ 3 '5 3 y. a, 3 fl O (U .li; c- m j 'c 3 a o , 3 C O s Q 2 o a -iJ -a o 3 s- > o ra .— +j QJ ëï >^ C ... C 3 ■a m c o a "^ a > o ni ; o -S 3 2 =« .i: 2 3 .2 rt «s « ^ 3 -0330 .tf S - 2. L 15 „ I- 3 es ■? < n 0 ^r, c, fc 0 C ïi:ïï 11 -û; 0 O-ND 1 ni .©■a t. a .S I .S '^ Cî Cti O g S o t? g S 2 « -d o *j ^ " >j a i- G c 0) es >> '^ r- a. œ es - a c es O -a o '=5'c «^ £ "» cr 3 "S .2 a •« on a ■ a> a =*> es > es -S a 3 •a o •çr- y: cS 1» a O ■- " •^ a o is M g g «■ S ;: œ 3 c "3 o 3 o cr<.a œ 3 ■:= es O ^ fclJ conditions différentes de la fonction ventriculaire, mais bien à un défaut d'alimentation du ventricule gauche, dû à l'insuffisance des ondées pulmonaires lancées par le ventri- cule droit subissant les mêmes accidents toxiques que lui. DIGITALE. 33 IV. Effets vasculaires de la digitale. Rapport des modifications de la tension avec les troubles cardiaques. — La digitaline exerce sur les vaisseaux coiiliacliles une action constriclive intense. Deux mécanismes présiiient à cette vaso-conslriction. L'influence exercée par le système nerveux central est indéniable. J'ai déjà parlé de cette expérience qui consiste à pratiquer une section transversale de la moelle dans la région cervicale, section à la suite de laquelle on observe que 'la digitaline produit bien encore le ralen- tissement du pouls, mais sans augmenter la tension artérielle comme cela se produit lorsque la moelle n'est pas isolée du myélencéphale, centre principal des actions vaso- motrices. Mais les variations locales du calibre des vaisseaux aorLiques tendent à faire admettre une action constriclive indépendante du système nerveux central. Les circu- lations artificielles dans des tissus isolés de l'organisme et dont l'innervation a été supprimée par le fait même de leur séparation des centres, prouve mieux encore l'action sur l'appareil musculaire des vaisseaux. Cette intervention active des éléments contrac- tiles vasculaires est même tout à fait démontrée par Ja suppression de l'activité des muscles vasculaires au moyen de la cocaïnisation préalable du tissu soumis à la circula- tion artificielle. Cette action vasculaire périphérique montre que l'intervention du surcroît d'énergie du myocarde n'est pas indispensable pour produire l'augmentation de la tension arté- rielle : la résistance à la propulsion de l'ondée ventriculaire gauche se trouve par suite augmentée. Le surcroît d'énergie du myocarde vient certainement contribuer pour sa part à cette augmentation de tension artérielle; mais il était logique de ee demander si le ralentissement du cœur n'était pas subordonné à celte augmentation de tension, et cette hypothèse a été, en efl'et, acceptée et défendue par quelques physiologistes. La tachycardie simple ou arythmique des phases toxiques pourrait même à la rigueur être subordonnée à cette augmentation de la pression artérielle, puisque, à une certaine période, comme nous le verrons bientôt, les appareils d'arrêt du cœur sont paralysés et que les accélérateurs conservent seuls leur activité. Marey a depuis longtemps démontré que le cœur se ralentit sous l'influence d'une augmentation de pression artérielle déter- minée par la compression incomplète de l'aorte abdominale, ou par la constriction d'un vaste territoire aortique réalisée, par exemple, au moyen de l'excitation des nerfs splanchniques. Ce ralentissement se produit toujours lorsque le cœur est pourvu de ses organes nerveux modérateurs; mais il fait place à une accélération lorsqu'on l'a mis dans des conditions où il est incapable de réagir par ralentissement, par exemple, lorsque l'action des appareils d'arrêt est paralysée par l'atropine. L'analyse minutieuse des phénomènes montre cependant des différences remarquables dans ces expériences et dans celles que l'on peut réaliser à l'aide de la digitaline. Avec la digitale, l'augmentation d'énergie porte sur les deux ventricules; dans les expériences d'augmentation artificielle de tension artérielle, les deux ventricules sont efTectivement ralentis, mais leur énergie n'est pas augmentée simultanément, et le ventricule gauche seul développe un effort systolique plus considérable, tandis que l'effort du ventricule droit diminue. Avec la digitale, l'expansion diastolique ventriculaire est proportionnée à l'augnientatiou d'énergie de la systole, dans l'auti^e cas, les diastoles du ventricule gauche sont, au contraire, moins amples. Avec une haute tension artérielle, la pression s'abaisse, dans l'artère pulmonaire, tandis qu'elle s'y élève sous l'influence de la digitaline. On pourrait, il est vrai, penser que la digitaline exerce également une action vaso-con- strictive sur les vaisseaux pulmonaires. Une expérience réalisant une élévation parallèle de pression dans les réseaux aortique et pulmonaire, par exemple, la provocation simul- tanée d'un spasme aortique et pulmonaire déterminé par l'excitation des nerfs vaso- constricteurs, ou la compression simultanée d'une bifurcation de l'artère pulmonaire et de la portion inférieure de l'aorte, détermine des effets généraux rappelant l'augmen- tation simultanée d'énergie que la digitaline produit dans les deux ventricules; cepen- dant, une différence persiste, l'expansion diastolique n'est toujours pas proportionnée à l'augmentation de vigueur, de la systole et les minima diastoliques sont même moins accentués qu'à l'état normal, les ventricules résistant à la surcharge par une augmenta- tion permanente de la tonicité de leur tissu. D'ailleurs, si l'action vaso-constrictive exercée par la digitaline sur le réseau pulmo- naire, comme sur le réseau aortique, est légitime, elle est, par contre, absolument hypo- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V, 3 34 DIGITALE. thélique, et l'on ne possède jusqu'ici aucune preuve directe et irréfutable de celte action. D'autre part, la disparition de l'excitabilité des nerfs d'arrêt ne coïncide pas, d'une façon absolue et suflisante, avec cette phase de l'intoxication où le cœur réagit par accé- lération à l'influence exercée sur lui par l'excès de re'sistance : on observe, par exemple, une accélération considérable en même temps qu'une haute pression, puis un renforce- ment de la fréquence alors que la pression artérielle redescend, pendant la phase toxique; les tracés de François-Franck sont, à cet égard, des plus démonstratifs. On ne peut donc subordonner les changements de fréquence et de rythme du cœur aux variations déterminées primitivement dans les deux circulations aortique et pulmo- naire; et il faut admettre que la digitaline exerce sur le cœur une influence primitive, à laquelle vient s'ajouter l'intervention, à titre d'effet mécanique, du spasme vasculaire. Chacune de ces actions réagit effectivement sur l'autre, mais chacune d'elles, isolément, est insuffisante pour interpréter exactement et complètement les phénomènes. La démonstration de cette action directe, primitive, exercée sur le cœur par la digi- taline a été fournie, voici déjà longtemps, par les expériences de circulations artificielles pratiquées sur le cœur des animaux à sang froid à l'aide de sang déflbriné ou de sérum chloruré. Un cœur de tortue, ainsi soustrait à toute influence extérieure d'innervation ou de résistance variable, montre toutes les phases de ralentissement, de régularisation, d'arythmie, d'accélération, comme le cœur en rapport avec le système nerveux central et les vaisseaux périphériques. FRANçois-Fr.ANCK a cherché à réaliser, dans la mesure du possible, de semblables expé- rience» sifr les animaux à sang chaud. N'ayant pu parvenir à soumettre le cœur des mammifères à une circulation artificielle, il a réussi à réduire le circuit aux vaisseaux pulmonaires-coronaires, en conservant la propre circulation de l'animal, et à rendre ainsi le cœur indépendant, non seulement du système nerveux central, mais aussi des variations de la pression artérielle : les variations de résistance vaso-motrice qui peuvent alors se produire dans ce circuit sont négligleables, en raison de leur faible importance mécanique. Le chien sur lequel était pratiquée cette expérience était installé dans la baignoire-étuve imaginée par François-Franck pour éviter le refroidissement. Son bulbe était détruit, et la respiration artificielle maintenue pendant toute la durée de l'opération. Après ligature de la veine cave supérieure, et de la veine azygos, des artères aortiques supérieures, de l'aorte à la partie inférieure, du thorax et de la veine cave inférieure, la circulation se trouve réduite au circuit pulmonaire et au circuit coronaire. La masse du sang se trouvant ainsi réduite, il faut diminuer dans une proportion adéquate la quantité de digitaline injectée, de manière à obtenir une dilution sanguine équivalente, et pratiquer des injections partielles par le tronçon cardiaque de la veine azygos, afin d'éviter le contact rapide et brutal d'une trop grande quantité de poison avec le myocarde. Le cœur était isolé du système nerveux central par la section ou la ligature des nerfs extrinsèques, précaution d'ailleurs à peu près inutile, par suite de la perte rapide d'action des centres nerveux anémiés. Les branches de l'aorte étant liées on évite ainsi la répercussion des variations de résistance du circuit aortique. Un large circuit était ménagé de l'aorte à la veine cave pour éviter une trop grande surcharge ventriculaire, les tronçons artériels et veineux pouvant, par leur exten- sibilité, servir de trop-plein, et le dispositif permettant d'enlever à volonté le sang digitaline. L'expérience ne réussit qu'avec des cœurs préalablement refroidis d'une façon graduelle. [Chien à bulbe détruit et installé dans la baignoire-étuve. Température rectale 39°. Température du sang dans le circuit aortico-cave 38", 8. Après ligature successive de la veine cave supérieure et de la veine azygos, des artères aortiques supérieures, de l'aorte à la partie inférieure du thorax et de la veine cave inférieure, la circulation se trouve réduite au circuit pulmonaire et au circuit coronaire. La masse de sang contenue dans ce double circuit et dans les cavités cardiaques étant évaluée au cinquième de la masse totale, on injecte des doses de digitale ou de digitaline correspondant sensiblement à la dose toxique normale réduite des quatre cinquièmes, de façon à obtenir une dilution sanguine à peu près équivalente. Les injections partielles sont faites par le tronçon car- diaque de la veine azygos pour éviter le contact rapide d'une trop grande quantité de digitale avec le myocarde. La respiration artificielle est continuée et les coronaires DIGITALE. 35 reçoivent un sang aussi oxygéné que si l'isolement relatif du cœur n'avait pas été pra- tiqué. Dans cette expérience, le cœur est séparé du système nerveux central par la sec- tion ou par la ligature des nerfs extrinsèques, mais celte précaution est rendue à peu près inutile par la perle rapide d'action des centres nerveux anémiés. Il ne peut subir le con Ire-coup de variations de résistance produites dans le circuit aorlique, les branches de l'aorte étant liées. On a réservé un large circuit de l'aorte à la veine cave pour éviter CïPuW KiG. 8. — Démonstration de l'etfet ralentissant produit par la digitaline en dehors de toute intervention vaso-motrice générale pouvant élever la pression. Le cœur est réduit par des ligatures successives préalables au circuit pulmonaire et coronaire-cardiaque (ncliéma de gauche} ; l'aorte thoracique est réunie à la veine cave inférieure par un tube de jonction portant «les tubulures pour thermomètre et pour robinet; une sonde ventriculaire fournit les courbes de pression et de fréquence. S, systoles. — D, diastoles. — Ligne 1, état normal, 84 systoles. Ligne 2, après injection par l'azygos de l'infusion aqueuse de 25 milligrammes de feuilles de digitale, ralentissement de 84 à 48 et arythmie. Lignes 3 et 4. retour à une fréquence voisine de la normale, avec quelques irrégularités (systoles géminées). — Arvthmie et ralentissement durant 15 minutes : l'arythmie survient 2ninutos après l'injection. une trop grande surcharge ventriculaire, les tronçons artériels et veineux pouvant, par leur extensibilité, servir de trop-plein, et le dispositif permettant d'enlever à volonté le sang digitaline. Dans ces conditions d'isolement du cœur du système nerveux et du circuit aorlique, ou observe la même évolution des accidents cardiaques, sous l'influence de la digitale, que si le cœur était encore capable de subir l'action nerveuse centrale et Taclion des variations de résistance artérielle. L'effet que pouri\ait exercer sur la fréquence et le rythme du cœur une vaso-constric- tion pulmonaire digilalinique est absolument négligeable, car on a vu qu'il n'y avait pas à compter avec lui dans la production des changements de la fréquence du cœur.] Dans ces conditions, François-Franck a vu se succéder la même évolution des acci- dents cardiaques que l'on peut observer sur l'animal indemne : phase de ralentissement, systoles géminées et bigéminées, arythmie, reprise de fréquence, etc. L'habile expérimentateur a, de plus, réussi à prouver, à l'aide de circulations artili- cielles de sang digitaline dans des coeurs de tortue soumis à une pression d'afflux cl à une résistance d'écoulement constantes, l'indépendance des variations d'énergie ventri- culaire par rapport aux changements de la résistance ou à ceu.x de l'apport sanguin. Dans ce cas, l'augmentation d'énergie, le débit exagéré, le travail renforcé, fournis par un ventricule isolé, ne subissant aucune variation d'apport sanguin, n'ayant à surmon- ter qu'uue résistance constante, prouve évidemment que la digitaline exeixe une action primitive et directe sur le tissu neuro-myocardique. On peut donc admettre la réalité d'une action de la digitaline sur le cœur, indépendante de celle qu'elle exerce sur les vaisseaux et sur le système nerveux central. V. Effet de la digitaline sur la fonction des oreillettes. Rapports des modifications auri- culaires et ventriculaires. — Les variations de fréquence, d'énergie et de rythme des oreillettes présentent un intérêt beaucoup moins considérable. Il était pourtant intéres- sant de rechercher si la solidarité existe entre elles, comme nous l'avons vu pour les ventricules, et de savoir si les troubles ventriculaires sont subordonnés aux troubles auriculaires. 36 DIGITALE. Sous rinfluence de l'empoisonnement graduel par la digitaline, les oreillettes subis- sent d'aboid un ralentissement avec augmentation d'énergie, puis, une accélération pendant laquelle cette énergie persiste; à une période plus avancée, apparaît une arythmie de formes très variées, en même temps que l'ampleur des systoles diminue ; enfin, l'activité des systoles diminue, tendant de plus en plus vers l'état diastolique et ne constituant plus, à un certain moment, que des petites secousses inefficaces; "finale- ment, l'arrêt se fait en diastole, sans que les oreillettes passent, comme les ventricules, par une phase prémortelle de tétanisation plus ou moins accentuée. Au contraire encore de ce qui se passe dans les ventricules, on observe une diminution de Ténergie des sys- toles auriculaires dès [l'apparition, de l'arytlimie, ainsi que le défaut de synchronisme et de synergie. C'est là nn exemple de plus de l'indé- pendance desauricules entre eux et avec les ventricules. Même pendant la phase Vol.Ocr. Arylhm.or. wrr m.nM. - -—Y Voi.Od. ' nJ : :..- -— - hhhdfihfilifilifi^dh Vi \J \) \j p i] \j \i \j 11 \j " ij y u y u MUH d'énergie décroissante des oreillettes, les ventricules continuent à déployer un effort plus grand qu'à l'état normal; et dès le début de l'action de la digitaline, on voit s'établir un désaccord manifeste enlre les deux oreillettes : l'oreillette droite meurt d'abord et se trouve déjà arrêtée en diastole alors que la gauche donne encore des systoles. La question de la subor- dination du rythme des ven- tricules à celui des oreillettes ne se pose même pas, puisque l'on observe constamment, dans les expériences de cir- culation artificielle sur le ventricule isolé d'animaux à sang froid, ou après sup- pression d'une oreillette par inhibition ou ligature chez les mammifères, les mêmes trouilles ventriculaires que sur les animaux chez les- quels oreillettes et ventri- cules conservent leurs rap- ports normaux. D'autre part, la dissociation de rythme entre les deux oreillettes est fréquente; et l'on voit, par exemple, coïncider l'immobilité diastolique auriculaire avec une phase de tachycardie régulière ou arythmique des ventricules, ou bien, au contraire, on observe une arythmie extrême des ventricules coïncidant avec la régularité parfaite des mouvements auricu- laires. En un mot tous les désaccords de rythme sont possibles. Mais la question de la subordination de l'énergie ventriculaire aux modifications subies par le travail des oreillettes est moins facile à élucider. En leur qualité de réser- voirs veineux devant faire l'office de régulateurs du courant sanguin, les oreillettes pourraient faire retentir sur laréplétion des ventricules les modifications que leur fait subir à cet égard la digitaline. L'hypothèse que le travail du cœur est réglé par l'activité des systoles auriculaires et par le degré de répiéiion des oreilleltes est en efl'et fort plau- sible. Or, dans un travail publié en 1800 et 1891 dans les Archiccs de pht/!>iologie, François- Fi(i.9. — Modifications de la fréquence et du rythme des deux oreil- lettes sous l'influence de la digitaline à doses croissantes. Vol. 0(1. et Vol. Od, Changements de volume des oreillettes droite et gauche. P. v. d. Pression intra- ventriculaire droite. — Ari/thm. or. début des accidents au 6' milligramme de digitaline cristallisée Duquesnel. — Brusque début de l'arythmie, simultanément dans les deux oreillettes (le plus souvent, cette arythmie débute dans l'oreil- lette droite, mais ne tarde pas à. envahir l'oreillette gauche). En même temps que les troubles de rythme, apparaît l'effet, atouique, avec tendance ù l'état diastolique progressif, supprimant les systoles actives et produisant une augmentation du volume moyen au-dessus de l'abscisse XY : les deux oreillettes, incapables d'évacuer leur contenu, se laissent passivement distendre. Pendant cette période d'accidents auriculaires, les ventricules conservent leur fonctionne- ment à peu prés régulier. DIGITALE. 37 Franck a montré, avec tracés graphiques à l'appui, que les nerfs cardiaques modifient parallèlement, mais indépendamment, l'énergie dos oreillettes et celle des ventricules. L'action des poisons du cœur se produit dans le même sens : leur action élective peut Lien, en effet, intéresser plus particulièrement tel ou tel élément anatomique, mais non pas une région spéciale. L'enregistrement simultané des changements auriculaires et ventriculaires, au point de vue de leur énergie relative, montre, en effet, que les varia- tions, de mêmeciue celle de fréquence et de rythme, sont, dans une certaine mesure, parallèles dans les oreillettes et les ventricules, mais réciproquement indépendantes. Ces tracés permettent de tirer les conclusions suivantes : A une certaine phase de l'ary- FiG. 10. — Comparaison de l'arythmie digitalinique dans les deux oreillettes. Vo/. O. g. et Vol. O. d., changements de volume des oreillettes droite et gauche. — S. o. + fortes systoles. — a. y., systoles avortées intercalées. Au 5» milligramme de digitaline cristallisée Adrian, dans la phase arythmique, les oreillettes donnent de fortes systoles séparées les unes des autres par des systoles avortées (partie 1 de la figure). A une période plus avancée de l'intoxication, les systoles avortées disparaissent, et les fortes systoles persistent seules; mais elles sont à peine marquées dans l'oreillette droite qui perd plus rapidement son activité (partie 2 de la figure). Les systoles fortes commencent par s'atténuer et l'on voit survenir, peu à peu, l'immobilisation en diastole. L'e.xtinction des contractions est plus précoce dans l'oreillette droite; ot l'on observe également une fréquence moindre des systoles avortées. L'oreillette droite meurt, en efiet, la première, mais sa mort ne précède que d'un très court espace de temps celle de l'oreillette gauche. thmie digitaliniquc, à une forte systole auriculaire succède une forte systole ventriculaire ; l'énergie des contractions auriculaires et ventriculaires augmente parallèlement, au moins au déhut de l'action et avec de faibles doses ne troublant pas le rythme cardiaque; mais on observe souvent des changements en sens inverse, et l'augmentation parallèle d'éner- gie auriculaire et ventriculaire qui est la règle au début cesse dès l'apparition de l'ary- thmie; les ventricules subissent encore un renforcement d'énergie alors que l'inhibition auriculaire commence et va en s'accentuant. Les oreillettes perdent seulement les pre- mières leur activité; et il y a indépendance complète jusqu'à la fin. Nous sommes donc en droit de dire que l'action exercée par la digitaline sur les ven- tricules est une action locale, indépendante des effets inhérents à la résistance artérielle ■et des fonctions des oreillettes, ainsi que des troubles que ces fonctions peuvent subir. VI. Questions théoriques. Mécanismes. — Les expériences dont il vient d'être ques- tion, ainsi que les circulations artificielles dans des ventricules isolés de tortues et celles 38 DIGITALE. de circulation réduite au circuit pulmonaire-coronaire dans des cœurs de mammifères, permettent de conclure que c'est dans le tissu neuro-myocardique ventriculaire qu'il faut localiser la raison de ces variations de fréquence, de rythme et d'énergie; l'influence du système nerveux central, celle des vaisseaux, celle des oreillettes ayant été sucessi- vement éliminées. Il nous faut maintenant rechercher par quel mécanisme peut s'inter- préter cette action. L'action de la digitaline sur les appareils modérateurs intracardiaques est rendue KAp.Sph. 't!— — -^ -A •; - •- lV.Ap.Ox.S. , ,-—----.-.-- —--.-......—.„-.. Pp.Cap.Sp. aaaaaaa/wvw -H— -r-'-^A Pr.C.Hg. "Isa' "■"" ^""': "\. Pr.Y.d. -:-.._..-::.__..._....._.^.:. FiG. 11. — Action atonique du nerf vague sur lo myocarde démontrée par la dépression ♦ diastolique ventriculaire droite. Pr. V. d., pres.sion intra-ventriculaire droite. — Pr. C. Hg., pression artérielle dans la carotide au mano- mètre à mercure. — Pr. Car. Sp., pression artérielle dans la carotide au sphygnioscope. — Pr. Ap. Ox. S., pression artérielle dans l'artère pulmonaire au manomètre à oxalate de soude. — P. Ap. Sph., pression artérielle dans l'artère pulmonaire au sphygmoscope. — E f! , excitation du l)out périphé- rique du vague gauche. — Dépression diastolique associée à la diminution d'activité systolique et au ralentissement fcombinaison des effets ralentissant et atonique). Les minima diastoliques de la courbe de pression intra-ventriculaire [Pr. V. d.) s'abaissent notablement, jusqu'à devenir tangents à une abscisse dont ils étaient assez écartés auparavant et dont ils s'éloignent ensuite graduellement après que l'action cardio-atonique, provoquée par l'excitation du vague, a cessé. vraisemblable par l'analogie des effets qu'elle détermine avec ceux de l'excitation directe des nerfs d'arrêt; mais cette analogie n'est qu'apparente et masque des différences du plus grand intérêt. Une excitation centrifuge du nerf vague, prolongée pendant six secondes avec un courant faradique d'intensité moyenne, détermine l'espacement des systoles ventriculaires comme le fait la digitale et ce ralentissement s'accompagne d'une chute de pression dans l'aorte et l'artère pulmonaire et provoque, pendant les longues pauses diastoliques, un gonflement ventriculaire dû à l'expansion des cavités cardiaques par le sang veineux qui s'accumule sous charge croissante. Quelques différences se montrent déjà : dans les arrêts produits sous l'influence de la digitaline, les pressions artérielles tombent moins bas et leur chute est moins rapide; en raison de la résistance augmentée à la périphérie du système artériel en vertu de la même influence toxique DIGITALE. 39 agissant sur le cœur : pendant les pauses diastoliques, les oreillettes continuent à donner des systoles retentissant sur la courbe ventriculaire, tandis qu'elles sont supprimées pendant les arrêts diastoliques déterminés par l'excitation du nerf vague. Il est vrai que cette dernière différence est sans valeur, les oreillettes conservant souvent leur action alors que les ventricules sont inhibés et donnent des chocs diastoliques, correspondant à une variété du bruit de galop, lorsqu'on excite fortement les nerfs vagues. Mais une différence qui imprime à l'intluence exercée par la digitaline un caractère absolument spécial, lient à l'action cardio-tonique de la digitale, opposée à l'action car- E- E^Jr.f^iiKIeB.P.A'aq.d. Zér>oG:E, FiG. 12. — Action atonique du nerf vague démontrée par la chute de pression aortique sans ralentissement du cœur. Chat éthérisé — En A, une première excitation, courte et assez intense (chariot à la division 10 de la bobine de Gailïe), du bout périphérique du vague droit produit un faible ralentissement et une chute de la pression aortique de 120 à 90 millimètres de mercure {Pr. C. Hg.). — En B, une seconde excitation du bout péri- phérique du même vague droit, beaucoup plus faible, mais aussi beaucoup plus prolongée (chariot à la division 0 de la bobine de Gaiffe), ne ralentit pas le cœur, mais produit une chute notable do la pression carotidienne, de 118 à 105 millimètres de mercure. — Le ventricule gauche est devenu incapable de sou- tenir la pression aortique à sa valeur normale sans subir de diminution de fréquence. dio-rtien avant l'apparition de la grande accélération toxique (dans l'expérience à laquelle se rapporte ce tracé, l'augmentation de fréquence était seulement de un quart), mais elle n'est encore que relative, car de fortes excitations peuvent déterminer un notable ralentissement, comme au début. lération cardiaque avec élévation de la pression artérielle, en même temps qu'une aug- mentation de la puissance des systoles ventriculaires. Non seulement l'influence régula- trice continue des centres se trouve supprimée, mais les influences accélératrices peuvent alors se donner un libre cours. Une excitation directe et intense des nerfs accélérateurs et toni-cardiaques détermine aussi exactement les mêmes phénomènes de tachycardie et de renforcement que l'action de la digitaline introduite brustjuement et à forte dose dans la circulation : on retrouve, de plus, ici les mêmes effets d'expansion diastolique exagé- rée succédant aux systoles plus amples que l'on observe avec la digitale. Une seule modi- fication bien facilement explicable, car il ne s'agit pas en réalité d'une différence, se manifeste dans ces expériences comparatives : l'excitation des nerfs toni-accélérateurs reproduit en un court espace de temps la série des effets que la digitaline met un temps relativement prolongé à dérouler; mais les nerfs excités n'agissent que pendant un temps 42 DIGITALE. très court, tandis que la digitaline mainlient son action par la continuité même de sa présence et son contact prolongé avec les éléments anatomiques. Il y a lieu de se demander à présent si la tachycardie digitalinique résulte de la paralysie des nerfs modérateurs, ou bien si elle est seulement le résultat de la surex- citation des nerfs toni-acclérateurs, ou encore si elle n'est pas, à la fois, la conséquence de l'alTaiblissement d'activité des premiers et de l'excessive irritabilité des seconds. Le fait du ralentissement du début n'implique pas, nécessairement, une augmentation de l'action cardio-modératrice d'origine centrale. Cette hypothèse, qui semble légitimée par cette observation que le cœur, ralenti au préalable au moyen de la digitaline, devient tachycardique après Pr.Ctt.SpK. Dj)r.6mg^.Dij-H=fi4.P. J là i H n.â « A n mm B.P.V.+ 5 'i/i/i^-^'î?p^-.;^fïï-„'"^.^="i /] /l/I/l/i/; U Il ru 111 n hmlhkLl\!\U B.P.V.+ IO. la double vagoto- mie, cette hypothèse est infirmée par ce fait que le cœur sé- paré des centres est aussi efficacement ralenti sous l'iu- tluence de doses gra- duelles de poison. L'action essentielle, efficace, doit donc se passer à la péri- phérie; et ce ralen- tissement peut être subordonné à une exagération intra- cardiaque d'action modératrice déter- minée par le contact du sang chargé de di- gitaline avec les ex- trémités nerveuses. Une variation d'ac- tivité dans les appa- reils terminaux d'un nerf n'entraîne pas, nécessairement, une variation de même sens dans la valeur des effets que peut produire l'ex- citation artificielle du tronc de ce même nerf. Et l'expéri- mentation montre, en effet, que l'excitabilité centrifuge du nerf vague peut varier dans des sens différents, au cours de l'intoxication digitalinique : le ralentissement des con- tractions cardiaques peut coïncider avec une exagération de l'action modératrice du nerf vague aussi bien qu'avec la constance de cette action, ou, au contraire, avec une diminution de cette action frénatrice. On peut également noter une augmentation d'ex- citabilité sansque le cœur soit ralenti, ou une exagération de l'excitabilité malgré l'accé- lération digitalinique. Kaui-mann a démontré que la perte de l'action cardio-modératrice du bout péri- phérique du neif vague, ou tout au moins sa diminution, est un phénomène constant, la règle, à la période ofi l'accélération toxique se substitue au ralentissement, ou bien lorsqu'elle survient d'emblée, sous l'influence de fortes doses de digitaline qui n'ont pas laissé à la période de ralentissement initial le temps de se produire : il semble donc que l'accélération digitalinique soit due à la paralysie des extrémités périphériques des Fkt. 15. — l'eile graduelle de l'actiou ralentissante du nert vague sur le cœur ' accéléré par la digitaline. Courbes de la pression carotidienne au sph3'gmoscope chez un chien de 18 kilos. I, après injection veineuse de 6 milligrammes de digitaline (IIomolle et Quévenne) le cœur déjà ralenti subit un surcroît notable de ralentissement par excitation faiblo du bout périphérique du vague (chariot à la division 5 de la bobine Gaiife). — 2, ajirès nouvelle injection de 2 milligrammes (total 8), cinq minutes après, l'accélération s'est substituée au ralentissement (114 pul- sations au lieu de 84), et une excitation plus forte ne produit plus de ralen- tissement (chariot à la division 10 de la bobine Gaiffe). — 3, après nouvelle injection de 1 milligramme (total 9 milligrammes, dose toxique non mortelle pour un chien de 18 kilos) : dix minutes après, la fréquence s'est élevée à 180 pulsations, et de très fortes excitations du vague (chariot à la division 45 delà bobine Gaiife) produisent un ralentissement qui est à peine de 5 p. 100. — Tout effet ralentissant du vague disparaît plus tard dans la période d'hypertachycardie toxique. DIGITALE. 43 fibres modératrices des nerfs vagues. Mais Françojs-Franck a fait voir que les effets cardio-modérateurs que ne peut plus produire l'excitation directe des nerfs vagues sur leur trajet sont encore provoqués par des irritations endo-cardiaques, c'est-à-dire portant sur la périphérie même de ces nerfs, et obtenues au moyen de chocs brusques effectués sur la région sigmoïdienne de l'aorte au moyen d'une sonde introduite par la carotide droite : la réaction d'arrêt, très caractérisée, ainsi produite, survient simulta- nément dans les deux ventricules. Ce n'est qu'à une période beaucoup plus avancée de l'intoxication que ces réactions frénatrices disparaissent graduellement. Mais bien plus, cette suppression complète de l'action modératrice des nerfs vagues, aussi bien en dehors du cœur que dans l'intimité "de son tissu, peut ne pas coïncider avec l'accéléra- tion. Enfin, l'on peut même observer une diminution de cette action frénatrice malgré le ralentissement digitalinique (fig. 16). Les expériences que l'on peut efîectuer sur les nerfs accélérateurs donnent les mêmes .J\jUuvJUULLu\iAUAAAAAJUUA^^ Pr.A.p.Ox.S. .i--.„ l'ciuls. CiU Pr.fem.Hg. vwVW\aaww/w\ AAAAy^v^^^Ar- I I I Chocs. Sigm. Fia. 16. — Persistance des effets cardio-modérateurs sous l'influence d'excitations endocardiaqucs, l'effet ralentissant de l'excitation du bout périphérique du nerf vague ayant disparu dans l'intoxication digitali- nique avancée. Chien de 24 kilos; injection veineuse de 8 milligrammes digitaline cristallisée Adrian. — Chocs, Siç/m., chocs brusques pratiqués sur la région sigmoïdienne de l'aorte à l'aide d'un cathéter introduit par la carotide droite. — Pr. fém. H. Contiff. •T- frfr- Ficj. 17. — Arythmie di_.,'it.ilini4ue. Fliases successives et disparition à la période ultime de l'einpoisonnement. systoles anticipées rc^pétées en st^ries; groupe A, 10; groupe B, 45 : tétanos incomplet, chaque ventricule ne donne pas le maximum d'etfort dont il est capable, ce qui amène comme cou^équonce une chute de la pression artérielle par défaut d'alimentation, comme si le cieur était arrêté en diastole. — 2. tachycardie prémortelle, brusquement remplacée par demi-tétanisation bi-ventriculaire à secousses dissociées, à laquelle succède la période terminale d'ondulations fibrillaires indépendantes des deux côtés. Fondions ventrieu- laires suspendues en M. Quelquefois, tentatives de reprises de systoles actives comme dans la ligure 3. — 3, les accès du palpitations se rapprochent et la tachycardie devient continue, les deux ventricules aryth- miques restant synchrones. — 4, les deux ventricules redeviennent réguliers, tout en restant très accé- lérés : c'est la phase de tachycardie prémonitoire pendant laquelle la mort survient brusquement comme en 2. [Ces figures ont été interverties par suit; d'une erreur et devraient se succéder dans l'ordre 1, 3, 4, 2.] 46 DIGITALE. d'un état de resserrement moyen des ventricules constituant un tétanos atténué, à secousses dissociées et irrégulières, comme il en apparaît souvent an cours des intoxi- cations cardiaques avec des poisons tétanisants, et notamment avec la digitaline; puis, „ Vol. ().d.* mm fihhhif'u»! MlllwniHitNIU Vol. On nuu'iw^ iM liitl A,ji..,ùriîiK«i l]'>^«-lij;'JlllO ,.« M;i fl fin Pr.A.P. PivCa PI^V.d. ^^ 23 à 25 P. ^^ hLil I L IIL IWHHHlilunBlnlmnuMIMnliW Pu.V.g. 180. P. Epcc'.|forte,0.4' I 2i0 P FiG. 18. — Ataxie cardiaque produite par une forte excitation de l'oreillette droite. Asynchronisme apparent des deux ventricules. Pu. V. g., pulsations veutriculaires gauches. — Pr. V. d., pression intra-ventriculaire droite, avecla sonde à ampoule élastique. —Pr. Ca., pression artérielle dans la carotide, avec le sphygmoscope. — Pr, A. P., pression artérielle dans l'artère pulmonaire, avec le sphygmoscope. — Vol. O. r/. et Vol. 0. d., change- ments de volume des oreillettes gauche et droite. — Sous l'influence de l'excitation auriculaire unilaté- rale, les deux oreillettes subissent l'état habituel d'ataxie et les deux ventricules présentent une grande accélération arythmique avec nombreuses systoles avortées : les pulsations actives et inefficaces sont en nombre égal à droite et à gauche. Cependant la carotide ne donne que 15 pulsations et l'artère pulmo- naire 23 à 25 seulement, chaque ventricule exécutant 43 systoles dans le même temps ; 28 pulsations sont donc avortées au point de vue aortique (carotidien) et 18 ou 20 seulement ne retentissent pas dans l'artère pulmonaire. Cette inégalité ne résulte pas d'un défaut de .synchronisme, mais provient d'une insuffisance d'alimentation vcntriculaire gauche par un ventricule droit encore assez actif pour provo(iuer de faibles eff'ets sur la pression dans l'artcre pulmonaire à son voisinage immédiat, mais ne déployant pas un eflFort systolique suffisant pour faire traverser à son ondée tout le parcours du circuit pulmonaire. l'accès terminé, les ventricules compensent la période précédente de surexcitation par un ralentissement notable. On observe aussi cet asynchronisme apparent qui peut faire croire à plusieurs systoles du ventricule droit pour une seule systole du ventricule gauche; mais ici, comme pour la digitale, l'inscription sunuiltanée des variations de pressions et DIGITALE. 47 des pulsations ventricuiaires montre que chaque ventricule a bien donné le même nombre de systoles, mais qu'un certain nombre de pulsations ventricuiaires gauches ont avorté par suite d'une insuifisance d'alimentation par le ventricule droit, encore assez vi"oureux, cependant, pour déterminer de faibles pulsations à son voisinage immé- diat, dans l'artère pulmonaire, mais incapable d'un effort systolique suffisant pour faire franchir à cette ondée sanguine le circuit pulmonaire. 11 y a synchronisme absolu et synergie relative, et l'assimilation avec les effets produits par la digitaline est des plus étroites. Les excitations appliquées à l'oreillette gauche sont beaucoup plus efficaces encore que celles appliquées à l'oreillette droite, mais on n'observe qu'une différence de degré. La réaction ventriculaire est beaucoup plus intense, et l'on voit survenir facilement un état tétanique et alaxique comme celui qui résulte d'une irritation mécanique acciden- telle, par exemple le pincement, la ligature, l'application d'un explorateur, l'introduc- Pr.Vjj. Ml jMiiliVWMHlin/IJIiH'i ïffiii, 1 E E - iitiiiiiiiml . m p. : . 252 p. 190 P. • ^ ^.'-^sU^ ^ c::!.^ '/gTét Va Tét FiG. 19.— État demi-tétanique bi-vcntriculaire produit par l'excitation induite très brève et faible de l'oreillette gauche Chien à température élevée (SG^S). — Excitation induite très faible de roreillette gaucho ayant duré à peiue 8 dixièmes de seconde. Tachycardie et arythmie : la fréquence passe de 194 à 252, systoles redoublées, avortées, exactement synchrones, et ce synchronisme se poursuit dans la période de restitution où le cœur revient à sa fréquence primitive, 190. A ce moment, la synergie n'est que relative: le ventricule gauche déploie un effort systolique plus grand parce que l'alimentation pulmonaire se trouve exagérée lorsque le cœur arythmique reprend son activité. — Resserrement ventriculaire (demi-tétanos) semlilable dans les deux ventricules. Comparer ces effets démi-tétaniques avec ceux que détermine la digitaline, figures 3 et 17. tion d'une canule : aussi est-il indispensable d'atténuer cette sensibilité exagérée par la cocaïnisation préalable, ou, tout au moins, de réduire l'intensité et la durée des excita- tions. On peut aussi substituer une irritation traumatique à ces excitations électriques souvent trop intenses et impossibles à graduer à volonté. En appliquant au myocarde les procédés d'exploration utilisés pour un muscle ordi- naire, et en inscrivant ses variations de consistance, ou bien par l'exploration de la pres- sion à l'intérieur des ventricules, on peut constater que l'état des ventricules accélérés et arythmiques consiste essentiellement en une tétanisation incomplète à secousses disso- ciées. La production du tétanos, chez un animal soumis à l'intluence de l'atropine, de façon à supprimer toute action cardio-modératrice centrifuge ou intra-cardiaque, et dont le cœur est isolé des centres toni-accélérateurs par la section de tous les filets du sym- pathique, démontre que ce tétanos est bien d'origine myocardique et non pas d'origine nerveuse. Quant à la réalité de ce tétanos, elle est prouvée par le niveau élevé des secousses systoliques et par la décontraction incomplète des ventricules. C'est en atténuant l'impressionnabililé ventriculaire au moyen de badigeonnages de cocaïne que François-Fr.^nck a pu réaliser, chez les mammifères supérieurs, une tétanisation non suivie de mort et montrer ainsi qu'il n'y avait pas de différence dans la façon suivant laquelle le myocarde réagissait aux excitations artificielles chez les ani- 48 DIGITALE. maux à sang chaud et chez les animaux à sang froid et que la digitahne est un poison tétanisant pour le myocarde de tous les animaux. Le refroidissement préalable; la chlora- lisalion à haute dose; utilisés par Mac William et par Glev; l'emploi de certains ani- maux de préférence à d'aulres, par exemple, le la[)in ou les animaux nouveau-nés; la Vol.l^. Durcis',/ luRelôcK. \ f I \\ el Evac"/ I RÈpl-1 \\\^ VoV J J jUUUUup ||ll^|^M(M^MlV^l/f^^ FiG. 20. — Démonstration m\ogra].)hiquo directe do la tétanie veutriculaire caractérisant la mort parla digitaline. La paroi ventriculaire gauche est saisie entre les mors d'une pince myographique spéciale dont le schéma 1 permet de se rendre exactement compte : une branche de la pince, formant ressort, a été introduite par l'oreillette gauche et presse sur la paroi musculaire qui est comprimée, d'autre part, dans le point extérieur correspondant, par un bouton d'explorateur à ressort fixé à l'autre branche de la pince; les deux branches sont serrées an degré convenable par une vis de rappel. L'appareil donne les courbes de durcissement systolique et de relâchement diastoliquc du myocarde, schéma 2. Eu même temps, on explore les changements de volume du ventricule droit au moyen d'un explorateur à air muni d'une scrre-tine qui est accrochée à un point de la paroi ( IV*;. loc.j-, la membrane sans résistance de cet explorateur suit passivement les mouvements de retrait et d'expansion de la paroi : la systole attirant à elle la serre- fine et la membrane rappelle l'air extérieur dans le tambour explorateur et détermine la descente du style du tambour enregistreur, de sorte que la courbe systolique est en sens inverse de la courbe systo- lique de la pince myographique, schéma 2 (P, courbe de la pince myoçiraphiquc du ventricule gauche; Vol, courbe des chanfieuients de volume du ventricule droit; S, systole D, diastole). — Au moment de la mort du cœur provoquée par la digitaline les courbes myographiqnes et les courbes volumétriques (P. m. et Vol partie inférieure de la figure) montrent l'état de tétanisation du myocarde associé à une diminution de volume. Les pulsations extérieures des ventricules sont le résultat d'une combinaison outre les variations de con- sistance du myocarde et de réplétion des cavités. Le dispositif ci-dessus permet une appréciation plus exacte des changements de consistance de la paroi ventriculaire en réalisant une sorte de pince myogra- phique permettant d'enregistrer les durcissements (gonflements produits par la contraction) et les relâ- chements alternatifs d'une portion limitée do cette paroi. Si les secousses finales du cœur intoxiqué par la digitaline sont des secousses tétaniques, elles doivent s'accompagner d'un gonflement plus on moins accusé de la paroi musculaire saisie entre les mors de la pince myographique et se traduire par des vibra- tions s'inscrivant à un niveau plus ou moins élevé, suivant l'importance du gonflement local. Le tracé Pm montre bien que cette phase de la mort du ventricule s'exprime comme le ferait la tétanisation dissociée d'un muscle strie. En mémo temps, les changements de volume du ventricule droit, déterminés à l'aide d'un dispositif sem- blable à celui utilisé pour l'enregistrement du changement de volume des oreillettes (tambour fermé par une membrane indifférente et très souple reliée à la paroi par une serre-fine rigide), montrent qu'au moment de la phase tétanique, s'accusant par le durcissement et les vibrations musculaires, le volume moyen du ventricule droit diminue, comme on s'attend à l'observer sous l'influence de l'état de demi-resser- rement systolique des ventricules tétanisés (ligne Vol). provocation simultanée de l'influence inhibitriee du nerf vague utilisée par Vulpian et Laffont, avaient déjà atténué l'opposition paradoxale qui saule aux yeux dès l^s pre- mières tentatives d'excitation par un courant faradique du ventricule de la grenouille et des ventricules d'un mammifère supérieur; mais c'est l'emploi de la cocaïne qui a permis d'analyser rigoureusement la série des phénomènes et de les comparer étroite- ment à ce qui se passe dans le myocarde soumis à rinfluence toxique de la digitaline. DIGITALE. 49 La cocnïnisalion locale d'une partie déterminée du cœur la rend réfractaire aux excita- tions ou, suivant l'intensité de cette cocainisation, atténue son excitabilité aa point (jue des excitations très intenses, capables auparavant de tuer brusquement le cœur, ne pro- duisent plus qu'une action passagère très atténuée : on peut aussi pratiquer, dans le même but, la cocainisation générale en injectant 1 centigramme de cocaïne par kilo d'animal; ce dernier procédé est même préférable. Comme le dit fort justement François-Franck, on réalise ainsi une sorte d'acbemiaement à la transformation du cœur d'un mammifère en cœur d'animal à sang froid. Cet artifice permet de dissocier la pbase prémortelle de télanisation, phénomène Puls.y.d. Chien 18 K, 25 W 90 r\M Exc.V.d+*OG. Exe. farad vent.pic. Après Cocaïne lrl{].p.K-il. Exc.V.d.+ 40G. min illlltm'lllimlnltllllllllllnl lllïvMJ^-''''^^^ Exc.V.G.-f-ZO G. Picj. 21. — Tôtanisalion ventrieulaire presque complète, mais transitoire, produite par l'excitation induite des ventricules dont l'excitabilité a été atténuée par la cocaïne. L'administration aux chiens d'un centigramme par kilo do chlorhydrate de cocaïne détermine une remar- quable diminution do l'excitabilité des ventricules, sous l'influence de la faradisation, et permet de leur appliquer de très fortes excitations sans les tuer et en y provoquant de grands accès de tétanos. Compa- rer les courbes de tétanisation des ventricules, obtenues dans ces conditions, avec celles que produit l'intoxication digitalinique. — 1, Faradisation du ventricule droit, chariot à la division 40 do la bobine G.vifke ; — 2, faradisation du ventricule droit, chariot à la division 40 de la bobine Gaikkiî; — 3, faradisation du ventricule gauche localisée à la région de Kronëckkr-Schmell, chariot à la division 20 de la bobine Gaiffe; — 4, faradisation du ventricule gauche, chariot à la division 40 de la bobine Gaiffe. essentiellement actif, et de montrer qu'il est tout à fait distinct de la trémulalion fibril- lairequi constitue un acte d'épuisement, une manifestation de péristaltisme désordonné survenant dans un muscle doué de propriétés rythmiques et qui vient de subir un épui- sement intense. Le phénomène important, constant dans sa production, est la tétanisa- tion en masse du myocarde, qu'elle soit ou non fusionnée en une contracture parfaite, et l'inefficacité de ces contractions saccadées sur le contenu sanguin des ventricules qui ne se relâchent pas suffisamment dans l'intervalle pour recevoir du sang : telle est la phase terminant la vie du cœur empoisonné par la digitaline, ainsi que l'avait déjà fait observer Claude Bernard, aussi bien que le signal de la mort imminente du cœur faradisé (fig. 22). DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME. V. 50 DIGITALE. L'excitation interstitielle du myocarde, réalisée par une injection de liquides irritants dans les artères coronaires, est capable de produire un tétanos parfait avec fusion com- plète des secousses, et contracture persistante, comme celui d'un muscle strié soumis à des décharges induites fréquentes et se tétanisant progressivement, alors que les excita- tions superficielles ne produisent qu'un tétanos imparfait à secousses dissociées, ne se fusionnant pas en contracture soutenue : c'est à ce dernier mode d'excitation que l'action de la digitaline est comparable. L'analogie se poursuit même plus loin, caries influences qui atténuent la réactivité directe du myocarde à ces excitations superficielles, comme l'intervention du chloral, de la cocaïne, par exemple, rendent aussi le cœur moins impressionnable à faction delà digitaline. Celte analogie est même si parfaite (jue l'on pourrait superposer les courbes du téta- P.V.d. 1^ ]Mo^t.sub.p.Fal^V.cJ. UJUJUuuu^'uuu^ HOU^U E^ Mort.Sub.p.Far. 2V. FiG. 22 — Graphiques de la mort du cœur par la digitaline et par la laradisation directe. 1, Chien empoisonné par 10 milligrammes de dig-italine cristallisée Adrian: — 2, faradisation totale du cœur hez un chien, marquée par la lettre E; — 3, faradisation locale du ventricule droit chez un chat, marquée par la lettre E. — La phase toxique terminale de la courbe 1 (digitaline) est abrégée et moins marquée, à cause de la cocaïnisation préalable de l'animal. nos dissocié des ventricules produit par la digitaline et de celui que détermine la sti- mulation périphérique du'ecte par un courant faradique. La digitale n'est d'ailleurs pas le seul des poisons cardiaques avec lequel s'observe une pareille concordance; et l'assi- milation avec les excitations faradiques directes est d'autant plus étroite et parfaite qu'on leur compare l'action déterminée par un principe actif plus rigoureusement puritîé. La digitaline très pure, comme la strophantine d'ailleurs, manifeste une énergie toxique nette- ment plus accentuée que celle déterminée par les variétés de digitalines commerciales insuffisamment purifiées et renfermant encore des proportions plus ou moins considé- rables de digitaléine. La phase de ralentissement initial se trouve alois, sinon supprimée, du moins fort écourtée; les troubles de rythme sont moins dissociés, et la mort du cœur arrive à dose moindre, et avec des accidents tétaniques plus subits et plus précoces. C'est là ce qui a fait dire h. FRANvQIS-pRA^'CK que la digitoxine (allemande) était plus active, plus toxique que la digitaline (française), interprétation inexacte à mon avis, aussi bien en vertu de considérations chimiques que physiologiques, et qu'il serait DIGITALE. 51 fâcheux de laisser s'accréditer. D'autant que, appliquant déjà le Post hoc ergo propter hoc, on a voulu donner cette dilTérence de toxicité, d'après les travaux de François-Franck, comme preuve de la non-identité de la digitaline cristallisée chloroformique française avec la digitoxine allemande. , L'action de la digitaléine est celle de la digitaline, mais atténuée, gagnant en durée ce qu'elle perd en intensité, si l'on peut ainsi dire; et permettant, cela me parait incon- testable, de mieux suivre et analyser la succession des phénomènes (Voir flg. 3). Quoique, ainsi que je l'ai déjà fait observer, l'action toxique de la digitale en nature soit plus énergique que celle de la somme des principes actifs, digitaline et digitaléine, actuellement isolés et bien étudiés, il n'en est pas moins certain que l'évolution des phé- nomènes toxiques qu'elle détermine est moins rapide, les diverses phases en sont moins subintrantes et précipitées que cela ne s'observe avec la digitaline. La tétanisation représente le summum d'action exercée par la digitaline sur le myo- carde, l'intervention du système nerveux étant, à cette période, complètement suppri- mée par suite de sa paralysie : on observe en effet, successivement, d'abord l'augmenta- P .Vff êmê wiimmmm Tel clv.Jtn.Di vetvb . Telaiv.Sttlja di-îsoc . . Trenu,cl. av. TUlâck. grai. FiG 23. -r Tvpe de l;x mon subite des deux ventricules tués par la digitoxine. Les deux ventricules sont pris subitement de tétanisation à secousses ' dissociées après la période de tachycardie prémonitoire ; puis ils passent par la phase de trémulation ondulatoire avec relâchement graduel aboutissant à l'immobilité diastolique. — Par la comparaison de ce graphique avec ceux des figures 3 et 17. il est facile de constater que le mécanisme de l'action physiologique est toujours le même, qu'il s'agisse de digitaline amorphe, de digitaline cristallisée, ou du produit appelé par les Allemands (.Ih/i- toxine : seules, l'intensité et la rapidité d'évolution des phénomènes sont un peu différentes. tion de la puissance systolique, puis de la tachycardie simple avec renforcement d'énergie, ensuite la tachycardie arythmique avec accès demi-tétanique, enfin la téta- nisation vraie à secousses dissociées : cet accès final de tétanisation est le signal de la mort du cœur; le poison a déjà tué le cœur au moment oîi apparaît la trémulation fibrillaire qui succède à ce tétanos. Le myocarde est tué comme il l'est sous l'influence des stimulants physiques; les différences que l'on peut observer sont réductibles à des questions de doses, et l'on peut, à l'aide de doses suffisantes de digitaline très pure, fou- droyer le cœur avec la même instantanéité. Le myocarde tué par la digitaline est devenu complètement inexcitable, même par les courants faradiques les plus intenses. L'influence directe de la digitaline sur le myocarde rend compte, en outre, des acci- dents tétaniques observés pendant la période de tachycardie arythmique, accidents que l'intervention du système nerveux était insuffisante à expliquer. Il faut remarquer, de plus, que cette influence sur le myocarde s'exerce pendant toute la durée de l'action de la digitaline et que ce myocarde a dû avoir sa part dans la production des accidents toni-arythmiques. François-Franck a encore cherché, par sa très ingénieuse expérience de la séparation physiologique de la pointe du cœur, à fournir une preuve de cette action musculaire directe, indépendante, de la digitaline sur le myocarde Une constriction linéaire éner- gique, obtenue au moyen d'un fil fort, est appliquée transversalement au niveau du quart inférieur du ventricule d'une grenouille : on détermine ainsi la formation d'une région basale qui continue à se contracter et à se relâcher rythmiquement tandis que la région du sommet, de la pointe, reste distendue par le sang que les systoles de la région active ont projeté dans sa cavité; et cette portion ainsi distendue ne pourra plus se cour 52 DIGITALE. tracter que si elle est soumise à des excitations, soit externes, soit internes, représentant pour elle la stimulation qu'elle cesse de recevoir de la région basale. On injecte alors sous la peau quelques dixièmes de milligramme de digitaline eu solution hydro-alcoolique, et on voit au bout de quelques minutes la contracture tétanique s'établir dans la région basale du venti-icule, taudis que le sommet reste distendu, le sang chargé de digitaline n'ayant pas pu y pénétrer. Si l'on vient alors à le percuter légèrement, à gratter sa sur- face à l'aide d'une pointe mousse, ou à le presser légèrement entre les doigts, comme pour l'exprimer, la contraction se produit, arrive à vaincre la résistance opposée par la ligature, et le sang emprisonné dans cette région du sommet se vide dans la région basale, mais pour être aussitôt remplacé par du saug chargé de digitaline provenant de la circulation générale. Dès ce moment, on voit la diastole de cette région du sommet FiG. 24. — Expérience de François-Franck : séparation pliysiologique de la pointe du cœur subissant l'action myocardique de la digitaline. 1, Cœur normal delà grenouille : en diastole et en systole; — 2, cœur après séparation physiologique de la pointe opérée au moyen d'une constriction linéaire : D, diastole de la base avec 'immobilité de la pointe ; S, systole de la base distendant passivement la pointe; — 3 et 4, cœur intact et cœur [après séparation physiologique de la pointe, et sous l'intîneuce d'une dose toxique de iligitaline : 3, (C int.) cœur intact présentant une contracture totale du ventricule : la base subit seule (C. sép. P.) cette contracture après séparation physiologique de la pointe qui reste distendue par le saug normal; — 4, après une série d'éva- cuations du sang normal, la pointe ayant reçu du sang digitaline prend l'attitude contracturée (C. p. contr.) et le ventricule tout entier en systole ressemble au ventricule digitaline intact (C. int.), sauf au niveau du sillon creusé par la constriction linéaire préalable. Constriction linéaii-e énergique, appliquée transversalement au niveau du 1/4 inférieur du ventricule : la pointe ainsi isolée ne peut plus se contracter que si elle est soumise à des excitations soit externes, soit internes, représentant pour elle la stimulation qu'elle cesse de recevoir de la portion basilaire. On pro- voque cette contraction par une percussion extérieure ; et l'on favorise, au besoin, l'échange du sang renfermé dans la pointe avec celui contenu dans la région basilaire par une légère pression à la surface des oreillettes. En renouvelant plusieurs fois cet échange, la pointe finit par contenir un sang assez riche en substance toxique pour impressionner énergiquement les éléments anatomiques. C'est là une démon- stration positive et directe de l'action tétanisante de la digitaline sur le myocarde. séparée par la ligature s'effectuer avec moins d'énergie qu'au début et après que Ton a renouvelé à trois ou quatre reprises cet échange de sang digitaline, la pointe est téta- nisée, en état de contracture parfaite, comme le ventricule d'une grenouille normale avec laquelle il faut pratiquer une expérience comparative pour rendre les résultats encore plus frappants. Toutefois, cette expérience n'est pas, absolument et rigoureusement, à l'abri de toute critique. Elle repose sur ce que la pointe du cœur est considérée comme dépour- vue, chez la grenouille, d'organes nerveux ganglionnaires. C'est exact, mais, par un exa- men attentif de préparations microscopiques effectuées avec la pointe d'un cœur de grenouille, et à l'aide des procédés de Golgi et de Bamo.\ y Cajal, on peut voir un lacis assez serré de rameaux nerveux parcourant le myocarde, s'y entre-croisant et formant, au niveau de ces entre-croisements, non pas une masse ganglionnaire, mais une agglo- mération évidente de cellules nerveuses qui pourraient, à la rigueur, jouer, en petit, le rôle d'un centre ganglionnaire. Toute incertitude n'est donc pas absolument écartée par ce procédé expérimental; et le but, visé par son auteur, de maintenir les relations de la pointe avec la base du cœur, sans lui permettre de s'imprégner du poison, et tout en DIGITALE. 53 conservant le moyen de la soumettre à la même influence que le tissu neuro-musculaire des deux tiers supérieurs (lu ventricule, n'est peut-être pas encore rigoureusement atteint. Quoi qu'il en soit, cette expérience est des plus importantes, en ce qui concerne le mécanisme de l'action physiologique de la digitaline. Elle plaide dans le même sens que toutes les considérations qui tendent à faire jouer au myocarde un rôle, sinon exclusif, du moins fort important, presque prépondérant, dans l'évolution des phéno- mènes. Diurèse. — L'action diurétique de la digitaline est incontestable, bien qu'elle ait donné lieu à un assez grand nombre de discussions; mais elle me paraît très efficace- ment favorisée par des produits qui l'accompagnent dans la digitale. Faire de la diurèse une conséquence de l'augmentation de tension artérielle est une hypothèse plus qu'insuffisante et qui ne résiste pas à l'analyse. Les expériences, effec- tuées il y a déjcà longtemps par Lauder-Brunton et Power, n'étaient cependant guère favorables à cette interprétation. Ces observateurs avaient montré que, sous l'influence d'une injection de digitale dans la circulation d'un chien, on notait une élévation de la pression sanguine, mais, en même temps, une diminution, voire même un arrêt de la sécrétion urinaire : les artères rénales, foi^t contractées, mettaient obstacle à la circula- tion du sang dans le rein; et l'on peut voir apparaître un faible degré d'albuminurie, comme après la ligature ou la compression de l'artère rénale. Lorsque la diurèse s'éta- blissait, cela coïncidait avec l'abaissement delà pression artérielle; de sorte que la quan- tité d'urine émise est minima alors que la pression sanguine est maxima. Ces expériences ont été vérifiées à maintes reprises; et l'on savait d'ailleurs, par les observations clini- ques, que l'action diurétique de la digitale se manifeste chez des sujets présentant une tension vasculaire tantôt élevée, tantôt abaissée, d'autres fois absolument normale. D'un autre côté, la digitaline n'exerce, très probablement, aucune action sur l'épi- thélium rénal; elle ne s'élémine pas en nature, et jamais, il n'a été possible de la déce- ler dans l'urine : il est vrai que cela ne préjuge rien de l'action que ses produits de transformation pourraient exercer sur cet épithélium (V. Diurétiques). Ce qui rend le mieux compte du mécanisme de cette diurèse, ce sont les modifications qui se produisent dans la circulation rénale, c'est l'action exercée par la digitaline sur la vitesse du courant sanguin et sur l'amplitude des systoles et des diastoles : le cœur est vidé plus complètement pendant la systole dont l'énergie est accrue, il est distendu davantage pendant la diastole, qui permet la pénétration d'une plus grande quantité de sang; et il en résulte une accélération de vitesse, malgré l'augmentation de tension artérielle, et après une diminution passagère. L'accélération du cheminement d'un liquide dans un tube poreux augmente l'inten- sité des phénomènes d'endosmose; et ce fait permet d'interpréter l'action diurétique que la digitaline exerce chez les individus affectés d'hydropisie ou d'œdème. Cette action était, d'ailleurs, bien connue des cliniciens, et, en 1870, Lorain disait : « On pourrait croire que les litres d'urine que la digitale a fait rendre en vingt-quatre heures sont empruntés aux tissus, tandis qu'ils appartiennent à la résorption du liquide épanché (anasarque et ascite), d'oii il suit que la diurèse est plus facile chez les hydropiques qui ont du liquide en réserve. Ainsi, la digitale serait d'un effet réellement efficace et rapide dans les maladies du cœur avec anasarque et ascite. » Il ne faisait, par cette phrase, que donner plus de précision aux assertions de Withehing qui avait fait la même observa- tion près de cent années auparavant, et à celle de Vassal qui, déjà en 1809, affirmait la nécessité d'un état d'infiltration pour que l'action diurétique de la digitale se manifestât. C'est donc à juste titre que C. Potain qualifie la digitale (et du même coup la digita- line) de « diurétique indirect, dont l'action consiste à faire rentrer dans la circulation, pour les éliminer par les reins, les liquides des hydropisies et des œdèmes », et que SiDNEY Rincer fait observer que cette résorption est la cause et non la conséquence de son action diurétique. Telle est également l'opinion de [Huchard, qui trouve sa confirmation dans le fait, signalé par Neubauer et Vogel, de l'augmentation, parfois considérable, des chlorures, liée à la diurèse digitalinique : il n'est pas rare de voir l'élimination urinaire des chlorures atteindre 20, 30, 40, et jusqu'à 50 grammes par vingt-quatre heures, après l'administration bien appropriée de la digitale; et ces chlorures ne peuvent provenir que des liquides d'infiltration. 54 DIGITALE. Je pense donc qu'il faut conclure en disant que la digitaline est un diurétique occa- sionnel qui ne déterminera cette action que lorsque les conditions physico-chimiques favorisant l'endosmose dans le liquide sanguin se trouveront réalisées. Que cette action diurétique soit facilitée, non par une augmentation, mais bien par des variations de la tension sanguine, cela me paraît certain et concordant avec ce mécanisme. Je crois, en effet, qu'il y a, dans les variations de pression sanguine déterminées par le spasme arté- riel suivi du relâchement des artérioles favorisant la diurèse (et cela quelle que soit la substance sollicitant cette diurèse) un point critique, analogue à celui que l'on observe dans la liquéfaction des gaz, au-dessus ou au-dessous duquel l'action diurétique est plu- tôt entravée. Système nerveux. — En dehors de ce que j'ai exposé précédemment, relativement à son influence sur le système nerveux cardiaque, le système nerveux n'éprouve pas de modifications appréciables sous l'inlluence de la digitaline employée à doses thérapeu- tiques et pendant peu de temps. On constate plutôt une sédation du système nerveux central qui doit jouer un rôle efficace dans la régularisation de la circulation. Mais, si la dose est trop forte, ou bien si l'administration de doses faibles est trop longtemps pro- longée, on voit survenir des phénomènes d'intolérance qui se traduisent par de l'excita- tion, de la susceptibilité aux bruits, des soubresauts tendineux, des mouvements tumul- tueux du cœur. L'atteinte supportée par le système nerveux se traduit encore par de l'inquiétude, de la pesanteur de tête, des vertiges, des hallucinations, des bourdonne- ments d'oreilles, de la dilatation pupillaire, de l'amblyopie, quelquefois même du délire : un indice très sensible de la saturation de l'organisme et de la démonstration que le système nerveux commence à ressentir l'influence toxique de la digitaline est le délire nocturne, analogue au délire alcoolique, et que l'administration de la digitale détermine avec une grande facilité chez les alcooliques. Toutes ces manifestations sont précédées, en général, de l'apparition brusque, on pourrait dire de l'explosion, d'une céphalalgie sus- orbitaire intense et particulière qui constitue l'un des symptômes les plus importants de l'intolérance : elles aboutissent, le plus souvent, à une syncope, qui est comme le signal de l'apparition des accidents graves, parfois irrémédiablement mortels. Je m'occuperai spécialement, tout à l'heure, des accidents gastro-intestinaux qui éclatent à ce moment avec une intensité remarquable. La part du système nerveux con- siste dans la paralysie du système nerveux moteur de la vie de relation, puis du système nerveux de la vie organique, que suit bientôt la perte de l'intelligence, un état comateux avec insensibilité générale. La moelle subit une diminution graduelle de son excito- motricité qui a disparu à peu près complètement, avant que les muscles ne soient atteints. Certains phénomènes caractérisant l'action de la digitaline à doses thérapeutiques sont certainement pour une large part, sinon même entièrement, des manifestations de l'influence exercée sur le système nerveux. C'est ainsi que la vaso-constriction du début est bien plutôt un phénomène consécutif à l'excitation du sympathique (excitation des vaso-constricteurs des capillaires artériels) qu'à celle de la tunique musculaire des vais- seaux contractiles : ce n'est qu'tà la période toxique, que l'élément musculaire a pu être suffisamment influencé parla digitaline pour répondre par une contracture tétanique. Ici, comme pour le cœur, il est assez difficile de dissocier les phénomènes et de déterminer exactement la part qui revient à l'élément nerveux et celle qui est l'apanage de l'élément musculaire. Cependant, l'expérience de Traube confirmée par Lauder-Brunton et A. Bernard Meyer, prouvant que la digitaline, à petite dose, ne produit plus d'augmentation de la tension artérielle, après section de la moelle épinière dans la région cervicale, bien que le ralentissement des contractions cardiaques se manifeste encore, cette expérience parait bien démontrer l'intervention efficace d'une action de la digitaline sur le sympa- thique : si, à plus fortes doses, cette augmentation de la tension artérielle se manifeste, c'est parce qu'on a dépassé la dose thérapeutique et que l'action sur le système muscu- laire peut alors entrer en jeu. Dans son étude sur l'action physiologique de la digitale, Gourvat donne comme preuve de l'action exercée par la digitaline sur les vaso-moteurs une expérience qui me paraît plutôt justifier l'interprétation précédente. Il pratique, chez un lapin, la section du sym- pathique au cou d'un seul côté ; il en résulte la vascularisation de l'oreille et de l'œil, la dilatation de l'artère auriculaire centrale dont les pulsations deviennent nettement iso- DIGITALE. 35 chrones avec celles du conir, une augmentation de la température de l'oreille, de l'atrésie pupillaire par congestion de l'iris. L'animal reçoit alors une injection de digitaline, à faible dose : au bout de quelque temps, rien n'est changé du côté de la section, tandis que de l'autre côté, l'artère centrale est diminuée de volume, à peine perceptible sous le doigt; l'oreille pâle; la pupille dilatée. Si l'on vient alors à pratiquer une injection de digitaline dans l'oreille énervée, la vaso-conslriction se produit. VuLPiAN estimait que cette expérience ne prouvait pas l'action de la digitaline sur les nerfs vaso-moteurs eux-mêmes, attendu que la digitaline, apportée par la voie circulatoire dans l'oreille énervée, pouvait encore atteindre les terminaisons du cordon cervical du grand sympathique, et, par conséquent, les extrémités périphériques des fibres qu'il four- nit aux vaisseaux. Cette objection est très juste et se présente immédiatement à l'esprit, mais il faut tenir compte aussi de la dose; et ce qui me paraît le prouver, c'est le fait de la vaso-constriction par injection directe de digitaline dans l'oreille énervée. Telle dose de digitaline, capable de déterminer la vaso-constriction lorsque les fibres terminales du cordon cervical du grand sympathique sont en relation normale avec le myélencé- phale, est peut-être insuffisante lorsque ce cordon est sectionné et que l'intluence vaso- motrice sympathique se trouve réduite à celle exercée par les ganglions de la tunique vasculaire : il faut, dans ce cas, l'intervention de la contracture musculaire, ce que me semble produire l'injection directe de la solution de digitaline dans le tissu de l'oreille énervée. Système musculaire. — Je n'ai pas à m'élendre beaucoup sur l'action exercée par la digitaline sur le système musculaire, après les détails fournis au sujet de son action sur le myocarde. La digitaline exerce, localement, aussi bien sur les muscles à fibres lisses que sur les muscles à fibres striées, une action tétanisante analogue à celle de la vératrine, ou mieux encore de la caféine. Le muscle meurt en état de contracture persis- tante, et le nerf n'est pas affecté. C'est ce que l'on peut vérifier aisément en mettant un gaslrocnémien de grenouille au contact d'une solution de digitaline. Par la voie de la circulation générale, l'action de la digitaline sur le système muscu- laire se traduit d'abord par de l'excitation, bientôt suivie de paralysie : le muscle meurt en état de tétanos, comme le myocarde. L'action sur les muscles à fibres lisses est plus lente et plus prolongée que sur les muscles à fibres striées.. Cette influence sur les muscles lisses se traduit par les évacuations alvines, les vomissements, la fréquence des envies d'uriner (je ne dis pas la fréquence des mictions, car l'anurie est souvent à peu près complète), les contractions utérines; tous phénomènes que l'on observe couramment au cours des intoxications. Quand on expérimente sur les grenouilles, on constate que les muscles striés perdent leur excitabilité environ huit a dix heures après la mort, lorsqu'elle a été déterminée par la digitaline, alors que cette excitabilité persiste plus de dix-huit heures lorsque la mort a été déterminée, comparativement, par excision du cœur. De la comparaison de ces phénomènes avec ceux qui caracte'risent l'action de la digi- taline sur le myocarde, il résulte que ce poison exerce une action élective sur la fibre musculaire cardiaque; et que l'intervention de doses relativement massives est néces- saire pour que l'impression sur les autres muscles se manifeste. L'expérience montre en effet que le cœur est déjà tué et la circulation suspendue alors que les appareils nerveux (central et phériphérique), musculaire et respiratoire sont encore intacts. Cela résulte des expériences effectuées par Vulpl\n sur la [grenouille et par C.\diat sur des roussettes {Scyllium canicula). Respiration. Température. Nutrition. — La diminution du nombre des mouve- ments respiratoires est la règle, avec les doses faibles, thérapeutiques, de digitaline : aux doses toxiques, on ohserve une accélération suivie de ralentissement. Ce ralentissement circulatoire et respiratoire concordant avec un abaissement, par- fois notable, de la température, facilité par la constriction vasculaire et le resserrement des artérioles, comme dans l'expérience de Gourvat, tend à démontrer une diminution dans les échanges organiques, un ralentissement dans la dénutrition. Des expériences de Mégevand, effectuées à l'aide de la variété de digitaline portant dans le commerce la dénomination de digitaline d'HoMOLLE et Quéven.n'E, ont confirmé ces déductions. Sous l'intluence de l'absorption, par la voie gastrique, de un quart de milligramme de cette 56 DIGITALE. digitaline, Mkgevand observa le ralentissement du pouls jusqu'à 60 et même 40 pulsa- tions par minute; la température s'abaissa de 1" à lob; il se produisit une légère diurèse aqueuse et l'urée tomba de 21 à 15 grammes par vingt-quatre heures. Ces effets se prolongèrent encore pendant quelques jours après la cessation de l'absorption de la digitaline. Toutefois, ces elTets sur la nutrition peuvent être variables, car il résulte d'expériences de Lauder-Brunton que l'élimination de l'urée et de l'acide carbonique exhalé est plus considérable qu'à l'état normal durant la période d'augmentation de la tension artérielle. Ce résultat concorde avec les expériences de Guido Cavazzini qui aurait constaté, à cette même période, une augmentation de la capacité du sang pour l'oxygène. A l'inverse de ce qu'on observe sous l'influence de la caféine, on constate la produc- tion] d'une |hypotherniie centrale, tandis que la 'température périphérique s'élèverait de quelques dixièmes de degré. Ces résultats sont assez discordants et nécessiteraient de nouvelles recherches. Appareil digestif. — L'appareil digestif n'est intéressé que par l'introduction brusque de fortes doses d'emblée, ou bien lorsque éclatent tout à coup les phénomènes d'intolérance succédant à une administration trop longtemps prolongée. La sécheresse de l'arrière-bouche, des nausées, des éructations, des vomissements, des coliques, de la diarrhée, sont les manifestations d'une action irritante locale en rapport avec l'élimi- nation de la substance toxique. C'est, en effet, seulement dans ces déjections, alvines et stomacales, que l'analyse chimique permet de déceler la présence de la digitaline et de démontrer ainsi, en quelque sorte, l'effort de la natura mecUcatrix pour se débarrasser du poison. Ces phénomènes se produisent aussi bien, quelle que soit la voie d'introduction du poison : gastro-intestinale, sous-cutanée, veineuse. Les troubles gastro-intestinaux constituent toujours une manifestation grave de l'intoxication digitalinique : ils tra- duisent la stimulation du péristaltisme intestinal, sans hypersécrétion nécessaire, et se montrent souvent sous forme de coliques sans diarrhée, témoignant de la tétanisation des fibres musculaires lisses de l'intestin. Quant aux vomissements, ils sont caractérisés par leur ténacité et leur caractère laborieux, la violence des efforts, la douleur persis- tante et à caractère pongitif qu'ils produisent, ainsi que par leur tendance à reparaître spontanément après une certaine période de calme relatif. Accumulation. Espèces réfractaires. — Je ne saurais terminer cette étude de la digitaline, faite surtout au point de vue physiologique, sans dire quelques mots de deux phénomènes plutôt susceptibles d'intéresser la pratique thérapeutique, mais qu'il faut au moins signaler. Chez les mammifères, et surtout chez les mammifères supérieurs, on n'observe pas d'accoutumance à l'action de la digitaline. Bien mieux, il se fait une sorte d'accumulation si l'on introduit journellement dans l'organisme des doses faibles et incapables, isolément, de déterminer des accidents; et l'on voit éclater tout à coup ces accidents d'intoxication, comme si l'on venait d'administrer brusquement, en une seule fois, une dose toxique. En administrant, par exemple, à un chien du poids de 20 kilos une quantité de digita- line de 5 milligrammes pendant plusieurs jours de suite, on voit, vers le septième où le huitième jour et sans que rien ait pu le faire prévoir, survenir tout à coup des accidents d'intoxication aussi violents et aussi subits que ceux qui résulteraient de l'introduction, en une seule fois, dans l'organisme du même animal d'une dose de 35 à 40 milligrammes de digitaline; absolument comme si les doses journalières s'étaient ajoutées les unes aux autres, attendant pour démasquer leur action que la dose toxique fût atteinte. C'est de cette façon que, chez l'homme, l'usage prolongé de digitaline, ou de prépa- rations de digitale, détermine tout à coup l'apparition de ces accidents d'intolérance, toujours extrêmement graves, souvent même mortels. Pour donner une idée de la gravité de ces accidents, il faut ajouter qu'il n'existe pas d'antidotes réels de la digitaline; et rappeler que l'action élective sur le myocarde peut en déterminer la mort, par une téta- nisation irrémédiable, avant que l'action de la digitaline ne se soit manifestée d'une façon évidente sur les autres appareils. Cette accumulation de la digitaline est en rapport avec ce fait que l'expérience vérifie et sur lequel j'ai déjà attiré l'attention. La digitaline ne s'élimine que très lente- ment de l'organisme, et sous une forme encore inconnue, car on l'a toujours vainement DIGITALE. 57 recherchée dans l'urine et les diverses excrétions. Elle n'apparait dans les déjections alvines et stomacales que lors des accidents graves d'intoxication, et parce que alors elle s'élimine en nature par les glandes de la muqueuse gastro-intestinale. Elle paraît offrir une résistance notable aux actes physico-chimiques qui s'accomplissent dans l'organisme vivant, et ne subir que très lentement les modifications qui la rendent inoffensive; de là son action médicamenteuse à longue portée. Certains animaux sont réfractaires à l'action de la digitaline. Vulpian avait signalé le fait pour le crapaud qu'il considérait comme le seul animal vraiment réfractaire à l'action toxique de la digitale. Cette observation était d'autant plus intéressante que ce même expérimentateur avait démontré l'action du venin de crapaud sur le cœur de la gre- nouille dont il arrête les mouvements avant d'abolir la motricité des nerfs de la vie ani- male ou la contractilité des muscles des membres. Depuis, des recherches nouvelles ont permis d'envisager le rat, sinon comme absolument réfractaire, au moins comme tout particulièrement résistant. On a pensé que le sang de cet animal exerçait peut-être une action antitoxique sur la digitaline; et cette hypothèse a inspiré à Binet (de Genève) la pensée de pratiquer quelques essais de sérothérapie qui n'ont pas confirmé ces pré- visions. Ses recherches ont, en effet, abouti aux résultats suivants : le sérum du sang de rat, injecté à un cobaye, n'atténue en aucune façon l'action exercée sur cet animal par la digitaline. D'autre part, le sérum de rat intoxiqué par la digitaline ne s'est pas montré toxique pour le cobaye, mais il n'a pas non plus atténué l'action toxique d'une injection subséquente de digilatine. Dans une thèse reproduisant les recherches et les essais de Bînet, L. Scofone énonce les conclusions ci-après. La digitaline ne perd pas son pouvoir toxique après macération à l'étuve avec divers tissus organiques appartenant à une espèce insensible à ce toxique (rat, couleuvre, crapaud). Le sang et le sérum des animaux insensibles à l'action de la digitaline n'exercent pas de pouvoir antitoxique vis-à-vis de cette substance. Les ani- maux sensibles à l'action de la digitaline ne sont pas rendus réfractaires à ce toxique par l'injection de sérum appartenant à un animal insensible à cette substance. 11 serait néanmoins intéressant de reprendre ces essais avec du sang de crapaud, ou de salamandre aquatique, dont le venin exerce sur le cœur de la grenouille une action analogue à celle du venin de crapaud. Bibliographie. — A elle seule, la bibliographie de la digitale pourrait faire un volume : le nombre des mémoires, tant au point de vue de l'étude chimique qu'au point de vue de l'action physiologique, est tellement considérable qu'il serait aussi inu- tile que fastidieux d'en donner l'énumération. Je me bornerai à citer les travaux qui m'ont paru les plus importants et que j'ai mis à contribution pour la rédaction de cet article. WjTHERi.NG. An account of the Foxglove and some of its médicinal Uses, Birmingham, 1785. — Sandras. De la digitale pourprée et de ses effets pJiysioloyiques et thérapeutiques (Bulletin général de thérapeutique, v, 1833). — Homolle et Quévenne (Journal de phar- macie et de chimie, vu, iSio; — Mémoire sur la digitaline, Paris, 1851). — Stannius. Untersuchungen ueber die Wirkwig der Digitalis iind des Digitalin (Archiv fur physiolo- gische Heilkunde, x, fasc. 2, 1851). — Traube. Ueber die Wirkungen der Digitalis (Canstatt's Jahresbericht, \, 1853 et Charitc-Annalen, 1851). — Vulpian (B. B., (2), ii et m, 1854, 1855 et 1856); — (Leçons sur l'appareil vaso-moteur, 1875). — Bernard (Claude). Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses, Paris, 1857. — Legroux. Essai sur la digitale et sur son mode d'action, Paris, 1867. — Tourbes. Notes sur les différences d'action des préparations de digitale (Gaz. méd. de Strasbourg , 1867). — Goursat. Physiologie expée rimentale sur la digitale et la digitaline (Thèse de Paris, 1871). — Mégevand. Action de la digitale et de la digitaline. Étude de physiologie expérimentcde (Ibid., J872). — Nativelle (Journal de pharmacie et de chimie, (4), xx et xxi, 1874 et 1875). — Schmikdeberg (Neues Hepertorium fur Pharmacie, 1875, et A. P. P., m, 1875; analysé in Bulletin général de thérapeutique, 1875, Lxxxvin, 454). — Guido Cavazzini. Action de la digitaline sur la circii lation (Annales d'Omodeï, 1878). — Fbançois-Franck. Nouvelles recherches sur les effets de la sijstole des oreillettes sur la pression ventricidaire et artérielle (A. de P., 1890, 395). — Application du procédé de cardiographie volumctrique auriculo-ventriculaire à l'étude de l'action cardio-tonique des nerfs accélérateurs du cœur (A. de P., 1890, 810). — Notes de 58 DIGITALE. — DIOPTRIQUE OCULAIRE. technique opératoire et graphique pour l'étude du cœur mis à nu chez les mammifères {A. de H., 1891, 762 et 1892, 105). — Clinique médicale de la Charité. Analyse expérimentale de l'action de la digitaline sur la fréguence, le rythme et V énergie du cœur, 1894. — Binet (de Genève). In thèse de L. Scofone, Genève, 1894. — Kiliani [Archiv der Pharmacie, ccxxx el ccxxxiir, 4, 30 juin 189o; — Ber. Deutsch. Chem. Gesells., xxiv, 1895. Traduit dans les Nouveaux Remèdes, xi, 1893). G. POUCHET. DIOPTRIQUE OCULAIRE. — I. introduction. -Il s'agit ici non de la dioptrique en général, mais de ladioptrique de l'œil. Le mot « dioptriqae » s'applique à tous les phénomènes dus à la « réfraction » de la lumière, en opposition avec la « catop- trique », qui désigne les phénomènes dus à la réflexion de la lumière. Une première orientation sur la dioptrique oculaire s'obtient par l'expérience sui- vante, démontrant que les objets extérieurs forment une image renversée sur le fond de l'œil humain, ou sur le fond de l'œil d'un animal mammifère. On n'a qu'à exposer en un endroit obscur un œil énucléé de lapin albinos devant trois bougies allumées et dispo- sées en triangle; on verra par transparence à travers la sclérotique, au pôle postérieur de l'œil, une image très petite et renversée des trois lumières. La même chose s'observe sur l'œil humain, si, à l'exemple du Père Scheiner, on enlève les membranes (opaques à cause du pigment), et si dans le trou on intercale du verre dépoli ou du papier trans- lucide. L'œil humain est une chambre obscure, mais pas une chambre obscure simple. L'ouver- ture qui donne accès à la lumière, la pupille, trop grande pour donner à elle seule des images nettes des objets visuels, est munie d'un système dioptrique collecteur qui assure la netteté des images formées au fond de la chambre noire. La chambre est noire grâce au pigment noir de la tunique moyenne de l'œil (choroïde, corps ciliaire et iris). Le sys- tème dioptrique collecteur nous est donné dans les milieux transparents de l'œil et leurs surfaces de séparation. Une condition essentielle d'une bonne vision est que des images aussi nettes que pos- sible des objets extérieurs se forment au fond de l'œil, sur la rétine, afin que les rayons émis par un point lumineux n'éclairent qu'un seul point de la membrane sensible. Dans l'œil des animaux supérieurs, cela est réalisé par l'application du principe de la chambre noire nmnie d'un système dioptrique. Nous verrons que dans l'œil composé des insectes, ce résultat semble obtenu d'après un autre principe. Il est enfin des animaux inférieurs chez lesquels cette condition d'une bonne vision n'est pas réalisée; un point de la mem- brane sensible y reçoit des rayons lumineux de plusieurs points objectifs. La lumière est donc réfractée en passant à travers le milieu de l'œil, et le résultat global de cette réfraction est de faire converger les l'ayons homocentriques (partis d'un point lumineux), de façon à ce qu'il se forme sur la rétine des images nettes des objets visuels. La première question qui se présente est celle de savoir où s'opère cette réfraction. D'après un principe de physique bien connu, la lumière se propage en ligne droite dans un milieu homogène; elle est déviée de la ligne droite lorsqu'elle passe d'un milieu dans un autre, contre la surface de séparation, mais seulement dans certaines circonstances : fl) il faut que les deux milieux soient d'indices de réfraction différents, et 6) il faut que l'incidence sur la surface de séparation ne soit pas normale. Pour qu'une surface de séparation entre deux milieux de l'œil, autrement dit pour qu'une « surface anatomique » soit en même temps une « surface réfringente », il faut donc que les deux milieux qu'elle sépare aient des indices de réfraction différents. Pas- sons en revue, à cet effet, les diverses surfaces anatomiques que la lumière rencontre d'avant en arrière dans l'œil. — En premier lieu, il y a la surface antérieure de la cornée séparant l'air et la substance cornéenne. Si nous déterminons les indices par rapport à l'air (en posant son indice égal à un), celui de la cornée est de 1,33 (ou 4/3). La surface antérieure de la cornée est donc une surface réfringente. Ajoutons dès maintenant que c'est à elle que revient le gros de la réfraction dans l'œil. — En second lieu, nous avons la surface postérieure de la cornée, séparant la substance cornéenne d'avec l'humeur aqueuse. Nous verrons que les deux indices en question difïèrent telle- DIOPTRIQUE OCULAIRE. 59 ment peu qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de cette dilTérence. Un rayon lumineux quelconque, qui a pénétré dans la cornée, passe dans l'humeur aqueuse sans se dévier. Au point de vue dioptrique, la face postérieure de la cornée n'existe pas ; la surface cornéenne est suivie d'un milieu homogène, jusque dans la chambre antérieure. — Vient ensuite la surface antérieure du cristallin, séparant Thumeur aqueuse de la substance cristalli- nienne. Celle-ci a un 'jndice supérieur à 1,33; la surface de séparation en question est donc une surface réfringente. 11 en est de même de la face postérieure du cristallin, car le vitreum possède à peu de chose près un indice de 1,33. Le cristallin est donc une len- tille biconvexe, plongée dans un milieu homogène moins réfringent que lui, et plus réfringent que l'air. — On voit aisément que l'effet dioptrique de chacune des trois surfaces réfringentes de l'œil est de faire converger des rayons homocentriques. Eu effet les deux premières sont convexes en avant; et, des deux milieux qu'elles séparent, le second est le plus réfringent. La troisième est concave en avant, mais aussi le second des deux milieux séparés par elle est moins réfringent que le premier. Nous avons donc à envisager dans l'œil un système dioptrique assez compliqué. Com- parativement à la plupart des instruments d'optique, il se complique encore de la cir- constance que le dernier des milieux transparents a un autre indice que le premier, ce qui entraîne notamment une inégalité des deux distances focales principales. Il en résulte que les développements théoriques que les traités de physique donnent à la dioptrique sont généralement insuffisants pour notre but, ou bien sont trop transcen- dants, dans leur tendance aux généralisations. Suivant en cela tous les auteurs qui écrivent sur la matière, nous reprendrons donc le côté théorique en la prenant en quel- que sorte ab ovo. A la suite de Listing, Helmholtz a adapté à l'œil la théorie dioptrique de Gauss. Dans sa forme primitive, l'exposé de Gauss est trop analytique pour être à la portée de la généralité des physiologistes. Helmholtz a cherché à y remédier en transplantant la théorie davantage sur le terrain de la géométrie et des mathématiques élémentaires. 11 semble cependant qu'il soit désirable d'aller plus loin encore dans cette voie, témoin ce passage écrit par Donders, un des grands maîtres de la physiologie optique : « J'avoue franchement, dit-il, que je ne suis pas à même de suivre les raisonnements de Gauss et de Bessel, que même l'étude de la dioptrique oculaire de Helmholtz présenta pour moi des difficultés. » — Un tel aveu, tombé de la plume d'un Donders, est bien signi- ficatif. Nous avons essayé de rendre la théorie encore plus abordable aux physiologistes non versés dans les mathématiques transcendantes, en nous basant davantage sur la géométrie élémentaire, qui a favantage'de parler aux yeux. Les connaissances théoriques nécessaires à cet effet ne dépassent guère celles des triangles semblables. Pour employer les mots de Donders, le chemin en est un peu allongé, mais il a l'avantage d'être praticable pour tout le monde. Pour cette entreprise, nous avons trouvé un guide précieux dans A. Bertin. Notre ami et collègue à Liège, Mr. RoNKAR, nous a aidé beaucoup, notamment dans l'exposé des propriétés des points nodaux, et pour compléter le travail de Bertin. Certainement, on a quelquefois trop calculé dans les questions de dioptrique ocu- laire, c'est-à-dire qu'on a calculé en quittant à peu près complètement le terrain expé- rimental. L'histoire récente de nos connaissances sur la courbure cornéenne notamment en fournit un exemple bien frappant. N'oublions pas que l'exposé doctrinal de la diop- trique oculaire, tel que nous allons le faire tout d'abord, n'est au fond qu'un moijen d'investigation, à côté de beaucoup d'autres, pouvant servir à élucider la dioptrique oculaire. Ce n'est donc pas à proprement parler un but, mais un moyen. Mais encore faut-il connaître ce moyen d'investigation pour juger de sa portée. Pour l'élucidation de la plupart des questions, on pourrait se contenter de dévelop- pements théoriques très simples. Évidemment, nous ne saurions nous en contenter à cette place. Ce n'est môme que par la connaissance intégrale de la théorie qu'on peut juger dans quels cas et dans quelle mesure ces simplifications sont légitimes. II. Historique. — Pour rencontrer des notions exactes sur la dioptrique oculaire, il faut ne pas remonter au delà de Kepler (1602), qui le premier développa les principes de la théorie des instruments d'optique. Avant lui, et plus tard encore, on se heurtait générale- ment à la difficulté, à l'impossibilité qu'on trouvait à concilier l'image renversée au fond 60 DIOPTRIQUE OCULAIRE. de l'œil avec la vision droite des objets. Porta, l'inventeur de la chambre noire, croyait encore que les images se forment sur le cristallin, organe qui, pendant tout le moyen âge, était regarde comme l'organe sensible à la lumière. Le célèbre Père jésuite Sciieiner (1619) développa la théorie de Kepler, et imagina nombre d'expériences qui sont encore aujourd'hui classiques, notamment la démonstration de l'image renversée au fond de l'œil humain et de celui des animaux supérieurs (voir page 58), ainsi que sa célèbre expérience démontrant l'accommodation dans l'œil (Accommodation, i, p. 46); il fit aussi des expériences sur les indices de réfraction des milieux de l'œil. — Nous aurions ensuite à signaler une pléiade de physiciens de la seconde moitié du xviii« siècle et de la première moitié du xix^ siècle, qui ont écrit des choses remarquables sur la diop- trique oculaire (Porterfield, 1759; Th. Young, 1802; Volkmann, etc.). — Le nom de Gauss (1841) restera célèbre par le développement qu'il donna à la théorie de la dioptrique en général (plan principaux, etc.). A l'exemple de Moebius, Listi.ng (1841) appliqua la théorie de Gauss à l'œil, et y ajouta les propriétés des points nodaux. Heluholtz enfin, le grand maître de la physiologie optique, condensa en un corps de doctrine toute la dioptrique oculaire. 11 est juste de citer avec le nom de Helmholtz celui de Donders, pour ses recherches nombreuses sur la dioptrique oculaire. III. Loi fondamentale de la réfraction. — Rappelons d'abord à grands traits les lois fondamentales de la réfraction de la lumière. Lorsqu'un rayon ao touche une sur- face de séparation ss, entre deux milieux (rig.^23), elle ne passe dans le second sans dévier que dans le cas d'une incidence nor- male à la surface. Généralement il est dévié de sa ligne droite; il se rapproche ou s'éloigne de la normale fp' au point d'in- cidence, tout en restant dans le plan de la normale et du rayon incident. Si l'angle de réfraction r est plus petit que l'angle d'incidence i, on dit que le second milieu est plus réfringent que le premier. Il n'y a pas de relation constante entre l'angle d'incidence et celui de réfraction, mais pour deux milieux donnés, il y a une rela- tion constante entre les sinus de ces angles : le rapport -^ — '■ a une valeur constante, sin r qu'on nomme indice de réfraction, et qu'on représente généralement par la lettre n. FiCt. 25. On a donc -: = n sin r Géométriquement, cela veut dire que si autour du point d'incidence o comme centre on décrit une circonférence, quelle que soit la grandeur de l'angle d'incidence, le rapport des perpendiculaires abaissées des points m et m' (où le rayon touche la circonférence) sur la normale au point d'incidence, est constant. La ligne ms est le sinus de l'angle d'incidence, et la ligne m'd est le sinus de l'angle de réfraction (les lignes so et do sont les cosinus des mêmes angles). Si le rayon passait du milieu le plus réfringent dans le moins réfringent, le rapport cj i ï^ '»' S i 11 i 1 serait plus petit que l'unité; on aurait ^t^^ =- - . — Rappelons aussi que pour le sin r ... gj,-, j, jj cas d'un rayon lumineux sortant du milieu le plus réfringent, il arrive que l'angle de réfraction atteigne avant l'angle d'incidence la valeur d'un angle droit; le sinus de l'angle de réfraction alors est égal au rayon, c'est-à-dire égal à 1. Il y a réflexion totale. On a déterminé les indices de réfraction des substances les plus diverses par rapport à l'air notamment (ainsi que par rapport au vide et à l'eau), dont l'indice est alors pris comme unité. Supposons en pi'ésence deux milieux dont les indices n' et n" ont été ainsi déterminés par rapport à un autre. La physique enseigne que pour deux milieux donnés, le DIOPTRIQUE OCULAIRE. 61 (sin t^ -. — ] est égal au rapport des vitesses de propagation de la lumière dans ces deux milieux SUl t sin r =: II. (a) v' et v" étant les vitesses de propagation dans les'deux milieux en présence. L'indice absolu (par rapport au vide) n' d'un des deux milieux sera, v étant cette vitesse dans le vide : n =^ — : V et l'indice absolu n" du second des deux milieux en présence sera : V Donc n =: ■ n n' et en vertu de la formule (a), nous pouvons écrire : sin i v' n" ■ = n ; sin r ou encore : n sin i =. n sin ?■. m C'est-à-dire que le produit du sinus de l'angle d'incidence et de l'indice du premier milieu est égal au produit du sinus de l'angle de réfraction et de l'indice du second milieu. Réfraction à travers une seule surface. — 4. Points conjugués. — Soit (fig. 20) h le point milieu d'une calotte sphérique dont le centre de courbure est k, et qui sépare Fia. 26. deux milieux réfringents d'indices n' et n", et supposons n"'^n'. Nous appelons axe optique la ligne XX' passant par le milieu h de la calotte et par son centre de cour- bure k. Un point lumineux X, placé sur l'axe optique, enverra des rayons dans tous les sens, et notamment un cône lumineux sur la calotte réfringente. L'un de ces rayons, Xh, perpendiculaire à la surface, ne se réfracte pas et passe par k; il suit la direction du rayon h k et de l'axe. Un autre rayon XI se réfractera en IX', en se conformant d'ailleurs aux lois de la réfraction. Il s'agit de déterminer la situation exacte du point X', dans ses rapports avec celle de X. Le rayon de courbure k\ passant par le point d'incidence est perpendiculaire au petit élément sphérique entourant le point 1. Il délimite donc avec le rayon lumineux XI l'angle d'incidence XIK, et avec le rayon réfracté l'angle de réfraction X'ik. Nous écrirons donc la formule ['^t, du n° III) de plus haut : 7i' sin XIK = n" sin X'IA;, Remarque générale. — Mais dans tous les développements qui vont suivre, nous 62 DIOPTRIQUE OCULAIRE. n'envisagerons que des rayons lumineux tombant sur les surfaces réfringentes très près de l'axe optique. Nous n'utilisons donc pour la réfraction qu'une petite calotte péri- axiale des surfaces réfringentes. C'est là une restriction qu'on s'impose toujours dans l'exposé de la'question. Il en résulte que les angles ouverts vers la surface sont telle- ment petits qu'ils peuvent être cofondus avec leurs sinus ou avec leurs tangentes, et vice versa. Si x est un tel angle, ^ ^ sin a; = tang x. Or nous savons que dans un triangle rectangle, le sinus d'un petit angle est égal au rapport existant entre le côté opposé (au petit angle) et l'hypoténuse; la tangente d'un petit angle est égal au rapport entre le coté opposé (à cet angle) et l'autre côté de l'angle droit. Dans ce qui suit, nous prendrons donc l'un ou l'autre de ces rapports comme mesure de certains angles, — Dans les mêmes circonstances (petitesse des angles), le cosinus devient égal à l'unité (qui est le rayon) : cos x ^ \. [Dans nos figures, les angles, supposés très petits, sont néanmoins figurésassez grands, pour conserver la clarté aux figures]. Ces remarques faites pour tout ce qui suit, reprenons l'équation de plus haut. Elle peut donc s'écrire : n' XIK := n" X'ik (loi de Kepler). {a) Mais il ressort de la figure 26 que l'angle XIK = w+ a, et que l'angle X'I/c := to — a' Nous pouvons donc écrire : n' (w + a) = n" (w — a'), (6) on encore : ?i'a. + n" a' = (n" — n')w. (c) Les angles a, a' et w déterminent donc, de concert avec n' et n",la situation du point X'. Les indices sont connus. Quant aux angles, nous allons les remplacer par leurs tan- gentes, conformément à ce qui est dit plus haut. A cet effet, abaissons la perpendiculaire lo sur l'axe, ce qui nous donnera les triangles rectangles nécessaires. Représentons par f la longueur Xh, et par /'" la longueur X'/t. lo . lo , , lo 0) := tang 0) = ^ 7—, a = tang « =z — — , a = tang a = R - ho' " ^ ~ /■' + ho' ^ ~ '^ ^ - ~ f" - ho- Mais, conformément à notre convention de plus haut, le cosinus de l'angle w, c'est- à-dire la ligne k o, devient égal au rayon (ou à l'unité), à une quantité négligeable près. Cette quantité négligeable est la petite ligne ho, qui peut donc être posée égale à zéro ' et disparaître de nos formules. Dès lors : lo lo , lo En introduisant ces valeurs de w, de a et de a' dans la formule (3), elle devient : n' n" n" — n' , ,, Celte équation fondamentale donne pour f", c'est-à-dire pour la situation de X', une valeur indépendante du rayon lumineux incident, c'est-à-dire indépendante de l'angle a. que ce rayon délimite avec l'axe, ou encore indépendante du point d'incidence sur la surface et de la distance lo de ce point à l'axe. On en conclut qu'après réfraction, tous les rayons partis du point X concourent en X', et réciproquement dans le cas où X' serait le point lumineux. 5. Points, lignes et plans conjugués. — Les points X et X', ainsi que tous les couples de points analogues, dont l'un est le point de concours des rayons émis par l'autre, sont des points conjugués;Vun est l'image de l'autre. Par extension, on nomme conjugués les rayons XI et IX' et tous les rayons analogues. L'axe optique est donc conjugué à lui- même. 1. Autrement dit, ho = R (1 — cos m)', et cos w étant égal à 1, il faut que nous ayons ho = 0. Cette élimination de la distance ho de nos formules est donc une conséquence de notre réserve de plus haut, de la limitation de la surface réfringente à une petite calotte. Le résultat dioptrique est d'éviter l'aberration sphérique. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 63 Un point Y (fig. 27), pris en dehors de l'axe optique, est dans les mêmes conditions que le point X, car la ligne Yk est la direction d'un rayon de la sphère, tout comme X/c. Le point conjugué de Y sera en Y', sur le nouvel axe; et si kY=:kX, on aura de même kY' = k\'. Donc tous les points d'une petite calotte sphérique ayant pour rayon kX, ont pour conjugués les points d'une seconde calotte sphérique ayant pour rayon AX'. Ces deux calottes ont le même axe; elles sont conjuguées. Et comme elles sont très petites (nous les supposons toujours très petites), elles se confondent avec leurs plans tangents, qui sont perpendiculaires à l'axe aux points conjugués X et X'. Géométriquement, cela veut dire Fig. 27. (fig. 28) que les distances Yy et Y'y' sont tellement petites qu'on peut les négliger, et supposer les points y et Y comme se couvrant, de même que les points y' et Y', tout comme nous avons déjà négligé la petite distance ho (fig. 26 et 27). Tous les points par- tis de y vont (fig. 28), après réfraction, concourir en y'. Donc les plans menés perpendiculairement à l'axe par les points conjugués sont (dans une petite étendue) desp/tois conjugués. Tout point de l'un a son conjugué ou son image dans le second, sur une ligne qui passe par le centre de courbure de la surface. Les images sont semblables, renversées, et le centre de similitude est en k. En vue d'une nomenclature qui a son importance pour les systèmes dioptriques com- posés de plus d'une surface réfringente, on peut nommer wead ou point nodalce centre de similitude k. Le point /t peut de môme être nommé poinf principal. Enfin, géométriquement, nous pouvons remplacer (voir plus loin, n° 6) la petite calotte de la surface réfringente par sa tangente en h. Toujours en vue de la même nomenclature, on peut nommer plan prin- cipal le plan tangent à la surface réfringente au point où elle est coupée par l'axe optique. 6. Foyers principaux et plans focaux. — Si dans l'équation [d) n° 4 on fait f'=.x , c'est- n' . /'i'\ à-dire, si le point lumineux se trouve à l'infini (ou très loin), le terme —, devient nul f — ) et on obtient pour /'" une valeur particulière que nous de'signerons par F", F" ""R ■, ^ F = T?^— T'- (a) Si l'on fait /"= ce , le terme -p-, s'évanouit, et il vient pour cette valeur particulière de f, et qu'on nomme F', i* = —r, ;• (a ) n — n ^ ' Les points de concours pour une valeur infinie de f ou de f" sont dits les foyers prin- cipaux, ou foyers tout court. Il y en a deux, le premier (ç') situé dans le premier milieu, se rapporte à des rayons parallèles à l'axe optique dans le second milieu, et le second (9"), situé dans le second milieu, se rapporte à des rayons parallèles à l'axe optique dans le premier milieu. Le foyer principal est donc le point conjugué par rapport à l'infini, et l'infini est le conjugué par rapport au foyer principil. Les distances (F' et F") des foyers principaux à la surface (ou au plan principal), données pas les deux formules a et a (qo 0), sont les longueurs focales ou distances focales principales. 64 DIOPTRIQUE OCULAIRE. De même qu'il y a des plans conjugués en général, il y a des plans focaux principaux, perpendiculaires à l'axe optique aux endroits des foyers principaux. Les rayons partis d'un point quelconque de ces plans sont, après réfraction, parallèles entre eux. Supposons FiG. 28. que, dans la figure 28, X soit un foyer principal. Le point y, situé dans le plan focal, est supposé coïncider avec Y. La surface réfringente étant sphérique, la ligne yk peut être envisagée comme axe principal, et après réfraction tous les rayons partis de y seront parallèles à yk. Divisant l'une par l'autre les équations (a et a') du numéro 6, il vient : F' n' F" n n' C'est-à-dire que le rapport des longueurs focales est le même que celui des indices. De plus, la différence des distances focales est égale au rayon de courbure de la surface, car, en soustrayant la seconde de ces mêmes équations de la première, il vient : F" — F' = R F" =rR + F' F' = F" — R. (y) 7. Équation des points conjugués. — Si dans l'équation {d) n° 4 on divise tous les termes par le second membre, on y introduit F' et F", car il vient : n' R n" R /■' ('*' ■ + ou + /■" [n" — n'} F" = 1, = 1, («) F' Cette formule permet de calculer f et f" moyennant F' et F", alors que la formule [d] u° 4 ne permet ce calcul qu'à l'aide des indices de réfraction et du rayon de cour- bure. EUe^est généralement préférée à celle-ci. Résolue par rapport à f et à f" , elle donne, pour calculer ces grandeurs, les expres- sions suivantes : F' f _ (P) n / 1 r = /■" - 1'" Vf r - F' Quand on trouve pour ces longueurs des valeurs négatives, cela signifie qu'il faut les porter du côté de la surface réfringente opposé à celui qui a été admis dans la figure 26. Observations. —\a. La formule d, n° 4, et toutes celles qui s'en déduisent ont été obte- nues en supposant que n' , l'indice du milieu d'où le rayon lumineux émane, est plus petit que n", celui du milieu oii le rayon pénètre. A l'aide d'une figure analogue à celle de lafig. 26, on peut vérifier que cette formule d est encore applicable, si l'on a n >• n", /"'prenant de lui-même le signe qui convient à sa position (en avant ou en arrière de la surface réfringente). Enfin, on peut faire voir par le même procédé que cette formule d (et par conséquent toutes celles qui s'en déduisent) est aussi applicable au cas où le rayon incident ren- contre la concavité de la sphère, pourvu que l'on change R en — R. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 65 b) Le point lumineux peut être le point de concours virtuel de rayons homocentriques rendus déjà convergents par une première réfraction, et se trouver en arrière de la sur- face réfringente ; f doit alors être pris négativement. 8. Construction des rayons émis par un point situé en dehors de l'axe optique et du plan focal. — Iinwjes dans le cas d'un systcmc à une surface. — Notons, une fois pour toutes, que, puisque nous remplaçons toutes les surfaces sphériques par leurs plans tan- gents, il est inutile de les figurer courbes, et nous allons dorénavant les figurer par de simples droites. Soient IJ (fig. 29) une surface réfringente, 9' et ç" ses deux foyers, et Y un point hors de l'axe et hors du plan focal. Pour construire l'image de ce point, nous avons à notre disposition deux rayons que nous savons construire, et l'image Y' se trouve à l'intersec- tion de 'ces deux rayons réfractés. L'un de ces rayons partis de Y passe par -j'. Après ^ - I 0 \ 0 ^\' = F' et h o" = F", et posons YX ^ 0, et Y'X' = i. Les triangles semblables o'/iJ et JIY donnent : i F' i + o~ f ■ Lts triangles semblables hlz>" et JIY' donnent : i + 0 f" En divisant l'une de ces équations par l'autre, il vient : i F' f (a) o~F" f" En y remplaçant successivement f et /"' par leurs valeurs ([3) du n" 7, on a aussi i_FT' F' /-"—F" F-y /' 1^" p,, (1^) 9. Distances des foyers principaux et des points conjugués au centre de courbure. — Détermination du conjugué d'un point quelconque. — Au lieu d'exprimer la relation entr^ les foyers conjugués moyennant les distances de ces foyers au sommet de la surface réfringente, on peut choisir à la place de ce point principal un autre point de l'axe optique. DICT. DE PaYSIOLOGIE. — TOME V. 5 06 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Géométriquement parlant, cela revient à choisir une autre origine aux ordonnées moyennant lesquelles on exprime les relations entre les points et les lignes conjugués ^ On pourrait choisir comme origine des ordonnées n'importe quel point de l'axe optique. Le point principal s'est recommandé par la circonstance que de toutes façons il est géomélriquement spécifié. En le prenant comme origine des coordonnées, les formules restent relativement simples, et elles sont maniables pour la résolution de la plupart des problèmes d'optique. Un autre point géométriquement spécifié est le centre de courbure de la surface réfringente. Nous allons développer les formules des foyers conjugués par rapport à ce centre de courbure, ou point nodal. Au lieu de renfermer les distances des points con- jugués au point principal, les formules renfermeront alors les distances "focales nodales ou foco-nodales. Nous verrons que ces nouvelles formules sont absolument semblables à celles obtenues précédemment. En dioptrique oculaire, ces nouvelles formules, par rapport à k, ont des avantages pour l'étude de certaines questions, et sont souvent employées, notamment pour le calcul des dimensions des images. Enfin, nous prendrons, pour son utilité pratique au moins, une formule dans le sys- tème oîi les foyers principaux sont pris comme origines des ordonnées (à l'exemple de Newton). Nous pourrions reprendre l'équation Y X ""'7 ' ^"^^^^ Y' fondamentale (a) n" 4 et y introduire les distances foco-nodales (distances des points conjugés au point nodal) au lieu des dis- tances principales, et refaire des calculs FiG. 30. analogues à ceux qui précèdent. Mais, avec nos connaissances acquises, il nous est permis de suivre une marche plus directe. Représentons (fig. 30) par G' et G", les distances ç'A: et ç"A:, des foyers au centre de courbure, c'est-à-dire au nœud {k), et par g' et g" les distances (X k et X' k) de points conjugués quelconques (situés sur l'axe) au même point nodal; G' et g' sont comptés dans le milieu le moins réfringent. De l'inspec- tion de la figure 29, il résulte, en tenant compte des relations (a et a') du numéro 6. G' F' +R = F" = ^!^) Ji — ni G" = F"— R = F' = — n' R f«) Voilà pour les distances des foyers (principaux) au nœud. Quant aux distances des points conjugués au nœud, soient (fig. 32) XX' l'axe optique, hle point principal, /.• le nœud, 9' et o" les deux foyers principaux, Y un point lumineux quelconque situé en dehors de l'axe et en dehors du (premier) plan focal. Le point X, i. En géométrie (analytique) on détermine l'emplacement d'un point quelconque y' (fig. 30) à l'aide de ses distances à trois lignes passant par un point 0 fixe, et perpendiculaires entre elles; ces trois lignes sont les axes des coordonnées. Pour nos considérations il suffit de n'envisager que la réfraction dans un seul plan, celui de la figure, attendu que nous n'envisageons que des surfaces sphériqucs ou des systèmes symétriques autour d'un axe. Dans ces conditions deux axes des coordonnées pris dans le plan suffisent pour déterminer la position du point dans ce plan. Les lignes x y', et y' y (fig. 31) j, sont donc les coordonnées du point y', par rapport aux axes ox et oy. Le plus souvent même nous n'aurons à envisager qu'une seule coordonnée, les points à déterminer étant situés 0 sur une même ligne droite, que nous prenons alors pour axe ' y unique des ordonnées. Comme origine 0 des coordonnées, on ^^ peut choisir n'importe quel point, mais une fois choisi, il doit être maintenu. 11 est tout naturel de prendre comme origine un point caractérisé anatoiiiiquement ou dioptriquement. Un tel point est le sommet de la cornée. Un autre point remarquable est le nœud on centre de courbure, et enfin les foyers principaux. Dans les trois hypothèses, on aboutit à des formules pouvant résoudre les problèmes dioptriques. On pourrait à la rigueur choisir un autre point quelconque, mais les formules obtenues ne seraient pas maniables. .y DIOPTRIQUE OCULAIRE. 67 pied de la perpendiculaire aliaissée de V sur l'axe, a pour conjugué le point X', dont nous savons calculer l'emplacement (n" 7). Pour trouver graphiquement Y', le conjugué Y, nous avons à notre disposition deux rayons e'mis par lui et que nous savons con- struire. L'un \k qui passe par le centre de courbure et qui n'est pas réfracté ; l'autre YJ qui passe par le premier foyer, et qui après réfraction est paral- lèle à l'axe optique. Le point Y', ren- contre des deux rayons, est le conjugué (l'image) de Y. — Mais la notion des plans conjugués (n*» 5) simplifie en- core davantage la construction de Y', conjugué de Y. Il est clair, en effet, que Y' doit se trouver sur la perpendicu- laire |élevée en X' (conjugué de X, qui, lui,. est le pied de la perpendiculaire abaissée de Y sur l'axe). On n'a donc qu'à tirer le rayon \k en ligne droite — le nvjon directeur ou axe i^econdaire — et là oîi il coupe la perpendiculaire élevée en X' sur l'axe, se trouve le conjugué Y' de Y. Prenons maintenant la longueur XY comme objet o ; son image (renversée) i sera la ligne X' Y'. Nous voulons établir une relation entre les lignes /cX {=(j'), k\' {=g"), G' et G". Désignons la longueur X o' = /" — F' par /'. Les triangles semblable XY ?' et /«J-f, d'une part, XY/c et X'AY' d'autre part, nous donnent Y . l o \- h ^^^^^\\.' (?" M FiG. 35 II" m" = Bq ii{i' Les triangles semblables AaM et Bp'M donnent donc, A aou/<" I" _ AM ■ B"p^ ~BM" . „ „ R „ AM h cp =Bcp ^^. Dans la dernière équation, les points B, ç", A et M étant fixes, le second membre est constant (pour le système donné). Le point h" est donc toujours à la même distance du foyer ip", quel que soit le point où le rayon incident (parallèle à l'axe) a rencontré la surface A. Nous savions déjà que tout faisceau cylindrique de rayons parallèles à l'axe DIOPTRIQUE OCULAIRE. 71 '-^/ I' y.' S' L -"^ N.. "^ / A A' B X' X .^^ h" B X' \ 1 B' B" A" \. r h' ^ \ -)' Cp" X' Fig. 40. Fio 41. B''X' en sera le conjugué, et X' sera le point conjugué de X. Pour tracer ce rayon, à partir de B', point de rencontre avec le premier plan principal, on mène (^d'après le numéro 17) une parallèle B' B" à l'axe, et à partir du point B" oîi elle rencontre le second plan principal, on mène une parallèle avec 1"?", conjuguée de LI' qui (d'après le numéro 17) passe par le foyer principal. Le point X' oii le rayon B" X' coupe l'axe, est le conjugué de X. , . Nous nous servons donc provisoirement des foyers principaux comme si leur empla- cement était connu. En résumé, la règle suivante s'applique à la construction de rayons conjugués quel- conques, que le point lumineux soit situé sur l'axe ou non, dans le plan focal principal ou non. Dans le dernier milieu, le rayon (réfracté) a une direction comme s'il provenait d'un point situé dans le second plan principal. Ce point est le conjugué de celui du premier plan focal sur lequel le rayon est dirigé dans le premier milieu. Ces deux points sont à égales dislances de l'axe. 19. Équation des points conjugués situés sur l'axe. — Nous avons dit que dans le sys- tème composé il n'y a pas de point unique par rapport auquel on pourrait compter toutes les distances des points conjugués. Mais si, dans le système combiné, nous pre- I V jj- + jrr=^ 1» établie pour le cas d'une seule surface réfringente, est applicable égale- DIOPTRIQUE OCULAIRE. 73 nons comme distances celles qui existent entre les points conjugués et les points prin- cipaux correspondants, ainsi que les distances des foyers (principaux) aux mêmes points, nous allons démontrer qu'alors la formule fondamentale des foyers conjugués /■'■ + r ment au cas d'un système composé de deux surfaces réfringentes. Rien entendu, nous arrivons à démontrer cette proposition avant de savoir mesurer réellement ces distances. Reprenons la ligure 38, dans laquelle h'o' = F', o" h" = F", h'\ ^ f et h"\' = f". Représentons de plus par o et i les dimensions respectives de YX et de Y'X', c'est-à-dire de l'objet et de sou image. Les triangles semblables o'J'/t' et J'YI' donnent, en tenant compte que h'V = o (objet), h'ï — l (image), et Yl' = \h' : i F' 0 + i /■■ ' et les triangles semblables l"h"z>" et Y'J'T'' : F" o + i D'où, en ajoutant ces deux équations : (a) (fi) F' F" et en résolvant par rapport à /' et à /" I .... _ ^s.. I ¥■ f" f" - F' _F" '/■' ' /•' — F' / Les équations (y) et (o) sont identiques à celles trouvées (n» 7) pour le dioptre simple. Profitons encore de la figure 38 pour montrer que Véquation de Newton, établie p. 68 (n'^ i2) pour une seule surface réfringente, s'applique également au système composé de deux surfaces. Désignons par l' la distance (X o') entre le point lumineux X et le premier foyer, et par l" la distance (X' ç") entre le conjugué de X et le second foyer. En comparant les triangles qui ont leurs sommets en o' et ceux qui les ont eu 9", on aura : o_ f;__F^ d'où ■ {'-) ri" = F'F", ce qui est la forme de l'équation des points conjugués par rapport aux foyers princi- paux. 20. Grandeur des images (exprimée à l'aide des distances focales mesurées jusqu'aux plans principaux). — Au lieu d'ajouter les deux équations a et [î de plus haut (u*- 19), divisons la deuxième par la première, et il vient i F' f" o V" /•' («) En remplaçant dans cette formule successivement /" et/" par leurs valeurs (0) du n° 19, on a : i F'f" _ F' /-" — F" 0 F"/' /•' — F' F" (P) Relations identiques aux équations ((î) du n° 8 pour le dioptre simple. Ainsi, nous avons retrouvé et la construction des images et les équations fondamen- tales pour les points conjugués que nous avons déjà obtenues dans le cas d'une seule surface réfringente. Seulement, dans ce dernier cas, les distances F', F", f et f" étaient comptées à la surface réfringente, tandis que maintenant elles sont comptées aux points 74 DIOPTRIQUE OCULAIRE. principaux. Les deux plans principaux du cas qui nous occupe sont à eux deux homo- logues du plan principal unique d'un dioptre simple; il y a de même deux points prin- cipaux au lieu d'un seul. 21. Points nodaux. — Avant d'aller plus loin dans la détermination des plans princi- paux et de leurs distances aux points conjugués, définissons une autre paire de points fictifs très remarquables dans le système combiné. Dans le cas d'une surface réfringente unique, le centre de courbure jouit d'une pro- priété qui pour certains calculs, notamment pour ceux relatifs à la grandeur des images, fait préférer les formules renfermant les distances des foyers principaux et des foyers conjugués prises jusqu'à ce centre de courbure. Cette propriété est qu'un rayon dirigé sur le nœud ne subit pas de l'éfraction. — Aucun rayon lumineux ne peut générale- ment passer le dioptre à deux surfaces en ligne droite, sans se dévier, sauf celui qui suit la direction de l'axe optique. Un autre rayon lumineux dirigé sur le centre de courbure de la première surface d'une lentille passe bien cette surface en ligne droite, mais il ne saurait passer la seconde surface également suivant son rayon, sauf dans le seul cas où les deux surfaces auraient le même centre de courbure, ce qui n'est généralement pas le cas. Toutefois, dans tout dioptre composé, il y a deux points tels que le rayon dirigé dans le premier milieu sur l'un de ces points (le premier), sera dans le dernier milieu parallèle à sa première direction, donc simplement déplacé, et cela comme s'il provenait du second de ces deux points. A eux deux donc, ces deux points nodaux ', ou noewtZs, jouis- sent de la propriété fondamentale du centre de courbure, c'est-à-dire du nœud unique du dioptre simple. Nous allons voir de plus qu'entre les distances des foyers conju- gués à ces deux nœuds, il existe les mêmes relations qu'entre les lignes G', G", g' et y" d'un dioptre simple. Soit (fig. 42) XX' l'axe d'une lentille, dont les deux lignes parallèles verticales h et //' figurent les plans principaux, et ç' et ip" les foyers. Soit Y un'point lumineux, et Y' son conjugué. Le point Y envoie sur le premier plan principal un cône de rayons diver- gents. Le cône de rayons émergents, dont le sommet est en Y', a sa base dans le se- cond plan principal. Les différents rayons partis du point Y, considérés en dehors de la lentille, sont donc déviés par la lentille dans deux sens, les uns à droite, les autres à gauche relativement à leur direction d'entrée; les extrêmes sont beaucoup dé- viés, les centraux de moins en moins. Il faut donc nécessairement qu'il y en ait un qui ne soit dévié ni à gauche ni à droite, et qui sorte parallèlement à sa direction d'entrée. D'après ce que nous avons dit plus haut, il ne peut cependant pas suivre la ligne droite; il faut donc qu'il soit déplacé latéralement, en restant parallèle à sa direction primitive. Il est d'ailleurs visible que la portion incidente et la portion émergente de ce rayon singulier ne peuvent pas être du même côté de l'axe. L'une et l'autre doit donc couper l'axe. Le point de l'axe sur lequel est dirigée la portion incidente est le premier point nodal, et le point de l'axe sur lequel est dirigée la portion émergente, est le second point nodal. Le premier est généralement désigné par la lettre k' ; le second par la lettre k". Soient donc (fig. 43) k' le premier, et k" le second lumd, dans un système à deux surfaces dont XX' est l'axe, h' et h" les points principaux. Y est le point lumineux. YA' est donc la portion incidente, et Y'/i" la portion émergente du rayon singularisé. Bien entendu, les deux portions du rayon non dévié ne rencontrent pas réellement l'axe aux points k' et k" ; mais, en dehors de la lentille, ils ont des directions comme si Fig. 42. 1. La théorie des points nodaux a été développée par Mœbius poiu- des systèmes quelconques; Listing et Helmuoltz l'ont appliquée à l'œil. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 75 le rayon incitleiit était dirigé sur k' (le premier mriul) et comme si le rayon e'mergent provenait de k" (second nœud). Nous verrons un peu plus loin les emplacements exacts de k' et de k", par rapport à /i' et à h" . A l'aide des plans principaux, et le premier point nodal étant supposé donné, nous pouvons construire exactement la portion énier- y gente du rayon singulier. Soient (fig. 43) XX' l'axe optique d'une lentille,// et h" ses plans prin- cipaux. Soit Y A;' le rayon que le point lumineux (Y) envoie sur le premier nœud {k'). Le point m où ce rayon rencontre le premier plan principal, on ^ le déplace (n° 18) suivant la ligne m?î, parallèle à l'axe, jusqu'en n, point du second plan principal. Et à partir de n, on tire la ligne nY', parallèle à y m: ce sera le rayon conjugué de Ym, autrement dit la portion émergente du rayon singulier. Là où la ligne uY' coupe l'axe (en k") sera le second point nodal. Du parallélogramme innk"k' et du rectangle mnh"h' (fig. 43) il ressort que : Fig. 43. k'k" = mil = h'h" ; («) La distance entre les points nodaux est égale à la distance entre les points principaux. Des triangles égaux h'ink' et h"nk" il ressort que : h'k' = h" k" ; (P) La distance du premier point nodal au premier point principal est égale à la distance du second point nodal au second point principal. Notons dès maintenant que les points A' et k" sont conjugués, attendu que chacun d'eux est l'aboutissant de deux rayons dont les conjugués aboutissent à l'autre : à k' abou- tissent (fig. 43) les lignes \k' et \k', et à k" les lignes Y' ft"etX' A".Or Y'A" est conjuguée à Yk', et \'k" est conjuguée à XA;', l'axe optique étant conjugué à lui-même (n° 5). Les distances des points nodaux aux foyers principaux correspondants, ou ^\v distances foco-nodales, ont une relation remarquable avec les distances focales principales F' et F". Soient(lig. 44) un système à deux surfaces, A' et h" ses points principaux, k' et k" ses points nodaux, œ' et ç" ses foyers. Un point lumineux Y, du premier plan focal, envoie un rayon vers k'; la ligne ^"M est la direction du layon émergent, parallèle à Y k' . Le même point Y émet un rayon YI (parallèle à l'axe), dont le conjugué l'-f" est parallèle à ^"M, et partant à Yk'; il passe par le second foyer o". Les triangles égaux Y 9'A' et Vh"(p" donnent : Y I t) h' K ^\ r ^^\ (i ?' k' ^^.^^^ (p'"- Fig. 44. On aurait de même k' = F". 5" A-" = F' Les distances foco-nodales ^'k' et (f>"k" se désignent généralement par les lettres G' et G". On a donc : G' = F", et G" = F'. (y) C'est-à-dire la distance du premier foyer au premier nœud est égale à la seconde distance focale; et la distance du second foyer au second nœud est égale à la première distance focale, tout comme dans le cas du dioplre simple. 76 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Les points nodaiix se trouveront donc en partant, à partir de 9' vers cp" une longueur égale à F'' (ce qui donne k'), et à partir de 9" vers 9' une longueur égale à F' (ce qui donne A'"). Les points k' et k'' sont donc fixes (de mêiie que h' et /i"), et indépendants de la direction et de l'emplacement. du rayon lumineux qui sert à leur construction. De la figure 44 on tire Donc h'k' 3'A-'_F'=:F" -F'. h'k' = h" k'' = F" — F'. (5) Cette dernière équation est homologue de l'équation F" — F' = R (y, n° 6) dans le cas du dioptre simple. Elle donne un second moyen de déterminer l'emplacement de k' et de k" . Elle dit qu'à cet effet on doit porter à partir des points principaux, de gauche à droite, des longueurs égales entre elles et égales à la différence des distances focales (prises jusqu'aux points principaux). Plus exactement, il faudrait dire que ces longueurs doivent être portées, à partir des points principaux, du côté de la distance focale la plus longue. Dans nos ligures, nous avons toujours pris F''>F'. Afin de rentrer dans l'hypothèse générale^ voyons, à l'aide de la figure 4i, l'emplacement de k' et de k" si on fait varier les grandeurs relatives de F' et de F". Dans l'hypothèse de la fig^ure 44, k' est à droite de h'. Et pour trouver k", nous portons à partir de ?", de droite à gauche, une longueur égale à F'. Si nous faisons croître F' (en maintenant F" constant), k" se rapproche de plus en plus de h" (et k' se rapproche de même de h'). Si F' devient égal à F", k" coïncidera avec /t" (et k' avec h'). Enfin, si F' devient plus grand que F", k" se trouvera à gauche de /(" (et A:' de h'). Dans la dernière hypothèse, si on veut construire les points nodaux à l'aide de la formule (0), il faut porter la longueur F'" — F' à gauche des points principaux, c'est-à-dire toujours du côté de la distance focale la plus longue. — Ce résultat s'obtiendrait direc- tement par la discussion de la formule (5). Si F' = V" , la différence F" — F' = 0, les distances /t' A' et /(" k" s'évanouissent; et si F'^F", les longueurs /t'/î' et /(''/["deviennent négatives. Nous verrons plus loin (n° 26) que la condition pour que F' ne soit pas égal à F", c'est que les deux indices extrêmes (n' et n'") ne soient pas égaux; nous y verrons aussi que F'- n ij-i n donc F" n'"' ^'^' Les longueurs focales sont donc proportionnelles aux indices des milieux extrêmes (loi analogue à celle établie au n° 6, p. G4, pour le dioptre simple). Si donc les deux milieux extrêmes sont les mêmes (cas de la lentille dans l'air et du cristallin dans l'œil), les deux longueurs focales sont égales. Elles sont inégales dans le cas contraire. 27. Distances des points principaux aux surfaces réfringentes. — Soient a?i et x-i ces distances /t'A et /t"B (fig. 48) ; elles sont égales à F' — 0' et à F" — 0". Ainsi Xx =^ ; — [b\ — a) -, ;; cti + hy—d ^ ' (1-2 + fji —d' Helmholtz les a développées dans l'hypothèse où toutes surfaces réfi-ingentes sont convexes du côté où vient la lumièi-e incidente, d'où les ditïérenco.s(iue le lecteur consistera entre nos formules et celles de Helmhoi.tz, dans lesquelles entre le second rayon de courbure (R"). 80 DIOPTRIQUE OCULAIRE. d'où Ion tire : rti d a-, + fji— i On a de même : ) (a) 3'2 = ^'2 + à, — d Connaissant deux des éléments calculés aux numéros 24, 25 et 27, on peut calculer le troisième. Divisons encore les équations a l'une par l'autre, il vient : n' R' — = r-, ou (formule a, n" 24) — = ,,, „,, . (p) 11" — 1i" c'est-à-dire que les distances des points principaux aux surfaces sont proportionnelles aux distances focales extrêmes des deux diopti'es partiels. 28. Cas où les milieux extrêmes sont les mêmes. — Si n' ^^ n'", c'est-à-dire dans le cas du cristallin dans l'œil, et dans celui d'une lentille plongée dans l'air, toutes les relations précédentes se simplifient. 1° I.es deux longueurs focales F' et F" sont égales, conformément à l'équation F' n' 2° Les deux points nodaux se confondent avec les points principaux, puisque (n° 21 y), G=G" = F' = F"; 3" Les distances {x' et x") des points principaux et des points nodaux aux faces de la lentille sont proportionnelles aux rayons de ces faces. Car (n" 27), nous avons, si n'^=n" • n' R' Xi fli n" — n' R' X2 bi n'" R" R" ' 7i" — n'" 4° On aime quelquefois à donner aux expressions de 0', 0", F', F", a?iet Xî (n"' 24, 2o et 27) les formes qu'elles prennent lorsqu'on y remplace ai, a-i, 6i et h^ par leurs valeurs en fonction de n', n", n'", IV et R" (a, n° 24). On obtient ainsi pour F' l'expression : „, n' II" R' R" , , Y = ' . (a^ ti" {n" — n"')R' + n"{n" — n')R" — d{n" — n){n" — n"') ' Dans le cas où 7i' = n"', cette valeur de F' = F'', ou la distance focale unique de la lentille devient : F = ''' ''" ^'^' ^" • (8) [H" —n')[n" {R + R") — d{n" — ?i')]' ^' n" Et si on pose — ; = n, n étant le rapport de l'indice de la lentille à celui du milieu n ambiant : „_ 7iR'R" , . [n — l)[n{R' + R") — d{n — i)]' ^^' Cette formule [i (ainsi que celles [i ou a) étant développée pour le cas de la lentille biconvexe, si on l'emploie par exemple pour calculer la distance focale de la cornée dans l'humeur aqueuse ou dans l'air, il faudra y changer R" en — R'', conformément à la remarque du n° 7, p. 64. Réfraction à travers trois surfaces. — 29. Quel que soit le nombre des surfaces réfringentes d'un dioptre, nous savons (n° 13, p. 69) que, si elles sont sphériques et cen- trées, tout point lumineux placé devant la première a un point conjugué ou une image derrière la dernière surface. Si le point lumineux est situé sur l'axe optique, il en sera de même pour son conjugué. Si l'un des deux points conjugués s'éloigne à l'inlini, le second tend vers une position limite qui est un foyer principal. Le dioptre composé a deux foyers principaux : le premier (cp') est dans le premier milieu; le second (cp") est dans le dernier milieu. Tout comme le système à deux surfaces, le dioptre plus com- DIOPTRIQUE OCULAIRE. 81 pliqué donne à considérer des points — et des plans — conjugués, ainsi que des foyers — et des plans focaux — conjugués. Nous allons voir que le système de plus de deux surfaces a aussi deux points et deux plans principaux, ainsi que deux points nodaux, jouissant des mêmes propriétés que les points et pians analogues du dioptre à deux surfdces. Les surfaces re'fringentes étant au nombre de trois dans l'œil, nous allons nous bor- ner au cas de trois surfaces réfringentes, C, D et E, sphériques et centrées sur la ligne XX' (fig. 49), et séparant quatre milieux d'indices n', n", n'" et n"", se succédant de gauche à droite. Pour la simplicité des figures, et d'ailleurs pour nous rapprocher de l'état des choses dans l'd'il, nous supposons aussi que l'effet total du système soit convergent. Les formules auxquelles nous arriverons n'en sont pas moins générales. . Les deux surfaces D et E constituent une lentille B dont nous connaissons déjà l'effet dioptrique, et que nous pouvons représenter par ses deux points principaux P' et P"; ses foyers sont N' et N", avec des distances focales f (= N' P') et f (= N" P"). Au devant de cette lentille B, se trouve donc une troisième surface C, représentée par son plan principal unique, qui sépare les milieux d'indices n' et 7i", avec deux foyers M' et M" (le dernier seul représenté dans la fig. 49), et deux distances focales 7.' (=C M') et y" (= C M"), situées bien entendu dans les milieux qu'elle sépare et supposés A B prolongés. Le système total se com- pose donc de deux systèmes partiels A (simple) et B (composé de deux sur- faces). Un rayon S K, tombant parallèle- ment à l'axe sur la surface A, con- vergerait, de par cette réfraction, X vers le point M", second foyer prin- cipal du système A dans le second milieu (d'indice n", supposé pro- Fig. 49. longé à droite). Mais ce rayon ren- contre en y' le premier plan principal I' du système B. D'après le n" 18, pour avoir sa direction dans le dernier milieu, c'est-à-dire pour construire dans le milieu n"" le conjugué du rayon S K, il faut supposer le point Y transporté parallèlement à l'axe, jusqu'en y", point du second plan principal du système B. C'est à partir de y" que le rayon réfracté se dirigera vers le second foyer principal o'' du système total. Là oii il coupe l'axe sera le foyer principal. Il s'agit seulement d'avoir la direction de ce rayon réfracté, pour avoir l'emplacement du foyer ç" du système total. A cet effet, prolongeons le rayon K y', maintenant incident sur le système B, prolongeons-le (conformément au n° 18) jusqu'au premier plan focal du système B, c'est-à-dire jusqu'en L, et à partir d'ici, tirons une ligne L I", parallèle à l'axe, jusqu'à sa rencontre avec le second plan principal du système B. La ligne L I", supposée située dans le troisième milieu, à indice ?i"', aura pour conjugué le rayon I" N'', passant par le second foyer N" du système B. Or le rayon L y', qui part e'galement du point L situé dans le premier plan focal du système B, en sortira parallèlement à 1" N". Le rayon émergent part donc de y" et aura la direction y" cp", parallèle à l" N", et le point 9" sera le second foyer principal du système total. Ce rayon émergent y" o", prolongé à rebours, rencontre en i" la direction primi- tive du rayon incident S K, et ce point i" se projette sur l'axe en un point h", qui est le second point principal du système total. Pour établir que le point h" jouit dans le système total des mêmes propriétés que le point analogue du système à deux surfaces, démontrons qu'il est fixe, quel que soit l'écart entre le rayon incident et l'axe. A cet effet, désignons par F" la distance ç" h" existant entre le second foyer principal du système total et le point h". Les triangles semblables h" cp" J" et P" N" l" d'une part, puis G M" K et N' M" L d'autre part nous donnent : F" _/t"J" P"iN"~P 1"' DICT, UE PHYSIOLOGIE. — TOME V. et CK _ CM" N'L ^N'M" 8-2 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Mais h" J" = C K, et P" 1" = N' L; nous avons donc : F" CM" P"N" N'M"" Or P" N" = f , C M" == •/", N' M" = 7" + GN'; nous aurons donc pour l'expression de F": F" = .V X" + CN' («) Les points extrêmes des lignes entrant dans le second membre de cette dernière équation étant absolument fixes pour un système donné, F" doit être constant. Et comme 9", l'une des extrémités de F", a un emplacement constant, h" doit être lise également. h" est donc le second point principal du système combiné, et h" J" est la trace du second plan principal dans le plan de la figure. Un cylindre de rayons parallèles à l'axe, tombant de gauche à droite sur le système à trois surfaces, donne lieu à un cône lumi- neux émergent dont le sommet est en o", et dont tous les rayons rencontrent dans le plan principal leurs conjugués du cylindre lumineux. Connaissant l'emplacement do ce plan principal, pour construire un rayon parallèle à l'axe, à travers tout le système, de gauche à droite, on le prolonge jusqu'à ce second pian principal, et à partir de là, il se dirige vers le second point focal. — Bien entendu, la direction de ces deux rayons n'est réelle qu'en dehors des deux surfaces réfringentes extrêmes. Entre les deux surfaces extrêmes, la direction du rayon est en réalité autre. Ce qui nous importe, c'est sa direction finale. Il y a dans notre système à trois surfaces un autre point principal et un autre plan principal, à envisager pour des rayons traversant le système de droite à gauche. Pour les trouver, soit (flg. 50) un rayon S' K', parallèle à l'axe dans le dernier milieu, et qui tombe (de droite à gauche) sur la troisième surface réfringente. Sa construction à travers le système B (à deux surfaces) est connue (n° 18) : nous prolongeons ce rayon jusqu'en I', point du premier plan principal du système B, d'où en vertu de la réfrac- tion par le système B, il tend vers N', premier foyer principal du système B, foyer situé dans le milieu d'indice n" , supposé prolongé à gauche. Mais ce rayon rencontre eny la surface du système A, et cette surface le fait converger vers l'axe, qu'il coupe dans le pre- mier foyer ç' du système total, à trois surfaces. — Il s'agit de déter- miner la direction de ce rayon dans le premier milieu à partir de y, ce qui donnera l'emplacement du foyer 9' du système total. Supposons le rayon l'y prolongé à rebours jus- qu'à sa rencontre avec le second plan focal du système A, en T, et faisons pour un moment abstraction du système B. Du point T, tirons la ligne T T', parallèle à l'axe. Sa conjuguée (pour le système A) passera par le point M', premier foyer du système A. Or la ligne Ty, issue du second plan focal du système A, et cela du même point que T T', aura, dans le premier milieu, une ligne conjuguée parallèle à T' M'. Ce sera y 9', et 9' sera le premier foyer du système total. Le rayon y 9', prolongé à rebours, rencontre en J' la direction du rayon incident, et ce point se projette en h' sur l'axe optique. De nouveau, nous allons prouver que h' est constant pour tous les rayons incidents parallèles à l'axe, quel que soit l'écart entre les rayons et l'axe, c'est-à-dire que h' est le premier point principal. / i B T / J' t" K'" .'-'' S' -"/ / C h' P' P" N' M' ^' fç" ^ l" FiG. 50. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 83 En effet, si l'on désigne par F' sa distance au premier foyer principal ç', on a par les triangles semblables h'9'J' et Cy'y d'une part, puis P'N'I et CN'-,' d'autre part : F' y h' ou PT P'N' on ■!;' C d'où T CN' ^'=^'â-' (p) Les points extrêmes des lignes renfermées dans le second membre de cette équation étant fixes, F' a une valeur constante; et 9', l'un des points extrêmes de F', étant égale- ment fixe, il s'ensuit que h' est toujours à la même place dans le système complet, quel que soit l'écart entre le rayon incident (dans le dernier milieu) et l'axe. Le point h' est donc le point principal nouveau. Ou l'appelle premier point principal, en opposition avec le second que nous avons déterminé plus haut. La ligne h'V est, dans le plan de la figure, la trace du premier plan principal du système total. Le cône lumineux émergent ren- contre le cylindre lumineux incident suivant le premier plan principal. Le rayon paral- lèle d l'axe dans le dernier milieu se réfracte 'comme s'il continuait sa marche en ligne droite jusqu'à ce premier plan principal du système total, et comme si, à partir de là, il était réfracté vers le premier foyer principal. Éliminons dès maintenant de la formule précédente (,3) la ligne indéterminée C9'. A cet effet, les triangles semblables (fig. oO) C9'y et CMT d'une part, puis CN'y et M"M'T' d'autre part donnent : C9^__Cy CN' CW ~ CT' ou M"T ~ N'M" ' ■ d'oîi l'on tire : C 9' _ CM' _ y' CN'~N^Âr ""x" +'CN'" Go' Introduisons cette valeur de r^, dans la formule (fi) de plus haut, et il vient : F' •y •/" + CN' ■ (y) 30. Les deux plans principaux du système à trois surfaces sont l'un l'image de l'autre, l'objet et l'image étant égaux etsemblablement situés par rapport à l'axe optique. — Combi- nons (fig. SI) en une seule figure la construction des deux plans principaux. En faisant arriver de droite et de gauche sur le système combiné les rayons SK et S'K', tous les deux parallèles à l'axe, à égales distances de cet axe et situés du même côté de l'axe, nous voyons immédiatement que J' et J" sont des points con- ^ ^ jugués, chacun étant l'abou- tissant de deux rayons dont les conjugués aboutissent à l'autre point (la conjuguée de la ligne SJ' est J"9", et la conjuguée de 9'J" est J"S'j. J' est donc l'image de J" et vice versa. Les deux images sont du même côté de l'axe, et à égales distances de l'axe. Chaque point d'un plan principal a de même son conjugué dans l'autre plan principal, du môme côté de l'axe, et à égale distance de ce dernier. On exécuterait aisément pour le système à trois surfaces des constructions analogues à celles des n° 17 et 18 pour la marche des rayons partis de points quelconques situés en dehors de l'axe, soit dans le plan focal, soit en dehors de lui. Le résultat serait identique, c'est-à-dire que, dans le dernier milieu, le rayon (réfracté) est dirigé sur un point du second plan principal qui est le conjugué de celui du premier plan principal sur S K J' ^' K' .S' ,-'" / C Y A'P' h P'\ ""~~'---, W <ç' (^" M" Fig. 51. 84 DIOPTRIQUE OCULAIRE, lequel le rayon est dirigé dans le premier milieu. Ces deux points conjugués sont à égales distances de l'axe et situés du même côté de l'axe. 31. Dans le dioptre à trois surfaces lui aussi, les deux distances focales principales sont proportionnelles aux deux indices extrêmes. — Divisons l'une par l'autre les expres- sions (a) et (y) pour F' et F" obtenues au numéro 29, il vient : — — '/-' y F"~x"'i'"' ou, en tenant compte des relations des numéros 6 (fi) et 26 (a) : F' ?l' 11" 7l' F" 11" ' jV^' /i"'" r/. e. d. Au lieu de trois surfaces réfringentes, nous aurions pu en prendre quatre. Le système A aurait donné à considérer deux plans principaux au lieu d'un seul, et ses distances focales auraient dues être comptées à partir de ses deux points principaux. Les figures en auraient été un peu plus compliquées, mais le résultat final serait le même. Nous avons, dans ce qui précède, étudié diverses expressions pour les distances focales mesurées jusqu'aux points principaux, et nous en avons tiré des propositions impliquant des propriétés importantes des plans principaux et des distances focales. Mais l'empla- cement des plans principaux dans le système à trois surfaces nous est encore inconnu, et partant les distances focales sont encore indéterminées. Les deux expressions (a et y, n« 29) des distances focales F' = ,/, ;^.., et F" =. ,/, '■^^, renferment bien les dis- ' -/_ + GlN' •//' + GN' tances focales des deux systèmes partiels, quantités connues. Mais elles renferment aussi la longueur CN' (fig. 51), quantité qui varie avec la distance entre les deux systèmes partiels, et qu'il s'agit maintenant d'exprimer en fonction de cette dernière distance. Cette transformation nous mènera à des formules exprimant en fonction des longueurs focales des systèmes partiels, et en fonction de la distance entre les systèmes partiels, les dis- tances suivantes (du système total) : a) les longueurs focales principales, mesurées jus- qu'aux points principaux du système total, h) les distances des foyers principaux aux points principaux extrêmes des systèmes partiels, et c) les distances des points princi- paux du système total aux points principaux extrêmes des deux systèmes partiels. Ces formules résoudront en définitive notre problème. 32. Distances focales du système total comptées jusqu'aux points principaux du système total. — Représentons par d la distance entre le point principal unique C du système A (fig. 51) et le premier point principal P'du système B. — La ligne CN'^=P'1N' — d=|' — rf Dès lors, nos formules a et y du n° 29 deviennent : ,!/'./■ \ («) F"=. '^ '^ /" + y - d I 34. Distances des foyers du système total aux points principaux extrêmes des deux systèmes partiels. — Ces distances sont (fig. 51) C9' et o"P". Pour trouver leur valeur en fonction de 7.', 7.", '7,^" et de d, reprenons, pour ce qui regarde Cç', la formule F'=:<}' -^ (formule p du n° 29). Résolue par rapport à Co', elle devient: CN' Cç'.==F'— . (a) Remplaçons-y F' par sa valeur trouvée dans le numéro précédent, et tenons compte que CN' = et GM" = //'; donc 7. Remplaçons F" par sa valeur exprimée au n" 32, il vient : 35. Distances des points principaux (du système à trois surfaces) aux points principaux extrêmes des deux systèmes partiels. — Ces distances h'C et h"P" (flg. 51) sont, si nous les désignons par Xi et .^2: xi = /(' C = /t' ?' — C cd' = F' — C cp' Xi — h" P" = h" cp" — 9" P" = F" — cp" P". Introduisons dans ces deux égalités (,i*i = F' — Cep' et.r2=^F" — ç"P") les valeurs de F' et de F" trouvées au n° 32, ainsi que les valeurs de C'cp' et de ^" P" trouvées au n° 34, et nous aurons : _ y' d \ ■"^■/■"-WM (a) y. + '\> —d ] Connaissant deux des trois éléments envisagés aux numéros 32, 34 et 3b, on peut cal- culer le troisième. Divisant l'une par l'autre les équations a, nous avons : M- «' c'est-à-dire que les distances des points principaux (du système à trois surfaces) aux points principaux extrêmes des deux systèmes partiels sont proportionnelles aux distances focales extrêmes des systèmes partiels A et B. 36. Le système à trois surfaces réfringentes a donc deux plans principaux, absolument comme le dioptre à deux surfaces. Cela veut dire que le système à trois surfaces peut être identiquement remplacé par un autre à deux surfaces. Et nous avons démontré (n°^ 19 et 20) que pour ce dernier, il est permis, dans le calcul des points conjugués et des grandeurs des images, d'employer toutes les formules trouvées pour un dioptre composé d'une seule surface réfringente. Il faut seulement y introduire les distances focales principales et les distances des points conjugués jusqu'au premier et au second point principal du système total. Sous la même réserve, les formules trouvées pour le dioptre à une surface sont rigoureusement applicables au dioptre à trois surfaces, c'est- à-dire à l'œil. Ces formules sont, pour le calcul des points conjugue's : F' F" jr+jn-=1. («) et F' f" [._' ^"f ^ '^^ r - F' 37. Points nodaux du système à trois surfaces. — Les raisonnements des numéros 21, 22, et 22 bis, relatifs aux points nodaux du dioptre à deux surfaces, partent uniquement de la notion des deux plans principaux du système à deux surfaces. Or le système à trois surfaces (ou plus) ayant également deux plans principaux, nous concluons qu'un sys- 86 DIOPTRIQUE OCULAIRE. tème à trois surfaces (ou plus) a également deux points nodaux h' et A", et les raison- nements développés aux pages 74 et suivantes au sujet des points nodaux sont rigoureu- sement applicables à ceux du dioptre à trois (ou plusieurs) surfaces : 1" Un rayon lumineux dirigé dans le premier milieu sur le premier point nodal est dans le dernier milieu parallèle à sa direction initiale (dans le premier milieu), et dirigé comme s'il venait du second point nodal; 2° Les deux nœuds sont les images l'un de l'autre (vus à travers tout le système) ; 3" La distance du premier nœud au premier foyer du système total étant représentée par G', et celle du second point nodal au second foyer par G", on a les relations : G'=F"e(. G" = F'; (a) ce qui permet de trouver leur emplacement exact. 4» On a (p. 76, ô, n° 21) de même h' k' = h" k" = F" — F'; ce qui permet de construire k' et A" d'une autre manière, mais toujours en partant des distances focales principales; F' n' 0° D'après le numéro 26, nous avons aussi wn^ — : les distances focales principales sont proportionnelles aux indices des milieux extrêmes; 6" La distance entre les nœuds est égale à la distance séparant les points principaux; 7" Enfin, l'équation de Newton n° 19 est applicable au système à trois surfaces : r i" = F'F". 38. — Il y a de même dans le système composé de plus de deux surfaces un centre optique o, dont les nœuds sont les images, c'est-à-dire k' étant l'image de o vu à travers le premier système partiel (A), et k" étant l'image de o vu à travers le second système partiel B (de droite à gauche, dans le cas de la figure 51). Comme o est le conjugué de k' et de k", on calculerait son emplacement exacte- ment comme au n"'22 bis, a. et p. Quelquefois, dans les constructions et dans les calculs, on remplace k' et k" par un centre optique unique. Pour peu qu'on tienne à quelque rigueur dans certains calculs, cela n'est pas légitime. Dans beaucoup de cas, néanmoins, on peut réellement négli- ger le premier nœud. Sa distance à k" est en effet (de 0™™,32 voir plus loin u° 48) infini- ment petite par rapport aux distances des objets visuels à l'œil. Dès lors on n'a plus à envisager qu'un seul point jouissant des propriétés dioptriques du centre de cour- bure de la surface unique. Mais ce point unique, intersection de tous les rayons non réfractés, sera-ce o ou A""? Si l'on prend o, on néglige également la petite distance ok", du centre optique au second nœud. Dans l'œil, cette distance (moins grande que k' k") n'est peut-être pas suffisamment petite par rapport à la distance (16,61 millimètres voir plus loin n" 48) de l'image rétinienne à k" pour être négligée. Si donc on se résout à ne considérer dans l'œil qu'un centre optique unique (ce qu'on fait souvent, et avec rai- son), il faut théoriquement prendre comme tel, non pas le point o, mais k" (Donders). 39. Contruction des images formées par le dioptre à trois surfaces et grandeur de ces images. — Encore une fois, les constructions et les calculs donnés pour un système à deux surfaces sont directement applicables ici. C'est-à-dire qu'on a (n» 19) notamment l'équation de Newton, pour l'emplacement des images : l'T'^zF'F", et pour la grandeur des images exprimée à l'aide des distances focales F' et F", la formule : z_F7r 0 F" f" et d'après le n° 20, i_ F' _F" f" ô ~ F' — /" '^ ~F^' enfin d'après le n" 22 pour la grandeur_des images en fonction de G' et de G". 0 g' i G" (f — G" et 0 g' — G' G' DIOPTRIQUE OCULAIRE. 87 Points cardinaux de l'œil. — 40. — Appliquons maintenant ù l'oVil les formules obtenues précédemment. A cet effet, nous utilisons les données expérimentales relatives aux indices de l'éfraction, aux rayons de courbure et aux distances entre les diverses sur- faces réfringentes. La détermination des rayons de courbure et des distances entre les surfaces réfringentes forme l'objet de l'article Ophtalmométrie. Disons ici quelques mots sur les divers indices de réfraction des milieux de l'œil, el sur la manière de les déter- miner. 41. Indices de réfraction des milieux de l'œil. — Le procédé classique en physique, consistant à déterminer les indices à l'aide de prismes creux, ne peut pas être employé ici, car tantôt les milieux de l'œil sont en trop petite quantité, tantôt ils sont solides. Un procédé à l'aide duquel Chossat, Brewster, W. Krause et Helmholtz ont déterminé les indices des milieux liquides revient à donner à la subtance la forme d'une lentille convexe ou concave, et à déterminer le grossissement d'un objet connu vu à travers cette lentille liquide, ou encore la distance focale de la lentille ainsi constituée. On place par exemple la substance à examiner entre l'objectif d'un microscope et un verre plan pressé contre l'objectif; elle prend ainsi la forme d'une lentille plan-concave. Comme objet à agrandir, on prend par exemple la subdivision d'un micromètre. D'autre part, on rem- place la substance à examiner par de l'eau, puis par de l'air (à indices connus); de cette manière on obtient les données nécessaires pour calculer l'indice cherché. Ghossat et Brewster déterminèrent la distance focale de cette lentille. Cahours et Becquerel, puis W. Krause, déterminèrent l'agrandissement obtenu. L'un et l'autre chemin mène au but. Helmholtz détermina l'agrandissement, mais en donnant au milieu la forme d'une lentille plane-convexe. Procédé de Abbe. — Le procédé généralement préféré aujourd'hui pour les milieux de l'œil est celui d'ABBE; il permet d'opérer avec des quantités très petites de substance et même avec des solides comme la cornée et le cristallin. Il repose sur la détermina- tion de l'angle sous lequel s'opère la réflexion totale de la lumière passant du verre dans la substance à examiner, principe employé à cet effet de'jà par Wollaston. Soient deux milieux d'indices n et v, v étant plus grand que n. Pour un rayon lumi- neux passant du milieu le plus réfringent dans le moins réfringent, la réflexion totale a lieu dès que l'angle d'incidence y satisfait à l'équation sin y =- . — On arrive à cette expression de la manière suivante: Pour un rayon passant du milieu à indice v dans celui à indice n, on a la relation n sin r=:v sin i. L'angle d'incidence augmentant, l'angle de réfraction devient un angle droit : il y a réflexion totale. Le sinus de l'angle de réfraction alors est égal à i ; et si nous nom- mons Y cette valeur limite de l'angle d'incidence, nous avons n = v. sin y. V, l'indice le plus élevé, étant connu, il s'agit de déterminer expérimentalement y pour con- naître n, l'indice cherché. A cet effet, Abbe emploie deux prismes rec- tangulaires en verre, qui juxtaposés par leurs surfaces hypoténuses, constituent une plaque en verre à faces parallèles, c'est-à-dire qui laisse passer sans déviation (angulaire) la lumière, quelle que soit son incidence. La substance à examiner est placée en une mince couche ca (grosse ligne noire, flg. o2) entre les deux prismes. Ceux-ci, avec interposition de cette subs- tance, ne cessent de laisser passer la lumière, sauf à partir de l'angle limite y de l'incidence sur la substance, auquel cas il y a réflexion totale. Le verre doit donc avoir un indice supérieur à celui de la substance examinée. Un rayon ps passe à travers les prismes dans la direction sr, et au sortir des prismes il passe par l'objectif L d'une lunette d'approche. L'ensemble des Fkj. 52. 88 DIOPTRIQUE OCULAIRE. prismes peut subir une rotation autour d'un axe perpendiculaire au plan de la figure. L'indice du verre et l'angle w sont connus; l'angle a que l'axe de la lunette forme avec la normale à la surface ab peut-être déterminé. On tourne les prismes jusqu'à ce que le rayon lumineux (de préférence homogène) ne passe plus. A ce moment l'angle y est précisément la limite cherchée de l'angle d'incidence. On a, oj étant l'angle (connu) du prisme, et (î l'angle d'incidence du rayon au sortir des prismes : y = oj + p. (Pour voir le bien fondé de cette formule, on n'a qu'à tirer par r, point d'émergence du rayon, une perpendiculaire sur a c.) L'indice de l'air (environnant les prismes) étant 1, on obtient l'angle^p par la relation : V sin [3 ^= 1 sin a ; ou sin [î : sin a On peut déterminer a; dès lors y est connu, et on aura l'indice cherché à l'aide de la relation de plus haut: n =^ V. sin y. A l'aide da procédé d'ABBE, de multiples déterminations ont été faites par différents auteurs pour les milieux liquides (S. Fleischer, Hirsgiiberg, Tscher.mng, etc.). Matthiehsen et AuBERT ont aussi déterminé ainsi les indices des milieux non liquides, cornée et cristallin. Le tableau suivant donne les résultats obtenus par différents auteurs. En partie au moins, de légères différences entre les résultats sont attribuables à ce que les expéri- mentateurs ont utilisé comme source lumineuse des endroits légèrement différents du spectre : un même indice varie naturellement avecla réfrangibilité des rayons employés. Indices de réfraction fchez l'homme), par rapport à l'air. \ OBSERVATEURS. CORMÉE. HUMEUR AQUEUSE. VITREUM. CRISTALLIN COUCHE EXTERNE. COUCHE MOYENNE. NOYAU. ClIOSSAT Brewster 1,33 1,338 1,3366 1,3557 1,3349 1,3420 1,3365 1,3373 1,337 1,3342 1,339 1,3394 1,3569 1,3361 1,3485 1,3382 1,3348 1,3367 1,330 1,338 1,3767 1,4743 1,3431 1.4053 1,4189 l,39531moyeiine 1,3967)1,396 1 ,3860 1,395 1,3786 1,4775 1,3523 1,4294 1.4085 1,4067 1,4050 1,420 1,3839 1,4807 1,4252 1,4541 1,411!)) mov. 1,4093)1,4106 l,41fl4(iudice total 1,6544); (i. total 1,437 d'après une déterniinatiou plus récente de Matthies- sen). nnax. . . . W. KRAi;sE]min. . . . 'mo_ï.de20vfu\. Helmholtz Matthiessen et Aubert. S. Fleischer HlRSCHBERG Zehender et Matthies- sen 1,3569 1,3331 1,3507 1,377 1,3780 Il ressort de toutes les recherches que Vindicc de ï humeur aqueuse est légèrement supé- rieur à cehnde la cornée, et il en est de même de celui du vitreum. Néanmoins, la dif- férence est tellement petite qu'on s'accorde à considérer ces trois indices comme égaux. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 89 Généralement on prend dans les calculs;!, 33 comme valeur de l'indice commun à ces trois milieux, bien qu'en réalité il soit un peu plus élevé. La différence entre l'indice de réfraction de l'humeur aqueuse et celui de la cornée est telle que, si à l'exemple de Tscherning, on supprime la réflexion à la surface cornéenue antérieure moyennant un baquet à faces planes rempli d'eau et appliqué contre l'œil, on voitl'iuiage catoptrique de la face cornéenne postérieure plus éclatante même que celles du cristallin. A l'air, sans cet artifice, les deux images cornéennes se couvrent plus ou moins. La même différence entre l'indice de réfraction de la cornée et celui de l'humeur aqueuse produit un certain effet dioptrique (voir l'article Cornée). Mais cet effet est négli- geable en présence de la réfraction totale de l'œil (voir aussi plus loin le calcul de l'effet dioptrique de la cornée dans l'air). 42. L'indice de réfraction du cristallin donne lieu à des considérations importantes. — Le cristallin est bien une lentille biconvexe placée dans un milieu moins réfringent que lui (et plus réfringent que l'air). Son effet dioptrique est donc celui d'une lentille con- vexe. Son indice se détermine le mieux par le procédé d'AsBE. Mais nous reucontrons la dilTicuUé que cet indice augmente progressivement de la périphérie vers le noyau, tout comme la courbure des surfaces des diverses couches augmente progressivement vers le noyau. Ce fait est connu depuis longtemps, et déjà Th. Young avait admis qu'en vertu de cette disposition, l'effet dioptrique du cristallin est sensiblement plus élevé que celui d'un cristallin imaginaire, qui aurait même forme que le cristallin réel et dont l'indice serait celui, non des couches moyennes, mais du noyau du cristallin réel. Celte lentille imaginaire, pour avoir même effet dioptrique que le cristallin réel, devrait avoir un iudice supérieur à celui du noyau. Pour simplifier les choses, imaginons (fig.53 ) un cristallin composé d'un noyau a et d'une partie corticale 6, le noyau ayant un indice uniforme plus fort et une surface plus convexe que la partie corticale. Le noyau aurait un certain effet dioptrique, qui serait diminué par l'influence des parties corticales, agissant comme deux ménisques concavo- convexes; la surface de chaque ménisque concave étant plus courbée que la convexe, l'effet total des ménisques est négatif. Naturellement, si le noyau était soiul, son pouvoir dioptrique serait, en vertu de sa forte courbure, plus fort que celui du cristallin entier. Pour qu'une lentille homogène de même forme que le cristallin réel eîit le même effet dioptrique que lui, elle devrait donc avoir un indice sensiblement supérieur à celui du noyau lui-même. Cet indice imaginaire, fonction et des indices et des courbures des diverses couches du cristallin, ïindice total du cristallin, on a essayé de le déterminer par le calcul et par l'expérimentation plus directe. Pour ce qui est du calcul, nous ne connaissons pas suffisamment „ la loi suivant laquelle l'indice (réel) augmente vers le centre, pour asseoir sur cette connaissance un calcul absolument rigoureux. La réfiingence du noyau augmente d'ailleurs avec l'âge. — Th. Young, posant l'indice nucléaire égal à 1,412, calcula l'indice total égal à 1,436. Des calculs analogues, basés sur les déterminations des indices de différentes couches, ont été exécutés par d'autres auteurs, et ils sont arrivés à des résultats sensiblement analogues (Senff 1,541, Zehexder 1,439). — Mat- THiESSEN, dans ses recherches plus récentes, obtint le chiffre de 1,437. D'après lui, la réfringence augmente rapidement dans les couches externes, moins dans les couches centrales; le noyau serait presque homogène. L'indice total serait, d'après Mattiiiessen, égal à celui du noyau, augmenté de la différence entre l'indice du noyau et celui de la couche la plus périphérique. Cette formule simple donne des résultats ne différant de ceux obtenus à l'aide d'une formule plus compliquée qu'à partir de la troisième décimale. Bertin calcula l'indice total en partant de la détermination de l'endroit des images catoptriques de la face postérieure du cristallin, obtenues avec de la lumière blanche et de la lumière rouge. Résultat : l,44ol. Enfin, Helmholtz détermina l'indice total du cristallin en recherchant le grossissement sous lequel se présente un objet (de dimensions connues) vu à travers un cristallin frais. 90 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Bien que ce procédé d'expérimentation soit passible d'objections sérieuses, il conduisit à une valeur de 1,4519 dans un cas, et de 1,4414 dans un second. Tous ces cbifFres se rapprochent sensiblement entre eux, et ne sont que lég-èrement supérieurs à celui fourni en premier lieu par Th. Young. On pourrait donc prendre (avec Listing et Helmholtz) comme moyenne pour l'indice total la valeur de 1,45. Dans les calculs que nous allons exécuter pour l'œil moyen, nous adopterons cependant un chiffre notablement inférieur, c'est-à-dire 1,42, et voici pourquoi. L'hypermétropie ou le déficit dioptrique résultant de l'enlèvement du cristallin (cataracte) d'yeux qu'on avait reconnus emmétropes avant le début de la cataracte, cette hypermétropie n'est jamais aussi forte qu'elle devrait l'être si l'on admettait 1,45 pour l'indice total. La valeur de 1,437, trouvée en dernier lieu par Matthiessen, semble être encore un peu forte. Du reste, cela tient aussi en partie au moins à ce qu'on évalue généralement un peu trop fortes les courbures (8 et 10 millimètres) des deux surfaces cristalliniennes (voir plus loin). 11 est d'ailleurs à remarquer que les mensurations oplital- mométriques des courbures du cristallin sont encore très peu nombreuses. En admet- tant l,-42 pour l'indice total, nous obtenons pour le cristallin une force dioptrique qui se rapproche davantage de la réalité. Cette valeur est peut-être un peu faible; mais en l'admettant, nous pourrons prendre pour les rayons des surfaces cristalliniennes des valeurs arrondies, mais un peu plus petites qu'elles ne sont en réalité (voir n° 43). — La valeur de 1,41, adoptée par Hirschberg et par Bertin-Saxs est certainement trop faible, attendu que d'après Matthiessen le noyau du cristallin a déjà un indice de 1,41. Il est encore à remarquer que l'augmentation de la force réfringente du cristallin qui résulte de sa structure particulière, n'est pas grande par rapport à la réfraction totale. Elle n'est que celle d'une lentille convexe ayant une distance focale de près de 33 centi- mètres de distance focale (3 dioptries), une quantité qui certainement n'est pas négli- geable ; mais le même effet aurait été obtenu par une courbure un peu plus forte de l'une des deux surfaces. Aussi Tscherning fait-il remarquer que la raison téléologique de cette structure n'est pas d'obtenir cette augmentation de la force réfringente; il la cherche plutôt dans le mécanisme de l'accommodation. Tel que Tscherning entend ce mécanisme (voir l'article Accommodation), il exige la structure en question. Quoi qu'il en soit de cette observation, la structure particulière dil cristallin (indices et courbures des lamelles augmentant vers le noyau) a un avantage dioptrique sur lequel Hermann a appelé l'attention, à savoir la périscopie plus parfaite de l'œil (voir plus loin). Ajoutons enfin que, d'après L. Heine, l'indice total du cristallin (suivant son axe antéro-postérieur) serait plus grand dans le cristallin accommodant, et cela au point qu'il en résulterait une augmentation de réfringence égaie à celle d'une lentille de 40 centimètres de distance focale (2,50 dioptries), quantité qui entrerait sérieusement en ligne de compte pour expliquer l'accommodation. La raison de cette augmentation serait qu'au moment de l'accommodation, une substance albuminoïde moins réfringente passerait de l'équateur du cristallin vers son pôle antérieur. Somme toute, les indices de la cornée, de l'humeur aqueuse et du vitreum ne diffè- rent entre eux guère plus que les valeurs trouvées pour l'un quelconque de ces indices, déterminé chez des individus différents. Il n'y aurait donc aucun avantage à tenir compte de ces différences; on évite ainsi des complications très grandes dans le calcul des points cardinaux de l'œil. Nous attribuons donc à ces milieux un indice moyen unique de 1,33, et nous prendrons pour l'indice total du cristallin la valeur de 1,42. Ajoutons aussi, par anticipation, que ces indices sont les mêmes dans les yeux emmé- tropes, myopes et hypermétropes. 46. Pour ce qui est de la détermination des rayons de courbure des surfaces réfrin- gentes et des distances entre elles, nous renvoyons à l'article Ophtalmométrie. Nous prendrons ici les moyennes obtenues par la méthode ophtalmométrique, en ajoutant toutefois que, pour ces valeurs, il y a des différences individuelles bien plus grandes que pour les indices de réfraction. Pour la plupart des calculs, les moyennes obtenues donnent des résultats suflisamment exacts. 11 y a cependant telles questions dont l'éluci- dation exacte exige qu'en chaque cas particulier, on détermine réellement soit les rayons réels, soit les distances réelles de courbure entre les surfaces réfinngentes. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 91 Nous établissons donc le tableau suivant des moyennes pour les rayons de courbures des différentes surfaces réfringentes, et des écarts entre elles. Indices de réfraction et rayons de courbure dans l'œil moyen, schématique. (Constantes optiques données par l'expériincntatiou.) VALEURS LISTING. IIELMIIOLTZ. ACCEPTÉES par nous. S ; Indice de réfraction de rimmeur 1 aqueuse (de la cornée et du viti'eum)pris par rapport à l'air. Indice total du cristallin par rap- port à l'air ';'= 1,3377 1| = 1,45»5 1,3363 1,4545 1,33 1,42 Rayon de courbure de la cornée. 8 mm. 8 mm. 8 mm. i < Ravon de courbure de la face ^ antérieure du cristallin .... 10 mm. 10 mm. 10 mm. '^ Rayon de courbure de la face postérieure du cristallin. . . . G mm. 6 mm. 6 mm. "X: Dislance de la face antérieure de ■^ la cornée à la face antérieure ^ '"^î du cristallin 4 mm. 4 mm. 3,6 mm. 3,() mm. 4 mm. 4 mm. Épaisseur du cristallin La valeur de 8 millimètres adoptée pour le rayon de la face antérieure de la cornée est un peu plus grande que la réalité, (voir Cornée et Ophtalmométrie). Les recherches de DoNDERS et de Mauthnkr lui assignent 1°^"^^% à 7""™, 7, et von Reuss seulement 7™'",4i (en moyenne). — En prenant l'indice cornéen et la courbure un peu plus faibles que la réa- lité, nous compensons notamment l'erreur que nous commettons en négligeant la faible réfraction à la face postérieure de la cornée (voir plus loin). Mauthner donne comme valeurs extrêmes 7'"'", 06 et S'""", 35, von Reuss, 7 et 7™™, 73. Ces différences individuelles ne sont donc pas à négliger dans certaines questions. Il est bien entendu que c'est là le rayon cornéen dans la ligne visuelle, ou dans l'aire centrale, sphérique, de la cornée, celle qui nous importe presque exclusivement à notre point de vue, puisque dans la vision normale, c'est la seule partie de la cornée qui soit utilisée. Vers la périphérie cornéenne ce rayon va en augmentant notablement et pro- gressivement; de plus, la coubure y devient de plus en plus irrégulière. Les rayons de courbure des deux surfaces du cristallin varient également d'un indi- vidu à l'autre, et en moyenne, ils sont un peu plus grands que ceux admis par nous comme moyennes, savoir 10 millimètres pour celui de la face antérieure, et 6 millimètres pour celui de la face postérieure, von Reuss, dont les déterminations ont été faites dans de meil- leures conditions que celles de ses prédécesseurs (il employa la lumière de Drummo.nd, pour augmenter l'éclat des images catoptriques), trouva au rayon de la face antérieure une longueur moyenne de 10'"™,8 (avec des valeurs extrêmes de 9'"'",37 et de 11™™, 84); au rayon de la face postérieure 8™™, 31 (avec des valeurs extrêmes de 7™™, H et de 9™™, 45. Celui de la face postérieure surtout semble donc avoir généralement une longueur supérieure à celle admise par nous. Nous n'avons pas voulu nous écarter trop de la valeur admise par la généralité des auteurs. D'ailleurs Tscherning, dans un seul cas il est vrai, lui a trouvé récemment la longueur de 6™™, 17. Il s'en faut du reste que les déterminations de ce genre soient très nombreuses. Enfin, n'oublions pas non plus que la réfraction à la face postérieure du cristallin n'est qu'une très petite partie de la réfrac- tion totale de l'œil, et que l'erreur commise en prenant peut-être ce rayon de 1 à 2inilli- mètres trop petit, n'influe pas très sensiblement sur les résultats de nos calculs. Quant à la profondeur de la chambre antérieure, i. c, la distance de la surface cor- néenne antérieure au pôle antérieur du cristallin, v. Reuss l'estime en moyenne à 3 mil- 92 DIOPTRIQUE OCULAIRE. limètres (valeurs extrêmes 2"™, 84 et 3°i°i,23). La valeur moyenne de 4 millimètres admise par nous semble donc être manifestement trop grande. Pour l'épaisseur du cristallin, v. Reuss l'évalue à 3°i™,8 (valeurs extrêmes S""™, 50 et 4™", 19). Suivant Priestley Smith, cette épaisseur doit être environ 4 millimètres, valeur admise par nous. Le chiffre de S""", 6 admis par Helmholtz, est certainement trop faible. 44. Appliquons ces données expérimentales ou les constantes optiqiies expérimentales de l'œil moyen, schématique, à la dioptrique oculaire, moyennant les formules établies dans ce qui précède. Nous obtiendrons ainsi les constantes optiques calculées de l'œil moyen, schématique. 45. Cornée transparente. — Le rayon de courbure est de 8 milimètres, ce qui est donc la distance du centre de courbure (ou point nodal unique) au sommet de la cornée (ou point principal unique). Nous supposons le cristallin absent, c'est-à-dire la surface antérieure de la cornée suivie d'un milieu homogène à indice 1,33. L'œil aphaque (privé de son cristallin) est dans ce cas. Les distances focales F' et F" de la cornée sont données par les formules a et a {n° 6), dans lesquelles nous posons n' == 1 (indice de l'air) et n" = 1, 33. F' = ^ =: " _^ 24 """ 24 n" — n' 1,:^3 — 1 7i" — n' 1,33 — 1 " '" F' n' Ces valeurs de F' et de F" satisfont aux équations -^ = —p, et F" = F' + R {[i et Y, n° 6). La longueur de l'œil, plus exactement la distance entre le sommet cornéen et la rétine étant de 24 millimètres environ (voir plus loin, n° 52), le second foyer principal de l'œil aphaque est situé à 8 millimètres en arrière de la rétine. La force réfringente ^ de la cornée suivie d'humeur aqueuse, prise comme inverse de la première distance focale ( — =:= ) , est de 42 dioptries (40 D., en arrondissant). ^r 0,02-*/ 11 ne semble pas y avoir de correspondance entre la puissance dioptrique de la cornée et la réfraction générale de l'œil; la valeur dioptrique de la cornée peut être faible dans la myopie forte, et forte dans l'hypermétropie. Elle peut différer sensiblement (de 8 diop- tries) dans des yeux ayant le même état de réfraction. Le rayon cornéen est plus grand chez les sujets de forte taille (Tschernlng). Comme le dit Javal, un éléphant et une sou- ris peuvent être tous les deux emmétropes, bien que les cornées aient des courbures très différentes. Le rayon cornéen paraît augmenter un peu de l'enfance à l'état adulte (Chibret). C'est le moment de rappeler (voir l'article Cornée) que la courbure cornéenne n'est sphérique que dans une aire centrale de la grandeur de 30° environ, soit dans le tiers de l'étendue totale de la cornée (qui est de 90° environ), qu'à partir d'ici le rayon de courbure diminue de plus en plus vers la périphérie, et que la courbure y devient assez irrégulière. Il est vrai que cette plus faible courbure de la périphérie doit agira rencontre de l'aberration sphérique de la cornée. Il y a lieu toutefois de remarquer (voir plus loin n» 60 ouverture du système dioptrique de l'œil) que dans la vision directe, la seule où il soit important d'avoir des images nettes, nous n'utilisons guère qu'une vingtaine de degrés de la partie centrale de la cornée, les rayons tombant sur la péri- phérie cornéenne étant écartés de l'œil par l'iris. Mais cette étendue de 20° de la partie utilisée dans la vision directe, dépasse encore sensiblement ce que les physiciens 1. Lorsque les deux distances focales d'un système dioptrique sont égales, on pose la force i réfringente (Fr) égale à l'inverse de la distance focale Dr; d'où le symbole F;'=-jy . Mais lorsque les deux distances focales sont inégales, de laquelle des deux distances focales faut-il prendre la valeur inverse pour avoir la force réfringente? Pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, nous avons choisi la plus courte, et nous en agirons de mémo pour la force réfringente de chacune des surfaces du cristallin (n° 46). DIOPTRIQUE OCULAIRE. 93 entendent par partie centrale d'une surface réfringente, aux termes de la restriction faite dans la « remarque » du n° 4. Par conséquent, la réfraction cornéenne est loin d'être à l'abri de l'aberration spliérique. Les parties périphériques de la cornée entrent au contraire en ligne de compte lors- que la pupille est anormalement dilatée, ainsi que dans la vision indirecte, et donnent lieu à des phénomènes d'astigmatisme (voir plus loin n» 62, Fcriacopie de l'œil). Dans ce qui précède, nous n'avons pas tenu compte de la différence très petite, mais néanmoins sensible, qui existe entre l'indice de réfraction de la cornée et celui de l'humeur aqueuse. D'après Krause, l'indice de la cornée est de 1,35 et celui de l'humeur aqueuse 1,34. Il y a donc en réalité une certaine réfraction à la face postérieure de la cornée. La réfraction serait encore nulle dans la cornée, malgré une différence entre les deux indices, si les deux surfaces avaient absolument le même rayon de courbure. La cornée agirait alors à la manière d'une plaque à faces parallèles, [/égalité des rayons impliquerait que l'épaisseur de la cornée diminuât vers la périphérie. Or, le contraire est vrai si l'on prend la cornée dans son ensemble. Bien que nous ne disposions guère de déterminations du rayon de courbure de la face postérieure dans les limites de l'aire cornéenne optique, il semble cependant résulter des recherches (de W. Krause et de TsGHERNLNG notamment) qu'il est un peu plus petit que celui de la face antérieure, d'un millimètre et même un peu plus. Théoriquement, il aurait donc fallu considérer l'œil comme renfermant quatre sur- faces réfringentes, et exécuter les calculs (pour l'œil schématique) en conséquence. — On peut se rendre compte de l'erreur commise ainsi, en calculant la valeur dioptrique de la cornée prise isolément, placée dans l'humeur aqueuse (et non dans l'air). On peut •en effet envisager la cornée comme plongée dans l'humeur aqueuse: en avant, elle est recouverte d'une couche continue de larmes, dont l'indice de réfraction est égal à celui de l'humeur aqueuse. Une telle cornée, d'indice 1,33, celui de l'humeur aqueuse étant 1,34 (un peu supérieur à celui de la cornée), d'une épaisseur de 1 millimètre, R' étant 8 mil-' limètres et R" 7 millimètres, a (formule y, n" 28, où l'on transforme R" en — R") une longueur focale négative de 7°%4:j, donc une force réfringente de 0,13 dioptries, qu'il faudrait retrancher de la force réfringente de l'œil total. Cette valeur dioptrique est insigniflante vis-à-vis des 60 dioptries de l'œil pris dans son ensemble (voir plus loin n"^ 48 et 49). L'erreur commise en la négligeant est d'ailleurs surcorrigée, en ce que nous avons admis une valeur trop grande (S millimètres) pour le rayon de la face cor- néenne antérieure. A l'article Cornée (p. 448) nous avons vu que d'après Tscherning la face postérieure de la cornée aurait la courbure d'un ellipsoïde à trois axes. Les phénomènes d'astigmie qui en résulteraient seraient loin d'être négligeables. Mais il faudra attendre de plus amples informations avant de se prononcera cet égard. 46. Points cardinaux du cristallin dans l'humeur aqueuse. — Dans l'œil, le cristallin est une lentille biconvexe plongée dans un milieu homogène. Ses distances focales sont donc égales, et les points principaux coïncident avec les points nodaux. Dans les formules il faut mettre R' = 10"", R" = 6"", (1 = ^""", n'=/î' = i,33 et n" = l,i2. i'^ Di:^tances focales des deux surfaces du cristallin. — • Le cristallin est un système dioptrique à deux surfaces, dont chacune a deux distances focales, que nous comptons à partir des sommets des surfaces (points principaux des systèmes partiels), et que nous calculons d'après les mêmes formules que les distances analogues de la cornée. Nom- mons (voir n° 24) «i et az les distances focales de la première surface, 6i et 62 celles de la seconde surface. n' R' 1,33 X 10 ,,, ,^ rti = — 7 ^ r-h r^ = 147"-J8 n — n 1,42 — 1,33 - n" R' 1,42X10 ,-,„,„ ,n n — n 1,42 — 1,33 '/(" R" 1,42x6 „, ^, ^^'-^7-3177- = 1:42:3X33 = ^^""^'^' h. = "'" -^" = '■''' ^ "^ = 88'""',67' n" — }i" 1,42—1,33 94 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Les longueurs «2 el 61 sont comptées dans la substance cristallinienne; ai et 62 dans l'humeur aqueuse et dans le corps vitré. On voit que «i et a-2 satisfont aux relations F" = F' + R' (l'î et y n° 6), et il en est de même de 61 et de 62. La forge réfringente de la première surface ^ — , j est de 6,77 D; celle de la seconde /^__ ) de 10,86 D, et, en arrondissant et en forçant un peu, 8 et 12 dioptries, dont la somme est 20 D, chiffre que nous allons trouver encore par d'autres calculs pour la réfraction du cristallin total. Les distances focales principales ¥' et F" (entre les foyers principaux du cristallin et ses points principaux (formules a, n° 25), ces deux distances étant égales (n° 28), sont : . «,6, _ 147,78 + 9M7 _ ^6- 31 a-z+b^ — d 157,78 + 94,67—4 F" = ^-^ = 36™"%31 Oî + lj\ — a Les distances X\ et ajo des points principaux aux surfaces réfringentes du cristallin sont (n» 27). ,r - "' ^ ^ 147,78x4 _c,„,^..g. '""fl^+/^, — rf 157,78 + 94,67 — 4 " '' ' 62 rf 8,67x4 , ,^ -~a2+6, — rf" 137,78 + 94,67 — 4 X\ R' 2 38 10 Ces deux valeurs de Xi et de x-i satisfont à la relation— = Î777 (n" 28) car— -^ — ■=.—-.. x-2 R 1,4.H 6 Les deux points principaux (ou nodaux) sont distants l'un de l'autre de O^^^jlQ seule- ment. Le premier se trouve à 2'"™, 38 en arrière de la surface antérieure, et le second à i°'™,43 en avant de la surface postérieure du cristallin. La distance du sommet cornéen au pôle antérieur du cristallin étant de 4 millimètres, le premier point principal se trouve à 4 + 2,38 := 6™™, 38 en arrière du sommet cornéen, et le second est situé à 4 + (4 — 1,43) = ô'^^oT en arrière du même sommet. La force réfringente du cristallin total [ t^) est de 17,76 dioptries, 20 dioptries en chiffres ronds et en forçant un peu ; ce qui est la somme des forces réfringentes des deux surfaces (8 + 12 = 20 D). 47. Emplacement du centre optique du cristallin. — Il nous est donné par les for- mules [i du numéro 22 bis, dans lesquelles nous faisons A/c' = Xi et BA-" = xo. Ao et Bo sont (fig. 47) les distances du centre optique aux deux surfaces. Xid 1,43 X 4 , ^n Tir, . 1 1 mm f Q Ao = d — Bo = 4 — 1,50 = 2>i"%5() Cet emplacement sert aux calculs lorsqu'on envisage un cristallin infiniment mince, qu'on suppose réduit à un plan principal unique placé dans le centre optique. On déve- loppe quelquefois la dioptrique oculaire dans cette hypothèse (voir plus loin). 48. Points cardinaux de l'œil dans son ensemble. Œil schématique. — Nous avons à combiner les deux systèmes partiels, cornée et cristallin, dont les points principaux et les distances focales nous sont connus. Il nous faut, à cet effet, connaître la distance d entre le point principal unique de la cornée et le premier point principal du cristallin ; elle est égale à la distance de la surface cornéenne au pôle antérieur du cristallin, plus la distance de ce pôle au premier point principal du cristallin; c'est-à-dire : d = 4 + 2,38 = 6mm,38 Les distances focales du premier système (cornée) sont /' = 24,24 millimètres et /" = 32,24 millimètres. Les distances focales du second système (cristallin) sont i]/' = A" = 56,31 millimètres; les formules à employer sont identiquement les mêmes que pour la cornée, sauf que les éléments qui y entrent diffèrent. Iries. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 95 Les distances focales 'principales F' et F" de l'œil total, mesurées depuis les foyers principaux jusqu'aux points principaux de l'œil (n° 32) sont : /„, 'V ■/' 56,31 X 24,24 ,^ ^, \ ■^" + y — cl 32,24 + 56,31 —6,38 L.- '^"-Z" 26,31 X 32,24 .-.„„„„ \ ~ X" + 'V — d 32,24 + 56,31 — 6,38 "" ' F' n' 1 Ces deux valeurs de F' et de F" satisfont sensiblement à l'équation (n^SO) -^ = — ^ = —— La force réfringente du système total ( -p-, ) est de 60 dioptr Les distances xi et xi des points principaux de l'œil aux points principaux extrêmes des deux systèmes partiels sont (n" 3o), C étant (dans la fig. 51) le sommet cornéen, et P" le second point principal du cristallin. y'rf 6,38x24,24 , _„ ' ■/" + '^' — d 32,24 + 56,31 — 6,37 y" cl 56,31 x 6,38 , „^ '■ x" + '^^' — f^^ 32,24 + 56,31 —6,38 X\ ■/' Valeurs qui satisfont à r«''quation (j3, n° 3b) — = jr,. Xi y Le premier point piùncipal est à l'^'^.SS en arrière du sommet de la cornée, le second est à 4™™, 37 en avant du second point principal du cristallin. Le second point principal du cristallin étant à 6'»'",57 en arrière de la cornée, le second point priucipal de l'œil total est à 6,S7 — 4,37 ^2™™, 20 en arrière du sommet cornéen. L'écart entre les points principaux n'est que de 0"'™,32. Enfin, le premier foyer principal se trouve à 16, Cl — 1,88 = 14™™, 73 en avant du sommet coruéen, et le second à 22,09 + 2,20 = 24™™,29 en arrière du sommet cornéen. La longueur d'un tel œil, emmétrope (dont le foyer principal est situé sur la rétine), depuis le sommet cornéen jusqu'au plan rétinien sensible à la lumière, est donc de 24"" ■",29. 49. Points nodaux de l'œil total. — Suivant le n" 37 (a), G' — F" etG" = F'. Donc G' est de 22°"", 09; et le foyer antérieur se trouvante 14™"", 73 en avant de la cornée, k' se trouve à 22,09 — 14,73 = 7""", 36 en arrière de la cornée, c'est-à-dire à 8 — 7,36 = 0°"",64 en avant du pôle postérieur du cristallin. G" ^= 16'"™, 61. L'intervalle entre les deux points nodaux étant égal à celui qui existe entre les points principaux, c'est-à-dire 0™™,32, le second point nodal se trouve à 7, .36 -\- 0,32 := 7™'",68 en arrière du sommet cornéen, et à 8 — 7,68 = 0™™,32 en avant du pôle postérieur du cristallin. Les points cardinaux de l'œil seraient donc déterminés. Nous donnons, dans la figure o7, p. 103, un dessin synoptique de leur situation, en grandeur triple environ, ç' et 9" y sont les foyers principaux, h' le premier, h" le second point principal, k' le pre- mier, k" le second point nodal. Le tableau de la page 96 renferme les constantes optiques calculées de l'œil schéma- tique, d'après différents auteurs. Nous y avons joint, en reproduisant le tableau de la page 91, les constantes optiques données par V expérimentation. Par position d'un point cardinal, nous entendons (à l'exemple de Helmholtz) sa distance au sommet cornéen (face antérieure). Donnons encore le tableau suivant des forces réfringentes de l'œil schématique total et de ses diverses parties (valeurs arrondies). PARTIES. FORCES RÉFRINGENTES en dioptries. Œil dans son ensemble 60 D Cornée 40 D Face antérieure du cristallin 8D Face postérieure du cristallin 12 D Cristallin dans son ensemble 20 D La force réfringente de la cornée constitue donc les deux tiers de celle de l'œil total ; celle du cristallin n'en est que le tiers. 96 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Tableau de l'œil schématique, renfermant et les constantes optiques données par l'expérimentation, et celles calculées à l'aide des premières. (Par position d'un point cardinal, nous entendons sa distance au sommet (de la surface antérieure) de la cornée.) VALEURS ACCEPTÉf;.S HELMHOLTZ. UNDOLT. TSCHERNIXG. ou LISTING. calculées (1880) (1883) (1898) par nous. c Indice de réfraction de riumieur ,o aqueuse (de la cornée et du vi- e trcum)par rapport à l'air (dont sj s l'indice est égal à 1) 1,33 1,3377 1,365 • 1.33 ^3j Indice total du cristallin 1,42 1,4545 1,4371 C Œ 1,41 & R,ayon de courbure (de la face an- mm. mm- mm- ^ J mm. t< térieure) de la cornée 8,00 8,00 7,829 œ 8,00 Rayon de courbure de la face an- i' Ces valeurs satisfont assez bien notamment à la condition =^7-, = -77, et 9' est silué à 16,65—1,94 = 14,71™™ en avant de la cornée, 9" à 22,14 + 2,06 = 24™™, 20 en arrière de la cornée. L'axe de cet œil est de 24,20 millimètres. — Les points nodaux sont situés comme suit : k' est à 22,14— 16,65 = 5™™, 49 en arrière de la cornée; k'' est à 0™»,12 derrière k' , c'est-à-dire à 5™™, 61 derrière le sommet cornéen. Le tableau suivant résume ces divers éléments, calculés dans l'hypothèse du cristal- lin réduit à son second plan principal. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. , 7 98 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Constantes optiques de l'œil total calculées en représentant le cristallin par son second plan principal (ou nodal. millim. F' 16,65 F" 22,14 Lieu du premier point principal 1,94 — second — — 2,06 — premier — nodal 5,49 — second — — 5,61 Écart entre les points principaux (et les points nodaux) 0,12 Lieu du premier foyer 14,62 — second — (ou longueur de l'axe optique) . 24,20 On voit que ces valeurs de diffèrent pas beaucoup de celles de l'œil schématique, calculées en tenant compte des deux plans principaux du cristallin. Dans tous les cas, elles n'en diffèrent guère plus que celles calculées par les différents auteurs pour l'œil schématique ne diffèrent entre elles (voir le tableau de la page 96). Et, pour un exposé élémentaire de la dioptrique oculaire, on pourrait très bien représenter le cristallin par une seule suif ace réfringente, ou par une lentille infiniment mince, placée à l'endroit du second point nodal du cristallin. Mais on peut faire un pas de plus dans la simplification. En effet, les points princi- paux (ainsi que les points nodaux) de l'œil total ne sont distants l'un de l'autre que de 0"'",32, valeur qu'on peut évidemment négliger le plus souvent dans l'évaluation des dis- tances focales (qui sont de 16, 6d et de 22,09 millimètres). L'erreur à laquelle on s'expose ainsi n'est que de 1 à 2 p. 100, alors que, de l'avis de Knapp par exemple, l'emploi de l'œil schématique expose à des erreurs de 5 p. 100. On peut donc, sans causer d'erreur grave, supposer les deux points principaux réduits à un seul, de même que les deux points nodaux. L'hypothèse d'un seul point nodal implique celle d'une seule surface réfringente, et d'un milieu homogène remplissant tout l'œil. Le point principal unique est supposé coïncider avec le sommet de la surface réfringente unique. Le point nodal est le centre de courbure de la surface. On obtient ainsi ce que Listing a nommé 1' « œil réduit», c'est-à-dire réduit à une seule surface réfringente. Le rayon de courbure de l'œil réduit à une seule surface doit être égal à la différence entre les deux longueurs focales, c'est-à-dire de 5 millimètres, en partant des longueurs focales (arrondies) de l'œil schématique (22 — 16z=o millimètres). En supposant cet œil réduit (fig. 54) rempli d'humeur aqueuse, avec un indice de 4 réfraction de 1,33 ou de- (indice réel de l'humeur aqueuse), le rayon de courbure étant Y> millimètres, F' sera de 15 millimètres et F" de 20 millimètres. Le point nodal est donc à 15 millimètres en avant de 9", c'est-à-dire en y^ ~'\"' ^vant de la rétine. L'axe de cet œil est de /Çrun \ 20 millimètres. / — r^ -\rn" Les distances focales de cet œil réduit différent jjmm. \ iS^"^ j quelque peu de celles de l'œil schématique. Pour \_^^ y que F" fût égal à 22 millimètres comme dans Fig 54 \oi\\ schématique, l'indice du milieu unique de- vrait être de 1, 30, ou bien le rayon de courbure devrait être de 5,45 (à calculer d'après la formule F" =-77 — ; )• Listing et d'autres ont admis en effet des valeurs un peu différentes. Mais les chiffres acceptés plus haut, ceux de l'œil réduit de Donders, se recommandent en ce qu'ils sont faciles à retenir et sim- plifient les calculs au point qu'on peut les exécuter de tète; ils sont d'ailleurs suffisa- ment rapprochés de la réalité, et généralement employés. 51. Exemples de la simplicité des calculs à l'aide de l'oeil réduit de Donders. — a) Un rayon dirigé sur /c coïncide avec le rayon de courbure, et passe sans réfraction. Soit a b (fig. 55) un objet, son image rétinienne est aP; kct, la distance du point nodal à ©"est de 15 millimètres. Pour trouver combien de fois l'image est plus petite que l'objet, nous n'avons qu'à diviser 15 par la distance ak de l'objet au point nodal, ou de l'objet à l'œil, la distance du point nodal au sommet cornéen (5 millimètres) étant toujours négli- DIOPTRIQUE OCULAIRE. 99 geable vis-à-vis de la dislance de l'objet à l'œil. On procède conformément à la formule a du n" 11 ~=:^). Un mètre, situé cà 15 mètres (15000 millimètres), donne une image 1 000 fois plus petite que l'objet, c'est-à-dire d'un millimètre. b) Si l'œil est adapté pour l'infini, l'image d'un point situé à une distance finie tend à se former derrière la rétine. Mais à quelle distance cette image tend-elle à se former derrière la rétine? En d'au- F" = /". très mots, quelle est la valeur de /'" Suivant la formule (n" 12) /' l" F' F", /" = FF^ /' ■ Donc pour trouver /", nous n'avons qu'à diviser le pro- duit F' F", c'est-à-dire 20 x 15 = 300 par l', c'est-à-dire Fig. 55. par la distance du point lumineux au foyer antérieur (cette distance exprimée en millimètres). Le point lumineux est-il à 300 millimètres de ç', alors son image est à 300 : 300 = 1 millimètre en arrière de la rétine. c) Cette formule (de Newton) donne avec la même simplicité l'allongement de l'œil myope. Un tel œil est adapté pour une distance finie; et ç" se trouve en avant de la rétine. La rétine est le plan focal conjugué pour le punctum remotum. Et la distance de ce dernier à ^', est précisément la distance focale du verre correcteur, s'il est placé en çp' (ce qui n'est pas toujours le cas). Si /' = 300 millimètres, le punctum remotum est à 300 millimètres de o' ; alors l'allongement de l'œil myope est de un millimètre. | De même aussi on calcule aisément le raccourcissement de l'œil hypermétrope. Suppo- sons un tel œil ayant besoin pour voir de loin d'un verre positif d'une certaine distance focale. La rétine est le point conjugué pour un point lumineux situé derrière l'œil, à une di-lance de 9' qui doit être prise négativement, et cette distance est précisément la longueur focale du verre correcteur. Un œil hypermétrope, qui est corrigé par un verre de 300 millimètres de distance focale (si le verre est placé en 9', ce qui n'est pas toujours le cas), est trop court de un millimètre. , / F' F" 300\ d) La valeur de /" ( = — -— = —— j entre dans les calculs si fréquents de la grandeur des cercles de diffusion sur la rétine, et dont la formule est donnée déjà à l'article Accommodation (p. 70). Ces calculs sont ainsi considérablement simplifiés, pp' étant (fig. oO) le diamètre pupillaire d, ah r= c étant la dis- tance entre la pupille et la rétine (ou entre le pôle antérieur du cristallin et la rétine), de 18 millimètres environ, bc étant /"ou la distance de l'image nette à la rétine, on a pour le dia- mètre X du cercle de diffusion l'expression /" X = d Fig. 56. l" + c' La rigueur dans le calcul des cercles de dif- fusion exigerait toutefois qu'on prit pour grandeur de la pupille et pour la longueur ah les valeurs correspondantes de la pupille apparente de sortie (voir plus loin n'^ 60, " ouverture "du système dioptrique de l'œil). Pour une grandeur réelle de 4 millimètres de la pupille, la pupille apparente (de sortie) est de 4'"'",18, et cette pupille apparente (de sortie) est située à 0'"'°,08 derrière la pupille réelle. 52. Longueur de l'œil. — Un élément essentiel en dioptrique oculaire est la longueur de l'a^il, ou plutôt la distance du sommet cornéen au plan rétinien sensible à la lumière. Cette longueur est celle de Taxe optique» interne », en opposition avec l'axe « externe », qui lui est la distance du sommet cornéen au pôle postérieur du globe oculaire. L'épais- seur de la sclérotique (au pôle postérieur) étant de 1""",30, l'axe externe dépasse de cette longueur l'axe interne. Or c'est l'axe interne qui nous importe au point de vue dioptrique. On ne peut pas déterminer cette longueur sur le vivant; on s'est donc adressé à des yeux de cadavres. Et sachant que la myopie et l'hypermétropie tiennent à une longueur 100 DIOPTRIQUE OCULAIRE. anormale de l'œil, il faudrait s'adresser à des yeux reconnus emmétropes sur le vivant. Les quelques mensurations faites de cette manière (par Hirschberg, Weiss et d'autres) assi-^'iient à l'axe oculaire externe (de l'œil emmétrope) une longueur qui se meut autour de 24 millimètres, chiffre approximativement égal à celui trouvé par v. Jaeger (24™™, 3) en prenant la moyenne de 80 yeux sans se préoccuper s'ils étaient emmétropes ou non. En défalquant de cette longueur l'épaisseur de la sclérotique (i™",30)au pôle postérieur de l'œil, on arrive sensiblement au chiffre de 23 millimètres pour la longueur de l'axe optique interne. Des recherches d'un autre genre tendent à relever quelque peu au-dessus de 23 milli- métrés la longueur de l'axe optique interne; elles démontrent aussi que cet axe varie de 1 et même de 2 millimètres chez l'emmétrope. II en résulte immédiatement que l'effet dioptrique des milieux de l'œil emmétrope peut varier entre certaines limites qui ne sont pas toujours à négliger. D'une manière générale, ces dernières recherches consistent à calculer la longueur de l'axe oculaire interne sur des yeux vivants et emmétropes. Le cas le plus simple est celui de l'œil apliaque, qui était emmétrope avant le début de la cataracte. Dans ce cas, il n'y a qu'une seule surface réfringente, dont on détermi- nera (par l'ophtalmomètre) le rayon de courbure, puis on calculera les constantes diop- triques, notamment les distances focales principales (comme au n° 45). Le second foyer est situé derrière le plan rétinien; la surface réfringente imprime à des rayons venus de très loin une convergence vers un point situé a une certaine distance derrière la fovea, et qui est le second foyer principal (dont la distance F" au sommet cornéen a été calculée). On se sert de la formule de Newton /W"=F'F", où r est la distance de l'objet au foyer antérieur, /" celle de l'image au foyer postérieur, F' et F" les distances focales principales. Voici le raisonnement à faire. Pour que l'image d'un point lumineux tombe sur la rétine, il faut que les rayons qui partent de ce point soient rendus convergents. Et le point vers lequel ils convergent est le point lumineux, l'objet. Sa distance l' doit donc être prise négativement. Elle est égale à la distance focale du verre qui corrige l'œil aphaque, qui ramène sur la rétine le foyer principal du système combiné : œil plus verre correcteur, à la condition que ce verre soit placé dans le foyer principal antérieur de l'œil aphaque (soit à 24 millimètres au-devant de la cornée de l'œil). Exemple : soit un œil aphaque corrigé par un verre (de 11 D) à distance focale de 90 millimètres, placé à 24 millimètres en avant de la cornée. FF" 24X32_ l --y---— gy---8 ,53. l" ayant une valeur négative, doit être retranché de F" (= 32) pour avoir la longueur de l'axe optique interne : 32 — 8,53 = 23-">,47. En pratique, on ne place jamais la lentille correctrice à 24 millimètres de la cornée. Admettons que ce soit à 10 millimètres, c'est-à-dire à 14 millimètres en arrière de 9'. Dans ce cas, le verre correcteur devra être plus fort que 11 D, avoir une distance focale plus courte que 90 millimètres. Il faudra alors, pour avoir l', ajouter les 14 milli- mètres à cette distance focale. Des calculs de ce genre ont été publiés notamment par Donders, v. Reuss, Woinow et Madthner. D'après Mauthner, l'axe oculaire interne, calculé ainsi, pourrait varier dans les yeux emmétropes de 22 à 26 millimètres. Elle serait en moyenne de 24"™, 94. Mauthner a aussi essayé de calculer la longueur de l'axe oculaire sur l'œil muni de son cristallin, en basant ses calculs sur les constantes optiques des diverses surfaces réfringentes. Il introduisit dans ses calculs notamment les valeurs schématiques du cris- tallin. Mais ces valeurs schématiques ne sauraient représenter la réalité, de sorte que, de cette manière, on n'obtient que des valeurs plus ou moins rapprochées de la réalité. Somme toute, la longueur de l'axe optique interne de l'œil emmétrope doit osciller autour de 24 millimétrées, et celle de l'axe optique externe autour de 25 milhmètres DIOPTRIQUE OCULAIRE. 101 (peut-être autour de 2î)™™,o0). — La valeur de 24 millimètres concorde presque rigou- reusement avec celle de 24"™, 14 calculée par nous pour l'œil schématique. Les auteurs les plus classiques calculent une longueur sensiblement plus, petite de l'œil schématique. Helmholtz, p. ex., arrive récemment (1886) au chillre de 22""™, 819, en 1807 à celui de 22""™, 23, et Listing à 22°^™, 57. Ces auteurs ont donc admis une force réfrin- fïente trop grande du système dioptrique. L'identification des indices de la cornée et de l'humeur aqueuse, c'est-à-dire la non-observance de la faible réfraction à la surface cornéenne po.stérieure, y est bien pour quelque chose. Mais, en en tenant compte, on allongerait l'axe de l'œil schématique tout au plus de 0'"™,10. D'autre part, l'indice de réfraction de l'humeur aqueuse et la courbure cornéenne ont été bien déterminés, et leurs valeurs admises ne sont pas trop fortes. Selon toutes les apparences, ainsi que nous l'avons dit, on a évalué trop haut la valeur dioptrique du cristallin. L'indice total du cristallin et les courbures de ses surfaces semblent avoir été pris trop forts. 53. Dioptrique de l'œil du nouveau-né. — Le nouveau-né est hypermétrope (la plupart du temps) ou emmétrope. Cela est dû principalement à ce que son œil, est plus petit; l'axe oculaire n'a que 17'"™,aO (d'après V. Jaeger et d'autres). Le fait que l'œil devient dans la suite emmétrope ou myope est dû principalement à son allongement progressif. Néanmoins le système dioptrique du nouveau-né diffère de celui de l'adulte. — La cornée, elle, a, dès la naissance, sa courbure définitive (notamment d'après Nor- DENSOHN, cité par Parent). — Le cristallin est nolahlement plus convexe chez le nouveau- né ; les courbures de ses deux surfaces diminuent par l'adjonction de couches équato- riales, alors que son axe antéro-postérieur reste en somme le même (Bertin-Sans). La diminution de réfringence qui en résulte pour le cristallin est toutefois compensée par une augmentation parallèle de son indice de réfraction lotale. — Chez le nouveau-né, la différence des indices des couches corticales et du noyau est moindre que chez l'adulte. Au dire d'AuBERT et Matthiessen, basé sur une seule détermination, le noyau aurait chez le nouveau-né même indice que le cortex. Dans la suite, le noyau devient plus réfrin- gent, et l'indice total augmente. — La chambre antérieure du nouveau-né est notable- ment moins profonde, ce qui doit augmenter proportionnellement l'effet dioptrique du cristallin. Différences de l'œil réel avec l'oeil idéal (schématique). — 54. 11 s'en faut de beaucoup que l'œil réel soit construit et fonctionne d'après les données idéales supposées dans ce qui précède. En premier lieu, la condition de Gauss (utilisation des seuls rayons centraux) n'est pas du tout réalisée. En second lieu, en leur qualité de corps organisés, les milieux transparents sont loin d'être théoriquement homogènes ni réguliers. Ce sont ces différences de l'œil réel avec l'œil idéal que nous allons passer en revue. Pour une bonne part, ces difféi-ences constituent des imperfections, des défauts diop- triques. Ces défauts sont plus nombreux et plus graves qu'on ne l'admet généralement. C'est ce qui a fait dire à Helmholtz que si un constructeur s'avisait de nous fournir un instrument optique aussi imparfait que l'œil, nous serions en droit de le refuser. Cependant, ces différences ne constituent pas toutes des défauts au point de vue de la vision, au point de vue du parti que l'individu tire de son organe visuel. C'est ainsi que le champ visuel si grand de l'œil, tout en étant défavorable au point de vue de la netteté des images d'objets très écartés de l'axe optique, est de la plus haute utilité au point de vue de l'orientation de l'individu. 55. Axe optique et ligne visuelle. A7igle a. — Dans un système dioptrique centré, à surfaces sphériques, analogue à celui de l'a^il, l'axe optique passe par les centres de courbure des trois surfaces, ainsi que par les sommets des trois surfaces réfringentes. La perfection de l'effet dioptrique est obtenue lorsque le point lumineux objectif se trouve sur l'axe optique. Si ce point s'écarte de l'axe optique au-delà d'une certaine limite, on n'est plus dansles conditions supposées dans ce qui précède ; la marche des rayons lumineux diffère de ce qui est dit plus haut, et les images deviennent plus ou moins irrégulières. Si donc le système dioptrique de l'œil était théoriquement parfait, il devrait réunir (entre autres) les deux conditions suivantes. 1" Le système devrait être centré, c'est-à- dire que les centres de coui'bure des trois surfaces réfringentes devraient être situés sur une même ligne droite, qui est l'axe optique. 2° Cet axe optique devrait passer par la fovea centralis. La netteté des images rétiniennes impo?'tanl surtout pour la fovea, dont 102 DIOPTRIQUE OCULAIRE. le pouvoir de distinction est le plus exquis, la fovea devrait se trouver sur l'axe optique, car c'est la condition pour que l'image rétinienne de l'objet fixé soit d'une netteté théorique. Or il est bien prouvé que ces conditions ne sont presque jamais réalisées dans les yeux réputés normaux, si tant est qu'elles le soient jamais. Le plus souvent l'axe optique de l'œil, dont la longueur a été calculée plus haut (p. 99), et dont il s'agit ici de détermi- ner la direction, ne passe pas par la fovea, et par conséquent le point fixé (qui forme son image dans la fovea) ne peut pas se trouver sur cet axe. Assez souvent aussi l'axe du cristallin est un peu oblique par rapport à l'axe cornéen, de sorte que les trois surfaces réfringentes de l'œil ne sont pas exactement centrées. La définition de l'axe optique de l'œil rencontre tout d'abord quelques dificiiltés. Dans le temps où l'on assimilait la courbure cornéenne à celle d'un ellipsoïde, on calculait un axe optique cornéen bien singularisé au point de vue dioptrique : c'était le grand axe de fellipsoïde cornéen. On sait comment on s'y prenait. On déterminait le rayon en trois endroits du même méridien, une fois à peu près au sommet, les deux autres fois un peu à côté. Et comme généralement on trouvait qu'au sommet ce rayon était plus petit que sur la périphérie, on calculait d'après ces données expérimentales incomplètes la courbe (du second ordre), l'ellipse hypothétique de la courbure cornéenne. Il se trou- vait aussi que le long axe de l'ellipsoïde ainsi calculé passait généralement par les centres de courbure des deux surfaces cristalliniennes, ou au moins très près d'eux. C'était donc là l'axe optique général de l'œil total. • Or il résulte des recherches concordantes de Sulzer, Eriksen, Gullstrand, Tscherning, etc., que l'aire centrale de la cornée a une courbure non pas ellipsoïdale, mais très approxi- mativement sphérique. Dès lors, aucun rayon de cette surface sphérique ne jouit de propriétés dioptriques singularisées, et au besoin chacun d'eux pourrait jouer le rôle d'axe optique de la cornée. Il est assez naturel de prendre comme axe optique cornéen le rayon du point cornéen central (voir Ophtalmométrie), et cela d'autant plus, que ce rayon passe très près ou même à travers les centres de courbure des deux surfaces du cristallin. La détermination plus exacte de cet axe optique rentre dans l'article « ophtalmométrie ». Disons dès maintenant que cet axe ne passe généralement pas par la fovea, mais touche ja rétine en un point situé en dedans de la fovea, entre elle et la papille du nerf optique. Il s'ensuit immédiatement que le point de fixation, c'est-à-dire le point qui forme son image au centre de la fovea, ne se trouve presque jamais sur l'axe optique. 56. La ligne visuelle, ou la ligne droite qui joint le point fixé au centre de la fovea, en passant par le (ou les) centre optique, ne coïncide donc qu'exceptionnellement avec l'axe optique. — Le point fixé, dont il importe que l'image soit la plus nette possible, forme son image sur l'endroit rétinien dont le pouvoir de distinction est le plus parfait (voir Acuité visuelle). — Or, de cette non-congruence de l'axe optique et de la ligne visuelle, il résulte théoriquement un défaut du système dioptrique de l'œil. Dans la figure .57, représentant une section horizontale de l'œil schématique, n est le nerf optique, f la fovea; ap est la direction de l'axe optique de l'œil, p est le pôle diop- trique postérieur de l'œil, et le centre cornéen ou pôle dioptrique antérieur est le point où l'axe coupe la surface cornéenne antérieure, vf est la ligne visuelle (passant par les points nodaux k' et k"). Si nous avions pris l'œil réduit, la ligne visuelle serait une seule ligne droite passant par le centre optique unique. La ligne visuelle traverse donc la cornée en un point situé au côté nasal du sommet cornéen. Généralement on désigne par la lettre a l'angle délimité par l'axe optique et la ligne visuelle, et dont le sommet est au premier point nodal (ou au centre optique de l'œil si nous prenons l'œil réduit). Cet angle a est en moyenne de 3° (3 à 7"). De plus, la ligne visuelle n'est généralement pas située dans le méridien horizontal de la cornée (méridien qui renferme l'axe optique). Le plus souvent elle coupe la cornée au-dessus de ce méridien, en formant avec lui un angle de 2 à 3°; rarement elle coupe la cornée un peu en dessous de ce méridien. Somme toute, la ligne visuelle passe néanmoins toujours par la partie optique, sphé- rique, de la cornée, de sorte qu'au point de vue de la réfraction dans la seule cornée, elle jouit des propriétés d'un axe optique. Mais elle ne peut pas passer par les centres de courbure des deux surfaces du cristallin. Cependant, cette dernière imperfection DIOPTRIQUE OCULAIRE. 103 dioptrique ne semble pas produire des phénomènes bien sensibles, ce qui est dû en grande partie à ce que la réfraction du cristallin est en somme faible comparée à celle de la cornée. La cornée, au moins sa partie optique, est donc asymétrique, oblique par rapport à la ligne visuelle. Du reste, l'axe cornéen, lui non plus, ne passe généralement pas exactement par les centres de courbure des surfaces du cristallin, dont alors les axes particuliers ne coïn- cident pas avec celui de la cornée. L'axe cristallinien passe souvent un peu au-dessus du FiCt, 57. — Œil schématique. centre de coui'bure de la cornée. Mais ce décentrage du système dioptrique de l'œil est peu important même moins important que la non coïncidence de la ligne visuelle avec l'axe cornéen. A l'article Ophthalmométrie revient le côté expérimental des diverses questions touchées ici. Nous y verrons notamment que nous ne disposons pas d'un moyen rigoureux pour déterminer la direction de la ligne visuelle. Nous y verrons aussi que l'axe optique de l'œil ne passe pas toujours par le centre cornéen. C'est cà propos de ces diverses questions surtout qu'on s'est livré à des spéculations mathématiques, que nqus croyons pouvoir négliger provisoirement. Elles sont la plupart du temps basées sur l'hypothèse controuvée d'une courbure ellipsoïdale de la cornée. Elles ne pourraient s'appliquer sérieusement qu'aux cas d'astigmatisme régulier, et il ne semble pas que même sur ce terrain restreint elles aient encore conduit à des résultats pratiques tangibles. 57. Aberration sphérique de l'œil. — Lorsque, dans la réfraction à travers une ou plusieurs surfaces, la restriction de Gauss relative aux rayons centraux n'est pas réalisée c'est-à-dire lorsque des parties éloignées de l'axe optique servent à la réfraction, il se produit des phénomènes dits d'aberration de sphéricité, dus essentiellement à ce que les rayons passant par les parties excentiiques des surfaces, sont plus fortement réfractés que les rayons centraux. Aucun œil réputé normal n'est indemne de traces sensibles de ce défaut dioptrique, surtout lorsque la pupille est large. On conçoit que le rétrécissement pupillaire doit diminuer le défaut en question, en diminuant l'ouver- ture du système. La figure 58 montre les effets de l'aberration sphérique sur des rayons homocen- triques, venus de très loin, et arrivant de gauche à droite sur une seule surface réfrin- gente; les phénomènes seraient identiques avec une lentille. Les rayons éloigne's de l'axe optique se réunissent en foyer sur cet axe avant les rayons centraux. Les points de croisement des rayons se distinguent par leur plus grande intensité lumi- neuse, qu'on peut voir, par exemple, dans un cylindre de verre massif, ou dans de l'eau (imparfaitement transparente). Les parties les plus claires du cône émergent prennent 104 DIOPTRIQUE OCULAIRE. la forme d'une courbe particulière appelée « caustique ». En promenant un écran blanc perpendiculairement à la direction des rayons réfractés, on voit la section circulaire du cône réfracté; le cercle est plus lumineux à sa périphérie si l'écran est entre le foyer et la lentille; au delà du foyer, il est plus lumineux vers son centre, ainsi que cela résulte de la figure 58. Parmi les phénomènes nombreux qui permettent d'étudier l'aberration sphérique, il y a notamment les incurvations d'une ligne droite, que Tscherning a utili- sées pour étudier l'aberration dans l'œil. Si dans la dernière expérience, on place une aiguille droite contre la lentille, dans la position p ou q de la figure 58, on voit l'ombre de l'aiguille sur l'écran, dans le cercle de diffusion. Or cette ombre n'est droite que si l'aiguille coïncide avec un diamètre de la lentille; autrement elle est courbe, concave ou convexe vers le milieu : convexe (III, fig. 59), si l'éran est au delà du foyer; con- cave (II), s'il est entre le foyer et la lentille. L'explication de ces incurvations ressort de la figure 58. En deçà du foyer, les rayons périphériques sont plus rapprochés, condensés, que les centraux; au delà ils sont plus écartés que les centraux. On sait que par divers artifices, on peut corriger l'aberration sphérique des lentilles; les rendre aplanétiques. Alors les cercles de diffusion ont même éclat dans toute leur étendue, et l'ombre de l'aiguille est toujours droite (I, fig. 59j. On peut aussi surcorriger Taberration : alors les phénomènes sont renversés. A l'article Astigmatisme (p. 799), nous avons décrit 1' « aberroscope », à l'aide duquel TscHERNiNG a étudié l'aberration sphérique dans l'œil humain. Il consiste eu une lentille plane convexe de 52 centimètres de distance focale (pour rendre l'œil myope), et portant sur la face plane un quadrillé. Si l'on regarde à travers cette lentille un point lumineux éloigné, ou verra dans le cercle de diffusion les traits périphériques droits I II m seulement si l'œil n'a pas d'aberration sphérique, ce qui est rare, et seulement avec une pupille très étroite. Généralement on les voit convexes vers le centre, ce qui indique une aberration positive, nor- male, la réfringence aug- mentant vers la périphérie. L'écran rétinien est en effet au-delà du foyer (du système œil + lentille). Rarement les lignes périphériques sont concaves vers le centre, ce qui indique une aberration négative (réfringence dimi- nuant vers la périphérie). Examinées avec l'aberroscope, la plupart des personnes accusent donc un certain degré d'aberration positive. Exceptionnellement l'aberration est négative, c'est-à-dire surcor- rigée, probablement par l'aplatissement périphérique de la cornée. Peut-être que chez elles, la partie sphérique, optique, de la cornée est très petite. On comprend en effet que l'aplatissement périphérique de la cornée va à l'encontre de l'aberration sphérique. Néanmoins, à 3 millimètres de l'axe optique, l'aberration sphérique peut produire une myopie de 3 D (Roure). Il semble d'ailleurs qu'à ce point de vue, le cristallin est loin d'être négligeable. KiG. 59. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 105 A l'article astigmatisme, nous avons vu (p. 800) que l'aberration sphérique de l'œil peut (exceptionnellement) être inégale, ou même contraire dans diverses directions du champ pupillaire. Un déplacement anormal de la pupille, fait assez fréquent, paraît souvent en être la cause. Chose curieuse, un degré même très sensible d'aberration sphérique ne paraît pas nuire beaucoup à l'acuité visuelle. La raison en est-elie que ces gens mettent au point en accommodant de manière à ce que les bâtonnets de la rétine soient touchés par le cône lumineux de la figure 58, non pas par le foyer proprement dit, mais par un endroit de la caustique au niveau de B? En cet endroit, l'image d'un point est composée d'un centre intense, entouré d'un halo très faible, si on opère avec un éclairage total très faible — cas habituel de la vision. 58. Aberration chromatique. — L'œil n'est pas plus achromatique qu'il n'est aplané- tique, et sous ces deux rapports, il le cède de loin à une lunette très ordinaire. — Cette question de l'achromasie oculaire a même une histoire mémorable. Newton croyait que la dispersion d'un milieu était proportionnelle à son indice de réfraction. La construction d'un objectif achromatique lui semblait donc itnpossible, et c'est pourquoi il adopta les télescopes catoptriques. Euler vint dire ensuite que, l'œil étant achromatique, il devait être possible de construire des lentilles achromatiques, et cette assertion erronée con- duisit l'opticien Dollond à construire des objectifs réellement achromatiques. Wollaston démontra ensuite que l'œil n'est pas achromatique, en faisant voir qu'un point lumineux vu à travers un prisme, c'est-à-dire que le spectre d'un point lumineux, n'est pas partout également au point pour l'œil. Lorsqu'on accommode pour l'extrémité rouge de ce spectre, l'extrémité bleue est vue diffusément, et vice-versa. — Un œil emmétrope pour les rayons rouges est myope de 1,50 dioptries environ pour les rayons violets. Fraunhofer observa l'aberration chromatique de l'œil, et en détermina le degré, en observant un spectre à travers une lunette achromatique dont l'oculaire était muni d'un réticule. Lorsque la partie violette du spectre était dans le champ, pour voir nettement le réticule, il devait en rapprocher la lentille de l'oculaire plus que lorsque la partie rouge était dans le champ visuel. Th. Young évalua l'aberration chromatique de l'œil à 1,3 dioptries; Fraunhofer de -1,5 à 3, et Helmholtz à 1,8 dioptries. Le chiffre est difficile à déterminer à cause du vague qui existe sur les limites du spectre visible. Un point lumineux (trou percé dans un écran opaque) placé en-deçà du punctum proxlmum, paraît comme un cercle de diffusion bordé de rouge. Si l'œil est rendu myope (par l'apposition d'une lentille), le point placé au delà du punctum remotum paraît bordé de bleu. Toutes les apparences dues à l'aberration chromatique se prononcent davantage si on examine à travers un verre violet, qui ne laisse guère passer que les rayons rouges et les bleus, dont la réfrangibilité diffère beaucoup. Dans l'œil normal donc, le foyer pour des rayons violets ou bleus se trouve en avant du foyer pour les rayons rouges. L'œil est loin d'être achromatique, et la dispersion y est même un peu supérieure à ce qu'elle serait si l'œil était rempli d'eau. Il est d'autant plus remarquable que pour des objets situés dans le terrain d'accom- modation, les bords colorés ne se font généralement pas sentir, circonstance qui avait fait admettre, et qui fait encore quelquefois admettre erronément l'achromasie de l'œil. Pour comprendre l'absence des bords colorés aux objets vus distinctement, voyons d'abord une circonstance dans laquelle les objets vus distinctement ont des bords colo- rés. Cela se produit lorsque la pupille est partiellement couverte par un écran. Qu'on fixe d'un œil, p. ex. le montant d'une fenêtre qui se projette sur le ciel. Regardés sans autre précaution, les bords du montant ne sont nullement colorés. Ils se colorent au contraire si on couvre partiellement la pupille : le bord du côté couvert paraît bleu, l'autre jaune. — Soit (fig. 60). A un point lumineux blanc situé dans le terrain d'accomodation. Les rayons les plus réfrangibles forment foyer en v et les rayons les moins réfrangibles plus en arrière. La figure montre déjà pourquoi un objet situé au-delà du point pour lequel l'œil est adapté, doit avoir des bords bleus, et pourquoi dans la position opposée il doit avoir des bords rouges. — Si l'œil est adapté pour le point A, la rétine se trouve dans la situation intermédiaire indiquée dans la figure 60, elle est frappée par un mélange d'à 106 DIOPTRIQUE OCULAIRE. peu près tous les rayons, mais en haut p. ex., les rayons rouges viennent du point B du système dioptrique (d'en haut), eL les rayons violets viennent du point C du système dioptrique (d'eu bas). — Couvrons maintenant la partie CO du système dioptrique (la lolet i/ioiet FiG. 61. FiG. 60. moitié inférieure de la pupille (fig. 60), alors le point rétinien supérieur ne reçoit que des rayons rouges et le point rétinien inférieur seulement des rayons violets : en haut il se forme sur la rétine un bord rouge, en bas un bord violet (ou bleuâtre). Dans le cas du montant de la fenêtre, nous n'avons pas un point lumineux, mais deux surfaces lumineuses, à droite et à gauche du montant (fig. 61). Si nous couvi'ons la pupille de droite à gauche p. ex, seuls les points lumineux situés contre le montant pourront apparaître colorés, et colorés seulement contre le montant obscur, puisque les autres points colorés seront tous neutralisés, couverts par ceux des voisins. Le bord droit du montant, la lettre a, fig. 61, correspondant au point supérieur de l'image rétinienne de la figure 60, doit paraître en violet ou bleu ; et le bord gauche du montant, correspondant au point inférieur de l'image rétinienne (fig. 60), doit paraître en rouge (ou jaune). Somme toute, dans la vision nette, les bords irisés des objets se neutralisent entre eux, mais à la condition que l'axe optique passe par Taire pupillaire, et que les rayons soient réfractés (dans un plan vertical, par exemple) les uns en haut, les autres en bas (et les uns à droite, les autres à gauche), ce qui est toujours le cas dans la vision normale. De même qu'on peut corriger l'aberration chromatique des lentilles, on peut corriger celle de l'œil, à l'aide de lentilles combinées. Une lentille concave de flint de 20 dioptries neutralise l'aberration chromatique de l'oeil. 11 faut seulement, de plus, neutraliser l'effet sphérique total de cette lentille par une lentille achromatique positive de 20 dioptries. Helmholtz n'a toutefois pas obtenu ainsi une augmentation sensible de l'acuité visuelle. 59. Cercles de diffusion (des images rétiniennes). — Dans bien des circonstances la rétine ne se trouve pas dans le plan conjugué d'un objet, bien que celui-ci soit situé sur l'axe optique ou très près. L'image de l'objet est donc diffuse, et il s'agit d'apprécier le degré de cette diffusion, c'est-à-dire de calculer le diamètre du cercle de diffusion d'un point. Ce calcul a été donné plus haut, p. 99 {n° 51) et surtout à l'article Accommodation (p. 70-72). Nous avons déjcà dit (p. 99) que, pour être rigoureux, il devrait tenir compte de la différence entre la pupille réelle et la pupille apparente dite « de sortie » (voir plus loin, n" 60). C'est la grandeur et l'emplacement de la pupille de sortie (et non de la pupille réelle) qu'il faut introduire dans ces calculs. 60. Ouverture du système dioptrique de l'œil. Pupille apparente. — Vouverture d'un système dioptrique est son diamètre utile pour la réfraction des rayons partis d'un point lumineux situé très loin, et sur l'axe optique, ou très près de cet axe. De tous les rayons partis d'un tel point et qui tombent sur un objectif, seuls ceux qui touchent une partie centrale de l'objectif contribuent à former l'image. Et cette partie centrale, « l'ouver- DiOPTRIQUE OCULAIRE. 107 ture » de l'objectif peut être plus ou moins grande; les diaphragmes placés en avant de l'objectif en diminuent l'ouverture. La diminution de l'ouverture augmente la netteté des images en diminuant l'aberration spbérique. La théorie de Gadss suppose que l'ouverture soit très petite. Or cela n'est nullement le cas pour l'œil. — La question a une importance sérieuse pour la vision directe, ou pour l'acuité visuelle, qui baisse souvent avec la diminution de la netteté de l'image rétinienne. Nous avons dans l'iris un diaphragme qui augmente et diminue l'ouverture de l'œil. Avec une pupille petite, une plus petite zone centrale de la cornée sert cà la réfraction utile. Il y a d'abord à constater que l'ouverture de Vœ'û, ou plutôt celle de la cornée, est plus grande que dans n'importe quel instrument d'optique, ce qui constitue pour l'œil une cause d'infériorité à certains égards. Dans les instruments d'optique, on n'accepte guère d'ouverture supérieure à dix ou douze degrés, alors qu'avec une grandeur pupil- laire de 4 millimètres (qui n'est pas excessive), l'ouverture de la cornée est de 20 degrés environ. La partie utilisée de la cornée est donc comprise dans les limites de la partie sphérique de la cornée (qui est de 30 degrés) ; mais cela n'empêche que, de par la réfraction cornéenne, nous ne soyons plus dans les conditions de la théorie de Gauss, et que lès effets de l'abeiTation sphérique se fassent sentir (voir plus haut, Aberration sphérique). Avec une pupille fortement dilatée, l'ouverture cornéenne dépasse même la partie sphérique de la cornée, ce qui donne lieu à des phénomènes dont on n'a pas toujours tenu suffisamment compte. Dans l'évaluation de l'ouverture cornéenne, il faut avoir égard à ce fait que nous voyons l'iris et la pupille à travers la cornée, et que la pupille ne nous apparaît ni à sa place réelle, ni avec sa grandeur réelle : elle est avancée vers la cornée et agrandie. Des rayons qui dans l'air semblent provenir d'un point de la pupille apparente sont issus en réalité du point correspondant de la pupille réelle; et, vice versa, les rayons qui dans l'air sont dirigés sur un point de la pupille apparente se dirigent, après réfraction sur la cornée, vers le point correspondant delà pupille réelle. C'est donc de la pupille apparente (dite d'entrée) et non pas de la pupille réelle, que dépend l'ouverture corue'enne. On calcule aisément l'emplacement et la grandeur de la pupille apparente (d'entrée) pour une grandeur et une situation réelles données, moyennant les formules (S et z, n° 19) F' f" i l" r = jrruïï (pour son emplacement), et-=-j-(pour la grandeur). En ce qui regarde la / -r Or distance, nous avons F' = 24,24, F" = 32,24, et /" (ici la distance de la pupille l'éelle à la surface cornéenne) = 4 millimètres; ce qui nous donne pour f, c'est-à-dire pour le lieu de la pupille apparente, une valeur (négative) de 3™"^, 43. La pupille apparente est donc à 3™™, 43 en arrière du sommet cornéen, la pupille réelle élant à 4 millimètres en arrière du 'même sommet. Quant à la grandeur apparente, si la pupille réelle est par exemple de 4 millimètres, nous avons o = 4 millimètres, /" =: 32 — 4 = 28 millimètres; F" = 32 millimètres; ce qui nous donne une grandeur de la pupille apparente de 4°"", 57. Comme annexe, disons un mot d'une autre pupille apparente, et qui a une certaine importance pour le calcul des cercles de ditfusion sur la rétine. Si l'on se figure l'iris et la pupille vus à travers le cristallin par un œil situé dans le corps vitré, la pupille paraî- trait également agrandie, et maintenant reculée vers le corps vitré. Mais ce système dioptrique (cristallin dans l'humeur vitrée) étant plus faible que celui de la cornée, l'agrandissement et le déplacement sont moindres. La pupille serait vue à 0°"",08, plus vers la rétine que la réalité, et en la supposant réellement de 4 millimètres, elle serait agrandie de 0™'^,18. Des rayons provenant d'un point de la pupille réelle, marcheraient dans le corps vitré comme s'ils provenaient du point correspondant de cette pupille apparente (dite de sortie). Tout comme le cône lumineux entrant dans lœil est limité par la pupille apparente « d'entrée », de même aussi le cône lumineux réfracté, à sommet dirigé vers la rétine, es^ limité dans le corps vitré par la seconde pupille apparente, ou celle de « sortie ». C'est cette grandeur et l'emplacement de la pupille de sortie que, pour être rigoureux, il faut introduire dans les formules servant à calculer le diamètre des cercles de diffusion (v. l'article Accommodation, p. 70). On désigne quelquefois, par erreur, du nom d'ouverture cornéenne, la {/rrtnrft'wr angu- îff^ DIOPTRIQUE OCULAIRE. lah'e de la cornée. La grandeur angulaire de la cornée est (chez l'adulte) de 80° dans le méridien horizontal, de 80° dans le méridien vertical; celle de la partie sphérique cen- trale est de 30" environ. L'ouverture cornéenne influe sur l'acuité visuelle, tandis que la grandeur angulaire considérable de la cornée (bien plus grande que dans les instruments d'optique) contri- bue à produire la grandeur (énorme) du champ visuel. 60. Profondeur de foyer du système dioptrique de l'œil ou ligne d'accommodation. Effets du trou sténopéique. Ligne de visée. — A l'article Acuité visuelle, nous avons vu que deux images rétiniennes punctiformes cessent d'être vues distinctes (dans la fovea) si elles sont distantes de moins de 0,002™"°, c'est-à-dire si les points lumineux objectifs se présentent sous un angle inférieur à une demi-minute. 11 en résulte que si le diamètre des cercles de diffusion est un peu moindre que 0,002™"", l'image rétinienne d'un objet est perçue nettement, ou plutôt aussi nettement que possible, et qu'une diminution ulté- rieure des cercles de diffusion n'augmente pas la netteté de la perception. Si l'on se rap- porte au tableau de la page 71 de l'article Accommodation, on voit que pour un œil adapté à l'infini, tous les objets situés un peu plus loin que 25 mètres sont vus avec une netteté égale; et de la figure 10 du même article, il résulte que si l'œil est adapté pour un point rapproché, des objets, situés un peu au delà ou en de çà de ce point, sont vus avec une égale netteté. La condition invariable, nécessaire et suffisante, est que le dia- mètre des cercles de diffusion reste un peu en dessous de 0,002™™. Des faits du même ordre, reposant sur la même propriété de l'œil, se présentent pour n'importe quel objectif dioptrique; ils constituent ce qu'on appelle en photographie la fi profondeur de foyer » des objectifs. On peut en effet, en dedans de certaines limites, déplacer l'écran récepteur de l'image sans que celle-ci cesse d'être nette. En physio- logie optique, à l'exemple de Czermak, le phénomène continue à être décrit sons le nom impropre de « ligne d'accommodation », car il n'a rien de commun avec l'accommodation proprement dite. La ligne d'accommodation est la longueur en dedans de laquelle tous les objets paraissent également nets. Cette ligne est d'autant plus courte que l'œil est adapté pour un point plus rapproché (voir Accommodation, p. 72). Elle augmente si l'ouverture du système diminue, c'est-à-dire si la pupille se rétrécit, condition qui diminue le diamètre des cercles de diffusion. Elle s'allonge considérablement si on regarde à travers un diaphragme à trou punctiforme (trou sténopéique), qui rapproche l'œil des conditions de la chambre claire simple, dont la ligne d'accommodation est en quelque sorte infiniment grande. Les personnes âgées et emmétropes ou même hyper- métropes, à pupille très petite [i millimètre et moins), peuvent quelquefois voir de très près et lire, alors qu'il n'y a plus trace d'accommodation. Le diaphragme punctiforme permet donc de voir nettement des objets très rapprochés (le l'œil, situés en deçà du punctum proximum. En même temps les objets vus ainsi paraissent agrandis, phénomène curieux dont Helmholtz a donné l'explication. Soient SS (ûg. 62) l'écran, et ab l'objet, situé plus près de l'œil que le punctum proximum; l'image ç, tend à se former en ap. Un rayon parti de a se dirige y^ en m 'a et touche la rétine en /■; le rayon bin - va vers p, 1^ et touche la rétine en g. fg sera donc l'image rétinienne de ab. Elle est plus grande que celle qu'on construirait ^'i en tirant des points a et b les lignes de direction par le centre optique de l'œil. C'est qu'à l'aide de l'écran, /"'^ on intercepte des cônes lu- mineux émis par a et b les rayons les plus rapprochés de l'axe optique. Sans l'écran, les images rétiniennes des points a et b seraient des cercles de diffusion dont les centres seraient en i et /(, situés sur les rayons passant par le centre / de la pupille. Sans l'écran, ili serait l'image (diffuse) de ab. En regardant à travers l'écran, l'image se forme comme FiG. 6'>. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 100 si elle représentait l'objet ycp. On voit que l'image rétinienne doit augmenter avei> l'éloignement entre l'écran et l'œil. Le centre théorique du cercle de diffusion rétinien ne se trouve donc pas sur la ligne visuelle, nommée aussi ligne de direction, ligne tirée du point lumineux par le centre optique de l'œil; mais il est situé sur le rayon passant par le centre de la pupille (appa- rente d'entrée). On appelle ce rayon ligne de visée (Volrmman) ,car c'est suivant sa direction qu'on vise, c'est-à-dire qu'on fait coïncider les images de deux points lumineux situe's cà des distances difTérentes, et dont un seul peut être vu distinctement, l'autre apparaissant en cercle de dilTusion. Le point de concours des lignes de visées n'est pas le centre optique, mais le centre de la pupille; il est environ 3 millimètres au devant du centre optique. TscHERNiN'G fait toutefois observer qu'à cause des diverses irrégularités dioptriques de l'œil, le cercle de diffusion d'un point n"a presque jamais la forme de la pupille. En visant, on fait en réalité eoïncider l'image du point vu nettement avec la partie la plus éclairée du cercle de diffusion de l'autre point, et cette partie ne correspond pas au centre de la pupille. Il vaudrait donc mieux, d'après lui, faire disparaître de la terminologie l'expression inutile de <( ligne de visée )>. 62. Périscopie de l'œil. — A l'article Périmétrie, nous verrons que le champ visuel, c'est-à-dire l'ensemble des points formant image sur la rétine sensible de l'œil en repos, comprend à peu près tout l'hémisphère situé devant nous. Aucun instrument d'optique ne possède un champ visuel pareil, de 180°. C'est dire que dans la vision indirecte, aux confins surtout du champ visuel, nous sommes loin d'avoir des rayons faisant avec l'axe optique de l'œil un très petit angle, car en fait il peut atteindre la valeur d'un angle droit et plus. La grandeur angulaire du champ visuel dépend, en ce qui regarde les conditions dioptriques, surtout de la forte grandeur angulaire (n° 60) de la cornée. Du côté du fond de l'œil, elle dépend de l'étendue dans laquelle la périphérie rétinienne est de nature nerveuse. La question qui se pose ici, est celle de la netteté des images rétiniennes d'objets vus indirectement. On sait qu'avec une lentille par exemple, les objets placés loin de l'axe optique forment des images irrégulières, à déformations astigmiques très prononcées. Or, le fait est que, sous le rapport de la netteté des images d'objets vus indirectement, aux confins de son champ visuel, l'œil l'emporte de beaucoup sur tous les instruments d'optique. La. périscopie de l'œil est plus parfaite que celle de n'importe quel instrument d'optique, témoin la netteté avec laquelle on voit à l'ophtalmoscope les détails de la périphérie rétinienne, netteté qui ne le cède sensiblement à celle de la vision directe qu'à l'extrême périphérie du champ ophtalmoscopique, lorsqu'on regarde des détails au-devant de l'équateur de l'œil. Et cela est d'autant plus remarquable (à un point de vue téléologique), que pour la vision indirecte, surtout à l'extrême limite du champ visuel, la netteté des images ne joue qu'un rôle visuel secondaire, en présence du faible pouvoir de distinction (acuité visuelle) de la périphérie rétinienne. En fait de causes de cette périscopie si bonne, nous avons en premier lieu la forme géométrique de la rétine. Il se trouve que la périphérie rétinienne, elle aussi, est située sensiblement dans le plan focal principal du système dioptrique; ou plutôt (d'après M\t- THiEssEx) elle est située entre les deux lignes focales de la réfraction toujours plus ou moins astigmique de la vision indirecte. D'après Matthiessen, la « rétine théorique » doit être une portion de sphère, c'est-à-dire doit avoir la forme sphérique, si l'on veut que dans toute son étendue les images soient les plus nettes possible. Autrement dit, le plan focal du système dioptrique est en réalité une sphère analogue à celle de la rétine. De là résulte qu'un œil emmétrope dans la vision directe est approximativement em- métrope également dans la vision indirecte. Ce n'est que dans les yeux fortement myopes (ectasiés au pôle postérieur), qu'on trouve (à l'ophtalmoscopie ou à la skiascopie) dans la vision indirecte une myopie moindre ou même de l'emmétropie. Le second élément constitutif de la périscopie de l'œil est Tastigmie faible pour des rayons obliques. Cette astigmie est certainement moindre que dans les instruments d'optique, à preuve la netteté avec laquelle on voit à l'ophtalmoscope les détails de la périphérie rétinienne. Néanmoins, Parent notamment a démontré au moyen de la skiascopie que cette astigmie existe, et qu'elle augmente avec l'angle d'écart des HO DIOPTRIQUE OCULAIRE. rayons. Avec un angle d'écart de 15° déjà, il y aurait un astigmatisme d'une demi-diop- trie, et à 45°, l'astigmie serait de 2,75 dioptries. Nous avons dit plus haut que la périphérie de la rétine est située dans l'œil emmé- trope entre les deux ligues focales — ce qui évidemment est la situation la plus favorable. Du reste, la raison du peu d'astigmatisme dans la vision indirecte paraît être multiple. On cite notamment l'aplatissement de la périphérie cornéenne. Le facteur principal est d'après L. Hermann la structure particulière du cristallin. Cet auteur fait observer que grâce à la structure lamellaire du cristallin (lamelles imbriquées autour d'un noyau sphérique plus réfringent que les lamelles, et les lamelles augmentant de courbure et de réfringence vers le noyau), les images rétinienes sont bien plus nettes pour des incidences obliques des rayons lumineux que si le cristallin était homogène dans toute sa masse. Somme toute, la périscopie si bonne de l'œil réside principalement dans la forme concave de la rétine et dans la structure particulière du cristallin. Des essais pour déterminer le (second) point nodal dans la vision indirecte ont été faits par Volkmann sur l'homme vivant, et chez le lapin par Landolt et Nuel. Ils con- sistent essentiellement à mesurer les images rétiniennes (vues par transparence à travers la sclérotique) de deux 'points lumineux dont on connaît l'écart et la distance à l'œil. 63. Phénomènes entoptiques. — Certains détails irréguliers de structure dans les milieux transparents de Voi'û peuvent produire des irrégularités dans les images réti- niennes, irrégularités qui reflètent plus ou moins ces détails de structure, qu'elles rendent ainsi visibles. C'est un genre de phénomènes entoptiques liés à la réfraction de la lumière dans l'œil, et leur place est naturellement ici. On donne aussi le nom de phénomènes entoptiques à des apparences lumineuses produites par des excitations de l'appareil optique moyennant des causes autres que la lumière, c'est-à-dire des influences méca- niques, électriques par exemple, pourvu que ces causes agissent dans l'œil lui-même (électricité, circulation rétinienne, etc.). Nous n'en parlerons pas. — Lorsque la cause d'excitation agit sur une partie de l'appareil nerveux située en dehors de l'œil .(nerf optique, centres visuels cérébraux), on ne parle pas de vision entoptique, mais de « sen- sations visuelles subjectives >■>, et de « phantasmes visuels ». Manière d'observer les phénomènes entoptiques. — Règle générale, les détails de struc- ture dans les milieux transparents ne produisent des irrégularités dans l'image rétinienne, ne projettent sur la rétine des ombres qui les rendent sensibles, que si l'œil n'est pas adapté pour la source lumineuse, c'est-à-dire si l'image rétinienne de l'objet lumineux est diffuse, composée de cercles de diffusion. Un point lumineux situé en deçà du punctum proximum apparaît en cercle de diffusion, dont la périphérie est l'image du bord pupillaire de l'iris, et ce cercle augmente de grandeur à mesure qu'on rapproche le point lumineux. Au moment où ce dernier est au foyer antéiieur de l'œil (à 14 milli- mètres au-devant de la cornée), les rayons sont parallèles dans le corps vitré; ils sont divergents (le cercle grandit encore) si l'on rapproche le point lumineux en deçà du foyer antérieur. Soit (fig. 63, B) un œil adapté pour la distance du point lumineux (supposé très loin). Un petit corps opaque o, placé quelque part sur le trajet du cône lumineux réfracté, pourra bien diminuer l'in- tensité lumineuse du point rétinien éclairé f, mais il ne saurait jeter une ombre sur la rétine, ni pa- raître entoptiquement. Au contraire, si le conju- gué du point lumineux L ne se trouve pas sur la rétine, si les rayon sont parallèles (fig. C3, A) ou divergents dans le corps vitré, ou encore s'entre-croisent au-devant de la rétine (œil myope), alors le corps opaque jettera une ombre sur la rétine, et pourra être vu entoptiquement. Fig. 63. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 111 On comprend aussi que pour observer les phénomènes entoptiques, il faut prendre un point lumineux et non un objet lumineux, car dans ce dernier cas les rayons lumi- neux issus d'un point couvrent plus ou moins l'ombre du corps opaque produite par un point lumineux voisin. Enlîn, les corps projettent une ombre d'autant plus nette qu'ils sont situés plus près de la rétine. Comme point lumineux, on peut se servir par exemple de fines gouttelettes de mer- cure sur un fond de velours noir, qui réfléchissent de la lumière, et qu'on rapproche dans le foyer antérieur de l'œil ou en deçà. On peut aussi se servir du reflet d'une bague, de fragments de craie sur fond obscur, ou encore d'un point lumineux (bougie) quelconque situé au loin, et qu'on regarde à travers une forte lentille convexe. Dans ce cas, les mouvements des apparences entop- tiques sont opposés à ceux que nous allons dé crire, et qui sont obtenus par un point lumineux rapproché. — Un mince trou piqué dans un écran opaque (carte de visite par exemple) joue le même rôle. Les rayons lumineux venus de n'importe où, (de droite à gauche) et qui passent ce trou (lîg. 64) placé très près de l'œil (dans le foyer antérieur par exemple), se comportent C FiG. 64. FiG. 65. comme s'ils provenaient du trou, ou comme si ce dernier était le point lumineux. Dans certaines circonstances, les détails vus entoptiquement ne sont pas des corps opaques, mais ils agissent comme des lentilles ajoutées à l'œil. Soit, fig. 65, en G le système dioptrique, dont une petite partie b est plus réfringente que le restant. La distance focale de cette partie est plus courte que celle du restant de la surface. Supposons la rétine placée sur le trajet du cône réfracté, mais à gauche du point f. Il se forme sur la rétine un cercle de diffusion qui ne serait homogène que si le système dioptrique était homogène. Dans le cas supposé, la section du petit cône b sera un cercle à centre plus clair et à circonférence obscure. Si la partie b du système dioptrique était moins réfringente que le restant du système dioptrique, l'image entoptique de b serait un cercle à centre relativement obscur et à circonférence plus claire. — Des cas de ce genre résultent notamment d'irrégularités de la couche des larmes à la surface cornéenne, ainsi que d'irrégularités de cette sur- face elle-même. a) Vision entoptique de la surface cornéenne. — Dans le cercle de diffusion — image de la pupille, — on peut voir (fig. 66) des grains, des cercles clairs ou obscurs, animés Fui. 6(3. 112 DIOPTRIQUE OCULAIRE. d'un lent mouvement (dans le cercle), et qui sont produits par des grains et des vési- cules (d'air). Ces vésicules agissent comme de petites sphères réfringentes, et le diagramme de la flg. 65 fera comprendre pourquoi leur apparence entoptique est celle d'un cercle tantôt clair (à bord obscur), tantôt obscur (à circonférence claire). — On voit également, surtout en clignotant légèrement, des stries horizontales (fig. 66), quelquefois animées du même mouvement. Elles sont dues à des stries de larmes plus épaisses, déposées par le retrait du bord de la paupière supérieure, et dont l'action dioptrique est celle d'un prisme à surface plus ou moins concave. En clignant for- tement et en frottant l'œil à travers la paupière, on peut aussi observer de nombreuses stries horizontales parallèles qui restent fixes, et qui durent assez longtemps, même une heure et plus. Leur cause réside dans des plissements de la couche cornéenne épi- théliale (Boll). b) Vision entoptique de la pupille. — Pendant qu'on observe le cercle de diffusion, image de la pupille, on couvre et on découvre l'autre œil. Le cercle se dilate et se rétré- cit : expression entoptique du mouvement pupillaire sous l'intluence des variations d'éclairage (de l'autre œil). c) Vision entoptique des détails de structure du cristallin. — Nous renvoyons ici à l'article Astigmatisme (irrégulier), p. 796 et suivantes. Le cristallin n'est pas une lentille homogène, mais il est composé de secteurs, chaque secteur (et chaque fragment de sec- teur) pouvant avoir une réfringence différente, d'où des apparences entoptiques multiples, d'abord la polyopie monoculaire, puis l'apparence compliquée d'un point lumineux, apparence variable selon le degré de rapprochement du point lumineux, et dont la figure 68, p. 796 (article Astigmatisme) donne un exemple; elle a été bien étudiée par Tscherning. Enfin la structure sectorale du cristallin (voir la fig. 69, p. 797, de l'article Astigmatisme devient visible de cette manière. d) Vision entoptique du corps vitré. Mouches volantes. — La plupart des apparences décrites ici sont produites par des corps flottants dans le corps vitré ; certaines d'entre elles peuvent aussi avoir leur siège dans le cristallin ou même dans l'humeur aqueuse et dans la cornée. Il s'agit de petits disques ronds, le plus souvent clairs et à bords sombres, d'autres fois sombres et à bords clairs, on dirait des perles. Les perles peuvent aussi s'aligner en chapelets. D'autres fois il s'agit de filaments portant quelques perles. Tantôt ces apparences sont immobiles, tantôt elles se meuvent lentement à travers le champ visuel. Il arrive qu'une de ces ombres, même fixe, se trouve près du point de fixation. Le malade veut la fixer, déplace le regard, devant lequel l'ombre fuit, d'où le nom de mouches volantes. Pour décider si une mouche volante est fixe dans le champ entoptique, ou se meut indépendamment du regard, on regarde fixement un détail du ciel ou de la fenêtre pour avoir un point de repère. Après chaque mouvement un peu vif du regard ramené ensuite à ce point, on voit les mouches volantes mobiles animées d'un lent mouvement de translation par rapport au point de repère. Il s'agit de petits corpuscules ou de filaments suspendus dans le vitreum, les uns immobiles, les autres mobiles; ceux-ci, senible-t-il, situés près de la rétine. Il faut supposer à ces derniers une den- sité différente de celle du vitreum, d'où leurs mouvements après chaque déplacement du regard. Les mouches volantes s'observent assez facilement. Il suffit souvent de regarder une surface uniformément éclairée (ciel, surface de neige, mur blanchi, etc.). Mais il est cer- tain, d'après ce qui est dit plus haut, que dans ces conditions un œil emmétrope ne peut guère voir que les corpuscules situés très près de la rétine, et qui jettent presque tou- jours une ombre sur la membrane. Les myopes, au contraire, voient très facilement les mouches volantes, toujours en vertu du principe posé plus haut. Un emmétrope se met dans les mêmes conditions en munissant son œil d'un verre convexe. — Mais le vrai moyen de rendre les mouches volantes sensibles est de se servir d'un point lumineux ou d'un trou percé dans un écran opaque, et qu'on place près de l'œil. De cette manière, on peut démontrer les mouches volantes dans tout œil. Elles diffèrent du reste pour chaque œil du même individu. De plus elles semblent rester constantes pendant des années. Lorsqu'on s'y est évertué quelque temps, on finit par les voir à peu près toujours, au moins certaines d'entre elles; on en devient obsédé. DIOPTRIQUE OCULAIRE. H3 ^-- yU M' Fig: 07. En général, on les aperçoit mieux lorsqu'elles se meuvent dans le champ entoptique- à la suite d'un déplacement du regard : les mobiles sont auprès le déplacemenl animées d'un mouvement réel; les autres, comme nous allons le voir, se meuvent cependant aussi dans le champ entoptique, mais pendant le déplacement du regard. e) îiéievmination de l'emplacement d'un globule {en avant ou en arrière de la pupille). — Mensuration exacte de la distance à laquelle ce globule se trouve au devant de la rétine. — Soient (fig. 67) q\s la surface cornéenne, PP l'iris (plan pupillaire), RN< la rétine et AN l'axe oculaire. Nous supposons d'abord le point lumineux situé sur l'axe optique et dans le foyer an- térieur de l'œil. Alors la rétine est frappée par un cy- lindre de rayons parallèles, dont QK et ST sont les deux extrêmes. RT est donc le dia- mètre du cercle de diffusion sur la rétine. Soient M", M et M' trois corps opaques situés sur l'axe optique, mais M dans le plan pupillaire (et approximativement au centre de la pupille), M" en avant de la pupille et M' en arrière de la pupille. Les trois corps opaques jetteront leurs ombres en N, à peu près au centre du cercle de diffusion. Supposons maintenant que le regard se soit déplacé en bas, le point lumineux res- tant à sa place, ou que le point lumineux ait été déplacé en haut. Alors qreist serontles rayons extrêmes du cylindre lumineux, et rt sera le diamètre du cercle de diffusion. De même que dans le cas précédent, M jettera son ombre vers le centre du cercle de diffu- sion (ombre fixe par rapport au cercle); M" jette son ombre en /" (déplacée en bas par rapport au cercle), et M' la jette en /' (déplacée en haut par rapport au cercle). Donc, lors des mouvements de l'œil, une mouche volante, due à un corps opaque situé dans le plan pupillaire, semble immobile dans le champ entoptique ; si le corpuscule est situé en avant du plan pupillaire, la mouche se meut (dans le champ enloscopique) dans le sens du déplacement du regard; elle se déplace en sens opposé dans le cas contraire. Si, au lieu de mouvoir le regard, on déplace le point lumineux, un corps situé en avant de la pupille se meut en sens opposé du déplacement, et tout point situé en ar- riére de la pupille se meut dans le sens du déplacement du point lumineux. Il y a moyen de déterminer avec une rigueur très grande la distance du globule à la rétine. A cet effet, au lieu de supposer un dé- placement du regard ou du point lumi- neux, prenons (à l'exemple de Donders) Pj(, Qg deux points lumineux, plus exactement deux trous piqués dans un carton à la dis tance de 2,5 à 3 millimètres, et plaçons toujours l'écran dans le plan focal antérieur de l'œil. Dans ces conditions, on voit deux champs entoptiques se couvrant à peu près de moitié, ainsi que l'indique la figure 68, et chaque corps opaque donne deux ombres entoptiques, une dans chaque champ. L'emplacement des ombres doubles ressort de la figure 69. Celles d'un point i situé au centre de la pupille se projettent approximativement aux centres des deux champs entoptiques (en c' et b', fig. 68 et 69). Celles d'un autre point du champ pupillaire se DICT. DE PHYSIOLOGIE. — T. V. 8 114 DIOPTRIQU.E OCULAIRE, projettent en des points plus ou moins éloignés entre eux que la distance entre les deux centres des cercles. Les ombres d'un point situé en avant de la pupille, soit 2, dans la cornée, sont 2' et 2" (fig. 68 et fig. 69), plus éloignées l'une de l'au- tre que les centres des deux champs entosco- piques. Celles (3' et a') d'un point 3 situé en arrière de la pupille, sont au contraire plus rapprochées. Quant à la dislance exacte existant entre le globule et la rétine, on la calcule de la manière suivante. Si on désigiie par cl la distance entre les centres des deux champs entoscopiques, par D la distance de la pupille à la rétine, et par d' la distance de deux doubles ombres l'une de l'autre, on trouve la distance D' du globule à la rétine, d'après la formule suivante, dont le bien fondé ressort de la figure 69 : Fie. 69. d d' D' d • Dans cette expression, D est connu; c'est la distance du pôle antérieur du cristallin à la rétine; elle est environ de 20 millimètres; d et d' doivent être mesurés. A cet effet DoNDERS et DuNCAN Se servent du pi'océdé à double vue, usité en micrométrie. Le dia- phragme opaque à deux ouvertures étant placé sur la platine objective, on le regarde pendant qu'il est éclairé par le miroir du microscope (dépourvu de toutes ses lentilles). L'autre œil projette et dessine les formes sur une feuille de papier blanc. Moyennant les distances des doubles images sur le papier et la distance du papier à l'œil, ainsi que des données de l'œil schématique ou de l'œil réduit, on calcule d et d'. On peut aussi regarder à travers les deux trous sur une feuille blanche, et y marquer directe- ment les endroits des détails du champ entoscopique (Donders). Dans les conditions de l'expérience (point lumineux dans le foyer antérieur de lœil), l'objet qui projette son ombre a les mêmes dimensions que son image rétinienne. Si le point lumineux était au delà du foyer (rayons plus ou moins convergents dans le corps vitré), l'image serait plus petite que l'objet; et si le point lumineux était en deçà du foyer (rayons divergents dans le corps vitré), l'image serait plus grande que l'objet. f) Observation entoscopique des vaisseaux de la rétine. — a) Dans un appartement obscurci, on imprime des mouvements de va-et-vient aune bougie placée à quelque dis- tance de l'œil, pendant qu'on regarde droit devant soi, sur le mur opposé. Bientôt on voit apparaître sur le mur tout l'arbre vasculaire / Xcr de la rétine, fort agrandii les vaisseaux en sombre sur fond un peu plus lumineux. La fovea apparaît sans vaisseaux. — L'explication du phénomène est la suivante (H. Mueller). En a (fig. 70) il se forme au fond de l'œil une image de la bougie, qui renvoie de la lumière dans toutes les directions sur le fond de l'œil, a Le vaisseau c projette une ombre o sur le plan Jl ^ sensible de la rétine, ombre qui est perçue. 11 I I F"'- ^*^- faut un déplacement de l'ombre pour qu'elle devienne sensible, comme en général pour la perception des objets entoscopiques. Les vaisseaux se déplacent un peu dans la même direction que la bougie. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 115 P) L'expérience peut être modifiée de la manière suivante. Dans un appartement obscur, on concentre avec une lentille convexe la lumière d'une bougie sur la sclérotique, aussi loin que possible de la cornée, et on déplace le point éclairé en imprimant des mou- vements à la lentille. La lumière pénètre à travers la sclérotique et la choroïde jusqu'à la rétine, où elle constitue un point lumineux éclairant tout le fond de l'œil, comme dans le cas précédent, de sorte que les vaisseaux projettent des ombres sur le plan sen- sible de la rétine. Dans cette expérience, les vaisseaux se meuvent dans le même sens que le foyer éclairé sur la rétine, ainsi que du reste on le comprend aisément au point de vue dioptrique. H. MuELLER conclut de cette dernière expérience que le plan rétinien sensible à la lumière est situé plus en arrière (plus vers l'extérieur) que les vaisseaux, qui sont loca- lisés dans les couches internes de la rétine, les gros troncs dans la couche des fibres optiques. A l'aide de calculs basés sur le déplacement de la lumière sur la sclérotique, et sur le déplacement apparent des vaisseaux correspondant à ce déplacement de la lumière, il calcula que le plan sensible de la rétine coïncide approximativement avec la couche des cônes et des bâtonnets. Dans la macula, les cônes sont à peu près de O""'""" ,2 à 0"""""-,3 en arrière des petits vaisseaux. y) tin regardant le ciel ou une surface uniformément éclairée à travers un trou percé dans un écran opaque, auquel on imprime de petits mouvements de va-et-vient, on voit apparaître entoptiquement les vaisseaux entourant la fovea, celle-ci se présentant comme un petit disque avasculaire, à première vue plus ou moins granulé. La même apparence entoscopique gêne les commençants en microscopie, le reflet de l'oculaire jouant le rôle du trou éclairé. Dans ce cas, la lumière pénètre directement à travers la pupille, de façon que les vaisseaux maculaires projettent une ombre sur la couche des cônes et des bâtonnets. Nous avons utilisé cette expérience pour discuter la question de l'unité sensible de la rétine (voir : Acuité visuelle). Si au lieu d'un point lumineux (trou piqué dans un écran), on développe le phénomène à l'aide d'une mince fente percée dans un écran auquel on imprime de petits mouvements perpendicu- laires à la fente, seuls les vaisseaux maculaires parallèles à la fente deviennent visibles. Et dans la partie fovéale, avasculaire, du champ, le fm granulé signalé plus haut est remplacé par des lignes crénelées, festonnées, toujours parallèles à la fente ab (fig. 71). Après avoir acquis quelque expérience, on remplace la fente par un trou, et on lui imprime de petits mouvements circulaires. Alors les grains de la partie avasculaire se résolvent en petits cercles. Et ce sont des fragments de ces cercles qu'on développe à l'aide de la fente, successivement sur toutes ces petites circonférences, en orientant la fente dans les différents méridiens de l'œil. Nous avons évalué à cent le nombre des petits cercles alignés ainsi suivant un dia- mètre de la portion avasculaire. D'après les données anatomiques, chaque cercle corres- pond approximativement à l'aire d'un cône de la fovea. Dans la périphérie de l'aire de chaque cône, on observe donc une ombre circulaire, pour l'explication de laquelle on pourrait invoquer diverses conditions dioptriques, et notamment des ombres projetées par les gaines pigmentées- des cônes. Quoi qu'il en soit de l'explication, nous concluons que, puisque le cercle obscur de chai[ue cône peut-être développé sur une partie seulement de son pourtour, et puisque cette ombre peut même paraître plus ou moins large, le cône ne peut pas être l'unité sensible de la rétine; mais dans l'aire de chaque cône (dans la fovea), il faut admettre plusieurs de ces unités, probablement 12 à 20 (voir aussi Acuité visuelle, p. 133). Dans la vision habituelle, les conditions dioptriques sont telles qu'une ombre réti- nienne ou l'image d'un point lumineux occupe toujours au moins l'aire de tout un cône; de là on a conclu erronément que le cône est l'unité photo-sensible de la rétine. Dans l'expérience avec le trou sténopéique (et non la fente), il arrive qu'on voie simul- tanément tous les petits cercles de la portion avasculaire du champ entoptique. Alors on Vu. 116 DIOPTRIQUE OCULAIRE. constate que les cercles se disposent autour du centre, non pas en rayonnant, mais en un tourbillon analogue à celui de la figure 72. Il y a longtemps que les anatomistes ont révélé une disposition analogue des cônes aulour du centre de la ,, , fovea. - il V / ', ' _ g) Circulation rétinienne vue entoptiquement. — En regardant fixe- ■ ,'} ^ _ ment un ciel bleu, le mieux à travers un verre bleu, on voit, dans ■' "*, , vT '' une zone centrale du champ visuel, des points clairs apparaître pour un moment, et se mouvoir suivant des lignes sinueuses, se rappro- '' ' ' chant du point de fixation, sans toutefois l'atteindre. Il paraît que les points apparaissant successivement suivent les mêmes chemins. Il ^'°- ^~- faut supposer que les globules sanguins circulant dans les vaisseaux rétiniens peuvent se placer de manière à constituer de petites lentilles éclairant plus fortement les éléments rétiniens sensibles. h) Fif/ment jaune de la macula. — Eu regardant le ciel bleu, de préférence à travers un verre bleu, on aperçoit un petit disque obscur dont le centre est le point de fixation. L'apparence paraît être due à la présence du pigment jaune dans les couches internes de la macula, pigment qui absorbe les rayons bleus. Sous la rubrique « visiou entoptii[ue » on décrit encore une foule d'apparences visuelles résultant soit de dispositions analomiques, soit du fonctionnement de l'œil. De ce nombre sont notamment les <> houppes de Haidinger », visibles lorsqu'on regarde le ciel à travers un prisme de Nicol; le « phosphène d'accommodation », bande claire appa- raissant dans la périphérie du champ visuel lors de l'accommodation dans une chambre obscure, et qu'on attribue au tiraillement des membranes internes par le muscle ciliaire; les cercles lumineux correspondant à l'entrée des nerfs optiques lorsqu'on déplace rapi- dement le regard dans une chambre obscure (tiraillement des nerfs optiques, lors de ces mouvements). Bon nombre de ces apparences n'ont rien cà voir avec la dioptrique ocu- laire. Nous pourrions aussi décrire diverses apparences lumineuses, souvent géométriques, provoquées par certaines formes d'éclairement intermittent. Nous croyons devoir nous borner à ce qui précède, et nous terminons par l'observation générale suivante. Il semble y avoir une énorme différence entre les diverses personnes sous le rapport de la facilité qu'elles ont à observer les apparences entoptiques et les sensations visuelles subjectives. Purkinje a été en cette question le maître incontesté. Bon nombre de phénomènes entoptiques décrits par lui n'ont pas encore été vus par d'autres, ou ne l'ont été que beaucoup plus tard, et, senible-t-il, par des personnes également privilégiées sous ce rapport. Ajoutons toutefois que l'exercice développe certainement cette faculté. 64. Physiologie comparée. Dioptrique dans la série animale. — Chez les animaux les plus hautement organisés, les yeux sont munis de milieux réfringents dont l'efTet est a) de concentrer une certaine quantité de lumière sur les terminaisons du nerf optique, et 6) de faire arriver cette lumière d'une certaine manière sur les diverses terminaisons du nerf optique. Dans les yeux perfectionnés, cette manière consiste à faire arriver sur une terminaison du nerf optique, ou sur chaque unité photo-sensible de la rétine, seulement les rayons partis d'un seul point lumineux. Aussi bas dans l'échelle animale qu'on observe des yeux, on constate dans leur orga- nisation cette double adaptation. Mais on prévoit que ces deux buts ne sont pas atteints dès l'abord avec le degré de perfection que nous trouvons chez les animaux supérieurs. De plus, nous allons voir que la nature a employé à cet effet des procédés divers; c'est- à-dire que les systèmes dioptriques n'agissent pas toujours, comme chez l'homme, à la manière d'une lentille positive, bien que ce soit là le moyen employé le plus géné- ralement. On divise utilement les yeux en deux catégories : 1" ceux qui ne servent à distinguer que le clair et l'obscur, et fournissent sur toute l'étendue les mêmes sensations, et 2° ceux qui servent à révéler la forme des objets extérieurs. Les organes visuels de la première catégorie, qui semblent ne donner à Vanimal que des impressions lumineuses quantitatives, se trou\eni vers le bas de l'échelle. Ils consistent en iip nerf dont la terminaison périphérique est entourée de pigment (méduses, échino- Hermes, certains vers rotateurs, etc.). Dans les yeux de cette espèce, le second des deux buts fondamentaux de tout système dioptrique semble négligé tout à fait; chaque point photo- DIOPTRIQUE OCULAIRE. 117 sensible parait être excité par tous les points lumineux de l'espace, et, une telle excita- tion étant donnée, il ne semble pas y avoir dans l'œil de raison pour localiser la source lumineuse dans telle ou dans telle direction de l'espace. Mais dès ce moment, on trouve dans les corps cristalloïdes, si généralement existant dans les taches visuelles, une disposition servant à concentrer un certain nombre de rayons lumineux sur chaque point photo-sensible. Cependant, les taches pigmentaires se creusent souvent (ou deviennent convexes). Dès lors, dans une position déterminée du corps lumineux par rapport à l'animal, tels points photo-sensibles seront excités de préférence, et c'est là un acheminement vers les yeux de la seconde espèce. — L'enfoncement de la tache pigmentaire peut se prononcer (chez beaucoup de mollusques); sa communication avec la surface du corps peut se rétré- cir. Chez le iNautilus, cette ouverture est très étroite, et l'œil semble réaliser assez bien le second but des systèmes dioptriques, d'après le seul principe de la caméra lucida simple — vésicule présentant à la lumière une mince ouverture. Cet œil devrait déjà être rangé dans ceux qui servent à percevoir la forme des objets. Yeux servant à percevoir les formes. — Le principe dioptrique le plus généralement mis en pratique pour réaliser le but, est celui de la chambre claire dont l'ouverture est munie d'un système dioptrique collecteur. C'est une évolution plus prononcée de la tache visuelle excavée. L'œil de Neophaiita velox (un ver) est semblable à celui du Nau- tile, mais l'ouverture est munie d'un globe réfringent, d'une espèce de lentille bicon- vexe. Chez les gastéropodes et les hétéropodes supérieurs, le cristallin est situé derrière l'iris, qui est fermé tout à fait, mais transparent au niveau du cristallin. Les yeux simples (ou ocelles) des animaux articulés rentrent en réalité dans ce groupe. Il suffit maintenant de l'apparition d'une fente interstitielle dans l'épaisseur de la membrane qui ferme l'ceil eu avant, pour qu'il y ait une chambre antérieure, et pour que le système dioptrique ressemble en somme à celui de l'homme. Ce type est réalisé à un haut degré de complication chez les mollusques céphalopodes, et chez tous les ver- tébrés (à l'exception de Myxine, dont l'œil est dépourvu de cristallin). Mais le même but, de réunir sur un seul point photo-sensible les rayons lumineux émis par un seul point lumineux, est réalisé encore d'une autre façon. Au lieu de se creuser, la tache oculaire pigmentée et munie de corps cristalloïdes (qui concentrent la lumière) se soulève, et devient de plus en plus convexe. Un globule visuel pareil peut même être supporté par un pédicule. Nous avons ainsi l'œil composé, ou œil à facettes des arthropodes (insectes et crustacés), qui, lui aussi, analyse la lumière diffuse ambiante, et dirige sur un seul point sensible celle émise par un seul point lumineux, mais d'après un principe dioptrique autre que celui de la chambre obcure munie d'une lentille positive. Les détails de structure intime qui réalisent ces divers types de systèmes dioptriques sont du ressort de l'anatomie. Pénétrons maintenant quelque peu diverses particularités des systèmes dioptriques dans la série animale. 65. Vertébrés. — Le plan général exposé pour l'homme, est réalisé chez tous les ver- tébrés, à l'exception de Myxine, dont l'œil est dépourvu de cristallin (par un processus de régression), et de l'Amphioxus, dont l'œil (très atrophié) est une simple tache pigmentaire . Cornée. — En général, la courbure de la cornée est plus petite daus les yeux petits. Le rayon cornéen est généralement plus petit que celui de la sclérotique. D'après F. Plateau, la cornée des vertébrés aquatiques ou vivant dans l'eau et à l'air (cétacés, pinnipèdes, poissons, tortues, oiseaux aquatiques) serait à peu près plate, sur- tout au centre de la membrane. L'eau ayant même indice de réfraction que la cornée, il n'y a pas, chez l'animal dans l'eau, de réfraction à la surface cornéenne, quelque con- vexe qu'elle soit. Cette courbure n'aurait donc pas de raison d'être au point de vue diop- trique. Quant aux aniniaux vivant alternativement à l'eau et à l'air, l'aplatissement de leur cornée leur permettrait de voir à l'air aussi bien qu'à l'eau. Si leur cornée était convexe, la distance de la vision distincte serait dans l'air beaucoup plus courte que dans l'eau. Ces idées de Plateau semblent d'autant plus plausibles que, dans les yeux compo- sés des arthropodes (voir plus loin), certainement les cornées (des yeux élémentaires) sont convexes chez les animaux aériens, et plates chez les aquatiques. H8 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Cependant, l'assertion de Plateau quant à l'aplatissement de la cornée des vertébrés aquatiques est fortement combattue par Th. Béer (voir Cornée). Chez la plupart des animaux, la courbure cornéeaue a de notables irrégularités, don- nant lieu à un fort astigmatisme irrégulier. Axe cornéen; ligne visuelle; angle a. — Chez les mammifères qui semblent jouir de la vision binoculaire (carnassiers, etc.). Taxe optique de la cornée (et de l'œil dans son ensemble) s'écarte de la ligne visuelle dans une plus forte mesure encore que chez l'homme. De 5° chez l'homme, l'angle a est (d'après Grossmann et Mayerhausen) de lO-i'6° chez les singes inférieurs, de 20-50° chez le lion et le tigre, de 28° chez le chien, de 60-65° chez le cheval et l'éléphant. La grandeur angulaire de la cornée l'emporte chez tous les animaux sur celle de l'homme. De 85° environ chez l'homme (et chez les singes anthropomorphes), elle approche de 100° chez les singes inférieurs, le chat et le chien, de 120° chez le che- val, de 127° chez la souris blanche, de 106° chez la grenouille. Somme toute, elle semble être d'autant plus grande que l'œil est plus petit. Il est à peu près certain que la grandeur (angulaire) du champ visuel monoculaire augmente avec celle de la cornée. Chez la souris blanche par exemple, le champ visuel embrasse certainement beaucoup plus qu'un hémisphère. . Cristallin. — En général, le cristallin des animaux est proportionnellement (à l'œil) plus grand que celui de l'homme. Quant à son pouvoir réfringent, il dépend de l'indice de réfraction et de la courbure des surfaces. L'indice de réfraction semble être chez les mammifères et les oiseaux à peu près le même que chez l'homme, et augmenter de la périphérie vers le centre. Chez les poissons, l'indice est à peu près le même dans toute la masse; de plus il est certainement supérieur à celui de l'homme (il est de 1,6). Pour ce qui est de la courbure, les animaux aquatiques (poissons) et ceux vivant à à l'air et à l'eau ont un cristallin plus convexe que l'homme, et souvent à peu près sphé- rique. Cette circonstance, jointe au plus fort indice de réfraction, rend le cristallin plus fortement réfringent, au point qu'il remplace la réfraction à la face antérieure de la cor- née, nulle chez l'animal plongé dans l'eau. Mais le cristallin est aussi plus convexe dans les petits yeux en général (rongeurs), pour compenser, au point de vue dioptrique,.la petitesse de l'axe oculaire. A ce dernier point de vue s'explique peut-être que le cristallin est plus convexe chez les reptiles et les batraciens, c'est-à-dire chez les animaux à sang froid. Parmi les ani- maux à sang chaud, les rapaces et les carnassiers, surtout les nocturnes, se distinguent par la forte courbure (et la grandeur relative) de leur cristallin. Les plus grands her- bivores (y compris l'autruche) ont un cristallin plus aplati. Lorsqu'il est aplati, généra- lement la face postérieure est plus convexe que l'antérieure, et cette différence est d'au- tant plus forte que la lentille est plus aplatie. Chez quelques autres carnassiers (chat), c'est la face antérieure qui a la plus forte courbure. Chez les poissons, la masse du cristallin est solide, en rapport avec le mécanisme de leur accommodation, qui a lieu par déplacement du cristallin en totalité (voir Choroïde, p. 732). Les distances du cristallin à la rétine et à la cornée présentent de grandes variations, et généralement l'une de ces distances est en raison directe de l'autre. Grandes chez les animaux à sang chaud d'une certaine taille, surtout s'ils ont des habitudes nocturnes (le lynx et les hiljoux), elles sont petites chez les animaux aquatiques et chez tous les animaux de petite taille. Chez les poissons, le cristallin (sphérique) touche presque la cornée, et il n'est (proportionnellement à la grandeur de l'œil) pas très distant de la rétine (chez la raie de 3 millimètres, chez le brochet de 4 millimètres, chez le cabillaud de 9 millimètres). Les oiseaux, surtout les grands rapaces, se distinguent par la grande profondeur de la chambre antérieure. L'effet de la réfraction totale de l'œil. — La question de savoir si l'œil d'un animal est emmétrope, myope ou hypermétrope, autrement dit si le foyer principal du système dioptrique est situé sur la rétine ou bien en avant ou en arrière, dépend et de l'effet dioptrique des constituants, et surtout de leur distance à la rétine. Cette réfraction a été déterminée chez les animaux les plus divers, soit à l'examen ophtalmoscopique, soit à la skiascopie. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 119 Ml 1 Il se trouve que les animaux cà sang chaud, au moins les grands (carnassiers, herbivores, etc), sont tous hypermétropes (de 2-3 dioptries). Les animaux fouisseurs (lapins) ne font pas même exception. Or il esta remarquer que d'après les recherches récentes, ces animaux mammifères, à l'exception du singe, ne disposent guère d'un pouvoir accommodateur sérieux (2-3 dioptries tout au plus). Cette circonstance, pas plus que l'astigmatisme cornéen, n'a guère d'inconvénient si nous admettons (voir Vision) que la vision chez la plupart des animaux ne sert guère à la distinction des formes (acuité visuelle), mais, à l'instar de notre périphérie rétinienne, plutôt à la perception de mouvements de corps plus ou moins gros. Les poissons, malgré l'absence de réfraction à la surface cor- néenne, et malgré le peu de distance entre le cristallin et la rétine, sont myopes. Dans l'eau, cette myopie est de 3 à 12 dioptries, et à l'air de 40 à 90 dioptries (Th. Béer). Ils sont du reste doués d'une accommodation négative, qui les adapte à des distances éloignées (voir Choroïde). La grenouille est dans l'eau fortement hypermétrope, et myope de 5 à 8 dioptries à l'air (Hirschberg). 66. Invertébrés. — Nous commencerons par les yeux composés ou yeux à facettes des arthropodes, pour diverses raisons. D'abord, ce sont les seuls yeux d'invertébrés qui ont été soumis à des expériences sérieuses au point de vue de la réfraction de la lumière. Pour ce qui est des yeux simples ou ocelles des arthropodes, la physiologie expé- rimentale ne s'en est guère occupée encore; nous devrons nous borner à tirer quelques conclusions de leur anatomie, et à les envi- sager à l'aide des faits établis relativement aux yeux composés. Pour ce c[ui est de la dioptrique des yeux des autres invertébrés, nous n'aurons guère qu'à interpréter certains détails anatomiques. 67. Yeux composés des arthropodes ou yeux à facettes. — Anato- mie. — Le plan fondamental de l'œil composé est le suivant (fig. 73). Le nerf optique aboutit à un ganglion No dont partent radiairement des fibres nerveuses, auxquelles font suite une série d'organes dis- posés bout à bout et radiairement, de façon à constituer par leur ensemble un globule sphéroïdal plus ou moins complet. ^Ces organes sont les suivants ; 1° la rétinule R, dont une formation axiale striée transversalement, le rhabdome Hh, semble être l'homologue des bâtonnets des vertébrés. L'ensemble de ces formations constitue la rétine; 2" le cône cristalloïde, Cr, et 3° la cornée C ou facette. L'en- semble ainsi composé d'une ou de quelques fibres nerveuses (peu nombreuses), de la rétinule, du cône cristalloïde et de la cornée, constitue un œil élémentaire. L'ensemble des yeux élémentaires forme l'œil total. La cornée élémentaire et le cône cristallin consti- tuent le système dioptrique de l'œil simple. La cornée élémentaire, vue de face, est régulièrement polygo- nale, le plus souvent hexagonale. Elle est séparée des voisines en ce que souvent elle a une convexité à elle, indépendante de la cornée totale (chez les animaux aériens), et par des canalicules aériens situés entre deux cornées voisines, canalicules opaques sous le microscope. Ces canalicules délimitent les cornées partielles sous forme d'hexagones réguliers, même lorsque la cornée partielle n'a pas une courbure à part (animaux aquatiques); de là le nom de facette qu'on lui a donné. La cornéule ou facette est en réalité un prisme (hexagonal) régulier, dont l'axe est perpendiculaire à la surface de l'œil; réunie à ses congénères elle constitue la cornée totale. — C'est du reste une formation épidermique chi- tineuse, à indice de réfraction assez élevé (près de 1 ,oo]. En réa- lité, il s'agit d'un cylindre composé de couches concentriques autour de l'axe, à indices •RA U l\ N/? Fig. 73. — Œil composé des Insectes. 120 DIOPTRIQUE OCULAIRE. diminuant vers la périphérie, ainsi qu'ExNER l'a démontré à l'aide de son micro-réfrac- tomètre. La surface postérieure de la facette est généralement convexe aussi. Le cône cristallin, une formation épithéliale également, de nature chitineuse, a, lui aussi, un indice très élevé. Il a la forme d'un cône, dont la surface porte généralement dessillons longitudinaux (4 à 6). Sa base est tournée vers la cornéule, à laquelle le cône adhère dans quelques espèces (Lampyris, Limulus). La pointe peut être plus ou moins échancrée. En réalité le cône lui aussi est constitué de couches concentriques autour de l'axe, et dont l'indice de réfraction va en diminuant de l'axe vers la périphérie. Assez souvent les couches ont la disposition de la fig. 78. Les cônes ont chacun un fourreau de pigment noir très épais disposé dans des cellules Pm. Il en est de même de la rétinule. Dans l'exemple de la figure 73, la rétinule vient presque au contact du cône crislaUin. Dans d'autres yeux, il y a entre le cône et la rétinule un espace notable. De là deux espèces d'yeux au point de vue dioptrique. La rétinule peut être proportionnellement moins longue (crustacés). Son rhabdome peut avoir deux renflements terminaux, ou même consister en deux portions séparées par un interstice. Retenons aussi que chaque rétinule, c'est-à-dire chaque œil élémentaire (ou stemma) n'est l'aboutissant que d'une seule fibre nerveuse, ou tout au plus d'un très petit nombre de fibres. 68. Dioptrique de l'oeil à facettes. — J. Mueller, ayant reconnu que chaque œil élémen- taire est entouré d'un fourreau pigmenté, avait émis la célèbre théorie suivante. Les yeux élémentaires sont des prismes entourés de pigment, disposés radiairement autour d'une sphère. Soient (fig. 74) 6 et d deux de ces prismes. Grâce à la forte comvexité de l'œil total, les rayons émis par des points lumineux a et c ne pourront pénétrer que dans les facettes dont les axes sont tournés vers les points lumineux. Les rayons (c6), dont l'incidence est plus oblique sont réfléchis à la surface antérieure de la facette, et n'y pénétrent pas. De tous les rayons émis par le point c, seule la facette d en admet un certain nombre, etc., de sorte que dans l'œil total, l'objet visuel forme une image, mais cette image est droite. Une fois qu'ils ont pénétré dans un tel prisme, les rayons lumineux n'en pourraient plus sortir (BrOcke) : ils seraient renvoyés à l'intérieur par ré- flexion (totale) à lasurface, ou absorbés parle fourreau pigmenté. Un tel œil se- rait accommodé pour toutes dislances. Cette théorie, émise en 1826, ré- gnait sans la moindre contestation, ^'^'- '^'^- lorsqu'en 1852 Gottsche observa sous le microscope, par transparence à tra- vers la cornée (isolée) de la mouche, pour chaque facette une image renversée des objets (fenêtre). Le fait étant facile à constater sur divers yeux d'insectes (il avait été observé déjà par Leeuwenhoek et d'autres), la théorie de Mueller tomba en discrédit, et on incli- nait à admettre que chaque œil simple servait à percevoir la forme de l'objet extérieur, au moins des objets situés dans une certaine orientation par rapport à l'œil total. Mais les recherches anatomiques prouvèrent bientôt que le nombre des fibres nerveuses (une ou quelques unes) qui se rendent à un œil élémentaire, est trop pelil pour pouvoir servir à la perception d'une image d'un objet. A cela vint s'ajouter qu'en 1871, Boll observa sur les bâtonnets du triton la même image renversée des objets extérieurs, et cependant ce bâtonnet sert à la perception d'un seul point lumineux. Cette image renversée prouve certainement que des rayons provenant d'une série de points lumineux pénètrent dans chaque facette. Mais elle se forme dans les conditions anormales de l'expérience, c'est-à-dire la cornéule, à deux surfaces terminales convexes, étant placée dans l'air. Si le cône était en place, la réfraction à la face postérieure (con- vexe) serait supprimée en majeure partie, et l'image ne se formerait pas, ou elle tendrait DIOPTRIQUE OCULAIRE. 1^21 a p V f h Cl — h' ^ 7 V^ cL FiG. 75. à se former plus en arrière, mais toujours en avant de la rétinule. Nous allons du reste voir qu'une (peut-être même deux) image pareille renversée se forme réellement sur le vivant, moyennant la réfraction dans la cornéule et dans le cône cristallin, mais toujours en avant du plan rétinien sensible. L'excitation rétinienne n'a pas lieu à son niveau, mais plus en arrière, au niveau d'une autre image droite qui se forme dans la rétine. L'image renversée, due ci la cornéule seule, n'a en quelque sorte pas plus de signification au point de vue de la vision que les images catoptriques de rœil humain. La question a été soumise par S. Exner à de nombreuses expériences, que nous allons analyser, et dont la conclusion globale est que la théorie de Mueller doit être maintenue, bien qu'avec certaines modifications. 69. Introduction physique à la dioptrique de l'œil composé. — Soit ahcd (fig. 7o), un cylindre dont l'indice de réfraction a une valeur maximale dans l'axe x]i, d'oi^i il va en diminuant vers la phériphérie. On peut donc envisager ce cylindre comme composé de couches concentriques autour de l'axe, à indices diminuant vers la phériphérie. Un rayon lumineux xn, parti d'un point x de l'axe, pénètre dans le cylindre et arrive contre une ligne de séparation a'b' entre deux couches dont l'externe est moins réfringente. Ce rayon s'écar- tera donc de la normale. Il sera successive- ment réfracté aux diverses surfaces de sépara- tion, et en somme il suit une ligne courbe, se rapproche de nouveau de l'axe, puis sort du cylindre et va couper l'axe en y. Si le cylindre est symétrique, le point y sera le point de concours de tous les rayons émis par x : ce sera le conjugué de x. Pour que cela soit, il faut toutefois que l'indice décroisse d'une façon spéciale depuis l'axe jusqu'à la périphérie. — De même aussi il y aurait à considérer un foyer principal, et des foyers images de points non situés sur l'axe — tout comme pour les lentilles. — Le cylindre peut aussi être tellement long qu'il y a formation de plusieurs foyers successifs des rayons émis par un point, chaque foyer devenant point lumineux pour le segment suivant. Dès lors, il se formera dans le cy- lindre plusieurs images consécutives, chacune étant l'objet lumineuxp our la suivante. Jusqu'ici donc, il y parallélisme complet entre la réfraction dans les lentilles et celle dans les « cylindres emboîtés «. En fait de ditïérences entre les deux cas, Exner relève les deux suivantes, s'appliquant chacune à une catégorie spéciale d'yeux à facettes, a) Après réfraction dans une lentille, les axes principaux secondaires (lignes tirées des points lumineux d'un objet sur le cen- tre optique) divergent. Au sortir du cylindre emboîté, ces axes peuvent être parallèles. Soit [abcd, fig. 76) un tel cylindre, dont le foyer principal se trouve juste dans la seconde surface terminale cd du cylindre. Soit aussi un objet très éloigné, dont un point Y situé sur l'axe, envoie un faisceau de rayons paral- lèles (lignes pleines) qui forment foyer en y. Les rayons partis d'un point Z de l'objet (lignes pointillées) forment de même un foyer en z, etsy est l'image renversée de ZY. Mais, au sortir du cylindre, les rayons axiaux des deux cylindres lumineux sont et restent parallèles avec l'axe du cylindre, et par conséquent suivent au loin la direction de cet axe. b) Si (fig. 77) le foyer principal était au milieu du cylindre, les rayons homocentnques Fig 76. Fig. 77. 125 DIOPTRIQUE OCULAIRE. parallèles à l'axe (lignes pleines) lui seraient parallèles après la réfraction. Ceux (lignes pointillées) qui forment un angle avec l'axe du cylindre forment avec lui, au sortir du cylindre,î.le même angle qu'avant son entrée, et ils sont parallèles entre eux; de plus, ils sont situés du même côté de l'axe du cylindre que les rayons incidents. — Cet efiet dioptrique peut être obtenu par deux lentilles convexes identiques distantes entre elles du double de la distance focale. — Un tel cylindre est donc une lunette astronomique non grossissante, mais donnant des images droites des objets. Un autre genre d'effet dioptrique semble être réalisé dans certains yeux d'insectes. Matthiessen a fait observer qu'une pile de couches analogues à des verres de montre à faces parallèles produit l'effet d'une lentille convexe, lorsque les indices des couches diminuent dans la direction où marche la lumière, et si les concavités sont tournées vers la source lumineuse. Suivant Exner, dans certains yeux composés {Limulus) cet effet d'une « loupe en étages » paraît combiné avec l'effet du cylindre emboîté, conformé- ment à la fig. 78. Ces principes semblent être employés dans des combinaisons diverses dans les yeux composés des arthropodes. De plus, ils y sont combinés le plus souvent avec la réfraction sphérique. Chez les arthropodes vivant hors de l'eau, la face externe de chaque facette est en effet plus ou moins sphérique. Quand aux arthropodes à mœurs amphibies, ils ont des facettes planes ou à peu près. On remarque, en effet, qu'à l'opposé de ce qui existe pour les lentilles, l'effet dioptrique des cylindres emboîtés purs (sans effet sphé- rique) est à peu près indépendant du milieu ambiant. La réfraction est en somme la même dans l'eau et hors de l'eau. Dans l'œil des vertébrés, la réfraction sphérique se combine aussi dans une certaine mesure avec l'effet du cylindre emboîté. La réfraction dans le cristallin, en tant qu'elle dépend de sa structure particulière (et non de ses deux surfaces) est en réalité celle qui est décrite ici. 70. Dans l'application de ces principes dans la nature, Exner dis- tingue deux types d'yeux composés. Le premier type produit des images droites par apposition, à peu près conformément à la théorie de J. MuELLER. Le second produit des images droites, dites par superposi- tion; h certains égards, son effet dioptrique est analogue à celui des vertébrés, sauf que l'image fournie est droite. 71. Yeux à images par apposition. — Le prototype choisi est l'œil de Limulus, parce que chez cet animal les cônes cristallins adhèrent à la cornée, et que par conséquent, on peut isoler l'appareil dioptrique dans son ensemble, et le soumettre à des expériences physiologiques. La cor- née commune a une surface à peu près unie; les cônes cristallins ont une structure analogue à celle de la fig. 78, avec sommets (tronqués) tournés en arrière. La rétinule jusque tout arrive près (à 0™™, 04) du sommet du cône. Le cône et la rétinule ont une enveloppe commune de pigment. Si l'on place sous le microscope le segment antérieur de l'œil, c'est-à-dire la cornée totale avec la forêt de cônes cristallins, ces derniers en haut, et si l'on met au point vers les sommets des cônes, on voit chaque cône sous forme d'un cercle lumineux, étroit vers la pointe, plus large ailleurs. Ces cercles se présentent sur fond obscur. Ce fond obscur n'est pas dû à l'absorption de la lumière par le pigment intermédiaire entre les cônes, car rien n'est changé au phénomène si on a enlevé le pigment au pinceau. Il est dû à ce que la lumière ne peut pas sortir d'un œil élémentaire. Pour imiter l'état réel des choses, laissons la surface libre de la cornée (totale) en contact avec l'air, et couvrons les cônes (sous un verre couvrant) d'un liquide ayant à peu près l'indice de réfraction du sang de l'animal. Rien ne semble changé au phéno- mène. Toutefois, avec une certaine mise au point, on voit sur le sommet de chaque cône une image (diffuse) renversée des objets extérieurs (fenêtre). C'est évidemment l'image xy de la figure 76, située dans le sommet du cône, au devant de la rétine. Voyons la marche des rayons lumineux au-delà du cône, vers la rétine. Si l'on éclaire l'œil par un seul foyer lumineux, on voit un point lumineux au sommet de chaque cône dont l'axe est approximativement parallèle à la lumière incidente et à l'axe du Fig. 78. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 123 microscope. Les points lumineux focaux sont sur fond obscur. Si l'on emploie deux foyers lumineux, on voit deux points focaux au sommet de chaque cône. Le cône agit donc comme un cylindre emboîté analogue à celui de la figure 76; le foyer coïncide approximativement avec le sommet du cône. Si maintenant on relève le tube du microscope, de manière à le mettre au point pour des plans situés de plus en plus vers l'intérieur de l'œil, vers la rétinule, on voit, en opé- rant avec deux points lumineux, que chacun des deux points focaux se transforme en un petit cercle de diffusion, qui conformément à la figure 76 ne s'écartent pas, mais empiètent l'un sur l'autre, se rapprochent même, et finalement constituent un seul cercle de ditfusion (d'un diamètre de 0""",13 environ). Somme toute, nous sommes dans le cas de la figure 76. En modifiant Técartement des deux points lumineux, ou en promenant un point lumineux dans le champ visuel, on s'aperçoit que la lumière continue à pénétrer dans le même cône aussi longtemps que la source lumineuse ne dépasse pas une aire du champ visuel de 8 degrés ; si la source lumineuse dépasse celte limite, le cône devient obscur, tandis que d'autres cônes voisins s'éclairent. Suivant un calcul basé sur la cour- bure de l'œil total et sur les dimensions des yeux élémentaires, un même point lumineux éclaire ainsi trois yeux élémentaires alignés suivant un méridien de l'œil total (environ six yeux simples au centre du champ du microscope). Etant admis que la rétinule est l'élément photo-sensible, on voit qu'à son niveau chaque point lumineux objectif forme un cercle de diffusion constitué par six yeux élé- mentaires environ ; le centre de ce cercle est toutefois plus éclairé que la périphérie. Et au niveau de la rétinule totale il se forme nne image très diffuse d'un objet Inmineux, formée par les cercles de diffusion de tous les points lumineux de l'objet, par réfraction à travers l'œil total. L'image (utile pour l'impression nerveuse) se forme en somme d'après le principe de la théorie de Mueller, sauf qu'un point lumineux éclaire, non pas un seul œil élémentaire, mais un petit groupe d'yeux voisins. D'après Exner, cette image serait assez nette pour qu'on y puisse reconnaître les détails d'un réseau com- posé de barres épaisses de 13 centimètres et distantes d'autant, placé à un mètre de distance. Enfin, cette image est droite. Le but principal du système dioptrique de l'œil à images par apposition ne semble donc pas être de former une image rétinienne, mais de concentrer le plus possible en une rétinule (ou sur quelques rétinules très voisines) la lumière provenant d'un petit champ du champ visuel, et d'en écarter la lumière provenant d'autres points. 72. Yeux à images par superposition. — Le prototype choisi est l'œil de Lampyris [splendidula] ou ver luisant, dont les cônes adhèrent à la cornée, tout comme ceux de Limulus. Le système dioptrique étant préparé et disposé comme il est dit plus haut, on dirait à première vue que les choses sont identiquement les mêmes, au point de vue dioptrique, que pour l'œil de Limulus. En mettant le microscope au point pour un certain niveau des cônes, chaque facette constitue un cercle clair sur fond obscur. Si on met au point pour un plan situé très en arrière des cônes, à peu près dans le niveau des réti- nules (qui ici sont très éloignées des sommets des cônes), on voit une image droite de l'objet (fenêtre par exemple), plus nette que l'image rétinienne de Limulus, et qui se prête même à la photographie. Seulement, son mode de formation est essentiellement différent. Pour comprendre la constitution de cette image rétinienne de l'œil total, il faut de nouveau expérimenter, d'abord avec un point lumineux, puis avec deux (placés à une distance assez grande). Avec un seul point lumineux, si on met au point pour les cônes, on voit une série de cercles clairs, correspondant chacun à une facette ou à un cône. L'ensemble de ces cercles (une trentaine) occupe l'aire centrale du champ microscopique. Si l'on relève le tube du microscope, ces cercles se rapprochent, et, dans le niveau des rétinules, ils confluent en un seul : l'image rétinienne du point lumineux. Si dans celte dernière position du microscope, on avance un écran au-devant de l'œil, l'image pâlit dans toutes ses parties. En répétant cette manœuvre pendant que le microscope est mis au point pour un plan plus rapproché des cônes, on éteint successivement les divers cercles clairs, à commencer par ceux du côté où s'avance l'écran. On ferait une expé- rience analogue avec une lentille convexe couverte d'un écran percé de trous. Les li'4 DIOPTRIQUE OCULAIRE. rayons homocentriques qui ont passé à travers les facettes voisines se réunissent en un point focal rétinien. Si on déplace le point lumineux, son imai^e rétinienne se déplace dans le même sens : à l'opposé de ce qui existe pour la lentille, cette image est droite. Si l'on emploie deux points lumineux, et si l'on met au point pour les cônes, l'imaoe est la môme que dans le cas d'un point lumineux ; on voit un groupe de cercles clairs dont chacun correspond à un cône, à une facette. Si maintenant on relève le tube du micros- cope, chaque cercle se dédouble, et les cercles jumeaux s'écartent de plus en plus l'un de l'autre, mais chacun d'eux se rapproche de son image rétinienne. Le faisceau lumi- neux émané du point (objectif) lumineux droit, après passage à travers le cône, se dévie vers le point (image) rétinien droit; le faisceau parti du point lumineux gauche, après passage à travers le même cône, tend vers le point (image) rétinien gauche. L'image rétinienne est droite. — En d'autres mots, les cônes de Lampyris réfractent la lumière suivant le schéma de la fi- gure 77. L'action dioptrique de l'œil total est illustrée par la figure 79, dans laquelle kk sont les facettes, dont les axes sont oa, oh etc., jusqu^à oh. Les rayons partis d'un point lumineux ti es éloigné sont parallèles (lignes pleines) et se réunissent tous, après réfraction, en un point focal B. Les rayons partis d'un autre point lumineux très éloi- gné, situé à gauche du premier, se réunissent de même en un point focal B', situé à gauche de B. Cette réfraction ressemble L beaucoup à celle d'une lentille convexe. Elle en diffère en ce que les images sont droites. Chaque facette est une es- pèce de lunette astronomique. Chacune projette sur la rétine une image de l'objet. Et pour un seul point lumineux, les images rétiniennes formées par une trentaine environ de facettes se couvrent exactement; pour un autre point lumineux, ce sont les images formées par une autre trentaine de facettes qui se couvrent, des facettes plus ou moins nombreuses pouvant être communes aux deux tren- taines. Ajoutons enfin que, si l'on plonge le système dioptrique de Lampyris tout à fait dans un liquide, on change du tout au tout la réfraction à la face antérieure, très convexe, de chaque facette, et si alors on met au point pour un certain niveau des cônes, on voit une image renversée très nette des objets. C'est l'image zy de la figure 77, non rétinienne, analogue à celle qu'on peut voir sur les bâtonnets de verté- brés. Une image (rétinienne) par superposition n'est donc possible que dans les yeux dont l'appareil dioptrique est séparé de la rétinuJe par un large espace. C'est la condition nécessaire pour que des rayons lumineux homocentriques traversant plusieurs cônes voisins se réunissent en un point rétinien. Un œil dont les rétinules sont très rappro- chées des sommets des cônes doit fournir une image par apposition. FiG. 79. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 1^25 Pour avoir examiné [leurs yeux à l'aide d'une ou de deux lumières, comme il est dit plus haut, ExNER cite comme arthropodes à images par superposition les suivants, en fait de Coléoptères, Lampyris, Telephorns, Cantharis, HydropJdlm piceus, Cetonia; puis les papillons nocturnes. Probablement beaucoup de crustacés ont des images par superposition. Mais Exner n'a pas réussi à le démontrer par l'expérience, parce que les cônes n'y adhèrent pas à la cornée, circonstance qui rend cette expérience difficile (mais non impossible). Ont des images par apposition : Limulus, Bombus (terrestris), la mouche, les libel- lules. 73. Rôle dioptrique du pigment entourant les cônes. — Les cônes sont toujours entourés d'un épais manteau de pigment noir. Or, dans certains yeux à images par superposition, ce pigment exécute sur le vivant, sous l'influence de la lumière, des migrations qui paraissent avoir une importance majeure au point de vue de l'adapta- tion de l'œil à la lumière, et qui même pourraient transformer un tel œil en un autre à images par apposition. Le fait est que, notamment chez Lampyris exposé à la lu- mière, ce pigment émigré dans l'espace assez notable qui existe entre les sommets des cônes et les rétinules; dans ce déplace- ment, le pigment conserve sa disposition en fourreau, de sorte qu'un filet reliant le sommet du cône à la rétinule correspon- dante reste non pigmenté. En réalité les fourreaux de pigment, bornés aux cônes chez des ani- maux tenus à l'obscurité, se pro- longent ou se de'placent vers l'in- térieur de l'œil si l'animal est exposé à la clarté. L'effet fonctionnel probable de cette migration est illustré par la figure 80, dont la partie inférieure représente l'état des choses à l'obscurité, et la partie supérieure la migration sous l'influence de la lumière. Qu'un faisceau de rayons parallèles tombe de gauche à droite sur cet œil; ils se réunissent en foyer b sur la rétine mz. Dans la partie supérieure, une partie de ces rayons sont absorbés par le pigment, et n'arrivent pas au foyer. Somme toute, à mesure que le pigment émigré vers la rétine, des facettes de moins en moins nombreuses contribuent à former l'image b, dont l'éclairage diminue à mesure. C'est une adaptation de l'œil à facettes à de forts éclairages, analogue à celle effectuée par le resserrement de la pupille chez les vertébrés. On prévoit même qu'à la suite d'une émigration maximale du pigment, seul le cône (ou les quelques cônes) dont l'axe est dirigé vers le point lumineux éclaire le point rétinien b. Dès lors, nous aurions une image par apposition, et non pas par superposition. Cet effet de l'émigration du pigment n'est évidement possible que pour les yeux à images par superposition, c'est-à-dire ayant un espace notable entre les sommets des cônes et la rétinule. Inversement, les yeux dans lesquels ce pigment montre des migra- tions, produisent probablement des images par superposition. Exner n'a trouv('' la réaction photomécanique de ce pigment que chez des arthropodes nocturnes, animaux qui y voient le jour et la nuit, car les arthropodes nocturnes ne sont pas aveugles pendant le jour, tandis que ceux à habitudes diurnes sont aveugles pen- dant la nuit. Il a constaté cette migration chez les animaux suivants : Lampyris, Can- tharis, les papillons nocturnes; en fait de crustacés, chez Palemon, Nica cdidis, Sicyona sculpta, Astacus (luviatilis (écrevisse), et la plupart des macroures (à l'exception de Scyllarus). FiG. 80. 126 DIOPTRIQUE OCULAIRE. Ajoutons enfin, bien que cela ne rentre pas à proprement parler dans cet article (voir Rétine) que, d'après Exner, le bout postérieur des rétinules est, chez les arthro- podes nocturnes, entouré d'un tapetum composé de trachées, tapis qui renvoie les rayons lumineux dans les rétinules. 74. De la netteté de l'imago rétinienne dans l'œil composé. — Exner a trouvé que l'image rétinienne (par superposition) de Lampyris n'est pas très nette, beaucoup moins que celle des vertébrés. Encore moins nette est celle (par apposition) de Li7nulus. II est possible que d'autres yeux composés en fournissent de plus nettes. De plus, ces images sont, géométriquement parlant, très dissemblables avec les objets qui leur donnent naissance. En supposant, ce qui est 'conforme à une saine téléologie, que l'animal perçoive les détails contenus dans l'image rétinienne, on comprend immédiatement que la distorsion de l'image rétinienne n'entraîne néanmoins pas une perception fautive des objels, pas plus qu'un homme astigmate ne déclarera ovoïdes les objets ronds (à cause de ses images rétiniennes ovoïdes des objets ronds). Du moment que la distorsion est constante, l'inter- prétation des images rétiniennes sera juste. Nous ne percevons pas non plus la forme des images rétiniennes, mais seulement des excitations nerveuses qui n'ont en elles- même rien de corporel. Chez les animaux invertébrés, des mécanismes centraux instinc- tifs produisent cette interprétation corporelle, alors que chez l'homme l'expérience indi- viduelle contribue largement à cette interprétation. Cette distorsion est en grande partie due à la convexité de l'œil total, convexité qui a pour avantage sérieux d'augmenter le champ visuel de l'œil composé. Selon toutes les apparences toutefois, l'œil composé ne sert pas au même degré que l'œil humain à la distinction des formes. Analogue à la périphérie de la rétine humaine, il semble conformé pour percevoir les mouvements des objets plutôt que la forme des objets, ainsi que du reste cela résulte des expériences que Plateau a instituées sur des arthropodes vivants. Nous renvoyons pour ces questions à l'article Vision, Physiologie comparée. 75. Réfraction dans les yeux simples des arthropodes et dans les yeux les plus divers des invertébrés. — Nous avons déjà relevé que l'œil simple des artropodes, et en géné- ral les yeux des invertébrés autres que ceux à facettes, n'ont encore guère été soumis à l'expérimentation physiologique au point de vue de leur système dioptrique. Les yeux simples des arthropodes se composent d'une rétine étendue plus ou moins en membrane au fond de l'œil. Celte rétine est composée de cellules rétiniennes à stria- tion transversale (comme celle des bâtonnets des vertébrés). Ces cellules ou bâtonnets sont placées perpendiculairement à l'étendue de la rétine; par leur extrémité profonde, elles reçoivent une (ou quelques) fibre nerveuse; dans leur extrémité libre, tournée vers l'extérieur, elles hébergent souvent un corps hyalin, qui semblerait agir dioptriquement comme le cône cristallin de l'œil à facettes. L'œil est fermé, à la surface libre, par un épaississement de la couche chitineuse (de l'épiderrne) qui a la forme d'une lentille biconvexe, quelquefois presque sphérique, et qui est dans tous les cas fort réfringent. Une couche cellulaire, une espèce de corps vitré, quelquefois très mince, sépare le cris- tallin de la rétine. Il est tout naturel de relever l'analogie de cet œil avec celui des vertébrés, et de sup- poser que le cristallin projette sur la rétine une image renversée des objets extérieurs, qui serait perçue. C'est là toutefois une pure hypothèse. il est à remarquer que le nombre des cellules rétiniennes est toujours relativement petit, souvent pas plus qu'une douzaine et moins (même une seule chez les chenilles), de sorte qu'il ne peut guère y avoir perception d'une image, chaque cellule rétinienne n'étant l'aboutissant que d'une seule fibre nerveuse, ou tout au plus de deux à quatre. Il se pourrait donc que chaque ocelle fonctionnât à peu près comme un œil simple, c'est- à-dire ne produisant qu'une seule espèce de sensation lumineuse; des différences quali- tatives ne pourraient résulter que du concours de plusieurs yeux simples. L'œil simple des insectes est en somme un œil peu spécialisé, propre aux embryons (chenilles), ou bien (chez l'adulte) c'est un organe accessoire. Et il ne semble pas que son fonctionnement s'élève beaucoup au-dessus de celui de la tache oculaire simple. Même chez l'araignée, où il est l'organe visuel de l'adulte, il ne semble servir (d'après DIOPTRIQUE OCULAIRE. 127 les belles expériences de F. Plateau) qu'à percevoir des mouvements, la perception des formes paraissant faire défaut chez ces animaux. 76. L'œil de Copilia (un copépode) est bien fait pour démontrer qu'il ne suffit pas que les détails anatomiques semblent se prêter à la formation d'une image (renversée) pour qu'on puisse admettre qu'une telle image soit réellement perçue. Un cristallin (fig. 81) biconvexe ferme en avant l'œil, large espace rempli d'une masse transparente. Très loin en arrière, vers ab, il y a un cône cristallin, et derrière lui il y a trois rhabdomes. En supposant que le cristallin projette sur le fond de l'œil une image renversée, celle-ci ne pourrait pas être perçue comme telle par les trois rhabdomes. ExNER a émis l'hypothèse suivante au sujet du fonc- tionnement de cet œil. La rétinule est entourée de fibres musculaires, qui en se contractant semblent de- voir agir (à travers les deux longues traînées de tissu) sur le cristallin, l'incliner à droite et à gauche. L'image hypothétique projetée au fond de l'œil se déplacerait sur les rhabdomes, et ses différents points pourraient être perçus successivement. Cet œil agirait à la manière d'une série d'yeux simples, ou d'une série de taches oculaires. 77. L'appareil dioptrique des mollusques supérieurs mérite encore une mention spéciale. Plus que les yeux simples des arthropodes, il est construit d'après les prin- cipe de celui des vertébrés (chambre obscure munie d'un système dioptrique collecteur). Sa rétine semble être constituée franchement pour la perception de cette image; ses bâtonnets, excessivement nombreux, sont tournés vers l'extérieur. L'œil des céphalopodes, très grand, possède (au point de vue dioptrique, sinon au point de vue de la morpho- logie) une cornée transparente convexe, une chambre antérieure (entourant presque tout le globe oculaire), un diaphragme iridien, derrière lequel il y a un cristallin biconvexe absolument comparable à celui des vertébrés, et muni d'un muscle ciliaire; il y a enfin un corps vitré assez volumineux. Chez bon nombre de mollusques {Loligopsis, Ony- chofenthis, etc.) la cornée manque, de sorte que l'iris et le cristallin proéminent dans l'eau ambiante. Chez le Nautilus, avons-nous dit, le cristallin fait défaut, et l'œil est réduit à l'état de chambre obscure simple, sans lentille. Chez la plupart des limaces, le globe oculaire est une vésicule, avec une cornée, et un cristallin globulaire remplissant presque complètement la vésicule. Il en est de même de celui des hétéropodes. Bibliographie. — Dioptrique proprement dite. — Une bibliographie très étendue sur la dioptrique oculaire des vertébrés se trouve dans Helmholtz, Optique physioloqiciue traduction française par Javal et Klein, Paris, 1867. Une seconde édition (allemande) a paru de 1886 à 1896. Parmi les travaux les plus marquants, citons les suivants : Kepler (J.). Dioptrice, etc. (Augusta Vindelicorum, 1611). — Young (Th.) {Philos. Transact., 1801, i, 40). Traduction française des œuvres ophtalmologiques de Youno par Tscherning, Paris, 1894. — Chossat {Bull. Soc. philom. de Paris, 1818, 294, et A. C, 1818, vui, 217). — Brewster (D.) {Edinb. Philos. Journ., 1819, n° I, 47). — Volkmann (A. W.). Neue Beitrdgc zur Physiologie des Gesichtssinncs, Leipsig, 1836. — Gwss {CF.). Dioptrischc Untersuchungen, Goettingue, 1841. — Listing (I. B.). Beitrage zur physiol. Optik, 1845, Goettingue; — Article « Dioptrique » in Handwôrterbuch d. Physiol., 1851, iv, 451. — Krause (W.). 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Ce corps est insoluble dans l'eau, mais soluble dans l'alcool, l'éther, les huiles essentielles et les acides faibles. DISSOCIATION. — On désigne sous le nom de dissociation le fait que deux corps peuvent, dans des conditions déterminées, s'unir pour en former un troisième, tandis que, les conditions extérieures restant les mêmes, le corps formé peut se décom- poser en ses composants. Anisi à 1000°, la chaux et l'acide carbonique peuvent s'unir, suivant l'équation. CaO -f-Co2 = C03Ca, et inversement, à 1000°, le carbonate de calcium se décompose en chaux et acide carbo- nique. Il en résulte que les réactions de dissociation ne seront jamais complètes, puis- qu'elles sont limitées par la réaction inverse, et qu'il s'établira un état d'équilibre entre le corps non décomposé et ses produits de décomposition, état d'équilibre variable avec les conditions extérieures. Ainsi, dans le cas que uons indiquions plus haut, la disso- ciation du carbonate de chaux s'arrête lorsque la tension de l'acide carbonique atteint une valeur déterminée pour chaque température. Cette tension est : Qmm ^ 44Qo 85--°> à 860° 520""'> à 1040° Elle croit donc rapidement avec la température. Si, à un moment donné, la tension de l'acide carbonique diminue au-dessous de 520 millimètres (pour la température^de 1040"), une certaine quantité de carbonate de chaux se décomposera en dégageant CO'-; inver- sement, si nous faisons arriver de l'acide carbonique à une tension supérieure à 520 millimètres, cet acide s'unira à la chaux libre pour reformer du carbonate de chaux. De là celte loi importante : On empêche la dissociation d'un corps en te mettant en contact avec un excès de l'un des produits de sa dissociation. La dissociation ne s'applique pas seulement aux corps gazeux, mais également aux produits en dissolution. Ainsi, quand nous traitons le nitrate de bismuth par l'eau, il se décompose d'après l'équation : (Azo3)3Bi + H20 = AzOBiO^ -|- 2Az03H, et inversement, quand nous mettons le sous-nitrate de bismuth avec de l'acide azotique, il s'y dissout en régénérant le métal bismuth d'après une réaction inverse à celle qui lui a donné naissance. Il s'agit donc ici encore d'une véritable dissociation. La condition d'équilibre sera réglée par la tension (c'est-à-dire la qualité) de l'acide azotique libre dans le mélange. Si l'on augmente la quantité d'eau, le sous-nitrate se précipite, tandis qu'il se redissout par addition d'acide azotique libre. Dans les deux exemples qui précèdent, le corps initial et ses deux composants n'avaient pas le même état physique, et il nous était facile de constater et de mesurer le phénomène de dissociation; mais il n'en est plus ainsi lorsque le composé et ses com- posants ont tous le même état physique. Sainte-Claire Deville et ses élèves, qui ont découvert et étudié les phénomènes de dissociation, ont pu montrer que la vapeur d'eau que l'on fait passer dans un tube chauffé s'y dissocie, bien qu'elle ressorte de ce tube sans décomposition apparente. L'oxy- gène et l'hydrogène formés dans les parties chaudes se recombinant dans les parties froides pour former de l'eau. Deville a pu mettre en évidence l'oxygène et l'hydrogène DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 9 130 DIURETIQUES. formés en les séparant grtâce à leur inégale diffusibliité h travers une paroi poreuse. De même on a pu mettre en évidence la dissociation de certains corps en constatant que leur vapeur offrait un volume plus grand que leur volume normal. Les dissolutions des sels dans l'eau semblent être ainsi en dissociation difficile à mettre en évidence; en effet, lorsqu'on évapore la dissolution, l'acide et la base primi- tivement mise en liberté se recombinent en régénérant le sel d'abord employé. Cette hypo- thèse de la présence de l'acide et de la base libres au sein de la même solution permet de comprendre comment tous les sels d'un même acide ou d'une même base ont les mêmes réactions analytiques; ce qui agirait dans ce cas, c'est, non pas le sel lui-même, mais l'acide ou la base qu'il renferme et qui se trouverait mis en liberté. Cet état de dissociation des sels a été mis en évidence dans d'autres expériences qui ont conduit à la théorie de l'ionisation. Nous ne pouvons à cette place en faire un exposé, d'autant plus que les expériences sur lesquelles elle est fondée sont peut-être susceptibles d'une interprétation différente. Après la tension et la dilution, la température joue le rôle le plus important dans les phénomènes de dissociation. Elle augmente la quantité de substance décomposée, et souvent d'une façon très rapide, avec de faibles augmentations de température. Ainsi l'hydrate de chloral, stable à 36", est presque entièrement dissocié à 100°. Enfin les ferments solubles provoquent de véritables phénomènes de dissociation, limités, comme le sont ceux-ci, par la présence d'une certaine quantité de produits formés. Les phénomènes de dissociation sont du reste très fréquents en chimie. L'eau, l'acide chlorhydrique, l'acide sulfureux, l'acide carbonique, l'oxyde de carbone, le chlorure d'ammonium, le carbonate de chaux, la plupart des oxydes métalliques se dissocient à température élevée; à la température ordinaire, l'efflorescence des sels, la décomposi- tion des bicarbonates, etc., suivent les lois de la dissociation; il en est de même, en présence de l'eau, pour un grand nombre de sels, pour les éthers, etc. En physiologie, ces phénomènes prennent une importance particulière; les échanges gazeux de l'organisme, un grand nombre de phénomènes osmotiques et diastasiques sont de véritables dissociations. Ainsi nous ne pouvons nous expliquer comment le plasma sanguin, alcalin, peut donner naissance à un suc gastrique ou à une urine acides, sans admettre que le chlorure de sodium qui y était contenu se trouvait partiel- lement à l'état d'acide chlorhydrique et de soude (voir Sang, Estomac, Urine). Nous devons donc envisager les phénomènes de dissociation comme inséparables de la notion de combinaison chimique, dont ils précisent la signification. M. HANRIOT. DIURETIQUES. — On appelle diurétiques les substances qui augmentent la quantité d'urine excrétée par les reins. On ne se préoccupe pas, dans cette définition, de savoir si l'élimination plus active porte uniquement sur l'eau de l'urine, ou simul- tanément sur l'eau de l'urine et sur les matières qui y sont dissoutes. Peut-être cette distinction est-elle d'ailleurs quelque peu subtile ; car presque toujoursla quantité absolue des matières dissoutes augmente avec la quantité absolue de liquide excrété. M.\RSHALi> a proposé d'appeler tachyurétiques les substances qui provoquent la polyurie immédiatement, mais qui, dans l'ensemble, n'entrahient pas, en vingt-quatre heures, une élimination d'urine plus abondante que la normale. Ainsi la nitroglycérine et les nitrites, qu'il donne pour exemple, ne modifient pas la quantité totale de l'urine en vingt-quatre heures, tandis qu'elles amènent en peu de temps une diurèse abon- dante, laquelle est compensée par une légère a,nurie survenant quelque temps après, de sorte que finalement l'équilibre est rétabli. Mais, à vrai dire, il ne semble pas que cette distinction doive être adoptée ; car toutes les substances diurétiques sont en réalité tachy- diurétiques, puisque la teneur du sang en eau doit rester finalement la même, et que l'équilibre est toujours en fin de compte maintenu. Évidemment tout diurétique ne peut avoir d'autre effet que d'entraîner pendant quelque temps une élimination d'eau plus active, mais non de provoquer définitivement une concentration plus grande du sang en éléments solides. Si certains diurétiques aug- DIURETIQUES. 131 mentent pendant longtemps la sécrétion urinaire, ce n'est pas parce qu'ils changent la proportion normale des éléments solides du sang; mais bien parce qu'ils produisent une soif vive, de sorte que l'ingestion d'eau plus abondante entraîne une élimination plus abondante, et réciproquement. Conditions spéciales de rélimination de l'eau par les reins. — L'histoire des diurétiques, pour être complète, devrait porter sur les conditions normales de l'élimina- tion de l'eau par les reins; autrement dit sur la physiologie même de l'excrétion rénale ; mais nous ne pouvons entreprendre ici cette étude, et nous renverrons aux articles Reins et Urine où elle sera exposée, Rappelons seulement quelques principes généraux. La fonction du rein est déterminée par plusieurs conditions. A. L'état des glomérules. B. L'état des canalicules urinifères. C. La composition chimique du sang. D. La pression artérielle générale. E. La vitesse du passage du sang à travers le rein. F. La pression artérielle locale. G. L'innervation de la glande rénale. On comprendra alors que l'augmentation de la sécrétion rénale peut être due à l'action de la substance diurétique sur telle ou telle de ces fonctions. Méthodes pour rexpérimentation. — Les méthodes d'expérimentation pour l'étude des diurétiques sont multiples. Sur les animaux on peut procéder sans vivisection ou avec vivisection. Avec vivisection, on obtient des résultats très précis; mais la vivisection même, ou la conteii.ionde l'animal ne sont pas sans quelque inconvénient. D'abord, s'il s'agit d'unchien, d'un chat ou d'un lapin, il faut administrer des anesthésiques, ce qui modifie toujours quelque peu les conditions circulatoires et toutes les conditions nerveuses. Il faut éviter aussi le refroidissement de l'animal dans une expérience qui peut être fort longue. Pour connaître immédiatement, et minute par minute, ce qui est souvent nécessaire, la quantité d'urine émise, il faut placer une canule dans chaque uretère. On relie les deux canules l'une à l'autre après laparotomie, et on laisse écouler ainsi l'urine goutte à goutte dans une éprouvelte graduée. Dans ces conditions, on peut avoir exactement, minute par minute, la quantité d'urine émise, et on peut même en prendi'e le tracé gra- phique, voire même, par un procédé ingénieux que d'AnsoNVAL a indiqué, que E. Vidal a réalisé dans mon laboratoire (1898), faire tomber cette urine dans une grande masse concentrée d'hypobromite de soude, ce qui dégage tout l'azote de l'urée. On a ainsi volumétriquement la quantité d'azote éliminée par les reins, minute par minute. Mais l'ouverture du péritoine et la ligature des uretères sur les canules entraîne bien souvent, par une action d'arrêt que Claude Bernard a signalée, et que j'ai constam- ment observée, un arrêt dans la sécrétion rénale; si bien que, pendant longtemps, parfois pendant une demi-heure, une heure, et même plus encore, on ne peut pas voir l'urine sourdre des canules. Quelquefois cet arrêt a été si prolongé et si complet que je croyais souvent à une erreur expérimentale et que je voulais vérifier si je n'avais pas commis d'erreur d'introduction des canules dans les uretères. Enfin les animaux ainsi expérimentés sont nécessairement sacrifiés. Mais d'autre partie cathétérismene donne quedes résultats très incertains; et, si l'on se contente de recueillir l'urine émise, on commet parfois de très lourdes erreurs. De fait, on n'a pas pu encore résoudre d'une manière simple et précise ce petit problème de technique physiologique, qui consiste à recueillir exactement les quantités d'urine émises par les animaux en expérience, qu'il s'agisse de chats, de chiens, de lapins, ou de cobayes. Malgré des inconvénients très réels, c'est encore la vivisection, avec l'introduction de canules dans les uretères, qui donne les meilleurs résultats. On peut aussi expérimenter sur l'homme, et, comme très souvent l'ingestion des diurétiques n'est nullement nuisible à la santé, ce sont des expériences qu'on peut faire sur soi-même : nombre de physiologistes ont procédé ainsi, pour l'étude des effets de telle ou telle substance. 132 DIURETIQUES. Point n'est besoin de procéder à des mictions plus fréquentes que d'ordinaire. Voici le procédé que j'ai adopté dans des expériences déjà anciennes. Soit pendant un certain laps de temps, de 1 heure à 3 heures, une certaine quantité d'urine émise, si l'on veut avoir la quantité d'urine émise par quart d'heure, il suffira de diviser le chilfre total par 1G. A supposer que les jours suivants on recueille l'urine de midi à 3 heures ou de il heures à 3 heures ou de 2 heures à 8 heures ou de 1 heure 1/2 à 5 heures, on aura ainsi, quart d'heure par quart d'heure, un certain nombre de chiffres dont ou prendra la moyenne : cette moyenne indiquera avec une approximation suffisante les quantités d'urine émises aux divers momenis de la journée, pendant des périodes de 10, de 20 ou de 30 jours ou même davantage. Une fois cette constatation faite, rien ne sera plus simple que d'ingérer tel ou tel diurétique, et de voir les conséquences de cette ingestion au point de vue de la sécrétion urinaire. Enfin, chez les malades, il y a eu de nombreuses éludes entreprises; mais, malgré des surveillances rigoureuses, le contrôle est parfois presque impossible, et bien souvent il y a des erreurs assez sérieuses par suite de la négligence ou de la mauvaise volonté des malades. D'ailleurs les conditions dans lesquelles agissent les diurétiques, chez les malades atteints de néphrite ou d'affections cardiaques, sont assez différentes de ce qui se passe à l'état physiologique pour que nous ne cherchions nullement à entreprendre ici l'étude des diurétiques dans les maladies. Raphakl, dans des expériences faites sur soi-même (cit. de Marshall), a trouvé l'effet de divers diurétiques. 1 000 grammes d'eau 1 000 — d'eau chargée de CO^ . . . 1000 — de bière 1000 — de vin rouge 1000 — de lait Sucre de lait (30 grammes) Borate de soude (20 grammes) Borate de soude et 1000 grammes d'eau . . Tartrate de soude (20 grammes) Tartrate et 1000 grammes d'eau Salicylate de caféine et de soude, (0s"-,5) . . Diurétine (Os'.S) — . (IK'.S) - (3B%0) AUGMENTATION TOUR 100 de l'urine. AUG.MENTATION absolue. Le jour même. Le lendemain. oent. cubes. 100 — 812 73,3 100 — 9 645 815 79 153 + 4 715 1231 33,7 13,12 174 — 9 + 0,5 — 8 305 102 1392 2 73,7 42 — 9 — 9 — 9 22 590 380 2 14 1,6 20 130 53 2 485 Ce genre d'expériences est assez facile, et il est regrettable qu'il n'en ait pas été fait de plus précises, et en plus grand nombre. Notamment le dosage des matériaux solides excrétés aurait un très grand intérêt. Les expériences de Munk (1886) ont montré qu'on peut étudier assez bien les substances diurétiques en faisant des circulations artificielles à travers le tissu des reins. Si l'on fait passer dans l'artère rénale du sangdéfibriné, chargé de différentes substances, on voit que ces substances augmentent la quantité du liquide qui passe dans les uretères. Le seul point litigieux est desavoir si ce liquide qui transsude à travers les uretères dans ces conditions est véritablement de l'urine, quoiqu'il soit riche en albumine. Naturelle- ment Munk l'assimile à l'urine, dont il aurait tous les caractères par sa teneur en sels et en urée, tandis que Schbœder, non sans raison, je pense, le considère comme un exsudât qu'on ne saurait comparer à de l'urine véritable. Quoi qu'il en soit, Munk a vu que les substances diurétiques augmentent quelque- fois la rapidité du cours du sang, dans l'artère, les capillaires et la veine du rein, par suite d'une dilatation des vaisseaux (diminution de la résistance dans les capillaires) ; mais DIURETIQUES. 133 ce ne serait pas là, d'après lui, la cause véritable de l'action des diurétiques. En effet, ces substances, à l'exception de la digitaline, n'agiraient que sur la plande même et non sur la circulation de la glande : c'est leur action élective sur les éléments glandulaires, qui produirait l'hypersécrétion. Avec 0S'',14 d'urée dans 100 grammes de sang, la sécré- tion a augmenté de 1 à 4 grammes, et la rapidité du cours du sang, dans le rein artificiel, a doublé. Avec 0,8 de sucre la vitesse du sang a diminué de 2/3, mais la quantité de liquide sécrété a augmenté de I à 8. Avec 0,014 de caféine, la rapidité du sang a diminué, mais la quantité de liquide a augmenté de 1 à 6. Marsh.all, dans l'ensemble, a confirmé ces résultats. Ce qu'il y a de plus intéressant dans ces expériences de Munk, c'est qu'elles établis- sent bien ce que nous aurons l'occasion de montrer souvent dans le cours de ce travail, c'est que les diurétiques agissent presque toujours directement sur le tissu glandulaire du rein, et qu'il ne faut pas chercher la raison d'être de leur action dans les phénomènes médiats de circulation ou d'innervation. Dans un cas, l'addition d'une grande quantité de NaCl rendit le sécrétion 15 fois plus considérable, sans que cependant la vitesse du cours du sang se soit modifiée. C'est par emploi méthodique de tous ces moyens divers que se peut étudier l'action diurétique des diverses substances sur l'organisme normal. Action sur le glomérule et les canalicules urinaires. — Il est évident que l'intégrité de la glande est nécessaire à l'élimination. Quelle que soit la théorie adoptée pour la sécrétion rénale normale, qu'il s'agisse d'une élimination par le glomérule avec résorption par les canalicules, ou d'une élimination simultanée par le glomérule et les canalicules, si les appareils sont altére's histologiquement, l'élimination ne se fera plus que d'une manière insuffisante. Certains poisons agissent ainsi énergiquement sur le rein et tarissent immédiatement la sécrétion. Dans les néphrites, il y a, au moins au début, polyurie, comme si l'épithélium des tubuli n'était plus apte à résorber les éléments aqueux que le glomérule a sécrétés. SoBiERANSKi, daus SCS étudcs sur la caféine, a essayé d'établir que la diurèse de la caféine était due à la paralysie des éléments épithéliaux des tubuli. Il y aurait, dit-il, un double appareil de régulation ; le glomérule, qui élimine l'eau et les sels ; et les tubuli, qui concentrent l'urine. Il y aurait donc une sorte de diurèse due à l'activité plus grande du glomérule, et une autre diurèse due à l'activité moindre des tubuli, contrairement à la théorie de Bowmann Heidenhain. Il classe alors les diurétiques eu trois groupes : a. Ceux qui agissent sur le glomérule : lorsqu'ils sont éliminés par le glomérule, cette élimination entraîne par cela même l'excrétion d'une certaine quantité d'eau; 6. La caféine, la théobromine et les substances analogues qui sont diurétiques parce qu'elles paralysent la propriété absorbante des tubuli; ci. L'urée qui tient le milieu entre les deux groupes précédents, activant la fonction du glomérule, et paralysant celle des tubuli (?). Telle était d'ailleurs l'opinion de Schrœder; mais Sobier.\nski est arrivé, au point de vue pratique, à des résultats tout à fait différents de ceux de Schrœder. En injectant à des lapins, rendus polyuriques par l'injection de benzoate de caféine, une solution Je bleu d'indigo, il n'a pas vu la coloration des noyaux de l'épithélium des tubuli, et il en a concluquela caféine arrêtait la puissance de résorption de cet épithélium, puisque, chez les lapins qui n'avaient pas reçu l'injection de caféine, le bleu d'indigo colore toujours l'épithélium ; si l'on injecte l'indigo avant la caféine, on voit toujours l'épithélium forte- ment coloré en bleu. Dreser a supposé que l'effet diurétique du calomel était une action de même ordre; mais il n'a pas pu, comme il le reconnaît lui-même, en donner la démonstration expé- rimentale. D'ailleurs l'action du calomel comme diurétique est des plus obscures encore. Ainsi que la digitale, il est diurétique surtout sur les malades atteints de néphrite et d'affections cardiaques. On a supposé, non sans raison, qu'il agissait médialement sur la diurèse en rétablissant l'intégrité de la fonction hépatique (sécrétion d'urée et de sucre) (Masius, N. Patox, Bourgeon). Diurétiques agissant par modifications de la composition chimique du sang. — C'est le groupe assurément le plus nombreux et le plus important des diurétiques. 134 DIURÉTIQUES. II est probable que la plupart des substances considérées comme diurétiques n'ont cette action diurétique que parce qu'elles modifient la composition chimique du sang. En effet, il résulte de toutes les expériences qui ont été faites que, chaque fois qu'on augmente la quantité des matières solubles, salines ou autres, contenues dans le sang, elles tendent à être éliminées par le rein, et cela d'autant plus facilement (lue. leur pouvoir osmotique est plus grand, autrement dit leur poids moléculaire plus faible. 11 s'ensuit que les injections d'une substance saline vont provoquer immédiatement la polyurie. Nous avons nettement constaté cet effet dans les expériences entreprises avec R. Moutard-Martin (1880), et nous avons vu que l'urée, les sels, les sucres, la glycé- rine, étaient toutes substances diurétiques. Nous reviendrons sur le mécanisme de l'action de ces substances. Insistons ici seulement sur un point, c'est que l'eau distillée, injectée dans le système circulatoire, n'a aucun effet diurétique. Les expériences à cet égard sont concordantes. Kierulf (cité par Claude Bernard) avait vu qu'en injectant 500 grammes d'eau distillée dans les veines d'un gros chien, il ne faisait pas croître l'excrétion aqueuse. Claude Bernard, injectant à un petit chien de 2500 grammes le tiers de son poids d'eau, soit 800 grammes, a vu que les sécrétions étaient d'abord peu modifiées, puis, à mesure qu'on injectait plus d'eau, elles étaient diminuées. Falck, injectant de l'eau distillée dans les veines, a d'autre part constaté que l'urine obtenue par cathétérisme augmentait de près du double (16 ce. à 37 ce), mais qu'il se produisait de l'hématurie. La polyurie était 'plus accentuée quand l'eau était injectée dans l'estomac ou dans le tissu cellulaire. Picot a noté que l'injection d'eau à la dose d'un trentième du poids du corps, soit 33 grammes par Ivilo., tue les lapins, et, à la dose de 200 grammes par kilo, tue les chiens. Mais il. ne parle pas de l'effet produit sur la sécrétion du rein. Dans nos expériences nous avons très nettement constaté que l'injection d'eau distillée dans les veines non seulement ne produisait pas de polyurie, mais encore arrêtait la sécrétion rénale lorsqu'elle était régulièrement établie. Dans une expérience nous avons injecté d'abord une petite quantité d'eau, puis des quantités croissantes. A aucun moment de l'expérience, il ne s'est produit de diurèse. Bien plus, la sécrétion a fini par tarir com- plètement. Si à un chien rendu polyurique par l'injection d'eau sucrée on fait une injec- tion d'eau distillée, on verra la polyurie diminuer, puis cesser. Un chien reçut dans les veines 200 grammes d'eau distillée tiède : en trois heures il ne sécréta que 14 centimètres cubes d'urine. Cependant, dans les quinze minutes qui avaient précédé l'injection, il avait sécrété 15 grammes d'urine. Plus tard, sous l'inlluence du chlorure de sodium et du sucre, on lui fit sécréter 5*"=, 8 par minute, c'est-à-dire en deux minutes et demie autant dé liquide qu'en trois heures. On ne peut pas supposer qu'il s'agit d'une altération des éléments glandulaires du rein par l'eau; car il suffit de rendre au système vasculaire des substances salines ou sucrées, autrement dit osmotiques, pour voir aussitôt reparaître l'élimination aqueuse. D'autres observateurs ont encore constaté ce même fait. "Westphal (cité par Limbeck) dit que l'injection d'eau dans les veines ne produit de diurèse que longtemps après l'injection, soit pendant plusieurs heures. Limbeck a vu chez un lapin qu'une abondante injection d'eau dans les veines a suspendu la sécrétion rénale pendant deux jours. Cet effet nul des injections d'eau dans le système veineux pour augmenter la sécré- tion de l'urine contraste avec les effets des boissons aqueuses, qui sont, comme on sait, manifestement diurétiques. Mais il est à remarquer que rarement les boissons sont de l'eau distillée, ou même de l'eau simple. Le plus souvent elles sont alcooliques, comme la bière, le vin : les eaux minérales, les sirops, les tisanes, sont toutes liqueurs contenant des sels ou des sucres, c'est-à-dire des éléments aptes à être éliminés par le rein. En injectant dans les veines des quantités considérables d'eau salée isotonique (6 à 7 grammes de NaCl par litre), Dastre et Loye sontarrivés àdes résultats très intéressants au point de vue qui nous occupe ici. Ils ont pu injectera des lapins des quantités d'eau salée égales au tiers de leur poids, ce qui diffère notablement des résultats obtenus par Picot à la suite d'injections d'eau pure. Si la vitesse d'injection n'est pas trop consi- dérable, l'élimination se fait parallèlement à l'injection; cette vitesse ne doit pas dépasser 3'='=,05 par minute et par kilo. Dans ces conditions l'organisme ne conserve que le dixième de son poids de l'eau injectée. Le graphique qu'il donne (p. 107) est très net et montre bien: DIURETIQUES. 185 1" Qu'il y a un mécanisme régulateur de la quantité d'eau de l'organisme; 2° Que l'entrée en action de ce mécanisme n'est pas instantanée, que sa régularité se fait sentir à quelque distance de l'état ordinaire, après qu'une certaine augmentation de l'eau organique s'est produite. La suractivité sécrétoire urinaire ne commence à se révéler qu'après qu'une cer- taine quantité de liquide a pénétré dans l'organisme (2b0" pour des lapins de 2 kil.). Ce poids représente à peu près le poids total du sang de l'animal. Ainsi, en procédant lente- ment, on peut injecter au lapin une quantité d'eau salée égale à la quantité de sang que son organisme contient. Mais, la vitesse de l'injection est trop grande pour que l'activité rénale éliminatoire puisse lui être parallèle, il se fait une exsudation d'eau salée dans les séreuses et dans les tissus. Ces expériences de lavage du sang ont été récemment employées dans la thérapeu- tique. A vrai dire, au lieu de faire des injections intra-veineuses, on pratiquait des injections d'eau salée dans le tissu cellulaire, et souvent à des doses considérables. Ces injections amenaient une excrétion urinaire abondante : pourtant le mécanisme en est probablement plus compliqué que la simple modification du volume du sang. En effet, il est probable que ces injections n'agissent pas seulement sur la constitution chi- mique du sang, mais encore qu'elles stimulent directement le système nerveux, relèvent la pression artérielle, et, par l'intermédiaire, soit du système nerveux, soit du système circulatoire, modifient la sécrétion rénale. Les recherches faites sur la concentration moléculaire des liquides de l'organisme ont introduit des notions très importantes sur la fonction urinaire, et par conséquent elles ont modifié notablemeni l'ancienne théorie des diurétiques. Mais nous ne pouvons entrer ici dans cette étude, et pour le détail des faits nous renverrons aux articles Isotonie et Osmotique (Pression) oîi ils seront exposés. Retenons seulement les points essentiels. Soit A le degré de congélation d'un liquide; il a été démontré que le degré décon- gélation est inversement proportionnel à la concentration moléculaire, autrement dit à la pression osmotique. Si, par exemple, A d'une solution de sucre à 1 p. 100 est de — 0,055, avec un pouvoir osmotique de 49,3 de Hg (Pfeiffer), nous pouvons calculer, en connais- sant A d'une solution sucrée quelconque, son pouvoir osmotique. Si A de cette solution sucrée est — 0,oo, son pouvoir osmotique sera de 493. de Hg. Or le pouvoir osmotique, ou la concentration moléculaire du sang, ou le degré de congélation du sang, est égal, à — 0,55; tandis que, dans l'urine fortement chargée en molécules dissoutes, la concentration moléculaire varie entre — 1,3 et — 2,2. Admettons une moyenne de — 1,7; il s'ensuivra que les deux pouvoirs osmotiques du sérum et de l'urine seront dans le rapport de 55 à 170. Mais il faut faire intervenir d'autres éléments que les éléments physiques simples : car dans certains cas, exceptionnels il est vrai, on note l'inversion dans ces rapports. Sans que la concentration moléculaire du sang soit notablement changée, il peut y avoir émission d'une urine très pauvre en matières solides et ayant une concentration molé- culaire extrêmement faible, beaucoup plus faible que celle du sérum, soit — 0,16 (Dreser). Dans d'autres cas, au contraire, quand l'urine est très concentrée, et qu'elle contient beaucoup de substances dissoutes, comme par exemple après une longue privation de boissons, ou après une diarrhée abondante, le point de congélation de l'urine des- cend à — 4,94. A côté de ces variations considérables dans le pouvoir osmotique de l'urine, il faut établir la stabilité remarquable de celui du sang. Winter, dans de nombreuses expé- riences, l'a trouvée de 0,565; 0,55; 0,55; 0,55; 0,565; 0,57; 0,55; 0,55; 0,55; 0 55; dans le sérum d'animaux d'espèces différentes (chien, bœuf, lapin, cheval, mouton, porc) ; Dreser a trouvé — 0,56. Korangi, Bousquet, Hallion admettent le chiffre de — 0,56 comme moyenne de mensurations très voisines les unes des autres. D'autre part, les injections intraveineuses, quelles qu'elles soient, ne font guère varier la concentration moléculaire du sang. Magendie avait montré il y a longtemps que les injections intra-veineuses d'eau ne changent pas le poids spécifique du sang. Leichtenstern a montré qu'un individu absorbant 7 litres d'eau a la même quantité 136 DIURÉTIQUES. d'hémon;loline dans un volume donné de sang. Hamburger a établi aussi qu'après injections de sels divers dans le sang, en quelques minutes, le sang est revenu à sa pression osmo- tique normale (cité parDRESER). Il faut donc de toute nécessité faire intervenir dans ces phénomènes l'activité secré- toire propre du rein; et il devient bien difficile, pour ne pas dire impossible, de consi- dérer l'excrétion d'urine comme un simple phénomène de filtration, de dialyse due à des différences de tension osmolique, puisque aussi bien avec un liquide dont la tension est homogène — 0,55, il y a émission d'un liquide dont la tension peut varier de — 0,16 à — 4,94. ' - Nous devons considérer avec la plupart des physiologistes la glande rénale comme l'appareil régulateur de la quantité des sels de l'organisme et spécialement du sang, (sels ou substances diffusibles dissoutes). Si un de ces sels est en excès, il est éliminé parle rein; il est assez difficile de dire si cette élimination est due à une sécrétion rénale particulière, c'est-à-dire à une action chimique de la glande, ou à une variation du pouvoir osmoLique du sang. En effet, l'injection d'une certaine quantité de sels ou de sucre va modifier la tension osmotique du sang. Soit, par exemple, une solution de sucre à 1 p. 100, dont A = — 0,055 ; si à 100 grammes de sang on injecte 1 gramme de sucre, la tension osmotique du sang va varier de — 0,55, chiffre normal du sang, à — 0,005. Cette variation dans la teneur du sang sera obtenue si à un chien de 12 kilogrammes on injecte 10 grammes'de sucre, quantité suffisante pour provoquer aussitôt une polyurie extrêmement abondante. On voit par là que les moindres variations dans la tension osmotique du sang ont amené aussitôt une élimination de la substance qui est en excès; et on comprendra alors pourquoi l'injection d'eau pure, qui abaisse la tension osmolique, entraîne l'anurie plutôt que la polyurie. Pourtant nous ne pouvons pas considérer le rein comme une membrane inerte lais- sant, suivant les conditions physiques du liquide sanguin, passer telles ou telles quan- tités d'eau; car le pouvoir moléculaire de l'urine est normalement beaucoup plus consi- dérable que celui du sang : c'est une membrane semi-perméable : c'est une glande qui fixe certains éléments du sang, pour les éliminer ensuite; ce qui entraîne par cela même, à cause du grand pouvoir osmotique de la substance éliminée, l'élimination d'eau ; l'eau allant toujours vers le liquide où la tension osmotique est la plus forte. Autrement dit, dans la fonction rénale, il y a deux éléments (en ne tenant pas compte d'un troisième élément, quelque peu hypothétique, la résorption par les tubuli) : c'est d'abord l'élimination de la substance saline normale ou en excès; puis, en second lieu, l'élimination d'eau diffusant vers cette substance éliminée par suite du pouvoir osmotique plus fort que cette substance donne au liquide urinaire excrété. A posteriori ces considérations sont confirmées par les faits suivants : 1" La polyurie est d'autant plus intense que l'injection a été faite à un plus grand degré de concentration (Kessler, cité par Dreser). 2" Toute substance soluble et diffusible introduite dans le système circulatoire pro- voque delà polyurie (Moutard-Martin et Ch. Richet), toutes réserves faites, bien entendu, des phénomènes locaux ou généraux d'intoxication. 3» Le moment de la polyurie coïncide avec le moment de l'élimination (Moutard- Martin et Gh. Richet). Il est aussi à remarquer que la régulation dépasse quelquefois le but, comme il arrive à tout appareil régulateur. Dreser a montré que l'injection à des lapins de NaCl, qui produit de la polyurie, diminue le pouvoir osmotique de l'urine. Dans un cas l'urine avant l'injection avait A = — 1,18. Après injection de 1 gramme deNaCl, A devint pour l'urine 3= — 0,72; puis, trois quarts d'heure après, — 0,9. Dans un autre cas, A, qui était, avant l'injaction, — 1,46, devint — 0,96. Par conséquent la polyurie consécutive à l'injection saUne entraîne, par une sorte de paradoxe, une élimination d'eau plus grande que l'élimination du sel, ce qui semble- rait directement opposé aux bonnes conditions physiologiques d'équilibre organique, puisque l'expulsion de 1 gramme de sel, en excès dans le sang, entraîne l'expulsion de 200 grammes d'eau, en excès, et par conséquent contribue encore à la spoliation plu." grande d'eau du sang, et à la concentration trop considérable du sérum en sels. DIURETIQUES. 137 Mais cette anomalie, comme le fait remarquer Dheser, n'est qu'apparente. En effet, si nous envisageons les conditions biologiques normales de l'animal, il trouvera toujours à sa disposition de l'eau pour apaiser sa soif; de sorte que le point essentiel pour l'inté- grité de ses fonctions, ce n'est pas tant l'absence d'eau dans le sang .que l'absence d'une substance saline en excès : car il pourra toujours réparer l'absence d'eau, par l'ingestion des boissons. Soit, pour prendre un exemple concret, un lapin de 2 500 grammes ayant à peu près 200 grammes de sang, et 2 grammes de NaCl en totalité dans son sang; si on lui injecte 1 gramme de NaCl, il faut d'abord qu'il se débarrasse de cet excès de sel, au risque de perdre par la polyurie 150 grammes d'eau, et par conséquent d'accroître encore la concentration de son sang; car il pourra bien vite, par l'ingestion d'aliments aqueux, réparer cette perte d'eau; et la régulation qui a dépassé ce but, dans les premiers moments, sera vite réalisée, par des à coups successifs qui ramèneront l'équilibre. Les expériences de Dastre et Love nous montrent bien que, même à égalité de tension osmolique (le liquide injecté avait la même concentration moléculaire que le sérum) l'injection d'eau produit de la polyurie, par le fait seul que la masse du sang a aug- menté. Le maximum de cette augmentation de la masse du sang, compatible avec la survie de l'animal, paraît être de 25 p. 100. Au delà de celte limite, la régulation par le rein entraîne l'élimination d'eau et de sel, malgré la constance de la pression osmo- tique. Ils concluent alors que le régime normal (égalité entre la quantité d'eau qui entre et la quantité d'eau qui sort) décèle l'existence d'un mécanisme régulateur de la quan- tité d'eau dans l'organisme. Ce mécanisme entre en jeu d'une manière parfaite lorsque la quantité d'eau salée injectée est égale à la quantité du sang du lapin avant l'expérience. Cette quantité se partage en deux portions : 2.") p. 100 restent dans l'appareil circulatoire pendant tout le temps de l'expérience et ne s'éliminent que plus tard : 75 p. 100 s'entreposent momenta- nément dans les séreuses et dans les tissus pour s'en échapper plus tard également. Le rôle de ces exsudations est probablement très important, au point de vue de la régulation; elles donnent à l'organisme le temps de s'adapter aux conditions nouvelles qui lui sont imposées, et remédient à la temporaire insuffisance de la fonction rénale. En injectant de grandes quantités d'urée dans le sang, j'ai pu constater que, malgré une polyurie abondante, on ne retrouvait dans l'urine, même au bout de 7 heures après l'injection, que le quart de la quantité injectée. Comme l'urée ne se détruit pas dans l'organisme, il est évident que l'urée qu'on ne retrouvait pas dans l'urine s'était accu- mulée dans les sérosités et dans les tissus. Un fait intéressant qui prouve bien cette fonction éliminatrice du rein, c'est que, si l'on injecte un sel minéral toxique dans le sang, très rapidement il va se localiser dans le rein. J. Roux a fait sur ce point, dans mon laboratoire, des expériences très précises. En injectant à des lapins 6 grammes d'iodure de sodium, il a trouvé, deux heures après l'injection, dans 100 grammes de tissu, les quantités suivantes d'iodure de sodium : gr- Cerveau 0,019 Foie 0,052 Sang 0,084 Muscles 0,094 Reins 1,702 Dans une autre expérience, le résultat a été analogue, quoique moins marqué. gr. Cerveau 0,018 Muscles 0,0 n Sang 0,107 Foie 0,137 Reins 0,280 Urine 1,014 En somme, la localisation des poisons (au moins des iodures métalliques) dans le rein est extrêmement rapide. Le rein semble avoir une affinité spéciale pour les substances toxiques, dialysables, injectées dans le sang. Il est certain que tous ces faits ne s'appliquent qu'aux cas simples, dans lesquels ni 138 DIURETIQUES. la pression artérielle, ni l'innervation glandulaire, ni l'intoxication de la glande rénale n'interviennent; mais, ces réserves faites, on peut formuler cette première loi, qui paraît être la plus importante, pour expliquer la fonction des diurétiques : Le rein a pour fanction d'expulser les substances dialysables anormales du sang, que ces substances soient anormales par leur nature chimique propre, ou par leur excès. C'est donc l'appareil régulateur de la concentration moléculaire du sang. Cette élimination entraîne une élimination d'eau abondante. Par conséquent, toute substance dialysable introduite dans le sang est diurétique. De plus la régulation se fait en excès, et l'eau est éliminée en plus grande abondance que la substance anormale; mais cette spoliation d'eau entraîne la soif, et l'ingestion plus abondante des boissons répare cette perte d'eau. Ainsi se trouve assuré l'équilibre moléculaire du sang. 11 était à peine besoin de démontrer que la diurèse abondante entraîne la déshydra- tation, c'est-à-dire une concentration plus grande du sang. Cependant l'expérience a été faite par Schrœder, qui a constaté, dans quatre expériences de diurèse provoquée par la caféine chez les lapins, une augmentation des matériaux solides contenus dans un volume de sang, de 9,32 — 9,71 — 10,05 — 11,91 p. 100. Grijns a noté que la température de l'urine augmente pendant la diurèse provoquée soit par le sucre, soit par le NaCl. Dans une expérience entre autres, la différence entre la température de l'urine et celle de l'aorte était de 0,04 (en faveur de l'aorte). Après injection d'une solution sucrée, la différence devint 0,1 et même 0,14 en faveur de l'urine. En même temps, la quantité de l'urine sécrétée augmentait, et la différence de concentration moléculaire entre l'urine et le plasma sanguin allait en diminuant. Il y aurait là un élément de calcul intéressant, encore qu'assez hypothétique à l'heure actuelle. La sécrétion d'une urine de concentration moléculaire très forte (par rapport au sérum) exige un certain travail mécanique, qui consomme de la chaleur, et ce travail mécanique deviendrait moindre quand la différence s'abaisse, de sorte qu'alors la tem- pérature de l'urine augmenterait. Nous renvoyons pour cette étude à l'article Rein. De même nous renvoyons à cet article pour ces expériences intéressantes en clinique et en pathologie expérimentale, dans lesquelles on étudie le degré de perméabilité du tissu rénal en faisant (à des cardiaques) des injections d'iodure et de bleu de méthylène (AcHARD et Castaigne). Ces faits n'ont en réalité qu'un rapport indirect avec l'histoire des diurétiques proprement dits. Influence de la pression artérielle sur la sécrétion urinaire. — On admet généralement, depuis les expériences célèbres de Ludwig, qu'il y a parallélisme entre la pression artérielle et la sécrétion urinaire. La saignée, qui diminue la pression sanguine, diminue la quantité d'urine. L'excitation des pneumogastriques agit de même. Si la pres- sion artérielle tombe au-dessous de 50 millim. de Hg., il n'y ti plus de sécrétion (Ustimo- vitch). La digitaline, la caféine, les injections de sel agiraient par l'élévation de la pression artérielle. Il me paraît cependant que cette influence incontestable de la pression sur la sécrétion a été quelque peu exagérée, et on peut citer nombre d'expériences établissant: 1° que la pression artérielle peut monter sans que la diurèse s'établisse; 2° que la diurèse peut exister sans que la pression artérielle s'élève. J'ai vu dans une expérience, la pression étant de 140 millim., un écoulement de 1",34 d'urine par minute, sur un chien de 14 kilogrammes. Après injection de 8 grammes de NaCl dissous dans une petite quantité d'eau, la^ pression tomba au bout de quarante minutes à 80 millimètres, et la quantité d'urine s'éleva à 2'''',1 par minute. Sur un chien de 20 kilogrammes, chloralisé, l'injection de 100 grammes d'une solution concentrée de lactose fit écouler abondamment l'urine (8 grammes par minute) qui aupa- ravant n'était sécrétée qu'en minime quantité. La pression, qui était de 150 millimètres, n'augmenta pas. LlsTiMoviTCH lui-même a vu, avec une pression de 40 millimètres seulement, un écou- lement de l'"',08 par minute, à la suite d'une injection d'urée et de NaCl. C'est surtout Lauder Brcnton qui a montré l'indépendance de ces deux fonctions : la pression sanguine et la sécrétion de l'urine. Dans un premier mémoire avec Power, il a montré que sur le chien la digitaline, malgré une énorme élévation de la pression arté- rielle, diminuait et même arrêtait complètement la sécrétion urinaire; ce qu'il attribuait DIURETIQUES. 139 à la contraction des artères et des capillaires du rein. Avec Pye, il a obtenu des résultats analogues en expérimentant avec l'érythrophléine. D'abord la pression sanguine aug- mente, et plus rapidement que la sécrétion urinaire, probablement parce qu'il y a à ce moment une légère constriction des vaisseaux du rein. Mais bientôt la résistance est vaincue, et la sécrétion de l'urine au^anente plus que la pression. Enfin la sécrétion devient faible, tandis que la pression continue à monter. D'après Schrœder, la caféine n'a pas d'action quand elle élève la pression, tandis que, après une injection de caféine, si l'animal a été chloralisé, ce qui abaisse énormément la pression artérielle, alors une notable diurèse se produit; car les centres vaso-constric- teurs sont paralysés. Dans un cas où la pression tomba de 67 à 54 millimètres de mer- cure, la quantité d'urine alla en s'accroissant de 1 à 12. Pfaff a montré que sur le chien de fortes doses de digitaline arrêtent la sécrétion urinaire au moment même où la pression artérielle a atteint son maximum. Sur un chat, pendant deux heures, la pression artérielle resta identique à elle-même, de 120 à 136 millimètres, et cependant la sécrétion se modifia dans des proportions considérables de 2''%48 (par dix minutes) à 0'^<',59. Si, le plus souvent, on voit après telle ou telle injection d'une substance diurétique monter la pression artéi'ielle, c'est par un effet concomitant, non par une relation directe de cause à eifet. Beaucoup de substances diurétiques sont des stimulants du système nerveux, et conséquemment agissent en même temps sur les contractions du cœur qu'elles accélèrent, et sur les capillaires (cœur périphérique) dont elles déterminent la contraction. Dans un tout récent travail, Bardier et Frankel ont montré qu'après l'injection de l'extrait capsulaire qui fait monter immédiatement la pression artérielle, il n'y a pas de diurèse. Au contraire la sécrétion urinaire se ralentit, ou même s'arrête, alors que la pres- sion générale du sang a atteint son maximum. Il est vrai que cette injection détermine aussi, au début, de la vaso-constriction rénale. Il n'en est pas moins très intéressant de constater une fois de plus à quel point la pression générale du sang et la sécrétion uri- naire sont deux phénomènes qui peuvent être absolument dissociés. De fait, ce n'est pas la pression générale du sang qui importe, mais bien la pression locale, dans les artères du rein ; ou, mieux encore, la quantité de sang qui passe dans les reins. Mais la quantité de sang circulant dans les vaisseaux du rein, à telle ou telle pression, dans un moment donné, n'est pas facile à évaluer avec précision, et il faut une instrumentation assez compliquée. L'étude méthodique des diurétiques avec l'on- cographe donnerait certainement des résultats plus intéressants que la comparaison, nécessairement très vague, entre la diurèse et la pression générale du sang. Il n'est pas non plus inadmissible que les substances, qui, comme la digitale, élèvent la pression du sang, et accroissent l'énergie des battements du cœur, puissent exercer quelque action sur les liquides séreux et lymphatiques contenus dans les sérosités et dans le tissu cellulaire. On comprend alors que, quoique les artères rénales soient con- tractées par la digitaline, il y ait polyurie par déversement de ces liquides dans le sys- tème circulatoire. C'est en quelque sorte une injection salée qui se fait dans le sang, à la suite de la pression accrue. Ce qui confirme dans une certaine mesure cette hypothèse, c'est que la digitale pro- voque la polyurie surtout dans le cas des troubles cardiaques, et des œdèmes de la néphrite. Sur l'homme sain la digitale est légèrement diurétique, comme Lauder Brdn- TON l'a constaté sur lui-même, mais cet effet est bien moins marqué que sur les albu- minuriques œdémateux. Alors on voit en quelques heures les œdèmes se résorber sous l'influence de la digitale, en même temps qu'une polyurie intense se déclare. Il s'ensuit que cet effet, parfois extraordinairement rapide, de la digitale ne peut pas être dû à l'effet direct d'une simple augmentation de pression : c'est la conséquence indirecte de l'action que la digitale exerce sur le co^ur : elle amène une régularité plus grande des systoles cardiaques, avec déplétion complète du cœur droit, qui fonctionnait mal, et c'est à cette action sur un cœur malade que doit être attribuée la rapide disparition de l'œdème avec émission par l'urine des liquides accumulés dans les mailles des tissus œdématiés. Des diurétiques par ^action sur le système nerveux. — Il n'est pas douteux que le système nerveux n'ait une puissante action sur la sécrétion urinaire. La dénions- MO DIURETIQUES. tration en peut être donnée, moins par l'expérience directe qui est toujours ijuelque peu incertaine, que par de multiples observations. On sait qu'une émotion morale pro- duit parfois de la polyurie abondante. Chez certaines hystériques, il y a aussi des crises polyuriques caractérisées par l'émission soudaine d'une urine extrêmement abondante et d'une densité très faible. Dans les maladies vésicales existe une polyurie qu'on a con- sidérée comme réflexe. Enfin les traumatismes crâniens et les affections organiques du cerveau (hydrocéphalie, méningites, etc.) amènent aussi la polyurie. Expérimentalement Claude Bernard, puis Vulpian, ont montré que la section du grand splanchnique, qui abaisse la pression artérielle générale, mais qui congestionne les reins, s'accompagne de polyurie. La piqûre d'un certain point du plancher du qua- trième ventricule, près du centre de la glycosurie, a été démontrée par Claude Berxard être une cause de polyurie, et Ka^ler a confirmé ces expériences en produisant un dia- bète insipide véritable, polyurie sans glycosurie, par l'injection de quelques gouttes de nitrate d'argent sur le plancher du quatrième ventricule, dans le bulbe, au niveau des corps restiformes. D'ailleurs toutes les glandes sont inlluencées directement par le système nerveux : il serait donc assez étrange que le rein, dont l'importance est si grande dans la nutrition des êtres supérieurs, fît exception à la règle. La section des nerfs du rein produit des désordres graves dans la fonction urinaire, et, quoique la preuve rigoureuse fasse défaut, on ne peut attribuer ces troubles à des effets vaso-moteurs. L'exemple des glandes sali- vaires et des glandes sudorifères est là pour montrer que les phénomènes vasomoteurs -et les phénomènes glandulaires doivent être dissociés. L'atropine, qui agit sur les nerfs glandulaires (salive et sueur), ne paraît pas avoir d'action sur les nerfs du rein. Walti, Thompson et Walravexs ont vu chez des lapins atropinisés persister la diurèse produite par le sucre. Mais cela prouve uniquement que l'atropine n'exerce pas sur l'épilhélium rénal la même action que sur l'épithélium des glandes sudoripares ou des glandes salivaires. 11 s'ensuit donc que probablementcerlaines substances peuvent être diurétiques parce qu'elles agissent sur le système nerveux sécréteur de la glande rénale; mais il est, comme on le conçoit sans peine, difficile de dissocier ces trois phénomènes synergiques : pré- sence d'une substance difîusible anormale dans le sang, élévation de la pression sanguine et de la vitesse du sang dans le rein; et stimulation des nerfs sécréto-glandulaires. Toutefois il faut noter quelques rares expériences sur ce point. Schrœder a établi que la caféine n'agit presque pas sur la diurèse, si l'animal n'a pas reçu au préalable une certaine quantité de chloral, pour paralyser, dit-il, le système vaso- moteur. Si, au contraire, on laisse le système vaso-moteur intact, alors la caféine agit beaucoup moins efficacement comme diurétique; car elle excite la vaso-constriction du rein. En détruisant les nerfs qui se rendent à un rein, on constate que la diurèse pro- duite parla caféine est beaucoup plus intense dans ce rein énervé. Schrœder en conclut que la caféine agit de deux manières, qui ont un effet absolument opposé, d'une part en excitant le système nerveux assez pour rétrécir les vaisseaux et diminuer la circula- tion du sang dans le rein, d'autre part en stimulant directement la sécrétion rénale. Pour juger jusqu'à quel point la caféine agit directement sur la sécrétion rénale, il eût été intéressant de faire la circulation artificielle du rein, de manière à éliminer toute influence nerveuse. Md.nk a essayé des recherches dans ce sens; mais les résultats qu'il a obtenus sont peu démonstratifs; et l'augmentation du volume des vaisseaux rénaux observée par lui après l'action des diurétiques ne prouve pas qu'il en soit ainsi, quand le rein est in situ, et encore moins que cette dilatation vasculaire soit la cause efficiente de la diurèse. D'ailleurs Overbeck avait montré que la ligature des artères rénales, même durant le court espace d'une minute et demie, suffit pour suspendre la sécrétion pendant trois quarts d'heure. La mort de l'épithélium rénal par le fait de l'anémie est donc extrêmement rapide; et l'action presque nulle de la caféine sur les reins soumis à l'action de la caféine, dans des expériences de circulation artificielle, ne prouve nullement que la caféine n'agisse pas directementsur l'épithélium rénal (Schrœder). Cervello et Monaco ont contesté la théorie de Schrœder sur l'action vaso-constric- tive de la caféine. En effet, en administrant concurremment le curare (qui ne paralyse pas les centres vasomoteurs?) et la caféine, ils ont vu que la polyurie se manifestait DIURETIQUES. 141 encore mieux que par l'emploi simultané de la caféine et du cliloral. La paraldéliyde, qui ne paralyserait pas du tout les centres vaso-moteurs, permet à la caféine de pro- duire de la polyurie si elle est associée à la caféine. Enfin le chloroforme, qui devrait agir comme le chloral, empêche l'action de la caféine de se manifester. A vrai dire les observations de Gervello et Mo.naco ne nous paraissent pas tout à fait justifiées; car la paraldéhyde et la curare agissent certainement, quoi qu'ils en disent, sur les centres nerveux, et, d'autre part, comme il a été bien démontré par divers auteurs et en parli- ticulier par E. Vidal, le chloroforme, même à très faible dose, altère notablement la fonction si délicate des reins. L'action des substances anesthésiques employées pour paralyser l'action du système nerveux sur les reins, permet de savoir quels diurétiques agissent véritablement sur l'épithélium rénal. Sabibatani a pu montrer que la pilocarpine est diurétique; mais, pour que cet effet apparaisse, il faut administrer une substance qui, comme la paraldéhyde, empêche la constriction vasculaire. Finalement on voit qu'il reste encore beaucoup à faire pour bien apprécier l'action des nerfs sur les reins. Que certains diurétiques agissent par la voie nerveuse, ce n'est pas douteux, de par les observations médicales; mais ce qui est douteux, quoique pro- bable, c'est que cette action néro-glandulaire s'exerce directement par l'excitation de l'épithélium rénale par les nerfs, et qu'elle ne soit pas due à des phénomènes de circu- lation activée ou ralentie dans le parenchyme rénal. La mensuration du volume du rein avec l'observation simultanée des quantités d'urine émises, pourrait seule permettre déjuger scientifiquement la question. Ces expériences, dans lesquelles simultanément ont été notés les changements dans la diurèse et les modifications du volume du rein, ont été faites par Albanese. Il n'a étudié à ce point de vue que la caféine, le chloral et la curare. Or il a constaté que le curare, qui ne change pas le volume du rein, produit de la diurèse, tandis que le chloral, qui congestionne le rein, ne produit qu'un accroissement insignifiant dans la quantité d'urine sécrétée. Surtout l'expérience démonstrative paraît être la suivante. Si à un animal chloralisé, dont le rein est par conséquent congestionné, on injecte de la caféine, on ne verra apparaître qu'une faible modification du volume du rein, mais la sécré- tion urinaire augmentera beaucoup. Ainsi l'action des diurétiques est probablement plus compliquée qu'on le supposerait tout d'abord. Il y a des actions nerveuses, il y a des actions vasomotrices locales, il y a l'influence de la pression générale du sang; mais toutes ces causes dont il n'est pas permis de nier l'influence sont beaucoup moins efficaces que l'action directe de la sub- stance diurétique sur l'épithélium rénal et sur la glande elle-même. C'est ce principe, encore absolument incontestable à l'heure actuelle, que nous avions admis dans nos expériences de 1880 ; c'est celui que plus tard a admis Munk à la suite de ses expériences de la circulation artificielle. Rapports de la diurèse avec rélimination des matériaux solides de l'urine. — Ici encore les observations précises et suffisamment démonstratives font défaut. Tou- tefois quelques données éparsesçà et là permettent de soutenir que le plus souvent les diu- rétiques n'élèvent pas seulement les quantités d'eau éliminées, mais encore la masse des substances contenues dans l'urine. L'urine est moins dense; mais dans la polyurie la quantité totale des matières solides est plus considérable qu'elle n'était auparavant. Nos expériences, dans lesquelles la polyurie était provoquée par l'injection de lactose, et parfois de saccharose ou de glycose, nous ont donné les résultats suivants. Si nous rapportons le poids de l'urée à 1 kilogramme d'animal, par vingt-quai re heures nous avons, dans 3 expériences : Avant l'injection (moyenne). Après l'injection (moyenne . Après la l" injection . . . Après la 2" — . . . . Après la 3" — . . . . Après la 4" — . . . . Après la o' — . . . . EXPERIENCES 1 11 III 0,42 0,4o 0,22 1,74 0,81 0.90 0,63 0,63 0,68 1,06 0,80 0,47 2,45 0,07 0,93 2,14 0,78 0.20 2,40 » 1,20 14-2 DIURÉTIQUES. Dans une autre expérience, plus récente, j'ai constaté aussi le même phénomène. Sur un chien de 13 kilogrammes les quantités d'eau éliminée et d'azote éliminé (en urée dans l'urine) ont été par minute : Avant l'injection de 3 h. 20 à 4 h. 10. Injection de 20 ce. d'une solution i de 4 h. 10 à 4 h. 20. de sucre à 23 p. 100 j de 4 h. 20 à 4 h. 3-t. ( de 4 h. 35 à 4 h. 43. Injection de 60 ce. de la solution . de 4 h. 45 à 5 h. , de 5 h. à 5 h. 20 de 3 h. 20 à 5 h. 30. de 5 h. 30 à 5 h. 33. de 5 h. 53 à 6 h. 10. de 6 h. 10 à 6 h. 40. EAU. AZOTE eu ce. en ce 0,133 0,8 0,600 2,9 0,^83 1,1 2,030 4,2 1,133 1,17 1,075 1,22 1,050 1,20 0,400 0,34 0,166 0,30 0,233 0,46 Injection de tcc,5 de térébenthine. On voit que la quantité d'azote éliminé est absolument parallèle à la quantité d'eau éliminée. ScHRŒDER, après administration de caféine à des lapins, a obtenu des résultats analogues. AVANT L'INJECTION" DE CAFÉINE. APRÈS L'IN.JECTI()X DE CAFÉINE. VOLUME d'urine en 20'. MATÉRIAUX .SOLIDES. VOLUMK d'urine en 20'. MATÉRIAUX SOLIDES. 0,34 1,29 1,13 0,027 0,121 0,119 26,94 9,2 3,45 0,473 0,423 0,231 1,47 0,58 AZOTE. 9,79 1,32 AZOTE. 0,003 0.0012 0,017 0,017 Ainsi la diurèse provoquée soit par la caféine, soit par les sucres, entrahie aussi de l'azoturie. Dans leurs expériences sur le lavage du sang, Dastre et Love ont vu aussi l'élimina- tion de l'azote augmenter avec la diurèse. Munk, dans des expériences de circulation arti- ficielle, a vu la quantité des chlorures éliminés croître constamment avec la quantité d'eau excrétée par le rein. J'ai cherché à voir quelle peut être l'intlueiice d'un diurétique sur l'élimination de quelqu'une des substances normales constitutives de l'urine, le chlore par exemple, dont le dosage est relativement si facile. En injectant du nitrate de soude (10 grammes de sel par litre) dans les veines d'un chien, on peut suivre la marche de cette élimination du chlore. On voit que la durée augmente jusqu'à une certaine limite pour diminuer ensuite, et qu'il y a parallèlement une augmentation, puis une diminution dans Ja quan- tité de chlore éliminé. ;f.r 2 h. ."JO. Début de l'injection. LIQUIDE ELIMINE PROr. DE Cl Cl ÉLIMINÉ absolument, par heure. dans 1 litre, par lieure. 2 h. 50. 3 h. 30. 4-h. 13. 4 h. 30. 4 h. 43. 5 h. 1."). 3 h. 43. 6 h. 5. . 230 293 330 400 700 670 400 2:10 708 1 400 1 600 1 400 1340 1200 2,52 2,30 2,16 1,98 1,66 1,43 1,37 1,29 0,38 1,34 2,68 2,64 2,00 1,82 1,33 DIURÉTIQUES. 143 On voit que l'injection de nitrate de soude a augmenté énormément rélimination du NaCl. Si la quantité de chlore éliminé par le chien en une heure se prolongeait ainsi pendant vingt-quatre heures, cela ferait une excrétion urinaire de d07 grammes de chlo- rure de sodium en vingt-quatre heures; c'est-à-dire d'une quantité de sel quatre fois plus grande que la quantité contenue dans l'organisme d'un chien de même poids (13 kilogrammes.) Avec le sucre le résultat est le même qu'avec le nitrate de soude, si bien que finale- ment, pour peu que l'expérience ait été prolongée, tout le chlore éliminable a été excrété par l'urine, et l'urine n'en conlient plus que- des quantités extrêmement faibles. J'ai vu dans le cas d'une injection sucrée à dose très forte (injection à un chien pesant 12 kilo- grammes, de 5 litres d'une solution contenant par litre 30 grammes de lactose et 30 grammes de saccharose), la teneur du chlore de l'urine descendre au chiffre presque invraisemblable de Os'',l81 par litre. Malgré cette faible teneur de l'urine en chlore les tissus contenaient encore des proportions de chlore assez notables, soit, pour 1 000 grammes de substance. Cerveau 1,098 Rein 0,971 Foie 0,8-25 Muscles 0,546 ce qui représente, à peu de chose près, la moitié de la teneur normale. De quelques diurétiques en particulier. — 1° Substances salines minérales. — Depuis longtemps on a employé les divers sels minéraux pour provoquer la diurèse. Dans les anciennes et modernes pharmacopées on trouve constamment l'indication des diu- rétiques minéraux, azotates, acétates, sulfates, borates, chlorates, iodates de potasse et de soude. Parfois même les médecins prescrivent des doses élevées de ces sels, puis- qu'ils ont été jusqu'à indiquer des quantités de 20 grammes de nitrate de potasse par jour. On peut dire hardiment que tons les sels minéraux solubles, difîusibles, et qui ne précipitent pas l'albumine sont, quels qu'ils soient, diurétiques. J'ai constaté très net- tement l'action diurétique du chlorure de sodium, du ferrocyanure de potassium, du phosphate et de l'iodure de potassium. Dans quelques cas il a été facile de voir que le moment de la diurèse coïncidait avec le moment de l'élimination de la substance injectée. Notamment avec l'iodure de sodium et le ferrocyanure de potassium le résultat a été extrêmement net. Un chien de iS kilogrammes avait un écoulement d'urine de 3 gouttes par minute. Alors nous lui injectâmes 2 grammes d'iodure de sodium dissous dans 10 grammes d'eau. Dans la minute de l'injection, il y eut, comme toujours, un léger ra- lentissement, et le nombre de gouttes par minute ne fut plus que de 1 ; dans la deuxième minute, il fut de 7 gouttes, dans la troisième minute, de 14 gouttes; dans la quatrième minute de 13 gouttes; et à ce moment nous constatâmes la présence d'iode dans l'urine; or depuis quelque temps déjà l'urine avait dû passer dans les bassinets, les uretères et les canules, avant de pouvoir être soumise à l'examen analytique. Sur le même chien l'écoulement d'urine était de 10 gouttes par minute; dans la minute où nous injectâmes O''^,o0 de ferrocyanure de potassium, il y eut encore 10 gouttes, puis dans la seconde minute 15 gouttes, et alors nous pûmes constater la réaction du ferro- eyaimre. Les expériences de tous les physiologistes concordent toutes fort bien sur ce même point. Toute injection de substance saline, soit dans le système vasculaire, soit dans le tissu cellulaire, provoque aussitôt de la diurèse. Mais on ne comprendrait pas que cette diurèse fût permanente, si elle n'entraînait pas immédiatement la soif, et par conséquent l'ingestion, provoquée par la soif, d'une certaine quantité d'eau. Soit par exemple un animal de 12 kilos ayant une émission normale d'urine de 400" par vingt-quatre heures, l'injection de NaCl va pendant un quart d'heure décupler l'élimination d'eau. Mais, s'il ne se met pas à ingérer plus de boissons que par son régime normal, finalement, au bout de 24 heures, il n'aura pas éliminé plus d'eau qu'à l'état normal; car il s'établit 144 DIURETIQUES. une compensation entre la spoliation aqueuse accidentelle exagérée du quart d'heure de polyurie et la spoliation aqueuse totale des 24 heures. Donc il n'y aurait pas eu finale- ment sécrétion d'une plus f.Tande quantité d'urine, si cette spoliation aqueuse exagérée, provoquée par l'ingestion ou l'injection de Cl, n'avait contraint l'animal à boire davan- tage. Si l'on a injecté du sel à un animal, on le voit, dès qu'il est détaché, se mettre avi- dement à boire. Schrœder a vu ainsi des lapins, animaux qui ne boivent presque jamais, se mettre à boire, aussitôt après qu'on leur avait injecté du sel. Tout le monde sait qu'une alimentation très salée provoque une soif très vive et fait boire davantage; de sorte que, si les substances salines déterminent une polyurie immédiate, cette polyurie devrait être compensée par une anurie consécutive ; mais il n'en est pas ainsi; car l'ani- mal se met à boire, et alors l'augmentation de la sécrétion urinaire est définitivement acquise parce que l'animal en buvant compense le déficit aqueux momentané qu'a entraîné la polyurie. En résumé, si l'on prend la totalité de l'urine des vingt-quatre heures, on peut dire encore que les sels sont diurétiques, mais ils ne sont tels que parce qu'ils font boire de l'eau : et peut-être même tous les diurétiques n'agissent-ils pas autrement, pourvu qu'on envisage non plus l'émission d'urine dans les minutes ou la demi-heure qui suivent l'injection ou l'ingestion, mais l'émission totale de l'urine en 24 heures. La soif est l'élément régulateur de l'émission d'urine. Si la proportion des sels est trop grande dans le sang, il y a soif : si elle est trop faible, se sentiment de la soif n'existe pas. Or il est évident qu'on boit quand on a soif, et qu'on ne boit pas quand on n'a pas soif, sauf le cas de l'ingestion des boissons alcooliques, laquelle, le plus souvent, n'a rien à faire avec la soif véritable. Un très petit nombre d'expériences ont été faites sur l'influence que les chlorures de Na ou de K exercent sur la diurèse, quand ils sont ingérés avec les aliments, à égalité de boissons ingérées. Falck cIRnaupp (cités par Pugliese) avaient vu sur eux-mêmes que l'ingestion de doses élevées de NaCl n'entraînait pas de diurèse; mais ce résultat était opposé à celui des autres physiologistes qui avaient conclu que ce sel était diurétique, probablement parce qu'il forçait à une ingestion exagérée de boissons. Pogliese, chez des chiens ne pouvant absorber que la même quantité journalière d'eau, a vu que le chlorure de sodium n'a eu aucune action diurétique dans ces conditions (sauf un chien sur quatre animaux expérimentés). L'élimination d'urée augmenta, mais l'élimination d'eau resta la même (à la dose de ()^^,2'6 par kilo d'animal). Au contraire, à la même dose, le KCl eut une action diurétique très nette. Cette dilTérence tient sans doute à ce que le KCl est un élément que le rein élimine rapidement, tandis que NaCl peut être retenu par les tissus, et n'est pas nécessairement aussi vite éliminé que l'excès de KCl, l'élimination de l'un et l'autre sel entraînant toujours une élimination d'eau plus intense. LiMBECiv a étudié avec soin sur des lapins l'influence diurétique des divers sels, en ingestion alimentaire. Pour juger plus nettement des effets diurétiques, il laissait les animaux à jeun pendant trois jours : et c'est alors seulement qu'il leur donnait des sels en solution à 3 p. 100 dans l'eau, qui étaienlintroduits par la sonde. Ces sels étaient des sels de sodium. Voici un tableau qui donne le résultat de ses expériences. Les chiffres indiquent la proportion d'eau éliminée par les urines, relative à la proportion d'eau introduite par la sonde, pendant les douze heures qui suivent l'injection. Eau n,9 Sulfate 1,65 Tartrate • . .7,2 Phosphate 8,3 Bicarbonate 24,0 Citrate 24,5 Bromure 23,2 Acétate 35,1 lodurc ■ 41,1 Nitrate. ...... 47,4 Chlorure 40,3 Chlorate 70,4 DIURÉTIQUES. 145 Ces chitlVes, d'après Limbeck, permettent de classer ces sels en trois groupes : 10 Sels qui diminuent l'excrétion urinaire (probablement parce qu'ils provoquent une spoliation aqueuse par l'intestin). (Sulfate, tartrate, phosphate). 2° Sels qui ne provoquent qu'une légère diurèse, ne différant que peu de la polyurie provoquée par l'eau (bicarbonate, citrate, bromure). 3" Sels qui sont très fortement diurétiques (acétate, iodure, nitrate, et surtout chlo- rure et chlorate). Les tisanes sucrées diurétiques agissent comme des tisanes végétales diurétiques, au- tant par l'eau que par les substances dites diurétiques qu'elles contiennent; et on en boit de grandes quantités, car elles n'appaisent pas la soif, précisément parce que les sels qui y sont contenus entraînent une spoliation aqueuse au moins aussi grande que l'ingestion aqueuse accompagnant l'ingestion saline. Tel est en particulier le cas des eaux minérales diurétiques, alcalines. 2° Sucres considérés comme diurétiques. — R. Moutard-Martin et moi, nous avons montré en 1880 que les propriétés diurétiques du lait, connues de toute antiquité, étaient dues probablement en majeure partie au sucre de lait. En efîet l'injection intra-veineuse de sucre de lait détermine une polyurie intense. Elle est telle dans certains cas que la quantité d'urine émise en une minute est quarante fois plus grande que la quantité émise à l'état normal. Nous n'avons pas trouvé de substance plus apte cà produire la diu- rèse que le sucre. Quelquefois, sur des chiens de 20 à 25 kilos, si l'on a réuni les canules des deux uretères par un seul tube, et qu'on compte les gouttes d'urine qui s'écoulent, elles tombent en telle abondance qu'on ne peut plus les bien nombrer (dans un cas 150 gouttes par minute). Le volume du liquide sécrété dépasse toujours de beaucoup le volume du liquide injecté. Ainsi un chien en une demi-heure avait éliminé 14'='' d'urine. On lui fait une injection sucrée de 19"" dans la demi-heure qui suit, et il éli- mine 54'='' d'urine, ce qui représente, déduction faite du liquide normalement sécrété, deux fois le volume du liquide injecté. Il s'ensuit que, sous l'influence de l'excrétion rénale exagérée, il se fait une véritable déshydratation de sang. Cette déshydratation explique la soif intense manifestée par les animaux auxquels on a fait une injection intra-veineuse de sucre, ou de chlorure de sodium. Mais cette déshydratation de sang ne peut dépasser certaines limites, et l'introduc- tion de nouvelles quantités de sucre demeure sans action. Au moment d'une nouvelle injection consécutive à plusieurs injections antérieures il y a polyurie, mais cette polyu- rie passagère disparaît au bout de quelques minutes, et fait place à une véritable anurie. En poursuivant alors les injections sucrées, dans ces conditions, on voit des phéno- mènes assez curieux apparaître; c'est surtout une sorte de narcotisation générale de l'animal et la suppression de la diurèse. Dans ces cas le sucre passe dans les liquides intestinaux, et alors s'observe une diarrhée intense : dans les liquides diarrhéiques se constate la présence d'une grande quantité de sucre. Gomme pour les substances salines, dès qu'il y a polyurie, il y a en même temps glycosurie : autrement dit la polyurie et l'élimination de la substance diurétique coïn- cident. Les boissons sucrées agissent comme le sucre en injection veineuse, et leurs effets diurétiques sont parfois très nets. Le glycose en particulier est un très puissant diuré- tique, et par conséquent le raisin peut être considéré comme un diurétique de premier ordre. On prescrivait jadis des cures de raisin comme cures purgatives ou laxatives; mais, si l'on ne pousse pas la consommation du raisin jusqu'à provoquer l'exosmose intestinale, et si l'on s'arrête à l'exosmose rénale, on obtient des effets diurétiques très remarquables. J'en puis donner un exemple personnel. Dans une série d'expériences entreprises pendant neuf jours, j'ai trouvé que, après le repas terminé à midi, repas pen- dant lequel je prenais environ 500 grammes de raisin, représentant environ 40 grammes de glycose, la sécrétion urinaire devenait extrêmement abondante, soit, de demi-heure en demi-heure, en centimètres cubes (moyenne de IX observations). De midi à midi .30 16 De midi 30 à 1 heure .... 68 De 1 heure à t h. 30 ... . 104 De 1 h. 30 à 2 heures. ... 27 DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 10 146 DIURETIQUES. Même, dans quelques cas, cette quantité d'urine s'est élevée à 148"" en une demi-heure, soit à un taux qui représenterait 7 200" par vingt-quatre heures. On voit que l'élimina- tiou du sucre ingéré commence environ 1 h. 5 après l'ingestion, et est absolument ter- minée 1 h. 45 après l'ingestion. A partir de ce moment la sécrétion reprend son taux normal (14"'= par demi-heure) et n'oscille que pendant d'étroites limites durant le cours de la journée. Elle se relève à 23"'= — 40"" après le repas du soir. Cette urine de la diurèse par ingestion de sucre ne contenait pas de sucre. Elle était extrêmement aqueuse, presque pas colorée, et très probablement, quoique l'analyse n'en ait pas été faite, ne contenait que de très faibles quantités d'urée. On peut se demander si la polyurie du diabète ne serait pas sous la dépendance immédiate de la glycémie, et cela par le mécanisme suivant, très simple. Il se fait une sécrétion exagérée de sucre ; et l'élimination de ce sucre entraîne de la polyurie, consé- quemment une spoliation du sang en eau qui entraîne la soif, et alors les boissons con- sommées en quantités exagérées provoquent une sécrétion d'eau parallèle à cette inges- tion plus abondante. Glycémie, glycosurie, polyurie, soif et ingestion plus abondante de boissons, tous ces phénomènes s'enchaînent étroitement l'un à l'autre. Ce sont des régulations organiques qui servent à maintenir l'équilibre des humeurs et des tissus; et qui surviennent fatalement à la suite du trouble primitif apporté dans la nutrition. Nos expériences ont été confirmées par de nombreux auteurs, tant physiologistes que cliniciens, qui ont établi l'action nettement diurétique des sucres. Albertoni a montré que la pression sanguine augmentait après l'injection de sucre; mais avec raison il se garde bien d'en conclure que cette augmentation de pression est la cause de la diurèse. Le volume du rein augmente beaucoup, et la vitesse du sang dans tout le système circulatoire, et dans le rein spécialement, se trouve augmentée. Albertoni pense que cette augmentation de pression dépend d'une action directe sur le cœur (qu'il accélère et dont il augmente la force) et sur les vaisseaux qu'il dilate. Cependant, dit-il, l'eifet diurétique ne dépend pas de l'hyperémie rénale, qui est un fac- teur concomitant, mais d'une excitation de l'épithélium rénal sécréteur. Ce qui prouve qu'il en est ainsi, c'est que chez les chiens chloralisés il n'y a pas d'augmentation de la pression artérielle générale. Que devient la circulation rénale dans ce cas? c'est un point qui mériterait d'être étudié. Les divers sucres, au point de vue spécial de la diurèse qui nous occupe ici, semblent se comportera peu près de la même manière, quand l'injection est intra-veineuse. On a éprouvé la giycose, la lactose, la saccharose, la maltose, la dextrine, qui sont toutes diurétiques. Cependant, d'après Albertoni, la lévulose n'aurait pas ou presque pas d'action sur la diurèse. Nous avons essayé des injections de gomme, laquelle, comme on le sait, n'est pas dialysable. La gomme arrête presque totalement la sécrétion urinaire, et cependant la pi'ession artérielle s'élève beaucoup. Pour faire l'étude complète de ces injections sucrées, il faudrait entrer dans beau- coup d'autres détails relatifs à leur absorption dans le système digestif, aux transfor- mations chimiques que les sucres subissent dans les tissus, et à l'éliminalion par les urines; mais cela ne touche qu'indirectement l'histoire des diurétiques (V. Sucres). Disons seulement que l'administration par l'estomac ne donne pas tout à fait les mêmes résultats que l'injection intra-veineuse, que notamment la lactose n'est pas très bien absorbée, au moins d'après Albertoni. De fait, pourtant, l'administration, per os, de sucre de lait a donné aux cliniciens d'excellents résultats pour la diurèse, et récemment encore plusieurs médecins l'ont recommandée. L'efl'et diurétique vraiment héroïque du lait est d'ailleurs bien connu; Hippocrate le recointi\andait déjà, et plus spécialement le lait d'âiiesse, bien plus riche en sucre que le lait de vache ou le lait de chèvre. Je rappellerai aussi cette observation vulgaire que chacun a pu faire, c'est que les aliments sucrés, comme les aliments salés, déterminent une soif notable. Coefficient diurétique des sucres. — Arrous et Hédon ont appelé coefficient diuré- tique le rapport entre la quantité de liquide injecté et la quantité de liquide sécrété. Assurément ce coefficient diurétique n'est valable que pour les injections intra- veineuses, DIURETIQUES. 147 mais, au point de vue expérimental, ce qui est le cas pour les injections intra-veineuses, il est de très grande importance. Soit V le volume injecté, V le volume éliminé, D le coefficient diurétique: nous aurons la relation V' = VD. 11 est clair que ce coefficient diurétique est loin d'être absolu. Dans ses intéressantes expériences, Arrous a, semble-t-il, omis de tenir compte du temps pendant lequel il mesure l'élimination urinaire consécutive à l'injection. Cependant l'unité de temps est un élément indispensable pour avoir un résultat comparable. Quoi qu'il en soit, les chiffres trouvés au coefficient diurétique se rapprochent pour les sucres de 3. Avec R. Moutard-Martin nous avions constaté un rapport voisin de 4, mais sans faire l'étude méthodique de cette relation. Le tableau suivant donne, d'après Arrous, le poids moléculaire de chaque sucre, comparé au coefficient diurétique moyen (sur le lapin) qu'ils possèdent lorsqu'on les injecte en solution à 25 p. 100. COEFFICIENT SUCRES. FORMULE. POIDS 11 OL ÉCD L.\I K E. DIURÉTIQUE MOYEN pour solutions à 25 p. 100. Erythrite CiHioQi 122 4,0 Arabinosc CbH»0O-5 150 3,4 Mannite C6Hli06 182 3,2 Dulcite COHi^OS C6H1206 182 180 2,9 2,8 2,4 Glycose Lévulose Galactose — 2,4 Isodulcite C6H1203H20 182 2,2 Lactose C12H22011 342 2,2 2,0 Saccharose Maltose C18H3-2016 504 1,9 0,9 Raflinose 11 s'ensuit que l'activité diurétique des sucres (exprimée par leur coefficient diurétique) croit en raison inverse de leur poids moléculaire; et par conséquent en raison directe de leur tension osmotique. Arrous fait remarquer alors avec raison que cette relation entre les propriétés physiques des sucres et leur action diurétique rend bien improbable l'hypothèse que cette action est d'ordre nerveux, une irritation de la moelle allongée, ou de l'endocarde, comme Albertoni l'avait supposé. On trouvera encore dans l'ouvrage d' Arrous nombre d'expériences intéressantes sur le coefficient diurétique. Nous noterons surtout le fait relatif à l'iniluence de la concentration. Pour un même sucre, la valeur du coefficient diurétique est, dans certaines limites, indépendante de la dose de sucre injecté. Le coefficient s'abaisse lorsque la solution est diluée; il s'élève lorsqu'elle est plus concentrée. 11 y a cependant pour chaque sucre une valeur optimum à un certain degré de dilution : cet optimum est, pour la plupart des sucres, voisin de la dilution de 2o p. 100. Diurétiques organiques. — Toutes les substances organiques capables de passer dans l'urine sont diurétiques; et nous en ferons très brièvement l'énumération. C'est d'abord Vitrée. En 1822,Sé(ialas d'Etchepare fitunedçs premières expériences sur les diurétiques; il montra que l'urée, introduite dans les veines d'un chien, est unpuissant diurétique, et qu'elle n'a pas tf action bien nuisible sur Véconoinie. L'expérience a été répé- tée par UsTiMOviTCH, et par nous, et par divers auteurs encore. L'alcool, le chloral, le chloralose, la glycérine, toutes ces substances sont diurétiques, à des degrés divers, probablement toujours par le même mécanisme, excitation des pro- priétés osmotiques de l'épithélium rénal. Il convient de remarciuer que toutes ces sub- stances passent dans l'urine; le chloral à l'état d'acide urochloralique, l'alcool et la gly- cérine à l'état d'alcool (?) et de glycérine. 148 DIURÉTIQUES. D'autres substances sont diurétiques non seulement par leur action sur l'épithélium rénal; mais encore parce qu'elles agissent sur la circulation rénale et la circulation générale : alors il y a un effet plus marqué. La caféine, la théobromine, les dérivés méthj'liques de la caféine, l'oxycaféine, la méthyloxycaféine, sont dans ce cas. Les expériences de Hellin et Spiro, dans lesquelles la filande rénale était d'abord empoisonnée par lechromate, ou l'arséniate de soude, ont montré que, malgré les pro- fondes altérations du tissu rénal, la caféine pouvait cependant toujours provoquer de la diurèse, comme sussi d'ailleurs la phloridzine, qui amenait de la glycosurie et de la polyurie. Dans ces cas il y a surtout des lésions des tubuli, tandis que, dans l'empoi- sonnement par la cantharidine, la néphrite est glomérulaire. Or, après l'empoisonne- ment par la cantharidine, la caféine ne peut plus produire de diurèse. Il serait peut-être prématuré de conclure de ces faits intéressants que la diurèse de la caféine résulte uniquement d'une sécrétion glomérulaire plus intense. En tout cas il est prouvé, par les expériences de Rost, que la caféine et la théobro- mine se retrouvent dans l'urine, après que cette urine a été sécrétée en plus grande quantité. Je rappellerai que dans nos expériences de 1880 nous avions, avec R. Moutard Martin, établi que les agents diurétiques sont précisément ceux qui passent dans l'urine. Nous ne l'avions pas établi pour la caféine et la théobromine, avec lesquelles nous n'avions pas alors expérimenté. Les expériences de Rost comblent cette lacune, et elles prouvent même aussi ce fait très intéressant, c'est que la théobromine, beaucoup plus diurétique que la caféine, passe aussi en plus grande quantité dans l'urine. On en retrouve 31,8 p. 100 chez le chien; 28 p. 100 chez le lapin, et 20 p. 100 chez l'homme, tandis que de la caféine on ne trouve que des traces chez l'homme, 21 p. 100 chez le lapin, 8 p. 100 chez le chien et 2,4 p. 100 chez le chat. Ces diflerences dans la teneur des urines en caféine et en théobromine correspondent à des différences dans l'activité diu- rétique de ces substances. Le chien serait presque réfractaire à l'action diurétique de la caféine, si évidente chez le lapin. ScHBŒDER sépare l'action de la caféine de celle de la théobromine, parce que l'effet diurétique de la caféine est marqué par l'excitation des centres nerveux. La théobro- mine, à dose il est vrai quatre fois plus forte que la caféine, amène une rapide diurèse, et cela sans nécessiter l'emploi de paraldéhyde ou de chloral pour paralyser l'action con- strictive nerveuse. Mais, même à cette dose, la théobromine est moins toxique que la caféine, de sorte que, selon Schrœder, la théobromine serait un des meilleurs diurétiques chez l'homme. La diurétine, qu'on a récemment recommandée comme diurétique, est du sali- cylate de soude et de théobromine (Cm^Az^O^Na) (C^H'^O'^Na). La strophantine, chez les malades atteints de maladies du cœur, paraît être aussi très nettement diurétique. Elle est toni-cardiaque et diurétique (A. Martin). Sabbatani a montré que la pilocarpine a d'autant plus d'effet qu'elle est administrée avec des substances qui paralysent les vaso-moteurs. Associée à la paraldéhyde, elle est diurélique. Il est probable que les effets de la digitaline et de la scille sont plus ou moins ana- logues (V. Digitaline), mais cependant avec des divergences notables, car la digitaline élève la pression par action sur le cœur, tandis que la caféine l'élève par constriction des vaisseaux de la périphérie (Dreser). Il s'ensuit que la digitaline est franchement diurétique, sans qu'il y ait besoin de para- lyser les centres nerveux vaso-constricteurs, tandis que la caféine n'est un actif diuré- tique que si ces centres sont paralysés. Mais il faut bien reconnaître que l'action de la digitaline sur la sécrétion urinaire est loin d'être élucidée. Monk la classe tout à fait à part parmi les diurétiques, et Marshall a vu que la digitaline, malgré l'élévation notable de la pression, n'augmente nullement la sécrétion urinaire, chez le lapin, même qu'elle tend plutôt h la diminuer. La phloridzine est diurétique, mais on ne saurait dire si elle agit directement sur l'élément glandulaire, ou bien médiatement, après son dédoublement dans l'organisme, par le glycose qu'elle contient. Quant aux tisanes dites diurétiques, dont les vieilles pharmacopées ont conservé la liste, elles n'ont guère de valeur diurétique que par l'eau et le sucre qu'elles représentent. Peut-être certaines essences qui y sont contenues sont-elles aussi diurétiques, même à DIURETIQUES. 149 faibles doses, à cause des propriétés stimulantes qu'elles exercent sur le système nerveux, et peut-être aussi de leurs propriétés osmotiques. De l'emploi des diurétiques en thérapeutique. — Nous n'avons pas à examiner ici les conditions dans lesquelles, en clinique, il convient d'administrer les diurétiques. Les indications sont évidemment multiples. On ne peut dire que la digitale soit primitivement et directement diurétique. Au cnntraire toutes les expériences prouvent que les effets diurétiques de celte substance ne sont que secondaires, consécutifs au rétablissement d'une bonne circulation car- diaque. Par l'effet de la déplétion du cœur droit, qui, avant la digitale, était surchargé et travaillait dans des conditions défectueuses, la résorption des œdèmes se fait, et la pression artérielle se relève, en même temps que la pression veineuse diminue. Le liquide accumulé dans les tissus cellulaires se trouve résorbé, et en somme c'est comme une injection d'eau salée dans le sang. Le résultat est natui^ellement très favorable pour le retour à la santé; mais ce n'est pas à cause de la diurèse que la santé revient, la santé revient en même temps que la diurèse s'établit. En un mot, l'action cardio-tonique de la digitale entraîne la diurèse; mais ce n'est pas par le fait même de la diurèse que la digitale, dans le? affections cardiaques, est un médicament héroïque; la diurèse n'est qu'une conséquence du retour des fonctions cardiaques. Les autres substances franchement diurétiques 'par leur action sur la. glande rénale agissent dans un sens favorable à l'ensemble des fonctions organiques, très probablement par l'éliniination des substances toxiques, contenues dans le sang ou les tissus. Elles n'inlluencent certainement pas l'élimination des bactéries ou des spores. Klecki, qui a étudié spécialement cette question, a prouvé, ce qui était d'ailleurs assez vraisemblable, que la diurèse est sans aucune influence sur l'élimination des bactéries. Mais il n'en est pas de même pour les substances solubles. Toutes les expériences indiquées plus haut semblent prouver que, lorsque la quantité d'eau sécrétée augmente, il y a en même temps augmentation dans le rejet des subs- tances contenues dans l'urine, urée ou chlorures. On n'a pas, à ma connaissance, étudié l'élimination des substances toxiques normales de l'urine dans son rapport avec la polyu- rie provoquée parles diurétiques. Mais il est bien permis de supposer qu'elle marche de pair avec l'excrétion de l'urée, des chlorures et des matériaux solides. Par conséquent, selon toute vraisemblance, la diurèse va déterminer une excrétion plus active des sub- stances toxiques organiques, que ces toxiques soient produits par des microbes infec- tieux, ou qu'ils soient dus au fonctionnement chimique normal des tissus. En somme, l'action essentielle des diurétiques est d'activer l'élimination des poisons. Il serait intéressant de faire des expériences directes dans ce sens. C'est d'ailleurs à peu près ce qui a été réalisé par les essais de lavage du sang, qu'ont pratiqué certains médecins et certains chirurgiens, guidés par les expériences physiologiques de Dastre et Loye. Parmi ces diurétiques, la lactose paraît être le plus favorable. Nous avons montré que tous les sucres étaient d'excellents diurétiques, et que spécialement la lactose agissait d'une manière tout à fait efficace. Mais, pour agir d'une manière durable, elle doit être associée à une grande quantité d'eau ; car il n'y a de diurèse prolongée que si à la substance diurétique vient s'ajouter une notable quantité d'eau. Or le lait a cet avantage d'être un aliment, et un aliment de premier ordre, de contenir de l'eau, des sels, et du sucre. Il apparaît donc, au point de vue thérapeutique, comme le diurétique par excellence. Sur ce point l'expérimentation physiologique a confirmé les données cliniques séculaires. Conclusion. — Nous devons maintenant résumer ces faits différents et en dégager quelques lois générales. Les substances dites diurétiques agissent de diverses manières : les unes, comme la digitale, agissent niédiatement par l'augmentation de la pression artérielle. Comme il ne peut exister de sécrétion rénale que si la pression artérielle est à un certain niveau, il s'ensuit que, dans les maladies du cœur oii il y a insuffisance de la contraction car- diaque, et engorgement du cœur droit, la digitale ne sera diurétique que parce qu'elle agira favorablement sur la circulation. Les autres diurétiques agissent en stimulant directement la fonction sécrétoire du rein. Mais le mécanisme de leur action est encore assez complexe. 150 . DIURETIQUES. Les uns, en même temps qu'ils stimulent la fonction sécrétoire, déterminent la vaso- constriction rénale. Alors, dans les conditions ordinaires, leur effet est en partie atténué par la vaso-consti iclion, comme c'est le cas de la caféine, qui agit mieux quand on l'associe à la paraldéhyde et au chloral, substances qui empêchent la vasoconstriction. Les autres diurétiques provoquent à la fois l'élévation de la pression artérielle, l'augmentation de volume du rein, et l'hyperactivité glomérulaire : alors ils sont très actifs, même sans le secours des paralysants : les sucres sont des diurétiques de cet ordre. D'autres diurétiques, le chlorure de sodium, l'urée et la plupart des sels, ne modifient notablement ni la pression artérielle générale ni la circulation dans le rein, et ils ne semblent agir que par leur fonction excitante sur la sécrétion glomérulaire. Enfin il y a peut être des diurétiques qui agiraient sur la fonction résorbante des tubuli. La Jcaféine, d'après Sobieranski, le calomel, d'après Dreser, seraient diurétiques parce qu'ils empêcheraient les tubuli de résorber les liquides éliminés par les glomérules. En définitive, on voit que la pression artérielle et la circulation rénale ne jouent qu'un rôle très secondaire dans la fonction diurétique. Toutes conditions égales, si la pression artérielle s'élève, la sécrétion augmente; mais cet effet est fort peu de chose relativement à l'influence prépondérante qu'exerce la composition chimique du sang. Si le sang contient une substance soluble, difiusible, soit anormale, soit en propor- tions plus grandes que la proportion normale, elle va se fixer sur le glomérule et être éliminée par lui. 11 est impossible de rattacher cette élimination à une simple loi physique osmolique; car le rapport entre les concentrations moléculaires du plasma et de l'urine à l'état normal et après l'injection d'un diurétique ne reste pas identique. Soit A la concentration moléculaire du sang normal; A' celle de l'urine normale; à un très léger, presque imperceptible, changement de la concentration moléculaire du sang (A + «par exemple, a étant très faible) la concentration moléculaire de l'urine va A' A' A' diminuer énormément et deviendra — ou— ou même — . 11 faut donc faire intervenir 2 3 4 nécessairement une certaine affinité de la substance diurétique pour le glomérule, et secondairement une élimination par le glomérule, affinité et élimination qui résultent plutôt de la consitution chimique du glomérule que des propriétés physiques osmo- tiques du liquide sanguin. Le glomérule et le rein apparaissent alors comme les régulateurs de la constitution chimique du sang. Toute substance chimique nouvelle, introduite dans le sang, pourvu qu'elle soit dialysable et soluble, sera éliminée par l'urine, et son élimination entraînera en même temps l'élimination d'eau. Aussi peut-on établir tout d'abord ces deux lois sur lesquelles nous avons insisté plus haut et que nous contenterons ici de résumer. 1° Toute substance soluble et dialysable gui n'altère pas le glomérule est diurétique. 2° La diurèse marche de pair avec l'élimination. A ces deux lois on peut en ajouter une troisième, très importante au point de vue thérapeutique, puisqu'elle donne pour ainsi dire la raison d'être du r(Me des diuré- tiques dans le traitement des malades. 3° Toute élimination plus active d'eau entraîne l'élimination plus active des éléments solides du sang, urée, sels et toxines. D'autre part, comme l'eau est éliminée en plus grande quantité, et qu'il se produit alors, par cette spoliation aqueuse, une déshydratation relative du sang, il s'ensuit que la diurèse ne peut être que momentanée, et qu'elle se compenserait par une anurie rela- tive, si la déshydratation du sang n'entraînait pas la soif et conséquemment une inges- tion plus ou moins abondante de boissons aqueuses, ramenant le sang à sa teneur nor- male en eau. De là cette conséquence : 4° L'élimination d'eau plus active et la déshydratation du sang entraînent la soif, et par conséquent Vingcstion des boissons aqueuses. Il ne peut y avoir de diurèse permanente que si les pertes en eau sont réparées par l'iiigestion de boissotis. Enfin, pour préciser les données relatives à la pression artérielle, et à l'innervation des reins : 5° L'élévation de la pression artérielle amène une très légère polyurie ; mais la plupart des DIURÉTIQUES. 151 substances diurétiques produisent leur effet diurétique par leur action chimique spéciale sur le glomérule, c'est-à-dire par un mécanisme autre que des actions vasomotrices, ou l'accrois- sement de la pression sanguine. Bibliographie. — Albanese (M.). La circulation du sang dans le rein (A. *. B., 1891, XVI, 285-289). — Albertoni (P.). Manière de se comporter des sucres et leur action dans l'organisme {Ihid., 1891, xv, 321-343). — Arrous et Hédon. Des relations existant entre les actions diurétiques et les propriétés osmotiques des sucres {Montpellier médical , 1900,25-30). — Arrous. Action diurétique des sucres en injections intra-veineuses {Biss . in., Montpellier, 1900, 100 p.). — Bardièr et Frenkel. 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Il ne sera question ici que des espèces animales : ce sont celles qui inté- ressent le plus le physiologiste; et, quoique les faits relatifs à la domestication des plantes soient pourtant pleins d'intérêt, c'est plutôt dans une œuvre de biologie générale qu'ils doivent trouver place, Défînition. Classification. — Il n'est vraiment point facile de donner une définition très précise du mot domestication; chacun sent bien que l'animal réduit en domesticité est vm animal qui vit dans une certaine dépendance de l'homme, et présente à l'égard de ce dernier des relations plus étroites que celles que présente l'animal sauvage. Mais, quand on en vient à examiner la nature de ces relations, elles déconcertent par leur varia- bilité. Les rapports de l'homme' avec l'animal domestique sont très différents selon le cas, très étroits et intimes ici; là, très distants et lâches; en tel cas, l'animal semble être l'œuvre et la chose de l'homme; ailleurs c'en est tout au plus le captif éphémère. On a peine à imaginer telle forme domestique vivant sans l'homme et sans les soins que lui prodigue celui-ci, et à la vérité, elle ne réussirait point à vivre : telle autre n'a aucun besoin de l'intervention humaine. Il faut remarquer encore qu'entre la domesti- cation et certaines formes de parasitisme ou de commensalisme, la différence n'est point grande, extérieurement tout au moins : l'homme a de nombreux commensaux DOMESTICATION. 153 qui ne sauraient être considérés comme ayant été domestiqués par lui. On distinguera toutefois les animaux domestiques à ceci que leur condition par rapport à l'homme est non point l'effet des circonstances ou de leur volonté propre : elle résulte de la volonté et de l'intervention de l'homme. Le rat, la punaise, et d'autres commensaux du même genre se sont imposés à l'homme : ce n'est pas l'homme qui se les est assujettis. Quant aux raisons pour lesquelles l'homme a recherché telle espèce animale, lui a donné ses soins, en le protégeant contre tels ennemis, en lui donnant de quoi manger, en lui évitant bon nomhre de combats dans la lutte pour l'existence, en lui procurant des moyens variés de persister dans l'être, et de se multiplier, elles sont très variées. On ne peut môme pas dire qu'elles appartiennent toutes à l'ordre « intéressé ». Sans doute, dans bien des cas, l'homme domestique les animaux pour avoir toujours à portée de la viande ou des œufs, ou du lait pour se nourrir; ou bien de la laine et des peaux pour se vêtir; des plumes pour se parer; des cuirs pour se chausser, et dans ces circon- stances, il n'agit qu'en vue de son propre intérêt : mais il est des cas aussi où l'intérêt direct et pratique n'est plus enjeu; où l'homme domestique les animaux non plus pour en tirer parti, non plus pour la satisfaction de tel ou tel besoin matériel, mais bien pour son plaisir esthétique, ou pour donner satisfaction à certains sentiments affectifs. On peut donc dire que le but poursuivi par l'homme dans la domestication des espèces animales est fort différent selon le cas; ses mobiles ne sont point constants. Ces derniers peuvent se classer en trois groupes principaux. Nous avons d'abord les animaux que l'homme conserve en domesticité pour s'en nourrir, soit qu'il leur demande la chair, la viande, soit qu'il leur demande le lait, soit enfin, qu'il leur prenne l'un et l'autre, ou bien telle autre partie, ou tel produit dont il tire parti dans l'alimenta- tion. Le porc, le bœuf, le mouton, le lapin, le renne, les différents bovidés qui, sous d'autres climats, remplacent le bœuf et la vache, l'abeille, et bon nombre d'oiseaux, comme le pigeon, les poules, l'oie, le canard, le faisan, la pintade, le dindon, appartien- nent à la catégorie des animaux domestiques alimentaires. Dans un second groupe prennent place les animaux que l'homme s'est assujettis pour les employer comme animaux de trait ou de charge, comme animaux capables de fournir de gros travaux auxquels il préfère ne pas s'adonner, capables encore d'écono- miser ses forces de diverses manières. Le cheval et l'une, l'éléphant, le chameau, le renne, le chien même, le pigeon voyageur, à des titres divers, et dans des circonstances différentes, sont des exemples des animaux de cette seconde catégorie. Dans la troisième prennent place les espèces que l'homme utilise surtout comme alliés contre d'autres animaux ou contre les hommes mêmes. Ce sont les animaux de chasse et de pêche : le chien, le collaborateur classique et intelligent du chasseur; la loutre, pai'fois, et aussi le phoque à l'occasion; le chat, le cormoran, souvent employé pour la pêche; le faucon, qui sert à capturer d'autres oiseaux. Quatrième groupe : celui des animaux domestiqués à cause des produits d'usage industriel qu'ils fournissent. Ce sont le ver à soie, l'autruche, le mouton, le bœuf, et bien d'autres, qui fournissent la soie, les plumes, la laine, le cuir, etc. Enfin, en cinquième lieu, nous avons les animaux de pur agrément : les oiseaux chanteurs, les oiseaux bizarres (pigeons en particulier), les oiseaux d'ornement] (cygne, différents canards), quelques poissons (poisson rouge, macropode), le chat et le chien d'agrément. Assurément, quelques espèces sont aptes à entrer indifféremment dans chacune des catégories qui précèdent — ou peu s'en faut — et dans aucun cas les usages d'une espèce animale quelconque ne sont en réalité strictement limités. Il semblerait, à ne considérer l'importance que d'un ou deux des mobiles auxquels l'homme obéit en domestiquant les animaux, que le nombre des espèces réduites en domesticité dût être considérable. Car, en définitive, le nombre des espèces comestibles est immense; et non moins immense est celui des espèces aptes à fournir des produits utiles au vêtement et à la parure. Et pourtant, le nombre des espèces domestiquées est fort restreint. Assurément, beaucoup d'animaux comestibles sont protégés par l'homme et par lui nourris — à la charge de lui rendre un jour la pareille — mais ils ne sont pas pour cela susceptibles d'être comptés au nombre des animaux domestiquées. Les perches ou les carpes qui sont mises en réserve dans un étang; les écrevisses jdes viviers Ilot- 154 DOMESTICATION. tants de la Volga, les [homards des viviers de nos côtes, ne sont pas des animaux domes- tiqués; non plus d'ailleurs que les faisans employés à repeupler les chasses appauvries, ou les lapins de garenne que le garde-chasse protège contre le braconnier. L'homme ne domestique pas toutes les espèces qui lui sont utiles : et il n'a pas besoin de les domestiquer toutes. Il suffit qu'il en ait quelques-unes, et sache où aller prendre les autres quand besoin en est. 11 suffit qu'une petite réserve lui fournisse le nécessaire à portée de la main : il n'a pas besoin de provisions illimitées, et, du moment où la nature élève pour lui des bêtes utiles à l'état de liberté, c'est bien assez : il ira les prendre au moment opportun. On peut bien dire toutefois que le nombre des espèces domestiquées est encore bien faible, eu égard au nombre des espèces qui présentent les conditions voulues pour le succès de la domestication : selon toute vraisemblance, ce nombre s'accroîtra avec le temps. La domestication est une des conséquences, en même temps qu'un des facteurs de la civilisation. « Où. l'homme est très civilisé, dit Isidore-Geoffroy Sai.n't-Hilaire, dans son Histoire naturelle générale, les animaux domestiques sont très variés, soit comme espèces soit, dans chaque espèce, comme race; et parmi les races il en existe de très différentes entre elles et de très éloignées du type primitif. Au contraire, où l'homme est lui-même près de l'état sauvage, ses animaux le sont aussi : son mouton sans laine est encore presque un mouUon; son cochon ressemble au sanglier; son chien lui-même n'est qu'un chacal apprivoisé. Le degré de domestication des animaux est en raison du degré de civilisation des peuples qui les possèdent. » Voici, à peu près, le dénombrement des espèces animales domestiques à l'heure actuelle. Les mammifères fournissent : le renne, le cheval, l'âne, le chien, le chat, le lapin, le chameau, le zèbre, le mouton, la chèvre, le bœuf, l'éléphant, le porc, le lama, l'alpaca, le cobaye, le furet : quinze types, comprenant, il est vrai, un nombre d'espèces plus considérable. Les oiseaux donnent : la poule, le pigeon, le dindon, le paon, le faisan, le cygne, l'oie, le canard, la pintade, l'autruche, le serin, le cormoran, et peut-être le faucon, treize ou quatorze genres. Les insectes fournissent la cochenille, le ver à soie, le bombyx de l'allante, et du ricin, et l'abeille : trois types. Les poissons : la carpe et le poisson rouge : soit deux espèces ^ Cela ne fait pas plus d'une cinquantaine d'espèces. Maintenant, il faut bien dire qu'en dehors des animaux, compris dans la liste précé- dente, il en est certainement qui ne passent pas communémenl pour domestiqués, et qui ne sont pas employés comme animaux domestiques par les peuples civilisés dans leur ensemble, mais dont le sauvage, et parfois les civilisés, tirent parti à l'occasion : des animaux qui sont certainement plus domestiqués que le poisson rouge ou même l'abeille, des animaux qui se prêtent très bien à la domestication, mais qu'on n'utilise pas com- munément. Je citerai parmi ces animaux le faucon, la loutre, le phoque, le singe, cer- tains poissons qui sont employés à la pêche, d'autres habitants des eaux, ainsi que diffé- rents poissons alimentaires qui sont certainement aussi domestiqués que la carpe. 11 n'y a pas lieu d'insister sur ce point, mais il convenait de le signaler en passant, pour faire 1. Dans Acclimatatioji et Domestication des animaux utiles {i" édition^ 1861), Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire compte quarante-sept espèces. Ce sont : Pour les mammifères : le chien, le furet, le chat, le lapin, le cobaye, Je cochon, le cheval, l'âne (mulet non compris), le chameau, le dromadaire, le lama, l'alpaca, le renne, la chèvre, le mouton, le bœuf, le zèbre, le gayal, l'yak, le buffle, l'arni. Pour les oiseaux : le serin, le pigeon, la tourterelle, 4 faisans, 2 canards, le cygne, la poule, le dindon, le paon, la pintade, 3 espèces d'oie (l'autruche et le nandou ne sont pas comptés, leur domestication est d'ailleurs très récente, encore inachevée); Pour les poissons : la carpe et le poisson rouge ; Pour les insectes : trois espèces d'abeille, la cochenille, le ver à soie, le bombyx du ricin, le bombyx de l'allante. Ces espèces sont classées comme étant auxiliaires (aidant l'homme à diriger ou réprimer d'autres animaux, ou l'aidant pour la traction, le transport, etc., chien, chat, cheval, dromadaire, Qic), alimentaires; industrielles (fournissant des produits d'usage industriel; mouton, alpaca, ver à soie, abeille); ou accessoires (animaux d'agrément : pigeon, tourterelle, canari, cygne). DOMESTICATION. 155 mieux voir combien il est malaisé d'élablir une limite nette entre la domestication et le simple apprivoisement, ou la captivité habituelle, ou l'utilisatiou momentanée de telles aptitudes de tel animal. Origines de la domestication. — H y a donc quarante genres environ parmi lesquels l'homnie a domestiqué, à des degrés variables, une ou plusieui's [espèces. Ces espèces ne sont pas, à beaucoup près, domestiquées depuis le même laps de temps; il en est qui sont de très anciens collaborateurs, ou esclaves de l'homme : d'autres ne sont asservis que depuis une époque récente. Il va de soi que sur ce point on ne possède et on ne peut posséder que des données relatives : l'archéologie et l'anthropologie préhis- toriques nous indiquent du moins quelles espèces furent domestiquées en premier, dans une même ré^'ion; mais, quand il s'agit d'animaux occupant des continents différents, il devient difticile, pour ne pas dire impossible, de découvrir la situation chronologique respective des restes préhistoriques, et de savoir si la domestication de tel animal dans tel continent est ou non contemporaine de celle de tel autre, en une autre région. Quoi qu'il en soit de cette difficulté, qui d'ailleurs ne porte que sur quelques espèces de provenance extra-européenne, voici' quelques indications relatives à l'époque probable de domestication de nos espèces les plus usuelles. Il est bien certain que l'homme primitif ne domestiqua aucun animal d'emblée. A l'origine, chasseur et mangeur de racines et de fruits, il errait, ne connaissant point la vie sédentaire, et se déplaçant toujours à la recherche du gibier. La domestication ne put prendre naissance que du jour où il commença à devenir agriculteur, et cessa d'être nomade. Cela se fit à l'époque néolithique. Durant la période paléolithique, il ne possédait point d'animaux domestiques. Les restes qui nous sont parvenus de cette époque, nous mentirent bien une abondance d'ossements de renne, de cheval, d'aurochs : mais les fractures que présentent ces os prouvent que les animaux dont il s'agit étaient simplement objets de chasse. A Solutré (Saône-et-Loire), dans un gisement célèbre de la période paléolithique, on a trouvé un véritable amoncellement d'ossements de cheval : on estime que quelque 40000 équidés ont été dévorés dans cette seule station, et certains ossements pox'tent encore la trace de la blessure par lame de silex à laquelle la bête suc- comba. C'est donc à la période néolithique, à l'époque de la pierre polie, qui fait suite au paléolithique^ que commença la domestication des animaux : et le premier de ceux que l'homme a su s'asservir, c'est le chien. Il est bien probable d'ailleurs qu'cà cette époque le chien servait aussi à l'alimen- tation : il y sert encore chez les indigènes de la Nouvelle-Guinée, et les Mincopies le mangeaient encore il n'y a pas longtemps. L'homnie néolithique semble toutefois avoir employé le chien comme auxiliaire, d'après Steenstrup, et il se servait aussi des dents de cet animal pour fabriquer des ornements, des colliers, des bracelets, etc. Il faut remarquer cependant que, dans les dépôts néolithiques d'Espagne et d'Italie, contemporains des mêmes dépôts du nord de l'Europe, les restes du chien ne se rencontrent pas : cet animal n'était donc pas encore connu dans cette partie de l'Europe. D'autres variétés ou espèces étaient probablement connues ailleurs, en Égj'pte et en Assyrie notamment. C'est encore à la période néolithique, en Orient, qu'ont commencé la domestication du zèbre et du chameau, et en Europe, celle du mouton et de la chèvre : cette dernière ayant peut-être été domestiquée avant le premier. A la même époque, le bœuf était aussi connu de l'homme, et probablement domes- tiqué. Le porc, dont les restes ont été retrouvés dans les gisements néolithiques, ne paraît toutefois pas avoir été domestiqué : c'était simplement un animal de chasse, dans le nord tout au moins : en Espagne, en Italie, il était probablement domestiqué : chien, zèbre, mouton, chameau, chèvre, bœuf, porc, tel était donc le bilan des animaux domestiques que connut l'époque néolithique. A l'âge du bronze qui fit suite à l'époque néolithique, les mêmes animaux conti- nuèrent à servir l'homme; du moins il est encore plus clair qu'ils le servaient, et que celui-ci en tirait parti de façons variées. On a trouvé en effet des ustensiles qu'on croit avoir été employés à la fabrication du fromage; des débris d'étoffe semblent indiquer que la laine des moutons servait à faire des vêtements. L'homme de l'âge du bronze ne se contenta toutefois pas de profiter de l'œuvre de ses devanciers : il la continua et 156 DOMESTICATION. accrut le trésor. Une de ses premières acquisitions fut le cheval. Avec le cheval, l'homme se procurait un collaborateur précieux pour ses enti^eprises guerrières; il étendait son champ d'action, et gagnait considérablement en puissance. C'est de l'Orient que lui vint la connaissance des services que pouvait rendre le cheval : et ce sont les Nubiens qui firent connaître tout ce que peut donner l'âne; ils l'importèrent en Europe où jusque-là il était inconnu. Pour le mulet, il ne fut découvert, inventé, qu'au cours de la civilisation assyrienne; il fallait que le cheval et l'âne fussent déjà bien domestiqués pour que le mulet se produisît. Pour les autres espèces domestiquées, il y a souvent incertitude. Par exemple, le lama et l'alpaca, dans l'Amérique du Sud, ont été domestiqués à une époque encore inconnue, par une peuplade qu'on ignore. Le lapin semble avoir été domestiqué en Orient, tout d'abord; peut-être l'a-t-il été aussi, de façon indépendante, et plus récem- ment, en Espagne. Le cobaye, d'origine américaine, semble avoir été domestiqué depuis longtemps, mais on ne sait à quelle époque. C'est au xvi" siècle qu'il a été introduit en Europe, avec le dindon et le canard musqué. Pour le chat, il était encore sauvage en Europe, alors qu'il était déjà domestiqué depuis longtemps en Egypte : du moins une espèce diflerente était domestiquée et même divinisée dans ce dernier pays [Felis mani- culata) alors que notre Felis catus était encore animal sauvage. Ce dernier ne devint animal domestique quelque peu commun que vers le ix<^ siècle de notre ère, d'après John Lubrock. La poule semble être d'origine asiatique : ce sont les Chinois ou les Persans qui, à une époque déterminée, l'auraient domestiquée; il en va de même pour le pigeon. Le dindon a été domestiqué par les Indiens d'Amérique à une date inconnue. Le paon et le faisan sont d'origine asiatique; du moins c'est en Asie qu'ils ont été domestiqués. Pour la pintade, on ne sait trop. Le cygne semble n'avoir été asservi qu'au moyen âge; l'oie aurait été domestiquée par les Aryas, le canard, sous les Romains, à peu près. Pour l'autruche, sa date de domestication est plus récente encore : c'est une acquisition toute contemporaine. Sans doute, d'autres acquisitions se feront: le mara, ou lièvre du Palagonie, le hocco, le colin de Virginie, le tinamou, et bien d'autres encore,' acquerront quelque jour le droit de compter parmi nos espèces domestiques, en Europe ou ailleurs. Car il est cer- tain que le nombre des espèces qui peuvent se domestiquer est très considérable, et que le nombre des espèces que l'homme a su s'asservir jusqu'ici est restreint. Conditions de la domestication. — Elle exige certaines qualités, en dehors de toute question d'utililé ou d'agrément. Le regretté Cornevin a insisté sur ces qualités, ou conditions, dans son Traité de Zootechnie générale. Elles sont au nombre de quatre. On ne peut guère songer à domestiquer une espèce qui ne soit pas sociable. S'il faut, en etfet, tenir chaque individu à l'écart de ses semblables, la domestication n'est plus possible. Il est vrai que le chat n'est point sociable, et ne vit point en bandes : mais c'est l'unique exception. Au reste, il n'est pas « insociable » ; il tolère la présence de ses semblables, et vit en bons termes avec eux. La sociabilité des animaux les rend plus aptes à subir l'apprivoisement; elle les rend plus faciles à manier aussi, puisqu'il suffit d'agir sur quelques uns pour obtenir le consensus de toute la bande. En outre, les ani- maux sauvages doués de sociabilité se rapprocheront volontiers de leurs congénères déjà domestiqués et entreront peu à peu dans la sphère d'inlluence de l'homme, attirés par leurs semblables. L'animal doit encore être susceptible d'apprivoisement, et ceci suppose une certaine intelligence, une certaine affectivité. L'apprivoisement, c'est la domestication de l'indi- vidu, à la question de reproduction près. L'animal à domestiquer doit pouvoir, indivi- duellement, s'habituer à la présence de l'homme, et même y trouver quelque agré- ment; il doit se laisser approcher sans crainte, et approcher l'homme de lui-même, sans protestations, sans émoi, avec confiance. Cette seconde condition se rencontre sans peine chez la majorité des animaux supérieurs. Il n'est peut-être aucune espèce de mammifère ou d'oiseau qui ne puisse être plus ou moins apprivoisée. Mais bien souvent l'apprivoisement n'est que temporaire : le faisan se plie bien à la l'ègle qui lui est faite : mais, devenu adulte, il reprend ses instincts sauvages. L'apprivoisement des reptiles, batraciens, poissons, insectes, etc., peut se faire dans une certaine mesure; mais, chez DOMESTICATION. 157 ces intelligences plus simples, les choses vont moins loin. Au reste, le champ est assez vaste avec les mammifères et oiseaux. Troisième condition : la conservation de la fécondité. L'animal n'est réellement domestiqué que s'il se reproduit dans les conditions artificielles où l'homme le place; et c'est parce qu'il ne se reproduit pour ainsi dire pas auprès de l'homme que l'éléphant, malgré son inteUigence, malgré les services qu'il rend, ne peut être rangé au nombre des animaux domestiques. Cette condition est difficilement obtenue, surtout au début. Souvent, en effet, une espèce ne se reproduit pas en captivité, pour commencer, qui, avec le temps, dans des installations et conditions plus favorables, reconquiert toute sa fécondité. Il faut donc ne pas juger trop vite, sur les phénomènes du début, et il y a lieu de persévérer. Il n'en est pas moins certain que beaucoup d'espèces se refusent absolument à se reproduire en captivité; ces espèces ne sont pas aptes à la domestica- tion au sens strict du mot. Elles peuvent néanmoins rendre des services, comme l'élé- phant, dont il vient d'être parlé. En outre, il se peut que, dans certaines conditions à déterminer, quelques espèces, parmi les plus réfractaires en apparence, s'assouplissent assez pour se reproduire. Encore une fois, il importe de ne pas se décourager trop tôt. La quatrième des conditions posées par Cornevin, c'est la transmissibilité des qua- lités acquises. Elle n'a rien d'essentiel, d'ailleurs, et, du reste, le sens de la formule qui précède n'est pas bien clair. Dans plusieurs cas, on ne peut dire que les animaux don)estiqués aient « acquis » grand chose : ils sont restés à peu près ce qu'ils étaient à l'état sauvage, à la grosseur près, et ne difîèrent de leurs congénères indépendants que par leur apprivoisement, par l'aptitude à se reproduire en captivité aussi bien qu'en liberté; leurs acquisitions sont limitées. Toutefois, il est certain que, si l'apprivoisement acquis par les individus se transmet, ne fût-ce qu'en partie, à leurs descendants, la domestication est sensiblement facilitée. Pour ce qui est des caractères physiques acquis au cours de la domestication, ils se transmettent, ou plutôt ils se reproduisent, étant surtout la conséquence du milieu, plus encore que de l'hérédité : le cas des animaux marrons est là pour le montrer. Il nous faut maintenant considérer le côté le plus important de la domestication : je veux parler des modifications que celles-ci imprime aux animaux, des changements qui se produisent en eux sous l'influence de leur mode de vie nouveau, qui, sur beaucoup de points, diffère considérablement du mode d'existence de l'animal à l'état sauvage et indépendant. Ces changements sont le résultat des conditions de vie nouvelle qui leur sont faites : facilité plus grande à se nourrir, d'où diminution des efforts à faire pour se la procureri et diminution d'exercice des organes — cerveau, sens, membres — exerçant ces efforts; modification plus ou moins prononcée du régime alimentaire; vie calme, sans luttes, ni dangers, diminution de l'action de la sélection, les moins aptes étant, sauf au cas où leur infériorité est désavantageuse à l'homme, conservés, et mis à même de se reproduire aussi bien que les plus aptes; différence de climat, qui retentit sur tout l'organisme à des degrés variables, et bien d'autres facteurs encore. Un tel changement de vie ne sau- rait se produire sans agir sur les animaux qui le subissent, et c'est des résultats de cette action qu'il convient de parler maintenant. On remarquera d'abord que ces résultats sont de très inégale importance selon les espèces; autrement dit, les différentes espèces ne varient, ne changent pas au même degré sous la même influence de la domestication. Gela peut s'expliquer en quelque mesure, soit dit en passant, par ce fait qu'au total la domestication ne pèse point égale- ment sur les différentes espèces. Sous ce même nom de domestication, nous compre- nons, en réalité, des degrés d'asservissement très différents; il n'y a donc rien de surpre- nant à ce qu'ils retentissent inégalement sur les organismes. Il y a des animaux domestiqués très dépendants ; d'autres, très indépendants ; le changement de vie est beau- coup plus considérable pour telle espèce que pour telle autre. Rien de surprenant, donc, à ce que les différentes espèces présentent une inégale malléabilité, à ce que les unes diffèrent plus que d'autres, en domestication, de leurs congénères sauvages. Peut-être, au reste, y a-t-il plus de constance et de ténacité chez certains types que chez d'autres. 11 est des formes actuelles qui existent depuis un temps incalcidable; tels types de bra- chiopodes existent, sans modification sérieuse, depuis l'époque silurienne, et, depuis le cambrien, le nautile ne s'est pas notablement modifié. Quoi qu'il en soit, et à quelque 158 DOMESTICATION. cause qu'il faille attribuer l'inégalité de malléabilité des différentes espèces, cette inéga- lité existe,"elle est manifeste. La malléabilité de la chèvre est faible, comparée à celle du mouton; celle du cobaye est faible en comparaison de celle du lapin; le dindon est moins malléable que la poule, et peut-être cela tient-il en partie à ce qu'il est domes- tiqué depuis moins longtemps. La malléabilité des pigeons par contre est très grande. Du reste, voici un tableau dressé par Cornevin, où les espèces domestiques principales — oiseaux et mammifères — sont rangées par ordre décroissant de malléabilité. OISEAUX. MAMMIFERES. 1. Pigeon. 6. Pintade. 1. Porc. 6. Cheval. 2. Poule. 7. Paca. 2. Chien. 1. Ane. 3. Canard. 8. Cygne. 3. Bœuf. 8. Chameau. 4. Faisan. 9. Dindon. 4. Mouton. 9. Chèvre. 5. Oie. . 10. Canard de Barbarie. 5. Lapin. 10. Cobaye. Il est probable que la différence de malléabilité des espèces est en corrélation au moins partielle avec l'ingérence de l'homme. Là où l'espèce possède naturellement une certaine flexibilité, celle-ci a pu être accrue considérablement par l'homme même, grâce à la sélection par lui opérée, grâce aux croisements qui ont pu se faire. Et encore la malléabilité doit être d'autant plus prononcée que la domestication est plus ancienne, que par suite, l'espèce a du vivre en des habitats plus variés et plus différents : les espèces les plus récemment domestique'es, le cobaye, le dindon, sont celles qui varient le moins. Un jour, sans doute, elles perdront beaucoup de leur constance spécifique, tout comme la pomme de terre, qui vient aussi d'Amérique, mais qui a été cultivée en tant de milieux différents, et sélectionnée de façons si variées qu'à l'heure qu'il est, plus de deux cents variétés ont vu le jour depuis Parmentier. Les espèces différentes sont donc inégalement aptes à se modifier sous l'influence de la domestication. Il faut observer maintenant que, dans la même espèce, dans le même individu, la malléabilité des différents tissus ou systèmes est très inégale aussi. Il est des parties qui se modifient plus que d'autres. Sur ce point encore Cornevin a fait des observations inté- ressantes et qu'il convient de rappeler. Il y a parmi les tissus une hiérarchie : à l'une des extrémités, se trouvent les tissus très stables, qui se modifient difficilement : à l'autre, les tissus dont l'équilibre est instable, et qui subissent sans peine des modifications, Comme tissu très stable, et ne changeant guère, il faut citer le tissu musculaire et sur- tout le tissu nerveux : comme tissu instable, le tissu cellulaire conjonclif. Les premiers sont très spécialisés; les derniers, au contraire, sont très embryonnaires. Aussi, chez les animaux en domestication, sont-ce les tissus conjonctif et cellulaire qui présentent le plus de flexibilité. Pour s'en assurer du reste, il suffit de voir combien sont malléables les produits de ces deux catégories de tissus. Le tissu cellulaire fournit les tissus épidermique ou épithélial, et glandulaire. Du pre- mier par conséquent dériventjl'épiderme et les pi^oduits épidermiques : poils, plumes, dents, becs, cornes, etc., du second, les glandes cutanées et la mamelle. Or il est certain que ces dépendances de la peau sont parmi les plus malléables des parties de l'organisme. D'autre part, le tissu conjonctif fournit les tissus adipeux et osseux : et nul ne doute de la variabilité considérable de ces tissus. C'est du reste ce qui ressortira des faits qui vont être exposés : mais il importait d'attirer préalablement l'attention sur cette conclusion qui en découle. Il importe aussi de signaler dès maintenant la modalité des phénomènes qui se pro- duisent sous l'influence !de la domestication. Us ne se font pas au hasard, à beaucoup près; des lois très certaines les régissent. Ces lois ne sont pas spéciales aux animaux domestiqués, assurément, mais elles agissent de façon très évidente, et il convient par conséquent de les signaler, ne fût-ce que brièvement. Dans leur ensemble, elles mani- festent et elles règlent ce qu'on peut appeler la soUdarité organique, la dépendance réciproque où se trouvent les parties et les organes qui font partie du même toul. Ces lois sont les suivantes : lois de corrélation, de balancement, de répétition, de convergence. La loi de corrélation (loi des variations corrélatives de Darwin, loi d'harmonie de KuLMANN), qui a été formulée par Cuvier, exprime cette vérité générale que toute modi- DOMESTICATION. 159 ficalion dans la conformation en entraîne d'autres, plus ou moins importantes, inévita- blement, et cela, en raison même de la dépendance réciproque des parties. Comme exemple de cette loi, nous avons ce fait que manifestement il serait absurde qu'un ani- mal, devenant de Carnivore herbivore et ayant acquis la dentition d'herbivore, n'acquît point aussi un tube digestif très long, propre à la digestion des aliments végétaux. Aussi voyons nous constamment une corrélation entre la dentition et la structure générale du tube digestif, comme entre le genre de vie et la structure des membres, et ainsi de suite. La loi du balancement organique de Geoffroy Saint-Hilaire (loi du budget de l'orga- nisme, de Gœthe; loi des compensations, de Darwix) se formule de la façon que voici: c'est, dit Étienne-Geoffroy Saint-Hilaire, « cette loi de la nature vivante en vertu de laquelle un organe normal ou pathologique n'acquiert jamais une prospérité extraor- dinaire, sans qu'un autre organe de son système ou de sa relation n'en souffre dans une même proportion. » Autrement dit, pour gagner d'un côté il faut perdre de l'autre : la brebis laitière a la toison moins fournie que la brebis non laitière. La loi des répétitions organiques de Milne-Edwards (loi de la variabilité des organes en série, de Geoffroy S^int-Hilaire, et loi de la variabilité des parties multiples, de Dar- win) exprime ce fait que les organes en série ont une variabilité très considérable : les vertèbres, côtes, dents, doigts, mamelles, etc. Enfin la loi de la convergence, ou des variations parallèles, exprime cet autre fait que, sous l'influence de mêmes conditions de vie, des types très difl'érents en viennent à con- verger, à se rapprocher malgré leur origine différente, à se ressembler plus ou moins. C'est ainsi que les chevaux de course d'origine arabe, et leschevaux d'origine barbe, semblent se fondre en un même type uniforme; et que le phoque, qui se rattache plutôt aux Mustélidés, et l'otarie, plus voisin des llrsidés (Saint-Georges Mivart), en viennent à vivre de la même manière, à se l'approcher l'un de l'autre beaucoup plus que ne le font les souches d'où ils descendent respectivement. Dans le monde végétal, on observe de fréquents exemples de celte action du milieu : des plantes de familles très différentes présentent, dans certains habitats très caractérisés, un faciès commun tout particulier. Cela dit sur les lois générales de la variation, voyons maintenant jusqu'où va celle-ci chez les animaux domestiqués. Nous ne procéderons point en prenant chaque espèce tour à tour : nous considé- rerons les difTérenls systèmes ou parties. Influence de la domestication sur le squelette en général. — Dans beaucoup de cas, et surtout quand il s'agit d'animaux domestiqués en vue de la boucherie, il y a con- traste évident entre la gracilité de la tète et des membres et le caractère massif du tronc. Il en résulte que le squelette de la tête et des membres semblent réduits : c'est ce que l'on exprime en parlant de l'ossature légère de ces animaux. Il y a ici à la fois une erreur et une vérité. L'erreur consiste à croire que l'ossature est plus grêle, absolument, chez l'animal domestique. La vérité est qu'elle n'est plus grêle que de façon relative. Autre- ment dit, il ne faut point prendre les chiffres absolus : il faut les rapporter au poids vif. Et alors on constate ceci, que chez l'animal domestiqué le poids du squelette est accru de façon absolue, mais que, proportionnellement au poids accru du corps dans son ensemble, il ne présente point un accroissement parallèle. Le poids du squelette est plus élevé, absolument, mais relativement plus faible. Gela ressort nettement des chiffres obtenus par Cornevin. Tandis que chez une race commune de béliers le poids du sque- lette est au poids total comme 1 est à 14, chez les races perfectionnées de Mérinos, Soutb- down et Dishley, il est comme 1 est à 16, à 17, à 20. Chez la race porcine le rapport passe de 1 : 26 à 1 : 38. Le squelette augmente donc de poids, et participe à l'accrois- sement général du Corps — loi de corrélation — mais l'augmentation n'est point proportionnelle, et il n'est point besoin qu'elle le soit, et elle ne saurait l'être : le facteur qui, dans la domestication, pousse à l'embonpoint ne pousse pas à l'accrois- sement du squelette que l'absence d'exercice ne contribue pas à développer. Un autre fait qui frappe généralement dans l'ossature des races domestiques, c'est la taille plus petite. Cela tient à ce que, sous l'influence d'une alimentation abondante absolue, la soudure des épiphyses et diaphyses se fait plus iiàtivement, d'où dimiim- tion de taille, évaluée à l/.j environ. Ce fait n'est pas sans analogie avec ce qui se passe hez l'homme : les sujets trop bien nourris dans le jeune âge cessent de croître plus 160 DOMESTICATION. vite que ceux qui ont une alimentation moins abondante. En même temps les os des animaux domestiqués sont plus denses : ce qui tient, comme l'a démontré Samson, à ce que la proportion de matières minérales y est plus élevée (67,7 p. 100 au lieu de 61, 4), tandis que les matières organiques y sont moins abondantes. Considérons maintenant les modifications qui se font dans différentes parties du sque- lette. Squelette céphalique. — Du côté du squelette céphalique il y a des modifications évi- dentes, appréciables, dues à deux facteurs distincts : à la rapidité plus grande avec laquelle s'effectuent les soudures des os du crâne, et au fait que le cerveau exerce une pression et s'élargit aux points de moindre résistance. On conçoit très bien que, chez les carnivores, comme le chien, qui sont, tout jeunes, nourris au lait, et avec des aliments qui ne demandent point un effort considérable des muscles masticateurs, ces muscles] prennent moins de développement, et que, par contre- coup la fosse temporale diminue, ou ne se creuse point autant, d'oii élargissement de la boîte crânienne dans le sens transversal, et possibilité pour le cerveau de s'étendre dans ce même sens. De la sorte, on conçoit que le mode d'alimentation peut agir par contre-coups indirects sur le volume et la forme du cerveau. D'autre part, on conçoit aussi que, chez les animaux de boucherie, l'appareil masti- cateur doit' être développé, puisqu'il fonctionne de façon excessive. Et c'est bien ce qui a lieu : CoRNEViN compare le poids du maxillaire inférieur à la capacité crânienne, ramenée à 100, et constate que, chez les races perfectionnées, le poids proportionnel du maxillaire augmente beaucoup. Voici quelques chiffres relatifs aux races bovine, ovine et porcine : POIDS DU MAXILLAIRE inférieur correspondant à 100 ce. de capacité crânienne. gr- Race afiicaino bovine. .*.... 183,52 — tribourgeoise bovine 239,83 — de Durham 274,60 Mouton de Herzégovine 120,00 — de Tiaret 137,60 — Mérinos 151,89 — Dishley 216,00 Sanglier d'Afrique 211,11 — d'Europe 283,95 Porc craonnais 423,57 — d'Essex 482,00 — de Berkshire 554,14 — d'Yorkshire 772,41 Ces chiffres permettent à Cornevin de conclure que « la domestication et l'emploi des procédés zootechniques poussant à la précocité, développent l'appareil masticateur, et qu'à mesure qu'il se développe la capacité crânienne et le poids du cerveau diminuent. » La civilisation qui tend à accroître la proportion du cerveau chez l'homme exerce l'inlluence opposée sur les animaux; et du reste c'est ici une conséquence forcée de la loi de balancement : ce qui se gagne d'un côté se perd de l'autre. Pour ce qui est du facteur synostose prématurée, conséquence de la précocité et du régime artificiel des animaux domestiques de boucherie, il suffit de voir ce qui s'est passé chez les bovidés de la race Durham; cette race est en effet issue de la race hollandaise, voici un siècle à peu près. Or il y a entre le type céphalique de l'une et de l'autre des diffé- rences très marquées, comme le montrent les cliilïres suivants empruntés à Cornevin : MOYENNE de l'indice de l'indice facial. céphalique total . Taureau hollandais ' 63 38 — durham 72 49 Vache hollandaise 57 33 — durham 6b 43 DOMESTICATION. 161 Il y a raccourcissement de la face très certaiu, ce qui est la conséquence d'une modi- fication dans l'époque de la synostose. D'auti'es altéraions existent : nous voyons — loi de corrélation — se réduire le nombre des dents chez le bouledogue, et la musculature qui supporte une tête réduite se réduit aussi naturellement. Là où les cornes manquent le chignon se développe de façon spéciale. Capacité crânienne. — La domestication n'a point agi de façon favorable sur la capa- cité crânienne. Le fait de vivre à l'abri du besoin, sans préoccupation de l'avenir, sans la nécessité de gagner chaque jour le pain ou la viande nécessaires à l'entretien de la vie, nécessité qui aiguise l'intelligence et met le corps en mouvement en développant le système nerveux central et les muscles des membres, le fait de vivre en domestication, sans initiative, sans spontanéité, n'est point favorable au développement des facultés intel- lectuelles et des organes de ces facultés. Cela ressort nettement de quelques chiffres don- nés par CoRNEvix, que voici : ANIMAUX Ane sauvage de Perse — domestique d'Orient Bœuf abyssin — domestique d'Afrique Mouflon à manchettes Mouton africain Sanglier d'Europe Cochon domestique Sanglier de Cochinchine Sus vittatus Cochon domestique chinois Loup Chien mâtin Chacal Lévrier d'Italie Lajîin sauvage — russe domestique Lièvre Assurément, les chiffres qui précèdent gagneraient à être plus nombreux, et dans cer- tains cas, les termes de comparaison pourraient être meilleurs — ou bien il convien- drait de ne pas faire la comparaison, comme par exemple entre le lièvre et le lapin, — mais en somme ils parlent tous dans le même sens, et indiquent la diminution de la capa- cité crânienne, c'est-à-dire du volume du cerveau chez les animaux réduits en domesti- cation. Il semble que, n'ayant plus à penser par et pour eux-mêmes, puisque l'homme se charge de le faire pour eux, ils s'atrophient au point de vue cérébral. Les chiffres qui suivent, et oîi la capacité crânienne est calculée en fonction du poids vif, donne les mêmes résultats. CAPACITÉ DIFFÉRENCE crânienne en faveur p. 100 kg. de la forme, poids vif. sauvage. Laie 142 +68 Truie 74 Hase 212 + ]9 Lapine 233 A vrai dire, on pouvait prévoir cette conséquence de la domestication. Pourtant on sera quelque peu étonné de voir que, chez le chien môme, si intelligent et si perfectionné au point de vue intellectuel par l'homme, la même dégradation de l'encéphale se mani- feste. On s'expliquera le fait toutefois par cette considération qu'au total, si le chien a gagné d'un côté, il a perdu de l'autre, et sans doute l'intelligence spéciale que la donies- tication a développée en lui est moins apte à développer son cerveau que l'intelligence DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 11 CAPACITE DIFFERENCE crânienne. en faveur de la forme sauvage. ce. 321,0 + 071,9 430,0 479,0 + 047,0 432,0 240,0 + 118,0 122,0 190,0 + 013.0 177,0 162,0 + 012,0 181,0 + 031,0 130,0 142,0 + 026,0 116,0 082,0 + 006,0 076,0 009,4 + 001,9 007,5 014,0 + 006,5 162 DOMESTICATION. générale qu'il lui fallait avoir à l'état sauvage pour réussir dans la compétition avec ses congénères et ses adversaires. A propos de la capacité crânienne et du poids de l'encéphale, en général, il convient de noter que, dans toutes les mensurations et pesées, il faut rapporter les chiffres obtenus au poids vif. Car il arrive souvent que la domestication accroît les dimensions géné- rales du corps, et partant aussi celles du crâne : mais en procédant de la façon indiquée, on constate, comme le dit Darwin, que « chez toutes les races réduites depuis longtemps à l'état domestique, le cerveau n'a en aucune façon augmenté dans les mêmes proportions qu'ont augmenté la longueur de la tête et le volume du corps, ou que le cerveau a en fait diminué de volume relativement à ce qu'il aurait été si ces animaux avaient vécu à l'état sauvage {Variations, i, 141., trad. Barbier »). Ou encore, comme le dit Cornevin, « le per- fectionnement d'une race en vue de la boucherie abaisse sa capacité crânienne relative». Squelette locomoteur. — La domestication n'a pas agi avec moins de force sur le sys- tème osseux qui sert à la locomotion. Et cela ne saurait surprendre : car ici l'animal domestiqué est soumis à un exercice méthodique qui a pour but de fortifier les membres et d'obtenir un rendement maximum comme force de traction; ailleurs l'exercice a pour but de leur donner plus de souplesse et de vivacité, pour obtenir un rendement maxi- mun comme vitesse; ailleurs encore, la gymnastique est nulle, l'animal fait un emploi très restreint de ses membres, et vit au repos. Dans chacune de ces alternatives, la donios- tication, et, plus exactement, les méthodes concomitantes et accessoires de la domes- tication ne peuvent manquer d'exercer une inlluence sur le squelette, positive ou négative. L'influence positive a été bien mise en lumière par Cornevin dans ses études sur le squelette du cheval de course. Chez cette race, en effet, on constate un ensemble de modifications très net, une élongation marquée du métacarpien et du métatarsien, une élongation des membres. Cette élongation est plus marquée au membre postérieur, en ce qui concerne les os de la cuisse et de la jambe. D'autre part, le bassin est modifié dans sa forme; il s'est allongé dans le sens antéro-postérieur, et rétréci en partie; par- tout, dans l'appareil de la locomotion, des changements se sont effectués. Comme toute- fois l'animal court avec ses poumons autant qu'avec ses jambes, on ne sera pas étonné en constatant que du côté de la cage thoracique des modifications se sont produites aussi, grâce auxquelles la puissance respiratoire est accrue. D'autre part, il n'est point besoin d'une intelligence transcendante pourfaire un cheval de course : et alors on constate sans surprise que la capacité crânienne ne s'accroît pas dans les mêmes proportions que lesystème osseux locomoteur. Je ne puis qu'indiquer ici une petite partie des modifications nombreuses, et profondes, que la gymnastique spéciale — aidée par la sélection d'ailleurs : mais la sélection n'est-elle pas partie des procédés de domestication? — a introduites dans l'organisation du cheval commun en le rendant apte à faire le cheval de course; il faut se reporter à la Zootechnie générale de Cornevin pour voir combien elles sontvariées, et combien leur répercussion est lointaine; chacun sait que chez l'animal de trait — le cheval, le bœuf— les modifications sont autres : c'est la solidité qui est accrue, et non la légèreté, et le squelette présente de tout autres caractères. Ceux-ci sont d'nilleuis assez prononcés pour qu'à la seule inspection du squelette le moindre expert puisse dire si l'animal servait à la course, ou bien à la traction ou au transport. Appareil digestif. — I^'animal réduit en domestication étant le plus souvent nourri de façon plus aliondanle qu'à l'état sauvage, en même temps que de façon quelque peu dissemblable, il se produit dans son tube digestif des modifications et des adaptations variées. Voici longtemps déjà que Daubenton a fait observer que la longueur des intestins du chat domestique l'emporte d'un tiers sur celle des intestins du chat sauvage. Cela tient à ce que l'alimentation du chat domestique est plus végétale que ne Test celle de son congénère, resté indépendant. L'homme ajoute à la viande des mets végétaux, ou d'origine végétale, tels que le pain et quelques légumes, et dès lors l'animal tend à acquérir un intestin d'herbivore, sans quoi il ne pourrait s'assimiler la nourriture qui lui est donnée. On sait que l'intestin des herbivores est sensiblement plus long que celui des carnivores, et il importe qu'il en soit ainsi, en raison de la quantité d'herbe ou d'aliments végétaux qu'il leur faut absorber pour se procurer les aliments nutritifs nécessaires; dès lors, le carni- DOMESTICATION. 163 vore qui devient quelque peu herbivore acquiert un intestin qui se rapproche de celui des herbivores. Il en va de même chez le porc commun; son intestin a 13,5 fois la lon- gueur du corps, au lieu que, chez le sanglier, l'intestin a 9 fois seulement cette longueur. Par contre, chez le lapin domestique, c'est le fait inverse qui se manifeste : son tube intes- tinal est moins long que chez le lapin sauvage. Il n'ya là aucune contradiction avec les faits qui précèdent; c'en est au contraire la confirmation, car le lapin domestique, nourri avec des substances plus nourrissantes que son congénère sauvage, n'a pas besoin d'un intestin aussi volumineux. Si les modifications de régime ne semblent point exercer d'influence appréciable sur les glandes annexes du tube digestif, chez les animaux domestiques — exception faite toutefois pour le foie des oies et canards suralimentés, qui présente la dégénérescence graisseuse, quelques faits indiquent pourtant que les changements d'alimentation peuvent agir de façon marquée sur le revêtement épithélial du canal digestif. On con- naît, en effet, l'observation classique de Joiix Hu.nter qui a vu que chez la mouette {Larus tridactylus) nourrie surtout de graisses — au lieu de viande ou de poisson — les parois de l'estomac s'épaississent en une façon de gésier, par hypertrophie des faisceaux ■ musculaires, et sans doute, il se fait des modifications épithéliales appropriées. Edmons- TONE a signalé un fait analogue chez le Lanis argentatus des Shetland : au printemps cet oiseau se nourrit de blé, et son estomac présente des modifications anatomiques en corrélation avec ce changement de régime; il a vu des modifications analogues chez un corbeau nourri longtemps d'aliments végétaux. Il y aurait intérêt à multiplier les obser- vations de ce genre, à comparer le tube digestif du chien, du canard, des bovidés et ovidés sauvages à celui des mêmes animaux en domestication; sans doute, on apercevrait des faits de même genre, et d'autres encore qu'il serait bon de connaître. La domestication agit sur d'autres parties encore du tube digestif, sur la dentition en particulier. Il est certain que la chute et le remplacement des dents de lait se fait à une époque plus précoce : pour certaines dents, par exemple, le changement se fait en un an au lieu de trois, chez le bœuf; et chez le mouton, l'accélération peut être d'un an, pour certaines dents au moins. C'est surtout chez les ruminants que s'observe cette accélération de l'évolution dentaire : elle existe, mais moins prononcée toutefois, chez le porc, le cheval, le chien. On trouvera à cet égard des renseignements précis et intéressants dans la zootechnie déjà citée de Cornevin. Appareil galactogéne. — Dépendance de la peau, cet appareil présente, sous l'in- fluence de la domestication, des changements importants. A vrai dire ce n'est pas tant le «fait de la domestication qui modifie cet appareil, que les pratiques dont celle-ci est à la fois le motif et la conséquence. Chez certaines espèces domestiquées, l'homme s'attache surtout à la production laitière, et dès lors il met tout en œuvre pour accroître celle-ci. Ainsi se produisent des modifications qui ne sont pas sans intérêt, bien qu'en réalité les différences soient de degré, bien plus que de nature. La béte sauvage ne donne que la quantité de lait nécessaire à l'allaitement de ses petits : encore ne la donne-t-elle qu'avec parcimonie. Il faut une alimentation très abondante pour que la production laitière s'accroisse, et cette alimentation ne se trouve pas toujours. La race bovine du Tonkin donne 70 centilitres de lait par jour seulement. Par la sélection des races ou des individus, par les soins hygiéniques et alimentaires, par la connaissance des procédés de traite les plus favorables, on est arrivé, en Europe, à faire des vaches laitières admirables qui donnent lo ou 20 litres par jour. A la fin du siècle dernier, la brebis de la race de Larzac, dont le lait était employé à la fabrication du fromage de Roquefort, donnait, d'après Marcorellis, de quoi faire 6 kilogrammes de fromage par an; maintenant elle eu donne assez pour la fabrication de 14 ou 15 kilogrammes. La production a donc plus que doublé, grâce aux perfectionnements de méthodes zootechniques. Chez les bêtes sélectionnées et perfectionnées en vue de la lactation, il se produit des changements morphologiques de l'appareil galactogéne. Le pis acquiert des dimensions plus grandes; la glande s'accroît dans ses parties essentielles et accessoires. Bien plus, il y a tendance à la multiplication du nombre des tétines. Phanères. — Étant, par le fait de la domestication, soumis à un climat artificiel, d'une part, et de l'autre, à une alimentation différente, les animaux asservis par l'homme présentent de nombreuses modifications dans les phanères, dans les différentes dépen- 164 DOMESTICATION. dances de l'enveloppe cutanée. Le sanglier d'Europe, en hiver, possède un peu de laine, mélangée à ses soies, et cette laine lui est utile : elle lui serait inutile en captivité où, il est protégé contre le froid : il ne la possède plus. Le bétail de contrée froide introduit en pays tempéré voit s'éc-laircir et alléger sa toison; le fait inverse s'observe dans le cas opposé. D'autre part, sous l'influence d'une alimentation plus abondante, conséquence de la domestication, on voit souvent s'allonger la toison : le même facteur exerce une action opposée sur les cornes : chez certaines espèces, par le fait de l'achèvement plus précoce du squelette, le développement des cornes est entravé : il y a des cas où elles dispa- raissent, comme chez les moutons Down et Dishley. Et l'alimentation pauvre ou anormale exei'ce parfois la même influence : en Irlande, aux Orcades, en Syrie, en Egypte, chez les bovidés. Les traités de Zootechnie donnent à cet égard tous les renseignements néces- sairer : il suffit ici d'indiquer le fait. Les oiseaux ne présentent pas moins de modifica- tions que les mammifères : mais dans leur cas, il s'agit des plumes et des appendices charnus de la tête, crête, canoncules, etc. La coloration des phanères peut présenter aussi, sous l'intluence de la domestication, des variations très marquées. On comprend, du moment où la lumière joue un rôle si important dans la coloration, que cette dernière puisse diminuer ou s'accroître, selon quCles conditions de domestication ne favorisent pas ou favorisent l'intluence de la lumière. En Suisse on voit les bovidés pâlir en slabulation et dans la plaine : ils se colorent dans la montagne. Le climat agit aussi : les Dishley présentent des taches noires à la face et aux oreilles près de la mer : ils n'en ont pas à l'intérieur des terres. Et sans doute, la coloration des animaux domestiqués présente des difTérences selon d'autres conditions plus ou moins connues : chaleur, humidité, nature du sol produisant les ali- ments, etc. Toutes ces différences dans les phanères présentent ce caractère de se maintenir tant que les conditions demeurent les mêmes : mais dans des conditions changées, elles ne persistent pas nécessairement. Dans ce cas, on admet que celles qui continuaient à se manifester, et qui deviennent dès lors des caractéristiques de race, sont ancrées dans l'organisme grâce au temps ; les autres, qui disparaissent, n'ont sans doute pas existé depuis un temps assez long pour acquérir la fixité nécessaire. Bimensions et Poids. — C'est un fait bien connu que, sous l'influence de la domes- tication' et des méthodes zootechniques, la plupart des animaux gagnent en poids et en dimensions : ceux du moins que l'homme domestique pour l'usage alimentaire. Cet accroissement est dû en partie au développement plus considérable du système muscu- laire, et surtout au développement du tissu adipeux. Il convient de remarquer encore que, par suite du non-usage des membres, ceux-ci ne participent guère à l'hypertrophie ; c'est le tronc surtout qui en est le siège. La chose est d'autant plus marquée que, par suite de l'ossification précoce, le squelette reste relativement petit. C'est ainsi que s'ob- tiennent des moutons et des porcs à tronc très volumineux, et bas sur pattes. Certains porcs, les Yorkshires de petite variété en particulier, en viennent à pouvoir à peine marcher : leur corps énorme, soutenu par de toutes petites pattes, en arpive presque à toucher terre. On pourrait peut-être arriver, par la sélection et les méthodes intensives d'alimentation, à obtenir une race incapable de marcher : une race d'individus consis- tant en un tronc qui ne pourrait guère que rouler de côté et d'autre, sans posséder la locomotion. En tout cas, on est déjà arrivé à des résultats très frappants. Le bœuf de 4 ans pesait environ 200 kilogrammes en Angleterre, au xiV^ siècle : il en pèse mainte- nant plus de GOO. Au début du siècle, en Limousin, le bœuf pesait 300 kilogrammes en moyenne : il en pèse 700. Mais, répétons-le, de telles différences entre le poids et les dimensions de la race non améliorée à ceux de la race 'très perfectionnée ne s'obtiennent pas seulement par la domestication : elles sont le fait des méthodes zootechniques et de la sélection; sélection des races plus disposées à l'engraissement et à la production de viande; méthodes d'engraissement mieux comprises et plus efficaces. On observera toutefois que, là même où il n'y a pas hypertrophie prononcée, où la suralimentation ne vient pas accroître la masse absolue des tissus musculaire et adipeux, celle-ci paraît souvent exagérée. C'est que, en effet, le squelette étant réduit, si la masse adipo-musculaire reste constante, elle est proportionnellement plus grande, d'où une DOMESTICATION. len déformalion de l'animal. « Les variations de la taille dans le sens de la réduction, quand elles sont dues au développement moins lent ou à l'achèvement plus prompt du squelette ont pour corollaire le développement plus accentué de toutes les parties molles du corps, et particulièrement du tissu musculaire qui entourent les os. Gela change les proportions et les formes de ce même corps, et donne aux individus un aspect général tout différent de ce qu'il était auparavant ». (Sanson, Traité de Zootechnie, u, 186.) Modifications physiologiques. — Nous venons de voir que la domestication exerce une influence très marquée sur l'anatomie des animaux, et sur certains points de leur physiologie. Il importe de revenir quelque peu sur ce dernier côté de la question, pour signaler certains faits dont il n'a point été parlé. Le principal de ces faits, c'est la précocité des animaux en domestication. Ce n'est pas tant de la précocité gènésique qu'il s'agit que de la précocité de développement. La pre- mière devance toujours la seconde, comme chacun sait, et elle continue de le faire chez les animaux domestiqués. Mais ce n'est pas d'elle qu'il s'agit ici : c'est de la rapidité avec laquelle, sous l'influence de la domestication, les animaux atteignent le terme de leur croissance. Nous avons vu que rossification se fait plus lot chez les animaux domes- qués; le squelette est achevé plus tôt chez eux, la croissance arrive plus vite à son terme, et la dentition définitive est plus vite établie. Chez les bovidés cette précocité se traduit par ce fait ([u'on gagne Jusqu'à deux ans sur les cinq qui sont normalement nécessaires : le bovidé domestiqué est à trois ans au même point, en ce qui concerne la croissance, que le bovidé sauvage de cinq ans. Chez le mouton, on gagne de huit à douze mois par la domestication et ses l'essources. A vrai dire, certaines races sont normalement plus prédisposées que d'autres à la pré- cocité : mais, selon toute probabilité, cela tient surtout à ce qu'elles sont depuis plus longtemps « travaillées » par l'homme. Car il est manifeste que chez tous les animaux domestiques la précocité — due surtout à l'alimentation intensive — est notable. C'est là une règle générale; elle est confirmée par la mytiliculture par exemple qui nous montre la moule « domestiquée » arrivant en un an au même point que la moule non domestiquée, en qualité ans; elle est confirmée encore par la sériciculture, où nous voyons parfois les vers à soie abondamment nourris filer leur cocon après la troisième mue, au lieu d'attendre la quatrième, d'oii la formation, par hérédité et action du milieu, de races à trois mues comme il y en a dans le Sud-Est (Cor>.'evin). La domestication, en hâtant le développement individuel, abrège la jeunesse, et hâte l'apparition de l'âge adulte. C'est là le fait essentiel. 11 ne se manifeste pas seulement par l'état général de l'organisme : on le voit à ce que l'appareil digestif par exemple, arrive plus vite à son maximum de puissance fonctionnelle, chose très avantageuse à l'éleveur, puisque les aliments sont mieux utilisés et convertis en produits utiles. D'après Cornevin, on observe chez les animaux domestiqués un léger abaissement de température : il s'explique peut-être par la moindre activité; ils sont plus lents, plus aptes à se fatiguer, plus doux de caractère, et ces phénomènes sont tout naturels. En même temps que les fonctions de nutrition sont exaltées, les fonctions de repro- duction sont parfois amoindries. Nous retrouvons là l'antagonisme entre les intérêts de l'individu et ceux de l'espèce. Les bêtes domestiquées précoces présentent souvent un retard relatif dans le développement des fonctions reproductrices; celles-ci se montrent plus tard, et se font moins bien. Il y a souvent diminution de la fécondité : les mâles obèses, sont moins ardents à la saillie. Il est bien des cas, toutefois, où la domestication favorise au contraire la fécondité. Darwin [Variation, u) a donné là-dessus plusieurs faits probants. Déjà Buffon observait que les animaux domestiques ont plus déportées, et plus de petits par portée, que leurs congénères sauvages, et cela est très net pour le lapin, le furet, les différents oiseaux. Mais cet accroissement de fécondité n'existe que chez les animaux non soumis ù l'engraissement. La domestication est donc favoi'able ou défavorable à la fécondité selon les circonstances qui l'accompagnent, selon le but auquel l'homme fait servir les ani- maux; et celui-ci le sait si bien que jamais il ne nourrira le taureau qu'il veut employer comme étalon, aussi abondamment que le bœuf qu'il médite de transformer en viande de boucherie. Influence sur la pathologie. — Si la physiologie des animaux soumis à la dômes- 166 DOMESTICATION. tication est modifiée, on ne sera point surpris que leur pathologie aussi présente des particularités- Cela est évident, et il n'y a pas lieu d'y insister autrement. Tantôt la domestication rend les animaux plus enclins à certaines afîections; tantôt elle les rend plus réfractaires. Les procédés zootechniques, et les soins généraux, sont principalement responsables de cet état de choses. On conçoit que l'alimentation intensive doive prédis- poser les bêtes à certaines maladies ; on conçoit aussi que leur mode de vie doit en écarter d'autres. Certaines maladies épidémiques sont favorisées, d'autres, au contraire, trouvent dans la domestication des conditions d'éclosion et de contagion défavorables. On peut dire toutefois que, dans l'ensemble, l'avantage l'emporte sur le désavantage : les animaux gagnent plus qu'ils ne perdent, exception faite, cela va de soi, pour ceux dont l'homme accélère et intensifie les phénomènes vitaux pour leur donner plus tôt la mort. La bête de travail, intelligemment exploitée — ce qui n'a toutefois pas toujours lieu — mène une vie hygiénique, où les recettes et dépenses se font un sage équilibre, et favoi'able à la longue durée de la vie. Rôle de la domestication dans la formation de races nouvelles. — Dans la plupart des espèces domestiques, 'et chez celles-là surtout qui sont depuis longtemps asser- vies par l'homme, il y a une variété souvent considérable de races. Faut-il conclure delà que la variabilité est plus grande chez les espèces domestiquées, ou chez les individus en domestication, que chez les espèces ou individus vivant à l'état sauvage? On l'a cru : mais ce semble être une erreur. Bateson [Materials for the Study of Variation) montre en effet que, chez les animaux sauvages, la variabilité est considérable : il y a toutefois des espèces chez qui cette dernière est plus prononcée que chez d'autres. Chez Canis cancri- vorus les anomalies dentaires sont très fréquentes, alors qu'elles sont rares chez le renard; le genre Mf/e.s varie plus que la loutre, et ainsi de suite. Différentes monogra- phies d'animaux appartenant aux classes les plus variées, dues à des zoologistes améri- cains cil l'auteur s'occupe particulièrement de la variation et de ses limites, montrent que la variabilité est considérable chez les 'animaux sauvages, et ne le cède point à la variabilité chez les animaux domestiqués. Il y a toutefois une raison pour que les races soient plus nombreuses parmi ces derniers, à variabilité égale, ou même inférieure. C'est que les animaux domestiqués ne sont pas soumis à la lutte pour l'existence ; et dès lors les variations nuisibles ou inutiles ne sont pas nécessairement exterminées par l'élimination de ceux qui les présentent. Bien plus, ces variations qui sont inutiles ou même nuisibles pour l'individu qui les présente peuvent être et sont souvent jugées avanta- geuses, ou au moins curieuses pour l'homme, et, comme celui-ci n'agit qu'en vue de ses intérêts propres et non en vue des intérêts de la race, il conserve les individus aber- rants, il en favorise la multiplication; par la sélection, en particulier, il maintient les races nouvelles, et les développe. L'homme favorise donc la persistance des variations qui sans son intervention s'éteindraient bientôt ; il favorise la création de races qui auraient bien pu prendre naissance en dehors de la domestication, mais n'auraient pas réussi à s'établir, à se fixer, à se propager. Si Ton tient compte de ce fait que les visées de l'homme à l'égard d'une même espèce peuvent différer beaucoup, et de cet autre fait que, pour cette même espèce, la variation se fait dans des sens très variés, on s'aper- çoit bien vite que la domestication doit favoriser, sinon la multiplicité des variations, au moins la conservation des variations qui se présentent. C'est ainsi que dans l'espèce chien tant de races ont pu se constituer : les variations qui ont donné naissance à chacune d'elles ont été conservées, favorisées, intensifiées, ici pour une raison, là, pour une autre, parce que l'animal semblait offrir tels avantages, ou bien tels autres. La "conservation et la fixation, par les procédés zootechniques, de variations qui ont intéressé l'homme par l'utilité ou l'agrément qu'il en pouvait, ou croyait pouvoir tirer, sans du reste tenir le moindre compte de l'avantage qu'elles auraient pu présenter pour l'animal à l'état de nature, et en dehors de la protection de l'homme, voilà donc une première raison de la multiplication des races domestiques. L'instrument principal a été la sélection. Une seconde raison se trouve dans l'emploi fréquent d'un instrument de variabilité, le croisement. L'homme ayant obtenu, ou plutôt maintenu des variations spontanément produites — spontanément, et aussi grâce à l'action mal définie des conditions du milieu — il a pensé que par le croisement il pourrait obtenir des races unissant des caractéris- DONDERS (Frans Cornelis). 167 tiques qui se trouvaient jusque là présentées par les races différentes. Il a parfois réussi : il a souvent échoué; mais, de"cette manière, des races nouvelles se sont produites qui, sans doute, ne se seraient pas produites à l'état^ sauvage, et l'iiomme a conservé et a intensifié bon nombre de ces races. Assurément, il se fait des croisements à l'état sau- vage, mais moins qu'entre les mains des éleveurs, et les hybrides domestiques trouvent en l'homme un protecteur qu'ils chercheraient en vain à l'état de liberté. Enfin, il faut observer que la formation de races nouvelles est favorisée par la domes- tication d'une troisième manière. A l'état sauvage, les animaux varient souvent en chan- geant d'habitat : il en va de même à l'état domestique. Et comme la domestication a pour efl'et de permettre à la plupart des animaux de vivre sous des climats et dans des milieux où ils ne vivraient pas, soustraits à l'action tutélaire de l'homme, il en résulte que la domestication favorise la dispersion des êtres dans des milieux |très différents, où ils peuvent présenter plus de variations qu'ils ne feraient dans leur habitat naturel. La domestication agit donc de plusieurs manières, directes et indirectes, pour favo- riser la multiplication des races chez les animaux soumis à son influence. Et sans doute, il en va de même chez les animaux que chez les plantes : les espèces domestiquées comme les espèces cultivées sont, par suite des conditions où elles vivent, amenées à un état d'instabilité tel que les variations s'y produisent plus facilement et plus souvent. Les espèces les plus « travaillées « par l'homme, comme le pigeon par exemple, sont celles chez qui la variation dite spontanée est la plus fréquente. Influence générale de la domestication. — Nous avons dit que, dans la domestica- tion, l'homme n'a en vue que ses avantages personnels. Il domestique les animaux pour en tirer parti d'une façon ou d'une autre : parla sélection, par les croisements, par les méthodes zootechniques, il développe en eux les caractères qui lui sont avantageux, les caractères par où ils peuvent lui rendre le plus de services. De ce côte, il a réussi dans son œuvre, cela n'est pas douteux. Le mouton, le porc, le bœuf perfectionnés lui assurent un rendement en viande, en laine, ou en lait, très supérieur au rendement des mêmes animaux non domestiqués. Mais on est en droit de se demander aussi dans quelle mesure l'opération profite aux espèces animales. Ces espèces perfectionnées, améliorées, conserveraient-elles une supériorité quelconque si on les laissait libres, à l'état sauvage? Non, évidemment. Presque tous les caractères par où elles sont plus avantageuses à l'homme, les mettent dans un état d'infériorilé notable à l'égard de leurs congénères sauvages. La domestication exerce en réalité une influence détéi'iorante. Le cheval de course, au squelette léger et fragile, serait vite éliminé ; tant de chiens mal bâtis, bizarres, spécialisés, périraient dans la lutte ; les pigeons de fantaisie mour- raient misérablement. Presque tous les animaux domesliqués sont des formes mons- trueuses, aberrantes, trop spécialisées tout au moins, qui, dans la lutte pour l'existence à l'état sauvage, disparaîtraient devant leurs concurrents. En réalité, la domestication détériore les animaux ; et par elle l'homme n'arrive qu'à ceci, à faire vivre des formes qui lui sont utiles, mais qui ne pourraient vivre sans sa protection incessante, et qui disparaissent aussitôt qu'il disparait. Toutes ces races dites « perfectionnées » ou «Jamélio- rées » sont en réalité plus ou moins dégénérées et artificielles : œuvre de l'homme, elles disparaîtront avec lui, n'ayant point les qualités requises pour vivre en liberté, et avec leurs seules ressources. HENRY DE VARIGNY. DONDERS (Frans Cornelis) (1818-1889), célèbre physiologiste et ophthalmologiste hollandais, naquit à Tilburg, le 27 mai 1818. II était dernier né de neuf enfants et le seul fils d'un négociant de Tilburg. Sa haute intelligence se révéla dès sa première enfance. Après avoir travaillé à l'école primaire de sept à onze ans, il put, les deux années suivantes, devenir l'auxiliaire du professeur et ainsi gagner sa vie lui-même. Destiné par sa mère à la profession ecclésiastique, il alla, après un court séjour à l'école française de Tilburg, à l'école latine de Boxmeer, qu'il quitta en 1835 pour être, à Utrecht, étudiant en médecine à l'Université, et en même temps pensionnaire de l'école de méde- cine militaire. En 1840, à Leiden, il fut nommé au premier grade de la médecine mili- taire; et pendant deux ans il servit à ce titre, à Vlissingen et à la Haye. En 1842, il fut nommé professeur d'anatomie et de physiologie à l'école de médecine militaire d'Utrecht. 168 DONDERS (Frans Cornelis). Là il se distingua, aussi bien comme expérimentateur que comme professeur, de telle sorte qu'en 1847, sans qu'il y ait de vacances, il fut nommé professeur à la Faculté de médecine de l'Université d'Utrecht. A côté de Schrôder van der Kolk qui professait l'anatomie et la physiologie, Donders disposa dans l'Université un laboratoire de pliysio- logie, où il enseignait la physiologie et l'histologie générale, plus tard la pathologie générale, l'anthropologie, la médecine légale et l'ophtalmologie. Cette dernière étude l'amena, presque malgré sa volonté, à faire de la pratique oculistique. Ce (jui y contribua beaucoup, ce fut la rencontre qu'il fit à Londres de A. de Gr.efe et de W. Bowman, avec lesquels il resta jusqu'à leur mort lié d'une étroite amitié. En 1858, il fonda, avec les dons volontaires de ses concitoyens et de ses compatriotes, le Ncderiandsch Gasthids voor behoeftigc en minvermogende Ooglydcrs, à Utrecht, établissement qui devint bientôt un centre et une école pour les nombreux médecins ophtalmologistes de toutes les parties du monde. Après la mort de Schrœder van der Kolk (1863), Donders devint professeur de physiologie et abandonna la plus grande partie de sa clientèle ophtalmologique à H. Snellen. En 1866, le gouvernement lui fit construire un laboratoire particulier dans lequel il vécut, jusqu'en 1888, époque où il prit sa retraite, étant atteint par la loi sur limite d'âge, dans toute la plénitude de son intelligence, et aussi brillant professeur qu'expérimentateur entouré et vénéré par de nombreux élèves, tant de son pays que de l'étranger. Il mourut de paralysie le 24 mars 1889. Bibliographie*. — 1840. — 1. Dissertât, inaug. sistens ohservationes anatomico-patho- logicas de centra nervoso {Traject. ad Rheniim). 1841-1845. — 2. *Contrihiit. à la pathologie et à la physiologie pathologique {Boerhaave). 1845. — 3. * Coup d'œil sur les échanges mdritifs comme source de chaleur propre aux plantes et aux animaux, in-8, Utrecht. — 4. * Sur la cirrhose hépatique {Ned. Lancet. En coll. avec Jansen). — 5. * Recherches sur les formations que le sang dépose [dans le cœur {Ibid. En coll. avec Jansen). — 6. * Observation d'une paralysie des muscles du larynx et de la langue {Ibid.). 1846. — 7. * Éléments fondamentaux et tissus {Ibid.). — 8. ''Croûte inflammatoire et globules blancs du sang {Ibid.). — 9. "Globules rouges du sang {Ibid.). — 10. "Changements de coideur du sang sous Vinfluence de l'oxygène et de l'acide carbonique {Ibid.). — 11. 'Mou- vements de l'œil humain {Ibid., et en allemand, in Hollând. Beitr. zu den anat. u. physiol. Wissenschaften, von van Dcen, Donders u. Molcschott). — 12. * Sur la suture cpidermique {Ibid.). — 13. * Des phénomènes entopticjues et de leur emploi pour le diagnostic de certaines maladies oculaires {Ned. Lanc). — 14. * Mikroscopische und mikrochemische Untersuchungen thierischer Gewebe {Holl. Beitr., etc.). — 15. * Traité d'ophtalmologie de Th. Ruete, trad. de l'allemand en hollandais). 1847. — 16. * Rech. sur la nature des altérations patholog. des artères, causes d'ané- vrysmes. (En coll. avec Jansen, Ned. Lancet, et Arch. f. phys. Heilkunde). — 17. Ueber die Bestimmung des Sitzes der Mouches volantes {Arch. f. phys. Heilk.). — 18. Sur les phénomènes chimiques de la respiration, etc. {Ned. Lancet, et en 1848 Holl. Beitràge). 1848. — 19. Ueber den Zusammenhang zwischen dem Convergiren der Sehaxen und dem Accomodationszustande der Augen {Ibid.). — 20. Noch ùber vermeintliche Achsendrehimg des Auges {Ibid.). — 21. Untersuchungen ùber die Régénération der Hornhaut {Ibid.). — 22. *De l'enlèvement et de la régénération de la membrane cornéenne {Ibid.). — 23. * L'emploi de lunettes prismatiques pour guérir le strabisme {Ibid.). — 24. *Les fibres nerveuses pren- nent-elles toutes naissance dans le cerveau et dans la moelle épinière? {Ibid.). — 25. * L'har- monie de la vie animale, révélations de lois {Oratio inaiiguralis, Utrecht, in-8). — 26. * Recherches sur les corpusc. sanguins (Avec la collab. de Moleschott, Ned. Lanc). 1848-1849. — 27 * Recherches sur le passage des molécules solides dans le système vascu- laire {Onderzoek. physiol. Lab., Utrecht, i, 1-23). — 28. *U7i mot sur la manière de faire l'expérience de Sanson {Ibid., 24-30). — 29. * Restitution des tissus cornéens chez l'homme {Ibid., 31-36). — 30 * L'emploi du microscope dans les recherches de police sanitaire {Ibid., 37-49). — 31. Plaie pénétrante du thorax et de l'abdomen {Ibid., 50-64). — 32. Du pouvoir nutritif des parties constituantes des grains {Ibid., 107-124). 1. Les titres précédés d'une astérisque ont été publiés en langue hollandaise. Nous les donnons en traduction française. DONDERS (Frans Cornelis). 169 1850. — 33. Contribution au mécanisme de la respiration et de la circulation à l'étal de santé et de maladie {Ibid., 1849-1850, 1-44 et Zeitsch. f. rat. Med.). — 34. * Mort par éthé- risation, etc. {Ibid., 43-51). — 35. ^Influence de l'humidité de l'air {Ibid., 52-60). — 36. * Notices sur des objets divers {Ibid., 61-66). — 37 * Les mouvements du cerveau et les chan- gements du contenu des vaisseaux de la pie-mère, etc. {Ibid., 97-128). — 38. 'Un mot sur le diagnostic des maladies du cerveau et de la moelle épinière {Ibid., 129-142). — 39. 'Perfo- ration du thorax à la suite de Vempyème {Ibid., 143-150). — 40. 'Notices sitr des objets divers {action de l'acide acéticjue, sur les corps colorés du sang d'amphib., sang de python, sang dans la fièvre puerpérale, développem. d. glob. de lait) (Ibid., 210-230). — 41. 'Un mot sur l'élimination d'air et de liquides de la cavité thoracique {Ibid., 210-213). — 42. 'Des échanges nutritifs et de l'alimentation {Ibid., 231-243). 1850-1852. — 43 'L'action physiologique des soustractions de sang et leur application fautive à la thérapeutique {Ibid., 1-12). — 44. 'Sur le pouvoir nutritif du son {Ibid., 13-19). — 45. 'Causes du strabisme {Ibid., 20-30). — 46. 'Paralysie du nerf oculo-moteur brusque- ment survenue dans l'œil gauche {Ibid., 36-48). — 47. 'Pression de l'air dans la cavité pleu- rale {Ibid., 49-58). — 48. 'L'examen tntopiique, moyen de diagnostiquer les maladies ocu- laires {Ibid., 59-74). ^- 49. ' Apoplexia choroidcx {Ibid., 75-82). — 50. 'Infanticide dou- teux {Ibid., 83-104). — 51. 'Pouvoir accommodateur {Ibid., 105-113). — 52. 'Micropsie {Ibid., 113-113). — 53. * Atélectase des poumons {Ibid., 119-130). — 54. 'Inclinaison latérale de la tête dans le strabisme {Ibid., 151-137). — 55. 'Métamorphose graisseuse dans les vaisseaux ombilicaux {Ibid., 158-169). — 56. De l'influence de la pression de l'air sur la contraction cardiaque {Ibid., 204-229). 1851. — 57. Manuel d'histoire naturelle de l'Iiomme sain, etc. i^^ partie, Physiologie générale, Utrecht et Amsterdam, van der Post. 1852. — 58. 'Les Principes de l'alimentation. Fondements de la doctrine de l'alimentation. Fiel, 1852. — 59. 'La forme, la composition chimique et la fonction des parties élémentaires en relation avec leur origine {Ned. Lanc, et Zeitschrift. f. wiss. Zoologie). — 60. 'Recherches touchant la structure du cœur humain. — 61. 'Souvenirs de Londres et de Paris {Ned. Lanc). 1852-1853. — 62. 'Mouvement des p)Oumons et du cœur dans la respiration {Onderz. phys. Lab., ii, 1-18). — 63. 'Application de V ophthalmoscope pour reconnaître des maladies oculaires {Ibid., 31-36). — 64. * V ophthalmoscope de Helmholtz {Ned. Lanc, et Ann. d'ocu- listique, 1852). — 65. 'La découverte de Cramer touchant la cause prochaine du pouv. accom- mod. de Vœil {Ned. Lancet). — 66. De justa necessitudine scientiam inter et artem medicam, et de utriusipœ juribus et mutuis officiis {Oratio, Traject. ad Rhen., 1833). — 67. 'Manuel d'histoire naturelle de l'homme sain, etc. 2'^ partie, Physiol. spéciale I. Fonction de nutri- tion (En coll. avec Bauduin). Utrecht et Amsleriain, ini-8, 1853. — 68. 'Yeux d'animaux, examinés ci l'aide de l'ophtalmoscope {Ned. Lanc). — ■ 69. 'Vision double, suite de cataracte commentante chez un strabique {Ond. phys. Lab., Utrecht, I R., 39-41). — 70. 'Les grosses cellules de E. H. Webcr clans les villosités intestinales pendant V absorption {Ibid., 47-48). — 71. '{Ibid., 48-52). — 72. 'Contribut. à la struct. et ci la fonction des organes digestifs {Ibid., 37-96). — 73. Cuntrib. à la struct. plm intime et à la fonction de l'intestin grêle {Ibid., 190- 196). — 74. 'De la structure des glandes lymphatiques de l'intestin et du mouvement de la lymphe {Ibid., 197-204). — 75. ' Scrupides concernant la formule de Buys-Ballot et Fabius destinée à calculer la capacité vitale {Ibid., 205-210). 1853-1854. — 76. 'Les rayons invisibles de forte réfrangibilité dans leur rapport avec les milieux de l'œil {Ibid., 1-13). — 77. "L'action des muscles de l'œil {Ned. Lancet). — 78. Examen critique de la théorie de Cramer concernant l'accommodation des yeux {Ond. phys. Lab. Utrecht, i K., 35-73). — 79. ' Miscellanea {métropie, grains d'amidon' dans les centres nerveux) {Ibid., 74-77). — 80. Miscellanea {découverte du follicule de de Graaf, de l'œuf des mammifères, améliorcUions apportées à Vophtalmoscope, constatations faites avec l'ophtlial- moscope sur l'œil sain, nouvelles constatations faites avec l'ophthcdm. sur des yeux mcdades; cjuantité de sulfate d'atropine nécessaire pour dilater la pupille, (dbinisme, lunettes sténo- péiques pour améliorer la vision dans les taches cornéennes, torpeur rétinienne conqénitcde héréditaire) {Ibid., 123-164). — 81. 'Un mot sur l'action purgative des sels cdcalins {Ibid., 163-170). — 82. * Le pouvoir accommodateur expliqué physiologiquement {Ned. Lanc, 1854). — 83. 'Avis cliniques concernant l'ophthalmologie {Gen. Courant, 1834). — 84. * Sur le m. de Crampton et sur le pouvoir accommodât, des oiseaux {Utrechtsch Genovtschap., 1854). — 170 DONDERS (Frans Cornelis). 85. * Les phénomènes visibles de la circulation du sang dans Vœil [Ond. phys. Lab. Utrecht, 90-120). — 86. *Contrib. à l'anat. pathol. de l'œil [métamorph. du pigment noir de la cho- roïde [Ibid., 1.30-144). 185o-18o6. — 87. *Contrib. critique et expérimentale à V hémodynamique. 1. Pression du sang dans les artères différ. du même animal; 2. L'influence de l'action du cœur sur la pres- sion du sang {Ibid, 145-181) ; .3. Calcid de larésistance {Ibid., 1 R., 1-18). —88. * Physiologie des Menschen (B. ii), {Deutsche Original- Ausgabe, Leipzig, 1856). — 89. * La spirométrie aux points de vue physiologique et pathologique {Onder. physiol. Lab. Utrecht, i R., 19-36). — 90. "Des corpuscules salivaires {Ibid., 37-38). — 91. "L'absorption de la graisse dans le tube digestif {Ibid., o3-70). — 92. "Notices anatomopathol. touchant l'œil {Ibid., 124-128). — 93. "Néoformation de membranes hyalines dans l'œil {Ibid., 173-178). — 94. "Développe- ment de pigment dans la rétine {Ibid., 189-200). — 95. "Anatomie pathol. de l'œil {Versl. et Med. d. k. Ak. v. Wetensch, v, 106). 1857. — 96. Die Natur der Vocale (Holl. Beitràge). — 97. Imbibitionserscheinungen der Hornhaut und der Sclerotica {Arch. f. Ophtalm., 111). 1858. — 98. "Sur les différences des limites de l'accommodation et sur le choix des lunettes {Ned. Tydsch. v. Geneesk.). — 99. \Vinke ûber den Gtbrauch von Brillen {Arch. f. Oph- thalm.). — 100. Untersuchungen liber die Entioickelung und den Wechsel der Cilien {Ibid., iv). 1859. — 101. Physiologie des Menschen {Deutsche Original- Ausgabe ùbersetzt von Theile, 2"' verb. Auflage). 1860. — 102. " L'amétropie et ses conséquences, Utreclit, in-8, van der Post. 1861. — 103. Physiologie de l'homme, édition russe. — 104. "Rapport concernant l'usage comme nourriture de la viande des animaux souffrant de malad. contagieuses {Versl. en Med. d. lion. Ak. V. Wetensch.). — 105. "Symptômes paralyt. après la diphtérie {Tyschr. v. Gen.). — 106. "Le système réfringent de Vœil humain dans l'état normal et pathologique {Versl. en Meded. d. Kon. Ak. v. Wetensch.). 1862. — *107. Astigmatisme et verres cylindriques, Utrecht, in-8, v. d. Post). 1863. — 108 *DoNDERs et Doyer. La situation du centre de rotation de l'œil {Arch. f. holl. Beitr.). — 109. "Les anomalies de la réfraction, causes de strabisme {Versl. en Meded. d. Kon. Akad. v. Wetensch.). — 110. Zur Pathologie des Schielens (Arch. f. Ophthalm.; — A7inales d'oculistique, ii, 205). — 111. "Sur la culture du quinquina {Arch. f. d. Holl. Beitràge). — 112. Dans Compte Rendu du Congrès cV ophthalmologie ; 2 articles : i. Astig- matisme; 2. Strabisme. — 113. Die Refractionsanomalien d. Auges u. ihre Folgen, Poggen- dorfs Annalen. — 114. Ueber einen Spannungsmesser des Auges {Ophthalmo-tonometer) , iiber Glaucom, Astigmatismus u. Sehschàrfe. Aus einem Schreiben an v. Graefe {Archiv f. Ophthalm.). 1864. — 115. The anomalies of refraction and accommodation, transi, by D. Moore {Sydenh. Society, in-8). — 116. "Sur le timbre des vocales {Versl. en Meded. d. Kon. Acad. V. Wetensch.). Voir aussi Arch. f. d. Holl. Beitr. et Poggendorffs Annalen). — 117. "Tra- vail musculaire et développement de chaleur dans leurs rapports avec les cdiments nécessaires {Nederl. Arch.). 1865. — li%. L'action des mydriatiques et des myotiques {Ann. d'ocul.). — 119. * Atélec- tasie complète chez un enfant qui avait respiré pendant douze heures {Ned. Arch., i, 3). — 120. "Respiration thorac. et abdom., propre aux actions de soupirer et de bâiller {Ibid.). — 121. De la voix et de la parole. I. Méthodes pour analyser des sotis, surtout ceux de la voix humaine. II. Des instruments à anche qui produisent la voix et la parole {Ibid.), — 122. *La vision dans des cas de réfraction inégale des deux yeux et des remèdes à appliquer dans ces cas [Ibid.). 1866. — 123. Traduction allemande du n° 115 ; Die Refractions u. Accommodations- Anomalien, ùbersetzt von 0. Becker {Wien, Rraumiiller) . — 124. "Myopie et son traitement {Tiel, Campagne). — 125. On the constituents of food, translated by Mooue, Dublin, in-8, traduction du n° 107. — 126. "Le rhythme des sons cardiaques {Ned. Arch.). — 127. "Tra- vail accompli dans l'action d'enfoncer des poteaux {Ibid.). —128. "Influence de l'accommo- dation sur l'appréciation de la distance {Ibid.). — 129. "La vision binoculaire et l'appréc. de la troisième dimension {Ibid.). 1867-1868. —130. "Examen du cardiographe {Ond. Physiol. Lab. Utrecht, 2 R., 1-20). — 131. "Deux instruments pour mesurer le temps nécessaire pour les processus psychiques DONDERS (Frans Cornelis). 171 {Noématachographe et nocmatachométre) {Ibid., 21-23). — 132. *Sur le mouvement ascen- dant des substances plastiques dans les pédicules des feuilles [Ibid., 23-30). — 133. *Sur Vin- nervation du cœur en rapport avec celle de la respiration {Ibid., 220-226). — 134. *Post- scriptum à mon article sur l'innervation du cœur {Ibid., 287-289). 1808-18G9. — 135. Sur la vitesse des processus psychiques {Ibid., 2 R., ii, 92-120). — 136. Manière dont se développe l'effet arrestateur du cœur après une excitation momentanée du nerf vague {Ibid., 289-313). — i31 .* Nouvelle méthode d'étudier des secousses d'induction {Ibid., 316-318). — 138. * La myopie et son traitement {Versl. Ned. Gasth. v. Oogl., D. 2, i). — 139. De la physiologie du nerf vague {A. g. P., i, 331). — 140. * Changements périod. dans la dilatât, de la pupille {Ned. Lanc, iv; Versl. Ned. Gasth., ii). 1870-1871. — 141. "Le mouvement de l'œil, démontré avec le phénophthalmotrope [Ond. Physiol. Lab. Utrecht, 2 R., m, 119-139). — 142. * Association congénitale et acquise. Post- scriptum à un article d'Adamùk [Ibid., 145-134). — 143. Sur le soutien de l'œil dans la con- gestion par la pression expiratoire {Ibid., 273-299). — 144. * La physiologie des sons de la parole, en particulier de ceux de la langue hollandaise {Ibid., 234-273). 1872. — 145. *Le laboratoire physiol. de l'Université d'Utrecht {Ibid., i-xii). — 146. * Sur tes rapports entre la lumière et la perception lumineuse {Wet. Bydr. Ned. Gasth. v. Oogl., 143). — 147. * L'action du courant constant sur le nerf vague {Ond. Physiol. Lab. Utrecht, 3 R., I, 1-26). — 148. *La combinaison stércoscopique après l'opération du strabisme, un argument contre la théorie empiristiqiœ {Ibid., 83-92). — 149. * Les jjhénomènes chimiques de la respir. sont W2 processus de dissociation {Ibid., 92-102). — 150. "La projection des phénomènes visuels suivant les lignes de direction {Ibid., 143-167). — 151. * Les contractions secondaires produites avec et sans excitation du n. vague {Ibid., 246-236). — 152. * Courant électr. musculaire de repos et secousse secondaire provoquée par le cœur {Ibid., 236-266). — 153. * La durée de la période latente dans l'action que le n. vague exerce sur le cœur {Ibid., 272-281). — 154. * Remarques pratiques touchant l'influence des lentilles sur Vacuité visuelle {Ibid., 282-299)". 1873. — 155. *De V accommodation apparente dans l'aphakie {Ibid., n, 125-150). — 156. * Les positions primaires de Vœil : a) avec des lignes visuelles parallèles ; b) avec les mêmes lignes convergentes {Ibid., 380-386). 1874. — 157. *Un mot sur le mécanisme de la succion {Ibid., m, 94-100). — 158. *Post- scriptum touch. la loi réglant V orientation de la rétine par rapport au plan du regard {Ibid., 183-189). — 159. *Les méridiens correspondants des rétines et les torsions symétriques des deux yeux {Ibid., 43-78). 1877. — 160. "Essai d'une explication génétique des mouvements oculaires {Ibid., iv, 31-94). — 161. "Les limites du champ visuel en relation avec celles de la rétine {Ibid., 325- 350). 1879. — 162. "Examen du sens visuel du personnel des chemins de fer {Wet. Bydr. Ned. Gasth. V. Oogl., 1). — 163. Discours d'ouverture {Congr. intern. des sciences médicales d'Amsterdam). 1880. — 164. "Une lunette pancratique {Ond. Physiol. Lab. Utrecht, 3 R., v, 1-12). — .165. 'La détermination quantitative de la chromatopsie {Ann. d'Ocul., lxxix, 273 et Ond. Physiol. Labor. Utrecht, 3 R., v, 34-43). — 166. " Postscriptum au n° 133 {Ibid., 69-73). — 167. * Rapport concernant V examen de la vision du personnel du chemin de fer hollandais {Wet. Rydr. Ned. Gasth. v. Oogl., 144). — 168. Des systèmes dichromatiques. Comm. préal. {Ann. d'Ocul., Lxxxr, 7). — 169. Des échantillons pseudo-isochromat. pour examiner la cécité des couleurs {Société d'Heidelberg, C. R., 171). 1881. — 170. Des systèmes chromatiques {Ann. d'Ocul., lxxxiv, 203). — 171. "Nouvelles recherches sur les systèmes chromatiques {Ond. Physiol. Lab. Utrecht, vu, 93-109). 1883. — 172. "Encore une fois les systèmes chromatiques, en vue cVune critique de Hering {Ibid., VII, 1-128). 1884. — 173. Comparaison de couleurs {Ibid., viii, 170-189 et, ix, 43-86) (Voir aussi Arch. f. Ophthalm , xxx). DoNDERs a encore inspiré à ses élèves de nombreux travaux, généralement des disser- tations inaugurales d'Utrecht. Voici les principaux titres de ces ouvrages) : 1848. — 1. Mensonides (Justus Aldert). De absorptione molecularum solidarum. 172 DONDERS (Frans Cornelîs). 1849. — 2. FiLAiNUs (i. G. R.). De saliva et muco. — 3. Begkers (G. A. J.). De alvo et urina, spina meduUar. affect., velsuppress., vel sinevohmtateprorumpentibiis. — 4. Lammerts VAN BuEREN (R.)- De lacté. j850. — 5. Berlin (G.). De circulatione in cavo cranii. — 6. Woltersom. De mutatiotiibtii^ in sano corpore sangiiinis detractione productis. 1851. — 7. CosTER (D. J.). De plantarum indigenarum usu in medicina. 4832. — 8. Van der Mehr Mohr (Joh. H.). Casus morboriim. cerebri. 1833. — 9. Cramer (H. G.). Casus morbi Brightii. — 10. Van Frigt. De spécula oculi. — 11. RuiTER (G. G. P. de). De actione atropae belladonna'e in iridem. 1854. — 12. Andréas DoNCAN. De corporisvitrei structura. — 13. Van VVyngaardex. Depers- picillis stenopaeis, etc. — 14. Heynsius (A.). De susurrorum vascularium explicatione physica. 1833. — 15. Beere Callenfels (Van Der). De vi nervorum vaso-motoriorum in circula- tionem et caloris productionem. — 16. Van Reeren. De apparatu oculi accommodationis. 1836. — 17. Cnoop Koopmans. De digestione corporum albuminoïdum vegetabilium. — 18. MuLDER (L. J.). De motibiis reflexis. 1837. — 19. *MoLL (J. A.). Contrib. à l'anat. et physiol. des paupières. — 20. Herm. Snellen. L'influence des nerfs sur l'inflammation. Recherches expérimentales. — 21. Gun- YiNG (G. M.). Recherches sur le mouvement et la stase du sang. 1858. — 22. Mac Gillayry (Th.). De l'étendue de l'accommodation. 1859. — 23. Bressler. Sur la diastole du cœur. — 24. Schoexmaker. Actio)i des muscles intercostaux. — 25. Kuyper (A. H.). Sur les mydriatiques. — 26. *Brondgeest (P. Cl.). Sur le tonus des muscles. 1861.— 27 *De Brieder. Les troubles de l'accommodation de l'œil. — 28. *Maas (H. G.). Sur la torpeur de la rétine. — 29. *Haffmans (J. H. A.). Contr. à la connaiss. du glaucome. — 30. * Wilde (A. J. P. de). Cas d'iritis et d'irido-choroiditis. 1862. — 31. *De Haas. Rech. histor. sur l'hypermétropie et ses conséquences {Diss.). — 32. *Vroesom de Harn (J.). Rech. sur Vinfl. de l'âge sur l'acuité visuelle {Ibld.). 1863. — 33. *Middelburg (H. A.). Le siège de l'astigmatisme [Ibid.). — 34, *Hamer. Sur l'action antimydriatique de la fève de Calabar {Versl. Ned. Gasth. v. Oogl., 133). — 35. * V. Mansvelt. Sur l'élasticité des muscles (Diss.). — 36. * Van Woerden. Les vaisseaux visibles à l'extérieur de l'œil à l'état normal et l'état pathologique. 1863. — 37. *Jager (J. J. de). Le temps physiologique dans les processus psychiques. — 38. "Verschoor (J. W.). Optomètres et optométrie. — 39. *Van der Laan (P. A.). Troubles visuels et albuminurie. — 40. *Maats (J. J.). Les maladies sympathiques de l'œil. 1866. — 41. *Greve (D. H.). Sur les tumeurs dans l'œil. — 42. *Rive (W.). Le sphygmo- graphe et les courbes sphymographiques. — 43. * Terne van der Heul. L'influence des phases respiratoires sur la durée des périodes cardiaques. 1867. — 44. * Place (Th.). L'oncle de contraction des muscles striés. 1868. — 45. *Prahl (J. H. F.). Sur l'influence du nerf vague sur les mouvements car- diaques. — 46. *MoNNiK (A. I. W.). JJn tonométre nouveau et son emploi. — 47. *Berns (A. W. C). De l'influence de différ. gaz sur le mouvement respirât. 1870. — 48. "Nyland (A.). De la durée et de la marche des courants électriques induits, — 49. 'DoBROwoLSKY. Obscrvut. sur la circulât, au fond de l'œil chez l'homme et chez le chien {Onderzoek., (2), m, 408). — 50. *Skrebiïzky (A.). Contrib. à la doctrine des mouvem. de l'œil {Ibid., 424). 1873. — 51. *CoERT (J.). De l'accommodât, apparente clans l'aphakie. — 52. *Talma (S.). De la lumière et de la perception des couleurs. — 53. * Van Dooremaal (J. C). Des suites de l'introduction de tissus vivants et d'objets morts dans l'œil (Diss.). — 54. *Van der Meulen (J. E.). Stéréoscopie avec acuité visuelle défectueuse (Ibid.). — 55. *Van der Meulen et Doo- remaal. Vision stéréoscopique sans images rétiniennes correspondantes [Onderz., (3), ii, 119). — 56. *NuEL (J. P.). De Vinfl. de l'excit. du nerf vague sur les contractions cardiaques chez la grenouille [Ibid., 291). 1874. — 57. *Van Moll (F. D. A. C). De l'incongruence normale des rétines (Diss.). — 58. *MuLDER (M. E.). Les torsions parallèles des deux yeux autour de l'axe optique [Ibid.). 1873. — 59. *Brakel. Le colostrum et son développement (Ibid.). — 60. Ritzmann. De l'intervention des mouvem. ocul. dans les déplacem. ordin. du regard {Arch. f. Ophth., xxi). DOULEUR. 173 1876. — 61. *Krenciiel. Sw l'action de la muscarinc sur Vaccoimaodation et la piqnlle [Onderz., (3), m, 22). — 62. *Kuster (F.). Les cercles de direction du champ visuel {Ibid., (3), IV, 118). — 63. *Grossmann r. Mayerhausen. Sur la vie des bactéries dans les gaz {Ihid., (2) 245); — 64. * Les mêmes. Déterminât, du champ visuel chez quelques mammifères [Ibid., 3ol). 1880. — 65. *HoRSTMANN. Sur laprofondeurde la chambre antérieure de l'œil {Ibid., (3), V, 161). — 66. *Van Overbeek de Meyer, Sur Vinfluence de roxygène à haute pression sur les organismes infér. et cellules vivantes (Ibid., (3), vi, loi). 1882. — 67. *Van der Weyde (A. J.). Recherch. mcthod. des systèmes chromatiques de daltoniens {Ibid., (3), vu, 1). 1884. — 68. *HuYSMA.\ (A.). Sensibilité du nerf acoustique émoussée par différents sons {Ibid., (3), IX, 87). — 69. * Hamburger (H. J.). Influence des combin. chimiques sur les glo- bules du sang en rapport avec leur poids moléculaire {Ibid., ix, 26). —70. *Eintiioven (W.). Stéréoscopie par différ. de couleurs {Ibid., (3), x, 1). — 71. *Van Tussenbroek (A. P. C). Confribut. morpholog. à la genèse du lait {Ibid., 260). Notices biographiques sur F. C. Donders. — Kolliker (A.). Skizze ciner iviss. Beise nach Rolland u. England {Zeitschr. f. iviss. lool., iir, 1830, 86). — F. C. D. Notes on London and Paris {Nederl. Lancet, 1852). — Photographs of eminent men of ail countries, etc., by T. Her- bert Barker and E. Edwards, in-4, London, 1 867-1868, ni, 93-104). — F. C. D. Discours d'ouverture {Congrès, intern. d. se. médic, Amst., 1879). — Festsitzung der Ophthalmol . Gesellsch. in der Aula der Heidelberger Univ. am 9. Aug., 1886. — Ueberreichung der Graefe- Medaille an H. von Helmholtz, Rostock, 1886. — Het jubilaeum van Prof. F. C. Donders, gevierd de Utrecht op 27 e 28 Mai 1888. Gedenkboek wltgegev. door de Comissie, Ulrecht, van de Weyer, 1889. — F. C. D. Festgntss zum 27 Mai 1888, dargeboten von Jac. Moles- cuoTT, Giessen, 1888. — Mort de Donders {Annal. d'Oculist., mars-avril 1889). — F. C. D., VON W. A. Brayley {Brit. Med. Journ., 30"' mardi 1889). — F. C. D. par le D"" E. Landolt {Arch. d'Ophthalm., mai-juin 1889). — Die ophthalm. Gesellsch, ivâhrend d. ersten 25 Jahre ihres Bestehens, von 1863-1888, Zehe.\der, Rostock, 1888). — Commemorazione dell'Accad. onor. F. C. Donders, etc. letta dal Prof. G. Colosanti n. sed. d. R. Accad. mcdica di Roma, il 28 aprile 1889. — F. C. D. {Klin. Monatsbldtter f. Augenheilk., v. v. Zehendeb, Mai 1889). — Snellen (H.) {Nederl. Gasth. voor beh. en minverm. Ooglyders gevest. de Utrecht, 29 Juli 1889). — F. C. D. et son œuvre, .1. P. Nuel {Ann. d'Oculist., 1889, 1-107). — F. C. D., Gedenkrede geh. in der feierl. Jahressitz. der Buda-Pest k. Ges. d. Aer/.te, am, 14 okt. 1889, D. W, Goldzieher. — Bericht ùber die 20' Vers. d. Ophthalm. Ges. Heidelberg, 1889, W. HESset Zehender, Rostock, 1889). — Stokwis. In Mannen van beteekenis, Haar- lem, 1889. — F. C. D., Horstmann {Deutsch. med. Wochenschr., 1889, n» 14). — F. C. D. K. F. VVenckebach Studenten-Almanak, Vlrecht, 1890. — F. C. D. Henry Williams m Proc. Am. Acad. Arts and Science, xxiv. — F. C. D., Th. W. Engelmann {Onderzoek. physiol. labor, Utrecht, (4), i, 1890). — In Memoriam F. C. D., W. Bowman (Proc. Roy. Soc. London, 1890, etc., etc.). W. E. DOULEURi — Le phénomène de la douleur a été souvent étudie, mais plutôt par les philosophes elles médecins que par les physiologistes. Les philosophes ont com- paré la douleur au plaisir, et cherché dans des raisons d'ordre métaphysique la cause essentielle de la douleur, ce qui les a entraînés à des hypothèses parfois peu satisfai- santes. Les médecins, préoccupés, avant toutes choses, de soulager les souffrances de leurs malades, ont surtout examiné la question au point de vue de la thérapeutique ou de la sémiologie. Les nombreux ouvrages ou thèses de médecine où a été abordée l'étude de la douleur ne sont guère utiles à la psychologie. Nous allons étudier la douleur aux points de vue de ses signes, de ces causes, de ses effets. Nous ne chercherons nullement à la comparer au plaisir; car c'est déjà une hypo- thèse que de faire de la douleur le contraire du plaisir, et on n'éclaircit pas un phéno- mène obscur par un autre plus obscur encore. Nous essayerons donc d'analyser la douleur comme un fait physiologique et psycholo- gique, sans nous attacher ni au traitement ni aux indications diagnostiques qu'elle donne. Signes de la douleur. — Il n'est pas besoin de définir la douleur. Chacun l'a 174 DOULEUR. éprouvée, chacun la connaît; et, par conséquent, s'en rend compte mieux par lui-même que par la lecture d'une description. Toutefois, pour des raisons que je développerai plus loin, je proposerais de définir la douleur : une sensation telle qu'on désire ne pas l'éprou- ver de nouveau. Autrement dit encore, c'est une sensation qu'on déteste, et dont on veut s'éloigner. Les signes de la douleur ne sont pas forcément liés à l'existence même de la douleur. Dans certains cas, des individus très courageux peuvent supporter des douleurs très vives, sans que cependant rien, dans leur altitude, dans leurs gestes ou leurs paroles, ne trahisse la douleur intime qu'ils ressentent. Les anciens chirurgiens, au temps où les opérations se faisaient sans chloroforme, ont tous rapporté des récits vraiment extraor- dinaires de longues et douloureuses opérations, dans lesquelles le patient ne laissait pas échapper même un soupir. Les physiologistes aussi ont vu des animaux subir parfois sans réagir d'énormes mutilations. Il est assurément impossible de connaître ce qui se passe dans la conscience d'autrui, que ce soit un animal ou même un homme ; mais il me paraît — ceci n'est et ne peut être qu'une hypothèse — que ces différences, comme on dit, de courage, sont surtout des différences de sensibilité. Les grenouilles d'été, dont la température est 16° à 22", sont beaucoup moins courageuses que les grenouilles d'hiver. Les cris, les mouvements de défense, de fuite, sont bien plus marqués chez certaines races de chiens que chez d'autres, et je pencherais à croire que ces différences ne sont pas dues à des variations dans la puissance de l'inhibition, mais dans la sensibilité à la douleur. Ce qui complique le problème, c'est que les excitations qui produisent de la douleur produisent aussi des phénomènes l'éflexes multiples, qu'on a appelés assez témérairement des réflexes de douleur. Rien ne prouve pourtant que ces réponses nerveuses soient dues àla douleur même. Mantegazza, dans son ouvrage sur la physiologie de la douleur, admet que les cris, les changements dans la i^espiration, dans la tonicité des muscles, dans l'état de la pupille ou de la pression artérielle sont toujours dus à la douleur. Mais on ne peut accepter cette opinion; car ces divers phénomènes rétlexes se produisent encore quand l'encéphale a été enlevé, et que, par conséquent, il n'y a pas de douleur perçue par la conscience. Vulpian a enlevé le cerveau à des rats, et, quoique ils n'eussent plus que la protubérance, ils avaient encore un tressaillement chaque fois qu'un coup de siftlet retentissait près d'eux. Après une section de la moelle toute excitation forte va modi- fier l'état du cœur. Quoique Fr. Franck ait jadis cru pouvoir appeler ces effets cardia- ques, effets de la douleur, il me paraît quïl y a là une hypothèse, et une hypothèse même assez peu probable, car ces manifestations ne sont pas abolies par les sections bulbaires, et, par conséquent, ce sont plutôt des réflexes généraux que des réflexes de la douleur. Les auteurs américains ont signalé le cas vraiment extraordinaire, et jusqu'à présent unique, d'un individu qui n'avait jamais senti aucune douleur physique (Strono, 189o). Cet homme, parvenu à un âge assez avancé, pouvait impunément se faire à lui même des mutilations graves. On l'opéra de la cataracte, sans qu'il fît le moindre mouvement. Atteint d'une maladie interne, il souffrit à peine davantage. Mais, en admettant même que le fait ait été bien observé (par Paul Eve), il faut évidemment le rattacher aux cas patho- logiques, relativement fréquents, d'aneslhésie ou plutôt d'analgésie hystérique. De fait, la douleur existe sans exception, quoique à des degrés divers, chez tous les êtres humains. On ne peut guère en dire davantage, et les signes de la douleur ne fournissent que des renseignements assez imparfaits sur les divers degrés de la sensibilité aux excita- tions douloureuses. On a essayé de construire des appareils, nommés algésimètres, ou algométres (Lou- BROSO, Griffing, Buch), et d'autres auteurs encore ont fait des tentatives dans ce sens. On a essayé l'électricité (Lombroso), qui paraît plus facile à doser que les autres modes d'excitation; ou une tige d'acier en forme d'aiguille pénétrant dans la peau à des piofon- deurs variables, de 1/10 de millimètre au début (Philippe). Les essais faits avec des pressions différentes de la peau, pour déterminer le moment où une pression croissant graduellement finit par déterminer de la douleur {algo7nëlric\'!]) n'ont pas donné à Griffing des résultats valant la peine d'être notés. Il semble cependant qu'il se dégage de ses recherches, très difficiles évidemment à interpréter, que les indi- DOULEUR. 17.S vidus les plus sensibles à la douleur pour la pression de la peau de la main, sont aussi, en général, les plus sensibles pour la douleur à la pression de la peau de la tête. En somme, les algoniètres vraiment exacts font à peu près défaut, et nous ne voyons pas bien à quel degré de précision il sera possible de parvenir. Toutefois, comme les signes extérieurs de la douleur sont le seul moyen de juger d'une douleur qui n'est pas perçue directement par notre propre conscience, nous sommes forcés d'accepter ce critérium, et de considérer chez autrui la douleur comme absolu- ment proportionnelle à ce qu'il dit ressentir, et aux réactions conscientes et voulues qu'elle provoque.- Nous admettrons donc que la sensibilité à la douleur est d'autant plus vive [que les réactions à la douleur sont plus intenses. Assurément, ce n'est pas une certitude mathématique; mais c'est une certitude physiologique, relativement suffi- sante. Causes physiologiques de la douleur. — D'une manière générale, on peut dire que toute douleur estprovoquée par une excitation forte ou un état anormal de l'organisme. Chez l'homme et chez tous les animaux, la vie en elle-même, quand il n'y a pas de lésion ou de troubles organiques, se poursuit sans provoquer aucune douleur. Certes, l'être éprouve des besoins multiples; mais ces besoins ne sont pas des douleurs, et, d'ailleurs, dans les conditions ordinaires de la vie, ils sont vite satisfaits. La faim, sous sa forme légère, est plutôt agréable que pénible : c'est l'appétit; le besoin de sommeil, la soif, le besoin de respirer, sont des sensations qui n'ont rien de douloureux; au con- traire, elles sont plutôt agréables quand elles trouvent un rapide et facile apaisement. Les excitations multiples qui frappent nos sens ne sont pas douloureuses, tant qu'elles restent modérées. Elles produisent des émotions diverses, elles amènent des réactions et des mouvements; mais mouvements, réactions, sentiments, tous ces phénomènes sont bien différents de la douleur. Au contraire, qu'une excitation forte intervienne, aussitôt la douleur apparaîtra, et elle sera d'autant plus intense, toutes conditions égales dans la sensibilité de l'être, que l'excitation aura été plus forte. Cela est vrai de toutes les sensations, quelles qu'elles soient. Prenons l'excitant électrique, celui dont on peut le plus facilement faire croître régu- lièrement l'intensité. Quand l'excitation est très faible, la sensation est nulle, et la dou- leur, par conséquent, nulle aussi. Mais, en augmentant l'intensité de l'excitant, on arrive à un degré tel qu'on perçoit un léger fourmillement, très perceptible et nullement dou- loureux, quoique peu agréable. Ce fourmillement, si l'on continue à augmenter l'inten- sité de l'excitant, finit par devenir assez fort, désagréable même; et enfin, si l'augmen- tation de l'intensité continue, ce sera une sensation odieuse, même douloureuse, et franchement insupportable. Ainsi nous pouvons considérer trois phases dans l'excitation électrique, au point de vue de notre sensibilité ; une phase A, pendant laquelle l'excitant est trop faible pour provoquer une sensation quelconque ; une phase B, pendant laquelle il y a sensation, mais sensation non douloureuse, et enfin une phase C, pendant laquelle la sensation est douloureuse. Si nous employons d'autres excitants, nous retrouverons exactement ces trois mêmes . phases. Prenons comme exemple l'excitation mécanique des nerfs de la sensibilité. Si l'on applique sur le dos de la main, je suppose, un poids extrêmement léger, de Of'sOOOt par exemple, ce poids ne sera pas senti, et il faudra un poids plus fort, soit de 0S'',001, pour provoquer une sensation. La phase A sera tout poids inférieur à 0'?'',001. La phase H de sensation sans douleur comprendra tous les poids qu'on pourra appliquer sur la main sans provoquer de douleur. Déjà, si l'on applique 40 kilos, la sensation est désagréable; et, enfin, à supposer une pression de 400 kilos, la douleur sera atroce : de sorte (}ue, comme pour l'électricité, nous avons pour les excitants mécaniques trois phases : une phase de non-perception (A), une phase de perception sans douleur (B), et une phase de perception avec douleur (C). Soit l'intensité de l'excitant croissant régulièrement suivant une droite, on voit qu'il y a, entre l'excitant trop faible pour être perçu, A, et l'excitant fort qui est douloureux, C, une intensité d'excitation qui correspond à la phase B, et qui convient précisément à la 176 DOULEUR. production d'une sensation nette, non douloureuse, éveillant une image bien définie dans la conscience et ne de'sorganisant par la fibre nerveuse. Évidemment les choses n'ont pas cette netteté schématique, et les phases A, B, C ne sont pas aussi distinctement séparées que nous l'indiquons. Il y a un seuil d'excitation {Reizschivelle) qu'il est impossible de déterminer avec une précision absolue. De môme encore, entre une sensation non douloureuse et une sensation très douloureuse, il y a une limite difficile, et même impossible à établir, variable suivant quantité de condi- tions. Pour les autres excitants de la sensibilité tactile, on retrouve les mêmes lois. Ainsi, pour le sens thermique, si nous plongeons la main dans de l'eau à 37°, la sensation sera purement perceptive; c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de douleur; mais élevons progres- sivement la température, à 43", par exemple, nous aurons une sensation presque doulou- reuse, qui, à 50", sera une franche douleur, insupportable. Si l'eau, au lieu d'être chauffée, est refroidie, on n'atteindra pas, à vrai dire, la limite de la douleur; car à 0" la sensation est désagréable, mais ce n'est pas une vraie douleur; pourtant je ne crois pas qu'on puisse m'accuser de paradoxe si je prétends que le contact (prolongé) de l'eau à 0° est douloureux. Ici une notion nouvelle est nécessaire. Quand on parle de l'eau à 0", ou à 30", ou à 50°, ou à 80", on ne veut pas dire sensation forte ou faible. Ce n'est pas comme pour les poids qui pressent sur la main d'autant plus qu'ils sont plus lourds, ou comme l'électri- cité qui stimule les nerfs en proportion de la différence croissante de potentiel. 11 faut admettre que l'intensité de l'excitation, dans ce cas spécial de l'eau chaude ou froide, dépend de la différence de température entre la main elle-même et le bain dans lequel elle est plongée. Par conséquent, ce qui mesure la force de l'excitation, c'est la différence entre 33", qui est à peu près la température moyenne de la peau, et la température du milieu liquide ambiant. On voit que la douleur survient lorsque la température croît ou décroît, à la vérité beaucoup plus vite quand elle croît que quand elle décroît. Nous devons faire partir de 33" environ la phase A d'inexcitabilité, phase qui est très courte, puisque de très faibles différences thermiques entre 33" et la température du milieu sont perçues; puis la phase B, qui va, je suppose, de 33° à 43"; puis enfin la phase C, douloureuse, dans laquelle l'eau chaude produit non seulement une sensation de chaleur, mais encore une douleur insupportable. On peut appliquer la même courbe aux températures décroissantes ; de 33" à 10" .environ, il n'y a pas douleur proprement dite; mais, à partir de 10°, la sensation de froid devient pénible, puis vraiment douloureuse. L'immersion de la main dans du mercure refroidi à — 30° est extrômemenl douloureuse. Les autres sensibilités se prêtent aux mêmes considérations. L'excitant lumière par exemple a une phase A très courte, une phase B très étendue, et enfin, si la lumière est très intense, comme par exemple la lumière solaire, ou celle de l'arc électrique, les yeux ne peuvent en supporter l'éclat. Cette lumière éblouissante, aveuglante, ne produit pas une vraie douleur, dans le sens qu'on donne en général à ce mot, réservé le plus souvent aux excitations cutanées; mais c'est une sensation extrê- mement pénible qu'on ne se résigne pas à affronter, et à laquelle je crois pouvoir donner le nom de douloureuse. Ces remarques s'appliquent absolument à la sensibilité auditive. Les sons très stri- dents et très forts sont insupportables; ils déchirent le tympan, comme on dit vulgai- rement. Pour le sens du goût et le sens de l'olfaction, il est maintenant bien prouvé que la nature des excitants gustatifs ou olfactifs est chimique. Nous avons donc des substances agissant par un processus chimique quelconque; les unes, volatiles, sur la muqueuse olfactive; les autres, liquides ou dissoutes, sur la muqueuse linguale. Or, si l'intensité de cet excitant chimique est trop forte, la douleur survient, et, en même temps que'la dou- leur arrive, la perception nette disparaît. Par exemple, l'acide acétique à grande dilution, au millième, je suppose, a plutôt un goût agréable; mais déjà une dilution au centième paraît forte, et sans aucun agrément, presque brûlante; et enfin, dilué au dixième, c'est un liquide caustique qui brûle et pro- duit une sensation d'extrême douleur. Pour l'olfaction, on peut prendre l'exemple de DOULEUR. 177 raminoniaque gazeuse, qui est extrêmement douloureuse quand elle se tjouve mélangée à l'air en forte proportion. Voici donc, de cet aperçu sommaire, une conclusion évidente qui se dégage : La dou- leur est produite par une excitation nerveuse forte. Or qu'est-ce qu'une excitation nerveuse, sinon un cliangement d'état du nerf? A l'état normal, le nerf est dans un certain état mécanique, électrique, chimique, thermique. Or tout ce qui va modifier cet état sera une excitation. Par conséquent, nous pouvons émettre notre proposition — la douleur est produite par une excitation forte — sous une forme un peu différente, mais qui n'en changera pas le sens. La douleur est produite jmr toute cause qui modifie profondément l'état du nerf. II est clair que les changements dans l'état des nerfs ne sont pas dus seulement à des excitations traumatiques, mécaniques, mais encore à des excitations chimiques, à des intoxications ; et probablement toutes les douleurs pathologiques sont dues à des intoxications véritables. Par exemple, la douleur musculaire qui suit la fatigue exagérée des muscles est due assurément à l'altération, probablement chimique, des muscles par les produits de désassimilation musculaire. La douleur très vive d'un phlegmon est due aux substances toxiques irritantes sécrétées par les microrganismes. L'inllammation d'une région quel- conque de l'organisme (arthrites, ostéites, cystites, méningites) est due à la réaction des tissus contre les toxines sécrétées par les microbes. Ce sont ces toxines qui produisent de la douleur. Il semble qu'elles soient spécialement aptes à exciter douloureusement les nerfs. Ce ne sont pas seulement les nerfs de la périphérie qui sont sensibles à ces troubles de nature chimique. Les centres nerveux sont, eux aussi, excitables, La spoliation de l'eau du sang amène la soif; l'absence d'aliments, la faim; l'absence d'oxygène, la sensation atroce de l'asphyxie. Ce ne sont plus les nerfs périphériques trop fortement excités qui donnent des sensations douloureuses, ce sont les centres médullaires ou céré- braux, qui, irrigués par un sang anormal, perdent leur constitution chimique normale, et transmettent au centre de la conscience des excitations que celle-ci perçoit comme douloureuses. Ce point est important ; car c'est un des bons arguments qu'on peut invoquer pour 'établir que la douleur est un phénomène central, et qu'il n'y a pas de nerfs spéciaux pour la douleur. Nulle partie de l'axe encéphalo-méduUaire n'est capable, si elle est excitée, de donner une sensation tactile, mais elle peut provoquer des sensations doulou- reuses. Voilà donc un premier point acquis et démontré d'une manière formelle. La douleur est provoquée par une excitation forte des nerfs périphériques (ou des centres nerveux), et une excitation forte est celle qui provoque un changement d'état profond et rapide dans la constitution même de nos nerfs. La conséquence de cette loi est très importante. L'excitation forte a pour effet la désorganisation du nerf et des tissus; par conséquent les excitations douloureuses sont les excitations nocives, destructives, désorganisatrices. Cette notion d'une excitation forte, cause de la douleur, ise trouve assez bien indiquée dans Descartes {L'Homme, 1677, p. 27). « Si les petits filets qui composent la moelle de ces nerfs sont tirez avec tant de force qu'ils se rompent et se séparent de la partie à laquelle ils estoient joints en sorte que la structure de toute la machine en soit en quelque façon moins accomplie, le mou- vement qu'ils causeront dans le cerveau donnera occasion àl'Ame... d'avoir le sentiment de la douleur. » Il est facile de prouver que les nerfs, après une excitation trop forte, sont incapables, pendant un temps, d'accomplir leur fonction normale. Si l'on a eu la rétine éblouie par la vue du soleil, pendant quelque temps, comme si le pourpre rétinien était détruit, on ne pourra avoir de perceptions visuelles. Si l'on a respiré de l'ammoniaque gazeuse, la muqueuse olfactive sera assez atteinte pour que la perception d'une odeur quelconque soit impossible. Si la langue a été brûlée par une solution concentrée d'acide acétique, voire même si les saveurs trop poivrées l'ont légè- rement cautérisée, aucune saveur ne sera plus sentie. Si la main a été brûlée par l'eau chaude, elle ne pourra plus avoir de sensibilité tactile. Une excitation électrique forte produit de l'anesthésie, si bien que les effets de l'électricité sont employés quelquefois DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 12 178 DOULEUR. dans l'art dentaire pour produire de l'anesthésie locale. Une plaie, une déchirure de la peau ou des membres entraînent, pendant un temps plus ou moins long, la perte de fonction totale ou partielle de la peau ou des membres. Donc nul doute à cet égard : les excitations fortes sont désorganisatrices et destruc- tives. Cela s'observe simplement en myographie chez la grenouille. Toutes les fois qu'on a fait agir sur un nerf une excitation, électrique ou chimique, un peu trop forte, le nerf est pour un temps, et parfois pour toujours, paralysé dans sa fonction. Ce qui convient au nerf, c'est une excitation modérée, qui met en jeu son irritabilité sans l'épuiser. Toutes les fois que cette irritabilité est trop violemment ébranlée par un changement d'état exagéré, le nerf meurt. Ainsi les excitations fortes sont funestes à l'organisme; elles sont destructives, désor- ganisalrices; et il faut que l'être se défende contre ces atteintes de l'excitant trop éner- gique, qui, si elles se répétaient ou se prolongeaient, amèneraient sa mort. Nous verrons, dans un des chapitres suivants, que ces faits importants permettent d'établir une théorie biologique très générale de la douleur. Quant à décider si la douleur est une sensation, comme l'a souteim Nighols, ou si elle n'est c£ue l'exagération d'une sensation, cela me parait un peu subtil. Il semble pourtant que Marshall ait raison contre Nichols et Stbong en montrant que la sensation simple ne produit pas de douleur, mais que, si cette sensation devient très forte, elle produit de la douleur; opinion qui se rapproche beaucoup de celle que nous venons d'exposer sur l'influence des excitations fortes et que nous avions établie dès 1877. La douleur n'est pas une sensation à proprement parler : c'est une manière d'être, une réaction du moi à la suite d'une perception : et il se trouve que celte réaction n'a lieu qu'après une forte vibration, ou, si l'on veut, une trop forte vibration des nerfs ou des centres nerveux. Conduction des excitations douloureuses. — Les faits que nous venons d'exposer établissent comme incontestable ce principe que les excitations fortes destructives pro- duisent de la douleur. Mais, avant de discuter les conséquences psychologiques de cette loi, il convient d'examiner un point très important, à savoir dans quelles conditions se fait la conduction des excitations douloureuses. Il faut étudier la conduction d'abord dans les nerfs de la périphérie, ensuite, dans les ' centres nerveux, médullaires et cérébraux. Pour les nerfs périphériques on peut faire deux hypothèses. On peut admettre, en effet, qu'il y a des nerfs spéciaux pour la douleur, ou que les nerfs dits de la "sensibilité géné- rale (sensibilité à la pression, à la température) peuvent aussi, lorsqu'ils sont excités, pro- duire des sensations de douleur. L'hypothèse de nerfs spéciaux pour la douleur a été défendue par beaucoup d'auteurs, en particulier par Blix, Goldscheider, et plus récemment, par L. Fredericq. L'argument principal est tiré du grand principe de l'énergie spécifufue des nerfs, établi et développé par J. Muller, et, depuis Muller, accepté sans contestation par tous les physiologistes. Un nerf sensible, quel qu'il soit, ne peut donner qu'une seule sensation, laquelle dépend des centres nerveux spéciaux auxquels il aboutit. Le nerf optique ne peut donner que des sensations visuelles; le nerf olfactif, des sensations olfactives, et cela parce qu'ils sont en rapport avec des centres visuels ou des centres olfactifs. De même les nerfs tac- tiles ne pourraient donner que des sensations tactiles; et les nerfs thermiques que des • sensations de température. A côté de cet argument théorique, qui me paraît loiu d'être irréfutable, il y a des expériences ingénieuses de Goldscheider. D'après lui, les parties sensibles à la tempéra- ture ne sont pas sensibles à une excitation mécanique faible. Il existerait, d'après lui, dans la peau, des points multiples qui peuvent être percés par une aiguille sans faire éprouver de sensations douloureuses. Mais il reconnaît lui-même que cette insensibilité à la douleur des régions sensibles à la température ne peut s'observer que difficile- ment, et dans certaines régions spéciales. Et d'ailleurs, ces mêmes régions sensibles à la température peuvent être sensibles à la douleur, si, par exemple, les excitations ther- miques deviennent trop fortes. Goldscheider s'exprime pourtant sur ce point avec une certaine réserve, en reconnaissant que dans les régions à sensibilité thermique, on per- çoit une sensation de chaleur très forte, mais qui n'est pas positivement douloureuse DOULEUR. 179 [Ein stechendes Gefalil, aber ohne den heftigen Schmerz... ein brennenheisses Gefùhl, aher dièses ist èben nur einc hochgradige Wàrmequalitat, heine Schmerzqiialitàt). Il en conclut que les nerfs thermiques ne sont pas aptes à transmettre les sensations douloureuses. Il semble bien qu'il y ait là une certaine subtilité; car les sensations de chaleur très forte, brûlante, ressemblent étrangement à des sensations de douleur; comme sont vrai- ment douloureuses une amertume extrêmement intense, ou une lumière éblouissante, ou un son très strident et très fort. GoLDSCHEiDER a décrit aussi ce qu'il appelle des Schmcrzpuncte, des points doulou- reux; mais, alors qu'il a pu déterminer avec précision les régions où se trouvent des nerfs pour le froid et des nerfs pour le chaud, et des nerfs pour la pression, il a éprouvé de grandes difficultés à faire cette délimitation pour les nerfs dolorifiques, et finalement, quoiqu'il admette l'existence de ces points où seraient des nerfs spécialement destinés à la douleur, il dit ({ue leur déteimination est actuellement impossible à faire et qu'il serait imprudent de les vouloir préciser. Frey a aussi essayé d'établir qu'il y a des points de la périphérie sensibles aux excitations douloureuses, des Schmerzpimcte à côté des Drùchimncte. Mais les preuves qu'il donne ne sont pas très convaincantes. Il est donc, en définitive, assez peu démontré par des expériences directes qu'il y ait, parmi les nerfs de la périphérie des nerfs spécialement destinés à conduire la douleur. Même si des points plus spécialement consacrés à la douleur existaient, cela ne prouverait pas que les nerfs de la pression ne puissent transmettre la douleur. Les autres raisons invoquées par L. Fredericq ne me paraissent pas très probantes. Le fait que les excitations douloureuses retardent sur les sensations tactiles devrait plutôt prouver que la vibration douloureuse est due à une vibration nerveuse prolongée et intensifiée. Et quant à l'identité de la sensation douloureuse, quel que soit l'excitant, elle ne prouve pas du tout qu'une excitation spéciale de certains nerfs soit nécessaire pour la provoquer. Elle prouve simplement qu'une sensation douloureuse est absolu- ment distincte d'une perception sensitive. (Est-il d'ailleurs bien exact de dire que les douleurs sont identiques ?) D'autre part, ou peut élever des objections assez sérieuses contre l'hypothèse de conducteurs spéciaux pour la douleur. La principale est la suivante : Toute excitation forte, de quelque nature qu'elle soit, si localisée qu'elle soit, produit de la douleur : en outre, une excitation faible, en quelque région de la peau qu'elle agisse, ne produit par de douleur. Donc il faudrait supposer que les nerfs de la douleur ne répondent qu'à des excitations très fortes, ce qu'il est assez difficile d'admettre; car, dans certains cas, par exemple pour les nerfs de la conjonctive, la très faible excitation mécanique produite par un grain de charbon va amener une douleur très intense. Les nerfs de la douleur feraient donc exception à tous les autres nerfs de l'organisme : ils seraient très résistants à l'excitation, et n'entreraient enjeu que si l'intensité de l'excitation était considérable. Il faudrait aussi admettre que ces nerfs sont répandus partout, ce qui est d'ailleurs parfaitement admissible. Mais alors, quelle place fera-t-on à l'excitant électrique, qui ne produit pas de douleur lorsqu'il est faible, mais seulement une très légère sensation de fourmillement? Ce léger fourmillement n'est ni température, ni pression, ni douleur. Ce serait alors un système spécial de nerfs, différents des nerfs du chaud, du froid, de la pression et de la douleur. La sensation que fait éprouver l'électricité est une sensation tout à fait spéciale. Ce n'est ni la chaleur ni le froid, ni la sensibilité mécanique, ni la douleur. Peut-on suppo- ser qu'une excitation électrique faible va exciter des nerfs spécialement destinés à la sensation électrique, tandis qu'une excitation électrique forte va exciter d'autres nerfs, les nerfs de la douleur? Pareille hypothèse semble assez absurde, et d'ailleurs, en analy- sant avec autant de précision que possible les sensations qu'on éprouve lorsqu'on électrise un point quelconque de son corps, on perçoit parfaitement la graduelle aug- mentation du phénomène sensible. D'abord un léger fourmillement, puis ce même four- millement devenant plus fort, désagréable, puis ce même fourmillement encore devenant insupportable, et finalement atrocement douloureux : Très certainement, c'est une même sensation qu'on sent nettement croître en intensité, jusqu'à la douleur, à mesure que 180 DOULEUR. l'excitation va en croissant. On devrait donc, si l'on admettait l'existence des nerfs spé- ciaux pour la douleur, admettre que le courant électrique faible ne les excite pas, mais que tout d'un coup il vient à les exciter et à provoquer de la douleur; cela semble bien peu rationnel. Les expériences que j'ai faites en 1877 sur les hystériques, expériences répétées depuis par BiNET, dans lesquelles j'ai montré que parfois la sensibilité électrique est conservée, alors que la sensibilité aux douleurs traumatiques ou thermiques est abolie, ne laissent pas que d'être d'une interprétation très difficile. Car il n'est vraiment pas vraisemblable que chez les hystériques le trouble fonctionnel porte sur les nerfs périphériques. La plus probable hypothèse, encore qu'elle soit assez peu satisfaisante, c'est que dans l'hys- térie il y a trouble de la conduction par les centres nerveux. Les hystériques peuvent percevoir la douleur, puisque l'électricité est douloureuse, et que d'ailleurs l'élec- trisation ramène promptement la sensibilité. Donc les centres de la douleur ne sont pas paralysés. Par conséquent, puisque ni les nerfs, ni les centres ne sont paralysés, le trouble fonctionnel ne peut dépendre que d'un trouble de conduction; les excitations mécaniques, traumatiques, thermiques, ne sont plus douloureuses, parce que la con- duction ne peut plus se faire dans les centres suivant les voies habituelles, normales. Mais qu'il survienne une excitation électrique, alors la conduction reprendra les voies normales, par suite de quelque modification dynamique (très hypothétique assurément) qu'aura subie la conductibilité nerveuse, dans les centres nerveux. Cela nous amène à cette conclusion que, suivant la nature de l'excitation nerveuse périphérique, les voies ne demeurent pas les mêmes. Tout au moins faut-il admettre qu'il en est ainsi chez les hystériques, si, chez les individus nerveux, on se refuse à accepter cette variabilité dans le décours de la conduction nerveuse. Il faut aussi, quand on parle de la douleur, toujours avoir présente à l'esprit cette pensée profonde de W. James, que la douleur nécessite un certain degré d'attention ; que, chez les hystériques, cette attention n'existe pas, mais qu'elle peut être réveillée par l'excitation électrique des nerfs périphériques, ce qui provoque une sensation spéciale mettant en jeu leur attention, et par conséquent leur permet de ressentir de la douleur. Naunyn a supposé que toute douleur était due à une sommation, une addition latente d'excitations^ qui, étant isolées, seraient impuissantes à provoquer la douleur, mais qui, accumulées, finissent par éveiller la sensation douloureuse. Il me parait que cette opi- nion est très proche de celle que nous avions émise autrefois (1877) et qu'elle satisfait à presque toutes les conditions du problème. Elle concorde bien avec les faits importants du retard de la sensation douloureuse sur la sensation tactile. Dans un choc violent contre un objet dur, la notion de contact précède manifestement la sensation doulou- reuse. De même aussi le tranchant du fer produit tout d'abord la sensation de froid, et ce n'est que plus tard, quelques centièmes de seconde après, qu'il y a perception de douleur. Tout se passe comme si la première vibration nerveuse était un phénomène de toucher ou de sens thermique; et comme si par son intensité et par son extension cette vibration nerveuse finissait par devenir douloureuse. Dans certains cas d'ataxie, le retard de la sensation douloureuse est extrêmement considérable. Le pincement de la peau d'un membre ne produit de douleur que deux, trois et même quatre secondes après le traumatisme. Ce n'est que l'amplification d'un phénomène normal, le retard de la douleur sur la sensation. Du moment qu'il y a perception, il faut admettre que les centres de la conscience, — ou des consciences, — sont ébranlés. Pourquoi ne pas supposer que cet ébranlement de la conscience est directement proportionnel à l'intensité de l'excitation nerveuse? S'il dépasse un certain niveau, il devient douloureux. L'irradiation d'une excitation forte n'est pas une hypothèse : c'est un fait. A chaque instant, dans l'étude des réfiexes, on observe de pareilles irradiations. Un excitant faible ne provoque que des réflexes loca- lisés; un excitant fort va provoquer des réflexes généralisés. Donc l'excitation forte des centres nerveux ne vas pas rester limitée aux centres de perception. Elle va s'irradier et gagner les centres de la douleur, si tant est qu'on puisse admettre ces centres de la douleur. Par conséquent, il suffirait d'admettre, ce qui est k mon sens très admissible et même très probable, que les centres où s'élaborent les perceptions peuvent être ébranlés DOULEUR. 181 douloureusement. Ils sont sensibles, eux aussi, et leur excitation exagérée produira de la douleur. Il n'y a douleur que si ces centres sont trop fortement excités. Le propre des excitations fortes, c'est que le retentissement des centres nerveux consécutif se généralise à tout l'appareil nerveux. L'excitation faible du nerf sciatique ne va pas atteindre l'iris, le cœur, l'intestin, la pression artérielle; mais si cette excitation est forte, l'iris, le creur, l'intestin, la pression artérielle, vont être modifiés dans leur fonction. Pourquoi à ces appareils n'ajouterait-on pas l'appareil de la douleur, n'en- trant en vibration que si la vibration des centres percepteurs est trop forte? Jadis Marshall Hall avait admis des nerfs spécialement destinés à provoquer des réflexes. Mais cette conception a dû être abandonnée, et il n'est plus permis de songer à ce système réflexe spécial; car tous les nerfs sensibles, quels qu'ils soient, sont aptes à provoquer des réllexes. La douleur semble être un pbénomène plus ou moins analogue aux réflexes, c'est-à-dire que l'excitation forte d'un nerf quelconque va provoquer un ébranlement médullaire et cérébral intense, qui aura ce double elfet : d'une part un réflexe plus ou moins généralisé, d'autre part une sensation douloureuse. Au contraire, une perception est exactement localisée; elle ne se concevrait pas sans un centre spécial élaborant une sensation bien nettement déterminée, comme celle du froid, du chaud, de la pression, de la vision, de l'olfaction, etc. La douleur n'est que rarement localisée. 'Quand, par exemple, on est atteint d'une névralgie dentaire, il est presque impossible, si l'on ne touche pas la dent malade, de pouvoir dire quel est le point douloureux. Dans les névralgies viscérales, la douleur est extrêmement obscure, et on ne peut en préciser le siège que si l'on explore par une palpation méthodique les régions douloureuses. Les points sensibles donnent l'indication des nerfs qui sont atteints, et ce ne sont pas les élancements, les douleurs contusives qui peuvent renseigner sur la localisation du mal. Une autre preuve encore peut être alléguée : c'est que les inflammations ou lésions, soit des troncs nerveux périphériques, soit des centres médullaires et cérébraux, sont aptes à provoquer de la douleur. Cependant ces organes ne peuvent donner aucune sensation tactile, phénomène de perception sensorielle. Pour qu'il y ait sensation tactile, il faut que les extrémités nerveuses périphériques aient été excitées. Peut-être alors le mode de propagation n'est-il pas le même. Nous connaissons trop peu la manière d'être de la vibration nerveuse pour afflrmer qu'elle est identique, quel que soit l'excitant, quelle que soit l'élaboration de l'excitation à la périphérie terminale sensitive. L'effet des anesthésiques qui, à une certaine période de leur action, amènent l'anal- gésie, est une preuve qu'on peut séparer la fonction tactile de la fonction douleur. Nous savons que, par le chloroforme, quand la dose est légère, les nerfs conducteurs ne sont pas altérés; mais que les centres seuls ont subi les effets du poison. Or, à cette période de l'intoxication, on observe assez souvent que la sensibilité n'est pas atteinte, et que la sensibilité à la douleur a seule disparu. Les malades chloroformés sentent le contact de l'instrument, mais la section ne leur paraît pas douloureuse. Il est vraisemblable que, s'ils sont ainsi analgésies, c'est parce que les centres nerveux intoxiqués ne peuvent plus vibrer avec une intensité suffisante pour qu'il y ait douleur. Si la douleur est due, comme nous l'avons admis, à une vibration forte, le chloroforme diminue l'amplitude de la vibration, et alors il ne se fait plus d'émotion douloureuse dans la conscience (V. Analgésie). Si le froid intense appliqué à la périphérie cutanée produit l'analgésie, il s'agit tou- jours d'une vibration moins intense des centres nerveux, mais alors ce ne sont pas les centres nerveux qui sont incapables de donner une vibration prolongée, comme dans le cas de l'anesthésie par le chloroforme, ce sont les nerfs périphériques, qui, étant refroi- dis, ne peuvent plus vibrer avec assez de force, et, conséquemment, ne peuvent plus provoquer une vibration suffisamment forte des appareils nerveux centraux. Enfin, j'apporterai comme dernier argument en faveur de la non-spécificité des nerfs de la douleur, les travaux des histologistes contemporains sur le neurone et ses prolongements. On sait que chaque neurone est relié aux neurones voisins par des prolongements accidentels, adventices, pour ainsi dire, qui établissent des relations et des connexions nouvelles, non préexistantes, de cellule à cellule. La vibration forte d'un centre quelconque va déterminer des irradiations qui, de proche en proche, se commu- niqueront à presque tous les neurones. Les neurones de perception tactile, ou visuelle, 182 DOULEUR. ou olfactive, donneront les perceptions spéciales; mais, après ces perceptions spéciales, et avec un notable retard, il s'ensuivra un ébranlement plus ou moins général de tout l'appareil sensible. De là les réflexes généralisés, de là aussi la douleur. Certes les excitations des nerfs optique, olfactif et acoustique, même si elles sont très intenses, ne provoquent pas de la douleur, ou plutôt nous n'appelons pas tout à fait douleur l'ébranlement insupportable que déterminent les excitations violentes de ces nerfs. Pourtant les sensations d'une lumière éblouissante, d'un son très aigu et très intense, sont vraiment fort désagréables, et on fait de grands efforts pour s'y sous- traire, quand on craint d'y être exposé. Remarquons d'ailleurs que ces excitations optiques et acoustiques ne produisent que peu d'actions réflexes généralisées; tandis que le caractère des excitations doulou- reuses semble bien être de provoquer, en même temps que la douleur, des rétlexes géné- ralisés. S'il y a, dans les corps opto-slriés ou dans la protubérance, ou dans les parties supérieures, un centre de cooi^dination des réflexes, le centre de la douleur n'en est probablement pas très distant. Mais faut-il admettre un centre de la douleur? ou n'est-il pas plus probable qu'il y a des centres multiples de la douleur? Les opinions contemporaines, probablement tran- sitoires, qui dominent aujourd'hui, c'est qu'il y a dans le cerveau non une conscience unique; mais des groupes, fonctionnant sans doute simultanément, de consciences diverses juxtaposées : il doit donc y avoir des régions multiples de l'encéphale dans lesquelles la douleur est élaborée. Rien ne s'opposerait alors à admettre que les centres de percep- tion, s'il sont modérément excités, ne fournissent que la perception; mais que, s'ils sont excités avec une force trop grande, la douleur vient se surajouter à la perception (et la masquer en grande partie). A la vérité, c'est une hypothèse, mais l'hypothèse d'un centre de la douleur (que William James, se refuse absolument à admettre) ne me semble guère préférable, et je pencherais plutôt à admettre des centres multiples de conscience, qui seraient les uns et les autres capables de douleur, toutes les fois que leur vibration atteint une amplitude trop grande. GoLDSCHEiDER a émis l'hypothèse d'un organe de domination ou d'accumulation des excitations dans la moelle. Ce postulat n'est peut-être pas nécessaire. Il paraît plus simple d'admettre que toute vibration forte des centres est doulonreuse. La conduction des excitations douloureuses dans les centres nerveux est tout aussi obscure que dans les nerfs périphériques. On verra par le passage suivant de Beaunis à quel point les opinions des physiologistes sont discordantes. « D'après Schiff, la sensibilité à la douleur se transmet principalement par la sub- stance grise : cependant le fait est nié par Wood Field, d'après ses expériences sur le chat, et, d'après Osawa, la transmission de la sensibilité peut se faire sans l'intervention de la substance grise; elle existerait, en effet, après la section de toute la moelle à l'exception des cordons latéraux. D'après Brown-Séquard, les impressions de douleur passeraient par les parties postérieures et latérales de la substance grise. » Toutes ces assertions ne peuvent être acceptées encore qu'avec beaucoup de réserve, et n'ont pu être justifiées expérimentalement. Il paraît cependant bien certain que la transmission des excitations douloureuses peut se faire par la substance grise. On ne doit pas en conclure qu'elle se fait toujours, à l'état normal, par la substance grise; mais assurément elle peut se faire par cette voie, et cela non seulement longitudinalement, mais encore transversalement, tout comme les réflexes. L'anesthésie de la syringomyélie, affection qui porte surtout sur l'axe gris de la moelle, contribue à prouver l'importance, peut-être exclusive, de la substance grise médullaire dans la conduction des excitations douloureuses. Pour la conduction dans le cerveau, certains faits ont été bien établis, plutôt d'ailleurs par les neuro-pathologistes que par les physiologistes. Les physiologistes ont montré que l'excitation des circonvolutions autres que celles de la région rolandique ne pou- vait provoquer de sensation douloureuse. On peut impunément cautériser, ou exciter électriquement les lobes frontaux, temporaux et occipitaux sans amener de réaction de l'animal. Mais il n'en va pas de même sur les régions rolandiques; et la réaction générale est immédiate. Il est difficile de supposer alors qu'il y ait contraction muscu- laire (généralisée ou localisée) sans qu'il y ait en même temps un phénomène de dou- DOULEUR. 183 leur. Quand on fait sur un chien l'excitation des régions rolandiques, tout se passe comme si l'animal souffrait. Ces circonvolutions sont donc sensibles. Pourtant cela ne signifie pas d'une manière absolue qu'elles sont le siège des sen- sations douloureuses; car on peut bien admettre qu'elles se comportent comme des nerfs sensibles et non comme des centres de la sensibilité à la douleur. Autrement dit, on peut penser que l'excitation, passant probablement par les fibres de la capsule interne, vont exciter les régions bulbo-protubérantielles qui président à la douleur. D'ailleurs, ce qui prouve que ces régions ne sont pas le siège de la sensation dou- leur, ou au moins le siège unique, c'est que les animaux à qui elles ont été enlevées ne sont nullement insensibles à la douleur. Ils donnent encore des signes manifestes de douleur, ainsi que tous les physiologistes l'ont maintes fois constaté. Il faut noter cependant que, pour Bechterew, il y a une localisation du sens delà dou- leur dans certaines régions de la périphérie corticale. Ce serait, suivant lui, vers la 3' et la 4^ circonvolution du pli courbe, entre le bord externe du gyrus sygmoïde et la pointe du lobe temporal [iccntri pel senso dolorifico occupanno quella porzione délia terza e quarta circonvoluzione arcata posta fra il bordo esterno del giro simoideo e la punta del lobo temporale). Mais, d'autre part, il reconnaît que la sensibilité après la destruction de ces parties est plutôt diminuée qu'abolie. Toutefois, ce qui complique notablement ce phénomène, c'est que chez l'homme la destruction de certaines parties de l'encéphale, des voies sensitives qui passent par le segment postérieur (et même le tiers postérieur de ce segment) de la capsule interne abolissent la sensibilité (Turck, Charcot, Veyssière). — On peut faire à ce sujet deux hypothèses : l'une, c'est que, chez l'homme et chez le chien, les dispositions ne sont pas les mêmes; l'autre, c'est que la sensibilité, avant d'atteindre le centre bulbo-protu- bérantiel (hypothétique) de la douleur, passe par les régions rolandiques, de sorte que par les lésions du tiers postérieur de la capsule interne, ses voies conductrices se trouvent interrompues. Pour VuLPiAN,le centre commun des perceptions douloureuses serait la protubérance annulaire. Le cri déterminé par la dilacération et les excitations mécaniques de cette portion de l'encéphale ne serait pas un cri réilexe, mais un cri de douleur, ou plutôt une série de cris et de gémissements plaintifs indiquant une perception douloureuse consciente et prolongée. En tout cas, ce qu'on peut admettre — ce qui est en harmonie avec l'hypothèse que nous avons adoptée plus haut sur la non-spécificité des nerfs de la douleur, — c'est que, dès qu'il y a sensibilité à une excitation quelconque, c'est-à-dire conscience, il y a aussi sensibilité à la douleur. A la vérité, les médecins ont constaté très souvent rrtn«/(/t'.s(!e, c'est-à-dire l'insensibilité à la douleur coïncidant avec la conservation de la sensibilité tactile. Toutefois, ce phé- nomène n'existe que dans l'hystérie, et alors il se présente avec des caractères très ana- logues à l'anesthésie toxique, celle du chloroforme par exemple. L"hypothèse qui me paraît la plus plausible, c'est que, dans l'hystérie, les centres nerveux ne peuvent plus donner cette vibration intense qui est la cause même de la douleur. Assurément ce n'est qu'une hypothèse, mais elle est très acceptable, et elle concorde bien avec tout ce que nous venons de dire plus haut. Dans l'hypnotisme, il y a aussi parfois de remarquables phénomènes d'analgésie. On a pu faire de longues opérations pendant le sommeil hypnotique, et aussi des accouche- ments. Tous ceux qui ont fait des expériences d'hypnotisme ont constaté l'algo- aneslhésie coïncidant avec la conservation d'une sensibilité tactile exquise. En somme, les excitations douloureuses passent par les nerfs sensibles, sans qu'on puisse considérer comme probable, ni même vraisemblable, qu'il y ait des nerfs spéciaux pour la douleur. Les excitations nerveuses faibles ou fortes passent par la substance grise de la moelle épinière, puis se portent aux régions rolandiques pour déterminer des percep- tions spéciales. Là elles se généralisent, suivant l'intensité de la vibration, à des groupes de neurones de plus en plus nombreux. Alors l'excitation, intensifiée, irradiée, déve- loppée, passe par la capsule interne et revient aux centres bulbo-protubérantiels, où la sensation de douleur est perçue. Si, pour une cause ou une autre, le trajet conducteur est lésé (soit dans la substance grise médullaire, soit dans la capsule interne), il y a 184 DOULEUR. insensibilité à la douleur. Mais celte insensibilité n'est que relative, car. à côté de cette voie, qui est la voie normale, il y a certainement d'autres voies accessoires : et l'excita- tion très forte de la moelle peut se propager directement, sans passer par la péri- phérie corticale, aux centres protubérantiels. Tout cet énoncé ne laisse pas que de soulever d'assez nombreuses hypothèses, et nous ne pouvons nous dissimuler qu'il n'est que théorie d'attente. Mais, dans l'état actuel de la science, il nous paraît que c'est encore la théorie la plus vraisemblable qu'on puisse proposer. De quelques caractères de la douleur. — Nous avons insisté plus haut sur le retard de la sensation douloureuse. Nous n'y reviendrons pas. Nous dirons quelques mots des trois autres caractères qui paraissent fondamentaux : l'irradiation, l'intermit- tence et la durée. 1. Irradiation. — Une douleur très forte n'est jamais localisée. Elle retentit sur l'orga- nisme tout entier, et semble augmenter en étendue à mesure qu'elle augmente en intensité. C'est avec l'excitation électrique qu'on en donne la démonstration la plus nette. Si l'on électrise la peau avec des réopbores terminés en pointe, il semblera qu'autour ■de chaque pointe il y ait un cercle douloureux : à mesure qu'on augmentera la force des courants, ce cercle paraîtra aller en augmentant. De même, si l'on électrise par l'eau, les courants faibles paraîtront rester exactement localisés aux surfaces excitées; mais, pour peu qu'ils soient forts, l'ébranlement est rapporté à une bien plus grande étendue, et on croit que l'excitation dépasse ses limites réelles, par exemple va jusqu'au milieu du bras, si on n'excite que la main. Cette irradiation est ob^^ervée par tous les malades qui ont une douleur quelque peu intense. Ils ne peuvent localiser la douleur. Surtout lorsque la douleur porte sur les viscères, il est presque impossible d'en déterminer le siège. Dans les coliques hépatiques ou néphrétiques, il y a des irradiations douloureuses extrêmement lointaines. Des douleurs très intenses amènent une sorte d'hyperesthésie générale. A l'irradiation douloureuse se rattache le phénomène connu sous le nom de synes- thésie (V. ce mot) dont j'ai donné plusieurs exemples assez détaillés (1877, 299). Le phénomène de l'irradiation concorde assez bien avec l'hypothèse d'une vibration simultanée de plusieurs groupes de neurones, provoquée par une foi^te excitation des nerfs de la périphérie. 2. Intermittence. — Si forte que soit une douleur, elle n'est pas absolument continue; elle a des redoublements et des ralentissements qui suivent des rythmes. Si l'on prend dans une pince à bords arrondis un repli de la peau et qu'on augmente rapidement la pression en serrant plus fortement, et en laissant la pince en place, au bout de quelques instants, même sans augmenter la pression, la douleur, qui n'existait pas d'abord, finit par apparaître. Elle vient graduellement, comme par ondées. A chaque seconde, c'est un élancement douloureux, plus douloureux que le précédent, en sorte que la douleur finit par devenir insupportable. Cette simple expérience prouve d'une part l'influence de l'accumulation des exci- tations sur la production de la douleur; mais, d'autre part, elle montre que, sous l'action d'une cause continue, la douleur est intermittente. Les calculs, les corps étrangers, les tumeurs, les inflammations, les névralgies, toutes causes qui sont constantes, provoquent des phénomènes sensitifs à intermittences variables. Parfois même cette intermittence est très longue, durant parfois plusieurs heures, si bien que, dans certains cas, on a pu cïjoire à une infection paludéenne. 11 est probable que l'intermittence des douleurs est due à la perte de l'excitabilité nerveuse par épuisement. Le système nerveux est soumis à un certain rythme, et il faut un certain repos après son activité, comme il y a un repos dans la contraction des muscles après leur activité. 3. Durée. — Le caractère essentiel de la douleur, c'est qu'elle dure longtemps. En effet, la durée de la douleur ne se mesure pas par la durée de la cause qui l'a provoquée. Le vieil axiome scolaslique sublatâ causa tollitur effectua est pairïaiiement faux. Depuis longtemps la cause a disparu que l'effet persiste encore dans la mémoire ébranlée. Une excitation électrique très forte ne dure pas un cent millième de seconde; mais, si rapide qu'elle ait été, elle laisse dans la conscience un souvenir prolongé très intense, DOULEUR. 185 et qui dure une minute, plusieurs minutes, une heure, et même davantage. L'ébranle- ment douloureux qui a suivi cette excitation forte est la prolongation dans le temps de cette excitation. On peut môme dire que c'est cet ébranlement douloureux qui fait l'essence de la douleur; car, si la douleur n'avait duré qu'un cent millième de seconde, elle serait abso- lument négligeable. Si l'on venait me proposer de me faire soufTrir une douleur atroce, épouvantable, inouïe, avec cette condition qu'elle ne durera qu'une seconde, et que, cette seconde étant passée, je n'en conserverai plus aucunement la mémoire, que j'Ou- blierai totalement la vibration angoissante qui m'aura secoué tout entier, j'accepterais volontiers cette courte et passagère douleur, si intense qu'elle soit; car la durée d'une seconde est tellement courte, étant donnée notre organisation psychique, qu'elle ne compte pas pour la conscience. Mais je suis bien certain que cette condition ne pourra être réalisée; car le propre de la douleur est précisément de durer longtemps et d'émouvoir la conscience pour longtemps. Dans la chloroformisation, lorsque l'anesthésie n'est pas encore complète, les malades se débattent et paraissent souffrir : cette apparence de souffrance suffit 'pour me 'faire admettre la réalité de la souffrance; pourtant, quand les effets du chloroforme sont dis- sipés, il n'est resté aucun souvenir. Les douleurs les plus intenses sont alors très passa- gères, elles ne laissent pas de traces. Une seconde après qu'elles ont ébranlé la con- science, l'ébranlement en est dissipé. Le cri d'angoisse se termine par un chant joyeux; car le retentissement de l'angoisse n'existe plus. CetLe opinion sur la nécessité de la mémoire' pour la douleur, que j'ai émise il y a longtemps (1877), a été souvent contestée; mais il ne me paraît pas que les objections qu'on lui a opposées méritent d'être retenues. Certes, au point de vue de la pure théorie, on peut parfaitement admettre qu'il y a des sensations douloureuses émouvant la conscience et ne durant que des secondes ou mime des fractions de seconde. On a donc le droit de dire sch ématiquement , que la douleur est sans rapport avec la mémoire, et que la durée n'est pas indispensable. L'individu chloroformé qui, pendant l'opération, pousse un cri, puis se remet à chanter, a certainement souffert au moment où il a crié; mais cette courte souffrance est, de fait, une quantité négligeable. Le développement de la psychologie scientifique, quoi qu'en dise un peu emphatique- ment J. Philippe, ne pourra pas arriver à nous faire assimiler, même de très loin, une douleur qui dure une seconde, et qui n'ébranle pas tout l'organisme, à une douleur qui restera indéfiniment dans le souvenir, qui modifiera d'une manière permanente nos sentiments et notre conscience, et dont l'ébranlement douloureux ne s'etfacera plus jamais. Théoriquement, il peut y avoir douleur sans durée; mais réellement, dans la vie psychique de l'être, ces douleurs rapides et sans souvenir ne comptent pas; et ce sont des éléments négligeables. L'observation et le langage vulgaires ont peut-être plus de profondeur, dans cette analyse, que les remarques des psychologues de profession. On peut comparer l'émotion douloureuse à la vibration d'une cloche frappée par un coup de marteau. Longtemps après que le marteau est éloigné, la cloche continue à vibrer, avec une amplitude, il est vrai, décroissante; mais l'ébranlement se prolonge cent et mille fois plus longtemps que le choc qui l'a déterminé. Non seulement l'émotion douloureuse dure longtemps; mais elle a ce funeste privi- lège de laisser une trace durable dans la mémoire. Ce qui fait la conscience de l'homme, a dit Gœthe, c'est la douleur. Nos douleurs,'physiques ou morales, ne sont pas oubliées même au bout de plusieurs années. Si elles ont été très cruelles, nous en gardons pour toujours le souvenir angoissant. En fait de douleur, on peut dire que le passé n'existe pas. Grâce à la puissance de fixation dans la mémoire que possèdent les impressions douloureuses, elles restent toujours à l'état d'actualité. Elles prolongent le passé. La douleur est donc caractérisée par sa longue durée, et par la persistance de son souvenir qui est ineffaçable. C'est là un caractère psychologique de la plus haute importance, et nous aurons l'occasion d'y revenir, lorsque nous chercherons à édifier la théorie de la douleur. 4. Retard. — La douleur apparaît bien plus tardivement que la sensation tactile. Nous avons déjà eu l'occasion de le constater. Il faut y revenir; car ce retard de la sensation douloureuse est tout à fait caractéristique. 186 DOULEUR. Un traumatisme violent nous donne dabord la notion de contact; la douleur ne se produit que peu de temps après. L'incision d'un abcès nous fait sentir d'abord le froid du bistouri; ce n'est que quelque temps après que nous ressentons la cruelle douleur de l'incision. Une excitation électrique ne nous fait guère percevoir de douleur, si elle est isolée, que lorsque elle est très intense, et en tout cas nous n'en ressentons l'ébran- lement pénible qu'au bout d'un certain temps très appréciable. Sur les malades atteints de tabès, ce retard est plus considérable encore, comme j'ai eu, après Cruveilhier, après Leyden, l'occasion de le constater en 1876; comme Naunyn, RosENBACH, GoLDSCHEiDER et Watteville l'out vérifié ensuite. Le temps qui s'écoule entre une excitation quelconque et la perception de cette exci- tation est de loOcj (millièmes de seconde) pour les excitations tactiles et acoustiques, de 200cr pour les excitations optiques; mais pour la douleur ce temps est plus prolongé. GoLDSCHEiDER et Gad Ont essayé de le mesurer, en prenant pour élément d'appréciation ce qu'ils appellent l'impression seconde [seciindàre Empfindimg). Une excitation légère traumatique, disent-ils, fait percevoir deux sensations : une première non douloureuse, purement tactile ; puis arrive un moment de non-perception, puis une impression secon- daire douloureuse. Ils ont mesuré par des méthodes ingénieuses la période latente de cette excitation seconde, et ils ont trouvé environ 900a, c'est-à-dire un temps beaucoup plus lent, presque une seconde. Ils considèrent ce phénomène, ainsi que j'avais tenté jadis de le faire, comme un phénomène d'addition latente. Je renvoie à leur mémoire pour plus amples détails. Il nous suffira de retenir ceci, qui concorde bien avec tout ce que nous avons dit plus haut, à savoir que la sensation douloureuse est un phénomène physiologique très distinct des autres phénomènes de perception sensitive. Elle dure plus longtemps, apparaît plus tard, et ne se produit que si l'excitation est forte. C'est une vibration pro- longée, mais lente. Elle a besoin, pour se produire, d'une excitation intense de l'appareil nerveux; elle commence donc tardivement, mais, une fois qu'elle a commencé, elle per- siste longtemps, et sa durée compense sa lenteur. Des hyperesthésies. — Nous avons supposé jusqu'ici que l'excitation déterminant la douleur était forte; mais de nombreux cas peuvent se présenter dans lesquels une excitation faible peut provoquer la douleur : c'est lorsque il y a hyperesthésie, soit des centres percepteurs, soit des nerfs conducteurs. Si, par exemple, une région de la peau est enflammée, dans le cas d'un panari ou d'un phlegmon, alors le moindre contact va déterminer une vive douleur. Quand le bras est fortement comprimé au-dessus du pli du coude, au moment où il y a de l'hyperesthé- sie, il suffit de presser fortement un doigt de la main pour faire éprouver au patient une vive douleur. Cette douleur semble une sensation de chaleur, mais ce n'en est pas .moins une vraie douleur : cependant les centres ne sont en rien modifiés par cette com- pression périphérique. Le moindre contact, la plus légère excitation dans la sphère d'un nerf hyperesthésie produisent une douleur intense, extrêmement redoutée par le malade. L'avulsion d'une dent malade est plus douloureuse que celle d'une dent saine, l'inci- sion de la peau .phlegmoneuse plus pénible que celle de la peau intacte. Cette différence de sensibilité entre des parties enflammées et des parties saines est telle que certains organes, absolumentinsensibles normalement, deviennent sensibles aux excitations douloureuses quand ils s'enflamment. Flourens, remarquant que les observa- tions de Haller [Mém. sur la nature des parties sensibles et irritables, etc., i, 136, Lau- sanne) étaient en désaccord avec les affirmations des chirurgiens et en particulier de J.-J. Petit, a fait sur ce sujet des expériences intéressantes (C. H., xlui, 642 et xnv, 804. LiNAS. Lettre à Flourens, ihid., xliv, 922). Il reconnaît d'abord, ainsi que Haller, l'insensibilité absolue des parties fibreuses non enflammées, dure-mère, périoste et ten- dons. Puis il les enflamme par l'application d'une pommade épispastique, et alors il leur trouve une certaine sensibilité. « On pouvait piquer à côté l'une de l'autre, dit-il (803), la portion de la dure-mère enflammée et la portion de la dure-mère à l'état sain ; et, selon qu'on piquait l'une et l'autre, l'animal criait, souffrait et s'agitait, ou l'animal ne sentait rien. » « Toutes ces expériences, dit-il encore, sont nettes et décisives; toutes parlent, toutes DOULEUR. 187 accusent la sensibilité des parties fibreuses et tendineuses, latente ou cachée à l'état sain, et manifeste, patente, excessive à l'état malade. Une grande contradiction de la science disparaît donc enlin, les mots douleurs de la goutte, douleurs des os ont un sens et un sens physiologique, car tant que les parties, siège de ces douleurs, passaient pour absolument insensibles, les mots n'en avaient pas. Au fond, quoi qu'en disent Haller et son école, il n'y a point de partie absolument insensible dans le corps vivant. La sensi- bilité est partout, et, dans les parties mêmes où elle est le plus obscure, il suffit d'un degré d'irritation donné pour la faire passer de l'état caché à l'état manifeste. » Ces expériences sont trop précises pour être infirmées par l'assertion plus ou moins dénuée de preuves de Jobert (C. fi., (2), 1861, 561), qui déclare que les tendons ne deviennent jamais sensibles, mais que c'est leur gaine qui s'enflamme. Aussi regar- dons-nous comme démontré que les tendons enllammés sont sensibles, ce que l'on peut expliquer du reste très bien si l'on se rappelle qu'il y a des nerfs dans les tendons. C'est un utile rapprochement k tenter que de comparer cette sensibilité des tendons malades à la sensibilité des nerfs malades. Le nerf hyperestbésié a gagné autant de sen- sibilité que le tendon, et, entre un nerf malade et un nerf sain, il y a la même différence de sensibilité qu'entre un tendon malade el un tendon sain. Seulement la sensibilité du nerf sain est déjà exquise, tandis qu'elle est très obscure sur le tendon sain. Romberg déclare que le tiraillement d'un nerf sain est peu douloureux, tandis que le tiraillement d'un nerf enflammé est atrocement pénible. Un fait intéressant nous montre bien la différence qu'il y a entre l'excitabilité d'un nerf et celle d'un nerf enflammé, en dehors de toute condition psychique. Tarchanoff {Nouveau moyen d'arrêt du cœur de la grenouille. Gaz. méd., 1875, n" 15) [a montré qu'en excitant le mésentère ou l'intestin d'une grenouille, on n'obtenait pas facilement le réflexe d'arrêt cardiaque signalé par Goltz. Que si on laisse le péritoine exposé à l'air, en quelques heures il s'enflammera, et les nerfs sensilifs seront tellement hyperesthésiés qu'il suffira du plus léger attouchemeut pour arrêter les mouvements du cœur. A chaque instant les médecins et les chirurgiens peuvent constater l'hyperesthésie d'organes normalement presque insensibles. Les tissus fibreux deviennent parfois le siège de douleurs très vives, dans les rhumatismes et dans les tumeurs blanches. Le périoste qui est dépourvu de sensibilité s'il est intact, s'il s'enflamme, provoque des douleurs intolérables, et la douleur d'une périostite chronique est véritablement atroce. Les os eux-mêmes acquièrent par l'inflammation une sensibilité dont ils sont à peu près dépourvus quand ils ne sont pas enflammés. Cette proposition est aussi vraie pour la plupart des organes viscéraux, dont la sensibilité normale est pour le moins très obtuse. L'estomac, les intestins, la vésicule biliaire, la vessie sont dans ce cas. C'est à peine si un homme sain sent le contact d'une sonde dans la vessie. Au contraire, les individus qui ont la pierre et une cystite consécutive souffrent énormément, dès qu'on vient à toucher leur muqueuse vésicale avec un corps étranger. Certains malades, dont la peau est anesthésiée, peuvent, si celle-ci subit une altération pathologique, recouvrer la sensibilité par le fait de cette influence excitatrice. Il est plus douteux qu'il existe une hyperesthésie à la douleur dans les centres ner- veux supérieurs. Dans les myélites, il est vrai, il y a parfois une hyperesthésie énorme; certes, mais dans ce cas, les cellules nervenses fonctionnent non en tant que parties cen- trales, mais en tant que voies conductrices de la douleur. Les méningites el les encéphalites produisent de l'hyperesthésie; mais l'étude au point de vue physiologique n'en a pas été faite très méthodiquement. Les ayipareils ima- ginés pour mesurer la sensibilité à la douleur n'ont pas donné de résultats très nets, surtout si on les compare aux données positives que fournit l'esthésiomètre pour la sensibilité tactile. En effet, la mesure de la douleur (l'algésimétrie) est forcément très incertaine; la sensation que tel appellera douleur intolérable, sera pour tel autre dou- leur tolérable, même si la sonsation est la même dans fun et l'autre cas. Gomment trou- ver une commune mesure de cette sensibilité à la douleur, si variable, si profondément subjective? II est certain que, par le fait d'une longue et prolongée douleur, la sensibilité, au lieu de s'émousser, s'exagère; il n'y a pas d'accoutumance à la douleur. A la longue, quand nous avons beaucoup souffert, nous sommes devenus hyperesthésiques, et nous 188 DOULEUR. ne pouvons plus tolérer telle excitation de nos nerfs, qu'à d'autres moments, si nous n'avions pas été surexcités par une longue succession d'excitations douloureuses, il nous eût été possible de subir, sans trop de souffrance. Avec la durée et la prolongation du souvenir, la non-accoutumance est un des tristes privilèges de la douleur. De la douleur dans la série animale, et des rapports de la douleur avec l'intelligence. — Il nous est absolument impossible de pénétrer dans la conscience des êtres différents de nous; de sorte que nous sommes réduits, quand il s'agit de savoir s'il y a douleur, à juger d'après les signes extérieurs. Un chien, quand on excite son nerf sciatique, crie, se lamente et se débat. Je ne puis, en toute certitude, affirmer que la sensation qu'il éprouve est une douleur véri- table; cependant il est bien vraisemblable qu'il ressent quelque chose de pénible, très analogue à ce qu'éprouve un homme qui souffre. Si j'opère sur un lapin, ou un canard, le raisonnement sera le même; mais déjà il semble bien que la douleur est un peu moindre; le souvenir de cette douleur paraît durer plus longtemps. A peine l'excitation est-elle terminée que l'animal se remet à manger, et reprend ses habitudes normales. Si j'excite électriquement le sciatique d'une grenouille, elle va réagir violemment, se débattre, coasser peut-être; mais j'ai quelque peine à m'imaginer qu'elle souffre beau- coup; car, si je fais la même expérience sur une grenouille dont les lobes cérébraux ont été enlevés, ce seront les mêmes réactions, et il faudrait alors supposer ou que tous les mouvements de l'animal sont de purs mouvements réflexes, sans douleur, ou que la dou- leur ne siège pas dans cerveau, mais dans le bulbe et la moelle allongée. On avouera qu'il est assez difficile de supposer que l'intelligence et la conscience ne siègent pas dans le cerveau. Par conséquent, ou bien tous ces signes extérieurs de la douleur ne sont pas la conséquence même de la douleur, ou bien les centres de la conscience sont disséminés partout, dans la moelle allongée, dans le bulbe, et même dans la moelle dorsale. Si nous passons aux élres inférieurs, au.x vers par exemple, il nous paraît difficile de leur supposer une conscience réfléchie et méditative de la douleur. Que l'impression sen- sitive qu'ils ressentent soit pénible, cela est probable, mais elle est, autant que nous pouvons le supposer, vague, obscure, indéterminée, et surtout très passagère. Normann a montré par une analyse assez délicate que les mouvements réactionnels des lombrics ne signifiaient probablement pas qu'il y avait douleur, puisque, même dans les seg- ments dépourvus de ganglions cérébroïdes, on observait les mêmes mouvements réac- tionnels que dans les segments pourvus de ces ganglions. Alors que le segment antérieur reste sans faire de contorsions, c'est le segment postérieur qui s'agite avec violence. J. LoEB a aussi montré que, si une planaire est sectionnée en travers, la partie antérieure continue à progresser comme si de rien n'était. Tout se passe comme si elle n'avait aucune notion de douleur. Il a vu aussi des Gammarus en copulation ne pas s'interrompre malgré l'excision de leur abdomen. Bethe a remarqué qu'à une abeille qui suce le miel d'une fleur, on peut sectionner l'abdomen sans qu'elle s'arrête. Même chez les animaux très supérieurs, la douleur ne paraît pas très forte. Les vété- rinaires savent que les chevaux, pendant qu'on leur pratique certaines opérations ou qu'on fait des expériences, même sanglantes, continuent à manger. En tout cas, chez les êtres inférieurs, il paraît bien invraisemblable que les grands traumatismes fassent éprouver à leur conscience un sentiment aussi profond et aussi durable que celui que nous appelons douleur. Plus nous descendons dans l'échelle des êtres, plus l'hypothèse de quelque sensibi- lité à la douleur devient inacceptable. Le développement de la sensation douleur doit être parallèle au développement de la conscience, autrement dit de l'intelligence. S'il n'y a ni conscience, ni mémoire, ou du moins si la conscience et la mémoire sont obscures et embryonnaires, la douleur ne peut être bien vive. Un homme sain, intelli- gent, vigoureux, dans toute l'énergie de sa raison et de son intelligence, ressent la dou- leur dans toute sa plénitude; car le souvenir en persistera longtemps, et la vivacité du souvenir multipliera l'intensité du phénomène. Mais que l'intelligence soit obnubilée, même si, à un certain moment, la douleur est très vive, l'affaiblissement du souvenir rendra la douleur de plus en plus faible. DOULEUR. 189 Jadis j'ai étudié la sensibilité à la douleur chez les imbéciles, les idiotes, les démentes séniles, et j'ai constamment trouvé que cette sensibilité était très obtuse. L'enfant nouveau-né qui crie et qui pleure souffre sans doute, quand il a faim; mais ces cris et ces pleurs ne m'inspirent pas grande pitié : car je suis convaincu que sa dou- leur est peu intense, qu'elle passera en quelques secondes, sans laisser de trace dans sa mémoire, sans ce retentissement prolongé dans la conscience, qui est la condition même de la douleur. Nous pouvons donc admettre que la douleur est un phénomène intellectuel; c'est une fonction de l'intelligence, et elle est d'autant plus capable d'être intense que l'intelligence et la conscience sont plus développées. Théorie de la douleur. — Finalité de la douleur. — Rattachons maintenant l'une à l'autre les diverses parties de cette étude; elles ont un lien qu'il est facile d'aper- cevoir. i° La douleur est produite par une excitation forte. 2" Les excitations fortes désorganisent les tissus et sont funestes à la vie des êtres et aux fonctions des organes. 3" Le souvenir de la douleur persiste avec une extrême puissance dans la mémoire, et nous sommes constitués de telle sorte que ceque nous craignons leplus, c'est ladouleur. 4" Par conséquent, nous sommes organisés de telle sorte que nous fuyons toutes causes de destruction ou de perversion de nos tissus. Il en résulte que la douleur peut être conçue comme souverainement utile, puisqu'elle nous fait fuir ce qui est périlleux pour l'organisme. Cependant on pourrait, à la rigueur, concevoir un monde organisé oîi la défense ne serait pas due à la douleur. S'il est vrai, comme nous l'avons accepté plus haut, que les mouvements de défense des êtres inférieurs, vers, échinides, et même batraciens et rep- tiles, ne soient pas accompagnés d'une notion bien nette de la douleur, on voit que, dans la lutte pour l'existence, des êtres peuvent encore triompher et résister, même s'ils sont peu aptes à sentir la douleur. La pullulation des êtres inférieurs prouve bien que cette sensibilité n'est pas indispensable. Alors vient l'énigme, qui est la plus terrible peut-être de toutes celles que l'homme peut se poser? Pourquoi la douleur — la douleur c'est le mal — si elle n'est pas indis- pensable? Rappelons d'abord en quoi consiste la défense d'un organisme par les actions réflexes. Dès qu'une excitation quelconque, exagérée, funeste, destructive, a atteint un nerf sensible, aussitôt tout l'organisme vivant se met en état de défense. II se fait des actions réflexes locales, comme le clignement des paupières, la toux, l'éternuement, le retrait des membres excités; et des actions réflexes générales, comme le vomissement, l'éléva- tion de la pression artérielle, les mouvements de fuite ou d'expulsion, l'accélération (et parfois le ralentissement) du cœur et de la respiration, la dilatation (ou la conslriction) des vaso-moteurs. Tout cet appareil de défense ne nécessite ni la conscience ni l'intelligence. Une gre- nouille dont l'encéphale a été détruit se comporte à peu près comme une grenouille intacte. Mêmes mouvements de défense, mêmes efîorts pour soustraire la patte (brûlée ou traumatisée) à l'excitation; mêmes bonds pour s'éloigner loin de l'objet qui l'irrite; mêmes réponses léactionnelles à la cause qui peut détruire son organisme. Chez les mammifères et les oiseaux, on observe aussi la persistance des défenses, quand l'encéphale a été détruit, notamment chez les canards décapités, et maintenus en vie par la respiration artificielle (Targhanoff). Quoique l'encéphale ait chez ces êtres une plus grande influence que chez les batraciens, on voit bien que les réactions de l'être aux excitations fortes ne sont pas essentiellement modiflées par la décapitation. Chez l'homme aussi, dans les cas d'anesthésie chirurgicale par le chloroforme, il y a contre le traumatisme exécuté par le chirurgien des défenses violentes, qui semblent conscientes et voulues, tant la précision et la puissance de ces mouvements sont grandes: il ne peut être question de douleur dans le sens vulgaire du mot, puisque, à son réveil, le patient déclare qu'il n'a pas souffert. Les individus qui se noient, perdent, à un cer- tain moment de l'asphyxie, toute notion consciente, et pourtant ils continuent à se débattre, à s'accrocher aux objets voisins qui peuvent leur servir de planche de salut, 190 DOULEUR. tout comme s'ils étaient inlelligenls et conscients. On ne doit cependant pas dire qu'ils souffrent, puisque alors la conscience n'existe plus. On pourrait donc parfaitement concevoir qu'il y ait une efficace défense des êtres contre les causes externes de destruction, sans qu'il y ait conscience et douleur, et, de fait, il est permis de supposer que, chez beaucoup d'êtres inférieurs, la réponse réaction- nelle au traumatisme et à l'excitation forte n'est pas accompagnée d'une perception dont loureuse. Un lombric coupé en trois morceaux gardera, dans chacun des trois fragments qui le constituent après mutilation, le pouvoir de se défendi-e violemment, à sa manière, contre les excitants. Une astérie ou un oursin {Echinus) réagit par un seul de ses rayons séparé du centre. Les cils vibratiles, les leucocytes répondent aux excitations fortes par des mouvements énergiques de défense : il est bien peu légitime de leur supposer une conscience douloureuse de l'excitation qui les atteint. Ainsi donc un premier examen superficiel pourrait nous faire croire que la douleur est inutile, puisque aussi bien les êtres vivants peuvent se défendre, sans éprouver de douleur, contre des excitations fortes et destructrices, rien que par le jeu des réflexes appropriés. Dans la nature, il existe quantité innombrable d'êtres se défendant unique- ment par de simples réflexes, sans qu'il y ait conscience et par conséquent douleur. Mais toutes ces réactions de défense qui protègent l'organisme attaqué, fuite, retrait des parties atteintes, réactions locales, réactions viscérales, défenses spéciales, etc., ne sont que des défenses consécutives. Elles succèdent à l'excitation, mais ne l'empêchent pas d'avoir lieu, et ne la préviennent pas. Or, le plus souvent, malgré l'énergie de la réponse, il est trop tard pour que le secours soit efficace. Il n'est plus temps de se défendre contre un serpent venimeux quand sa morsure a fait pénétrer son venin dans le sang; la douleur cruelle que le poison provoque sera absolument insuffisante pour en arrêter l'évolution fatale. Donc cette douleur cruelle n'est pas inutile. Elle est inutile au point de vue de la défense consécutive. Elle est très efficace comme défense préventive. De là cette différence entre les êtres inférieurs et les êtres supérieurs, que chez les êtres inférieurs la défense préventive, déterminée par la crainte de la douleur, n'existe pas. Ils réagissent contre le traumatisme, quand le traumatisme les a atteints; ils ne sont pas organisés pour prévenir le traumatisme possible. Ils ne sont pourtant pas dépourvus totalement de défenses préventives, car l'instinct les protège. L'instinct — et non la crainte de la douleur — avertit la patelle de se fixer solidement sur le rocher, le pagure de se retirer dans sa coquille, la sépia de jeter son encre; de même que c'est sans doute l'instinct, et non la crainte de la douleur, qui fait que le lièvre fuit quand on l'approche. Aussi pourrait-on, à la rigueur, concevoir un monde organisé où les défenses préven- tives seraient organisées par les instincts et non par la crainte de la douleur. En réalité, chez un grand nombre d'êtres, c'est l'instinct qui fait fuir le danger. Ce n'est pas le sou- venir des douleurs anciennes qui fait que l'animal évite les dangers; c'est par suite de son organisation psychique que fatalement telle ou telle excitation extérieure détermine chez lui les mouvements qui assureront son salut. Mais, si merveilleusement adapté au monde extérieur que soit l'instinct, il ne peut pas suffire à prévoir les infinies diversités du danger. Pour prévoir, pour prévenir les périls qui sont innombrables et prennent toutes les formes, on peut dire que la douleur est un élément nécessaire. Les êtres pourvus d'instinct sont de purs automates, qui affron- tent sans crainte un danger non prévu par leur structure psychique. Au contraire, les êtres qui connaissent la douleur ont été par elle avertis de ce danger nouveau, et ces avertissements salutaires les préservent; car ils se garderont bien de recommencer. Contre les traumatismes, les poisons, les venins, les morsures, les brijlures, nous sommes prémunis par la crainte de la douleur. L'idée seule de promener la main, en l'appuyant fortement sur le tranchant d'un rasoir, nous fait passer un petit frisson d'hor- reur, parce que nous savons très bien, par expérience, que toute incision de la peau pro- duit une douleur très vive. Nous nous garderons donc bien de faire cette imprudence; car la douleur et le souvenu' de la douleur nous ont armés préventivement contre elle. C'est le souvenir de la douleur qui règle la conduite des êtres intelligents. La nature ne semble pas se soucier de la joie et du bonheur de ses enfants; elle ne semble avoir DOULEUR. 191 eu d'autre but qae leur vie, un maximum de vie. Faire vivre les êtres le plus longtemps possible et faire vivre le plus d'êtres possibles, telle est la tâche qu'elle semble s'être imposée, et vers laquelle elle fait converger toutes les dispositions les plus ingénieuses et les plus variées. Alors, pour les êtres supérieurs, elle a trouvé cet admirable moyen de faire en sorte que toute excitation trop forte de leur organisme — et par cela même dangereuse — cause une sensation douloureuse, insupportable, et que, par conséquent, toute la préoccupation de l'être vivant sera de se mettre à l'abri de la douleur. Elle nous a intéressés à notre propre existence; elle nous force à être sobres, prudents, à craindre le fer, le feu, le poison; à ménager nos forces, à ne pas abuser; car tout abus est suivi immédiatement, pour notre punition, d'une douleur bien supérieure en intensité au plaisir qu'a pu produire l'abus. La douleur est donc une défense préventive intelligente, tandis que l'instinct est une défense préventive automatique. Et il est inutile d'insister pour montrer à quel point l'intelligence est supérieure à l'automatisme. Les ituiombrables variétés du monde exté- rieur ne peuvent être prévues par l'instinct et l'automatisme; elles peuvent l'être, au moins partiellement, par l'intelligence. L'instinct ne comporte pas de perfectionnement ni d'adaptation. Une grenouille martyrisée plusieurs fois ne sera pas ditl'érente d'une grenouille intacte. Comme elle n'a pas gardé le souvenir de la douleur, elle ne modifiera pas sa conduite d'après les douleurs anciennes. Tout autre est l'être humain. Chaque douleur aura modifié son être psychique, l'aura forcé à réiléchir, à prévoir. L'être sera ce que les excitations douloureuses, antérieures, fidèlement conservées par la mémoire, lui auront commandé. Car il fera effort pour éviter de nouvelles douleurs. Nous revenons ainsi à confirmer l'importance de cette défi- nition que nous avions donnée plus haut de la douleur, sensation telle que nous ne voulons plus 710US exposer à la subir de nouveau. Si importantes que soient les notions acquises par nos sens, la vue, l'ouïe, le toucher, elles ne sont pas des mobiles d'action; car elles nous laissent indifférents. Une perception simple ne nous émeut pas directement, elle ne produit, par elle-même, ni peine ni plaisirs, et la petite émotion perceptive qu'elle provoque n'aifecte que légèrement notre organisme sensible. Même le souvenir n'en est pas très durable, à cause sans doute de cette inditîé- rence même. Au contraire, les émotions douloureuses nous émeuvent profondément, restent fixées dans le souvenir, et alors elles dirigent notre conduite. Tout le développement intellec- tuel, moral et social de l'humanité est la conséquence de cette émotion douloureuse à laquelle il faut échapper. La connaissance des choses ne nous intéresse que parce que c'est un moyen de mieux combattre la douleur. La froide science n'émeut pas; elle ne dirige pas, elle n'est pas un mobile d'action, tandis que la douleur est le grand mobile de la vie des êtres. La douleur a donc une finalité, et une finalité très haute : c'est elle qui nous fait faire un effort vers une intelligence plus complète des choses; et cette intelligence des choses fait que nous ne sommes plus de purs automates, mais des êtres conformant leur vie aux variations du milieu ambiant. Tous les êtres possèdent des défenses contre les excitations destructives; si ces défenses sont consécutives, elles ne protègent que d'une manière insuffisante; il faut donc, pour une protection efficace, que la défense soit aussi préventive. Or, en fait de défense préventive, il ne peut y avoir que l'instinct ou l'intelligence. Mais l'instinct est aveugle. Les purs automates sont incapables de modifier leurs actes d'après les aspects du monde extérieur et ses modalités variées à l'infini, que l'instinct n'a pas prévues. Au contraire, l'intelligence peut prévoir des variétés innombrables. Modi- fier les actes d'après les modifications du monde extérieur, c'est ce qui constitue l'intel- ligence. Alors, la douleur étant l'émotion que nous cherchons à fuir, nous appliquons notre intelligence à l'éviter. Le triomphe de l'homme sur les autres animaux dans la nature, triomphe qui s'accentue à chaque siècle, à chaque année même, montre bien la supé- riorité de l'intelligence sur l'instinct dans la lutte pour l'existence; de sorte qu'au lieu de considérer, au point de vue biologique, la douleur comme un mal, nous devons la tenir comme l'élément fondamental du progrès humain. 192 DOULEUR. Bibliographie. — Nous renvoyons aux articles Anesthésie, Sensibilité, pour une bibliographie plus détaillée. D'ailleurs, nous ne mentionnerons pas les nombreuses études médicales sur la séméiologie de la douleur, non plus que les travaux des philosophes méta- physiciens sur la cause du plaisir et de la douleur. B^RWiNREL (F.). Die Bedeutung der centripetalen Irradiation bei schmerzhaften Affec- tionen der Nervenstdmme {Deutsche Archiv far klin. Med., 1875, xvi, 186-199). — Bain (A.). Pleasure and pain [Mind, 1892, i, 161-187). — Bechterëw. 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Rev., 1896, ni, 64-68); — The psychology of pain (Ibid., ii, 1895, 329-367). — Sudduth (W. X.). A study in the psycho-physics of pain [Chicago med. Recorder, 1897, xui, 329-337 et 347-353). — TissiÉ (P.). y a-t-il des nerfs spéciaux pour la douleur? [Rev. scient., 1897, viii, 402-404). CH. R. DOUNDAKINE. — (C^sh^^AzO»» et C^H'^AzO»). — Bochefontaine, Marcus et FÉRis avaient cru isoler dans l'écorce du Doundaké un alcaloïde qu'ils appelèrent doundakine{C. R., 1883, XCVII, 2H). Sghlagde.xhaufkex et Heckel ont démonlré plus tard (C. fi., 1883, G. 69; que la doundakine, en tant qu'alcaloïde cristallisable, n'existe pas dans les écorces du vrai doundaké. L'amertume et les propriétés de cette écorce sont dues à deux principes colorants, azotés, de nature résinoïde, diversement solubles dans l'alcool et dans l'eau, répondant aux formules indiquées plus haut. L'action physiologique de ces substances a été étudiée par les premiers de ces auteurs au laboratoire de Vulpl-vn. Chez la grenouille, au bout de deux à cinq minutes, on con- state un peu d'affaiblissement général, la diminution des mouvements spontanés et réflexes; bientôt l'animal est incapable de reprendre son attitude normale. A ce moment il garde la position qu'on lui donne, si bizarre et anormale qu'elle puisse être. Cepen- dant la contractilité musculaire, ainsi que l'excito-motricité nerveuse, sont conservées, et les battements du cœur ne sont pas sensiblement modifiés. Cette première période de l'empoisonnement est fatalement suivie d'une seconde, dans laquelle l'état particulier de catalepsie fait place à une résolution complète. Les mouvements respiratoires sont irréguliers, puis intermittents ; ils deviennent très lents et s'arrêtent, tandis que les bat- tements du cœur un peu ralentis sont réguliers. Les mouvements réflexes sont abolis progressivement : enfin le cœur cesse de battre. Si l'on répète la même expérience sur des grenouilles dont on a enlevé l'encéphale, on obtient les mêmes résultats. Si, au contraire , on a sectionné préalablement la moelle épinière au niveau du bec du calamus, la gre- nouille meurt sans avoir présenté aucun phénomène de catalepsie. Chez le cobaye on observe les mêmes phénomènes que chez la grenouille; mais l'état cataleptique est moins prononcé. Le fait capital de l'intoxication chez cet animal est le ralentissement progressif et l'arrêt de la respiration qui se produisent alors que les bat- tements du cœur sont parfaitement réguliers. Enfin le cœur s'arrête peu à peu, et l'ani- mal meurt. Chez le chien, les tracés hémodynamoniétriques ont indiqué tout d'abord un abaisse- ment brusque de la pression sanguine, avec ralentissement du pouls; ensuite la pression monte au-dessus de la normale, et le cœur s'accélère. Enfin il se produit une chute graduelle de la pression sanguine, pendant laquelle les battements du cœur deviennent irréguliers. La sensibilité générale est abolie, mais l'animal ne présente pas de signes de catalepsie. Les auteurs concluent de leurs recherches que l'écorce du Doundaké con- tient une substance toxique qui exerce plus particulièrement son action sur la protu- bérance et le bulbe, pour amener chez la grenouille et le cobaye un certain état qui rap- pelle la catalepsie. La dose mortelle de cette substance n'a pas été bien déterminée : d'après les expériences susdites, 0s%008 de doundakine ont tué une grenouille dans l'es- pace de vingt minutes, et 0^'', 034, en injection hypodermique, ont produit la mort d'un cobaye de 700 grammes au bout de vingt-quatre heures. DUBOISINE. — Voyez Hyoscyamine. DICT. DE PHYSIOI.OGMî;. — TOMK V. J. CARVALLO. 13 194 DULCAMARINE — DULCITE. DULCAMARINE. — La dulcamarine est un glucoside qui a été extrait pour la première fois de la douce-amère par Geissler en 187o. Elle a pour formule C22H3tO'«. C'est une substance amorphe, légèrement jaunâtre, sans odeur, et d'une saveur d'abord amère, puis sucrée; ce goût particulier est dû sans doute à ce que ce glycoside est en partie transformé en gl^xose par la salive. La dulcamarine est insoluble dans l'éther, le chloroforme, la benzine, le sulfure de carbone, l'éther de pétrole; elle est soluble dans l'élhei- acétique, l'acide acétique, dans 5 parties d'alcool bouillant et dans 8,0 parties d'alcool froid à 90". Elle se dissout dans 23 parties d'eau chaude et 30 parties d'eau froide. Sa solution aqueuse mousse par l'agitation. Elle perd 5 p. 100 d'eau à 10o°, fond à 160°, brunit vers 205*^, et se décompose au delà de cette température en donnant des vapeurs neutres au papier de tournesol. Les acides colorent la dulcamarine en jaune rouge, les alcalis la dissolvent, l'acide tannique la précipite, le chlorure de platine ne la précipite pas. L'acétate de plomb produit dans ses solutions un précipité qui, séché à 160°, renferme C^-H3-PbO"'+3H20. Chauffée à 100° avec dix ou douze fois son poids d'acide sulfurique au dixième, la dulcamarine se décompose en donnant du glucose et de la dulcamarétine. Dès que le mélange a atteint 50° à 60°, il s'en dégage une odeur de miel, et la liqueur prend une teinte orangée qui passe au brun. C22H3tO10 + 2H20 = CGH1206 + C1GH2606 Dulcamarine. Dulcamarétine. La dulcamarine est amorphe, résinoïde, brunâtre, inodore, insipide; elle adhère aux dénis quand on la mâche; elle est insoluble dans l'eau, l'éther, le chloroforme, le sulfure de carbone, l'alcool amylique. La dulcamarine est extraite d'après l'un des deux procédés suivants : I. On fait digérer l'extrait aqueux des tiges de douce-amère avec du noir animal, lavé en grains jusqu'à complète disparition de la saveur amère. Le charbon saturé est lavé à l'eau chaude, desséché et épuisé par l'alcool, qui s'empare du glucoside et l'aban- donne par évaporation. IL On précipite l'extrait de douce-amère par le tannin, on triture le tannate avec la chaux, on dessèche et on épuise par l'alcool bouillant. Ce liquide alcoolique privé de tannin par digestion avec l'oxyde de plomb laisse la dulcamarine par évaporation. Ces deux procédés d'extraction fournissent de la dulcamarine impure renfermant des proportions variables d'azote. Pour la purifier, on dissout le produit brut dans l'eau, on ajoute quelques gouttes d'ammoniaque qui sépare peu à peu un précipité gélatineux; après filtration on précipite par l'acétate neutre de plomb. La combinaison plombique lavée et mise en suspension dans l'alcool cède à celui-ci la dulcamarine par l'action de l'hydrogène sulfuré. L'élude physiologique de cette substance n'a pas, à notre connaissance, encore été faite. C. DULCITE (C^H'^O^). — Sucre cristallisable, isomère de la mannite, extrait par Laurent d'une manne de Madagascar, et du Melampynim neinorosum. Elle fournit des composés avec les alcalis (C^H'-O^Ba), et des composés acides que G. Bouchardat a bien étudiés; entre autres des dulcites, mono, di, hexacétiques, etc. La dulcite est infermen- tescible. Elle résiste à l'action du Bacillus cthaceticus, du Mycoderma aceti, et de la bac- térie du sorbose, ce qui la distingue nettement de la mannite (Maquenne, Les sucres, 1900, 123). D'après Grimbert (C. R., cxxi, 698), le pneumocoque l'attaque en formant de l'alcool, et de l'acide acétique, mais non de l'acide lactique, ce qui la distingue encore de la mannite. Chauffée avec de la baryte, la dulcite se déshydrate et donne la dulcitane (C*H''-0'^). (Berthelot.) Fischer et Hertz ont fait la synthèse de la dulcite en réduisant la galactose par l'amalgane de sodium. Arrous {Action diurétique des sucres, Thèse de Montpellier, 1900) a fait quelques DUMAS — DURE-MERE. 195 expériences sur la dulcite. Il l'a trouvée (sur le lapin) nettement diurétique avec un coef- ficient diurétique de 2,9 (82). On a essayé son emploi comme diurétique en médecine (KoBERT, Ueber Dulcin. Cent)', f. inncre Med., w, 1894, 3o3-357, et Sterling. Ueber das Didcin. Munch. med. Woch., 1896. xliii, 1227). DUMAS (Jean-Baptiste) (1800-1884). -- J.-B. Dumas n'est pas seulement un des créateurs de la chimie; il a encore, parmi les grands physiologistes du xix'= siècle, une place tout à fait éminente. Rien ne peut mieux établir l'union intime, étroite, de Ja chimie et de la physiologie que l'œuvre — chimique et physiologique tout ensemble — de Lavoisier et de J.-H. Dumas. Ce n'est assurément pas le hasard^qui fait que les maîtres de la chimie ont été en même temps les maîtres de la physiologie. Les beaux travaux de Dumas en physiologie datent tous du commencement de sa vie, et il les a exécutés à un âge auquel les jeunes gens sont encore sur les bancs de l'École. C'est entre 21 et 26 ans qu'il a fait des études mémorables, en collaboration avec Pré- vost (de Genève), sur le sang et la matière colorante du sang, sur la contraction mus- culaire, sur la fécondation. Certes une bonne partie de ces recherches n'a plus main- tenant qu'un intérêt historique. Mais les expériences sur le rein et l'élimination de l'urée, expériences qui ont pour la première fois établi que l'ablation du rein entraîne l'accumulation d'urée dans le sang, ont conservé encore aujourd'hui toute leur valeur (1822). Ce ne sont pas seulement ses découvertes qui unissent le nom de Dumas à la physio- logie, mais encore ses livres et son enseignement. La conception générale de l'évolution chimique et biologique à la fois des êtres y est nettement et profondément exposée dès 1833. Il est à regretter pour la science physiologique qu'à partir de 1825 environ, âgé seu- lement de 2"j ans, J.-R. Dumas ait abandonné les recherches de biologie pour des travaux de chimie pure. Comme on l'a dit avec raison, tout le monde sait ce que la chimie y a gagné : personne ne pourra dire ce que la physiologie y a perdu. Voici la liste des principaux mémoires physiologiques de J.-B. Dumas : Bibliographie. — Sur les animalcules spermatiques de divers animaux {Mém. Soc. phys. de Genève, 1821, 180-207). — Examen du sang et de son action da7is les divers phéno- mènes de la vie {Ann. de phys. et de chimie, 1821, xviii, 280-292). — Deuxième mémoire sur le sang [Ihid., xxiii, 50-68, 1823). — Troisième mémoire sur le sang {Ibid., xxin, 90-lOi, 1823). — Analyse de l'urine de la grenouille [Bihl. univ., xix, 1822, 21o-218). — Phéno- mènes qui accompagnent la contraction de la fibre musculaire, Paris, 1823, in-8. — Nouvelle théorie de la génération {Ann. des se. natur., i, 1-29, 1824). — Deuxième mémoire sur la génération. Raj)port de l'œuf avec la liqueur fécondante : phénomènes appréciables résultant de leur action mutuelle. Développement de l'œuf des Batraciens {Ibid., u, 100-121 et 129-149, 1824). — Sur le développement du cœur dans le fœtus {Bull. soc. philom., 1823, 138-166). — Développement du cœur et formation du sang (Ibid., m, 96-107, 1824).' — Troisième mémoire sur la génération dans les Mammifères et des premiers indices du développement de l'embryon {Ibid.,u], 113-138, 1824). (Tous ces mémoires ont été publiés en collaboration avec Prévost.) — Note sur les changements de poids que les œufs éprouvent pendant l'incu- bation {Ann. se. nat., iv, 1823, 47-36). — Mém. sur le développement du poidet dans l'œuf {Ibid., xu, 1827, 415-443). — Propositions de physiologie et de chimie médicale {Th. de Paris, in-4, 1832). — Essai de statique chimique des êtres organisés, Paris, 1841, en coll. avec BoussiNGAULT. — Sur la composition de l'urée {Ann. de phys. et de chimie, 1830, xliv, 273- 278). — Recherches sur l'engraissement des bestiaux et la formation dit lait {C. R., xvi, 1843, 343-362, et Ann. de Chim., viii, 1843, 63-114) en coll. avec Boussingault et Payen. — Mémoire sur les matières azotées neidres de l'organisation {C. R., xv, 1842, 976-1000 elAnn. de Chim., 1842, 383-448). — Note sur la production de la cire des abeilles {C. R., xvii, 1843, 537-543, et Ann. des se. natur., 1843, 174-181) en coll. avec H. Milne Edwards. — Consti- tution du lait des Carnivores (C. R., xxi, 1843, 707-717, et A)in. des se. nat., iv, 1843, 184- 195). — Rech. sur les liqindes de l'économie animale {Arch. gcn. de médecine, 1846, Suppl. 169-189). DURE-MÈRE. — Voyez Méninges. 196 DYNAMOGRAPHES — D YN ANO M ÉTRIQU ES (Appareils). DYNAMOGRAPHES. — Voyez DYNAMOMÉTRIQUES (Appareils). DYNAMOMÉTRIQUES (Appareils). — On nomme ainsi des instruments destinés à mesui'er des forces avec plus de simplicité que si l'on cherchait dans une série de poids celui qui fait équilibre à la force considérée. Le dynamomètre est le type des instruments étalonnés, dans lesquels la détermination empirique d'un certain nombre de points sur la graduation de l'instrument permet ensuite par une simple lecture d'obtenir toute la valeur intermédiaire de la grandeur à mesurer corres- pondant à tous les points de la graduation. Ces instruments permettent aussi certaines mesures qui seraient impossibles sans leur secoui's et par le simple emploi des poids. Nous laisserons de côté, comme sortant du sujet, les instruments où, comme dans la balance romaine ou dans son dérivé, le pèse-lettres, on fait agir l'effort à mesurer sur un bras de levier en équilibrant le couple ainsi produit par un autre couple dû à un poids fixe, mais dont le bras de levier est variable. En bonne logique, ces instruments devraient aussi s'appeler des dynamomètres, mais l'usage n'a pas prévalu, et d'ailleurs en physiologie, l'usage des dynamomètres véritables est plus commode. Principe du dynamomètre. — Quand un effort agit sur un corps solide, il produit une déformation de celui-ci. Ces déformations peuvent être de deux espèces. Tant que l'effort ne dépasse pas ime certaine limite, le corps revient exactement à son état primitif aussi- tôt que l'effort cesse. On dit alors qu'il y a eu déformation élastique. Mais, si l'effort a été trop considérable, on dit que la limite d'élasticité a été dépassée, il y a eu défor- mation permanente, c'est-à-dire production d'un nouvel état de la matière, qui est alors dite écrouie. On peut produire des déformations diverses sur le corps : on peut le déformer par compression ou par traction en un point d'une masse fixée absolument, ou par flexion ou par torsion. Les dynamomètres usuels emploient tous la flexion, au moins ceux qui sont destinés à mesurer des efforts mécaniques. La torsion est employée dans un certain nombre d'instruments électriques, galvanomètres ou électromètres, qui sont de vrais dynamomètres où la force à mesurer est d'origine électrique. Mais nous laisserons de côté ce genre d'instruments pour nous occuper du dynamomètre de flexion. La propriété essentielle de toutes les déformations élastiques est que, au moins dans de très larges limites, la grandeur de la déformation est proportionnelle à l'eftort qui la produit. Dans les dynamomètres, on mesure la grandeur de cette déformation, on rem- place donc une mesure de poids par une mesure de longueur. On voit donc que les gra- duations de dynamomètre seront aussi simples que possible à établir. Théoriquement la concordance du zéro et celle du jîoint correspondant à un seul poids suffit ; pratique- ment un petit nombre de points et le zéro sont suffisants. On comprend facilement que toutes les causes qui font voir l'élasticité des ressorts changent les indications des dynamomètres. C'est ainsi que des variations trop grandes de température rendraient les indications illusoires. Mais d'autres causes s'opposent à l'exactitude absolue dans les mesures au moyen de ces instruments, et, dans les limites de la température ambiante, cet effet est négligeable. Il n'en est pas de même toujours de ceux dus à l'oxydation du métal au bout d'un temps assez long et de ceux qui sont pro- duits par l'écrouissage du métal sous l'action d'un effort trop grand. Ces etïets se mani- festent à première vue par un déplacement du zéro. On peut alors poser en principe que le taux de variation est le même pour tous les poids, et il suffit alors de vérifier d'abord |e zéro, et ensuite un point quelconque par le moyen d'un poids marqué. Bien entendu, ces lectures sont faites dans les conditions mêmes d'emploi de l'instrument, s'il doit être soumis à ime température notablement différente de la normale. Soit P le poids marqué et P' l'indication de la graduation, toutes les fois qu'on fait un effort, P" par exemple, p sur celle-ci, l'effort sera donné exactement par la formule P ' =: p-, P'*. Le peson ordinaire a la forme d'un ressort en U. On fait agir l'effort sur une des extrémités en fixant l'autre, et on mesure l'écartement des deux extrémités. Nous n'indi- querons pas davantage la construction de cet instrument, qui est bien connue, ni celle du DYNAMOMÉTRIQUES (Appareils). 197 dynamomètre de Poncu;let, qui en est voisin, ni celle du peson à ressort à boudin qui est courant. Insistons un peu davantage sur le dynamomètre médical. Celui-ci est destiné à mesurer soit l'effort de pression qui peut être produit par la main d'un malade, soit l'effort de traction produit dans des conditions convenables. Le ressort est enferme d'ellipse ; pour la mesure de compression, on en écrase le petit axe dans le point fermé ; pour celle de traction, on tire sur les deux extrémités du grand axe, avec les deux mains par exemple. Dans cette deuxième condition, il y aune variation du petit axe proportionnelle à celle du grand. Ou voit donc que la mesure de celui-ci renseignera dans les deux cas sur l'effort produit, à condition que la graduation porte deux chiffraisons correspondant aux deux espèces de capsules mises enjeu. Pour mesurer le petit axe, ses deux extrémités portent deux pièces fixes qui peuvent glisser l'une sur l'autre. L'une porte à son extrémité un pignon moleté, l'autre une cré- maillère qui engrène avec ce dernier. L'angle dont tourne le pignon mesure le mouve- ment relatif des deux extrémités de l'axe. Cet angle est mesuré au moyen d'une aiguille qui se déplace sur un cadran fixe. Cette aiguille commandée par le pignon en entraîne une qui est folle sur le même axe, la commande de mouvement ne se faisant que d'un seul côté. De la sorte, cette aiguille indique l'effort maximum qui a été fait sur l'instru- ment. Si nous nous en tenions aux dynamomètres proprement dits, nous aurions terminé notre tâche. Mais il existe de nombreux appareils que nous devons mentionner. Les uns sont de simples dynamomètres appliqués à des usages spéciaux, ce sont tous les mano- mètres à capsules métalliques, où l'effort à mesurer est la pression d'un fluide. Parmi ceux-ci, nous citerons le kymograpbion à ressort de Fick, et les manomètres de Marey pour la preseion sanguine. Nous citerons aussi les appareils employés pour l'étude des réactions du sol sur le pied de l'homme et des animaux en marche et de l'air sur les ailes de l'oiseau, par Marey, par Scott de Philadelphie, par Maillard et Bardon, et enfin par Roussy, pour les mesures de l'effort aux divers moments du coup de pédale à bicyclette. Nous mentionnerons aussi les appareils appelés ophtalmotomètres,pour lesquels nous renvoyons à l'article Œil. Nous renvoyons à la bibliographie, pour indiquer les ouvrages où ces appareils sont décrits. Nous dirons seulement que de toutes ces applications aucune n'aurait été possible avec des poids. Mais nous ne voulons pas terminer cet article sans indiquer toute une série d'appli- cations de la plus haute importance, et oîi l'emploi des poids n'aurait donné aucun résultat, je veux dire les appareils où on inscrit directement le travail produit par une force. Le travail est le produit d'une force par le déplacement de son point d'application, quand force et chemin sont dans la même direction. Or le dynamomètre nous donnait le moyen de mesuier un effort par un déplacement ; nous allons supposer que nous inscrivons ce déplacement sur un cylindre qui tourne avec une vitesse proportionnelle à la vitesse de déplacement du point d'application de l'effort. Dans ces conditions, la courbe inscrite aura pour ordonnées des longueurs pro- portionnelles aux efforts et pour abscisses des longueurs proportionnelles aux déplace- ments. Considérons une des ordonnées AB, et le trajet AA'. Le travail, si la force restait constamment égale à AB, serait AB x AA'. Ceci est égal à l'aire ABB"A'. Étendons ceci à la courbe DD, enregistrée tout entière. Si nous divisons l'intervalle CC, en un grand nombre de segments AA', le travail effectué pendant le tracé DD sera d'autant plus voi- sin de la somme des aires telles que ABB"A' que les intervalles AA' sont plus petits. On exprime cela en disant que le travail effectué est la limite de cette somme d'aires. Or il est bien évident que la limite de cette somme d'aires est l'aire CDD' C, car la somme des petits triangles BB'B" négligés est d'autant plus petite que les intervalles AA' sont eux- mêmes plus petits. Si donc nous voulons enregistrer d'une manière continue le travail dépensé dans un effort donné, il nous suffira de faire exercer cet effort par l'intermédiaire d'un dynamo- mètre inscripteur, dont le style inscrira sur un cylindre commandé par une roue soli- 198 DYSLYSINE. daire de l'appareil et roulant par exemple sur le sol fixe par rapport auf{uel le tout se déplace. Il faudra, pour avoir ce travail en valeur absolue, connaître le rapport de la vitesse linéaire du déplacement de la feuille d'inscription à celle du déplacement de l'appareil, et connaître aussi la graduation du dynamomètre. Cela étant, on sait par exemple que l^.S d'ordonnée correspond à un effort de 1 kilogramme, que i millimètre d'abscisse correspond à 1 mètre parcouru par le véhicule, ce qui veut dire que \'6 milli- mètres carrés de papier représentent 1 kilogrammètre. Ce procédé a été appliqué à la traction des voitures par Poncelet, Morin et Marey. La conclusion a été qu'il y a un travail bien moindre produit par le moteur animé quand l'attelage est effectué au moyen de liaisons élastiques. Enfin nous ne voulons pas terminer cet exposé sans indiquer deux principes, encore peu appliqués, mais susceptibles d'applications nombreuses. Je veux parler de la manivelle dynamométrique et du frein de PR0^'Y enregistreur. La manivelle dynamométrique est un appareil destiné à mesurer l'effort nécessaire pour faire mouvoir un appareil rotatif à bras. Les constructeurs de machines agricoles s'en servent pour apprécier la valeur du type qu'ils construisent. 11 faut en effet tout calculer de manière à vérifier que l'effort demandé correspond à un travail convenable. La manivelle dynamométrique permet d'évaluer ainsi la qualité d'une machine. Soit 0 l'axe de la machine, et 0' l'axe de la poignée. Us sont réunis par la pièce AB, qui est folle sur l'axe 0, mais qui appuie sur la pièce P par l'intermédiaire du ressort à boudin R. Un engrenage conique mù par 0' fait défiler une bande de papier sur le tam- bour TT'. Cette feuille passe sous un traulet porté par P. L'abscisse dirigée suivant la longueur est proportionnelle au nombre de tours exécutés dans un chemin parcouru puisqu'on connaît la longueur de la manivelle, et l'ordonnée est proportionnelle à l'effort. On peut ainsi connaître le travail mécanique produit par l'homme pour effectuer une besogne déterminée. Nous avons cité cet appareil qui n'a donné lieu, à notre connaissance, à aucune publi- cation, précisément à cause de ce fait. Il en existe un spécimen que les constructeurs louent au moment du besoin. Enfin on peut facilement rendre enregistreur le frein de Prony, dans lequel le travail mécanique d'un moteur est dégradé en chaleur au moyen du frottement de sabots sur une poulie, et où on mesure l'effort qui doit être appliqué au bout d'un bras de levier pour équilibrer le couple dû à ce frottement. On comprend facilement qu'il suffit de faire produire l'effort par un dynamomètre, porteur d'un style inscripteur qui vient frotter sur la surface du cylindre commandé par l'axe de rotation. Ce dernier appareil est susceptible de rendre des services en physiologie. Bibliographie. — Marey. Méthode graphique. — Le mouvement. — La machine ani- male. — RouNY (C. B., 1896, 1395 et 1528). — Scott. Cycliny ast. {Le cycliste, 30 avril 1896.) — RouNV [D. P., 1899). Physiologie du membre inférieur dans la locomotion à bicyclette. A. B. DYSLYSINE (C^^H^eO'). — La dyslysine est un produit de déshydratation de l'acide cholalique. L'acide cholalique se convertit, sous l'action de la chaleur et avec une ti'ès grande facilité, en anhydrides extrêmement complexes, ce qui se comprend aisément si l'on se rappelle que l'acide cholalique renferme trois hydroxyles alcooliques et un carboxyle puisqu'il est monobasique. Lorsqu'on chauffe en vase clos à 200° une solution aqueuse d'acide cholalique, il y a formation de dyslysine. C3*H40O^ =2H20 -I- C2iH360a Ac. cholalique. Dyslysine. La dyslysine est un corps blanc, solide, d'aspect résineux, neutre au tournesol; inso- luble dans l'eau, l'alcool, les alcalis, les acides chlorhydrique et acétique, presque inso- luble dans l'éther, soluble dans les solutions d'acide cholalique et de sels biliaires alca- lins. Elle fond à 180° et brûle avec une flamme fuligineuse. Chauffée avec une solution de EAU — ÉCHUJINE. 199 potasse alcoolique, elle s'hydrate et donne de l'acide cliolalique. On a décrit sons le nom d'acide choloïdiniquc un anhydride intermédiaire entre la dyslysine et l'acide cholalique, qui répondrait à la formule C^H'^0*; cène serait qu'un mélange de dyslysine et d'acide cholalique. M. ScHOTTE.v a obtenu un autre anhydride de p'acide cholalique, en soumettant ce corps à la distillation sèche. Cet anhydride se présente sous la forme d'un liquide hui- leux qui ne donne plus la réaction de Pettenkofer. Cette substance est sohible dans les alcalis, précipitée en masse par les acides. Elle répond à la formule C***H''*0''. Ce produit se distingue des autres anhydrides décrits en ce que l'action des alcalis est impuissante à régénérer l'acide cholalique. L'étude de ces anhydrides de l'acide cholalique n'a fait aucun progrès malgré les travaux récents de M. Latchinoff et de M. Mylius. On retrouve la dyslysine dans les fèces à côté de l'acide cholalique. (Voir article Bile, évolution des acides biliaires, 177, II, de ce dictionnaire.) Bibliographie. — i). W., article « B«7e ». Latchinoff, D. C. G., xx, 1043-1968. — B. S. C, (-2), XLix, 58. — Mylius, D. C. G., xx, 1968. — B. S. C, (2), xlix, 36 et 58. — SCHOTTEN, Z. P. C, X, 174. A. CHASSEVANT. EAU. — Voyez Nutrition, EAU OXYGÉNÉE. — Voyez Oxygène. ECGONINE (C'^H'^AzO-^). — Alcaloïde dérivé de la cocaïne par hydratation. CnH^iAzO* + 2(a-^0) = C9H15AZ03 + C^HeCâ + CH^O. Cocaïne. EL'gnnine. Acide Alcool benzoique. inéthylique. (V. Cocaïne, iv, i). ÉCHICÉRINE (C30H^8O2). - Voyez Échitannine. ÉCHI RÉTINE (C'=^H^«02). -Voyez Échitamlne. ÉCH IT AM I N E (C^^H^sAz^OHH^O). — Alcaloïde qu'on extrait, avec la ditamine, de VEchites scholaris ou Alstonia scholaris. L'écorce de dita renferme divers alcaloïdes, la ditamine (C^-H^*AzO'^), l'échitamine (ditaïne de Harnach) dont les propriétés physiolo- giques se rapprocheraient de celles du curare (Ghastaing. Enc. chim., vin, (6), (2), 83). Elle donne des sels cristallisables, lévogyres. A côté de ces deux bases il en existe d'autres,, l'échicérine, l'échirétine, l'échitéine (C^''-H'"'0''^) et l'échitine (Hesse. Ami. d. chim. u.Pharm. CLXxviii, 49, et cciii,144). V Alstonia constricta d'Australie contient d'autres alcaloïdes dans son écorce; Yalstonine C^'H^'^Az-O^, \a. porphyrine C^'H^^Az'^O^, qui ont peut-être des pro- priétés fébrifuges. ÉCHITÉNINE (G^w^AzO^j. - Voyez Échitamine. ÉCHITINE (G22H»2o^v - Voyez Échltamlne. ECHUJINE (C^H^O'^). — Partie active de Adenium Boehmanum. D'après Boehm, c'est un poison du co3ur, qui, à la dose de 0'°''^'S>',1, arrête le cœur de la grenouille en moins d'une demi-heure (arrêt en systole). De plus fortes doses produisent une paralysie complète, sans que cependant l'excitabilité de l'appareil névro-musculaire ait été modi- fiée notablement, ce qui établit une différence entre l'échujine et le curare. Chez les lapins, la dose mortelle est de l™i"'e'',3; chez les chiens, de 0™'"'5',6 par kilogr. La respi- ration artificielle ne retarde pas la mort, qui survient à la suite de convulsions générales, lesquelles chez le chien sont précédées de vomissements, salivation et afîaiblissement général. Il n'y a pas d'élévation de" la pression artérielle (Friedlânder, in Enc. der Thé- rapie, 1897, II, 89). 200 ÉDESTINE. ÈDESTINE. — L'édestine appartient au groupe des albuminoïdes cristalli- sées, qni ont été étudiées récemment par Xeuueister, Chittenden, Hartwell et Osborne, sous le terme générique de phyto-vitellines. De tous ces corps, l'édestine extraite des graines de chanvre est la seule qui puisse être obtenue en grande quantité et à uu prix relativement peu élevé. Aussi cette substance est-elle utilisée de plus en plus, soit pour étudier la protéolyse des albuminoïdes sous l'influence des divers sucs digestifs, soit pour étudier le métabolisme du phosphore dans l'organisme, en écartant le phosphore organique qui est combiné ordinairement avec les matières albuminoïdes qui entrent dans Talimentation. Préparation. — Méthode d'OsBORNE. — Un kilogramme de graines de chanvre après broyage, est traité par 5 litres d'une solution de chlorure de sodium à 5 p. 100 et chauffé pendant deux heures à 60°. Le mélange est alors exprimé fortement dans un linge, le liquide obtenu filtré sur papier. En maintenant le liquide filtré à 25" pendant vingt-quatre heures, on obtient des cris- taux microscopiques de 15 à 50 |j. dans leur grand diamètre, ayant la forme d'octaèdres et quelquefois aussi de plaquettes hexagonales. Les cristaux sont lavés à l'eau froide, puis desséchés par des traitements successifs à l'alcool et à l'éther. l'^'^o de graines donne 80 à 85 grammes de cristaux d'édestine. On trouve avec ces cristaux les réactions des globulines; la solution n'est pas préci- pitée par le chlorure de sodium à saturation, mais elle est précipitée par la saturation avec sulfate de magnésie et sulfate d'ammoniaque, et la réaction du biuret est analogue à celle donnée par les peptones (Neumeister). Le point de coagulation paraît voisin de 100»; encore, à celte température, la coagu- lation n'est pas totale : une partie considérable, 40 p. 100 environ, reste en solution; cependant Chittenden et Mendelhc croient pas qu'il s'agisse de corps différents : ils par- tent même de ce fait pour contester d'une manière générale la valeur du point de coa- gulation comme caractère distinctif des protéïdes. L'analyse centésimale de l'édestine donne des chiffres concordants, en opérant avec le produit coagulé, le produit non coagulé. et enfin avec la substance cristallisée. CHITTENDEN. OSBORNE. Carbone 51,63 SI, 26 Hydrogène 6,90 6,86 Azote 18,78 18,68 Soufre 0,90 ' 0,94 Oxygène 21,79 22,26 100,00 100,00 Cendres 0,56 0,50 Le pouvoir rotatoire serait de — 43°, 48 d'après Chittenden et Mendel. Protéolyse de l'édestine. — Action du suc gastrique. — En traitant l'édestine par une solution de pepsine additionnée de HCl 0,2 p. 100, on obtient une syntonine, préci- pitable par neutralisation; puis, si l'on continue l'action de la pepsine en milieu acide, la plus grande partie de la matière albuminoïde se transforme en protéose. Chittenden et Mendel ont obtenu ainsi toute la série des transformations décrites à propos des albuminoïdes; ils désignent ces corps sous les noms de protovitellose, deuté- rovitellose, etc. La transformation en peptone n'est jamais complète : il reste toujours une certaine quantité de vitellose qui n'arrive pas au stade peptone, et de l'antivitelline, c'est-à-dire un produit qui résiste complètement à l'action protéolytique du suc gas- trique et du suc pancréatique. La comparaison des compositions centésimales des divers corps obtenus est intéres- sante. La diminution du carbone (édestine 51,03; peptone 49,40); l'augmentation de l'oxygène (édestine 21,79; peptone 24,94), sont en faveur de la théorie de l'hydratation finale des produits de clivage; mais, d'autre part, les dosages des produits intermédiaires donnent des chiffres peu concordants, la composition par exemple des protovitelloses est variable suivant le temps de la digestion, elles auteurs cités, rejetant l'idée d'une erreur de dosage, ce qui cependant est bien admissible, arrivent à cette conclusion, qui d'ailleurs est loin d'être inattendue : qu'il existe une série nombreuse de produits intermédiaires, EFFORT. 201 que le terme de proto ou de deutéro doit s'appliquer non pas à une substance définie, mais à un groupe de produits ayant quelques propriétés communes. Nous devons encore citer les travaux de Levene et de Mendel. En chauifant pendant soixante-douze heures de i'édestine avec une solution d'acide chlorhydrique à 20 p. 100 et de chlorure d'étain, et en suivant ensuite les procédés de Kossel, ils ont obtenu les hexoses telles que l'arginine, l'hyslidine et la lysine. La possibilité d'obtenir économiquement de notables quantités d'édestine, c'est-à-dire une substance albuminoïde pure, sans trace de phosphore, a permis de suivre dans de bonnes conditions expérimentales l'évolution du phosphore dans l'organisme. Les études poursuivies jusqu'ici avaient été entravées par ce fait, que, si l'on donnait à l'animai en expérience une alimentation ordinaire, renfermant les trois groupes d'aliments, on intro- duisait une certaine quantité de phosphore combiné avec les albuminoïdes, et que, d'autre part, si on supprimait les albuminoïdes, l'animal était placé dans des conditions anor- males, incompatibles avec le maintien de son équilibre azoté. Steinitz en utilisant la myo- sine avait déjà obtenu une alimentation azotée sans phosphore; mais cette substance est très difficile à préparer. L'édestine a été employée par Leipziger, Zadik et Ehrlich. Il nous suffira de citer les conclusions de la thèse d'EHRLicH faite dans le laboratoire de Rohmann. L'administration d'albuminoïdes phosphores peut déterminer un gain de phosphore dans l'organisme; alors que, dans des conditions identiques, la substitution de l'édes- tine aux albuminoïdes phosphores amène une perte dans le phosphore de l'organisme. Dans d'autres expériences, où il y avait toujours déficit dans l'équilibre phosphore, le déficit était plus fort avec l'édestine qu'avec la caséine. Bibliographie. — Chittenden et Hartwell (J. P., 189 ,xi, 435). — Chittenden et Men- del. The proteolijsis of crystallised globulin (J. P., 1894, xvii, 48). — Neumeister. Lehrlmch der physiologischen Chemie, 1893, i, 32. — Osborne. Crystallised Veyetable Proteids [Ame- rican Chem. Journ., xiv, 672). — Leipziger. Ueher Stofjfwechselversuche mit Edestine (A. g. P., 1899, cxxviii, 402. — Ehrlich. Sto/fwechselversuche mit phosphorfreien Eiiveisskôrpern (D. Breslau, 1900). J.-P. LANGLOIS. EFFORT. — On fait effort pour soulever un fardeau, exercer une traction énergique, résister à une poussée, etc. L'effort accompagne aussi un certain nombre d'actes physiologiques ou anormaux, la défécation, la miction, l'accouchement, le vomis- sement. On a donc pu définir l'effort soit, avec BeauiNis (T. P.) : « le déploiement à un moment donné d'une contraction musculaire intense pour vaincre une résistance consi- dérable* », soit avec Longet (T. P.) : « une contraction musculaire très intense effectuée dans le but de surmonter une résistance extérieure ou d'accomplir une fonction, qui est naturellement laborieuse ou qui l'est devenue accidentellement «.Mais ces définitions ne visent que le but de l'effort, qui est des plus variés et qui ne comporte pas une étude d'ensemble. Ce qui fait l'intérêt de l'effort, ce qui lui donne une physionomie propre, toujours la même, quel que soit le but, c'est son mécanisme, ce sont les modifications qu'il provoque dans le fonctionnement de l'appareil respiratoire, et leurs conséquences. Aussi Marey a-t-il dit avec raison (La circulation du sang, 1881, 464) : l'effort tel qu'on le comprend en physiologie consiste en une tendance énergique à l'expiration, tandis que la glotte est fermée et empêche cette expiration de se produire. Complétons sur un point cette définition : l'effort, dirons-nous, est une tendance énergique à l'expiration, alors que le thorax est plus ou moins distendu en inspiration, et que la glotte fermée empêche l'expiration de se produire. Les littératures étrangères n'ont pas en général de terme équivalent à cette acception française du mot efTort. Ce qui y correspond, c'est la déno- mination d'expérience de Valsalva, ou celle de presse abdominale [Valsalva's Versuch, Bauch-Presse des auteurs allemands). Mais la première n'est pas significative, et d'ailleurs Valsalva n'avait en vue dans son expérience que les effets sur l'oreille moyenne : la seconde, celle de presse abdominale, a l'inconvénient de négliger ce qui se passe du côté du thorax. Les Français, dit V. Frey {Die JJntersmh. des Puises, Berlin, 1892, 207), 1. Il faudrait ajouter : ou pour résister à une puissance. 202 EFFORT. appliquent à ces actes respiratoires le terme très expressif d'efîort, parce que tout effort musculaire intense s'accomplit pendant que la glotte est fermée pour donner aux muscles du tronc, au moment de leur contraction, un point d'appui solide. Mécanisme de l'effort. — Le mécanisme de l'elTort ressort de sa définition même. Au moment oîi il va se produire, on commence par faire une profonde inspiration pour distendre le poumon au maximum et pour y emmagasiner le plus d'air possible. Puis la glotte se ferme sous l'influence de ses muscles constricteurs, el aussitôt les muscles expirateurs, et particulièrement les muscles de la paroi abdominale, se contractent avec force et compriment l'air contenu dans le poumon. La cage thoracique pressée entre la résistance élastique de cet air et la puissance active des muscles expirateurs se trouve solidement fixée et fournit un point d'appui aux muscles qui s'y insèrent. C'est donc dans la fixation de la paroi thoracique que se résume la partie fondamentale de l'effort. Tel est le mécanisme de cet acte, tel qu'il a déjà été exposé [>ar N. Bourdon et Clo- QUET (1820) ; et il n'y a encore rien à y ajouter. 11 est inutile de revenir sur les discussions relatives à la fermeture de la glotte : on en trouvera un résumé dans l'article <■<■ Effort » du Dictionnaire de Jaccoud, par Le De.ntu. Il est certain que ce qui met obstacle à la sortie de l'air au moment oi^i les muscles expirateurs se contractent avec force, c'est le rappro- chement des cordes vocales : aussi l'émission des sons s'arrête-t-elle pendant l'effort, tandis que sa fin est souvent signalée par une expiration sonore. L'inspection directe a permis de constater que, chez l'animal qui fait effort pour se dégager des étreintes qui le retiennent, l'orifice glotti(jue se resserre. Longet a pu s'en assurer sur des chiens sur lesquels il avait détaché l'os hyoïde de la base de la langue pour pouvoir examiner l'intérieur du larynx. Krieshaber a observé le phénomène chez l'homme au moyen du laryngoscope. On a attaché assez d'importance à l'occlusion de la glotte pour en faire la caracté- ristique de l'effort. C'est ainsi que Cl. Bernard place la déglutition « dans la catégorie des efforts passagers, parce que, ne pouvant s'effectuer sans arrêter la respiration, c'est tou- jours le mécanisme de l'eflort, à la durée et à l'intensité près. En effet, l'effort devient très évident et complet quand la déglutition se prolonge comme chez les individus par exemple qui boivent à la régalade ». [Leçons sur la physiol. et la pathol. du syst. nerveux, II, 332.) Malgré l'autorité du grand physiologiste, ce serait donner trop d'extension au phé- nomène de l'effort, que d'y ranger les cas de ce genre : il y manque la tendance énergique à l'expiration. D'ailleurs, l'occlusion complète de la glotte n'est pas absolument nécessaire, l'effort est encore possible avec l'issue d'une certaine quantité de gaz : il suffit que l'effet auquel tend la construction des muscles expirateurs soit contrarié par un rétrécissement assez grand de l'ouverture glottique, et la cage thoracique pouira encore être fixée à un degré suffisant. De même les animaux porteurs d'une fistule trachéale sont capables d'effort, si elle n'est pas trop large. Il va sans dire que, dans ces conditions, l'effort sera moins énergique et moins soutenu. Ainsi que le fait remarquer Le Dentu, les efforts qui exigent le plus la fixité de la cage thoracique ce sont ceux des membres supérieurs. Il n'y a en effet « comme inter- médiaire entre eux et le tronc que l'omoplate, os extrêmement mobile qui ne peut être fixé que si les nombreux muscles qui s'y insèrent trouvent un solide point d'appui sur la poitrine. En outre plusieurs des muscles qui vont aux bras ont une large insertion sur les côtes, le sternum, la clavicule ». Les muscles des membres inférieurs au contraire trouvent déjà dans les conditions habituelles un point d'appui fixe sur le bassin. « Pour- tant le bassin n'est immobile qu'à la condition que les muscles de l'abdomen et ceux des lombes se contractent en même temps pour prévenir la rotation des os iliaques autour de l'axe transversal passant par les deux articulations coxo-fémorales. Pendant les contractions faibles des muscles de la cuisse, les extenseurs et les fléchisseurs du bassin remplissent leur rôle sans que le thorax soit immobile, mais pour les grands efforts cette dernière condition est indispensable, et alors on voit se réaliser les phénomènes qui accom- pagnent l'effort des membres supérieurs, c'est-à-dire l'occlusion de la glotte et la fixation de la- poitrine. » Pour les muscles du cou, celle-ci est aussi moins nécessaire que pour ceux des membres supérieurs, parce que beaucoup d'entre eux s'insèrent directement sur la partie la moins mobile du thorax. EFFORT. 203 Verneuil (Bull, de la Soc. de chirurgie, 185G) avait admis difTérenles catégories d'efforts : il y a peut-être lieu de conserver la distinction qu'il a établie entre l'effort tlioraco- abdominal ou général et l'effort abdominal ou expulsif. Ce qui les différenciait surtout, d'après Vernedil, c'est que ce dernier s'accompagne suivant les cas du relâchement de tel ou tel sphincter. Ces deux catégories d'efforts se distinguaient donc plutôt par leur but que par leur mécanisme, et on les fait facilement cadrer avec les deux parties de la définition de Longet : le propre de l'effort thoraco-abdominal étant de faire du tronc un tout rigide, en vue de surmonter les résistances extérieures le propre de l'effort abdo- minal de servir à l'accomplissement des fonctions normalement ou accidentellement laborieuses. Cette dernière variété mérite, d'ailleurs, bien son nom puisque la fixité de la paroi thoracique doit surtout permettre aux muscles de l'enceinte abdominale de par- ticiper aux divers actes expulsifs. Mais pour que leurs contractions soient réellement efficaces, il faut encore que la distension inspiratoire du thorax avec occlusion de la glotte leur fournisse un point d'appui, de sorte que le mécanisme général reste essen- tiellement le même. On peut cependant établir un caractère distinctif assez important entre les deux variétés d'etïorts : dans l'effort thoraco-abdominal ou général, le dia- phragme est inactif et forme entre les deux cavités qu'il sépare une cloison inerte, ainsi qu'il résulte des expériences de Fa. Franck et Arnozan, dont il sera question plus loin (D. P., 1879). Dans l'effort abdominal au contraire, la contraction du diaphragme coopère d'habitude avec celle des muscles de la paroi ventrale, et ces agents ordinairement anta- gonistes deviennent alors synergiques : la poussée abdominale se fait donc par en bas vers le petit bassin, à moins que des conditions particulières, comme dans le vomisse- ment, ne permettent au contenu d'un des viscères abdominaux de refluer vers le thorax. Dans les dilTérents actes expulsifs d'ailleurs, la variété du but à atteindre nécessite une variété d'actes concomitants dont l'étude trouve sa place dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire. Le cri, le chant, la toux, l'acte de souffler dans un instrument, sont encore des efforts, mais qui ont quelque chose de spécial, en ce sens qu'ils nécessitent forcément pendant leur durée un certain degré d'ouverture de la glotte. Enfin l'occlusion des voies respiratoires peut être transportée plus haut que la glotte; c'est ainsi que dans l'acte de se moucher, l'obstacle à la sortie trop rapide de l'air siège aux lèvres qui se ferment et aux narines qui sont pincées par les doigts. Pression dans le thorax et dans rabdomen pendant l'effort. — Le fait qui domine tout le mécanisme de l'effort, c'est la transformation de la pression négative intra-thoracique en une pression positive considérable, et aussi, quoique à un degré moindre, l'augmentation de la pression abdominale. On peut se faire une idée approximative de la valeur à laquelle s'élève la pression thoracique dans l'efl'ort, en adaptant à la bouche d'un sujet un manomètre et en lui fai- sant faire une violente expiration pendant que les narines sont fermées. C'est par un pro- cédé de ce genre que Valentin a trouvé une pression expiratoire de 25B millimètres Hg : ce chiffre cependant est trop fort et ne doit pas être considéré comme une moyenne. Dans les expériences de MEXDELSOHNla pression n'a atteint que 108 millimètres Hg et dans celles de Stones, qui consistaient à souffler dans un tube adapté aux lèvres, elle a atteint 130 millimètres (Rosenthal, HH, iv, 2'- partie, 218). Les chiffres obtenus par Langlois et Ch. Richet [A. de P., 1891, 1) se rapprochent de ces derniers. D'après les observations de ces physiologistes, un homme adulte vigoureux peut pendant quelques instants respirera travers une colonne de mercure haute de 8 cen- timètres; mais les forces s'épuisent bientôt à ce rude travail. Quelques individus peuvent franchir 10 et lo centimètres, ce dernier chiffre étant tout à fait un maximum. Langlois et Ch. Richet font remarquer aussi que c'est pour peu de temps seulement qu'un pareil effort peut être exercé : la fatigue survient très vite quand la pression à vaincre dépasse 5 centimètres Hg. C'est un point sur lequel Ewald et Kobert (.4. g. P., 1883, xxxi, IGO) ont également insisté, et il a son importance, comme on le verra, au point de vue des conséquences de l'effort. Les physiologistes allemands que nous venons de citer ont déterminé la pression expi- ratoire maximum chez le chien et chez le lapin; chez le premier, elle a atteint de oO à 90 millimètres Hg., chez le second de 15 à 30 millimètres Hg; Langlois et Ch. Richet ont 204 EFFORT. obtenu pour le chien des chiffres un peu plus faibles; d'après eux, cet animal ne peut franchir d'ordinaire, à l'expiration, une colonne d'eau supérieure à 70 centimètres d'eau, soit environ o centimètres Hg. ; de 0,70 à 0,40 la respiration ne peut pas se prolonger pendant longtemps. Cependant Langlois et Ch. Richet ajoutent qu'il ne faut pas considérer ces chiffres comme absolus : il y a de nombreuses exceptions; ainsi, dans une expérience, un chien vigoureux de 12 kilogrammes a pu franchir une pression de 1™,28 d'eau. Il faut tenir compte aussi des conditions expérimentales. Ewald et Kobert ont mesuré en effet la pression expiratoire chez des animaux dont le poumon avait été d'abord dis- tendu au maximum. Ces auteurs se sont assurés que la pression expiratoire augmente avec le degré deréplétion du poumon, et que la position du thorax en état d'inspiration maximum favorise la contraction des muscles expirateurs. Aussi dans l'effort, la toux, réalise-t-on instinctivement les conditions les plus avantageuses à ce point de vue, puisque ces actes débutent toujours par une profonde inspiration. Les chiffres que nous venons de reproduire permettent donc de se rendre compte de la pression thoracique développée pendant l'effort, d'autant plus que, d'après les obser- vations de Ewald et Kobert, dans la toux par exemple, la pression expiratoire s'élève à peu près, chez l'homme comme chez le chien, à sa valeur maximum, préalablement déterminée chez le sujet en expérience. L'augmentation de la pression abdominale pendant l'effort a été peu étudiée : on ne peut guère citer à ce sujet que les recherches de Fr. Franck et Arnozan. Ces expérimenta- teurs, qui ont opéré chez l'homme, ont trouvé que la pression est la même dans le thorax et l'abdomen. Ils se sont servis d'une double ampoule manométrique analogue aux sondes cardiographiques de Chauveau et Marev, La sonde était déglutie, et une ampoule restait dans l'œsophage, l'autre passant dans l'estomac. La première fournissait donc l'indication de la pression intra-thoracique, la seconde celle de la pres- sion abdominale. Dans ces conditions, le sujet exécutant un effort violent on voyait s'élever simultanément la pression dans le thorax et dans l'abdomen. Les deux courbes recueillies ensemble indiquaient une ascension parallèle et de même valeur, ce qui prouve, comme il a été dit plus haut, que, dans l'effort ordinaire, le diaphragme reste inerte. Chez la femme en travail, on voit la pression intra-utérine présenter, sous l'influence de l'efTort expulsif, de notables ascensions : particulièrement au moment des dernières douleurs, la participation des muscles de l'enceinte abdominale peut, d'après Wester- mark, faire monter la pression jusqu'à 400™"", Hg. (cité par Tigerstedt, T. P., u, 407). Influence de l'effort sur la circulation. — L'effort est au premier chef un phé- nomène perturbateur de la circulation. Le cœur, la circulation pulmonaire, la circulai- lion artérielle et la circulation veineuse s'en trouvent également influencés. L'aircomprimé dans les voies respiratoires non seulement agit sur les vaisseaux du poumon lui-même, mais il transmet encore la pression à tous les organes contenus dans la poitrine, c'est-à- dire au cœur et aux gros vaisseaux. Un certain nombre de ces modifications circulatoires peuvent être observées chez l'homme lui-même. Chez l'animal on n'a pas la ressource de provoquer l'effort à volonté : mais on peut cependant recourir à l'expérimentation pour résoudre bien des problèmes relatifs à l'influence de l'effort sur la circulation. En effet, l'insufflation d'air dans la trachée réalise de très près les conditions thoraciques de l'effort: que l'air soit comprimé dans les poumons, ou par l'insufflation ou par la contraction des muscles expirateurs, il agira de la même manière sur les organes intra-thoraciques, et l'assimilation des effets mécaniques produits sur la circulation dans les deux cas est des plus légitimes. Aussi a-t-elle souvent été utilisée depuis Einbrodt [Ahad. W., 1860, xl, 361), et Lalesque, en particulier {Th. P. 1881) a largement appliqué les résultats de l'insufflation pulmo- naire à l'étude des phénomènes circulatoires de l'effort. Pour les reproduire plus com- plètement, on peut de plus appliquer sur le ventre de l'animal une sangle plus ou moins serrée. Si nous examinons d'abord ce qui se passe du côté de la circulation pulmonaire pen- dant l'effort, nous y verrons se produire deux effets successifs. Au moment où le thorax se resserre avec force, les vaisseaux du poumon qui se sont remplis pendant l'inspira- tion préparatoire se vident, parce que leur contenu se trouve pour ainsi dire exprimé dans le cœur gauche et dans le système artériel. Mais l'effet ultérieur et prédominant, EFFORT. 205 c'est l'entrave apportée à la circulation dans le poumon par la pression qui s'exerce sur ses vaisseaux. Rien de plus simple et de mieux connu que l'influence de l'effort sur la circulation veineuse. La pression intra-thoracique, devenue positive, crée un obstacle plus ou moins complet à la pénétration du sang veineux dans la cavité thoracique. Aussi voit-on se produire tous les degrés de distension des veines du cou. Les jugulaires gonflent sous la peau en cordons volumineux et saillants, et par leur résistance au doigt montrent que la pression est très élevée dans leur intérieur. Le cou tout entier augmente de volume par suite de la réplétion des veines thyroïdiennes; la face se congestionne. Cependant, si l'obstaclen'est pas trop considérable, le sang veineux extra-thoracique, s'accumulant aux abords de la poitrine sous une pression croissante, il arrive un mo- ment où celle-ci a acquis une valeur supérieure à celle qui s'exerce à l'intérieur du thorax, et la rentrée du sang veineux se fait alors plus librement. Mais la circulation pulmonaire n'en profite pas forcément, puisqu'elle reste toujours soumise à la même compression : aussi voit-on à cette période la pression augmenter progressivement dans le ventricule droit : c'est du moins ce qu'a constaté Lalesque dans ses expériences d'in- sufflation trachéale. Nous n'insisterons pas davantage sur les variations des circulations pulmonaire et FiG. 82. — Modifications du pouls pendant et aprës un effort (d'après Marey). veineuse; nous aurons, en effet, à y revenir plus d'une fois à propos des changements de la pression artérielle qui leur sont directement subordonnés et qui vont maintenant nous occuper. Marey le premier a consacré à ces derniers une étude détaillée, d'après les indications fournies par le sphygmographe. Dès que l'effort commence, on voit aussitôt s'élever la ligne d'ensemble du sphyg- mogramme (flg. 82), et elle monte d'autant plus haut que l'effort est plus intense ; puis le tracé s'abaisse au moment où l'effort est terminé. Marey conclut de là que la pression artérielle augmente, et il en donne l'explication suivante : « Arrivé à son summum, l'ef- fort a comprimé l'aorte thoracique et l'aorte abdominale avec toute la force dont il était capable. Cette pression extérieure, secondée par l'élasticité aortique a chassé vers les artères périphériques une certaine quantité de sang et y a élevé la tension jusqu'au niveau indiqué par le point c (flg. 83). Mais ces artères contenant du sang sous une plus haute pression donnent un débit plus rapide, de sorte que sous l'influence de l'accrois- sement de la circulation périphérique l'aorte se vide de plus en plus et diminue peu à peu de volume. En diminuant de volume l'aorte perd de sa tension élastique, et par con- séquent la somme des forces qui poussent le sang vers la périphérie diminue graduel- lement. Le maximum de tension c ne se maintient donc pas dans les artères, mais décroît peu à peu, à mesure que décroît la force élastique de l'aorte, bien que l'effort se maintienne le même, et que la pression de l'air dans les poumons garde le même degré, comme on peut s'en assurer au moyen du manomètre. « A cette cause de décroissance de la pression dans les artères, il faut ajouter la diminution graduelle du volume des ondées ventriculaires, car le sang veineux est retenu par l'effort au dehors des cavités splanchniques. Il s'ensuit une diminution du courant sanguin qui traverse le poumon et revient au cœur gauche. La fig. 82 montre cette dé- croissance de la pression et fait voir qu'à partir du point c la ligne d'ensemble du tracé va toujours en s'abaissant. » {Loc. cit., 465.) Marey a montré également que l'efl'ort ne se borne pas à faire varier la ligne d'ensemble du tracé, mais qu'il change aussi la forme et la fréquence du pouls. Celui-ci 206 EFFORT. devient fortement dicrote : son amplitude diminue, et sa fréquence augmente. En somme, d'après le tracé sphygmographique, la pression artérielle augmenterait pendant toute la durée de l'effort, sans toutefois se maintenir au niveau primitivement atteint. Haemisch et Sommerbrodt sont arrivés à des conclusions semblables. S'il ne peut y avoir de doutes sur les caractères du sphygmogramme, par contre l'in- terprétalion qu'en a donnée Marey a soulevé bien des objectioris et ne peut être acceptée sans réserve. Il est vrai que la pression artérielle s'élève au début de l'effort: à ce mo- ment, les vaisseaux pulmonaires, sous l'influence de la pression qu'ils supportent, se vident dans le cœur gauche qui se trouve ainsi approvisionné plus largement et envoie plus de sang dans les artères. A cette première cause, qui tend à augmenter la pression, vient s'en ajouter une seconde : l'effet propulsif, comme l'a signalé Marey, s'exerce aussi sur les parois de l'aorte dont le contenu est refoulé vers la périphérie. Mais comment cette augmentation de pression pourrait-elle se maintenir, puisque d'une part le sang veineux est retenu aux abords du thorax et que d'autre part les vaisseaux pulmonaires continuent à être comprimés? Il suffit d'ailleurs de consulter des graphiques obtenus par de nombreux expérimen- tateurs dans des conditions semblables à celles de l'effort, c'est-à-dire pendant l'insuf- flation pulmonaire, pour s'assurer que la tension artérielle diminue considéra- blement quand la pression thoracique devient positive. Déjà ROLLETT (H. H. IV, 1, 298) a ap- pelé l'attention sur la contradiction qui existe entre l'ascen- sion de la courbe sphygmographique et l'abaissement de pression artérielle que le raisonnement fait pré- voir et que l'expérimentation sur l'animal confirme. Il a émis l'opinion que l'élévation de la ligne d'ensemble du pouls est probablement due à la turgescence des parties molles, et il a suggéré l'idée d'inscrire les pulsations en mettant l'artère à nu et en la faisant reposer sur un plan résistant. Défait, V. Frey a- constaté {loc. cit., 37) qu'une modification de volume du membre, non accompagnée de variations de la pression artérielle, a des effets très marqués sur la courbe sphygmographique. Pendant que le sphygmographe est sur la radiale, si on applique un lien à la partie moyenne de l'avant-bras, on voit s'inscrire une ascension des minima de la courbe. Quand on défait le lien, celle-ci après deux ou trois pulsations revient à son niveau primitif. C'est l'augmentation de volume du membre amenée par la stase veineuse qui agit sur le bouton du sphygmographe : de même, dans l'effort, le gon- flement des parties molles ferait plus que compenser l'influence de la chute de pression. RiEGEL et Franck ont, en effet, déjà admis deux périodes dans l'expérience dite de Valsalva, c'est-à-dire dans l'effort : l'une pendant laquelle'la pression artérielle aug- mente, l'autre pendant laquelle elle baisse : mais ces auteurs se basent sur les carac- tères des pulsations, et surtout sur ceux de l'ondulation dicrote, pour faire cette dis- tinction. Par contre, Trautwein, en se servant d'un sphygmographe à poids, a réellement observé un abaissement de la ligne des minima pendant l'eîfort. Les recherches les plus complètes sur cette question ont été faites par Hirschmann' {A. d. P., Lvi, 1894, 389) qui s'est conformé au plan suggéré par Rollet; cet expérimen- tateur a mis en usage un instrument imaginé par Hurthle, qui permet de prendre à volonté soit le tracé de l'artère in situ, soit celui du vaisseau dénudé et reposant sur un plan fixe. L'expérience était faite sur l'artère crurale du chien, pendant que l'artère du FiG. 83. — Modifications du pouls pendant la durée de l'efiFort (d'après Marey). 1. On trouvera dans le travail de Hirschmann les quelques indications bibliographiques qui ne sont pas données dans cet article. EFFORT. 207 côté opposé était en rapport avec le manomèlre de Hurthle; le poumon de l'animal était soumis à l'insufflation, pendant un temps plus ou moins long. Les résultats ont été très nets. Quand lartère n'était pas mise à nu (flg. 84) on voyait 00 a 33 60 O e o « 25 Z -»! S X 'Z O fi ■- '5 3; ii o o 'C 3 M ■o Oh'-C 'S a i2 ni o — ' o rt ■— ^ 1/^ -T^ 3 O aï 3: a. ai 3 o a != i^ § ■- ,- 73 V -^ ^ O 3 •— ' O ^ 3 * T3 a o - -S3 -a g œ o ^ ■-, F « S = ":;«) -:=' a 2 li o t.1 73 03 ■a 3 a a o •S ^ es o •s S o, fl en S O oj hD o s o * ■S o J3 ÏS tn t/3 ;-. 3 a I te o s te a. les minima de la courbe du sphygraogramme s'élever dès le début de l'insufUation, se maintenir à peu près au même niveau tant que la pression exercée sur le poumon restait la même, puis baisser dans la mesure où celle-ci diminuait. Sur la courbe nianomé- 208 EFFORT. trique de l'attère du côté opposé se marquait aussi au début une augmentation insigni- fiante des minima, mais ceux-ci retombaient bientôt pour rester à un niveau peu diffé- rent du niveau normal. Quand l'artère était au contraire dégagée des parties molles (flg. 85) elle fournissait un tracé qui concordait entièrement avec celui que donnait en même temps le mano- mètre, et les deux courbes suivaient une marche parallèle. Hirschmann en conclut que les sphygmogrammes obtenus par la méthode habituelle ne doivent pas être considérés sans réserves, comme pouvant fournir l'expression de la pression artérielle, et qu'il n'est pas toujours exact de regarder l'élévation de la ligne des minima comme un signe de l'augmentation de la tension. Il est à remarquer que sur le tracé manométrique, dans les expériences de Hirschmann, la ligne des minima ne baisse pas sensiblement pendant l'insufflation : la pression moyenne ne diminue que parla diminution d'amplitude des oscillations cardiaques. 11 faut admettre, suivant Hirschmann, ou bien que le volume moindre des ondées sanguines est compensé par la fréquence plus grande des pulsations, on bien que, sous l'influence de la disten- sion des poumons, les résistances périphériques augmentent par voie rétlexe. En réalité, il ne faut voir dans ces modifications de la pression décrites par Hirschmann qu'un cas particulier : car la plupart des physiologistes ont observé un abaissement réel et consi- dérable des minima de la pression pendant l'insufflation pulmonaire. Ce qu'il faut sur- tout retenir des expériences que nous venons d'énumérer, c'est que, pendant l'effort, l'élévation des minima de la courbe sphygmographique paraît dépendre d'autres condi- tions que de l'augmentation de la pression artérielle, puisqu'elle s'inscrit, alors que le manomètre indiqué une diminution de la pression moyenne. Hirschmann admet avec V. Frey que dans l'effort c'est la stase veineuse qui explique cette contradiction. A propos des expériences de Hirschmann, Knoll rappelle qu'il a publié antérieure- ment des observations semblables faites chez l'homme et reproduit les tracés (flg. 86) qu'il a recueillis {A. d. P., 1894, lvii, 406). Avec le sphygmomanomètre, Basch (A. P., 1881, 446) et Lennmann (Diss. Bonn., 1881) ont constaté aussi l'abaissement de la pression artérielle pendant l'expérience de Val- salva. Enfin, récemment, Hallion et Comte se sontralli-és à cette manière de voir : d'après les indications fournies par les variations de volume du doigt, ils admettent que, si l'effort se prolonge, on voit s'intercaler, entre les deux phases pendant lesquelles la pression dépasse le niveau normal (phase de début, et phase consécutive à l'eft'ort), une période pendant laquelle elle décroît « rapidement et profondément » (B., B., 1896, 903). Différents phénomènes se rattachent à l'abaissement de la pression artérielle : c'est d'abord l'exagération du dicrotisme du pouls, signalé par Marey. Deux causes concourent à la produire : la moindre réplétion de l'aorte et aussi la diminution de volume des ondées sanguines. Il y a, sans doute, lieu aussi de faire intervenir, avec P\chon, la vitesse de la décontraction du cœur, liée à l'accélération de l'organe [Journ. de Phys., 1899, 1130 et tl44). On observe encore une diminution dans la vitesse de propagation de l'onde pulsa- tile. MoENs, en la mesurant comparativement pendant la respiration calme et pendant l'effort, a trouvé les chiffres suivants : respiration cai.me effort 8, 4 millim. par seconde 1, 0 millim. 8, 0 — — 1, 5 — 8, S — — 7. G — On sait en effet que la diminution de la pression artérielle amène une diminution de la vitesse de l'onde. D'un autre côté, comme nous l'avons dit, le cœur est habituellement accéléré pen- dant l'effort. Cette accélération ne se concilie pas non plus avec l'augmentation de pression admise par Marey. Elle est en contradiction avec la loi que l'éminent physio- logiste a lui-même posée sur les rapports entre la tension artérielle et le rythme du cœur. 11 est vrai que pour Marev cette exception peut facilement s'expliquer. Dans l'effort, l'augmentation de pression ne tient pas à un obstacle au cours du sang, mais EFFORT. provient au contraire d'une force nouvelle qui s'ajoute à celle du ventricule gauclie pour pousser le sang vers les extrémités artérielles. Cette force ne se borne pas à comprimer les artères : elle agit [aussi sur le cœur lui- même qui est placé dans un milieu comprimé; en d'autres termes, le cœur est aidé dans ses mouvements» au lieu d'avoir à vaincre un excès de résistance. En outre, la manière dont le cœur se remplit pendant l'ef- fort permettrait aussi de comprendre l'accélération des systoles : celle-ci est une conséquence de la. loi de l'uni- formité du travail du cœur : les systoles deviennent plus fréquentes, parce que chacune d'elles n'envoie dans les artères qu'une faible ondée. On a souvent fait intervenir aussi les influences ner- veuses : les expériences de Hering ont montré qu'une excitation partie des nerfs sensibles du poumon peut amener par voie réflexe une diminution du tonus du pneumogastrique {Akad. W., lxiv, 333). K.NOLL pense que le point de départ de ce réflexe est dans le cœur lui-même, et non dans les poumons {Loc. cit.). Lalesque a émis une hypothèse analogue : la dis- tension moindre des cavités gauches pourrait devenir une cause d'excitation pour les nerfs accélérateurs. Il y a d'autres causes possibles à l'accélération : comme elle s'établit rapidement, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'action des produits de l'activité mus- culaire sur les centres cardiaques; mais on peut songer soit à une excitation réflexe partie des nerfs sensibles de tous les muscles, énergiquement contractés pendant l'effort, soit à un phénomène d'irradiation intercentrale qui associerait l'action des nerfs accélérateurs à celle des autres noyaux moteurs mis enjeu par la volonté. Cependant, si l'on se rappelle que le tonus du centre modérateur du cœur est dans une dépendance très étroite avec les changements de la pression artérielle, l'expli- cation qui paraîtra encore la plus simple et la plus vrai- semblable, c'est que ce tonus s'affaiblit pendant l'effort avec l'abaissement de la pression. Les modifications survenues dans la circulation se traduisent aussi par celles du volume des membres et des organes. Quand commence l'effoit, le tracé plé- thysmographique de la main et de l'avant-bras, comme l'a montré Fr. Fran'ck (Tr. /a6or. cZe Marey, 1876, u), s'ins- crit sur un niveau plus élevé et prend du reste dans tous ses détails des caractères semblables à celui que fournit le sphygmographe (fig. 87). Il n'y a pas de doute que l'augmentation de volume ne soit due k la stase vei- 'b' neuse. Cependant V. Basch est arrivé à des résultats tout à fait opposés : inscrivant à la fois la pression artérielle avec le sphygmomanomètre, et d'autre part le volume du bras, il a vu celui-ci diminuer, pendant l'expérience de Valsalva, en même temps que la pression baisse. Il ne faut pas oublier que deux influences antagonistes agissent sur le volume du membre : d'une part la con- gestion veineuse qui tend à le faire augmenter, d'autre part la chute de la pression artérielle qui tend à le faire 14 ? DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 210 EFFORT. s: Y, o ■< 5. « i « ^ t: .:: .«j o =- Q. S- n Ss o o c ta o t^ ?^ -«^ 5 " o — te " '— ' o I g u 0) diminuer : dans l'expérience de Basch, c'est donc cette dernière qui l'emporte [A. P., 1881,446). Il est certain que, pour d'autres organes, la prédominance de l'efïet artériel sur l'effet veineux se constate très nettement quand la pression thoracique ■■^■n|H devient positive. C'est ainsi que sur des tracés publiés par Dele- ^^^SS^H ZENNE (A. d. P., i89P), 315), on voit le volume du rein suivre ^^HBI^h fidèlement les variations de la pression artérielle et baisser avec ^^^SS^H elle, pendant l'insufflation du poumon, bien qu'à ce moment la ^^mi^l pression soit augmentée dans la veine rénale. Des tracés oncométriques de Klemensiewicz {Sitzuncjsh. Ak. Wien, xciv, 1886, 17) permettent de faire la même constatation, ou plutôt on y observe la combinaison des deux influences oppo- sées. Le volume du rein augmente d'abord par la stase veineuse, à un moment oii la pression artérielle a déjà considérablement baissé, puis il diminue progressivement pendant tout le temps que le poumon est soumis à l'insufflation. Klemensiewicz attribue ce dernier résultat en partie à la réplétion artérielle moindre, en partie à ce que la pression veineuse ne reste pas à un niveau constant pendant la durée de l'expérience, mais aussi à l'évacua- tion des autres liquides contenus dans le rein, lymphe et urine. Mais, pour le volume des ^extrémités elles-mêmes, Hallio>; et Comte ont obtenu des tracés tout aussi complexes. Ainsi, au début de l'efTort, chez l'homme, la stase veineuse se traduit par une augmentation de volume du doigt, à laquelle participe sans doute l'accroissement initial de la pression artérielle. Quand les pulsa- tions sont devenues faibles, rapides, fortement dicrotes, le volume du doigt tantôt se maintient, tantôt subit une diminution relative, en raison de la lutte entre les deux facteurs antagonistes; cepen- dant, d'après Hallion et Comte, c'est l'accroissement de la pres- sion veineuse qui flnit toujours par l'emporter. L'encéphale subit les mêmes variations que les autres organes. En règle générale, le volume du cerveau augmente (flg. 88). Fr. Franck a pu obtenir des tracés très détaillés, pendant l'effort, sur un sujet atteint d'une vaste perte de substance du crâne. De même sous l'influence des ciis, le cerveau devient turgescent chez le lapin (Knoll, Ak. Wien, xciii, 1886,217), chez le chien (Werthei- MER, A. de P., 189.3, 297). Mosso avait comparé l'effet de l'expiration forcée à celui que produit la compression des veines jugulaires. Cependant, ici encore, l'influence de l'abaissement de la pression artérielle pourra se faire sentir. Fr. Franck a soin de noter qu'à mesure que se pro- longe l'elïort on voit diminuer le volume du cerveau, bien que cet effort soit maintenu au même degré manométrique. D'autre part SivEN fait justement observer que, pendant que l'animal crie, il y a élévation de pression artérielle en même temps que stase vei- ^■■RB^H s neuse (Z. B., 1897, xxxv, 506). [Siven a obtenu parfois, par la ^^^■^I^H compression du thorax chez le chien, un abaissement de la courbe ^^^BB^H du volume du cerveau lié à une chute de la pression artérielle. 11 ^^^^RBhh n'y a du reste rien d'étonnant à ce que les résultats ne soient pas ^^^^■n^S univoques, puisque chez le chien, même pendant la respiration ^m9Q| calme, c'est tantôt l'efl'et veineux qui prédomine, tantôt l'effet artériel, exceptionnellement d'après Frkdericq [Trav. Labor., 188o, 94), en règle générale d'après Wertheimer (-1. de P., 1893, 73j) et Siven. Fr. Franck {Encéphale, D. D., 340) a appelé l'attention sur le rôle de soutien que joue le liquide céphalo-rachidien pendant l'effort à l'égard des vaisseaux de l'encéphale. Au début de l'effort ceux-ci tendent à se surcharger: « Leurs parois supportent une pression intérieure croissante, à laquelle ils résistent grâce à leur force élastique; mais aussi, il ne ■ — o £ o; cS _rt r3 o ,tj rj c c^ > s u o ~ v; o > a- teuses, d'un anévrysme. Fr. Franck a fait observer que, pendant l'effort, le danger est surtout du côté des artères, tandis qu'à la fin de l'effort il se reporte surtout sur le cœur droit et les vaisseaux pulmonaires, à cause de la surcharge qui leur est alors EJACULATION. 217 imposée. Il faut ajouter cependant que ce n'est pas pendant toute la durée de l'efTort que les artères sont exposées; elles le sont particulièrement tout au début de cet acte, pour des raisons qui ont été suffisamment développées; de plus, elfes le sont encore immé- diatement à la fin de l'etïort, puisqu'il ce moment la pression artérielle subit une ascen- sion brusque et très marquée, au-dessus de son niveau primitif; elles sont cependant moins en danger qu'au début, parce que, quand l'effort cesse, la stase veineuse ne vient plus combiner son action à celle du renforcement de l'action impulsive exercée sur les artères. E. WERTHEIMER. EJACULATION. — On désigne ainsi la fonction qui préside à l'émission du sperme. A l'état physiologique, l'éjaculation se produit à la suite des frottements du pénis contre les parois vaginales. Ces frottements déterminent une succession d'impres- sions qui, transmises à la moelle épinière, provoquent par voie rétlexe des contractions involontaires et spasmodiques du canal déférent et des vésicules séminales. Le produit des testicules est ainsi déversé dans le canal de l'urèthre. Simultanément plusieurs glandes annexes (prostate, glandes bulbo-urélhrales) expulsent leur contenu qui se mélange au produit testiculaire. L'humeur complexe qui résulte de ce mélange est enfin expulsée par jets saccadés, grâce aux contractions rythmiques des muscles bulbo-ischio- caverneux et des autres muscles du périnée. L'ensemble de ces actes est compris sous le nom d'éjacidation. Mais, outre ces phénomènes locaux, l'éjaculation s'accompagne d'une excitation générale qui se traduit par les phénomènes de l'effort et un sentiment indé- finissable désigné sous le nom de volupté. L'énumération des divers actes qui précèdent et accompagnent l'éjaculation montre combien cette fonction est complexe. L'étude des animaux inférieurs nous renseigne sur la cause première de l'éjaculation et nous prouve que les excitations des organes géni- taux externes ne jouent qu'un rôle secondaire. Les phénomènes essentiels de l'éjaculation s'observent sur les animaux qui sont privés d'organes de copulation et qui répandent le sperme dans l'eau : le mâle, chez beaucoup de poissons, attiré probablement par l'odeur de la femelle ou des œufs, présente le spectacle d'une excitation générale qui le porte à arroser de sa laitance les œufs répandus par la femelle. D'autres fo. comme c'est le cas des grenouilles et des crapauds, le mâle va à la recherche de la femelle, se cramponne sur son dos, et, à mesure que celle-ci pond les œufs, il éjacule sa semence directement dans l'eau. Chez les Vertébrés supérieurs, le mâle est pourvu d'un appareil qu'il introduit dans les organes génitaux femelles et l'éjaculation du liquide fécondant s'effectue dans l'intérieur des organes génitaux femelles. Ici le liquide éjaculé est fort complexe; il résulte, en effet, du mélange du produit testi- culaire et de l'humeur de 'plusieurs glandes accessoires. Ces diverses [humeurs versées dans l'urèthre et expulsées constituent le sperme éjaculé. Pour comprendre l'éjaculation, il est nécessaire de saisir le mécanisme et le rôle de ces diverses parties. A. Rôle des voies d'excrétion et des glandes accessoires. — L'appareil excré- teur du testicule se compose des vaisseaux efférents, des cônes vasculaires, de l'épidi- dyme, du canal déférent, des vésicules séminales et des conduits éjaculateurs (fig. 90). Ces divers conduits sont formés : 1° d'une tunique musculeuse; 2" d'une muqueuse. Dés l'origine, les vaisseaux efférents sont pourvus d'une tunique musculaire lisse, composée d'un plan circulaire et d'un plan longitudinal (fig. 91). Le canal déférent comprend trois couches de fibres musculaires, une circulaire entre deux longitudinales; les fibres muscu- laires lisses atteignent une épaisseur de plus d'un millimètre dans le canal déférent, dont la paroi ne dépasse guère l^i^jS. La tunique musculeuse se poursuit jusque dans les vésicules séminales (fig. 92) et les conduits éjaculateurs, bien que la couche longitudinale interne disparaisse dans la portion pelvienne des voies d'excrétion du sperme. La muqueuse varie également de structure dans les divers segments : dans les vais- seaux efférents, dans les cônes vasculaires et dans la première portion du canal de l'épi- didyme, l'épithélium sfmjjîe est à cils vibratiles. Plus loin, et jusqu'à la portion ampullaire du canal déférent, c'est un épithélium à deux ou plusieurs assises, sans cils vibratiles, qui repose sur un chorion conjonctivo-élaslique très vasculaire. Dans la portion ampul- 218 ÉJACULATION. laire et les vésicules, séminales, l'épithélium se réduit de nouveau à une seule assise de cellules cylindriques, mais sans cils vibratiles. A l'endroit où débouchent les canaux éjaculateurs (réunion du canal déférent et du conduit excréteur des vésicules sé- minales) un appareil glandulaire, A . y^'/// Jl'\ ^^ prostate, est annexée à l'urèthre FiG. 90.— Schéma des organes génitaux musculaires. \, testicule (gauche). — 2, épididyme. — 3, 3' canal déférent. — 4, vésicule séminale. — 5, canal éjaculateur. — 6, glande de Mréy avec son canal excréteur (7). — 8, orbiculaire de l'urèthre (fibres striées). A, vessie. — B, urèthre prostatique. — B', verumDntanum. — C, urèthre membraneux. — D, urèthre bulbaire. — E, bulbe^ — G, G, prostate. W_ 6 FiG. 91. — Coupe du canal déférent (schématique). 1, lumière du canal. — 2, épithélium. — 3, couche interne de fibres musculaires lisses (à trajet longitudinal). — 4, couche moijenne (fibres musculaires circulaires. 5. couche externe (fibres musculaires longitudinales). — 6, tunique adventice (tissu conjonctif lâche). La prostate est essentiellement un organe glandulaire, dont la trame conjonctivo- élastique est riche en fibres musculaires (fig. 93). Elle est composée de lobules ou glan- dules, dont les conduits restent distincts, et débouchent, au nombre de 15 à 30, sur les A Fir,. 92. — Coupe des vésicules séminales. 1, cavité des vésicules. — 2, épithé- lium. — 3, cloisons conjonctives avec fibres musculaires lisses. FiG. 93. — Coupe de la prostate (schématique). A. urèthre. — 1, tunique externe (fibres mus- culaires striées en avant et sur les côtés). — 2, tubes glandulaires. — 3, fibres mus- culaires lisses de la trame. côtés de la crête uréthrale ou verumontanum. G. Walker fait remarquer que le produit de sécrétion est déversé aux points où aboutissent les conduits éjaculateurs. Dans l'inté- rieur de la prostate, chaque lobule ou giandule est entouré d'une couche longitudinale et circulaire de muscles lisses dont la contraction expulse vivement et énergiquenient ÉJACULATION. 219 l'humeur proslatique. Les fibres musculaires lisses qui entrent dans la composition de la trame proslatique sont abondantes : elles constituent chez le chien 1/7 de la masse totale de l'organe, et chez l'homme, 1/4 environ des éléments de la prostate. A partir de la prostate jusqu'à la porlion libre de la verge, l'urètlire comprend, outre la membrane muqueuse et la musculeuse lisse, une tunique de fibres striées. Au niveau de la prostate, la tunique striée n'entoure que les laces antérieure et latérales de l'urèllue; elle porte le nom de sphincter externe de Henle ou de muscle prostatique de Sappky. Elle est formée de deux plans de fibres striées, l'un, périphérique, comprenant des fibres à direction circulaire et l'autre, interne, plus mince de fibres longitudinales. Les fibres circulaires entourent les parois antérieure et latérale, et leurs extrémités se perdent sur le pourtour des lobules les plus antérieurs de la prostate. Selon Walker, la contraction des fibres longitudinales du muscle prostatique a pour effet d'élargir l'urèthre prostatique. La contraction des fibres circulaires chasse le sperme dans l'urèthre membraneux, d'où l'orbiculaire le projette dans l'urèthre spongieux. Les muscles bulbo et ischio-caverneux le poussent enfin vers le méat et l'expulsent. Au muscle prostatique fait suite un anneau complet de fibres striées qui entoure l'urèthre membraneux {muscle orbiculaire de l'urèthre) (fig. 90, 8). Enfin la tunique striée se décompose dans la région du bulbe uréthral : 1° en faisceaux profonds (circulaires et transverses qui entourent les glandes de Méry); 2° en faisceaux superficiels (à direction transverse et antéro-poste'rieure, transverses superficiels et bulbo-caverneux). Mention- nons encore le crémaster, dont les contractions élèvent le testicule et le rapprochent du canal inguinal. Dans la portion ampullaire du canal déférent, les diverticules de la muqueuse sécrètent et renferment souvent une masse muqueuse. Les vésicules séminales varient énormément de taille : petites chez le chien, elles sont énormes chez le cobaye. Le liquide, ou plutôt l'humeur, est souvent épais, d'aspect gélatineux ou laiteux. L'humeur prostatique est blanchâtre ou jaunâtre chez le chien, renferme souvent des concrétions à couches concentriques. C'est ce liquide qui donne au sperme éjaculé l'odeur caractéristique, dite à tort spermatique. Citons enfin plusieurs autres glandes annexées à l'urèthre spongieux et versant leur produit de sécrétion lors de l'éjaculation, A l'endroit où l'urèthre traverse le périnée, on trouve une glande paire, grosse comme une petite fraise, la glande de Méry (1684), appelée à tort glande de Cowper l'anatomiste anglais ne l'a signalée qu'en 1703. Les conduits excréteurs, longs de 5 centimètres, vont s'ouvrir en avant dans la portion bulbeuse de l'urèthre (fig. 00, 6 et 7). De structure ana- logue aux glandes précédentes, les glandes de Méry sont, de plus, logées dans la tunique striée de l'urèthre. Il ne faut pas oublier les nombreuses et petites glandes uréthrales proprement dites qui s'ouvrent dans la portion spongieuse de l'urèthre. Les fibres musculaires lisses et striées des divers organes d'excrétion du sperme ont pour but évident d'assurer une évacuation rapide et simultanée des humeurs élaborées dans les glandes de l'appareil génital. C'est par la vis a tergo que le produit séminal est expulsé des testicules : les cils vibratiles des vaisseaux efférents, des cônes vasculaires et du canal de l'épididyme le font cheminer jusque dans le canal déférent. Les mouvements péristalliques de ce der- nier le poussent jusque dans les vésicules séminales. Les vésicules séminales, en dehors de leur rôle glandulaire ou sécréloire, remplissent, en outre, dans beaucoup d'espèces animales, l'homme y compris, la fonction d'un réser- voir spermatique. Des considérations morphologiques et physiologiques permettent d'affirmer ce double attribut des vésicules séminales. Tandis que, chez le bœuf, les vésicules séminales ne dépassent pas 7 à 8 centimètres, celles du taureau atteignent une longueur de 24 centimètres; chez le premier, c'est la trame conjonctive qui l'emporte sur l'élément épithélial : chez le second, c'est l'inverse. Les mêmes dilférences s'observent sur le cheval hongre comparé à l'étalon, sur le cobaye châtré vis-à-vis du cobaye entier. Lode, à qui j'emprunte ces faits, a montré de plus que l'ablation d'un seul testicule ne modifie ni la quantité ni la nature de la sécrétion dans la vésicule séminale du côté correspondant. Les vésicules séminales sont loin d'avoir la même valeur morphologique chez les 220 EJACULATION. divers mammifères. Chez les Rongeurs, elles sont indépendantes du canal déférent, puisqu'elles s'ouvrent séparément, et à côté de ce canal, dans le conduit, ou sinus uro- génital. Comme l'ont montré les recherches de Leuckart et de Lataste sur le cobaye et d'autres espèces voisines, le produit des vésicules séminales est versé dans le vagin à la suite du sperme et constitue un bouchon qui empêche l'écoulement du liquide spermatique. Les vésicules séminales restent petites dans d'autres espèces (chien) et représentent de simples diverticules de la portion ampullaire du canal déférent. Chez l'homme, enfin, les vésicules séminales acquièrent une certaine indépendance, mais le conduit excréteur de chacune d'elles débouche dans le canal déférent correspon- dant pour constituer le conduit cjaculateuv. Aussi trouve-t-on normalement du sperme dans les vésicules séminales. Si, sur l'adulte, on comprime les vésicules séminales par voie rectale, on parvient presque toujours à faire passer des spermatozoïdes dans l'urèthre. Redfisch a obtenu par cette méthode des résultats positifs sur cinquante personnes, soit bien portantes, soit affectées de troubles des voies urinaires. B. Influence du système nerveux. Centre d''éjaculation. — C'est au niveau de la moelle lombaire que se trouve le centre nerveux qui préside à l'éjaculation. Chez le lapin, par exemple, le centre génito-spinal correspond à la i" vertèbre lombaire. Les impressions sensibles y sont conduites surtout par les fibres centripètes contenues dans le nerf dorsal du pénis. De bonne heure, les histologistes découvrirent dans les parties génitales certains corpuscules où se terminent les nerfs sensitifs, et W. Kraose attribua à ces organes ter- minaux les sensations spéciales, dites voluptueuses; d'où le nom do Wollust-Kôrperchen. Mais des recherches plus précises ont montré que les nerfs se terminent dans les organes génitaux comme partout ailleurs : 1° dans des corpuscules constitués par des lamelles concentriques du tissu conjonctif et rappelant les corpuscules de Vnter-Pacmi; ils se trouvent dans le tissu sous-dermique; 2° dans les corpuscules du tact ou de Meissner, situés dans le corps des papilles dermiques; 3° dans les intervalles des cellules épithé- liales. Les organes génitaux ne différent pas à cet égard des autres régions; ce qui les distingue, c'est l'abondance des ramifications nerveuses dont les arborisations terminales s'épanouissent en se superposant, dans les divers plans qui se succèdent de la profon- deur vers la surface. Cette disposition, jointe à la turgescence des tissus lors de l'érec- tion, semble éminemment favorable non seulement pour recueillir les impressions péri- phériques, mais encore pour en assurer la transmission intégrale. Les fibres motrices ou centrifuges suivent la voie des nerfs lombaires ou sacrés; celles qui vont aux canaux déférents passent par les racines des ¥ et 5=^ lombaires, gagnent le cordon du sympathique, et de là arrivent au canal déférent. Quelques-unes de ces fibres destinées au bulbo-caverneux passent par les 3" et 4" nerfs sacrés (nerf périnéal). Ces fibres amènent des contractions dans le bulbo-caverneux, de façon à produire la projec- tion du sperme, à mesure que ce dernier arrive dans l'urèthre. Du centre génito-spinal partent aussi des fibres allant à la vessie, au rectum; les fibres qui vont au crémaster suivent le lombo-inguinal. Par l'excitation électrique, Koelliker et Virchow ont provoqué sur le canal déférent de suppliciés une série de contractions péristaltiques, analogues à celles que Budge et LoEB ont déterminées sur le lapin. Sur l'animal vivant, il suffit de faire passer un courant galvanique sur le canal déférent ou l'épididyme pour produire un écoulement de sperme (Fick). Dans l'espèce humaine, les sensations déterminées par les glandes génitales peuvent, d'ordinaire à l'état de veille, être dominées et réprimées par la raison ou la volonté. Mais, quand elles reviennent pendant le sommeil, elles déterminent des rêves et des images qui sont le point de départ d'érections et d'éjaculations (pollutions nocturnes). Il est certain que la chaleur du lit, la réplétion de l'estomac, du rectum et de la vessie, le décubitus dorsal, favorisent la congestion des organes génilo-urinaires; mais la conti- nence suffit pour faciliter pendant le sommeil, dans les canaux déférents et les vésicules séminales, les actes réflexes qui entraînent l'éjaculation. Ces pollutions nocturnes sont accompagnées de spasme et de sensations voluptueuses. A Vétat de veille, l'éjaculation peut encore survenir chez l'homme sous l'influence EJACULATION. m d'excitations sensorielles indirectes (baiser, contact), sans qu'il y ait coït proprement dit. Une très longue continence, une surexcitation très grande à la suite d'impressions senso- rielles ou d'images erotiques, sont les causes qui déterminent le plus habituellement une évacuation brusque du contenu des voies spermatiques. Mais coniniunémenL, une fois que l'érection est plus ou moins complète, le pénis peut pénétrer dans le canal vulvo-vagi- nal de la femme. Pour multiplier les impressions et les perceptions sensitives qui résultent de cette intromission, l'homme se met à exécutei' des mouvements de frotte- ment de l'organe mâle contre la paroi vulvo-vaginale. Aux excitations tactiles du pénis se surajoutent les excitations sensorielles, telles que le 'contact, la vue, etc., qui non seulement mettent en jeu le centre génito-spinal, mais réagissent sur l'ensemble du système cérébro-rachidien. Alors se manifestent des phénomènes généraux et locaux. « D'une part, survient une rapide sensation partioulière, indéfinissable, souvent avec une sorte d'anéantissement ou de concentration mentale, sentiment de chaleur le long de la nuque et de la colonne vertébrale, contractions involontaires trémulautes ou même convulsives des muscles du tronc et des membres, ou du frissonnement, contraction ou spasme des muscles des mâchoires ou même grincement des dents, mouvements respi- ratoires courts et répétés avec ou sans cris et accélération du pouls. « En même temps, les mouvements de propulsion par le bassin, de la verge maintenue plus ou moins profondément dans le vagin, s'accélèrent en devenant moins étendus; puis survient, par acte réflexe, la contraction des voies d'excrétion du sperme et des muscles du périnée. Ce fait amène la projection du liquide et la terminaison du coït par une courte sensation plus ou moins vive et spéciale de chaleur due au déversement et au passage du sperme dans l'urèthre. Cette sensation, suivant les états de sensibilité ou de congestion des organes, peut acquérir une intensité presque ou réellement douloureuse parfois, avec ou sans collapsus syncopal consécutif. Par la rapidité avec laquelle cette sensation suit celle du plus haut degré de l'orgasme vénérien, elle ne fait qu'un en quelque sorte avec celui-ci dans les centres nerveux de perception. Toutefois, elle en est distincte; elle s'y ajoute et le renforce. Sa différence est rendue manifeste par la compa- raison des sensations qui causent les rapprochements sexuels normaux avec celles du coït accompli jusqu'à production de l'orgasme final avant l'âge de la puberté, c'est-à-dire sans éjaculation (Ch. Robin). » Les phénomènes locaux se réduisent essentiellement à des contractions musculaires. La contraction du sphincter vésical oblitère l'entrée de la vessie; il est possible qu'il y ait congestion de cette portion de la muqueuse, ce qui expliquerait la difficulté sinon l'impossibilité de la miction pendant l'érection et l'impossibilité absolue de cet acte pendant l'éjaculation. Le crémaster, le dartos et les tuniques musculeuses se contractent, et ce mouvement péristaltique, gagnant successivement les canaux déférents, sur les vésicules séminales et la prostate, déverse le sperme et les liquides accessoires dans l'urèthre. A la suite des contractions des muscles lisses, les muscles striés du périnée et de l'urèthre entrent en jeu. Le sphincter externe de l'anus se contracte énergiquement, ainsi que le releveur de l'anus « qui, en ramenant brusquement et énergiquement en haut le sphincter et la por- tion correspondante du rectum, concourt à comprimer les vésicules séminales contre la masse organique représentée par la portion inférieure de la vessie » (Ch. Robin). Le sperme, déversé dans la région prostatique, est poussé en avant et projeté au dehors par les contractions énergiques du sphincter prostatique, du muscle orbiculaire de l'urèthre, et des muscles bulbo-caverneux. Chez les divers mammifères, les phénomènes généraux sont les mêmes : pendant que durent les secousses et sensations voluptueuses, le mâle semble avoir perdu conscience. On a beau le frapper et le piquer, il ne reagit pas et reste comme insensible à la douleur. A cette suractivité et à ces commotions voluptueuses succèdent, chez l'homme, ainsi que chez la plupart des mammifères, un état d'affaissement très prononcé. Post coituin animal trislc. \° Phénomènes locaux. — L'érection précède-t-elle nécessairement l'éjaculation? En frottant doucement la peau qui recouvre It^ pénis d'un hérisson en rut, Valentin a vu se produire des contractions dans les vésicules séminales. Il est probable que cette éjaculation était précédée d'érection, mais le réflexe de 252 ÉJACULATION. l'éjaculation semble indépendant de celui de l'érection. Nous avons déjà noté que, dans les cas de grande surexcitation, l'éjaculation se produit sans érection préalable. Par une expérience très intéressante, SpIiNA a pu dissocier les deux phénomènes sur le cobaye. Après avoir pratiqué la trachéotomie sur un cobaye, il sectionne la moelle à sa jonction avec le bulbe puis établit la respiration artificielle. Alors il introduit rapidement dans le canal vertébral une sonde qui, dès qu'elle atteint la moelle lombaire, détermine une éjaculation sans érection préalable du pénis qui se montre à peine plus volumineux qu'à l'état de repos. L'irritation de la moelle lombaire suffit, par conséquent, pour faire contracter et vider les vésicules séminales et le canal déférent. Une autre question se pose. Chez les Vertébrés inférieurs (poissons, batraciens), les spermatozoïdes et l'ovule sont émis au dehors, vivent quelque temps dans l'eau, s'y rencontrent et se fusionnent dans le milieu extérieur. Chez les Vertébrés supérieurs (rep- tiles, oiseaux, mammifères), les spermatozoïdes sont versés dans les voies génitales femelles, et l'on se demande si c'est le mâle ou la femelle qui fournit le liquide (milieu intérieur) permettant à ces éléments de conserver pendant quelque temps leur vitalité. Ce liquide paraît être fourni par les glandes qui sont annexées aux voies génitales et dont le produit de sécrétion se mélange aux spermatozoïdes au moment de l'éjacu- lation, l'observation directe prouve que le sperme pris dans le testicule ou le canal défé- rent ne montre que des spermatozoïdes immobiles, même quand on se place dans les meilleures conditions de température. Les spermatozoïdes qu'on trouve dans le canal déférent ne sont animés de mouvements que s'ils sont mélangés au liquide sécrété par les cellules épithéliales de ce conduit. Si l'on mélange du sperme pris dans le testicule, l'épididyme ou le canal déférent avec l'humeur prostatique, les spermatozoïdes exécutent des mouvements pendant un temps fort long. La prostate servirait ainsi essentiellement à fournir un milieu ou véhicule propre à assurer les mouvements des spermatozoïdes. On sait que c'est là une condition nécessaire pour les rendre aptes à féconder l'ovule. Telles sont les conclusions probables que légitime l'examen du sperme pris dans les divers segments des conduits excréteurs. Elles ne précisent guère les fonctions des glandes accessoires. Les vésicules séminales joueraient, nous l'avons vu pour certaines espèces, le rôle de réservoir spermalique. C'est ainsi que, d'après Misur.\ca, on retrouve, au bout de vingt jours, des spermatozoïdes chez les cobayes après l'extirpation des testi- cules, parce que les vésicules séminales en auraient conservé. Cinq à sept jours après la castration, les chiens et les chats, où les vésicules séminales font défaut, n'ont plus de spermatozoïdes. En enlevant l'un des testicules, Lode n'a pas vu survenir chez le cobaye d'atrophie dans la vésicule séminale du côté correspondant. Camus et Gley ne peuvent pas davan- tage conclure de leurs expériences « si les glandes séminales sont absolument indispen- sables ou seulement utiles à la fonction de la reproduction ». Peut-il y avoir fécondation sans que les spermatozoïdes soient mélangés aux produits des vésicules séminales ou de la prostate? Steinbach extirpa les vésicules séminales aux rats blancs. Les femelles couvertes par ces rats sans vésicules séminales furent fécondées et mirent au monde des jeunes bien constitués. Ces expériences sont loin de résoudre la question, puisque le liquide prostatique peut suffire à assurer la vitalité des spermatozoïdes. Les expériences de Redfisch ne sont pas plus concluantes. Ce physiologiste prit sur le lapin le sperme dans l'épididyme même, et le porta dans le vagin de la lapine. Il répéta cette manœuvre sur neuf lapines, mais il n'obtint que des résultats négatifs, en ce sens qu'il n'arriva pas à féconder une seule lapine. En procédant un peu différemment, Ivanoff réussit à féconder des femelles avec du sperme testiculaire. Après avoir recueilli le sperme dans l'épididyme, il le mélangea (à la température de 38°), avant de l'injecter, à une solution de carbonate de soude à 0,5 p. 100. En pratiquant l'injection de ce sperme additionné de carbonate de soude dans le vagin des femelles en rut (lapin, cobaye, chien), Ivanoff eut des résultats positifs : les femelles furent fécondées et mirent bas des petits vivants et bien constitués Je transcris EJACULATION. 223 les conclusions de ce physiologiste : « Les produi'ts de la sécrétion de la prostate et des vésicules séminales ne sont pas d'une nécessité absolue pour la réussite de la féconda- tion... Ils présentent pour le sperme un milieu dilué, qui, en augmentant la masse de l'élément fécondant du mâle, par cela même assure son passage à travers le trajet géni- tal, relativement très long... » 2° Phénomènes généraux. — L'éjaculation est-elle un besoin? Chez l'animal et l'homme adultes, les testicules et les glandes accessoires fonctionnent incessamment, de telle sorte que ces divers organes finissent par être remplis des pro- duits de sécrétion. Cette réplétion des voies sexuelles retentit sur tout l'organisme et suscite les réflexes et les désirs spéciaux qui constituent le besoin ou instinct génésique. Par la raison et les idées morales, l'homme civilisé arrive à modérer et réprimer dans une certaine mesure cet instinct; mais les pollutions nocturnes qui se produisent de temps à autre sont la preuve indiscutable qu'on ne saurait l'abolir, à moins de sup- primer les glandes sexuelles. Il est certain que le travail musculaire et les efforts intel- lectuels diminuent chez quelques-uns cet instinct. On cite des hommes supérieurs, tels par exemple, Newton, qui l'auraient ignoré. Mais, pour le commun des adultes, la satis- faction du sens génésique constitue un besoin. Certaines manifestations qu'on observe chez les mammifères, domestiques ou sauvages, parlent dans le même sens. « Chez quelques animaux, notamment le taureau, il y a des érections périodiques accompagnées d'éjaculations, en dehors des rapprochements sexuels. Ceux des ruminants qui n'ont pas de saillies à effectuer éprouvent ordinairement le matin, lorsqu'ils se réveillent, et après l'expulsion des fèces, des contractions des muscles péniens,' suivies delà projection de la verge hors du fourreau et de l'émission d'une certaine quantité de fluide prostatique et de sperme. « Enfin, il arrive quelquefois que les animaux, pressés par les besoins qu'ils ne peuvent librement satisfaire, se livrent avec fureur à la masturbation, ainsi qu'on le voit assez fréquemment chez les singes, les chiens, le bouc, et même, dit-on, chez le cheval (Colin). » On a fait des observations analogues sur les animaux sauvages enfermés et gardés dans les ménageries. Éjaculation dans le sexe femelle. — Si l'on réduit l'éjaculation à l'excrétion de l'élément mâle, c'est-à-dire du sperme, on est obligé de nier l'éjaculation de la femme. L'acte homologue à l'éjaculation du mâle correspond, en effet, à la chute et à la ponte de l'ovule. Il en va tout autrement si l'on considère les manifestations locales et générales qui accompagnent l'éréthisme sexuel. Chez les femelles, le clitoris et les bulbes du vagin éprouvent une érection véritable à l'époque du rut. « Le doigt introduit dans le vagin d'une chienne en folie, dit Kobelt [loc. cit., 108), avant l'approche du mâle sent un corps résistant qui n'est autre chose que le clitoris, raide et libre, sorti de son fourreau et faisant saillie dans le canal du ves- tibule. Chez une jument en chaleur, les grandes lèvres se retroussent, et on voit le clitoris, érigé et à découvert, exécuter des mouvements brusques en dedans vers le centre du vesti- bule. On appelle cela le clignement, c'est-à-dire une occlusion et un redressement convulsif des bords du vagin en même temps qu'on voit l'érection du clitoris et son élévation. » « Dans l'expérience que nous venons de citer, lorsque le doigt introduit avec précau- tion presse brusquement sur le gland du clitoris en érection, on sent tout à coup dans la sphère d'action du constrictor cunni un resserrement des deux bulbes gonflés, et un mou- vement d'élévation et de compression du clitoris, toujours raide; en même temps que l'animal palpite par secousses et fait voir qu'il est sous l'impression de la sensation « voluptueuse «. L'observation directe des femelles d'animaux a établi que les mouvements réflexes s'étendent à l'ensemble des organes internes. Un mouvement péristaltique, qui débute dans les trompes, descend sur l'utérus et provoque l'excrétion d'un peu de mucus qui pénètre dans le vagin. A ces mouvements s'ajoutent les contractions rythmiques de la paroi vaginale, du constricteur du vestibule, de l'ischio-clitoridien, du sphincter externe et du releveur de l'anus. L'évacuation des glandes de Bartholin se produit en même temps. Ces spasmes du canal vulvo-vaginal nous cxpli(iuent comment les femelles, après 224 EJACULATION. FiG.94.-J/«5c/e«dïi, 1894. — Venette (Nicolas). Tableau de Vamour conjugal, m, 40. — Voltaire. Article « Impuissance « du Dictionnaire philosophique. — Walker (Geo.). Beitrag zur Kennt)iis der Anatomie u. der Physiologie der Prostata {A. A. P., 1899, Anat. Abtheitung). ÉD. REITERER. ELAEOCOCCA (Huile d'). — Huile qu'on extrait de l'E/aeococca wr- nicia. Traitée par une solution alcoolique de potasse, elle donne l'acide élco-margarique fusible à 48° (C'^H'^^O-) et l'acide éléo-stéarique, polymère de l'éléo-margarique, fusible à 71°. ELAIDINE. -^ Corps gras homologue de l'oléine; éther élaïdique de la gly- ce'rine. ELAÏDIQUE (C»»H«0-). —Acide gras, homologue de l'acide oléique. On le prépare en soumettant l'acide oléique ou l'oléine à l'action de l'acide nitreux. 228 ELASTICITE. ELASTICITE. — Tous les corps de la nature, quelle que soil leur rigidité, peuvent être déformés par l'action de forces extérieures. Suivant les cas ces forces devront être plus ou moins puissantes; un effort minime suffit pour plier une lame de caoutchouc, tandis que, pour obtenir le même résultat sur une barre d'acier, il faut déployer une force considérable. Les corps ne difîèrent pas seulement entre eux par leur résistance plus ou moins grande à la déformation, mais aussi par la faculté qu'ils ont de reprendre leur forme primitive quand la force extérieure a cessé d'agir. Une lame de plomb plie sous le moindre etfoit, et la flexion ainsi obtenue sera persistante. La cire à modeler présente le même phénomène à un degré encore pins élevé, c'est un des exemples les plus par- faits de ce que l'on appelle un corps mou, c'est-à-dire d'un corps sur lequel toute défor- mation est permanente. Si l'on répète la même expérience sur un morceau de caoutchouc ou sur une pièce d'acier convenablement trempée, on constate que ces corps reprennent toujours leur forme primitive quand les forces extérieures cessent d'agir : on dit alors qu'ils sont 'parfaitement élastiques. En réalité, comme nous le verrons plus loin, il n'y a ni corps parfaitement mou, ni corps parfaitement élastique et, si, nous rencontrons dans la nature un corps se rappro- chant de cet état idéal, ce n'est qu'à titre d'exception. On peut voir en eflfet que, même sur la cire molle, lorsque les déformations sont petites, il y a un vestige d'élasticité, un bâton de cire légèrement plié a une tendance à se redresser. Au contraire un corps comme le caoutchouc doué en apparence d'une élasticité parfaite est susceptible de con- server de petites déformations permanentes. Sur la plufiart des corps de la nature, ces deux phénomènes, tendance au retour vers la forme primitive et persistance d'une déformation permanente se montrent simultané- ment, l'un ou l'autre prédominant suivant les conditions de l'expérience. Prenons une tige de cuivre : en ne la pliant que très légèrement elle se redressera parfaitement, mais si par un effort énergique nous la courbons fortement, elle restera déformée comme le ferait une tige de plomb. Il en est de même pour tous les corps : dans certaines limites de déformation ils sont parfaitement élastiques, mais quand cette déformation devient par trop grande, elle devient plus ou moins permanente. On dit qu'on a dépassé la limite d'élasticité. Jusqu'ici nous n'avons considéré que le changement de forme des solides, car ce sont les seuls corps ayant une forme propre, mais les liquides et les gaz peuvent aussi manifester leur élasticité quand on cherche à modifier leur volume. Prenons d'abord les gaz, et pour préciser supposons que nous ayons enfeimé un cer- tain volume d'air dans un corps de pompe parfaitement fermé par un piston, nous savons que l'air prendra la forme intérieure du corps de pompe dans lequel il se répandra uni- formément. Si nous abaissons le piston, le volume de l'air se réduira; mais, en vertu de son élasticité, il reprendra sa valeur primitive aussitôt que la force cessera d'agir. La même expérience peut se faire avec un liquide : il suffira pour cela de remplir complètement le corps de pompe d'eau, en ne laissant aucune bulle d'air. On constate ainsi que les liquides et les gaz ont, lorsqu'on cherche à réduire leur volume, une élasticité parfaite, on ne peut leur faire subir une déformation permanente, le volume reprend toujours la même valeur quand la pression revient au même point. Il y a toutefois une grande différence entre la compression des gaz et celle des liquides. Les premiers suivent, comme on sait, la loi de Mariotte : sans effort exagéi'é on peut en diminuer considérablement le volume; il n'en est pas de même des liquides, pour lesquels des réductions de volume même faibles exigent des forces de compression énormes. Pour les solides, on peut aussi, au point de vue expérimental, chercher à réduire leur volume; comme pour les liquides il faut déployer de très grands efforts, et l'on con- state alors qu'après l'expérience il subsiste une déformation permanente plus ou moins accusée. Mais, dans la pratique, l'élasticité des solides intervient surtout d'une façon intéres- sante dans les modifications de forme sans changement de volume qu'ils peuvent subir par traction, torsion, flexion ou toute autre déformation. Considérons d'abord le cas d'une traction exercée sur une barre primaslique ou ÉLASTICITÉ. 229 cylindrique. Celte barre placée verlicalenient sera fixée solidement à sou extrémité supe'rieure : nous l'allongerons en agissant sur l'extrémité inférieure, en y suspendant des poids par exemple. Quand la tige pendra librement, elle aura une longueur L et une section S. Si le poids tenseur est P, l'expérience prouve que l'allongement sera donné par la formule LP , /= :r^ qu'il est aisé de traduire en langage ordinaire. Elle signifie que l'allongement d'une barre soumise à la traction est proportionnelle au poids tenseur P, que la longueur de la barre intervient de la même façon, ce que l'on conçoit aisément. Chacune des unités de longueur de la barre subissant évidemment la même action, l'allongement total sera d'autant plus grand que cette barre contient plus d'unités de longueur. La surface de section joue un rôle inverse; dans les mêmes conditions, plus la section sera grande et moins la barre s'allongera. Enfin nous voyons intervenir un facteur E que l'on nomme le coefficient d'élasticité et qui dépend de la nature du corps soumis à l'expérience. Pour un même poids tenseur, une même longueur et une même section, l'allongement sera d'autant moindre que le coefficient d'élasticité est plus grand. Il en résulte que les corps ayant un grand coefficient d'élasticité exigent des forces très considérables pour être déformés: c'est ce qui se produit pour l'acier. Les corps à faible coefficient d'élasti- cité, comme le caoutchouc, cèdent au contraire sous le moindre effort. L'emploi du mot élasticité crée souvent une confusion par suite du sens différent qui lui est attribué dans le langage courant et dans le langage scientifique. Quand on parle d'un corps ayant une grande élasticité, l'image ducaoutchoue se présente immédiatement à l'esprit; or, d'après ce que nous venons de dire plus haut, le caoutchouc a en réalité un coefficient d'élasticité très faible. Cette contradiction apparente pourrait être supprimée, en usant de ce que Bergo.nié appelle le coefficient d'allongement E qui est l'inverse du coefficient d'élasticité. LPE La formule devient alors / = ^^-^ . Dans les mêmes conditions d'expérience un corps s'allonge d'autant plus que son coefficient d'allongement est plus grand. Un autre élément vient encore augmenter la confusion, c'est la force élastique qui, malgré l'analogie de nom, n'a rien de commun avec les propriétés des corps élastiques que nous avons déjà signalées. Lorsque nous exerçons sur un corps une traction P, s'il n'y a pas rupture, quelle que soit la déformation, le corps exerce sur le poids tenseur une réaction qui, d'après le principe de Newton, est égale et de sens contraire à la trac- tion. Ainsi, si à une tige de matière, de longueur et de section quelconque, nous suspen- dons un poids de 1 kilogramme, cette tige, quel que soit son allongement, soutiendra 1 kilogramme et l'on dira qu'elle exerce une force élastique de 1 kilogramme. On voit donc qu'il n'y a aucune relation entre ce que l'on nomme le coefficient d'élasticité d'un corps et la force élastique qu'il déploie. Le coefficient d'élasticité d'un corps dépend uni- quement de la matière dont il est fait, c'est un facteur qui ne changera pas, quelles que soient les tractions ou déformations que l'on produira. La force élastique, au contraire, change à chaque instant avec les conditions de l'expérience, et elle est toujours égale et de sens contraire à la force qui produit la déformation. Prenons par exemple une tige d'acier fixée à une extrémité et pendant librement ; au bout inférieur accrochons successive- ment les poids de 1, 2, 3 kilogrammes, etc., la tige exercera de bas en haut des tractions de i, 2, 3, kilogrammes, la force élastique qu'elle déploiera variera avec chaque nouveau poids tenseur, et cependant le coefficient d'élasticité n'a pas changé. Inversement, prenons deux tiges; l'une en acier, l'autre en caoutchouc, et faisons-leur supporter à chacune un poids de 1 kilogramme, ces deux tiges mettront en œuvre la même force élastique, et cependant elles sont loin d'avoir le même coefficient d'élasticité. LP La formule /= — est vraie, tant que les allongements sont proportionnels à la trac- tion. Gela est vrai au moins dans certaines limites pour les corps inorganiques, et sur- tout pour les métaux. Weber a montré que pour les fils de soie il n'en était plus de même; à mesure que la charge augmente, les allongements sont de plus en plus petits par rapport à ce qu'ils devraient être. Depuis, divers expérimentateurs et principale- 230 ELASTICITE. ment Wertheim ont montré que pour les corps organiques ce n'était que très exception- nellement que la formule était applicable. Les écarts sont très faibles pour les os, sur- tout quand ils sont bien secs : ils sont encore admissibles pour les tissus desséchés, mais ilsdeviennent d'autant plus considérables que la teneur en eau est plus grande. Ainsi, comme nous le verrons à propos du muscle, pour ce tissu frais la formule I P / = -i-ne donnerait même plus une idée approximative des allongements en fonction ES du poids tenseur. Puisque pour les corps organiques les allongements ne croissent pas aussi vite que les poids tenseurs, la courbe représentatrice de ces allongements doit être concave vers l'axe des abscisses. Wertheim a conclu de ses nombreuses expériences que cette courbe était une hyperbole ayant son sommet à l'origine des cordonnées, et la formule repré- sentative des allongements serait y-z=ax- + bx. Dans chaque cas particulier, il faut déterminer a et 6 par deux expériences, Wertheim utilisait dans ce but les expériences correspondant au plus grand et au plus petit llona- gement mesurés. Il constatait alors que les allongements intermédiaires observés coïn- cidaient assez exactement avec les résultats calculés. Dans les cas où b devient nul, on retombe sur la formule des corps inorganiques. Dans le cas des corps dont la loi d'allongement suit la formule y- = ax- + bx, on voit encore très bien ce que c'est que la force élastique, sa définition n'a pas changé, c'est toujours encore la force qui fait équilibre au poids tenseur et lui est par conséquent LP égale. Mais le coefficient d'élasticité n'apparaît plus comme dans la formule / = r^^. Wertheim a cherché s'il ne serait pas possible, dans le cas des corps organiques, de caractériser leur résistance à la déformation par un nombre qui jouerait le rôle du coefficient d'élasticité ; et voici le raisonnement qu'il a fait. LP Prenons la formule 1 = ^^ el supposons que nous l'appliquions à une barre ayant l'unité de section et l'unité de longueur, cela reviendra à poser S = 1 et L = 1 dans la formule. Si enfin nous admettons que l'allongement est égal à l'unité, c'est-à-dire que sous l'influence de la traction la barre double de longueur, la formule se réduit à E = P, ce qui signifie que : lorsqu'on soumet à la traction une barre ayant l'unité de section, le poids tenseur nécessaire pour en doubler la longueur est exprimé par le même chiflTre que le coefficient d'élasticité. En général, cette opération est matériellement impossible, et l'on suppose idéalement que le corps peut doubler de longueur sous l'influence de la traction sans rupture et sans que ses propriétés ne soient modifiées. Répétons le même raisonnement sur un corps dont la formule d'allongement est de Déterminons par l'expérience, comme nous l'avons dit plus haut, les coefficients a et b de façon à ce que y représente l'allongement sous le poids tenseur x d'un prisme ayant l'unité de longueur et l'unité de section. Si ce prisme double de longueur, la formule se réduira à 1 =o.r- + bx, équation qui ne contient comme inconnue que x. Il suffira de la résoudre et l'on aura comme précé- demment la valeur du poids tenseur qui doublera la longueur du corps, et c'est ce que Wertheim appelle encore le coefficient d'élasticité. Il est important de remarquer que, si ce coefficient d'élasticité permet de comparer approximativement la résistance que des corps difierents opposent à l'allongement, il est loin d'avoir la même valeur que le coefficient d'élasticité des corps suivant la for- LP mule / =-77:7 Pour ces derniers en effet, il suffit de connaître le coefficient E pour pou- LS voir dans un cas quelconque déterminer l'allongement d'un corps. Au contraire, dans l'autre cas, la connaissance du coefficient d'élasticité ne renseigne d'une façon précise que sur la traction nécessaire pour doubler la longueur du prisme qui lui est soumis, si l'on vient à modifier ce poids tenseur d'une façon quelconque, si par exemple on le réduit simplement à moitié, on ne sait plus l'allongement qui eu résulte, il faut absolu- ment connaître les coefficients a et b et appliquer la formule (/- = ax- + bx correspon- dant à ce corps. ELASTICITE. 231 D'après ce que nous avons dit jusqu'ici, la différence entre la force élastique et le coefficient d'élasticité est nettement établie et nous pouvons nous résumer en disant : quel que soit le corps auquel nous ayons à faire, la force élastique ne dépend que des forces extérieures qui agissent sur le corps; le coefficient d'élasticité au contraire dépend de la nature de ce corps, c'est une propriété spécifique de la matière dont il est fait, il est absolument indépendant des forces agissantes et des déformations du corps, c'est un nombre fixe. Nous avons maintenant à étudier d'un peu plus près dans quelles conditions un corps conserve ses propriétés élastiques et comment apparaissent les déformations perma- nentes. Comme nous l'avons déjà vu, il n'y a pas de corps complètement mous, ni de corps revenant d'une façon absolue à leur forme primitive quelle que soit la déformation à laquelle ils aient été soumis. Parmi ceux qui se rapprochent de ce dei'nier état, on a pris l'habitude de désigner les uns sous le nom de parfaitement élastiques, les autres sous le nom d' imparfaitement élastiques, suivant qu'ils s'écartent plus ou moins de l'état idéal. Pour voir dans quelle mesure cette distinction est légitime et mérite d'être conservée, examinons en détail ce qui se passe lors de la déformation d'un corps. Une tige métallique étant fixée à son extrémité supérieure, nous suspendons à la par- tie inférieure un certain poids. Aussitôt que ce poids excercera sa tension, nous pourrons, par des mesures convenables, constater un allongement, et, en variant le poids tenseur, PL nous pourrons vérifier que ces allongements répondent à. la formule / =^ — — où E aura été déterminé à l'aide d'une des expériences. Afin de ne pas employer le mot élasticité qui peut créer des confusions nombreuses et regrettables, Marey a proposé de désigner sous le nom d'extensibilité cette propriété de la tige qui lui permet de s'allonger par traction sans se rompre. Si, pendant que le poids est suspendu à la tige, on l'observe avec soin, on constate que l'allongement va en augmentant peu à peu. Aussitôt que le poids est abandonné à [lui- même, la tige augmente brusquement de longueur, puis se produit un mouvement de descente de plus en plus lent et ce n'est qu'au bout d'un temps parfois fort long que se produit un équilibre stable. Cet allongement consécutif à l'allongement premier est dû à ce que Rosea'thal appelle l' extensibilit'i supplémentaire . Cette extensibilité supplé- mentaire est très variable d'un corps à l'autre, tant au point de vue de sa valeur que de la durée qu'elle met à se produire. La tige étant allongée pendant un temps suffisant pour que nous soyions certain qu'elle a pris toute son extensibilité supplémentaire, nous allons supprimer le poids tenseur. Nous voyons aussitôt la barre se raccourcir en vertu de sa rélractilité [Mk^y.y), mais elle ne prendra pas immédiatement sa longueur primitive, et nous allons rencontrer un phénomène analogue à l'extensibilité supplémentaire, mais inverse. Ce n'est en effet que peu à peu que nous verrons disparaître ce que l'on pourrait appeler cet allongement résiduel; pour qu'il n'en reste plus trace, il faut parfois un temps très long. On voit que les phénomènes d'extensibilité et de rétractilité instantanés qui donnent lieu aux allonge- LP ments et raccourcissements entrant dans la formule / = -rTç^ sont accompagnés de causes perturbatrices dont les effets peuvent être souvent peu apparents, mais qui parfois jouent un rôle très considérable. Cela a lieu en particulier pour les tissus de l'organisme. Il arrive qu'un corps ayant subi une déformation, et les forces extérieures cessant d'agir, il subsiste d'une façon permanente une certaine déformation résiduelle. Nous avons déjà dit que pour les corps mous ce dernier phénomène prend une telle impor- tance qu'il semble exister tout seul, il faut alors une attention toute spéciale pour décou- vrir encore des traces de rétractilité. Mais, même sur des corps comme une barre d'acier, on peut découvrir après un allongement un léger résidu après la suppression de la traction, résidu permanent. Ceci se passe surtout après une première expérience, et il suffit d'avoir fait agir un poids tenseur très lourd pour que dans la suite la rétractilité soit parfaite. Nous voyons donc qu'il n'y a pas de limite tranchée entre les corps mous et les corps élastiques: on passe par degrés insensibles de la cire molle àl'acier trempé, et la classification en corps parfaitement élastiques, imparfaitement élastiques et mous n'a 232 ELASTICITE. aucune rigueur scientifique, ces expressions peuvent tout au plus servir dans le lan- gage courant à donner une idée apiDroximative des propriétés du corps sur lequel on opère. Enfin il faut signaler un dernier point. Ce que nous avons dit suppose que les forces agissantes ne dépassent pas une certaine limite, faute de quoi il y a rupture. Bien avant le moment de la rupture, même pour les corps, qui comme l'acier, se rapprochent le plus d'un étal élastique idéal, les allongements ne suivent plus les règles que nous avons données et il se produit des déformations permanentes considérables : on dit qu'on a dépassé la limite d'élasticité, et cette limite est variable suivant les corps. Nous pouvons résumer tous les résultats acquis en disant que suivant la grandeur des forces agissantes, on peut diviser en trois périodes les déformations qui se produisent sur un corps, et pour simplifier la pensée nous supposerons qu'il s'agisse d'une simple traction sur un prisme. Première période. — Poids faible. — On se trouve dans ce que l'on appelle les limites d'élasticité. a) En vertu de son extensibilité ce corps s'allonge sous la traction et suivant les cas PL l'allongement est donné par une des deux formules : / = — — ou bien y'= ax- + bx. La deuxième formule rentre dans la première quand 6 = 0. b) Le corps continue à s'allonger pendant un temps plus ou moins long en vertu de son extensibilité supplémentaire. c) Quand on enlève le poids, en vertu de sa rétractilité, la tige se raccourcit d'après la même formule qui a servi à calculer l'allongement. d) Pendant un certain temps encore la tige continue à se raccourcir en vertu d'une rétractilité supplémentaire. e) Il persiste, indéfiniment un certain allongement qui souvent ne se manifeste qu'à une première expérience. Deuxième période. — Poids plus fort. — On a dépassé la limite d'élasticité. Les for- mules ne sont plus applicables, il se produit des déformations permanentes consi- dérables. Troisième période. — Poids encore plus fort. — Il y a rupture. Tous les corps présentent chacun de ces phénomènes, mais suivant les cas l'un ou l'autre domine ou devient si faible qu'il semble disparaître complètement. Importance de l'élasticité des corps dans les actions mécaniques. — Lorsqu'un corps se déforme sous l'action de forces extérieures, ces forces dépensent du travail. Si le corps peut revenir de lui-même à sa forme primitive il restituera ce travail qu'il avait emmagasiné à l'état potentiel. Par exemple, écartons un ressort de sa position d'équi- libre, il faudra pour cela développer une certaine force. Pendant tout le temps où le doigt poussera le ressort devant lui pour l'armer, il y aura dépense de travail. Mais arrivés à la limite de la course, laissons le ressort revenir lentement à la position d'équi- libre primitive, que va-t-il se passer? Le ressort exercera sur notre doigt, dans chacune de ses positions le même effort que pendant le premier temps de l'opération, il repous- sera le doigt devant lui et rendra le même travail que celui qui a été dépensé. Il en résulte que, _dans une première période, le doigt fournit du travail au ressort, dans la seconde période le ressort rend le travail en repoussant le doigt jusqu'à la posi- tion de départ. Au moment où le ressort était armé, il renfermait à l'état potentiel le travail qu'il a pu dépenser dans la suite. Toute la mécanique des corps élastiques se trouve dans ces trois phases. On démontre que, si le corps était idéalement élastique, il n'y aurait aucune perte dans ces transfor- mations successives, le travail rendu serait absolument égal au travail absorbé : si au contraire il subsiste des déformations permanentes, il y a toujours perte de travail. C'est ce dont il est facile de se rendre compte. Examinons d'abord le cas d'un corps qui serait parfaitement élastique ; dans la pra- tique un ressort bien trempé remplit ce but d'une façon suffisante; avec le doigt nous allons le faire passer lentement de la position A à la position B(fig. 96), puis nous le lais- serons revenir également très lentement de B en A en modérant à chaque instant sa vitesse avec le doigt. ELASTICITE. 233 Lorsque Je ressort occupera une position G interme'diaire à A. et B, il pourra s'y trouver dans deux conditions : ou bien il se déplacera de A vers B sous la poussée du doigt, ou bien il repoussera le doigt devant lui en allant de B vers A. Dans le premier cas, pendant qu'il passera de G à une position très voisine G', le doigt fournira du travail grâce à une force f, pression de ce doigt, et à un petit déplacement a du point où appuie le doigt, ce travail sera donc «/. Dans le second cas le res- q' .C sort rendra du travail au doigt, le chemin parcouru par le point d'appui de la force pendant le passage de la position C'a la position G sera encore a, de même la force sera encore /"/car elle ne dépend que de la position du ressort, donc ce travail rendu sera encore af, c'est-à-dire égal au travail fourni. Nous voyons donc que nous pouvons décomposer le travail fourni par le doigt pendant la marche du ressort de A en B en une série de petits travaux élémentaires correspondant à des positions très voisines du ressort, telles que G et G'. A chacun de ces petits travaux élémentaires correspond un travail égal rendu par le ressort au doigt lors du retour de B en A. Par conséquent, si l'on additionne tous ces petits travaux dans la première phase, on doit trouver une somme égale à celle que l'on trouverait dans la deuxième phase en faisant la même opération. Dans ce cas il n'y a donc aucune perte de travail. Si nous avions afTaire à un corps complètement mou, il faudrait dépenser un certain travail pour le déformer de la position A à la position B, le corps n'ayant aucune ten- dance à revenir de B en A ne rendrait aucun travail : tout le travail dépensé serait perdu. Mais supposons uu corps ayant des propriéte's intermédiaires, n'étant ni absolument élastique ni complètement mou, que va-t-il se passer ? Nous savons qu'après la fln de l'expérience il doit rester une déformation permanente, par exemple nous aurons une lame dans une position A, nous la ferons passer en B et elle ne reviendra qu'en A'. L'écart entre A et A' sera la déformation permanente (lig. 97). Or nous pouvons décomposer la première phase en deux temps. a) la lame va de A en A'; b) la lame va de A' en B. Dans la deuxième phase la lame revient de B en A'. 11 est aisé de démontrer comme dans le cas précédent que pendant que la lame revient de B en A' elle rend le même travail que celui qui lui a été fourni dans sa marche de A' en B. 11 reste ce qui s'est passé entre A et A', qui consiste uniquement en travail fourni par le doigt à la lame, c'est-à-dire entravail dépensé. Il y a donc à la fin de l'expérience perte de travail, les dépenses excèdent les recettes de tout le travail formé pour faire passer le ressort de A en A'. Nous voyons donc qu'il y a perte de travail chaque fois qu'il se produit une défor- mation permanente : cela peut arriver quand les corps sont plus ou moins mous, mais cela se produit aussi quand ils sont trop rigides, car alors pour la moindre llexion il y a rupture. Il en résulte que dans tout dispositif mécanique susceptible de recevoir des chocs, il faut que ces chocs se produisent entre pièces élastiques, sous peine d'usure rapide et de détérioration; de là l'utilité des ressorts. Il n'y a pas lieu d'insister sur l'avantage de l'élasticité au point de vue de la conser- vation des corps, ce que nous venons de dire et l'observation journalière font comprendre assez clairement qu'il n'y a que les corps possédant un certain degré d'élasticité qui soient de conservation facile, les corps mous se déforment, les corps rigides se brisent. Quant à l'épargne du travail, quoique sa compréhension résulte aussi des explications que nous avons données, il nous semble utile de rapporter deux expériences très ingé- nieuses de Marey, qui font bien saisir l'avantage qu'il y a à substituer des pièces élas- tiques aux pièces rigides dans les dispositifs expérimentaux où il peut se produire des chocs. Quand un homme ou un animal traîne un corps sur le sol à l'aide d'un lien, il est rare que la traction exercée sur ce lien soit absolument continue. Généralement les mouvements de la marche entraînent une série de secousses plus ou moins rythmées et il en résulte des chocs sur les points d'attache. Marey en interposant un dynamomètre enregistreur sur le trajet du lien, constata FiCt. 97 234 ELASTICITE. que, pour obtenir le même déplacement, le travail dépensé variait beaucoup suivant la nature de ce lien. Lorsqu'il avait une élasticité convenable, on pouvait réaliser une éco- nomie de 26 p. 100 sur le cas où il était absolument rigide. Marey a ensuite montré expérimentalement que chaque choc donnait lieu à une perte. 11 s'est servi pour cela d'une petite balance dont le fléau n'était susceptible, grâce à un encliquetage, de tourner que dans un sens déterminé. Ce fléau pouvait ainsi supporter sans s'incliner un poids de 50 grammes par exem- ple, suspendu à une de ses extrémités. A l'autre extrémité du même fléau était attaché un fil assez long portant un poids de 10 grammes. Ce poids ne pouvait par sa seule pesanteur faire incliner le fléau, en l'élevant à une certaine hauteur et le laissant retomber il en résultait un choc à chaque chute. L'expé- rience prouve que ce choc a beau se répéter, le fléau n'est pas entraîné tant que le poids de 50 gram- mes estsuspendu par l'in- termédiaire d'un lien ri- gide. Si au contraire le soutien se fait par un res- sort à boudin ou un fil de caoutchouc, on voit à chaque chute du petit poids l'inclinaison du fléau augmenter, en même temps l'on constate la disparition des chocs qui dans le premier cas ébranlaient tout l'appareil. Voici maintenant une expérience d'hydraulique d'une grande portée dans l'étude de la circulation. On prend un flacon de Ma- RiOTTE dont l'eau s'écoule à travers deux tubes reliés au flacon par une branche com- mune comme le représente la fi- gure 99. L'un de ces tubes est à pa- rois rigides, l'au- tre est un tube de caoutchouc à pa- rois élastiques. Si l'écoulement est continu, on peut régler l'ori- fice des deux tubes de façon à ce qu'ils aient le même débit. Ce réglage fait, produisons, à l'aide d'un levier qui permet d'écraser l'origine des tubes, une série d'interruptions dans les deux courants, il en résultera des jets saccadés. Mais les oscillations seront bien BhaauàiiiU FiG. 98. ELASTICITE. 235 moindres dans le tube e'Iastique que dans le tube rigide, et le débit du premier sera supérieur à celui du second. Ces expériences et un grand nombre d'autres observations montrent le rôle impor- tant que joue l'élasticité des corps, dans tous les dispositifs susceptibles de recevoir des chocs dans leur fonctionnement, tant au point de vue de leur bonne conservation que de l'épargne du travail. L'étude de l'élasticité des corps prend donc une place très importante dans les appli- cations de lamécanique. Divers auteurs, au premier rang desquels il faut citer Wehtheim, ont fait de nombreuses recherches sur ce sujet. Les résultats de ces travaux se trouvent avec une grande profusion de détails dans les traités de résistance des matériaux ou dans des tables spéciales. Leur peu d'intérêt pour les applications biologiques nous permet de renvoyer à ces ouvrages dans le cas exceptionnel où l'on aurait besoin d'un de ces résul- tats, et nous nous bornerons à une étude plus approfondie de l'élasticité des tissus qui entrent dans la composition du corps de l'homme et des animaux. Élasticité des tissus organisés. — La détermination du coefficient d'élasticité d'un corps nécessite la mesure des dimensions de ce corps dans sa forme naturelle et sous l'action des forces extérieures qui le déforment. Toutes les mesures, ou à peu près toutes, ont été faites en allongeant un corps par un certain point tenseur et rapportant cet allongement à l'unité de longueur et de section pendant le repos. La technique est donc généralement simple au moins en principe et ne varie guère que par les divers procédés mis en œuvre pour mesurer l'allongement. Certains expérimentateurs, parmi lesquels WERTHEiM,se sont servis du cathétomètre, d'autres ont enregistré graphiquement l'allongement, comme l'a fait Marey. Tous ces procédés sont trop simples pour que nous les exposions avec détails. Parmi les tissus du corps de l'homme et des animaux, le muscle est certainement celui dont l'élasticité doit être l'objet de l'étude la plus approfondie. Mais cette propriété joue un rôle trop important dans la contraction musculaire pour être traitée séparément. Aussi pour ce point particulier de l'élasticité renvoyons-nous le lecteur à l'article Muscle. Les autres organes ou tissus importants à étudier sont les suivants : 1. Œsophage, estomac, intestin. 2. Vessie. 3. Poumon. 4. Peau. 5. Vaisseaux. 6. Nerfs. 1. Tendons et ligaments. 8. Cartilage. 9. Os. 1-2. Œsophage, estomac, instestin, vessie. — Nous n'avons que des renseignements très vagues sur l'élasticité proprement dite des diverses parties du tube digestif et de la vessie. Le tissu musculaire lisse joue en effet un rôle considérable dans les mouve- ments de ces organes et les phénomènes passifs de l'élasticité proprement dite sont presque complètement masqués. Dans la vessie, où il semble que les mouvements actifs du tissu musculaire aient une part moins grande dans la rétraction de cet oi'gane que l'élasticité purement physique, nous voyons encore intervenir un élément étranger des plus importants, c'est l'action des muscles de la paroi abdominale. Ces muscles en se contractant peuvent en effet exercer par l'intermédiaire de la masse instestinale une pres- sion assez énergique sur le pourtour de la vessie et joindre ainsi leur action à celle des parois même de cette vessie. C'est pour ces diverses raisons sans doute, que, l'élasticité physique de l'œsophage de l'estomac, de l'intestin et de la vessie, ne jouant qu'un rôle secondaire dans le fonc- tionnement physiologique de ces organes, cette élasticité n'a été jusqu'ici l'objet d'aucune étude. Elle prend cependant une certaine importance à l'orifice vésico-uréthral. C'est en effet l'action des fibres élastiques qui entourent cet urètbre et son sphincter qui empê- chent l'urine de s'écouler. C'est ce qui explique pourquoi j'urine reste dans la vessie après la mort. 3. Poumon. — Aucun auteur n'a cherché à exprimer l'élasticité du poumon par un chiffre, et cependant cette propriété a une importance capitale dans le fonctionnement de l'organe. Les mouvements de la cage thoracique pourraient, il est vrai, se trans- mettre aux poumons contenus dans son intérieur, même si ces poumons ne possédaient 236 ELASTICITE. aucune élasticité. Par la seule compression des parois thoraciques, l'air serait expulsé au moment de l'expiration, il serait aussi évidemment aspiré au moment de la dilatation de la poitrine, mais l'action du diaphragme serait complètement nulle. Peut-être même, au moment de la compression du poumon par les parois thoraciques, cet organe repousserait-il le diaphragme de haut en bas, et l'expulsion de l'air par la trachée devien- drait-elle minime. Avec la disposition anatomique existante des organes de la respiration, il faut absolument, pour leur bon fonctionnement, que le poumon possède une élasti- cité qui tende sans cesse à lui faire prendre un volume inférieur à celui de la cage thoracique. C'est grâce à cette élasticité que les poumons exercent sans cesse une sorte d'attraction sur les parois de la cavité dans laquelle ils sont contenus, attraction qui cause la courbure à convexité supérieure du diaphragme. L'aspiration ainsi produite est facile à mettre en évidence sur le cadavre. Si l'on fait passer un tube entre les côtes de façon à l'introduire dans la plèvre et qu'on le réunisse à un manomètre, on constate que sur le cadavre il existe dans cette plèvre une diminution de pression d'environ 6 millimètres de mercure, d'après Donders. En cherchant à produire une distension du thorax correspondant à peu près à une inspiration profonde, on peut arrivera un abais- sement de pression de 30 millimètres. Par conséquent, par sa rétraction élastique seule, le poumon peut exercer une aspiration pouvant donner un abaissement de pression d'au moins 30 millimètres. Je dis au moins 30 millimètres, car il est probable que dans ses expériences Donders n'était pas arrivé à la limite la plus' reculée. Il y a lieu, avant tout, de se demander quelle est dans le fonctionnement normal du poumon la part de l'élasticité physique des tissus et la part de la contraction active des fibres musculaires lisses qui entrent dans la structure de cet organe. Moleschott a en effet montré le premier que, si les alvéoles pulmonaires sont constituées par uq réseau très riche en fibres élastiques fines, il y a aussi au milieu du tissu conjonctif qui sépare ces alvéoles des fibres musculaires lisses. Depuis cette époque, divers auteurs ont confirmé ces observations. Ces fibres musculaires sont sous la dépendance du pneumogastrique, et, d'après d'ARSONVAL, elles joueraient un rôle très efficace dans les mouvements de rétraction du poumon. Si, en effet, on mesure l'abaissement de pression qui se produit dans la plèvre lors de l'expiration normale ou après section du pneumogastrique, on constate que dans le second cas l'effet produit n'est que moitié de ce qu'il est dans le premier. En électrisantle pneumogastrique, on fait légèrement remonter le manomètre. C'est pour cela que d'ARSONVAL pense qu'une bonne partie de l'élasticité du poumon est due à l'intervention active des fibres musculaires lisses sous l'infiuence du pneumogastrique. Paul Bert objecte à cela que les contractions des fibres lisses du poutnon sont trop lentes pour pouvoir suivre le rythme de la respiration. Pour faire la part des fibres élastiques, Laborde a recherché comment variait la rétractilité du poumon dans les jours qui suivent la mort; il a opéré pour cela sur des poumons de chien et de suppliciés. Laborde a constaté que dans les premiers jours il n'y avait qu'une diminution lente de l'élasticité pulmonaire : cette diminution ne devient sensible qu'au bout de quatre ou cinq jours et n'est totalement abolie que le neuvième chez l'homme et le douzième chez le chien. Comme les fibres musculaires perdent très rapidement leur élasticité, on peut conclure de ces expériences que la presque totalité de l'action est due aux fibres élastiques. Faisons remarquer cependant que cela ne prouve nullement qu'à l'état normal les fibres musculaires n'interviennent pas activement. Pour faire ses expériences, Laborde plaçait les poumons à étudier dans un spiroscope de Woillez, et mettait la trachée en communication avec un tambour à levier. En abaissant le diaphragme artifi- ciel, le poumon était distendu, puis revenait sur lui-même quand on abandonnait le dia- phragme. Le retour du poumon était enregistré par le tambour à levier et donnait la mesure de la persistance de l'élasticité. Au lieu d'extirper le poumon, on peut chercher à paralyser les fibres musculaires sur l'animal vivant. Paul Bert a montré qu'en coupant un des pneumogastriques chez le chien, le bout périphe'rique avait dégénéré au bout de quatre jours. Au bout de deux mois, l'animal fut sacrifié. L'excitation du pneumograslrique intact donnait lieu à des mouve- ments du poumon correspondant, tandis qu'il était impossible d'avoir aucune réponse du côté oii le pneumogastrique était coupé. Cependant le chien ne semblait nullement gêné dans sa respiration. L'examen histologique ne permit du reste de déceler aucune lésion. ELASTICITE. 237 Labokde reprit la même expérience. Un cliien dont il avait coupé le pneumogastrique gauche fut sacrifié au bout de trois mois, sans que pendant ce temps ses fonctions n'aient présenté d'altérations notables. Cependant un tracé graphique montrait que l'inspiration du côté gauche était un peu plus faible que du côlé droit. Comme dans le cas de Paul Bert, l'examen histologique ne permit de découvrir aucune lésion du poumon, et il ne semblait y avoir aucune différence entre le côté sain et le côté opéré. Mais en introduisant les deux poumons dans l'appareil de Woillez, on constata que le poumon dont on avait coupé le pneumogastrique trois mois auparavant, ne se dilatait pas aussi complètement que l'autre. Cette dilatation était d'ailleurs irré- gulière, certains lobes faisant saillie à la surface, alors que d'autres restaient complète- ment déprimés. Mais, au point de vue de la rétraction élastique, il ne semblait pas y avoir grande différence entre les deux poumons. 11 semble résulter de ces diverses expériences que, dans la rétraction même du pou- mon, les fibi'es musculaires ne jouent qu'un rôle accessoire. Peut-être comme certains auteurs en ont émis l'hypothèse, servent-elles à brasser l'air des alvéoles ou à en re'gler l'accès comme les fibres musculaires des petits vaisseaux de la circulation règlent l'accès du sang dans les divers territoires. 4. Peau. — L'élasticité de la peau a été fort peu étudiée, et cependant elle joue 'un rôle considérable dans un grand nombre de circonstances. Il y a en effet des cas où les variations de volume considérables du corps exigent que la peau puisse se dilater. Tel est par exemple le cas de la grossesse où la peau subit parfois une extension assez considérable pour laisser après le retour à l'état premier des traces indiquant que la dis- tension avait été portée aux dernières limites. Il en est de même dans l'accouchement. Dans le jeu normal des ai^ticulations, la peau est aussi soumise à divers tiraillements, il faut donc qu'elle possède une certapine élasticité, afin de se prêter aux mouvements des membres, de ne pas les gêner dans les llexions de leurs divers segments, et cependant de ne pas former de plis. Malgré l'importance de ces faits, comme je le disais plus haut, l'élasticité de la peau n'a pour ainsi dire pas été étudiée, les résultats d'un pareil tra- vail ne pouvant être d'un grand intérêt. Il suffit, en effet, d'avoir constaté que la peau est dans certaines limites extensible et rétractile; la valeur même de son coefficient d'élas- ticité est assez indifférente, la peau n'étant jamais susceptible d'emmagasiner et de res- tituer du travail mécanii^ue. 5. Vaisseaux. — Dans toute l'étude de l'élasticité, le chapitre le plus iniportant est, avec celui du muscle, celui des vaisseaux. Non seulement les vaisseaux doivent, comme tous les tissus, posséder une certaine élasticité pour se prêter aux mouvements des membres, mais nous voyons apparaître encore cette propriété comme un facteur impor- tant de la circulation. Nous avons déjà cité l'expérience de Marey qui montre comment l'élasticité des parois d'une conduite peut donner lieu à un écoulement de liquide plus abondant et plus régu- lier que lorsque ces parois sont rigides. Il en résulte que, pour produire un même débit de liquide, la dépense de travail est moindre dans le cas de tubes d'écoulement élastiques que dans le cas de tubes rigides. Cette circonstance favorable se rencontre généralement dans le corps de l'homme et des animaux : les vaisseaux sont élastiques et il en résulte une épargne du travail du cœur. Si, comme il arrive parfois, cette élasticité vient à dispa- raître, pour que les diverses parties du corps continuent à recevoir la même quantité de sang, il faut que le cœur fournisse une dépense plus grande. Cela entraîne une série d'accidents qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici. Nous avons dit aussi que l'élasticité assure au sang un cours plus régulier, les variations de pression à la périphérie sont moins sen- sibles, il s'y produit moins de chocs de liquides. Cela est aussi très important ; car la sen- sibilité des divers organes, parfois très délicats, comme les centres nerveux, est ménagée : ces organes ne sont pas brusquement soumis à des compressions et des décompressions. On voit combien l'élasticité des vaisseaux est une propriété importante, car sa conserva- tion est liée k la fois à l'intégrité de l'organe central de la circulation et au fonctionne- ment normal de certains organes périphériques. C'est encore à Wertheim que l'on doit les premières bonnes mesures de l'élasticité des artères et des veines : le résultat de ses expériences est contenu dans le tableau suivant. 238 ELASTICITE. SUBSTANCES. AGE. POIDS spécifique. FORMULE d'allongement. COEFFt- CIENT d'élaslicilé. COHÉSION. 1 Fémorale . 1 Fémorale Artères, p^morale devenue \ cartilagin. . . . l Fémorale Veines . | Saphène interne. . 'Fémorale 21 ans. 30 ans. 70 ans. 21 ans. 21 ans. 70 ans. 1,056 1,014 1,085 1,055 1,048 1,019 2/2 = 237747000 j;2 + 5784200.i-. y2 = 1174780^:2+ 193970 .r. y2 = 1091350 .r2 + 169699 .r. 0,052 0,844 0,883 0,1403 0,1660 0,1070 0,0989 0,3108 0.1490 Parmi les autres auteurs qui se sont encore occupés de cette question il y a lieu de citer particulièrement Roy qui en a fait une étude très approfondie à l'aide de dispositifs nouveaux extrêmement ingénieux. Dans une première série, de recherches il enregistrait graphiquement les variations de volume d'un fragment de vaisseau dont il avait fermé une extrémité, l'autre extré- mité étant en communication avec un appareil de compression. Les figures 100, 101, 102 représentent ce dispositif, la figure 100 étant une vue d'ensemble et les deux autres donnant le détail de l'enregistreur. Examinons d'abord cette dernière partie (flg. 102j. On a coupé, dans le vaisseau à étudier, un morceau a que l'on a bouché à son extrémité 6. L'autre extrémité est fixée sur une des branches d'un tube en T dont les deux autres branches vont, l'une à l'appa- reil de compression, l'autre à un manomètre. On peut même supprimer une de ces branches, l'appareil de compression pouvant lui-même servir d'instrument de mesure comme nous le montrerons tout à l'heure. Le vaisseau est ensuite enfermé dans un récipient clos de toutes parts et plein d'huile d'olive. La partie inférieure de ce récipient est percée d'un orifice cylindrique formant corps de pompe, dans lequel peut se mouvoir un petit piston. Un système de fermeture spécial assure l'étanchéité absolue. Le piston porte une fine tige d'acier guidée en i et i' et se reliant à un levier amplificateur / qui inscrit sur le cylindre enregistreur. Il est facile de comprendre que toutes les variations de volume de l'artère a, provoquées par des variations de pression interne, vont se trans- mettre fidèlement au levier enregistreur. La figure 101 montre comment se fait la compression. Les deux vases h et î sont réunis par un tube en caoutchouc et contiennent du mercure jusqu'à moitié de leur hauteur. Le reste du vase i est rempli par de l'huile comme l'intérieur de Tarière soumise à l'expérience avec laquelle il communique par K. Quand on déplace le vase h, il en résulte une variation de pression à l'intérieur de l'artère. La pression est mesurée à chaque instant par la différence de hauteur entre les deux vases. Si comme l'indique la figure 101, c'est le cylindre enregistreur lui-même qui règle le déplacement du vase K, les abscisses de la couche représenteront par cela même les pressions. Dans les cas où il était impossible d'avoir un morceau d'artère intact, lorsque par exemple, à la suite d'une autopsie, certains vaisseaux intéressants avaient été incisés sui- vant leur longueur, Roy se servait d'un dispositif différent représenté par la figure 100. L'enregistrement se faisait sur une surface plane, et le cadre portant le papier entraî- nait le poids tenseur d le .long du levier enregistreur qui formait ainsi [une espèce de balance romaine. Ici encore les abscisses de la courbe obtenue représentaient les tractions exercées sur le fragment d'artère h. Ce dispositif est analogue à celui qu'a employé Blix pour étudier l'élasticité musculaire ; Roy s'en est surtout servi pour rechercher comment varie l'élasticité des artères dans les divers cas pathologiques. Les résultats de ces recherches peuvent se résumer ainsi : sur un même animal, l'aorte et les grosses artères se dilatent suivant la même loi sous l'influence d'une pression intérieure: pour chacune d'elles il y a un maximum d'extensibilité correspondant à la même pression. Dans une ELASTICITE FiG. 101. (D'après Roy.) FiG. 102. (D'après Roy.) 240 ELASTICITE. même espèce animale il y a de grandes variations individuelles, mais la foiine générale de la courbe reste toujours la même chez l'animal sain. Un des faits les plus remarquables, c'est que toujours le point de plus grande exten- sibilifé se produit pour la pression moyenne du sang chez l'animal soumis à l'expérience. 0 lO 20 3o 'io 5o 6o 7^ 8o .90 100 uo IZO i3o i^o 2S0 160 ijo 180 IÇO 2P0 ■""^ V, \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ SL \ \ \ w ^N \ \ ^^ N^ V K s N, S S, \ ■ S k^ ) ' \ / 1 ^ ^-v^ i \ 1 j / I / / / / 1^-^ ^ L , 1 / 1 1 1 I 1 / / / 1 1 / / / / / / 1 / ; ^ / 1 i FiG. 103. — Élasticité des artères, d'après Roy. Ce fait d'adaptation fonctionnelle montre bien, s'il en était besoin, le rôle important joué par l'élasticité artérielle dans la mécanique de la circulation. Enfin chez l'homme, ce n'est que chez les individus très jeunes que l'élasticité arté- rielle est aussi parfaitement adaptée aux besoins du corps que chez les animaux, il en est généralement ainsi jusqu'à ce que les vaisseaux aient atteint leur complet dévelop- pement. Dans un âge plus avancé les artères perdent de plus en plus les qualités qui leur permettent de remplir leur pleine fonction dans l'économie. 6. Nerfs. — L'élasticité des nerfs n'a pas par elle-même une importance bien consi- dérable. Sans doute, comme pour les autres organes des membres, ils doivent dans les divers mouvements, pouvoir s'allonger sans en souffrir et revenir ensuite à leur longueur primitive. Mais c'est à cela que se borne tout l'intérêt de leur élasticité, ils n'ont pas à intervenir dans le travail. Wertheim a cependant fait un certain nombre d'expériences sur les nerfs, il a donné leur formule d'allongement, et en a tiré, suivant le procédé que nous avons indiqué plus haut, une valeur du coefficient d'élasticité. Voici quels sont les résultats de Wertheim : POIDS FORMULE COEFFI- SUBSTANCES. AGE. spécifii|i]e. d'allongement. CIENT (l'élaslicilé. COHIiSION. ■ Poplité interne . . 21 ans. L03S 0,709 ScLatique 21 ans. 1,030 y'~ = 9890,0x2 + 36.56 X. 10,033 0,900 1 Sciatique 35 ans. 1,071 y' = 1720, 4. 7;2 + 373 .r. 23,943 0,963 ITibial postérieur . 33 ans. 1,040 1,959 jTibial postérieur . 40 ans. 1,041 y' = 1426.2 j;2 4. 149,28 j;. 26,427 1,300 Nerfs. .' Sciatique 60 ans. 1,028 y = 5417,3 a:2 + 755,4 r. 13,317 0,800 Cutané pérouier. . 70 ans. 1,032 y' = 1708,8 a;2 + 1078,1a;. 23,878 3,330 Sciatique 74 ans. 1,014 y- = 3032,0 a;2 + 936,8 0-. 14,004 0,590 Tiblal postérieur . 74 ans. 1,041 y' = 905,0x2 + 960,2 X. 32,417 Saphène externe. . 74 ans. 1,030 \ Le même, desséclié. 74 ans. 1,129 y^ = 36,792 a;+ 49,18 x. 164,198 9,46 Wertheim a, de plus, voulu se rendre compte des variations que pouvait subir ce coef- ficient d'élasticité dans les jours qui suivaient la mort. Il a pour cela fait une expérience sur un gros chien, et a trouvé que le coefficient d'élasticité augmentait sensiblement. ELASTICITE. 241 Immédiatement après la mort il était en efTet de 17,768, et, cinq jours après, de 26,453. Il trouva aussi que le coefficient d'élasticité des nerfs allait en augmentant avec l'âge. Il semble au contraire diminuer quand le diamètre du nerf augmente, toute proportion gard(''e, bien entendu. 7. Tendons et Ligaments. — Dans certaines conditions, l'élasticité des tendons et sur- tout celle des ligaments peut jouer un rôle très considérable. Il n'est pas question ici d'épargne du travail comme dans le cas des artères, mais plutôt d'une protection de certains organes dans les mouvements brusques ou anormaux des membres. L'extensi- bilité des tendons est minime par rapport à celle des muscles, elle n'intervient donc pas lors des allongements ou raccourcissements de ces derniers : quant aux ligaments, il ne peut être question pour la même raison de leur faire jouer un rôle dans la flexion ou l'extension des articulations. Mais dans certains mouvements forcés il peut être néces- saire que les ligaments s'allongent sans se déchirer : il en est de même pour les tendons lors de la contraction brusque de certains muscles. WERTHEma fait quelques expériences sur les tendons. Elles portent presque toutes sur le plantaire grêle, et, comme on peut le voir, les résultats obtenus présentent de grands écarts les uns avec les autres. Les expériences de Wertheim sont faites avec trop de soin pour que l'on puisse attribuer ces écarts à des erreurs de technique ou à l'imperfection des méthodes : elles sont cer- tainement dues à des différences individuelles. Il est d'ailleurs regrettable que les expériences de Wertheim n'aient pas porté sur divers tendons d'un même individu, afin de voir si les écarts constatés sont accidentels ou varient régulièrement d'un individu à l'autre, simultanément pour toutes les parties du corps. TISSUS. Tendons 4 Du ])laiUaire grèlc. Du plantaire grêle. Du long flécliisscui- propre du gros orteil Le même, îiprès une légère dessic- cation à l'air . . Le même, complè- tement desséché à l'air Du plantaire grêle. Du plantaire grêle. Du plantaire grêle AGE. 21 ans. 35 ans. 35 ans. ;.j ans. 35 ans. 40 ans. 70 ans. 74 ans. POIDS spccill((iie. 1,115 1,123 1,!32 1,124 1.H4 1,105 FORMULE D ALLONGEMENT ' y2 ==48,21^-2 + 80,86 3:. /y2r=ol,04j2 + 55,85 j;. 7/2= 60,58 ;c2 + 9,91 X. 29,72x2 + 5,36 a:. //2 = 28,64x2 + 0,867 X. //2r= 54,69 .r2 + 48,22 X. y2= 34^53 ;^-2 +67,20x. 'v2==24,35a;2 + 135^38 0:. COEFFI- CIENT. d'élasticilc. 164,71 139,42 128,39 183,44 186,85 134,78 169,21 200,50 COHESION. 10,38 4,91 4,11 7,10 5,61 5,39 1. y représente les allonpoments en millimètres par mètre de longueur. X les cliarges en kilogrammes par inillinictre carré de section. Il ne semble pas que le coefficient d'élasticité varie après la mort comme cela arrive pour le nerf. 8. Cartilage. — Rauber me paraît être le seul auteur qui se soit occupé du coefficient d'élasticité du cartilage : encore ses expériences sont-elles peu nombreuses. Les unes ont été faites sur le cartilage costal [Rippen-Knorpel) les autres sur ce que l'auteur appelle iûioc/ieu-Knorpe/ et qui n'est en somme que de l'os décalcifié. Il préparait en effet dans ce but de petits prismes d'os et les faisait macérer dans une solution légère d'acide 16 DICT. DE PHYSIOLOGIE. TOME V. 242 ELASTICITE. chlorhydrique. Quoi qu'il en soit, ces expériences, faites par traction, lui donnèrent les variations suivantes. Knochen-Knorpel 3,8 88 t Kg. Rippen-Knorpel OjSTo ( mill. carré. Ces chiffres expriment le nombre de kilogrammes de traction qu'il faut exercer par millimètre carré de section pour doubler la longueur de ce prisme. 9. Os. — C'est encore à Wertheim que nous devons les premières recherches suivies sur l'élasticité des os. Après quelques essais sur le péroné, il dut renoncer à se servir d'os entiers, par suite de la difficulté qu'il rencontra à bien saisir les os dans les griffes de traction. Un serrage trop énergique donnait en effet lieu à des fêlures de ces os. 11 se servit alors de bandes coupées dans le fémur : ce dernier procédé permettait aussi une détermination plus exacte de la section de l'os au point de rupture. Wertheim trouva que les allongements étaient sensiblement proportionnels aux tractions, siu'tout pour les os secs, ceci comme on sait n'a pas lieu pour les autres tissus. Pour les os frais, le coeffi- cient d'élasticité augmentait un peu avec la déformation. Il semble que le coefficient d'élasticité augmente avec l'âge. Voici du reste l'ensemble des résultats de Wertheim. Élasticité des os, — Homme. POIDS FORMULE COEFFI- TISSUS. AGE. spéeifiqae. d'allongemknt '. CIENT. d'i'liislifilt'. COHKSION ■ / Bande du fémur. . 21 ans. 1,968 7/ = 0,4585 :c. 2181 6,87 du péroné . 21 ans. 1,940 ?/:= 0,3690 a;. 2710 10,26 l du fémur. . 30 ans. 1,984 ?y =3 0,5498 .T. 1819 10,50 Os ' du péroné . 30 ans. 1,997 y = 0,48.57 a:. 2059 15,03 ■ "i du fémur. . 60 ans. 1,849 y = 0,4130 .r. 2421 6,40 / du péroné . 60 ans. 1,799 3,30 du l'émur. . 74 ans. 1,987 y = 0,3791 .T. 2638 7,30 du péroné . 74 ans. 1,947 4,335 1. y représente les allongements en millin X les charges en kilogrammes par millii lètres pa nétre car r mètre de longueur, ré de section. Deux autres travaux importants ont paru sur la même question. Le premier est dû à Rauber, le second à Messerer. Mais les recherches de ce dernier portent à peu près exclusivement sur des os entiers et ont été faits dans le but d'applications chirur- gicales. On trouve dans son travail la résistance à la déformation et à la rupture du crâne, du bassin, du maxillaire inférieur des vertèbres et des divers os longs du corps dans différentes conditions, mais ce serait, il nous semble, sortie de notre sujet que de rap- porter avec détails toutes ces expériences. Rauber a, de même que Wertheim, découpé dans divers os de petits prismes qui lui servaient de corps d'épreuve, et ses expériences ont porté sur la résistance à la déformation par traction, compression, llexion, toision et cisaillement. Pour ce qui est du coefficient d'élasticité proprement dit, R.'^uber fait remarquer que, n'ayant que des corps d'épreuve très courts, les méthodes par allongements manquent de précision : il s'est alors servi pour cette détermination de la déformation par tlexion, et il a déduit le coefficient d'élasticité de cette déformation par une formule. Voici dès lors le résumé de ses expériences. Sur ce tableau on peut suivre les différentes causes qui modifient l'élasticité des os. Il ne semble pas qu'on en puisse tirer une conclusion bien nette sur l'influence de l'Age. Il est au contraire manifeste que les os frais et chauds ont une moindre résistance à la déformation que les os secs et froids. ELASTINE. Élasticité des os. — Homme. 243 TISSUS. AGE. E. OBSERVATIONS. Humérus 30 ans. 1961 Os sec à lo°-20°. » « 2315 Fémur 7 2433 » « 2098 1) 16 ans. 2560 )) 0 2311 » » 2065 )) 70 ans. 2364 » » 2195 t) » 2327 Os frais lo''-20". » 46 ans. » 2137 2081 » » 2339 » » 2424 » „ 2213 1) » ]891 Tibia ') 2323 et 2043 )) .) 2469 et 2372 1) ') 2000 Os frais à diverses températures. à 10° 3 38° 2337 2041 » » 1983 1871 Fémur ....... n 2213 1982 » » — 2093 » » — 2099 Os frais ou sec. » » 1) frais. sec. 2137 2560 » " 2081 2311 1 » » 1891 2065 Pour terminer, donnons encore une table de comparaison des coefficients d'élasti cité des divers tissus du corps humain. TISSUS. E. Os 1871-2794 Cartilage costal 0,875-1,071 Tendon 166,93 Nerf 10,905 Muscle 0,273-1,271 Artères 0,0726 Veines 0,844 Ces chiffres expriment le nombre de kilogrammes de traction nécessaire pour doubler la longueur d'un prisme de substance de 1 millimètre carré de section. GEORGES WEISS. ELASTINE. — Si l'on traite le tissu élastique par divers réactifs, l'alcool et Féther pour enlever les graisses et produits azotés cristallisables ; la potasse diluée, puis les acides minéraux dilués pour dissoudre les matières protéiques solubles, il reste une masse élastique, qui ne se dissout ni dans la potasse à froid, ni dans l'acide acétique con- centré bouillant. C'est Vélastine. 244 ÉLASTIQUE (Tissu) — ÉLECTRICITÉ. L'élastirie se dissout à chaud dans la potasse. Par sa composition eJIe se rapproche des matières albuminoïdes, mais elle en diffère par l'absence de soufre. Voici, d'après Gorup-Besanez [Traité de chimie physioL, trad. franc, I, 194), sa com- position centésimale élémentaire : Moyenne de 6 dosages. Carbone ou, 4 Hydrogène 7,4 Azote 1G,7 Oxygène 20,5 Ces chiffres sont tout à fait ceux des autres matières protéiques. Bouillie avec l'acide sulfurique, l'élastine donne de la leucine. D'après Horbaczewski (cité par Gautier, Chimie bioloy., 113), la composition de l'élas- tine serait la suivante (d'après 9 analyses). Carbone :34,22 . Hydrogène 6,99 Azote : . 16,74 Oxygène '-l,0o) Hilger (cité par Gautier), prépare l'élastine avec l'enveloppe des œufs de serpent con- stituées en grande partie par cette substance, et la composition .qu'il donne est : Carbone 54,68 Hydrogène 7,24 Azote '16,37 Oxygène 2', 71 Elle est très difficilement digestible, et le plus souvent on retrouve dans les matières fécales les fibres élastiques non digf^rées. Pourtant, d'après Horbaczewski, sous l'influence de la pepsine, elle donne de l'élastine peptone. A. Gautier fait rentrer l'élastine dans le f^roupe des protéiques coUagènes, mais en faisant remarquer qu'elle ne donne pas de gélatine à l'ébullition avec l'eau, qu'elle constitue par conséquent un terme de passage entre les collagènes proprement dites et les matières kératiniques. ELASTIQUE (Tissu). — Le tissu élastique est constitué par des fibres qui se trouvent parfois disséminées dans le tissu cellulaire, parfois réunies en amas assez notables pour lui donner une consistance et une résistance toutes spéciales. Elles résistent aux actions chimiques (alcool, potasse, pepsine chlorhydiique) qui détruisent les autres tissus. Les fibres élastiques se trouvent dans beaucoup de régions et d'organes, dans la peau, dans la tunique moyenne des artères, dans les ligaments vertébraux, etc. Leur fonction physiologique paraît être uniquement de donner aux parties qu'elles unissent un lien souple, résistant et élastique. La composition chimique de ces fibres est caractérisée par la présence d'une matière azotée spéciale, l'élastine (voyez Élastine). E LATERINE (C-°H-^0^). — Substance extraite du concombre sauvage (Momor- dica elateriiim '. Elle est insoluble dans l'eau et les acides, très soluble dans f alcool. Ses propriétés purgatives sont déjà manifestes à des doses de 3 à 5 milligrammes (Emily Étude sur le Momordica [elaterium. D. Montpellier, 1886 et Ru.\ta. SuU'azione deW elatc- rina. Gazz. di osp., 188S, vi, 739 et 746). ÉLECTRICITÉ (Mort par !'). — Voyez Fulguration. ELECTRICITE. 245 ÉLECTRICITÉ. PREMIÈRE PARTIE Notions générales de physique. Introduction. — Nous ne pouvons avoir l'intention dans cet article de faire nu exposé théorique des phénomènes électriques. Nous voulons seulement donner un aperçu des l'ésultats pratiques obtenus dans cette science, assez complet et assez net pour que les physiologistes y trouvent les renseignements indispensables. Ils doivent en effet uti- liser en connaissance de cause l'énergie électrique dans les nombreuses circonstances où son emploi s'impose pour les recherches dont ils s'occupent. Nous serons extrême- ment brefs pour l'exposé de l'électro-statique; nous nous bornerons à en dire ce qui est indispensable pour comprendre les phénomènes ultérieurs et pour utiliser les machines statiques et les condensateurs. Nous supposerons que le lecteur connaît les principes de la physique élémentaire. CHAPITRE I PHÉNOMÈNES FONDAMENTAUX I. — Magnétisme et Électrostatique. Magnétisme. — Nous ne décrirons pas les expériences fondamentales de magné- tisme que le lecteur doit connaître; nous admettrons l'existence des aimants, des corps susceptibles de s'aimanter par influence et celle du magnétisme terrestre; nous rappelle- rons seulement les définitions relatives au champ magnctiquc. Quand, autour d'un aimant, on déplace une petite aiguille aimantée ou une petite aiguille de fer doux, on voit qu'elle prend en chaque point une certaine orientation. Nous avons ainsi un moyen de tracer en chaque point la direction de la force magné- tique, car le pôle positif de l'aiguille exploratrice et son pôle négatif sont attirés en sens opposés; l'aiguille ne sera donc en équilibre que quand sa ligne des pôles sera orientée comme la force magnétique. Quand dans un espace il existe en tout point une force agissant sur un corps déter- miné, on dit que cet espace constitue pour ce corps un champ de force. Si nous supposons maintenant que nous tracions la force F en un point M, puis, par un point Mi voisin de M et pris sur F, la F'»- 104. force Fi, et ainsi de suite, la ligne M Mi M2, à la- quelle toutes les forces sont tangentes, formera ce qu'on appelle une ligne de force. Si maintenant nous voulons connaître, par exemple, l'effet produit par un champ de force sur un corps solide terminé par une face plane normale à la force, nous voyons que, si Ton prend sur la face plane un élément assez petit pour que la force soit con- stante en tous ses points, l'action exercée par le champ sur un élément sera proportion- nelle à la force et à la surface sur laquelle elle agit. Le produit FS ainsi obtenu est ce qu'on appelle flux de force à travers la surface S. Si la surface S est oblique sur la force F, tout se passe comme si la composante f de la force F normale à S agissait seule. C'est alors /S que l'on appelle le flux de force à tra- vers la surface S. Nous verrons, à propos des phénomènes d'induction, combien est utile cette notion du flux de force, combien elle rend clair et facile l'exposé des phénomènes. Ces notions essentielles sur le magnétisme étant rappelées, nous pouvons conmiencer à exposer les phénomènes électriques. Nous supposerons acquises, et la notion des corps isolants et conducteurs, et la connaissance des phénomènes d'influence. La masse électrique. — L'expérience la plus simple nous apprend que deux corps frottés, s'ils sont isolants ou isolés, acquièrent chacun la propriété de créer alentour un champ de force. Un corps, préalablement frotté lui-même, isolant ou isolé comme les premiers, sera attiré par l'un de ceux-ci, repoussé par l'autre. Les savants de la fin du siècle dernier et du commencement de celui-ci, séduits par la simplicité de la loi de U6 ÉLECTRICITÉ. l'attraction universelle de Newton admirent immédiatement, avec Coulomb, l'existence de deux fluides agissant à distance indépendamment de tout milieu interposé, chacun d'eux attirant celui de nom contraire et repoussant celui de jnème nom, en raison inverse du carré des distances, et deux petites sphères chargées agissant suivant la droite qui joint leurs centres. Les deux fluides s'appelèrent l'électricité positive et l'électricité négative. Nous insisterons au point de vue expérimental sur une seule propriété, c'est celle du conducteur creux. L'expérience montre qu'une enveloppe métallique protège complè- tement au point de vue électrique les corps qu'elle contient. Si ceux-ci sont métalliques et éiectrisés, ils perdent cette qualité d'une manière complète en touchant les parois. C'est un fait primordial au point de vue théorique; il l'est aussi au point de vue pratique. En effet, introduire un corps dans un conducteur creux et lui faire toucher les parois, c'est le seul moyen de le décharger complètement, et cela indépendamment de la charge du conducteur creux. Toutes les fois qu'on veut protéger un corps contre les actions électriques ambiantes, le seul moyen est de le placer dans le conducteur creux. Cela est facile à réaliser car si, en théorie, la continuité de la paroi conductrice est néces- saire, en pratique un tissu métallique à mailles même larges suffit à protéger ce qu'il enveloppe. Nous allons maintenant étudier ce qu'on nomme la masse 'électrique. Il n'est pas besoin d'insister sur notre répugnance à admettre des actions à distance entre deux corps, sans qu'elles soient transmises de proche en proche par un milieu interposé. Mais, outre cela, les fluides électriques furent immc'diatement doués de propriétés extraordinaires. Ils étaient susceptibles de se masser en quantité finie dans une couche infiniment mince à la surface des corps dits conducteurs. Bien plus, ces fluides pouvaient se masser en tout point de l'espace en quantité infinie et sans produire aucun efïet, à condition qu'il y eût des quantités égales de l'un et de l'autre fluide. Quoi qu'il en soit, la loi de Coulomb peut servir pour l'étude quantitative des phéno- mènes, car les expériences de Coulomb, et d'autres sur lesquelles nous reviendrons, ont montré que tout se liasse comme s'il existait des fluides doués des pi^opriétés ci-dessus. Quoique ce ne soit pas ici le lieu d'entrer dans de grands détails théoriques, mention- nons cependant qu'un théorème démontré en 1894 par Vaschy a apporté cette notion nouvelle : La masse électrique, telle que l'a conçue Coulomb, est une expression mathématique liée à certaines propriétés du champ de force électrique, et absolument indépendante de toute théorie sur la nature des phénomènes électriques. Nous voyons donc que ce qu'il y a de mieux pour un exposé des phénomènes élec- trostatiques, c'est d'employer le nom et les propriétés de la masse électrique, à condi- tion de ne pas nous la représenter comme une matière véritable, et de ne pas considérer l'existence en tout point de deux fluides s'annulant et prêts à être sépai^és sous l'action du champ électrique. L'énergie électrostatique. — Le potentiel'. — Appliquons le principe de la conser- vation de l'énergie. Nous savons que des masses de même nom se repoussent. Donc, pour électriser la surface d'une boule métallique, il a fallu y amener au voisinage l'une de l'autre des masses qui se repoussent : il a donc fallu dépenser un certain travail. Ce travail s'est transformé et est actuellement emmagasiné sous forme d'énergie électrosta- tique; c'est cette énergie que nous aurons ultérieurement à notre disposition pour pro- duire des phénomènes utilisables. Nous devons donc chercher à évaluer la grandeur de cette énergie électrostatique. Soient deux masses M et M'; M' est supposée assez petite pour ne pas troubler sensi- blement le champ. La force électrique /' exercée par M sur M' est dirigée suivant MM'. Si donc M' se déplace sur la sphère décrite de M comme centre, le travail de la force électrique agissant sur M' sera nul. Si maintenant nous considérons un déplacement 1. Ceux de nos lecteurs (pii sont effrayés par des considérations mathématiques élémentaires doivent passer ce qui suit et se reporter tout de suite au paragraphe Définition expérimentale du 'potentiel (p. 248). Nous avons cependant tenu à exposer la théorie du potentiel dans ses grandes lignes et en ne nous servant que du calcul élémentaire. La théorie mathématique est en effet réduite ici à ce qu'elle a de plus simple, et les notions les plus élémentaires suffisent pour lire ce qui a trait au potentiel dans cet article. ELECTRICITE. i'47 M' FiG. 105. très petit M'M", le travail^ de la force électrique sera fW m, car la force /'peut être considérée comme sensiblement constante- pendant le trajet M' M". Nous voyons donc, puisque la droite M" m est sensible- ment confondue avec la circonfé- ^ m,/ rence de centre M, que le travail nécessaire pour amener la masse M' d'une sphère de centre M sur une autre très voisine, est indépendant du trajet suivi. Ce raisonnement jvi peut se répéter de ^ proche en proche, et on voit que la même proposition existe pour le passage d'une masse électrique, d'une sphère de centre M à une autre quel- conque. Si maintenant nous pre- nons deux points quelconques, nous voyons, en opérant de proche en proche, que le travail dépensé pour amener une masse de l'un à l'autre est indépendant du cbeniin parcouru. Cela se généralisera évidemment si nous considérons un système composé de plu- sieurs masses MM1M2, agissant sur une masse M', ',1e travail nécessaire pour aller d'un point à un autre est toujours indépendant du chemin parcouru ; il est le même pour M' a M'i et M' |i M'i ; ce qui revient à dire que le travail dépensé contre [la force électrique pour faire parcourir à M' un circuit fermé est nul. D'ailleurs, en chaque point de l'espace, il y a une force électrique, et nous pouvons'considérer des surfaces qui soient partout normales à la force électrique. Le dé- placement d'une masse électrique sur une de ces surfaces n'exigera aucun travail. Soit donc une ligne tracée M'iM'a sur la surface normale aux forces passant par M'i ; le travail dépensé le long du contour M'M'iM'-2, est le même que le travail dépensé le long de M' M'i. Or le travail dépensé le long de M'i M'2 est nul, donc le travail dépensé suivant M' M'2 est le même que le travail dépensé suivant M' M'2. Ces surfaces normales à la force en chaque point jouissent donc de la même propriété que les sphères de tout à l'heure, le travail dépensé pour amener une masse électrique déterminée de l'une d'elles sur la suivante est le même quels que soient les points choisis sur les deux surfaces. Si donc nous considérons une surface infiniment éloignée, sur laquelle la force est nulle, nous voyons que le travail dépensé pour amener une masse électrique de grandeur déterminée de l'infini sur une surface déterminée normale aux forces est une constante caractéristique de cette surface; la valeur de ce tra- vail, quand la masse déplacée est égale d l'unité de masse élec- trique, est ce qu'on appelle le potentiel de cette surface. Les surfaces ainsi construites se nomment surfaces équipotentielles. L'existence de deux surfaces équipotentielles infiniment voisines détermine complètement la force en chaque point. En effet, si V est le potentiel en M, V le potentiel en M', le travail pour aller de M en M' en suivant la ligne de force, qui, dans ce petit espace peut être considérée comme 1. On appelle travail dune force pendant un déplacement le produit de ce déplacement par la projection de la force sur lui. Ainsi le travail de la force AF pour le déplacement AP est APxA /'. Si donc la force et le déplacement sont rectangulaires, le travail est nul. Un véliicule sans frottement en terrain plat se mène sans effort. 2. Les principes du calcul diffé- ^A' FiG. 207. r p FiG. 108 rentiel montrent que cette approximation et celles de même nature faites dans la suite sont rigoureuses. 248 ELECTRICITE. rectiligne, est V — V. Le travail dépensé est d'ailleurs F. MM'. Donc V — V =F x MM' d'où F ^= 7— . Nous voyons donc immédiatement que, pour que la force électrique MM soit nulle dans une région de l'espace, il faut et il suffit que le potentiel y soit constant. Ceci suffit pour démontrer que le potentiel d'un corps conducteur est constant, dans quelque condition qu'il se trouve, en régime électrostatique permanent. Quand on admet complètement la théorie des fluides, on se contente de dire que si dans le corps conducteur il y avait une force, les deux fluides qui existent toujours à l'état de combinaison, seraient décomposés par la force électrique, et que l'état qui en résulterait ne saurait être stable, puisque le corps est conducteur. 11 n'est pas besoin de faire ressortir combien ce raisonnement est peu satisfaisant; car, si nous avons le droit de faire intervenir la masse électrique dans les calculs de force, nous ne saurions admettre l'existence de masses égales et de signes contraires en quan- tité infinie en tout point d'un corps. Il vaut mieux considérer ceci comme un fait expé- rimental. Il résulte en effet des expériences fondamentales de Faraday, que la force électrique est toujours nulle en tous les points d'un conducteur creux, quelles que soient les actions qu'il subit par l'extérieur. De même tous les phénomènes électriques pro- duits à l'intérieur d'un conducteur creux sont sans aucune action extérieure. Un corps conducteur est donc forcément toujours tout entier au même potentiel, puisque la force y est nulle et que la surface estune surface équipotenlielle. De ce qui précède, il résulte immédiatement que si on augmente d'une môme quan- tité tous les potentiels d'un système, les forces n'y seront pas changées et aucune expé- rience ne pourra indiquer l'augmentation de potentiel produite. La différence de poten- tiel entre deux points est donc seule intéressante. Cherchons maintenant la relation entre le potentiel d'un corps conducteur et sa charge, c'est-à-dire la quantité d'électricité qui est accumulée à sa surface. Il est évident que, si nous avons un système de masses électriques donnant en un point une certaine force F, nous aurons en ce même point, la force KF dirigée comme F', si toutes les masses agissantes sont respectivement multipliées par K, et si la masse très petite qui nous sert à l'exploration du champ reste la même; cela sera vrai en tous les points de l'espace. Reportons-nous maintenant à la relation entre la force etle potentiel V -V MM' MM', que l'on ait V'i — Vi =K(V' — V). Mais cela doit être vrai pour toutes les valeurs de MM', tant qu'il reste petit, et aussi pour tous les points du champ. Donc on doit avoir partout, pour le nouveau système, Vi = KV. Si en effet nous considérons un point où le potentiel est nul, et il y en a toujours au moins à l'infini, les relations précédentes montrent que pour ces points où V^Vi^O on a V'i=KV', ce qui, répété pour tout le champ de proche en proche, démontre les propositions suivantes : Si on multiplie par tin même nombre toutes les masses agissantes d'un champ élec- trique, la forme des surfaces équipotentielles reste la même. On conclut immédiatement de là, puisque la surface d'un conducteur est équipoten- tielle, que la superposition sur la surface de ce conducteur de deux systèmes de masses en équilibre est encore un état d'équilibre. Enfin, le potentiel en tout point de l'espace autour d'un conducteur est proportionnel à la charge de ce conducteur. Cette dernière conclusion s'applique évidemment au conducteur lui-même. La capacité électrique. — Si donc nous appelons Q la quantité d'électricité con- tenue à la surface d'un conducteur, et V son potentiel, nous aurons Q=î=CV, C étant une constante en rapport avec la forme et les dimensions du conducteur; c'est ce qu'on appelle sa capacité. Ce qui précède était indispensable pour comprendre la notion de capacité, qui est une des plus importantes au point de vue de la pratique physiologique, l'irritabilité des tissus étant fréquemment mise en jeu par des décharges de condensateurs. Définition expérimentale du potentiel. — On peut admettre comme lois expéri- mentales la plus grande partie des résultats que nous venons de démontrer rationnel- lement. Nous allons maintenant prendre la question de cette manière pour ceux qu'effraie F= ^,,,, ■ La force devenant KF, il faudra évidemment, pour une même grandeur ELECTRICITE. 249 FiG. 109. l'appareil mathématique qui précède. Supposons un corps conducteur chargé A, les expé- riences connues du plan d'épreuve de Coulomb montrent que la densité électrique n'est pas la même en tous les points du corps. Mais, si au lieu d'appliquer le corps d'épreuve contre la surface, on le met à distance de celui-ci, et en communi- cation par un fil fin, comme le corps a de la fi^'ure, on s'aperçoit que la charge du coi-ps est absolument indépendante du point du corps A touché par le fil de communication. Cela est évident par la théorie précédente; car les corps forment un seul conducteur qui doit être équipotentiel, mais on peut le considérer comme un pur résultat expérimental. La constante du corps A s'appelle son potentiel. Définition expérimentale de la capacité. — Si on augmente la charge du corps A, ou voit que la charge du corps a croît proportionnellement à celle du plan d'épreuve placé en un point toujours le même, quel que soit ce dernier point. On peut donc dire que le potentiel d'un corps chargé est proportionnel à sa charge. Nous voyons donc que nous pouvons poser Q = GV, en appelant Q la charge totale d'un corps, et V son potentiel, C étant une constante. Cette constante est ce qu'on nomme la capacité du conducteur A. Comparaison des capacités. — Les instruments destinés à être utilisés pour la mesure des potentiels sont les électromètres. Le plus simple est composé de deux feuilles d'or minces (fig. HO) qui s'écartent quand elles sont chargées de la même manière; nous supposerons que nous en avons un à notre disposition, il va nous servir à étudier les conditions d'oii dépend la capacité d'un corps conducteur. Nous décrirons plus loin les instruments de précision qui permettent d'éta- blir les lois d'une manière indiscutable, et qui servent pratiquement dans les mesures. Nous pouvons comparer les capacités de corps différents, uniquement avec ce que nous savons. Soit un corps A chargé d'une quantité Q d'électricité. Nous mesurons son potentiel V^ par l'élec- Irométre a. Appelons Ca sa capacité. Mettons B, primitivement au po- tentiel 0, en communi- cation lointaine avec A. Soit Cb sa capacité; appelons V le potentiel linal du système (jui nous sera indiqué par ((, et exprimons que la quantité d'électricité qui était sur A s'est répartie sur A et B : on a Q = C.^ Va = (C.v + C,0 V^ (1), Prenons un deuxième corps D et recommençons, nous aurons une deuxième relation où Cb sera rem- FiG. 110. placée par d,. La relation (1) détermine le rapport Cn V = — — 1, la deuxième détermi- ' B nera ^. Nous avons donc le moyen de comparer les capacités des corps B, D, etc., ou de les mesurer er. prenant Ca comme unité. On voit ainsi que : 1° la capacité est indépendante de la nature du métal. 2° Elle dépend de la forme du corps B. 3° Quand le corps B est une sphère, éloignée de tout autre corps'conducteur, elle est proportionnelle à son rayon. 4" Le voisinage d'un corps conducteur augmente la capacité de B. 5° Si on prend deux plans assez grands par rapport à leur distance, la capacité de l'un d'eux est inversement proportionnelle à la distance de l'autre, à sa surface et au facteur—-. L'ensemble de deux surfaces voisines, dont chacune augmente la capacité de 250 ELECTRICITE. l'autre, s'appelle un Condensateur. Il est utile de savoir dans quelles limites s'effectue ainsi la condensation électrique. Les expériences précédentes nous permettent de résoudre la question. Soit une sphère de 10 centimètres de rayon. Sa capacité sera mesurée propor- tionnellement par 10, d'après ce qui précède. La surface de la sphère de rayon 10 centi- mètres est 4 7T. 100 centimètres carrés. Si nous prenons deux plans de cette même surface 0 4r 100 et distants de 1 miltimètre ou 0%1, la capacité sera , " — -^= 1000. La capa- 4::. 0",! cité du condensateur sera donc 100 fois celle de la sphère. Tous ces résultats, que nous avons obtenus expérimentalement, sont d'ailleurs aisé- ment obtenus par le calcul en partant de la loi de Coulomb. Mais ces calculs auraient été trop compliqués pour trouver place ici. Énergie d'un système électrisé^ — 11 nous reste, pour connaître ce qui est indis- pensable, à savoir calculer la quantité d'énergie nécessaire pour amener un corps con- ducteur de capacité C au potentiel V. Représentons suivant ox les charges d'un corps conducteur, suivant oy ses potentiels. Quand la charge croît, le potentiel croît propor- tionnellement, puisque C est une constante, et que nous avons la relation Q = CV. Donc la ligne OV, qui représente l'accroissement des potentiels, sera une droite. Supposons qu'à un instant la charge Oq devienne Oq', c'est-à-dire croisse de qq'. Le potentiel croîtra de wiN et le travail à dépenser sera compris entre celui qui est nécessaire pour amener la masse qq' au potentiel (/M et celui qui est nécessaire pour l'amener au potentiel g'N. Ce travail est donc compris entre qq' x qM. et qq' x q'^ ou qq' (Q'm -|- ?hN). Si qq' est assez petit, mN est une très petite fraction de qM, et nous fei'ons une erreur relative sur le travail qui sera égale à cette même fraction en prenant pour ce travail qq' X qM. Cette fraction peut d'ailleurs être rendue aussi petite qu'on voudra en prenant qq' assez petit. Répétons ce raisonnement pour tous les accroissements de charge tels que qq', nous voyons que le travail dépensé pour amener Ip quantité OQ. au potentiel QV sera l'aire 1 du triangle OQV, c'est-à-dire - QV, en négligeant une quantité très petite. Nous arrivons ainsi à ce résultat : Vénergie à dépenser pour amener un conducteur à posséder une certaine charge sous un certain potentiel est égale à la moitié du produit de la charge par le potentiel. Cela semble en contradiction au premier abord avec ce fait que le travail QV est nécessaire pour amener une quantité d'électricité Q de l'infini sur une surface de poten- tiel V. Mais, dans cette définition du potentiel, nous avons supposé la masse Q assez petite pour ne pas modifier sensiblement le champ, et c'est pour être conforme à cette défini- tion que nous avons opéré le raisonnement précédent au moyen de la sommation des effets dus à des masses infiniment petites. L'application seule de ce principe amène au résultat énoncé. Influence. — Revenons maintenant à ce qui se passe pour un coi'ps conducteur placé dans un champ électrique, et mis en communication avec la terre. Dans ce cas, son potentiel est nul. Or le champ électrique dû aux masses électriques extéiieures à ce corps n'est pas nul : donc il faut qu'à la surface du corps conducteur isolé il y ait une distribution électrique qui annule le champ dû dans l'intérieur du corps A aux masses extérieures. Si donc nous avons un champ dû à une masse positive M, il faudra qu'il existe sur le conducteur isolé une distribution d'électricité négative. On dit alors qu'il y a sur le corps A de Vélectricité induite. Si, au lieu d'être au sol, le 1. Ce paragraphe devra être passé par ceux qui n'ont pas lu la théorie mathématique du potentiel ci-dessus, ou du moins ils devront admettre que le travail nécessaire pour amener une masse Q au potentiel V est QV. ÉLECTRICITÉ. 231 corps A était isolé, il y aurait dans la partie la plus voisine de M de l'électricité de nom contraire à M, et dans la partie la plus éloignée de l'électricité de même nom. Le calcul' montre d'ailleurs que ces quantités de signes contraires doivent être égales dans tous les cas; des expériences classiques vérifient le fait'. Charge d'un corps par influence. — On conçoit donc comment on peut, au moyen de l'influence, charger un corps conducteur. Soit le corps A mis en communication avec la terre. Il a une charge négative. Rom- pons la communication avec la terre, le corps A restera au potentiel 0, puisque les charges M et A sont réparties de manière à arriver à ce résultat. Si maintenant nous éloignons le corps M, le corps A restera chargé d'élec- tricité de nom contraire à M. Le corps M une fois éloigné, le corps A, isolé maintenant, sera à un cer- tain potentiel dépendant de sa „ Terre charge. 11 y aura donc eu pro- duction d'une certaine quantité d'énergie électrostatique. Nous devons en retrouver l'équivalent dans de l'énergie dépensée. Et en effet, la masse M et le corps A chargé négativement s'attirent, et il a fallu dépenser un certain travail pour les éloigner l'un de l'autre. Tant que le corps M était en présence de A, la charge de A ne pouvait être mise i en œuvre, le corps étant au potentiel 0, son énergie - VQ était nulle, puisque V était nul. Mais, après isolement et éloigneraent de B, de l'énergie et est devenue disponible. Nous en trouvons l'origine précisément dans le ti'avail lié au mouvement qui la libère. Le mécanisme de cette charge par influence [était nécessaire à connaître, car c'est par son moyen qu'on charge les électroscopes, si employés maintenant pour la mesure des rayons X, et aussi parce que c'est la base du fonctionnement des machines [à influence. Les diverses formes delà décharge électrique. — Quand un corps a été chargé d'électricité, il peut revenir à l'état neutre de bien des manières différentes. S'il est placé dans l'air parfaitement sec, et s'il n'est en communication avec le sol que par des supports parfaitement isolants et dont la surface est parfaitement sèche, il res- tera chargé indéfiniment. Mais, si l'isolement n'est pas absolument parfait, le corps revient à l'état neutre an bout d'un temps variable suivant les circonstances. Quand ce temps est relativement long, on dit qu'il y a déperdition de l'électricité ; quand il est court, on dit qu'il y a décharge. Sur la déperdition nous n'avons rien à ajouter, sinon que la forme du corps a la plus grande importance. S'il n'a nulle part de courbure très prononcée, la déperdition, toutes choses égales d'ailleurs, sera beaucoup plus lente que s'il a une grande courbure en quel- ques points. Si les choses sont poussées à l'extrême, et si le corps est muni d'une pointe, il ne pourra conserver aucune charge. Il pourra être considéré comme étant en commu- nication électrique avec les corps très voisins de cette pointe. Si la charge devient suffisante, il se forme d'abord autour des pointes -des effluves électriques, ou aigrettes. Ce sont des traits lumineux violacés, qui semblent dus à des molécules gazeuses chargées, puis repoussées par le corps chargé. L'aigrette positive se rattache au conducteur par une espèce de pédoncule lumineux. Sur le pôle négatif, il y a une couche lumineuse. Ces aigrettes rejoignent toujours deux corps à des potentiels différents. Quand la différence de potentiel devient suffisante, il se produit une étincelle, et au lieu des lueurs discrètes de l'aigrette, on voit un trait de feu extrêmement brillant. Il se 1. D'ailleurs il est évident que la charge de A est proportionnelle à la charge de M. La force qui s'exerce eutre les deux corps M et A est proportionnelle d'une part à la charge M, d'autre part à la charge Q de A. C'est donc F = K.M.Q. Mais Q=:K'M. Donc F = KK'.M2. MaisM est pro- portionnel au potentiel V de M. Donc finalement F = AV-, A étant une constante, si nous con- sidérons la force exercée par influence entre M et A. 252 ELECTRICITE. produit alors un bruit qui peut être très grand si l'énergie est suffisante. Si au lieu d'air on interpose entre les deux corps à des potentiels difTérents un corps solide isolant, lorsque l'étincelle jaillit, le corps est violemment rompu. Cette étincelle très lumineuse montre, quand on l'étudié au spectroscope, les raies caractéristiques des corps qui forment les électrodes. Cela montre que ces corps sont volatilisés par la décharge, si on dispose d'une source assez énergique d'électricité; et, si la distance des deux électrodes est assez faible, il se produit une volatilisation cons- tante de leur matière, avec transport depuis l'électrode positive jusqu'à la négative. En même temps, surtout si les pôles sont en charbon, le pôle positif devient très brillant; c'est le phénomène de l'arc électrique. Si, au lieu d'être entourés d'air à la pression atmosphérique, les électrodes sont entou- rées d'air raréfié, les phénomènes changent. Si la pression devient assez basse on voit les effluves devenir plus lumineuses, en donnant le spectre du gaz raréfié; l'isolement devient très faible. C'est le phénomène des lubes de Gessler. Quand la pression tombe très bas, à des millionuièmes d'atmosphère, l'isolement augmente de nouveau, et il se produit une nouvelle forme de décharge, le rayon cathodique. Dans cette forme de décharge, le gaz qui reste dans le tube n'est plus lumineux, mais les parois deviennent fluorescentes partout où elles sont frappées par la décharge. D'après Crookes, qui a découvert le phé- nomène, le raj'on cathodique est dû à des molécules gazeuses, chargées négativement, projetées loin de l'électrode négative avec une grande violence, et qui excitent par leur choc la fluorescence des parois. Nous parlons de cette sorte de décharge; car, en même temps qu'ils excitent la fluorescence, les rayons cathodiques produisent une forme nou- vellement découverte de l'énergie radiante, les rayons X, qui ne peuvent être jusqu'ici produits autrement, et qui sont d'une application de plus en plus importante pour les sciences biologiques. Enfin, quand le vide devient beaucoup plus parfait encore, l'isolement devient de plus en plus grand. Ces diverses sortes de décharges produisent des modifications chimiques dans les gaz. Rappelons pour mémoire le pistolet de Volta, et insistons seu- lement sur ce fait que l'effluve électrique passant dans l'oxygène y produit de l'ozone. L'ozone se produit pratiquement au moyen de la bobine d'induction et d'appareils dits ozoniseurs. Ce corps étant fréquemment employé dans les recherches de physio- logie, nous avons cru devoir indiquer cette propriété de la décharge électrique (Voir l'article Ozone). Nous laissons systématiquement de côté les effets physiologiques de la décharge qui seront étudiés en détail dans un autre article. Toutes les décharges que nous avons mentionnées jusqu'ici ont pour caractère commun que la matière des isolants ou des conducteurs subit un traasportavec ou sans arrachement. Il y a une autre forme de retour à l'équilibre des champs électriques, celle qui se pro- duit quand deux corps chargés sont reliés métalliquement. Il n'y a plus alors de tran- sport matériel : les phénomènes sont tout autres, ils sont accompagnés de phénomènes de natures diverses, des plus importants, qui font le sujet de l'électrodynamique. Nous les étudierons quand nous aurons décrit les générateurs d'énergie électrique. Mais aupa- ravant nous devons étudier les condensateurs et les instruments de mesure électro- statique. II. — Instruments électrostatiques. — Condensateurs. — Électroscopes et électromètres. — Méthode d'utilisation. Nous avons déjà vu ce qu'était un condensateur. Pratiquement, on lui donne deux formes : soit celle d'une bouteille de verre sur laquelle on colle du papier d'étain à l'exté- rieur et à l'intérieur, soit celle d'une lame de verre ou de mica sur les deux faces de laquelle on colle encore du papier d étain. Les deux conducteurs en papier d'étain se nomment les armatures. Dans les deux cas, il y a intérêt au point de vue de la capacité à faire la lame isolante aussi mince que possible. Nous avons indiqué pourquoi : mais on est arrêté dans cette voie par la nécessité pour l'isolant de n'être pas percé pour une valeur trop faible de la difl"érence de potentiel entre les deux armatures. ELECTRICITE. 253 FiG. 113. Quand on a besoin d'une capacité faible, analogue à celle des bouteilles de Leyde ordinaires du commerce, on peut la faire aisément soi-même, en prenant une bouteille ordinaire, la recouvrant à l'extérieur de papier d'étain, et la remplissant d'eau, f/eau sert alors d'armature intérieure : il suffit d'y plonger l'électrode pour prendre le contact. L'introduction d'un diélectrique solide à la place de l'air complique les phénomènes. La capacité est supé- rieure à ce qu'elle serait avec l'air ou le vide. Les diélectriques ont ce qu'on appelle un pouvoir inducteur spéci- fique, ce qui signitîe que deux sphères chargées dans les mêmes conditions et transportées d'abord dans l'air, puis dans le diélectrique, ne s'attirent pas de la même manière. Ce n'est pas le seul phénomène dû au diélectrique solide. Les condensateurs qui en con- tiennent ne se chargent pas et ne se déchargent pas instantanément. Quand une première décharge s'est effectuée par l'intermédiaire d'une étincelle, une deuxième décharge encore assez puissante peut se produire, et l'on peut même en obtenir plusieurs de suite, de plus en plus faibles. Ces phénomènes sont dus à une modification des dié- lectriques, sur lesquels nous n'insistons pas, et qu'on désigne sous le nom de polari- sation. Tout cela complique beaucoup la notion de capacité pour les condensateurs ainsi for- més ; car la quantité d'électricité qu'ils prennent à une source de potentiel déterminé varie suivant le temps que dure le contact; et la décharge varie aussi dans les mêmes condi- tions. Pour les usages physiologiques, on doit, en général, considérer la capacité limite pour des charges et des décharges instantanées. H est aussi un fait dont on doit toujours tenir compte, c'est que l'isolement d'un condensateur n'est jamais parfait, et que l'on ne peut compter sur quelque chose que si la décharge suit immédiatement la charge. Quand on a à sa disposition plusieurs condensateurs, on peut les monter de diverses manières. Ou bien les mettre tous en surface ou en parallèle (fig. 114), c'est-à-dire toutes les armatures extérieures réunies mé- ' talliquement et toutes les armatures intérieures aussi; on forme ainsi ce qu'on nomme une batterie de conden- sateurs. Il est évident que de la sorte on a un condensateur de capacité égale Fig. 114. à la somme des capacités des condensateurs pris isole'ment. Si donc on les charge à une différence de potentiel constante V, on aura à sa disposition pour la décharge une quan- tité d'électricité égale à la somme des quantités qu'on avait avec chacun pris isolément. H en est de même pour l'énergie disponible dans la décharge. En eflet, celle-ci est 254 ELECTRICITE. égale à 1/2 Q V, Q étant la charge et V le potentiel. Pour les divers condensateurs on aurait des charges qi, q^, qs, etc., sous le môme potentiel V, et comme ?i + q-2=Q on aura 1 [9,V+r/,V]=.lQV On peut encore disposer les bouteilles en cascade ou en série, une armature de l'une étant en communication avec une ai'mature du précédent, et l'autre armature en comnmni- cation avec une armature du suivant. Si dans ces conditions on place les armatures extrêmes en communication avec les deux bornes d'une source ayant une différence de potentiel V, chaque bou- teille va prendre une différence de potentiel moindre que V. Supposons tovxtes les bouteilles identiques, les quantités d'électricité égales et de signes con- traires induites sur deux armatures en communi- cation métallique porteront tous ces condensateurs identiques à la même différence de potentiel. Donc, s'il y a n condensateurs, chacun sera à la diifé- V rence de potentiel —, et si C représente la capacité de chacun des condensateurs, la charge sera CV q = — . Donc la quantité d'électricité utilisable dans la décharge sera n fois plus faible qu'avec un seul des condensateurs. La décharge se fera d'ailleurs sous le potentiel V, et l'énergie sera 1 CV- és'ale à vC/V = -- — c'est-à-dire n fois plus faible 2 2n encore qu'avec un seul condensateur. Mais, si, après avoir chargé n condensateurs en batterie sous le potentiel V, on leur donne rapide- ment le groupement en cascade, la décharge se fera sous un potentiel égal à n V, puisque chacun conservera la différence de potentiel sous laquelle il aura été chargé. Cette manière d'atteindre de hauts potentiels a été réalisée dans la Machine FiG. 115. rhéostatique de Planté, qui n'a malheureusement pas été vulgarisée, et cependant son emploi serait bien souvent d'un grand secours en physiologie. Noms des unités usuelles. — Il nous resterait à indiquer maintenant de quelles unités on se sert pour mesurer les capacités et les quantités d'électricité; mais nous en parlerons quand nous aurons vu l'électromagnétisme, les unités employées étant les unités électromagnétiques. Nous en donnerons seulement le nom pour l'instant. L'unité de quantité d'électricité s'appelle le Coulomb; celle de capacité, le Farad; celle de diffé- rence de potentiel, le Volt. Mesure des capacités. — Première méthode. — Nous supposerons maintenant que nous avons à notre disposition un Farad ou plutôt son sous-multiple, le microfarad; nous pourrons mesurer les capacités, si nous savons mesurer les différences de poten- tiel. En effet, chargeons le microfarad sous la différence de potentiel V que nous mesu- rons, puis mettons ses deux armatures en communication avec celles du condensateur à mesurer. La quantité d'électricité restant la même, la capacité devenant la somme des capacités, nous avons (/ = (! microforad) x V:=(l microforad -|- C) x Vi, C étant la capa- cité à mesurer, et Vi le potentiel final après réunion des deux condensateurs que nous mesurons. Mesure des quantités d'électricité. — Première méthode. — Nous avons une ÉLECTRICITÉ. 255 '■^^ ^/.ruNiorr méthode corrélative de la précédente pour mesurer une quantité d'électricité. Il suffit de savoir à quel potentiel elle porte une capacité connue. Nous savons donc mesurer les deux éléments capacité, et quantité, si nous savons mesurer des différences de potentiel. Nous verrons en électromagnétisme d'autres méthodes, qui servent précisément de liaison entre les phénomènes électrostatiques et les phénomènes électromagnétiques; pour Tins. tant il nous reste à décrire les électromètres. Électromètrie. — L'électroscope le plus simple consiste en deux boules isolées et éleclrisées, l'une à un potentiel fixe, l'autre au potentiel à mesurer. Dans ces conditions, la force qui s'excerce entre elles est proportionnelle au potentiel variable. Il sufliraitdonc de mesurer la force ainsi exercée pour mesurer le potentiel variable, ou, pour mieux dire, puisque les forces ne dépendent que des différences de potentiel, la différence de potentiel entre les deux boules. Cet appareil ne se prêterait pas 'bien à la mesure, et il ne serait pas non plus assez sensible. Quand on veut avoir un instrument assez sensible et très simple, n'exigeant pas la pile de chai'ge que nous allons décrire tout à l'heure pour l'électromètre de Tkomson, on emploie deux feuilles d'or en communication à leur partie supérieure (lig. 115). Quand on charge ce système, les deux feuilles d'or s'écartent l'une de l'autre, et leur écartement est une fonction du carré de leur charge, c'est-à-dire du carré de leur potentiel. Quand ces appareils sont montés avec de la diélectrine ' pour isolant ils peuvent gax^der très longtemps leurs charges et servir entre autres à un usage aujourd'hui très répandu, l'étude de la décharge des corps électrisés par les rayons X. Mais cet appareil, avec lequel on peut mesurer compara- tivement des vitesses de décharge, ne se prêterait pas à des mesures de forces. On lui substitue alors un appareil oîi la force exercée sur le corps chargé est nettement définie. Pour mesurer cette force, on lui oppose le couple de torsion, soit d'un système bifilaire, soit d'un fil métallique fin. Pour que le système de deux boules dont nous parlé ci-dessus ait une capacité invariable, ce qui est nécessaire pour que la force soit proportionnelle aux potentiels, il faudrait que leur distance fût constante. Aussi faudrait-il ramener toujours la boule mobile à la même position en tordant la suspension et mesurer la torsion ainsi produite. L'appareil ainsi construit ne serait ni sensible ni commode. Lord Kelvin lui a donné la forme pratique en disposant le système de manière à ce que sa capacité soit toujours fixe ou à peu près, ce qui permet d'opérer en mesurant la déviation dans des conditions don- nées; car cette déviation est alors proportionnelle à la différence de potentiel. Électromètre à quadrants. — Théorie. — Le corps fixe, au lieu d'être une sphère, est composé de quatre quadrants AA', BB'. Ces quatre quadrants sont creux. Ils forment par leur juxtaposition une boîte circulaire. Mais, pour le fonctionnement de l'appareil, on laisse entre les quadrants des espaces libres comme cela est indiqué sur la figure. A l'intérieur est suspendue une aiguille ayant la forme en S dessinée en pointillé. Les quadrants AA sont en commu- nication métallique, ainsi que les quadrants BB, d'une ma- nière permanente. Supposons maintenant l'aiguille portée à un potentiel V, les deux paires de quadrants étant au même potentiel. Si l'aiguille est placée dans une position bien symétrique par rapport aux quadrants, les effets d'induction seront iden- tiques de part et d'autre, et tendront à faire tourner l'aiguille en sens contraires. Ils s'équilibreront donc et l'aiguille restera immobile. Si maintenantily a une différence de potentiel entre les deux 1. La diélectrine est une combinaison définie de soufre et de paraffine indiquée par Hurmu- zESCu; c'est, un excellent isolant, qui peut se travailler|aisément, et qui est d'une sohdité suffisante pour beaucoup d'usages. FiG. 116, 2o6 ÉLECTRICITÉ. quadrants, l'aiguille sera déviée, et cette déviation sera proportionnelle à la différence de potentiel, au moins dans de certaines limites. La force exercée entre l'aiguille et une paire de quadrants est proportionnelle au carré de la différence du potentiel de l'aiguille et de cette paire de quadrants. C'est d'ailleurs une attraction de l'aiguille. Si V est le potentiel de l'aiguille, et Vi, celui des quadrants, nous aurons Pi = K(V — Vi)^. De même l'aiguille sera attirée par l'autre paire de quadrants de potentiel Vo avec une force Fo = K (V — V2)-, K étant le même, si tout est parfaitement symétrique; alors la force finale sera la différence des deux forces F = F,-Fo = K [(V — V,)2-(V — V%)2] ou, eu effectuant les opérations, F = K [ V2 — 2 V, V + V, 3 — V2 — 2 V.V — V; 2] == 2K (V, — V,) fv —Zl-î-ïl^^ La proportionnalité à V2 — Vi existera, à condition que V soit très grand, ou bien à con- dition que Vi + Vi^ 0, c'est-à-dire que les deux paires de quadrants soient portées à des potentiels égaux et de signes contraires. Si donc on veut avoir de la sensibilité et des déviations proportionnelles, il faut ou bien charger l'aiguille à un très haut potentiel, et mettre les deux paires de quadrants en communication avec les deux points entre lesquels existe la différence de potentiel à mesurer, ou bien porter les deux paires de quadrants à des potentiels égaux et de signes contraires, et mesurer la différence de potentiel cherchée en mettant un de ses pôles à la terre, et l'autre en communication avec l'aiguille. Le premier montage est celui de lord Kelvin, le second celui de Mascart. Il nous reste maintenant à décrire le procédé de lecture des déviations, celui de réglage de l'appareil, et celui par lequel on obtient les ditîérences de potentiel élevées dont on a besoin. Lecture des angles par la méthode de POGGENDORFF. — Nous insisterons sur cette méthode; car elle est employée dans im grand nombre d'instruments. Pour per- mettre de lire avec précision les petits angles de déviation de l'électroraètre, l'aiguille de celui-ci est solidaire d'un miroir. Un rayon lumineux fixe se réfléchit sur ce miroir. Si le miroir tourne, le rayon réfléchi tourne d'un angle double. La tache lumineuse pro- duite sur un écran par ce rayon lumineux a un déplacement d'autant plus grand que l'écran est situé plus loin. Nous avons donc ainsi à e' notre disposition une aiguille sans poids et sans iner- tie, aussi longue que nous voulons, et animée d'une rotation double de celle de la pièce mobile. Pour avoir des lectures précises, deux procédés sont „ employés. /' Dans le premier le miroir mobile est plan. On observe avec une lunette munie d'un réticule l'image d'une règle divisée réfléchie dans ce miroir. On a ainsi une très grande précision de pointé; mais l'inconvé- nient est d'être obligé d'avoir l'œil à l'oculaire. Dans une autre méthode le miroir est concave, et on observe sur une règle divisée en celluloïde l'image d'un réticule fixe. Le réticule est porté par le pied même qui porte déjà la division. Il est éclairé soit au moyen d'une petite lampe spéciale portée parle pied, ce qui est le plus pratique, ij\ ELECTRICITE. 259 Fie. 122. La qualité essentielle d'une pile de charge est d'être bien isolée. Ceci est réalisé par l'emploi de vases paraffinés et collés sur leurs supports au moyen de paraffine. Il faut avoir le plus grand soin, en garnissant la pile, de ne pas laisser tomber une goutte d'eau sur cette paraffine. Cela est surtout utile quand on emploie la méthode de Mascaut ou celle de Gouv. GouY a préconisé l'emploi de deux très grandes résistances de l'ordre du mégohm • égales entre elles, sur lesquelles on ferme la pile de charge. On met alors les deux extré- mités des résistances aux quadrants et le milieu à terre; on évite ainsi les inconvénients dus à ce que les éléments de la pile n'ont pas tous exactement la même force électro- motrice. On ne saurait trop recommander, pour faire les connexions de l'aiguille ou des quadrants avec les sources de potentiel à utiliser, d'employer des tîls de lin conducteurs, ou de très fortes résistances de charbon pro- duites par un trait de charbon sur verre, car on est obligé, pour vérifier l'instjument, de mettre parfois les quadrants au même poten- tiel, et on est exposé à mettre encourt circuit par inattention la pile de charge qui est alors hors d'usage, au lieu qu'avec de très fortes résistances interposées cet accident n'est plus à craindre. Toutes ces opérations sont simplifiées par l'emploi de la double clef (fîg.122), disposée spécialement pour la mé- thode de Thomson. Deux clefs simples con- truites sur le même principe et séparée sont d'ailleurs aussi commodes, et susceptibles d'usages multiples. Gouy a montré, par des considérations trop longues pour être déve- loppées ici que, dans les électromètres ordinaires, il n'était pas utile de dépasser 100 volts pour la pile de charge. Pour préserver l'instrument des variations du potentiel extérieur, on l'enveloppe d'une cage en métal percée seulement pour le passage du rayon lumineux. C'est le potentiel de cette cage qui est le zéro dont nous avons parlé constamment. C'est donc à elle qu'il faut réunir le point que nous avons dit être au potentiel zéro. Électromètre idiostatique. — Supposons maintenant que l'aiguille et une paire de quadrants soient l'éunis, et que l'autre paire soit réunie à la cage. Dans ces con- ditions, si on charge l'aiguillé et le quadrant en connexion avec elle, ces deux corps chargés au même potentiel se repousseront, et l'aiguille sera attirée au contraire par l'autre paire de quadrants. Dans ces conditions, il n'y a pas de pile de charge, et la déviation est proportionnelle au carré du potentiel de l'aiguille. Donc elle est indépen- dante comme signe du signe du potentiel; elle se fait toujours dans le même sens, et, si le potentiel est alternatif, la déviation sera proportionnelle à la moyenne des carrés des potentiels pendant l'unité de temps. Nous pouvons donc ainsi mesurer une constante relative aux courants alternatifs, ou aux courants de bobine d'induction. C'est là un avantage précieux de cet appareil, qui en justifie l'étude détaillée. Cette méthode ne peut pas toujours s'employer, car elle est beaucoup moins sensible que les précédentes. Nous verrons ultérieurement un autre électromètre d'un emploi beaucoup plus commode dans bien des cas, mais qui ne peut remplacer celui-ci toutes les fois qu'il s'agit de courants alternatifs, ou d'expériences dans lesquelles l'isolement absolu est nécessaire. III. — Production des champs électriques. Machines électriques. — Piles. Nous venons de voir les instruments de mesure de l'électricité statique : il nous reste à voir comment on peut produire pratiquement une différence de potentiel. On y 1. Nous verrons plus loia ce qu'est ua mégohm. 260 ELECTRICITE. FiGi ]23. — Électrophore. arrive par l'emploi de machines à frottement, ou de machines à iniluence, ou de piles. Machines à frottement. — Dans les premières, un disque ou un cylindre de verre tourne de manière à frotter sur des coussins enduits d'or mussif. Ils'électrise, puis vient passer devant un peigne en communication avec un conducteur. Celui-ci se charge par le pouvoir des pointes. Dans ces machines l'énergie est fort mal employée, car si une partie du travail effectué sur la manivelle se transforme en énergie électrique, la plus grande partie se transforme en chaleur par le frottement. Aussi ne les décrivons-nous pas en détail, car elles sont actuellement peu employées, depuis les perfectionnements de la machine de Holtz par Wimshurst et Bonetti. Machines à influence. — Nous avons donné ci-dessus le point essentiel de la théo- rie de ces machines, c'est-à-dire la façon dont se fait la dépense d'énergie mécanique nécessaire pour produire de l'énergie électrique. Suppo- sons donc que nous ayons un plateau de résine électrisé par frottement. Posons dessus, séparé par des cales, un disque de métal isolé. Nous le chargeons par influence comme il a été dit, et cela sans emporter une partie quel- conque de la charge du gâteau de résine. Nous pourrons recommencer indéfiniment. C'est l'électrophore. Les cales sont d'ailleurs inutiles, car la surface de la résine est irré- gulière et les aspérités en jouent le rôle. En transportant ensuite le disque métallique dans un conducteur creux, nous communiquons sa charge à celui-ci. Nous pourrons recommencer indéfiniment, à condition de vaincre chaque fois la répulsion entre le disque et le conducteur creux avant que le disque n'ait pénétré à l'intérieur de celui-ci. La charge du conducteur creux croîtra tant que son isolement sera suffisant. Nous ne voulons pas insister sur les dispositifs ;expérimenlaux employés dans les machines à influence, nous dirons seulement que les conducteurs creux ne sont pas employés, on égalise le potentiel à peu près par le même procédé que dans les machines à frottement, au moyen de peignes. Mais si nous ne voulons pas donner la théorie de ces appareils, nous allons indiquer ce qui est nécessaire pour utiliser la machine aujourd'hui la plus répandue, celle de Wimshurst. Dans cette machine, deux plateaux d'ébonite ou de verre portant des sec- teurs métalliques isolés tournent en regard et en sens inverse. On imprime aux plateaux une vitesse d'environ 10 tours par seconde, soit à la main, soit mieux à l'aide d'une petite dynamo. Les secteurs métalliques se chargent mutuellement par influence, et, pour permettre aux phénomènes d'influence de se produire de manière à ce que les charges repous- sées soient utilisées, il existe devant chaque plateau un conducteur diamétral muni de balais frotteurs. De la sorte deux ; secteurs diamétralement opposés, dont | l'un est soumis à l'influence d'un secteur "^ de l'autre plateau sont toujours doués de charges égales et contraires. Par consé- quent, deux conducteurs isolés placés en des points convenables et munis de peignes du côté des plateaux se chargeront toujours de quantités égales et de signes contraires. FiG. 124. — Machine Wimshurst. Machine à secteurs, mue à la main, et munie de condensateurs. ELECTRICITE, 261 La rotation doit être telle qu'elle se fasse de manière à aller du conducteur diamé- tral au collecteur par le plus court cliemin. Les conducteurs diamétraux doivent être aussi près de la verticale que possible. Si la machine ne fonctionne pas J)ien, il faut démonter les plateaux et les essuyer énergiquemerit avec du papier filtre, car il se forme par le fonctionnement, surtout sur les plateaux d'ébonite, une couche conductrice de poussières attirées, qui est très adhé- rente, à cause de l'huile des axes qui coule toujours un peu. On peut augmenter beaucoup le débit de cette machine en en supprimant les sec- teurs. Dans ces conditions, les plateaux doivent être en éboite. Mais la machine ne s'an- raorce |)lus seule. 11 faut frotter un des plateaux, la machine étant en mouvement, avec le FiG. 125. — Machine sans secteurs mue par une djnamo. doigt enduit d'or massif, et le promener en sens inverse du mouvement du plateau daus la région située en face du conducteur diamétral de l'autre plateau. Cette machine peut donner deux sortes d'effets. Ou bien on peut l'employer sans con- densateur et alors il s'échappe de ses pôles, s'ils sont assez éloignés, des eftluves très fortes. Ou bien une étincelle assez grêle mais très fréquente jaillit si les pôles sont plus rapprochés. Dans ces conditions on peut tirer à la main des étincelles sans douleur. Si on place au contraire des condensateurs en communication avec les deux pôles, leurs armatures libres étant reliées ensemble, la décharge change de nature, il n'y a plus d'eftluves aussi fortes. L'étincelle éclate à distance beaucoup plus grande; elle est plus rare, mais beaucoup plus puissante. Avec les machines à deux plateaux de 45 cen- timètres on atteint facilement 20 centimètres d'étincelle avec condensateur. Les décharges sont dans ce cas dangereuses. On ne peut charger ainsi que des bouteilles de Leyde relativement petites. Quand on essaye de charger une batterie trop puissante, la machine se désamorce. Piles électriques. — 11 existe à côté de ces machines statiques d'autres appareils qui permettent d'obtenir des effets analogues. Ce sont les piles électriques. Si l'on prend eux corps quelconques et si on les met en contact, ils présentent entre eux une difféé- rence do potentiel. Cela a été indiqué par Volta. Il avait même indiqué la loi connue sous le nom de loi des contacts successifs qui est la suivante : Dans une chaîne formée de métaux quelconques et terminée à ses deux extrémités par le même métal, la diffé- 262 ÉLECTRICITÉ. rence de potentiel aux extrémités est nulle. Si donc on ferme une pareille chaîne, il y aura toujours équilibre. Si maintenant on prend par exemple un morceau de zinc et un morceau de cuivre, et qu'on les trempe dans de l'eau acidulée, il y aura ainsi formation d'une nouvelle chaîne. Mais, si à l'extrémité du zinc située dans l'air on soude un mor- ceau de cuivre, on verra aussitôt, au moyen de l'électrométre idiostatique par exemple, qu'il y a une différence de potentiel entre les deux extrémités. Avec celte différence de potentiel, nous pouvons charger un condensateur. Nous aurons donc ainsi de l'énergie électrostatique à notre disposition, et cependant une nou- velle mesure de la différence de potentiel entre les deux cuivres extrêmes nous donnera le même chiffre que précédemment. Ces deux conducteurs semblent donc pouvoir nous fournir indéflniment de l'énergie électrique, et il semble tout d'abord que nous avons réalisé ainsi le mouvement perpétuel, car la décharge du condensateur transforme chaque fois en chaleur l'énergie accumulée. Mais répétons fréquemment et pendant long- temps une série de charges et de décharges de notre condensateur, nous verrons que le zinc se dissout dans la pile pour former du sulfate de zinc, alors que, à l'état de repos, le zinc pur n'est pas attaqué. Si nous plaçons la pile dans un calorimètre, nous verrons que la quantité de chaleur dégagée ne correspond pas à l'énergie chimique libérée dans la formation du sulfate de zinc, réaction exoénergétique, mais que si on considère la somme de la chaleur dégagée, et de la quantité de chaleur équivalente à l'énergie élec- trostatique dépensée par les décharges du condensateur, elle est égale à la quantité de chaleur dégagée normalement parla formation du sulfate de zinc. Nous voyons donc que la pile électrique nous donne un moyen d'obtenir de l'énergie électrique aux dépens de l'énergie chimique. IV. — Le Courant électrique. Le courant dans les métaux. — La mesure, faite à l'électrométre, nous montre immédiatement que la différence de potentiel obtenue avec un élément : zinc, eau aci- dulée, cuivre, est très petite, par rapport à celle que nous obtenons avec les machines statiques. Mais si, au contraire, nous considérons l'énergie disponible dans la formation, du sulfate de zinc, nous voyons qu'un élément, formé au moyen d'un fort bâton de zinc, contient une quantité d'énergie potentielle considérable; avec la machine statique la puissance* disponible est celle du moteur qui la fait tourner, et le rendement obtenu est toujours extrêmement faible. Théoriquement si le moteur est entretenu par une source d'énergie quelconque, la quantité d'énergie disponible sera celle qui est à la dis- position du moteur affectée du coefficient de rendement propre à la machine. Elle peut donc être considérable. Mais pratiquement, avec la machine usuelle, la puissance uti- lisée est toujours faible, la différence de potentiel obtenue est toujours très grande, donc la quantité d'électricité que nous pouvons obtenir par seconde est toujours faible 1 puisque - QV est la quantité d'énergie nécessaire pour élever la quantité Q au potentiel V. Si au contraire nous prenons une pile, nous avons à notre disposition une grande somme d'énergie, et le potentiel est faible; si donc les conditions sont telles que cette énergie se libère vite, nous aurons à notre disposition une grande puissance, et comme elle sera à voltage faible, nous pourrons obtenir des quantités d'électricité considérables par seconde. Il faut donc étudier les conditions dans lesquelles ces puissances considérables seront réalisées. Nous voyons tout d'abord que nous pouvons charger et décharger avec la plus grande facilité un condensateur de grande capacité, et cela aussi fréquemment que nous le voudrons. Force électromotrice. — On peut même avec ces appareils réunir métalliquement 1. On appelle puissance d'une machine la quantité d'énergie qu'elle produit par unité de temps, c'est-à-dire par seconde en général. ÉLECTRICITÉ. 263 leurs deux pôles. Le fil métallique est échauffé et la chaleur qui s'y dégage est proportion- nelle à l'énergie électrique dépensée, comme dans le cas de la décharge d'un condensateur, mais la libération de chaleur devient constante, en même temps que d'autres phéno- mènes se produisent. Nous les étudierons ultérieurement, mais nous remarquons immé- diatement que la différence de potentiel entre les deux pôles de la pile se maintient mal- gré la présence du conducteur métallique qui les joint. C'est dans ces conditions qu'on observe la dissolution énergique du zinc dans la pile. 11 y a donc dans la pile une force de nature spéciale qui entretient la dilférence de potentiel; on l'appelle : la force électromotrice ; on la mesure parla différence de poten- tiel entre les pôles de la pile, et on la désigne par E. Le phénomène auquel est dû réchauffement permanent du conducteur est connu sous le nom de courant électrique. Cette dénomination vient de l'idée ancienne des masses électriques; on considère le phénomène comme dû au déplacement dans les con- ducteurs des masses hypothétiques de Coulomb sans cesse mises en liberté aux pôles de la pile. Nous avons assez dit, au commencement de cet article, les raisons pour lesquelles nous ne croyons pas à l'existence de ces masses, pour ne pas insister davantage sur le peu de probabilité d'une pareille théorie, dans le cas du courant électrique. Mais ajou- tons ici encore que la théorie mathématique qui montre l'improbabilité de cette notion, montre aussi que son usage est légitime dans la plupart des cas. Nous avons doncle droit déconsidérer l'existence d'un flux électrique à travers le conducteur. Dans ces conditions, soit Q la quantité d'électricité qui a passé à travers le conducteur; elle a subi une chute de potentiel égale à la différence de potentiel aux deux bornes de la pile, ou d'après ce que nous avons dit, à la force électromotrice Ë de celle-ci. L'énergie disponible est donc alors QK. Si nous divisons ceci par le temps pendant lequel la libération d'énergie a eu lieu, nous avons la. puissance disponible du système. C'est donc -=r. Or nous venons de voir que E était une constante; si donc la puissance est constante, c'est que -=, est cons- tant. Ce quotient s'appelle Y intensité du courant électrique. Cette quantité est la plus essentielle à connaître^et à'mesurer dans toutes les applications électriques; on la désigne par I, et alors la puissance disponible dans un courant d'intensité I et de force électro- motrice E sera EL L'énergie dépensée dans le temps T sera ElT; elle sera proportion- nelle à la quantité de chaleur dégagée dans le fil. Nous savons mesurer E par l'électromètre. Nous pouvons aussi mesurer la quantité que nous venons de définir en produisant un courant intermittent au moyen de décharges de condensateur répétées un grand nombre de fois par seconde; nous avons donc le moyen de vérifier si d'autres phénomènes plus commodes ne nous permettront pas de mesurer une intensité ainsi définie. Nous allons trouver la possibilité de le faire par les phénomènes électromagnétiques. Expérience d'ŒRSTED. — Œrsted a montré que tout conducteur parcouru par un cou- rant déviait une aiguille aimantée. Nous n'indiquerons pas comment un établit les lois de ces actions, ni celle des actions des aimants sur les courants : nous les énoncerons : \° La force magnétique produite par un courant rectiligne sur un pôle d'aimant est perpendiculaire à ce courant et telle qu'un observateur placé dans le courant les pieds vers le positif, la tête vers le négatif, ._. voit aller un pôle austral à sa gauche. 2° Etant donné un courant circulaire, et un petit aimant placé en son centre, la force magnétique b sur chacun des pôles est perpendiculaire au plan du courant. Si donc nous plaçons le plan du cercle dans le méridien magnétique, où Fig. 12C. la force magnétique est H, l'aiguille s'ar- rêtera quand sa ligne de pôles sera orientée comme la résultante de H et f, c'est-à-dire f f quand on aura t g a = n" » ^^> ^^"^^ l'^^ a sera petit, a := ' La déviation tant qu'elle H H est petite, est proportionnelle à f. 264 ÉLECTRICITÉ. Le champ magnétique créé par un courant est d'autant plus intense que la dépense d'énergie électrique faite dans le fil qui le produit est plus grande. Nous pouvons donc provisoirement prendre la déviation produite sur une aiguille aimantée placée au centre d'une circonférence parcourue par un courant comme une mesure de l'intensité de ce courant. Nous nous servirons ensuite de cette mesure pour étudier les autres propriétés du courant, et nous verrons si cette hypothèse que le champ magnétique est proportionnel à la quantité d'électricité qui passe par unité de temps dans le conducteur est légitime. Nous serons sûr, dans tous les cas, que nous maintenons Tintensité constante quand l'aiguille aimantée de notre appareil de mesure restera fixe. Résistance des conducteurs. — L'observation immédiate montre que la dévia- tion de l'aiguille varie suivant la nature et les dimensions du lil conducteur qui relie les deux pôles de la pile. Elle est d'autant plus faible que le conducteur est plus long et plus fin, la pile restant la même ainsi que la matière du conducteur. Une première observa- tion capitale montre d'ailleurs que la déviation de l'aiguille est la même quel que soit le point du circuit qui agisse sur elle, et ceci quel que soit le circuit formé, qu'il contienne ou non des liquides, pourvu qu'il ne se divise pas en plusieurs branches. Si l'on prend un conducteur type et si on cherche à lui substituer dans le même cir- cuit des conducteurs de nature différente, et dont on fait varier la longueur / et la sec- tion jusqu'à ce que la déviation de notre instrument soit la même qu'avec le conducteur type, on voit que la relation qui relie la longueur et la section des conducteurs est K - , où Kest un coefficient qui ne dépend que de la nature du conducteur. La valeur de l'expression K - est ce qu'on nomme la résistance du conducteur. On la désigne par la lettre R. Nous avons donc le moyen de savoir si deux points pris sur un circuit ont entre eux la même résistance que deux autres points. 11 nous suffira, par exemple, de constituer le circuit par un fil homogène de section constante et de prendre des points séparés par une même longueur de fil. Loi d'Ohm-Pouillet. — Prenons alors un électromètre et étudions ainsi les différences de potentiel entre les points d'un circuit dont l'intensité est vérifiée constante au moyen de l'aiguille aimantée. Nous voyons que la différence de potentiel entre deux points d'un circuit est proportionnelle à la résistance qui les sépare. Nous avons ainsi une nouvelle E . . . . constante I = - relative au circuit considéré. Nous pouvons alors, en faisant varier soit E, soit R, faire varier I, et nous voyons, au moins tant que les déviations de l'aiguille aimantée sont petites, qu'elles sont proportionnelles à cette nouvelle constante L Faisons d'ailleurs l'expérience ci-dessus indiquée, qui consiste à décharger un grand nombre de fois par seconde dans l'appareil électromagnétique un condensateur périodiquement rechargé. Nous voyons que la déviation de l'aiguille est propoi'tionnelle au nombre des décharges et à la quantité d'électricité mise en jeu par chacune d'elles, c'est-à-dire précisément à l'intensité du courant dé- '^'^po'^^nti^ei'^ finie par les idées électrostatiques. Nous pouvons donc écrire en désignant par I l'intensité du cou- rant I == — . K Cette loi montre immédiatement que la répar- tition des potentiels le long d'un circuit est linéaire. Nous savons en etfet que l'intensité est constante tout le long d'un circuit. Si donc nous prenons un point A fixe, et un autre mobile M, nous voyons que la différence de potentiel entre A et M est pro- portionnelle à la résistance qui les sépare. Sur la Résistances flgure ci-jointo nous portons sur l'axe horizontal FiG. 127. la résistance qui sépare M de A, et sur le vertical la différence de potentiel, la courbe obtenue est une ligne droite dont l'angle m AM avec l'axe hori/.ontal mesure l'intensité du courant. C'est la loi qui a été indiquée par Ohm d'après des idées théoriques peu valables, et ELECTRICITE. 265 démontrée expérimentalement par Pouillet. Nous pouvons ajouter que le champ magné- tique créé par un courant est proportionnel à l'intensité de ce courant. Puissance d'un courant. — Loi de Joule. ^ D'après ce que nous venons de voir, la puissance dépensée par un courant est représentée par le produit El; d'après la loi d'OHM Pouillet, elle est égale soit au produit I- R, soit au quotient — . Nous trouvons l'ori- n. gine de cette énergie dans la dissolution du zinc de la pile par l'acide sulfurique. Nous verrons ultérieurement que l'on doit tenir compte non seulement de la réaction chimique principale, mais encore de toutes les réactions accessoires,|de tous les phénomènes ph}'- siques inévitables dans cette réaction chimique. Nous devons donc cherche)' avant tout ce que devient l'énergie ainsi dépensée dans la pile et mise à la disposition du circuit électrique. Nous supposerons que tout le circuit est immobile. Deux cas sont à distinguer. Ou bien le conducteur est un corps simple, ou bien il con- tient des liquides ou des solides de composition chimique complexe. Chauffage électrique; lampe à incandescence. — Dans le premier cas, celui où il n'y a en circuit que des métaux, toute l'énergie électrique est transformée en chaleur dans le circuit. Le fil s'échautïe. Il peut être porté au rouge. Cet échaufï'ement est mis à pro- fit dans beaucoup de circonstances; il est utile pour le physiologiste d'en connaître un certain nombre. L'échauffement d'un fil conducteur convenable peut être employé pour chauffer avec une régularité parfaite, sans jamais craindre d'élévation de température trop brusque, une enceinte quelconque. C'est le procédé de choix pour étalonner les calorimètres à rayonnement. En effet, une l'ésistance parcourue par un courant s'échauffe tant que ses pertes par couvection et par rayonnement ne sont pas trop grandes. Puis il arrive un moment où sa température devient stationnaire, les gains équilibrant les pertes. A ce moment, la puissance dépensée étant constante, si le courant est bien constant, le flux de chaleur émis par la résistance chaufl'ée, qui est équivalent à la puissance électrique dépensée est constant aussi. Il suffit donc de mesurer l'intensité du courant, et la différence de potentiel aux bornes de la résistance, pour avoir parle produit El l'énergie électrique El transformée en chaleur et par la formule y, où J est l'équivalent mécanique de la calorie dans le système d'unités employé, le llux de chaleur produit. On voit ainsi que l'effet Joule, c'est-à-dire réchauffement des conducteurs, permet non seulement d'obtenir dans une enceinte une température donnée, mais encore de savoir exactement les pertes de cette enceinte. Nous verrons dans le chapitre des unités de quel ordre de grandeur est la chaleur produite, et dans le chapitre des mesures comment on étalonne an calorimètre. Si l'on prend un conducteur dont la résistance par unité de longueur est grande, et si on y dépense de l'énergie électrique, son échautïement pourra être assez grand pour qu'il soit porté à l'incandescence. On peut fondre ainsi tous les métaux. Si on emploie comme conducteur le carbone, on peut le inaintenir indéfiniment à l'incandescence. Pour qu'il ne brûle pas au contact de l'oxygène, et aussi pour que la perte de chaleur par couvection soit réduite au minimum, on le place dans une ampoule de verre oii on a fait le vide. Dans ces conditions, on obtient le meilleur rendement lumineux : c'est la lampe à incan- descence pratique. Son emploi est indiqué pour éclairer tous les objets difficilement acces- sibles, comme les cavités de toutes natures; la production de chaleur étant réduite au minimum, on peut aussi éclairer par ce procédé des objets qui ne supporteraient pas le voisinage d'une flamme ordinaire. Enfin, dans ce système d'éclairage, aucun produit de combustion ne se dégage : on peut donc s'en servir pour éclairer, sans vicier l'air, une enceinte fermée. On voit immédiatement, par la loi de Joule, que toutes les lampes à incandescence ne peuvent pas servir dans toutes les conditions. La source d'électricité qu'on possède a une force électromotrice E déterminée. Si donc on la ferme sur une lampe de résistance E- R, on dégagera dans cette lampe 'une quantité de chaleur -r^. Si R n'est pas calculé convenablement pour la force électromotrice E, il pourra se faire que la quantité de chaleur soit trop faible ou trop forte, que par conséquent la lampe n'éclaire pas, ou 266 ELECTRICITE. bien brûle. Si donc on veut une lampe à incandescence pour un usage de'terminé, il faut dire avant tout au constructeur de quelle force électromotrice on dispose. Il faut aussi lui dire de quelle intensité lumineuse on a besoin. Le courant dans les corps décomposables. — Électrolyse. — Lois de Faraday. — Si au lieu d'avoir en circuit des corps conducteurs simples comme nous l'avons sup- posé jusqu'ici, on a des corps susceptibles de se décomposer, la décomposition s'effectue. Il y a électrolyse. Il y a donc là une consommation d'énergie employée à produire la décomposition chimique. Cette décomposition est régie par Jes lois de Faraday. 1° Le poids du corps décomposé est proportionnel à la quantité d'électricité qui a passé. 2° Une même quantité d'électricité décompose toujours pour les divers corps simples des poids proportionnels au quotient de leurs poids moléculaires par leur valence. Soit donc p le poids d'un corps formé dans une électrolyse, m son poids moléculaire, ïïi V sa valence, Q la quantité d'électricité qui a passé, on a p^=K.Q. -, K étant une constante, pour tous les corps. Quand on fait le calcul de la constante K correspondant à la molécule gramme des divers corps, et à l'unité de quantité d'élec- tricité qui, nous l'avons dit, s'appelle le Coulomb, on trouve que K = 0,000103o9. De là on conclut que, pour dégager d'une combinaison quelconque la molécule gramme d'un corps quelconque, il faut dépenser 96 537 Coulombs. Ceci permet de voir immédiatement qu'il y a, pour toute décomposition chimique, une force électromotrice minima nécessaire. En effet, la source d'énergie électrique utilisée a produit aux bornes de l'électro- lyte une force électromotrice déterminée E. Si donc elle a fourni une quantité d'électri- cité Q, elle l'aura fait au moyen d'une dépense d'énergie EQ. Donc nous avons, en appe- lant J a l'énergie nécessaire pour libérer une molécule gramme du corps à décomposer (J est l'équivalent mécanique de la chaleur et a la chaleur de formation). EQ^Ja.K. '|. Q ou E = Ja.K. ^. Nous voyons donc qu'il existe aux bornes de l'électrolyte une force électromotrice indépendante de toute notion de résistance et ne dépendant au contraire que des pro- priétés physico-chimiques des corps en expérience. Si donc la force électromotrice maximum dont on dispose est inférieure à cette limite, il n'y aura pas d'électrolyse, il y en aura au contraire si la force électromotrice disponible est supérieure à cette limite. Nous avons désigné ici par a la quantité d'énergie de la réaction chimique mesurée en chaleur, dans les conditions mêmes de l'expérience. C'est-à-dire qu'il faut y faire entrer toutes les quantités d'énergie mises enjeu dans les phénomènes physiques néces- sairement liés aux réactions chimiques, comme, par exemple, les phénomènes de disso- lution, de travail extérieur dû au dégagement des gaz sous pression, etc. Nous n'insisterons pas davantage sur ces phénomènes, renvoyant ceux qu'ils inté- ressent aux traités d'électricité ou à ceux de thermodynamique, mais nous indiquerons quelques conséquences de cette théorie. Ce que nous venons de dire pour Félectrolyse se répéterait exactement pour la pile. Il y a donc forcément, pour chaque pile, une force électromotrice déterminée, qui dépend de l'énergie disponible dans la réaction chimique qui s'y passe. A côté de cette notion de force électromotrice, les corps électriquement décompo- sables, ou électrolytcs, nous en présentent aussi une autre. Il y a un échauffement par le passage du courant; il y a, dans le sein même de l'électrolyte, là où il n'y a aucune modification chimique du sel, chute de potentiel suivant la loi d'OuM-PouiLLET. Il y a donc, pour les électrolytes, comme pour les corps conducteurs, une résistance électrique. Nous allons maintenant indiquer avec quelques détails ce qui se passe dans les électrolyses. Il y a décomposition comme nous l'avons vu. L'une des parties du composé se dépose au pôle positif ou anode, l'autre se dépose au pôle négatif, ou cathode. C'est en vertu de leur charge électrique que les molécules résultant de la décomposition se rendent aux pôles. Une molécule douée de charge électrique est ce qu'on appelle un ion. Lion qui va à l'anode (qui, par conséquent, a une charge négative) s'appelle l'anion. ÉLECTRICITÉ. 267 L'ion qui va à la cathode (qui, par conséquent, a une charge positive) s'appelle le cathion. Les seuls corps sur lesquels on puisse donner des résultats nets sont les sels métal- liques, ou les acides. Pour ces corps, le métal ou l'hydrogène est le cathion; il se porte au pôle négatif, c'est-à-dire mit le courant. Le radical acide au contraire se porte au pôle positif, c'est-à-dire remonte le courant. Actions secondaires. — Quand les corps ainsi libérés aux électrodes rencontrent d'autres corps avec lesquels ils sont susceptibles de s'unir, il se passe ce qu'on nomme des actions secondaires. On ne recueille plus le produit pur de l'élcctrolyse, mais le re'sultat de la réaction tbtale. Ainsi, les radicaux acides qui se portent au pôle positif, s'y trouvent, dans le cas d'électrolytes dissous, en présence de l'eau. Ils s'emparent de l'hydrogène et dégagent de l'oxygène. De même, si on dépose à la cathode un métal alcalin ou alcalino-terreux, il y décompose l'eau pour donner la base correspondante et dégager de l'hydrogène. Polarisation des électrodes. — C'est par les dépôts d'ion qui se font aux électrodes que se produit la force contre-électromotrice des électrolytes dont nous avons vu le calcul ci-dessus. Ce phénomène est appelé la polarisation des élec- trodes. On peul mettre expérimentalement en évidence cette pola- risation des électrodes en joignant ces électrodes à un galvano- mètre aussitôt après que le courant excitateur a cessé de passer. On voit alors que la force électromotrice est de sens inverse à celle de ce premier courant. Le temps pendant lequel persiste cette force électromotrice de polarisation est très variable suivant la nature des électrolytes, et suivant l'état même des électrodes. Mais on la met toujours en évidence quand on opère avec une rapidité assez grande. Pour faire la mesure de cette force électromotrice, la meilleure méthode est celle de Chaperon. Soit un voltamètre AB, une pile P destinée à produire l'électrolyse, une clef de décharge K et un con- densateur M dont chaque armature est réunie à une paire de qua- drants d'un électromètre. En faisant fonctionner la clef, on met j,.jq ;^2g successivement le voltamètre en communication avec la pile, puis on rompt cette communication, et on établit très vite la communication avec le conden- sateur. En répétant plusieurs fois l'opération, on arrive à mettre le condensateur à la différence de potentiel maxima atteinte par le voltamètre pendant l'électrolyse. On mesure cette différence de potentiel soit au moyen de l'électromètre lui-même, soit au moyen de La décharge instantanée dans un galvanomètre. Nous ne pouvons qu'indiquer actuellement cette dernière méthode : nous y reviendrons en étudiant le galvanomètre; elle est connue sous le nom de méthode balistique. Phénomènes électro-capillaires. — Ce que nous venons de dire s'applique au cas des électrodes solides. Quand une électrode est constituée par du mercui'e, il se pro- duit une transformation d'énergie spéciale. La tension capillaire est modifiée par la couche gazeuse qui se forme, et, si l'électrodeiest constituée par un tube capillaire courbe contenant du mercure de manière à ce que le ménisque, par sa tension superficielle, supporte le poids d'une certaine colonne de mercure, dans une certaine position, le ménisque se déplace dans un sens ou dans l'autre jusqu'à ce que le point du tube dont le diamètre correspond au soutien de la colonne mercurielle par la nouvelle tension superficielle soit atteint. Ces phénomènes sont réversibles, c'est-à-dire que toute modification de la forme d'un ménisque est accompagnée de la production d'une force électromotrice qui produit un courant dans un galvanomètre, par exemple, lis semblent au premier abord du domaine de la spéculation pure. Mais ils intéressent au plus haut point les physiolo- gistes, et à un double point de vue. Lu'pmann en a tiré son éiectromètre capillaire, qui est l'instrument de choix dans la plupart des cas pour l'étude de l'électricité ani- male ou végétale, et d'ARSONVAL a édifié sur ces phénomènes une théorie de la con- traction musculaire et du courant d'action, que les physiologistes doivent connaître en détail. 268 ELECTRICITE. Phénomènes adjoints à l'électrolyse. — A côlé de ces pliénomènes réguliers, qui sont, à proprement parler, les phénomènes limites de l'électrolyse, il en est d'autres qui se produisent aussitôt que l'intensité du courant atteint une valeur notable, et que la concentration des dissolutions n'est plus très faible. Dans ce cas on voit la concen- tration des dissolutions changer autour des électrodes. C'est le phénomène du trans- port des ions, de Hittorff. Cela est très visible dans le cas du sulfate de cuivre par exemple. Enfin il peut y avoir complication plus grande encore des phénomènes, si l'électro- lyse, au lieu de se faire dans un liquide, se fait dans un solide. Warburg et Teget- MEiER, ont vu, que dans ce cas, avec du verre chauffé à 200°, entre deux électrodes, l'une d'almagame de sodium, l'autre de mercure, on pouvait faire passer par électrolyse du sodium dans le mercure pur. Mais, si l'on prend de l'amalgame de potassium comme anode, aucun effet ne se produit plus. Avec du lithium au contraire, l'électrolyse se produit, en même temps que le verre devient opaque. Il est dépoli dans sa masse, et du lithium s'est substitué au sodium. Si l'électrolyse ne peut se faire avec le potassium, c'est que sa molécule (39) est plus grande que celle du sodium (23). Au contraire, le lithium (7) peut déplacer le sodium. Des phénomènes analogues ont été observés dans l'organisme. La peau peut être considérée comme un solide imbibé de sel marin. En faisant passer un courant élec- trique entre deux parties du corps, l'anode étant une solution d'un sel de lithium, on introduit ce métal dans l'organisme. Et ce métal est le seul qu'on puisse introduire ainsi. V. — Les Piles et les Accumulateurs. Nous avons indiqué sommairement ci-dessus comment on pouvait construire une pile au moyen du zinc, de l'eau acidulée et du cuivre, ce qui nous a permis d'aborder l'étude du courant électrique et des actions chimiques. Nous pouvons maintenant étudier plus en détail la pile électrique et en général les sources d'énergie électrique d'origine chimique. Le principe général qui domine toute cette étude est le suivant : toutes les fois qu'une molécule est décomposée dans le circuit extérieur d'une pile, une molécule du composé exoénergétique qui libère de l'énergie dans la pile, se forme en même temps. D'ailleurs, il n'est pas indispensable qu'une action chimique se produise dans le circuit extérieur, bien évidemment. On peut dire en somme que toutes les fois qu'un Coulomb a passé dans un circuit, il y a eu dans l'élément de pile qui a fourni le courant molécule gramme du corps actif formé. Nous supposons pour l'instant qu'il y a un seul élément de pile. Nous verrons plus loin, quand nous aurons étudié les groupements des piles, comment ceci doit être modifié. Dans la pile, les éléments mis en jeu suivent le courant ou le remontent comme dans le circuit extérieur. Ainsi, dans l'élément de Volta, zinc, eau acidulée, cuivre, le zinc déplace de l'hydrogène de proche en proche, si bien que, en fin de compte il [y a eu disso- lution de zinc d'un côté, dégagement d'hydrogène sur le cuivre de l'autre. Le zinc est le pôle négatif, le cuivre le pôle positif de la pile. Tous les inconvénients de la pile de Volta proviennent de la formation de cette couche d'hydrogène adhérente sur le cuivre. Nous avons vu que la pile et les électrolytes présentaient une force électromotrice déterminée, et une résistance déterminée. Mais l'hydrogène qui se dégage sur le cuivre change complètement les conditions. Il y a une force contre électromotrice qui prend naissance en même temps que la résistance intérieure croît beaucoup. Un pareil élément n'est donc guère utilisable, dès qu'on veut lui demander un débit notable d'électricité; car il se polarise, suivant l'expression reçue. On a construit des piles sans polarisation notable, en adjoignant au liquide actif une substance oxydante destinée à empêcher l'hydrogène de se dégager sur le cuivre. Dans ELECTRICITE. 269 certaines de ces piles, ou a remplacé le cuivre, qui joue le rôled'un simple conducteur, par le charbon. Les principales piles utilisables sont les suivantes : Pile au bichromate de potasse. — Dans cette pile, le bichromate de potasse est dissous dans l'eau acidulée. C'est un corps oxydant qui transforme l'hydrogène en eau. Cette pile a pour pôle positif du charbon. Elle n'est pas mauvaise pour donner un grand débit pendant peu de temps, car elle peut avoir une résistance intérieure faible. Le corps dépolarisant n'est en effet pas séparé comme dans les piles suivantes du corps actif, par une cloison poreuse, toujours très résistante; mais la polarisation n'est que retardée dans cet élément qui ne peut être utilisé pour un service prolongé. Élément Leclanché. — Dans cet élément, un vase poreux, en charbon généralement, contient dubioxyde de manganèse, aggloméré avec du charbon. Ce corps oxydant donne de l'eau aver de l'hydrogène. Ces éléments sont assez bons comme constance. Ils ont peu de polarisation, mais leur résistance est toujours très grande à cause de la présence du bioxyde. Ils sont très utilisables pour l'application à l'organisme du courant galvanique, cai- dans ce cas, la résistance du tissu étant considérable, la résistance intérieure de la pile a peu d'inlluence, comme nous le verrous bientôt. Un des meilleurs types de cette pile est le type de .Iunius. Pile Daniell. — Dans cette pile, le zinc plonge dans l'acide sulfurique. Dans celui-ci plonge aussi un vase poreux, qui contient du sulfate de cuivre et une électro de positive de cuivre. L'hydrogène n'est plus libéré, car il déplace le cuivre du sulfate, dans la paroi du vase poreux, et du cuivre se dépose finalement sur le métal positif.. On peut avoir un élément qui ne subit aucun changement en remplaçant l'acide sulfurique par du sulfate de zinc. Cet élément est très bon à tous les points de vue sauf sa résistance un peu forte. On peut d'ail- leurs supprimer cet inconvénient en supprimant le vase poreux, et superposant les liquides par ordre de densités. C'est l'élément Callaud qui a rendu et qui rend encore les plus grands services en télégraphie. Cependant la force électromo- trice est faible. Pile Bunsen. — Cette pile est comme la pré- cédente à vase poreux, le pôle positif est en charbon entouré d'acide azotique, le négatif est comme dans le Daniell. Ces éléments ont une force électromotrice élevée. Mais ils ont l'inconvénient d'être assez résistants, et de dégager des vapeurs nitreuses souvent nuisibles. Amalgamation du zinc. — Dans tous ces éléments, on ne peut employer sans précaution le zinc du commerce. Le zinc impur est en effet attaqué par l'eau acidulée, d'une manière constante. Le zinc pur, au contraire, n'est attaqué que lorsque le circuit est fermé. Heureusement on a pu tourner la difficulté, et employer du zinc amalgamé. Celui- ci n'est pas attaqué en circuit ouvert. Il jouit de toutes les propriétés du zinc pur, et coûte bien moins cher. Cette amalgamation des zincs, indis- pensable pour l'usage de la pile, est une opération désagréable, car il faut décaper le zinc à l'acide chlorhydrique pour que l'amalgamation soit bonne. Accumulateurs. — Mais, actuellement, sauf dans des circonstances particulières, on peut dire que la pile est complètement à rejeter. Le zinc, qui est le combustible au moyen duquel on obtient l'énergie, est en effet fort cher. Son ainalga- FiG. 129. — Pile Daniell. FiG. 130. — Pilo BUNSE.V. 270 ELECTRICITE. mation, comme nous venons de le dire est fort ennuyeuse, la force électromotrice n'est jamais parfaitement constante, et les manipulations de pile sont fréquentes et désa- gréables. Si en effet, avec le zinc amalgamé on peut laisser le zinc dans l'acide, pendant le cours d'une expérience on ne peut l'y abandonner constamment, Tattaque finissant à la longue par avoir lieu. Il faut donc enlever les zinc toutes les fois qu'une expérience est terminée, ce qui est fort pénible. Toutes ces raisons font qu'actuellement on eniploie d'une manière presque absolue les accumulateurs. Il y en a trois à ajouter encore, c'est que les accumulateurs ont une force électromotrice élevée, que leur résistance intérieure est très faible et que leur force éleclromotrice est, dans de très larges limites, d'une constance extrêmement grande. Il y a cependant à leur emploi une condition parfois gênante. Il faut avoir à sa dispo- sition une source d'énergie et une dynamo, pour recharger les accumulateurs quand ils sont déchargés. Souvent cela n'est d'ailleurs pas une condition gênante, car, dans la plupart des grands centres, du moins, des industriels font la recharge des accumulateurs. Dans les villes qui possèdent une distribution électrique par courant continu, la ques- tion est résolue d'elle-même. Même dans ce cas, il y a souvent intérêt à employer le courant pour charger des accumulateurs, car ceux-ci permettent d'employer des forces électromotrices moins élevées que celles des secteurs électriques, et aussi de se mettre à l'abri des variations de force éleclromotrice de ceux-ci. Les accumulateurs sont des voltamètres à électrode de plomb. Le liquide électrolyés est l'eau accidulée à 0,1 environ d'acide sulfurique. Il se forme du côté du pôle positif, où se porte le radical, SO'^, et où il y a par conséquent production d'oxygène, du bioxyde de plomb (PbO^, oxyde puce). Ce voltamètre conserve assez longtemps sa force électro- motrice de polarisation, on peut alors le décharger. Dans ces conditions, il y a réduc- tion de l'oxyde puce au positif. Il se forme alors de l'oxyde de plomb Pb 0. A la plaque négative, qui est composée au début de plomb pur, il y a formation d'un oxyde de plomb» qui donne un sulfate avec l'acide de l'électrolyte. Quand on a opéré ainsi un certain nombre de fois, le plomb des électrodes est devenu poreux, les accumulateurs peuvent emmagasiner une quantité très grande d'énergie électrique, et la conserver pendant très longtemps; on dit que l'accumulateur est formé. Les accumulateurs ainsi construits ont été les premiers connus, ils ont été découverts par Gaston Pl.^nté. On les emploie beaucoup maintenant, mais comme ils coûtent cher à faire à cause du grand nombre de charges nécessaires, on a eu recours à la formation artificielle. Dans celle-ci on maintient par un cloisonnement convenable une pâte de minium (Pb^O^) sur la plaque qui sera positive et une pâte de litharge (PbO) sur celle qui sera négative. Le passage du courant une seule fois jusqu'à transformation complète de PbO au positif, en Pb pur au négatif, suffit pour former l'accumulateur; ceci est un grand avantage. Mais il est difficile d'avoir ainsi des plaques solides résistant aux trépi- dations et aux régimes un peu insolites de charge et de décharge. Cependant on arrive maintenant à faire de bons appareils par ce système. La quantité d'énergie électrique que peut emmagasiner un accumulateur dépend essentiellement de sa surface active. Quand l'oxydation du positif a pénétré à une cer- taine profondeur, elle s'arrête, et, si l'on continue à faire passer le courant de charge, l'oxygène et l'hydrogène se dégagent. Nous voyons immédiatement ici qu'il n'y aura dans la décharge aucun phénomène de polarisation. En effet, l'hydrogène d'électrolyse rencontrera l'oxygène de l'oxyde puce et donnera de l'eau. On conçoit donc que la résistance et la force électromotrice de ces éléments doivent être très constantes; c'est ce qui a lieu. De plus un accumulateur de bonne qualité peut conserver sa charge pendant plusieurs semaines, et garde la même force éleclromotrice. Ces appareils ont donc des avantages très précieux; mais il faut observer pour leur emploi certaines précautions que nous allons indiquer. Il ne faut jamais dépasser beau- coup dans la décharge l'intensité maxima indiquée par le constructeur. Si, pour une raison ou une autre, on est obligé de s'y résoudre, il ne faut le faire que pendant un temps très court. Quand on dépasse notablement et pendant un temps appréciable cette limite, les plaques positives se déforment dans le cas des accuiuulateurs à formation Plante, et l'oxyde puce se détache en fines poussières. Dans le cas des accumulateurs à ELECTRICITE. 271 oxydes rapportés, les désordres sont plus graves, il y a destruction complète des plaques positives qui tombent au fond du vase. A la charge, il ne faut pas non plus dépasser le régime indiqué, le même inconvénient se produisant par le foisonnement du pôle positif pendant la formation de l'oxyde puce. Un accumulateur finit toujours à la longue par se décharger, il faut donc charger ses accumulateurs au moins tous les mois, même quand ils ne sont pas soumis à un service sérieux, il est même bon de faire ce travail toutes les semaines, Quand ils sont soumis à un service sérieux, il faut de temps en temps mesurer leur force électromotrice. Nous verrons bientôt que l'unité employée pour cela est le volt. Il existe des appareils étalonnés qui permettent de lire directement le voltage d'une pile, nous le dirons aussi ultérieurement, ce sont les voltmètres. Il faut qu'un accumulateur ait toujours au moins i'',9 de force électromotrice. Quand il tombe au-dessous, il faut le recharger. Voyons maintenant le phénomène de la charge des accumulateurs. Dès que le cou- rant passe depuis quelques instants, la force électromotrice monte à 2 volts. Elle y reste pendant fort longtemps, puis elle monte à la fm de la charge jusqu'à 2'',3^ ou 2^,4, par- fois plus haut. En général vers ce moment les accumulateurs bouillonnent par simple électrolyse de l'eau acidulée. 11 faut alors arrêter la charge, au moins en général. 11 est cependant bon de laisser de temps en temps l'accumulateur bouillonner un quart d'heure ou vingt minutes. On ne doit faire bouillonner les accumulateurs que dans des conditions bien déterminées, que nous allons examiner maintenant. Quand des accumulateurs restent déchargés pendant longtemps, il se produit des sulfates de plomb insolubles et non conducteurs qui augmentent énormément la résistance intérieure et qui diminuent dans la même proportion la capacité des accumulateurs. On ne peut arriver à les détruire qu'en faisant bouillonner les accumulateurs. Dans ces conditions, l'hydrogène au pôle négatif réduit les sulfates. C'est ce qu'on appelle mettre les accumulateurs an bain hydrogénant. Ceci ne doit être fait qu'avec précaution. Il faut opérer avec un courant égal à la moitié du courant normal de charge et prolonger l'action pendant un temps égal à quatre fois la charge. En général, dans ces conditions, les accumulateurs ont l'epris leur capacité. Il faut réduire le régime de charge; car sans cela les bulles de gaz trop énergiques, détachent les oxydes et les font tomber au fond du vase. Il faut aussi remettre de l'eau dans les accumulateurs de manière à entretenir le niveau constant. Cette eau doit toujours être distillée. Les moindres impuretés sont en effet très préjudiciables aux accumulateurs. De plus, comme on rajoute souvent de l'eau qui s'évapore et s'électrolyse on finirait par avoir un électrolyte très impur, les impu- retés s'ajoutant toujours. Quand on remet de l'acide sulfurique, ce qui arrive rarement, il faut aussi employer de l'acide pur. Quand on doit s'absenter pendant longtemps, deux ou trois mois, si on veut éviter au retour l'ennuyeuse besogne de la désulfatation, qui d'ailleurs est nuisible aux plaques, il faut vider les accumulateurs et après avoir rincé les plaques, les replacer dans l'eau distillée. On profite de cette occasion pour nettoyer les vases, au fond desquels il y a toujours des oxydes tombés. La capacité des accumulateurs se mesure d'après la quantité d'électricité qu'ils peuvent contenir. Nous verrons tout à l'heure que l'unité d'intensité est l'ampère. On indique la capacité en ampère-heures : c'est le produit du nombre d'ampères de la décharge normale par le nombre d'heures que dure cette décharge. Si la décharge se fait sous un régime moindre, elle durera plus longtemps; la capacité d'un accumulateur est plus grande pour les régimes faibles que pour les régimes forcés. Nous n'insisterons pas davantage sur le rendement des accumulateurs, car cela sor- tirait de notre sujet actuel. VI. — Unités électriques. L'étude que nous venons de faire des accumulateurs nous a montré toute l'importance des mesures électriques pour tous ceux qui se servent, à un titre quelconque, de l'élec- tricité. Dans ce qui précède, nous avons indiqué, parmi les lois derélectricité, celles qui sont indispensables pour comprendre comment on a établi un système d'unités coordon- 272 ÉLECTRICITÉ. nées. Il s'agit maintenant de définir ces unités et d'apprendre à s'en servir. Nous n'en- trerons pas dans des considérations théoriques sur la question des unités, nous nous bor- nerons à indiquer ce qu'est un système de mesures homogène, et comment les choses ont été réalisées pour la pratique électrique. Avant l'adoption du système métrique, il n'y avait aucune relation simple entre l'unité de surface et celle de longueur, ni entre ces dernières et celle de volume. Aussi, quand on avait à chercher le volume en boisseaux d'un espace de dimensions connues en toises, était-on obligé à un calcul déjà compliqué. lien aurait été de même en électricité si on avait pris n'importe comment une unité de force électromotrice, puis une unité de résistance, puis une unité d'intensité, puis une unité de capacité, puis une unité de quantité. A priori, on aurait pu agir ainsi. Mais les calculs auraient été fort pénibles. Aussi est-on convenu de prendre des unités liées entre elles comme le mètre, le mètre carré et le mètre cube, de manière à ce que les calculs soient aussi simples que possible. D'ailleurs, ce système doit être lié aux unités mécaniques ordinaires, car c'est par la production de travail mécanique ou de chaleur que les phénomènes électriques se révèlent à nous. Or nous avons dit dans ce cjui pré- cède qu'il y avait deux phénomènes élémentaires au moyen desquels il y avait produc- tion de force entre des corps électriques ou magnétiques. Ce sont : 1" Les attractions ou répulsions électriques mesurées par Coulomb. 2" Les attractions ou répulsions magné- tiques des pôles d'aiguilles aimantées, mesurées elles aussi par Coulomb. Il est aisé de voir qu'en partant de l'une quelconque de ces actions mécaniques, on aura un système complet. Le premier se nomme système électrostatique, le second système électromagnétique; on voit immédiatement, quand on exprime une même quan- tité au moyen de ces deux systèmes, que ses expressions sont différentes. Les unités électrostatiques se présentent naturellement et sont de grandeur commode pour les études électrostatiques, les autres au contraire le sont pour les études électromagné- tiques. Celles-ci étant de beaucoup les plus importantes, c'est le système électromagné- tique qui a été adopté ^ Comme les phénomènes électriques servent essentiellement à transformer de l'éner- gie et à produire des phénomènes mécaniques il faut avant tout définir les unités méca- niques rationnelles. On a en mécanique trois notions irréductibles l'une à l'autre, ce sont les notions de longueur, de temps et de force. De ces trois notions on déduit celle de masse, qui est l'expression de l'inertie de la matière. Cette notion est d'ailleurs bien plus fondamentale que celle de force, car la masse d'un corps est une constante, au lieu que la force qui agit sur lui en vertu de la pesanteur, son poids, varie d'un point à i.Nous ne voulons pas laisser croire que l'exposé élémentaire ci-dessus renferme le fond delà question, quoique dans la suite nous évitions les fautes que ce mode d'exposition laisse commettre. Nous n'avons en effet pas parlé dans cet article de ce qu'on est convenu de nommer les dimen- sions des unités électriques et magnétiques. Nous allons indiquer dans cette note les difficultés auxquelles on arrive. La loi de Coulomb relativeà l'électrostatique s'exprime par /"= K —, K étant une constante, et m la valeur commune des deux masses. Nous avons de même en magnétisme f=K' —. Si donc, comme on le fait dans le système électrostatique, on fait K = 1, on voit que (1 ) ?« = r V^y. En tenant compte des autres lois, on arrive, pour la masse magnétique, à une autre expression, indiquant bien la différence de nature des deux espèces de masses. Dans le système électro-magnétique, on fait K' = l et on en tire \i. = r\/f, ce qui est la même expression qu'avait tout à l'heure la masse électrique dans le système électrostatique. Des physiciens se sont alors autre- fois posé cotte question : « Les deux systèmes sont incompatibles, quel est celui des deux qui est le bon? ». Nous devons répondre que selon toute probabilité aucun des deux n'est bon. Nous n'avons pas le droit de considérer aucune des constantes K et K' comme numérique, et, dans l'état actuel de la science, nous ne pouvons faire aucune hypothèse rationnelle sur leur valeur. On voit imprimé dans tous les livres d'électricité un tableau de ce qu'on a]ipcllc les dimensions des unités électriques, c'est-à-dire leur expression analogue à (1) en, fonction des unités de la mécanique. Cela nous éclaire uniquement sur les relations de ces diverses unités entre elles, et il faut avoir bien soin de ne pas prendre ces formules au pied de la lettre, car elles n'ont aucun sens phy- sique. Les seules relations ayant une signification physique sont celles où ou définit l'énergie- d'un système électrisé, et la relation de Maxwell qui indique que V/KK' est une vitesse. Nous sortirions du cadre de cet article en étudiant ce qu'est cette vitesse. ELECTRICITE. 273 l'autre du globe; c'est pour cela qu'on a pris comme unités fondamentales le centimètre, la masse du gramme et la seconde. Le système ainsi créé se nomme système C. G. S. C'est de lui que sont dérivées les unités électriques. Il faut donc que nous définissions les unités de foixe et de travail dans ce système. La force est définie par l'accélération qu'elle donne à l'unité de masse dans l'unité de temps. Le poids d'un gramme à Paris lui donne en une seconde l'accélération de 981 centimètres, d'après les mesures de l'ac- célération due à la pesanteur. Donc, pour avoir les calculs les plus simples, l'unité de force qui donnera à la masse du gramme l'accélération de i centimètre par seconde sera ôgj du poids du gramme. C'est la dyne équivalant à peu près à un milligramme. Vol L'unité de travail seraVerg, travail d'une dyne sur un centimètre. La puissance d'un moteur est l'énergie qu'il libère par seconde. Son unité sera la puissance que libère un erg par seconde. Ces deux unités sont très petites, et de plus on se heurte aux habitudes invétérées d'emploi du kilogrammètre comme unité de travail, et du cheval-vapeur comme unité de puissance. Ce dernier est égal à 73 kilogrammètres par seconde. La situation est la même qu'au siècle dernier où l'on employait les toises, boisseaux et autres mesures inco,- hérentes. Mais ne pouvant arrêter le courant, nous sommes obligés de le suivre et de donner les multiplicateurs par lesquels il faut opérer sur les nombres trouvés en unités rationnelles pour savoir les exprimer en unités usuelles. Définition de l'exposant. — Pour éviter d'écrire des nombres présentant un grand nombre de zéros, on a l'habitude en mécanique et en électricité au lieu d'écrire 3000000, d'écrire 3 x 10^ car un million est par définition la sixième puissance de 10; on voit ainsi que 102=100, 103 = 1000, 10^=10000, 10=^=100 000, etc. De la sorte, nous voyons que 1 gramme = 981 dynes, 1 kilogramme = 981 x 10^ dynes. Un kilogrammètre = 10-kilogrammes-centimètres = 981. 10-^ dynes-centimètres. Donc 1 kilogrammètre = 981. 10^ ergs. Quant au cheval-vapeur, égal à 7o kilogrammètres par seconde, c'est: 75 x 981 xlO^ ergs par seconde, soit 736.10'' ergs par seconde. Ceci étant posé, voyons comment on a défini les unités électro-magnétiques. L'unité de pôle magnétique est le pôle qui repousse avec une force de une dyne un pôle iden- tique placé à un centimètre, par l'application, en supposant la constante égale à 1, de la loi de Coulomb f^=K-^. L'unité d'intensité de courant est l'intensité d'un courant qui, ?■- traversant un arc de circonférence de 1 centimètre de rayon et de 1 centimètre de long, produit une dyne sur l'unité de pôle placée en son centre. C'est l'application, en suppo- sant la constante égale à 1 de la loi [de l'action électro-magnétique du courant f=[j. — / L'unité de quantité d'électricité est la quantité débitée en une seconde par une intensité égale à l'unité d'après la formule q=^ U. L'unité de résistance est la résistance dans laquelle un courant de 1 unité pendant une seconde dégage une quantité de chaleur équivalente à l'unité d'énergie ou 1 erg. C'est l'expression de la loi de Joule 'W = i^rt où W représente l'énergie et où la cons- tante est prise égale à 1. L'unité de. force ëleclromotrice ou de différence de potentiel est la force électromolrice qui entretient un courant d'une unité dans une résistance de une unité. C'est l'application de la loi de Ohm Pouillet e = ù' oii la constante est prise égale à I. L'unité de capacité est celle qui, sous l'unité de différence de potentiel, contient l'unité de quantité d'électricité, d'après la formule r^ = CV de l'électrostatique où on fait V = E. On emploie d'autres unités encore en électricité, mais celles-là seules sont d'un usage indispensable à tout le monde; nous nous y bornerons donc. Unités pratiques. — Toutes ces unités théoriques présenteraient dans la pratique un inconvénient notable. Les nombres à employer pour exprimer les grandeurs usuelles seraient ou très grands ou très petits. On a alors cherché à former un système aussi cohérent que le système C. G. S., et dans lequel, au lieu de prendre comme unités le cen- timètre et la masse du gramme, on prendrait des quantités égales à des multiples déci- maux de celle-ci. On est arrivé à un système satisfaisant, en prenant pour unité de lon- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 18 274 ELECTRICITE. o gueur celle du quart du méridien terrestre (10^ mètres par déflnition, aux erreurs de l'étalonnage près, c'est-à-dire 10» centimètres) qu'on appelle un quadrant, et pour unité 1 de masse la cent milliardième partie de la masse du gramme, c'est-à-dire j^j du gramme la seconde restant l'unité de temps. Ilest suggestif de réfléchir à cette énorme longueur et cette infiniment petite masse; n'est-ce pas un indice que les phénomènes électriques utilisables peuvent être considérés comme dus à des masses infiniment faibles douées de vitesses, de rotation par exemple, infiniment grandes? Les unités pratiques portent les noms suivants : Résistance Ohm. = 10» fois l'unité G. G. S. 1 Intensité Ampère. = yr de l'unité C. G. S. Force élccli-omotrice ou différence de ijotentiel . . . . Volt. = IQS fois l'unité C. G. S. ] Quantité Coulomb. = — de l'unité C. G. S. ] Capacité Farad. = — de l'unité C. G. S. Cette capacité elle-même est trop grande en pratique; on en emploie le millionième sous le nom de microforad. On emploie souvent aussi le nom de mégohm pour désigner un million d'ohms et ceux de microampère, microvolt, microcoulomb pour désigner la miliionième partie de l'ampère, du volt ou du coulomb. Ceci étant établi nous savons que : 1 Volt fermé sur 1 Ohm donne 1 Ampère. p Volts fermés sur q Ohms donnent - Ampères. 1 microforad chargé sous 1 Volt contient 1 microcoulomli. Il nous reste à indiquer les relations de ce système avec les unités mécaniques usuelles. iNous savons que le produit du carré d'une intensité par une force électromotrice, d'après la loi de Joule, est une puissance, et qu'il en est de même du produit d'une intenr site par une force éleclromotrice. Le produit de 1 volt par 1 ampère se nomme 1 watt; { watt travaillant pendant une seconde donne un Joule. On conçoit, au moyen des valeurs des unités pratiques en fonction des unités C. G. S,, la possibilité d'évaluer ces quantités en chevaux-vapeurs et en kilogrammètres. On voit 1 que 1 watt est — ^ de cheval-vapeur. On appelle kilowatt la puissance de 1000 watts, et alors un kilowatt r= 1,36 cheval-vapeur. j_ 9,81 mètre. 1 Joule est égal jà ^^-^j kilogrammètre, soit un peu plus de 1 dixième de kilogram- "VII. — Utilisation pratique des piles et instruments de mesure. ISous avons jusqu'ici condensé le plus possible la question théorique de l'électricité, de manière à arriver rationnellement à la connaissance des unités indispensables. Nous avons, en passant, traité toutes les questions qui sont liées d'une manière intime à la conception des faits, comme celle de la polarisation des piles et celle des piles secon- daires ou accumulateurs. Maintenant que cette partie théorique est terminée, il nous reste à voir comment on emploie dans la pratique les instruments dont nous avons donné les principes. Nous avons donc à étudier tout d'abord comment on groupe les piles ou accumulateurs pour en faire le meilleur usage, puis à exposer les lois des circuits dérivés, et enfin à décrire s ELECTRICITE. 273 les instruments de mesure usuels. Nous indiquerons aussi quelques méthodes de mesure, en nous en tenant au strict, nécessaire pour les applications courantes. Car, si les physiologistes ont parfois besoin de se servir des instruments les plus délicats, ils n'ont pas besoin d'opérer par des méthodes de haute précision. Nous n'indi(iuerons donc parmi ces méthodes que celles qui ont une application immédiate en physiologie. Groupement des piles et accumulateurs. — Nous avons vu comment la thermo- dynamique nous enseignait à, calculer la force électromotrice E d'un élément de pile ou d'accumulateur. Ceci est absolument indépendant de la taille de l'élément. Mais à côté de cet élément invariable, nous avons vu que les liquides présentaient une résistance analogue à celle de solides. Si donc nous employons un élément de petite dimension, il aura une résistance plus grande qu'un élément de grande dimension, si les deux élé- ments sont semblables. Si, au contraire, nous rapprochons l'une de l'autre les plaque* d'un accumulateur, par exemple, nous diminuerons sa résistance. II faut donc savoii dans quelles conditions on peut employer de petits éléments, peu encombrants, et dans quelles conditions au contraire il faut avoir recours aux éléments de grande surface. F" La loi de Ohm Pouillet nous dit que I^rr—- , I étant l'intensité du courant, E, la force électromotrice utilisable, et R, la résistance du circuit; R comprend non seulement la résistance métallique, mais celle de la pile. Pour employer la notation habituelle, nous garderons la lettre R pour désigner la résistance extérieure à la pile, en appelant p F la résistance de celle-ci. La formule complète sera donc 1=^5 . H + p Si donc nous voulons produire une intensité I donnée dans un circuit de résistance R, nous voyons qu'il faudra tenir compte de la résistance de la pile. Soient des éléments de force électromotrice E, et de résistance p, mis, comme on dit, en série, le positif de l'un réuni au négatif du suivant. La force électromotrice totale sera n E, la résistance n E E sera n 0, donc l'intensité sera 1= rr == r-. Si p est petit par rapport àR, on P H voit immédiatement qu'on augmentera l'intensité notablement en ajoutant des éléments en série. Si, au contraire, p est grand par rapport à R, ce qui est le cas des éléments de petites dimensions, on n'augmentera pas sensiblement le courant en mettant les éléments en série. Dans ce cas, il faut employer la réunion en batterie, tous les pôles positifs étanl réunis, ainsi que tous les négatifs. Ceci revient à former avec tous les éléments un seul élément de surface plus grande, à résistance moindre par conséquent. On voit alors que la 0 force électromotrice sera E seulement, et la résistance intérieure sera —. E L'intensité sera alors I = d'autant plus grande qu'on aura plus d'éléments en R + ^, n batterie, puisque R est négligeable vis-à-vis de p. Ces considérations suffisaient pour l'utilisation des piles. Celles-ci, en effet, pouvaient débiter autant qu'on le voulait, sans autre inconvénient que de consommer du zinc, et de se polariser vite quahd on leur demandait trop de puissance. Avec les accumulateurs le problème est tout autre, et c'est celui qu'il importe le plus de traiter maintenant. Les accumula leurs ont toujours une résistance intérieure très petite (quelques centièmes d'OuM Il faut donc toujours, au point devue du courant maximum à obtenir, les placer en série. Mais les accumulateurs sont détruits, les plaques positives se désagrégeant, si on leur fait débiter plus que le constructeur ne l'indique. Il faut donc retenir deux faits : 1° Des accumulateurs ne devront être mis en batterie que dans un seul cas, c'est quand b/ débita fournir dépasse celui qu'a indiqué le constructeur; 2° Il ne faudra jamais fermer des accumulateurs sur une résistance sans connaître son ordre de grandeur et sans en avoir mis un nombre suffisant en batterie dans le cas où cette résistance est très faible. Si l'on veut obtenir une très forte intensité'sur une résistance notable, on comprend donc immédiatement ce qu'il y a à faire. Il faut commencer par former des groupes en batte- rie de manière à ce qu'ils puissent débiter sans danger l'intensité voulue, puis on met 276 ELECTRICITE. t,rj en série le nombre de ces groupes voulu pour produire l'intensité désirée dans la résis- tance donnée. Courants dérivés. — Ces principes étant connus, il faut maintenant indiquer ce qui se passe quand deux points sont réunis par plusieurs conducteurs. Ce cas se présente fréquemment dans la pratique, il importe de le connaître. Soient A et B les deux points reliés d'une part à la pile P, et d'autre part réunis par des conducteurs de résistance r)r2?'3. L'expérience a établi que l'intensité I qui arrive en A se répartit entre les conducteurs de manière que si I iihU etc., sont ces intensités, on ait I = ii + ii + is + etc., ce qu'on peut écrire avec KiRCHHOFF sous la forme S i = I le signe S indiquant qu'on fait la somme de toutes les intensités arrivant en A, c'est-à-dire qu'on compte négativement toutes celles qui s'en éloignent, et positivement toutes celles qui y arrivent. D'ailleurs le potentiel de A étant V et celui de B étant Y' on a parla loi de Ohm : FiG. 131. v V— v ?" =: h V — y »'3 et la somme totale des courants qui vont de A à B sera : il + ?2+ is + ... = l: + - + »'3 ...). Donc l'ensemble des conducteurs en dérivation entre A et B se comportera, au point de vue du courant fourni par la pile P, comme un seul conducteur dont on calculera la I III résistance R par la formule 7- = 1 1 K ri r.2 r-i Si donc nous appelons E la force électromotrice de la pile P et p la résistance du con- ducteur APB, y compris la résistance intérieure de la pile, nous aurons : E ? + 1 11 1 , r\ r-i V3 Résistances et rhéostats. — Nous venons de voir comment il faut opérer pour atteindre avec des piles ou accumulateurs à une intensité donnée dans toutes les condi- tions. Il nous reste maintenant à savoir d'abord comment on peut graduer un courant. Ceci se fait au moyen de résistances connues et variables à volonté. Il existe deux types de ces résistances. Les unes sont réunies dans une boîte, et les fils métalliques de maillechort ou de man- ganine qui les composent sont noyés dans la paraf- fine. La figure ci-contre montre mieux que toute expli- cation comment, en levant la clef i, la bobine qui est soudée aux deux gros plots de métal A et B, se trouve ^■<'- ^''■^■ dans le circuit. Au contraire, quand la clef 1 est en place, le courant n'aura h surmonter que la résistance des plots et de la clef qui est absolument négligeable, à condition que la clef soit bien propre ainsi que son trou, et qu'elle soit énergiquement serrée. Il faut faire la plus grande attention, quand on enlève une clef d'une boîte, à resserrer énergiquement toutes celles qui sont sur la même rangée, car sans cela, par suite des flexions inévitables, les contacts deviennent très mauvais. Faute de cette précaution, on peut avoir de graves mécomptes. Les meilleurs boîtes, quoique les plus coûteuses, sont celles de Carpëntier, oîi les bobines sont disposées en décades. Supposons dix bobines égales et réunies, les premières aux plots 0, I (fig. 134), la deuxième à 1 et 2, etc. Tous ces plots sont isolés. Une barre de laiton A se trouve en regard elle est reliée à une borne de la boîte ou au disque suivant ELECTRICITE. 277 et le plot 0 à l'autre borne ou à l'autre barre. Si on place une clef entre le plot 2 et le barre A, il y aura entre les deux bornes une résistance de i bobine. Si au contraire on place la clef entre 7 et A, il y ,..__ ,^ «^ ^ ^^^.^"^ aura 7 bobines. En construi- sant une décade de bobines de I ohm, une de 10 ohms, une de 100 ohms, etc., il est aisé de voir qu'on aura un ins- trument extrêmement com- mode, permettant d'obtenir des résistances de 1 à 10 ohms avec un cadran, de i à 110 ohms avec 2, de 1 à 1 110 ohms avec 3, etc. Ces instruments ne doivent pas être utilisés d'une manière quelconque. Voici la force élec- tromotrice maxima qu'il faut FiG. 133. — Boîte de résistance. employer, ponr ne pas échauffer ces résistances de manière [àj en hausser la valeur : 1 liobine de 1 ohm 0,32 volt. — 10 — -. . . . 1 — — 100 — 3,2 — — 1000 — 10 — 10 000 — : 32, — Si donc on a besoin de résistances pour faire passer des courants notables, il ne faut pas recourir à ces boîtes. Elles ne doivent servir que pour les mesures de précision, et dans les conditions in- ^ -9- w diquées. Comme rhéos- tat véritable, il faut employer des fils de maillechort ou de man- ganine à l'air libre. Les deux meilleurs types sont ceux de Cance et de Gaiffe. Dans le rhéostat de Cance, le fil est enroulé suivant une hélice ré- gulière, et se tient par sa rigidité. Une extré- mité porte une borne. Fie 134. — Boite de résistance en décades. Le long de ce fil est une tige métallique, le long de laquelle se meut un chariot qui porte une roulette. Celle-ci est appliquée sur le fil par un ressort. La tige métallique est réunie à une barre de contact. On voit ainsi qu'il y aura d'autant plus de spires en circuit qu'il y aura plus de distance entre le contact mobile et l'origine du fil. Dans le rhéostat de Gaiffe, le fil est enroulé autour d'un anneau isolant, de manière à fortner une spirale à axe circulaire. Une extrémité est terminée par une borne. Une manetteinobile autour du centre vient frotter sur les spires à leur partie supérieure. Le fonctionnement est donc analogue à celui du rhéostat de Cance. On peut obtenir facilement dans les deux systèmes des rhéostats de oO ohms environ. Le fil qui les constitue peut débiter environ 10 ampères sans danger. Il commence alors à rougir. Pour les plus grands débits, il existe des rhéostats de résistance moindre, et pouvant débiter à peu près ce que l'on veut. Quand, au contraire, on veut des rhéostats de très grandes résistances et qu'on n'a pas besoin d'un très grand débit, il est bon d'employer ^78 ELECTRICITE. des résistances liquides. Le meilleur type pour les usages physiologiques est le rhéostat Bergonié, qui sera décrit à l'article Électrothérapie. Enfin il existe une dernière espèce de résistance métallique dont nous verrons plus F IG. 135. Kliéostat de Gaiffe. loin l'usage; ce sont des dixièmes d'ohm exactement étalonnés. Il en existe de deux espèces construits par Carpentier. Les uns, en maillechort, ne doivent débiter que 5 am- FiG. 136. — Dixième d'Ohm étalon. FiG. 137. — Ohm étalon. pères au plus, les autres, en fil de mangauine, peuvent en débiter 25. Ces instruments servent, comme nous le verrons, à mesurer des intensités de courant. On construit aussi des ohms étalonnés pour faibles courants seulement. Étalon de force électromotrice. — Il existe des éléments de pile qui ont une force électromotrice absolument déterminée, quand ils sont construits avec grand soin, à con- dition qu'ils soient employés sans débiter une intensité notable; quelques milliampères suffisent pour fausser le résultat. On s'en sert cependant d'une manière courante, mais il faut avoir soin d'employer des méthodes où la comparaison entre deux forces électro- motrices se fait sans débit sensible. On compare alors par une de ces méthodes la force électromotrice de l'étalon à celle d'un accumulateur qui a débité après charge complète 1/10 environ de cette charge. Dans ces conditions, sa force électromotrice est stable pour longtemps, et cela, même si on lui demande d'assez grands débits, par exemple de 1/4 ou I/o du débit normal indiqué parle constructeur. Cet accumulateur sert aloa's d'étalon secondaire, et on le vérifie de temps à autre par comparaison avec l'étalon primaire. Les éléments étalons les plus répandus sont ceux de Latimer Clark, de Gouy, du Post Office de Londres; nous ne les décrirons pas en détail. On peut employer, pour les me- sures qui n'ont pas besoin d'une haute précision, ce dernier élément en le construisant soi-même. C'est un Daniell ayant une solution de sulfate de cuivre saturée, et où l'acide sulfuriquv «îst remplacé par une solution de sulfate de zinc demi saturée. Dans ces con- ÉLECTRICITÉ. -279 ditions, on peut compter sur une force électromotrice de l^jOH, qui est à peu près indt;- pendante de la température. Galvanomètres. — Nous avons vu que le courant électrique agissait sur l'aiguille aimantée. Quand on place une petite aiguille aimantée au centre d'un tour de fil circu- 1 aire, on démontre aise'ment que la déviation de l'aiguille est inversement proportion- nelle à la composante horizontale du magnétisme terrestre et directement à l'intensité du courant. Cela est vrai approximativement pour les petits angles, mais pour les angles notables on ne doit plus prendre la déviation elle-même, mais sa tangente trigonomé- Irique; pratiquement l'angle de déviation qui croît d'abord proportionnellement au courant, croît ensuite moins vite que ne l'exige la proportionnalité, et cela d'autant plus que la déviation est plus grande. Il y a deux espèces d'instruments. Les uns sont les instruments sensibles, les autres les instruments étalonnés. xNous nous occuperons d'abord des premiers, qui sont souvent utilisés par les physiologistes. Dans ce cas, il faut donc augmenter autant que possible la sensibilité d'un instrument. On y arrive par divers moyens. Le premier a été inventé par ScHWEiGGER, c'cst la multiplication. Si, au lieu d'un seul tour de fil parcouru par un courant I, on a un grand nombre de tours parcourus par le même courant, il est aisé de voir que les effets s'ajouteront. Mais si l'on pousse trop loin cette multiplication, deux effets se produiront. D'abord la résis- tance du galvanomètre augmentera, elle pourra donc arriver à diminuer notablement l'intensité qu'on veut mesurer, puis les spires s'éloigneront forcément de l'aimant et leur action diminuera. Nous ne pouvons pas entrer ici dans les de'tails de construction du galvanomètre, nous indiquerons seulement plus loin comment on mesure 'ce qu'on nomme la constante d'un galvanomètre, c'est-à-dire comment on apprécie sa valeur. Disons pour l'instant comment il faut choisir la résistance de l'inslrument, c'est-à-dire le diamètre du fil enroulé sur la bobine, pour avoir la déviation la plus grande avec un circuit extérieur donné par sa résistance et sa force électromotrice.. Si nous considérons un volume en forme d'anneau mince occupé par des spires de fil, l'action de toutes les spires sur le centre sera la même, pour ce qui est compris dans ce volume mince. Supposons que le fil enroulé devienne m fois plus fin. Le nombre de tours de fil dans ce volume mince deviendra m- fois plus grand; donc si I représente l'in- tensité que nous supposons la même dans les 2 cas, la force exercée sur l'aimant mobile sera = m^I x g, ^ étant une constante. Si nous répétons cela pour tous les anneaux minces qui composent la bobine et si nous faisons la somme des forces, il vient F=m-I X G. Quand on passe, pour un des anneaux minces ci-dessus, d'un fil à un autre dans le rapport m, la résistance croît dans le rapport de 1 à m'', car le nombre de spires contenues dans l'anneau varie dans le rapport de I à m^, et la résistance de chacune varie encore dans le rapport de 1 à m^, étant inversement proportionnelle à la section. Donc si E est la force électromotrice constante fermée sur le galvanomètre, si r est la résistance du circuit et R celle du galvanomètre formé par un enroulement déterminé, l'intensité E sera i =^ r--^ — . Si maintenant nous enroulons un fil m fois plus fin, l'intensité devien- v\ -\- r dra 1 = r=r, et la force F = Gm2 1 = G 7^ ce qui peut s'écrire P= • r + m'*R r-fm*R ^ ^ r , ,„ — r + 7/1^ R m- Le produit des deux termes du dénominateur est constant, quel que soit m. Il sera donc T minimum quand -^=^ni-Y\. ou ?' = m''R, c'est-à-dire quand la résistance extérieure sera égale à celle du galvanomètre. La force sera maximum dans ce cas. jVous conclurons de là que, pour les usages physiologiques où on veut mettre en évi- dence de petits phénomènes électriques dans des tissus qui ont toujours une grande résistance, et cela au moyen d'électrodes impolarisables dont la résistance est très grande aussi, il faut employer des galvanomètres très résistants. Nous verrons ultérieu- rement d'autres phénomènes très employés des physiologistes, les phénomènes thernio- e'iectrique's, où il faut au contraire faire usage de galvanomètres très peu résistants. Dans un laboratoire de physiologie, il est bon d'avoir comme galvanomètres très sensibles un instrument de 10000 ohms environ et un de 4 à 3 ohms. On a alors à peu près tout 28a ELECTRICITE. ce qui est nécessaire. On fait d'ailleurs des instruments à bobines interchangeables- Shunts. — Quand on veut réduire la sensibilité d'un galvanomètre, on peut établir une dérivation entre ses bornes. De la sorte, il ne passe plus qu'une partie du courant dans le galvanomètre. Soit ri, la résistance du galvanomètre, et ?i, l'intensité qui le tra- verse, ?'i, celle du slumt, 12, l'intensité qui le traverse ; il passera dans l'instrument un cou- rant calculable aisément, (l] i'i" devient ii [ 1 -|- r2 I; ii = l iin =hri; (2) «i -|- h ri r-2 I. De I si 1) ; Il = (1) je tire (2 = ti — et (2) ?'2 On utilise fréquemment Vi + ro r-2 i + p les rapports p = 9, p = 99, p = 999 pour lesquels on a respectivement ri ^0,1 I, ii -= 0,01 1 ii =0,0011. On fait des boîtes de résistances de cette nature qu'on vend avec le galva- nomètre. Un instrument ainsi shunté agit sur le circuit extérieur comme s'il avait une 1 1 1 réristance p donnée par - = 1 nous verrons dans les instruments étalonnés l'appli- cation de cette remarque. Ce que nous venons de dire s'applique à tous les galvanomètres; nous allons mainte- nant en étudier les divers types; a priori, il y en a deux. Dans l'un, l'équipage aimanté est mobile et les bobines sont fixes : dans l'autre, c'est le contraire, le circuit est mobile et l'aimant est fixe. Occupons-nons d'abord du premier genre. Galvanomètre à aimants mobiles. — Dans ce système un petit aimant portant un miroir destiné à la lecture des déviations est mobile, autour d'un fil de cocon simple, au centre des bobines convenables. Il est dirigé par le champ terrestre. On oriente l'ins- trument de manière à ce que l'axe des bobines soit perpendiculaire à la ligne des pôles de l'aimant. Ce système ne permet pas d'atteindre à une grande sensibilité, et de plus il est fort incommode, dans beaucoup de cas, d'être contraint de placer l'instrument dans une direction fixe. Aussi emploie-t-on un aimant directeur mobile le long d'une colonne située dans la verticale de l'appareil. On comprend qu'en l'approchant à distance conve- nable de l'équipage mobile on puisse donner à celui-ci telle direction qu'on veut. On peut même diminuer autant qu'on le veut la force directrice. Pour le montrer, et surtout pour montrer comment on peut pratiquement opérer, nous allons nous appuyer sur la compo- sition des forces. La force résultante de deux forces est dirigée suivant la diagonale du parallélogramme qu'elles forment. De plus un aimant est toujours dirigé parrallèle- ment à la force magnétique. Soient alors ok. la direction dans laquelle on veut mettre l'équipage, oB la grandeur et la direction de la force magnétique terrestre. Si nous plaçons l'aimant directeur parallèle à BA et si nous le montons le long de sa colonne de manière à ce que la grandeur de la force qu'il exerce sur l'aimant mobile soit BA, en grandeur, la force magnétique résultante sera ok en grandeur et en direction. Si donc FiG. 138. nous voulons diminuer cette force OA il fau- dra élever l'aimant en le tournant dans le sens AA', A' étant le pied de la perpendiculaire BA' sur ok', car BA' est plus petit que BA. Mais si, à partir de la position A', on veut augmenter la sensibilité, il faut amener la force de l'aimant à être BA" en grandeur et en position. 11 faut donc, en continuant à tourner dans le même sens, abaisser l'aimant directeur. Pour obtenir les grandes sensi- bilités, il faut toujours arriver à ce point. Dans cette opération, il faut toujours être guidé par une mesure de la sensibilité de l'appareil. Il n'est pas toujours commode d'y faire passer un courant d'étalonnage. Il y a une méthode plus rapide. On peut mesurer à chaque instant le couple auquel est sou- mis l'équipage, en mesurant le temps qu'il met à faire une oscillation. On démontre en effet en mécanique que le temps de l'oscillation d'un système donné est inversement proportionnel à la racine carrée du couple agissant. Donc on aura le rapport des couples, c'est-à-dire des sensibilités, pour deux positions de l'aimant direc- teur, en prenant le carré de l'inverse du rapport des temps d'oscillation dans les deux cas. Exemple : pour une position de l'aimant directeur on a mesuré le temps de cinq ELECTRICITE. 281 N S S N F(«. 1311. oscillations simples, il est de o". C'est donc 1" par oscillation simple. Pour une autre position de l'aimant directeur, on a trouvé 25" pour 5 oscillations simples, c'est-à-dire 5" par oscillation simple. La sensibilité dans le second cas sera 25 fois plus grande que dans le premier. Pour que cela soit exact, il faut que l'équipage fasse un certain nombre d'oscillations. Sans cela l'amortissement inllue d'une manière notable sur la période, et le calcul ne s'applique plus. Quand on arrive à des périodes assez longues pour que le frottement de l'air arrête l'équipage en deux ou trois oscillations, il faut alors procéder à un éta- lonnage de l'instrument. La mesure du temps d'oscillation indique bien encore cependant si la sensibilité augmente ou diminue. Tels sont les résultats qu'on peut obtenir avec un équipage à un seul aimant. Mais il est impossible dans ces conditions d'arriver à de grandes sensibilités, car les moindres perturbations du champ terrestre donnent des déplacements de zéro tels qu'on ne peut plus employer l'équipage. Aussi NoBiLr eut-il l'idée de former un équipage, dit asiatique, de deux aiguilles paral- lèles et horizontales orientées en sens inverse, situées l'une à l'intéi'ieur de la bobine et l'autre à l'extérieur. De la sorte, si les deux aiguilles sont bien identiques, le champ terrestre n'a plus d'action et on peut au moyen de l'aimant directeur donner telle sensibilité qu'on veut. Mais en pratique, jamais deux aimants horizontaux ne forment un système parfaitement statique. Si cela est déjà bien meilleur que le système à un aimant, ce n'est pas encore parfait. A côté de la possibilité de donner à l'instrument une grande sensibilité, il faut envisager la commodité de l'emploi. Un instrument qui oscille indéfiniment avant de revenir au zéro n'est pas utilisable. Il faut donc d'abord amortir le mouve- ment de l'équipage d'une manière convenable, et ensuite réaliser des équipages ayant la plus petite durée d'oscillation possible pour un couple donné. Thomsox a indiqué la voie à suivre. Il faut employer des aciers susceptibles d'une très puissante aiman- tation, et des aiguilles très petites. De plus il y a avantage à employer avec un équi- pajze asiatique deux paires de bobines agissant respectivement sur les deux systèmes d'aimants de manière à ajouter leurs effets. Ceci complique l'instrument et le rend plus coûteux, aussi les galvanomètres à une seule paire de bobines sont-ils encore fort employés. Enfin il est un procédé pour obtenir des équipages beaucoup plus asiatiques, beaucoup plus stables comme aimantation, beaucoup moins sensibles aux perturbations que les équipages à aiguilles horizontales, c'est l'emploi d'aiguilles verticales accouplées- comme sur la figure 144. On réalise ainsi des astalismes très grands et des sensibilités élevées, en employant les galvanomètres à deux paires de bobines. Enfin, on peut employer un système qui donne des sensibilités plus grandes encore et un astalisme plus gYand encore, en mettant au centre des aiguilles verticales des points conséquents inverses (fig. 145). Cet équipage donne la meilleure sensibilité avec une seule paire de bobines. Les divers galvanomètres sont les suivants : 1° Le galvanomètre de Nobili, qui est à rejeter; 2° Le galvanomètre de Thomso.v à une seule paire de bobine (fig. 140); 3° Le galvanomètre de WiEDEMANN-d'AasoNVAL (fig. 141), dont la disposition originale consiste dans l'emploi d'un aimant puissant en fer à cheval placé dans un cylindre en cuivre rouge qui donne un grand amortissement par courant induit (Voir pins loin). Cet instru- ment a l'avantage d'être disposé pour pouvoir faire varier énormément la sensibilité en éoartant ou rapprochant les bobines de l'aimant. Cela permet d'employer un instrument relativement sensible même pour des courants forts. De plus on peut faci- lement remplacer la bobine, cî qui permet de la transformer en un instrument résistant ou en un instrument peu résistant au choix. Quand on n'a pas besoin de Fin. 140 282 ÉLECTRICITÉ. FiG. 141. — Galvanomètre Wiedemann (I'Arsonval grande sensibilité, cet instrument peut rendre des services. On le construit toujours maintenant avec un système astatique. Cet instrument est extrêmement répandu dans les laboratoires de physiologie; ce qui est absolument injustifié ; il est moins sensible que les instruments du type Thom- son, et, malgré le préjugé répandu, il est d'un usage moins commode. De plus la présence de l'amortisseur de cuivre em- pêche toute espèce de bonne mesure balis- tique. En somme, c'est un instrument utilisable, mais peu recommandable, sauf quand un laboratoire ayant peu de ressources veut bien se contenter d'une sensibi- lité maximum assez faible et n'avoir qu'un seul instru- ment pour tous les usages. On peut en effet réduire la sensibilité autant qu'on le veut en écartant les bobines. 4° Le galvanomètre Thom- son à deux paires de bo- bines (fig. 142 et 143) et ses tranformésle galvanomètre à aiguilles verticales (fig. 144) et celui à points con- séquents (fig. 14a). Ce sont ces instruments qui doivent être employés dans les cas où on veut une grande sensibilité. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, leur emploi est plus commode que celui du galvanomètre de Wiedemann, dans lequel il n'est pas très facile de régler la verticalité pour éviter les frottements de l'aimant sur l'amortisseur. Mesure de la sensibilité. — Il nous reste à indiquer comment on mesure la sensibilité d'un galvanomètre. 11 faut se rappeler que pour des intensités égales traversant deux galvanomètres ayant les mêmes carcasses de bobines, celui qui est le plus résistant, qui a par conséquent le plus grand nombre de tours de spires donnera la dévia- tion la plus grande. Or ce n'est pas toujours celui qu'on a le ))lus d'intérêt à employer comme nous l'avons vu. Donc pour apprécier le mérite réel du galvanomètre, il faut réduire sa déviation à ce qu'elle serait pour une résistance déterminée. On choisit cette résistance égale à 1 ohm, et on démontre mathématiquement que pour connaître ce que donnerait le galvanomètre s'il avait le même équipage avec la même période et la même forme, s'il était parcouru par le même cou- rant, et s'il était de 1 ohm de résistance, il faut diviser la dévia- tion trouvée par la racine carrée delà résistance. Nous définirons donc ainsi, avec Ayrton, Mather et Scmpner, la constante de sensibilité d'un galvanomètre : C'est le quotient par la racine carrée de la résistance du galvanomètre du nombre de millimètres dont la tache lumineuse se déplace sur la règle divisée, supposée placée à 2 mètres, pour l'équipage amené à 5" d'oscillation simple, le courant étant de l micro- ampère ou un millionnième d'ampère. Si donc un instrument de 3 ohms a la constante de 100, cela veut dire que, avec son équipage à 5" il donne pour 1 microampère 100 x \/3 ou 283 millimètres de déviation sur une règle placée à 2 mètres de distance. Si un instrument de même constante avait 12 000 ohms de résistances, la déviation pour un microampère serait 100 v' 12000 = 100 x 109, 5 = 10 OoO millimètres à 2 mètres. Donc un millimètre correspondrait à un dix-milliardième d'ampère environ. Fig. 1-12. ÉLECTRICITÉ. 283 On peut en général amener les équipages délicats actuels à 15" d'oscilltation sans trop de peine. Il faut alors, pour avoir les sensibilités correspondantes, multiplier par 9 les nombres obtenus. La constante de 100 se réalise avec les aiguilles verticales sans peine. Avec des bobines de 3 centi- mètres de diamètre, on peut aller à loO environ. Avec les aiguilles à points conséquents on peut aller avec les mêmes bobines jusqu'à 323 et facilement entre 2G0 et 280. Les équipages à aiguilles hori- zontales ont permis, par des artifices de construction, de réaliser des constantes beaucoup plus grandes; mais ces constantes ne sont pas stables, et l'astatisme est toujours mauvais: on ne peut guère compter FiG. 1-13. — Galvanomètre Thomson. FiG. 144 comme valeur stable avec les aiguilles horizontales que sur la constante de 40 à 50 au maximum. Instruments à cadre mobile. — Ces instruments ont été employés pour l'usage de la télégraphie sous-marine par Thomson sous le nom de .s/^j/^on recorder, ce dernier nom venant du système d'inscription des déviations. Ils ont été mis sous une forme pra- tique par Deprez 'et d'ÀRSONVAL. Dans ces instruments, le champ magnétique est dû à un aimant puissant. Le cadre est mobile dans ce champ. Le courant lui est amené par deux fils qui en même temps s'opposent par leur torsion à ce que le cadre se mette à 90° du champ dès qu'un courant le traverse. La sensibilité dépend donc de l'élasticité de torsion du fil et de l'intensité du champ magnétique. Mais on ne peut augmenter indéfininiment ainsi la sensibilité de ces instruments, car le cuivre dont on forme les bobines contient toujours du fer, et qu'il y a de ce fait, lorsque le champ devient assez puissant, une force qui tend à diriger le cadre et est proportionnelle au champ magné- tique. De plus, l'amortissement devient plus considérable. Nous verrons plus loin que, quand un circuit fermé se meut dans un champ magné- tique, il est parcouru par un courant induit, et ce courant produit de la chaleur dans le circuit. Il y a donc une partie de l'énergie employée à mouvoir le cadre qui se trouve transformée en chaleur. C'est tout à fait analogue à un frottement. Par conséquent, si le cadre est fermé sur une résistance extérieure assez faible, les courants induits prenant naissance seront assez intenses, et amortiront le mouvement. Il est bon alors, quand on a un circuit extérieur très résistant, de mettre une dérivation sur les bornes du galva- 284 ELECTRICITE. nomètre, c'est le shunt dont nous avons di'jà parlé. Avec un galvanomètre bien construit, un shunt très résistant qui diminue la sensibilité d'une manière négligeable, de 1/4 ou I/o par exemple, rend l'instrument d'un usage très commode; on peut même, avec un shunt relativement peu puis- sant, amener l'instrument à être apériodique, c'est-à- dire à levenir au zéro sans osciller. Mais il ne faut pas aller trop loin dans cette voie ; car alors on ralentit énormément l'oscillation. Ces instruments sont de deux sortes. Les uns ont un seul aimant et un cadre étroit (fig. 146). Les autres ont deux aimants et large cadre (flg. 147). Ces derniers ont une suspension plus longue et une sensibilité par conséquent plus grande. On ne peut, en général, employer ces galvanomètres comme instruments très dé- licats pour plusieurs raisons. D'abord on n'a aucun moyen de faire varier la sensibilité, comme on le fait pour le galvanomètre Thomson avec l'aimantcorrecteur. Ensuite, il est impossible de réaliser des cadres de très grande résistance. On ne peut guère aller au delà de 600 à 700 ohms. Mais, si l'on se contente d'une sensibilité de second ordre, ce sont des instruments de choix; car ils sont d'un usage extrêmement commode. La sensibilité dépend de la délicatesse de la sus- pension. On fait en général celle-ci au moyen de fils d'argent ou de platine de 0™™,1 de diamètre. On ne peut en employer de plus fins, qui casseraient. Dès qu'on augmente un peu le diamètre, la sensibilité dé- croît énormément, car elle est inversement propor- tionnelle à la quatrième puissance du diamètre. Il arrive fréquemment, quand on tend le fil de suspen- sion pour centrer le cadre, qu'on le casse. De plus, comme la torsion n'est jamais assez petite pour res- ter dans les limites des déformations élastiques pures, sans déformations permanentes, le retour au zéro ne se fait pas d'une manière parfaite. On pare à tous ces inconvénients, et de plus on augmente beaucoup la sensibilité de l'instrument, en em- ployant comme suspension une petite spirale en lame d'argent, la grande dimension de la lame étant verticale. Avec les cadres existant, de bonnes dimensions sont O™"»,! sur 0^^,3 pour les lamés, l'enroulement ayant environ 3 millimètres de dia- mètre. Le retour au zéro est parfait dans ces condi- tions, et on peut alors employer le système de lecture beaucoup plus délicat du micromètre et microscope qui a été indiqué par d'ARSONVAL et que nous avons indiqué ci-dessus. Fig. 146. — Galvanomètre de d'ARSONVAL. Fig. 147. — Galvanomètre de d'ARSONVAL. ÉLECTRICITÉ. 285 Nous venons de décrire les galvanomètres destinés à Galvanomètre balistique. — Tous les instruments que nous avons étudiés per- mettent de mesurer la quantité d'électricité mise en jeu dans les décharges instantanées. Celles-ci donnent en effet à l'aiguille une impulsion brusque; elles développent donc de la force vive pour l'aiguille instantanément, c'est-à-dire avant que le déplacement ait pu prendre une valeur sensible. Tout se passe donc comme si, après avoir reçu cette impulsion, l'équipage partait du zéro avec une certaine vitesse. On démontre, par un calcul qui ne saurait trouver place ici, que l'élongation maxima de l'équipage est pro- portionnelle à la quantité d'électricité qui a passé et qui a donné à l'équipage l'impul- sion initiale. On peut donc mesurer ainsi des quantités d'électricité, par exemple celles qui sont mises enjeu dans la décharge d'un condensateur. Pour que ces mesures soient bonnes, il faut que l'équipage ait une oscillation assez longue et qu'il ne soit pas trop amorti. Pour ce genre d'expériences, il faut proscrire complètement les shunts de galvanomètre. Nous verrons plus loin, en effet, qu'il y a certaines propriétés des circuits électriques qui dépendent de la courbe de variation du courant, et qui fausseraient les indications de ces appareils. C'est ce qu'on nomme les phénomènes de self-induction Instruments étalonnés. dt'celer des courants délicats. Mais il est un autre objet non moins important pour le physiologiste, c'est de savoir mesurer commodément les courants relativement puis- sants dont il a besoin pour produire en un point déterminé une énergie utile. On a fréquemment besoin actuellement de faire tourner un moteur électrique pour divers usages. Il faut employer pour cela des accumulateurs qui ont un débit maximum déter- miné. Si donc on veut une puissance déterminée, il faudra mettre en série un nombre d'accumulateurs tels que El représente la puissance utilisable; E est le voltage aux bornes des moteurs, et I le courant produit. II faut aussi savoir recharger les accumulateurs qui servent dans le laboratoire. Il faut donc savoir quel est le débit de la source qui les charge et q uel est leur voltage. Ampèremètres. — Les instruments qui mesurent l'intensité sont les ampèremètres. On les a gradués d'avance en ampères. Il n'y a plus ici de lecture au miroir, une simple aiguille se meut sur un cadran divisé. Les ampèremètres doivent être tels qu'ils ne modifient pas notablement le courant sur lequel on les place, et qui doit les traverser tout entiers, puisque c'est lui qu'ils doivent mesu- rer. Il faut donc que ces instruments soient peu résistants. On les fait fréquemment de quelques dixièmes d'ohms. Les ampèremètres peuvent être divisés en plu- sieurs classes : ils utilisent en effet divers phéno- mènes. Les uns sont des galvanomètres à aimants FiG. 148. mobiles, d'autres des galvanomètres à cadre mo- bile, d'autres ont comme équipage un morceau de fer doux, qui est aimanté par une bobine fixe et dévié par la même bobine. On emploie souvent aussi le déplacement dans un champ magnétique d'une lame de mercure parcourue par un courant, phénomène découvert par Lippmann. Enfin certains appareils industriels sont de véritables balances, où on compense par un poids l'effort exercé entre deux circuits parcourus par le même courant. Nous laisse- rons de côté les appareils du système Lippmann, peu utiles pour les physiologistes. Nous nous occuperons des autres types. Les appareils à fer doux mobile et circuit fixe sont très répandus comme instruments de tableaux de distribution. Ils sont en effet peu coûteux. Mais, s'ils ont l'avantage d'être utilisables avec les courants alternatifs, ils ont l'inconvénient, avec le courant continu, de ne pas renseigner sur sou sens. Ces instruments ont subi tout récemment un grand perfectionnement. La bobine elle-même porte un noyau de fer doux avec un prolonge- ment polaire qui agit sur une pièce voisine de même forme. La sensibilité est ainsi rendue très grande. On a pu aussi rendre ces instruments apériodiques, c'est-à-dire les construire de manière à éviter les oscillations trop prolongées autour de la position d'équilibre. 286 ELECTRICITE. FiG. 149. Enfin on emploie très fréquemment les instruments à cadre mobile, et ce sont les meilleurs pour les petites intensités et les courants continus. Ils sont aussi complète- ment à l'abri, à cause de la puis- sance considérable de leur champ magnétique, de toutes les perturba- tions du champ terrestre dues à la présence de fer doux ou de courants voisins. De bons milliampèremètres sont construits sur ces principes par divers constructeurs. Mais certains appareils permettent de mesurer tous les courants continus nécessaires dans un laboratoire, soit les milliampères nécessaires pour agir sur un tissu, soit les ampères nécessaires pour faire tourner une machine. On peut en effet faire varier la sensibilité des ampèremètres en les shuntant. On comprend alors que la division tout entière du cadran corresponde à une intensité d'autant plus grande que le shunt est mois résistant. On peut donc étalonner ce shunt de manière à ce que le cadran tout entier cor- responde à une intensité donnée d'avance. Chauvin et Arxoux cons- truisent des instruments qui, avec le faible shunt, donnent la division tout entière pour SO milliampères, et il n'y a pas de limite à l'intensité du courant qu'on peut mesurer avec un shunt assez puissant. En somme, il est commode pour un labora- toire d'avoir un de ces instruments avec les shunts doimant l'amplitude de la division totale : i" pour 0,05 ampère; 2° pour 0,3 ampère; 3° pour 1 ampère; 4» pour 10 ampères; 5° pour 20 ampères; 6° pour 100 ampères, dans le cas où on a à utiliser de véritables courants industriels. Les 4 premiers sont toujours utiles actuellement, les courants de 20 ampères étant fréquemment employés. Mais nous insistons sur ce point que ces derniers instruments ne sont pas bons dans le cas des courants interrompus de bobines d'induction. Il faut dans ce cas des appa- reils d'un type quelconque, mais sans shunt. Voltmètres. — Pour savoir l'étal des accumulateurs, comme pour savoir le voltage aux bornes d'une résistance utilisée, il faut avoir des instruments donnant par une lecture directe ce voltage, et cela sans le modifier d'une manière sensible. Pour qu'un de ces instru- ments, placé en dérivation aux bornes de la résis- tance utilisée, ne modifie pas sensiblement le cou- rant, il faut qu'il ait une très grande résistance. Dans ces conditions, d'après ce que nous avons dit A« à propos des galvanomètres, il sera sensible à une très petite intensité, ce qui est à rechercher. Tout instrument de résistance très grande par rapport à la résistance utilisée pourra donc être gradué en volts. Un instrument quelconque mesu- rera au fond toujours l'intensité qui le travei'se, ou la différence de potentiel aux bornes, puisque sa résistance est constante. La seule condition à réaliser est donc que, lorsqu'on place l'instrument en dérivation, il ne modifie pas sensiblement la différence de potentiel à mesurer, donc qu'il soit très résistant. Quand on électrise un tissu organique, il n'y a pas moyen d'employer le FiG. i:>o. ÉLECTRICITÉ. iJ87 Fm. 151. voltmètre pour savoir la dilTérence de potentiel aux bornes, car les résistances orga- niques sont beaucoup trop grandes et tous les voltmètres y font baisser le courant. Il faut employer donc ce cas des électromètres, ce qui est beaucoup plus compliqué. Heureusement que dans ce cas la force éiectromotrice de la pile à cir- cuit ouvert est suffisante à connaître; car, la résis- tance ijitérieure étant très faible par rapport à l'extérieure, la force électromotrice aux bornes est infiniment peu modifiée par le courant. Voltmètre de Cardew. — On a construit des voltmètres sur un autre principe celui de l'écliaufle- ment d'un fil fin. Cet écbauffement est porportionnel au carré de l'intensité. En mesurant la dilatation du fil d'une manière un peu délicate, on peut mesurer le courant qui passe. Ceci n'est possible qu'avec des fils fins, qui constituent alors ce voltmètre. Électro-dynamomètre. — Cet appareil nous amène à une classe d'instruments intéressante : ce sont ceux oi^i l'indication est indépendante du sens du courant. Ces appareils peuvent donc donner des indi- cations aussi bien dans le cas des courants alternatifs que dans celui du courant continu. C'est ce qui se passe pour l'électromètre de Thomson, employé par la niétbode idiostatique. C'est aussi ce qui se passe quand on emploie l'action des courants sur les courants sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Dans ces appareils, appelés électro-dynamomètres, le même courant traverse une bobine fixe et une bobine mobile. Il y a alors attraction proportionnelle au carré de l'intensité entre les deux bobines, "Wattmètres. — Si au lieu de faire parcourir les deux bobines par le même courant, on met une bobine peu résistante sur le courant, et une autre très résistante aux bornes de la résistance sur laquelle on veut opérer, on a un couple proportionnel kix i', i étant l'intensité du courant total, et i' celle du courant dérivé dans la bobine très résistante ; or celui-ci, puisque la bobine est très résistante et ne modifie pas le courant, est propor- tionnel au voltage aux bornes. On a donc avec ces appareils une indication proportion- nelle au produit ei, de l'intensité du courant qui parcourt la résistance utilisée par la force électromotrice nécessaire pour produire ce courant. L'instrument est donc un wattmètre. Il fonctionne aussi bien en courant alternatif qu'en courant continu. Électro-dynamomètre de Giltay. — Dans cet instrument, la bobine mobile est remplacée par un morceau de fer doux. Celui-ci est aimanté par le courant et propor- tionnellement à ce courant. La déviation est donc proportionnelle encore au carré de l'intensité. Électromètre Lipp.mann. — Nous avons étudié avec détail en électrostatique l'électro- mètre de Thomson. Il nous reste maintenant à indiquer ce qui est relatif à l'électromètre de LlPPMA.NN. Les phénomènes électrocapillaires nous ont montré qu'il suffisait d'avoir un tube capillaire conique pour obtenir un changement de niveau du ménisque dans ce cône quand [le ménisque est électrisé. En observant ce changement au moyen d'un micro- scope on peut avoir une très grande sensibilité. Les tubes employés sont d'une finesse extrême, assez pour que la colonne de mer- cure soutenue par le ménisque soit aux environs de 80 c. Un de ces tubes capillaires est plongé dans l'eau acidulée, et au fond du vase qui contient celle-ci se trouve du mer- cure. La manipulation de l'appareil est très simple en théorie. On vise avec le micro- scope le ménisque mercuriel, et en établissant la communication entre les pôles de la pile et le mercure A d'une part, le mercure B d'autre part, on lit la dénivellation avec le microscope qui est muni d'un micromètre oculaire. Si le tube est bien conique, la déni- vellation est proportionnelle à la différence de potentiel. Mais il est sage d'étalonner au préalable l'instrument, et il vaut mieux encore faire usage de cet instrument en ra- 288 ÉLECTRICITÉ. menant toujours le ménisque au même point par une variation de pression. De la sorte on a le moyen d'avoir une table s'appliquant à tous les instruments, à condition qu'on ait eu le soin d'amener toujours la pression initiale à la même valeur. Voici cette table pour la pression initiale de 73 c. F. K. M. ACCROISSEMENT K. E. M. ACCROISSEMENT en volts. de pression en volts. de pression en centimètres en centimètres de mercure. de mercure. 0,016 1,5 0,500 28,8 0,024 2,15 0,588 31,4 0,040 4,0 0,833 35,05 0,109 8,9 0,900 35,85 0,140 11,1 0,909 35,85 0,170 13,1 1,000 35,3 0,197 14,8 1,201 30,1 0,269 18,85 1,444 23,9 0,364 23,5 1,833 11,0 0,450 27,05 2,000 9,4 Pour faire varier comme on le veut la pression, le système à préconiser actuellement est celui de LiiiB. Il y a au tube A un ajutage latéral, et une petite pompe à mercure, reliée à A par un tube de caoutchouc, permet de faire monter ou descendre le niveau. La table qui précède montre qu'il ne faut pas dépasser 0%9, car au delà la courbe passe par un maximum. De plus, il ne faut jamais mettre A en communication avec le pôle positif d'une pile, car il y aurait transport d'oxygène sur le ménisque, et oxydation de celui-ci. Les communications doivent être établies comme sur la figure 1j2 : — en A, + enB. Il arrive parfois que le ménisque reste immobile malgré l'élec- trisation. Cela tient à ce que le verre a été sali par le contact pro- longé du mercure, ou qu'il y a une petite bulle de gaz. Dans ce cas, il faut faire couler un peu de mercure par le bas du tube, ce qu'on fait en augmentant la pression. Pour éviter aussi cette attaque du verre par le mercure pendant le repos, il faut toujours amener le réservoir c de la pompe à mercure en bas de sa course pendant ce temps. De la sorte, le mercure se trouve pendant le repos dans une partie relativement très large du tube, et l'appareil fonctionne toujours du premier coup. La capacité de cet appareil est très grande, il faut en tenir compte dans son usage. Sa sensibilité est beaucoup plus grande que celle de l'électromètre de Thomson, car un bon { instrument indique par une déviation notable — -— de volts et permet de discerner par '■ oUUU 1 un petit changement de forme du ménisque de volt. L'emploi de cet appareil pour les mesures diverses n'est pas toujours extrêmement commode. Mais c'est l'appareil de choix pour un certain nombre de méthodes de réduc- tion au zéro. FiG. 152. — Électro- mètre LiPPMANN. VIII. Méthodes de mesure. Nous allons indiquer maintenant les méthodes qu'il faut employer pour effectuer les mesures courantes de grandeurs électriques. On a à déterminer fréquemment des forces électromotrices, des résistances, des intensités, des capacités, et à vérifier un ampèremètre ou un voltmètre. Nous indiquerons aussi la solution d'une question qui intéresse au plus haut point les physiologistes, l'étalonnage électrique d'un calori- mètre. I. Mesure des forces électromotrices. — 11 faut pour cela avoir à sa aisposition ÉLECTRICITÉ. 289 un élément étalon. Poui" le degré de précision nécessaire en général aux physiologistes, it suffit d'employerTétalondu Post-office indiqué ci-dessus, dont Ja force électromotrice, de l^.OS, est à peu près indépendante de la température; on peut alors opérer par les pro- cédés suivants, qui tous permettent de ne pas faire débiter sensiblement l'étalon. 0. Méthode de l'électromètre. — On met les deux pôles de la pile étalon en commu- nication avec les deux paires de quadrants de l'électromètre à aiguille chargée, ou un pôle avec l'aiguille d'un électromètre symétrique, l'autre pôle étant à terre. On recom- mence avec la source dont on veut mesurer la force électromotrice, et on a celle-ci par le rapport des déviations. Cette méthode ne peut s'employer avec l'électromètre capil- laire, qui ne permet de mesurer que des forces électromolrices inférieures à 0'',9. 6. Condensateur et galvanomètre balistique. — On peut aussi, en prenant un conden- sateur de capacité assez grande, obtenir par sa décharge flans un galvanomètre sensible une élongation balistique mesu- rable. En faisant cette opération avec la pile étalon d'abord, puis avec la source à mesurer, on a le rapport des forces électromo- trices par le rapport des élonga- tions. Si on prend un microfarad par exemple, ce qui est déjà une très grande capacité, la pile, supposée à 1 volt, ne débite jamais que ce qui est nécessaire pour le charger, c'est-à-dire un microcoulomb. Ceci correspond au débit d'une piled"un volt pen- dant une seconde sur un mégohm. C'est absolument insignifiant pour la pile et donne des effets très notables au galvanomètre. Il faut avoir soin dans cette méthode d'opérer avec une clef de décharge permettant de charger et de décharger rapidement le condensateur, ce qui est indispensable à cause des pertes par défaut d'isolement du condensateur. La clef employée est celle de la fig. 1S3, où le ressort A est maintenu par la griffe B à la position de charge. En écartant B au moyen du bouton C, ce ressort vient buter sur la vis supérieure qui sert à la décharge. P est la pile, C est le condensateur, G le gal- vanomètre, D la clef de décharge. En abaissant la clef, on charge le condensateur, le galvano- mètre étant hors circuit. En laissant la clef rémonter dans la position de la figure, le con- tact est rétabli en E, la pile est hors circuit, et la décharge passe dans le galvanomètre. c. On peut aussi, quand on dispose d'un Fig. 15 3. — Clef de décharge. Fio. l.'vl. niégohm ou au moins d'une très grande résis- tance métallique, prendre la déviation donnée par la pile étalon et par la pile à mesurer fermées successivement sur la grande résis- tance et sur un galvanomètre sensible. d. Méthode de Poggendorff. — Enfin la meilleure méthode est celle de Poggendorfi''. La loi de Ohm nous apprend que le long d'un circuit la répartition des potentiels est linéaire. Si une pile Pest fermée sur un circuit de résistance vi -H Vi, le courant aura une inten- site I = . Si e est la différence de potentiel entre les points A et B, nous avons aussi I = ri + r. e ri E Si alors nous avons entre les points A et B une pile Pi, de force électromotrice précisément égale à c, et un galvanomètre ou un électromètre G, aucun ou - = r-i ri + r> DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 19 290 ELECTRICITE. r P^ FlG. 155. courant ne passera en APGB et l'appareil G restera au zéro. Si donc on trouve sur une boîte de résistance un point B tel que rien ne passe dans l'appareil G, on sait qu'à ce moment - = — - — . Si P est la pile étalon, on connaîtra donc la valeur de E par la coii- r-2 ri + n naissance de ri et de r>. Il est commode de former les résistances AB et BC par des boites de résistances égales, AB ayant toutes ses clefs enfoncées au début, et BC toutes ses clefs enlevées. En transportant alors successivement les clefs de la boîte AB à la boite BC, de manière à supprimer en BC la résistance qu'on met en AB, on a Vi + r2 constant ce qui facilite les calculs. L'instrument de choix à mettre en B est l'électromètre de Lippmann. De la sorte l'élé- ment Pi, qui est l'élément étalon, ne débile jamais aucun courant notable. Si l'on n'a pas d'électromètre de Lippmann, il faut employer un galvanomètre avec un condensateur et une- clef. Toutes les fois qu'on change les résis- tances j'j ou r-2, on donne un coup de clef pour voir balistiquement s'il y a une différence de potentiel notable aux bornes de l'instrument. Quand on arrive à une différence non mesurable, on peut alors supprimer le condensateur et achever directement; la pile Pi ne débitera jamais de courant notableet nuisible. II. Mesures de résistances. — On a à mesurer en physiologie des résistances de deux espèces différentes, des résistances métalliques quand on veut connaître à ce point de vue les bobines d'induction, les moteurs, les circuits dont on a à se servir, et aussi parfois, mais bien plus rarement des résistances organiques. Ces dernières sont électro- lytiques, mais avec cette complication que la non homogénéité existe sur toute la longueur des tissus et non pas seulement aux électrodes. De plus, cette re'sistance varie quand le courant y passe, elle n'est donc pas définie, et il serait ridicule de chercher à con- naître la valeur exacte de celte constante physique pour de pareils conducteurs; on n'a jamais besoin que de savoir à peu près combien de volts il faut pour y faire passer une intensité connue. On n'a donc besoin que de connaître cette donnée par une méthode des plus simples, car aucune précision ne peut se rechercher pour une mesure aussi mal définie. L'application qu'on a quelquefois essayée de méthodes précises de détermina- tion des résistances dans ce cas-là est donc tout à fait illusoire. Dans ce dernier cas, la seule méthode raisonnable est celle qui est indiquée ci-dessous comme la deuxième disposition de la méthode c. Nous indiquerons en outre un certain nombre de méthodes qui ne devront servir, sauf la méthode c, qu'à la détermination de résistances métalliques. La méthode c d'ailleurs est souvent très suffisante pour ce dernier cas. Nous passerons sous silence de parti pris toutes les méthodes pour la mesure des résistances électrolytiques nettement définies, car cela ne peut être d'aucun intérêt pour les physiologistes. a. Méthode de substitution. — Quand la résistance à mesurer est assez grande, et qu'on peut en trouver avec précision une égale sur la boîte de résistance, on peut opérer par la méthode de substitution, comme sur la figure. Soit x la résistance inconnue; AB est une boîte de résistance qu'on ajuste jusqu'à ce que par le jeu de la clef E on ait la même déviation du galvanomètre G, dans les deux positions. Si en retirant une clef en AB, on a une déviation plus petite qu'avec Xi de p divisions, et en la remettant, une déviation plus grande de q divisions, en appelant ri la résistance à ce moment, et r-i la résistance ~\ de la bobine additionnelle, on aura a; = ri 4- P + Q r-i. Fie. r.o. Mais cette méthode n'est pas toujours applicable, il faut alors en employer d'autres. ELECTRICITE. 291 b. Méthode de comparaison. — Dans cette méthode, si l'on a une déviation Oi avec une résistance connue ri et Oo avec x, la pile étant la même dans les deux cas et supposée constante, on a déduit .r =ri ^. C'est la simple application des lois de proportionnalité 'h des déviations aux intensités. €. Méthode de l'ampèremètre et du voltmètre. — On connaît la résistance R en ohms : si on sait quelle est la force éleclromotrice E qui y entretient une intensité I, par la for- mule R =^ j . Si donc on a un ampèremètre Convenable et un voltmètre convenable. /• R N K ^-0-^ y A j p V 1 J FlG. 15^ on peut opérer ainsi : on dispose les appareils comme sur la figure de gauche, A étant l'am- pèremètre et V le voltmètre, si la résistance R est faible, car alors le voltmètre fonc- ionnera bien. Si au^^contraire, elle est forte, le voltmètre prendrait une fraction notable du courant. On peut alors placer cet instrument comme sur la figure de droite, ce qui revient à négliger la résistance de l'ampèremètre vis-à-vis de celle qu'on mesure, ce qui est évidemment permis, puisque la première méthode n'est pas appUcable. A. Méthode du pont de Wheatstone, — Cette jnéthode, susceptible d'uiie haute pré- cision, nous parait peu utile en général pour l'usage des laboratoires de physiologie. Ce- pendant nous l'indiquerons en quelques mots, car elle est d'une application assez simple, et qu'elle est comme nous le verrons plus loin, de la plus haute utilité pour les mesures délicates de température. Soit une pile P et, entre A et B, deux branches en dérivation. Si nous plaidons un galvanomètre entre C et D, le courant qui le parcourra dépendra des résistances x /i Vi ra. Supposons qu'il ne passe rien en G. I.e potentiel en C est le même qu'en D, et le long des deux branches ACB et ADB, la répartition des potentiels sera la même que si CD n'existait pas. Appelons c la différence de potentiel entre A et C ou A et D et e\ celle entre C et B ou D et B, nous avons, ù étant l'intensité dans ACB, h dans ADB, Fio. 158. X r, ' 3 ^-3 nous avons alors immédiatement par (t) et (2) e X d'où X : '3 on forme donc un circuit conforme à la figure en mettant sur une branche la résistance à mesurer a; et une résistance /'i. On peut former,la branche ADB soit avec des résistances fixes, et on aura l'équilibre en ajustant »'i, soit avec un fil le long duquel on déplace un y-i curseur D, on a alors le rapport ^ par le rapport des distances AD et DB. III. Mesure des intensités. — La méthode la plus simple est celle de rampèromètre, mais on peut avoir besoin d'un peu plus de précision. Dans ce cas, il faut avoir recours 29^2 ELECTRICITE. à un dixième d'ohm étalonné ou à 1 ohm étalonné, suivant les cas. En déterminant la différence de potentiel aux bornes de ces résistances connues quand le courant passe, on a l'intensité par la formule i= -. Parfois, les voltmètres étalonnés ne suffisent pas pour cela. Il faut alors prendre un galvanomètre sensible G. un d'ARsoNVAL par exemple, à suspension en spirale, et en faire un voltmètre. Pour cela, il faut lui adjoindre en série, si cela est nécessaire, une résistance Ri telle que le circuit RiG ne modifie pas sensiblement le régime du con- ducteur R, sur lequel on le placera en dérivation; on l'étalonnera ensuite au moyen d'un accumulateur P, de force électromotrice E, qu'on aura comparé à la pile étalon par une des méthodes indiquées, fermé sur la résistance Ri + R2. La force électromotrice e aux bornes du voltmètre qui est composé de la résistance R, plus le galvanomètre G e Ri sera alors donnée par — = t^ r— ; on pourra donc étalonner l'instrument. Supposons E hi + n2 maintenant que nous sachions par la mesure précédente que 10 centimètres d'élon- galion correspondent à 1 volt, ce qui se fait en prenant une résistance Ri considérable. Plaçons le voltmètre ainsi étalonné sur un dixième d'ohm étalonné lui-même. Dans ces conditions, on aura 10 centimètres d'élongallon pour 10 ampères passant dans le circuit. IV. Mesure des capacités. — Nous n'indiquerons qu'une seule méthode. Elle consiste à décharger la capacité, chargée à un potentiel connu, dans un galvanomètre balistique, et à recommencer la même opération avec une capacité connue, microfarad ou fraction de microfarad. Si les capacités sont très différentes, on peut prendre pour les charger des forces électromotrices très différenles, mais connues. Ouïes aura préalablement mesurées par une des méthodes indiquées. V. Vérification des voltmètres et ampèremètres. — f/. Voltmètres. — Il .'•uffit de mesurer, en fonction de l'étalon connu, la force éleclromotrice d'un nombre convenable d'accumulateurs, et de les fermer directement sur l'instrument. S'il s'agit d'appareils délicats pour les très faibles voltages, on emploie la méthode que nous avons indiquée ci-dessus à propos de la mesure des intensités avec le dixième d'ohm étalonné. h. Ampèremètre. — Deux cas sont à distinguer. S'il s'agit d'un miliampèremètre, on prend un accumulateur préalablement comparé à la pile-étalon, et on le ferme sur Y, une résistance connue. On connaît l'intensité par la formule 1= - , eton peut alors étalonner l'instrument. S'il s'agit d'intensités plus grandes, il faut alors mesurer l'intensité avec le dixième d'ohm étalonné ou l'ohm étalonné, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, en mettant l'ampèremètre à étalonner en série avec l'appareil gradué. VI. Étalonnage d'un calorimètre. — Il est établi depuis longtemps que pour étalonner un calorimètre à rayonnement, le seul procédé admissible est celui qui emploie la loi de Joule. On emploie d'ailleurs le même procédé toutes les fois qu'on a besoin de dégager en un point donné une quantité connue de chaleur ou qu'on a à chauffer doucement et régulièrement une enceinte, ce qui est souvent indispensable aux physio- logistes. Pour cela, on place au point à chauffer soit des lampes à incandescence, soit une spirale en fil résistant, de maillechort ou de manganine par exemple, ou de platine iridié quand il faut un métal inattaquable, et l'on y fait passer un courant convenable au moyen d'accumulateurs bien chargés. Il est bon qu'ils aient été chargés jusqu'à bouillonnement et qu'ils aient ensuite débité un cinquième environ de leur charge. Dans ces conditions, ils sont presque exactement à 2 volts, et y resteront longtemps; on peut alors compter sur un débit constant. Quand le débit à obtenir est trop fort pour les accumulateurs, on peut opérer en mettant en mouvement la machine qui sert à les charger. Dans ces conditions les accumulateurs servent de régulateur de potentiel. On peut opérer ainsi tant que les accumulateurs ne prennent pas le survollage de fin de charge. On place quelque part sur le circuit un dixième d'ohm étalonné avec son galvanomètre gradué, ou bien un ampèremètre, si on veut s'en contenter, et on a ainsi l'intensité I. On mesure ensuite au voltmètre la différence de potentiel E aux bornes de ÉLECTRICITÉ. ^293 la résistance qui chauffe. Ou a alors, pour la puissance qui y est dépensée, le nombre FT El watts, soit —-— kilogrammètres par seconde. Pour avoir la quantité de chaleur y, 01 dégagée, il faut diviser ce nombre par l'équivalent mécanique de la calorie. Nous avons El El donc en grandes calories par seconde le nombre t-t-, rtr^r = t-—- ; on peut opérer ® ^ 9,81 X 42o 41/0 '^ plus simplement si l'on possède un wattmètre. Dans ce cas, on met le circuit peu résis- tant à la place de l'ampèremètre et le circuit résistant en dérivation sur la résistance qui chauffe. On a ainsi le produit El par une simple lecture. Voyons à peu près ce qu'il faut pour étalonner un calorimètre destiné à mesurer la chaleur produite par un homme. Il faut que la chaleur d'étalonnage soit du même ordre de grandeur que la chaleur dégagée par l'homme. En admettant pour celui-ci le chifîre 2000 raisonnable de 2000 grandes calories par jour, on trouve par seconde „ - . ,, = 0,024 et si nous voulons avoir la même production de chaleur par le courant d'étalonnage, il vient El = 0,024 x 4170, soit tOO watts à peu près. 11 faut donc employer à peu près la même énergie que pour deux lampes à incandescence de 16 bougies. Si l'on emploie le courant de secteurs ordinaires qui est à 110 volts, on voit qu'il faudra débiter 0,91 ampère ce qui exigera une résistance de 121 ohms. Le plus simple, quand le calorimètre a des indications indépendantes de la forme de la source, est d'employer des lampes à incandescence, mais il faut prendre du fil et l'enrouler sur un mannequin ayant à peu près la forme de l'animal en expérience dans la plupart des cas. Voyons comment ces données se modifient quand on n'a pas le courant à 110 volts du secteur. Supposons qu'on ait au laboratoire des accumulateurs pouvant débiter 5 ampères en régime bien permanent et très durable. C'est ce qu'il faut demander pour le cas qui nous occupe à des accumulateurs de 100 ampère-heures. Il faudra 10 accu- mulateurs à 2 volts pour donner 20 volts, et 100 watts par conséquent. La résistance du ni à échauffer sera alors de 4 ohms. Nous avons donné ces deux exemples pour montrer combien varient les conditions à réaliser suivant la source dont on dispose. CHAPITRE II APPLICATIONS Nous venons d'établir de la façon la plus brève les propriétés essentielles du courant électrique, de manière à faire comprendre la définition des unités et l'emploi des appa- reils. Nous avons étudié ceux-ci assez en détail pour que le physiologiste sache comment les utiliser au moment opportun. Nous allons maintenant étudier les phénomènes plus complexes pour l'application des(juels on a besoin le plus souvent des éléments exposés ci-dessus. Nous étudierons successivement les phénomènes thermo-électriques et les phé- nomènes d'induction. Ceux-ci sont en effet précieux à deux points de vue. C'est grâce à eux qu'on fait marcher des dynamos qui produisent pratiquement du courant, ou qui produisent de l'énergie mécanique quand on leur envoie du courant. Ces deux sortes de phénomènes sont également utiles à connaître dans tous les laboratoires. Les phénomènes d'induction sont encore appliqués dans les bobines d'induction, et il n'est pas besoin de rappeler combien ces instruments sont utiles. Avec les petits modèles, on dispose d'un excitant admirable de toutes les activités organiques; avec les grosses bobines on produit ces ondulations de haute fréquence ou ces rayons X, qui n'ont fait que commencer à entrer dans la pratique et ont déjà donné tant de résultats. I. — Thermo-électricité. Nous avons étudié jusqu'ici les phénomènes électriques en eux-mêmes. Mais ces phé- nomènes, que nous avons considérés comme invariables, dépendent essentiellement de 294 ELECTRICITE. la température. Comme les iiistriiraents de mesure électrique sont d'une excessive déli- catesse et d'un emploi très commode, on comprend qu'ils puissent être utilisés pour étu- dier les variations de température, par les variations des propriétés électriques des corps. Nous allons voir qu'à côté de la sensibilité extrême ces méthodes ont encore un autre avantage, c'est de réaliser le thermomètre sans masse appréciable, c'est-à-dire à échauf- fement instantané. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans des détails théoriques au sujet des phénomènes thermo-électriques. Nous allons seulement exposer les faits dans leur simplicité. Effet Peltier et effet Thomsox. — Quand une iutensité de courant I doit surmonter une force électroniotrice ou une diftérence de potentiel E, elle dépense un travail de El v/atts. Cette énergie, dans le cas de l'électrolyse, se retrouve en énergie chimique. Mais, dans.le cas de conducteurs métalliques hétérogènes, nous avons vu qu'il existait une diffé- rence de potentiel au contact de deux métaux. Il y aura donc au contact, quand passera un courant, une dépense d'énergie. Celle-ci se retrouve sous forme de chaleur, c'est Veffet Peltier. Si donc nous avons un fil métallique soudé à ses deux extrémités à des fils d'un même métal, il y aura réchauffement d'une soudure, refroidissement de l'autre; car il y a, par la loi de Volta, à ces deux soudures, des différences de potentiel égales et de signes contraires. Supposons maintenant que nous chauffions une seule des deux soudures. La force électromotrice de contact variera, il y aura donc un courant électrique qui prendra nais- sance. 11 sera d'ailleurs entretenu constamment, malgré les dépenses d'énergie qui lui sont liées indissolublement, par la source de chaleur employée. Mais à ce phénomène vient s'en joindre un autre. Quand on échauffe un point d'un conducteur, il y a conduction thermique, et, les divers points n'étant pas à la même tem- pérature, il y aura des forces électromotrices de contact dues à cette différence de tem- pérature entre deux tranches .voisines. C'est cet effet qui a été mis en évidence par Thom- son, sous la forme suivante. Quand un courant électrique parcourt un conducteur par- couru lui-même par un courant thermique, il s'ajoute à l'elTet Joule un réchauffement ou un refroidissement suivant le sens relatif des deux flux. Cela dépend de la nature du métal. Ces deux effets, Peltier et Thomson, qui sont réversibles, permettent de faire la théo- rie complète des phénomènes thermo-électriques. Nous en indiquerons seulement les résultats. 1° Lois des températures successives. — Pour un couple donné, la force électromo- trice obtenue en portant les soudures aux températures ti et t-2, est la somme des forces électromotrices qu'on obtient en portant les soudures aux températures ^i, et 6, et ensuite aux températures G et ti, 0 étant une température intermédiaire entre t\, et h. 2" Loi des métaux intermédiaires. — Si deux métaux A et B sont séparés par plusieurs métaux, et si toute la chaîne est maintenue à température constante t, la force électro- motrice sera la même que si les métaux A et B étaient en contact direct, et leur soudure à la même température t. On déduit de là immédiatement que si on a mesuré la force électromotrice, pour les température ti et ^2, des soudures entre deux métaux A et B, ce que nous représentons par El (AB), et les forces électromotrices Ej (AX) et Ej (XB) X étant un autre métal, on a Eî (AB) = E\ (AX) 4- E? (XB). Si donc on a une table donnant les forces électromotrices par rapport à un même métal, on aura les forces électromotrices pour deux métaux déterminés en faisant la diflé- rence des forces électromotrices indiquées. Bien entendu, il faut tenir compte du signe, de sorte que la différence entre la force électromotrice d, et la force électromotrice — e-i est Gi. + Ci; car retrancher — e-i revient à ajouter -i- 62. Mais ce qui est intéressant pour les applications usuelles, ce n'est pas de savoir la force électromotrice entre deux températures éloignées, mais de savoir quelle est laforce électromotrice à une température pour un degré de différence de température. C'est ce qu'on appelle le'pouvoir thermo-électrique des couples. C'est là ce qui est intéressant; car ces couples servant à mesurer de très petites différences de température, on saura cette petite différence par une simple proportion, c'est-à-dire que, si P est le pouvoir thermo- électrique à cette température, on aura, autour de ce point, pour force électromotrice ELECTRICITE. 295 l: h ) . 1 ! 1 2 au ioo _^.\Si,' ' ■i JL> 0 il' ifeo 6OO1 il;. ,X^ --^ "^ ♦ JS ♦10 ■^ -"" 1 '"^^ ^ pL wrrNe^ ■ — 1 ' f'r/^/A/ ♦ s i " -'' ALUmr. ^ ^ ^ .^ i ..^-^ 1 PLOMB ^ k ' f 0 -i :::::; • T -10 ^^ "^ ■-^^^ """■^--442^^ -li a l 0 K 0 1 i 150 290 _: in 2(>o 3 .0** 1 .0 sll)^~SfO_ 600 FiG. 159. due à une vaiiatiou A^ de température, P A^ La figure 157 donne les courbes de P en fonction de t par rapport au plomb pour les divers métaux. P est porté en ordonnées, t en abscisses. Le P' re- latif à deux métaux s'obtient en prenant la ditférence de leurs P par rapport au plomb. Si donc on construit la courbe qui donne P en fonction de la tempéra- ture, on aura la force électromotrice entre deux températures en prenant l'aire déter- minée par la courbe et l'axe des abscisses. Si maintenant on cons- truit la courbe relative à deux métaux diffé- rents, comparés à un même métal, on aura la force électromotrice relative à ces deux métaux par l'aire comprise entre les deux courbes. On voit immédiatement que ces courbes sont des droites qui se coupent. Aux points d'intersection, le pouvoir thermo- électrique est nul, c'est-à-dire que la force électromotrice pour des températures situées toutes deux au delà de celle-là est de sens inverse à ce qu'elle serait pour deux tempé- ratures situées en deçà. Ce point, à cause de cela, se nomme le point d'inversion des couples considérés. Si donc la température de la soudure froide est andessous de la tempé- érature d'inversion, la force électromotrice croît quand la température de la soudure chaude croît, jusqu'au moment oîi elle atteint la température d'inversion, auquel cas, la température de la soudure chaude continuant à monter, la force électromotrice décroit. Les forces électromotrices thermo-électriques se comptent en micro-volts par degré centigrade. Pour les mettre en évidence, il faut donc des galvanomètres extrêmement délicats. Mello.m a construit pour l'étude des radiations des piles de bismuth et d'anti- moine qui ont des forces électromotrices relativement considérables; on peut disposer un grand nombre de ces éléments en série. On a ainsi des appareils relativement puis- sants, qu'on peut employer avec des galvanomètres ordinaires, mais ces appareils ont une grande masse à échauffer. Helmholtz a employé des piles analogues pour l'étude ther- mique du muscle. Aujourd'hui, avec les galvanomètres délicats à aiguilles verticales qui ont été décrits, on peut se contenter, pour tous les usages de la physiologie, d'une seule soudure nickel-laiton, faite entre deux fils fins qui s'échauffent en une fraction de seconde. La soudure nickel laiton est à préconiser à cause de son inattaquabilité par les liquides organiques. Avec le Thomson du modèle courant de Carpe.ntier, de 8 ohms de résistance muni d'un équipage à aiguilles verticales, convenablement construit, amené à 12" d'oscillation simple, on a ainsi 1 millimètre de déviation pour un millième de degré'. La difficulté dans ces conditions est d'éliminer les causes d'erreurs. 11 faut remplir de coton toute la cage du galvanomètre pour ('viter les échauffemenls irréguliers des contacts par les causes extérieures; et il faut envelopper de coton tous les contacts de deux fils, même de même métal. De plus, comme nous le verrons tout à l'heure, la conductibilité des métaux change avec la température. Il faut donc employer un métal à faible variation thermique. C'est le cas des alliages; c'est pour cela que le laiton est bon. 1. Avec le simple galvanomètre DESPREZ-d'AnsoNVAL à double aimant et cadre de 43 ohms, muni de la suspension en spirales et en lisant les déviations au moyen du micromètre et micro- scope de d'Arsonval, on a déjà dans ces conditions une précision qui dépasse 1/200 de degré. On a l'inconvénient d'être obligé d'avoir l'œil à l'oculaire, mais cela est peut-être compensé par la très grande simplicité de l'instrument. Il faut toujours, dans les études thermo-électriques, employer des galvanomètres très peu résisr tants. En effet, la résistance du circuit est toujours très faible. On peut dire que les galvanomètres les moins résistants sont les meilleurs. 296 ELECTRICITE. Les aiguilles thermo-électriques toutes faites ne sont pas bonnes; car il y a toujours de nombreux contacts qui sont tous des causes d'erreurs. Il faut faire soi-même ses sou- dures et ne jamais employer qu'un circuit composé de deux fils de laiton venant directe- ment du galvanomètre aux deux extrémités desquels on soude les deux bouts d'un fil de nickel d'un seul morceau, assez long pour aller de la source froide à la source chaude; on peut employer des fils de ()™",1 qui n'ont pas de retard d'échauffement sensible, au moins pour les usages physiologiques. II existe d'autres soudures pour lesquelles la force électromotrice est plus grande, mais elles contiennent toutes des métaux très attaquables qui ne conviennent pas pour des soudures destinées à être placées dans des tissus organisés. Ces soudures conviennent parfaitement pour l'étude thermique du muscle. Pour la soudure froide, qui doit être à température constante, à 0'',001 près, deux procédés sont possibles. Ou bien placer cette soudure dans le muscle symétrique de celui qu'on excite, et qui restera au repos. Ou bien placer la soudure dans la glace fondante. Dans ce cas un aimant placé sous la main de l'opérateur et normal aux bobines du galvanomètre, pourra être approché et éloigné convenablement pour ramener au zéro la tache lumi- neuse sans changer la sensibilité de l'instrument. On peut en effet, avec uti aimant nor- mal aux bobines, détruire l'effet du courant qui les parcourt. Thermomètres à résistances métalliques. — On peut aussi employer d'autres appareils électriques pour mesurer des températures. Nous avons vu, en effet, qu'on mesure des résistances avec une grande précision par la méthode du pont de Wheats- TONR. Les métaux, surtout le fer, le nickel et le platine ont une très notable variation de résistance avec la température. Si donc on a un pont de Wheatstone dont trois branches soient bien soustraites aux variations de température, on mesure facilement les varia- tions de température de la quatrième. En générai, on fait les branches ADB (fig. 156) en manganine dont la résistance ne varie pas avec la température et les autres résistances se font en fer, en nickel ou en platine. On peut arriver à les faire en lames de 1 micron d'épaisseur, et à mesurer ainsi un millionième de degré. Cet instrument, sous le nom de bolomètre, a servi à LANGLEYpour l'étude de la chaleur dans le spectre. Mais ces précisions extrêmes sont inutiles en physiologie. Un fil de 0,™™02 sera toujours assez délicat et ces fils se trouvent dans le commerce. On pourrait avoir ainsi avec une précision absolue par exemple la température de l'air expiré, ou la valeur du rayonnement calorifique d'un animal placé même à distance relativement grande de l'appareil. Les galvanomètres à employer sont les mêmes que pour la thermo-électricité, la sen- sibilité de la méthode est infiniment plus grande, mais les précautions à prendre sont minutieuses, et les appareils d'une extrême délicatesse à monter. Je crois cependant que l'introduction dans la physiologie de celte méthode relativement nouvelle est destinée à rendre des services sérieux. Arc électrique. — Nous allons voir maintenant une autre application de la chaleur dégagée dans certaines conditions par l'énergie électrique, c'est l'arc électrique. Si nous le plaçons ici, c'est que la connaissance de l'eifet Peltier est nécessaire pour le comprendre. Quand on amène au contact deux charbons en communication avec les pôles d'une pile suffisante, et qu'on l'écarté ensuite, on voit jaillir entre eux l'arc électrique. 11 se forme au charbon positif un cratère, alors que le charbon négatif se taille en pointe. Les deux charbons prennent un éclat lumineux considérable, mais principalement le cratère posi- tif. Les deux charbons s'usent en formant de l'acide carbonique, le positif deux fois plus vite que le négatif. Ce phénomène n'est accompagné d'aucune force électromotrice ana- logue à celle des électrolytes, car aucune méthode n'a pu la déceler. 11 y a au contraire entre le charbon et les gaz chauds quelque chose d'analogue à l'effet Peltier : la diffé- rence de potentiel, qui n'est pas d'origine chimique, absorbe cependant une grande quantité d'énergie. Il faut une force électromotrice de 45 volts au minimum entre les charbons pour entretenir un arc électrique. Un arc ne peut d'ailleurs fonctionner que s'il y a sur le circuit une résistance métal- lique convenable, et cela pour deux raisons. La première est que, au moment du con- tact des charbons, quand l'arc n'est pas encore établi, il y aurait production d'un courant d'une intensité énorme, qui pourrait nuire aux accumulateurs ou à la machine qui le fournit. La seconde est que, même l'arc une fois établi, il n'est pas stable quand il n'y a ELECTRICITE. ^2l»7 pas une résistance sur le circuit. Les bonnes conditions sont les suivantes : il faut employer 60 volts et en consommer un quart au moyen d'une résistance métallique. Une force éiectromotrice supérieure est utilisable avec une résistance convenable. Pour produire l'arc commodémenl, il faut avoir un appareil permettant de rappro- cher les charbons quand ils s'usent. D'ailleurs, en jiçénéral, il est utile d'avoir un point lumineux aussi fixe que possible; il est donc bon que les charbons aient un mouvement tel que le positif s'avance deux fois plus vite que le négatif. Ces appareils se nomment des régulateurs. Ils sont de beaucoup de modèles différents. Les uns réalisent le mouve- ment automatiquement, l'écartement des charbons étant maintenu fixe par un procédé électrique, basé sur les variations d'intensité qui accompagnent l'allongement ou le l'ac- courcissement de l'arc. Le type de ceux-ci est le régulateur de Foucault. Dans d'autres appareils, le mouvement se fait en tournant, au moment du besoin, un bouton réuni aux deux charbons par des engrenages convenables. Ce sont les régulateurs à main. Il faut avoir soin de régler la grosseur des charbons d'après le débit qu'on peut demander à la source employée. Avec des charbons trop gros, l'éclat du cratère est insuf- fisant et le rendement lumineux moins bon, quand on lègle l'ampérage au moyen du rhéostat. L'arc électrique peut se produire avec des courants alternatifs. Dans ce cas les deux charbons sont identiques, ils s'usent de la même manière, il faut employer des régula- teurs soit automatiques, soit à main, mais tels que le déplacement des deux charbons soit le même. On ne peut donc employer les mêmes régulateurs pour les deux espèces de courant, quand on veut un point lumineux fixe. II. — Électro-magnétisme et Électro-dynamique. Nous allons reprendre un peu plus en détail maintenant l'étude de l'électro-magnétisme et de l'électro-dynamique. Nous nous sommes bornés à en indiquer au début ce qui était indispensable pour apprendre à mesurer un courant. Il nous faut maintenant entrer dans l'électricité vraiment pratique, dans les dymanos et bobines, et pour cela jil nous faut étudier la production pratique des champs magnétiques, ainsi que les actions des courants sur les courants. Aimantation par le courant. Signal Deprez. — Rappelons qu'OEasTED a montré la déviation de l'aiguille aimantée par un courant. On a vu depuis que le courant créait un véritable champ magnétique, car il agit non seulement sur l'aimant lui-même, mais sur le fer doux. Quand un courant agit sur un morceau de fer doux, il en fait un électro-aimant, le champ magnétique autour du courant a puissamment augmenté par la présence du fer doux. C'est par ce procédé qu'on arrive à réaliser les champs magné- tiques intenses dont on se sert fréquemment aujourd'hui. On a, en effet, par le courant électrique, un moyen d'augmenter le champ de force au delà de toute limite, en aug- mentant l'intensité du courant. L'expérience prouve que, sous l'action d'un champ magnétique même faible, le fer doux prend une aimantation relativement puissante se manifestant par une grande augmentation de la force près des extrémités. Mais celte aimantation ne croît pas proportionnellement à la force magnétique agissante ; quand celle-ci devient très grande, tout se passe avec le fer doux comme avec l'air ou le vide. On dit alors que le fer doux est saturé. L'aimantation du fer doux disparaît presque complètement et presque immédiatement quand le courant qui la produit disparait lui-même. Aussi peut-on, en plaçant un contact de fer doux fixe sur une pièce mobile au voisinage d'un électro-aimant, l'attirer dès que le courant est fermé. On dispose ainsi la sonnerie électrique, où, quand le fer doux est attiré, une pièce mobile se déplace, rompt le circuit, par l'intermédiaire d'un ressort et vient frapper sur le timbre. Ce sont des appareils analogues qui servent en télégraphie. Si la rupture du contact magnétique au moment où le courant cesse n'est pas toujours immédiate, c'est que le fer jouit toujours plus ou moins des propriétés de l'acier, de conserver un magnétisme permanent. Celui-ci est d'autant moindre que le fer est plus 298 ÉLECTRICITÉ. pur, et que l'intensité du champ magnétique du courant sera moindre. En outre, il y a un retard normal à l'aimantation et à la désaimantation qui se produit même dans le fer le plus doux. C'est ce qu'on nomme les phénomènes d'hystérésis. Nous ne pouvons entrer dans leur détail, un peu délicat à exposer, et étudié surtout au point de vue industriel; mais, quand on se sert de l'électro-aimant pour indiquer le commencement et la fin d'un courant électrique, il faut tenir compte de tous ces phénomènes. C'est ce qui a été fait dans le signal Deprez. Dans cet appareil, un tout petit électro-aimant attire un tout petit contact en fer doux mobile autour d'un axe, et portant un petit style très léger. Un ressort maintient le fer doux avec une force convenable, tandis que sa distance à l'armature est réglable au moyen d'un cône mû par une vis, et sur lequel appuie une tige solidaire de l'armature de fer doux. Quand la vis fait avancer ou reculer le cône, elle approche ou éloigne l'armature de l'électro-aimant; on peut donc régler ainsi la course du contact d'une part et la force antagoniste de l'autre. Grâce à la légèreté extrême de ces appareils, et à la force relativement grande du ressort antagoniste, le retour an zéro quand le courant a cessé d'agir se fait excessivement vite, d'autant plus vite que le ressort est plus tendu. On peut ainsi avoir des appareils qui reviennent au zéro en un millième de seconde environ. On peut les employer pour enregistrer les vibrations d'un diapason donnant jusqu'à 600 vibrations par seconde. Pour pouvoir y arriver, il faut que l'appareil ait un retour au zéro très rapide. On arrive donc à ce résultat, paradoxal au premier abord, que, pour enregistrer des signaux extrê- mement rapides, il faut tendre le ressort antagoniste, bien entendu en augmentant la force électromotrice utilisée. Pour que le fonctionnement soit très bon, il faut aussi que le fer doux soit muni d'une mince lame de caoutchouc qui empêche le contact direct des deux fers, et qui contribue à renvoyer l'équipage mobile quand il arrive avec vitesse sur l'électro-aimant. Action des courants sur les courants. — Un courant produisant autour de lui un champ magnétique attire ou repousse un autre courant placé dans son voisinage, et l'action est proportionnelle à la fois à l'intensité des deux courants. Si donc on déplace ces courants l'un par rapport à l'autre dans un sens convenable, il faudra dépenser du travail; si au contraire le mouvement se fait en sens contraire, il y aura du travail produit. Nous pouvons donc dire que pour amener ces deux circuits en présence dans une certaine position, il faut avoir mis en jeu une certaine énergie, qui sera de la forme Wi', M étant un coefficient qui dépend de la forme des circuits. On l'ap- pelle le coefficient d'induction mutuelle des deux circuits. Si d'ailleurs les circuits ne sont pas séparés, mais si nous considérons un circuit formé d'un certain nombre de spires, nous verrons de même, que pour amener ces spii'es en présence, il a fallu dépen- ser un certain travail de la forme - Li^, puisque l'action sera proportionnelle ici au carré de l'intensité. L est ce qu'on appelle le coefficient de self induction du circuit, les travaux 1 Mit' ou - Lt^ devront être dépensés aussi bien pour établir le courant dans les circuits fixes que pour les amener en présence, parcourus par les courants, puisque le résultat final est le même. Induction. — Dynamos et Bobines. — Nous savons que quand un aimant est placé auprès d'un courant, il est mû par une force, et qu'inversement, si le courant est mobile et l'aimant fixe, le courant sera mû par une force. Soit donc un circuit soli- daire d'un axe qui en tournant soulève un poids, et soit un champ magnétique suffisam- ment puissant, agissant sur ce circuit quand il sera parcouru par un courant. Lorsque celui-ci passera, il y aura attraction du courant dans un certain sens, et il y a un sens du courant pour lequel le poids sera soulevé. Il y aura donc de l'énergie électrique employée à soulever le poids, outre celle qui est employée à échauffer le conducteur. Cette énergie sera proportionnelle à la force qui agit sur le courant, et celle-ci est proportionnelle à son intensité. Or nous savons que le facteur qui doit multiplier une intensité pour obtenir de l'énergie est une force électromotrice. Donc nous en concluons que, par le fait du mouvement d'un circuit dans un champ magnétique, il doit y avoir dans celui-ci produc- tion d'une force électromotrice ; l'expérience vérifie ce.fail. Il y a en effet une foire électro- motrice d'induction entre les extrémités d'un conducteur qui se meut dans un champ ÉLECTRICITÉ. 299 C D A ^*- o,:<- C '**" \>-, D"< --, V /•-■ ->B C FiG. 160. magnétique. Si le circuit est fermé, il est parcoiiiu par un courant, même quand il n'y avait au début aucun courant dans le circuit. La proprie'té essentielle de ces courants qu'on appelle courants induits est qu'ils s'opposent toujours au mouvement du circuit mobile. C'est la loi de Lenz. La puissance libérée grâce aux forces magnétiques est proportionnelle à la vitesse de translation du point d'application de la force, c'est-à-dire à la vitesse de translation du circuit. Or nous avons vu que, si T représente l'intensité du courant, cette puissance sera de la forme El, E représentant la force électromotrice d'induction. Donc la force électro motrice d'induction devra être proportionnelle à la vitesse de translation du circuit dans le champ magnétique. Les courants d'induction sont intimement liés à la force qui agit sur le circuit, puisque c'est le travail de cette force qui les engendre. Si donc nous prenons un circuit plan, nor- mal au plan de la figure, par- couru par un courant placé dans un champ AB uniforme, c'est-à-dire composé de lignes de force rectilignes et paral- lèles, il sera soumis au couple le plus grand quand il sera parallèle à la force magné- tique en CD. Au contraire, quand il lui sera perpendicu- laire en C D', il ne sera sou- mis à aucun couple. Si nous continuons à faire tourner le courant vers C" D", la force électromagnétique agira sur lui en sens inverse, car après avoir été nulle elle devient négative. Son travail sera donc de signe contraire à celui qu'elle exécutait entre la position CD et la position C D'. La force électromotrice d'induction change donc de signe quand le circuit passe par la position C D'. D'ailleurs elle ne change que pour cette position, et celle où C vient en D'. Si maintenant nous prenons le circuit fermé sans lui donner de courant initial, il sera parcouru du fait du mouvement par un courant alternatif. Le sens de ce courant changera chaque fois que le circuit passera par la position CD', ou la symétrique C'iD'i, d'ailleurs le courant induit sera d'autant plus grand, d'après les considérations précé- dentes, que la force qui s'exercerait sur le circuit immobile et parcouru par un courant indépendant serait plus grande. Il sera donc maximum quand le cadre passera par CD, ou Cl Di, et minimum, c'est-à-dire nul, quand il passera par CD' ou C'iD'i. Ce qui différencie ces deux positions remarquables, c'est qu'en CD aucune ligne de force magnétique ne traverse le circuit, au lieu qu'en CD' sa surface est traversée norma- lement par ces lignes de force. Si c'est à cette variation de la quantité des lignes de force qui traverse le circuit qu'est dû le courant induit, nous devons avoir aussi un cou- rant induit en laissant le cadre dans la position CD' et faisant cesser le champ magné- tique. C'est ce que l'expérience a vérifié. Nous avons vu comment on peut, par la méthode balistique, mesurer des quantités d'électricité produites instantanément. On voit alors que, si l'on fait passer brusquement le cadre de la position CD à CD', ou si on supprime le champ le cadre restant dans la position CD', on a la même quantité d'électricité induite. On appelle flux de force à travers un circuit le produit de la force par la projection du circuit sur le plan perpendiculaire à la force, et on voit que la quantité d'électricité produite dépend de la variation du (lux de force qui traverse le circuit. Pour un instant infiniment court, cela est encore vrai. Si donc à cet instant la vitesse du circuit est grande, la quantité d'électricité débitée par seconde sera plus grande que si la vitesse est faible, puisque la variation du flux de force sera plus grande dans le temps consi- déré que si la vitesse est faible. Donc l'intensité du courant est proportionnelle à la vitesse du circuit. Or la résistance du circuit est constante, donc la force éleclromo- trice induite est proportionnelle à [la vitesse de translation, fait que nous avons déjà trouvé plus haut. Si nous avons un grand nombre de spires parallèles, elles seront toutes parcourues par le même courant. Donc, si nous les accolons l'une à l'autre, ce 300 ELECTRICITE. qui revient à prendre un conducteur plus gros nous avons une même force électromo- trice que pour un seul (il, mais une intensité en court circuit proportionnelle à la sec- tion du conducteur,c'est-à-dire au nombre des spires. Si, au contraire, nous réunissons les spires en série, comme par exemple en enroulant une bobine, nous aurons en court circuit une intensité égale à celle d'une seule spire, mais une force électromotrice pro- portionnelle au nombre des spires. Si nous avons une masse à trois dimensions de métal mobile dans un champ magnétique, elles sera parcourue par des courants qui s'oppose- ront à son mouvement. Ils s'orienteront d'ailleurs normalement à la force et à la vitesse en chaque point. Ce sont les courants de Foucault. On voit par ce qui précède qu'il y a deux espèces d'appareils réalisables au moyen de ces phénomènes. Dans les uns, un circuit mobile autour d'un axe dans un champ magnétique peut ou bien produire un courant si on dépense de l'énergie sur l'axe, ou bien produire de l'énergie mécanique sur l'axe si on dépense de l'énergie électrique dans le circuit. Ce sont les dynamos. Dans les autres, un circuit composé d'un très grand nombre de tours de fil lin e^t fixe. On produit, au moyen d'un gros fil entourant un faisceau de fer doux et situé dans l'axe du premier une variation considérable du champ magnétique à l'intérieur du circuit résistant, et on recueille aux bornes du fil fin une différence de potentiel consi- dérable. C'est la bobine de Ruhmkorff, que nous étudierons ultérieurement avec certains détails, à cause de son emploi très fréquent en physiologie. Mais, comme nous rencontrerons dans les dynamos certains faits qui exigent la con- naissance des effets d'induction du courant, nous allons en parler maintenant. Extra-courant. — Tous ces effets dépendent essentiellement de la grandeur des champs magnétiques émis par les deux circuits en présence. Nous voyons donc immédiatement que les effets seront considérablement augmentés par la présence du fer doux dans les circuits. C'est pour cela que dans la bobine de Ruhmkorff on place du fer doux au centre de la bobine. Si nous considérons un circuit enroulé en spirale, au moment où le courant s'éta- blira, il y aura production dans chaque spire d'une force électromotrice. Elle donnera l'exlra-courant de fermeture qui tendra à empêcher la production du champ magnétique d'après la loi de Lenz; il sera de sens contraire à la force électromotrice de la pile. Au contraire, au moment où le courant sera rompu, il y aura production d'un cou- rant de même sens que le courant lui-même, c'est l'extra-courant de rupture. De plus, la rupture du courant étant brusque, tout se passe en un temps très court et l'intensité du courant induit sera très grande. Dans les idées modernes, l'énergie qu'il faut dépenser pour vaincre la force électromotrice induite de fermeture est dépensée pour former le champ magnétique dans le diélectrique. On conçoit donc que, ce champ étant beaucoup plus puissant quand il y a du fer doux dans la bobine, le travail à dépenser pour le créer soit beaucoup plus grand, et les extra-courants de fermeture et de ruplure beaucoup plus puissants. On arrive à concevoir alors les effets de self-induction comme dus à de l'énergie qui, à la fermeture, s'accu- mule comme dans un ressort Ijandé, pour se libérer, comme quand un ressort est aban- donné brusquement à lui-même en état de déformation, au moment où le circuit est rompu. Dynamos. — 1" Génération de l'énergie électrique. — Nous avons vu qu'un circuit mobile dans un champ magnétique était parcouru par un courant alternatif. On peut recueillir à l'extéiieur ce courant alternatif de la façon suivante. On forme le circuit mobile par un certain nombre de tours de spires. Une extrémité est réunie à une bague située sur l'axe, et l'autre extrémité à une autre bague. Des frottoirs fixes recueillent le courant sur ces bagues, et, si on les réunit par un circuit extéi'ieur, on recueille dans ce circuit extérieur du courant alternatif. On peut, dans beaucoup d'applications, utiliser ces courants alternatifs, par exemple toutes les fois qu'on voudra faire de l'éclairage, ou du chauffage électrique. Nous verrons plus loin qu'on peut même utiliser ces courants pour faire tourner des moteurs. Mais ces courants ne se prêtent pas à beaucoup d'appli- cations où le courant continu est nécessaire. Aussi a-t-on cherché à redresser ces cou- rants, pour recueillir dans le fil extérieur du courant continu. Celui-ci, dans un labora- toire, sert à charger des accumulateurs, qu'on peut ensuite employer en nombre plus ou moins grand, suivant les divers besoins. ÉLECTRICITÉ. 301 FiG. 101. — Aaiieau Grammî. Nous ne décrirons pas ici le redresseur de Clarke, qui n'est plus employé, nous décri- rons seulement la machine Gramme. Dans celle-ci, un anneau en fer doux porte une spirale de fil de cuivre isolée, comme cela est indiqué sur la i\). Ce fait, qui paraît contredire la théorie de du Bois-Reyjiond, est interprété par Hermann dans un sens favorable à sa théorie d'altération. Quoique les faits nombreux relatés plus haut permettent incontestablement de con- clure à une corrélation entre l'excitabilité du muscle et sa variation négative, cependant le rapport entre cette dernière et le processus d'excitation ne fut définitivement démontré que par les recherches sur la marche et la durée des variations électriques pendant l'activité du muscle. Depuis les remarquables recherches d'IlELiiHOLTz (38), on sait que la variation négative précède la contraction musculaire et débute pendant la période latente du muscle. Helmholtz a démontré à l'aide d'une expérience aussi simple qu'ingénieuse que le nerf de la préparation secondaire est irrité par la variation néga- tive du premier muscle avant que celui-ci entre en contraction, d'où il a conclu à juste 332 ÉLECTRICITÉ. tilre que la vaiMalioa négative, au moins sa partie ascendante, celle qui irrite, a lieu pendant la période latente du muscle. Helmholtz place le début de la variation négative au milieu de la période latente, tandis que Bezold (39) croit qu'elle a lieu déjà au début de celte période. Kulliker et Mûller (40) ont constaté également que la secousse secon- daire d'une patte galvanoscopique placée sur le cœur précède toujours la systole car- diaque; ce fait a été confirmé depuis par de nombreuses recherches faites dans des conditions d'expérimentation absolument précises. Mais c'est cà Bernstein (41) surtout que revient le grand mérite d'avoir étudié à fond la marche, la durée et la vitesse de la propagation de l'onde négative du muscle. Le galvanomètre ne se prêtant pas à ce genre de recherches, Bernstein a construit à cet effet un appareil, dont le principe est dû à Guillemin, et qu'il a nommé rhéotome diffé- rentiel. C'est un disque tournant avec rapidité et fermant au moyen de deux contacts deux circuits, dont l'un produit l'excitation du nerf, et l'autre conduit au galvanomètre le phé- nomène électromoteur qui se produit pendant la contraction musculaire. Le circuit gal- vanométrique se ferme pour un temps extrêmement court et à des" intervalles variés du moment de l'irritation, de sorte que le muscle peutiêtre intercalé dans le circuit galvano- métrique pour un temps très court dans l'intervalle de deux irritations successives et sa variation négative peut être évaluée au galvanomètre. En variant ainsi l'intervalle entre la fermeture du circuit galvanométrique et le moment de l'irritation, on peut déter- miner, aux erreurs d'expérience près, le début, la durée et la vitesse de propagation de la variation négative. Il s'agissait avant tout de savoir si la variation négative nécessite vraiment un certain temps pour se propager le long d'un muscle excité. Cela paraissait probable déjà à priori, étant donné que la variation électromotrice du muscle constitue un phénomène conco- mitant de la contraction musculaire, et que, d'après Aeby, le muscle lui-même, irrité en un point, ne se contracte pas simultanément, mais, est parcouru par une onde d'exci- tation de certaine durée. Bernstein a fourni à l'aide de son ingénieux rhéotome une solution définitive à ce problème. Ses recherches, instituées sur le muscle couturier (muscle à fibres parallèles) de la grenouille, ont démontré que : 1° entre le moment où le muscle est irrité à une de ses extrémités et le moment de l'apparition de la variation négative à l'extrémité opposée d'un tronçon du muscle dérivé au galvanomètre, il s'écoule un certain laps de temps susceptible de mesure. On peut très bien évaluer le temps nécessaire pour que la variation négative se propage du point irrité au point dérivé ; 2° le phénomène de la variation négative présente une certaine durée qui ne dépend guère de la longueur du trajet dérivé au gcdvanomètre ; cette durée est de l/2o0àl/300 de seconde. La vitesse de propagation de la variation négative, calculée d'après ces données, est de 2,927 mètres par seconde. Les expériences faites à l'aide du rhéotome ont permis à Bernstein de représenter graphiquement sous forme de courbe la marche de la variation négative en un point quelconque du muscle, notamment en sa surface longitudinale. Cette courbe de varia- tion négative présente des variations électromotrices aux différents points du muscle exploré, et doit forcément être en rapport avec les conditions d'excitabilité du muscle. Ce sont ces considérations qui ont amené Bernstein à la conception intéressante de l'onde d'irritation {Reizwelle). La courbe de celle-ci correspond au point de vue de sa forme à celle de la variation négative et peut être identifiée avec l'onde d'excitation {Erregungswelle). L'onde d'irritation n'a pas de période latente, et débute au moment même de l'application de l'irritant; elle précède donc l'onde de contraction. C'est pourquoi Bernstein a admis, après Helmholtz et Bezold, et à la suite de preuves expérimentales très rigoureuses, que la variation négative précède la contraction mus- culaire et a lieu pendant sa période latente. Chaque fibre musculaire irritée subit d'abord la variation de son état électrique avant de passer à l'état de contraction. Cela s'observe non seulement dans les cas où la période latente présente, d'après Helm- holtz, une valeur de 0,01 de seconde, mais aussi dans les cas où cette période, d'après de récentes recherches, serait de plus courte durée, de 0",0040 à 0,006" (Gad, Mendelssohn, Tigerstedt). Cependant Bdrdon-Sanderson (40), qui a trouvé pour la période latente de la contraction et de la variation négative du muscle une durée égale à 0,002o de seconde, croit qu'il n'existe pas de différence appréciable entre les débuts de ces deux phénomènes, et que la variation négative se produit au moment où l'effet méca- ELECTRICITE. 333 nique devient évident. Celte manière de voir est partagée également par F. S. Lee (41), d'après lequel l'onde d'irritation présente aussi une durée égale à celle de la secousse musculaire (0",05 à 0",026j. Les chifires assez élevés trouvés par Lee pour la durée de la variation négative prouvent que les variations de l'état "électrique provoquées par l'acti- vilé du muscle s'observent pendant un temps beaucoup plus lonj^ qu'on ne le croyait jusqu'à présent. L'opinion émise par les deux physiologistes anglais est encore isolée dans la science, et à l'heure qu'il est, tout le monde est d'accord avec nERxsTEix que, si courte que soit la durée de la période latente du muscle, lu négativité du point irrité précède tou- jours l'effet mécanique de V irritation. Du reste, dans un travail publié tout récemment, Berxstein a combattu les faits énoncés par Lee, qu'il trouve inexacts. Il va sans dire que la négativité du point irrité n'est autre chose que le commencement de la variation négative du muscle : d'après Hi'Rma.xx, elle est même la cause la plus immédiate de la production de la variation négative. Chaque point irrité de la surface longitudinale du muscle, là où passent l'onde d'excitation ou celle d'irritation, devient plus ou moins négalif, on dirait même positif par rapport au point moins irrité. Il en résulte naturel- lement une moindre positivité de la surface longitudinale par rapport à la négativité de la section transversale, laquelle ne se modifie pas; autrement dit, il en résulte une dimi- nution du courant propre (courant de démarcation) du muscle, ce qui fait la variation négative du muscle irrité. Aussi, pour Hermaxx, la variation négative d'un muscle irrité n'est elle autre chose qu'un courant d'action de ce muscle et peut se produire même là oti il n'y a pas de courant de repos, comme dans le muscle parélectronomique. Du reste, citinme cela a été dit plus haut, d'après Hermaxx, il n'existe pas de courants électriques dans un muscle à l'état normal; il n'y a que des courants de démarcation dans un muscle lésé et des courants d'action dans un muscle normal en état d'activité. Quel que soit d'ailleurs le point de vue auquel on se place, celui de la théorie moléculaire, ou celui de la théorie d'altération, il est tout naturel de désigner la variation négative par le nom de courant d'action, puisque c'est un courant électrique provoqué par la mise enjeu de l'activité du muscle. Bernstein, en poursuivant ses intéressantes recherches, a trouvé que, lorsqu'on dérive au galvanomètre deux points symétriques de la surface longitudinale d'un muscle tétanisé par des chocs rythmiques d'un courant induit, on constate qu'après chaque irritation unique il se produit dans les deux sens une double oscillation électromotrice, ou plutôt un double courant d'action; négatif d'abord et positif ensuite; ce dernier est toujours plus faible que le premier. Le point dérivé proximal, c'est-à-dire le plus rapproché de l'endroit irrité, devient avant tout négatif par rapport au point dérivé distal, c'est-à-dire le plus éloigné de l'endroit d'irritation; c'est la phase négative de la variation électrique du muscle. Lorsque l'onde négative ou l'onde d'irritation arrive jusqu'au point distal, celui-ci devient à son tour négatif par rapport au point proximal, dont la négativité cesse presque au moment où le bout distal devient négatif; il se produit alors un courant en sens inverse : c'est la phase positive de la variation électrique du muscle. Berxsteix conclut de ce fait que l'onde d'irritation diminue en hauteur pendant son passage à travers la fibre musculaire, autrement dit l'onde d'irritation présente un décrément. Hermaxx a repris les recherches de Berxstein et leur a donné une extension considé- rable. Il a poussé plus loin encore l'analyse du phénomène éleclromoteur du muscle pendant son activité. D'accord avec Berxsteix, que l'irritation d'un muscle, muscle intact et ne présentant pas de courant de démarcation, provoque toujours deux courants d'ac- tion de sens différents dénommés courants d'action phusirjues, Hermaxx a démontré que, dans les cas où le courant n'est pas dérivé de deux points de la surface longitudi- nale, mais résulte d'une différence de potentiel électrique entre la surface longitudi- nale et la section transversale, on n'observe pas les deux phases en question; celle qui devrait correspondre au point distal de la section transversale fait défaut, celle-ci étant déjà elle-même très négative par rapport à tous les points de la surface longitudinale. On a alors affaire au simple cas de la variation négative du courant de démarcation et non pas à un courant d'action diphasique d'un muscle non lésé. Le décrément du courant d'action ou le courant d'action décrémenticl se produit non seulement à la suite d'une exci- tation unique, mais aussi à la suite de la tétanisation prolongée du muscle ; on a alors un courant d'action décrémenticl lélixnïqxic (du Bois-Reymoxd, Hermann), dont la force électro- 334 ÉLECTRICITÉ. motrice est évaluée par Herman.n à 0,002 — 0,02 Damel. Herman.x a démontré en outre que le décrément du courant d'action ne résulte nullement de la fatigue du muscle, comme le prétendait DU Bois-Reymond, et s'observe également sur des préparations fraîches. Tous ces faits se rapportent au muscle irrité directement. Hermann a démontré que le muscle irrité indirectement, c'est-à-dire par l'intermédiaire de son nerf, se comporte par rapport à l'évolution de ses phénomènes électroraoteurs de la même façon qu'un muscle irrité directement. L'irritation d'un muscle par l'intermédiaire de son nerf provoque également un courant d'action diphasique, dont la première phase atterminule {abner- valê) se dirige du nerf vers le bout périphérique [tendineux) du muscle, tandis que la seconde phase atterminale [adnervale] va en sens inverse du bout périphérique du muscle vers le nerf. La première phase est plus faible que la seconde à cause du décré- ment de l'onde d'irritation. Pour bien observer ces faits, il faut que les points dérivés se trouvent à l'endroit où a lieu l'irritation du muscle, en admettant que le point d'émer- gence du nerf conducteur de l'irritation se trouve à peu près au milieu du muscle et que la terminaison nerveuse existe au milieu de chaque fibre d'un muscle à fibres parallèles. Si les points dérivés, au lieu de se trouver au milieu de l'endroit irrité, sont placés aux deux extrémités tendineuses du muscle, il y aura, vers les bouts tendineux des deux côtés du nerf, des couinants de double sens qui s'additionneront algébriquement. De cette façon, les expériences d'HERMANN démontrent d'une façon indiscutable qu'il existe, aussi bien dans le muscle irrité directement que dans celui qui est irrité par l'intermé- diaire de son nerf, une onde d'excitation à marche déterminée. Les processus d'excitation se propagent donc dans les deux cas sous forme d'une onde à double phase. Les expé- riences relatives au courant d'action du muscle irrité par l'intermédiaire de son nerf présentent un intérêt spécial, vu que c'est le mode d'irritation du muscle à l'état normal dans l'organisme; le muscle, dans les conditions normales de la vie, n'est jamais excité directement, mais le processus d'excitation lui parvient par l'intermédiaire de son nerf. Hering a démontré que l'activité du muscle peut être accompagnée non seulement d'une variation négative correspondant à une diminution de son courant de repos, mais aussi d'une variation positive se manifestant par une augmentation du courant propre (courant de démarcation) du muscle. Il est à peine nécessaire de faire observer qu'il n'y a rien de commun entre la variation positive du courant musculaire et la phase positive du courant d'action] décrite plus haut. La variation positive succède toujours à la variation négative. Cette loi générale n'est pas cependant sans exception; il y a des cas où la variation positive n'est pas précédée d'une variation négative; un des points dérivés peut subir, comme le dit Hering, une variation ascendante, sans que l'autre point dérivé éprouve une variation descendante. L'augmentation du courant de repos peut être l'effet immédiat de l'irritation directe ou indirecte du muscle. Ce n'est plus la négativité du point irrité qui varie, mais c'est la positivité du point dérivé de la surface longitudinale qui augmente par rapport à la négativité de la section transversale. Gaskell (42), sur le cœur, et Biedermann (43), sur la pince d'écrevisse, ont étudié d'une façon très détaillée les conditions de la production de la variation positive et ont déterminé le rapport de ce phénomène avec les processus destructifs (cataboliques) et reconstitutifs (anaboliques) qui ont lieu dans un muscle pendant son activité. Il est probable, quoique non absolument démontré, que la variation positive correspond à la période de la reconstitution du muscle. Aussi est-elle prononcée surtout là où cette période est longue, comme par exemple dans le muscle fatigué, dans lequel la variation négative fait parfois complète- ment défaut et l'irritation du muscle est suivie d'emblée d'une variation positive. Cette dernière se produit alors au moment même de l'irritation sans aucune période latente; elle atteint son maximum pendant l'irritation même et va en diminuant jusqu'à la dis- parition complète après l'ouverture du courant irritant. Parfois la variation positive per- siste même après l'irritation, de sorte que le courant de repos du muscle reste augmenté pendant un certain temps. Plus loin, en parlant des phénomènes électriques de l'activité nerveuse, nous reviendrons encore sur la valeur anabolique et catabolique de la variation positive du courant d'action. Tous les phénomènes électromoteurs décrits plus haut s'observent facilement et avec une netteté absolue sur le muscle cardiaque, celui-ci pouvant être, mieux que tout autre muscle, mis à nu sans être lésé. Aussi les phénomènes électriques qui accom- ELECTRICITE. 335 pagnent ractivité_cardiaque ont-ils été l'objet de recherches spéciales qui constituent un chapitre important de l'électricité animale. Cette question étant traitée d'une façon très complète ù l'article Cœur , nous croyons inutile de la reprendre ici. IV. Phénomènes électriques du nerf. — 1, Courant électrique du nerf en repos. — Tous les efforts de Matteucci et de ses prédécesseurs pour déceler un courant électrique dans les nerfs étaient restés sans résultat. La découverte de ce courant est due à du Bois- Rey.mond, qui le premier fît connaître, dans un travail publié en 1843, les phénomènes électriques des nerfs. Le courant nerveux présente une force électromotrice relative- vement très faible et nécessite par conséquent une grande sensibilité des appareils révé- lateurs pour agir sur l'aiguille galvanométrique. C'est aussi sans doute la raison pour- quoi les anciens n'ont pas pu constater ce courant avec leurs appareils peu sensibles, et, si DU Bois-Reymond a vu le premier la déviation de l'aiguille galvanométrique sous l'action d'une différence de potentiel électrique du nerf, c'est grâce surtout au perfectionnement considérable qu'il a apporté à l'instrumentation électrophysiologique en général. Le nerf présente des différences de potentiel électrique semblables à celles du muscle : tout point de la surface transversale est électronégatif par rapport aux différents points de sa surface longitudinale. C'est le principe général de la n rapport direct avec celle du courant propre du nerf et varie suivant la grandeur de la dilférence de potentiel électrique des points dérivés ; elle représente chez les mammifères 4 p. 100, et chez la grenouille iO p. iOO de la valeur du courant de repos. Deux points iso-électriques du nerf ne donnent pas de variation négative ; d'autre part le courant qui résulte de la dilTérence de potentiel entre la surface de section transversale et l'équateur donne le maximum de la variation négative. Quelle que soit la grandeur de la diminution du courant propre du nerf par la variation négative, elle n'est jamais suffisante pour annuler complètement le courant de repos ; il en reste toujours une faible partie. Les expériences plaidant en faveur du contraire (BERNSTErx et d'autres) ne sont pas assez concluantes. Les nerfs dépourvus de myéline présentent une variation négative aussi bien que les nerfs à myéline (Kuhne, Stelxer) ; mais, tandis que ces derniers s'excitent surtout par le courant tétanisant et réagissent peu à l'action du courant constant, les nerfs sans myéline pr^ sentent déjà une variation négative à la suite d'une rupture unique (fermeture et même ouverture) du courant constant. Le mode d'irritation influe considérablement sur la valeur de la variation négative; celle-ci varie suivant que le courant est ascendant ou descendant par rapport à l'endroit dérivé, et suivant que l'irritation a lieu à la fermeture ou à l'ouverture du courant. BiEDERMANN (48) a étudié avec soin sur les nerfs sans myéline de ÏAnodontu l'intluence ([u'exerce la direction du courant sur la valeur de la variation négative. Lorsque la direc- tion du courant irritant est descendante (toujours par rapport aux point dérivés) la variation négative est plus grande que dans le cas où le courant est ascendant. La varia- tion négative se produit toujours au moment même de la fermeture du courant, et, après avoir atteint rapidement un maximum, elle diminue graduellement et disparaît encore pendant la durée de la fermeture du courant. L'ouverture du courant descendant donne rarement une variation négative, tandis que celle du courant ascendant présente une variation négative très nette et dont la grandeur est égale et même souvent supérieure à la variation initiale due à la fermeture du courant. Parfois cette dernière fait complète- ment défaut, et, lorsque le courant ascendant est assez fort et que son lieu d'application se trouve à une distance suffisamment grande des points dérivés, la variation négative à l'ouverture est la seule qu'on observe à la suite de l'irritation du nerf. L'intensité du courant et la durée de la fermeture influent beaucoup sur les effets obtenus dans tous ces cas. La manière différente dont la variation négative du courant nerveux se comporte par rap- port à la fermeture ou à l'ouverture du courant ascendant et descendant s'explique par- faitement par les modifications que le nerf subit sous l'action du cathode et de l'anode à l'endroit oîi le nerf est irrité. La variation négative qui se produit sous le cathode à la fermeture du courant descendant présente toujours une marche rapide, tandis que celle qui est provoquée par l'ouverture du courant ascendant présente une marche lente; l'intensité de cette dernière est en rapport avec la durée préalable de la fermeture de ce courant. Plus la durée de la fermeture du courant ascendant est longue, c'est-à-dire plus le nerf sera soumis à l'action de ce courant, plus forte sera la variation négative qui se produira à. son ouverture. Du reste Bernsteix a déjà démontré que la variation négative? augmente sous l'action du catélectrotonus et diminue sous l'influence de l'ané- lectrotonus aux points irrités. Quoique, d'une manière générale, l'action du courant constant sur les nei'fs à myéline soit nulle ou trop faible pour produire une variation négative, cependant, dans certaines conditions d'excitabilité nerveuse, En(;elmann (39) a pu constater chez la grenouille une variation négative à la suite de la fermeture et de l'ouverture du courant constant; cette variation de l'état électrique du nerf correspondait très précisément au tétanos de fer- meture et d'ouverture que l'on observait en même temps dans le muscle innervé par le nerf irrité. 11 est indispensable de se servir à cet effet de grenouilles tenues au froid et d'appliquer un courant très faible; il est également important de distancer autant que possible la partie irritée de la partie dérivée du nerf. 310 ELECTRICITE. Le passage d'un courant continu à travers un nerf provoque dans ce dernier des phe'nomènes électromoteurs connus sous le nom de courants électrotoniques, dont il sera question dans l'article Ëlectrotonus oîi ces phénomènes seront mieux à leur place (Voyez Électrotonus). Disons seulement ici qu'en tétanisant un nerf électrotonisé on obtient «gaiement une variation négative du courant électrotonique (Berxstein). La variation négative du courant nerveux peut être provoquée 'aussi bien par une excitation électrique que par d'autres irritants : thermiques, mécaniques et chimiques; mais dans ce cas elle est bien moins nette et d'intensité plus faible qu'à la suite de l'irri- tation électrique. D'après Grutzner (60), cette dernière agit d'une façon plus uniforme sur toute la masse de libres nerveuses dont une partie seulement est atteinte par d'autres genres d'irritation. Cependant Hering (61) a constaté sur le nerf olfactif de l'alose, et Steinach (62) sur les nerfs de la grenouille refroidie que la section mécanique de ces nerfs provoque une variation négative assez considérable, dont l'évolution et la marche correspondent à celles de la variation négative produite par l'irritation élec- trique. KuHNE et Steiner {lac. cit.) ont observé ce phénomène à la suite de l'irritation chimique de l'olfactif de l'alose avec du chlorure de sodium, et Grutz.ner a vu la môme chose sur beaucoup d'autres nerfs. Les conditions de l'expérience influent sans doute aussi, au moins en partie, sur la valeur de la variation négative obtenue par diffé- rents irritants. D'une façon générale, on peut admettre que tous les irritants, quelle que soit leur nature, qui, étant appliqués le long d'un nerf conducteur, exercent une action irritante 3ur ce dernier, provoquent également une variation négative de sa force élec- tromotrice. Le nerf sensitif présente une variation négative aussi bien que le nerf moteur. Du reste tous les nerfs centrifuges et centripètes présentent à la suite d'une irritation une variation négative dans les deux sens. Une irritation du bout central d'un nerf centri- fuge produira une variation négative dans son bout périphérique tout aussi facilement que l'irritation de son bout périphérique se manifestera par une variation négative dans le bout central. La même chose s'observe dans un nerf centripète; l'irritation de son bout péiiphérique ou de son bout central produit une variation négative à chacun de ses bouts opposés. La manière dont se comporte le nerf vis-à-vis de sa variation négative affirme une fois de plus le fait que la conductibilité nerveuse se fait dans chaque nerf en un double sens. La variation négative se produit non seulement à la suite d'une irritation artificielle du nerf dans sa continuité, mais aussi à la suite de l'action d'irritants naturels ou périphériques. Du Bois-Reymond a fait sur ce sujet une belle expérience qui est devenue le point de départ de recherches de ce genre et a fourni une preuve de plus à l'appui de son opinion que la variation négative est bien l'expression électrique des processus d'excitation, quel que soit l'irritant qui les provoque, lia empoisonné une grenouille avec de la strychnine et il a pu constater qu'à chaque production du tétanos strychnique il survenait une variation négative dans le nerf sciatique dont le courant transverso-longitu- dinal avait été préalablement dérivé au galvanomètre. Cette expérience, qui ne réussit pas toujours, démontre d'une façon évidente qu'une excitation centrale naturelle peut pro- duire une variation de l'état électrique dans le nerf périphérique. En appliquant des irritants artificiels à la zone motrice du cerveau, on obtient également une variation négative du courant transverso-longitudinal de la moelle épinière et du nerf sciatique (Setciienoff) (63), (Gotgh et Horsley) (/. c); la variation négative du nerf sciatique est dans ce cas beaucoup plus faible que celle de la moelle épinière. En ce qui concerne la. 7narche et la durée de la variation négative du courant nerveux, ou sait, grâce aux recherches rhéotomiques de Bernstein (/. c), que la variation négative du nerf n'a pas de ■période latente et débute à l'endroit irrité au moment même de l'application de l'irritant. Le temps qui s'écoule entre l'irritation d'un point quelconque du nerf et le début de la variation négative à un point du nerf plus ou moins éloigné du point irrité est en rapport avec la vitesse de propagation de la variation négative le long du nerf; il est proportionnel à la distance qui sépare le point irrité de la première élec- trode dérivatrice (celle qui est appliquée à la surface longitudinale du nerf), mais il n'est nullement influencé par la distance qui sépare la section transversale du point irrité. La marche de la variation négative est ascendante d'abord, et descendante ensuite; ÉLECTRICITÉ. 341 la période de descente est beaucoup plus lente que celle de l'ascension; elle arrive donc rapidement au maximum de son évolution pour disparaître lentement et graduellement. La durée de la variation négative évaluée à l'aide d'un rhéotome varie suivant l'espèce animale, les différents nerfs et surtout suivant différents expérimentateurs. D'après Bernstein cette durée est de 0" 0007, tandis que Hermann l'évalue à 0" OOoG et Head la porte même à 0" 024. La durée de la variation négative est eu rapport direct avec l'intensité du courant irritant et probablement aussi avec la vitesse de propagation du processus d'excitation, ce qui explique la différence entre la durée de la variation négative dans des nerfs à myéline et celle des nerfs qui en sont dépourvus. Déikapriori on peut admettre que la variation négative du nerf est, comme celle du muscle, dipha- sique; mais, tandis que dans le muscle les deux phases de la variation électrique peuvent être facilement démontrées à l'aide du rhéotome, il n'en n'est pas de même pour le nerf, dont l'activité, se transmettant de proche en proche depuis le point irrité, ne peut pas être facilement saisie. Avec cela les deux phases se succèdent à un intervalle si court qu'il est impossible de les saisir séparément au rhéotome. Hermann a cependant réussi à donner une preuve expérimentale et démonstrative à l'appui de la nature diphasique de la variation néfj;ative du nerf, en ralentissant la propagation de l'onde d'excitation par l'action du froid sur le nerf et en renforçant la déviation de l'aiguille galvanométrique par la dérivation du courant de tout un paquet (4-6) de nerfs. Il a pu ainsi déterminer très nettement pour la surface longitudinale les deux phases de la variation négative allant dans un sens contraii^e l'une à l'autre, et prouver que la seconde phase fait défaut, lorsque le tronçon de nerf est pourvu d'une seclion transver- sale, dont la négativité est toujours très grande; dans ce dernier cas le courant transverso-longitudinal ne présente qu'une seule phase de la variation électrique, la phase négative. Sous ce rapport encore le nerf se comporte comme le muscle (voir plus haut, p. 326). Tout ce qui influence l'excitabilité du nerf modifie également la valeur de la variation négative. Ainsi, d'après les récentes recherches de Waller (64), les différents gaz, la températui-e, l'alcool, certains sels et alcaloïdes, l'éther et le chloroforme, en modifiant l'excitabilité du nerf, influent sur la variation négative, soit en l'exagérant, soit en la diminuant jusqu'à l'abolition complète, comme l'abaissement graduel de la tem- pérature, par exemple. Celle-ci est toujours précédée par l'abolition de la contractilité musculaire, de sorte que sous l'influence du refroidissement graduel du nerf l'effet mécanique disparaît avant l'effet électrique qui peut persister encore un certain temps (BORUTTAU). Il existe un rapport entre l'intensité de l'irritant et la valeur delà variation négative. D'après les recherches de J.-J. Muller (63), la variation négative croît avec l'intensité de l'irritant jusqu'à un certain maximum si l'on continue à augmenter l'intensité de l'irri- tant. Le rapport entre cette dernière et l'accroissement graduel de la variation négative s'exprime par une ligne concave vers l'abscisse sur laquelle sont portées les valeurs croissantes des irritants. Cette courbe rappelle en quelque sorte celle de Weber-Fechner qui exprime le rapport psycho-physique entre l'intensité de l'irritant et la sensation. BoRUTTAQ (66) a trouvé que le seuil de l'irritant est presque le même pour l'action galva- nique que pour l'effet mécanique du nerf; la différence entre les deux seuils est insi- gnifiante. Parfois cependant, chez des grenouilles grandes et robustes, l'intensité de l'irritant nécessaire pour obtenir une contraction musculaire par l'irritation du nerf est inférieure à celle qui provoque la variation négative. Du reste le seuil de l'irritant pour la variation négative s'élève, comme l'a démontré Steinach (67), avec réchauffement ou la fatigue du nerf, et varie suivant l'état de son excitabilité. L'irritation du nerf provoque non seulement une variation négative de son courant transverso-longitudinal, mais aussi celle de son courant axial. Cette dernière présente toujours la même direction que celle de la fonction nerveuse; elle est donc centrifuge dans les nerfs moteurs et centripète dans les nerfs sensitit's. La variation négative du courant axial ne dépasse guère loàSO p. 100 de lavaleur du courant de repos; cependant parfois elle peut atteindre même 40 à 50 p. 100 de la valeur de ce dernier; elle est inti- mement liée au processus de l'excitation nerveuse et varie suivant l'état d'excitabilité du nerf (Mendelssohn, 68). 342 ELECTRICITE. En somme, tous les faits exposés plus haut démontrent avec évidence que la variation négative est l'expression la plus exacte de l'activité nerveuse et comme telle elle doit jouer un rôle important dans l'étude des phénomènes nerveux. L'activité nerveuse se traduit à nos sens par des phénomènes dus à la mise en jeu de ses organes terminaux périphériques et centraux. Si Ton sépare un nerf de ses terminaisons, on perd toute possi- bilité de saisir la réaction de ce nerf sous l'action d'un irritant; on ne possède dans ce cas aucun moyen pour déceler le jeu des processus physico-chimiques provoqués par l'acti- vité nerveuse sous l'influence d'une excitation extérieure. Les phénomènes électro- moteurs du nerf présentent dans ce cas un moyen très sûr pour déterminer l'activité du nerf sans avoir recours à sa réaction périphérique ou centrale. Ces phénomènes accom- pagnent toujours l'activité nerveuse; c'est pourquoi la variation négative doit être consi- dérée comme le courant d'action du nerf (Hermann). Ce courant est un réactif très sensible de l'excitation, et pour le nerf moteur la valeur de cette réaction n'est pas moindre que celle delà réaction musculaire, quoique certains faits parlent en faveur delà plus grande sensibilité de cette dernière. Quant au nerf sensitif, la variation négative est sinon le seul moyen, au moins le plus suret le plus précis pour nous renseigner sur le degré de l'activité du nerf. Le rapport entre la valeur de la réaction galvanique et celle de la réac- tion mécanique du nerf varie suivant l'animal, le nerf et le degré de l'excitabilité neuro- musculaire. Chez les animaux à sang chaud la variation négative est souvent très faible; dans certaines conditions de l'excitabilité du nerf (par exemple chez des lapins soumis à l'action des températures basses) et à un certain degré de l'intensité du courant irritant, le nerf irrité peut ne donner aucune variation négative, tandis que le muscle innervé par ce nerf réagit par une secousse assez forte. La même différence s'observe aussi chez la grenouille, et elle est plus accusée chez les grenouilles tenues au froid. Les expériences de Steinach {l. c.) sont très probantes à cet égard. 11 a observé que chez la grenouille tenue au chaud le tétanos se produit à la suite de l'irritation par le courant induit déjà à une distance de 43 centimètres entre les deux bobines, tandis que la variation négative n'ap- paraît qu'à une distance de 27 centimètres; cette différence est presque nulle chez la gre- nouille au froid, chez laquelle le tétanos se produit à 39 centimètres et la variation néga- tive, à 38 centimètres de distaiice entre les bobines de l'appareil d'induction. D'autre part nous avons vu plus haut, dans les expériences de Boro'ttau (66) où il y avait refroi- dissement du nerf, que la sensibilité de la variation négative du nerf, considérée comme un réactif de l'excitation, est bien plus grande que celle de la contraction musculaire pro- voquée par l'irritation du même nerf. En tout cas cette divergence entre l'apparition de la vaiiation négative et la production de la réaction musculaire présente un certain inté- rêt, surtout dans le cas où la contraction musculaire a lieu en l'absence de la réaction galvanique. Il est évident que dans un cas pareil le changement de l'état physico-chi- mique du nerf, qui donne naissance à sa variation électro-motrice, peut faire défaut ou ne pas se manifester en dehors, quoique le nerf conserve parfaitement sa conducti- bilité et son aptitude fonctionnelles. Autrement dit, il existe des états inconnus, ou au moins peu déterminés encore, dans lesquels l'onde d'excitation provoquée par l'irrita- tion d'un nerf peut se propager le long du nerf jusqu'à son organe terminal moteur et donner lieu à une réaction, sans que cette onde produise une variation électrique à un point quelconque du nerf. S'il n'y a pas lieu d'accuser dans ce cas l'insuffisance de nos appareils de mesure et de nos méthodes d'investigation, il faut forcément admettre une certaine dissociation entre le processus d'excitation qui sert de base à la produc- tion de la variation électrique et celui qui aboutit à la réaction motrice. Cette disso- ciation de deux processus d'excitation mérite une attention spéciale dans l'étude électro-physiologique des phénomènes neuro-niusculaires. L'importance pratique du fait est que la variation négative est un réactif très sensible de Vexcilatlun nerveuse et peut nous renseigner très exactement sur le degré de l'excitabilité nerveuse dans tous les cas où le nerf irrité est séparé de son organe terminal de réaction. Certes l'absence de la variation négative ne parle nullement eu faveur de l'abolition de l'excitabilité nerveuse, mais l'apparition de la variation négative doit être considérée comme un signe certain de la présence d'un processus d'excitation du nerf, dont cette variation est l'expression la plus directe. Aussi la variation négative disparaît-elle toujours avec l'abolition, ou au moins avec l'affaiblissement considérable de l'excitabilité nerveuse. Tout récemment ÉLECTRICITÉ. 343i Herzen (v. Revue scientifique, i" série, XIII, 40) croit pouvoir affirmer qu'un nerf peut devenir électriquement négatif sans qu'il devienne fonctionnellement actif, c'est-à-dire le phénomène électrique peut se produire seul sans le phénomène physiologique. La varia- tion négative ne serait donc pas intimement liée à l'activité nerveuse. L'opinion d'HER- ZEN, toute récente, est encore isolée dans la science. Comme il a été dit plus haut, la variation négative accompagne les modifications de l'excitabilité et disparaît avec la mort; cependant elle peut encore apparaître 24 et même 48 heures après que le nerf a été séparé de l'organisme. La variation négative du courant axial disparaît déjà au bout de 12 à 24 heures après la mort. Nous n'avons pas été aussi heureux que Boruttau (/. c), qui, au bout de 7 à 12 jours, a vu un nerf pré- senter encore une variation négative considérable. Ces expériences, qui demandent encore à être contrôlées, ont conduit Boruttau à une conception particulière de la nature de la variation négative, conception qui mérite d'être mentionnée ici. En se basant sur la persistance de la variation négative constatée par lui et sur ses recherches spéciales d'ordre physique faite sur le « noyau conducteur », Boruttau croit pouvoir en conclure que les phénomènes galvaniques qui se produisent dans le nerf à l'état de repos (courant de démarcation) et à l'état d'activité (variation négative) ne résultent pas du processus physiologique qui amène la contraction, mais sont dus plu- tôt à la structure anatomique du nerf. Ce serait donc un phénomène physique que l'on pourrait provoquer dans un nerf mort avec le même courant qui serait nécessaire pour produire dans un nerf vivant une contraction musculaire : il suffirait que la structure normale du nerf fût conservée. Cette manière de voir, qui est toute récente, quoique empruntée aux idées d'HERMANN, est fortement combattue par Biedermann [Electrophijsiologie, p. 637) qui se prononce de la manière suivante sur la valeur des expériences de Boruttau et des conclusions qu'il en tire : « Si même, dit Biedermann, on ne doutait pas de la réalité de ces observations, on ne peut guère approuver les déductions qui en sont faites. Je pense qu'à défaut de rai- sons majeures qui plaideraient en faveur du contraire, on est forcé en tout cas de main- tenir la doctrine, d'après laquelle la variation négative du courant nerveux et muscu- laire est l'expression galvanique de l'excitation du nerf vivant et doit être considérée comme un phénomène vital physiologique, et non pas exclusivement comme « un caté- lectronus physique à forme ondulatoire ». Tous ceux qui ont l'habitude d'envisager les phénomènes d'excitation de la matière vivante à un point de vue général ne douteront pas un seul instant que la variation négative comme cas spécial des courants d'action dans les nerfs à myéline et sans myélme, dans les muscles striés et lisses, et probable- ment dans beaucoup d'autres espèces de protoplasmas irritables, doit être considérée comme un phénomène qui résulte de toutes les transformations chimiques qui servent de base 'au processus d'excitation. Il ne faut pas de nouveau faire revivre dans « la phy- sique des nerfs et des muscles » cette conception physique trop exclusive des phénomènes vitaux; elle s'est montrée récemment inacceptable dans dilférents domaines d'études phy- siologiques, dont elle arrêtait le progrès pendant longtemps. « D'autre part, il n'y a pas de raison valable pour considérer dans les expériences de Boruttau les nerfs comme définitivement morts et dépourvus de toute trace de leur exci- tabilité physiologique; on sait que les nerfs des mammifères, sectionnés, préparés et enlevés de la plaie, donc se trouvant dans des conditions de nutrition tout à fait anor- males, peuvent pendant plusieurs heures être irrités avec effet, si leurs terminaisons (cœur, centre respiratoire) se trouvent en bon état. De toute façon on ne doit pas, d'après l'absence de l'irritabilité musculaire, indirecte, et même directe, conclure à la mort défi- nitive du nerf, et, malgré l'assertion de Boruttau, il serait permis jusqu'à nouvel ordre d'envisager à un point de vue [unique les courants d'action et la variation négative de toutes les substances irritables. » Telles sont les paroles de Biedermann, que nous avons cru utile de reproduire textuel- lement. Nous partageons à tous les points de vue l'opinion de ce physiologiste, et nous croyons également que la conception physique trop exclusive des phéno.mènes vitaux en général peut enrayer la marche du progrès en électro-physiologie. De nombreux faits expérimentaux parlent certainement en faveur de la nature vitale du phénomène de la variation négative. Aussi, jusqu'à preuve du contraire, faut-il considérer celle-ci comme 344 ÉLECTRICITÉ. l'expression exacte des processus d'excitation dans le nerf, et comme étant intimement liée aux changements ph3'sico-chimiques qui accompagnent ces processus. Variation positive. — Le nerf présente, à la suite de l'action d'un irritant, non seule- ment une variation négative, mais aussi une variation positive qui suit toujours la pre- mière, et est mise en évidence par l'ouverture du courant irritant; elle se produit donc au moment où l'irritation du nerf cesse. Le phénomène se présente delà façon suivante : lorsqu'on irrite un nerf après avoir compensé son courant pi'opre, on obtient pendant la durée de l'irritation une variation électro-négative dans le sens opposé à la direction du courant de repos; eu ouvrant le courant, c'est-à-dire en cessant d'irriter le nerf, on voit dans la plupart des cas que l'aiguille galvanométrique, avant de revenir à son état d'équilibre, dévie dans le sens du courant propre : son intensité augmente évidemment. Cette nouvelle variation du courant de repos dans le sens positif constitue la variation positive du courant nerveux, décrite et étudiée principalement par Hering (69). L'inten- sité de la variation positive est en rapport avec celle de la variation négative; elle est d'ordinaire moins [grande que cette dernière, mais elle peut lui être égale, et même la dépasser en intensité. Elle présente environ oO à 80 p. 100 de la valeur maximum de la variation négative. Jusqu'à une certaine limite, la variation positive est en rapport avec l'intensité et la durée de l'irritation. Les grenouilles qui ont séjourné longtemps à une température élevée, tout en présentant une variation négative assez considérable, ne donneiît pas de vaiiation positive. Il est donc indispensable de se servir pour ce genre d'expériences de grenouilles tenues au fi^oid. D'après Waller (70), le courant d'action chez la grenouille présente, surtout en été et en automne, les ti^ois stades suivants : 1° forte variation négative avec faible variation positive; 2^ faible variation négative avec forte variation positive; 3" variation positive avec variation consécutive positive ou négative de même intensité. Dans le tétanos et sous l'action de CO- le caractère négatif du courant d'action prévaut. Du Bois-Reymond considérait la variation positive simplement comme l'effet de la diminution de la force électromotrice d'un nerf tétanisé, à la suite de quoi l'aiguille galvanométrique ne revient pas complètement à son état d'équilibre primitif. Cette opi- nion fut combattue par Hering, qui maintient l'existence de la variation positive en rap- port avec l'irritation du nerf. La variation positive du courant nerveux est, comme la variation négative, un phénomène inhérent à l'activité nerveuse, et elle est probablement en corrélation avec les processus restitutifs du nerf, que l'irritation a tiré de son état d'équilibre. Les variations positive et ne'gative sont toutes les deux intimement liées aux échanges physico-chimiques qui sont provoqués par l'excitation, et qui accompagnent les processus de désintégration et réintégration du nerf. D'après les idées théoriques de Hering, dont la base expérimentale se trouve du reste dans ses propres recherches et dans celles de Biederman.n, Head et Gaskell, la variation négative du nerf et du muscle résulte d'un processus de désintégration du tissu neuro-musculaire, tandis que la varia- tion positive est due à un processus de restitution de ce tissu, tous les deux étant l'effet immédiat du processus de l'excitation. La variation négative est donc un phénomène catabolique, tandis que la variation positive est un phénomène anabolique. Toute exci- tation d'intensité suffisante doit produire dans le nerf et dans le muscle, où cet effet est encore plus évident, des actions cataboliques et anaboliques, dont l'effet direct est la variation négative et positive de leur état électrique. Celte hypothèse, qui a du reste une large base expérimentale, peut être appliquée sans que l'on soit obligé d'admettre l'exis- tence de nerfs spéciaux anaboliques et cataboliques, comme le fait Gaskell (42) pour le cœur. Si minimes que soient les échanges d'un nerf en action, il n'en est pas moins vrai que chaque nerf doit présenter des périodes catabolique et anal)olique de son acli- tivité. Le procès anaboliquje est une réaction du nerf contre la désintégration produite par l'action catabolique de l'excilfation, et c'est de ce rapport entre deux états fonction- nels différents que résulte la corrélation entre les variations négative et positive du cou- rant nerveux. L'intensité et la durée de la période de restitution du nerf varient par rap- port à celles de la période de désintégration suivant la vitalité et les aptitudes fonction- nelles du nerf, qui se traduisent par l'intensité et la durée des variations électromotrices du courant nerveux. Si loin que l'on recule les limites de « l'infatigabililé » du nerf (Berns- TEiN, Wedensky), il est certain que ces limites sont plus ou moins restreintes (Herzen) et ELECTRICITE. 345 les lois biologiques générales nous forcent d'admeltre que le nerf, comme toute matière vivante, se fatigue, mais il présente à la fatigue une résistance plus ou moins grande. Or, à ce qu'il paraît, la fatigue du nerf influe d'une manière différente sur les variations négative et positive; la première ne se modifie que très peu sous l'influence delà fatigue, tandis que la dernière diminue à mesure que la fatigue augmente. C'est pourquoi Head (71) considère la variation positive comme l'expression la plus exacte de l'aptitude fonc- tionnelle du nerf; l'épuisement du nerf ne se manifeste pas tant par l'alfaiblissementde sa réaction à l'irritation, que par la diminution de son énergie réparatrice, se traduisant par l'intensité et la durée de la variation positive. L'absence de cette dernière constitue jusqu'à présent le seul moyen qui permette de conclure à la fatigue du nerf, à l'affai- blissement ou à la perte de son pouvoir reconstitutif; de là l'iniportance du rôle biolo- gique de la variation positive du courant nerveux dans l'étude de l'activité des nerfs. V. — Phénomènes électromoteurs secondaires dans le muscle et dans le nerf. — A côté des courants de repos et d'action décrits plus haut, il existe encore d'autres forces éleclromotrices qui se développent pendant le passage d'un courant à travers le muscle et le nerf. Ces forces électromotrices ont été particulièrement étudiées par du Bois-Reymond et décrits par ce dernier sous le nom de phénomènes électromotciws secon- daires. Déjà en 1834, Peltier a démontré que, lorsqu'on fait passer dans un sens donné un courant à travers le muscle pendant un laps de temps plus ou moins long, on voit se produire dans le muscle un autre courant dans un sens opposé. Peltier a expliqué ce curieux phénomène par des processus électrolytiques qui se produisent à la surface de contact des électrodes avec le tissu organique. Du Bois-Reymond (7"2) a repris cette intéres- sante expérience et en a fait l'objet d'une étude spéciale poursuivie avec le soin remar- quable qui caractérise toutes ses recherches. Par une série d'expériences préalables, il a démontré que l'explication de Peltier, si toutefois elle est applicable au cas observé par lui, ne détermine pas la vraie cause de la production du courant secondaire; l'éli- mination des ions y est peut-être pour quelque chose, mais ce n'est pas certainement tout, puisque les forces électromotrices secondaires continuent à se développer après l'ouverture du courant qui traverse le tissu. La force électromotrice secondaire ne peut pas être considérée comme l'effet d'une simple électrolyse et d'une polarisation négative qui en résulte, comme cela a lieu dans plusieurs corps poreux organiques et inorga- niques. Ces corps ne présentent qu'un seul courant de polarisation négative, tandis que les muscles et les nerfs peuvent produire un courant secondaire négatif et positif. En partant de ce point de vue, du Bois-Reymond a entrepris sur les phénomènes électromo- teurs secondaires des muscles et des nerfs de nombreuses recherches, qui présentent un grand intérêt au point de vue de la question qui nous occupe. Nous avons cru utile de décrire ici ces phénomènes dans un chapitre à part et de ne pas les intercaler dans l'exposé général des phénomènes électriques des muscles et des nerfs. Toutefois nous traiterons ici les phénomènes électromoteurs secondaires séparément, dans le muscle d'abord, et dans le nerf ensuite. Les phénomènes électronioteurs secondaires dans le muscle se manifestent par une polarisation négative et positive et sont en rapport avec la densité et la durée d'action du courant polarisateur, c'est-à-dire du courant qui traverse le muscle. La variation négative augmente même proportionnellement à la durée de la fermeture du courant primaiie, tandis que la polarisation positive augmente, rapidement d'abord ettrès lente- ment ensuite. Les polarisations positive et négative peuvent s'observer encore après l'ou- verture du courant pendant plusieurs minutes, jusqu'à 20, et disparaissent avec la mort du muscle; dans un muscle mort on constate encore une polarisation négative plus ou moins faible, mais pas de traces d'une polarisation positive, laquelle est une propriété du muscle vivant. Du Bois-Revmoivd explique tous ces phénomènes dans le sens de sa théo- rie moléculaire. La polarisation interne, positive ou négative, n'est pasl'elTet de nouvelles forces électromotrices, toutes les deux résultent d'une orientation dans un sens ou dans un autre (par rapport à la direction du courant polarisateur) des molécules contenant des forces électromotrices préexistantes. Cette opinion n'est guère partagée par Hering (73) et Hermajjn (74), qui ont institué sur ce sujet nombre d'expériences intéressantes à plusieurs points de vue. Heri.ng a sou- 346 ÉLECTRICITÉ. mis les recherches de du Bois-Keymond à une critique expérimentale rigoureuse, et il arrive à la conclusion que l'on ne peut pas admettre la polarisation interne d'un muscle parcouru par un courant dans le sens que du Bois-Reymond donne à ce phénomène; il s'agit ici, d'après lui, simplement de l'action polaire du courant. Ce sont des phénomènes électromoteurs produits par l'action irritante du courant au point d'application de ses deux pôles, c'est-à-dire à ses points d'entrée (point anodique) et de sortie (point catho- dique) de la substance musculaire; il en résulte une 2)olarisation anodique et cathodique, dont le mode de production s'explique par les processus d'excitation qui ont lieu à la fermeture et à l'ouverture du courant à la cathode et à l'anode. Hermann, tout en confir- mant la majorité des faits trouvés par Hering, invoque encore les phénomènes d'électro- tonus interpolaire pour expliquer la production d'un courant secondaire positif anodique. L'analogie entre les phénomènes électromoteurs secondaires et les processus d'excitation polaire du courant s'affirme, d'après Hermann, encore plus par le fait que l'altération des points anodiques et cathodiques de la substance musculaire empêche en même temps et au même degré la production des polarisations négative et positive ainsi que l'excitation à la fermeture et à l'ouverture du courant polarisateur. Hering croit pouvoir conclure de là que les phénomènes électromoteurs secondaires ne sont autre chose qu'une action polaire du courant et que les polarisations négative et positive sont inti- mement liées à l'intégrité des surfaces anodique et cathodique de la substance muscu- laire. BiEDERMANN partage entièrement la manière de voir de Hering, et il insiste sur le rapport intéressant des phénomènes électromoteurs secondaires avec l'action polaire antagoniste et inhibitrice qui se manifeste sous l'influence du courant constant et qu'il a étudiée avec beaucoup de soin. Au moyen delà contraction musculaire on peut révé- ler des actions antagonistes des muscles en activité : les phénomènes électromoteurs secondaires permettent de déceler le processus inhibitoire des actions antagonistes polaires d'un muscle en repos (Biedermann). Les phénomènes électromotcurs secondaires dans le nerf ne sont pas aussi prononcés que dans le muscle. Aussi leur étude présente-t-elle une certaine difficulté, non seule- ment à cause de la faible déviation galvanométrique qu'ils produisent, mais aussi à cause de l'expansion électrotonique très considérable du courant polarisateur. Malgré ces dif- ficultés, DU Bois-Reymond a pu constater, dans un nerf traversé par ua couran' constant, des forces électromotrices qu'il a attribuées également à une « polarisation interne » dxj, nerf. L'action prolongée d'un courant polarisateur faible peut produire des courants de polarisation négative assez forts, tandis que les phénomènes de polarisation positive de grande intensité s'observent seulement après l'action d'un courant polarisateur rela- tivement fort et de courte durée. Les conditions dans lesquelles se produisent les pola- risations positive et négative sont donc tout à fait différentes et même diamétralement opposées. En général les phénomènes électriques secondaires dans le nerf sont analogues à ceux du muscle, au moins en ce qui concerne leurs caractères essentiels. Seulement, à cause de la très grande expansion extrapolaire du courant polarisateur dans le nerf, il faut prendre en considération la production dans le nerf des courants secondaires extra- polaires à la suite de l'ouverture du circuit. Figk (73) et Hermann (74) ont étudié ce point important de la question des phénomènes électromoteurs secondaires. Figk a constaté que les courants secondaires extrapolaires se développent de chaque côté du courant polarisateur et dans un sens opposé à celui de ce dernier.' D'après Hermann, le cou- rant extra-anodique seul est de sens contraire, tandis que le courant extra-cathodique est du même sens que le courant polarisateur. Il existe donc sans doute un certain rapport entre les phénomènes de polarisation dans le nerf et dans le muscle d'une part, et les effets de l'action polaire du courant, d'autre part. Du reste déjà Peltier et Matteucci (76) avaient essayé d'expliquer l'effet réaclionnel de l'ouverture du courant dans le nerf (secousse à l'ouverture) par le fait de la polarisation négative de ce dernier. Grutzner (77) et Tigerstedt (78) ont repris celte question, et ont cherché, dans cet ordre de faits, à résoudre le problème de la secousse d'ouverture du courant. Ils croient pouvoir admettre que cette secousse est au fond une secousse de fermeture produite par un courant de polarisation négative. Telle est aussi l'opinion de Hoorweg (79), qui considère en général tous les phénomènes produits ELECTRICITE. Ul au moment de l'ouverture du couiaut comme des effets immédiats de la polarisation négative du nerf. Biedermann s'élève contre une pareille généralisation d'un fait : il est probable et même certain, dit-il, que certaines formes de secousse d'ouverture sont pro- duites par le courant de polarisation négative, mais ce n'est pas là le seul mode de pro- duction de secousse d'ouverture, et le courant de démarcation peut y être aussi pour quelque chose peut-être même y joue-t-il un rôle assez considérable. Du reste, Hermann a démontré que l'on obtient des secousses d'ouverture dans des conditions où il ne peut être question de courants de polarisation. Tout cela montre que la nature et l'origine des phénomènes électriques secondaires, aussi bien dans le nerf que dans le muscle sont loin d'être élucidées, et attendent solu- tion définitive de recherches ultérieures. Malgré toute la solidité des faits qui servent de base à la théorie de Hering, il faut croire qu'elle n'est pas la seule à expliquer les phénomènes en question. Quelle que soit la manière d'envisager la nature intime des phénomènes électromoteurs secondaires, il est certain que ces derniers doivent être con- sidérés comme des phénomènes qui accompagnent les processus d'excitation dans le muscle et dans le nerf; ils présentent donc à cet égard une grande analogie avec les courants d'action. VI. — Phénomènes électriques des centres nerveux (courants cérébro- spinaux). — Les centres nerveux présentent, comme le nerf et le muscle, des diffé- rences de potentiel électrique qui, vu leur grande intensité, peuvent être facilement révélées par le galvanomètre. La structure des centres nerveux étant beaucoup plus compliquée que celle des muscles et des nerfs, les courants cérébro-spinaux ne pré- sentent pas dans leur marche et leur développement cette régularité que nous avons vue [dans les courants neuro-musculaires, La répartition des potentiels électriques dans les centres nerveux est très compliquée et plutôt irréguTière. En dérivant au galvano- mètre un courant de deux points de la substance cérébrale ou médullaire, il est impos- sible de préciser à quels éléments proprement dits se rapporte la difTérence de potentiel constatée par le galvanomètre. C'est sans doute à cause de ces diflîcultésque les données relatives aux phénomènes électriques des centres nerveux sont encore peu nombreuses et qu'en général ce domaine de recherches est encore peu exploré. Aussi nous bornerons- nous à rendre compte ici de quelques travaux qui se rapportent à cette question, très insuffisants pour formuler des lois sur les courants cérébro-spinaux, analogues à celles des courants neuro-musculaires. L'effet réactionnel des centres nerveux produit par l'excitation d'un nerf centripète ne peut pas être déterminé avec la précision et la rigueur qui caractérisent la réaction musculaire provoquée par l'excitation d'un nerf centrifuge. Le plus souvent même, la mesure de la réaction centrale d'un nerf sensitif nous échappe complètement, faute de moyens d'investigation suffisants. 11 est en tout cas assez naturel qu'après avoir trouvé dans la variation négative du nerf une mesure exacte de son activité, on ait été tenté de chercher si l'irritation d'un nerf sensitif ne produit pas une variation de l'état électrique de son expansion terminale centrale et de voir si les processus d'excitation de la subs- tance même du cerveau et de la moelle ne sont pas accompagnés de certains phéno- mènes électriques réguliers. Pour la moelle épinière et la moelle allongée, Setchenoff (80) fut, à notre connais- sance, le premier à intercaler cette partie de l'axe céiébro-spinal dans un circuit galva- nométrique. Il a constaté alors des séries irrégulières de variations électriques à la suite de l'irritation du bout central du sciatique; dans certains cas, celle-ci au contraire arrêtait la production de courants électriques dans la moelle allongée. Goxcu et Horsley (46) ont institué sur ce sujet des expériences nombreuses et en ont tiré des conclusions importantes. La force électromotiiee du courant transverso-longitudinal de la moelle épinière est, d'après leurs recherches, chez le chat de 0,032 Daniell, et chez le singe de 0,022; elle varie suivant différentes conditions qui influent sur la vitalité de l'organe ; elle augmente à la suite de l'irritation de la moelle et diminue avec le progrès des alté- rations postmortales, et lorsque la moelle est séparée du cerveau. L'irritation de la cou- ronne rayonnante produit dans la moelle épinière un effet galvanométrique un peu moindre que l'irritation directe de l'écorce cérébrale, mais cet effet est quatre fois plus grand que celui que l'on observe dans le nerf sciatique correspondant. En séparant les 348 ELECTRICITE. deux moitiés de la moelle épinière par une section longitudinale, ou constate que l'irri- tation de l'écorce cérébrale et de la couronne rayonnante provoque des variations élec- triques seulement dans le côté correspondant; pour obtenir un effet galvanoniétrique bilatéral, il faut irriter en même temps le cervelet, les ganglions profonds et l'écorce cérébrale du côté opposé. L'irritation des différents faisceaux de la moelle épinière pro- voque également des phénomènes électroraoteurs, dans lesquels Gotch et Horsley croient avoir trouvé des indices imj)ortants pour la marche et la transmission du processus d'excitation à travers les différentes parties de l'axe médullaire. Ils ont pu constater ainsi que le processus d'excitation provoqué par l'irritation d'un nerf spinal mixte ne se répartit pas d'une façon égale dans les différents faisceaux de la moelle; 82 p. 100 de cette excitation se transmettent au côté homolatéral, et 18 p. 100 vont dans le côté [opposé au nerf irrité. De ces 82 p. 100, la plus grande partie, 73 p. 100,'se propagent dans le faisceau postérieur, tandis que 9 p. 100 parcourent le faisceau latéral; dans le côté contrelatéral de la moelle, 13 p. 100 de l'excitation vont dans le faisceau postérieur, et seulement 3 p. 100 dans le faisceau latéral. Quelle que soit la valeur de ces chiffres, il n'en est pas moins vrai que les recherches de Gotch et Horsley démontrent avec évidence que le pro- cessus d'excitation dans la moelle épinière est accompagné toujours d'une onde électrique, dont la direction et la marche par rapport à celles de l'onde de l'excitation sont encore à déterminer. A ce sujet se rapportent également les récentes recherches de Bernstein (81) sur la variation négative réflexe du courant nerveux. L'irritation d'un nerf centripète aboutit non seulement à un mouvement réflexe, mais aussi à une variation réflexe de l'état élec- trique du nerf centrifuge correspondant. On peut conclure de l'ensemble de ces recherches que l'onde d'excitation produite par l'irritation d'un nerf sensitif est accompagnée sur tout le parcours de l'arc réflexe par une onde électrique. Le cerveau est également le siège de phénomènes électriques qui sont plus ou moins associés aux processus d'excitation qui traversent la masse cérébrale dans différents sens. Caton (82) le premier a institué des recherches sur ce sujet, et ses intéressantes observations doivent être considérées en général comme le premier travail sur les phénomènes électriques dans les centres nerveux. C'est en 1873 qu'il a communiqué les résultats de ses expériences, qui démontrent que l'écorce cérébrale chez le lapin, le chat et le singe présente des différences de potentiel électrique, dont la force électromo- trice varie suivant l'endroit exploré. La surface du cerveau est électro-positive par rapport à sa section verticale, qui est électro-négative. Le couinant dérivé de la surface du cer- veau et de sa section verticale est bien plus considérable que le courant dérivé de deux points de sa surface. Le courant électrique du cerveau présente des oscillations plus ou moins grandes en rapport avec l'état psychique et affectif de l'animal. L'excitation de la rétine par une lumière vive provoque une variation de l'état électriijue dans la partie postérieure et latérale de l'hémisphère cérébral correspondant. L'irritation des lèvres, 0 1 même l'acte de mastication, provoque chez quelques animaux une variation électrique dans la partie de l'écorce cérébrale désignée par Ferrier comme centre moteur de mas- tication. Malgré l'évidence des résultats obtenus, Caton considérait ses recherches comme insuffisantes pour pouvoir en tirer des conclusions générales. Danilewsky (83) a fait sur ce sujet, en 1870, et indépendamment de Caton, quelques expériences semblables qu'il n'a publiées qu'en 1891, et qui lui ont permis d'insister, déjà en 1877, dans sa thèse de doctorat, sur l'importance de l'étude des phénomènes électromoteurs du cerveau pour l'analyse des processus d'excitation qui accompagnent l'activité cérébrale. Les recherches de Danilewsky étaient inconnues, et celles de Caton n'avaient pas at- tiré l'attention des physiologistes, étant même complètement oubliées, lorsque Beck (84) publia son travail, dans lequel il remit la question des phénomènes électromo- teurs du cerveau à l'ordre du jour. Ses recherches ont démontré que le cerveau présente, comme le nerf et le muscle, des différences de potentiel électrique qui accompagnent son activité. L'irritation des nerfs périphériques produit des courants électriques dans les parties du cerveau qui sont en rapport fonctionnel avec ces nerfs, d'où Beck conclut ;'i la possibilité de localiser au moyen de cette méthode difféi'entes fonctions dans l'écorce cérébrale. Dans un travail publié après celui de Beck, mais déposé quelques années aupa- ravant à l'Académie des sciences de Vienne sous pli cacheté, von Fleischl avait relaté des ELECTRICITE. 319 observations semblables se rapportant aux courants cérébraux chez l'homme. Bientôt après, Beck et Cybulski ont publié une nouvelle série de recherches, d'où il résulte que le courant dérivé de deux points de la surface cérébrale présente de grandes oscillations, et une direction indéterminée; celle-ci varie pour les mêmes points dérivés suivant l'individu. D'une manière générale la tension positive prévaut dans le lobe frontal, tan- dis que la tension négative prévaut dans le lobe occipital. Les oscillations du courant ne sont en rapport ni avec le pouls ni avec la respiration, et elles doivent être considé- rées plutôt comme l'effet des variations de l'état d'activité de l'écorce céi^ébrale. L'irri- tation d'un nerf centripète produit dans la partie correspondante du cerveau une varia- tion'négative, qui est l'expression du processus d'excitation provoqué dans le cerveau par l'irritation d'un nerf périphérique. Il résulte de toutes ces expériences que les centres nerveux présentent un courant électrique qui subit pendant leur activité des variations encore mal déterminées. Il est certain que ces variations sont en rapport avec les processus d'excitation de la substance cérébro-spinale; mais, dans l'état actuel de la science, il est encore impossible de préciser la nature de ce rapport, vu la prodigieuse complexité des réactions du cerveau et de la moelle épinière. La solution de ce problème est certainement une des tâches des plus importantes, mais aussi des plus difficiles de la psycho-physiologie générale. VII. — Phénomènes électromoteurs de l'œil (Courants rétiniens). — Da Bois- REYM0>fD indiqua le premier l'existence de forces électromotrices dans l'organe de la vue. Il a constaté en 1849 que le nerf optique des poissons se comporte négativement vis-à-vis de la partie antérieure (la cornée) du globe oculaire. De ce fait il a cru pouvoir conclure à une certaine analogie générale entre le bout naturel du nerf et l'extrémité tendineuse du muscle. Holmgren (86) a conlirmé le fait trouvé par du Bois-Reyuond; mais il a constaté en outre que chez la grenouille le résultat varie suivant que la seconde électrode est appliquée sur les parties antérieure ou postérieure du globe oculaire; dans ce der- nier cas le globe est faiblement négatif par rapport au nerf optique. Il a déterminé d'une façon très précise la répartition des tensions électriques dans le globe oculaire et dans la rétine; celle-ci est à sa surface transversale naturelle (surface choroïdale) négative par rapport à sa surface longitudinale natui^elle (surface interne) qui est positive. Le courant rétinien est donc « pénétrant » ; car il se dirige de dehors en dedans. Kïihne et Steiner (87) ont confirmé l'existence de ce courant, tout en l'interprétant différemment. Holmgren a démontré ce fait intéressant que le courant de repos de la rétine est sujet à des variations de son état électrique sous l'influence de l'excitation lumineuse de l'appareil visuel. Si, après avoir gardé fœil d'une grenouille dans l'obscurité pen- dant un certain laps de temps, on le soumet ensuite à l'action de la lumière plus ou moins intense, on constate une variation positive du courant propre de la rétine. Cette variation de l'état électrique peut être provoquée non seulement par l'action de la lumière sur l'œil gardé préalablement dans l'obscurité, mais aussi par un changement plus ou moins brusque de l'intensité lumineuse dans un sens ou dans l'autre. La varia- tion du courant de repos de la rétine, qui est positive chez la grenouille, est toujours négative chez les reptiles, les oiseaux et les mammifères; chez ces derniers la variation négative provoquée par l'action de la lumière fait place à une variation positive au moment où la lumière succède à l'obscurité. Ces faits ont été confirmés en tous points par Dewar et Kendrick (88), qui ont cherché à déterminer pour la rétine, à l'aide de la méthode des variations photo-électriques, le rapport entre l'irritant et la sensation dans le sens de la loi de Weber-Feghner. Ils ont constaté que la lumière blanche et les lumières colorées excitent la rétine dans l'ordre suivant d'intensité : blanc, jaune, vert, rouge, bleu. Ils ont aussi pu déterminer une variation électrique sur des animaux intacts et sur l'homme, une des électrodes étant posée sur l'œil, et l'autre sur un autre point quelconque du corps; ils estiment la valeur de ces variations à 0,0001 D. Kûhxe et Steiner soutiennent également que la lumière blanche n'est pas la seule qui impres- sionne la rétine au point de vue des phénomènes électromoteurs; ils ont démontré que ceux-ci se produisent aussi à la suite de l'excitation par la lumière colorée (bleue, verte, jaune et rouge), et non seulement dans une rétine qui contient du pourpre, mais aussi dans celle qui en est dépourvue ; la différence dans les deux cas consiste seulement dans l'intensité des phénomènes observés. = 350 ELECTRICITE. Les variations photo-électriques du globe oculaire tout entier diffèrent un peu de celles de la^rétine isolée. Dans le globe oculaire certaines phases de variations sont incomplètes ou font même complètement défaut; ainsi la deuxième phase négative ne paraît pas toujours à la suite d'une excitation lumineuse. Les conditions peu favorables, dans lesquelles se fait la dérivation de différents points de la surface du globe, sont cause de l'irrégularité apparente de ces variations photo-électriques comparativement à celles de la rétine, où la dérivation se fait d'une façon parfaite. Les phénomènes électriques de la rétine varient suivant l'espèce animale : très nets et très réguliers chez les reptiles, les oiseaux (poulet) et les mammifères (lapin et chien), ils le sont bien moins chez les poissons. Holmgren a même nié l'existence de ces phéno- mènes photo-électriques chez ces derniers. Les phénomènes photo-électriques peuvent se produire non seulement à la suite de l'action directe de la lumière sur l'œil exploré, mais aussi par voie réflexe, à la suite de l'action d'un irritant lumineux sur l'autre œil [Engelmann (89)]. Les phénomènes photo-électriques réflexes sont un peu moins pro- noncés que les phénomènes directs et ne présentent pas toutes les phases de varia- tions de ces derniers. La section du nerf optique supprime les variations électriques de l'œil du côté de la section à la suite de l'excitation lumineuse de l'œil du côté opposé. Ce dernier fait parlerait en faveur de l'existence de fibres centrifuges dans le nerf optique, comme l'ont démontré du reste à un autre point de vue Genderen-Stabt (89) et Elinson (90). Pour ce qui concerne la marche des variations photo-électriques, il résulte des recherches de S. Fuchs (91), faites avec la méthode rhéotomique sur l'œil de la grenouille, qu'entre le moment de l'irritation et le début de la variation positive il existe un temps perdu qui peut être évalué de 0",0005 à 0,006. La durée de la variation positive est de 0",007 à 0,0181. La variation négative, dans le cas où elle suit directement l'irritation, présente une période latente de 0",0004 à 0,0064 et une durée de 0",0029 à 0,0105. Tels sont les faits connus sur les phénomènes électromoteurs de l'organe visuel. Vu la structure très compliquée de la rétine et les données incertaines sur son pliotochi- misme, il est encore difficile de déterminer avec précision le siège et l'importance des phénomènes photo-électriques. Il est probable — et cela résul te des nombreuses recherches de KûHNE et Steiner — que les courants rétiniens se produisent surtout, et peut-être exclusivement, dans les éléments épithéliaux delà rétine qui constituent les cellules sen- sorielles de l'organe visuel. Ce sont très probablement les processus photochimiques de ces cellules qui engendrent des phénomènes électriques, dont les phases positive et néga- tive sont en rapport avec l'état catabolique et anabolique de la cellule. Quelle que soit la valeur de cette hypothèse sur l'origine des courants rétiniens, l'existence de ces derniers démontre avec évidence le rôle important que l'étude des phénomènes électromoteurs des organes des sens devrait jouer dans l'analyse objective des sensations. VIII. — Phénomènes électriques de la peau et des glandes (courants cutanés et glandulaires). — La découverte de l'électricité cutanée et glandulaire est due également à DU Bois-Reymond. C'est en poursuivant ses recherches sur les courants électriques des muscles intacts qu'il a constaté une force électromotrice très considérable dans la peau de la grenouille. L'application non simultanée de deux électrodes à la surface cutanée de la grenouille avait toujours pour effet un courant électrique se dirigeant dans la peau de l'électrode appliquée plus tard vers celle qui était appliquée auparavant. L'application simultanée de deux électrodes ne donnait aucun courant. Du Bois-Reymond a constaté en outre un courant électrique très intense entre les surfaces cutanées externe et interne, allant de la première à. la dernière. Ce courant étant plus évident là où la sécrétion des glandes est plus prononcée, il a été très naturel d'admettre qu'il n'est autre chose qu'une manifestation de l'activité glandulaire. Cette idée a trouvé confirmation dans les recherches de Rosenthal (92), qui a prouvé que, dans les glandes cutanées des amphibies, il existe un courant allant de l'orifice au fond de la glande, donc de dehors en dedans. Ayant constaté la même chose dans la muqueuse de l'estomac, il a conclu que toutes ces forces électromotrices constituent une propriété inhérente à la substance glandulaire, comme les courants neuro-musculaires constituent une propriété vitale des nerfs et des muscles. Les faits trouvés par Rosenthal furent également constatés par RoEBER (93), mais leur signification fut fortement discutée par Hermanx et Engelmann ELECTRICITE. 351 (94). Ce dernier attribue aux courants glandulaires une origine myogène. Ce n'est pas l'activité propre des glandes qui produirait ces courants, mais ce sont tout simplement des courants de fibrilles musculaires contractiles qui entourent les glandes extérieurement. D'après Hermanx, ce n'est pas la glande tout entière, mais seulement sa couche épithéliale qui est le siège des forces électromotrices. Il considère, conformément à la théorie d'altération, les processus chimiques qui accompagnent la sécrétion des glandes comme la source unique des courants électriques allant de l'orifice au fond de la glande. 11 s'agi- rait donc ici non pas de l'électricité de la glande, mais plutôt de V électricité de la cellule, d'une propriété générale du protoplasma. Cette manière de voir, àjlaquelle se range éga- lement BiEDERMANN (95), trouve une base solide dans les récentes recherches de E, W. Reid (96), qui a démontré qu'une différence de potentiel électrique existe non seulement dans la couche épithéliale des glandes, mais aussi dans d'autres cellules épithéliales. C'est sur la langue, riche eu glandes, que l'on peut étudier le mieux les courants glan- dulaires. En préparant la langue d'une façon appropriée à ce genre de recherches (Bie- DERMANN, /. c, p. 393), OU cousiate un fort courant allant dans le circuit dérivateur delà face inférieure à la surface supérieure de la langue; c'est un courant « pénétrant » [cins- teigend) àdiWè le sens d'HERiuNN, puisqu'il pénètre par la surface supérieure de la langue riche en cellules épithéliales (l'épithélium des glandes et des papilles) et se dirige vers la face inférieure où se trouvent les culs-de-sac des glandes. Ce courant disparait après la destruclion totale de la couche épithéliale de la surface supérieure; d'autre part, un tronçon de cette couche épithéliale, détaché de la langue et placé sur des élec- trodes impolarisables, accuse également une ditférence de potentiel électrique. Ce fait prouve que, pour la langue, le courant glandulaire de repos résulte avant tout des différences de potentiel de l'épithélium de sa suiface supérieure. L'intensité du courant des glandes de la langue varie suivant l'individualité de la grenouille et suivant son état de nutrition; elle est influencée par la saison et par la température. Sous l'intluence de l'abaissement graduel de la température, le courant peut changer de direction et devenir courant de repos « inversé ». Au lieu d'être « pénétrant » il devient « sortant » et se dirige du fond de la glande vers son orifice. L'intensité du courant inversé peut être assez considérable, et même égale à celle du courant normal. Biedermann a constaté que les préparations fraîches subissent moins facilement l'influence du refroidissement sur la direction de leur courant que les préparations anciennes, dont le pouvoir électromoteur est déjà un peu affaibli. Aussi cette influence s'exerce-t-elle d'une façon plus énergique chez des grenouilles tenues au chaud, que chez celles qui sont tenues au froid, même si leurs forces électromotrices à l'état normal sont égales. La quantité d'eau contenue dans la muqueuse de la langue exerce une influence notable sur la force électromotrice du courant glandulaire; celle-ci est renforcée ou affaiblie suivant que la quantité d'eau dans la muqueuse augmente ou diminue. L'oxy- gène favorise la production [de courants glandulaires ; l'acide carbonique et certains anesthésiques (éther, chloroforme) diminuent sensiblement la force de ces courants (Bie- dermann). Dans la muqueuse du pharynx et dans celle du cloaque, chez la grenouille, il existe également des forces électromotrices considérables qui se comportent vis-à-vis des agents extérieurs, et particulièrement vis-à-vis du froid, de la même manière que celles de la langue. C'est surtout dans la peau des batraciens et des poissons que l'on a constaté des forces électromotrices notables se dirigeant de dehors en dedans, c'est-à-dire de la partie externe à la partie interne de la peau. L'intensité du courant cutané varie suivant la température et le degré de l'humidité de la peau; l'oxygène favorise, l'acide carbonique et les anesthésiques empêchent la production de ce courant. A côté des courants de repos, dont il a été question plus haut, les glandes et la peau présentent aussi des courants d'action qui accompagnent la mise en jeu de l'activité glandulaire sous l'influence des excitations. En irritant une préparation de la langue ou de la peau de grenouille, après avoir dérivé son courant de repos au galvanomètre, on constate une diminution notable du courant « pénétrant » dans le sens d'une variation négative, analogue à celle que nous avons vue dans le nerf et dans le muscle. L'intensité de la variation négative est en rapport avec celle du courant de repos; plus celui-ci est 352 ELECTRICITE. grand, plus la variation négative du courant glandulaire peut être provoquée avec une intensité du courant irritant peu considérable (Biedermann). Le courant « inversé », c'est-à-dire « sortant », provoqué par l'action du froid sur la surface épithéliale, présente aussi une variation négative qui est cependant bien moins grande que celle du courant normal « pénétrant » et nécessite une force d'irritation plus grande. La variation néga- tive des courants glandulaires et cutanés présente une période latente (Engelmann), dont la durée est en rapport inverse avec l'intensité de l'irritalion. En irritant un tronçon de glande, on observe non seulement une variation négative, mais aussi une variation posi- tive : celle-ci est même parfois plus prononcée que la première. Dans certains cas, notamment dans le cas où l'irritation a lieu par l'intermédiaire du nerf, la variation posi- tive se produit seule, sans être précédée d'une variation négative [Hermann (97), Bach et OEhler (98)]. Les courants d'action se produisent non seulement à la suite de l'irritation directe de la surface glandulaire, mais aussi à la suite de l'irritation indirecte par l'intermédiaire de son nerf. Hermann et Luchsinger (99) ont constaté que l'irritalion d'un nerf sécrétoire provoque non seulement une sécrétion de la glande, mais aussi un courant électrique d'un sens déterminé : ainsi, en irritant le nerf sciatique et en dérivant les coussinets des pattes d'un chat au galvanomètre, ils ont vu que chaque sécrétion abondante de sueur à la surface de ces coussinets est accompagnée d'un courant électrique cutané allant de dehors en dedans. Après l'injection d'atropine, qui supprime l'action des nerfs sécrétoires, il n'y a ni sécrétion sudorale ni courant électrique. Cela prouve que la variation de l'état élec- trique, provoquée par l'irritation directe ou indirecte du nerf, est un phénomène lié à l'activité des glandes. Ce rapport entre la variation électrique et l'activité de la glande a été confirmé aussi sur d'autres glandes. Les recherches de Bayliss et Bradford, de Biedermann et Bohlen sont très instructives à cet égard. Bayliss et Bradford (100) ont démontré que la glande sous-maxillaire produit un courant dirigé de dehors en dedans : la surface de la glande est donc ne'gative par rapport au hile. L'intensité et la direction de ce courant varient suivant l'animal et l'état fonctionnel de la glande. L'irritation de la corde du tympan provoque dans la glande sous-maxillaire, après une courte période latente, une variation négative de son état électrique. L'irritalion du sympathique cervical produit après une période latente plus longue une variation positive du courant de repos. Il existe un certain rapport entre l'apparition de l'une ou de l'autre phase de la variation électrique et des propriétés différentes de la sécrétion de la glande. Bradford croit même à l'existence d'un rapport causal entre ces deux phases et la production de diffé- rentes parties constitutives de la salive : une des phases correspond à la formation des parties organiques, tandis que la phase la plus forte, qui va dans un sens opposé, est en rapport avec la production de la partie liquide de la sécrétion glandulaire. Les recherches de Biedermann (95) sur les forces éleclroinotrices des glandes muqueuses uni- et multi- cellulaires chez des animaux inférieurs prêtent un appui à cette manière de voir qui ressort surtout des expériences de Boiilen (101) faites au laboratoire et sous la direction (le Biedermann. Il résulte de ces recherches que le courant normal de repos de la muqueuse stomacale est également « pénétrant » chez les animaux à sang froid et à sang chaud, il se dirige du dehors en dedans et présente une intensité assez considérable qui paraît être plus grande chez les animaux nourris que chez ceux qui sont à jeun. D'une manière générale les processus de digestion diminuent plutôt la force électromotrice du cou- rant « pénétrant ». L'incitation du pneumogastrique provoque chez la grenouille seule- ment une variation positive peu prononcée du courant pénétrant: celle-ci varie suivant différentes circonstances, mais n'atteint jamais une grande intensité. Chez les mammi- fères (lapin, cobaye et rat blanc), la variation positive est également faible; mais elle est suivie d'une variation négative qui est très forte et peut même dépasser en intensité le courant primaire; ce dernier peut devenir un courant « inversé ». L'anémie produite par la compression de l'aorte diminue sensiblement l'intensité du courant; mais celui-ci aug- mente de nouveau à mesure que le sang afflue à la surface stomacale. La dyspnée provo- quée par la section des deux pneumogastriques produit une variation négative, suivie, après quelques secondes, d'une variation positive du courant de repos. Les variations de la pression sanguine exercent également une influence notable sur le courant électrique ÉLECTRICITÉ. 353 de la muqueuse stomacale; celui-ci subit une augmentation considérable sous l'influence de la pléthore liydrémique produite par l'injection d'une solution chloruro-sodique. L'action de différents poisons (pilocarpine, nitrite d'amyle, chloral, curare) est analogue ;\ celle de l'irritation du pneumogastrique. En général, toutes les conditions qui favo- risent la sécrétion de la surface muqueuse de l'estomac augmentent considérablement la force électromotrice de son courant normal pénétrant. Cela prouve que les phéno- mènes électromoteurs de l'estomac dépendent, sinon complètemeni, du moins en très grande partie, de la fonction sécrétoire de l'estomac, et qu'ils se trouvent ainsi en rap- port avec l'activité des cellules épithéliales de la surface muqueuse. Il s'agit donc dans ce cas également d'un courant de la cellule, dont l'activité provoque une variation de son état électrique. Chez l'homme, l'innervation centrale paraît, d'après les recherches de Tarchanoff (102), exercer une certaine influence sur les courants cutanés, lesquels sont très nets, surtout aux endroits où les glandes sudoripares abondent, et peu prononcés aux régions où ces glandes se trouvent en petite quantité. Toute activité psychique, depuis une simple sen- sation jusqu'aux fonctions les plus compliquées de la volonté et de l'intellect, provoque une variation positive du courant cutané normal. Ce fait prouverait que la sécrétion sudorale accompagne la fonction psychique chez l'homme comme les autres fonctions organiques et qu'elle est influencée par elle, ce qui a été démontré déjà d'une façon plus directe par les expériences de Veyrich. Le fait important qui se dégage de ces expé- riences est le rapport entre la grande intensité du courant cutané et l'abondance des glandes sudoripares à certaines régions de la peau, ce qui plaiderait e'galement en faveur de l'origine glandulaire des courants cutanés chez l'homme. Tous ces faits permettent de conclure que l'activité des glandes de la peau et des muqueuses est accompagnée d'une production de forces électromotrices. A ce point de vue, comme sous d'autres rappoi'ts ejicore, le tissu glandulaire se rapproche beaucoup du tissu musculaire; et il existe entre les deux une certaine corrélation physiologique. Comme dans le muscle, on distingue aussi dans la glande un état de repos et un état d'activité : comme le muscle, la glande passe également à l'état d'action sous l'influence d'une irritation nerveuse, et ses états de repos et d'activité sont accompagnés d'un cou- rant de repos et d'action. Ces difTérences de potentiel électrique sont sans doute liées aux échanges chimiques qui ont lieu dans les cellules de la glande. Mais, si dans le muscle il est déjà bien difficile .de déterminer rigoureusement le passage de l'état de repos à l'état d'activité et de différencier ainsi le courant de repos du courant d'action, cette distinction devient encore plus difficile pour la glande. Dans les éléments glandulaires le chimisme a lieu d'une façon continue; l'excitation directe ou indirecte ne fait que modifier. sa quantité et sa qualité. Ce sont justement ces variations du chimisme glandu- laire qui font varier le sens et l'intensité des courants électriques des glandes. Ces cou- rants doivent être considérés comme l'expression du processus d'excitation des éléments glandulaires, lequel, à lui seul, peut suffire pour produire le phénomène électromoteur sans que la sécrétion liquide de la glande ait lieu. Une force d'excitation insuffisante pour produire une sécrétion peut cependant provoquer un processus d'excitation abou- tissant à une variation de l'état électrique de la glande. IX, Phénomènes électriques chez l'homme. — Deux expériences dominent l'étude des phénomènes électromoteurs chez l'homme : celle de du Bois-Reymond relative à la variation négative de la contraction volontaire du muscle, et celle d'HKRMANN sur le cou- rant d'action diphasique de la contraction musculaire tétanique provoquée par l'irritation du nerf. Si l'on ne se rapportait qu'à ces deux expériences faites avec toute la rigueur des méthodes électrophysiologiques, l'exposé des phénomènes électromoteurs chez l'homme serait peut-être mieux à sa place dans le chapitre traitant les courants du muscle en action. Mais, à côté des phénomènes nets et précis, démontrés par ces deux expériences, il existe encore dans l'organisme de l'homme des tensions électriques, encore peu con- nues et mal déterminées, mais méritant néanmoins une mention. C'est pourquoi nous avons cru devoir réunir dans ce chapitre spécial tous les documents concernant l'élec- tricité organique chez l'homme. Il était tout naturel que du Rois-Reymond, après avoir prouvé d'une façon aussi écla- tante l'existence de phénomènes électriques dans les muscles des animaux, ait été tenté DICT. UE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 23 354 ELECTRICITE. de rechercher les mêmes phénomènes dans les muscles de l'homme. Aussi n'a-t.-il pas tardé à instituer sur ce sujet des expériences auxquelles il a appliqué la même préci- sion et la même clairvoyance que dans ses études sur les animaux. Malgré tous ses eiforts, il n'a pu, à travers la peau couvrant le muscle déceler, un courant musculaire, ni chez l'homme ni chez les animaux intacts. Il est vrai qu'au cours de ses expériences il a découvert les phénomènes d'électricité cutanée, lesquels sont devenus les points de départ des nombreux travaux sur les courants glandulaires, dont il a été question plus haut. Ce sont ces courants, facilement dérivés au galvanomètre, qui deviennent une cause d'erreur considérable dans la détermination des phénomènes électriques d'un muscle à travers son tégument cutané. Si DU Bois-Reymond a échoué dans sa tentative de déterminer à travers la peau le courant de repos du muscle intact, il a pleinement réussi à déterminer chez l'homme le phénomène électrique qui accompagne l'activité musculaire. Cette célèbre expérience, qui démontre dans le sens de la théorie de du Bois-Reymond l'existence de la variation négative du courant préexistant du muscle chez l'homme, a provoqué autant d'admiration que de discussions; et ces discussions sont encore aujour- d'hui loin d'être closes. La fig. 185 indique la manière dont se fait cette expérience : On plonge un ou plusieurs doigts de chaque main (le mieux l'indicateur) dans deux vases rhéophores communiquant avec le galvanomètre; on observe en général alors une déviation très légère de l'aiguille à la suite de l'inégalité de contact des doigts plongés avec le liquide des vases, peut-être même à la suite de certains courants cutanés ou musculaires. Lorsque, après avoir compensé ces courants accidentels, et après avoir ramené l'aiguille à zéro, on contracte fortement les muscles de l'un des bras, on con- state dans le galvanomètre une déviation de l'aiguille dans le sens du bras relâché vers le bras contracté. Cette dérivation indique la production d'un courant ascendant, qui se dirige de la main vers l'épaule, et dont la force électromotrice a été évaluée par Hermann à 0,0014 — 0,0023 Dan. Lorsque les muscles de l'autre bras se contractent, le courant est de sens inverse. On peut également dériver au galvanomètre les deux pieds, et en faisant contracter fortement une des jambes, on observe une déviation de l'aiguille gal- vanoraétrique plus ou moins considérable. L'effet est bien plus grand, si l'on fait con- tracter le même bras à plusieurs personnes placées en chaîne, de façon que chaque per- sonne plonge le doigt correspondant à celui de son voisin dans le même vase rhéophore placé entre deux personnes. On obtient ainsi une vraie pile électrique à la suite de la contraction volontaire collective. Du Bois-Reymond considérait ce phénomène comme une variation négative du courant de repos accompagnant la contraction volontaire du muscle, chez l'homme, et il croyait avoir prouvé ainsi l'existence de phénomènes électro- moteurs chez l'homme pendant l'activité de ses muscles. Cette manière de voir parais- sait d'autant plus probable, qu'il avait constaté que la jambe du lapin, contrairement à ce qui se passe chez la grenouille, présente également des variations de potentiel élec- Irique dans le sens d'un courant de repos descendant et d'une variation négative ascendante. Cette expéxùence a provoqué de nombreuses discussions, et l'interprétation du phéno- mène de du Bois-Reymond a été l'objet de critiques plus ou moins sévères. L'Académie des sciences de Paris a institué une commission spéciale pour la soumettre à une épreuve expérimentale. C'est alors que Becquerel père a émis des doutes sur l'existence d'un rapport direct entre les phénomènes électriques et la contraction volontaire des muscles, et qu'il a attribué la production d'électricité à la sécrétion sudorale du doigt provoquée par la contraction tétanique du bi'as. Pour répondre à cette objection, du Bois-Reymo.\d a fait l'expérience suivante : après avoir enveloppé une main dans un tissu imperméable et après y avoir provoqué ainsi une transpiration abondante, il a placé les deux mains dans le circuit galvanométrique; il a pu alors s'assurer que la main couverte de sueur était par rapport à l'autre non pas négative, comme le croyait Becquerel, mais au con- raire positive. Le courant était donc ascendant, non pas dans le bras soumis à l'expé- rience comme dans la contraction volontaire, mais dans l'autre bras indifférent. Hermann a repris plus tard l'idée de Becquerel et cru avoir définitivement prouvé que dans l'expérience de du Bois-Reymond il ne s'agit nullement de courants muscu- laires, mais exclusivement de courants cutanés provoqués par la sécrétion sudorale ELECTRICITE. 335 qui accompagne la contraction tétanique volontaire. A notre avis celte question est loin d'tHre résolue. Il est possible, et môme probable, que pendant chaque mouvement volon- taire une sorte de de'rivation de l'innervation centrale impressionne également la fonc- tion sudorale de la peau et produise des courants cutanés ascendants, mais il n'est nul- lement prouvé que ce courant soit le seul qui accompagne la contraction volontaire du muscle. Jusqu'à preuve du contraire — preuve strictement expérimentale et nullement hypothétique, — il faut admettre que les phénomènes électromoteurs qui accompagnent le mouvement volontaire chez l'homme sont dus principalement aux courants muscu-, laires, et peut-être aussi en partie aux courants cutanés. Certains faits d'ordre de physiologie pathologique paraissent être très instructifs à cet égard. Nous croyons devoir les citer ici, car il n'est pas douteux qu'un grand nombre de faits biologiques observés chez l'animal au moyen de la vivisection et dans des condi- tions expérimentales artificielles ne peuvent être étudiés chez l'homme que dans le cas où le processus morbide produit des altérations semblables à celles qui sont provoquées chez l'animal par l'expérience physiologique. Il résulte de recherches que j'ai faites il y a plus de dix ans et qui ont été communiquées en partie au Congrès international des Électriciens à Paris, en 1889 et en partie à l'Académie de médecine de Paris en 1899 (103), que le phénomène de contraction volontaii'e de du Boîs-Reymond se modifie sous l'influence des processus pathologiques chez l'homme. Dans tous les cas oi!i l'impuis- sance motrice est accompagnée d'une atrophie musculaire, on observe une diminution notable de l'intensité du courant produit par le mouvement volontaire du bras malade. Si l'on a l'occasion de suivre pas à pas l'évolution de la maladie, on peut constater que, à mesure que l'atrophie gagne les muscles du membre malade, le courant élec- trique produit par le mouvement volontaire de ce membre perd de plus en plus de son intensité. Qu'il s'agisse ici d'une manifestation électrique du muscle malade et non pas exclusivement des courants cutanés, cela ressort des observations faites sur deux per- sonnes atteintes ^d'ichtyose congénitale des bras et d'une grande partie du corps. Chez ces malades, la peau était absolument sèche et dépourvue de toute sécrétion sudorale; en tout cas cette dernière était réduite au minimum. Or la contraction du bras malade était toujours accompagnée d'un courant électrique assez considérable et ne différant guère comme intensité du même phénomène chez l'individu sain. Chez des malades, dont les bras sont atteints d'hypersécrétion sudorale, mais dont les muscles sont indemnes, le courant électrique produit par la contraction musculaire présente la même intensité que sur un bras normal. Ces faits prouvent que les manifestations morbides exercent une influence évidente sur les phénomènes électriques de l'organisme humain, et plaident en faveur de l'origine musculaire de ces phénomènes. Il serait difficile d'expli- quer autrement le courant électrique produit par la contraction d'un bras privé de sa sécrétion sudorale, à moins que l'on n'admette que le processus d'innervation des glandes sudorales, insuffisant pour aboutir à une sécrétion évidente, suffise pour produire des phénomènes électriques. Ce ne serait qu'une hypothèse de plus qui, sans résoudre la question, la compliquerait davantage. Hermanx a étudié à l'aide d'une méthode spéciale les variations électriques des cou- rants musculaires chez l'homme. La contraction volontaire n'ayant fourni enti^e ses mains que des résultats peu prononcés et irréguliers, il provoqua les contractions mus- culaires de l'avant-bras en excitant électriquement le plexus brachial. Deux électrodes en fil roulé et trempé dans une solution de sulfate de zinc entouraient en forme de bracelet l'avant-bras dans son tiers supérieur (l'équateur) et dans son tiers infé- rieur, et communiquaient avec le galvanomètre. Herman\ a pu ainsi déterminer rhéoto- miquement les courants d'action phasiques chez l'homme. Il résulte de ses très ingénieuses recherches que la contraction de la masse musculaire de l'avant-bras, provoquée par une irritation électrique, indirecte ou même directe, est accompagnée d'un courant d'action diphasique dont la première phase est descendante (atterminale), tandis que la seconde est ascendante (abterminale). Dans la partie supérieure de l'avant-bras on observe éga- lement une phase atterminale suivie d'une phase abterminale du courant d'action; seule- ment, dans ce cas, la première est ascendante et la seconde est descendante, contrairepient à ce que l'on observe dans le courant d'action de la partie inférieure de l'avant-bras. Dans l'un et dans l'autre cas, les phases sont égales, d'où Hermann conclut à l'absence d'un 356 ÉLECTRICITÉ. décrément de l'onde d'exciLation dans un muscle normal. La niélhode rhéotachygra- phiqiie, créée par Hermann, permet d'enregistrer graphiquement les courants d'action diphasiques de l'avant-bras chez l'homme [Matthias (104)]. Grâce aux recherches de Wallep, on sait maintenant que le cœur de l'homme présente également un courant d'action diphasique accompagnant ou précédant chaque systole cardiaque (voy. article Coeur de ce Dictionnaire, iv, p. 247). Le fait qui nous intéresse ici particulièrement et qui résulte de ces recherches est que les vaiiations clectromotrices du cœur sont accompagnées par des changements de tension électrique dans tout le corps. Si, dit Waller, on pose les électrodes du galvanomètre sur deux points a et b (voy. l. c, lig. 70) situés de deux côtés de l'équateur, par exemple l'une dans la bouche et l'Autre dans la main gauche, on verra le mercure de l'électromètre exécuter des pulsations synchroniques avec celles du cœur; si l'on prend la deuxième électrode dans la main droite, on ne voit rien du tout. Gela prouve que l'activité du cœur produit dans le reste du corps une répartition particulière de potentiel électrique : la moitié gauche du thorax et le membre supérieur gauche deviennent négatifs, pendant que la moitié droite du thorax, le membre supérieur droit et la tête de deux côtés deviennent positifs. Les mêmes modifications ne se produisent pas chez les animaux, dont le cœur, au lieu d'être placé obliquement comme chez l'homme, occupe une situation verticale médiane. Dans un cas de transposition des viscères, Waller a constaté une disposition des potentiels inverse à celle qu'on trouve chez l'homme à l'état normal. Ces recherches sont extrê- mement intéressantes. Non seulement elles indiquent une disposition régulière des différences de potentiel électrique dans le corps humain, mais aussi elles démontrent avec évidence l'existence d'un certain rapport entre les variations électromotrices du corps humain et l'activité d'un organe aussi important que le cœur. Ce rapport électro- physiologique n'est peut-être pas le seul dans l'organisme de l'homme. Il est problable qu'avec le perfectionnement des méthodes d'investigation, les recherches ultérieures détermineront encore d'autres corrélations entre la tension électrique du corps humain et la fonction de ses différents organes plus ou moins importants. La surface du corps humain présente des potentiels électriques, dont la répartition en vertu de [la loi de surfaces électromotrices d'HELMuoLTz correspond probablement à des forces électromotrices qui se trouvent à l'intérieur de l'organisme. Ce point d'électricité animale est encore très peu étudié. On sait seulement, d'après les recherches de Meissner (105) et Stein (106), que la surface cutanée de l'homme présente une tension électrique positive, et que celle-ci peut atteindre dans certains cas et chez certaines personnes une intensité très considérable. Ce fait est corroboré par des observations nombreuses faites sur des personnes électriques. Depuis bien longtemps on cite des cas de personnes dont la peau donne lieu à des étincelles provenant de la tension électrique de leur peau. Un temps d'oi^age, un climat chaud et sec, et surtout la sécheresse de la peau, favorisent la pro- duction de ce phénomène, dont le mécanisme est loin d'être connu. 11 est possible qu'à côté de la nature physiologique du phénomène les causes physiques Jouent aussi un certain rôle dans sa production. Dans certaines conditions le corps peut devenir mauvais conducteur de l'électricité et emmagasiner toute celle que pioduiscnt le frottement des vêtements et diverses autres causes, et devenir à un moment donné capable de produire des étincelles comme une véritable machine électrique. Du reste des phénomènes ana- logues s'observent aussi chez certains animaux, dont les poils donnent parfois lieu à un dégagement d'électricité; ainsi on les observe très bien chez le chat lorsqu'on passe à rebrousse-poil la main sèche sur son dos. A ces faits se rattachent également les récentes expériences d'ExNER sur les propriétés électriques des poils et des plumes. Ses recherches démontrent que pendant le vol des oiseaux les plumes se chargent d'électricité positive par rapport à celle de l'air qui est négative. X. Poissons électriques. — La décharge des poissons électriques constitue certaine- ment le phénomène le plus frappant, et peut-être aussi le plus important, de l'électricité animale. Aussi avons-nous cru utile de consacrer à ce sujet un article spécial, quoique l'exposé des phénomènes observés chez les poissons électriques dût se trouver plutôt à côté de celui d'autres phénomènes d'électricité animale, dont la décharge électrique des poissons fait partie intégrante. (Voy. plus loin, p. 3GG.) XI. Théories de rélectricitè animale. Considérations générales. — Toute ÉLECTRICITÉ, 357 théorie de réloclricité animale [doit, avant tout, résoudio la question de savoir si l'énergie électrique iirécxiste dans l'organisme animal, ou bien i*i elle n'est que le pro- duit fonctionnel des tissus et des organes, un épiphénomène de leur activité. C'est ce problème qui divise les électro-physiologistes en deux canlps, et, sans être définitivement résolu, il est devenu le point de départ de deux théories, qui dominent actuellement l'étude d'électricité animale : la théorie moléculaire de du Bois-Heymond et la théorie de l'altération d'HERMANN. La première a pour base le principe de la préexistence des phénomènes électriques dans l'organisme et les explique par une disposition et orientation spéciale des molé- cules; c'est la théorie j^hijsique de l'électricité animale. La seconde rejette ce principe et explique les manifestations électriques de l'organisme vivant par des changements chi- miques qui ont lieu dans les tissus et dans les organes pendant leur activité; c'est la théorie chimique de l'électricité animale. Les deux théories ont été émises pour expli- quer les phénomènes électriques dans le muscle et ont été généralisées ensuite pour le nerf et d'autres tissus et organes. Nous allons les exposer brièvement; car leur connais- sance est indispensable pour bien comprendre les faits décrits plus haut. I. Théorie moléculaire de du Bois-Reymond. — Le point fondamental de cette théorie est, comme nous venons de le dire, la préexistence des phénomènes électromoteurs dans l'organisme animal, et son point de départ est dans les faits établis par du Bois-Reymond, qui prouvent l'existence aux surfaces du muscle et du nerf d'une disposition absolument régulière des tensions électriques, dont il résulte un courant déterminé à l'état de repos, ainsi qu'une variation négative, avec des courants électrotoniques, à l'état d'activité. C'est dans ces faits qu'a pris naissance la conception hypothétique de du Bois-Hfamond sur la constitution moléculaire du muscle et son analogie avec l'aimant. Du Bois-Heymond se trouvait évidemment sous la domination des idées d'AMPP:RE, qui venait alors de donner une solution brillante à la question du rapport entre l'action de l'aimant et les phénomènes électrodynamiques. L'analogie entre l'action de l'aimant et celle des forces électromotrices du muscle et du nerf sur l'aiguille galvanométrique devait forcément frapper l'esprit perspicace et logique de du Bois-Revmo.n'd. Cette analogie paraissait d'au- tant plus probable que, dans le muscle, comme dans l'aimant, les fragments dé('oupés présentent la môme répartition de potentiels électriques que le muscle tout entier. Comme, dans l'hypothèse d'AMPÈUE, l'aimant est composé d'un grand nombre de molé- cules, dont chacune forme séparément un aimant complet avec ses deux pôles, du Bois- Reymond admet également, pour le muscle et le nerf, que chaque fibre musculaire ou nerveuse est constituée par une infinité de petits éléments électromoteurs, mo/écw/es péri- polaires, avec une zone équatoriale positive et deux zones polaires négatives. Rosentfial (108), dans la dernière édition de sa Physiologie générale des muscles et des nerfs, trouve avec raison le mot « molécule » impropre, car il ne correspond guère à la conception nette et précise que l'on se fait de ce mot en chimie. La molécule électromusculaire et .électronerveuse de du Bois-Reymond n'est pas une molécule chimique dans le sens strict du mot. C'est plutôt une agrégation de plusieurs molécules chimiques unies d'une cer- taine façon. Aussi Rosenthal propose-t-il — et nous adhérons complètement à sa ma- nière de voir — de remplacer dans la théorie moléculaire le mot « molécule » par des expressions plus appropriées : myomère et neuromére, qui repi'ésenteraient ainsi les plus petites particules intégrantes des muscles et des nerfs. Chacune de ces particules est composée de nombreuses molécules d'une constitution chimique différente et est douée de propriétés électromotrices déterminées. Cette conception concorde très bien avec les données histologiques actuelles sur la structure du muscle, mais il n'en est pas ainsi pour le nerf, dont la structure ne prête aucun appui à la conception d'un nerf constitué par des particules infiniment petites et homogènes. La neuromére est donc une conception hypothétique au point de vue anatomique, mais au point de vue physiologique elle pré- sente une unité qui permet d'envisager à un point de vue uniforme la vibration nerveuse et les phénomènes électriques des nerfs. Nous adoptons donc dans notre exposé les déno- minations de myomère et de neuromére, proposées par Rosenthal, à la place de molécule, qui nous paraît impropre pour désigner l'élément électromoteur des fibres nerveuse et musculaire. On peut de cette façon se représenter histologiquement chaque fibre musculaire 358 ELECTRICITE. comme une rangée de petites particules, dont chacune présente une unité histologique et électrophysiologique avec une disposition de tensions électriques pareille à celle du muscle tout entier. Ce dernier n'est du reste qu'un fais- ceau de fibres semblables, comme de son côté chacune de celles-ci est un amas de myoraères disposées régu- lièrement, comme on le voit sur la figure suivante (fig. 186). Puisque chaque myomère (molécule de du Bois- Reymond) possède la même répartition de potentiels électriques que le muscle tout entier, il faut admettre que la surface transversale de la myomère est négative relativement à sa surface longitudinale. Toutes les myomères sont disposées de telle sorte que la somme de leurs surfaces longitudinales fait la surface longitu- dinale totale de la fibre musculaire et par conséquent du muscle tout entier; de même la section transversale du muscle est la résultante de la somme des surfaces transversales de toutes les myomères. Cela explique la négativité de la section transversale par rapport à la Fig. 186. — Repré.scntatiou schéma- positivité de la surface longitudinale. Il en résulte des tique d'une portion de libre muscu- (.Q^j-^nts dout la direction est indiquée sur la figure 187. laire (a après Rosenthal). ^ ° Cette figure représente schématiquement ia disposi- tion des myomères et la répartition des tensions électriques dans un prisme musculaire régulier, dont chaque fragment se comporte du reste comme le prisme total. Dans le cas où le prisme n'est pas régulier et que la section transversale, au lieu d'être perpendiculaire à la surface longitudinale, prend une direction oblique à cette dernière, les myomères sont juxtaposées les unes au-dessus des autres en forme de marches d'escalier, et donnent des courants partiels, dont la somme produit le courant total du muscle et rend l'angle obtus plus positif que l'angle aigu. Cette disposition est indiquée sur la figure suivante (fig. 188). C'est ainsi que du Bois-Reymond explique les courants de repos daus les muscles préparés et pourvus d'une section transversale arti- ficielle. La chose n'est pas aussi simple, lorsqu'il s'agit des courants dans un muscle normal, intact, dont l'e.xtrémité tendineuse (surface transversale naturelle) présente non seulement une négativité bien moindre que celle de la section transversale artificielle, mais souvent elle ne présente aucune ten- sion électrique, ou bien elle est positive par rapport à la surface longitudinale, en donnant ainsi un courant renversé. Pour expliquer ce phénomène, du Bois-Reymond invoque l'hypothèse d'ane parélectronomie du muscle, dont la raison d'être et l'idée sont empruntées à l'hypothèse des physiciens sur l'existence des aimants moléculaires dans un morceau de fer non magnétique. En vertu de cette hypothèse, l'extrémité tendineuse du muscle présente une couche parélectronomique, dans laquelle se trouve une rangée de molécules dipolaires, lesquelles, au lieu d'être dirigées, comme d'ordinaire, avec le pôle négatif tourné vers la surface transversale, se tournent vers le tendon avec leur pôle posi- tif, comme si la moitié externe manquait à la première paire de molécules. On peut se repré- senter ainsi plusieurs rangées de molécules disposées de cette façon, ce qui formerait dans le muscle une couche parélectronomique plus ou moins épaisse. Avec cette disposition par- ticulière de molécules, il est facile de comprendre non seulement la positivité de l'extré- mité tendineuse du muscle normal, mais aussi l'absence du courant dans ce dernier. Fig. 187. — Schéma des courants électriques dans un groupe de myomères (d'après Rosenthal). Fig. 188. — Schéma d'une section oblique d'un groupe de rayornères (d'après Rosenthal). ÉLECTRICITÉ. 359 La variation négative du muscle s'explique dans la théorie moléculaire par la dimi- nution de la force électromotrice des molécules dipolaii-es (myomères) ou bien par leur arrangement spécial, qui a lieu à la suite de l'excitation et produit un afl'aiblissement du courant de repos. Les phénomènes électroioniques s'expliquent également par un arrangement spécial des molécules sous forme de pile. L'explication donnée par la théorie moléculaire aux phénomènes électriques des muscles s'applique en tous points aux mêmes phénomènes observés dans le nerf à l'état de repos et d'action. D'après cette hypothèse, le nerf est également constitué par des molécules électriques péripolaires (neuromères), dont l'arrangement diffère suivant l'état de repos ou d'activité. Tout récemment, J. Rosenthal (108), qui, malgr^l'orientation différente de l'électro- physiologie moderne, est resté toujours partisan des idées de du Bois-Reymond, a formulé la théorie moléculaire d'une manière plus conforme à l'état actuel de la science. Plus réservé dans les hypothèses, il affirme néanmoins la validité de cette théorie, malgré loutes les attaques qui out été dirigées contre elle. L'hypothèse du mouvement rota- toire des molécules dipolaires autour de leur axe explique certainement tous les phé- nomènes observés conformément aux principes de la physique, mais elle manque de base physiologique. Aussi, dans l'exposé de Rosenthal, n'est-il plus question de la rotation des molécules autour de leur axe; il ne reste de toute la théorie moléculaire que le fait fondamental établissant : a) que les phénomènes électriques du muscle et du nerf peuvent être ramenés à des phénomènes analogues dans leurs éléments constitu- tifs (myomères et neuromères), et 6) que les manifestations électriques ont toujours lieu à l'état de repos, même dans le cas où ^il [ne peut être décelé à la suirface du tissu aucune dilTérence de potentiel. Le principe de la préexistence du courant électrique reste donc intact dans la forme que donne Rosenthal à la théorie moléculaire, théorie qui devrait à notre avis se nommer plutôt théorie physique de l'électricité animale. II. Théorie de l'altération d'HERiiANN. — Les faits suivants établis par Hermann servent de base à cette théorie : 1" Toute partie lésée d'un muscle ou d'un nerf devient électro-négative par rapport à la partie non lésée, ce qui produit un courant dit « courant de repos ». La section trans- versale est une « injure » portée au tissu organique et amène la désorganisation et la mortification des substances nerveuse et musculaire. Les forces électromotrices se déve- loppent aux régions de séparation entre la substance altérée et le tissu intact, qui sont une surface de démarcation; le courant qui s'y développe est un courant de démarcation, il se dirige de la partie lésée vers la partie non lésée et n\i rien à faire avec le courant soi-disant préexistant. 11 est l'effet direct de la lésion et ne s'observe pas sur un muscle ou un nerf intacts. Les surfaces d'un muscle et d'un nerf normal et non lésé sont iso-élec- triques et ne présentent aucun courant. Le courant de repos est un courant artificiel cor- rélatif à la désorganisation chimique de la surface de section transversale lésée. 2" Toute partie excitée du muscle ou du nerf devient électro-négative par rapport à la partie non excitée; il résulte de là un courant d'action (variation négative de du Bois- Reymond) qui se dirige du point excité vers le point au repos et accompagne l'activité nerveuse et musculaire. La négativité du point excité est fonction de l'intensité de l'exci- tation, de sorte que deux points excités par des irritants d'intensité inégale donnent un courant d'action qui va du point fortement excité (plus négatif) au point faiblement excité (moins négatif). Les courants_d'action présentent, d'après Hermann, les modalités suivantes : a) Courants d'actions phasiqucs, dus à ce que l'excitation provoquée par une irritation unique n'atteint pas les deux points dérivés simultanément, mais bien à des phases diffé- rentes. Le courant d'action du muscle intact présente toujours deux phases, dont la première s'éloigne du point irrité, la seconde s'y dirige; il en résulte, dans le cas d'irri- tation indirecte, une direction abnervale et abterminale pour la première phase et une direction adnervale et atterminalepour la seconde. Dans le muscle séparé de l'organisme la seconde phase est plus faible que la première. Si le second point dérivé se trouve être à la section transversale artificielle, la seconde phase fait défaut. b) Courants d'action tétaniques, décrémentiels, dus à la diminution (décrément) de l'onde d'excitation le long d'un muscle excité et détaché du corps; il se dirige du point 360 ÉLECTRICITÉ. dérivé plus rapproché de l'endroit irrité (ou de l'équateur nerveux) vers le point dérivé plus éloigné de ce dernier. Dans le cas où le second point dérivé se trouve sur la section transversale artiticielle et où la seconde phase de l'onde électrique n'apparaît pas, on a tout simplement affaire à la variation négative du courant transverso-longitudinal (cou- rant de compensalion). Dans le nuiscle intact et irrité en sa totalité la différence de phases et le décrément font défaut; il n'y a pas dans ce cas de courant d'action. Le cou- rant décrémentiel ne s'observe pas dans un muscle tout à fait normal et se produit sur- tout sous l'influence de la fatigue et dans les conditions de la diminution de l'excitabi- lité musculaire. 3° Les courants électrotoniques ne sont pas de nature physiologique, et présentent un phénomène physique dû à la polarisation interne du nerf; ce phénomène peut être reproduit facilement sur un nerf schématique artificiel (noyau conducteur composé d'un i]\ métallique entoui'é d'une mince couche liquide). Tels sont les faits sur lesquels s'appuie la théorie de l'altération, et dont il a été nécessaire de donner ici un résumé succinct, afin de bien se rendre compte de la valeur et de l'importance de cette théorie. Le principe général consiste en ceci, que toute ma- tière vivante répond aux influences destructives ou excitantes par une réaction électro- motrice, qui rend la partie atteinte éleclronégative par rapport à la partie saine et au repos. Le tissu sain et intact ne présenterait donc aucune différence de potentiel élec- trique : sa surface serait iso-électrique. Telle est la loi fondamentale de la théorie de l'altération, dont la conséquence la plus directe est que les manifestations électriques sont liées à la constitution chimique du tissu nerveux et musculaire et résultent des réac- tions chimiques qui s'y produisent pendant l'activité; les forces électromotrices des muscles et des nerfs ?ie préexistent pas : elles constituent le produit toujours nouveau des échanges chimiques provoqués par l'excitation. On voit donc que la théorie de l'altération est édifiée sur les décombres de la théorie de DU Bois-Reymond, qu'HERMANN croit avoir réduite en poussière. D'après Herman.n, la théorie moléculaire est insoutenable et pèche par la base, puisqu'elle admet la préexis- tence des courants électriques de repos, alors que ceux-ci ne sont que l'effet artificiel des altérations du tissu vivant. En est-il vraiment ainsi? C'est à quoi nous tâcherons de répondre en discutant les arguments mis en avant par ces deux théories. Toutes les deux se basent sur des faits à peu près identiques et absolument exacts; elles ne divergent que dans les conclusions qu'elles en tirent et dans la manière dont elles interprètent ces faits; elles ne diffèrent qu'en matière d'hypothèses. Aucune de ces deux théories n'explique tous les faits, et toutes les deux — qui ne sont au fond elles-mêmes que des hypothèses — sont obligées d'avoir recours dans certains cas à des hypothèses auxiliaires. Pour ce qui concerne la théorie de l'altération, déjà, a priori, il est difficile d'admettre un rapport intime entre le processus chimique de l'activité du nerf et du muscle et ses forces électromotrices. Nous ne connaissons pas en chimie de processus qui s' efl'ec tuerait dans le muscle avec une rapidité égale à celle du processus physiologique. Un muscle ou un nerf peuvent passer de l'état de repos à l'état d'action, et réciproquement, plusieurs centaines de fois par seconde. Or il est parfaitement démontré, par le fait du tétanos secondaire, que chaque passage du muscle à l'état d'activité est accompagné de phéno- mènes électriques, mais, d'autre part, ce qui n'est pas du tout démontré, c'est que des processus chimiques instantanés aient lieu. Dans l'état actuel de nos connaissances chi- miques, il est très difficile, sinon impossible, de nous représenter la désagrégation et la synthèse des éléments constitutifs du muscle, se reproduisant 500 ou GOO fois par seconde, et donnant lieu chaque fois à des manifestations électriques. 11 est peut-être plus facile de se représenter ces dernières comme résultat d'un mouvement moléculaire des plus petites particules, ainsi que l'indique la théorie de du Bois-Reymond. La conception de l'origine et de la nature chimique des phénomènes électriques des nerfs et des muscles est donc purement hypothétique. Nous ne voulons pas dire parla que les processus chimiques ne prennent aucune part à la production de f énergie élec- trique dans l'organisme. Il est possible, il est même probable qu'il se fait des réactions chimi(iues au moment où se dégage l'électricité des tissus, mais nous ne savons rien de la manière dont ces échanges s'effectuent, et, vu l'insuffisance de nos connaissances sur ce ELECTRICITE. 36t sujet, nous ne pouvons pas expliquer le développement de forces électi'iques dans l'orga- nisme uniquement par des réactions chimiques inconnues. L'hypothèse du mouvement moléculaire s'explique mieux et d'une façon plus complète. D'après la théorie de l'altération, c'est la désorganisation chimique de la surface lésée (section transversale) qui produit la négativité; il en résulte un courant, qui se dirige de la partie mortifiée (négative) vers la partie vivante, intacte (positive). Rosenthal (/. c.) dit avec raison « qu'on peut sans doute se représenter la chose de cette manière; mais il ne s'ensuit guère que l'on doit envisager la chose de celte façon, de sorte que toute autre conception, également conforme aux faits, sera considérée comme fausse ». Que la mortification de la substance lésée du muscle s'accompagne de processus chimiques analogues à ceux de la rigidité cadavérique, cela résulte déjà du fait démontré par DU Bois-Reymond, que la réaction de la substance musculaii^e en état de mort accuse une réaction acide, contrairement à la réaction neutre ou faiblement alcaline du muscle vivant. Mais il ne résulte guère de là qu'il existe entre la couche morte et la couche saine du tissu musculaire une différence de potentiel électrique que l'on peut identifier avec le courant transverso-longitudinal du muscle. Ce point n'est nullement démontré et il doit être considéré chez Hermann plutôt comme un effet de raisonnement, et une consé- quence logique d'une série de faits plus ou moins démontrés (Rose.nthal). Si à la rigueur la réaction chimique du muscle mortifié peut servir de point d'appui à la théorie de l'altération de sa surface lésée, il n'en est pas de même pour ce qui concerne le nerf, dont nous ne connaissons ni la réaction chimique ni en général les processus chimiques qui ont lieu pendant son activité. L'idée la plus répandue en ph^'siologie est même celle de l'absence presque complète de tout processus chimique dans un nerf aclif, ce qui explique son infatigabilité très grande. 11 est donc évident que le principe de la négativité de la surface transversale lésée, considérée comme source du courant transverso-longi- tudinal, est également basé sur des hypothèses peu fondées; il n'explique guère la nalure de ce courant, et il n'est pas suffisant pour mettre complètement en brèche la théorie moléculaire, dont certains arguments sont plus démonstratifs. L'explication donnée par la théorie de l'altération aux courants électrotoniques n'est pas satisfaisante non plus, et manque de caractère général. Il a été dit déjà plus haut que, d'après cette théorie, les courants électrotoniques ne sont pas des manifestations physiologiques, mais lout simplement des phénomènes physiques dus à la polarisation interne du nerf au point de limite entre le névrilemme et la fibre nerveuse, ou entre la myéline et le cylindre-axe. Or certaines expériences de Biederuanx, faites sur des nerfs dépourvus de myéline, parlent au contraire en faveur de l'existence d'un électrotonus physiologique à côté d'un autre qui serait de nature physique. L'action des anesthésiques sur les phénomènes électrotoniques prouve également le caractère physiologique de ces phénomènes (Biederman.n, Waller). Quant à la reproduction de phénomènes électro- toniques sur [un nerf artificiel (Hermann, Boruttau et autres), elle ne prouve guère que les choses se passent de même dans un nerf normal vivant. Les phénomènes vitaux reproduits sur des organes schématiques ont certainement quelque importance pour l'analyse subtile de ces phénomènes, mais il faut bien se garder d'en conclure à la nature de ces phénomènes. Nous avons cité plus haut l'opinion de Biedermann sur ce sujet. Et cependant Biedermann ne peut pas, à en juger d'après son remarquable ouvrage sur l'électrophysiologie, être accusé d'indifférence à l'égard de la théorie de l'altération! Il résulte de là que la théorie de l'altération est loin d'être assise sur des bases aussi solides et inattaquables que le croient ses adeptes, qui sont nombreux. Et cepen- dant cette théorie est actuellement la plus répandue en électrophysiologie. Pour établir un parallèle entre la théorie de du Bois-Beymond et celle d'HERMANN, nous ne pouvons mieux faire que de citer textuellement les paroles de Rosenthal : « L'hypothèse molécu- laire renonce d'avance à déterminer la cause des manifestations électriques dans les muscles et dans les nerfs. Elle considère celles-ci comme pi'éexistantes et les place dans les plus petite.s particules constitutives du muscle et du nerf, particules auxquelles on peut attribuer les propriétés du muscle ou du nerf entier. La théorie de l'altération cherche au contraire à déterminer la cause des phénomènes électriques. Elle se fonde à cet effet sur certains faits démontrés (réaction acide du muscle mortifié, etc.), mais elle les admet pourtant encore comme positifs, même quand ils ne se produisent pas. En 365 ELECTRICITE. résumé, il me semble que le zèle avec lequel les adeptes de la théorie de l'altération luttent pour cette dernière et contre la théorie moléculaire ne correspond nullement au résultat obtenu pour l'entendement vrai du phénomène. » Nous partageons complète- ment l'opinion de Rosenthal, qui maintient sa manière de voir, malgré la réplique que Hermann lui a adressée tout récemment. En effet, la théorie de l'altération ne réalise nul- lement les avantages qu'elle refuse à la théorie moléculaire. Nous ne voyons non plus en quoi consiste la simplicité qu'on lui attribue et en quoi la théorie moléculaire est plus compliquée. Au contraire, il nous semble qu'en admettant le principe de la préexistence de l'énergie électrique dans l'organisme animal, comme le fait du Bois-Reymond, o)i sim- plifie beaucoup, de sorte que l'hypothèse basée sur ce principe est certainement plus claire et plus générale. Du reste, la théorie moléculaire pourrait parfaitement être appli- quée, même si, en rejetant le principe de la préexistence, on considérait l'absence de courants dans le tissu intact comme une chose absolument démontrée, ce qui n'est pas le cas. Si l'on ne peut envisager l'électricité animale d'une façon absolument certaine comme une forme spéciale et préexsistante de l'énergie potentielle de l'organisme, il serait pru- dent au moins de considérer, en l'état actuel de la science, la question de préexistence de forces électromotrices cJcez Vanimal comme non résolue. Il serait superllu d'énumérer ici tous les arguments mis en avant par du Bois-Reymo^'d pour défendre sa théorie contre les critiques d'HERMANN et de son école. Malgré la vio- lence de ces attaques, dirigées de main de maître, plusieurs de ces arguments nous semblent rester encore parfaitement debout et prêtent encore aujourd'hui un appui solide à la théorie moléculaire. Celle-ci n'appartient pas encore à l'histoire; elle peut revivre d'un moment à l'autre, sous une forme plus conforme aux nouvelles données de la science, et nous considérons la forme atténuée, qui lui est donnée par Rosenthal, comme un pas en avant dans le progrès de la question. Comme il a été dit plus haut, la théorie moléculaire n'exclut nullement le rôle possible d'un processus chimique dans la genèse de l'électricité animale: elle n'est donc pas contraire au fond réel de la théorie de l'altération envisagée comme théorie chimique, elle est seulement en désaccord avec certains de ses principes. Du reste les deux théories ont leurs bons et leurs mauvais côté; elles expliquent certains faits et n'en expliquent pas d'autres. Aussi faudrait-il chercher à établir des points de contact entre elles et non pas à détruire l'une par l'autre ; telle devait être la tâche principale des recherches ultérieures sur cette question. Ajoutons, ne fût-ce qu'à titre d'intérêt historique, que la théorie de l'altération n'est au fond qu'une reprise des idées émises par Matteucci. En 1856, il avait remarqué qu'il se produit à la suite de l'excitation un courant comjilètement indépendant du courant de repos, et que cette variation électrique peut même présenter une grande intensité dans les cas où le courant de repos est faible ou n'existe pas. La nature physique des phénomènes électrotoniques fut également soupçonnée pour la première fois par Mat- teucci, qui observa ces phénomènes en 1863 sur des fils de platine entourés d'une gaîne poreuse humide. Les faits, énoncés par cet excellent observateur sous une forme un peu confuse, ont acquis entre les mains d'HERMANN la netteté et la précision qui caracté- risent toutes ses recherches. Il est également intéressant de savoir que la théorie de l'altération a reçu un grand développement, grâce aux travaux d'ENCELMANN, Bering et Biedermaxx. C'est surtout Hering (61) qui a contribué à la l'endre populaire; il a non seulement fourni des faits expérimentaux à l'appui, mais il a encore émis des idées qui tendent à la modifier avantageusement. D'après Herl\g, tout phénomène électrique est produit par une modi- fication chimique du tissu s'effectuant dans deux sens : modification descendante ou pro- cessus de désassimilation, et modification ascendante ou processus d'assimilation. L'équilibre « autonome » de la matière vivante peut être troublé (allonomie) [de deux façons, suivant que prévaut le processus de désassimilation ou celui d'assimilation. Le point qui est le siège de ces modifications devient dans le premier cas négatif, et dans le second positif. C'est une hypothèse de plus, très ingénieuse sans doute, à laquelle se rapporte également l'objection adressée par nous plus haut à la théorie de l'altération, à savoir, qu'eu l'état actuel de la chimie nous ne connaissons pas les processus chi- miques l'apides qui accompagnent le passage instantané du muscle et du nerf de l'état de repos à l'état d'activité. ELECTRICITE. 363 A côté de ces deux théories, il en existe une troisirme qui attribue les manifestations de l'électricité animale aux phénomènes électrocapillaires des tissus. Celte théorie, conçue par Becquerel, est actuellement soutenue et développée par d'ARsoNVAt, dont les expériences ingénieuses donnent à cette théorie une base expérimentale. 4° Théorie électrocapillaire de Becquerel-d'Arsonval. — Le point de dé{)art de la héorie de Becquerel (MO) est qu'il a cru avoir démontré qu'il existe dans l'organisme de nombreux couples électrocapillaires, qui donnent naissance à des courants électriques dans les tissus vivants. Chaque couple est constitué dans l'organisme par deux liquides différents, séparés par une fente capillaire ou par une membrane organique; la paroi qui est en contact avec le liquide est négative; la paroi opposée, positive. Becquerel explique par ces actions chimiques non seulement les courants nerveux et musculaire, mais aussi tous les phénomènes intimes qui ont lieu dans les tissus et dans les vaisseaux capillaires. Pourtant les faits qui servent de base à cette théorie ne sont guère conformes aux données actuelles de la science. La théorie électrocapillaire de d'Arso.wal (Ml) est basée sur un principe physique difiérent et rigoureusement démontré par les belles expériences de Lippmann, relatives aux phénomènes électrocapillaires dus aux variations de la tension superficielle. Il résulte de ces expériences que l'augmentation des surfaces de séparation de l'eau acidulée et du mercure produit une différence de potentiel électrique de sens déterminé. Ce fait, démontré pour le cas de l'eau et du mercure, fut généralisé par d'Arsoxval à tous les corps, semi-liquides et non miscibles; il suffit de mettre ces corps en contact et de former mécaniquement des surfaces de séparation, pour que celles-ci deviennent le siège de forces électromotrices. Là-dessus d'Arso.wal a construit une hypothèse d'après laciuelle la modification de la surface de séparation des disques clairs et sombres, dont est con- stitué le muscle pendant sa contraction, engendre une différence de potentiel_^électrique, qui n'est autre que la variation négative du muscle en action. On peut facilement reproduire ce phénomène sur le muscle schématique artificiel que d'Arsoxval a construit à cet effet, en divisant un tube de caoutchouc en plusieurs loges séparées par des cloisons poreuses et en mettant dans chacune d'elles une couche de mercure surmontée d'une couche d'eau acidulée. En allongeant et en raccourcissant ce tube, on modifie la surface de contact des cloisons avec le liquide et l'on obtient ainsi des courants électriques faciles à dériver au galvanomètre. En répondant à une objec- tion qui lui a été faite, relative au désaccord de sa théorie avec les données nouvelles sur la structure de la fibre .musculaire, d'Arsonval prétend que peu importe comment sont disposées les substances; il suffit qu'il y en ait au moins deux dissemblables pour que les conditions physiques du phénomène soient réalisées. Du reste, il applique sa théorie, non seulement à la fibre striée, mais aussi à la fibre lisse et à la fibre nerveuse, ainsi qu'à tout élément protoplasmique quelconque. Toute cellule ou tout protoplasma qui se con- tracte (se déforme) devient négatif par rapport au milieu qui l'environne. Il suffit que la défor- mation soit moléculaire, c'est-à-dire ne s'accompagnant d'aucun déplacement visible, pour que la production de l'électricité ait lieu. Ce phénomène est général, et doit être constaté partout 011 se trouvent un élément protoplasmique et un milieu liquide ou semi-fluide. Tels sont les points principaux de la théorie électrocapillaire de h'Arsonval, qui a le mérite d'être simple et de reposer sur des faits physiques précis et parfaitement démontrés. 5° Plusieurs autres théories ont encore été émises sur l'origine des phénomènes électriques dans le tissu vivant, mais aucune d'elles n'a pu réaliser les conditions néces- saires pour expliquer tous les phénomènes observés. Actuellement elles présentent un intérêt seulement historique, et c'est à ce titre que nous les citons. La théorie chimique de LiEBiG (112) attribuait les phénomènes électriques du muscle à la réaction dilférente du sang (alcalin) et du suc musculaire (acide). Ranke (1 13) considère les molécules de du Bois-ReymOiND comme des combinaisons alcali-acides qui engendrent des courants élec- triques dans l'organisme. Gruenhagen (114), en se basant sur certaines expériences faites avec des cylindres poreux, a émis une théorie d'après laquelle les courants mus- culaires et nerveux résulteraient d'une action électromotrice réciproque entre la fibrille du muscle ou le cylindre-axe du nerf et le liquide nutritif qui les entoure. On voit que l'hy- pothèse physico-chimique joue le rôle principal dans ces trois théories. Elles n'ont du reste nullement contribué au progrès de la science. 364 ÉLECTRICITÉ. Toutes les théories expose'es plus haut, quoique déterminant plus ou moins bien le siège, l'origine et la nature des phénomènes de l'électricité animale, ne donnent nulle- ment la solution définitive du problème final relatif au rôle que ces forces électromotrices jouent dans l'organisme. Cette question est pour le moment encore du domaine de l'in- coimu. Ce que nous pouvons affirmer aujourd'hui avec certitude, c'est que les mani- festations électriques observées dans les tissus animaux sont des 'phénomènes vitaux intimement liés à la vie de ces tissus. Il n'est pas douteux non plus que les variations de l'état électrique des nerfs et des muscles en action sont des phénomènes physiologiques corrélatifs à l'activité de ces tissus. La variation négative est non seulement en rapport avec le processus de l'excitation qui la provoque, mais il est probable qu'elle prend elle- même une large part à ce processus. Certains phénomènes, tels que l'auto-excitation du nerf et du muscle et la secousse secondaire, sont très instructifs à cet égard. Nous ne sommes pas à même de déterminer le rapport entre les phénomènes électriques du nerf et le processus nerveux lui-même, comme nous ne pouvons préciser la répartition des potentiels électriques par rapport au fonctionnement des neurones; mais ce que nous savons avec une certitude absolue, c'est que les phénomènes électriques font par- tie intégrante de la vie de l'élément nerveux. Cela est vrai non seulement du tissu nerveux, mais de tout autre tissu et élément cellulaire de l'organisme, dont l'activité est accompagnée du développement de forces éleclromotrices. L'énergie électrique, avec toutes les autres énergies potentielles de l'organisme, contribue à entretenir la vie de l'individu et la vitalité de ses organes et tissus. C'est là un fait général qui domine les lois biologiques des êtres organisés. XII. Bibliographie. — Pour ne pas donner toute la bibliographie concernant l'électricité animale, nous nous bornons à ne citer que les noms des auteurs et des ouvrages se rapportant diiectement à l'article précédent. Dans la plupart de ces travaux on trouvera des notions bibliographiques complémentaires. La bibliographie est très complète dans E. du Bois-Reymond. Untersuchungen iiber thierische Electricltdt, 1848, i et H, et dans W. Biedermann. ElectroplLysiologie, 4895. 4. Galvani. De viribiis clectricUatis in motu tmisculari'commentarius, Bologna, 1791 et Modena, 1792, con note ed una dmertazione del prof. G. Aldini : De animalis electricse théorise; — DeWiiso et deïïattimta dell'arco conduttore nelle contrazioni deimuscoli, Bologna, 1794; — Supplernento, Bologna, 1794. — 2. Volta. Électricité dite animale (A. C, 1797- 1799. Collezione del opère, Firenze). — 3. Humboldt (A. v.). Expériences sur le galvanisme, 1799. — 4. Matteucci. 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Les notions anatomiques de Redi ont servi à Borelli (1685) de point de départ pour la théorie mécanique de la décharge, de la torpille, théorie qui fut admise partous lesiiaturatisteset a régné dans la science jusqu'à la moitié du xvni'' siècle. La découverte de la bouteille de Leyde (1745) tenta l'esprit des savants à admettre vuie analogie entre les différentes actions intenses et instantanées des phénomènes vitaux et la décharge électrique en général. C'est un botaniste Michel Adanson (1) (1751) qui attira le premier l'attention sur la nature électrique de l'action de certains poissons, dont il considérait la décharge comme identique à celle de la bouteille de Leyde. Cette ana- logie lui paraissait d'autant plus probable, que les deux espèces de décharge pouvaient être transmises à distance par l'intermédiaire de fils métalliques, bons conducteurs de l'électricité. Williamson, en 1773, a démontré que la décharge des poissons électriques peut se transmettre à travers plusieurs personnes placées en chaîne l'une à côté de l'autre. La nature électrique des décharges de poissons paraissait alors être déjà définitivement prouvée, et Walsh (1775) considérait même le muscle faloit'orme décrit par Redi comme ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 367 siège probable des appareils électriques produisant la décharge sous l'influence de la volonté de l'animal. Les recherches de Cavendish (1776) marquent un progrès impor- tant dans l'étude de cette question. Il est parvenu, non seulement à reproduire les décharges électriques des poissons dans une préparation artificielle schématique ima- ginée par lui, mais il a été le premier à déterminer la répartition des tensions électriques dans l'eau qui entoure l'animal et a prouvé que la main plongée dans cette eau sans toucher le poisson peut être atteinte par la décharge, à la condition qu'elle soit placée dans les lignes de tension électrique de l'animal. Ces lignes présentent une tension d'autant plus grande que l'ion est plus proche du poisson. Aussi est-ce dans sa proximité la plus immédiate que la décharge dans l'eau est le plus fortement ressentie. Les recher- ches de Cavendish ont eu une grande importance, non seulement pour la conception delà nature électrique de la décharge des poissons, mais aussi pour les idées générales de l'époque relatives à l'analogie de l'agent nerveux avec le fluide électrique. Les mémorables recherches de Galvani et de Volta n'ont pas eu pour la question l'importance que l'on pouvait espérer d'une découverte aussi considéi-able que celle de l'électricité dynamique. Les travaux du commencement du siècle (Volta .[Humboldt, Valen- TiN, Davy et Faraday) n'ont pas rendu la question plus claire et n'ont guère contribué à la connaissance de la nature de la décharge des poissons. Quelques physiciens ont même émis des doutes sur l'identité de l'électricité des poissons avec l'électricité ordinaire. En tous cas Faraday n'a pas pu retrouver chez le Gj/mnolc de l'Amérique du Sud les huit actions qu'il considérait comme signes indispensablesde toute énergie électrli[ue. En réalité, c'est à DU Bois-Reymond que revient le grand mérite d'avoir mis quelque clarté dans cette étude des poissons électriques et d'avoir créé à cet effet des méthodes très précises, grâce aux- quelles des recherches, poursuivies systématiquement, ont permis de pénétrer dans la nature intime de la décharge des poissons électriques. Les travaux de du Bois-Reymond, de Matteucgi, d'ARiiANo Moueau, de Marky, de Sachs, de Gotch, et d'autres ont amené la question au point où elle est actuellement. Structure de l'appareil électrique. — Nous n'entrerons pas ici dans les détails anatomiques de la structure de l'organe électrique des poissons; on trouvera tous ces détails dans un résumé excellent fait par Biedermann {Electrophysiologie, p. 751), ainsi que dans les travaux spéciaux de du Bois-Reymond (2), de Friisch (3), de Savi (4), de Ch. Robin {"j), de Ranv]er(6), de Kôlliker(7), de Sachs (8), de Babuchix (9), de Boll (10), de CiAGcio (11), d'EwALD (12), de Krause (13), d'EwART (14), d'Exr.EuiANN (lo), de Ballo- wiTz (16), de Muskens (17), Ivanzoff (18), d'OcxEFF (19) et d'autres. Pour bien comprendre tout ce qui va être dit plus loin sur l'action physiologique des poissons électriques, il est cependant nécessaire de se rendre compte, ne fût-ce que d'une manière générale, de la structure de leur appareil électrique. Aussi croyons-nous utile de résumer ici ces notions anatomiques, très brièvement du reste, en renvoyant pour plus de détails aux travaux des auteurs précités. Parmi les poissons doués de propriétés électriques la Torpdie [Torpédo], le Gymnote [Gymnotus electricus) et le Silure [Malapterwus electricus) présentent les actions électro- motrices les plus remarquables : aussi ont-ils servi plus que d'autres espèces d'objet d'étude spéciale sur le mécanisme de l'électrogenèse chez les êtres vivants. Les diverses espèces du genre Torpédo {T. ûsculala, nobiiiana, marmorata) sont 'les poissons marins qui se trouvent dans la Méditerranée et dans l'océan Atlantique; le Gymnote est un poisson d'eau douce vivant dans les rivières de l'iimérique du Sud : le Silure se rencontre dans le Nil et au Sénégal. Les Raies [Raja) et les Mormyres {Mormyrm electricus) présentent moins d'intérêt au point de vue de leurs manifestations électriques. Tous ces poissons possèdent des organes électriques dilTérenciés qui sont le siège des. forces électromotrices que le poisson dégage sous forme de décharge, La structure de ces organes a un très grand intérêt non seulement au point de vue morphologique, mais aussi au point de vue physiologique. Elle est le mieux étudiée chez la Torpille, dont l'organe présente des rapports anatomiques bien plus simples que ceux d'autres pois- sons électriques. Aussi nous occuperons-nous ici spécialement delà structure de l'organe électrique de la torpille, lequel peut être considéré comme le prototype de tous les autres organes semblables, dont la structure ne varie que par certains détails de moindre importance. 368 ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). L'organe électrique de la torpille a une forme semi-lunaire : il occupe presque toute l'épaisseur du corps de l'animal, de sorte qu'en haut et en bas, sur ses faces dorsale et ventrale, il n'est recouvert que par la peau ou du tissu cellulaire. Il est très volumi- neux, et il s'étend de la cage cartilagineuse des branchies à la nageoire latérale : il occupe ainsi tout l'espace compris entre la partie frontale de la tète et la partie abdominale. L'organe électrique est double, disposé symétriquement de chaque côté de la colonne vertébrale : il présente un poids très considérable, surtout par rapport au poids total do l'animal. Ce rapport varie suivant différents auteurs et présente une valeur de 1/6 d'après de Sandis (20) et de 1/3,85 d'après Steiner (21). D'autre part, les recherches de Weyl (22) ont démontré que la valeur du poids relatif de l'organe électrique est incon- stante et varie (entre 3 et 6) suivant l'individu; elle diminue chez la femelle pendant la gestation. Chaque organe est constitué par un certain nombre de cloisons prismatiques alvéo- laires renfermant une substance gélatineuse presque diffluente. Ces prismes hexagonaux, très serrés les uns contre les autres, se trouvent aussi bien à la face dorsale qu'à la face ventrale de l'organe : ils sont divisés transversalement par des plaques minces alter- nantes avec la substance gélatineuse. Ces plaques sont rangées les unes à côté des autres, ou bien elles sont superposées comme les rondelles de la pile à colonne de Volta. Ce sont ces plaques qui engendrent des forces électromotiices, sous l'influence du système nerveux. Chaque organe électrique est relié par l'intermédiaire de cinq nerfs très volu- mineux aux renflements encéphaliques très gros qu'on appelle lobes électriques, et qui sont situés en arrière du cerveau. Ces nerfs traversent les cloisons des branchies et se divisent en une multitude de filaments qui se ramifient en beaucoup de divisions et se terminent sur la face ventrale de l'organe, soit par des renflements, soit par des anas- tomoses ou des herborisations, sous forme d'une plaque qui rappelle quelque peu les ramifications des cylindres-axe dans la plaque motrice du muscle strié (Ranvier, /. c). A proprement parler, on ne connaît pas encore au juste les dernières terminaisons du cylindre-axe dans l'organe électrique, et cela nous entraînerait trop loin de discuter ici toutes les hypothèses émises sur cette question et plus ou moins vraisemblables. Le nombre de prismes dans un organe électrique est de 500 environ; il augmente avec l'âge et les dimensions de l'animal et varie non seulement suivant l'individu, mais aussi suivant l'organe électrique chez le même individu. L'organe du côté gauche renferme souvent quelques prismes de plus que l'organe droit et dans le même organe le nombre de prismes dans la partie ventrale dépasse de 4 à 38 celui de la partie dorsale (oa Bois- Reymond). D'après Delle Chiaje (23) et Babuchin (l. c), le nombre de prismes ne varie pas, et reste constant dans un organe électrique qui a atteint son développement com- plet. C'est sur ce fait qu'est basé le principe de la préformation des éléments électriques, auquel du Bois-Reymond a attribué un certain rôle dans l'étude de l'électricité animale, principe contesté par quelques autres observateurs. L'appareil électrique des autres poissons est, quant à sa structure intime, assez ana- logue à celui de la torpille; il en diffère comme disposition et comme forme. Tandis que chez la torpille l'organe est aplati et les plaques sont horizontales, chez le gym- note et chez le silure l'organe électrique est très allongé et les prismes sont longitudi- naux. Chez les raies, l'organe est également allongé, fusiforme et situé à la partie cau- dale de chaque côté de la colonne vertébrale (Robin)). Tous ces organes sont doués de propriétés électriques plus ou moins'pronoucées. La nature pseudo-électrique des organes chez certains poissons, est fortement contestée par Robin et Babuchin, qui ont reconnu dans ces organes les mêmes propriétés électriques que dans l'organe de la torpille. 11 est important de savoir que, d'après les recherches embryologiques récentes, les "organes électriques se développent comme les muscles, et que la plaque électrique n'est au fond que le reste d'une fibre musculaire. A une certaine période de la vie embryon- naire, on peut trouver à la place de cette plaque des fibres musculaires qui se métamor- phosent à mesure que le développement de l'organe avance. L'organe électrique se développe aux dépens soit d'une seule fibre musculaire, comme chez la torpille, soit de plusieurs fibres, comme chez le Mormyrus oxyrhynchns. Dans le premier cas, la fibre perd sa striation; dans le second, les fibres restent striées, tout en perdant complètement leur coutractiUté (Babuchin). L'analogie morphologique entre le muscle et l'organe élec- ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 369 trique est, donc très grande, et c'est avec raison que l'on considère cet organe comme un muaele transformé. Conditions physiologiques de la décharge. — Les phénomènes électromoteurs des poissons électriques peuvent être révélés non seulement parles moyens et procédés physiques qui servent à déceler les courants électriques des nerfs et des muscles, mais aussi par les sensations subjectives de Texpérimentateur. L'action physiologique de ces poissons est très puissante et se manifeste par des décharges parfois fort douloureuses pour le corps humain qui se trouve en contact direct ou indirect avec le poisson. Pour que la décharge se fasse bien sentir, il est indispensable que le corps humain commu- nique avec le poisson par l'intermédiaire d'un conducteur l'par exemple l'eau), dont la résistance est à peu près égale à celle des tissus organiques et que le corps soit placé dans les lignes de tension électrique qui entourent le poisson. D'après Faraday, la répar- tition de potentiel autour de l'animal est telle que toute partie du corps étranger atteinte par la décharge ne reçoit de celle-ci qu'une quantité à peu près proportionnelle à la grandeur de la partie atteinte. Si le conducteur présente une très faible résistance par rapport au milieu liquide où se trouve le poisson, par exemple s'il s'agit d'un con- ducteur mécanique, on peut n'obtenir aucun eifet, ou bien seulement de très faibles dérivations du courant de la décharge (Humboldt, Gay-Lussac). L'effet de la décharge varie suivant la position de l'expérimentateur et suivant les différents poissons. Chez la torpille, le maximum d'etTet est obtenu lorsque la partie du corps humain est placée dans le circuit de toutes les colonnes de prismes. Comme ces prismes présentent chez ce poisson une direction perpendiculaire à l'axe du corps, la dérivation la plus favorable est donc celle qui va des points situés dans la partie supé- rieure (dorsale) aux points situés dans la partie inférieure (ventrale) de la torpille. Chez le gymnote et le silure, l'intensité de la décharge augmente avec la distance des points dérivés dans l'axe longitudinal de l'animal et dans un milieu bon conducteur; en tou- chant en même temps la tête et la queue du poisson dans l'air, on obtient le maximum d'effet. Du reste, la diffusion de la décharge électrique des poissons dans un liquide est très notable. Déjà Matteucci (24) a bien observé ce fait en plaçant une torpille et une grenouille aux deux extrémités opposées d'une grande cuve pleine d'eau salée. Toutes les fois que la torpille pi^oduisait une décharge, la grenouille se contractait fortement. La décharge électrique peut se produire chez les poissons par influence de la volonté, par irritation directe de l'appareil nerveux de l'organe électrique, et même par irritation indirecte, c'est-à-dire par action réflexe. C'est surtout spontanément que l'animal mani- feste son action électrique dans les conditions physiologiques de la vie, mais il peut aussi réagir à une irritation périphérique par voie réflexe dans le cas où il serait privé de sa spontanéité. D'après Sachs, un poisson auquel on a enlevé le cerveau peut produire encore des décharges réflexes. Les poissons strychnisés produisent des décharges réflexes très puissantes. Ces faits prouvent donc que l'action électrique des poissons est subor- donnée directement et indirectement à l'influence du système nerveux. La production des décharges spontanées (volontaires) et réflexes n'est pas la même chez tous les poissons : elle est en rapport avec les conditions anatomiques de l'innerva- tion de l'organe électrique chez les différentes espèces. Elle est liée à l'intégrilé du lobe électrique et des nerfs centrifuges chez la torpille et à celle des ganglions à cellules géantes chez le silure. Chez le gymnote le corps, une fois séparé de la tête, ne produit que quelques décharges réflexes faibles et rares; même Humboldt n'en a pas constab'' du tout. La faculté de mettre en action spontanément leur organe électrique permet aux poissons de produire des décharges à l'approche d'autres animaux ou du filet du pêcheur, ("est un fait d'observation ancienne qu'ils se servent de leur appareil électrique comme d'une arme puissante pour effrayer l'ennemi et pour engourdir ou tuer leur proie. Déjà, à la fin du iv" siècle, le poète latin Claudien en parle dans des termes très pittoresques con- lormes aux idées de l'époque, lorsqu'il dit que « la nature a fait circuler dans les veines de la torpille le froid qui engourdit tous les êtres et a renfermé dans son sein des frimas qu'elle communique à son gré ». Huuuoldt (Ib), dans la description qu'il donne du gymnote électrique et de ses décharges, affirme que ces poissons peuvent tuer les plus grands animaux, pourvu qu'ils fassent agir leurs organes avec ensemble et dans une direc- tion favorable. Dans certaines petites i^vières les gymnotes s'accumulent en si grande DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TO.ME V. 2 i 370 ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). quantité « que chaque année un nombre considérable de chevaux en les passant à gué sont frappés d'engourdissement et se noient. Tous les autres poissons fuient le voisi- nage de ces redoutables anguilles. Le pécheur même n'est pas à l'abri sur le bord élevé de la rivière. Souvent la ligne humide lui communique de loin la commotion. Ainsi, dans ce cas, la force électrique se dégage du milieu des eaux. » En effet, la décharge de certains poissons peut être d'une telle violence que non seulement elle provoque une douleur insupportable, mais qu'elle peut engourdir un homme et tuer les petits animaux se trouvant dans l'eau. C'est ainsi que la toipille immobile, cachée dans le sable, attend l'approche d'une proie qu'elle foudroie de sa décharge et avale avec voracité. Grâce à l'arme puissante que les poissons électriques possèdent, ils trouvent facilement leur nour- riture sans être obligés d'aller la chercher. Sachs, qui a fait au Venezuela des observa- tions très intéressantes sur le gymnote, raconte, entre autres, que lorsque les gymnotes tirés de leur repos remplissent l'eau de décharges électriques, certains animaux sont renversés; d'autres, comme les poissons et les grenouilles, sont foudroyés, et surnagent morts à la surface de l'eau. Du reste, déjà la préparation de l'organe électrique au labo- ratoire peut provoquer des décharges très sensibles; celles-ci se produisent même au moment où l'on coupe la peau, où l'on enlève la capsule crânienne (surtout si l'on touche au canal semi-circulaire) ou si l'on sectionne le bulbe. Aussi, malgré toutes les précau- tions prises, les expérimentateurs n'échappent-ils pas toujours à l'effet foudroyant de la décharge du poisson électrique. Sachs fut une fois tellement angoissé et engourdi par reflet de la décharge d'un gymnote, qui lui éLait tombé par hasardsur les pieds et avait fermé pour quelques secondes le circuit, qu'il ne put exécuter aucun mouvement pour se défendre contre l'action terrifiante du poisson. La décharge de l'organe électrique du Malapterurus provoquée à la suite de l'excitation de sa moelle allongée produisit une impression si violente sur Babughin que celui-ci resta sans connaissance pendant plu- sieurs minutes. Le capitaine Atwood fut plusieurs fois jeté par terre par des décharges d'une torpille de grandes diraensions(r. occidcntalis). Il est évident que les organes élec- triques servent aux poissons en même temps d'armes de défense et de moyens pour se procurer de la nourriture et pour soutenir leur existence. Aussi, à ce qu'il paraît, les poissons électriques soïit-ils doués de très bonne heure de la faculté de produire des décharges. Les petites torpilles extraites de l'utérus d'une torpille adulte pleine donnent des décharges assez sensibles à la main. Ce fait signalé par Armand Moreau (26) fut con- firmé par JoLYET (27), qui même réussit à dériver cette décharge au galvanomètre dont l'aiguille marqua des déviations assez considérables. Quant au caractère de sensation perçue à la suite de la décharge de l'organe élec- trique, elle rappelle, d'après Sachs, sous certains rapports, la sensation que l'on éprouve à la suite d'une irritation produite par une bobine d'induction ; on perçoit même la durée et la nature oscillatoire de la décharge. La même chose fut constatée par du Bois-Reymond chez le silure, dont la décharge présente également un caractère oscillatoire et ne ressemble guère au coup sec de la bouteille de Leyde. Du reste la sensation de la décharge varie suivant l'espèce du poisson, ce qui dépendrait, d'après du Rois-Reymond, du diffé- rent mode de l'innervation de l'organe électrique. Chez certains poissons le coup est plus doux, superficiel, sourd; chez d'autres il est plus pénétrant, aigu, piquant et tranchant. Plus le passage de la décharge d'une plaque à l'autre est rapide, et plus la simultanéité de la décharge collective de toutes les plaques est grande, plus la sensation perçue est aiguë et pénétrante (du Bois-Reymond). La sensation de la décharge varie aussi suivant l'endroit atteint parla secousse (Schoenleiin). L'intensité de la décharge dépend nécessairement de la résistance du circuit déri- vateur; aussi a-t-on tout intérêt à diminuer autant que possible cette résistance, si l'on veut obtenir le maximum d'effet. C'est ainsi que du Bois-Reymond explique, ingénieuse- ment l'adaptation des organes électriques des poissons à leur milieu d'action, tl'est pro- bablement, dit-il, la différence de résistance entre l'eau douce et l'eau de la mer qui esl, cause de la difl'érence de dimensions de leurs organes électriques et par conséquent de la différente intensité d'action. Ainsi l'organe de la torpille, poisson qui séjourne dans l'eau de mer, est court et large, c'est-à-dire à large section transversale; il peut donc agir avec une force relativement faible et ne présente pas une grande résistance interne. C'est le contraire que l'on observe chez le gymnote et le silure qui séjournent dans l'eau ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 371 douce : aussi leur organe électrique est-il de forme allongée, présentant une surface de section transversale relativement petite. En yénéral, l'intensité de la décharge est en rapport non seulement avec les dimensions de l'organe électrique, mais aussi avec celles du poisson lui-même. Plus le poisson est long, c'est-à-dire plus sa surface de section transversale est petite par rapport à la longueur du poisson, plus l'intensité de la décharge est grande. D'après du Rois-Ueymond, cette augmentalion de l'intensité de la décharge avec la longueur du poisson ne dépendrait guère de la diminution de la résistance, mais serait plutôt en rapport avec la force du poisson, laquelle d'ordinaire varie suivant la taille de l'animal. Les poissons les plus longs sont aussi les plus vigoureux. Toutes ces variations de l'intensité et de la qualitc^ peuvent être décelées non seulement subjective- ment par la sensation perçue, mais aussi objectivement par le degré de la déviation de l'aiguille galvanométrique ou encore mieux par le téléphone; une décharge lancée dans ce dernier fait entendre un son produit par les vibrations de la plaque téléphonique et dont la hauteur et l'ampleur sont en rapport avec l'intensité de la décharge (Schoe.\lei.\, 28). On n'est pas d'accord sur le degré de la faligabilité de l'organe électrique ; certains observateurs croient même que cet organe ne s'épuise pas du tout dans les conditions biologiques normales ou ne s'épuise que très diflicilemenl. Il est certain que les pois- sons électriques ne peuvent pas indéfiniment lancer des décharges: le nombre doit être déterminé et variable suivant l'espèce : de là nécessairement un certain degré d'épui- sement et une diminution des aptitudes fonctionnelles de l'organe. Il n'en est pas moins vrai que certains poissons sont extrêmement résistants à la fatigue. Ainsi Sachs prétend-il que les gymnotes, sur lesquels il expéi'imentait, étaient absolument infatigables. D'autre part, ce même observateur, parlant de la pêche du gymnote, raconte que ce poisson, après avoir lancé de fortes décharges, s'épuise à un tel degré qu'on peut le saisir avec la main. Les silures de nu Bois-Ueymond présentaient également une grande résistance à la fatigue. D'après Sciioenleix, la torpille s'épuise après mille décharges consécutives produites pendant l.'i ou 30 minutes, et ne se remet que très lentement après un reposi plus ou moins prolongé; l'organe électrique, enlevé de l'organisme, s'épuise beaucoup plus vite et n'accuse aucune tendance à regagner ses aptitudes fonctionnelles après le repos. II faut donc admettre pour l'organe électrique, comme pour le muscle, non seulement l'épuisement complet de l'organe, mais aussi un certain degré de fatigabi- lité qui se traduit par un alTaiblissement graduel de l'intensité de la décharge. C'est ce qui a été démontré par les belles recherches de Marey (29), qui a pu enregistrer graphi- quement au moyen d'un électro-dynamographe (un signal de Deprèz modilié), les décharges de la torpille. Il a pu s'assurer ainsi que la fatigue se traduit par une décrois- sance de l'amplitude des tracés. Dans une série de décharges consécutives amenant la fatigue, les premiers flux de la décharge sont presque vingt fois plus amples que les derniers. Au delà du moment où les llux ont la force d'actionner l'électro-dynamo- graphe, ils se prolongent longtemps encore, deviennent si faibles qu'on ne peut plus les sentir que sur la langue, et ne sont plus révélés que par les réactifs les plus sensibles, comme par exemple la patte galvanoscopique. Le repos de la torpille lui rend l'aptitude à donner des décharges électriques intenses; les flux de la torpille reprennent alors leur plus grande amplitude. Marey conclut de ces faits qu'au point de vue de l'intensité des flux, exprimée par l'amplitude des signaux qu'ils produisent, la fatigue se traduit dans l'appareil de la torpille de la même façon que dans les muscles. D'Arsonval (30), se ser- vant de la force électromotrice de la décharge de la torpille pour allumer une lampe à incandescence consommant 4 volts et 1 ampère, a conclu que l'organe s'épuise vite; après 4 ou o décharges répétées coup sur coup, la lampe s'allume de plus en plus faible- ment. Si l'on n'utilise le courant que d'un seul organe et qu'on porte ensuite la lampe sur le second organe qui est resté à circuit ouvert, on obtient un courant très fort, allu- mant vivement la lampe. Cinq à dix minutes de repos rendent à la décharge son énergie première, si l'on n'a exercé que de légers pincements. Diverses influences qui modifient l'irritabilité musculaire agissent également sur l'excitabilité de l'organe électrique : la température, la circulation du sang et les poisons influent notablement sur l'intensité de la décharge. Celle-ci est très faible chez une torpille exposée au froid, et très forte à une température voisine de 4o». L'abaissement graduel de la température diminue aussi la fréquence du fiux de la décharge (Marey), La suppression de la circulation sanguine 372 ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). diminue l'excitabilité de l'organe électrique, quoique celui-ci, tout en étant privé de sang, continue encore pendant quelque temps à donner des décharges. Une torpille empoisonnée pair la strychnine devient très excitable et réagit par une très forte décharge à la moindre excitation, même à un faible choc qui ébranle la table sur laquelle l'animal est posé; la torpille donne alors non plus un flux unique, mais une série de flux, un véritable tétanos électrique. Le curare à très forte dose produit de fortes décharges et des convulsions musculaires suivies d'une paralysie passagère; celle-ci ne devient défi- nitive qu'après l'administration répétée de doses élevées (0,4-0,6 grammes). L'organe paralysé perd complètement son excitabilité directe et indirecte (Schoenlein). Lavératrine est également très active; la décharge présente les caractères de la courbe de contraction d'un muscle vératrinisé, et l'organe électrique s'épuise très vite, de sorte qu'il cesse de donner des décharges appréciables au galvanomètre (Garten). l'n des phéno)nènes les plus surprenants de la physiologie des poissons électriques, c'est que ces animaux, alors qu'ils produisent des décharges d'un etfet aussi violent sur l'entourage, n'en sont pas atteints eux-mêmes et jouissent au contraire d'une cer- taine immunité contre leurs propres décharges et contre celles de leurs semblables. Si l'on place des gymnotes dans un milieu rempli de poissons divers, ces derniers seront foudroyés par les décharges multiples, tandis que les gymnotes ne seront nullement atteints, pas plus ceux qui ont lancé la décharge, que ceux qui se trouvent à côté. Déjà HuiiBOLDT fut frappé par ce fait étrange, et se demanda si ce n'est pas la peau du poisson qui empêche la décharge de se répandre et d'atteindre son corps. Du Bois- Reymond fut également frappé par l'immunité des poissons électriques à l'égard de leur propre décharge. Tl attribue ce fait, avec Steineh, à la 1res grande résistance que les muscles, les centres nerveux et les nerfs des poissons électriques présentent au passage de l'électricité. Cependant les expériences récentes de Babuciiix. Steiner, Fritsgh et Schoe.n- LEiN ont prouvé que cette immunité n'est que relative. Ils ont constaté que certains petits poissons électriques sont excités et pi^oduisent des secousses sous l'action des décharges des plus grands poissons qu'ils touchent. Les efî'ets obtenus dans ces cas sont très faibles et presque minimes, surtout en comparaison avec l'elTet foudroyant que certains pois- sons électriques produisent sur d'autres animaux. Les expériences récentes de Jolyet prouvent aussi que la torpille reçoit partiellement la décharge qu'elle lance. La décharge, spontanée ou provoquée, est toujours accompagnée chez l'animal de quelques contractions musculaires brèves. Nous avons pu aussi observer fréquemment des mou- vements, parfois à peine appréciables, parfois très sensibles, dans le corps d'une torpille au moment de la décharge. D'une façon générale, il faut donc admettre une inimunitêlrelatlve des poissons élec- triques contre la décharge, sans pouvoir toutefois expliquer la vraie raison de cet étrange phénomène. iNi l'explication de Pfluger, qui croit pouvoir admettre un état anélectroto- nique dans les nerfs, sous l'influence de la décharge de l'organe, ni celle de Boll et d'autres, qui expliquent l'immunité par la très faible irritabilité des nerfs du poisson, ni celle de du Bois-Beymond, qui en trouve la raison dans la longueur du trajet parcouru par la décharge dans le centre nerveux du poisson, ne sont satisfaisantes. La raison de cette immunité est à trouver. Propriétés physiques et nature de la décharge. — Cavendish fut le premier qui chercha à préciser les propriétés physiques de la décharge des poissons élec- triques et à déterminer les lignes de tension à la surface du poisson plongé dans l'eau. Les résultats obtenus par Cavendish ont été confirmés et complétés par Colladon et du Bois-Reymond, grâce au perfectionnement des méthodes électrophysiques. 11 a été dit plus haut que la décharge varie, au point de vue de sa qualité et surtout au point de vue de sa quantité, suivant les différentes conditions de l'expérimentation et de l'observation. Or ce n'est qu'en connaissant la répartition de potentiels électriques à la surface du poisson que l'on peut se rendre compte de la variabilité et de la valeur de la décharge. Colladon (31) a déduit de ses expériences sur la répartition de tension à la surface d'une torpille, pendant une décharge dans l'air, les conclusions suivantes: 1° Tous les points de la surface dorsale sont positifs par rapport à un point quel- conque de la surface ventrale. L'intensité du courant diminue avec la distance du point exploré de l'organe électrique; elle est presque nulle sur la queue de l'animal ; ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 373 2» Deux points asymétriques du dos ou du ventre donnent un courant qui peut être constaté au galvanomètre; celui des deux points qui est le plus rapproché de l'organe électrique est positif sur le dos et négatif sur le ventre ; 3" Deux points symétriques du dos ou du ventre sont iso-électriques, et par consé- quent ne donnent aucun courant. Vu que la force électromotrice de la décharge est en rapport avec le nombre de pla- ques contenues dans les colonnes prismatiques, la répartition de potentiel varie, suivant que les colonnes sont toutes de la même hauteur ou bien vont en diminuant vers le bord. Du Bois-Reymond a démontré que dans le premier cas les différences de potentiel auront la même direction à la face dorsale qu'à la face ventrale. Dans le second cas, les points de plus grande positivité et négativité se trouveront aux bords médiaux des organes. De cette façon, chez la torpille, les courants se dirigent du bord médial à la ligne médiane sur la surface dorsale et dans le sens inverse sur la surface ventrale. Dans l'intérieur du corps du poisson, ces courants s'écoulent, d'après du Bois-Reymond, à travers le cerveau et la moelle épinière, c'est-à-dire par la voie la plus courte entre les parties les plus actives des organes; ces courants présentent sur ce trajet une faible intensité, insuffi- sante pour exciter le poisson. Pendant la décharge du silure, le dos de ce dernier se comporte électriquement de la même façon que le ventre : tout point rapproché de la queue est positif par rapport à uu point situé plus près de la tète. D'une façon générale, on peut admettre que la direction d'une décharge normale de^ poissons électriques est per- j)endiculnire à la surface des plac^ues. C'est pourquoi, chez la torpille, dont les plaques sont disposées horizontalement, la décharge a lieu entre le dos et le ventre, tandis que chez le gymnote, dont les plaques sont situées dans la surface transversale du corps, c'est-à- dire perpendiculairement à l'axe longitudinal, la décharge présente une direction lon- gitudinale de la tête à la queue. Chez le silure, la décharge se propage de même dans la direction de son axe longitudinal (du Bois-Reymond). Chez la raie le courant de l'organe électrique présente une direction postéro-antérieure. Chez le mormyre, le courant se dirige de la queue à la tète, comme chez la torpille et le gymnote (Fritsch). En général, les poissons de l'espèce de Raja et Mormyrus ne produisent qu'une décharge extrême- ment faible, très peu ou pas du tout sensible; aussi les considérait-on jadis comme des poissons pseudo-électriques. Cependant leurs décharges peuvent être facilement déce- lées au galvanomètre : elles font même dévier l'aiguille galvanométrique avec une telle force, que, dans les expériences de Burdon-Sajnderson et Gotch (1^2), une centième partie du courant de la décharge chassait avec violence l'échelle galvanométrique du champ visuel. La force électromotrice de la décharge peut être déterminée par les procédés physiques qui sont normalement usités en électrophysiologie. D'après Faraday, la décharge d'un gymnote long de 101,6 centimètres égale la force d'une décharge d'une batterie de 15 bouteilles de Leyde fortement chargées. Il a constaté, en outre après Cavendish que, malgré la grande intensité de la décharge de l'organe électrique, celle-ci ne peut pas être transmise à travers l'air chauffé. Du Bois-Reymond, qui a cherché à expliquer ce phénomène, croit que celui-ci dépend de la difficulté extrême avec laquelle la décharge électrique des poissons réussit à vaincre les résistances extérieures. C'est pourquoi on n'obtient pas d'étincelle (à lafermeture du courant) à la suite de la décharge de l'organe électrique. Excepté Walsh, qui a vu et montré aux membres de la Royal Society des étin- celles produites par la décharge d'un gymnote, d'autres observateurs, comme Hugh Wil- liamson, Sachs et nu Bois-Reymond, n'ont jamais pu recueillir une étincelle de la décharge (à la fermeture du courant) dans les conditions suivant lesquelles leurs expériences ont été effectuées. D'après les recherches récentes de d'Arsonval (/. c), faites sur des tor- pilles de 25 à 35 centimètres de diamètre et conservées depuis huit jours dans le bassin du laboratoire, la force électromotrice de la décharge oscillait entre 8 et \1 volts et l'in- tensité entre 1 et 7 ampères en court circuit. A circuit ouvert, la force électromotrice de l'organe peut dépasser 300 volts; elle est donc assez grande pour allumer une lampe à incandescence consommant 4 volts et 1 ampère et la porter même au blanc éblouissant pendant un instant. D'Arsonval a pu ainsi mettre trois de ces lampes en tension ou en quantité et les allumer au blanc ; en lançant la décharge dans une petite bobine de RuHMKORFF, il a réussi à faire briller d'un vif éclat les tubes de Geissler. 37i ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). La décliarge, spontanée ou réflexe, des poissons électriques n'est pas une décharge unique, mais, comme l'a bien démontré Marey (/. c), c'est un acte complexe, discontinu, constitué par une série de décharges partielles de courte durée et de grande fréquence. Sous ce rapport, la décharge de l'organe électrique présente une certaine analogie avec la contraction volontaire du muscle. Chaque décharge partielle, dont la somme repré- sente la décharge totale du poisson, correspond dans le muscle à une seule onde d'excita- tion, et un certain nombre de décharges est nécessaire pour produire une contraction téta- nique. Vu cette analogie qui se base sur des raisons morphologiques et fonctionnelles, on peut dire que la décharge de l'organe électrique n'est pas une simple secousse, mais un vrai tétanos. Sur des tracés recueillis par Marey et fournis par les décharges électriques d'une torpille inscrites au moyen du signal de Deprèz, on voit très nettement les flux multiples dont se compose la décharge totale. Marey observa la même complexité dans les décharges d'un poisson empoisonné parla strychnine, et il trouva dans ce fait une nou- velle confirmation de ses conceptions théoriques sur l'analogie des fonctions électrique et musculaire. Du reste, Marey a poussé encore plus loin l'analyse du phénomène élec- trique jde la torpille, et il a cherché à déterminer à l'aide de la méthode graphique les phases même de ses flux. Il résulte de ses recherches que chaque (lux est composé de deux phases, dont la phase initiale,^ celle d'accroissement brusque, est beaucoup plus brève que la phase terminale, celle de lent décroissement, comme cela s'observe dans la secousse musculaire. La durée d'un flux électrique serait d'environ 0,06 à 0,07 de seconde : celle d'une décharge totale de 0,23 de seconde. Tous les tlux successifs s'ajoutent et se fusionnent dans la déchai'ge électrique de la même façon que les secousses musculaires dans le tétanos. Le nombre de décharges partielles nécessaires pour produire une décharge totale est en rapport avec l'énergie de l'animal et sa force de réaction; ce nombre diminue sous l'influence de la fatigue et de l'abaissement graduel de la température. U'Arsonval, en inscrivant la courbe de la décharge à l'aide d'un galvanograplie imaginé par lui, a confirmé le fait signalé par Marey et a constaté également « que la décharge n'est pas continue » et se compose de six à dix décharges successives qui s'additionnent au début en se suivant à environ 0,01 de seconde d'intervalle. L'intensité atteint son maximum en général après la troisième décharge partielle: elle va ensuite en diminuant graduellement jusqu'à zéro. La courbe tracée par le galvanographe présente également les caractères de celle d'une contraction musculaire. La durée moyenne d'une décharge oscille entre 0,1 à 0,15 de seconde à la température de 19°. Courant de repos. — L'étude des propriétés de la décharge spontanée ou réflexe de l'organe électrique des poissons prouve suffisamment que l'on a affaire ici à un pro- cessus physiologique qui engendre la production de différences de potentiel électrique. Les courants électriques de la décharge sont de vrais courants d'actions qui accompagnent l'activité de l'organe électrique des poissons. Vu l'analogie morphologique et fonction- nelle qui existe entre l'organe électrique et le muscle, il y a à se demander si l'organe électrique, « ce muscle à fonction spéciale », présente un courant de repos analogue à celui des muscles et des nerfs. En cas de réponse affirmative, on serait obligé de consi- dérer la décharge du poisson électrique comme une variation de l'état électrique de son organe électrogène, de même que le courant d'action du muscle est une variation dans un sens ou dans un autre de son courant de repos. Dans le cas de réponse négative, la décharge résulterait tout simplement d'une différence de potentiel électrique qui se pro- duirait à la suite de l'irritation et accompagnerait le processus de l'excitation. Les données fournies par différents expérimentateurs sur les courants de repos des organes électriques ne concordent pas entre elles. Du Bois-Reymond (/. c.),chez le silure, etEcKHARDT (33), chez la torpille, n'ont constaté aucun courant, tandis que Zantedeschi et Matteucci croient avoir vu chez la torpille en repos de faibles différences de potentiel électrique dans le sens du courant de la décharge. Sachs a trouvé constamment chez le gymnote, entre les deux sections transversales ou bien entre deux points de la surface longitudinale de l'organe électrique, un courant se dirigeant dans le sens de la décharge, que DU Bois-Reymond a dénommé « courant de l'organe ». Ce courant présente une très faible force électromotrice qui ne dépasse guère 0,15 — 0,03 Dan. Sur des tron- çons de l'organe électrique renfermant un certain nombre de colonnes prismatiques, DU Bois-Reymond a constaté de très faibles courants dont la force électromotriee était de ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 375 0,005 — 0,013 Dan. ; il a pu ainsi calculer la force rlectromotrice d'une seule plaque, qui serait de 0,0000117 Dan. A la suite de ces recherches, du Bois-Riîymond, revenant sur sa première ojjinion relative au courant de repos des poissons électriques, a conclu qu'il existe un courant propre de l'organe électrique en repos, un courant résultant de la même répartition de potentiels qui produit la décharge spontanément ou sous l'inlluence d'une irritation. Quant à l'origine de ces forces électromotrices au repos, db Bois-Rkymom) cherche à les interpréter par sa théorie moléculaire, tout en affirmant la loi de préexistence de forces électromotrices avec bien moins d'énergie pour l'organe électrique qu'il ne le fait pour le muscle et le nerf. Les phénomènes électromoteurs au repos, obsei'vés par du Bois-Reymond, furent également constatés par Burdon'-Sanderson, et GoTCH. Ce dernier ne considère pas cependant ces faibles forces électromotrices comme prouvant l'existence d'un courant propre de l'organe électrique au repos : il les attribue à un effet consécutif d'une décharge souvent inappréciable de l'organe électrique irrité par le procédé opératoire. Le courant dérivé, dit courant de l'organe, prendrait ainsi toujours la direction de la décharge, qui s'écoule très lentement. On voit d'après ce qui précède que la question de l'existence d'un courant de repos chez les poissons électriques est loin d'être résolue. Les forces électromotrices des points dérivés sont en effet si faiJ)les et si irrégulières qu'elles peuvent dépendre de beau- coup de circonstances encore peu connues et ne permettent guère de conclure à l'exi- stence d'un courant de repos dans l'organe électrique du poisson. L'analogie entre l'organe électiique et le muscle n'est pas moindre pour cela. L'absence de courants électriques à la surface d'un organe animal n'exclut du reste nullement la présence de tensions électriques à l'intérieur de cet organe. A l'état de repos, la répartition du potentiel peut être telle qu'il n'y a pas de courant électrique, celui-ci se forme seulement à la suite d'une irritation, qui provoque une nouvelle répartition de tension électrique. Caractères de la décharge produite par l'excitation artificielle des nerfs électriques et des centres nerveux. — Les phénomènes décrits plus haut sont ceux de la décharge spontanée provoquée par la volonté de l'animal ou bien ceux de la décharge réflexe produite par des excitations naturelles auxquelles le poisson électrique peut être soumis durant sa vie dans un milieu ambiant où il a à se défendre contre l'ennemi et à assurer son existence en attrapant sa proie. Les décharges qui se pro- duisent dans ces conditions sont pour ainsi dire des phénomènes électromoteurs qui accompagnent l'activité naturelle de l'animal normal, A côté de cette activité naturelle, ou peut provoquer, comme dans le nerf et dans le muscle, une activité artilîcielle, à l'aide de différents irritants appliqués soit sur l'organe électrique, soit sur les nombreuses fibres nerveuses qui se rendent à toutes les plaques dont est composée la colonne pris- matique de l'organe. L'analyse des caractères de la décharge provoque'e par une irrita- tion artificielle est intéressante, non seulement parce qu'elle complète les données acquises par l'étude de la décharge électrique naturelle, spontanée ou réflexe, mais aussi parce qu'elle permet de comprendre mieux l'analogie morphologique et fonction- nelle qui existe entre l'organe électrique et le muscle. De tous les irritants, l'électricité doit être considérée, pour l'organe électrique aussi bien que pour le nerf et le muscle, comme l'agent le plus puissant pour provoquer une décharge. Les irritants mécaniques et chimiques, qui donnent dans le nerf et dans le muscle des résultats très satisfaisants, n'agissent que très peu et d'une façon peu nette sur l'organe électrique. Aussi ne nous occuperons-nous ici que des irritants électriques. Déjà les premières expériences faites avec l'électricité ont démontré qu'une rupture unique du courant induit ou constant n'exerce qu'une faible influence sur l'organe élec- trique; elle ne provoque pas du tout de décharge à moins d'une intensité très grande du courant irritateur. La décharge d'un organe électrique ne peut être provoquée que par l'action d'un courant tétanisant sur le nerf électrique, c'est-à-dire par le même courant qui produirait dans le muscle un tétanos et il n'est nullement nécessaire que ce courant soit très intense. L'irritation tétanique du nerf électrique provoque des variai lions discontinues de l'état électrique des organes, de façon à produire un vrai tétanos électrique, composé de décharges partielles dont le nombre correspond au rythme de l'excitation. Cette faculté de l'organe électrique de réagir à un courant tétanisant de faible intensité et de ne pas être influencé par la simple rupture d'un courant de très 376 ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). haute intensité a fait penser à du Bois-Reymo.\d qu'une certaine analogie doit exister entre les plaques de l'organe électi'ique et les cellules ganglionnaires de la moelle épi- nière, dont la réaction à l'irritation des nerfs sensitifs est analogue à celle des organes électriques après l'irritation de leurs nerfs. On sait, en effet, que les cellules ganglionnaires de la moelle répondent par des mouvements réflexes à la télanisation faible des nerfs- sensitifs et ne réagissent guère à une rupture unique d'un courant de grande intensité. Dans certaines conditions expérimentales, le nerf électrique peut être excité par la fermeture de son propre courant transverso-longitudinal. La décharge de l'organe qui en résulte est suffisamment intense pour être nettement perçue au téléphone et pour faire dévier assez considérablement l'aiguille galvanométrique (Mendelssohn, 34). Nou& avons pu nous assurer que la décharge provoquée par cette auto-excitalion du nerf élec- trique est absolument analogue à la décharge naturelle : elle n'en diffère que par une intensité moindre. L'effet de l'irritation électrique chez les poissons électriques varie suivant l'espèce. Il est très grand chez le gymnote (Sachs), moins prononcé chez la torpille (Schoenlein), et à peine appréciable chez le silure (Babuchin). Chez les poissons dont les nerfs possèdent un périnèvre très gros, l'irritation du tronc nerveux produit peu d'effet, tandis que l'irritation des fines ramifications donne une déviation plus ou moins considérable de l'aiguille galvanométrique. La décharge provoquée par l'irritation électrique ne se produit pas au moment même de rirritation. Marey a démontré, à l'aide d'une méthode très ingénieuse, qu'entre le- moment de l'irritation et le moment de la décharge, s'écoule un certain laps de temps qui représente la pé- riode latente de la dé- charge, temps qu'il a évalué à 0,01 de se- conde. De là, Marey a conclu que l'appareil électrique de la torpille présente une période d'excitation latente- sensiblement égale à FiG. 189. — Une torpille est saisie entre les mors d'une pince qui recueille les décharges électriques , et les envoie à un signal do Deprez qui les inscrit sur un cylindre; en même temps les décharges traversent la liobine inductrice D. Un autre signal, placé sur le circuit de la bobine induite C. inscrit les courants induits par la décharge (d'après Marey). celle d'un muscle de grenouille. Les re- cherches ultérieures ont fourni de plus pe- tites valeurs; ainsi, d'après Sachs, la période latente de la décharge électrique est de 0", 0035, d'après Gotch elle varie de 0",0f2 — 0",005, et d'après Schoenlei.x elle atteint h peine 0",002 — 0",0002o. Ces valeurs, quoique si différentes, concordent assez bien avec celles de la période latente de la secousse musculaire, qui oscille entre 0",004 et 0",0l. Comme dans le muscle, la durée de la période latente doit varier suivant différentes conditions qui sont encore mal déterminées. Gotch a pu s'assurer que celte période est plus longue chez les espèces de petit calibre, et plus courte chez h's poissons de grande dimension; il a constaté égale- ment que la température exerce une grande influence sur la durée de la période latente de la décharge électrique : à 5°, les torpilles présentent une période latente de 0",012 — 0",014, tandis qu'à 20°, elle n'est que de 0",005. Des valeurs analogues ont été obtenues aussi par Gotch et Burgh (3o'i sur l'organe électrique du silure à la suite de l'iriitation électrique de son nerf. Jolyet semble ne pas admettre une analogie entre la période latente de la décharge et celle de la secousse musculaire. Ayant obtenu dans ses expériences des valeurs extrêmement faibles pour le temps perdu de la décharge, il croit que la période latente de celle-ci correspondrait au retard de la variation néga- tive plutôt qu'à celui de la contraction du muscle. Il est même porté à refuser tout retard à l'activVté de l'organe électrique, et prétend, peut-être avec raison, que, si la ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). 377 période latente du muscle a pour cause son élasticité, rien d'étonnant à ce qu'on ne retrouve pas cette période dans l'organe électrique de la torpille, oti celte force phy- sique n'a rien à faire dans la production de l'effet réactionnel de l'organe. Il a été dit plus haut que la décharge des poissons électriques n'est pas perçue comme un coup sec, instantané, mais (lu'elle présente une certaine durée qui peut êlre déjà appréciée au toucher par l'expérimentateur. Marey a déterminé chez la torpille la valeur de cette durée, qui est de 0",07 : d'après Gotch (36) elle serait de 0",04 — 0",06, et d'après SciiOE.xLEiN de 0",08. Ces chiffres concordent donc assez bien chez différents expérimentateui's et se rapprochent de la valeur de la durée de la secousse du muscle. D'Arsonval seul a trouvé une durée plus longue de la décharge : 0",1 — 0",15 à une température de 19°. Du reste, la valeur de cette durée est influencée par différentes conditions et varie suivant la taille, l'animal et la température environnante. La décharge naturelle (spontanée ou réflexe) pi'ésente la même durée que la décharge provoquée par une irritation artificielle. C'est encore Marev qui fut le premier à déterminer la vitesse de V excitation dans les nerfs électriques, qui est d'environ 8 mètres par seconde, donc moindre que celle du nerf de la grenouille. Ce fait fut confirmé par Jolyet et Gotch, tandis que Schoenlein a trouvé tout récemment pour le nerf électrique une vitesse de propagation de 12 — 27 mètres par seconde, ce qui correspondrait à la valeur de la vitesse de l'agent nerveux dans le nerf de la grenouille. Nous avons vu plus haut que la décharge spontanée présente un caractère oscilla- toire qui se traduit déjà par une sensation particulière perçue au toucher. On constate le même caractère oscillatoire dans une décharge provoquée par une irritation élec- trique à l'aide d'un courant tétanisant. 11 est démontré, aussi bien par la méthode galva- nométrique que par la méthode téléphonique, que le nombre des oscillations produites par la décharge correspond au rythme de l'irritation, et que, sous ce rapport encore, il existe une analogie frappante enire l'organe électrique et le muscle (Schoenlein). Le caractère oscillatoire de la décharge se manifeste non seulement à la suite d'une irritation tétanisante, mais aussi à la suite d'une irritation unique; dans ce cas, la décharge est également constituée par un certain nombre d'ondes d'amplitude inégale. JoLYET fut le premier à attirer l'attention sur les oscillations alternantes de la décharge de l'organe électrique sous l'inlluence de l'irritation produite par un choc d'induction. Gotch a pleinement confirmé le fait trouvé par Jolyet, et l'a complété par des recher- ches galvanométriques très détaillées. 11 résulte de ces recherches que la décharge pro- voquée par un choc TEMPS ECOULE DEPUIS LE MOMENT de l'irritatioa. DEVIATION G A L V A N O -M E T R I Q O E . d'induction ne s'écoule pas d'une façon unifor- me, mais qu'elle pré- sente 3 à 4 renforce- ments, qui se produisent à 0,01 de seconde d'in- tervalle, et vont en di- minuant, de sorte que le premier maximum est le plus grand, tan- dis que le dernier est le plus faible. La courbe delà décharge présente de cette façon 3 à 4 as- censions et descentes successives: la première ascension est la plus élevée : la dernière, la moins accusée. Les chif- fres trouvés par Gotch sont très instructifs a cet égard, et nous croyons utile de les reproduire ici dans le tableau ci-contre : 0,01 — 0,0123 sec 0,0125 — 0,015 — 0,015 — 0,0175 — 0,0175 — 0,02 — 0,02 — 0,0225 — 0,0225 — 0,025 — 0,025 — 0,0275 — 0,0275 — o,o;j — 0,03 — 0,0325 — 0,0325 — 0,035 — 0,035 — 0,0375 — 0,0375 — 0,0'i — 0,0i — 0,0425 — 0,0425 — 0,045 — + 0 + 48 + 367 + 316 — 1" inu.rimiim. + 73 + 120 + 225 — '2' maximum. + 212 + 89 + 64 + 98 + 130 — 3" ma.rimiim. + 30 + 24 378 ÉLECTRICITÉ (Poissons électriques). On voit, d'après ce tableau, qu'après une période lalente de 0 ",0i — 0'',012r> la décharge commence et atteint le premier maximum de son développement déjà après 0",015 — 0",017o, tandis que le deuxième et le troisième maximum sont séparés l'un de l'autre par un intervalle de plus de 0",01. On voit aussi, d'après le nombre de degrés de l'échelle galvanométrique, que le premier maximum (367°) est le pins grand, le deuxième (223°) est moindre, et le troisième (130°) est le plus faible. D'après Schoenleix, qui a pu confirmer en tous points les faits constatés par Gotch, la prévalence du pre- mier maximum de la décharge n'est pas absolue et dans certains cas le second maxi- mum est plus grand que le premier; la différence entre ces deux maximum est alors moindre que lorsque le premier maximum prévaut. Le caractère ondulatoire de la décharge provoquée par une irritation électrique unique pz^ésente certainement un très grand intérêt pour la connaissance de la nature intime de la fonction de l'organe électrique. Malheureusement, l'explication de ce phénomène n'a pas pu être encore donnée. Jolyet fut le premier à expliquer ce phéno- mène par le fait que les différentes parties de l'organe n'entrent pas simultanément en fonction et que la fusion des tlux dans certains cas de la décharge, aussi bien volon- taire qu'artificielle, ne se fait pas aussi complètement qu'on l'admet en général. Le retard 1 '/"^^^"^^-^-^ 250 VD /V'A'V \A' V's/V \/'A' ^ !\'\'\J\l^r\.'J -— ~— _ W.'\/'A' ■•.'i'vv">.'-\AV'.V/'.v. ■.-."- i -v./-. .-■.'■■ , FiG. 190. — Mesure de la période d'excitation latente dans l'appareil électriqueyde la torpille (Marey). e' s', l'excitation directe de la grenouille : Territoire du nerf obturateur. — 20 — 6 _ M. Premier adducteur. — 21 — 7 _ -_ M. Droit interne. — — D " 8 M. Troisième ou grand adducteur. PLBXyS SACRÉ. Territoire du nerf fessier supérieur. E 24 22 23 24 9 9 . M Tenseur du facial lata. — — 25 — 10 M. Moyen fessier. Territoire du nerf petit sciatique. 20 — — — — 11 M. Grand fessier. 27 Territoire du nerf t/rand sciatique. 28 — — — B 12 Nerf sciatique. M. Biceps, longue portion. — 29 — M. Biceps, courte portion. M. Demi-tendineux (4). M. Demi-membraneux. Nerf poplité externe. M. Jambier intérieur. M. Extenseur commun des orteils. M. Extenseur |iropre du gros orteil. M. Long péronier latéral. M. Court péronier latéral. M. Pédieux. Nerf poplité interne. Nerf tibial postérieur. M. Jumeau externe. M. .Jumeau interne. M. Soléairc. M. Fléchisseur propre du gros orteil. INI. Fléchisseur commun des or- teils (5]. M. Adducteur du gros orteil. M. Court fléchisseur du petit orteil. MM. Interosseux. ÉLECTRICITÉ (Thérapeutique). 409 planches, nous citerons celles de Ziemssen, d'EicuHORiz, d'Eau, d'ONiMUS, de P. Régnier, de Castex. La plupart des traités d'électroLliérapie contiennent les figures du livre d'ERB, que nous reproduisons ici; elles sont un peu trop schématiques; celles de P. Régnier, qui sont des reproductions photographiques, manquent un peu de relief, et quelques points moteurs importants sont omis. Nous préfe'rons peut-être la topographie publiée récemment par Castex. Bibliographie. — Duchenne (de Boulogne). De VélerArimtion localisée, Paris, 1855, — Remak, Galvanoihérapie, 1860. — Tripier (A.). Manuel d'électrotherajne, 1861. — Erb. Traité d' électrothérapie, 1884. — Boruier (H.). Précis d' électrothérapie, 1897. — D'Arsonval. La voltaïsation sinusoïdale (A. de P., n° 1, 1892). — Kellogg. Tlvo new électrodes {Amer, elecl. Assoc. Philadelphia, 1892. — Alt et Schmidt. Manuel d'électrodiaynostic et d'électro- thérapie, Halle, 1892. — Bkrgonié et Moure. Du traitement par l'électrolyse des déviations et éperons de la cloison du nez {Arch. clin, de Bordeaux, 1892). — Cleaves. The use of the gaioanic current in the articular iiiflammatory exsudations [Ani. elect. Assoc. Philadelphia, sept. 1892). — DuPRAT. 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SEPTIÈME PARTIE ÉLECTR ICTÉ (Mort par 1'). — Voyez Fulguration. Sommaire. PREMIÈRE PARTIE : Notions générales de physique, 245. — Chapitre I : Pliénomenes fon- damentaux. — I. Magnétisme et électrostatique, 243. — II. Instruments électrostatiques. Con- densateurs. Électroscopes. Électromètres, 252. — III. Champs électriques. Machines électriques. Piles, 239. — IV. Le courant électrique, 262. — V. Piles et accumulateurs, 268. — VI. Unités électriques, 271. — VII. Utilisation des pdes et instruments de mesure, 274. — VIII. Méthodes de mesure, 288. — Chapitre II : Applications. — I. Thermo-électricité, 293. — II. Électro- magnétisme et électro-dynamique, 297. DEUXIÈME PARTIE : Électricité animale. — Historique. 316. — Méthodes et procédés, 320. — Phénomènes électriques du muscle, 323. — Phénomènes électriques du nerf, 335. — Phé- nomènes électromoteurs secondaires dans le muscle et dans le nerf, 345 — Phénomènes élec- triques des centres nerveux (courants cérébro-spinaux), 347. — Phénomènes électromoteurs de l'œil (courants rétiniens), 349. — Phénomènes électriques de la peau et des glandes (cou- rants cutanés et glandulaires), 330. — Phénomènes électriques chez l'homme, 333. — Théories générales, 336. — Bibliographie, 364. TROISIÈME PARTIE : Poissons électriques. — Historique, 366. — Structure de l'appareil électrique, 367. — Conditions physiologiques de la décharge, 369. — Propriétés physiques e^^ ELECTROTONUS. 411 nature de la décharge, 372. — Courant de repos, 374. — Caractères do la décharge produite par l'excitation artificielle des uerfs électriques et des centres nerveux, 375. — Considérations générales, 380. — Bibliographie, 381. QUATRIÈME PARTIE : Électricité des végétaux, 382. — Bibliographie, 3SG. CINQUIÈME PARTIEJ: Action thérapeutique de l'électricité ou Électrothérapie, 387. — Gra- duation de l'énergie électrique, 387. — Modification du sens et interruption des courants, 390. — Application des courants. Electrodes et excitateurs, 391. — Effets du courant électrique sur l'organisme, 393. — Effets produits par le courant faradique, 397. — Electrodiagnostic, 399. — Bibliographie, 409. SIXIÈME PARTIE : Action de l'électricité sur les végétaux, 410. SEPTIÈME PARTIE : Mort par l'électricité, ilO. » ELECTROTONUS. — On désigne sous ce nom les niodificalions que subit un nerf traversé par un courant constant. Ce dernier exerce sur le nerf non seu- lement une action irritante à la fermeture et à l'ouverture, mais aussi une action modi- ficatrice de son état lorsqu'il traverse le nerf d'une façon continue. Cette action modifi- catrice produit des phénomènes électrotoniques aussi bien dans la partie parcourue par le courant, que dans le voisinage des deux pôles. Selon que les modifications subies par le nerf ont lieu au pôle positif ou au pôle négatif, l'électronus porte le nom d'anelec- trotonus ou de caiclcctrotoniis. Deux sortes de modifications sont produites par le passage d'un courant constant à travers une partie d'un nerf : 1" en dehors du trajet parcouru par le courant constant il se produit dans le nerf des forces électromotrices désignées sous le nom de courants électrotoniques; 2° V excitabilité du nerf se modifie non seulement tout le long du trajet parcouru par le courant constant, mais aussi en dehors des points de son application. L'état électrotonique d'un nerf consiste donc dans une production de courants électrotoniques et dans une modification électrotonique de son excitabilité. Nous étudierons séparément ces phénomènes inhérents à l'électrotonus dans le nerf et dans le muscle. I. Courants électrotoniques. — A. Électrotonus dans le nerf. — Du Bois-Reymond (1) découvrit le premier(1843) que, pendant le passage d'un courant constant à travers une partie d'un nerf, l'intensité du courant transverso-longitudinal de ce dernier se modifie dans un sens ou dans un autre suivant la direction du courant constant. Le courant propre du nerf est renforcé lorsqu'il est de même sens que le courant constant (phase positive de l'électrotonus); il est affaibli lorsqu'il est de sens contraire (phase négative de l'électrotonus). Dans ses recherches ultérieures, du Bois-Reymoxd put cependant s'assurer que cet accroissement ou cet affaiblissement du courant propre du nerf résultent de la production de nouvelles forces électromotrices lors du passage du courant constant et s'observent même en l'absence de tout courant de repos lorsqu'on dérive au galvanomètre deux points iso-électriques de la surface longitudinale du nerf. Du Bois-Reyjiond a donc modifié sa première manière de voir et a donné le nom d'électrotonus à un état du nerf provoqué par le passage d'un courant constant et caractérisé par la production dans les différents points du nerf de nouvelles forces électromotrices de même sens que le cou- rant constant. Ces nouvelles forces électromotrices n'ayant aucun rapport avec le courant propre du nerf, il ne pouvait plus être question d'une phase positive ou négative du cou- rant de repos. On appelle courant polarisateur le courant constant qui traverse le nerf; la partie traversée par ce courant se nomme partie intra-jjolaire, les parties du nerf situées en dehors de la région intra-polaire de deux côtés des pôles se nomment parties extra-polaires. La figure 204 représente un nerf nn' traversé par un courant constant dont le point a est le pôle négatif et le point k le pôle positif; la partie ak du nerf est la partie intra- polaire, tandis que les trajets na et n'k sont les parties extra-polaires du nerf. Pendant le passage du courant à travers le trajet ak, tous les points des parties extra-polaires deviennent le siège de nouvelles forces électromotrices dont la direction est celle du courant polarisateur. Ces courants électroioniques sont plus grands du côté de la cathode que du côté de l'anode et, plus forts dans les régions les plus raprochées de la partie intra-polaire; ils diminuent graduellement à mesure que l'on s'éloigne des deux pôles 412 ÉLECTROTONUS. ai. Fig. 204. — Kiectrotouus. a, anélectrotonus; /.:, catélcctronus. vers les deux extrémités du nerf. Les courbes ?ip et nq représentent la répartition des potentiels dans les deux re'gions extra-polaires. La courbe pg indique la répartition probable des tensions électriques dans la partie intra-polaire dont les modifications élec- trotoniques sont encore "^^ peu connues. Les cou- ^ rauts électrotoniques se dirigeantdesdeux côtés de la partie intra-po- laire dans le sens du courant polarisateur, on peut en conclure que dans Vélectrotoniii tous les points du nerf situés du côté du pôle positif deviennent plus positifs et tous les points situés du côté du pôle négatif deviennent plus négatifs qu'ils ne l'étaient auparavant ; autrement dit chaque point du nerf se comporte négativement vis-à-vis d\in autre point placé en avant dans la direction du courant polarisateur . De cette façon, les courants électrotoniques (cat- et anélectrotoniques) allant tous les deux dans la direction du courant polarisateur dévieront dans deux sens opposés les aiguilles des galvano- mètres auxquels ils sont dérivés. En effet, de deux points dérivés dans la région extra- cathodique le point proximal (celui qui est le plus rapproché de la cathode du courant polarisateur) sera négatif par rapport au point distal (courant catélectrotonique), tandis que, dans la région extra-anodique, c'est le point distal (le plus rapproché de l'anode du courant polarisateur) qui sera négatif par rapport au point proximal (courant anélectrotonique). De nombreuses recherches, faites par du Bois-Reymond et confirmées par d'autres, prouvent que les phénomènes de l'électrotonus sont intimement liés aux propriétés vitales et à l'intégrité absolue du nerf, et ne sont nullement produits par une dérivation du courant polarisateur dans le circuit galvanométrique. Ces phénomènes ne se pro- duisent pas dans des fils humides, qui présentent certainement de bien meilleures conditions pour la dérivation du courant que le nerf; ils diminuent et disparaissent dans les nerfs morts et dégénérés [Schiff (2) et Valentin (3)J. Les courants électroto- niques constatés par certains observateurs dans les nerfs morts ou complètement dégé- nérés [Grûnhagen (4)j doivent être attribués aux simples dérivations du courant polari- sateur. Une ligature ou une section du nerf entre la partie polarisée et la partie électrotonisée supprime immédiatement l'électrotonus, lequel ne réapparaît plus, même si l'on met en contact les deux surfaces sectionnées. Ce fait prouve avec évidence que la production de l'électrotonus, ainsi que la propagation du processus d'excitation, cons- titue un phénomène lié étroitement à l'intégrité absolue de la continuité du nerf. La ligature du nerf entre sa partie polarisée et sa partie dérivée sert de critérium certain pour distinguer les vrais courants électrotoniques des courants accidentels dérivés du courant polarisateur. Les phénomènes électrotoniques diminuent 'et disparaissent pour un temps plus ou moins long sous l'action des anesthésiques [Biedermann (o), Waller (6)]. Tous ces faits démontrent incontestablement que l'électrotonus n'est pas un phéno- mène simplement physique, mais qu'il dépend des propriétés vitales et de l'intégrité structurale du nerf. L'intensité des courants électrotoniques varie suivant : 1° la force du courant polari- sateur. L'augmentation ou la diminution de son intensité renforce ou affaiblit le courant électrotonique; ce rapport est, bien entendu, limité par l'action destructive du courant polarisateur, s'il est de trop grande intensité; 2° la longueur de la partie intra-polaire du nerf parcourue par le courant polarisateur : plus cette partie est longue, plus les courants électrotoniques sont forts, l'intensité du courant polarisateur restant la même; 3° la longueur du trajet compris entre la partie polarisée et la partie électrotonisée : plus ce trajet [partie dérivante) est court, plus les courants électrotoniques sont forts; ils atteignent leur maximum dans la proximité immédiate des points d'applications du courant pola- risateur; 4° la direction du courant polarisateur par rapport à l'axe longitudinal du ELECTROTONUS. 413 nerf; l'action électrotonique est la plus prononcée lorsque le courant polarisateur par- court le nerf dans le sens longitudinal et devient nulle lorsqu'il traverse le nerf dans le sens transversal; o" l'intensité de l'électrotonus varie suivant qu'il est du côté de l'anode ou bien du côté de la cathode. Les courants anéleclrotoniques présentent une intensité bien plus grande que celle des courants catélectrotoniques. Les premiers peuvent atteindre une force électromotrice de 0,5 Dan., tandis que les derniers ne dépassent guère une valeur de 0,05 Dan. (du Bois-Reymond). En général, le maximum que peut atteindre l'anélectrotonus dépasse de beaucoup celui du catélectrotonus. Les variations de l'intensité que l'état électrotonique du nerf subit dans différentes conditions présentent ainsi une grande analogie avec les modifications de l'excitabilité des nerfs dans des conditions à peu près semblables. Ce fait n'est pas sans importance pour la détermination de l'origine et de la nature intime du processus de l'excitation et des phé- nomènes électromoteurs dans le nerf. Le courant électrotonique d'un nerf peut produire un état semblable dans un autre nerf, avec lequel il est ^mis en contact, soit en deux points de sa surface longitudinale, soit en deux points entre la surface transversale et longitudinale (électrotonus secon- daire). Le second nerf peut servir ainsi de rhéoscope physiologique pour déceler l'élec- trotonus du premier nerf, d'autant plus qu'au moment de l'apparition et de la dispari- tion de l'état électrotonique dans le second nerf (fermeture et ouverture du courant) celui-ci peut être excité de façon à faire contracter son muscle. On obtient ainsi une véritable secousse secondaire partant du nerf, due à l'irritation produite par des courants électrotoniques et qui ne doit pas être confondue avec la vraie secousse secondaire de nerf à nerf due ù l'irritation du nerf secondaire par le courant d'action du nerf primaire [Hering (7)]. La secousse paradoxale de du Bois-Reymond est également due à l'irritation de certaines fibres nerveuses par les courants électrotoniques des fibres voisines. L'électrotonus se propage le long du nerf avec une certaine vitesse susceptible de mesure. Sous ce rapport encore il présente une analogie avec le processus d'excitation qui nécessite également un certain temps pour parcourir le nerf. Du Bois-Reymond (/. c, p. 321-540) a conclu de ses premières recherches que le développement de l'électrotonus ne nécessite aucun temps, que l'état électrotonique apparaît et atteint son développement complet, presque instantanément au moment de l'ouverture du courant électrotonisant, et qu'il disparaît de même très rapidement au moment de l'ouverture du courant. Il n'est donc pas nécessaire de prolonger l'action du courant polarisateur pour provoquer l'élec- trotonus du nerf, celui-ci se produisant même à la suite d'un courant de très courte durée, par exemple un choc d'induction. Helmholtz (8) est arrivé au même résultat par un procédé différent qui consistait à provoquer une secousse secondaire partant du nerf primaire électrotonisé. Il a pu ainsi s'assurer que la secousse secondaire (due au courant électrotonique) ne se produit pas plus tard que la secousse primaire, d'où il a conclu que l'état électrotonique apparaît en même temps que l'action du courant électrique qui le produit, et n'a pas besoin d'un certain temps pour se propager dans la partie extra- polaire du nerf. Du Bois-Reymond a tiré de cette ingénieuse expérience une conclusion dilTérente, et contraire à son ancienne manière de voir, à savoir que l'électrotonus se propage avec une certaine vitesse égale à celle de la transmission nerveuse. Pfluger (9) a ensuite démontré que l'apparition de courants électrotoniques dans un nerf est syn- chrone avec la production de modifications électrotoniques de Texcitabilité. GrCnhagen, (10) ayant déterminé le temps absolu nécessaire au développement de l'électrotonus admet que l'anélectrotonus s'établit aussi rapidement que le catélectrotonus et que tous les deux apparaissent dans les différents points du nerf au moment même de la ferme- ture du courant polarisateur. Wundt (11) au contraire croit que le degré du développe- ment des modifications électrotoniques de l'excitabilité à un moment donné n'est pas le même dans les différents points du nerf et que leur développement présente un caractère ondulatoire analogue à celui du processus de l'excitation. Les faits constatés par Wu.\dt se trouvent en contradiction avecceux trouvés par Pfluger et Grunhagen, mais ils cadrent très bien avec les résultats obtenus par Tschiriew (12). Il résulte de ces recherches que les modifications électrotoniques se propagent le long du nerf avec une vitesse à peu près égale, ou insensiblement supérieure, à celle de la transmission du processus de l'excitation. Ce fait, fortement attaqué par Hermann, fut confirmé par les recherches rhéotomiques de 414 ÉLECTROTONUS. Bernstein (13). Il faut donc admettre avec ce dernier : i° que les courants électrotoniques ne se produisent pas au moment même de la fermeture du courant polarisateur ; entre ce moment et le début de l'électrotonus il s'écoule un certain temps susceptible de mesure, et 2° que la vitesse de propagation des changements électfotoniques est moins grande que celle de l'onde de l'excitation qui devance ordinairement la marche de ces changements. La vitesse de propagation de la modification catélectrotonique est évaluée par Bern- stein à 9-10 mètres par seconde; celle de la modification anélectrotonique à 6-13 mètre'; par seconde. Les recherches d'HERMANN (14) et de ses élèves Baranowsky et Garré (15) ne concordent pas avec les faits établis par Tschiriew et Bernstein, et semblent plaider en faveur de la simultanéité de la production de l'électrotonus sur tous les points du nerf et au moment même de la fermeture du courant polarisateur. D'autre part, les récentes recherches de Boruttau (16) démontrent que l'anélectrotonus des nerfs des céphalo- podes se propage sous forme ondulatoire, comme dans les expériences de Bernstein insti- tuées surdes nerfs de la grenouille. Les dernières expériences d'Asher (17) parlent égale- ment contre l'établissement momentané de l'électrotonus à des points éloignés du nerf. La question ne paraît donc pas être définitivement résolue, et cette divergence d'opinions tient non seulement aux différents modes d'expérimentation, mais aussi, et peut-être surtout, aux différents points de vue auxquels les expérimentateurs ont envisagé les phénomènes en question. Un fait certain qui se dégage de toutes ces recherches, c'est' que l'anélectrotonus et le catélectrotonus n'atteignent pas leur maximum avec la même vitpsse. L'anélectrotonus arrive plus vite à son maximum que le catélectrotonus, et le maximum du premier est supérieur à celui du dernier; mais, au début, l'anélectrotonus est tantôt au-dessus, tantôt au-dessous du catélectrotonus. Il est admis généralement que les phénomènes électrotoniques s'observent exclusive- ment sur les nerfs à myéline. Les nerfs sans myéline de VAnodonta, sur lesquels expéri- mentait Biedermann (18), ne présentent pas de catélectrotonus galvanique analogue à celui que l'on observe dans un nerf à myéline. On observe cependant dans la région ano- dique certaines forces électromotrices qui ne dépendent guère d'une dérivation du cou- rant polarisateur à l'anode, et que l'on doit attribuer à une modification physiologique du nerf provoquée par l'action du courant électrotonisant. Ce fait n'est pas sans impor- tance pour l'interprétation de la nature physiologique et physique de l'électrotonus, dont il sera question plus loin. D'après Biedermann, l'absence du vrai catélectrotonus dans les nerfs sans myéline présente une certaine analogie avec le même phénomène observé dans les nerfs à myéline dans des régions très éloignées de la partie électroto- nisée. Les nerfs des Céphalopodes [Elcdone vioAcJiata) se comportent de la même façon et ne manifestent aucun électrotonus [Uexkuhl (19)]. 11 résulte cependant des recherches récentes de Boruttau (16) que, contrairement à l'opinion de Biedermann et Uexkuhl, les nerfs sans myéline des Céphalopodes manifestent des phénomènes électro- toniques galvaniques absolument identiques à ceux que l'on observe dans les nerfs pourvus de myéline. On y constate également un catélectrotonus, très net, quoique relativement faible; dans certaines conditions, l'état anélectrotonique peut s'étendre même jusqu'à la région extra-polaire cathodique. Il résulte de nos recherches (19 ôis) faites sur un grand nombre de mollusques, que d'une manière générale les nerfs sans myéline chez les animaux inférieurs présentent des manifestations électrotoniques qua- litativement semblables à celles observées dans les nerfs myéliniques des animaux supé- rieurs. Chez certains mollusques cependant, comme chez ï Anodonta, et dans certains nerfs, chez les Céphalopodes et les Gastéropodes, le catélectrotonus fait défaut. Ce sont les différences quantitatives entre l'électrotonus de nerfs sans myéline et celui de nerfs à myéline qui sont très notables. D'une manière générale, dans les nerfs amyéliniques, les manifestations électrotoniques du côté de la cathode sont moins pronoricées que celles du côté de l'anode, et incomparablement moins que dans les nerfs myéliniques. Dans ces derniers le rapport — (anélectrotonus : catélectrotonus) est plus petit que dans les premiers. Les courants électrotoniques subissent une variation de leur état électrique sous l'iniluence de l'irritation tétanique du nerf. Ce fait important fut trouvé par Bernstein et confirmé par d'autres. Si l'on tétanise un nerf électrotonisé, on constate que ses cou- ELECTROTONUS. 415 rants électroioniques éprouvent! une diminution de leurs forces électromotrices, il se produit une variation négative analogue à celle du courant de repos du nerf (le décré- ment éledvoîonique de Ber.n'stein), et cela aussi bien dans l'anéleclrotonus que dans le catélectrotonus. [^'intensité de la variation négative varie suivant la position qu'occupe la partie irritée et dérivée par rapport à la région polarisée. Si cette dernière se trouve entre la partie irritée et la partie dérivée, on constate en tétanisant le nerf un renforce- ment de la variation négative du courant de repos (du courant de démarcation) dans le catélectrotonus, et un affaiblissement dans l'anélectrotonus, tout comme pour la secousse du muscle innervé par ce nerf; en même temps on observe une diminution (variation négative) des courants éiectrotoniques. L'affaiblissement de ces derniers est surtout marqué dans le cas où la partie dérivée se trouve au milieu du nerf dont un bout est irrité, et l'autre polarisé. Hermann (20), tout en ayant confirmé les faits trouvés par Bern- sTEiN, leur donne une interprétation dilférente, déduite du fait constaté par lui, que la force du courant polarisateur augmente pendant la tétanisation du nerf. Cela a été déjà observé par Gruenhagen (21) qui l'a attribué à une diminution de la résistance du nerf à la suite de l'irritation. Or Hermann a démontré, par une série de recherches spé- ciales, qu'il ne s'agit ici nullement d'une diminution de i^ésistançe, et que le renforcement du courant polarisateur résulte exclusivement du développement des forces électro- motrices le long du nerf. Dans la partie intrapolaire, le courant d'action est justement intluencé par la force du courant polarisateur. Si celte dernière est très grande et l'irri- tation a lieu de l'autre côté de la kathode, il ne se produit aucune variation de l'état électrique, l'excitation étant à son arrivée à la kathode trop faible pour être encore effi- cace. Le courant d'action suffisamment fort est toujours de même sens que le courant polarisateur et renforce ce dernier. Dans la partie extra-polaire, la seconde phase du courant d'action augmente dans l'anélectrotonus et diminue dans le catélectrotonus. Hermann a conclu de tous ces faits que l'onde de l'excitation, c'est-à-dire l'onde de la négativité, augmente à mesure qu'elle se dirige vers le point « positif » et diminue à mesure qu'elle se dirige vers le point « négatif » du nerf; en d'autres termes, l'onde de l'excitation augmente lorsqu'elle va vers des points plus fortement anélectrotoniques ou plus faiblement catélectrotoniques, et elle diminue à mesure qu'elle approche les points plus faiblement anélectrotoniques et plus fortement catélectrotoniques. C'est de ces faits qu'HERMANN déduit le principe de l'incrément polarisateur, qui lui sert de base à ses conceptions théoriques sur la nature de certains phénomènes électromoteurs dans le nerf. Effets consécutifs. — L'électrotonus galvanique proprement dit disparaît générale- ment après l'ouverture du courant polarisateur, mais il produit certains effets consécutifs décrits sous le nom de courants post-électrotoniques. D'après Fick (22), qui le premier étudia ces phénomènes, la disparition des courants électrotoniques après l'ouverture du courant polarisateur serait précédée d'une inversion de leur sens. Hermann a trouvé que cette inversion des courants post-électrotoniques ne se produit que dans l'anélec- trotonus, tandis que les courants post-catélectrotoniques après une inversion de très courte durée se dirigent dans le sens du courant polarisateur. L'intensité du courant post-anélectrotonique est toujours plus grande que celle du courant post-catélectroto- nique. Dans la région intrapolaire on constate également des courants post-électroto- niques de sens opposé à celui du courant polarisateur; dans le cas où ce dernier est de grande intensité et de courte durée, les courants post-électrotoniques sont du même sens que le courant polarisateur [courant de polarisation positif de du Bois-Reymond). D'après Hermann, le courant de polarisation positif serait tout simplement un courant d'action produit par une excitation post-anodique. Il importe de remarquer que l'étude de l'électrotonus de la partie intra-polaire présente de très grandes difficultés tech- niques. En dérivant deux points de la région intra-polaire, on dérive souvent une partie du courant polarisateur, et on diminue ainsi la force de polarisation dans cette partie du nerf. Les résultats obtenus dans ce cas, et même dans les cas où l'on s'est servi d'autres procédés, sont très compliqués, et leur interprétation très difficile. Ces difficultés expliquent en partie les résultats contradictoires auxquels sont arrivés divers expéri- mentateurs. Aussi croyons-nous que, si en général la question de l'électrotonus présente encore bien des points obscurs, celle de l'électrotonus intra-polaire est à peine ébauchée et nécessite de nouvelles recherches. 416 ELECTROTONUS. II. Modifications électrotoniques de l'excitabilité. — Il a été dit plus haut qu'un courant constant traversant une partie d'un nerf produit non seulement de nouvelles forces électromotrices dans le nerf, mais modifie en même temps l'excitabilité de ce dernier. Pflûger [9) a donné à cette dernière catégorie de phénomènes le nom d"é/ec- trotonus, nom introduit dans la science par du Bois-Reymond pour désigner les manifesta- tions électro motrices provoquées dans le nerf par le passage d'un courant constant. Quoique l'action de ce dernier ait attiré déjcà depuis bien longtemps l'attention des physiologistes, cependant ce n'est que grâce aux recherches détaillées et très complètes de Pklijger que l'on est arrivé à connaître et à préciser les lois relatives à l'action du courant galvanique sur le nerf. Ritter (23) avait jadis observé l'influence de la direction du courant constant traversant le nerf sur son excitabilité; Nobili (24) et Matteucci (2o) ont noté l'action calmante d'un courant ascendant sur les convulsions tétaniques chez la grenouille. Valentix (3) a vu la diminution de l'effet d'une irritation pendant l'action d'un courant constant ascendant, et Eckhard (26) avait pu conclure de ses expériences, faites très méthodiquement, que l'excitabilité d'un nerf traversé par un courant constant augmente du côté de la cathode et diminue du côté de l'anode. Les recherches de Pflvger, exécutées avec des méthodes et des procédés perfectionnés par lui-même, ont mis de l'ordre et de la clarté dans la'question, et lui ont permis de formuler la loi suivante : l'excitabilité d'un nerf parcouru dans une partie de sa longueur par un courant constant augmente dans la région catélectroloniscc , c est-à-dire des deux côtés du pôle négatif et diminue dans la région anélectrotonisée, c'est-à-dire des deux côtés du pôle positif. Les modifications électrotoniques de l'excitabilité se manifestent donc aussi bien dans la partie extra-polaire que dans la partie intra-polaire du nerf; elles atteignent leur maxi- mum au point même de l'application du courant, et diminuent à mesure que l'on s'en éloigne dans les deux sens. Entre les deux pôles se trouve un point différent où l'excita- bilité du nerf n'est pas changée; ce point est situé au milieu de la partie intrapolaire ou bien plus près d'un des pôles selon l'intensité du courant polarisateur et divise toute la partie intra-polaire en deux zones : une plus excitable, et l'autre moins excitable. Ces modifications électrotoniques de l'excitabilité sont en rapport non seulement avec chaque pôle du courant polarisateur, mais aussi avec les deux directions de ce dernier : aussi doivent-elles être étudiées dans leurs rapports avec les deux pôles et dans les deux direc- tions du courant. La partie extra-polaire du nerf qui se trouve du côté du centre se nomme centripolaire ou suprapolaire ; celle qui est du côté du muscle porte le nom de myopolaire ou infrup)olaire . 11 est évident que chacune de ses parties peut être anélectro- tonisée ou catélectrotonisée suivant la direction du courant électrotonisant. On peut dire également que la région extra-polaire anélectrotonique se trouve « derrière » le courant (dans le sens de .«a direction), la partie catélectrotonique « devant » le courant (en amont et en aval du courant); conformément à cette manière de voir on peut exprimer la loi de Pfluger dans les termes suivants : l'excitabilité de tous les points du nerf situés avant le courant est augmentée, celle des points situés derrière le courant est diminuée. La figure 205 représente schématiquement les modifications électrotoniques de l'ex- citabilité du nerf dans les cas de courants polarisateurs d'intensité variable. Le nerf un' est parcouru, dans sa partie ka, par un courant constant dans la direction de la llèche: le pôle positif se trouve ainsi en a, et le pôle négatif en k. Les parties de courbes situées au-dessus de la ligne nn' indiquent l'augmentation de l'excitabilité à la cathode (catélec- trotonus); les parties situées au-dessous de la ligne indiquent la diminution de l'excita- bilité du nerf à l'anode (anélectrotonus) ; le point d'intersection de ces courbes avec la ligne ak représente le point indifférent du trajet intra-polaire. La courbe tracée en petits Iraits correspond à un courant polarisateur fort, celle ([iii est ponctuée à un courant faible et celle qui est tracée en ligne continue à un courant d'intensité moyenne. Ces courbes montrent d'une façon très nette comment l'intensité des phénomènes électrotoniques et la position relative du point indifl'érent varient suivant la force du courant polarisateui'. Les moditications électrotoniques de l'excitabilité augmentent avec la force du courant seulement jusqu'à un certain maximum; quant au point indifl'érent, celui-ci se trouve, pour les courants forts, plus rapproché de la cathode; pour les courants faibles, plus près de l'anode, et, pour les cour.ints de force moyenne, au milieu de la partie intra-polaire. La loi formulée par Pfluger constitue la loi fondamentale de la physiologie de ÉLECTROTONUS. m Fig. 205. — Variations de l'électrotoaus avec l'intensité- du courant. l'électrotonus et est applicable à tous les cas de rnodilication de l'excitabilité nerveuse, quelle que soit la nature de l'irritant employé (irritants électriques avec le courant con. stant ou induit, irritants mécaniques, chimiques et même naturels). Les excep- tions à cette loi qui se manifestent par- fois au cours d'une expérience et qui ont été indiquées par quelques expérimenta- teurs, tiennent soit à des causes d'erreur auxquelles ce genre d'expérience prêle facilement, soit à certains détails d'inter- prétation dont il sera question plus loin. Le degré de l'excitabilité des parties électrotonisées peut être évalué par la grandeur de l'effet réactionnel (secousse musculaire, variation négative, bruit télé- phonique) produit par l'irritation de la partie modifiée du nerf. Le mieux est de se servir à cet effet de l'irritation électrique comme agent d'exploration et de la se- cousse musculaire comme effet réactionnel dont on peut facilement évaluer myographi- quement la valeur dans les cas de diminution ou d'augmentation de l'excitabilité de la partie irritée. Comme de raison, l'intensité de l'irritant dans ce genre d'expérience doit être toujours sous-maximale, afin de pouvoir la varier dans un sens ou dans l'autre. Supposons qu'un nerf dont un bout est relié au muscle, et l'autre tourné vers le centre^ est traversé par un courant dans partie déterminée; les points où le courant est appliqué sont alternativement positifs ou négatifs selon la direction du courant qui peut être changée à l'aide d'un commutateur. On peut facilement relier une bobine inductrice,, tantôt avec deux points de la partie myo-polaire, tantôt avec deux points de la partie centripolaire, et irriter alternativement les deux régions extra-polaires pour explorer leur excitabilité pendant l'action du courant polarisateurccZ. Le muscle réagira par une secousse d'intensité, variable suivant les cas, ou même ne réagira pas du tout. Ainsi, dans le cas où le courant polarisateur aura une direction descendante (du centre vers le muscle) l'irrita- tion myopolaire pi'oduirait un renforcement de la secousse musculaire; au contraire,, dans le cas où le courant polorisateur sera ascendant (du muscle vers le centre) la secousse musculaire provoquée par la même irritation sera affaiblie, ou même ne se produira pas du tout. Dans le premier cas, la partie myopolaire sera catélectrotonisée (catélectrotonus descendant) et son excitabilité sera augmentée, dans le second cas elle sera anélectrotonisée (anélectrolonus ascendant) et son excitabilité sera diminuée. Les choses se comportent autrement lorsque dans les deux directions du courant polarisateur l'irritation, au lieu de se produire dans la |)aitie myopolaire, a lieu dans la partie centri- polaire (entre le courant polarisateur et le centre). Dans ce cas, quelle que soit la direction du courant, on obtiendra toujours une diminution de l'intensité de la secousse muscu- laire, soit par l'elfet direct de l'anélectrotonus, lorsque le courant est descendant, l'irritaliori se faisant alors dans la partie anélectrotonisée, donc moins excitable, soit par l'effet indirect de l'anélectrotonus sur l'excitation catélectrotonique, lorsque le cou- rant polarisateur est descendant. Quoique dans ce dernier cas l'irritation ait lieu dans la partie catélectrotonisée, donc plus excitable, le processus d'excitation perd de son inten- sité en traversant la région anélectrotonisée, devenue moins conductible. La conducti- bilité et l'excitablité de la partie anélectrotonisée, qui se trouve, dans le cas du courant descendant, entre le point irrité et le muscle, peuvent diminuera un tel degré dans cette partie que celle-ci peut complètement barrer le passage à l'excitation catélectrotonique. Les recherches de Bezold (27) et Ruthehfouu (28) ont en effet démontré que, dans l'élec- trotonus, il se produit non seulement une modification de l'excitabilité du nerl, mais aussi de sa conductibilité, c'est-à-dire de la faculté de conduire et de propager le processus d'excitation. Les données de ditTérents auteurs relatives à la corrélation qui existe entre la conducliiàlité et l'excitabilité du nerf sont encore Irrs contradictoires. Les uns, comme GRiJNH.\GE.N (10), Cad (29) et Piotkowsky (30), séparent complètement ces deux propriétés TOME V. 27 DICT. DE PHYSIOLOGIE. i[8 ELECTROTONUS. du nerf; d'autres, comme Hermann, SzPiLMàiSN et Luchsinger (31), Tiberg (32), Brown- Séquard (33), et tout récemment Werigo (34), les considèrent, soit comme une seule faculté du nerf, soit comme deux propriétés très étroitement unies et se manifestant dans les mêmes conditions. Certains faits pathologiques [Ziemssen et Weiss (3o), Erb (36)], plaident plutôt en faveur de la première manière de voir qui paraît également plus conforme aux faits de dissociation de ces deux propriétés observés dans certains degrés de Télectrotonus. Une pareille dissociation de ces deux propriétés résulte également des recherches récentes de Gotgh et Macdonald (37), d'après lesquelles le froid augmente l'excitabilité et diminue la conductibilité du nerf (pour certains irritants), tandis que la chaleur, au contraire, diminue l'excitabilité et augmente la conductibilité. Quant à la manière dont la conductibilité se comporte dans l'électrotonus, il est à peu près démontré qu'elle diminue dans l'anélectrotonus et augmente dans le catélectrotonus ; la vitesse de propagation est également ralentie dans la partie anélectrotonisée et accélérée dans la partie catélectrotonisée. L'anélectrotonus peut supprimer complètement la conducti- bilité de la partie anélectrotonisée du nerf et peut produire ainsi la section physiolo- gique du nerf (Ioteyko, 37 bis). Lorsque le courant polarisateur est de grande intensité ou de longue durée, le trajet catélectrotonisé du nerf présente également une conducti- bilité et une vitesse de propagation moindres, et peut même perdre complètement sa conductibilité. De toutes façons le fait de la modilication du pouvoir conducteur du nerf dans l'électrotonus doit être pris en considération pour l'appréciation de variations électrotoniques de l'excitabilité du nerf. Certains faits paraissent faire exception à la loi générale de Piuger [Budge (38), Sghiff et Herzeis' (39), Valentin (3), Lautenbagh (40), Bernstein et d'autres]. En effet, dans certains cas, un courant polarisateur faible peut produire une augmentation de l'excita- bilité dans la partie aussi bien anélectrotonique que catélectrotonique, tandis qu'un cou- rant polarisateur fort produira au contraire une diminution de l'excitabilité à l'anode et en même temps à la cathode. Bilharz et Nasse (40) ont même vu dans certaines conditions la formule électrotonique se renverser pendant la durée de l'action du courant polarisa- teur, de sorte que la partie anélectrotonique devient plus excitable que la partie catélec- trotonique. Du reste, l'excitabilité de cette dernière peut aussi diminuer et même dispa- raître avec l'augmentation de l'intensité du courant (Werigo). On a observé encore d'autres variations de la formule de Pflûger, sans toutefois pouvoir en expliquer la raison. MuNK (42) crut pouvoir expliquer ces exceptions à la loi générale par l'action de la cata- phorèse du courant polarisateur sur la résistance du nerf, mais la possibilité d'une telle manière de voir est complètement éliminée par les expériences de PflOger, faites avec des irritants chimiques, et par celles de Wundt (M), faites avec des courants si faibles qu'il ne peut être question d'une action cataphorique du courant. Tout récemment encore, Zvnietowsky (43) a obtenu des effets électrotoniques avec une force de courant qui ne dépassait guère 0,0001-0,00001 milliampères; il a constaté en outre qu'avec l'augmen- tation de l'intensité du courant, le point indifférent, non seulement se rapproche du pôle négatif, ainsi que cela a été déjà noté par Pfluger, mais qu'il peut même dépasser la cathode. L'anélectrotonus s'étend alors au delà du catélectrotonus, ce qui explique la diminution de l'excitabilité constatée par plusieurs observateurs dans la région extra- cathodique. Cet avis est partagé par Lotha (43 bis), et réfuté par Hermann et Tscniï- BCHKiN (43 ter), dont les récentes recherches démontrent que le catélectrotonus à un certain degré de son développement rend impossible toute excitation, la polarisation ayant déjà atteint son maximum. Nous croyons cependant que l'intensité relative du courant polarisateur et du courant irritant exerce une grande influence sur la variabilité des résultats obtenus, et doit être considérée comme une des raisons principales des exceptions multiples et variées qu'on observe dans les expériences sur l'électro- tonus. Les modifications électrotoniques de l'excitabilité peuvent être influencées non seu- lement par l'intensité du courant polarisateur, mais aussi par l'étendue du trajet polarisé. Plus la partie intra-polaire est longue, plus les manifestations électrotoniques sont prononcées. Ce fait, observé déjà par du Bois-Reymoad, fut confirmé par les recherches de WiLLY (44), Marcuse (41)) et Clara Halperson (46). Remarquons qu'en allongeant la partie intra-polaire on augmente en même temps la résistance de la région polarisée; ELECTROTONUS. 419 aussi, pour ('viter cette cause d'erreur, est-il nécessaire d'introduire dans le circuit une résistance très forte comparativement à celle du nerf. La durée de l'action du courant polarisaleur paraît être sans inlluence appréciable sur la production de variations électrotoniques de l'excitabilité. Wundt a montré que les courants de courte durée sont capables de produire les mêmes effets électrotoniques que l'état permanent de courants continus; seulement ces effets sont plus faibles et plus fugaces. CuARBONNiiL-SALLE (47) a vu, après Chauveau, l'électrotonus se produire après des décharges d'électricité statique, et il croit pouvoir admettre que les états électroto- niques sont soumis aux mêmes lois régulatrices, qu'ils soient développés par des courants instantanés ou par des courants continus. Quant à l'électrotonus dans les cas d'excitation unipolaire observés par Morat et Toussaint (48) avec des courants de pile, et par Char- bonnel-Salle (47), avec des décharges d'un condensateur, Hermann croit que « c'est une erreur que de vouloir établir un électrotonus unipolaire en appliquant une électrode au nerf et l'autre à une partie plus éloignée du corps ». Parmi les conditions qui influencent l'électrotonus, il faut encore citer la manière d'appliquer les électrodes, l'influence qu'exerce la section transversale sur l'excita- bilité du nei'f et les variations de l'excitabilité en diverses régions de certains nerfs. Tous ces points seront analysés en détail plus loin, quand il sera question de phéno- mènes électrotoniques dans leur rapport avec d'autres phénomènes de l'excitation électrique. Divers agents qui modifient l'excitabilité du nerf influent également sur les phéno- mènes électrotoniques. Le froid supprime l'électrotonus [Hermann et Gendre (49)]. D'après AV aller (50) et Boruttau (31), le quotient — (anélectrotonus : catélectrotonus) augmente d'abord sous l'influence du froid et diminue sous l'influence de la chaleur. Diverses substances chimiques moditient également les phénomènes électrotoniques. Riedermann a démontré que l'éther supprime l'anélectrotonus qu'il considère comme étant de nature physiologique. Waller a conlirmé ce fait, et a trouvé, en outre, que les acides diminuent et les alcalis augmentent la valeur du quotient -, en d'autres termes les pre- miers diminuent l'anélectrotonus, les seconds le catélectrotonus. Le chloroforme, la cocaine, la nicotine, l'alcool, l'ammoniaque et l'acide carbonique modifient également les phénomènes électrotoniques (Waller, Boruttau). La dessiccation du nerf supprime les modifications électrotoniques de l'excitabilité; celles-ci constituent ainsi une propriété physiologique du nerf vivant. Cependant tout dernièrement Radzikowsky (52) a observé l'électrotonus sur un nerf desséché, puis imbibé de nouveau par l'eau, et croit avoir con- staté l'action de l'éther et du chloroforme sur les phénomènes électrotoniques même dans le nerf mort; d'oii il conclut à la nature physique de l'électrotonus. Ces faits sont encore isolés et demandent de nouvelles recherches. Quant à la vitesse avec laquelle se développent les modifications électrotoniques, les faits ne sont pas moins discutés. Il est probable que les variations an- el caLélectroto- niques débutent immédiatement après la fermeture du courant, et il est certain que le catélectrotonus se développe très rapidement, pour diminuer ensuite lentement en inten- sité et en étendue, tandis que l'anélectrotonus est plus lent à se développer et à dispa- raître; l'anélectrotonus est encore dans sa période d'évolution lorsque le catélectrotonus a déjà atteint son maximum de développement. D'après Wundt (il), l'électrotonus présente un développement ondulatoire, dont la vitesse est susceptible de mesure; l'onde partant de la cathode est une « onde excitatrice », celle de l'anode une « onde inhibitrice ». C'est l'interférence de ces deux ondes qui établit la nature de l'électro- tonus. La vitesse de l'onde anodique est moindre que celle de l'onde cathodique; la première varie entre 50 et 80 millimètres par seconde pour des courants faibles, et entre 1300 et 1700 pour les courants forts; la seconde est égale à la vitesse de la transmis- sion nerveuse. Effets consécutifs. — Les modifications électrotoniques de l'excitabilité du nerf ne dispa- raissent pas tout de suite après l'ouverture du courant polarisateur; on observe pendant un certain temps des effets consécutifs au passage du courant constant à travers le nerf. D'après PflIjger, après la rupture du courant, l'excitabilité à l'anode est augmentée 420 ÉLECTROTONUS. (modification positive), celle ù la cathode est diminuée (modification négative) d'abord et augmentée ensuite. Cet effet consécutif disparaît lentement aussi bien dans l'anélec- trotonus que dans le catélectrotonus; toutefois la modification négative de ce dernier dure à peine quelques secondes, tandis que sa modification positive peut persister pendant i-tî) minutes. En résumé, l'efTet immédiat de l'ouverture du courant polarisateur est une modification de l'excitabilité de sens inverse à celle qui a lieu pendant l'électrotonus; l'effet final est une augmentation de l'excitabilité aux deux pôles : après quoi le nerf retrouve sou excitabilité normale. Électrotonus des nerfs sensitifs. — Les lois électrotoniques formulées par Pflûger pour le nerf moteur de la grenouille n'ont pas été tout à fait confirmées pour le nerf sensitif. Il est vrai que les expériences sur l'électrotonus des nerfs sensitifs présentent quelques difficultés qui rendent le résultat incertain. Zuhhelle (o3), qui a fait à ce sujet des recherches sous la direction de Pfluger, est arrivé à la conclusion que- le passage d'un courant constant à travers un nerf sensitif diminue l'excitabilité, aussi bien dans la partie anélectrotonique que dans la partie catélectrotonique. L'irritation de la partie centripolaire du nerf produisait, chez des grenouilles faiblement strychnisées, des mouvements réflexes plus faibles qu'avant l'électrotonisation du nerf. Les résultats obtenus par Hallsten (54) semblent plutôt parler en faveur de l'identité des actions élec- trotoniques dans le nerf sensible et le nerf moteur. On verra plus loin, lorsqu'il sera ques- tion de la loi de l'excitation des nerfs sensitifs, que les phénomènes électrotoniques de ces nerfs se réduisent principalement aux phénomènes d'excitation polaire avec lesquels ils sont intimement liés. Électrotonus chezrhorame. — Les phénomènes électrotoniques chezl'homme présentent un très grand intérêt, non seulement par leur importance pratique pour l'électrodiagnostic et l'électrolhérapie, mais aussi parce qu'il pourraient nous renseigner sur l'électrotonus du nerf intact dans l'organisme. Malheureusement les expériences sur l'électrotonus de l'homme sont entachées de telles difficultés et de tant de causes d'erreurs que les résul- tats obtenus sont très contradictoires et ne peuvent être utilisés qu'avec grande réserve. La difficulté principale, c'est que le nerf humain, entouré de ditTérents tissus, ne peut être atteint directement par le courant constant qui eu môme temps se propage dans les tissus environnants. Dans ce cas, il est difficile, sinon impossible, de déterminer la direction du courant dans les deux l'égions soi-disant extra-polaires; le nerf polarisé présente alors deux cathodes du côté de l'anode (appliqué sur la peau) et deux anodes du côté de la cathode (Helmholtz). L'action du courant polarisateur ne se manifeste donc pas d'après la disposition de ses pôles sur la peau, mais d'après le point d'entrée et de sortie des branches du courant dans le nerf; en d'autres termes, les phénomènes éleclrotoiiiques ne sont pas produits par les vraies électrodes, mais par des électrodes virtuelles, qui sont de sens contraire, c'est-à-dire l'anode virtuelle correspond à la vraie cathode, et la cathode virtuelle à la vraie anode. Ce fait explique que les résultats obtenus sur l'homme sont en contradiction avec les faits observés chez la grenouille dans des conditions d'expéri- mentation meilleures et bien plus précises. Les résultats d'EcLENUURG (^5b), Erb (56), Samt (37), BruckiMEr (58), Uu.nge (59), v. Ziemsse.x (6(i), et d'autres sont très contradictoires et ne prêtent guère à une déduction générale. Erb a constaté une augmentation de l'exci- tabilité dans l'anélectrotonus et une diminution dans le catélectrotonus. Waller et Wat- teville (61) sont arrivés à des résultats plus satisfaisants, grâce à un dispositif spécial qui leur a permis de faire passer par le même circuit le courant polarisateur et le courant irritant. 11 résulte de leurs recherches que dans l'électrotonus chez l'homme l'excitabilité est augmentée à la région cathodique et diminuée à la région anodique. Ces modifica- tions électroioniques de l'excitabilité s'observent, quoique à un degré différent, aussi bien dans la région polaire (là où le courant pénètre dans le nerf), que dans la région péri- polaire (là oii le courant quitte le nerf). Nerfs sensoriels. — Ils présentent également des phénomènes électroioniques, mais ceux-ci sont si étroitement liés avec les effets de l'excitation polaire que nous croyons plus à propos de les traiter plus loin. Phénomènes électrotoniques dans leur rapport avec la loi des secousses. — Les phé- nomènes étudiés plus haut ne sont pas les seuls que le courant continu provoque dans le nerf. A côté des modifications électrotoniques de l'excitabilité engendrés par l'état ELECTROTONUS. 4^21 permanent du courant, on observe des effets d'excitation produits à son état variable. Chaque fermeture ou ouverture du courant irrite le nerf et provoque une secousse^ de son muscle. La répartition de secousses à l'ouverture et à la fermeture du courant suivant la direction et rintensité de ce dernier est désignée par du Bois-Reymond sous le nom de loi des secousses. Si nous nous reportons à l'historique très détaillé de la question qu'il a donné, on voit que, dés les premières applications du galvanisme à l'étude de l'excita- bilité neuro-musculaire, les physiologistes se sont intéressés à l'inlluence exercée par le sens et l'intensité du courant sur l'effet obtenu. Pfaff fut le premier à constater que le courant descendant produit plus facilement une secousse à la fermeture, tandis que le courant ascendant provoque plus facilement une secousse à l'ouverture. Ce fait fut con- firmé par Galvani et Michaelis. Au commencement du siècle (180a), Ritter avait formulé une véritable loi des secousses, modifiée plus tard par Nobili (1829). La loi de Ritter- NoBiLi présente déjà une succession régulière d'effets dus aux différents degrés de l'exci- tabilité du nerf dans les deux sens du courant. Celte loi fut l'objet de recherches très nombreuses, et plus ou moins contradictoires, faites par du Bois-REYMOiS'D [l. c), Longet ET Matteucci (64), Heidenhain (63), Cl. Ber.nard (641, Schiff (2 ), Regxauld (65), Bezold ET RosEXTHAL (66), Wu.xDT {l. c), Baieblacher (67), Chauveau (68) et d'autres, mais ce n'est que grâce aux recherches et à l'analyse minutieuse de Pflijger que cette loi a pris sa forme définitive. La formule de Pklûger est aussi la plus conforme aux résultats obtenus par la majorité de ses prédécesseurs et peut être représentée par le tableau suivant : INTENSITÉ DU COCRANT. COURANT ASCENDANT. COURANT DESCENDANT. FERMETURE. OUVERTURE. FERMETURE. OUVERTURE. Faible. Moyenne. Forte. Secousse. Secousse. Repos. Repos. Secousse. Secousse. Secousse. Secousse. Secousse. Pv,cpos. Secousse.^ Repos (faillie secuiisse). Ce tableau, donné par Pfluger, est généralement admis en électrophysiologie, Pfluger a cherché à expliquer la loi des secousses par les phénomènes de l'électro- tonus, et il y a pleinement réussi. En effet, on peut se demander si cette succession régulière des effets produits par l'action de l'état variable du courant n'est pas due surtout ou exclusivement au passage du nerf de l'état normal à l'état électrotonique, et récipro- quement à son retour de l'état électrotonique à l'état normal? A priori, on pourrait admettre que l'effet de l'excitation appliquée dans la région catélectrotonique, dont l'excitabilité est augmentée, différera de celui que l'on obtient dans l'anélectrotonus, dans lequel l'excitabilité du nerf est diminuée. S'il en était ainsi, on devrait tr^buver dans les phénomènes de l'électrotonus l'explication la plus simple, sinon la seule, de la loi des secousses. En effet, Pflïger a trouvé cette explication grâce au principe formulé en même temps par lui et par Chauveau (68), à savoir : le nerf est toujours excité par un des pôles du courant; l'excitation se produit à la fermeture du courant, seulement à la cathode, et à l'ouverture du courant, seidement à Vanode;&n d'autres termes, l'excitation se produit par l'apparition du catclectrotonus et par la disparition de l'anélectrotonus. L'excitation peut donc avoir lieu soit dans la partie centri-polaire, soit dans la partie myopolaire du nerf suivant la direction, la fermeture ou l'ouverture du courant; dans chaque cas spé- cial, l'excitation a à parcourir un trajet électrotonisé, lequel, vu l'augmentation ou la diminution de son excitabilité et de sa conductibilité, présente une résistance plus ou moins grande au passage du courant. On arrive ainsi à expliquer tous les degrés de réactions motrices représentées dans le tableau de Pflijger, Ainsi pour le courant faible on obtient dans les deux directions seulement une secousse de fermeture (à la cathode), l'intensité du courant n'étant pas suffisante pour provoquer une secousse d'ou- verture (à l'anode) qui nécessite toujours une force de courant plus grande que la secousse 422 ELECTROTONUS. cathodique à la fermeture. Les intensités moyennes donnent des secousses à la fermeture et à l'ouverture des deux directions du courant, parce que dans ce cas les modifications électrotoniques de l'excitabilité et de la conductibilité ne sont très prononcées ni dans un sens, ni dans l'autre; l'intensité moyenne suffit pour produire une excitation anodique à l'ouverture ; mais elle ne peut pas engendrer un état anéleotrotonique assez fort pour enrayer le passage de l'excitation cathodique. Un état pareil se produit seulement lorsque le courant est fort : dans ce cas, le courant ascendant ne donne pas de secousse de fer- meture, l'excitation cathodique ne pouvant pas se propager vers le muscle à travers la région anéleotrotonique dont l'excitabilité et la conductibilité ont sensiblement diminué; d'autre part, le courant descendant ne produit pas de secousse' à l'ouvertui-e de l'anode, ne pouvant pas, malgré sa grande intensité, irriter la partie anodique intra-polaire deve- nue peu excitable. Dans ce dernier cas, les effets consécutifsdel'électrotonus jouent aussi un certain rôle. Comme il a été dit plus haut, les modifications de l'excitHbilité persistent à l'ouverture du courant polarisateur, mais dans un sens inverse ; il peut donc se produire à l'ouverture du courant une diminution de l'excitabilité et de la conductibilité de la région cathodique, laquelle pourrait ainsi opposer une forte résistance au passage de l'excitation anodique d'ouverture et enrayer la transmission du processus de l'excitation au muscle. Ajoutons qu'à une forte intensité du courant la diminution de l'excitabilité dans le catélectrotonus peut se produire même pendant la durée de l'action du courant polarisateur quelque temps après sa fermeture [Hermann, Werigo (70)]. Ce fait explique certaines irrégularités de la loi des secousses constatées par différents observateurs [DuTTO (71)]. Il faut aussi savoir que dans un nerf (après la mort) l'excitabilité augmente avant de disparaître, et que l'augmentation de l'excitabilité a lieu surtout au voisinage de la section. Or, dans la période de l'excitabilité exagérée d'un nerf en voie de mort, les courants faibles produiront des effets égaux à ceux des courants moyens ou forts; on obtiendra alors des secousses non seulement de fermeture, mais aussi d'ouverture, et même exclusivement ces dernières (Bez(jld et Rosexthal). Il importe de remarquer que tout ce qui modifie soit le degré des manifestations élec- trotoniques de l'excitabilité, soit l'action excitante du courant, influe sur la régularité des effets obtenus et fait varier la formule de la loi des secousses. Aussi faut-il, dans ce genre d'expérience, prendre en considération l'influence de l'étendue du nerf irrité, celle de la durée du coui-ant et de sa direction par rapport à l'axe du nerf. L'affirmation de Galvani relative à l'inefficacité du courant transversal est encore maintenant soutenue par certains physiologistes [Fick (72), HermanxX (73), [Albrecht, Mayer et Giuffré (74)], quoique combattue par d'auti'es [Tchiriew (73), Gad (76), et Kurtschinsky (77)]. Il est certain que, même si le courant transversal irrite le nerf, l'effet de son excitation doit être de beaucoup inférieur à celui que l'on obtient si l'on a disposé les électrodes dans l'axe longitudinal du nerf; en tous cas, le nerf vivant oppose pour sa conductibilité une résistance cinq ou six fois plus grande au courant transversal qu'au courant longi- tudinal. La loi des secousses formulée pour les irritants électriques a été aussi confirmée pour les irritants chimiques et mécaniques [Pfluger, Tigerstedt (78)]. La loi des secousses fut déterminée non seulement pour l'excitation bi-polaire, mais aussi pour l'excitation mono-polaire, la seule du reste qui permette d'étudier la succession des secousses provoquées par l'excitation d'un nerf, ayant conservé ses rapports anato- miques et situé sous la peau intacte. On doit à Chauveau (68) d'avoir trouvé l'ingénieuse méthode d'excitation mono-polaire, qu'il ne faut pas confondre avec les faits d'induction unipolaire observés avec les appareils d'induction (du Bois-Reymond) et qui consiste à irriter le nerf avec une seule électrode, l'autre étant placée à un endroit éloigné, ce qui permet d'isoler l'action de chacun des deux pôles [Charpentier (69)]. En comparant l'activité des deux pôles pendant le passage du courant de pile, Chauveau a obtenu les résultats suivants : il existe, pour tout sujet dont les nerfs sont en parfait état physiolo- gique, une certaine intensité-type du courant, qui produit, à la suite d'une excitation positive et négative, des contractions égales à la fois en grandeur et en durée; au-dessous de cette intensité, l'activité du pôle négatif est plus grande, au-dessus, c'est le pôle positif qui présente la plus grande activité, et cette différence d'action des deux pôles croît avec l'intensité du courant. L'influence de l'excitation unipolaire sur les nerfs de sensibilité ELECTROTONUS. 423 est inverse de l'influence qu'elle exerce sur les nerfs moteurs, le pôle positif agissant sur- tout sur le nerf moteur, le pôle négatif sur le nerf sensitif. La secousse de rupture appa- raît toujours plus tôt avec l'excitation monopolaire positive qu'avec l'excitation négative. Un tétanos se produit pendant toute la durée du passage du courant par des excitations positives lorsque le courant est fort, et par des excitations négatives lorsque le courant est d'intensité moyenne. Les excitations induites unipolaires et les décharges de l'électri- cité statique agissent comme le [courant continu et provoquent plus facilement la con- traction au pôle négatif qu'au pôle positif, et ce n'est qu'avec l'augmentation de l'intensité du courant que les secousses positives et négatives deviennent égales. Tels sont les faits importants découverts par Chauveau sur l'action monopolaire du courant. L'accueil peu favorable que la méthode monopolaire a rencontré auprès des physiologistes, qui lui ont adressé des critiques très sévères, est largement compensée par Je grand crédit qu'elle trouve près des médecins, et il est certain que l'action mono- polaire du courant électrique constitue actuellement un des principes fondamentaux de l'électrodiagnostic et de l'électrothérapie. La méthode, pouvaiit être appliquée à l'excitation d'un nerf intact, a permis de déter- miner la loi des secousses du nerf moteur chez l'homme. En augmentant graduellement l'intensité du courant irritant, on obtient successivement des secousses à la fermeture de la cathode et de l'anode, et à l'ouverture de l'anode et de la cathode. (CftFeS > A?jF(?S > AïiOS > C«OS) Cette formule représente la loi des secousses du nerf moteur chez l'homme et, vu les modifications importantes qu'elle subit dans les maladies, elle a une grande importance pour l'électrodiagnostic des maladies nerveuses. On voit que cette loi, qui, du reste, d'après les recherches récentes, présente des irrégularités nombreuses, diffère notablement de la loi des secousses établie par Pfluger sur le nerf de la grenouille. Déjà la secousse anodique de fermeture des électro-diag- nosticiens présente un cas spécial qui cadre mal avec les faits démontrés sur le nerf isolé par les physiologistes. Le rôle de l'électrode virtuelle (Helmholtz) a une influence notable sur les résultats obtenus chez l'homme, et il ne faut tenir compte qu'avec grande réserve de ces faits quand il s'agit de les appliquer à la physiologie. Pour le moment, on doit admettre que la loi des secousses polaires en électrodiagnostic diffère de celle en électro- physiologie, mais il faut en même temps regretter que les faits trouvés par les électro- thérapeutes aient attiré si peu l'attention des physiologistes. La loi des secousses des nerfs centrifuges a été démontrée également pour les nerfs centripètes {sensitifs) chez la grenouille [Marianini et Matteucci (2o), Pfluger (79), Set- scHENOFF (80), Hallsten(o4)] et chez l'homme [Erb (56), Watteville (81), Mendblssohn (82) etBoRDiER(83)]. D'après nos recherches faites sur l'homme, on obtient, avec l'augmentation graduelle du courant, d'abord une sensation à la fermeture de la cathode et de l'anode, ensuite à l'ouverture de l'anode et de la cathode; la sensation à la cathode est plus forte que celle à l'anode, les sensations à l'ouverture des deux pôles sont perçues d'une façon égale. Cette formule, qui diffère de la formule trouvée par Erb, est semblable à celle de la loi des secousses du nerf moteur; elle fut en tous points confirmée par les recherches récentes de Bordier (/. c). Malgré quelques irrégularités que cette formule présente dans certains cas, on peut conclure, qu'à quelques exceptions près, qui sont plus ou moins dil'liciles à déterminer, les nerfs centrifuges (moteurs) et les nerfs centripètes (sen- sitifs) se comportent de la même manière vis-à-vis l'action de l'état variable du courant galvanique. D'autres nerfs à action centrifuge, centripète ou mixte, présentent également des phénomènes analogues à ceux de l'électrotonus et de la loi des secousses. Biedeumann (84) a démontré la valabilité de la loi de Pfluger pour les nerfs secrétaires, en évaluant leur effet réactionnel chez la grenouille d'après la grandeur de la variation négative des courants sécrétoires de la langue provoqués par l'irritation du nerf glosso-pharyngien. Il a pu ainsi constater pour les trois degrés d'intensité du courant une succession de variations galvaniques conforme à la loi des secousses du nerf moteur. La même loi fut démontrée pour les fibres (centrifuges) inhibitrices cardiaques du pneumogastrique par Donders (85) et pour les fibres respiratoires par Langendorff et Oldag (86). D'après ces 424 ELECTROTONUS. derniers, la fermeture du courant ascendant et l'ouverture du courant descendant exercent une action inliibitrice (expiratrice) sur la respiration, tandis que l'ouverture du courant ascendant et la fermeture du courant descendant exercent une action excita- trice (inspiratrice) sur la respiration. Le passage permanent du courant produit égale- ment une action inliibitrice sur la respiration. Les actions antagonistes des nerfs mixtes étant très compliquées, il est tout naturel que les phénomènes éiectrotoniques qu'ils manifestent présentent des irrégularite's nombreuses, encore mal expliquées. Les nerfs sensoriels donnent, au point de vue de la loi des secousses, des résultats qui sont encore bien plus compliqués. L'effet réactionnel dans ces cas est une sensation dont l'intensité ne peut être évaluée que subjectivement; en outre, les phénomènes pro- duits par l'action de l'état permanent du courant et par celle de son état variable s'en- chaînent tellement entre eux, qu'il est souvent difficile de décerner dans ce phénomène la part qui revient aux manifestations électroioniques et celle qui revient à l'excitation polaire. Enfin il n'est pas toujours possible d'isoler et de localiser l'irritation d'un nerf sensoriel, celle-ci ayant une grande tendance à se propager jusqu'aux terminaisons péri- phériques (cellules sensorielles) du nerf. C'est sur le sens du goiit que l'on a obtenu jusqu'à présent les résultats les plus satis- faisants. Il y a longtemps déjà que l'on a constaté que le passage d'un courant à travers la langue produit ^une sensation de goût, acide à son entrée et alcalin (presque amer) à sa sortie (Pfaff,Volta, Ritter). La sensation cathodique est plus faible que la sensation anodique, et, d'après Rosenthal (87), la dernière persiste encore un certain temps après l'ouverture du courant, tandis que la première disparaît rapidement. Dans certaines con- ditions, à l'ouverture du courant, le goût acide se transforme en goût légèrement métal- lique [RiTTER (23), ViNTscHGAU (88)]. Ccs actious polaires varient suivant l'individu et sui- vant différents états chez le même individu; elles doivent être considérées comme l'effet immédiat de l'action du courant sur les terminaisons du nerf sensoriel dans la muqueuse de la langue [Laserstein (89), Hermanx (90)]. Il est intéressant de remarquer que les récentes recherches de von Zeynek (90 hls) prouvent que la qîialitc du goût est influencée non seulement par l'intensité, mais aussi par la tension du courant irritant dont les actions électrolytiques conditionnent ces différentes qualités du goût. Le sens de la vue présente également des phénomènes très nets en rapport avec la direction, l'intensité et l'action polaire du courant. Ces faits, observés déjà par Ritter et PuRRiNJE, ont été établis et démontrés positivement par Helmholtz (91), qui s'est servi d'un procédé spécial permettant de limiter l'action du courant sur l'appareil visuel sans produire de secousses musculaires à chaque fermeture et ouverture du courant. Suivant que l'anode ou la cathode d'un courant ascendant ou descendant sont appliquées à l'œil en expérience, on perçoit une sensation lumineuse (blanche ou colorée) dont la quantité et la qualité varient avec l'intensité du courant. On perçoit une sensation d'obscurité, lorsque le courant se dirige vers les cellules ganglioimaircs, et une sensation de clarté, lorsque le courant va dans un sens opposé (Helmholtz). Tout récemment, G.-E. Muller (92) a institué de nouvelles recherches sur les sensations visuelles provoquées par le cou- rant galvanique, et il est arrivé à des résultats intéressants] à plusieurs points de vue. Il résulte de ses recherches que le courant ascendant modifie la sensibilité lumineuse en exagérant la perception du blanc et en affaiblissant celle du noir; le courant descendant agit dans un sens inverse. Le courant ascendant produit une sensation chromatique du bleu vers le rouge; le courant descendant, celle du jaune vers le vert. L'action du cou- rant ascendant est plus prononcée que celle du courant descendant. Il existe donc, d'après G.-E. Muller, une identité complète entre l'action du courant galvanique sur l'ap- pareil visuel et l'action du même courant sur le nerf moteur. Il est certain que tous ces phénomènes, provoqués par l'action antagoniste de deux directions du courant, doivent être envisagés comme des effets dus à l'action polaire du courant galvanique. Des phénomènes analogues ont été démontrés pour le sens de l'ouie, malgré la grande difficulté de localiser l'action du courant dans les appareils terminaux du nerf auditif et de déterminer le sens dans lequel le courant traverse les terminaisons ner- veuses. Néanmoins Brenner (93) a pu déduire de ses nombreuses recherches une loi d'excitation du nerf acoustique semblable à la loi des secousses du nerf moteur. Les bruits subjectifs perçus par le sujet en expérience diffèrent comme timbre et comme ÈLECTROTONUS. 425 intensité suivant la force de l'action polaire du courant à la fermeture et à l'ouverture. Tous CCS faits relatifs aux actions électrotoniques et à la loi d'excitation polaire des nerfs sensoriels ne doivent pas être considérés comme défjnitivement établis, et ces recherches, vu leur grande importance, mériteraient d'être reprises avec des méthodes qui permettent d'éliminer les nombreuses causes d'erreurs. Pour le moment, il règne encore une grande confusion dans cette partie de l'électrophysiologie, et les faits acquis sont loin de pouvoir être coordonnés en une loi générale qui préciserait les conditions dans lesquelles le courant galvanique agit sur un nerf sensoriel ou sur ses terminaisons périphériques. Électrotonus dans ses rapports avec certains phénomènes de l'excitation nerveuse. — Certains effets de l'excitation du nerf se rattachent à des phénomènes éleclrotoniques et y trouvent leur explication et leur raison d'être; c'est à ce titre que nous les mentionnons ici. L'électrotonus intervient dans les phénomènes suivants, plus ou moins bien étudiés et plus ou moins controversés : a) Tétanos d'ouverture de Ritter. — Un courant constant traversant le nerf pendant un temps plus ou moins long, peut produire à l'ouverture une contraction tétanique durable du muscle correspondant. Ce phénomène porte le nom du tétanos d'ouverture de Ritter, et ne doit pas être confondu avec la secousse d'ouverture anodique; il disparaît quand on referme le courant dans le même sens, et se renforce quand on ferme le courant dans un sens opposé. Ce tétanos disparaît également lorsqu'on sectionne le nerf dans sa région intra-polaire ou bien dans la partie plus rapprochée du muscle, en un mot dans la partie anélectrotonisée, d'oii on peut conclure que le tétanos de Ritter est un phénomène étroi- tement lié aux manifestations anélectrotoniques du nerf. En effet, PflOger considère ce tétanos, ainsi que toute autre secousse d'ouverture, comme un effet direct de la disf>ari- tion de l'anélectrotonus. D'après Engelmann (94), le tétanos d'ouverture serait dû à la modification positive du trajet anélectrotonique provoquée par l'ouverture du courant. La partie du nerf devenue plus excitable réagirait plus facilement et plus fortement à toute une série d'excitations latentes (dessiccation, influences thermiques, etc.) qui se produisent dans le nerf et auxquelles celui-ci ne réagit pas à l'état normal, c'est-à-dire à un degré d'excitabilité moindre. Cette manière de voir trouve un certain appui dans le fait constaté parGRûNHAGEN (95) que telle intensité du courant irritant qui estinefficace avant la fermeture du courant polarisateur peut produire un tétanos après l'ouverture de ce courant. D'autre part, Biedermann (96) a pu s'assurer qu'en augmentant graduellement l'intensité du courant on provoque d'abord une simple secousse d'ouverture anodique, ensuite un tétanos d'ouverture; la période latente de ce dernier est plus longue que celle de la première. Ce fait démontre que les deux phénomènes, quoique reliés par un rapport causal évident, constituent deux actions différentes et ne doivent pas être con- fondus entre eux. Il est probable du reste que le tétanos de fermeture peut également être très bien expliqué par les phénomènes du catélectrotonus. On pourrait ainsi envi- sager l'excitation efficace d'ouverture comme une réaction propre du nerf (et en général de la matière vivante) aux modifications déprimantes et inhibitrices de l'anélectrotonus. Les actions d'interférence entre le courant irritant et le courant propre du nerf qui donnent lieu à des secousses d'ouverture apparentes (Voy. art. Électricité animale), se rattachent probablement à la même catégorie de 'phénomènes, qui ont été également observés sur le muscle [Rouxeau (97)]. b) Alternatives de Volta. — C'est Volta qui constata le premier que l'excitabilité d'un nerf moteur traversé par un courant constant est diminuée ou abolie par la fermeture de ce courant (donc de même sens) et renforcée par la fermeture ou l'ouverture d'un courant de sens contraire; si ce dernier reste longtemps fermé, l'excitabilité réapparaît pour le courant de même sens, et disparaît pour le courant de sens inverse, et ainsi de suite. En interprétant ce fait, Volta pensa à l'action dilïérente de la fermeture et de l'ouverture d'un courant traversant le nerf pendant un certain temps. Rosexthal (98), qui a étudié à fond ce phénomène, l'a formulé de la façon suivante : lorsqu'un courant, quel que soit son sens, traverse un nerf moteur d'une façon permanente, l'excitabilité de ce nerf augmente pour l'ouverture de ce courant et pour la fermeture d'un courant de sens inverse, tandis qu'au contraire elle diminue pour l'ouverture de ce dernier et pour la fermeture du premier courant. D'après Pflïger, la loi formulée par Rose.nthal n'est -4-26 ÉLECTROTONUS. valable que pour les courants faibles ou moyens; lorsque le courant est fort, le tétanos d'ouverture est atfaibli par la fermeture et renforcé par l'ouverture d'un courant, quel que soit le sens de ce dernier. L'ensemble de ces phénomènes, compris sous le nom d'allerna- tives de Volta, résulte certainement des modifications électrotoniques qui se produisent dans le nerf. La loi de Rosenthal n'est qu'une conséquence logique de la loi d'action polaire du courant, formulée plus haut sous le nom de loi de secousses, et s'explique par l'action antagoniste des modifications qui ont lieu dans le nerf à l'anode et à la cathode, à l'ouverture et à la fermeture du courant. Il est facile de comprendre la diminution de l'excitabilité à la suite d'une fermeture répétée d'un courant de même sens, éLant donné que dans ce cas l'état anélectrotonique avec toutes ses conséquences se rétablit chaque fois dans tous les points du nerf qui deviennent ainsi moins excitables. On doit forcément obtenir un effet contraire à la fermeture d'un courant de sens inverse dont l'effet se ma- nifeste par l'établissement du catélectrotonus à la place de l'anélectrotonus, qui disparaît. c) Le phénomène de l'augmentation de l'excitabilité au voisinage de la section transver- sale du nerf et celui de l'accroissement en avalanche de l'excitabilité du nerf se rattachent tous les deux aux phénomènes de l'électrotonus, non seulement parce qu'ils exercent une influence notable sur la valeur de ce dernier et entravent sa marche régulière, mais aussi, et même surtout, parce qu'ils ne peuvent être expliqués que parles manifestations électrotoniques qui contribuent à leur développement. Il est prouvé, par les recherches de Heidexhain (99), Faivre (100) et d'autres expérimentateurs, qu'une section transversale produit un accroissement de l'excitabilité du nerf en général et particulièrement au voi- sinage du bout sectionné. Cet accroissement est d'autant plus grand que le point consi- déré est plus proche du bout sectionné et diminue à mesure qu'on s'approche du muscle. D'après Charbonel-Salle (28), l'énergie de la contraction musculaire dépendi-ait plutôt de la distance du point irrité à la section transversale que de la distance du même point au muscle. L'augmentation de l'excitabilité du nerf à la suite d'une section transversale s'explique très bien par la modification provoquée dans le nerf par l'établis- sement du catélectrotonus à la suite de la fermeture du courant irritant, produite par le courant propre (transverso-longitudinal) du nerf. La même explication s'appliquerait très bien au phénomène de l'accroissement en ava- lanche de l'excitation dans le nerf. Mais cet accroissement est loin de pouvoir être consi- déré comme définitivement établi, malgré de nombreuses recherches faites sur ce sujet. Les uns, comme IkiDGE (101), PflOger (40), Heidexhaix (95), du Bois-Reymoxd, Fleischl (102), Grutzner (103), Charbonnel-Salle, Beck (104), et d'autres, admettent l'excitabilité différente aux divers points du nerf moteur; d'autres, comme Hermaxn (103), Tigerstedt (78), et, tout dernièrement, 0. Weiss (106), J. Mcxk et P. Schulz (107) nient les différences locales d'excitabilité du nerf et trouvent qu'un nerf absolument normal offre dans tout son trajet une excitabilité égale. La question estloin d'être résolue, et les toutes récentes recherches d'EiCHHOFF (108), paraissent de nouveau prêterun appui à la première manière de voir. 11 résulte de ces recherches que l'excitabilité du nerf varie dans sa partie supé- rieure et inférieure suivant la nature de l'irritant (électrique, chimique ou mécanique). d) Les phénomènes de la lacune de Ficr et de la secousse supra-maximale doivent être mentionnés ici; car ils sont en corrélation étroite avec les manifestations de l'électro- tonus et avec l'action polaire du courant. Fick (22) démontra le premier que, dans cer- taines conditions, l'irritation par un courant ascendant présente une interruption dans son action sur le nerf. Il désigna cette interruption de l'activité physiologique du nerf sous le nom de lacune. Le phénomène se présente de la façon suivante. Lorsqu'on irrite un nerf moteur avec des intensités croissantes de courants ascendants de courte durée (ou bien avec des courants d'intensité invariable et de durée croissante), soit avec des appareils d'induction, soit avec l'état variable d'un courant continu, on constate que les secousses musculaires provoquées par cette irritation, après avoir atteint un maximum, n'augmentent plus, mais au contraire diminuent d'intensité et arrivent à zéro — lacune — où le muscle ne réagit plus, malgré l'augmentation de la force de l'irritant ou de sa durée d'action. Ce n'est qu'avec une certaine force du courant que l'effet réac- tionnel apparaît de nouveau ; les secousses musculaires peuvent alors dépasser de beaucoup en intensité les secousses produites avant la lacune (secousses supra- ÉLECTROTONUS. 427 maximales). Ce phénomène a été confirmé, quoique différemment interprété, par Wu.ndt (loc. cit.), RosENTHAL {loc. cU.), Meyer (109), Lamansky (HO), TiEGEL (111)t Crutzner {loc. cit.), TiGERSTEDT (78), et d'autres. L'explication la plus probable est celle qui est donnée par Fick lui-même et qui est déduite des actions électrotonisantes produites par les courants instantanés de différentes durées. La lacune, autrement dit, la sup- pression d'activité produite par des courants ascendants forts, est due à l'action inhibi- trice de l'anélectrotonus. A une certaine force du courant irritant, l'état anélectrotonique est assez intense pour pouvoir annuler l'excitation cathodique. Si l'anélectrotonus n'est pas assez développé et n'inhibe qu'imparfaitement l'excitation cathodique, la lacune ne se produit que d'une façon incomplète ou même ne se produit pas du tout. La lacune résulterait donc d'une certaine relation qui doit exister entre le pouvoir irritant et le pouvoir électrotonisant du courant. Quant à la secousse supra-maximalc, elle doit être considérée comme une secousse d'ouverture, analogue à celle que l'on obtient avec des courants forts dans le 3« def,'ré de la loi des secousses de PflIjger. D'après Mares (112), la secousse supra-maximale résulterait de la somme de deux excitations : celle de l'ouverture à l'anode et celle de la fermeture à la cathode. Bien entendu, au moment de la production des secousses supra-maximales, l'action inhibitrice de l'anélectrotonus n'existe plus. e) L'action simultanée d'excitations nndtiples sur le nerf produit des effets qui se rattachent également aux phénomènes de l'électrotonus et doivent être interprétés comme des effets de l'action polaire du courant. L'action simultanée de deux excitations a été étudiée surtout par Sewall (H3), par Werigo (114). De deux irritants agissant simul- tanément sur le nerf, l'un peut être considéré comme actif, l'autre comme modificateur de l'état du nerf. Or l'action du courant irritant est renforcée, lorsque celui-ci est appliqué dans la région cathodique du courant modificateur, elle est diminuée lorsque l'irritation a lieu dans larégion de l'anode. Le renforcement de l'excitabilité dans la région cathodique est bien plus prononcé que la diminution dans la région anodique. Cette manièie devoir, déduite des faits expérimentaux constatés par Sewall et surtout par Werigo, montrent combien l'intervention de l'électrotonus dans des phénomènes aussi complexes que ceux de l'action simultanée des irritations multiples est importante pour l'analyse du processus d'excitation, processus qu'on peut envisager comme une somme d'excitations partielles multiples se propageant de proche en proche le long du trajet nerveux. Il importe tou- tefois de remarquer .que Kaiser (Ho), en se servant d'excitations chimiques appliquées simultanément avec les excitations électriques, a observé des phénomènes analogues qu'il explique par la superposition ou par l'interférence des excitations dans le nerf. Il est certain qu'à côté des actions électrotoniques l'interférence des excitations doit aussi jouer un rôle important dans certains phénomènes de l'excitation électrique. Peut-être même cette interférence se produit-elle dans la plaque motrice, comme l'ont vu Schiff (2) et Wedensky (116). Du reste, d'après Kuhne, les manifestations électrotoniques se propagent même jusqu'aux appareils terminaux moteurs. Quelle que soit la localisation de cette action inhibitrice, il faut certainement en tenir compte dans les phénomènes d'excitation du nerf et du muscle. Les faits observés par Ch. Richet (117) et Biedermann (118) parlent en faveur de cette manière de voir. Un muscle contracté de la pince de l'écrevisse peut se relâcher à la suite de la tétanisation de son nerf (Ch. Richet); on obtient le même effet sur le muscle couturier d'une grenouille vératrinisée. L'action de l'anélectrotonus par rapport à celle du catélectrotonus doit être considérée comme une action antagoniste de deux états différents : d'un état d'excitation et d'un état d'inhi- bition. A l'action d'une excitation double se rattachent encore les eff'ets de l'excitation avec une électrode à trois branches. Ce mode d'excitation, pratiqué, au dire de Werigo, depuis longtemps par Setschenoff, a été proposé dans ces dernières années par Schater.mkoff (H9), Danilewsry (120), et tout récemment par Werigo (121). D'après ce dernier, il s'agirait dans ce cas d'une double excitation, dont les deux pôles, négatif ou positif, sont réunis au milieu, de sorte qu'une double région anélectrotonique se trouve entre deux régions catélectrotoniques simples, et, réciproquement, un double trajet catélectrotonique entre deux trajets anélectrotoniques simples. C'est ainsi que les doubles anélectrotonus et catélectrotonus du milieu seront renforcés et présenteront une double intensité. On 428 ELECTROTONUS. obtiendra alors, suivant le cas et suivant la dislance des électrodes, une augmentation ou une diminution de l'efîet réactionnel en rapport avec les modifications des états anélec- Irotonique et catélectrotonique. Tous les faits précités démontrent avec évidence le rôle essentiel que l'intervention des actions électroioniques joue dans les phénomènes de l'excitation électrique du nerf. On peut dire, sans s'écarter de la réalité des choses, que tous les phénomènes d'excitation électrique du nerf sont dominés par la loi fondamentale de l'électrototonus et sont conditionnés par l'action antagoniste de l'état an- et cathélectrotonique, qui exerce une influence notable sur l'efficacité de rirritanl. B. Électrotonus dans le muscle. — Les phénomènes de l'électrotonus sont bien moins prononcés dans le muscle que dans le nerf : ils font encore l'objet de controverses nom- breuses. Il n'en est pas moins vrai que le passage d'un courant constant à travers le muscle produit, dans le muscle comme dans le nerf, deux espèces de phénomènes : des courants électrotoniques et des modifications électrotoniques de Vexcitahilité. I. Courants électrotoniques du muscle. — Les courants éiectrotoniques ne peuvent être révélés dans le muscle aussi facilement que dans le nerf. La masse musculaire, vu son grand volume, présente un terrain propice aux dérivations du courant polarisaleur qui peuvent ainsi masquer les courants électrotoniques proprement dits. Aussi n'esl-il pas surprenant que du Bois-Reymond [JJnters., II, 1, p. 329) n'ait constaté le phénomène de l'électrotonus que dans la partie intra-polaire du muscle, et qu'il ait cru pouvoir con- clure que l'électrotonus est limité dans le muscle à la partie intra-polaire et ne se produit guère dans sa partie extra-polaire. Quelque temps après, Valentin (122) attira l'attention sur les courants électrotoniques extra-polaires, dont l'existence fut détinitivement démontrée par Hermann (123). Ce dernier put, grâce à certains procédés d'investigation, s'assurer que l'électrotonus du muscle, tout en présentant le maximum de son déve- loppement aux électrodes, s'étend même jusqu'à la partie extra-polaire; les courants électrotoniques extra-polaires sont de même sens que le courant polarisateur : ils croissent avec l'augmentation de l'intensité de ce dernier; ils sont beaucoup plus intenses dans la région de l'anode que dans celle de la cathode, et ils disparaissent après l'ouverture du cou- rant polarisateur. D'après Hermann, les phénomènes électrotoniques du muscle sont absolument identiques à ceux du nerf, dont ils ne diffèrent que par leur intensité moindre- Après l'ouverture du courant polarisateur, on constate dans le muscle des courants post- électrotoniques allant, suivant les cas, dans le même sens ou dans le sens opposé que le courant polarisateur (polarisation positive et négative de du Bois-Reymond). Le courant de polarisation positif serait, d'après Hermann, un courant d'action produit par l'irritation qui a lieu à l'ouverture du courant polarisateur. Herin»; (124) a trouvé que le courant post-anélectrolonique est, suivant la grande ou la faible intensité du courant polarisateur, de même sens ou de sens opposé que ce dernier, tandis que le courant post-catélec- trotonique présente toujours une direction opposée à celle du courant électrotonisant. Ces faits ne sont pas sans importance pour l'interprétation des phénomènes électromoteurs secondaires décrits par du Bois-Reymond et du phénomène de la secousse musculaire qui se produit à l'ouverture du courant. II. Modifications électrotoniques de l'excitabilité du muscle. — Bezold (27) trouva que les modifications éiectrotoniques de l'excitabilité constatées dans le nerf s'observent également sur le muscle, mais seulement dans sa partie intra-polaire. L'exci- tabilité est augmentée au voisinage de la cathode et diminuée au voisinage de l'anode. La vitesse de la propagation de l'excitation du muscle est diminuée de façon égale dans les régions an- et catélectrotonique. L'électrotonus n'influe nullement sur la durée de la secousse musculaire. Après l'ouverture du courant polarisateur, les modifications de l'excitabilité persistent encore un certain temps, mais dans un sens inverse. Ces faits, qui pendant longtemps paraissaient être définitivement acquis à la science et qui ont été tout dernièrement encore soutenus à un point de vue spécial par W. Kovalewsky (12o), sont combattus par Biedermann {Electroph., p. 23G et 239), dont les recherches récentes sur ce sujet ont éclairé certains points obscurs de la question et ont sensiblement moditié les résultats obtenus par Bezold. Grâce à un dispositif expérimental nouveau, qu permettait d'appliquer l'irritation exploratrice soit ù un point quelconque du trajet intra- polaire, soit à la région môme de la cathode ou de l'anode, Biedermann a pu s'assurer que. ELECTROTONUS. 429 lorsque le courant polarisateur n'est pas trop fort, son passage à travers le muscle n'amène aucune modification dans la partie intra-polaire et jjroduit des modifications d'excitabilité strictement limitées aux régions polaires (cathodique et anodique). On observe une augmentation de l'eFficacité des irritations exploratrices appliquées dans la partie intra-polaire seulement dans le cas où le courant irritant est de même sens que le courant polarisateur. L'excitabilité de la région cathodique augmente d'abord dans de certaines limites et diminue ensuite avec la durée de l'action polarisante et avec l'intensité du courant polarisateur. Biedermann croit que l'augmentation et la diminution de l'exci- tabilité du muscle à la cathode pendant le passage d'un courant s'expliquerait très bien par les effets de l'excitation permanente latente que le passage de ce courant produit dans le muscle et qui varie suivant l'intensité du courant polarisateur. La diminution de l'excitabilité du point anodique est plus difficile à expliquer. En résumé, il résulte des recherches de Biedermann, que, pendant le passage d'un courant constant, l'excitabilité du muscle peut être à la cathode augmentée, lorsque le courant polarisateur est faible, et diminuée lorsque le courant polarisateur est fort ou de longue durée; elle est toujours diminuée ou abolie à l'anode. Les points polaires sont seuls modifiés par le passage du courant, la partie intra-polaire, ainsi que les régions extra-polaires, ne présentent aucune modification ni au point de vue de leur excitabilité, ni au point de vue de leur conducti- bilité. Le courant polarisateur exerce ainsi une action exclusivement polaire sur le muscle polarisé. On voit donc que les faits relatifs à l'électrotonus du muscle sont encore très confus, et qu'on est loin de pouvoir définitivement trancher cette question, dont la solution importe tant à la connaissance de la mécanique intime du muscle. Il est probable que, dans le muscle tout autant que dans le nerf, les phénomènes électrotoniques modifient l'action polaire de l'excitation, et qu'il existe un rapport entre les phénomènes de l'élec- trotonus et les effets des irritations électriques, mais les notions que l'on possède sur tous ces faits sont encore bien vagues et très insuffisantes. Certes les phénomènes électroto- niques interviennent dans la réaction du muscle aux excitations, mais cette intervention doit être plus ou moins limitée, vu la faible intensité de l'électrotonus dans le muscle. La loi des secousses de Peluger s'applique aussi au muscle, au moins dans ses traits généraux. Le muscle obéit également à la loi de Chauveau et Pfluger formulée pour le nerf: il est excité, comme le nerf, par la fermeture du courant à la cathode et par l'ouver- ture h l'anode, en d'autres termes : l'excitation à la fermeture est cathoditiue, celle à l'ouverture est anodique. En réalité, il n'est pas facile de démontrer cette loi pour le muscle, vu qu'il se contracte toujours tout entier, aussi bien à la fermeture qu'à l'ouver- ture, à cause de la propagation rapide du processus de l'excitation le long de la fibre musculaire. On ne peut observer la valabilité de la loi précitée pour le muscle qu'en se plaçant dans des conditions d'expérience spéciales, comme l'ont fait Vulpian (126) et ScHiFF (/. c); ils ont en efîet vu, dans un muscle fatigué ou mourant, se produire une contraction localisée à la cathode au moment de la fermeture, et à l'anode au moment de l'ouverture du courant. Ce fait a été démontré d'une façon positive par les recherches de Bezold. Ces recherches ont été reprises avec un procédé perfectionné par Hering (124), qui a constaté que la contraction cathodique précède l'anodique au moment de la fer- meture : c'est le contraire qui a lieu à l'ouverture du courant. E.ngelmann (127), en expé- rimentant sur des muscles sectionnés et en comparant les efl'ets obtenus avec ceux que donnait un muscle non lésé, a vu que l'effet de l'excitation du bout lésé produit par la calhode ou par fanode a été toujours moindre, dans le premier cas, à la fermeture, et, dans le second, à l'ouverture du courant. L'elfet ne se présente pas cependant toujours de cette façon et on observe des exceptions assez nombreuses, qui tiennent probablement à l'action excitante de l'état permanent du courant constant. Wundt avait vu une con- traction prolongée se produire après la fermeture du courant et persister pendant toute la durée de ce dernier [tétanos de Wundt). Un phénomène analogue, nommé « galvano-tonus », s'observe également dans le muscle normal ou dégénéré de l'homme. Du reste, dans un muscle mourant, dont la conductibilité est abolie, on constate pendant le passage du courant une contraction cathodique locale, suivie d'un relâchement ano- dique permanent (Biedermann). C'est à cette catégorie de faits que se rattachent aussi les phénomènes de la réaction de dégénérescence dans le muscle malade, ainsi que la cou- 430 ÉLECTROTONUS. traction idiomusculaire et les «ondulations galvaniques », observées par Kuhne (128) et étudiées récemment par Herma.nn (120) et Meierowsky (130). Tous ces faits semblent indiquer que la loi des secousses dans les muscles est loin d'être aussi formelle et aussi régulière que dans les nerfs ; il paraît même que dans les muscles il se produit des phénomènes d'excitation polaire à côté des effets de l'état permanent du courant. BiEDERMANN, qui a fait de nombreuses recherches sur la contraction du muscle de la grenouille et des animaux infe'rieurs, croit pouvoir formuler le principe suivant servant de base à l'excitation électrique du muscle : l'excitation ou Vinhibition locale du muscle, en d'autres termes, l'augmentation ou la diminution de son excitabilité, sont en rapport avec la durée du courant; la propagation de l'excitation dans le muscle est corrélative de l'état variable du courant. III. Électrotonus des muscles lisses. — Ils se comportent vis-à-vis de l'action du courant électrique comme les muscles striés. Engelmann (127) a observé sur le muscle de l'uretère le phénomène de l'électrotonus très prononcé dans la partie intra-polaire ; mais, contrairement à ce que l'on voit dans le muscle strié, il a constaté une augmen- tation de la conductibilité dans la région catélectrotonique. En général, Engelmann trouve un accord parfait entre la loi d'excitation des muscles lisses de l'uretère et celle des muscles striés. Sur des fibres musculaires (circulaires) des intestins, Schillbach (131) obtenait toujours à la cathode une contraction locale limitée, tandis que la contraction à l'anode se propageait au delà de la région anodique et produisait un vrai mouvement péristaltique. Cependant les recherches récentes de Luderitz (132) indiquent que les excitations cathodique ou anodique ont également la tendance à se propager; seulement cette tendance est plus accusée dans la contraction cathodique que dans l'anodique. D'après Biedermann [Electroph., 219) on peut résumer la loi de l'excitation polaire des muscles lisses de la façon suivante : dans le muscle lisse, comme dans le muscle strié, l'excitation de fermeture a lieu à la cathode, c'est-à-dire au point de sortie du courant de la substance musculaire, la contraction qui en résulte est locale et n'accuse aucune tendance à se propager; à l'anode il s'établit pendant ce temps un état inhibitoire qui produit un relâchement local du muscle suivi dans certaines circonslances d'une contrac- tion à l'ouverture du courant. Cette contraction est analogue à la contraction cathodique permanente de fermeture et peut se propager au delà de la région polaire. On observe même à l'anode une contraction qui paraît être une contraction anodique de fermeture [JoFÉ (133)]. Pour les muscles lisses des animaux inférieurs, Lahohsse (134) a trouvé la valabilité de la loi d'excitation polaire dans le sens qui lui est donné par Biedermann. En général, les muscles lisses offrent, ainsi que le muscle strié, des exceptions à la loi des secousses qu'il est difficile d'expliquer. La propagation de l'excitation peut se faire de telle sorte que, partant d'un pôle, elle peut en même temps atteindre la région de l'autre se trouvant à une certaine distance du premier; elle va ainsi produire une contraction, laquelle, tout en provenant de la cathode, peut en même temps partir d'une aire voisine de l'anode (Biedermann). Excitation polaire du protoplasma non différencié. — La tendance qui se fait de plus en plus jour dans la physiologie moderne à comparer les fonctions des animaux supé- rieurs et celles des êtres mono-cellulaires et à chercher dans le protoptasma non diifé- rencié le prototype des actes plus complexes des tissus et des organes différenciés, a poussé plusieurs physiologistes à étudier l'action polaire du courant sur les actes pro- toplasmiques des êtres inférieurs. Il était tout naturel de chercher si la loi de PflCger, valable pour le nerf, le muscle strié et le muscle lisse, est également applicable à l'organe myoïde et aux phénomènes contractiles du protoplasma non différencié. KiJHNE (i3.ï) fut le premier à observer l'action du courant électrique sur le proto- plasma, mais, si le mérite d'avoir découvert ce fait revient à KChne, c'est à Verworn (136) qu'appartient celui de l'avoir étudié à fond et de l'avoir positivement démontré. Sans nous arrêter sur les influences directrices que le courant électrique exerce sur le déplacement des êtres monocellulaires et qui seront traités en détail dans un article à part (voy. Galvanotropisme), nous dirons ici quelques mots de l'action polaire du courant sur les phénomènes contractiles du protoplasma. Du reste, le galvanotropisme, cette propriété remarquable des êtres uni-cellulaires de se déplacer avec ou contre le courant, et de se rendre vers l'anode ou la cathode, n'est au fond autre chose qu'une réaction polaire du ÉLECTROTONUS. 481 courant galvanique. A côté de ces phénomènes de Jocomotion, les êtres monocellullaires présentent certains mouvements dus à la propriété contractile du protoplasnia. Les mou- vements amiboides des Amibes, des Rhizopodes et d'autres plastides isolés constituent des phénomènes vitaux élémentaires, que l'on a cherché à identilîer avec le phéno- mène de la contraction musculaire, tous les deux reposant sur un principe général fondamental, celui de la contractilité du protoplasma. Mais, si le phénomène de la con- traction musculaire ne laisse aucun doute sur ce qu'il faut considérer comme effet direct de la contractilité du muscle, il n'en est pas de même pour ce qui concerne les mouvements amiboides. On n'est nullement d'accord sur ce qu'il faut entendre comme acte de contraction dans un mouvement amiboïJe. Pour Verworn, la rétraction des pseu- dopodes est un acte de contraction, l'émission des pseudopodes un acte d'expansion chez l'amibe; les deux actes résultent d'une excitation du protoplasma. C'est pourquoi Verworn admet deux espèces d'excitations : celle de contraction et celle d'exjjansion, toutes les deux produisant des effets diamétralement opposés les uns aux autres et cor- respondant aux actes de contraction et de relâchement du muscle. Schenck (137) consi- dère cependant la rétraction des pseudopodes comme un acte survenant au repos et sous l'inlluence d'irritations très faibles. C'est donc un acte contraire au phénomène actif de la contraction, tandis que l'émission des pseudopodes est la réaction de l'excita- bilité à un irritant. Pour Verworn, la forme globuleuse de l'amibe est l'expression de l'état d'excitation et une sorte de contraction; pour Schenck, l'amibe peut accuser une forme arrondie aussi bien au repos qu'à la suite d'une excitation maximale. Tandis que Verworn insiste sur l'analogie de la contraction du protoplasma avec celle du muscle, Schenck croit qu'il ne faut pas considérer le protoplasma des êtres inférieurs comme le proto-élément contractile, leurs mouvements étant l'effet d'un mécanisme locomoteur plus ou moins complexe. Quelle que soit la divergence d'opinions sur ce sujet, pour nous il est intéressant de savoir si et comment le courant électrique agit sur les mouvements amiboides. Il importe surtout de savoir si l'excitation polaire du protoplasma est suivie, et à quel degré, d'un effet mécanique? Existe-t-il comme dans le muscle et dans le nerf un antagonisme entre l'action des deux pôles; en d'autres termes la loi de Pflûger est-elle valable ou non pour l'excitation du protoplasma non différencié? Il résulte des recherches de Verworn que, lorsque l'on fait passer un courant galva- nique à travers une amibe (ou plutôt à travers l'eau qui contient des amibes), on voit qu'au moment de la fermeture du courant la partie de l'amibe tournée vers la cathode s'allonge et forme un pseudopode, tandis que le côté anodique se rétracte de plus en plus, devient plus étroit, et présente une forme tubaire; l'amibe tout entière se déplace dans la direction de la cathode. Si l'on renverse le courant, les mêmes phénomènes se produisent en sens inverse : la partie anodique, devenue cathodique, émet main- tenant un pseudopode, tandis que, dans la partie cathodique, devenue anodique, il se pro- duit une rétraction du prolongement protoplasmique. D'après Verworn, le courant galva- nique produit chez l'amibe une double excitation de fermeture, anodique et cathodique, La première est une excitation de contraction, la seconde d'expansion. Il résulte des expé- riences de Verworn que tous les Rhizopodes ne se comportent pas de la même façon vis- à-vis l'action du courant galvanique et particulièrement vis-à-vis l'excitation qui produit la rétraction du pseudopode. Cette réti'action se produit, suivant l'espèce, soit à l'excita- tion anodique seulement, soit à l'excitation cathodique, soit en même temps aux deux exci- tations, anodique et cathodique. Verworn conclut de l'ensemble de ces faits que, d'une manière générale, contrairement à ce qui se passe dans le nerf et dans le muscle, l'excita- tion du protoplasma non différencié a lieu à la fermeture de l'anode, et non pas à celle de la cathode. Le fait de l'excitation anodique du protoplasma non différencié présente donc une exception frappante à la loi de Pfluger et trouve sa confirmation dans les recherches de Verworn et de Ludloff (1.38) faites sur l'excitation électrique des infusoires. Il résulte de ces recherches que le Paramxcium est également excité à l'anode ; l'émis- sion et la projection des Trichocystes, que Verworn considère comme un phénomène d'excitation, s'effectuent toujours du côté de l'anode : c'est aussi de ce côté que se pro- duisent les transformations du corps de l'animal sous l'action du courant, et c'est encore dans la partie anodique que les cils des Paramécies se recourbent en ai-rière pour 432 ELECTROTONUS. prendre une position favorable à la propulsion du corps en avant. Tous les phénomènes d'excitation se produisent à l'anode. L'excitation anodique serait donc, d'après Ver- woRN, un fait général chez les êtres unicelluliaires, chez lesquel l'action du courant galvanique ne se conformerait pas à la formule fondamentale de la loi de Pflïjger. Cette manière de voir est fortement combattue par Schenck, lequel, en se basant sur ses recherches personnelles et sur certaines considérations théoriques, arrive à des conclusions diamétralement opposées aux idées de Verworn, dont il interprète les résultats expérimentaux également dans un sens favorable à l'opinion soutenue par lui- même; il y voit plutôt des efîels d'une excitation cathodique que ceux d'une excitation anodique. D'après Schenck, les phénomènes d'excitation du protoplasma ne sont pas pro- duits par la fermeture de l'anode, mais par la fermeture de la cathode, et il conclut que la loi d'excitation polaire de Pflijger est également valable pour le protoplasma non différencié. Il admet, avec Hermann et Matthias (139), et avec Loeb et Maxwell (140), que jusqu'à présent il n'existe aucun fait réel qui parlerait contre la valabilité générale de la loi d'excitation polaire de Pflûger. L'action bipolaire du courant constant sur les cils vibratiles des cellules épithéliales [Kraft (141)] et sur les œufs de la grenouille [Roux (142)] ne paraissent pas non plus, d'après Schenck, être en contradiction avec la loi de Pfluger. D'après Loeb (143) plusieurs phénomènes, envisagés comme des efîets de l'excita- tion anodique chez les êtres monocellulaires, pourraient bien s'expliquer par une polari- sation externe ayant lieu au point de contact du protoplasma avec le liquide ambiant. La question ne nous paraît pas encore être définitivement résolue; au contraire, elle demande de nouvelles recherches, dont la nécessité ressort des interprétations contra- dictoires données à la même catégorie de faits. Que ce soient du reste l'anode ou la cathode qui excitent le protoplasma à la fermeture du courant, ce qui pourrait dépendre après tout des propriétés spéciales du profoplasma, que la loi de Pfluger soit ou non valable pour l'excitation électrique du protoplasma, il importe surtout de savoir que le protoplasma non différencié réagit à l'action polaire du courant galvanique, et que les phénomènes observes à la suite de Vexcitution cathodique différent de ceux qui sont produits par l'excitation anodique. C. Théorie de l'Électrotonus — . Les deux principales théories, la théorie moléculaire de DU Bois-Reymond, et la théorie d'altération d'Hermann, qui dominent l'étude des phéno- mènes électriques et que nous avons exposées longuement plus haut (p. 380), sont aussi celles dont on se sert le plus pour interpréter les phénomènes de l'électrotonus. La théorie moléculaire de du Bois-Reymond explique l'ensemble des phénomènes de l'électrotonus par une action directrice que le courant polarisateur exerce sur la molécule électromolrice du nerf. Sous l'influence de cette action, les molécules se déplacent et prennent une disposition analogue à celle que présentent, d'après la théorie de Grotius, les molécules liquides polarisées entre les électrodes d'un voltamètre. Les molécules péripolaires (composées de deux molécules dipolaires, comme dans la couche parélectro- nonique du muscle) se rangent de telle sorte que leurs zones positives se tournent vers l'électrode négative et leurs zones négatives vers l'électrode positive; en d'autres termes, leurs zones positives se dirigent du côté oi'i le courant va et les zones négatives là d'où le courant vient. Cette orientation des molécules a lieu non seulement dans le trajet intra- polaire du nerf, mais aussi, quoique à un moindre degré, au delà de ce trajet dans les parties extra-polaires. Un pareil agencement de molécules produit donc des forces élec- tromotrices de même sens que le courant polarisateur, dont l'intensité est ainsi renforcée. La théorie moléculaire de du Bois-Reymond, basée sur le principe de la préexistence des forces électromotrices dans le nerf et dans le muscle, ne peut pas expliquer tous les phéno- mènes de l'électrotonus, mais elle permet d'en interpréter quelques-uns d'une façon tout à fait satisfaisante. Avant tout, cette théorie n'explique pas les modifications électrotoniques de l'excitabilité, qui sont plus ou moins en rapport avec les phénomènes galvaniques de l'électrotonus; on ne peut guère comprendre la différence entre les modifi- cations an- et catélectrotoniques de l'excitabilité, l'agencement des molécules étant le mêmeauxdeux pôles. Aussi Hermaxn ( H«uri6. Phys., II, I, 172) adresse-t-il à la théorie moléculaire de nombreuses objections, dont celle que nous venons de mentionner n'est pas la moindre, et la croit-il incapable d'expliquer les phénomènes de l'électrotonus. Les modifications apportées à la théorie moléculaire par Bernstein et Fleischl ne paraissent ELECTROTONUS. 433 pas non plus à Hermann suffisantes pour donner une explication complète de l'éleclro- toniis. La formule proposée par Bernstein permet d'expliquer les modifications de l'exci- tabilité aux deux pôles, en admettant une labilité différente des molécules aux pôles positif et négatif. Fleischl (143) a cru pouvoir éliminer certaines difficultés d'interprétation de la théorie moléculaire en supposant, contrairement à l'opinion de du Bois-Reymonu, dans la partie intra-polaire, un accroissement électromoteur de sens contraire à celui du courant polarisateur, ce qui avait été d'ailleurs longtemps auparavant admis parHERMAN.x (146). La théorie de Ranke (147), d'après laquelle l'anélectrotonus serait dû au renforcement, et le catélectrotonus à l'aifaiblissement du courant propre des nerfs, n'a pas trouvé beaucoup de crédit auprès des physiologistes. La théorie de l'alétration ^'Hermann par elle-même ne suffit pas à expliquer l'électro- tonus : on doit à cet effet supposer une hypothèse auxiliaire, d'après laquelle les phéno- mènes électrotoniques peuvent être déduits des effets de la polarisation interne du nerf. Matteucci (148) avait indiqué, quoique un peu vaguement, le rapport entre les phéno- mènes de l'électrolonus et les effets de la polarisation interne, découverte par Peltief et étudiée par du Bots-Reymond sous le nom de phénomènes électromoteurs secondaires après l'ouverture du courant. Martin Magron et Fernet (149) ont même cru pouvoir admettre pendant le passage du courant polarisateur l'existence d'un courant de polari- sation de sens inverse. C'est en 1863 que Matteucci a publié les premiers faits servant de base à une théorie physique de l'électrotonus galvanique; il avait observé des phéno- mènes analogues à ceux de l'électrotonus sur des fils de platine entourés d'une gaine poreuse humide. Il constatait alors que le fil de platine traversé par un courant con- stant dans une partie de sa longueur accuse des différences de potentiel électrique, de sorte que de chaque point du trajet extra-polaire on pouvait dériver au galvanomètre un courant allant dans le sens du courant polarisateur et dont l'intensité' diminuait en raison de la distance entre la partie polarisée et la partie dérivée. Il trouva en outre que ces courants extra-polaires ne se produisent pas lorsque le fil de platine est remplacé par un fil de zinc amalgamé, plongé dans une solution de sulfate de zinc (combinaison impolarisable), et il conclut que la production de courants extra-polaires nécessite des conditions favorables à une polarisation électrolytique s'exerçant au point de contact du fil métallique avec son enveloppe; les courants se produisent ainsi grâce à la diffusion de produits électrolytiques le long du fil, dont la surface devient inégale (polarité secon- daire). Hermann (150) a repris ses expériences et leur a donné un développementconsidérable, grâce auquel elles sont devenues le point de départ d'une véritable théorie physique de l'e'lectrotonus, soutenue actuellement par la majorité des physiologistes. Hermann a prouvé surtoutque, dans les expériences de Matteucci, il ne s'agit nullement, comme le croyait ce dernier, d'une polarité secondaire, c'est-à-dire d'une diffusion des électrolytes vers les électrodes, et, d'accord avec Matteucci, que la propagation des courants dans le fil conducteur dépend surtout de ce que les électrodes sont polarisables ou non. Il résulte de ses nombreuses recherches que les courants dérivés des régions extra-polaires sont toujours de môme sens que le courant polarisateur, diminuent avec l'augmentation de la distance entre les points dérivés et la partie polarisée, augmentent avec la longueur de cette dernière et sont proportionnels à l'intensité du courant polarisateur; ils sont sup- primés par l'enlèvement du fil ou par l'interruption de ce dernier entre la partie pola- risée et la partie dérivée. Lorsque le pouvoir polarisateur de la combinaison est le même aux différents points du fil conducteur, l'intensité des courants extra-polaires est de grandeur égale à l'anode et à la cathode; ces courants peuvent faire défaut à un des pôles si le pouvoir polarisateur du noyau ne se manifeste que d'un côté, l'autre étant impolarisable. Hermann et Samways (151) ont pu s'assurer que les phénomènes galvaniques produits dans un noyau conducteur présentent une marche ondulatoire, comme dans le nerf, d'où ils ont conclu à une certaine analogie entre ces phénomènes et la propagation du processus de l'excitation dans le nerf. Après avoir constaté tous les faits précités, il a été facile à Hermann de ramener les actions électrotoniques à des phénomènes de polarisation interne provoqués par le pas- sage du courant constant à travers le nerf. On pourrait, en effet, considérer le nerf comme un noyau conducteur, dont le fil est représenté par le cylindre-axe, et l'enveloppe par la DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 28 434 ELECTROTONUS. gaine de myéline. La polarisation aurait lieu alors à la limite entre le cylindre-axe et la "aine de myéline, à moins que l'on n'admette comme surface de polarisation le point de contact entre le névrilemme et le tube nerveux, ce qui, d'après Hermann, est du reste sans importance pour la valeur de sa théorie. L'essentiel est qu'il se produit dans le nerf, soûs l'iiitluence du passage d'un courant, une polarisation interne donnant naissance à ' des courants électrotoniqùes. Les molécules électrol} tiques se dédoublent en Kations qui ■ se dirigent vers la cathode, etAnions qui vont vers l'anode. Ainsi les trajets extra-polaires se couvrent de particules, positives du côté de l'anode et négatives du côté de la cathode, et la quantité de ces particules diminue avec la distance des points extra-polaires de la région polarisée. En appliquant à ces différents points des circuits dérivateurs, ou obtient des courants qui représentent des courants électrotoniqùes. La théorie d'HERMANN, dont la formule mathématique fut donnée par H. Weber (152), compte un grand nombre de partisans parmi les physiologistes, qui lui ont consacré des nombreux travaux. Boruttau (153) surtout en a fait l'objet d'études spéciales et il croit môme pouvoir donner une interprétation physique complète de tous les phénomènes ■ de l'électricité animale qui peuvent être reproduits sur son modèle modifié du noyau conducteur. Si Hermann, tout en cherchant à interpréter les phénomènes électrotoniques par les phénomènes observés sur son schéma, et tout en indiquant l'analogie qui existe apparemment entre ces deux ordres de phénomènes, garde une certaine réserve pour l'identification du nerf vivant avec !e schéma du noyau conducteur, Boruttau, se plaçant 'à un point de vue physique rigoureux, identifie d'une façon absolue les phénomènes que présente un nerf vivant avec ceux qui sont produits par un fil métallique entouré d'une gaine humide. Plus haut, p. 360, en parlant des travaux de Borottau sur la variation négative du nerf, nous avons indiqué les dangers que présente pour le progrès de la ■physiologie une conception exclusivement physique des phénomènes vitaux. La repro- duction de phénomènes électrotoniques sur un noyau conducteur, disions-nous, ne ■ prouve nullement que les choses se passent ainsi dans le nerf. Les phénomènes vitaux reproduits sur des appareils schématiques ont certainement une grande importance pour l'analyse subtile de ces phénomènes, mais il faut bien se garder d'en conclure tout de suite à la nature purement physique de ces derniers. Les faits observés sur des schémas pourront certainement éclairer certains détails d'un phénomène qui n'est pas facile à établir sur le nerf vivant, mais ils ne seront jamais à même d'expliquer la nature intime d'un phénomène vital très complexe. Du reste, quant aux effets de l'action polaire du courant, il ne faut pas perdre de vue qu'ils s'observent également dans le protoplasma, dont la structure ne rappelle en rien celle du noyau conducteur. D'autre part, l'action des aneslhésiques (éther et chloroforme) sur le nerf (Waller, Biedermann), supprime les phénomènes de l'électrotonus. 11 est vrai qu'un nerf narcotisé peut manifester encore des différences de potentiel électrique qui rappellent en quelque sorte des courants électrotoniques, mais ces phénomènes doivent être considérés comme étant de nature purement physique, et dus exclusivement aux dérivations du courant polarisaleur. D'après GrOnhagen .(154), du reste, les courants électrotoniques ne seraient en général autre chose que des branches dérivées du courant polarisateur, mais cette théorie ultra- physique de l'électrotonus est condamnée par certaines expériences d'HERMANN, qui en constituent la réfutation directe. L'électrotonus est certainement un phénomène physio- logique auquel peuvent se joindre, dans certaines conditions, des phénomènes de nature physique, et, à notre avis, il n'y a pas de raison pour admettre, avec Hering et Biedermann, deux électrotonus, dont un physiologique, et l'autre physique. Il n'y a qu'un seul élec- trotonus qui est physiologique, et qui disparaît sous l'influence de la narcotisation du nerf; l'électrotonus physique n'est qu'une dérivation du couinant polarisateur, dépendant par conséquent des conditions spéciales de l'expérience. Du reste, d'autres faits encore, dont il a été question plus haut, démontrent avec évi- dence que les phénomènes électrotoniques sont intimement liés à la vitalité du tissu nerveux et présentent une manifestation physiologique du nerf. C'est là ce qui doit domi- ner l'élude de l'électrotonus, quelle que soit la valeur des théories proposées pour explifiuer les phénomènes électrotoniques. Bibliographie. — 1. 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Bastick à une substance azotée qu'il avait isolée des racines d'ellébore et dont il n'a pas analylique- ment déterminé la composition. L'elléborine, étudiée par IIusemann et Marmé, a pour formule C=^*H^-0^; c'est un glucoside qui cristallise en aiguilles blanches brillantes. Elle existe dans les racines de l'ellébore noir et vert, Helleborus inger et viridis; elle s'y trouve toujours accompagnée d'un autre glucoside, l'elléboréine, également étudiée par. HusEMANiN et Marmé. L'ellébore vert est plus riche en elléborine que l'ellébore noir, et ce sont les racines les plus âgées qui en renferment le plus. Presque insoluble dans l'eau, elle se dissout bien dans l'alcool bouillant et le chloroforme, elle est peu soluble dans l'éther et les huiles grasses. En solution alcoolique, elle possède une saveur acre et brû- lante; chauITée, elle reste inaltérée jusqu'à 250°; à plus haute température, elle fond et laisse un résidu charl onneux. L'acide sulfurique la dissout lentement en donnant une coloration rouge cramoisi, mais elle est en grande partie précipitée de cette dissolution par l'eau; une faible quantité est transformée en sucre et en elléborésine. Étendus et bouillants, les acides minéraux ne la décomposent pas complètement, même après plu- sieurs jours d'ébullition. Le chlorure de zinc en solution chaude la dédouble totalement en glycose et helléborésinê. C36Hi206 + 4H2O = C30H38Oi + CCHi^oe Helléborine. Helléborésinê. Glycose. L'helléborésine ainsi obtenue est souillée de zinc et a l'apparence d'une résine : puri- fiée et desséchée, elle forme une poudre blanchâtre, insipide, qui brunit et se ramollit à 140''-150", insoluble dans l'eau, à peine soluble dans l'éther, très soluble dans l'alcool. Les alcalis sont sans action sur l'elléborine. On l'obtient en traitant par l'alcool bouillant les racines d'ellébore vert coupées en morceaux. Les liquides alcooliques sont réunis et concentrés par distillation. Le résidu renferme l'elléborine, l'elléboréine et une huile grasse verte. Le résidu est repris par de grandes quantités d'eau bouillante; l'elléborine insoluble dans l'eau pure se dissout en présence de l'elléboréine. La solution aqueuse, filtrée pour séparer l'huile, dépose après l'évaporalion l'elléborine à l'état cristallin; elle est purifiée par des lavages à l'eau et ensuite par cristallisation dans l'alcool bouillant. L'elléborine possède des propriétés anesthésiantes qui ont été découvertes par Ventu- BiNi et Elvidio. Trois à quatre gouttes d'une solution d'elléborine à un denii-niilligramme de substance active par goutte déterminent en instillation dans le sac conjonctival de lapins et de chiens une anesthésie complète de la cornée. L'anesthésie se produit en dix à quinze minutes et dure environ une demi-heure. Elle est limitée à la cornée et ne s'accompagne ni de relâchement des paupières, ni de modifications pupillaires, ni de variation de la pression intra-oculaire. Les injections qui déterminent aussi l'anesthésie locale ne doivent être employées qu'avec une extrême prudence en raison de l'action toxique générale qu'elles déterminent. Une dose de 0s%24 en injection sous-cutanée tue généralement un chien. L'action principale de cette substance s'exerce sur les centres nerveux, et en particulier sur le cerveau qu'elle paralyse. Dès le déliut de l'empoisonne- ment, les animaux présentent de l'accélération respiratoire, de l'agitation, bientôt suivie de parésie des membres postérieurs, de tremblement et d'oscillation du corps. Enfin, la respiration et le cœur se ralentissent, les pupilles se dilatent et en même temps l'on peut observer un état de stupeur complète et une anesthésie presque absolue. La mort arrive par paralysie des centres nerveux. A l'autopsie, on trouve les méninges du cerveau i38 EMBOLIE. et de la moelle byperémiées, des épanchements de sang dans la cavité crânienne. Le poumon est aussi hyperémié et infiltré. Bibliographie. — Holm (W.). Physiol. Wirk. des Hell. viridh {Witrtzb. med. Zeitsch., 1861, 11, 418-401). — Marmé (W.). Die ivirksaineti Bestandtheile des H. niger {Zeitsch. f. rat. Med., 1866, xxvi, 1-98). — Pécholhîr et Redier. Act. physiol. des Ellébores {Gaz. hebd. de méd., 1881, xvin, 26o, 348, 364). — Venturini et Gasparrini. De Vanesthésie par Vhellébo- réine {A. i. B., x, 137). — Schroff. Hellebonis und Veratrum {Viert. f. d. prak,. Ueilk., 1859, Lxii, 49-117 ; lxhi, 93-134; lxiv, 106-142). EMBÉLIQUE (Acide) (CSHi^O^), — Substance cristallisable extraite des fruits de VEmbelia Ribes. Le sel d'ammonium est ténifuge, à la dose de 0e>",2 à 0^'','o (Warden, P/itirmac. Journ. et Phi7. Trans., xvui, 601, et xix, 305, 1888). EMOOLrlE. — Une embolie (de 3p.6aXX£iv, pousser dans) est représentée par tout ce qui peut parcourir les vaisseaux sanguins d'un être vivant, à titre de corps étranger capable d'en amener l'obstruction en un point terminal variable. Cette dernière conséquence patbologique, l'obstruction, constitue, à proprement parler, VEmbolie, et on désigne celle-ci par une épitbète en rapport avec le point d'arrêt : Embolie pulmonaire, Embolie cérébrale, etc. Par abus de langage, le corps étranger qui fait obstruction reçoit aussi le nom d'embolie, et l'on parle, suivant leur provenance et leur cours, d'embolies artérielles, veineuses, capillaires. Ce sont là autant de détails imposés, pour ainsi dire, par l'étude pathologique; mais, ici, en physiologie, nous n'aurons pas à nous y attacher, et nous étudierons surtout les généralités. — Celles-ci concernent, d'une part, les corps embolisants, embolus ou emboles, et leur conséquence ultime, l'embolie proprement dite, ou arrêt du corps étranger dans les vaisseaux. Nature et provenance des embolies. — Nous ne nous occuperons pas des faits expérimentaux, car alors les effets de ces embolies relèvent de l'histoire des divers organes (Cerveau, Foie, Rein, etc.). — Il est possible, en effet, de faire pénétrer par injec- tion dans les voies circulatoires veineuses ou artérielles d'un animal une variété infinie de corps étrangers (fines graines, poudres minérales inertes ou actives, grains de plomb, etc.). — En dehors de ces expériences, les corps embolisants proviennent de l'extérieur, ou du corps lui-même, par effraction, par ouverture traumatique ou patho- logique des vaisseaux : ce sont les embolies exogènes; ou bien de la paroi interne même de l'appareil circulatoire, ce sont les embolies endogènes; ces diverses embolies peuvent être gazeuses, liquides ou solides. I. Embolies exogènes. — Le type de Vembolie gazeuse est réalisé au cas exceptionnel où, par exemple, au cours d'une opération chirurgicale portant sur la région de la base du cou, l'on peut voir de l'air pénétrer dans une des grosses veines, et former embolie, en suivant le cours de retour du sang. — Ces faits, sur lesquels AuG. Bérard avait appelé l'attention, ne sont guère à signaler qu'à titre de curiosité. Au même degré exceptionnel, sont à consigner ces faits où, par les sinus utérins béants chez une accouchée, a pu se faire une embolie aérienne; et ceux, non moins rares, où, par une perforation gastrique, des gaz gastro-intestinaux peuvent envahir la circulation sanguine. Y a-t-il, à proprement parler, des embolies liquides? Les liquides qui passent dans le sang, s'ils se comportent comme simples diluants, n'ont pas d'action embolisante : nous injectons de l'eau dans le sang, par exemple; si celui-ci ne se coagule pas, il n'y a pas obstruction des vaisseaux, et l'eau, même en quantité considérable, ne fait pas embolie. Si le liquide qui pénètre dans la circulation a sur le sang une action coagulante, la prise en caillot réalise l'embolie. (Il est vrai que ce n'est plus, à proprement parler, un liquide qui est en cause). Le sérum de certaines espèces animales, injecté dans la veine d'un animal d'une autre espèce, amène parfois une coagulation qui se traduit plus ou moins rapidement par des phénomènes d'embolie cardiaque, ou pulmonaire. Bien que fluides, certains éléments insolubles, ou mieux, immiscibles au sang, peu- EMBOLIE. 439 vent s'agglomérer, et former embolie. C'est ce qu'on peut voir, bien rarement, d'ailleurs, à la suite d'ua traumatisme qui ouvre une veine au milieu d'une fracture coni- minutive des os, permettant ainsi l'entrée dans le sang de particules graisseuses de la moelle des os. L'embolie graisseuse a encore pour origine, dans certains cas, les injections thérapeutiques intramusculaires (huiles créosotées, mercurielles, etc.). Phévost, de Genève, ayant injecté de la graisse dans les sacs lymphatiques de la grenouille, vit les globules graisseux passer dans le sang. — Est-ce par un processus analogue que se pro- duisent chez l'homme ces faits de lipémie, où la graisse en nature est véhiculée dans le sang en proportion exagérée, préparant parfois la mort subite par embolie graisseuse, chez les diabétiques obèses, par exemple. Comme la graisse, les éléments de la lymphe peuvent, par leur confluence, former embolie. On a enfin pu signaler — et c'est un argument de grosse importance pour certains •, détails de pathogénie — la formation d'embolies aux dépens des diverses cellules normales ou pathologiques de l'organisme (fragments de parenchyme hépatique, cellules nmscu- laires, pigment de la malaria, et enfin éléments néoplasiques variés à l'infini, cancer, sai'come, etc.). Vivant dans l'organisme et à ses dépens, et pénétrant dans le courant sanguin, les uns exceptionnellement, d'autres plus communément, d'autres encore, constamment, sont tous les embryons de parasites assez élevés en organisation, le Teenia solium avec son embryon hexacanthe, les embryons de trichine, les larves et œufs des douves, de la Bilharzia hœmatobia, des strongles, des filaires, etc. Isolément, dans les capillaires, ou réunis en amas dans des vaisseaux d'un certain calibre, ces éléments de parasites forment aisément embolie. Le parasitisme microbien n'a pas de plus puissant mode de propagation souvent que le processus embolique : ainsi se fait la dissémination des amibes, des actinomycètes, des aspergillus, de l'oïdium, et enfin, des microbes qui réalisent les diverses septico- pyohémies. ; II. Embolies endogènes. — Dans l'appareil vasculaire, cœur et vaisseaux périphé- . riques, à l'état normal, le sang, parfaitement fluide, circule; il pénètre les plus fins, rameaux capillaires artériels et veineux, avec des variations de pression proportionnées à l'impulsion de l'organe central, comme aussi à l'élasticité des vaisseaux. Sous des influences étudiées antérieurement dans cet ouvrage, à l'article Coagulation (ni, 831), le sang peut perdre de sa fluidité, et certaines modifications physiques et biologiques semblent favoriser la formation des caillots. Mais à ces causes prédisposantes, toujours discutables, on peut substituer, et on substitue de jour en jour, des causes efficientes locales, non douteuses, qui sont les altérations de la membrane interne de l'appareil circulatoire. Ces modifications anatomo-pathologiques sont habituellement infectieuses. Aiguë, subaiguë, ou chronique, l'infection est souvent décelée, toujours admise, et peut relever, d'ailleurs, de causes nombreuses. L'altération de la paroi se traduira, au niveau du cœur, par de l'endocardite, par ces végétations de l'endocarde dont la friabilité extrême, en certains [cas, est un foyer naturel d'embolies. Au niveau de l'aorte on peut voir sur les valvules des végétations de même ordre, et, au cas d'aortite chronique, les tissus altérés peuvent s'infiltrer de sels calcaires, formant des plaques cassantes dont les débris sont encore des embolies toutes préparées. Plus habituellement, ce n'est pas par désagrégation de la paroi elle-même que se réalise le processus embolique, mais bien par modifications secondaires : l'altération de la paroi, endocardite, artérite, phlé- bite, favorise le dépôt de fibrine au point lésé : il y a thrombose pariétale ou oblitération totale, suivant l'étendue de la lésion inflammatoire, et tout va dépendre du sort ultérieur de ce thrombus, ou caillot adhérent. Arrive-t-il que l'extrémité libre de ce caillot se désagrège, la parcelle détachée va former un embolus. Migration des embolies. — Supposons-les détachés du cœur gauche, ou de l'aorte, ces corps migrateurs n'ont qu'un parcours possible, le système artériel. Ils constituent les embolies artérielles des viscères, à l'exception du poumon, et on leur donne habituellement le nom du parenchyme dans lequel ils s'arrêtent : Embolie cérébrale. Embolie rénale, etc. Partie d'une veine, l'embolie n'a qu'un parcours, la voie centripète vers le cœur, et après lui, la circulation pulmonaire, embolie pulmonaire. Conséquences mécaniques des embolies. — Dans la région embolisée, deux faits 4=40 EMETINE. se présentent : ou bien le faisceau d'artérioles bloqué est isolé, sans comniunicalions avec un autre courant artériel, et toute une zone plus ou moins étendue se trouve privée d'apport sanguin, d'où destruction, d'où nécrobiose, suivant l'expression si puissante (mort dans le vif), classiquement consacrée. S'il y a des anastomoses artérielles suffisantes, le foyer, momentanément compromis dans sa vitalité, peut recevoir son apport nutritif de la circulation collatérale. Toutefois, ces réactions organiques ne vont pas sans modifier la trame du parenchyme embolisé; il y a, dans les réseaux capillaires voisins, une fluxion collatérale (d'après Rokitanski, VjRCHOW, Rindfleisch), et surtout une altération du vaisseau embolisé qui, devenu friable, laisse filtrer le sang retenu sous forte pression en arrière de l'obstacle, et lui permet de transsuder dans la zone primitivement exsangue (Duguet, Ranvier). Ainsi celle-ci se gorge-t-elle de globules, d'où le nom d'Infarctus, donné à ces blocs de parenchyme infiltrés. Voilà les faits observables pour les embolies de gros et de moyen calibre, mais, dans le domaine des fins réseaux capillaires, les corps étrangers très ténus se comportent aussi de même (pigments, cellules organiques, etc.); de même encore se réalisent les embolies microbiennes dont l'étude se confond avec celle des maladies infectieuses. Avenir des Embolies. — Nous n'avons pas à exposer ici ce qui concerne les faits pathologiques, mais, pour terminer, nous devons signaler qu'en physiologie patholo- gique une distinction fondamentale s'impose, suivant que l'embolie est simple ou micro- bienne. 1.,'embolie simple est représentée par le corps étranger aseptique qui se comporte comme un obstacle purement mécanique, amenant, suivant son volume et suivant la région où il s'arrête, des troubles circulatoires passifs (infarctus aseptiques). Une embolie microbienne introduit dans une nouvelle zone vasculaire de l'économie des agents figurés qui se comporteront dans ce nouveau foyer suivant leurs affinités biologiques (microbes vaso-dilatateurs, congestions locales); microbes vaso-effracteurs (purpura); microbes de la suppuration (abcès); microbes de la gangrène, etc.). C'est ainsi qu'il faut concevoir les disséminations parasitaires (hydatides); et aussi vraisem- blablement la dissémination des tumeurs cancéreuses, etc. Toutes ces considérations nous conduiraient à des déductions pathologiques qui sortent de notre sujet, mais c'est par la physiologie que ce chapitre immense de la pathologie a été éclairci, et tout élémentaires qu'elles fussent, il était utile de fournir ces indications de physiologie pathologique générale. Bibliographie. — La bibliographie de l'embolie doit être augmentée de tout ce qui concerne les articles Coagulation et Thrombose. Nous ne la pouvons donner ici; on la trouvera dans les traités classiques de médecine. H. TRIBOULET. EMETINE. — L'émétine est l'alcaloïde retiré des racines dipécacuanha [Cephaêlis Ipecacuanha Wild ou Psychotria Ipecacuanha Muller), auquel ces racines doivent leur action. Cet alcaloïde a été découvert par Pelletier et Magendie en 1817. Préparation. — Nous indiquerons sommairement la préparation, d'après la mé- thode de PoDwissoTZRi, modifiée par Kunz, renvoyant pour les procédés antérieurs aux auteurs cités dans la bibliographie placée à la fin de cet article. La poudre d'ipécacuanha est épuisée par l'éther dans un petit appareil à déplace- ment de MoHR, séchée et traitée par l'alcool fort. On distille. Le résidu est séché au bain-marie, puis additionné de 10 à 13 p. 100 de son poids de chlorure ferrique en solu- tion très concentrée. Le magma à réaction acide est traité par le carbonate de soude jusqu'à réaction alcaline puis évaporé à sec. On épuise enfin par l'éther de pétrole, et la solution abandonne par refroidissement, spontanément, ou par évaporation dans un courant d'air, une poudre neigeuse, blanche, amorphe, qui constitue l'éméLine parfaite- ment pure, iO kilogrammes de racine ont fourni à l'auteur 80 grammes d'émétine, soil une proportion de 0,8 p. 100. Propriétés physiques et chimiques. — Poudre blanche amorphe, si on l'obtient par évaporation d'une solution dans l'éther de pétrole, ou cristallisée en aiguilles, si on l'obtient par évaporation d'une solution concentrée dans l'éther sulfurique. Se EMETINE. 441 olore en jaune, puis en brun, sous l'induence de la lumière, possède une saveur amère et âpre. L'eau, l'éther, l'éther do pétrole, en dissolvent de très petites quantités à froid; elle est beaucoup plus soluble dans ces inC-nies liquides bouillants. Les meilleurs dissolvants sont : l'alcool méthylique, l'alcool éthylique, le chloroforme et le benzène. Elle est éga- lement soluble dans les huiles, les corps gras, l'acide oléique. Elle fond à 68°, mais ce point de fusion peut s'élever à 74° après des fusions successives. Elle a une réaction alcaline. Les alcalis et carbonates alcalins précipitent l'émétine sous forme d'une poudre blanche. Traitée par l'acide azotique concentré, elle donne de l'acide oxalique. H. Kunz lui assigne la formule C^'^H^^iN-O^. C'est une base biatomique comme la quinine. Comme la quinine également, c'est une diamine tertiaire. Après l'addition du radical méthyle elle fournit une base, l'hydrate de méthylémétonium. Cette dernière base donne des sels ; le sulfate cristallise en aiguilles. L'émétine est vraisemblablement, comme la quinine, un dérivé de la quinoléine. Propriétés physiologiques. — Ces propriétés ont été tout d'abord étudiées par Pelletier et Magendie; ces auteurs ont nettement démontré l'action vomitive de l'alcaloïde qu'ils venaient de découvrir. Après eux, un certain nombre d'auteurs en ont poursuivi l'étude; tous ont vérifié cette propriété fondamentale, mais ils se sont quel- quefois trouvés en désaccord en ce qui concerne les actions secondaires de l'émétine. Est-ce au défaut d'identité par suite du plus ou moins grand état de pureté des produits employés dans les recherches? Nous emprunterons à d'ÛRNELLAs et à Podwissotzki la plupart des faits qui vont suivre. Localement, l'émétine n'a pas d'action sur l'épiderme, mais elle excite vivement le derme mis à nu, ainsi que les muqueuses, à la façon de la poudre d'ipéca. En solution au 1/20, elle est bien tolérée par le tissu cellulaire chez l'homme comme chez les ani- maux : grenouilles, lapins, chats, chiens. La peau devient sèche et vernissée chez la grenouille après l'injection sous-cutanée de l'alcaloïde. Actions de l'émétine sur la grenouille. — En injection sous-cutanée, à la dose de Os',005 à O^^Ol, cet alcaloïde produit une paralysie complète du mouvement et l'aboli- tion des réflexes; la contractilité musculaire subsiste intacte, comme on peut s'en con- vaincre en irritant les muscles, directement ou par la voie des nerfs, à l'aide d'un courant d'induction. Les doses inférieures à Osf,Ol sont insuffisantes pour donner la mort aux grenouilles ; après vingt-quatre heures elles sont complètement rétablies; avec des doses supérieures à 0,01, elles sont tuées assez rapidement. Avec 0,01 d'émétine, une heure à une heure etdemie après l'injection, l'excitation réflexe est complètement abolie. Toutefois, on peut constater, avant sa disparition définitive, une sensibilité plus grande pour les excitants tactiles^ mécaniques (pincements, pressions) que pour les excitants chimiques (acides). Sur le cœur de grenouille mis à nu, on constate, après l'injection de 0,005 àO,01 d'émé- tine, l'irrégularité des contractions. La contraction veniriculaire affecte le type péristal- tique, puis devient lente et plus profonde que la systole auriculaire; son énergie s'affai- blit, ainsi que la fréquence des contractions des ventricules par rapport aux contractions des oreillettes. A la fin, le cœur s'arrête en diastole, et ni l'atropine, ni les excitations directes ne peuvent en réveiller les contractions. D'après Gpasset on pourrait réaccélérer un cœur qu'a ralenti une injection d'émétine par l'injection sous-cutanée d'atropine. Action de lémétine sur les mammifères. — D'après d'Ornellas et Labbée, les lapins sont sensibles à 3 centigrammes d'émétine. Cette dose occasionne des efîorts de vomissements; la respiration et la circulation sont accélérées. Avec 10 centigramnies, l'émétine tue rapidement le lapin; et on observe, comme principaux phénomènes, l'afTai- blissement progressif de la respiration, de la circulation et l'abaissement de la tempéra- ture. Toutefois, dans le rectum, une heure après l'injection, on peut constater une éléva- tion de température, due sans nul doute au travail coiigestif déterminé dans la muqueuse gastro-intestinale. Les chiens soumis à l'action de l'éméline en injections sous-cutanées vomissent, quand la dose n'est que de 4 centigrammes; avec 6 centigrammes, ils sont malades, et, avec 24 centigrammes, tués en une heure etdemie (d'Or-nellas). 4i2 ÉMETINE. Les lésions anatorno-pathologiques sont bien marquées, principalement si la mort n'est pas survenue trop rapidement, au bout de quelques jours par exemple. Ou peut con- stater alors de l'hypercongestion, des ecchymoses, et même de l'hépatisation du tissu pul- monaire (d'Ornellas). Dans l'empoisonnement rapide, Piîcholier a trouvé les poumons pâles et exsangues. D'après Podwissotzki, ces lésions ne seraient que le résultat de troubles vaso-moteurs Les altérations du tube digestif sont constantes : hyperémie plus ou moins consi- dérable de la muqueuse, iuflammation, et souvent même ulcération. Dans l'estomac, la congestion siège principalement au niveau du grand cul-de-sac et du pylore. Sur le chat, l'expérimentation donne des résultats comparables; toutefois, les vomis- sements manquent souvent (Podwissotzki). Sur l'homme, l'action émétique a été seule recherchée, la substance peut être administrée, soit en injection sous-cutanée, soit par voie stomacale; dans ce dernier cas, l'effet est beaucoup plus rapide; il est obtenu avec des doses de 30 à 40 centigrammes en vinj^t minutes au lieu de quarante-cinq. Action de l'émétine sur les grandes fonctions. — Résumons cette action. Circu- lation. — Nous avons indiqué l'action de l'alcaloïde sur le cœur de grenouille. Chez le chien, avec de faibles doses, la pression sanguine est légèrement abaissée et pour peu de temps; mais, avec des doses assez fortes de 0,01 à 0,02, la chute de pression est au contraire très prononcée. Avec des doses mortelles, la pression sanguine tombe à zéro en l'espace de quelques secondes. Le nombre des contractions cardiaques s'abaisse en outre considérablement. Respiration. — Tout d'abord un peu stimulée, elle se ralentit bientôt pour redevenir normale avec de faibles doses et s'arrêter définitivement avec de fortes doses. Appareil digestif. — L'action de l'émétine est des plus marquées, les vomissements sont ou bilieux ou muqueux; les matières fécales sont diarrhéiques, bilieuses, et, avec de fortes doses, sanguinolentes. Système nerveux. — Nous avons déjà vu quelle est l'action de l'émétine sur le système nerveux en étudiant l'action de cette substance chez la grenouille. D'après d'Ornell.\s, Polichronie, l'émétine injectée sous la peau met plus de temps à faire vomir que portée au conctact de la muqueuse gastrique, et pour ces auteurs le vomissement ne serait que consécutif à l'élimination de l'émétine par la muqueuse de l'estomac et du duodénum. Après la section des deux pneumogastriques, il arrive souvent que l'émétine ne fait plus vomir, ce qui différencie cette substance de l'émétique et de l'apomorphine qui font vomir aussi vite quand les pneumogastriques sont sectionnés que lorsqu'ils sont intacts (Polichronie). L'émétine ferait donc vomir en excitant un réflexe (terminaison des filets nerveux de la portion gastrique du pneumogastrique) qui part de l'estomac et qui aurait pour conducteur centripète les nerfs vagues. Quelquefois la section des pneumogastriques n'empêche pas le vomissement, mais alors il est toujours retardé (d'Ornellas). Avec de fortes doses, on voit apparaître successivement, chez le chien, l'abo- lition des mouvements volontaires, la diminution progressive des mouvements réflexes, la production de convulsions cloniques si les efforts pour vomir sont très grands, la paralysie totale des membres, puis la diminution de la sensibilité générale, et enfin la mort. Élimination. — C'est une question délicate. Après l'injection sous-cutanée d'émétine, Labbée et d'Ornellas ont retrouvé ce composé dans l'estomac, les intestins, le foie. Polichronie l'aurait retrouvé dans la salive. J'ajouterai enfin que Kunz, dans son mémoire (p. 476), signale en quelques lignes, sans protocolle d'expérience, la propriété du sulfate de méthylémétonium de pouvoir provoquer chez la grenouille à la faible dose de 0,00037, la paralysie totale du système moteur, deux minutes après l'injection. Bibliographie. — Pelletier et Magendie. Recherches physiques et chimiques sur l'ipé- cacuanha [A. C, 1817, iv, 172-185 et Journal de Pharmacie et de Chimie, 1817, m, 145). — Dumas et Pelletier. Recherches sur la composition élémentaire et sur quelques propriétés caractéristiques des bases salipiblcs organiques [A. C, 1823, xxiv, 163-190; on y trouvera la préparation et l'analyse de l'émétine, 180). — Lefort. Mémoire sur les ipécacuanhas et sur l'émétine {Journal de Pharmacie et de Chimie, 1869, (4), ix, 167). — Pècholier. Recherches EMMÉNAGOGUES. — ÉMULSINE. 443 expérimentales sur l'action physiologique de l'ipécacuanha {C. R., 1862, lv, 771). — Glénard. Recherches sur Vémétinc {Journal de Pharmacie et de Chimie, 187"j, (4), xxii, 173). — Grasset (J.) et Amblaud. Émétine et atropine. Action, comparée de ces deux substances sur la fréquence des battements cardiaques chez la grenouille {Montpellier médical, 1881, xlvii, 101, 197, 293). — d'Ornellas. Mémoire sur l'action physiologique de Vémétine {Bulletins et mémoires de lu Société de thérapeutique, 1873, 1-152). — Polichronie. Étude expérimentale sur l'action thérapeutique et physiologiciue de l'ipécacuanha et de son alcaloïde {Thèse, Paris, 1874). — PoDwissoTZKi. Beitrdge zur Kenntniss des Emetins (traduction) (A. P. P., 1879, xi, 231- 257). — Article original dans Voyenno Med. J., Saint-Pétersbourg, 1879, cxxxvi, 6, 17, 63, 79. — Hermann Ku.nz. Beitrdge zur Kennlniss des Emetins {Archiv der Pliarniacie, 1887, (3), XXV, 461-479). — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales (article de Labbée). — Dictionnaire de Wurtz et ses deux Suppléments. MAURICE NICLOUX. EMMÉNAGOGUES. — Voyez Menstruation. ÉMOTIONS. — Voyez Psychologie. EMULSINE (Syn. : Synaptase). — § I. Définition et état naturel de rémulsine. — Vcmulsine est un ferment soluble, susceptible de provoquer le dédouble- ment d'un grand nombre de glucosides. Le type d'action de l'éraulsiae est la décompo- sition de Vamygdaline, glucoside des amandes amères, en dextrose, acide cyanhydrique et aldéhyde benzoïque. L'amygdaline a été isolée en 1830 par Hobiquet et Boutron (1), mais la question du dédoublement de ce composé n'a été clairement élucidée que sept ans plus tard par Liebig et Wôhler (2). Ces auteurs fixèrent définitivement la constitu- tion de l'amygdaline et son mode de dédoublement; ils virent en outre que cette décom- position s'opère en présence de l'eau, sous l'influence d'une matière albuminoïde con- tenue dans les amandes; c'est précisément à cette substance albuminoïde qu'ils donnèrent le nom d'émulsine. L'émulsine fut étudiée de nouveau un an plus tard par Hobiquet (3), qui proposa de l'appeler synaptase (de auvaTitw, je réunis), ce principe servant « pour ainsi dire, de lien commun entre l'amygdaline et l'eau ». Robiquet décrivit soigneusement la préparation et les propriétés de la synaptase, qu'il semble considérer comme une substance définie, de composition chimique déterminée, susceptible d'être isolée à l'égal des divers prin- cipes immédiats qu'on extrait des organismes vivants. Nous n'insisterons pas sur la fausseté de cette conception des ferments solubles, à l'heure actuelle où nous ne savons encore que discuter sur la nature de ces derniers, sans pouvoir prétendre en avoir jamais isolé aucun à l'état de pureté. LiEBiG et Wôhler avaient cherché à provoquer le dédoublement de l'amygdaline au moyen de l'albumine végétale d'un grand nombre de végétaux; leurs recherches ayant toutes abouti à un résultat négatif, ils en avaient conclu qu'il paraissait s'ensuivre que l'albumine des amandes seule possède la propriété de décomposer l'amygdaline. Cette conclusion est beaucoup trop exclusive; comme l'émulsine n'agit pas seulement sur l'amygdaline, mais aussi sur un grand nombre de glucosides, tels que l'arbuline, la coniférine, la salicine, etc., on peut être amené à concevoir la possibilité de rencontrer de l'émulsine dans les végétaux contenant un de ces divers glucosides. Au reste, les expériences faites à ce sujet ont montré que l'émulsine est un ferment soluble extrême- ment répandu dans le monde végétal. 1° Présence de l'émulsine chez les végétaux. — Si nous prenons comme guide les grandes lignes de la classification, nous avons tout d'abord à nous occuper des Cham- pignons. C'est en 1893 que l'émulsine a été signalée pour la première fois dans ces végétaux. Bourquelot (4) la découvrit dans l'Afi^ergillus niger, et Gérard (5), dans le Peni- Gillium glaur.um. En 1894, Bourquelot (6) étudia à ce point de vue un grand nombre d'espèces de champignons, et il put établir que beaucoup de ces derniers, en particulier ceux qui sont parasites des arbres ou vivent sur le bois, sécrètent un ferment capable AU EMULSINE. d'hydrolyser certains glucosides et d'agir par conséquent comme l'émulsine. La reclierche donna des résultats positifs pour les espèces suivantes : Aurkularia samhuccina, Martius. Hydnum cirrhatum, Pers. Trameles gîbbosa (Pers.). Polyporus applanatus (Pers.). — biennis (Bull.). — incanus Quélet. — frondosus (Flora dan.). — squamosus (Huds.). — hetulinus (Bull.). — lacleus Fr. — sulfureus (Bull.). Fistulina hepatica (Huds.). Bolelus parasilicus, Bull. Lenlinus iirsiniis Fr. — tigrinus Bull. Laclaiius conlroversus Pers. Psalliota silvicola Viit. Ihjpltoloma fasciculare (Huds) FLammuhi alnicola Fr. Pholiota aegerita Fr. — speclabilis Fr. — midubilis Scliaelf. Claudopus variabUis Pers. PleuroLus ulmarius Bull. Mycena galericulata Scop. Collyhia fusipes Bull. — velulipes Curt. — radlcata Relh. Armillavia mellea. Flora dan. — mucida Schrad. Phallus impudicus Lin. flypoxyloii coccineinn Bull. Xyiaria polymorpha (Pers.). Fuligo varians (Souim.). J'ai fait moi-même (7) sur les Champignons des recherches du même ordre que celles de BouRQUELOT et sauf dans le Morchella Esculenta Pers., j'ai pu déceler la présence de l'énudsine dans toutes les espèces qui ont été examinées et dont voici la lisle : Lycogala epidendron Fr. Gymnosporungium clavariaeforme Jacq. Gymnosporanghnn Sabinae (Dicks.) Wint. Aecidium Ficariœ Pers. Uromyces Ficariœ (Scluun.). Lactarius Rufus Scop. Lentinus cochlealus Pers. Mavasmius eryUiropus Pers. Panus styplicus B. Sc/iizophylluni commune Fr. Plearolus otlrealus Jac(i. Trameles suaveolens L. Polyporus nummularius B. — liibis Schuui. — resinosus Schrad. — brumalis Pers. — picipes Fr. MeruUus lacrymans Wulf. Hydnum suaveolens Scop. Peziza coccinea Jacq. — coronarla (Jacq.). Aleuria Proleana var. sparassoïdes Bond. Aspergillus fiiscus Bon. D'autre part, la recherche de l'émulsine dans les Lichens m'a donné des résultats positifs pour la totalité des espèces étudiées : Cladonia pyxidata Ach. Cetraria islandica L. Evernla fur/uracea Ach. Parmelia caperula D. C. Pelllgera canina Ach. Perlusarta amara Nvl. Physcia ciliaris D. C. Ramalina fasligiala Pers. — fruxinea L. Roccella Montugnel Bail. Vsnea barbala L. Chez les Phanérogames, l'émulsine n'existe pas seulement dans les amandes amères et dans les amandes douces; elle se rencontre aussi dans les feuilles de laurier-cerise où elle accompagne un principe amorphe, la lauro-cérasinc, qui, sous son influence, se dédouble comme l'amygdaline. La formation d'acide cyanhydrique, chez les Rosacées en particulier, nécessite toujours la présence simultanée, d'une pari, d'émulsine, d'autre part, d'amygdoline, ou tout au moins d'un glucoside analogue, comme la lauro-cérasine. C'est là un fait qui a été pré- cisément vérifié par Lutz (S), en 1897, pour plusieurs plantes de la tribu des Pomacées Les deux principes générateurs de l'acide cyanhydrique existent ensemble dans les graines des plantes appartenant aux genres Malus, Cydonta, Sorbus, Eriubolhrya. Ils manquent chez les Pirus, Crataegiis, MespUus. Mais, en dehors des Rosacées, il existe un grand nomhre de plantes pouvant égale- ment fournir de l'acide cyanhydrique; Jorissen (9) et Robert (10) en ont donné une liste assez complète qui montre que la répartition de l'acide cyanhydri([uc dans le règne végétal est beaucoup plus vaste qu'on ne serait d'abord tenté de le supposer. Cet acide EMULSINE. 445 Il existe vraisemblablement pas à l'état libre dans la plante, car on connaît son action toxique sur les organismes vivants; il se trouve sans cloute à l'état de glucosides facile- ment décomposables par le produit de sécrétion de cellules spéciales, de telle sorte que nous sommes ainsi amenés à concevoir comme tout à fait rationnelle l'existence, à côté de ces glucosides, d'un ferment analogue à l'émulsine. En fait, Jorissen et Hairs (li) ont montré que l'émulsion de graines de lin est capable de dédoubler l'amygdaline. Bourquelot (12) a trouvé que les fragments de tige de Mono- twpa hypopitys L. et les racines de plusieurs espèces indigènes de Polygala, P. depressa Wenderoth, P. calcarea F. Schullz, P. vulyaris L. possèdent la même propriété. Sciiar (13), à l'occasion de recherches sur le ferment du Phytolacca decandra L., a vu que l'extrait glycérine de la plante fraîche pouvait hydrolyser l'amygdaline. Bréaudat (14) a trouvé qu'il en était de même des macérations chloroformées de feuilles d'Isatis alpina, préalable- ment épuisées par l'alcool. Avant ces divers auteurs, en 1877, Kosmann (13) avait donné une longue liste de plantes capables, d'après ses recherches, de fournir un ferment agis- sant à la fois sur le saccharose, l'amidon et les glucosides; mais beaucoup des condu- irions de cet auteur seraient facilement attaquables, car il ne paraît pas s'être entouré des précautions nécessaires dans ce genre d'expériences, et en particulier s'être mis en garde contre l'intervention des microrganismes. Les recherches que j'ai faites chez les Phanérogames m'ont permis de déceler l'émul- ïine dans l'écorce de la tige de Juniperus communis L., dans les jeunes rameaux de Juni- jicrus sabina L., dans le Glyceria flaîtans R. Br., dans les semences d'Asparagus officmalis L., dans le tubercule de Tavius communis L., dans les semences de beaucoup de Bosa- cées, entre autres le Ccrasus avium Moench, dans les graines d'Hedera hélix L. et dans celles d'Helianthus amucus L., ces dernières se montrant actives surtout à l'état de germination. L'émulsine est donc très répandue dans le monde végétal, mais il existe à ce point de vue de grandes difierences entre les plantes mômes dans lesquelles on la rencontre. C'est ainsi que les macérations aqueuses et filtrées de semences de Rosacées agissent rapidement et puissamment sur l'amygdaline, tandis que les liquides obtenus de la même façon avec des lichens — très actifs cependant quand on met en œuvre le tissu lui-même — se montrent le plus souvent à peu près complètement dépourvus d'activité. L'émulsine, dans certains cas, parait ainsi intimement fixée sur le tissu du végétal; c'est là un fait capital dont la méthode suivie dans les expériences doit s'inspirer et tenir giaiid compte. Localisation de l'émulsine dans les végétaux. — On a vu plus haut qu'on rencontrait souvent dans un même organe, graine (ex. : amandes amères) ou feuille (ex. : laurier- cerise), d'une part de l'émulsine, et d'autre part un glucoside qui, lorsqu'on le met en contact avec le ferment en présence de l'eau, se décompose en donnant, entre autres composés, de l'aldéhyde benzoïque. Or cette décomposition ne se produit pas dans la plante vivante ; il a donc fallu admettre depuis longtemps déjà que le ferment et le glu- coside sont contenus dans des cellules distinctes, et que le broyage ou la contusion, en brisant ces cellules, permettent précisément aux principes qu'elles contiennent de réagir l'un sur l'autre. Mais une question intéressante se posait, celle de savoir dans quels élé- ments étaient localisés ces deux principes. Cette question dont l'étude, limitée jusqu'à présent aux Rosacées, avait été successivement abordée par Thomé (16), Portes (17), Pfeffer (18) et Joha.nsen (19), a été définitivemeut résolue par Guignard (20). Ce savant s'est servi dans ses recherches de deux réactifs microchimiques de l'émulsine, une solu- tion chlorhydrique d'orcine d'une part, le réactif de Millon d'autre part, contrôlant avec soin les indications de ces réactifs, en isolant des parcelles de tissu et en les faisant agir sur une solution d'amygdaline. Il a montré ainsi que, « dans le cylindre central de la partie axile d'une amande, l'émulsine se trouve contenue dans le péricycle; dans les faisceaux des cotylédons, il en est de niême, avec cette difTérence qu'on en trouve aussi une petite quantité dans l'endoderme ; dans le laurier-cerise, le péricycle étant presque entièrement sclérilié, elle est localisée pour ainsi dire uniquement dans la gaine endo- dermique ». Variation de sécrétion de l'émulsine chez les végétaux. — La sécrétion de l'émulsine ciiez les végétaux est liée étroitement à certaines conditions de nutrition et de dévelop- pement de ces derniers ^21). 446 EMULSINE. Dans des expériences faites sur VAspergillus niger cultivé sur liquide de RauLin, j'ai pu constater que la quantité d'émulsine sécrétée par le végétal n'est pas constante; elli; est d'autant plus ifaible qu'on se rapproche de la période de germination. En outre, si l'on fait pousser ['Aspergillus niger sur du liquide de Raulin surnitraté, contenant par exemple 1 p. 100 de nitrate d'ammoniaque, on constate que le champignon ne produit pas d'émulsine; il n'existe de ce ferment ni dans le tissu mycélien, ni dans le liquide de culture. Mais, si l'on vient à remplacer le liquide surnitraté par de l'eau pure, on voit apparaître l'émulsine dans le champignon, en même temps qu'une portion de ferment sécrété diffuse dans le liquide aqueux sous-jacent. VAspergillus niger, cultivé à SO-So" dans le liquide de Raulin contenant 1 p. 100 de nitrate d'ammoniaque, perd donc la pro- priété de sécréter de l'émulsine, mais il recouvre cette propriété lorsqu'on le soumet brusquement à un Jeûne consécutif. En étudiant la sécrétion de l'émulsine dans les semences de Cerasus avium, i'ai trouvé qu'il faut attendre au moins quatre semaines après la floraison pour voir apparaître le ferment : on recueillait toutes les semaines, sur le même arbre, à partir du i" mai, des fruits de Ce?'asws en voie de développement; à la première récolte, la corolle et les éta- mines flétries étaient encore adhérentes à l'ovaire fécondé; c'est seulement le 29 mai qu'il a été possible de constater la formation de faibles traces d'émulsine; en outre, la formation d'émulsine a précédé celle d'amygdaline; cette dernière n'est apparue ou tout au moins n'a pu être décelée d'une façon appréciable que plus d'une semaine après l'apparition de l'émulsine. 2° De l'émulsine chez les animaux. — Cl. Bernard a montré que l'ingestion stomacale d'amj'gdaline n'était dangereuse qu'à la condition d'être accompagnée d'une ingestion simultanée ou presque simultanée d'émulsine. Si l'on fait d'abord absorber à un animal de l'émulsine, puis si l'on attend seulement une demi-heure avant de lui faire ingérer de l'amygdaliue, il ne s'ensuit aucun accident fâcheux, le ferment « ayant été digéré dans l'estomac » et étant passé dans le tube intestinal, privé de ses propriétés caractéris- tiques (22). L'innocuité de l'ingestion stomacale d'amygdaline, dans les conditions dans lesquelles s'est placé Cl. Bernard, ne saurait être logiquement invoquée contre la présence d'émul- sine dans le tube digestif. Ce ferment peut exister en etïet en quantité minime, et, dans ces conditions, le dédoublement du glucoside se faisant lentement, l'acide cyanhydrique peut être excrété au fur et à mesure de sa production. Si. chez un lapin, on injecte dans la même veine ou dans des veines séparées une solu- tion d'émulsine et une solution d'amygdaline à de certaines concentrations, l'animal meurt rapidement empoisonné. Mais, si l'on prend uuiB solution assez faible d'émulsine, de telle sorte que la décomposition du glucoside s'effectue lentement, l'animal ne meurt pas, car la formation d'acide cyanhydrique n'est pas assez rapide, et le corps toxique a le temps de s'éliminer par le poumon (22). La présence de l'émulsine dans le tube digestif des animaux supérieurs ne saurait donc a prioî'i être considérée comme impossible. Ilyaplus; d'après Moriggia et Ossi (23), l'amygdaline elle-même ingérée dans l'estomac peut agir comme toxique, surtout chez les herbivores; elle se dédoublerait, suivant ces auteurs, sous l'influence du suc intestinal, comme sous l'influence de l'émulsine, en aldéhyde benzoïque, acide cyanhydrique et glucose. GÉRARD (24) a essayé de préciser quels étaient les ferments digestifs qui agissent sur l'amygdaline. H a sacrifié en pleine digestion un lapin auquel il avait fait absorber pen- dant plusieurs jours de la salicine, et dont les urines contenaient, après cette ingestion, de l'acide salicylique. Des essais de dédoublement furent faits immédiatement avec le pancréas et avec l'intestin grêle de ce lapin. Le tissu à examiner était mis en contact pendant vingt-quatre heures à 36-37" avec une solution thymolée d'amygdaline. Le pan- créas se montra complètement inactif; d'autres essais faits avec le pancréas de bœuf donnèrent le même résultat. Au contraire, des portions de l'intestin grêle prises, l'une à 0™,1S du pylore, l'autre près ducœcum, provoquèrent la formation d'acide cyanhydrique, l'action la plus énergique devant être rapportée à la partie moyenne de l'intestin grêle. Gérard n'a pu déceler le glucose produit dans le dédoublement du glucoside; ce glucose avait disparu, et, pour expliquer cette disparition, il suppose qu'il pourrait se faire que EMULSINE. Ul l'intestin grêle sécrétât un ferment destructeur du sucre, analogue à celui rencontré par LÉriNE dans le chyle et dans le pancréas. Stakdler (2o) avait annoncé que la diastase salivaire des animaux supérieurs dédouble la salicine, mais il n'en est rien d'après les expériences de Bourquelot (26); et, si l'on a parfois constaté une action de la salive sur la salicine, il faudrait rapporter cette action à un ferment analogue ou identique à l'émulsine, sécrété par des microrganismes développés dans la salive examinée. Ainsi s'explique sans doute ce fait, mentionné par BouGAREL (27) iju'une solution d'amygdaline mêlée à de la salive dégage nettement l'odeur cyanique au bout de quelques jours. Nous devons à Bourquelot des recherches sur le dédoublement de la salicine par les sucs digestifs des Céphalopodes. Les résultats ont été négatifs : la salicine n'est dédoublée ni par les ferments extraits du foie de poulpe, ni par ceux du foie de seiche, ni par ceux du pancréas de seiche. En résumé, la répartition de l'émulsine chez les animaux parait bien moins étendue que chez les végétaux. On peut dire néanmoins que sa présence a été nettement établie dans l'organisme animal, au moins dans certains cas, comme on a pu voir d'après le rapide exposé qui précède. § II. — Préparation et propriétés de rémulsine. — Réactions déterminées par l'émulsine. — On a donné de nombreux modes de préparation de l'émulsine. Ces diverses méthodes ont perdu beaucoup de leur intérêt depuis qu'on s'est rendu compte de l'impossibilité où l'on esf actuellement de préparer les ferments solubles à l'état pur. RoBiQUET (28) faisait une macération aqueuse d'amandes douces, fdtrait, précipitait par l'acide acétique, filtrait de nouveau et précipitait par l'acétate de plomb. Après une nouvelle filtration, le plomb en excès était enlevé par de l'hydrogène sulfuré; on clas- sait l'excès d'hydrogène sulfuré en plaçant le liquide dans le vide de la machine pneuma- tique; on filtrait pour séparer le sulfure de plomb, et finalement on précipitait l'énmlsine par une addition suffisante d'alcool. Le précipité était lavé à l'alcool et desséché dans le vide. D'autres procédés de préparation ont été donnés par Thomson et Righardson (29), par Ortloff (30), par Bugrland W. Bull (31), par Sghmidt (32). Les produits obtenus ont du reste une composition chimique extrêmement variable, comme en témoignent les ana- lyses faites par ces divers auteurs, déduction faite des cendres : ' Ortloff BucKLAND W. Bull A. SCHMIDT CARBON K. HYDROGÊNE AZOTE. SOUFRE. OXYGÈNE. 27,813 5,430 9,273 57,424 43,06 7,20 11,52 38,22 48,80 7,10 14,20 1,3 — On obtient facilement un produit très actif de la façon suivante ; on additionne d'acide acétique une macération aqueuse chloroformée d'amandes douces, de façon à précipiter la caséine végétale; on filtre soigneusement sur papier mouillé, et, au liquide limpide obtenu, on ajoute environ quatre fois son volume d'alcool à 95°. Le précipité qui se forme est lavé avec un mélange à volumes égaux d'alcool et d'éther, puis desséché dans le vide sulfurique. On obtient ainsi des lames cornées, translucides, qui, pulvérisées, fournissent un produit à peu près complètement blanc; le produit se dissout lentement dans l'eau en donnant un liquide faiblement opalescent que des filtrations répétées, au papier, peuvent amener à une limpidité parfaite. La solution dévie à gauche le plan de la lumière polarisée; elle précipite par le tannin, le sublimé, le sous-acétate de plomb. Le ferment ainsi obtenu, traité à chaud par l'acide sulfurique dilué, donne un sucre réducteur qui est vraisemblablement de [' arabinose ; iï contiendrait donc un hydrate de carbone hydrolysable, une urabune (33). 448 EMULSINE. On peut facilement obtenir des solutions d'émiilsine très peu chargées de substances en solution en cultivant VAspergillus niger sur liquide de Rauun et en remplaçant ce der- nier par de l'eau distillée, lorsque la moisissure a produit ses fructifications. L'eau distillée se charge des ferments que laisse dilTuser l'Aspergillus et en particulier d'émulsine. Les solutions d'émulsine perdent une partie de leur activité par la filtration à travers les bougies poreuses. L'émulsine possède une 'propriété qui lui est commune'avec la plupart des autresf enzymes, celle de décomposer l'eau oxygénée; mais son action caractéristique est son pouvoir dédoublant sur un grand nombre de giucosides naturels et artificiels; l'action hydrolysante de l'émulsine, qui a même été souvent invoquée comme un argument contre l'individualité des ferments solubles, n'est pas en effet limitée seulement à Vamygdaline; il faut toutefois remarquer que c'est cette dernière propriété qui a conduit à la découverte de l'émulsine, et que c'est sur elle que l'on s'appuie presque constamment lorsqu'il s'agit de déceler ce ferment dans un organisme quelconque. Parmi les divers giucosides que peut dédoubler l'émulsine, il faut citer, outre Vamyg- daline (LiEBiG et Wôhler), l'amgydonitrile-gliicoside (Fischer), Varbutine (Strecker), la coni/en'ne (TiEMANN et Haarmann), la daphnine, Vesculine (H. Schiff), \e gentiopicrine (Bour- QUELOT et Hérisse y), la glucovanilline, Vacide gluco-vanillique, Vhélicine, Vhelléboréinc, ïononine, la picéine (Tanret), la salicine et ses dérivés de substitution chlorés ou bromes (Piria). Fischer (34) a montré que dans la préparation des giucosides artificiels, on obtient deux séries de dérivés stéréoisomères. Ces deux dérivés ont été désignés par les lettres a et p ; on a, par exemple, deux méthylglucosides ; l'un, le premier connu à l'état cristallisé est V a-méthyl-d-glucoside, l'autre est le [i-mélhyl-d-glucoside. Or, tandis que l'invertine agit sur l'a-méthylglucoside, ce dernier n'est influencé en aucune façon par l'émulsine, qui dédouble au contraire le [i-mélhyl-d-ghicoside. Fischer a trouvé une relation analogue pour plusieurs autres giucosides préparés artificiellement d'après ses méthodes. L'émulsine n'agit pas sur les arabinosides, rhamnosides, sorbosides et mélhyl-gluco- sides. Les giucosides de la glycérine et de l'alcool benzylique sont attaqués à la fois par l'émulsine et par l'invertine; mais ces produits obtenus à l'état amorphe sont évidemment constitués, en raison même de leur mode de préparation, par des mélanges de composés a et p. On s'explique ainsi facilement qu'ils puissent être dédoublés, au moins partielle- nement, soit par l'émulsine, soit par l'invertine. Dans tous les dédoublements signalés précédemment, le sucre formé au cours de la réaction a été identifié avec le glitcose-d, toutes les fois qu'il a été nettement caractérisé. Cependant, Fischer a montré que l'émulsine dédouble également le sucre de lait; comme d'autre part, il a trouvé que l'émulsine n'agit pas sur l'a-méthylgalactoside, mais seule- ment sur le {i-77iéthylgalactoside, il s'ensuit que la lactose devrait être considérée comme un galactoside de la série p. Mais il convient de faire remarquer que tous ces résultats ont été obtenus par Fischer avec l'émulsine provenant des amandes. Or, si l'on expéri- mente l'émulsine des Champignons, par exemple celle de VAsjjergillus niger ou celle du Polyporus sulfureus, on constate que cette émulsine, cependant très active, n'exerce aucune action dédoublante sur le lactose (35). Peut-être pourrait-on admettre que cette action sur le sucre de lait est due à un autre enzyme que l'émulsine, à une lactase entraînée avec cette dernière pendant la préparation du ferment. L'expérience a montré que tous les g/ticos/rfesdédoublables par l'émulsine des amandes, sur lesquels on a essayé le ferment de VAspergillus, sont également dédoublés par ce dernier (36). Le ferment extrait de VAsjicrgillus dédouble aussi la populine e.i la phlorid- zine, sur lesquelles l'émulsine des amandes s'est montrée inactive dans des expériences laites à des dilutions de ferment comparables. Si l'on fait agir sur une même série de giucosides, d'une part l'émulsine des amandes, d'autre part celle d'Aspergillui^, on constate non seulement que les vitesses d'action des émulsines sont loin d'être égales sur les divers giucosides, mais en outre que l'action s'exerce d'une façon tout à fait différente suivant les émulsines considérées : on trouve, par exemple, en expérimentant sur l'amygdaline, l'hélicine, la salicine, l'esculine, la coniférine, l'arbutine, que le ferment de VAspergillus agit plus rapidement sur l'arbutine que sur les autres giucosides, tandis que le phénomène exactement inverse se produit avec l'émulsine des amandes, ce dernier ferment agissant rapidement surtout sur EMU LSI NE. 419 l'amygdaline qui est précisément le glucoside contenu à l'état naturel dans la même plante que lui. Les faits observés en étudiant comparativement les émulsines d'origine diflërente autorisent donc à faire les réserves les plus expresses sur l'identité des diverses émulsines (37). A l'occasion de l'étude relative à la connaissance générale des lois diastasiqucs, Tammann (38), en 1892, a étudié dans un long mémoire la marche de la d(xorapositiou d'un certain nombre de glucosides par l'émulsine; les essais étaient pratiqués avec rémulsine des amandes. Tammann a fait une quantité considérable d'expériences dont il a enregistré les résultats en de nombreux tableaux et sous forme de nombreuses courbes. Il est impossible de résumer ici une telle quantité de recherches dont les résultais sont parfois, d'ailleurs, quelque peu sujets à contestation, et il nous suffira de signaler seule- ment quelques faits se rattachant étroitement à la connaissance de l'émulsine. Tammann a constaté que Taction de cette diastase est profondément influencée par les produits qui se forment au cours du dédoublement. La décomposition du glucoside, entravée par ces produits, s'arrêterait à un état final, variable du reste avec la quantité de ferment, la quantité de substance dédoublable et la température. A ce sujet, je ferai remarquer que, dans de nombreuses expériences ayant trait à des dédoublements d'amyg- daline ou d'arbutine, j'ai constaté souvent, dans des liqueurs renfermant 1 p. 100 de glu- coside, l'hydrolyse totale du produit mis en oeuvre. D'après les expériences de Tammann, la température du maximum d'action de l'émul- sine sur les divers glucosides serait de 40°. A. Mayer (39) indiquait précédemment îiO" comme température optimale. § III. Influence des agents physiques et chimiques sur l'émulsine. — L'émul- sine maintenue à l'état sec et à l'abri de la lumière est susceptible de conserver ses pro- priétés pendant un temps très long; dans ces conditions, en efîét, aucune cause de des- truction n'intervient pour altérer le ferment. En solution, l'émulsine subit le sort de tous les ferments solubles; elle s'affaiblit peu à peu sous l'influence combinée de l'oxygène de l'air, de la lumière, de la réaction plus ou moins défavorable au milieu, et finalement perd toute action sur les glucosides. En même temps, et cela spécialement pour les solu- tions d'émulsine d'amandes, le liquide devient trouble et prend une mauvaise odeur; néanmoins il possède encore assez longtemps le pouvoir de décomposer l'amygdaline, •car Ortloff n'a vu ce pouvoir disparaître qu'après quatre à six semaines. Si l'on envisage l'émulsine contenue dans les tissus végétaux, on trouve que. la durée de conservation paraît très variable suivant les objets examinés. Ainsi les amandes et les lichens conservés pendant plusieurs années décomposent très bien l'amygdaline, alors que les feuilles de laurier-cerise perdent assez rapidement cette propriété. L'émulsine sèche peut supporter pendant plusieurs heures une température de 100" sans perdre la propriété de transformer l'amygdaline (Buckland, W. Bull); mais, en solu- tion, l'émulsine est détruite par la chaleur, suivant la loi générale à laquelle n'échappe aucun des ferments solubles actuellement connus. Bourquelot (40), opérant sur une solution aqueuse d'émulsine d'amandes à Os'jaO pour 100 centimètres cubes, a trouvé que, dans les conditions de ses expériences, la température de destruction de l'émulsine était située entre 67» et 69", et que le ferment commençait à s'affaiblir vers 60". En opé- rant avec l'émulsine de VAspergillus nigcr, on trouve des températures de. destruction comprises entre 72° et 74°; ces déterminations, il faut bien le remarquer, n'ont du reste qu'une valeur assez relative; car, si on change les conditions de l'expérience, les résultats sont susceptibles de varier dans d'assez larges limites; en tout cas, il paraît bien étaljli, au point de vue pratique, qu'il faut déjà éviter d'exposer à des températures voisines de tiO° des solutions d'émulsine dont on veut conserver l'activité. La présence des ferments figurés n'empêche pas l'action de l'émulsine, car on a vu plus haut que, d'après Ortlokf, la solution d'émulsine en pleine putréfaction peut encore décomposer l'amygdaline. En est- il de même des ferments solubles? D'après Bour.AREL (41), la diastase n'agit pas sur l'émulsine, et cet auteur « dans des expériences in vitro, a vu la pepsine et la pancréatine rester inactives sur l'émulsine ». Il existe tout un groupe de composés chimiques qui peuvent servir à différencier les fermentations produites par les ferments figurés de celles que provoquent les diastases. L'action de l'émulsine n'est donc pas entravée sous l'influence de ces composés. C'est ce DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOMK V. 20 iëO EMU LSI NE, que BoacHARDAT (42) a montré poui' lacide cyanhydrique, la créosote, l'éther sulfurique, le chloroforme, diverses essences (essences de térébenthine, de citron, d'anis, de girofle, de moutarde). Il en est de même du thymol, du phénol, du fluorure de sodium (Arthus et HoBER [43]), et sans doute de beaucoup d'autres antiseptiques. BouCHARDAT (42), étudiant l'influence de divers agents chimiques (employés à la dose de 1 p. iOO) sur l'activité de l'émulsine, a vu que la réaction sur l'amygdaline et sur la sali- cine n'était pas ralentie par le bicarbonate de soude, l'acide acétique, l'acide formique, l'iodure de potassium, le cyanure de mercure, le sulfate de soude, le sulfate de magné- sie, l'acide arsénieux, l'arséniate de soude. La magnésie, l'ammoniaque, le carbonate d'ammoniaque, l'acide tartrique, le sulfate de cuivre, le sulfate de zinc, le sulfate de fer ralentiraient seulement l'action de l'émulsine. Le dédoublement des glucosides n'aurait pas lieu en présence de chaux, de soude caustique, d'acides nitrique, sulfurique, chlo- rhydrique, oxalique. BouGAREL (41) opérait en délayant 1 gramme de tourteau d'amandes dans 30 grammes d'eau et en ajoutant au mélange, en proportion déterminée, la substance à étudier. L'ad- dition de 1 à 2 centimètres cubes d'alcool a empêché la formation d'acide cyanhydrique; il en était de même du sublimé à la dose de 0sr,50 pour 30 centimètres cubes. Le borate de soude, l'acide benzoïque, l'acide borique, même à la dose de 1 gramme pour 30 n'ont eu aucune action. Le chloral s'est également montré inactif à la même dose, d'où Bou- GAREL conclut « quc la substance active du ferment ne doit pas être une matière albumi- noïde semblable aux autres, car elle aurait dû être modifiée par ce corps qui entre si énergiquement en combinaison avec les albumines ». Jacobson (44), à l'occasion de ses recherches sur la propriété que possèdent les fer- ments de décomposer l'eau oxygénée, a trouvé que le salicylate de magnésie (2 gr. pour 100 ce), l'azotate de strontium (ie'-,25 pour 100 ce), le sous-nitrate de bismuth (1 gr. pour 100 ce), le nitrate de baryte, le nitrite de sodium (0,10 à 0,13 pour 100 ce), l'hy- droxylamine, le cyanamide, le cyanure de mercure n'empêchent pas l'action de l'émul- sine sur les glucosides. Il en serait tout autrement pour le sulfure de sodium (1 gr. pour 100 ce.) et le suifocyanure de potassium (1 gr. pour 100 ce) qui entraveraient complète- mejit l'action. Tous les résultats précédents s'appliquent à l'émulsine des amandes; à peu près exclu- sivement qualitatifs, ils sont en réalité bien vagues, et surtout assez peu comparables entie eux, à cause de la diversité des méthodes qui les ont fournis. II est impossible, dans la plupart des cas, de savoir si le fei^ment a été détruit par le réactif ajouté, ou si seule- ment son action a été suspendue. Jacobson a trouvé, pour les conditions dans lesquelles il a opéré, que la potasse agissait en détruisant l'émulsine, l'action de cette dernière ne se manifestant pas de nouveau par neutralisation, tandis qu'au contraire l'acide chlorhy- drique suspendait seulement cette action; venait-on à neutraliser l'acide ajouté, le dédou- blement avait lieu. Si l'on précipite une solution d'émulsine d'amandes parle tanin en excès, le mélange obtenu n'agit plus sur l'amygdaline; il en est de même de la liqueur débarrassée par filtrationdu précipité qui s'est formé ; par contre, le précipité égoutté sur le filtre et mis en suspension dans de l'eau distillée, dédouble énergiquement l'amygdaline (Hérissey [45]). La large répartition de l'émulsine, en particulier dans le monde végétal, doit évidem- ment lui faire attribuer un rôle important dans la nutrition cellulaire ; mais c'est là un point sur lequel nous sommes à peu près complètement ignorants à l'heure actuelle. Lorsque la diastase agit sur l'amidon, il y a exclusivement formation d'hydrates de car- bone assimilables par la plante, cette dernière mettant ainsi en œuvre une matière pré- cédemment placée en réserve. Mais, lorsque l'émulsine dédouble les glucosides, s'il y a d'un côté formation de glucose assimilable, il y a, d'autre part, production simultanée de divers composés, alcools aromatiques, phénols, aldéhydes, etc., composés qui, d'une façon générale, sont toxiques pour la cellule vivante. Ou en est ainsi amené à se deman- der comment se fait exactement le dédoublement de glucosides dans les plantes. Si ce dédoublement se produit de la même façon que nous voyons l'émulsine le déterminer in vitro, il faudrait sans doute admettre que les composés toxiques formés sont repris immédiatement pour servir à la synthèse de principes plus complexes. EMULSINE. 451 Bibliographie. — § I. — 1. Robiquet et Boutron. Nouvelles expériences sur les amandes arriéres (A. C. (2), xliv, 352, 1830). — 2. Liebig et Wouler. Ueher die Bilduiuj des Bittermandelôls [Ann. der Pharm., xxii, i, 1837). — 3. Horiquet (Journ. de Pharm. et de Chim., xxiv, 1838; — Extrait du procès-verbal de la Société de pharmacie de Pans, 7 mars 1838 et 2 mai 1838). — 4. Rourquelot. Ferments solubles sécrétés par V Aspergillus nif/er (V. Tgh.) et le Pénicillium glaiicum [Un] (B. B., 053, 1893); — Présence et rôle de Vcmulsine dans quelques champignons parasites des arbres ou vivant sur le bois [Ibid., 804, 1893). — 5. Gérard. Présence dans le Pénicillium glaucum d'un ferment agissant comme l'émulsine {Ibid., 651, 1893). — 6. Bourquelot. Présence d'un ferment analogue à l'émulsine dans les Champignons et en particulier dans ceux qui sont parasites des arbres ou vivent sur U bois {Bull. Soc. mycol. de France, x, 49, 1894). — 7. Hérissey. Sur la présence de l'émul- sine dans les Lichens et dans plusieurs Champignons non encore examinés à. ce point de vue {Ibid., XV, 1899); — Recherches sur l'émulsine {Thèse pour le doctorat de l'Université de Paris {Pharmacie), 14, 1899). — 8. Lutz. Sur la présence et la localisation, dans les graines d'un certain nombre de Pomacées, des principes fournissant l'acide cyanhydrique {Bull. Soc. Bot. de France, xliv, 263, 1897). — 9. Jorissen. L'acide cyanhydrique d'origine végétale {Journ. de pharm. d'Anvers, 23, 1894). — 10. Robert {Lehrbuch der Intoxicationen, 509 et suiv., 1893). — 11. Jorissen el H airs {Bull, de l'Acad. roy. des Se. de Belgique, xxi, 529, 1891). — 12. Bourquelot. Sur la présence de l'éther méthylsalicylique dans quelques plantes indigènes {Journ. de Pharm. et de Chim., (5), xxx, 433, 1894). — 13. Schâr {Vierteljahr- schrift d. Naturf. Ges. Zurich, xli, 233 et suiv., 1893). — 14. Bréaudat. Sur le mode de formation de l'indigo dans les procédés d'extraction iiulustrielle , fonctions diastasiques des plantes indigofères (B. B., 1031, 1898). — 15. Kosmann. Recherches chimiques sur les fer- ments contenus dans les végétaux et sur les effets produits par l'oxydation du fer sur les matières organiques (B. S. C, i, 251, 1877). — 16. Tiiomé. Ueber das Vorkommen des Amyg- dnlins iind des Emulsins in den bittern Mandeln {Bot. Zeitung, 240, 1865). — 17. Portes. Recherches sur les amandes amcres {Journ. de Pharm. et de Chim., xxvi, 410, 1877). — 18. Pfeffer {Pflanzenphysiologie, i, 307, 1891). — 19. Johansen. Sur la localisation de l'émidsine dans les amandes {Ann. des Se. nat. Bot., (7), vi, 118, 1887). — 20. Guignard. Sur la loca- lisation, dans les amandes et le laurier-cerise, des principes qui fournissent l'acide cyanhy- drique [Journ. de Pharm. et de Chim. (5), xxi, 233, 1890). — 21. Hérissey. Sur quelques faits relatifs à l'apparition de l'émulsine {B. B., 060, 1898). — 22. Bernard (Cl.). Leçons de pathologie expérimentale, Paris, 75, édit. 1890; — Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses, Paris, 98, 1857; — Liquides de l'organisme, Paris, i, 486, 1859. _ 23. MoRiGGiA et Ossi (A. i. B., xiv, 436). — 24. Gérard. Sur le dédoublement de l'amygdaline dans l'économie {Journ. de Pharm. et de Chim. (6), m, 233, 1896). — 25. Staedeler. Kleinere Mittheilungen ùber die Wirkung des mensrhlichen Speichels auf Gluko- side {Journ. f. prakt. Chem., lxxii, 250, 1857).— 26. Bourquelot. Recherches sur les phéno- mènes de la digestion chez les Mollusques Céphalopodes {Thèse pour le doctorat es sciences. Paris, 47, 1885). — 27. Bougarel, De l'amygdaline {Thèse de pharmacie, Paris, 45, 1877). § II. — 28. RoBiQUST. {Journ. de Pharm. et de Chim., xxiv, 326 et suiv., 1838). — 29. Thomson et Richardson. Veber die Zersetzung des Amygdalins durch Emulsin {Ann. der Pharm., xxix, 180, 1839). — 30. Ortloff Ueber die Natur und chemische Constitution des in den Mandeln erthaltenen Emulsins {Archiv der Pharm., xlviii, 16, 1846). — 31. Buckland W. Bull. Einige Beobachtungen iiber Emulsin und dessen Zusammersetzung {Ann. der Chem. u. Pharm., lxix, 145, 1849). — 32. Schmidt {Thèse, Tubingen, 1871). — 33. Hérissey. Recherches sur l'émulsine {Thèse, Paris, 44 et suiv., 1899). —34. Fischer. V. pàssim. Einfluss der Configuration auf die Wirkung der Enzyme {Ber. d. d. chem. Ges., 27, 2985 et 3479, 1894; et 28, 1429, 1895). — 35. Bourquelot et Hérissey. Sur les propriétés de l'émulsine des Champignons {Journ. de Pharm. et de Chim. (6), ii, 435, 1895). — 36. Bourquelot et Hérissky. Action de l'émidsine de V Aspergillus niger sur quelques glucosides {Bull. Soc. mycol. de France, xi, 199, 1895). — 37. Hérissey. Étude comparée de l'émulsine des amandes et de l'émulsine d' Aspergillus niger {B. B., 640, 1896). — 38. Tammann. Die Reaetionen der iingeformten Fermente {Z.p. C, xvi, 271 , 1892). — 39. Mayer. Die Lehrc von den chemischen Fermente oder Bnzymologie, 64, 1882). § III. —40. Bourquelot. Les ferments solubles, Paris, 137, 1896. — 41. Bougarel. De l'amygdaline {Thèse de pharmacie, Paris, 45 et 46, 1877). — 42. Boughardat. Note sur la 452 ENDOSCOPE. — ENGELMANN (Th. W.). fermentation saccharine ou glucosique [C. R., 107, 184o). — 43. Arthur et Huber. Fermen- tations vitales et fermentations chimiques {Ibid., cxv, 839, 1892). — 44. Jacobson. Untersu- chungen liber lôslichc Fermente {Z. p. C, xvi, 340, 1892). — 45. Hérissey. Recherches sur Vémulsine {Thèse, Paris, 81, 1899). H. HÉRISSEÏ. ENDOSCOPE. — Voyez Vessie. ENGELMANN (Th. W.). — Physiologiste allemand, professeur à rUni- versité de Berlin. ABRÉVIATIONS SPECIALES A CET ARTICLE Z. f. W. Z Zeitsckrift fur ivissenschaftlicke Zoologie, Leipzig. Jen. Z. f. M. u. N. . . . Jenaische Zeitsckrift fiir Medicin u. Naturwissensch., Leipzig. Onderz Onderzoekingen gedaan in het physiologisch la/ioraiorium der Ulrechtsche Hoogeschool. Proc. verb. k. Ak. v. W. Processen verbaal der kon. Akndemie van Wetensc happe n te Amster- dam. Afdeeling Natuurknnde. N. Arch. V. N. en G. . . Nederlandsch Archief voor Natuur-cn Geneeskunde, Vtvet'hl. Arch. f. mikr. An. . . . Archiu fur Mikroskopische Anatomie. 'Bonn. Arch. néerl Archives néerlandaises, Haarlem. ' Morph. Jahrb Morpkologisches Jahrbuch. von C. Gegenbaur, Leipzig. Zool. Anz Zoologischer Anzeiger, von J. V. Carus, Leipzig. Bot. Zeit Botanische Zeitung, von A. de Bargeto, Leipzig. Bibliographie. — 1839. — Uebcr Fortpftanziing von Epistylis crassicollis, Carchesium polypinum und ùber Cysten auf den Stôcken des letzteren Thieres {Z.f. ic. Z., x, 278-288, xxii). 1862. — Zur Naturgeschichte der Infusionsthiere [Z. f. îv. Z., xi, 347-393, xxviii-xxx). — Ueber die Vielzelligheit von Noctiluea {Ibid., xii, 564-566). 1863. — Ueber die Endigungen des motorischen Nerven in den quer gésir e if ten Muskcln der Wirbelthiere. Vorlàufige Mittheilung {C. W., n" 19, 25 April, 289-291). — Untersu- chungen ûber den Zusammenhang von Nerv-und Muskelfaser, mit 4 Faf. pag., in-4, Leipzig, W. Engelmann. — Ueber die Endigimgsweise der sensibeln Nervenfasern (Z. /'. iv. Z., xiu, 475-488). 1864. — Uebcr Endigung motorischer Nerven {Jen. Z. f. M. u. N., i, 322-324, vu). 1865. — (En coll. avec von Bezold [A.]). Ueber den Einfluss electrischer Inductionsstrôme auf die Erregbarkeit von Nerv und Muskel {Verh. phys. med. Ges. Wûrzburg, Mai 1865; JSeue Wiirzburger Zeitg., n» 129, 10 Mai 1866). 1867. — Ueber die Hornhaut des Auges {Inaug. Dissert, zur Erlangung der Doctorwûrde in der Medicin, Chirurgie u. s. w., 3 Jan., Leipzig, W. Engelmann). — Ueber Scheinbewe- gung in Nachbildern {Jen. Z. f. M. u. N., m, 412-444). — Ueber den Ort der Reizung in der Muskelfaser bei Schlicssung und Offnung eines constanten clectrischen Stroms {Ibid., \u, 445-447). — Ueber die Flimmerbewegung. Vorl. Mittheilg. {C. W., n° 42). — Over de trilbeweging {II) {Onderz., (2), J, 139-192, pi. VIII), — Ueber die Endigimgsweise der Geschmacksnerven des Frosches : Vorl. Mittheilung {Ibid., v, n° 50). — Ueber die Endigungen der Geschmacksnerven in der lange des Frosches {Z.f. iv. Z., xviii, 142-160, ix).-7- Trilhaar-en protoplasmabeweging onder den invloed van verschillende agentia {Medegedeeld door F. C. Donders) {Froc. verb. k. Ak. v. W., 30 Nov.). — (En coll. avec Th. Place). Méthode tôt het voorkomen van unipolaire stroomen bij prikkeling der zenuwen {Onderz., (2), i, 1868,277-280). 1868. — Ueber Wàrmemessungen am Mikroskop. {Arch. f. mikr. An., iv, 334-341). — Ueber den Einfluss der Electricitdt auf die Flimmerbewegung {C. W., v, n" 23). — Uebcr die electromotorische Wirkung der Rachcnschleimhaut des Frosches {Ibid., v, n'^ 30). — Over de trilbeweging (2'!'' gedeelte) {Onderz., (2), ii, 1-91). — Zur Lehrc von der Ncrvencn- digung iin Muskel {Jen. Z. f. M. u. N., iv, 307-320). — Ueber Reizung der Muskelfaser durch den constanten Strom. {Ibid., iv, 307-320). — Over de trilbeweging (3'^'' gedeelte. Slot.) {Onderz., (2), n, 220-284). — Ueber die Flimmerbewegung {Jen. Z. f. M. u. N., 321-479, vi). — (En coll. avec M. I. Bouvin). Over den bouw en de beweging der Uretères {Medeged. voor F. C. Donders) {Proc. verb. k. Ak. u. W., 23 April). 1869. — Sur le développement périodique de gaz dans le protoplasma des Arcelles {Arch. ENGELMANN (Th. W.). 453 7iéerl, ïv, 26-32, 1 pi.)- — Sur Virritation électrique des Amibes et des Arcclles {Ibid., iv, 32-44). — Ziir PhysioloQie des Ureters (A. g. P., ii, 243-298. Voir aussi Arch. néerl., iv). — Zur Physiologie des Protoplasma (A. g. P., ii, 307-322). — Over periodiehe zenuiverking bij blijvendeprikkcliug met zicakke electrische stroomen{M,edeged. door F. C. Donders) {Proc. verh. k. Ak. v. W., 24 Dec.) 1870. — Beitrdge zur allgemeinen Muskel-iind Nervenphysiologie. I. Ueber die electrische Erregimg des Ureters, mit Bcmerkungen fiber die electrische Erregung uberhaiipt {A. g. P., III, 247-326). — II. Ueber den Schliessungs-und Oeffnungstetanus {Ibid., m, 403-414). — TH. Ueber Reizung der Muskeln und Nerven mit discontinuir lichen clectrischen Strômen {Ibid., IV, 3-33, I et ii). — Ueber das Vorkommen und die Innervation von contractilen Drii- senzellen in der Froschhaut. {Ibid., iv, 1-2). — Beitrdge zur allgemeinen Muskel-und Nerven physiologie. — l\. Ueber die peristaltische Bewegiing insbesondere des Darmkanals. ISach Ver suchen von G. van Brahel mitgetheilt {Ibid, iv, 33-50, m. iSll. — Die Geschmacksorgane (S. Stricker's Handbuch der Lehrc von den Geweben, xxxiii. 822-838). — Een blik op de ontwikkeling der leer van den bouw en het leven der organismen. Inuijdingsrede ivitgesproken by de aanvaarding van het hoogleeraarsambt te Utrecht, 20 Maart Leipzig, W. Engelmann, iti-8, 32 pag. — Uebtr die electromolorisehen Krâfte der Frosch- haut, ihren Sitz und ihre Bedcutung fur die Sécrétion. (A. g. P., iv, 321-324). 1872. — Bewegimgserscheimtngen an Nervenfasern bei Reizung mit Inductionsschldgen {Ibid., V, 31-38). — Beric?it ûbcr einige mit W. Thomsons Quadrantelectrometer angestcllte Versuche {Ibid., v, 204-210). — Over de structuurveranderingen der dwarsgestreepte spicr- vezelen bij de contractie {Proc. verb. d. k. Ak. v. W., 28 Jan.). — Die HaïUdrùsen des Frosches. Bine physiologische Studie. (A. g. P., v, 498-o38 et vi, 97-1 o7). — Eenige proevm tôt demonstratie der algemeene wet van electrische prikkeling {Onderz., (3), i, 267-271). 1873. — MikroskojJische Untersuchungen ûber_ die quergestreifte Muskelsubstanz. Bau derruhenden Muskelsubstanz (A. g. P., vu, 33-71, ii). — Die thdtige Muskelsubstanz {Ibid., VII, 153-188, m). — Over het [mechanisme der spiercontractie [Proc. verb. k. Ak. v. W., jan.). — Bemerkungen zur Théorie der Sehnen-und Muskelverkûrzung (A. g. P., viii, 95-97), 1874. — Sur l'influence que la nature de la membrane exerce sur l'osmose électrique {Arch. néerl., ix, 374-380). — Over de electromotorische verschipiselen van het hart {Met Niœl en Pekclharing) {Proc. verb. k. Ak. v. W., 28 Juin). — Imbibitie als oorzaak van elec- triciteitsontwikkeling {Onderz., (3), m, 1874-1875, 82-93). — Over het diibbelbrekend ver- mogen als algemeene eigenschap der contractiete elementen (Proc. verb. k. Ak. v. W., 31 Okt.). — Over de geleiding der irritatie in de spierzelfstandigheid van het hart {Ibid., 16 Dec.» 3-4). 1875. — De electromotorische verschijnselen der spierzelfstandigheid van het hart. Eerste stuk {Onderz., (3), m, 1874-1875, 101-117). — Contraclilitut und Doppelbrechung (A. g. P., XI, 432-464). — Over ontwikkeling en voortplanting van infusoria {Aanteck. Prov. IJtr. Genootsch. Sectie Verg., 28). — Ueber die Leitung der Erregung im Herzmuskel (A. g. P., XI, 465-480. Voir aussi Arc/*, néerl., xi, 51-69). — Over de ontwikkeling en voortplanting van infusoria {Onderz., (3), m, 2, 99-186, pi. V et VI. Voir aussi Morph. Jahrb., i, 573-635, XXI et xxii). 1876. — Ueber Degeneration von Nervenfasern; ein Beitrag zur Cellularphysiologie (A. g. P., xi!(, 474-490, iv). — Over de electromotorische eigenschappen van kunstmatige overlangsche doorsneden door spicren {Proc. verb. k. Ak. v. W., 28 Okt.). — Vergleichende Untersuchungen zur Lehre von der Muskel-und Nervenclectricitât (A. g. P., xv, 1877, 116- 148. Voir aussi Arch. néerl., xiii, 1878, 305-343). 1877. — Ueber den Einfluss des Blutes und der Nerven auf das electromotorische Verhalten kûnstlicher Muskelquerschnitte (A. g. P., xv, 328-334. Voir aussi Arch. néerl., xiii, 1878, 429-436). — Flimmeruhr und Flimmermiihle]; zwei Apparate zum Registriren der Flimmer- bewegung (A. g. P., xv, 493-510). 1878. — Ueber das electrische Verhalten des thâtîgen Herzens {Ibid., xvii, 68-99, ii. Voir aussi Arch. Néerl,, xv, 1888, 1-38, pL I). — Zur Théorie der Peristaltik {Arch. f. mikr. An., XIV, 255-258). — TrcmbU'y's Umkehrungsversuch an Hydra {Zool. Anz., r, n° 4, 12 Aug., 2 pag.). — Zur Analomie und Physiologie der Spinndrusen der Scidenraupe. Nach Untersu- chungen von Th. W. van I.idth de Jeude {Ibid., i, n" 5, 3 pag.). — Zur Physiologie der contractilen Vacuolen der Infusionsthiere {Ibid., i, n" 6, 2 pag., in-8). — Neue Untersu- 4oi ENGELMANN (Th. W.). chungen iiber die niikroshopischen Vorgânge bel der Muskelcontradion {A. g. P., xviii, 1-25, !. Voir aussi Arch. ISéerl., xiii, 437-465). — Ueber Gasentwickelung im Protoplasma lebender Protozoen{ZooL Anz., i, n" 7, 23 Sept., 152-153). — Ueber Reizung contractUen Protoplasmas durch plotzliche Beleuchtung (A. g. P., xix, 1-7). — Ueber die Dewegungen der Oscillarien und Diatomeen [Ibid., x;x, 7-14). 1879. — Physiologie der Protoplasma-und Fllmmerbewegung {Hermann's Handbuch der Physiologie, i). — Ueber Muskelcontr action. Schlussàtze {Programme et Règlement. Congrès périod. intern. d. se. méd. Amsterdam, 29-30). 1880. — Ueber die Discontinuitàt des Axencylinders und den fibrillâren Bau der Nerven- fasern (A. g. P., xxii, 1-30, i). — Over den fijneren bouw der gladde spiervezelen {Proc. verb. k. Akad. v. W., 26 Juni). — Ueber Bau, Contraction und Innervation der querge- streiften Muskelfasern. Vovtrag gehallen in der biolog. Section des Internat, med. Congres. Amsterdam, 16 Okioher (Comptes rendus du Congrès périod. intern. d. se. méd. Amsterdam, V. Rossum). — Mikrometrische Untersuchungen an contrahirten Muskelfasern {A. g. P., xxm, 571-590. Voir aussi Arch. néerl., xvi, 1881, 279-302). — Ueber Driisennerven. Bericht ùber einige in Gemeinschaft mit Th. W. van Lidth de Jeude angestellten Untersuchungen (A. g. P., XXIV, 177-184). 1881. — Eene nieuwe méthode tôt onderzoek der 0-uitscheidung van plantencellen(Proc. verb. k. Ak. v. W., 28 Mei). — Neue Méthode zur Untersuchung der Sauerstoffausscheidung pflanziicher und thierischer Organismen (A. g. P., xxv, 285-292). — Ueber den faserigen Bau der contractUen Substanzen mit besonderer Berûcksichtigung der glatten und doppelt- schràg gestreiften Muskelfasern {Ibid., xxv, 538-565, ix). — Bemerkungen zu einem Aufsatze von Fr. Merkel, ùber die Contraction der gestreiften Muskelfaser [Ibid., xxvi, 501-515). — Ueber den Bau der quergestreiften Substanz an den Enden der Muskelfaser (1 fit;.) {Ibid.^ XXVI, 531-536). — Zur Biologie der Schizomyceten {Ibid., xxvi, 537-545). 1882. — Ueber Sauerstoffausscheidung von Pflanzenzellen im Mikrospectrum {Ibid., xxvir, 464-468, xi). — Ueber Assimilation von Haematococcus {Bot. Zeit., n° 39, 29 Sept.). — Licht- absorbtie en assimilaiie in plantencellen {Aanteek. v. h. verh. in de sectieverg. v. h. prov. Utr. Genoolsch., 27 Juni). — Over licht en klewperceptie van laagste organismen. — Der Bulbus aortae des Froschherzens, physiologisch untersucht in Gemeinschaft mit J. Hartog und J. J. W. Vebhœfk (A. g. P., xxix, 431-474, v). — Ueber Licht-und Farbenperception nieder- ster Orgayiismen {Ibid., xxix, 387-400 et Arch. néerl., xvn, 417-431). — Farbe und Assimi- lation {Onderz., (3), vu, 209-233 et Arch. néerl., xviii, 29-56). — Prùfung der Diather- manitdt einiger Medien mittels Bacterium photometricum. {Onderz., (3), vu, 291-295). — Vampyrella Helioproteus, een nieuvo monecr (Proc. verb. k. Ak. v. W., 25 iNov.). — De samenstelling van zonlicht, gaslicht en van het licht van Edisons lamp, vergelijkend onder- zocht met behulp der bacterimînethode {Ibid., 25 Nov.). 1883. — Bacterium photometricum. Fin Beitrag zur vergleichenden Physiologie des Licht- und Farbensinnes{A. g. P., xxx, 95-15, i). — Ueber thierisches Chloropkyll {Ibid., xxxii, 80- 96 Qi Arch. néerl., xviii, 288-300). — Over een toeslel tôt kioantitatieve microspectraalanaiyse {Mikrospectraalphotometer) {Proc. verb. k. Ak. v. W., 24 Nov.). 1884. — Untersuchungen iiber die quantitaliven Beziehungen zwischen Absorbtion des Lichtes und Assimilation in Pflanzenzellen {Bot. Zeitg., \\° 6 u. 7, ii, 19 u. 6 Febr. et Arch. néerl., xix, 186-206, pi, VII et VIII). — Ueber Bewegungen der Zapfen u. des Pigments der Netzhaut unter dem Einfluss des Lichts und des Nervensystems {Comptes rend, du Congres périod. intern. des se. méd. Kopenhagen, 10-17 Aug.). 1885. — Ueber Bewegungen der Zapfen und Pigmentzellen der Netzhaut unter dem Ein- fluss des Lichts und des Nervensystems (A. g. P., xxxv, 498-509, ii). 1886. — Zur Technik und Kritik der Bacterienmethode {Bot. Zeitg., n" 3 et 4 et Arch. néerl., xxi, 1-18). 1887. — Die Farben bunter Laubbldtter und ihre Bedeutung far die Zerlegung der Kohlcn- sàure im Lichte {Onderz., (3), x, 2, 107-168, m u. iv et Arch. néerl., xxii, 1-58, pi. I et U). — Zur Abwehr gegen iV. Pringsheim und C. Timiriazeff {Bot. Zeitg., n" 7). — Die Wider- standsschraube, ein neuer Rhéostat. Mit 5 Holzschn. {Zeilschrift f. Instrumentenkunde, vu, 333-339 et Arch. Néerl., xxii, 145-157). — A propos de l'assimilation chlorophyllienne. Lettre à M. L. Errera {Bull. soc. belge de microsc, 26 mars). — Ueber die Funktion der Otolithen {Zool. Anz., n° 258). ENGELMANN (Th. W.)- 455 1888. — IJeber Bacteriopurpurin iind seine physiologische Bedcutung (A. r/. P., xlii, 183- 186). — Ueber Blutfarhstoff ah Mittel um den Gaswechsel von Pflanzen im Licht und Dunkel zu untersuchcn [Ibid., xlii, 186-188). — Das Polyrheonom (C. P., n° 21, 7 Januar.). — De microspectrometer. Met 1 houtsn. en 1 pi. [Fee.^tbundel Donders-Jubileum. Ned. Tijdschr. V. Geneesk, Amsterd. v. Rosseni, 76-8G, pi. IV, et Arch. néerl., xxiii, 82-92, pi. IV). — Die Pnrpwbacterien und ihre Bcziehungen zum Lichte. {Botan. Zcitg., n" 42-4ij et Arch. néerl. , xsiii, 131-198). 1890. — Franciscus Cornelis Donders {Onderz., (4), i, 1-6). — Ueber electrische Vorgdnge iin Ange bel rcflectorischer und directer Erregung des Nervus options {Nach Versuchm von G. Gruns) (Beitrdge z. Psychologie it. Physiol. d. Sinnesorgane. Fcstgruss z. 70 Geburtst. v. H. V. Hëlmholtz. Hamburg u. Leipzig. Voss, 1891, 19;j-216). 1891. — Over centrifugale functies van de gezichszemiw {Proc. rerb. k. Ak. v. W., 26 Sept.). 1892. — Vorschldge zu eincv Terminologie der Herzthdtigkeit {Festschrift f. A. v. Kol- liker. Z. f. w. Z., Suppl., lui, 207-216 et Arch. néerl., xxvi, 259-304). — Das Princip der gemeinschaftlichen Strecke (10 fig.) (A. g. P., lu, 392-602 et Arch. néerl., xxvi, 423-433). — Bas rhythmische Polyrheotom. [A. g. P., lu, 603-620, iv et Arch. néerl., xxvi, 436-438, viii). — Over den invloed van centrale en reflectorische prikkeling der gezichtszenuiv op de beweging der kegels in het nelvlies {naar aanleiding van proeven door D. W. Naiimmacher genomen) [Versl. k. Ak. v. W., 29 Oct., 46-48). — Over de théorie der spiercontractie {Versl. k. Ak. v W., 29 Oct., 49-33). 1893. — Ueber den Ursprung der Mushelkraft (4 fig.), Leipzig, W. Engelmann, in-8, 39 p. et in-8, 80 p., 4 fig., Arch. néerl., xxvii, 63-148). — ISotiz zu A. Fick's Bemerkungen zu meiner Abhandlung iiber den Ursprung der Muskelkraft (A. g. P., liv, 108). — Ueber einige gegen meine Ansicht vom Ursprung der Muskelkraft erhobenen Bedenken {Ibid., liv, 637-640). 1894. — Beobachtungen und Versuche am suspendirten Herzen. Zweite Abhdlg. Ueber die Leitîing der Beioegungsreize im Herzen [Ibid., lvi, 149-202, ix et x et Arch. néerl., xxviu, 245-311, pi. I et II). — Die Erscheinungsiveise der Sauerstoffausscheidung chromophyllhal- tiger Zellen im Licht bei Anwendung der Bacterienmethode (Fer/i. d. k. Ak. v. ivet. Afd. Natuurk, 2. On sait par Pline et Varron que l'emploi de la chaux et de la marne était commun dans la Grande-Bretagne et sur les bords du Hhiii. Pline rapporte qu'en Assyrie on mélangeait le sel marin à la terre qui porte les Palmiers, que les peuples de la Transpadane préféraient les cendres non lessivées aux fumiers. Bernard Palissy et Olivier de Serres ont vivement recommandé le chaulage et le marnage. Mais, au commencement de ce siècle, on ne considérait pas encore les sels minéraux comme pouvant jouer le rôle d'engrais. On attribuait à ces sels, qui existent dans des gisements ou qui se trouvent dans les engrais organiques, la propriété de modifier les sols, d'agir surtout chimiquement en mettant en action les éléments que ces derniers renferment. C'étaient donc de simples stimulants de la végétation qu'on comparait par- fois, assez inexactement d'ailleurs, aux condiments de l'alimentation animale. De Can- dolle lui-même {Physiologie végétale. Paris, 1832) acceptait cette manière de voir. Pourtant Bernard Palissy avait soupçonné que la vertu du fumier est due aux « sels végétatifs » qu'il contient. Mais, par suite de l'insuffisance des connaissances chimiques et physiologiques de son temps, cette idée, qui aurait pu être si féconde, demeura stérile. Avec Lavoisier, une révolution s'opéra. La chimie trouvait enfin sa voie et permettait d'entreprendre des recherches expérimentales vraiment scientifiques sur les aliments des plantes. C'est alors que Théodore de Saussure. Bertuier, Sprengel, Davy, Liebig, puis BoussiNGAULT et George Ville déterminèrent les éléments qui servent à la nutrition des végétaux. Les résultats obtenus furent synthétisés dans la célèbre leçon sur la statique chimique des êtres organisés par MM. Dumas et Boussingault (1854). (Voir art. Nutrition.) Mais LiKBiG, frappé des quantités considérables d'azote que l'analyse lui révélait dans les sels, émit, contrairement à l'opinion de Boussingault, l'hypothèse que les engrais, le fumier notamment, n'agissent que par les sels minéraux qu'ils renferment. Il formula sa fameuse « théorie minérale », d'après laquelle il n'était permis d'attribuer le rôle d'en- grais qu'aux phosphates et aux sels de potasse qu'il supposait faire défaut au sol. Si, disait-il {Chimie végétale. Paris, Masson, 1844), l'humus nourrit les plantes, ce n'est 458 ENGRAIS. pas qu'il soit absorbé et assimilé, mais il présente aux racines une source alimentaire lente et continue, une source d'acide carbonique qui approvisionne la plante de la nour- riture essentielle. Quant aux excréments des animaux qui sont si souvent employés, on peut les remplacer utilement par les matières qui renferment les mêmes principes. En envisageant les faits culturaux, Liebig observait que, d'une part, une très bonne récolte de blé de 30 quintaux de grain et de 60 quintaux de paille renferme 60 kilogrammes d'azote dans le grain et 30 kilogrammes dans la paille, par conséquent 100 kilogrammes au plus en y ajoutant l'azote des racines; mais, d'autre part, une forte fumure de 50000 kilogrammes de fumier n'apporte au sol, à 5 kilogrammes par tonne, que 250 kilogrammes d'azote. Or ces nombres, qui représentent les quantités d'azote appor- tées et enlevées, disparaissent devant les 5000 ou 6000 kilogrammes que renferment les sols fertiles. (Dehérain, Chimie agricole. Paris, Masson, 1892.) LiEBiG fut ainsi amené à fabriquer son fameux engrais minéral qui avait le défaut de ne contenir presque pas d'azote. Mais celte tentative, si elle n'eut pas d'heureux résultats directs, donna un vigoureux essor à l'industrie naissante des engrais chimiques. C'est ainsi qu'il en resta l'indication du procédé de traitement des os par l'acide sulfu- rique que Lawes appliqua le premier dans sa fabrique d'engrais de Londres. La réfutation de la théorie minérale ne se fit pas attendre longtemps. Dès 1844, Lawes et Gilbert {Journal of the royal agricultural Society of England, vol. xvi, 2^ par- tie), dans leurs célèbres expériences culturales de Rothamsted, montrèrent que les engrais minéraux et les sels ammoniacaux donnent des récoltes bien plus abondantes que les engrais minéraux seuls, que par conséquent les engrais azotés exercent une influence prépondérante sur le poids des récoltes. Us conclurent « que les principes minéraux du blé ne peuvent pas par eux-mêmes augmenter la fertilité de la terre et que le produit en grain est à peu près proportionnel à la quantité d'azote fournie au sol «.Nous verrons plus loin qu'il y a là de l'exagération. De son côté, Boussingault {Économie rurale, t. u, Paris, Déchet, 1851) fit l'ingénieuse et décisive expérience que voici : « Si, disait-iJ, il faut croire M. de Liebig, si les parties minérales des engrais sont seules utiles, nous sommes, il faut le reconnaître, nous autres cultivateurs, de grands maladroits. Depuis des milliers d'années, nous nous doinions la peine de transporter péniblement nos fumiers de la ferme aux champs; nos attelages nous coûtent cher; faisons mieux; brtilons nos fumiers; nous aurons ainsi une toute petite quantité de cendres, et, pour la transporter, une brouette fera l'affaire. » D répandit alors sur la surface d'un are 500 kilogrammes de fumier et sur un autre are les cendres seulement d'une fumure identique. A la récolte le premier champ rendit 14 pour 1 de grain et le second 4 seulement. Il faut bien remarquer d'ailleurs que les sols renferment des quantités de potasse et d'acide phosphorique souvent égales à celles d'azote. Beaucoup de terres, en effet, con- tiennent de 1 ti2 grammes d'acide phosphorique par kilogramme, et la potasse est encore plus répandue. D'après le raisonnement de Liebig lui-même, on eût été obligé d'admettre contre ses propres conclusions que les sels de potasse et les phosphates, eux aussi, ne sont pas des engrais. D'autre part, nous savons aujourd'hui que si, malgré la présence d'azote organique en quantité souvent considérable dans le sol, les engrais azotés pro- duisent d'excellents effets, cela tient à ce que cet azote n'est pas absorbé sous celte forme, qu'il a besoin d'être nitrifié et que cette transformation, qui est dans la dépen- dance d'une foule de conditions, est souvent trop lente pour qu'elle mette à la disposi- tion des plantes des quantités d'azote assimilable suffisantes à l'entretien d'une belle végétation. D'où la nécessité dans laquelle on est le plus souvent d'avoir recours aux engrais azotés. On pourrait, à la vérité, hâter la transformation des matières azotées du sol en tra- vaillant souvent la couche arable et en chaulant; mais on sait(WAY, Frankland, Warlng- TON, Lawes et Gilbert, Berthelot, Schlœsing, Dehéraim) que les nitrates formés aux dépens de la matière organique se perdent en abondance dans les eaux de drainage. C'est pourquoi les chantages répétés sans restitution suffisante conduisent à un appau- vrissement de la terre, d'où le dicton bien connu : « La chaux enrichit le père, mais ruine les enfants. » Boussingault a montré en outre qu'une substance riche en azole assimilable ne fonc- ENCRAIS. 459 lionne cependant comme engrais qu'avec le concours du nitrate, du phosphate de chaux et des sels alcalins et terreux indispensables à la végétation. C'est lui qui, le premier, dès 1855, a établi que le salpêtre associé au phosphate de chaux et à des engrais alcalins agit comme un engrais complet et peut, dans une certaine mesure, comme le guano du Pérou, remplacer le fumier de ferme. Ce dernier, tout en gardant sa grande importance, comme nous le montrerons plus loin, n'apparaît plus alors comme l'engrais nécessaire contenant en son sein l'aliment mystérieux qui seul entretient la vie végétale. II. Définition de l'engrais. — Qu'est-ce donc que l'engrais? L'engrais est néces- sairement un aliment des plantes, et tout aliment est surtout une matière minérale. Si une substance organique joue le rôle d'engrais, c'est qu'elle contient ou qu'elle est capable de donner par une série de transformations un ou plusieurs éléments minéraux. Il est vrai de dire que les recherches exécutées dans ces derniers temps permettent de croire que, dans une certaine mesure, des matières organiques déterminées peuvent être absorbées directement par les plantes. (Voir art. Nutrition.) De Gasparin (Cours d'Agriculture. Paris, 1846) opposait les engrais qu'il nommait ali- ments des végétaux et qui sont des compléments des principes composants du sol aux amendements tels que la marne, la chaux, l'argile, le sable qui, eux, n'ont pour etfet que de modifier les propriétés physiques de ce dernier. 11 définit l'engrais {Principes de l'Agro- nomie) « toute substance que l'on administre aux plantes pour suppléer à l'insuffisance des principes alimentaires contenus dans le sol ». Dehérain, en 1869, présenta celte définition sous une forme plus concise : « L'engrais est la matière utile à la plante et qui manque au sol. » Déjà Chevreul avait dit excellemment : « L'engrais est une matière complémentaire. » Ainsi donc une substance est un engrais quand elle peut directement ou non être absorbée et assimilée par la plante d'une part, et quand le sol n'en est pas suffisamment pourvu d'autre part. L'emploi de l'engrais est par suite réglé non seulement par la con- stitution de la plante, mais aussi par celle du sol; c'est ce qui explique pourquoi par exemple les phosphates sont sans effet dans un domaine qui en contient une assez forte proportion, comme dans certains points de la Liinagne, et qu'ils font merveille là où. le sol en est très pauvre, comme en Bretagne. Si nous étions parfaitement renseignés sur le degré d'assimilabilité de toutes les substances, si nous connaissions bien l'état sous lequel se trouvent les matières alimen- taires dans le sol, étant données les exigences des plantes, la question de l'emploi des engrais se résoudrait, pour chaque cas particulier, avec toute la rigueur désirable. Mais nous n'en sommes pas là, et force est pour nous de consulter comme disait si pittores- quement Boussingault « l'opinion des plantes ». Grâce aux champs d'expérience qui se multiplient de plus en plus et. dont les résultats peuvent être généralisés à l'aide des cartes agronomiques basées sur la géologie et l'analyse du sol (Risler, Traité de Géologie agricole, t. i, et Garnot, Rapport sur les cartes agronomiques; Bulletin du ministère de l'Agriculture, 1894), on arrive assez rapidement, dans une exploitation donnée, à déter- miner la nature et la quantité des engrais à employer. III. Classification des engrais. — Quelles sont maintenant les différentes sub- stances employées comme engrais? Avant de répondre à cette question, il est bon tout d'abord de bien préciser la différence qu'on établit généralement entre les engrais et les amendements. Bien que ces derniers comprennent, au sens strict du mot, toutes les améliorations du sol, les labours par exemple, on les restreint, en agronomie, dit de Candolle (lac. cit.), aux améliorations qui s'exercent sur le sol par des mélanges, des additions de matières dans le but d'en niodifier les propriétés physiques. En d'autres termes, tandis que l'en- grais apporte des matières nutritives nouvelles, l'amendement rend assimilables celles qui n'y étaient point, ou corrige des propriétés physiques défectueuses. Ainsi le nitrate de soude qu'apporte l'azote est un engrais; l'argile qui donne du corps aux terres légères, et en particulier lui permet de mieux retenir l'eau, est un amendement. Mais ces distinctions ne sont pas dans l'ordre des faits aussi absolues qu'en théorie. En effet, la plupart des engrais, les engrais organiques notamment, jouent le rôle d'amendements, ainsi d'ailleurs que nous le prouverons plus loin à propos du fumier; mais réciproquement, les amendements peuvent très souvent aussi jouer le rôle d'en- 460 ENGRAIS. grais. La chaux, par exemple, est surtout considérée comme amendement; sous ce rap- port, elle favorise la décomposition des matières végétales, si abondantes dans les landes et les forêts défrichées; elle active la nitriflcalion des matières organiques azotées; elle diminue la plasticité des terres argileuses, et, selon de Mondésir, décompose le silicate d'alumine et de potasse de l'argile et forme du silicate d'alumine et de chaux, tandis que la potasse devient assimilable pour les plantes; mais elle agit aussi directement et à titre d'engrais dans les pays granitiques et schisteux notamment, où elle manque, en fournissant aux plantes l'élément calcique qui doit entrer dans leur constitution. Nous diviserons les engrais en engrais organiques et engrais minéraux. Les premiers sont d'origine animale ou végétale; les seconds comprennent des engrais azotés, phos- phatés, potassiques, calcaires, ou bien ce sont des substances diverses. j Fumier de ferme. Déjections humaines. Guano. Colombine. Animaux morts. Sang; chair; corne; os. Engrais organiques. { Gadoues et boues des villes. Curures de fossés et de mares. Composts. Engrais verts. Déchets industriels d'origine végétale. Engrais minéraux. azotés . phosphatés . potassiques. calcaires divei's . Nitrate de soude. — de potasse. Sulfate d'ammoniaque. Eaux ammoniacales. Phosphates naturels (cristallins et sédimentaires). Scories de déphosphoration. Superphosphates. Chlorure de potassium, Sulfate de potassium. Nitrate de potassium. Carbonate de potassium. Salins. Cendres. Chaux. Marne. Tangue : traez ; maerl, coquilles et faluns. Cendres. Plâtre. Sulfate de fer. Sels de magnésie. La plupart des engrais minéraux azotés, phosphatés et potassiques et divers portent généralement le nom d'engrais chimiques, presque tous en effet ayant subi une prépara- tion industrielle plus ou moins compliquée; ils correspondent aux stimulants des anciens agronomes; les engrais calcaires sont surtout des amendements. IV. Les engrais chimiques, le fumier et les engrais verts. — On voit par le tableau qui précède que les engrais chimiques permettent d'apt>orter au sol tous les élé- ments contenus dans les engrais organiques; aussi, quand les principes de la nutrition minérale des plantes furent posés, eut-on l'idée qu'il serait possible de faire de la cul- ture exclusivement avec engrais chimiques et de supprimer du même coup la plus grande partie du bétail de la ferme; on sait qu'au début de ce siècle les spéculations animales étaient peu en faveur, et que le bétail était plutôt comme « un mal nécessaire », une machine à produire du fumier. Lawes et Gilbert entreprirent à Rothamsted des essais culturaux qui durèrent de 1852 à 1883 et qui prouvent qu'en effet, il est possible, au moins jusqu'à un certain point, de remplacer le fumier de ferme par un engrais composé de ENGRAIS. 461 sels ammoniacaux, de nitrates, de superphosphates de chaux et de sels de potasse. Ces habiles agronomes ont même obtenu aver les engrais chimiques des rendements plus élevés qu'avec le fumier donné à la dose de 3o 000 Kilogrammes à l'hectare. Mais il faut remarquer qu'ils avaient pris pour point de départ une terre qui se trouvait dans l'état d'épuisement relatif qui termine l'assolement de quatre ans usité dans la contrée (tur- neps, céréale, trèlle, blé), au moment par conséquent où :les cultivateurs ont l'habitude d'appliquer une fumure pour recommencer une nouvelle rotation. Or, sous cet état d'épuisement relatif, la terre contenait alors 1 p. 1 000 d'azote et pouvait alors fournir chaque année, selon Sghlœsing, de 60 à 80 kilogrammes d'azote nitrique. Les restes des plantes enfouies dans le sol contenaient en outre de l'acide phosphorique et de la potasse ; or ces restes, à mesure qu'ils se détruisent, livrent tous les éléments minéraux aux récoltes nouvelles avec les matières humiques et l'acide carbonique qui favorisent la dissolution de ces éléments. Grandeau admet, en effet, que l'humus forme des combinaisons avec divers principes fertilisants comme l'acide phosphorique, la potasse qu'il peut offrir ainsi aux plantes sous une forme plus assimilable. Hisler a montré depuis longtemps que l'humus exerce une actiou dissolvante vis-à-vis du feldspath et des phosphates. En outre, l'humus améliore les propriétés physiques des sols; il donne du corps à ceux qui sont trop légers et y retient rhumidité;"il ameublit ceux qui sont trop compacts et y favorise la nitrification; il communique à la terre l'importante propriété de retenir quelques-uns des éléments fertilisants les plus utiles {pouvoir absorbant), tels que l'ammoniaque, la potasse, éléments qui seraient enlevés par les eaux et perdus pour la végétation. Enfin, par sa coloration, il rend le sol plus apte à absorber les rayons solaires, ce qui est très précieux pour les pays tempérés. L'humus reste donc, en dépit de Liebig, le régulateur de l'alimentation des plantes (RisLER, lac. cit.). D'autre part, toutes les terres ne sont pas comme celles de Rothamsted où pendant des années la fertilité s'est maintenue uniquement grâce aux engrais chimiques et à la « vieille force » que possédait le sol au début des expériences. Dans beaucoup d'endroits, par suite de l'emploi exclusif des engrais chimiques, les argiles se durcissent, les labours et autres opérations culturales deviennent très difficiles: la terre, selon l'expres- sion des agriculteurs, est « gâtée ». C'est ce qu'ont observé en particulier Michel Perret dans l'Isère et Dehérain à Grignon. Mais si l'on emploie ce fumier concurremment avec les engrais chimiques, ces der- niers deviennent alors des compléments très précieux du premier. Grâce à eux, les grands rendements sont possibles. En effet, le fumier, au point de vue de la teneur en éléments fertilisants, est presque toujours nécessairement, selon l'expression de Joulie, le « reflet du sol ». Dans les terres pauvres en acide phosphorique, les animaux élevés avec les produits du domaine fournissent un fumier qui contiendra peu de cet élément; il faudra donc, pour augmenter la fertilité, apporter des engrais chimiques phosphatés; de plus, l'azote du fumier nitrifie parfois lentement, surtout lorsque les conditions d'humidité et de température ne sont pas convenables, ce qui arrive par exemple si le printemps est sec et froid ; dans ce cas, le nitrate de soude ou le sulfate d'ammoniaque donnent d'excel- lents résultats. D'autre part, avec les engrais chimiques, on sait très exactement quelles sont les quantités de principes fertilisants qu'on incorpore à la terre; on peut appliquer des fu- mures convenablement adaptées au sol et aux plantes. Ces engrais contiennent sous un faible volume une dose élevée de principes fertilisants, ce qui rend leur transport dans les terres peu onéreux. Ils ont une action généralement rapide. En outre, on peut avec eux employer chacun des éléments isolément et suivant les besoins, tandis qu'avec le fumier de ferme il faut les employer tous en bloc. Enfin, on demeure, grâce à eux, abstraction faites des circonstances économiques, absolument maître de son système de culture, et la question de l'assolement à adopter, si importante autrefois, laisse mainte- nant une grande latitude au cultivateur. Une première récolte, écrivent Muntz et Girard, aura-t-elle épuisé Tun des principes donnés par le fumier, les récoltes suivantes man- queront de cet élément; mais cet inconvénient n'est plus à craindre lorsque l'on dispose de chacun des éléments qui peuvent faire défaut. Les engrais chimiques, il est vrai, n'apportent pas la matière organique qui, comme nous l'avons vu, est un facteur essentiel de la fertilité. Cette matière peut cependant être 462 ENGRAIS. offerte au sol sans fumier grâce aux engrais verts. Ceux-ci, en effet, peuvent être comparés à du fumier frais, dans lequel la matière organique est à un faible degré de décomposi- tion. Ils proviennent de plantes qu'on enfouit sur place (Trèfle incarnat, Lupin, Vesce, Seigle, Colza, Navette, Moutarde blanche, Spergule, Sarrasin, etc.) ou qu'on apporte du dehors (Goémons, Bruyères, etc.). Grâce aux engrais verts, on entretient dans le sol le stock de matière organique néces- saire au maintien de la fertilité. D'un autre côté, les plantes cultivées comme engrais verts, par suite du grand développement de leursystème radiculaire, vont chercher dans les profondeurs du sous-sol des éléments nutritifs qui ne pourraient être captés par les autres plantes cultivées à racines plus superficielles. Les engrais verts enrichissent donc véritablement la couche arable, et, s'ils proviennent de Légumineuses, il y a en outre gain d'azote aux dépens de l'atmosphère. Enfin, et Dehérain a, dans ces derniers temps, beaucoup insisté sur ce point, les cultures dites dérobées, enfouies comme engrais verls, retiennent les niti'ates qui sans cela descendent dans les profondeurs oîi ils sont perdus pour la végétation. Ces cultures tendent à se répandre de plus en plus, notamment dans les fermes où l'on cultive le Blé et la Betterave et où la terre reste nue pendant six mois depuis la moisson jusqu'à la plantation dès-Betteraves. Il est juste de dire que si l'on aborde la question des engrais verts par le côté écono- mique, on est amené à conclure que très souvent il vaut mieux faire consommer ses récoltes au bétail qui fournira du fumier que de l'enfouir en terre comme engrais. Les engrais verts ne doivent guère être employés que lorsqu'on veut mettre en état de fer- tilité des terrains en pente, escarpés et d'un accès difficile, ou éloignés de la ferme, ou encore lorsque l'exploitation du bétail est dispendieuse et fait revenir le fumier à un prix trop élevé (Muntz et Girard, Les engrais, t. i). Il y a quelque temps, George Ville, qui s'est fait le champion de l'emploi exclusif des engrais chimiques, a préconisé un système de culture qu'il a nommé la sidération et dans lequel on empêche l'appauvrissement du sol en humus à l'aide d'engrais verts. L'auteur basait sa théorie sur le fait, non démontré d'ailleurs, de la fixation de l'azote atmosphérique par toutes les plantes, tous les engrais verts devant, par suite, enrichir le sol en azote. II semble prouvé pratiquement aujourd'liui que l'emploi du fumier de ferme soit bien préférable à un pareil système (Mûntz et Girard, loc. cit.). Remarquons en passant qu'il y a un certain nombre de différences entre le rôle des engrais verts et celui du fumier. Les plantes que l'on enfouit comme engrais verts, si ce sont des Légumineuses, enrichissent le sol en azote aux dépens de l'atmosphère, comme la pratique agricole l'avait fait penser, et comme les découvertes de Hellriegel et WiLLFARTH l'ont moutré (voir art. Azote). Si ce sont d'autres plantes (Moutarde, etc.), elles retiennent les nitrates qui sont entraînés d'habitude dans les eaux de drainage au moment des grandes pluies d'automne. Le fumier, lui, apporte aux terres labourées des substances venues dans la prairie par les eaux d'irrigation, ce qui a pour effet d'enrichir le domaine en éléments minéraux étrangers. En outre, le fumier, par les carbonates de potasse et d'ammoniaque qu'il contient, agit sur les phosphates du sol et rend souvent inutile l'acquisition du superphosphate, ce que ne font jamais les engrais verts. Ceux-ci ne pré- sentent jamais une grande efficacité qu'avec l'addition de superphosphate et de chlorure de potassium dans les sols où l'acide phosphorique et la potasse ne sont pas très abon- dants (Dehérain, loc. cit.). V. Relations entre les engrais et la nature du sol et des plantes. — Consi- dérons maintenant les rapports qui existent entre les engrais employés et la nature du sol et des plantes. L'engrais étant une matière complémentaire, il importe, avant de l'in- corporer au sol, d'être fixé sur la composition de ce dernier, c'est-à-dire en somme sur son degré de fertilité. Il fut un temps où des agronomes, comme Mathieu de Dombasle par exemple, se figu- raient qu'on pouvait cultiver économiquement tous les sols à la condition de les fertiliser. On est revenu aujourd'hui de cette exagération qui fut si souvent ruineuse. Liebig lui- même (/oc. cit., 216), malgré les déductions logiques qu'il devait tirer nécessairement de sa théorie de la restitution {voir plus loin), déclare qu'il y aurait peu d'avantage à rendre fertile au moyen des engrais chimiques un terrain entièrement aride. Kisler admet, après Royer, qu'un sol qui n'est pas encore arrivé au degré de fertilité qui caractérise la période ENGRAIS. 163 céréale doit rester provisoirement ou définitivement soit en bois, soit en pacaptc. « [,a fertilité naturelle, a dit Lawes, est moins chère que la fertilité achetée; en réalité, il est plus avantageux de payer une rente pour un terrain fertile que d'avoir pour rien un sol stérile et d'acheter tous les engrais dont il a besoin ». Mais qu'est-ce en somme que la fertilité? Selon Risler, un sol n'est apte à la cul- ture des céréales que s'il renferme au moins 1 p. 1 000 d'azote total ou 1,6 p. 100 de matière organique contenant 6 p. 100 d'azote et 50 p. 100 de carbone. Cette limite peut varier suivant la rapidité de la nitrification. Dans une terre chaude où ce phénomène est très favorisé, 0,7o p. 1 000 d'azote organique produiront chaque année autant de nitrate que dans une terre froide qui en contiendrait 1 p. 1000. Cette teneur en azote organique ne se rapporte qu'à la couche dite arable, c'est-à-dire celle que remue la charrue dans les labours ordinaii'es (20 à 30 centimètres). Cette couche, selon Joulie, pèse 4000000 de kilogrammes à l'hectare, ce qui fournit, à la dose de 1 p. 1000, 4000 kilo- grammes d'azole organique. Pour être fertile, la terre doit contenir également 1 p. 1000 d'acide phosphorique et de potasse (De Gasparin, Risler). Il lui faut également ;i p. 100 de chaux, selon Joulie; mais, selon Risler, il existe des terres qui donnent d'excellentes récoltes de froment et qui pourtant ne renferment que 1 p. 100 et même 1/2 p. 100 de chaux. On obtient dans des terres granitiques d'excellents résultats en les chaulant à la dose de 4000 kilogrammes à l'hectare, soit 1 p. 1000 du poids de la couche arable. Il faut, en outre, des proportions convenables de magnésie, de fer, d'acide sulfurique. Enfin le sol doit avoir les propriétés physiques convenables. L'analyse chimique faite au laboratoire et qui est plus compliquée et plus délicate qu'on ne le pense généralement, nous renseigne sur la quantité de principes nutritifs; malheureusement, nous ne savons pas encore distinguer les proportions de ces derniers qui sont susceptibles d'être assimilés par les plantes. Il faut donc ainsi avoir recours aux essais culturaux. D'autre part, l'examen de la flore spontanée peut nous donner des indications sur la nature du sol qui, sans avoir une valeur absolue, n'en sont pas moins très précieuses. La Digitale pourpre, l'Arnica des montagnes, le Sureau à grappes, le Châtaignier, le Framboisier, caractérisent les roches granitiques; l'Orobanche rouge est plus spéciale aux régions basaltiques. Le Sainfoin, le Trèfle, la Minette, le Mélilot, les Bugranes, le Mélampyre, la Fléole aiment les sols calcaires, tandis que l'Oseille, la Bruyère, l'Ajonc, les Fougères, les Houques croissent généralement sur des sols dépourvus de chaux. Le Tussilage ou Pas-d'âne, le Sureau Yèbie, la Potentille ansérine aiment les argiles; les Carex, les Sphaignes, lesPédiculaires, les Joncs et la Linaigrette abondent dans les terrains tourbeux. Mais le sol n'est pas seul à considérer; il y a encore le sous-sol. Les racines, en efl'et, s'enfoncent plus ou moins profondément et vont alors chercher leur nourriture dans ce dernier qui joue en outre le rôle important de réservoir d'eau. Le plus souvent, le sous- sol est moins fertile que la couche arable; l'azote s'y trouve en proportion moindre par suite d'une diminution de la matière organique; mais l'acide phosphorique s'y trouve en proportion sensiblement égale, à moins que la formation géologique ne soit ditférente ; même observation pour la potasse. La terre végétale possède vis-à-vis des éléments fertilisants une propriété extrême- ment moins importante qu'on désigne sous le nom de pouvoir absorbant. Liebig a cru pendant un certain temps que les liquides nutritifs circulaient dans le sol librement et pouvaient être entraînés par les eaux pluviales; aussi, pour éviter ce grave inconvénient, proposa-t-il de chauffer les engrais avec des silicates, afin de former des composés moins solubles; mais l'expérience ne fut pas couronnée de succès. On sait aujourd'hui, grâce aux travaux de Huxtable, Thompson, Graham, Way, Liebig, Brûstlein, Vôlcker, Schlœsing, Dehérain, que les sels de potasse et d'ammoniaque sont bien absorbés, tandis que les nitrates ne le sont nullement. Quant aux phosphates, non seulement ils sont, eux aussi, retenus par l'humus, mais encore par l'oxyde de fer et l'alumine. On peut donc dire, d une manière générale, que la terre végétale fixe les matières minérales les plus importantes, à l'exception des nitrates (Mûntz et Girard, loc. cit.). Le pouvoir absorbant qui consiste dans des combinaisons chimiques, et peut-être aussi dans ce que Chevreul appelait « l'affinité capillaire », exige pour s'exercer du 464 ENGRAIS. calcaire ou du carbonate de magnésie destiné à transformer les sels de potasse et d'ammoniaque en carbonates, que fixent ensuite la matière humique et|la silice colloïdale. Ces éléments seront ensuite mis en liberté par dialyse, au fur et à mesure des besoins de la plante. Le pouvoir absorbant de l'humus est tel que les acides azotique et chlo- rhydrique concentrés et bouillants ne peuvent enlever, au terreau par exemple, la tota- lité de la potasse et de l'acide phosphorique qui s'y trouvent contenus. (Berthelot et André. Sur Vétat de la potasse dans les plantes, le terreau et la terre végétale et son dosage. [Annales de Chimie et de physique, G" série, xv, 86-183, 1888]; Sur le phosphore et l'acide phosphorique dans la végétation [ibid., 133-144]; Sur le dosage des matières minérales con- tenues dans la terre végétale et sur leur rôle en agriculture [C. R., cxn, 117, 1891]). Or le pouvoir absorbant n'est pas le même pour tous les sols. Les sols siliceux l'ont à un faible degré; au contraire, les sols riches en argile et en humus le présentent au maximum. On peut conclure des données qui précèdent qu'il est possible de fournir à l'avance à une bonne terre végétale des principes fertilisants, sauf les nitrates et les sels ammo- niacaux qui nitrifient rapidement, sans avoir à craindre leur déperdition avant qu'ils soient utilisés par les plantes. L'état physique du sol exerce aussi une influence importante. Dans les sols argileux, compacts, l'eau séjourne et l'air y circule difficilement; aussi la nitrification y est peu active; alors les engrais déposés en couverture peuvent être enlevés par les eaux qui ciiculent à la surface ; par contre, si les engrais sont incorporés au sol, ils sont énergi- quement retenus. Dans les sols légers, les engrais solubles sont vite entraînés; il faut donc employer ces derniers au furet à mesure des besoins; ces sols consomment, par suite de la facile pénétration des eaux pluviales, de grandes quantités d'engrais; s'ils contiennent de la chaux, les phénomènes de combustion sont très actifs et les fumures organiques disparaissent avec une grande rapidité; il faut alors fumer à doses faibles et répétées. L'engrais, s'il est un complément de la nature chimique du sol au point de vue des éléments nutritifs, est cependant aussi dans la dépendance de la nature des végétaux cultivés. Quand on admettait encore la théorie humique, on croyait que la même alimentation convenait à tous les végétaux, et cette croyance paraissait confirmée par l'analyse chi- mique qui résout les plantes en principes identiques ne différant que par leurs propor- tions (de Gaspari.n, Principe de l'agronomie, 198). Mais de Saussure {loc. cit., 247) montra que le végétal n'assimile po" les substances solubles du sol en raison de leur abondance, qu'il a en quelque sorte un pouvoir électif pour tel ou tel principe. Chevrei;l fit voir ensuite (C. R., G juillet 1853, 581) que certains tissus ont la propriété de dédoubler les solutions et de s'approprier une plus grande proportion de l'eau et des sels qu'elles contiennent. L'expérience montre que les plantes ont des besoins dilférents vis-à-vis des éléments fertilisants. Nous sommes donc amené à étudier leur composition, afin de pouvoir déter- miner les terrains qui leur conviennent et les engrais qii'on doit leur donner (MOntz et Girard, loc. cit., i, 115-185) [Recherches de Boussingault, Lawes et Gilbert, Wolf, Mij.\ïz et Girard, etc.). Les proportions d'éléments qu'on rencontre dans les plantes sont assez variables, comme le montre l'exemple suivant tiré du Blé : ; Quantité minimum . . , Acide phosphorique. | — moyenne. . . ( — maximum . . j Quantité miainmm . . . Azote '. — moyenne. . . . \ — maximum . . , Ces variations sont dues : 1° aux proportions d'éléments fertilisants contenus dans la terre ou ajoutés comme engrais. Ainsi Lawes et Gilbert ont montré que du foin de GRAIN PAILLE de blé. de blc. p. 100. p. 100. 1,50 2,08 0,48 2,50 0,60 0,50 0,82 0,23 1,20 0,50 ENGRAIS. 465 prairie non irrifçuée dose 13 p. 100 de matière azotée, tandis que le foin d'une prairie arrosée à l'eau d'égoùt en contient 90 p. 100. Schlœsing cite du Tabac qui, dans certains sols, dose de 4 à o p. 100 de potasse et dans d'autres 0,25 seulement"; 2° Aux conditions climatériques. Ainsi, quand le développement a été très rapide par suite des pluies, les plantes sont plus pauvres en azote et en acide phosphorique ; 3° A l'âge de la plante. Voici, d'après Wolff, des chiffres qui mettent le fait en évidence : AZOTE. ACIDE POTASSE. phosphorique. Jeune herbe de prairie 0,50 0,22 1,16 Herbe à la floraison 0,44 0,15 0,60 i° Aux variétés ou aux races d'une même espèce. Il est entendu que, les calculs se rapportant aux exigences des plantes, on ne lient compte au point de vue des engrais que de la partie récoltée, celle qui reste dans la terre n'appauvrissant pas cette dernière. Dans les Céréales, l'azote et l'acide phosphorique sont principalement concentrés dans la graine; les pailles sont plus riches en chaux et aussi en potasse, quoique ce soit moins nettement accusé. C'est surtout la matière azotée qui élève la production des Céréales, du Blé particulièrement. Mais Lawes et Gilbert ont montré que le rendement n'est pas proportionnel à la quantité d'ammoniaque employée, surtout si l'on opère dans des sols pauvres en éléments minéraux. L'Orge est moins épuisante que le Blé; dans un terrain moins riche, elle est susceptible de produire plus que cette dernière Céréale; là où o'<'',o d'ammoniaque produisent un excédent de récolte de 1 hectolitre de Blé avec la paille correspondante, on arrive au même résultat pour l'Orge avec 2'''',5 seu- lement (Lawes et Gilbert). Le Seigle est relativement épuisant à cause de la quantité de paille qu'il produit. Si pourtant le Seigle est fréquemment cultivé dans les terres pauvres, cela tient plutôt à sa rusticité qu'à ses faibles exigences en matières fertili- santes; aussi, quand on donne à cette Céréale des fumures appropriées, voit-on croître son rendement dans de fortes proportions. L'Avoine, comme les autres Céréales, demande surtout de l'azote. Le Mais a de grandes exigences pour les principaux éléments ferti- lisants; il est vrai que la moitié de son azote et de son acide phosphorique et la presque totalité de la potasse restent dans le domaine; car il est consommé comme fourrage et employé comme litière. Le Sarrasin exporte autant et même plus que le Blé, mais c'est une plante très rustique. Sa paille, selon Lechartier, est plus riche que celle des autres Céréales en azote, acide phosphorique et chaux. En somme, parmi les plantes qui précèdent, le Blé, le Mais, le Sarrasin sont sensiblement plus épuisants que les autres, il leur faut donc un sol plus riche ou des fumures plus abondantes. Si, d'autre part, on ne considère dans la récolte que la partie généralement exportée du domaine, c'est- à-dire les grains, on peut dire que c'est le Blé qui appauvrit le plus l'exploitation. Chez les Légumineuses, les graines sont très riches en azote; elles le sont aussi, mais moins, en acide phosphorique. Les pailles sont moins riches en ce dernier élément, mais elles en contiennent toutefois davantage que celles des Céréales; par contre, la potasse, la chaux, la magnésie y sont plus abondantes. Bien que les Légumineuses soient exigeantes en azote, il n'y a pas lieu, en général, de leur applicjuer des engrais azotés; on sait en effet que ces plantes ont la propriété de fixer l'azote atmosphérique (voir art. Azote); les Légumineuses, sous ce rapport, sont des plantes améliorantes. Viennent ensuite les plantes cultivées pour leurs racines ou leurs tubercules. Dan^, ce cas, ce sont les parties souterraines qui sont exportées, alors que les parties aériennes- feuilles et liges, sont enfouies comme engrais verts ou employées dans l'alimentation. Les Carottes et Navets sont exigeants en potasse ; les Rutabagas, en raison de leur compo- sition et de leurs forts rendements, sont des plantes épuisantes par excellence. Les Betteraves demandent beaucoup d'azote et de potasse; mais il faut éviter de donner aux variétés sucrières de trop fortes fumures azotées; un excès de ce genre nuirait à la richesse saccharine et à l'extraction du sucre. La Pomme de terre (Boussingault) et sur- tout le Topinambour (Muntz et Girard) ont des exigences analogues à celles de la Betterave; le Topinambour est presque aussi épuisant que les Rutabagas. Ainsi donc les plantes-racines soutirent au sol beaucoup de potasse. Si la consommation des racines et des DICï. DE PHYSIOLOGIE — TOME V. 30 iQ6 ENGRAIS. tubercules est faite surplace, la potasse revient au domaine par le fumier. Si ces racine» et tubercules sont livrés à l'industrie, le sol s'appauvrit en potasse, et il faut songera resti- tuer cet élément dans les sols qui n'en sont pas abondamment pourvus. C'est surtout pour les plantes-racines que les engrais spéciaux à chaque culture prennent une grande importance. Avec les plantes dites industrielles (oléagineuses, textiles), on n'enlève que l'huile ou la fibre textile formées de matériaux ternaires et n'entraînant pas avec eux de principes fertilisants. Le Pavot et le Colza exportent une quantité moyenne de tous les éléments les plus importants; le Lin est moins exigeant, mais le Chanvre l'est plus que ce dernier, surtout pour la chaux; le Houblon exporte beaucoup d'azote. Quant au Tabac, il utilise, selon BoussiNGAULT et Schlœsing, des quantités notables d'azote et de potasse. Examinons maintenant les plantes fourragères qui pour la plupart sont des Grami- nées et des Légumineuses. Les Graminées sont moins exigeantes que les Légumineuses; elles contiennent moitié moins d'acide phosphorique et de potasse; par contre, elles renferment une proportion triple de chaux. On sait qu'il existe des prairies permanentes dans lesquelles la végétation se maintient sans apport d'engrais; dans ce cas, l'appau- vrissement peut être compensé soit par l'eau d'irrigation qui renferme des principes nutritifs, comme cela a lieu dans les prairies établies sur des sables stériles; si l'on n'irrigue pas, on peut néanmoins se rendre compte de la teneur constante en azote par la considération du stock disponible qui existe dans la terre, par l'apport dû aux eaux pluviales et aussi aux eaux souterraines ramenées des profondeurs grâce à la transpira- lion, enfin par l'ammoniaque atmosphérique qui est absorbée par les feuilles. En ce qui concerne l'acide phosphorique et la potasse, nous sommes obligés de faire appel à la réserve du sol et du sous-sol; mais alors pourquoi cette réserve ne suffit-elle pas aux Céréales, par exemple, qui ne sont pas plus exigeantes que les plantes des prairies et qu'on ne peut cependant cultiver longtemps sur le même sol sans restitution? C'est que, supposent Muntz et Girard, l'inextricable lacis de racines qui pénètre le sol des prairies agit sur toutes les parties de la terre arable, et alors toutes les réserves sont sus- ceptibles d'être utilisées; chez les Céréales, au contraire, une partie seulement du sol est envahie par le système radiculaire. Quant aux Légumineuses des prairies artilicielles, on sait qu'elles ne peuvent pas être cultivées indéfiniment dans la même terre. Au bout d'un nombre quelquefois relativement court d'années, on les voit péricliter malgré les défon- cements et les fumures, alors qu'il n'en est pas ainsi pour les Céréales, comme l'ont démontré Lawes et Gilbert. Il est probable que l'épuisement du sous-sol doit être pour beaucoup dans cet effet, car on a remarqué que les Légumineuses durent d'autant plus longtemps que ce dernier est plus perméable et plus profond (Muntz et Girard). Avec les cultures arbustives, ce senties fruits, rarement les feuilles, qui sont exportés. La Vigne n'est pas épuisante (la potasse seule est enlevée en quantité sensible) si l'on évite toute déperdition de produits secondaires, tels que: feuilles, sarments et marcs; c'est ce qui explique la persistance pendant une longue série d'années de cette plante sur le même sol (Boussixgault, Mares, Péneal', Muntz). Le Pommier, selon Isidore Pierre et Lecuautiek, exporte des quantités notables d'azote et de potasse. L'Olivier n'est pas exi- geant, surtout en acide phosphorique (deGasparin, Andoyxaud). LeMùiier, au contraire, est très épuisant (de Gasparix, Wolff). Les essences forestières n'épuisent que très peu la terre (Graxdeau, Ebermayer), tous les produits y revenant presque directement. Selon Henry même, la couverture for- mée de feuilles mortes aurait la propriété, par une action microbienne, de fixer l'azote atmosphérique. Henry a montré que le Hêtre et le Tremble sont riches en potasse; le Charme au contraire en contient peu; c'est le Chêne qui renferme le plus d'acide phos- phorique et de potasse; après lui vient l'Érable. Enfin, depuis quelque temps, on s'occupe beaucoup, à la suite des travaux de Grax- deau à la station expérimentale du Parc des Princes (L. Grandeau, La fumure des champs et des jardins. Annales de la Science agronomiciue française et étrangère, i^'^ série, xi, 1893, 305), de l'action des engrais minéraux en horticulture (Voir IJer.nakd Dyer, Le fumier de ferme et les engrais minéraux dans la culture maraîchère. Annales de la Science agrono' mique française et étrangère ; 2'^ série, ii, 2o, 1894. Truffaud, Ann. agr.). Guandeau admet que le problème c(ui s'impose au maraîcher est double : hâter la transformation de l'azote organique en nitrates et fournir au sol à bon marché l'acide ENGRAIS. 467 phosphorique et la potasse qui manquent par suite de leur exportation par les plantes. On arrivera à la solution en substituant dans une large mesure les engrais minéraux au fumier qu'on était jusqu'ici obligé d'employer à des doses très considérables. D'après tout ce qui vient d'être dit sur les relations entre les engrais avec le sol et la plante, on comprend tout l'intérêt qui s'attache à l'emploi des engrais simples dont ou connaît parfaitement la composition chimique. Rien de plus fallacieux que ces engrais dits complets pour telle ou telle culture et qui sont malheureusement si répandus dans le commerce. Tout d'abord ces engrais coûtent cher, le fabricant faisant payer une plus- value énorme pour des manipulations qui ne sont ni compliquées, ni dispendieuses; d'autre part il se produit entre les engrais composants comme, par exemple, eutre les nitrates et les superphosphates (Axdouard) des réactions qui mettent en liberté un ou plusieurs éléments utiles: de plus, les engrais simples, qui se trouvent dans le mélange, se trouvent forcément répandus au même moment, ce qui a souvent, nous l'avons montré, un grave inconvénient; en outre, la fraude est rendue plus facile. Enfin les engrais com- plets ne tiennent pas toujours compte des exigences des plantes; et, à supposer qu'il en soit autrement grâce aux connaissances agronomiques des fabricants, il n'en reste pas moins ce fait que, la composition physique et chimique du sol variant à l'infini, les for- mules d'engrais ne peuvent pas le prévoir et être adaptées pour une plante donnée à toutes les terres dans lesquelles celle-ci est cultivée. Sous l'influence des idées de Georges Ville, il s'est formé au sujet des engrais com- plets une théorie dite des dominantes, que les fabricants ont beaucoup propagée et qu'il importe de combattre dans ce qu'elle a d'absolu. Déjà Liebig [Chimie végétale, 220), étu- diant les cendres des plantes cultivées, avait divisé ces dernières en plantes à potasse qui renferment en alcalins solubles plus de la moitié de leur poids, enplantes à chaux, oîiles sels calcaires prédominent, e[ en plantes à silice dont les cendres contiennent beaucoup de silice. Ces substances minérales sont précisément, écrivait Liebig, celles dont les plantes ont le plus besoin pour leur développement et qui les distinguent essentiellement entre elles. George Ville, lui, faisait remarquer que, sur les quatre termes de l'engrais com- plet, il y en a trois, le phosphate, la potasse et l'azote qui remplissent tour à tour une fonction subordonnée ou prépondérante, suivant la nature des plantes; la chaux, utile à toutes, ne manifestent sur aucune en particulier cette prééminence fonctionnelle, il a appelé dominatite d'une plante l'élément qui est le régulateur du rendement. C'est l'azote pour les Céréales, le Chanvre, la Betterave ; la potasse pour la Vigne, la Pomme de terre; le phosphate de chaux pour les Navets, la Canne à sucre, le Mais. Il est très vrai, et nous l'avons montré, que chaque plante a des exigences particu- lières, tant au point de vue de la quantité que de la qualité des principes fertilisants. Mais il ne faut pas oublier que la formule d'engrais doit tenir compte de la composition du sol, qu'il doit compléter, comme l'a dit Chevreul. La Pomme de terre, par exemple, est très sensible à l'apport de potasse, mais il est inutile d'incorporer cet élément au sol, si ce dernier en est suffisamment pourvu. Il y a plus : l'adjonction d'un principe, là où il est inutile, peut même devenir nuisible; ainsi, bien que l'azote soit la dominante des Céréales, il faut bien se garder d'ajouter des nitrates dans les terres ensemencées en Blé et qui ont un stock considérable de matière organique en bonne voie de nitrification ; la verse se produirait infailliblement. Certes les engrais composés rendent de grands services; mais le cultivateur doit opé- rer le mélange lui-même, afin de pouvoir répandre les différents éléments en temps voulu et d'adapter ses formules aux sols et aux plantes qu'il cultive. L'établissement de ces formules lui sera permis, grâce à la connaissance de la composition de ses terres, des exigences des plantes et des résultats des champs d'expérience. Ainsi donc le rêve de Liebig, qui était de préparer dans les fabriques des engrais pour chaque terre et chaque plante, de même qu'on prépare des médicaments pour telle mala- die donnée, ne semble pas devoir se réaliser (Liebig, toc. cit., 264). VI. Durée d'action des engrais. — La durée d'action des engrais est fort variable suivant la nature de ces derniers et aussi suivant les sols. Ainsi le fumier fortement lassé, enfoui dans un sol peu perméable, se conserve longtemps, comme le montrent les expé- riences faites en sols argileux et en sols sablonneux et calcaires. « On sait, dit de Gaspa- RiN, avec quelle rapidité se consomme le terreau superficiel qui provient de la chute des 468 ENGRAIS. feuilles dans les bois lorsqu'on vient à les défricher. Quand les forêts de la Virginie furent abattues, on trouva le sol couvert d'un terreau riche, sur lequel on obtenait des produits considérables; on se livra à la culture du Tabac qui est épuisante, et après un petit nombre d'années, le terrain, qui est sablonneux et qui ne possédait pas dans son intérieur de dépôt ancien de terreau, s'est trouvé épuisé, et les cultures y sont bien déchues de leur ancienne splendeur. » (de Gasparin, loc. cit., 211.) L'ameublissement fre'quent du sol qu'exige la culture des Céréales, des plantes sar- clées, contribue aussi à activer la consommation du fumier, ce qui n'a pas lieu dans les prairies temporaires et surtout permanentes. Le chaulage accélère aussi la nitrificalion, et, dans des sols où il est appliqué à des doses immodérées, la matière huraique a vite fait de disparaître, et le sol devient stérile. Le cultivateur a intérêt à connaître quelle est dans un sol, et pour un système de cul- ture donné, la fraction de l'engrais distribué qui persiste après une ou plusieurs récoltes. C'est grâce à cette connaissance qu'il peut régler les fumures ultérieures et déterminer à la fin d'un bail l'indemnité dite de Vengrais en terre qui, suivant certains contrats, est due par le propriétaire au fermier sortant pour l'engrais qu'il laisse dans le sol. Lawes et Gilbert ont montré qu'en moyenne, les récoltes prennent la première année le tiers de la fumure azotée, quand c'est du sulfate d'ammoniaque employé à la dose de 200 à 400 kilogrammes à l'hectare. Si c'est de l'azote nitrique, la moitié seulement est utilisée ; mais, avec du fumier, la quantité d'azote utilisée la première année n'est que les 14 centièmes de l'azote total introduit. La fraction de l'azote non retrouvé dans l'augmen- tation de la récolle existe pour la plus grande part dans les eaux de drainage, si l'on a employé des engrais solubles; cependant, lorsque les engrais azotés salins ont provoqué une abondante récolte, le sol se trouve enrichi d'une faible fraction de l'azote introduit, lequel est immobilisé à l'état organique dans les résidus (racines, feuilles, chacune sui- vant les cas), en sorte que, dans ces circonstances, ce sont les récoltes les plus abon- dantes qui appauvrissent le moins le sol en azote. Si l'on emploie le fumier de ferme, la partie non utilisée est très importante, et influe sur un certain nombre de récoltes ulté- rieures; il en est de même des phosphates et des sels de potasse qui sont retenus par le pouvoir absorbant. Seuls, par conséquent, les nitrates et les sels ammoniacaux qui nitri- fient rapidement, ne peuvent être pris en considération en ce qui concerne l'engrais enterre. Et maintenant qu'arriverait-il au bout d'un certain temps si l'on cessait l'emploi des engrais tout en continuant les cultures? Ce soi s'épuiserait et deviendrait stérile. Liebig prétendait que les sols autrefois si fertiles de l'Asie Mineure et du nord de l'Afrique sont devenus stériles parce qu'on n'a pas restitué les éléments enlevés par les récoltes. « Dans l'agriculture, disait-il, le principe fondamental, c'est de rendre toujours à la terre, en pleine mesure, n'importe sous quelle forme, tout ce qu'on lui enlève par les récoltes, et de se régler en cela sur le besoin de chaque espèce de plante en particulier. » Pour lui, il faut, par les engrais, rétablir dans la composition chimique du sol l'état d'équilibre que troublent les récoltes. Nous savons déjà que ce principe de la restitution est beaucoup trop absolu, qu'il est par exemple inutile de rendre de la potasse à un sol qui en renferme beaucoup. Mais, s'il est bien certain que ce qu'on a appelé la culture vampire, celle qui ne fait qu'exporter pendant longtemps sans jamais rien rendre, con- duit nécessairement à la stérilité, il n'en est pas moins vrai, abstraction faite de la mau- vaise constitution physique du sol, de la présence en trop grande quantité de substances nuisibles telles que le sulfate de fer et le sel marin, que très souvent ce sont les circon- stances économiques qui conduisent à de pareils résultats. Ainsi s'est appauvrie la Mesela espagnole par suite du parcours des moutons et de l'expulsion des Arabes. Des expériences suivies faites à Rothamsted par Lawes et Gilbert et par Dehérain à Grignon, il résulte que par suite de la culture sans engrais, le sol s'appauvrit en humus, en azote et en principes minéraux. La terre, épuisée en humus par Dehérain, en renfer- mait en moyenne 15 grammes p. 1 000 au lieu de 35, et il n'y avait pas de différence notable dans le sol riche et le sol pauvre en ce qui concerne la proportion d'eau retenue et la quantité d'acide carbonique produite. En outre, l'humus, dans les deux cas, n'avait pas la même composition; le rapport -r- est de 8,4 à 8,3 dans le sol riche, et de 4,9 à 4,8 dans le sol épuisé; la culture sans engrais aurait peut-être pour effet de faire dispa- ENGRAIS. 46i» raître une forme d'humus directement utilisable par les plantes (Dkuéraln, Bréal). L'humus, il est vrai, se reforme par la végétation spontanée comme par les fumures organiques et la stérilité complète n'est à craindre (jub là où la sécheresse sévit avec intensité, comme aujourd'hui dans les plaines autrefois si fertiles de la Mésopotamie, de la Palestine, de l'Asie Mineure et du nord de l'Afrique. Quant à l'azote, s'il se perd par la réduction des nitrates et surtout parleur entraîne- ment dans les eaux de drainage, il se récupère d'autre part par l'absorption de l'ammoniaque atmosphérique et par la fixation de l'azote libre, grâce à des actions microbiennes (voir art. Azote). Bien que, par suite de la culture sans engrais, le sol s'épuise en acide phosphorique et en potasse, l'agriculture européenne n'a pas à craindre la stérilité par suite du manque de ces éle'ments, ceux-ci existant en abondance dans de nombreux gisements exploités. C'est plutôt l'azote qui inspire des craintes sérieuses, contrairement à ce que croyait LiEBiG. Nous en perdons beaucoup par suite de l'inutiiisation presque complète des résidus de l'alimentation humaine, et, comme les gains sont insuffisants pour l'entretien des récoltes à grands rendements, il est probable qu'un coup funeste sera porté à la culture le jour où les gisements de nitrates du Pérou seront épuisés. Espérons qu'avant ce terme fatal, la chimie nous aura appris à réduire les pertes d'azote et à vaincre l'inertie de cet élément pour le faire entrer dans des combinaisons utilisables pour les plantes (Dehérain, Chimie agricole, 514). Dans une conférence retentissante faite récemment k l'Association britannique [V alimentation en blé : Revue scientifique, ^^ série, x, 389, 24 septembre 1898), William Crookes a, lui aussi, appelé l'attention sur ce fait que, lorsque le salpêtre sera employé sur une plus vaste échelle, les gisements s'épuiseront vite, et la production du Blé sera compromise. L'illustre savant, prévoyant ainsi la disette du blé, évoque le pâle fantôme de la faim, et est amené à considérer que le salut de l'humanité est dans la production artificielle du nitrate de soude. Maximilian Pavlovski [V alimenlion en blé. Réponse à Willl^ji Crookes; Revue scien- tifique, 4" série, xi, 553, 6 mai 1899) se montre plus optimiste, mais il croit peut-être un peu trop, comme nous le montrerons plus loin, à l'importance que pourront avoir les préparations de microbes fixateurs d'azote {alinite et nitragine) pour capter cet élément. Ch. RrcHET [ha lutte pour le carbone. Revue scientifique, 4" série, xi, 705, 10 juin 1899) pense également que les craintes de Crook.es ne sont pas justifiées. Pour lui, il n'y a sur la terre, en dernière analyse, aucune perte notable d'azote combiné; ce dernier est en quantité considérable dans le sol, et la réserve de l'azote atmosphériqueiest inépuisable. Tout au plus, l'homme devrait-il, par un plus habile aménagement de ces ressources, ne pas laisser disparaître sans profit dans la mer les grandes masses d'azote ammoniacal qui proviennent de la décomposition des matières vivantes, végétales ou animales. Toute- fois il n'en reste pas moins que la réserve, si importante soit-elle, d'azote gazeux, n'a de valeur que si l'on arrive à faire entrer cet élément dans des combinaisons utilisables par les plantes. VII. Mode d'emploi des engrais. — La question du mode d'emploi des engrais, qui présente un si haut intérêt, peut être résolue maintenant grâce aux notions qui vien- nent d'être exposées. Gasparin {loc. cit., 218) fait reinarquer que, pour utiliser le mieux possible les engrais, il faut : 1° employer ceux qui sont solubles à des doses petites et réitérées au fur et à mesure des besoins de la plante; 2° faire usage de ceux qui sont peu solubles pour des plantes dont la durée de végétation se prolonge aussi longtemps que la fermentation elle-même. Ces principes sont loin d'être absolus, comme nous Talions voir en étudiant quelques types d'engrais. Le tumier est employé en couverture ou enfoui dans le sol. Dans ce dernier cas, il l'est immédiatement, et alors toutes ses matières fertilisantes sont retenues par la terre; ou bien il l'est après un certain temps, et alors le fumier est lavé par les eaux pluviales et les parties solubles sont entraînées dans les parties de la terre qui portent les tas, lesquelles se trouvent énergiquement fumées au détriment des autres. En outre, à l'air libre, le fumier perd de l'azote à l'état d'ammoniaque, mais cette perte est faible dans- les pays humides tels que l'Angleterre, les provinces baltiques, la Normandie. On pré- 470 ENGRAIS. tend même, en certains pays, qu'il y a plus d'avantage à laisser le fumier épandu à la surface pendant quelques semaines avant de l'enfouir, et que son action est alors plus rapide. Quant aux fumures dites en couverture, elles s'emploient pour les prairies natu- relles et arlificielles, et quelquefois aussi pour les autres cultures, notamment dans les sols légers, sablonneux et calcaires. Comme les éléments du fumier ne sont pas immé- diatement assimilables, les plantes profileront plutôt d'un fumier qui a subi une décom- position dans le sol que de celui qui leur est donné au moment même de leurs besoins; aussi a-t-on l'habitude de répandre le fumier à l'automne ou à l'entrée de l'hiver. Les nitrates, par suite de leur grande solubilité et de l'inaptitude de la terre à les fixer, doivent être employés au fur et à mesure des besoins des plantes. L'époque la meilleure est le printemps, à un moment où on peut encore compter sur quelques pluies pour opérer la dissolution; les grandes sécheresses et les pluies persistantes nuisent beaucoup à l'action du nitrate de soude. On emploie le plus souvent le nitrate en couverture; disons cependant que Muntz et Girard recommandent de l'enterrer par un labour toutes les fois qu'il est possible. Les sels ammoniacaux, en terre contenant assez de calcaire, se transforment en car- bonate d'ammoniaque qui est retenu parle pouvoir absorbant du sol; mais, dans les sols légers, ils nitrifient rapidemenl. Il faut donc, en général, sauf dans les terres fortes seules, appliquer le sulfale d'ammoniaque au moment où les plantes ont besoin d'azote assimilable. Les phosphates naturels, qui n'ont pas subi avant leur emploi de traitement chimique, peuvent être comparés dans une certaine mesure aux engrais azotés organiques, tandis que ceux qui ont été traités peuvent l'être aux engrais azotés solubles. Les premiers ont besoin de subir dans le sol une préparation susceptible de favoriser leur diffusion, alors que les seconds se trouvent de suite prêts à agir sur la végétation. Toutefois, les phosphates, quels qu'ils soient, peuvent être répandus à une époque quelconque de l'année; s'ils n'ont pas subi de traitement chimique, il faut les employer un certain temps d'avance. Les phosphates naturels ne s'appliquent jamais en couverture sur les plantes en croissance; leur effet serait nul; on les enfouit profondément, et assez souvent en mélange avec les fumiers. Les engrais potassiques doivent être employés avec de grandes précautions par suite de leur causticité; mis en même temps que la graine, ils nuiraient à la germination; répandus en couverture, ils attaqueraient les parties feuillues et même les racines. 11 faut donc les donner à l'avance; ils subissent alors dans le sol des réactions qui leur enlèvent leur causticité en même temps que les impuretés nuisibles. Ainsi du chlorure de potassium souillé de chlorure de magnésium finit par se transformer en carbonate et en bumate; le chlorure de magnésium qui souillait le sel potassique et le chlorure de calcium produit par double décomposition et qui est très nuisible sont enlevés par les eaux de drainage. Tous les engrais, solubles ou non, employés en couverture ou enfouis dans le sol, sont généralement répandus avec la plus grande uniformité. De Gasparin n'hésite pas à condamner cette pratique {loc. cit., p. 219). Il fait remarquer avec beaucoup de justesse que les racines des végétaux ne peuvent occuper qu'une partie du sol cultivé et engraissé, en sorte qu'une quantité notable de principes fertilisants pour une récolte donnée est inutilisée et peut même être perdue pour toujours si l'engrais en question n'est pas retenu par le sol. Une moindre quantité d'engrais, n'occupant que le cube qu'embrasseraient les racines et se trouvant à proximité de ces dernières, n'exposerait pas à une aussi grande perte; c'est ce qui a lieu par exemple dans la plantation par poquets utilisée par les jardiniers. Chaque plante, chaque touffe s'y trouve entourée de très près par la quantité d'engrais qui lui est nécessaire. ScKLŒsiNG, dans ses expériences de laboratoire faites sur le Blé, le Haricot, la Pomme de terre (C. R., cxv, 698 à 768; 1892) et après lui Prunet {Influence du mode de réparti- tion des engrais sur leur utilisation par les plantes. Revue générale de Botanique, vu, 1894, 260) dans des expériences faites dans les champs (sur la Pomme de terre seulement), se rapprochant par conséquent des conditions réalisées dans la culture ordinaire, ont vérifié les assertions de de Gasparin. Us ont trouvé qu'en général la répartition de l'engrais en ligne se montre la plus avantageuse. VIII. Enrichissement du sol en azote. Nitragine et Alinite. — Avant d'aban- ENGRAIS. m donner cette question des engrais, disons quelques mots sur de nouveaux agents de fertilité, de nature microbienne, qui auraient pour elfet d'enrichir le sol en azote aux dépens de la réserve atmosphérique. On sait, depuis les travaux d'HELLRiEOEL et Wilfarth (voir art. Azote), que les Légu- mineuses présentent des tubercules remplis de microbes ayant le pouvoir de fixer l'azote atmosphérique ; les racines de ces plantes restent dans le sol, y pourrissent et augmentent par conséquent la teneur de ce dernier en azote; c'est ce qui explique que de tout temps on ait pu considérer les Légumineuses comme des plantes améliorantes. D'autre part, depuis les travaux de Berthelot, Schlœsing fils et Laurent, Rossowitch, WiNOGRADSKi, ctc. (voir art. Azote), il est acquis aujourd'hui que des espèces microbiennnes vivant seules ou en symbiose avec des Algues dans la terre, fixent l'azote gazeux, et c'est ce qui rend compte de la persistance de la végétation dans des endroits où l'on n' a jamais mis d'engrais. Après ces découvertes, on s'est demandé si l'on ne pourrait pas favoriser le dévelop- pement des Légumineuses et aussi activer la fixation de l'azote dans les sols. Lawes avait déjà dit: « Le jour viendra-t-il où les graines seront ensemencées accompagnées des organismes qui leur sont nécessaires et qui font défaut dans nos terres? » Dès 1887, Salfeld {Biederm. CentralbL, x\]i\,2.i9) songea à introduire dans les champs de la terre ayant déjà porté l'espèce de Légumineuse qu'il s'agit de cultiver. Il pensait provoquer ainsi une abondante formation de nodosités, et en elfet les essais culturaux réussissent parfaitement. Mais ce mode d'inoculation a l'inconvénient d'être coûteux; car il exige le transport de plusieurs tonnes de terre par hectare. Aussi Nobbe et Hiltner ont-ils ces dernières années simplifié ce procédé par l'emploi de cultures pures de bactéries des Légumineuses {Land. Versiich. Stat., XLvn, 1896). Nobbe et Hiltner admettent qu'il existe dans le sol des formes neutres de bactéries capables de se fixer sur la plupart des Légumineuses et des formes adaptées à des espèces déterminées; de plus, une forme neutre, par suite de son passage sur une espèce de Légumineuse, subit une adaplatiori si profonde qu'elle devient incapable de vivre sur d'autres espèces. Si donc on veut favoriser la fixation de l'azote amosphérique par une espèce de Légumineuse, il faut offrir à cette dernière la race déjà spécialisée de bactérie qui lui convient. C'est pour- quoi Nobbe et Hiltner font des cultures pures de toutes les races qu'ils livrent au com- merce sous le nom de nitragine. Les essais culturaux qui ont été entrepris de toutes parts pour se fixer sur la valeur de la nitragine ont donné en général des résultats peu encourageants. Dehérain {Annales agronomiques, 1898, 174), avec la nitragine destinée au Lupin, a tenté l'inoculation sans succès. Mazé {Aiinales de l'Institut Pasteur, 1899, 134) admet que les races des microbes des nodosités sont moins nombreuses que ne le croit Nobbe; il distingue seulement deux grands groupes physiologiques, l'un adapté aux terres calcaires, l'autre aux terres acides, celui-ci comprenant des formes capables de se fixer sur les plantes nettement calcifuges comme le Lupin, l'Ajonc, le Genêt. D'autre part, si une terre est pauvre en formes actives du microbe des nodosités, c'est que le milieu ne leur convient pas. Le transport de microbes d'une culture pure dans ce sol est accompagné d'une période de trouble dans les fonctions de nutrition; il y en a qui périssent, d'autres sont alfaiblis. Si, au contraire, dans le sol inoculé, l'espèce est abon- dante, l'apport de nouveaux germes est inutile. En 1897, Caron, d'Ellenbach (Hesse), a isolé une espèce bactérienne fixant directement dans le sol l'azote gazeux. Cette espèce, nommée Bacillus Ellenbachensis, ne serait autre, selon Stoklasa, que le Bacillus megatherium {Ann. agron., xxiv, 1898, 171 à 253). Des cultures pures de ce microbe furent préparées à Elberfeld et livrées au commei'ce sous le nom à'alinite. Caron et Stoklasa pensent que les microbes incorporés aux sols enrichissent ces derniers en matière azotée. Certains essais culturaux ont paru être cou- ronnés de succès [Grxndew, Journal d'agriculture pratique, 21 novembre 1898; Stoklasa, Malpeaux; Ann. agron., xxiv, 1898, 482; Gain, Revue générale de botanique, xi, 18, 1899). Mais d'autres expérimentateurs ont obtenu des résultats négatifs (Wagner, 1898). Stok- lasa (loc. cit.) a montré que le bacille de l'alinite ne fixe l'azote qu'en présence d'une quantité relativement considérable de matières hydro-carbonées, et en particulier de pentosanes. Celles-ci fournissent en brûlant au microbe l'énergie dont il a besoin et servent à l'édification de nouvelles molécules. Il faut donc placer le microbe dans un 472 ÉPHÉDRINE — ÉPILEPSIE CORTICALE. milieu favorable à sou développement. En le faisant vivre dans un sol naturellement ou artificiellement riche en pentosanes, Stoklasa a pu obtenir un' excédent de récoltes de 30 à 40 p. 100. Mais dans les sols cultivés, ainsi que le font remarquer Dehérain [Ann. agron., xxiv, 679) et Mazé {loc. cit.), le microbe est toujours assez répandu. En résumé, de ce court aperçu sur la nitragine et l'alinile, il résulterait qu'il con- vient plutôt de s'attacher par des fumures, des amendements, des irrigations ou des drainages, des labours, à créer des milieux favorables au développement des bonnes espèces microbiennes, afin qu'elles puissent prospérer et contribuer dans la plus large mesure possible à la fixation de l'azote atmosphérique. ED. GRIFFON. EPHEDRINE. — Alcaloïde cristallisable extrait de VEphedravulgaris (Rich.) ou de l'E. hclvetlca (C'H'^AzO). On a employé le chlorhydrate comme mydriatique et suc- cédané de l'atropine. ÉPIDIDYME. — Voyez Testicule. ÉPI DERME. — Voyez Peau. ÉPIGLOTTE. — Voyez Déglutition, Larynx. ÉPILEPSIE CORTICALE. —L'épilepsie est entrée dans le domaine de l'expérimentation physiologique il y a une trentaine d'années, à l'occasion des recherches sur les fonctions motrices du cerveau. Tandis que les physiologistes antérieurs à cette époque avaient proclamé l'inexcitabilité absolue du cerveau Flourens, Magendie, Longet), deux auteurs allemands, Fritsch et Hitzig, découvrirent en 1870 les propriétés excito-motrices de l'écorce cérébrale. En cherchant à déter- miner, à l'aide d'excitations électriques, les principaux points moteurs des membres à la surface du cerveau, il arriva à ces expérimentateurs de provoquer, chez le chien, de violents mouvements convulsifs absolument comparables aux attaques d'épilepsie chez l'homme. La possibilité de reproduire, pour ainsi dire à volonté, un syndrome qui occupe une place si importante en pathologie humaine, ne pouvait manquer d'encourager les physiologistes à poursuivre les recherches dans cette voie. Les mémorables travaux de H. Jacksox sur l'épilepsie partielle furent soumis au contrôle de l'expérimentation par Ferrier, qui détermina en même temps d'une façon précise la topographie des points moteurs corticaux. En France, Fr. Franck et Pitres, Browx-Séquard, Ch. Ricuet, Vulpia.n et ses élèves; en Allemagne, Bubxoff et Heidenhain, Danilewski, Eulenburg et Landois, Unverricht; en Italie, Lugiani et Tamburixi, Albertoxi, pour ne citer que les principaux, ont attaché leurs noms à cette étude. Ces auteurs ont abordé non seulement l'étude analytique des phénomènes convulsifs provoqués chez l'animal, mais aussi les ques- tions théoriques qui s'y rattachent, et notamment l'excitabilité propre de l'écorce céré- brale, sur laquelle naguère encore les discussions étaient si vives. Nous ferons à leurs travaux les plus larges emprunts pour la rédaction de cet article. L'histoire de l'épilepsie corticale est intimement liée à celle des localisations céré- brales. L'étude des deux questions a été poursuivie parallèlement; les points de fait et de doctrine soulevés par elles se confondent en grande partie. De même, en pathologie humaine, l'histoire des localisations cérébrales s'est faite à l'aide des documents anatomo- cliniques relatifs à l'épilepsie partielle (Charcot et Pitres). L'étude de ces deux questions doit rester cependant distincte; et nous n'avons pas à traiter ici des localisations motrices avec tout le développement que le sujet comporte (Voy. Cerveau, ii, 8Gl\). Mais, avant d'abor- der l'étude de l'épilepsie, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails au sujet des réactions motrices de l'écorce en général. Les discussions théoriques relatives à l'excitabi- lité propre de l'écorce trouveront place après l'exposé des faits d'observation expérimentale. I. — EFFETS MOTEURS DES EXCITATIONS CÉRÉBRALES CHEZ LES ANIMAUX I. Distinction des réactions simples et des réactions épileptiques. Choix de ranimai et de l'excitant. — « Il existe à la surface du cerveau, à la limite des lobes ÉPILEPSIE CORTICALE. 473 FiG. 20G. — Schéma du cerveau du cliicn ' (d'après Ferrier). Scissure de Sylvius ; B, Sillon crucial; 0, Bulbe olfactif;!, II, III, circonvolutions longitudinales; IV, Gyrus supra-sylvien. (1) membre postérieur ; (4) membre antérieur ; (5) épaule et mem- bre antérieur; \_7) orbiculaire et zygomatique ; (8) rétraction de l'angle de la bouche; (9) ouverture de la bouche et mouvements do la langue; (12) ouverture des j'eux avec dilatation des pu- pilles; (13) déviation des yeux du côté opposé, parfois contrac- tion pupillaire; (14) redressement de l'oreille; (16) torsion de la nariue. frontal et pariétal, une région circonscrite dont l'excitation provoque, chez les animaux, des mouvements dans les muscles du côté opposé du corps. En dehors de cette zone, les excitations appliquées à l'écorce ne provoquent aucun mouvement. » Tel est le fait capital énoncé par Fritsch et Hitzig en 1870. Leurs expériences, exécutées sur le chien, furent reprises par Ferrier et pratiquées sm- d'autres animaux avec le même résultat. Toutefois, tandis que, chez les animaux supérieurs, cette région excitable peut se subdiviser en territoires secondaires indépen- dants, qui correspondent aux membres, à la face, à mesure que l'on descend dans la série, le nombre de ces centres indépen- dants va en se réduisant. Chez le singe, la subdivision a pu être poussée très loin (Ferrier, Hons- LEY et Beevor) ; il en est de même chez le chien. Le chat vient pres- que au même rang que celui-ci. Mais, chez le lapin, et plus encore chez le cobaye et chez le rat, cette indépendance est de moins en moins nette. Le pigeon présente un point excitable unique, déter- minant la contraction pupillaire avec rotation de la tête. Chez la grenouille, en irritant la surface d'un hémisphère, on obtient encore des mouvements d'ensemble des membres du côté opposé. Enfin les poissons même réagissent par des mouvements de la queue, des nageoires et des yeux-. C'est sur le singe, et surtout sur le chien, que toutes les recherches expérimentales concernant les réactions motrices cérébrales ont été poursuivies. Si, après avoir mis à nu l'écorce d'un hémisphère cérébral chez un chien, on vient à appliquer en un point de la zone motrice une excitation très brève, par exemple la décharge d'une bobine d'induction, on voit se produire une secousse musculaire dans un territoire limité. Telle est la réaction corticale motrice élémentaire, la secousse muscu- laire simple, comparable à celle que l'on obtient en excitant directement le muscle ou le nerf moteur (fig. 208). C'est à l'aide de cette provocation de mouvements limités que les physiologistes ont pu établir la topographie de la zone motiice corticale. Vient-on à répéter cette excitation un certain nombre de fois, on obtient chaque fois la même réaction musculaire. Que si l'on produit les excitations en séries de plus en plus rapprochées, il arrive un moment où le muscle ne revient pas au repos entre deux contractions successives. On réalise ainsi l'état de tôta)ws musculaire. La contraction tétanique cesse dès'que l'on suspend les excitations, et le muscle se relâche complètement. (fig, 208). Ce sont là deux modes de réaction motrice simple par excitation corticale; en- core que le second, comme nous le verrons en analysant de plus près le phénomène, 1. Tous les tracés insérés dans cet article sont tirés du livre de F. Franck sur les Fonctions motrices du cerveau (Paris, 1887). Nous adressons nos remerciements à M. Doin éditeur, qui a bien voulu nous autoriser à les reproduire, et qui a eu l'obligeance de nous en confier les clichés (H. L.)._ 2. L'écorce est inexcitablc chez les animaux nouveau-nés (Rouget, Soltm.\nn); pas chez tous cependant, en particulier pas chez ceux qui naissent les yeux ouverts. On aurait constaté alors (Tarchanoff) que le cerveau gauche présente un développement plus grand des centres pour les mouvements des membres, le cerveau droit, un développement très grand pour les mouvements de la face qui servent à la mastication. Chez le chien et chez le lapin, l'écorce ne devient excitable que dans la deuxième semaine, et en différents points successivement. Chez le cobaye au contraire, qui est lieaucoup plus précoce, elle est excitable dès la naissalice, voire même avant la naissance (Tarchanoff), 474 ÉPILEPSIE CORTICALE. représente une transition entre la secousse musculaire simple et l'épilepsie corticale. Pour obtenir des convulsions épileptiques, il faut appliquer à l'écorce des excitations Fie. 207. — A. Secousse musculaire provoquée par une excitation induite unique, appliquée à la zone mo- trice (Muscles extenseurs du poignet du chien. Myographe à transmission). B. Secousse musculaire pro- voquée par la même excitation appliquée au nerf moteur; M. Courbe musculaire; E. Instant de l'exci- tation ; T. Temps inscrit par le chronographe (Diapason interrupteur 1/100). — Rotation rapide du cylindre (enregistreur). d'une intensité plus grande. La réaction épileptique diffère des précédentes par des caractères dont il importe dès maintenant de fixer les plus appparenls. Elle survit à l'excitation, alors que dans le cas précédent elle ces- sait rigoureusement avec elle; il peut même arriver qu'elle augmente d'inten- sité après que celle- ci a pris fin. De plus, elle a tendance à se propager, à envahir des groupes muscu- laires voisins, voire même à se générali- ser, tandis que les réactions simples restent étroitement limitées aux territoires en rapport avec le centre cortical excité. Dans l'épilepsie corticale, en résumé, tout se passe comme si l'excitation ne faisait que donner l'impulsion première à un acte convulsif, qui se déroule ensuite pour son propre compte (fi g. 209). L'étude des réactions corticales simples forme comme une introduction à l'analyse des phénomènes épileptiques proprement dits. Mais il est utile, avant d'aborder cette étude, de présenter quelques remarques touchant la nature des excitations applicables à l'écorce cérébrale. On peut mettre en jeu l'excitabilité motrice de la substance grise par des excitations de nature variée. Les premiers expérimentateurs, Fritsch et Hitzig, Ferriek, ont eu recours à l'électricité, et c'est encore aujourd'hui le moj'en le plus employé. Un excitateur à double pointe mousse (fig. 210) est mis simplement au contact du cerveau dénudé; il est relié aux deux pôles d'une pile ou aux deuxbornes d'une bobine d'induction. La pré- férence est généralement donnée aux courants induits qui donnent des excitations d'une durée suffisante, à intervalles aussi rapprochés que l'on veut, et avec lesquels il n'y a pas à redouter l'altération électrolytique du tissu. L'on a soin de commencer par des FiG. 208. — Inscription simultanée du tétanos provoqué (ligne M) et des excitations corticales 1, 2 (ligne E). ÉPILEPSIE CORTICALE. 475 excitations très faibles et de déterminer le courant minimum nécessaire pour obtenir une première réaction motrice. FiG. 209. — M, Muscles extenseurs du poignet tétanisés pendant la période 1, qui correspond à la durée de l'excitation corticale E, présentant un renforcement de tétanisation (période 2) après l'excitation corticale, et subissant une décontraction graduelle pendant la période clonique 3. La substance corticale réa?:it aussi, au moins dans certaines conditions, aux excita- tions mécaniques. Lmcw'^i l'a démontré (1883), bien que ce genre d'excitabilité ait été for- mellement nié (LussANA et Lemoigne). Mais les excitations mécaniques sont très inférieures aux précédentes. Outre la difficulté qu'il peut y avoir à en mesurer l'inlensité, elles offrent le grand inconvénient d'al- térer profondément les éléments anatomiques si délicats de l'écorce grise : à tel point, qu'après un certain nombre d'excitations, ceux-ci sont entièrement détruits, et que la région explorée devient inexcitable d'une façon définitive (Luciani). L'état intlammatoire, le simple contact de l'air un peu prolongé, rendent l'écorce cérébrale extrêmement sen- sible à l'excitation mécanique, si bien qu'il suffit d'un léger attouche- ment, dans ces conditions, pour provoquer de violentes convulsions. Quant aux agents chimiques, il est de toute évidence que leur emploi ne saurait donner ici que de mauvais résultats. Non seule- ment ils sont passibles du reproche que l'on a adressé aux moyens mé- caniques, d'altérer la substance; mais ils ont le grave inconvénient de pouvoir être absorbés, de passer ainsi dans la circulation, et d'agir pj^ 210. alors à titre de toxiques. Tous les animaux dont l'écorce cérébrale est excitable ne sont pas aptes, tant s'en faut, à réagir par des convulsions épilepliques vraies aux excitations même les plus intenses. Le chien et le cbat sont les animaux de choix à ce point de vue; il faut y joindre le singe qui présente cette aptitude à un haut degré (Ff.rrier), bien qu'on en ait dit (Couty). Le lapin, d'après Albertoni et F. Franck, ne donnerait jamais que des réac- tions tétaniques, cessant en même temps que l'excitation, môme quand celle-ci est violente et prolongée. Il en est de même du cobaye : fait d'autant plus singulier que cet animal est parfaitement rendu épileptique par des lésions nerveuses périphériques (Br. Séquard). Enfin, suivant Albertoni, on n'obtiendrait jamais non plus de réactions épileptiques chez le cheval, l'àne, la brebis et la chèvre' {Sperimenlale, 1876, 136-177). J. Heubel a localisé, chez la grenouille, uq « centre convulsif » dans la moitié inférieure du 4' ventricule. Lapinsky récemment a repris l'étude de l'épilepsie chez cet animal; et il donne la preuve de l'aptitude épileptogcne de l'écorce, en produisant des attaques convulsives à l'aide de la créatine agissant localement sur la surface cérébrale. Ces expériences, pour intéressantes qu'elles soient, n'échappent pas à l'objection dont sont passibles tous les excitants chimiques; le produit 476 ÉPILEPSIE CORTICALE. II. Analyse des réactions simples. — Leur comparaison avec les réactions motrices par excitation de la substance blanche. — Secousse musculaire simple. — Tétanos cortical. — L'emploi de la méthode graphique est ici indispen- sable, si l'on veut étudier de près les phénomènes. Non seulement elle renseigne sur la forme et la durée des réactions, mais elle permet d'apprécier avec une rigoureuse exac- titude le temps qui les sépare de l'excitation. On peut ainsi faire des comparaisons avec les effets obtenus en excitant le nerf ou le muscle directement. Sur le cylindre enregis- treur s'inscrivent simultanément le temps, l'instant de l'excitation et la contraction. Une secousse d'induction unique, si elle est suffisante, traduit son effet sur le tracé du muscle correspondant par une coui-be ascendante, puis descendante, en rapport avec le raccourcissement, c'est-à-dire la contraction musculaire (fig. 207). Celle-ci est très brève et n'excède pas quelques centièmes de seconde. Vient-on à renforcer l'excitation, la forme et la longueur de la courbe ne se modiiient pas sensiblement, à cela près que la ligne d'ascension se rapproche de la verticale, et que la ligne de descente devient plus oblique : ce qui veut dire que la contraction est plus brusque, et que le muscle met plus de temps à revenir à son état normal. Cette forme de réaction simple n'est point spéciale à l'écorce : c'est exactement la même qu'on observe en excitant le nerf moteur correspondant. On l'obtient encore en agissant sur les faisceaux blancs du centre ovale. Si, après avoir supprime' la couche cor- ticale à l'aide d'une curette tranchante, on vient à appliquer l'excitant à la substance blanche immédiatement sous-jacente, on obtient une réaction à peu près semblable. Ce fait n'a pas manqué d'être invoqué contre l'existence de l'excitabilité corticale propre : le courant électrique, a-t-ou dit, ne faisant que traverser la couche grise pour atteindre les faisceaux blancs. Envisageons maintenant les effets obtenus par les excitations successives. Deux cas peuvent se présenter. Ou bien toutes les excitations de la série sont assez actives, pour que chacune d'elles prise isolément produise une se- cousse musculaire ; le mus- cle reste alors contracté pendant toute la durée de l'excitation, pour peu que les secousses d'induction se succèdent assez rapide- ment : c'est l'é-tat de téta- nos musculaire (fig. 208). Ou bien cbacune des excila- FiG. 211. — Sommation des excitations induites dans l'écorce du cerveau +"nn« p«l Irnn faihip nnnr pendant le temps ab ; G excitations doubles de rupture et clôture sont ^'°"*' ^^'' '•'^"P l'^l'J'^ P""' restées inofncaces ; l'effet commence à se produire en 6. produire séparément une secousse; mais, par leur réunion en série, elles deviennent efficaces; car le muscle, inerte tout d'abord, se con- tracte à un moment donné. Tout se passe comme si la substance nerveuse, indifférente aux premières excitations, les emmagasinait jusqu'à ce que la charge nerveuse fût suffisante pour provoquer une réaction musculaire. Ce phénomène singulier, connu sous le nom de sommation ou addition latente des excitations, a été analysé de près par les expérimentateurs (fig. 211). Son élude ne nous arrêtera point, car il n'a rien de spécial à l'écorce cérébrale, ni même aux centres nerveux : on le retrouve dans les organes moteurs périphériques (Ch. Ricbet). Un'en est pas moins intéressant à connaître : d'abord parce qu'il est à rapprocher de certains phénomènes analogues observés dans l'épilepsie; ensuite, parce qu'il peut être une cause d'erreur, en faisant croire par exemple à un re- absorbé passe dans la circulation, et peut agir à titre d'excitant toxique sur les centres bulbo-mé- dullaires (Voir Lapinsky : Ue/jer Epil. beim Frosche, A. g. P., lxxiv, 1899). Les expériences de E. Lesné (Toxicité de quelques humeurs de l'organisme, Thèse de Paris, 1899) ont montré que l'injection intra-cérébrale de divers liquides toxiques de l'organisme pouvait pro- duire des convulsions. Ces expériences, du plus haut intérêt, devront être soumises au contrôle de l'analyse physiologique, avant que l'on puisse décider sur quelle partie du système nerveux porte l'action de ces poisons, et si l'écorce cérébrale prend part aux convulsions. EPILEPSIE CORTICALE. 477 Fin. 212. — Recherche du chiffre de l'usiou des secousses musculaires produites par les exci- tations corticales. Les secousses sont encore dissociées à 30 excitations par seconde (courbe A); elles sont complètement fusion- nées (courbe B) avec 50 excitations. tard considérable de la réaclion motrice par rapport au début d'une excitation en série. La provocation du tétanos musculaire est importante à connaître, au point de vue qui nous occupe. Ce mode de réaction, en effet, s'il n'est pas spécial à l'écorce cérébrale non plus, présente cependant une particularité remarquable quand il est de provenance corti- cale. Pour produire l'état de contraction soutenue du muscle par excitations sucessives, soit un tétanos à secousses fusionnées, il faut que celles-ci soient assez rapprochées pour ne pas permettre au muscle de se relâcher entre deux secousses. L'expérience démontre que ce tétanos parfait s'obtient avec 45 à bO excitations par se- conde (fig. 212). Dans ce cas, le tracé se caracté- rise, après l'ascension brusque indiquant la con- traction initiale, par une ligne droite non trem- blée. Au-dessous de ce chiffre, la contraction ne se maintient pas : l'on n'obtient qu'un tétanos à secousses dissociées ; et la dissociation est d'autant plus évidente que les excitations sont plus espa- cées. Quant au nombre d'excitations par seconde nécessaire pour produire le tétanos à secousses fusionnées, notons que l'écorce cérébrale ne se distingue en rien de la subslance blanche, ni même du nerf moteur ou du muscle lui-même. Mais la différence fondamentale qui existe entre les réactions tétaniques de provenance corticale, et celles que l'on provoque par l'excitation de la substance blanche sous-jacente, est la suivante. Dans celle-ci, le retour du muscle au reUàchement se fait d'une façon brusque et défmilive : ce que les graphiques traduisent par une ligne de descente verti- cale rejoignant l'abscisse au moment précis où cesse l'excitation, quelle qu'ait été d'ail- leurs l'intensité et la durée de celle-ci. Dans la tétanisalion corticale, au contraire, pour peu que l'excitation ait dépassé quelques secondes, la contraction musculaire survit à l'excitation, elle se renforce même ; et ce tétanos secondaire est déjà une ébauche de l'accès épileptique, il en est même parfois le début, ainsi que nous le verrons (fig. 213). Ce n'est pas à dire que la forme des réactions tétaniques soit exactement la même pour toutes les régions de la substance blanche. Un expérimentateur exercé à lire les graphiques pourra faire, sur un tracé, la différence entre la tétanisation centre-ovalaire et celle que l'on produit en excitant la capsule interne. Mais nous n'avons pas à insister sur ces différences d'importance secondaire, et nous n'en retiendrons que Vahsence con- stante de tétanos secondaire des muscles pour toute excitation qui ne porte pas sur l'écorce. Les excitations tétanisantes appliquées à l'écorce cérébrale, pour peu qu'elles soient prolongées, ne tardent pas à amener un épuisement des éléments nerveux, qui se traduit par une perte d'excitabilité momentanée; si bien que les muscles se relâchent par saccades et reviennent au repos complet, malgré la persistance de l'excitation. Ce phénomène d'épuisement temporaire, que nous retrouverons dans l'étude des réactions épileptiques, n'est d'ailleurs pas particulier à l'écorce. Il est bien l'indice de la fatigue des éléments nerveux centraux; car, à l'instant même où on le constate, on peut s'assurer que le nerf et le muscle correspondant ont conservé la même excitabilité qu'auparavant. Au bout de quelques minutes, si on laisse la région excitée au repos, elle a repris son activité. Les réactions musculaires simples que nous avons envisagées jusqu'ici se manifestent (?« côté opposé du. corps dans le territoire correspondant au centre excité. Il faut savoir cepen- dant qu'elles peuvent se produire en même temps, lorsque les excitations sont intenses, du même côté que celles-ci. Ces réactions bilatérales, signalées d'abord par Hitzig, puis par Albertoni, étudiées depuis par Exner et Levaschew, méritent de nous arrêter un moment; leur élude nous conduit à celle des réactions convulsives généralisées. La simple connaissance anatoraique du neurone moteur, dans son parcours cortico- musculaire, nous permet de comprendre comment l'excitalion, partie de l'écorce cérébrale d'un côté, gagne les cellules de la moelle du côté opposé en passant par l'entre-croisemen t des pyramides, pour atteindre, par la racine antérieure et le nerf moteur, le muscle corres- pondant. Mais comment expliquer la propagation au côté homologue? Par le trajet diiect 478 EPILEPSIE CORTICALE. sans entre-croisement d'un certain nombre de fibres pyramidales vers la moelle? mais pré- cisément, chez le chien, la présence du faisceau pyramidal direct est exceptionnelle, et c'est chez cet animal que les réactions bilatérales en question ont été observées. Et puis une expérience très simple exécutée, par F. Fra.xck, démontre péremptoirement que cette explication ne saurait être acceptée. On peut pratiquer l'hémisection trans- FiG. 213. — Difiérence des réactions motrices produites par l'excitation faiblo EE do l'écorcc (I) et par l'excitation très intense EE de la substance blanche (II). On voit que, dans le premier cas, à la suite du tétanos d'excitation T, s'est produit un accès épiloptiquc, Ep, tandis que, dans le second cas, les muscles sont revenus immédiatement au repos (0), après la tétanisatiou T provoquée par l'excitation de la substance blanche. versale de la moelle du côté correspondant à l'hémisphère excité, sans empêcher la réac- tion motrice de se produire de ce côté. Cette propagation ne peut se faire évidemment que par les commissures, qui, de haut en bas, unissent l'une à l'autre les deux moitiés de l'axe cérébro-spinal : mais à quel niveau? Ce n'est certainement pas au niveau des hémisphères cérébraux, puisque la des- truction des commissures interhémisphériques n'empêche pas cette propagation d'avoir lieu. Ce n'est pas non plus à la hauteur de la protubérance, car la section médiane antéro- postérieure de celle-ci n'empêche pas le même phénomène de se produire. On arrive ainsi, par exclusion, à conclure que c'est au niveau des commissures spinales que l'exci- tation, franchissant la ligne médiane, conduite par les fibres décussées dans la commis- sure blanche antérieure, atteint les groupes musculaires de la colonne grise. II. REACTIONS EPILEPTIQUES VRAIES I. Analyse des effets produits. Assimilation des effets de Texcitation expé- rimentale avec les convulsions de l'épilepsie Jacksonienne. — Hitzio, poursui- vant ses expériences avec Fritsch sur la recherche des points moteurs corticaux chez le chien, vit à plusieurs reprises e'clater des accès convulsifs absolument analogues à l'épilepsie de l'homme. Bien mieux, il vit se produire spontanément des accès sem- blables chez les animaux qu'il conserva en vie, après leur avoir pratiqué des lésions superficielles et limitées de la région motrice de l'écorce. C'est à ces deux auteurs qu'on doit les premières observations de reproduction expérimentale de l'épilepsie. Ferrier entreprit des recherches sur ce sujet dans le but de confirmer les vues théo- riques de H. Jackson louchant la palhogénie de l'épilepsie. Il mit en lumière des points importants dans l'histoire des accès épileptiques provoqués. Fr. Franck et Pitres ont fait connaître toute une partie des phénomènes épileptiques jusque-là ignorée à peu près, les réactions organiques, qu'on pourrait appeler l'épilepsie interne expérimentale. On provoque presque infailliblement un accès d'épilepsie, chez les animaux suscep- tibles de présenter ce genre de réaction (chien, chat, singe), en appliquant à la région ÉPILEPSIE CORTICALE. 479 motrice de l'écorce cérébrale une excitation électrique suffisamment intense et longue». Comme nous l'avons dit, le caractère fon- damental de ces convulsions épileptiques est de se prolonger au delà de la durée de l'excitation, tandis que les réactions simples cessent avec celle-ci. Les courants élec- triques n'ont pas d'aillem-s le privilège ex- clusif de produire ces réactions convulsi- vantes, et nous savons que les irritations mécaniques de l'écorce peuvent être suivies du même effet, pourvu que le cerveau soit très excitable (F. Franck). Quoi qu'il en soit, l'accès provoqué par une série de décharges d'induction varie d'importance selon l'énergie de l'excitant et l'irritabilité du cerveau. Il peut se limiter au groupe musculaire répondant au centre excité, s'étendre k tous les muscles du côté opposé à celui-ci, ou enfin se généraliser. Ce sont les mêmes variétés en somme que l'on décrit [dans l'épilepsie partielle chez l'homme : épilepsie lUirceUaire, épilepsie hémiplégique, épilepsie généralisée; cette dernière comprenant les accès, limités d'abord, qui s'étendent à tous les muscles secondairement. Comme chez l'homme aussi, la conscience resle intacte d'ordi- naire dans les accès rigoureusement par- tiels; tandis qu'elle est abolie dans les grandes attaques généralisées. Les pupilles dilatées ne réagissent plus; le réllexe cor- néen est aboli, l'insensibilité profonde. La respiration est anxieuse, convulsive; il y a une salivation abondante; souvent les ma- tières et les urines sont expulsées pendant l'accès. On voit que l'analogie du tableau est frappante. Pour la compléter, il faut ajouter que, à la suite de ces grands accès, au bout d'un temps qui dure de quelques secondes à deux minutes, l'animal reste inerte, dans un état comateux tout à fait comparable au sommeil stertoreux. D'autres fois, au con- traire, il s'agite et paraît en proie à des hallucinations, aboyant furieusement, don- nant des coups de dents dans le vide. N'est- ce point là un état analogue à certains dé- lires impulsifs que l'on observe dans le mal comitial chez l'homme? L'accès terminé, l'animal revient géné- ralement à son état normal; et il faut une nouvelle excitation pour en pro semblable. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Il arrive parfois que des accès 1. 11 faut avoir soin, après avoir incisé la dure mèi-c, d'en écarter les lambeaux, ou mieux de les réséquer. Car cette meral)rane est d'une grande sensibilité; et l'excitation, en l'atteignant, pourrai! provoquer clos convulsions d'un autre ordre que celles qu'on se propose d'étudier ici (épilepsie réflexe) ; le lait est rare à la vérité. <3> Q> 3 3 .2* °^ a -. -^ ^ +j -a <0 o ^ t^ S-t ^ ■^a o ta la p d'ab orm a ■a 2 rt d 3 fci « cri a o NB o 9 « <-> -> o a taque se à secouss revienne: î^ S S a, o © ^ m t3 1 3 o ~ S 3 M a" iD il ton pha: que a) - on - ^ a Q '» J= a -fr» B ^.> o 1 *^ 71 S ' O w . .- \ 1 140- 1 "m'i- i ' ■ J ^\J v.v.'.wwwwi'Awwww JE ^ ■-•'■-■■■-■ ' ■-■ -■'-"■ FiG. 231. — Opposition des courbes de la presssion artérielle {P.C.) et du volume du rein {vol. /f.).Sous l'infliieuce des ex- citations corticales E, on voit la courbe manométrique s'éle- ver très rapidement de 130 à 200""° Hg., tandis que le rein se resserre énergiquement sans que le cœur subisse de ralen- tissement, l'animal étant atropinisé. La provenance vaso- motrice de cette grande élévation de pression artérielle est établie par la diminution simultanée du volume du rein. 1. L'inscription des changements de diamètre de la pupille ne peut se faire qu'indirectement- Le procédé qui a paru le plus simple et le plus pratique à F. Franck consiste à suivre avec la main le mouvement de l'iris, en agissant sur le levier d'un appareil enregistreur. On convient que l'élévation de la courbe signifie par exemple : dilatation — et inversement. 11 faut avoir soin de placer les deux yeux dans des conditions d'éclairage égal et modéré ; les paupières seront tenues écartées, le globe de l'œil sera fixé par une pince à dents de souris, mordant la conjonctive dans l'angle externe. Comme point de repère, on peut avoir un fil métallique tendu verticalement entre les branches de l'écarteur palpébral et pouvant glisser dans le sens transversal ; on amène ce fil à être tangent à la petite circonférence de l'iris dans la position du repos. Il est facile alors de se 492 EPILEPSIE CORTICALE. La pupille, elle aussi, présente des réactions simples et des réactions épileptiques, sui- vantl'activité des excitations appliquées àl'écorce; et c'est pour n'avoir pas distingué ces deux ordres de réactions que les auteurs n'ont pu se mettre d'accord dans leurs conclusions. Ferrier surtout a étudié avec précision les effets oculo-pupillaire des excitations corti- cales, et il a montré que celles-ci pouvaient produire soit la dilatation, soit le resser- rement de l'iris. Nous n'avons pas ici à exposer ces faits en détail; disons seulement que, chez le singe, Ferrier obtenait la dilatation pupillaire en excitant les circonvolu- tions frontales supérieure et moyenne, et la temporo-sphénoïdale supérieure, tandis que Idi'constriction avait lieu par l'excitation du pli courbe. Chez le chien, le même auteur note que la branche antérieure du gyrus sygmoïde est en rapport avec le phénomène de dilatation, tandis que l'excitation du pli courbe est sans effet sur la constriction irienne; celle-ci se produit seulement parfois par l'excitation de la deuxième circon- convolulion externe. Mais les conclusions de Bochkfontaixe à cet égard sont (oiil autres : pour lui, l'exci- i Schéma,. i- \ \'- t ' 1 .M ;. 1 . - - - -; """"-"r'^\. . V E M 7iiiii[n[jiïïinïïij \ "■■ ::- FiG. 223. Schéma montrant les rapports de la dilatation pupillaire et des phases tonique et cloniijue d'un grand accès complet (M), provoqué par l'excitation (B) ; la dilatation pupillaire (P) apparaît dos le début de la contracture [flèche ascendante), arrive très vite à son maximum et s'y maintient (flèche horizontale), pendant toute la phase tonique et une grande partie de la phase clonique, puis décroît (flèche descendante) avant la fin des secousses convulsives pour disparaître avant que l'accès ne soit terminé. tation de la plupart des points de la face convexe du cerveau, peut-être même de tous les points, entraîne la dilatation de l'orifice pupillaire. F. Franck, reprit la question et démontra que l'effet dilatateur constant obtenu par BocHEFONTAiNE était une réaction épileptique; que l'on pouvait en effet produire la dila- tation pupillaire en excitant faradiquement n'importe quelle région de la surface corti- cale, mais à la condition d'employer des courants assez énergiques pour diffuser jusqu'à la zone motrice, et pour faire éclater ainsi un accès épileptique. Peu importe que les convulsions externes soient empêchées par le curare; les réactions viscérales de l'épilepsie ne s'en produiront pas moins, et la pupille y prendra part. Quant aux effets simples, on les obtient avec des excitations minima; et F. Franck, tout en différant sur certains points de détail avec Ferrier, admet aussi qu'il existe des loca- lisations précises pour la dilatation et pour le resserrement. Les caractères des réactions pupillaires simples sont nettement déterminés par lui. Et d'abord ils peuvent se faire dans un sens ou dans l'autre, tandis que la réaction épileptique est constamment irido- dilatatrice : lors donc que l'on obtient un effet constricteur, on peut être assuré qu'il s'agit d'une réaction simple. Celle-ci se produit sous l'influence d'excitations brèves, durant moins d'une seconde et de faible intensité, incapables par conséquent de provo- quer l'état épileptique. On peut l'obtenir (contrairement à la dilatation épileptique) par l'excitation des faisceaux blancs immédiatement sous-jacents aux points excitables : cela est vrai d'ailleurs pour toutes les réactions simples. rendre compte du début de la dilatation, et d'estimer approximativement son degré. Etant donnée la lenteur des réactions, on a ainsi un procédé d'inscription très suffisant. ÉPILEPSIE CORTICALE. 493 La dilatation épileptique de l'orifice pupillaire fait partie d'un ensemble de troubles oculaires auxquels préside le sympathique : elle marche de pair avec la projection du globe oculaire et l'écartement des paupières. Le grand sympathique innerve en effet les fibres irido-dilatatrices, la portion musculaire de la capsule de Tenon et les fibres lisses élévatrices de la paupière supérieure. Les phe'nomènes en question correspondent donc FiG. 224. — Relevé des rapports entre les changements de la fréquence du cœur (Cœ.), les variations de la pression artérielle (/*/■.), les changements de diamètre de la pupille iPup.) et les phases tonique et clo- nique d'un accès épileptiformc limité à un membre conservé comme témoin chez un chien curarisé. — On voit que la dilatation pupillaire arrive à son maximum dès le début de l'accès (M) provoqué par l'excitation corticale (EE) ; elle reste à ce degré pendant la plus grande partie de l'attaque et ne commence à décroître qu'au moment oi!i s'accentue la dissociation des secousses. Pendant toute la durée de la dilatation pupil- laire, le cœur s'est modifié en se ralentissant d'abord (phase tonique), en s'accélérant ensuite (phase clo- nique); il a commencé à devenir moins fréquent, alors que la dilatation pupillaire persistait encore : donc il n'y a pas de rapports entre les deux effets cardiaque et pupillaire. — Il n'en existe pas davantage entre les variations de la pression indiquant l'état des vaisseaux et les modifications de la pupille. Celle-ci avait atteint son maximum avant que la pression ne s'élevât : elle est restée au même degré pendant que les vaisseaux se relâchaient. à l'état d'excitation du sympathique. Ils cessent de se produire si l'on vient à sectionner le cordon sympathique. Dans tout accès épileptique provoqué par l'excitation de l'écorce, pour peu que les convulsions soient étendues et violentes, la dilatation de la pupille se produit des deux côtés : elle est totale ou presque totale, s'accompagne d'insensibilité à la lumière, et elle dure autant que l'accès lui-même. Bien que l'effet soit toujours bilatéral, il peut arriver que le phénomène soit plus accusé du côté opposé à l'hémisphère excité. Son intensité est i9i EPILEPSIE CORTICALE. proportionnelle à celle de l'accès convulsif : moindre dans l'accès hémiplégique que dans l'attaque généralisée, elle est très légère dans les accès partiels. Le sens de la réaction pupiilaire est d'ailleurs toujours le même, quelle que soit la phase de l'attaque où on la considère, quelle que soit la forme affectée par les convul- sions : c'est invariablement la dilatation. Celle-ci apparaît dès le début, et atteint rapi- dement son maximum : elle s'y maintient jusqu'à la fin de la crise. Il arrive souvent qu'elle devance les convulsions et annonce leur apparition : mais elle ne leur survit pas, et la pupille a généralement repris son diamètre primitif an moment oii cessent les der- nières secousses cloniques (fig. 223). Parfois le phénomène est plus précoce et disparait plus tardivement du côté opposé à l'excitation corticale; c'est en pareil cas que la dila- tation de la pupille est plus complète de ce même côté. C'est là un phénomène d'observation facile en clinique : il est constant dans toutes les variétés d'épilepsie. Associé à l'insensibilité de l'iris à la lumière, à l'anesthésie de la cornée, c'est un. des meilleurs témoins de l'attaque, et on peut l'utiliser pour le diagnostic de la simulation. Certaines formes atténuées d'épilepsie chez l'homme, comme le vertige, la simple absence même, s'accompagnent parfois de dilatation pupiilaire; associée à la pâleur de la face, elle est encore là un élément de diagnostic précieux. Comme les perturbations organiques de l'accès épileptique, la dilatation pupiilaire n'est pas empêchée par l'action du curare. Chez les animaux curarisés, si l'on recueille les indications fournies par les changements du cœur, de la pression artérielle et de la pupille, à la suite des violentes excitations de Técorce, on a donc une représentation suffisamment complète de l'attaque, réduite à ses équivalents organiques. Le schéma ci-contre résume mieux que toute description la manière dont ces phénomènes se super- posent (fig. 224). Il indique, entre autres, l'indépendance qui existe entre l'état de la pupille et les réactions cardio-vasculaires : on voit en effet que la dilatation pupiilaire ne subit aucune modification au moment oîi la pression baisse et oii le cœur se ralentit. Ce fait contribue, en passant, à démontrer que les variations du diamètre pupiilaire n'ont rien à voir avec les variations du calibre des vaisseaux, comme certains physiolo- gistes l'ont pi'étendu. Nous avons indiqué de quelle manière les organes de la respiration, l'appareil circu- latoire, l'œil sont influencés par les accès d'épilepsie provoqués. II y aurait lieu de passer en revue, à cet égard, tous les appareils de la vie organique : tous sont intéressés dans l'attaque. Lépilepsie inlerne n'offre pas moins d'importance que les convulsions, qui ne sont que la manifestation extérieure de l'accès. Mais l'étude de ces diverses per- turbations organiques n'a pas été poursuivie. Nous nous contentons de signaler ce qu'on sait au sujet des troubles véslcaux et des modifications de la sécrétion sulivaire. Vessie. — L'expulsion involontaire des urines est un fait fréquent et de haute signi- fication dans l'épilepsie chez l'homme. Nous avons dit qu'on l'observait parfois chez le chien dans les grands accès d'épilepsie corticale : on peut se demander si elle n'est point la conséquence des convulsions violentes de la paroi abdominale. En admettant que celles-ci y contribuent, il n'est pas douteux que ce phénomène résulte avant tout de l'influence cérébrale directe. Mosso et Pellacani ont étudié l'effet des excitations corticales sur les contractions de la vessie. Suivant ces auteurs, celles-ci ont lieu en même temps pour le coips et pour le col de la vessie; et le col ne s'entr'ouvre que lorsqu'il subit une dilatation de vive force par prédominance des contractions du corps. Bochefontaine a signalé l'existence de quatre points corticaux au moins, situés au voisinage du sillon crucial, dont l'excitation faradique provoque la contraction de la vessie et la sortie de l'urine. F. Franck a analysé de plus près le phénomène, ne se contentant pas de l'examen direct de la vessie, mais en explorant séparément, et le corps vésical, à l'aide d'un manomètre dont les indications IraJuisent l'intensité des contractions du muscle vésical, et le sphincter uréthro-vésical, à l'aide d'une ampoule introduite dans le col. Il a obtenu tantôt des contractions simul- lanées des deux systèmes, tantôt le relâchement du col en même temps que la con- traction du corps. Le premier phénomène est la lutte entre le corps et le col vésical; il se produit par exemple quand la volonté intervient pour empêcher l'expulsion de l'urine; le second a lieu au moment de la miction volontaire. En définitive, le sphincter vésical, comme tous les sphincters organiques (cardia, pylore, iris), subit, de la part du ÉPILEPSIE CORTICALE. 495 système nerveux, deux influences opposées, l'une positive, l'autre négative ou inliibi- trice; cette dernière coïncide avec l'intluence excitatrice exercée sur le corps. C'est là un mécanisme d'ensemble qui préside à l'évacuation de tous les réservoirs organi(jues en général, et qui peut (Hre mis en jeu par l'excitation cérébrale. En ce qui regarde l'appareil vésical, il est actionné par les excitations de la zone motrice seule, et en particulier de la marginale postérieure (F. Franck). Les excitations appliquées en dehors des limites de cette zone n'agissent sur lui qu'à la condition d'être assez violentes pour provoquer un accès d'épilepsie. Dans ce dernier cas, sans doute la contracture énergique et soutenue des muscles de la paroi contribue à faire monter la pression intra-vésicale ; mais il est facile de les mettre hors de cause soit eu ouvrant l'abdomen, soit en curarisant l'animal. On voit néanmoins alors la pression à l'intérieur de la vessie, quelques secondes après le début des excitations, monter à .3ii ou 40 mil- limètres de mercure, puis revenir lentement au zéro. Sécrétion salivaire. — La salivation, « l'écume à la bouche », est encore une mani- festation bien caractéristique de l'attaque d'épilepsie. 11 est permis de penser que les ^-^- |l|f^^''^■*¥r^m^^\^ 'l^A. \r-fA (S) FiG. 221. — Courijes de récoulemeut salivaire dans une série d'accès clouiques : l"' A. iircmier accès : flux salivaire au bout de 9" ; 2" flux au bout de 15" ; série d'écoulements successifs jusqu'à la lin do raccès, — 2' A. Second accès aussitôt après le premier : grand retard (35") du premier flux, faible abon- dance. — 3= A. Troisième accès 1/2 heure après le second; reprise de l'écoulement salivaire en abon- dance et peu après le début de l'accès (retard 10"). (Schéma d'après trois longues courbes originales). mouvements convulsifs de la langue, des joues et des lèvres provoquent l'expulsion de la salive; mais il y a manifestement exagération de la sécrétion salivaire. Celle-ci est soumise à l'influence du système nerveux, et nous savons depuis Cl. Ber.nard qu'il existe, dans la sous-maxillaire, des nerfs agissant sur l'élément vasculaire, d'autres actionnant directement les cellules glandulaires. Bochefontaine, examinant l'écoulement delà salive par le canal de Warthon, sous l'influence des excitations du cerveau, a vu la salivation augmenter des deux côtés, quel que fût le point de la zone excitable sur lequel on agis- sait. Il en a conclu qu'il n'y avait point de centre salivaire, et que la salivation étaitune réaction banale du cerveau aux excitations. De fait, la surface cérébrale se comporte à cet égard comme les faisceaux blancs sous-jacents, et même comme les conducteurs ner- veux centripètes, dont l'influence excito-sécrétoire est bien connue. Albertoni, étudiant spécialement la salivation épileptique, vit qu'il s'agissait, non d'un trouble excrétoire, mais d'un véritable phénomène de sécrétion; et il considère la corde du tympan comme le principal conducteur des influences centrales. En comptant les gouttes de salive qui s'écoulaient par l'orifice d'une canule introduite dans le canal de Warthon-, il vit une différence considérable dans la salivation épileptique, suivant que la corde du tympan était intacte ou sectionnée. Dans le premier cas, la sécrétion était plus que doublée; dans le second, elle était à peu près nulle. F. Fra.nck, inscrivant à l'aide d'un dispositif spécial la courbe d'écoulement de la salive à travers le canal de Warthon, a pu fixer la marche de la salivation aux phases successives de l'attaque. Il a constaté que celle-ci faisait défaut pendant la phase tonique, 496 EPILEPSIE CORTICALE. mais qu'elle s'exagérait beaucoup à la période des convulsions cloniques, et qu'elle subis- sait une recrudescence à chaque reprise de celles-ci (fig. 225). Au début de l'accès tonique, on constate un léger flux salivaire, qui résulte, non d'une exagération de sécrétion, mais de l'expulsion de la salive déjà sécrétée par les muscles de la mâchoire et du plancher de la bouche entrant en contraction tonique. Le parallélisme de l'hypersécrétion salivaire et des convulsions cloniques conduit à se demander si les secousses convulsives de la langue et du plancher de la bouche n'ont point une part dans l'exagération de la sécrétion, et si elles n'agissent point là à titre d'excitants mécaniques capables d'agir par voie réflexe sur les glandes salivaires. Il semble bien qu'il en soit ainsi en efl'et; mais, en immobilisant le plancher de la bouche autant que possible, ou en expérimentant avec le curare, on peut se convaincre que c'est à l'in- fluence centrale surtout qu'il faut rapporter la salivation épileptique. Ce phénomène s'épuise assez vite, comme cela ne peut manquer d'arriver pour tout acte sécrétoire; dans les accès successifs, le début de la salivation se fait de plus en plus tard, et, au bout d'un certain nombre d'attaques, elle cesse tout à fait. On peut consta- ter à ce moment que l'appareil nerveux excito-sécrétoire est épuisé, en agissant sur la corde du tympan au voisinage de la glande. Après un repos suffisant, l'activité glandu- laire reparaît. Ainsi nous trouvons, dans la salivation épileptique, un exemple très net de sécré- tion influencée par l'accès convulsif. C'est la seule qui ait été étudiée à ce point de vue avec quelque détail. Nous ne possédons que des données insuffisantes touchant l'influence du cerveau sur les sécrétions sudorale, intestinale, biliaire, rénale, et encore moins sur les modifications plus particulièrement liées à l'état épileptique. Mais il est permis de penser qu'aucune d'elles n'est épargnée; car le système nerveux les règle toutes, et il est impossible que la décharge épileptique ne fasse pas sentir ses effets dans tout son domaine'. IV. — PHÉNOMÈNES POST-ÉP i L EPTI Q U E S. — ATTÉNUATION SUPPRESSION, ARRÊT DES ACCÈS A la suite des accès d'épilepsie corticale violente et prolongée, les animaux restent pendant quelque temps plongés dans un sommeil comateux qui est de tout point ana- logue à la période stertoreuse du mal comitial. Parfois même, ayant repris connaissance apparemment, ils demeurent somnolents, insensibles aux excitations, se tiennent à grand'peine debout sur leurs pattes. Si dans ces conditions on vient à exciter de nouveau la région corticale qui a été le point de départ de l'accès, on constate qu'elle ne donne lieu à aucune réaction, qu'en tout cas les mouvements provoqués n'ont aucun caractère convulsif. Cet état d'épuisement post-convulsif ne tient nullement à l'inhibition générale du sys- tème nerveux : les muscles, les nerfs, les faisceaux blancs même ont gardé leur excita- bilité. C'est donc un phénomène rigoureusement cortical. Cet épuisement est en outre local, en ce sens que, seule, la région motrice de l'hémisphère excité en est le siège; tandis que les réactions convulsives peuvent être encore provoquées par l'excitation de la zone motrice du côté opposé. Il peut être même étroitement localisé à la région spéciale qui a été le point excité; mais cela n'est pas constant, et ordinairement l'aptitude épi- leptogène est momentanément perdue pour toute la zone motrice correspondante. L'épuisement post-épileptique est un phénomène transitoire; et, au bout de quelques minutes à une demi-heure, l'excitabilité reparaît : les réactions motrices simples, si elles avaient disparu, se montrent à nouveau, puis l'aptitude épileptogène reparaît à son tour. Mais il faut un temps assez long pour qu'elle atteigne le degré qu'elle avait au début. 1. Nous avons entrepris, avec Bruandet, dans le Laboratoire de Cuantemesse, une série de recherches sur ÏEpilepsie viscérale, qui seront l'objet d'une prochaine publication. Les résultats obtenus jusqu'ici nous permettent de conclure que la vaso-constriction, pendant l'attaque, s'étend aux principaux viscères (rein, foie, rate). On constate en outre, pour le rein, un arrêt prolongé de la sécrétion urinaire, qui paraît indépendant des changements circulatoires, car il se poursuit pendant la vaso-dilatation consécutive à l'accès. La fonction biliaire subit le même arrêt; tandis que la vésicule, lorsqu'elle est distendue, se comporte comme la vessie, en se contractant au début de l'attaque. ÉPILEPSIE CORTICALE. 507 La perte passagère de l'excitabilité corticale se retrouve à un degré variable dans la plu- part des réactions de nature épUcptiqiie; et elle leur appartient en propre. C'est donc là un caractère important qui peut contribuer, lorsqu'on étudie les réactions viscérales ou pupillaires chez les animaux curarisés, à faire reconnaître la véritable nature de celles-ci. L'épuisement des centres moteurs se traduit quelquefois au dehors par de véritables paralysies localisées: celles-ci siègent ducùté opposé à l'hémisphère excité, et sont égale- ment ti'ansitoires. On les a depuis longtemps observées chez l'homme (Todd, Huglings- Jackson); et leur présence, associée aux convulsions limitées dans les mêmes parties, est un argument de haute signification en faveur d'une lésion limitée de l'écorce. L'anes- thésie, la perte des réflexes dans les régions qui ont été le siège des convulsions, sont des accidents de même ordre. Tous ces faits sont à rapprocher des phénomènes d'épuise- ment post-épileptique, dont Ch. Fébé a fait une élude spéciale chez l'homme. Par opposition à ces troubles fonctionnels qui caractérisent l'amoindrissement ou la suppression de l'activité cérébrale, il faut signaler l'hyperexcitabilité de Vccorce qui s'observe assez souvent à la suite de la provocation des accès. La surface corticale est alors tellement irritable que le moindre attouchement fait éclater ime nouvelle attaque. On a remarqué que les animaux qui offraient une telle excitabilité étaient précisément ceux qui présentaient, à la suite des accès, des signes d'agitation violente rappelant un délire furieux (Aluertom, Luciani). C'est également chez eux surtout qu'on observe des contractures passagères succédant aux attaques. Il est permis de penser que les troubles du même genre, dont la pathologie humaine oiïre de nombreux exemples, ressortissent aussi à l'hyperexcitabilité temporaire de l'écorce cérébrale. On peut modifier, comme nous le verrons, par un certain nombre de moyens, l'aptitude épileptogène de l'écorce : l'exalter ou l'atténuer. Mais, si l'on peut influencer à volonté l'excitabiUté do la surface cérébi'ale, il n'en est pas de môme de l'accès convulsif commencé : celui-ci se déroule d'un bout à l'autre avec toutes ses phases, quoi qu'on fasse pour l'arrêter. 11 est de notion courante pourtant que certains sujets épileptiques réus- sissent, par des subterfuges variés, à empêcher parfois leur attaque, par exemple en exerçant une ti^action violente sur les régions qui sont le siège de l'aura motrice, en appli- quant une ligature au-dessus de ce point; mais peut-être l'emploi de ces moyens n'est-il efficace qu'au moment de l'avertissement initial, de l'aura, phénomène qui nous échappe chez l'animal. Quoi qu'il en soit, chez celui-ci, non seulement les excitations périphériques violentes, mais tous les moyens d'action dirigés vers le cerveau lui-même dans le but d'arrêter, l'accès à n'importe quelle phase restent sans elïet. Telles, les modifications circulatoires réalisées par la compression des carotides, des jugulaires, par l'excitation ou la section du sympathique; telles, la compression du cerveau lui-même, la réfrigération de l'écorce. Bien mieux, si Ton en croit Albertoni et F. Franck, l'ablation même de l'écorce pendant l'accès ne modifierait en rien la marche de celui-ci. Mu.xk avait cependant cru pouvoir conclure de ses expériences à l'influence suspensive de l'ablation du centre cortical excité, et BuBNOFF et Heidenhain avaient observé le même phénomène. F. Franck, à la suite d'expé- riences rigoureuses de contrôle, maintient ses premières conclusions. Cela démontre jusqu'à l'évidence, pour le remarquer en passant, que l'écorce cérébrale n'intervient que dans la provocation de l'accès, et qu'elle n'est point le centre actif des convulsions. Il est possible cependant d'atténuer et même d'arrêter les mouvements convulsifs au cours de l'accès par deux moyens : soit par l'asphyxie, soit par l'irritation du bout pé- riphérique du nerf vague, entraînant ralentissement ou arrêt du cœur. Par exemple, en fermant la canule trachéale au début d'un accès qui s'annonçait comme devant être vio- lent, on voit celui-ci se borner à quelques mouvements convulsifs. L'excitation du nerf vague est encore plus efficace, et l'attaque se suspend tout à fait quand l'arrêt du cœur est complet. Ces deux procédés aboutissent d'ailleurs à un elTet commun : l'action du sang asphyxique sur les centres nerveux. Car l'insuffisance d'irrigation artérielle dans les centres nerveux est toujours compensée par une accumulation de sang veineux, qui cesse d'être expulsé de la cavité céphalo-rachidienne par l'expansion arte'iielle. Ainsi c'est à tort qu'on a voulu faire jouer un rôle à l'asphyxie dans la production des convulsions épileptiques chez l'homme, puisque l'expérience démontre au contraire l'action suspensive de celle-ci. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 32 498 EPILEPSIE CORTICALE. V. — PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE Excitabilité propre de l'écorce grise. — Après avoir décrit l'épilepsie corticale dans ses nianifestalious extrinsèques et organiques, après avoir exposé les conditions dans lesquelles se montre l'aptitude épileptogène du cerveau et les influences qui la modi- fient, il nous reste à envisager le mécanisme intime des réactions épileptiques de l'écorce. Mais une objection capitale a été élevée contre cette conception de l'épilepsie. Vul- piAN et ses élèves ont nié l'excitabililé propre de l'écorce cérébrale. Suivant eux, les cou- rants électriques, appliqués à la surface du cerveau, traversent la couche grise etdiifusent jusqu'aux faisceaux sous-jacents. Ainsi les réactions produites, qu'il s'agisse de mouve- ments simples ou d'accès coiivulsifs, appartiennent, non aux cellules de la substance grise, mais aux fibres blanches. Cette opinion, à vrai dire, a perdu bien du terrain dans ces dernières années: nous devons toutefois la réfuter sommairement, et ce sera en même temps justifier le titre de cet article. On pourrait répondre, sans aller plus loin, que les excitations mécaniques sont à l'abri de l'objection, et qu'elles suffisent à démon- trer l'aptitude convulsive autonome de l'écorce grise. Mais les conditions d'efficacité de ces dernières, comme nous l'avons dit, sont trop spéciales pour qu'on puisse les prendre à témoin ici. La diffusion des courants électriques est un fait certain : on en a fait une objection sérieuse à leur emploi. Mais il est facile au moins de limiter suffisamment leur action en surface. S'il est vrai que, pour les courants de haute intensité, la diffusion est telle que les réactions épileptiques se produisent quand on touche un point quelconque de l'écorce, il n'en est plus de même quand on diminue graduellement l'énergie de l'exci- tant. A un moment donné les réactions convulsives n'éclatent plus que si les circonvo- lutions centrales sont directement intéressées. C'est ainsi qu'on peut déterminer l'inten- sité minimum nécessaire pour obtenir une réaction simple par excitation de la zone motrice. Il arrive alors que, en dehors des limites de celle-ci, la décharge électrique reste sans réponse. C'est de la sorte qu'on a pu préciser d'une façon rigoureuse les loca- lisations corticales, et c'est encore l'électricité qui a donné les meilleurs résultats dans cette voie. Il n'en reste pas moins l'objection de la diffusion en profondeur. Si faible qu'on la suppose, il est inadmissible en effet que les courants n'atteignent par les termi- naisons corticales des (îbres blanches. Or il s'agit de savoir si l'écorce grise est simple- ment traversée par le courant, comme une couche inerte, ou si elle intervient pour quelque chose dans les réactions. Comparons les effets produits quand on excite la sur- face cérébrale intacte, et quand la couche grise étant supprimée par ablation ou par inertie fonctionnelle (réfrigération, chloral, épuisement temporaire), les excitations vont directement atteindre les fibres sous-jacentes. Dans cet ordre de faits, nous trouverons (les arguments qui établissent que l'écorce intervient bien pour son compte dans les réactions : 1° Dans la comparaison des retards. — Lorsqu'on provoque la contraction d'un muscle par une excitation appliquée en un point quelconque (du muscle ou du nerf correspondant), il s'écoule, entre le moment précis de l'excitation et le début de la contraction, un cer- tain temps que l'on désigne sous le nom de temps perdu du muscle,, période d'excitation latente (Heljiholtz, Marey). Si l'on agit sur le tronc nerveux, ce retard augmente pro- portionnellement à la distance qui sépare le point excité du corps musculaire — et c'est ainsi, pour le dire en passant, qu'on a pu calculer la vitesse de transmission dans les conducteurs nerveux centrifuges. Or, en excitant l'écorce, on trouve un temps perdu beaucoup plus considérable que si Ton agissait sur un conducteur périphérique ayant même longueur que le trajet étendu du point cortical au muscle. D'après F. Franck, le rapport serait de 4 : 1 ; Schu-f avait noté déjà l'importance de ce retard, et l'estimait plus grand encore : 7 à 11 : 1, Fait curieux, ce retard n'est pas de même valeur quand on applique l'excitation à l'écorce, et quand on la dirige immédiatement sur les libres blanches sous-corticales mises à nu. // est notablement plus grand avec les excitations corticales (fig. 220). F. Fra.xck l'a démontré en se mettant à l'abri de toute objection. Cette particularité n'est expli- cable que par l'interposition, sur le trajet des conducteurs, d'éléments nerveux capables EPILEPSIE CORTICALE. 499 de retarder la transmission. Ce sont les cellules de la substance grise qui, intervenant comme éléments actifs, retiennent, emmagasinent, en quelque sorte, l'excitation avant de la transmettre aux conducteurs. Pareil fait se produit chaque fois qu'un relai cellu- laire se trouve interposé entre deux conducteurs : dans la production des mouvements réflexes médullaires provoque's par l'excitation d'un nerf sensible, par exemple. On sait aussi que les réactions motrices sont beaucoup plus tardives que les mouvements pro- voqués par excitation directe pour une même longueur (\<^. trajet. Aussi rassimilalion de ces mouvements réflexes aux réactions motrices corticales s'est-elle naturellement présentée à l'esprit (Schiff). Ainsi, déjà à l'occasion des réactions motrices simples, l'écorce manifeste son activité propre, et l'on n'est nullement fondé à prétendre qu'elle est simple- ment traversée par le courant. 2° Différence d'excitabilité des deux substances. — Les faisceaux moteurs sous-corticaux présentent une excita- bilité moindre que l'écorce grise. Telle est la conclusion que F. Francr et Pitres ont tirée de leurs expériences. Il est facile de s'en assurer: une fois déterminée l'intensité minimum du courant nécessaire pour obtenir une pre- mière réaction corticale, on enlève soigneusement le cortexavecunecurette tranchante, etl'onattendquelques instants pour laisser à l'hémorrhagie le temps de s'ar- rêter, et aux effets immédiats du traumatisme le temps de se dissiper. Dans ces conditions, il faut toujours ren- forcer l'excitant pour obtenir la première réaction mo- trice. On observerait le phénomène inverse si l'écorce était une couche inexcitable simplement traversée par le courant. Les physiologistes partisans de l'inexcitabilité corti- cale ont critiqué cette expérience pour les besoins de la cause. Vulpiax, Couty ont pré- tendu que le traumatisme produit par l'ablation du cortex entraînait la diminution d'excitabilité du centre ovale ; mais ils n'ont jamais justifié cette assertion. D'ailleurs il est aisé de répéter l'expérience à l'abri de cette critique, en supprimant l'écorce fonc- tionnellement (cbloral, réfrigération), sans avoir recours à la méthode sanglante : elle aboutit aux mêmes conclusions. Il est à noter cependant que, à mesure que l'on s'éloigne de l'écorce, l'excitabilité des faisceaux moteurs semble augmenter, si bien que, au niveau de la capsule interne, elle redevient sensiblement égale à celle de l'écorce. Mais il y a lieu de croire que ce n'est qu'une apparence ; car, en raison de la convergence croissante des fibres motrices^ on excite un nombre de faisceaux plus grand dans la capsule que sous le cortex ' . 3" Caractère différentiel du tétanos cortical et du tétanos centre-ovalaire. — Nous savons qu'en appliquant au cerveau des excitations électriques très rapprochées les unes des autres, on arrive à produire une contraction musculaire soutenue, un véri- table tétanos, à secousses fusionnées ou non. Cette réaction n'est point spéciale à l'écorce; elle peut s'obtenir sur n'importe quel point des faisceaux moteurs. Mais, si l'on compare la réaction tétanique du centre-ovale à celle de l'écorce grise, on y voit une différence importante. L'inscription graphique de la contraction musculaire montre que, dans le premier cas, le relâchement se fait brusquement, au moment précis où cess e l'application du courant, tandis que, dans le second, la contraction du muscle survit à FiG. 226. — Différence du retard des mouvements M et M' suivant qu'on excite la zone motrice (M) ou la substance blanche sous-ja- cente (M'). — Le retard, qui est de 6 1/2 centièmes de seconde dans le premier cas, se réduit à 4 1/2 centièmes dans le second. 1. La convergence des fibres au niveau de la région capsulaire permet aussi de comprendre pourquoi il est plus difficile d'obtenir des réactions motrices indépendantes en ce point, qu'à la surface du cerveau ou au niveau du centre ovale. Les faisceaux moteurs deviennent très voisin:; les uns des autres, et il faut recourir à des excitateurs de petit volume pour les atteindre isolé- ment : on a pu cependant établir la topographie de la capsule interne dans sa partie motrice F. Franck). 500 EPILEPSIE CORTICALE. l'excitation, se renforce même (fig. 215). Ce tétanos secondaire est absolument spécial à l'écorce : jamais on n'observe pareil fait avec les excitations appliquées aux fibres blanches, quelle que soit la violence de celles-ci. C'est d'ailleurs une ébauche de l'accès d'épilepsie, qui commence par la tétanisation soutenue des muscles. 4° Impossibilité de provoquer des convulsions cpileptiqucs par l'excitation de toute , quand ils parient de certains animaux inférieurs (actinies, holothuries, siponcles), qui possèdent la faculté de refouler, sur certains points de leur corps, le liquide de leur cavité générale et de déterminer leur gonllenient par l'effet de la contraction musculaire. On a expliqué par un mécanisme analogue le pouvoir qu'ont certains mollusques acéphales de gonfler ou d'ériger leur pied. Chez les vertébrés, Desmodlins, Magendie, et surtout Jobert, ont trouvé dans un organe appendu à la lèvre supérieure de certains poissons et connu sous le nom de barbillon, un tissu aréolaire, qu'ils considèrent comme érectile. En effet, ces aréoles recevraient du liquide sanguin dont l'afflux entraînerait la turgescence de tout l'organe. Citons enfin les sinus sanguins qui entourent la racine de certains poils tactiles et dont la congestion produit le redressement de la flèche du poil. Enfin, dans les. appendices de la tête de certains oiseaux et les appareils génitaux des vertébrés, se rencontrent des organes qui, habituellement mous et flasques, sont susceptibles d'augmenter de volume en tous sens, de gonfler et durcir par l'afflux du sang dans leurs vaisseaux. Dans la description qui va suivre, nous traiterons surtout du mécanisme de l'érection, tel qu'on l'observe dans les appendices de la tête des oiseaux et dans les organes copula- teurs des vertébrés supérieurs. Ce sont, en effet, les seuls organes érectiles sur lesquels nous possédions des connaissances positives et dont on ait pu élucider le mode de turges- cence et le durcissement consécutif. A. Érection dans les appendices de la tête des oiseaitx. — La tète de certains gallinacés (coq, dindon, pintade) est pourvue d'appendices, connus sous le nom de crêtes ou de caroncules. Sous l'influence de la colère ou de la jalousie, ces appendices prennent une coloration rouge intense, grossissent et forment des saillies gorgées de sang. C'est un véritable appareil érectile qui fonctionne à la suite de certaines irritations émotives. Legros, l'un des premiers, a étudié la structure de ces appendices. Le tissu érectile fait partie du derme; c'est lui qui forme ces grosses saillies papillaires de la crête qui orne la tête du coq. Mais, loin d'occuper le centre de l'organe, comme dans la v(;rge, il est situé à la superficie : n'étant recouvertes que d'une couche épidermique transparente, toutes les parties semblent d'une belle teinte rouge. L'épaisseur de la couche vasculaire est en moyenne de 0'"'",3, et, ce qui la distingue essentiellement, c'est la présence de larges capillaires (0'"'",01 à 0™™,02) dont le diamètre est supérieur à celui des capillaires des autres régions. Le tissu érectile de la tête du dindon est également formé par un réseau superficiel de capillaires dilatés. Le réseau que ces vaisseaux constituent sous l'épidermene dépasse 508 ERECTION. pas 0™™,2. Des parties profondes du derme arrivent des arlérioles qui, par leur finesse. se distinguent des capillaires dilatés (0™™,04 à 0™'",0b). La trame qui contient le réseau capillaire se compose de trabécules du tissu conjonc- lif; Legros signale, en outre, la présence de faisceaux de fibres lisses qui accompagnent les capillaires dilatés et dont la direction est parallèle à celle des capillaires. Les appendices de la tête des gallinacés semblent, d'après les expériences de Schiff et de Legros, sous la double influence des nerfs cérébro-spinaux et sympathiques. Schiff sectionne sur le dindon tous les filets nerveux qui, d'un côté, émanent de la moelle et se rendent à la moitié correspondante des appendices jugulaires. A la suite de cette section, on n'observe plus jamais du côté opt're qu'une coloration rose, tandis que la colère ou les autres influences émotives font passer du rouge clair au rouge écarlate le côté sain de l'appendice. D'autre part, irritant sur un autre dindon les nerfs cervicaux qui animent ces appendices, Schiff réussit à produire directement l'hypérémie et la tur- gescence. Les appendices reçoivent donc les nerfs vaso-dilatateurs qui émanent de la moelle cervicale et passent par les nerfs cervicaux. Mais, outre les nerfs vaso-dilatateurs, les appendices de la'tête des gallinacés possèdent encore des filets qui leur sont fournis par le sympathique. Legros l'a prouvé en extirpant, sur le dindon et le coq, le ganglion cervical supérieur d'un côté. Après cette opération, la moitié correspondante de la tête pâlit. Lorsqu'on excite l'animal, la même moitié reste pâle, tandis que l'autre moitié devient d'un rouge intense. Certains auteurs regardent comme vaso-constricteurs les filets qui passent par le ganglion cervical supérieur. 11 me semble que cette conclusion est loin d'être justifiée, puisque, au lieu de la pâleur, on devrait, après section, observer au moins une congestion passive. En somme, l'expérience de Legros ne démontre qu'une chose, c'est que l'extirpation du ganglion cervical supé- rieur détruit la puissance érectile. B. Érection dans les organes copulateurs des oiseaux. — Les oies et les canards possèdent un pénis érectile et imperforé, c'est-à-dire non traversé par l'urèthre. Sur ces oiseaux on a aussi découvert des nerfs érecteurs, dont l'excitation produit la turgescence de cet organe. Mais, fait remarquable, les espaces caverneux se remplissent non pas de sang, mais d'un liquide jaunâtre et coagulable, produit par des glomérules vasculaires, qui constituent le corps de Tannenberg ; ce liquide passe dans les espaces caverneux du pénis et détermine la turgescence et le durcissement de cet organe (Hensen, loc. cit., p. 106). C. Érection dans les organes copulateurs des mammifères. — L'érection des organes copulateurs exige, pour être complète, le concours des systèmes vasculaire, fibreux, musculaire et nerveux. On ne peut s'expliquer son mécanisme que par la con- naissance de la disposition spéciale de ces divers systèmes dans les organes génitaux. Aussi convient-il de rappeler à grands traits l'anatomie de ces parties. 1) Aperçu anatomique des organes érectiles masculins. — Chez l'homme, que nous prendrons comme type, l'appareil de la copulation se compose d'un segment libre, la verge ou pénis, organe impair et médian, et d'un segment fixe, logé dans le périnée. Le pénis figure un cylindre ou prisme allongé, terminé à son extrémité libre par un renflement, le gland. Si l'on enlève la peau de l'organe, on voit que le pénis se com- pose essentiellement de trois cylindres intimement unis: deux symétriques, juxtaposés et unis comme les canons d'un fusil double {corps caverneux), occupent la face dorsale du prisme ; le troisième, médian et impair, appelé corps spongieux de l'urèthre, enveloppe et accompagne l'urèthre sur la majeure partie de son trajet (fig. 229 et 230). Les corps caverneux (fig. 229, A), accolés en avant, s'éloignent l'un de l'autre en arrière pour s'attacher chacun par une extrémité effilée à la branche ischio-pubienne correspondante. Le corps spongieux (fig. 228, B et 230, A) de l'urèthre constitue l'enveloppe immédiate de l'urèthre; au dire des classiques, son extrémité postérieure commencerait au périnée dans l'intervalle des racines des corps caverneux oîi le corps spongieux présente un renflement ovoïde, appelé bulbe de l'urèthre. En réalité, l'urèthre membraneux possède déjà une enveloppe parcourue par de riches plexus veineux, auxquels font suite les espaces sanguins plus développés du corps spongieux. En avant, le corps spongieux se prolonge jusqu'au gland, qui représente le segment terminal du pénis. Corps caverneux ÉRECTION. 509 I 5' 5 2 FiG. 229. — MicicUs dnpt'rinée (homme) owi par la face latiirale droite . A, corps caverneux: B, corps spongieux; C, sym- physe; D, branche ischio-pubieane ; 1, 1', liga- ment suspenseur de la verge réséqué en partie pour laisser voiries faisceaux musculaires sous- jacents; 2, bulbo-caverneux ; 3, 3', ischio- eaverneux. et spongieux sont entourés dans leur ensemble d'un manchon conjonctive-élastique, qui porte le nom de fascla pénis; de plus, les corps caverneux et le corps spongieux pos- sèdent chacun une enveloppe pi'opre; celle des corps caverneux (tunique albuginée), dense et fibreuse, offre une épaisseur de 1 à 2 millimètres. L'enveloppe propre du corps spongieux est, par contre, mince et peu résistante. Les artères du pénis sont fournies par la honteuse interne. Quelques chiffres indiqueront mieux que toutes les considérations quelle est la richesse vascu- laire de l'organe. La honteuse interne, qui a un diamètre de 3™",o, donne naissance à l'artère du pénis, d'un diamètre de 2°"", 8 et se divisant : 1° en hulbo-uréthrale, d'un diamètre de 1 millimètre; 2" en caverneuse, d'un diamètre de 1™'",8", 3° en dorsale du pénis, d'un diamètre de 1™",7. Cette dernière distribue le sang essen- tiellement au gland. Outre les veines dorsales sous-cutanées du pénis, qui se rendent dans la veine saphène interne, on observe dans cet organe : 1° la veine dorsale profonde, située entre les deux artères dorsales ; elle est très volumineuse ; elle ramène le sang qui a passé par le gland, et, pas- sant sous la symphyse pubienne, elle le verse dans les plexus veineux très développés qui entourent la portion membraneuse de l'urèlhre et la pros- tate. Chaque corps caverneux est des- servi par une veine profonde qui se jette dans les veines honteuses, bran- ches de l'hypogastrique. Muscles. A l'extrémité périnéale des corps caverneux et spongieux sont annexés des muscles à contraction bi'usque. Ce sont : i° le bidbo-caver- neux ; 2° l'ischio-caverncux ; 3° les transverses superficiel et profond; 4" Vorbiculaire de l'urèthre, et o" le muscle prostatique. 1° Bulbo-caverneux (fig. 230, 1). — Ce muscle enveloppe le bulbe de l'urè- thre, rendement proximal du corps spongieux; on l'appelle encore accele- rator urinae, m. ejaculator seminis, m. compressor bulbi. En arrière, les fibres de ce muscle s'entre-croisent et même se confondent avec les faisceaux du sphincter anal (4), puis elles entourent le bulbe de toutes parts, à la manière d'un anneau; les faisceaux moyens se terminent à la gouttière des corps caverneux, et les faisceaux extérieurs contournent les corps caverneux pour se terminer sur Fig. 230. — Muscles du périnée (homme) vus par la face superficielle. A, A', corps spongieux et bulbe uréthral; B, corps caver- neux; C, anus; 1. bulbo-caverneux; 2, ischio-caverneux; 3, transverse superficiel; 4, sphincter anal; 5, releveur anal; 5, 6, ischio-coccygien; 7; grand fessier. 510 ERECTION. leur face externe ou parfois sur leur face dorsale (M. de Houstoii) (fig. 230, 2 et 3). Par ses contractions, le bnlbo-cavfnipnx non seulement projette au dehors le contenue de la portion correspondante de l'urè- Ihre, mais, comme nous le verrons, il prend une part active à l'érection. Chez la femme, le buibo-caverneux (fîg. 231) présente même origine et même terminaison, mais dans sa por- tion moyenne il est divisé en deux moi- tiés dont chacune entoure le bulbe du vestibule et du vagin correspondant. C'est un anneau ou sphincter qui obéit à la volonté et dont les contractions peuvent rétrécir l'entrée du vestibule et du vagin. De là l'ancienne dénomi- nation de constrictor cunni. 2° Ischio-caverneux. — Les fais- ceaux musculaires (fig. 230, 2) s'atta- chent sur les branches ischio-pu- biennes, enveloppent plus ou moins les racines du corps caverneux et se terminent sur le corps caverneux au niveau du point où il s'adosse au corps spongieux. Quelques-unes de ses fibres se prolongent sur le pénis où elles se continuent directement, ou par l'intermédiaire d'une lame tendineuse, avec l'ischio-caverneux du côté oppo- sé (fig. 231, 3). Les deux ischio-caver- neux constituent sur le dos du pénis une sangle qui est capable d'exercer une compression sur laveine dorsale du pénis, de façon à retarder, sinon à arrêter, l'écoulement du sang veineux de l'organe. 3» Transverse superficiel. — Composé de faisceaux qui présentent un développement très variable d'un sujet à l'autre, ce muscle (fig. 231, 4) s'insère sur la tubérosité de l'ischion et se dirige de là vers la ligne médiane en formant la limite postéi'ieure de l'espace circonscrit par les bulbo et ischio-caverneux. i" Transverse profond. — C'est une lame musculaire qui s'étend entre le pubis et les branches descendantes du pubis et dont le bord postérieur arrive jusqu'au niveau du transverse superficiel. II est traversé par l'urèthre; en dehors, ses fibres s'insèrent, par l'intermédiaire de faisceaux tendineux, sur la lèvre interne des branches ischio- pubiennes : les faisceaux postérieurs de ce muscle, passant derrière l'urèthre, s'étendent d'une branche ischio-pubienne à l'autre, tandis que des faisceaux extérieurs, les unes contournent l'urèthre et les autres se terminent dans la paroi uréthrale. Quelques-unes de ces dernières fibres se prolongent en faisceaux arciformes, dans l'intervalle des racines du corps caverneux, jusque sur le corps caverneux. 5" Orbiculaire de l'urèthre. — En haut et en arrière, les fibres du transverse profond forment un faisceau circulaire et très épais, qui embrasse la portion membraneuse de l'urèthre. C'est là le muscle orbiculaire uréthral. 6° Le muscle prostatique est la continuation de ce plan musculaire; mais, arrivés au niveau de la prostate, les faisceaux striés n'entourent plus que la face antérieure et une partie des parois latérales de cet organe, et par conséquent de l'urèthre. En résumé, à partir des points où les canaux éjaculateurs débouchent dans l'urèthre jusqu'à la racine du pénis, l'urèthre possède une enveloppe plus ou moins complète de muscles striés, c'est-à-dire de muscles à contractions rapides. Chez quelques animaux même, tels que le cheval, les faisceaux du bulbo-caverneux se prolongent jusqu'à l'extré- mité libre ou gland du pénis. FiG. 231. — Muscles du périnée (femme) vus par la face superficielle . A, vagin; B, urètlire; C, anus; D, coccj'x ; E, clitoris; 1, constricteur vaginal ; 2. sphincter anal; 3, ischio-caver- neux ; 4, transverse superficiel; 5, releveur anal ; 6, ischio- coccjgien; 7, grand fessier. ÉRECTION. 511 2) Aperçu anatomique des organes érectiles féminins. — Chez la femme, les organes érec- tiles, qui correspondent à ceux que nous venons d'étudier cliez l'iiomme, sont : 1» le cli- toris ; 2" le bulbe du vestibule ou du vagin. Le clitoris comprend deux corps caverneux dont les insertions et la direction repro- duisent la disposition que nous connaissons chez l'homme. Son extrémité libre est arrondie, et présente un petit renflement qui correspond à la partie dorsale du gland masculin. On donne le nom de bidbe du vestibule à deux organes érectiles -situés de chaque côté du vestibule du vagin ; commençant en bas ou en arrière par une portion élargie, chaque bulbe monte en dedans des branches ischio-pubiennes, se dirige vers la symphyse pubienne et se termine du côté du clitoris par une extrémité effilée; chaque moitié pré- sente ainsi une forme qu'on a comparée avec assez de bonheur à celle d'une sangsue. Chaque bulbe est recouvert par la moitié correspondante du muscle bulbo-caverneux (fig. 231,1), homologue du bulbo-caverneux masculin (voir plus \mvLi).Vischio-caverneux (3), ou ischio-clitoridien, a mêmes insertions et mêmes rapports que chez l'homme ; ses contractions ont pour effet de comprimer les veines dorsales du clitoris. Le transverse superficiel du périnée (4) correspond chez la femme à celui que nous avons décrit chez l'homme. Le transverse profond s'insère chez la femme également sur les branches ischio- pubiennes; mais, à raison du développement plus notable de ces dernières, le muscle présente une étendue plus grande. Comme chez l'homme, les faisceaux postérieurs de ce muscle se portent vers la ligne médiane oi:i ils se continuent ou s'entre-croisent avec ceux du côté opposé. Chez la femme, ces faisceaux postéi'ieurs se trouvent en arrière du vagin. Les faisceaux moyens et antérieurs du transverse profond rencontrent le vagin et l'uièthre; ils se terminent dans la paroi de ces organes et se comportent comme les fibres homologues de l'homme à l'égard de l'urèthre. Les fibres antérieures qui embrassent les faces antérieure et latérale de l'urèthre sont suivies, sur un pian supérieur, par un demi-anneau de même forme (moitié inférieure du sphincter uréthral externe). On sait que plus haut, les fibres deviennent annulaires (moitié supérieure du sphincter externe). Nerfs. — Le nerf principal qui distribue ses filets aux organes érectiles est le honteux interne. Il fournit, pendant son trajet intra-périnéal, le nerf dit périnéal, qui s'engage dans l'espace circonscrit par les muscles bulbo-caverneux et ischio-caverneux et anime les divers muscles du périnée. Rappelons que ces muscles sont soumis à l'empire de la volonté. Après avoir dépassé l'arc pubien, le nerf honteux interne arrive sur le dos du pénis ou du clitoris ; il porte alors le nom de nerf dorsal pénien ou clitoridien. Il donne des rameaux aux corps spongieux et caverneux, et s'épanouit dans le gland où ses ramifi- cations forment un plexus à mailles serrées. Outre les nerfs précédents, les organes érectiles reçoivent des filets nerveux qui émanent du plexus hypogastrique constitué par des nerfs sacrés et la portion sacrée du grand sympathique. Ces filets nerveux suivent les artères caverneuses et bulbo-urélhrale pour se distribuer aux corps caverneux et spongieux. Malgré ces différences dans le trajet et l'origine apparente, les fibres centripètes et centrifuges ont leur centre d'action dans la moelle lombaire. J'ajoute, par anticipation, (jue les fibres centripètes passent par le nerf honteux interne. Les fibres centrifuges {nerfs érecteurs, c'est-à-dire déterminant la dilatation active des vaisseaux) passent par les racines antérieures des trois premières sacrées. Les fibres motrices qui animent les muscles du périnée (muscles ischio-caverneux' et transverses) sont contenues dans les racines des III^ et IV'' paires sacrées. Le centre de l'érection est donc sous la dépendance du nerf dorsal du pénis; mais il n'échappe pas à l'influence du cerveau, puisque des images erotiques sont, à elles seules, capables de provoquer l'érection. Tissu érectile. — Telles sont les parties, de forme et de composition identiques, quoique inégalement développées, qui constituent les organes érectiles dans les deux sexes. Faisant suite à une enveloppe conjonctivo-élastique plus ou moins épaisse, la trame des corps caverneux et spongieux est toujours constituée par un système de travées et de trabécules extensibles qui s'anastomosent en tous sens et délimitent utie série de cavités et d'espaces sanguins [lacunes ou cavernes du tissu érectile). Ces aréoles jouissent de la faculté de se gorger et de se gonfler presque instantanément de sang et de 512 ERECTION. produire ainsi la turgescence et la rigidité qui caractérisent l'érection. Plus tard, elles se débarrassent de celte quantité de san^ avec une rapidité presque égale, ce qui ramène ces organes à leur état de flaccidité habituelle. Il suffit de pousser par les artères de l'air ou une masse fluide quelconque dans les organes érecliles pour les voir acquérir le volume qu'ils offrent dans l'érection. La masse injectée remplit les aréoles et passe dans les veines. Cette expérience montre que toutes les aréoles communiquent entre elles et communiquent librement avec les artères d'une part, avec les veines, de l'autre. Dans ces conditions, il s'agit de savoir si les aréoles correspondent à des espaces capillaires énormément dilatés, ou bien si elles représentent des plexus veineux. Jusque vers la fin du siècle dernier, on croyait que le tissu érectile était composé de cellules, c'est-à-dire de cavités analogues à celles qu'on observe dans le tissu de l'os spongieux. CuviER, le premier, a avancé que ce tissu est formé de vaisseaux sanguins, essentiel- lement veineux, disposés en un réseau très compliqué. De Blainville, Cruveilhier, Kœl- ,. ^ , LUiER,KoBELï, Langer, ne pensent pas d'autre manière, et la plupart des histologistes alle- mands contemporains continuent à soutenir que les organes érectiles résulteraient d'un lacis de veines ou de sinus veineux s'anas- tomosant en tous sens. Duvernoy s'est éloi- gné tant soit peu de l'opinion de Cuvier en considérant le tissu érectile «. comme un ré- seau vasculaire intermédiaire entre les veines et les artères ». Ch. Robin, en suivant le dé- veloppement des vaisseaux dans les organes érectiles, a vu que les aréoles apparaissaient à l'état de capillaires qui se dilatent plus tard énormément. De plus, le sang qui remplit ces aréoles pendant l'érection est du sang artériel et non du sang veineux. Le- GROs a confirmé cette opinion par l'anatomie 3 2 FiG. 232. — Coupe des corps caverneux (schématique). 1, cavités aréolaires; 2, trabécules coupées en long; 3, trabécules coupées en travers; 4, artériole; / i i> -i -.„ „,}^a^ i., tAi^ 5, veinule; 6, albuginée (Les flèches indiquent le Comparée : dans 1 appareil érectile de la tête cours du sang). des gallinacés (coqs et dindons), les capillaires sont larges et forment un réseau dont le dia- mètre est supérieur non seulement à celui des capillaires des autres régions, mais dépasse notablement celui des artérioles qui donnent naissance à ces capillaires érectiles. Ces volumineux capillaires, très fréquemment anastomosés, sont souvent plus larges que longs. J. MuLLER croyait avoir observé une disposition particulière des artères dans le tissu érectile du pénis. Les artères et surtout leurs ramifications artérielles se contourneraient en forme de vrille ou de simples crosses, renflées à leurs extrémités, et il a donné à ces vaisseaux le nom d'artères hélicines. Ch. Rouget {loc. cit., 331), le premier, a montré que, dans les organes érecliles, pas plus que dans les autres tissus, il n'y a d'artères terminées en culs-de-sac. Dans le bulbe €t à la racine des corps caverneux, les troncs artériels ne se divisent pas à l'ordinaire en rameaux dichotomiques, mais sont garnis dans tout leur pourtour de bouquets de vais- seaux se détachant, au nombre de 3 à 10, d'un court pédicule commun. Ces vaisseaux vont s'ouvrir dans les espaces caverneux par un orifice en forme de fente; mais, depuis leur origine jusqu'à leur terminaison, les branches des bouquets artériels se tordent, s'enroulent en spirales à tours brusques et pressés, s'enchevêtrent les unes dans les autres, «t, se mêlant, s'anaslomosant, forment de véritables pelotons vasculaires. En un mot, les artérioles prennent naissance dans les tissus érecliles comme ailleurs; mais leur longueur correspond à l'état d'extension que subissent les tissus érectiles pen- dant l'érection. Dès que l'érection cesse, le tissu s'afî"aisse : les artéiioles se prêtent à celte rétraclioa en se roulant en spirale. ERECTION. 513 Le lissu érectile se développe do la même manière que tout le système sanguin; mais les vaisseaux capillaires apparaissent dans un tissu dense, parce que les corps caverneux et spongieux existent à l'origine sous la forme de cordons dépourvus de tout vaisseau sanguin. Ce sont des traînées de cellules conjonctives serrées. Plus tard, le sang et les vaisseaux s'y développent de la base vers le sommet des corps caverneux et spongieux. Les premiers vaisseaux ne sont que des espaces creusés comme à l'emporte-pièce dans les cordons conjonctifs; ils ont la valeur de capillaires. Ces espaces s'anastomosent lar- gement et acquièrent vite une lumière si large qu'ils figurent un tissu aréolaire. Chez la plupart des Mammifères, le corps spongieux présente des aréoles limitées uniquement par une paroi conjonctivo-élastique tapissée de cellules endothéliales; les artérioles qui débouchent dans ces aréoles et les veines qui en partent présentent seules une tunique musculeuse. La paroi conjonctivo-élastique qui sépare deux aréples voisines constitue une cloison commune, et ce n'est que par la pensée qu'on peut distinguer la portion qui appartient à l'une ou l'autre aréole. Les aréoles du gland se rapprochent de ce premier type. Dans le corps spongieux de l'homme et du cheval, dans les corps caverneux de la plupart des Mammifères, des faisceaux musculaires lisses se développent dans les parois fibreuses qui limitent les aréoles et se disposent en bandes musculaires entre-croisées entons sens. Alors les faisceaux musculaires passent d'une aréole à l'autre, traversent de toute part la trame conjonctivo-élastique (fig. 233, 6). Les aréoles les plus vastes se développent surtout au centre du corps spongieux et du corps caverneux; à la périphérie se , .^ forme l'enveloppe conjonctivo-élastique y'' ^'\ qui, comme nous l'avons dit plus haut, reste mince autour du corps spongieux, mais acquiert une épaisseur notable autour des corps caverneux. Il peut même arriver, comme chez le taureau, que Talbuginée renferme de nombreuses cellules cartila- gineuses noyées au milieu de ses faisceaux fibreux. Parfois même, au lieu d'évoluer en gaine fibro-cartilagineuse, le tissu mé- sodermique embryonnaire se transforme sur une certaine longueur en cartilage, puis en os. C'est ainsi que prend naissance l'os pénien, qu'on trouve à la base du gland du pénis ou du clitoris chez beaucoup de carnivores et de rongeurs. En résumé, le développement et bi structure nous expliquent ce fait que les. aréoles sont plus vastes et plus étendues au centre qu'à la périphérie des corps ca- verneux et spongieux. Quant aux artères et aux artérioles du tissu érectile, elles pos- sèdent une tunique musculaire très épaisse. Le tonus des par.ois artérielles suffit, à l'état de repos, pour empêcher l'affiux sanguin; mais qu'une influence nerveuse, indépendante de la volonté, paralyse su- bitement les muscles des vaisseaux, ceux- ci se dilatent et permettent au sang de s'accumuler dans les aréoles. D'autre part, les contractions des muscles lisses des trabécules déplacent et rétrécissent les orifices des veines alfé- rentes ce qui retarde le départ du sang.^Ensuite, les grosses veines profondes se trou- vent plus ou moins fortement comprimées lors de leur passage à travers les plans mus- culaires du pennée, qm, nous le verrons, entrent en contraction au moment de l'érection. l'iG. 233. — Cnupe du corps s;jo'i<)teu.r. (s;'liéiiiatinuc'. A, urèthre; 1, épithéliura uréthral; 2, artère affé- rente de la muqueuse uréthrale ; 3, capillaires sous- muqucux; t, vaisseau efféi'cat de la inuqueuso uré- thrala se divisaut et se dilatant en aréoles érectiles (5), entourées d'une trame musculeuse (6) ; 7, veine etiérente du corps spongieux; 8, enveloppe fibreuse du corps spongieux. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 33 oli ERECTION. Telle est la constitution générale du tissu érectile. Mais on remarque des dispositions spéciales qui nous expliquent la façon difl'érente dont se comportent les corps caverneux et spongieux pendant l'érection. On sait que le corps caverneux acquiert une rigidité considérable, tandis que le corps spongieux reste toujours plus mou et plus dépressible. L'anatoniie nous renseigne sur ces différences, comme l'a très bien exposé Reinke iloc. cit., 284) et nous rend compte de la consistance différente que présentent les diverses parties du pénis pendant l'érection. Dans le corps caverneux, le sang passe immédiatement des artères dans les aréoles- dans le corps spongieux (fig. 233), au contraire, le sang arlériel (2) se rend d'abord dans les capillaires de la muqueuse uréthrale; des capillaires (3), il coule dans un réseau veineux, dont les troncs efférents s'abouchent et se continuent avec les espaces (5) du corps spongieux de l'urèthre. Ces faits nous expliquent comment l'érection du corps spongieux n'empêche pas l'écoulement du sperme. Ils nous renseignent également sur la valeur des aréoles sanguines : dans les corps caverneux, elles correspondent à des espaces capillaires; tandis que, dans le corps spongieux, elles représentent un réseau veineux très dilaté. Phénomène de l'érection. — ■ Étudions d'abord le phénomène général de l'érection chez les mâles. Chez l'homme, à mesure que le pénis gonfle, il devient plus dur. Ses courbures s'ef- facent en partie, de telle sorte que la portion libre, pendante, se met, quand l'érection est complète, dans le prolongement des racines fixes des corps caverneux. Chez les qua- drupèdes, le pénis, caché au repos dans le fourreau, s'allonge et se projette hors de cette gaine. Les courbures qu'il décrit dans la symphyse ou dans la gaine préputiale se redressent, et il se présente alors comme une tige rigide, plus ou nioins parallèle à l'axe de la symphyse pubienne. Le gonflement et le durcissement se développent insensible- ment de la base vers l'extrémité libre du pénis; après un certain degré de rigidité, qui est suffisante et nécessaire pour l'intromission dans le vagin, l'érection s'étend sur le gland et s'achève sous l'influence des frottements. Galien croyait que l'érection était due à un souffle qui dilatait les corps caverneux. C'est l'idée que reproduit Léonard de Vinci dans une planche, où il représente l'acte de la génération. Sur ce dessin, la moelle et le cerveau envoient aux testicules des canaux chargés de sperme. D'autres canaux, partis des poumons, vont rejoindre la verge et y porter le souffle qui produisait l'érection. Deux expériences datant de l'année 16G8 prouvèrent à Régnier de Graaf que la tur- gescence du pénis à l'état normal était due au sang : 1» En posant une ligature sur un pénis de cbien en érection et en disséquant ensuite l'organe, il ne trouva que du sang. Le sang écoulé, le pénis s'affaissa et devint flasque. 2° On peut sur le cadavre mettre le pénis dan;? l'état d'érection: il suffit de faire péné- trer dans ses vaisseaux une masse d'injection. Étude des modifications vasculaires datis l'érection. — Dans l'érection normale, la pré- sence d'une plus grande quantité de sang élève la température du pénis. C'est là ce qui explique comment la température du pénis en érection est de 10° plus élevée que pendant le repos de l'organe. Sur le cheval, Colin trouva 36°, 2 à une profondeur de 10 centimètres tout de suite après l'érection (la température du milieu extérieur étant de 26°); chez un autre cheval, qui n'était pas en érection, le pénis avait une température qui variait de 26°, 5 à 28'' (la température extérieure étant de 16°). Grâce à la découverte de nerfs dont l'excitation produit l'érection (voir plus loin, p. 517), on connaît aujourd'hui le processus du gonflement et le développement progressif de la vascularité. Sur un chien curarisé et sur lequel on pratique la respiration artificielle, on excite les nerfs érecteurs. Alors le bulbe de l'urèthre commence par se gonfler, c'est-à- dire par entrer en érection, et la turgescence s'étend peu à peu en avant, au corps caverneux et au gland. Cette turgescence est due à l'afflux du sang. En effet, si, avant l'excitation des nerfs érecteurs, on dénude le corps spongieux, et si on y pratique une incision, il s'écoule à peine quelques gouttes de sang noir. Qu'on excite au contraire le nerf érec- teur, on voit jaillir de la plaie un fort jet d'un sang rouge rutilant. Quand on arrête l'ex- citation, le sang cesse peu à peu de couler. Il y a donc dilatation des réseaux vasculaires pendant l'érection; mais celle-ci est produite par un afflux de sang rouge par les ERECTION. 515 artères. En effet, comme l'ont signalé Hausmann en 1840, Schiff en 1867 sur les grands quadrupèdes, les artères dorsales du pénis se distendent, et présentent, pendant l'érec- tion, de plus fortes pulsations. François-Franck a déterminé rigoureusement la succession des phénomènes vascu- laires qui se passent dans le pénis pendant l'érection. Voici comment il pratique l'explo- ration volumétrique du pénis du chien. Il l'introduit dans un tube de verre muni d'un rebord saillant au-dessus duquel glisse le prépuce qui est fortement lié sur le tube. Le gland et le bulbe peuvent se déployer aisément à l'intérieur du tube. Les changements de volume du gland sont enregistrés au moyen d'un tube de trans- mission qui relie cet appareil rempli d'air ou de liquide à un tambour inscripteur. François-Franck examine en même temps la pression artérielle dans l'une des artères dorsales de la verge et la pression veineuse dans l'une des veines dorsales. Sous l'influence de l'excitation des nerfs érecteurs, cet expérimentateur a vu les varia- tions de pression se succéder dans l'ordre suivant. C'est le sang artériel qui commence à affluei' dans le pénis au début de l'érection; le volume de l'organe a déjà notablement augmenté sans qu'on observe aucun changement dans la pression veineuse. Cette der- nière ne commence à s'élever qu'après la turgescence du pénis. Ainsi l'érection débute par un afflux plus notable de sang artériel; mais, une fois que le sang s'est accumulé dans les espaces caverneux, l'augmentation de pression se propage secondairement dans les veines. Les faits expérimentaux que nous venons de relater nous dispensent de réfuter l'opi- nion des anciens qui invoquaient l'intluence des esprits animaux, de ceux qui admet- taient l'activité spéciale du tissu érectile ou d'autres encore qui se contentaient de la formule que voici : « L'érection est un phénomène essentiellement vital. » Cependant on peut se demander si le passage du sang dans les veines de la verge est ralenti ou gêné et si ce ralentissement ou cette gêne seraient suffisants pour déterminer l'érection. Les expériences et les calculs de Lovén ont établi que, pendant l'érection, les veines afférentes de la verge sont traversées par quinze fois plus de sang qu'à l'état de repos de lorgane. La circulation veineuse n'est donc ni gênée, ni ralentie. Il est néanmoins pro- bable qu'au début de l'érection, le sang amené subitement en grande quantité par les artères, éprouve une certaine difficulté à pénétrer danr les premières radicules des veines. D'après le résultat des injections artificielles, Kobelt avait émis l'hypothèse d'une fer- meture intra-pénienne des veines caverneuses. Pour EuG. Bœckel le mécanisme de cette clôture, dite autoclave, serait le suivant : à leur origine, les veines caverneuses traversent très obliquement la tunique albuginée, de la même manière que les uretères débouchent dans la vessie. Par conséquent, lorsque le sang se précipite dans les corps caverneux, cette espèce d'appareil valvulaire entre en fonction et arrête ou retarde plus ou moins l'écoulement des liquides. Une disposition pareille favorise, certes, singulièrement l'accumulation du sang et l'augmentation de pression consécutive. Quant au second point, qui est de savoir si la gêne ou l'arrêt de la circulation vei- neuse suffisent à produire l'érection, voici quels sont les résultats expérimentaux de Lrgros : « Plusieurs fois, chez les chiens, dit cet auteur [lac. cit., p. 15), j'ai lié une des deux veines de cet organe sans produire de turgescence; en liant les deux veines, ou mieux en serrant toute la verge par une forte ligature passant au-dessous des artères qui continuaient à charrier le sang, j'ai déterminé la turgescence de la verge, mais généralement après un temps assez long (de quatre à dix minutes), et jamais je n'obte- nais une érection aussi complète que dans l'état physiologique. Cependant le courant veineux était tout à fait interrompu, et j'exagérais certainement la gêne dans la circula- tion qui, dit-on, accompagne l'érection. » Cette expérience fait justice des théories fondées sur l'obstacle qu'apporterait la con- traction musculaire à l'écoulement du sang veineux. C'est ainsi que Régnier de Graaf, Houston, Krause, Gunther, Kobelt, et d'autres, avaient attribué la rétention du sang dans le pénis à la contraction des muscles striés du pénis (ischio et bulbo-caverneux). En ol6 ERECTION. se contractant, ces muscles comprimeraient les veines efîérentes du 'pénis, amèneraient une gêne ou un arrêt de la circulation veineuse : de là l'érection. Les muscles striés sus-mentionnés se contractent sous l'influence de la volonté, et chacun sait que l'érection est loin de se produire sur commandement. D'autre part, si l'on empoisonne les animaux par le curare, qui, on le sait, paralyse les muscles striés, l'excitation des nerfs érecteurs amène l'érection. Mais cette érection n'est pas aussi complète que sur les animaux dont les muscles striés ne sont pas atteints de paralysie. Cette dernière expérience nous renseigne sur le rôle que jouent les muscles ischio- et bulbo-caverneux dans l'érection. Les muscles ischio- et bulbo-caverneux, par leurs contractions répétées, compriment les racines des corps caverneux et le bulbe uréthral. Ils poussent ainsi le sang vers les portions distales du pénis et y augmentent la pression. Ce n'est pas tout : sur les pièces injectées, il suffit de saisir ces muscles avec une pince pour faire basculer le pénis dans le sens antéro-postérieur et voir son extrémité libre se redresser à la moindre traction. Eu explorant le périnée des animaux domestiques pendant l'érection, on sent très bien les contractions] saccadées et rythmiques des muscles ischio- et bulbo-caverneux; durant la turgescence physiologique du pénis, ils exercent probablement une pression analogue sur les cavités gorgées de sang et font éprouver à la verge un redressement identique. François-Fuanck est le seul auteur qui ait précisé et bien mis en lumière le rôle des muscles striés dans l'érection. Voici comment il décrit la façon dont ces muscles com- plètent et exagèrent le phénomène érecteur. « Quand on opère sur des sujets qui ne sont pas réduils, comme les animaux curarisés, aux seuls actes circulatoires, mais peuvent réagir, en outre, par des contractions des muscles striés, on constate que les brusques secousses et la contraction tonique des muscles périnéaux produisent une énorme ten- sion veineuse qui se surajoute à celle que déterminait déjà la vaso-dilatation artérielle. Quand les muscles ischio- et bulbo-caverneux se relâchent, la pression veineuse redes- cend. » Nombre d'auteurs trouvant les contractions des muscles striés insuffisantes pour pro- duire et surtout pour prolonger l'érection firent intervenir les muscles lisses. Cependant ils furent loin d'être d'accord sur le mode d'action de ces derniers. Kœlliker attribuait l'érection à la paralysie des muscles lisses qui se trouvent dans les trabécules du tissu éreclile; le relâchement des trabécules permettrait aux aréoles de se distendre. Pour Valextin, les muscles lisses des trabécules se contractent, et, éloignant les parois des aréoles les unes des autres, ils agrandissent les espaces sanguins. Rouget, au contraire, pensait que la contraction des muscles lisses contribue à rétré- cir les aréoles et entrave la circulation du sang. Les muscles lisses, qui sont si développés dans la peau et dans les enveloppes géné- rales des organes génitaux, contribueraient également par leurs contractions à la réten- tion du sang dans les veines efférentes. Sappey décrit l'ensemble de ces faisceaux muscu- laires lisses sous le nom de muscle péri-pénien. En se contractant, les faisceaux de ce muscle, dont la direction principale est circulaire, déprimeraient les parois des veines elîéi'entes et causeraient la stase sanguine. Il est certain qu'au début de l'érection les muscles lisses de l'enveloppe cutanée se contractent en même temps que le dartos ou le crémaster, mais ces contractions sont impuissantes pour déterminer l'afflux de sang artéiùel. Le dartos et le muscle péri-pénien peuvent même se contracter sous l'influence du froid, par exemple, sans qu'il se mani- feste le moindre phénomène érecteur. L'abondance des fibres musculaires lisses dans les tissus érectiles me paraît cependant avoir une certaine importance. Que si leur rôle est nul en ce qui concerne les phéno- mènes initiaux de l'érection, c'est-à-dire l'ai'llux sanguin, leurs contractions permettent, par contre, aux trabécules de réagir sur le contenu des aréoles gonflées et distendues et de transformer un organe flasque en une verge rigide et élastique. Dès 1887 [Comptes rendus de la Société de Biologie, 1887, 698), des recherches, faites sur le développement et la structure des tissus érectiles, m'ont porté à envisager de la sorte la constitution par- ticulière des organes copulateurs. « Ceux-ci possèdent, ai-je conclu [loc. cit.), une structure ERECTION. 517 spéciale : une charpente renfermant et protégeant un système vasculaire propre. L'enve- loppe résistante fibreuse, fibro-carlilagineuse ou même osseuse sur certains points) jointe à l'afflux sanguin, permet aux organes copulaleurs d'acquérir, au moment de l'érection, une rigidité suffisante; de plus, les faisceaux de fibres-cellules qui entourent les aréoles en proportion variable peuvent participer d'une façon active à l'augmentation de la pres- sion du sang. » En résumé, le phénomène initial et essentiel de l'érection est l'afflux énorme de sang artériel, qui se fait par vaso-dilatation. La circulation, loin d'être gênée, est activée; non seulement plus de sang pénètre dans les tissus de l'organe, mais l'écoulement du sang veineux est également plus abondant. L'érection ne devient complète qu'à la condition que la pression augmente dans les espaces sanguins et les veines efïérentes. Cette augmentation de pression est due à la contraction des muscles striés extra-péniens et à celle des musclss trabéculaires et peut- être péri-péniens. Rôle du système nerveux dans l'érection. — A. Nerfs périphériques. — Un grand nombre d'organes reçoivent deux sortes de nerfs dont les effets vasculaires sont diamétralement opposés : les uns (vaso-constricteurs) resserrent les vaisseaux, les autres (vaso-dilatateursj les dilatent. Le nerf lingual, par exemple, contient des filets vaso-dila- tateurs; et {'hypoglosse, des vaso-constricteurs. En refroidissant la langue, on augmente de plusieurs secondes la période latente de l'excitation; la chaleur abrège la période latente. Le pénis est également innervé par des filets vaso-dilatateurs (ou érecteurs) et par des filets vaso-constricteurs; la plupart de ces derniers sont contenus dans le nerf hon- teux interne, tandis que les premiers sont essentiellement fournis par le plexus hypogas- trique. On sait qu'il faut faire agir sur les nerfs érecteurs un courant plus énergique que pour les autres vaso-dilatateurs si l'on veut déterminer une vaso-dilatation dans le pénis. Ici la température ne modifie pas la période latente, qui varie de trois, cinq secondes à sept secondes. Les nombreux ganglions nerveux, décrits par LovÉ.x dans la région membraneuse et le bulbe, par QuÉxu dans la région prostatique, sont peut-être intercalés sur le trajet des nerfs érecteurs. Leur présence rendrait compte de la longue durée de la période latente et de la nécessité d'appliquer des excitants énergiques. Malgré ces légères diffé- rences, le pénis est innervé, comme d'autres organes, par des nerfs constricteurs renfor- çant le tonus des muscles de la pai'oi vasculaire et rétrécissant le calibre des vaisseaux et des nerfs dilatateurs, diminuant le tonus musculaire et déterminant leur élargissement. B. Nerfs sensibles et vaso-constricteurs. — Le frottement de la peau du pénis et du gland provoque l'érection chez le chien. Si l'on fuit passer un courant d'induction par les nerfs dorsaux du pénis, on n'obtient aucun résultat positif. La section des nerfs dorsaux de la verge abolit la sensibilité de l'organe; le frotte- ment de la muqueuse du gland ou 'des enveloppes péniennes n'est plus suivi d'aucune impression, ni réaction réflexe. Ce sont donc les nerfs dorsaux de la verge qui con- tiennent les nerfs centripètes ou sensibles. Outre les nerfs centripètes, les nerfs dorsaux de la verge contiennent des fibres centrifuges. Après la section des nerfs dorsaux, prati- quée sur les chevaux par GO.ntheh, Hausuann, et 'plus récemment par Coli.\, « la verge est devenue flasque, dit Coli.n; en présence d'une jument en rut, il y a eu des hennisse- ments, des tentatives réitérées d'accouplement, mais la verge est demeurée molle, et n'a pu se dégager du fourreau sur une longueur de plus de 20 centimètres ». Legros a pratiqué sur les chiens la section des nerfs dorsaux de la verge. Après la guérison de la plaie, ces animaux, placés auprès d'une chienne en rut, ne pouvaient entrer en érection, bien qu'ils manifestassent des intentions erotiques. Cette section du nerf honteux interne amène une hyperémie passive; l'organe aug- mente de volume, mais il reste mou, et n'acquiert pas les dimensions et la dureté qui caractérisent la véritable érection. La section des nerfs dorsaux entraîne donc une érection partielle ou incomplète, qu'il convient de mettre sur le compte de la congestion résultant de la suppression des filets vaso-constricteurs contenus dans le nerf dorsal. François-Franck a réussi à démontrer expérimentalement la vaso-constriction qui est 518 ÉRECTION. consécutive à l'excitation des nerfs dorsaux de la verge. Voici comment il procède. 11 excite le segment périphérique des nerfs dorsaux de la verge et l'exploration volumé- trique, arte'rielle et veineuse lui montre que les vaisseaux du pénis sont resserrés. En excitant, d'autre part, le nerf honteux interne, à divers points du trajet entre le plexus sacré et la racine du pénis, il constate que le nerf honteux interne contient des vaso- constricteurs avant de recevoir des anastomoses du plexus hypogaslrique. Fr. Franck incline à penser que les filets vaso-constricteurs du nerf honteux interne lui sont fournis par les anastomoses du sympathique sacré et lombaire. En résumé, les nerfs dorsaux de la verge contiennent des filets centripètes et des filets centrifuges, ces derniers essentiellement vaso-constricteurs. Nerfs vaso-dilatateurs du pénis. — On en connaît deux. L'un est représenté par un tronc formé par deux filets fournis par les deux premiers nerfs sacrés; c'est le nerf érec- teur commun sacré, découvert par Eckhard ; l'autre est constitué par des filets qui se détachent du ganglion mésentérique inférieur et qui proviennent du sympathique lom- baire. Ces deux nerfs dilatateurs vont aboutir au plexus latéral vésico-rectal et suivent ensuite les divisions de l'artère hypogaslrique pour se rendre aux tissus péniens. Influence du système nerveux central sur l'érection. — Dès 1824, Ségalas fit des expériences qui établirent l'influence de la moelle sur l'érection. Il expérimenta sur les cobayes. Après la décapitation, il introduit un stylet dans le canal vertébral, excite la moelle et provoque l'érection et l'éjaculation. On savait bien depuis longtemps que l'irritation du bulbe amenait chez les pendus des effets analogues; mais les expériences de Ségalas prouvèrent nettement que l'excitation mécanique de la moelle donne des résultats identiques. En 1839, Brachet fit une autre expérience remarquable : sur un matou, il sectionna la moelle épinière dans la région lombaire, et, en excitant le pénis » par une sorte de masturbation », il amena l'éjaculation. Il est probable que l'éjaculation était précédée d'érection, mais Brachet ne mentionne pas ce détail. Cette expérience aurait suffi pour qu'on pût conclure que la moelle lombaire est le centre de l'érection et de l'éjaculation. II est vrai que Brachet, à son époque, ne songeait pas à en tirer une pareille conclusion. Marshall Hall observa un homme atteint de paralysie et d'anesthésie des membres inférieurs à la suite d'une lésion de la moelle cervicale. Chaque fois qu'on introduisait une sonde dans la vessie, le pénis entrait en érection. Ce clinicien en lira cette conclu- sion que l'érection, ainsi que la copulation, sont sous la dépendance de la moelle et rentrent dans le groupe des actes réflexes. J. Muller s'appuya sur des faits cliniques analogues pour dire que la faculté de l'érection dépend en dernier ressort de la moelle épinière. Valentin le premier, en 1844, réunit les faits connus et enseigna la théorie suivante de l'érection : l'érection peut être provoquée par des influences psychiques agissant sur le système nerveux central, par des excitations portées sur la moelle ou le bulbe (pen- daison), par l'irritation des nerfs péniens, par la réplétion de la vessie, ou par la présence de calculs urinaires, BuDGE parvint à circonscrire dans des limites mieux définies la région médullaire qui actionne les organes génitaux. En excitant, sur le lapin, un point de la moelle situé au niveau de la quatrième vertèbre lombaire, il vit se produire des mouvements dans la partie terminale du rectum, dans la vessie et les canaux déférents. Il ya donc un centre génito-spinal médidlaire, dont l'existence a été particulièrement démontrée chez le chien par l'expérience suivante de Goltz : après avoir sectionné la moelle épinière à l'origine delà région lombaire, ce physiologiste provoqua, par le chatouillement du pénis, l'érec- tion de l'organe accompagnée de mouvements rhythmiques du bassin. Ainsi les excitations sensitives de la verge sont suivies de vaso-dilatation et de mou- vements réflexes, alors même que la portion lombaire est séparée du reste du système cérébro-spinal. Les recherches de Goltz et Freusberg ont élucidé, en outre, plusieurs autres points des plus intéressants. On arrête l'érection sur un chien, quand on détermine une douleur sur une autre région du corps, en excitant, par exemple, le bout central du nerf scia- tique. D'autre part, il est plus facile de provoquer, par le chatouillement du pénis, l'érec- ERECTION. 519 tion sur un chien, dont le centre génito-spinal est isolé par une section du reste de la moelle, que sur un animal intact. II y a lieu de se demander en quoi consiste cette influence d'arrêt qu'excercent les régions supérieures ou antérieures du système cérébro- pinal sur le centre génito-spinal. Les expériences toutes récentes de Spina jettent une vive lumière sur la nature de celte influence. Ce physiologiste expérimenta sur le cobaye. Il commença par détermi- ner le point précis de la moelle épinière dont la section amène l'érection ou l'éja- culation. Spina recommande d'isoler le cobaye la veille de l'expérience; si le cobaye vient de couvrir une femelle, l'expérimentateur peut éprouver un échec. D'autre part, il faut éviter de choisir un cobaye qui n'a pas vu de femelle depuis longtemps : on s'expo- serait dans ce cas à produire l'érection et l'éjaculation en touchant accidentellement les organes génitaux pendant les préparatifs préalables. Il convient également de fendre le prépuce, pour faciliter la sortie du gland et l'observation des diverses phases du phéno- nomène de l'érection. Voici comment il faut faire l'opération. On couche l'animal sur le ventre et on l'at- tache; on incise la peau à l'union des régions thoracique et lombaire, et, après avoir détaché la peau à droite ou à gauche, on cherche la dernière côte. Alors, près de la der- nière articulation costo-vertébrale, ou introduit une lame tranchante dans le canal ver- tébral, et on sectionne la moelle. On retourne le cobaye et on l'attache sur le dos; 40 à 100 secondes après la section de la moelle, toute la région génitale se met à exécuter des mouvements saccadés et rythmiques. Le pénis s'allonge et s'épaissit; la muqueuse du gland devient rose, et ses vaisseaux s'élargissent et s'injectent. Le gland prend la forme d'un entonnoir divisé en deux lobes, et on voit saillir les deux appendices cornés qui se trouvent à l'origine de l'urèthre. C'est bien le tableau d'une érection complète qui finit par l'émission d'une masse vitreuse, le sperme. L'érection de la verge persiste dix à quinze minutes, tout en s'affaiblissant par degrés. Si, pendant cette période de déclin, on touche le gland avec une sonde, l'érection est subitement renforcée, et le gland s'élargit en entonnoir. Chaque excitation nouvelle amène une réaction analogue. Outre ces phénomènes essentiels, il peut survenir de l'émission urinaire, etc. Mais le point capital à noter, c'est que la section de la moelle, à l'endroit précité, entraîne toujours l'érection et l'éjaculation. A l'encontre des essais de Brachet et de Goltz, il n'était nulle- ment nécessaire d'ajouter une excitation du pénis à la section de la moelle. Comment expliquer le mécanisme de l'érection et de l'éjaculation, après la section de la moelle? Serait-ce une irritation mécanique du centre ou des voies conductrices de l'érection? L'expérience suivante de Spina semble peu favorable à cette hypothèse. Si l'on chloroformise un cobaye et qu'on fasse la section de la moelle, il ne survient rien pendant la durée de la narcose; mais, après plusieurs minutes, dès le réveil de l'animal, l'érection et l'éjaculation se produisent. La section de la moelle ne peut donc être consi- dérée comme un irritant mécanique. Ainsi la section de la moelle est suivie d'érection et d'éjaculation, sans que l'expéri- mentateur exerce une excitation quelconque sur le pénis. Spina interprète ce fait en disant que la section supprime des fibres d'arrêt empêchant, sur l'animal normal, la mani- festation des phénomènes d'érection et d'éjaculation. En effet, les expériences de ce physiologiste démontrent non seulement l'existence d'un centre génital dans la moelle lombaire, mais encore la mise en activité de ce centre, dès qu'on le sépare de la moelle thoracique. De quelle nature est cette influence d'arrêt? En pratiquant des sections méthodiques de bas en haut, Spina nota les faits suivants : 1° Si la section de la moelle porte au niveau des deux ou trois dernières vertèbres thoraciques, l'érection et l'éjaculation s'ensuivent, comme il est dit plus haut. 2" Si la section est faite plus haut encore, l'érection survient plus tard, et s'affaiblit. Parfois l'érection ne se produit dans ce cas qu'aprèsexcitation mécanique de la verge. Donc, si la section de la moelle à l'union de la moelle lombaire et tho- racique abolit toutes les influences d'arrêt, elle en atteint d'autant moins qu'elle porte sur une région plus voisine du bulbe. Il est infiniment probable que les nerfs d'arrêt passent plus nombreux vers la région lombaire que plus haut. Les fait! précédents 520 ERECTION. trouvent leur explication naturelle, dit Spina, si l'on admet l'existence de nombreux nerfs vaso-constricteurs à la fin de la moelle thoracique. Les vaso-constricteurs prenant naissance dans le bulbe, la moelle cervicale et thoracique, ceux de la verge confluent vers la région lombaire et la section de la moelle à ce niveau supprime tous les vaso- constricteurs. Soustraite à leur influence, la verge n'obéit plus qu'à l'action des nerfs vaso-dilatateurs; d'où les conséquences qui se traduisent par l'érection et l'éjaculation. Influences sensorielles et psychiques sur rérection. — L'érection est un acte réflexe dont les voies centripètes sont représentées par les fibres sensibles du nerf hon- teux interne, et les voies centrifuges constituées par les nerfs érecteurs sacrés et lombaires. Mais, outre cette action locale, pour ainsi dire, l'érection imprime à l'organisme entier une modification spéciale. On sait avec quelle énergie les grenouilles mâles s'accrochent aux femelles et les tiennent embrassées à l'époque de la ponte des œufs. Bien qu'il n'y ait pas de coït, c'est- à-dire d'intromission d'un oi'gane copulateur, les mâles restent cramponnés aux femelles et, comme l'a déjà montré Spallanzam, les sévices et les mutilations (décapitation, abla- tion des membres) sont insuffisants pour leur faire lâcher prise. C'est grâce à l'épaisseur notable des glandes cutanées sur le pouce du membre antérieur que les mâles peuvent tenir les femelles étroitement embrassées. Au moment de l'acte sexuel fécondateur, les glandes cutanées qui constituent essentiellement ces épaississements prennent un déve- loppement tel que le pouce prend un aspect tuméfié et rougeâtre. 11 est certain que cette modification est le résultat général d'un réflexe dont le point de départ se trouve dans les testicules remplis de spermatozoïdes. Par une série d'expériences sur les grenouilles décapitées, Goltz a montré que le mâle, qu'on vient de séparer d'avec la femelle, continue à embrasser un objet quelconque qu'on met en contact avec ses membres antérieurs. On a l'habitude de désigner ces modifications se traduisant par une excitation générale, sous le nom d'Instinct génital. C'est un besoin qui, pour la reproduction, correspond à l'instinct de la nourriture pour la nutrition. L'instinct génital est réveillé par le fonction- nement des glandes sexuelles; il s'affaiblit ou disparaît avec ces dernières. Avant la puberté, il n'existe pas; après castration, il diminue pour s'éteindre totalement. Chez les animaux à rut périodique, l'instinct génital apparaît avec le fonctionnement des glandes sexuelles. Dans l'espèce humaine, il en va de même. C'est un fait bien connu et signalé depuis longtemps. Serrurier (loc. cit., 429) dit à ce propos : « L'homme le plus chaste, à la vue d'une personne du sexe, surtout si elle réunit sur sa personne un ensemble séduisant, produit une sorte d'influence nerveuse qui, mettant en jeu les organes de la génération, excite sur le système circulatoire une action qui, augmentant le mouvement du cœur et des artères, donne au pouls une énergie qu'il n'avait pas et semble exciter dans tout l'organisme une sorte d'accès fébrile. Cette accélération du pouls s'observe dans les deux sexes. » Je renvoie à l'article Éjaculation pour tout ce qui est relatif à l'excitation et aux modi- fications générales que le fonctionnement des glandes sexuelles et l'érection impriment à l'organisme. Il existe donc un centre d'éreclion et d'éjaculalion dans la moelle lombaire. Dès qu'on sépare ce centre d'avec la moelle thoracique, il entre en activité : la moelle thoracique renferme par conséquent des nerfs d'arrêt pour le centre lombaire. Les expériences de Spina semblent montrer que les filets vaso-constricteurs jouent le rôle de nerfs d'arrêt. Cependant les centres encéphaliques ont une influence sur l'érection et l'éjaculation. Par l'excitation électrique des pédoncules cérébraux, Budge avait déterminé sur le lapin une érection suivie d'éjaculation. Eckhard a obtenu des effets analogues par l'excitation non seulement des pédoncules cérébraux, mais encore de la protubérance annulaire et de la moelle. La portion du système nerveux central placée au-dessus de la moelle lombaire exerce donc, selon les circonstances, une action différente sur le centre lombaire de l'érection et de l'éjaculation. En dehors de toute excitation périphérique et à l'état de veille, l'influence d'arrêt des portions supérieures de l'axe cérébro-spinal empêche l'érection et l'éjacula- tion. A l'époque de l'activité des glandes sexuelles, les impressions que ces organes trans- ERECTION. 521 mettent à la moelle lombaire suffisent pour produire, pendant le sommeil, l'érection et l'éjaculation. A l'état de veille, les impressions transmises au système nerveux central par l'un ou l'autre organe des sens donnent lieu à des excitations qui arrivent dans la moelle lombaire et mettent en jeu le centre de l'érection et de l'éjaculation. Selon les circonstances et l'espèce animale, c'est de préférence tel et tel sens qui réveille le centre (lombaire) ou plutôt l'instinct génital. Chez les oiseaux, le mâle cherche par son chaut à charmer la femelle; chez d'autres espèces (papillons, mammifères), la femelle émet des sécrétions odorantes qui, répandues par l'air, attirent les mâles à des distances vraiment surprenantes. Dans Vespèce humaine, il existe également deux ordres d'influences psychiques dont les unes excitent le centre génito-spinal, et les autres suppriment son action. Les images ou peintures de nudités, les statues aux poses voluptueuses, la conversation ou les gestes obscènes, la lecture de romans ou de livres erotiques, etc., suffisent pour éveiller des excitations cérébrales qui agissent sur le centre lombaire. Il en va de même pour les causes intellectuelles et morales qui, surchaufTant l'imagination, retentissent dans la moelle lombaire et produisent l'érection. Les inlluences précitées mettent peut-être enjeu les vaso-dilatateurs qui, des régions supérieures, descendent jusqu'à la moelle lombaire. D'autres influences psychiques ont un résultat opposé; on sait que les émotions, comme la frayeur, la timidité, la fausse honte, la crainte de l'impuissance, empêchent ou arrêtent l'érection. 11 est possible que, chez l'homme, le mécanisme d'arrêt soit le même que chez le cobaye : l'influence psychique porterait sur les vaso-constricteurs des l'égions supérieures et annihilerait l'effet des vaso-dilatateurs inférieurs. Influence des poisons. — a) Opium. ~ Spina a étudié l'influence de l'opium sur l'érection el l'éjaculation. Il injecte à un cobaye, attaché et couché sur le dos, 0'"',3 de teinture d'opium dans la' veine jugulaire. Au bout d'une demi-minute ou d'une minute, l'animal devient inquiet; sa région génitale commence à être agitée de mouvements sac- cadés et rhythmiques; le pénis entre en érection, et l'éjaculation suit. En un mot, l'opium agit à la façon d'une section de la moelle lombaire. Cependant l'elfet de l'opium n'est pas aussi sûr que la section, et il devient parfois nécessaire de frotter doucement le pénis. En tout cas, Topium exalte l'excitabilité des centres d'érection et d'éjaculation. Une autre série d'expériences corrobore ces conclusions : après chloroformisa- tion et section du bulbe, et pendant qu'on pratique la respiration artificielle, on ne constate au bout de cinq minutes que quelques mouvements saccadés dans la région pénienne, mais point d'érection. Tout en continuant à maintenir l'animal dans l'état de narcose, on sectionne la moelle lombaire : au bout de trois minutes, il n'y a ni érection ni éjaculation. Si l'on injecte alors dans les veines 0'"^,3 d'opium, une érection rapide, suivie d'éjaculation, se produit. Ces expériences prouvent surabondamment que l'opium réveille l'activité des organes génitaux en excitant la moelle lombaire. C'est ainsi que l'opium agit comme aphrodisiaque. En Orient on l'emploie à cet effet. D'autre part, on a noté des érections fréquentes et persistantes dans les empoisonnements par l'opium. b) Strychnine. — Si l'on injecte dans le système veineux d'un cobaye un demi-centi- mètre cube d'une solution de strychnine à 1/2 p. 100, l'animal est pris de convulsions; des mouvements rythmiques apparaissent dans les régions périnéale et anale; le pénis entre en érection, et l'éjaculation s'ensuit. On pourrait faire plusieurs objections à cette expérience : l'éjaculation serait produite, par exemple, par la compression que subissent les A'ésicules séminales à la suite de la contracture des muscles abdominaux. Mais, en ouvrant la paroi abdominale, et après chloroformisation, le tableau de l'empoisonnement par la strychnine reste le même- L'ouverture de la cavité abdominale permet d'observer les mouvements péristaltiques des vésicules séminales débutant vers leurs extrémités aveugles et s'étendant lentement vers leur segment moyen. L'influence de la strychnine est si marquée qu'il est possible de provoquer l'érection (mais non suivie d'éjaculation) sur des animaux qui viennent d'éjaculer. Après la destruction de la moelle lombaire (accompagnée d'éjaculation), l'empoison- nement par la strychnine ne détermine plus d'érection ni d'éjaculation, c) Atropine. — Nikolsky avait soutenu que l'atropine paralyse les nerfs érecteurs. 5ÎJ2 ERGOGRAPHIE, E RGOM ÉTRI E. PioTROwsKi et d'autres ont montré que celte substance n'a nullement cet effet. L'expé- rience suivante de Spixa le prouve définitivement : un cobaye reçut une injection de 1 centimètre cube d'une solution d'atropine à 1 p. 100; six minutes après, on lui injecta un demi-centimètre cube de la solution de strychnine à 1/2 p. 100. Malgré son empoi- sonnement préalable par l'atropine, le cobaye entra en érection, et l'éjaculation s'ensuivit. d) Chloroforme. — La narcose que détermine le chloroforme retarde toujours, comme nous l'avons vu plus haut, l'influence de tous les agents qui produisent l'érection et l'éjaculation. Ce n'est qu'après cessation des inhalations de chloroforme que la section de la moelle est suivie des effets ordinaires sur les organes génitaux. Cependant le chlo- roforme ne paraît guère retarder ni l'érection ni l'éjaculation, dès qu'on injecte à l'animal anesthésié une solution de strychnine. e) Curare. — L'influence du curare est plus énergique que celle du chloroforme. Une injection de 0'^%3 d'une solution de curare à 2 p. 100 peut être suivie d'une injection d'un demi-centimètre cube de strychnine à 1 p. 100, sans qu'on voie survenir ni érection ni éjaculation avant la mort de l'animal. f) Asphyxie. — La pendaison suivie d'érection et d'éjaculation serait due au manque d'oxygène. L'expérience suivante n'est guère favorable à cette interprétation. En posant une ligature sur la trachée-artère d'un cobaye, Spina vit l'animal mourir d'asphyxie, sans qu'il se produisît ni érection ni éjaculation. Les mémoires dont je parle dans le texte et dont on ne trouve pas l'indication ici, sont mentionnés à la fin de l'article Ejaculation. Bibliographie. — Eckhard. Beitrdge zur Anatomie u. Physiologie, m, 1863, iv et vu, (67-80). — François-Frange. Recherches sur Vinnervation vaso-motrice du pénis (Archives de physiologie normale etpathologic^ue, 1895, 123. — Comptes Rendus de la Société de Biologie, 30 nov. 1894). — Goltz. Ueber das Centrum der Erectionsnerven (A. g. P., vu, o82). — Goltz et Freosberg [Ibid., viii, 460 et ix, 174). — Grûenhagen (A.). Physiologie der Zeugung, 1888. — Gunther. Untersuchungen u. Erfahrungen aus dem Gebiete der Ana- tomie, etc., !■''= livraison, Hannover, 1837. — Graaf (R. dk). De virorum organis genera- tionl inservientibus. 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ERGOMETRIE. — Nous avons vu, à l'article Dynamomètre, comment on peut inscrire directement le travail produit pendant un effort constant, ou à peu près constant. Ces appareils sont, à proprement parler, des ergographes. Mais, s'ils peurent ERGOMÉTRIE. 523 s'appliquer à l'étude de la traction d'une voiture, ils sont inapplicables, ou au moins très peu commodes à appliquer, quand il s'agit d'étudier le travail produit par un muscle déterminé. C'est là cependant l'étude primordiale qui doit être faite, si l'on veut obtenir des donne'es vraiment nettes sur la résistance à la fatigue des muscles ou du système neuro-musculaire. Il est nécessaire, en effet, pour cette étude, de s'adresser à un muscle de section assez faible pour que son travail ou sa fatigue ne réagisse pas sensiblement sur la circulation et la respiration. Si nous prenons alors un muscle travaillant isolément, nous sommes obligés de mesurer le travail produit dans un mouvement alternatif, car un muscle isolé est toujours obligé, quand il a fait une contraction maximale, de se relâcher pour pouvoir recom- mencer. Dans ce cas, si on suppose un poids attaché au bout du muscle, il n'y aura pas de tra- vail produit, au sens mécanique du mot, le poids restituant dans sa chute le travail dépensé pour son soulèvement. Si nous nous plaçons au contraire au point de vue phy- siologique, nous devons distinguer deux cas : i° Ou bien le muscle se relâche brusquement, et le poids redescend de lui-même à sa position primitive; dans ce cas le muscle dépense à chaque contraction le travail nécessaire à élever le poids, et au bout d'un certain nombre de contractions, il a accompli un travail physiologique équivalant à la somme des travaux positifs dépensés dans chaque contraction. 2° Ou bien le muscle soutient le poids pendant sa chute. Dans ce cas, il dépense cependant un travail physiologique : il accomplit ce que les physiologistes nomment un travail négatif, qui fatigue le muscle de la même façon que le travail positif. Les lois de ce travail sont à peu près inconnues. Mais qu'il nous suffise de savoir que, dans tous les cas où un muscle accomplit une série de contractions rythmées avec un poids tenseur, dans des conditions bien déterminées, il accomplit un travail physiologique dont on a une mesure proportionnelle par la somme des hauteurs de soulèvement multipliée par le poids tenseur quand on connaît les conditions du travail. L'étude du travail musculaire dans ces conditions répond d'ailleurs à une question du domaine de la pratique courante. Dans la traction d'une voiture on produit bien un effort à peu près continu par le jeu de groupes de muscles; mais dans le maniement des outils, on exerce toujours un effort dans le même sens, avec un retour en arrière à vide par le jeu des antagonistes. Pour l'étude des problèmes qui se rattachent au travail ainsi défini, tous les myo- graphes peuvent être utilisés. Il suffit de mesurer chacune des hauteurs de contraction et de faire la somme. Il semble donc que, pour traiter le sujet, nous devions parler de tous les travaux qui ont été faits sur l'enregistrement de la contraction musculaire. C'est là un sujet pour lequel nous renvoyons à l'article Muscle. Nous nous limiterons à l'étude du travail produit par le muscle mû par la volonté c'est-à-dire à l'élude de l'appareil neuro-musculaire. I. — ÉTUDE DE L'ÉPUISEMENT MUSCULAIRE L'expérience quotidienne nous montre que notre appareil neuro-musculaire peut produire des efforts considérables qui l'épuisent rapidement, et il est certain que la façon dont il peut résister à de pareils efforts est un signe de son intégrité. Si donc on force un muscle à travailler en produisant ces efforts dans des conditions bien détermi- nées, jusqu'à l'impotence fonctionnelle momentanée dans ces conditions, on pourra, par la mesure du travail produit dans cette période, avoir une idée nette de l'état du système neuro-musculaire. C'est cette sorte d'étude qui a été faite par Mosso d'abord, puis par ses élèves et divers imitateurs. Tous ont employé les courbes de fatigue ainsi obtenues pour étudier les variations du système neuro-musculaire suivant les conditions où il se trouve placé. Il est certain que la résistance à l'épuisement est un excellent signe de l'aptitude au travail du sujet en expérience ; il n'y a donc pas lieu d'insister sur l'importance consi- dérable de ces travaux. Dans la suite, nous parlerons constamment du travail d'épuisement du muscle, ou de résistance à répuisement. Ces mots sont commodes, à condition qu'on précise bien l'idée 524 ERGOMETRIE. qu'ils expriment. 11 faudrait ajouter toutefois au mot épuisement le mot pour le poids employé. En elYet, en 1897, Binet et Vaschide employèrent un ergographe non plus à poids, mais à ressort, car ils avaient observé que le muscle, épuisé par un poids donné, sous l'impulsion volontaire, était encore capable de donner un travail considérable avec un poids plus faible; avec un ressort, l'etfort maximum se gradue de lui-même, et on peut prolonger pendant un temps très long les contractions possibles du muscle. Cet appareil a d'ailleurs un inconvénient, c'est que le travail total est difficile à évaluer, l'effort variant à chaque instant. En 1898 et 1900, Trêves vérifia ce fait dans des expé- riences nombreuses exécutées soit sur le gastrocnémien du lapin, soit sur le biceps de l'homme, en employant des poids diminuant graduellement, suivant les expériences, ou bien quand la hauteur de contraction devenait très petite ou quand elle commençait à faiblir. Il est donc bien entendu que, dans tout ce qui va suivre, nous appellerons travail d'épuisement ou résistance à l'épuisement ce qui est relatif à un poids donné. Technique. — La technique employée par les divers auteurs a peu varié : aussi allons-nous la décrire telle qu'elle a été créée par Mosso. Nous indiquerons, à propos des travaux de chacun, ce qui diffère de la description ci-dessous. La difficulté est de s'assurer qu'un muscle bien déterminé fonctionne toujours de la même manière dans tous les cas. On ne peut, comme sur les grenouilles, isoler le FiG. 234. — Ergographe de Mosso. — Appareil fixateur de la main. muscle, et on doit admettre que, dans l'excitation volontaire, jamais on ne fait travailler normalement un muscle seul. Mosso ne put obtenir un résultat parfaitement satisfaisant qu'avec les fléchisseurs des doigts de la main. Dans ses expériences il employa le médius tii'ant sur un poids. Il renonça à l'emploi d'un ressort à cause de la difficulté d'estimer convenablement le travail dans ce cas, et des conditions de résistance variable où se trouve placé le muscle; il donna à son appareil le nom d'ergographe. L'ergographe se compose de deux parties. La première tient la main ferme, l'autre inscrit les contractions sur un cylindre enregistreur. La main est fixée sur une plate- forme représentée fig. 234, Sur le coussinet A pose le dos de la main : sur B repose l'avant-bras. Les mâchoires CD, garnies également de coussinets, embrassent le poignet pour bien fixer la main. Ces mâchoires sont portées par des tiges métalliques qu'on peut maintenir par des vis de serrage dans de petits étaux. On peut ainsi serrer les divers poignets et régler le serrage. Deux autres étaux E ¥ portent des tubes G H dans lesquels on introduit l'index et l'annulaire. Les étaux mobiles permettent de régler l'appareil à volonté pour les divers sujets. Le médius peut alors se mouvoir dans des conditions parfaitement déterminées. On fixe à sa deuxième phalange un anneau lié à une cordelette qui porte le poids, et sur le trajet de laquelle est placé un style enregistreur. Pour la commodité du travail, le bras doit être un peu en pronation : aussi la plate- forme de fer est-elle inclinée de 30° environ vers le côté interne. En même temps, pour que le bras soit dans une bonne position quand le sujet en expérience est assis à côté de la table qui porte l'appareil, la partie antérieure est soulevée de quelques centimètres. La seconde partie est le curseur enregistreur fig, 235. On voit immédiatement sur la figure que le chariot porte-style ORPQ glisse sur les deux tiges d'acier horizontales NN'. La plume peut être appuyée sur le cylindre en tournant autour de l'axe R, et finalement ERGOMETRIE. 325 en agissant sur la vis P qui la fléchit. Le brin S de la corde vient du doigt, et le brin T porte le poids tenseur. Un arrêt mobile k permet de limiter la course du poids. De la sorte, on peut faire tra- vailler [le muscle, soit en charge [Belastung], soit en surcharge (Ueberlastung) . La vis c permet de régler avec précision le point où la charge commence à agir dans le travail en surcharge. Les contractions ont presque toujours été réglées dans les travaux de Mosso et de ses imitateurs, à une contraction toutes les deux secondes. Un métronome indiquait au sujet en expérience le tnoment où il devait elTectuer la contraction. Une question qui se pose immédiatement est celle de savoir à quel raccourcissement effectif du muscle correspond une élévation donnée du poids. Mosso, opérant sur un cadavre, et ayant disséqué les tendons des deux Héchisseurs, vit que, pour le fléchisseur sublime, un raccourcissement de l^à partir de l'extension soulève le poids de 8 milli- mètres. Un raccourcissement de "2" à partir du même point le soulève de 27 millimètres, FiG. 235. — Ergograplie de Mosso. — Appareil inscripteur. et un raccourcissement de', 3'^, de 46 millimètres. Pour le fléchisseur profond, les sou- lèvements sont de 7, 17 et 31 millimètres. Cette donnée n'a pas été employée jusqu'ici, mais peut-être sera-t-elle un Jour utile à connaîti'e. Loi delà fatigue. — Dans ces expériences, le choix du poids est important. Si, en effet, on prend un poids tiop fort, la fatigue arrive après un nombre très faible de contractions, et les observations sont peu nettes. Si le poids est trop faible, les contractions peuvent durer indéfiniment avec la même hauteur : on ne peut donc étudier la fatigue. D'ailleurs, le choix du poids convenable dépend de la fréquence des contractions. Maggiora a vu, en effet, que, avec le poids de 6 kilogrammes, des contractions du médius répétées toutes les dix secondes pouvaient se continuer indéfiniment avec la hauteur maximum. C'est pour cela que, dans toutes ces expériences, il faut spécifier parfaitement le poids et le rythme employés. Le poids convenable varie d'ailleurs avec les individus. C'est ainsi que celui qui convenait le mieux à Maggiora était de 2 kilogrammes, alors que des hommes très vigoureux et entraînés peuvent employer des poids aflant jusqu'à 6 kilogrammes, toujours avec la fréquence de 2''. Mosso vit par ces expériences que, quand on fait constamment l'effort le plus grand qui soit possible, sur un poids assez fort, les contractions successives diminuent en sui- vant une loi parfaitement régulière. Il fit fréquemment les expériences sur le même 526 ERCOMETRIE. sujet, et il vit que, pour chacun d'eux, la forme de courbe de fatigue pour un poids donné était constante. Les figures 236 et 237 donnent les formes de « courbes de fatigue » qui se sont montrées persistantes pendant quatre ans pour Maggiorâ (fig. 236) et Aducco (fig. 237). Cependant, sous diverses actions, les courbes peuvent changer. Nous étudierons tout à l'heure les variations, voyons d'abord en quel point de l'appa- reil neuro-musculaire se produit la fatigue. Pour Mosso, le phénomène a lieu en grande partie dans le muscle et partiellement aussi dans les centres nerveux. Il arrive à cette conclusion en comparant les effets des excitations volontaires et des excitations électriques sur le muscle. Le nerf médian était excité électriquement dans ces expériences au moyen du chariot de du Bois-Reymond : on réglait la distance des bobines de manière à obtenir une contraction notable avec une douleur supportable. Dans ces conditions, la série des contractions obtenues sons l'action électrique prend à peu près le même aspect que la série des excitations volontaires. Mosso en conclut que la fatigue est, au moins pour la plus grande partie, d'origine périphérique. Cela est pos- FiG. 236. — Courbe d'épuisement de Maggiorâ. Fig. 237. — Courbe d'épuisement d' Aducco. sible; mais un doute est permis, car rien ne prouve que sur un homme éveillé l'action électrique ne provoque pas une innervation réflexe; on ne peut pas croire qu'une se- cousse donnée par 'un nerf irrité non coupé est d'origine purement périphérique. 11 est donc bien possible que, dans l'expérience de Mosso, la fatigue obtenue par les excitations électriques du nerf soit encore d'origine nerveuse centrale. Quoi qu'il en soit, les expé- riences méthodiques ont montré que la fatigue due à l'action électrique ne portait pas exactement sur le même point de l'appareil neuro-musculaire, que la fatigue due à l'action volontaire. En effet, quand on épuise l'action électrique, on peut recommencer sous l'action volontaire une nouvelle courbe de fatigue un peu moins étendue que la courbe normale, mais correspondant à un travail total très notable encore. Quand l'ex- citation volontaire est épuisée, on peut encore obtenir des secousses électriques, mais très petites, puis, après épuisement nouveau de l'action électrique, la volonté peut encore donner une seule secousse notable, puis plus rien. Si on commence par l'épuisement de l'action volontaire, les phénomènes sont tout à fait analogues. Influence du repos. — Quand on arrête un moment l'innervation volontaire, on peut reprendre une nouvelle courbe de fatigue. La première question qui se pose est de savoir au bout de quel temps, à l'état normal, cette courbe de fatigue nouvelle corres- pondra au même travail total que l'ancienne. Les expériences ont été faites à ce sujet par Maggiorâ. 11 a vu qu'un laps de deux heures était indispensable pour arriver à ce résul- tat. Au bout de deux minutes, on obtient déjà un travail d'épuisement notable, mais au bout d'une heure et demie on peut encore voir une diminution du travail d'épuisement. ERGOMETRIE. 527 Oscillations de l'excitabilité. — Warren P. Lombard acomplété ces expériences. Il a vu que, dans certaines conditions de poids, on peut obtenir, en persistant à envoyer des impulsions volontaires au muscle malgré l'épuisement apparent, un nouveau tra- vail mécanique. Ces expériences sont extrêmement pénibles : aussi ont-elles réussi sur trois sujets seulement, alors que neuf ont été soumis à l'expérience. C'est là un fait qui n'étonnera aucun de ceux qui ont pratiqué l'ergométrie. C'est une véritable souffrance d'exiger un travail maximum d'un muscle fatigué. Ces oscillations de l'excitabilité volontaire peuvent se renouveler plusieurs fois. Warren P. Lombard en a obtenu cinq en un travail prolongé pendant douze heures. Ces périodes ne se voient jamais quand on excite le muscle au moyen de l'électricité. Il est donc certain que leur origine est centrale. Trêves cependant a obtenu, sur le lapin, des oscillations analogues. Il y a donc contradiction entre les deux auteurs. Mais Trêves a vu cela sur le lapin après des excitations extrêmement prolongées, au lieu que War- ren P. Lombard l'a observé sur l'homme dès les premières minutes avec l'action volon- taire, et ne l'a pas observé avec l'action électrique dans les mêmes conditions que Trêves. On ne peut donc s'associer aux conclusions de cet auteur qui met en dpute les conclu- sions de Warrex P. Lombard, puisque les conditions étaient différentes. L'expérience réussit encore, si l'on cherche à soutenir le plus haut possible un poids en contraction statique. La hauteur à laquelle il est soulevé varie périodiquement (Trêves). Poids et fréquence optimum. — La courbe de fatigue varie suivant le poids employé. Maggiora a fait une étude approfondie de cette action. Non seulement la forme de la courbe qui, dans des conditions bien déterminées, est constante pour un même sujet, varie notablement avec le poids, mais le travail total correspondant à l'épuisement du muscle est variable suivant le poids. L'expérience fut faite d'après la méthode indiquée an début, en mesurant les sommes des hauteurs de soulèvement obtenues pendant une courbe de fatigue. Maggiora obtient sur lui-même les résultats suivants : POIDS. TRAVAIL d'Épuisement en kilogrammètres. 1 kilogramme 2,238 2 — 2,646 4 — 1,892 8 — 1,04 Pour les poids faibles, l'abaissement du travail correspondant à une courbe de fatigue est faible,'si même il ne se prolonge pas indéfiniment; il y a en effet , pour chaque obser- vateur, un poids au-dessous duquel il peut se contracter indéfiniment, ou du moins pen- dant un temps très long. Pour lui-même, l'auteur trouva que le poids était de 500 grammes environ; il trouva 1 kilogramme pour d'autres personnes. Il vit aussi, comme nous l'avons déjà mentionné, que la variation du rythme chan- geait les conditions. Alors que le poids de 6 kilogrammes soulevé toutes les quatre secondes donnait une courbe de fatigue correspondant à un travail de 2,148 kilogram- mètres, et qu'il fallait ensuite deux heures avant de retrouver l'intégrité du muscle, on pouvait au contraire, en espaçant de 10 secondes les contractions, obtenir un travail en régime tout à fait permanent de 34-, 560 kilogrammètres à l'heure, c'est-à-dire un travail 32 fois plus considérable. Si nous évaluons la puissance moyenne disponible par seconde dans ce travail, nous voyons qu'elle est de 9,5 grammètres environ. Nous verrons plus loin qu'on peut, dans des conditions analogues, obtenir du muscle un rendement beaucoup plus grand en régime permanent. Cette manière de compter la puissance moyenne du muscle en régime permanent est légitime, car nous avons déjà vu que, dans le cas oti le muscle arrive à s'épuiser, il fal- lait deux heures de repos pour lui permettre de retrouver son intégrité. C'est donc bien le travail total obtenu avec des intervalles de deux heures qu'il faut comparer au travail continu, car c'est à ces conditions que correspond le régime vraiment permanent. Une autre question se pose, celle de savoir quelle fréquence il faut employer avec un poids donné, pour obtenir une valeur donnée du travail d'épuisement. Maggiora a 528 ERG OMET RIE. abordé cette question, mais il ne l'a pas poussée jusqu'à l'étude si intéressante du régime permanent. Il est vrai que son instrument ne lui permettait pas une mesure commode d'un travail prolongé longtemps. L'expérience fut faite en soulevant d'abord 1 kilogramme au rythme de 1", puis 2 kilogrammes à 2", puis 2 kilogrammes à 3", puis 2 kilogrammes à 4". Le travail pro- duit avec 2 kilogrammes à 2" fut plus faible qu'avec 1 kilogramme à i"; avec 2 kilo- grammes à 3" le travail fut un peu supérieur au premier. Avec 2 kilogrammes à 4" le travail d'épuisement devient beaucoup plus grand. Par l'excitation du nerf médian dans les mêmes conditions, l'augmentation avec le rythme de 3" est plus grande qu'avec l'excitation volontaire. Par l'irritation directe des muscles, il y a même travail produit avec 2 kilogrammes au rythme de 2" qu'avec 1 kilo- gramme au rythme de i". En somme, dans la contraction volontaire, il faut un temps presque proportionnel au poids pour amener la capacité de travail au même point avec les poids de 2 kilo- grammes et de 1 kilogramme. Temps de restauration. — Maggiora, en prenant les courbes de fatigue à une heure d'intervalle avec le poids de 3 kilogrammes, vit que le travail d'épuisement reste le même pendant les trois premières expériences, puis que le travail diminue progressivement ; avec une heure et demie d'intervalle, le travail d'épuisement se maintient à la même valeur pendant huit expériences, puis il baisse. La période de repos de deux heures permet au contraire la restauration complète du muscle. Sur des soldats bien entraînés, la période d'une heure et demie semble suffisante. Grandeur de l'innervation et fatigue. — Mosso, au moyen d'un appareil qu'il nomme ponomètre, étudie la grandeur de l'impulsion volontaire pour les diverses con- Fie. 238. — Pouomètre de Mosso. tractions maxima. Le poids H peut tourner autour de l'axe c. Le bras de levier E D est maintenu horizontal par la fourchette G. Le levier coudé m n o porte en 0 la cordelette du doigt, et un petit ressort p le ramène à l'horizontale et l'arme quand le doigt se relâche. En m se trouve un loquet à ressort, dont on peut régler la longueur. Quant m est horizontal, le loquet est en prise et le doigt soulève le poids en se contractant. L'appareil se déclenche à la hauteur qu'on veut, d'après le réglage du loquet, et le doigt, une fois libéré du poids, accomplit une course d'autant plus grande que l'impulsion volontaire qu'on lui a envoyée pour soulever le poids est plus grande. On voit par ce procédé que la hauteur de course du doigt libéré est d'autant plus grande que la contraction est d'un ordre plus élevé. Les tracés semblent être en sens inverse de ce qu'ils sont pour la ERCOMÉTRIE. 529 courbe de fatigue ordinaire. Cela prouve que l'innervation volontaire augmente à mesure que la fatigue augmente. Maggiora a montré la corrélation de ce fait et de l'effet d'épuisement produit par la contraction du muscle fatigué. Ces derniers causent au système neuro-musculaire un épuisement beaucoup plus grand que les hautes contractions du début. Quand il deman- dait à son muscle iléchisseur seulement lo contractions avec 3 kilogrammes, il pouvait recommencer le travail toutes les demi-heures, sans qu'après 21 expériences consécu- tives il y eût de différence notable dans les tracés obtenus. On peut calculer quel est, par ce procédé et par celui du travail d'épuisement renou- velé toutes les deux heures, le travail produit au bout de la journée. On voit ainsi que le travail fait par 13 contractions toutes les demi-heures donne au bout de la journée 27 kilogrammètres environ, et celui qu'on obtient par le travail d'épuisement toutes les deux heures n'est que de 14,7 environ. Le fait que le temps de restauration est le quart seulement pour un travail moitié produit sans épuisement complet, montre que, pour l'appareil neuro-musculaire intact, comme Kronecker l'a déjà vu sur le muscle de grenouille, les contractions très faible du muscle fatigué lui sont beaucoup plus nuisibles que les contractions très hautes des débuts du travail. II. — INFLUENCES QUI MODIFIENT LA RÉSISTANCE DU MUSCLE A L'EPUISEMENT Dans ce chapitre, nous étudierons d'abord l'influence des variations des conditions physiologiques et l'action de divers médicaments. Circulation. — La condition la plus importante au point de vue du travail musculaire est une bonne circulation. Les expériences qui le démontrent sont dues à Maggiora. H commença par étudier l'action de l'anémie produite en comprimant l'humérale au bras. Cette action est considérable. Alors que, dans une expérience normale, il produisait 2,7 kilogrammètres comme travail d'épuisement, il ne produisait plus que 0,652, après trois minutes d'anémie. La première contraction dans ces conditions était aussi haute que dans les conditions normales, mais la décroissance des contractions successives beaucoup plus rapide. Avec une anémie poussée pendant dix minutes, la première contrac- tion devenait déjà beaucoup plus faible. L'effet de l'anémie est très vai'iable suivant les individus. Les uns résistent mieux que les autres. Dans quelques expériences, aussitôt après le retour de la circulation, la contraction se rétablit beaucoup plus vite qu'elle n'a déoiù; chez les autres, il faut uîl temps très long pour que la fonction se rétablisse. Ces différences sont dues, je pense, aux variations de la façon dont l'anémie est faite, et du travail que le sujet a exigé de son muscle. La compression de l'humérale peut n'être pas exacte, et, môme si elle l'est, la circulation collatérale peut avoir des variations considéi'ables suivant les individus. Sur le chien André Broga et Ch. Richet ont obtenu des résultats plus constants, car les expériences étaient faites sur les fléchisseurs de la patte poslérieui^e, soit en ligaturant l'aorte abdominale, soit en asphyxiant l'animal par un robinet trachéal. Us ont vu alors que, quand on épuisait le muscle par l'anémie, par l'excitation électrique du sciatique, il arrivait à un véritable état de rigidité, si le poids soulevé était assez considérable. Il faut que le travail atteigne une certaine valeur pour que le muscle soit épuisé d'une manière durable. Inversement, quand on place le muscle dans des conditions de suractivité circula- toire, il produit un travail d'épuisement beaucoup plus grand, et sa restauration après épuisement est aussi beaucoup plus rapide. Dans une première série d'expé- riences faites tous les quarts d'heure, Maggiora montre que, aloi^s que sans massage les deux premières courbes d'épuisement seules sont presque identiques, les suivantes dimi- nuant très rapidement, on obtient, quand le muscle est massé pendant les intervalles d'un quart d'heure de repos, huit tracés consécutifs identiques. Quand on fait le décompte du travail total dans les deux expériences prolongées chacune pendant deux heures, on voit que le muscle massé a donné un travail total quadruple. Mais cela ne se continue pas indéfiniment. Au bout de deux heures, l'influence DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 34 530 ERGOMETRIE. du massage cesse, le muscle est épuisé complètement, et il lui faut deux heures de repos pour se restaurer comme dans le cas habituel. La suractivité circulatoire lutte donc contre l'épuisement jusqu'à un certain point. Il semble qu'il y ait dans l'épuisement du muscle deux périodes. L'une est due à des produits de combustion dont une circulation plus active peut diminuer la formation ou empêcher dans une certaine mesure l'accumulalion nuisible ; l'autre est due à une attaque plus profonde de la fibre musculaire. La suractivité circulatoire éloigne le moment où l'effet de ce processus se fait sentir. Revenant plus tard sur la question du massage, Maggiora vit que son action s'exerce également quand il est pratiqué avant toute fatigue, et que, dans ces conditions, sa durée n'a pas besoin d'être prolongée au delà de cinq minutes. Il eut en effet le résultat suivant : CONDITIONS TRAVAIL D'ÉPUISEMENT. en kilogrammf'li'es. normales 6,22 2' de massage avant le travail 7,78 & — — 10,72 10' — . — 9,68 15' — — 10,26 Il étudia aussi l'action des diverses formes du massage, frottement, percussion, pétris- sage, et il vit que le frottement et le pétrissage avaient des effets analogues, mais que le mieux était de les employer alternativement. Le massage agit d'ailleurs sur les muscles épuisés par toutes les causes. Nous verrons ci-dessous que bien des causes agissent sur le travail d'épuisement ; le massage en atténue toujours les effets. Fatigue d'autres muscles. — La cause de l'augmentation de résistance par suracti- vité circulatoire, que nous avons mentionnée ci-dessus, était rendue probable par bien des expériences de Kronecker, Petïenkoffer et d'autres. Mosso l'a mise hors de doute (mémoire de 1890), en injectant à un chien reposé le sang d'un autre chien fatigué par un travail excessif : le chien auquel on a injecté le sang de l'animal fatigué présente lui-même tous les phénomènes de la fatigue. Les expériences ont été variées de bien des manières. En prenant la courbe de fatigue d'hommes soumis auparavant à une marche forcée, dans laquelle les fléchisseurs du médius n'avaient joué aucun rôle, Maggiora vit une très notable diminution du travail d'épuisement. Jeûne. — Le jeûne a une action très notable sur la valeur du travail d'épuisement, ainsi que l'a montré Maggiora. 11 est remarquable que l'ingestiou d'un repas fasse remon- ter immédiatement le travail d'épuisement à sa valeur normale. L'auteur attribue ce fait avec beaucoup de raison à la diminution de la circulation dans le jeûne, et à sa reprise immédiate après l'ingestion d'un repas. Cela revient à dire que la diminution de l'apti- tude du muscle au travail dans le jeûne est due aux phe'nomènes nerveux de la faim. On sait, d'un autre côté, depuis longtemps, que l'aptitude au travail dans le jeûne peut être longtemps maintenue par l'emploi de la coca et de la kola, qui agissent en suppri- mant les symptômes de la faim. Notre organisme contient des réserves suffisantes pour bien des jours de travail, la faim nous avertit de les renouveler dès que la consomma- tion a atteint une faible fraction delà réserve. Dans le même ordre d'idées, Koch a vu que l'absoi^ption d'une petite quantité d'eau quand on asoif augmente le travail d'épuisement. Si Ton boit trop, ce travail subit au contraire une diminution. Ce fait expérimental cor- robore l'observation quotidienne de tous ceux qui font des marches ou de la bicyclette. Boire un peu donne de l'énergie, boire beaucoup augmente la fatigue. Influences psychiques. — La fatigue psychique agit fortement aussi sur l'aptitude au travail. Mosso l'a montré en mesurant le travail d'épuisement de Maggiora avant et après des séries pénibles d'examens que ce dernier faisait passer. Après le travail intel- lectuel, le travail d'épuisement subissait une forte diminution. Température. — La température du bras a une action sur le travail d'épuisement. L'élévation de la température locale par un bain de bras à 45" a une faible action ; au contraire l'abaissement de la température en a une grande. Dans un bain de bras à 15°, le travail d'épuisement devient quatre fois plus faible, et dans la glace fondante après ERGOMETRIE. 531 vingt minutes, dix-neuf fois plus faible que normalement (Patrizzi). Le même auteur a cherché une relation entre les variations quotidiennes de la température et le travail d'épuisement: il trouva le maximum de travail dans l'après-midi. Les résultats sont peut- être discutables. Quand, en effet, on cherche de petits effets par ces expériences, on est exposé à des erreurs, l'influence psychique étant considérable, comme l'ont montré les expériences de Koch. Citons à. ce sujet les expériences de ce dernier. Cet expérimentateur, étudiant l'action de divers médicaments, dont nous allons parler bientôt, vit que, en avalant après épuise- ment une pilule qu'il croyait active et qui était simplement de mie de pain ou de terre holaire, il put i^eproduire un nouveau travail égal aux 3/4 du travail d'épuisement nor- mal. D'ailleurs cette action ne peut se reproduire plus de deux fois. De même quand, à une impulsion volontaire normale, on ajoute une impulsion d'ori- gine réflexe, on peut obtenir des secousses plus hantes sur le muscle fatigué. Cela a été vu par HoFBAUER au moyen de coups de pistolet qu'il tirait à des moments déterminés avant les contractions, qui étaient rares. Il a eu, dans certains cas, l'effet décrit, et quel- quefois aussi, quand le temps entre le coup de feu et l'impulsion volontaire devenait de 2 ou 3 secondes, une diminution due probablement à la fatigue antérieure parle coup de feu. Ces expériences montrent nettement la part du système nerveux central dans la fatigue de la contraction volontaire. Santé générale. — Nous avons vu, au début de cet article, que la courbe de fatigue d'un même sujet dans les mômes conditions était toujours analogue; Maggiora a montré dans ces derniers temps que, en treize ans environ, la sienne s'était notablement modi- fiée, une augmentation s'étant produite de vingt-deux à trente-cinq ans. Cela répond à une amélioration de la santé générale, Mosso observa sur son garçon de laboratoire une notable diminution du travail d'épuisement, après une maladie de l'œil qui semblait n'avoir eu aucun retentissement sur l'état général. Action des médicaments. — Cocaïne et caféine. — Ivooii, dont nous avons déjà cité le travail, commença cette étude en modifiant un peu la technique. Il prenait une courbe d'épuisement avec 5 kilogrammes soulevés toutes les deux secondes, se reposait deux minutes, recommençait une nouvelle courbe d'épuisement, se reposait encore deux mi- nutes etc. L'expérience durait en général trois quarts d'heure avant épuisement complet. Il se reposait une heure et demie avant de recommencer. Nous avouons, d'après les expé- riences de Maggiora, que ce laps de temps nous semble un peu court. C'est probablement à cela qu'est due la contradiction entre ses résultats et ceux de Patrizzi. Il vit que la première série à huit heures du matin lui donnait toujours le travail maximum. S'il avait attendu deux heures entre chaque expérience, ou peut-être même trois heures, puisque son épuisement était plus complet que dans les expériences faites avec la technique de Mosso, les résultats eussent été probablement changés. Mais cette critique n'entache pas les résultats de l'auteur relativement à l'action psychique dont j'ai déjà parlé, et à l'ac- tion des médicaments. Insistons cependant sur cette technique, qui montre bien l'effet du repos, même court, et qui introduit une simplification dans l'évaluation du travail, par l'emploi d'un Collecteur de travail; nous décrivons plus loin ces appareils en détail. L'appareil dont se servit Koch, dû à Sobieransky, permit de mesurer aisément le travail assez considérable produit dans ces expériences. Il vit que l'action de la cocaïne et de la caféine était considérable. Je donne ci-dessous un tableau portant le résultat de deux expériences faites à deux jours différents : le travail est mesuré en kilogrammètres. HËURRS NOMBRE NOMBRE des de travail de travail expériences. segments. normal. segments. avec cocaïne. 8 . . . . 18 38,465 15 50 10 ... . 15 27,025 20 34,5 12 ... . 15 25,6 10 49 2 . . . . 20 40,14 19 45 4 . . . . 17 25,8 17 38 6 . . . . 15 26,6 15 30 8 . . . . 15 30. 17 38 Total par jour 213,630 310,5 53-2 ERGOMETRIE. On voit que, sous l'action de la cocaïne, le travail a augmenté d'un tiers environ pour la journée entière. Sucre. — Ugolino Mosso et Paoletti ont vu que l'ingestion d'eau sucrée produisait un effet notable sur la résistance à l'épuisement. Ils essayaient, après avoir épuisé les muscles, quel travail l'eau sucrée leur permettait de produire immédiatement. Ils ont vu de petits effets, mais leurs expériences leur ont permis de conclure que le maximum d'effet est pro- duit par des doses de 30 à 60 grammes de sucre, diluées dans 0 à 10 fois leur volume d'eau. Suc testiculaire. — Dans le même ordre d'idées, on a étudié l'action du suc testi- culaire de Brown-Séquard. Les premières expériences sont dues à Copriati. Il vit que, dans des expériences étendues sur quinze jours d'observation pendant lesquels on injec- tait chaque jour 1*^" de suc testiculaire, le travail d'épuisement augmentait notablement. Il le vit passer de 7 kilogrammèires environ à 10. Dans le rapport qu'il fit sur ce sujet, Brown-Séquard considère cela comme absolument probant, quoique Copriati ait mon- tré dans son mémoire que le simple entraînement produit des effets tout à fait ana- logues. Dans des expériences sur ce dernier sujet, il vit le travail passer en quinze jours par le seul entrainement de 12 à f7 kilogrammètres. Mais les meilleures expériences sur ce sujet sont celles de Zoth et de Pregl. Ils cherchèrent à voir si le suc testiculaire, qui ne faisait rien sur le travail d'épui- sement, n'agissait pas notablement sur la reconstitution du muscle. Ils prirent un poids de 5 kilogrammes soulevé au rythme de 2", en le maintenant soulevé chaque fois jusqu'à la fin de la seconde. De la sorte la fatigue se montrait nette entre 20 et 50 con- tractions. Ils n'attendaient pas l'épuisement du muscle, mais ils faisaient 70 contrac- tions, puis se reposaient 20", puis 20 contractions, 30" de repos, 20 contractions, 40" de repos, 20 contractions, uO" de repos, 20 contractions, 00" de repos et 20 contractions. Ils s'injectaient 1 centimètre cube de suc testiculaire par jour. Us ont vu alors le travail total d"uue série passer de 21,46 kilogrammètres à 36 pour l'un et de 21,14 à 27,21 pour l'autre. La modification ne portait pas sur le travail de la première période de 70 con- tractions, mais sur les suivantes. L'enti'aînement peut rendre compte de ces faits, comme de ceux de Copriati. Mais, dans l'expérience suivante, son influence semble éliminée. En effet, l'entraînement subsiste même après plusieurs mois de repos; son effet est donc tout à fait acquis, et, après quelques semaines, il n'augmente plus. Les deux observateurs, après s'être entraînés convenablement, continuèrent l'expérience, l'un en prenant une injection quotidienne de suc testiculaire, l'autre sans aucune injection. Le second conserva pendant une semaine sa moyenne de travail, pendant que l'autre montaitde 4o p. 100. Puis le second reçut des injections de suc testiculaire, et, au bout d'une semaine, son travail avait monté de 3.) p. 100, alors que celui de l'autre restait constant. L'action du suc testiculaire semble ici bien nette. Ces expériences prouvent de plus ce fait intéressant que, pendant la période d'entraînement, l'action du suc ne se manifeste pas : il semble que l'accroissement de résistance à la fatigue du muscle ne puisse dépasser une certaine limite en un temps donné. Pregl complète ces études en montrant que la glycérine a un effet inverse. Elle diminue le travail donné par le muscle, non dans la première période de travail, mais dans les suivantes. IM. — ÉTUDE DU TRAVAIL EN RÉGIME PERMANENT Dans ce qui précède, nous avons vu les lois de l'épuisement et de la reconstitution du muscle quand on lui demande de dépenser son énergie sur des poids considérables. Mais il est d'observation journalière qu'un muscle peut travailler d'une manière constante pen- dant de longues heures. L'exemple de la marche, celui de longues épreuves de résistance à bicyclette, le prouvent surabondamment. Il est donc certain qu'avec des efforts assez faibles un muscle peut développer avant épuisement une somme de travail énorme. On sait aussi, par l'expérience quotidienne, que les meilleures conditions de travail sont celles où le muscle répète son effort avec la plus grande régularité possible, et on sait ERG OMET RIE. 533 que cette régulation se fait avec une précision étonnante chez les gens entraînés; il suffit d'observer quelle est la régularité des allures dans tous les modes de locomotion. II est intéressant de savoir comment peut varier la puissance dn muscle, c'est-à-dire la quantité de travail par seconde qu'il va développer dans les diverses conditions où il peut être placé, et dans lesquelles il peut atteindre un régime permanent. Trois quantités sont à considérer dans l'étude de la puissance musculaire : le poids tenseur, le nombre des contractons par seconde, et la hauteur de celles-ci. La puissance est égale au produit de ces trois quantités. Il est d'ailleurs certain que, pour un poids ei un rythme déterminés, il y a une hauteur de contraction limitée, permettant au muscle de ne pas s'épuiser, de même que, pour un rythme et une hauteur donnés, il y a un poids limité. En somme, la quantité qui est susceptible d'une mesure est la puissance maximum que peut développer un muscle dans des conditions bien déterminées. André BROCACtCH. Richet ont étudié cette question, en utilisant le muscle fléchisseur de l'index, de manière à éviter autant que possible les phénomènes généraux d'accélération cardiaque et d'essoufflement. Pour mesurer commodément la puissance, ils ont employé un collecteur de travail. Collecteur de travail. — Le premier de ces appareils est dû à Fick. II comportait une roue de grand diamètre R folle sur son axe, à la périphérie de laquelle frotte le doigt articulé 6, et une petite poulie T solidaire de cette roue; c'est sur celle-ci que's'enroule la corde qui porte le poids. Un levier G, mobile autour du même axe que la roue, porte un doigt B articulé en g. A cause de l'existence de l'angle limite de frottement, le levier G commande le mouvement de la roue R dans le mouvement vertical et descend librement. Le doigt R empêche le mouvement de la roue R dans cette période, au lieu de le laisser s'accomplir librement dans l'autre sens. C'est un système analogue à l'encliquetage. Avec cet appa- reil, on peut, par une série de contractions suivies de relâchements, élever un poids à une grande hauteur. En attachant le poids au levier G, et comptant le nombre de tours de la roue R par un mécanisme analogue à celui de la sirène, on peut évaluer la somme des hauteurs de contractions opérées par le muscle dans un temps donné. C'est un appareil analogue qu'employa Sobieransry. Wabren Lombard utilisa un ruban sans fin, gra- dué en centimètres, et qu'un curseur muni d'un levier à frottement analogue à celui de Fick en- traînait dans un sens seulement. Cet appareil est peu fidèle, et ne permet de mesurer commodément que de petits travaux. A. Broca et Gh. Richet utilisent un principe analogue à celui de Fick. Un cône de pou- lies, fou sur son axe, porte un doigt d'encliquetage qui l'en rend solidaire pour un sens de rotation, par l'intermédiaire d'une roue à rochet. Un deuxième doigt porté par le bâti de l'appareil empêche l'axe de tourner en sens inverse. Le même tambour porte les deux rochets. On compte le nombre de tours de l'axe au moyen d'un vélocimètre ordinaire tel qu'en fournit l'industrie. Il est réuni à l'axe par l'intermédiaire d'engrenages multi- plicateurs. On peut facilement savoir le nombre compté par le vélocimètre pour un cen- timètre de déplacement du cordon qui porte le poids, lorsqu'on sait aussi sur quelle pou- lie ce poids est enroulé. On peut, en enroulant le cordon qui va au doigt sur les grandes poulies, et celui qui va au poids sur les petites, obtenir pour ce dernier des vitesses fai- bles, et éviter ainsi les trop grandes pertes par force vive, pour les contractions rapides. La main est gantée, et la corde fixée sur le gant à hauteur de l'interligne articulaire de la phalangine et de la phalangette. Le poignet est solidement fixé comme dans FiG. 239. — Collecteur de travail de Fick. 534 ERCOMETRIE. l'appareil de Mosso. Deux mors appuient, l'un sur la paume, et l'autre sur le dos de la main : tous les doigts sont libres, mais le pouce, le médius, l'annulaire et l'auriculaire sont maintenus fermés sur le mors palmaire de fixation. Le mouvement de l'index se fait dans un plan à peu près horizontal. Le rythme est réglé par un métronome. L'un des expérimentateurs travaillant avec son index, l'autre lisait toutes les minutes le numéro du véiocimètre dont on déduisait le travail elFectué, et, en le divisant par 60, a puissance moyenne développée par le muscle pendant cette minute. Le premier résultat est que, pour des efforts compris entre 250 et 1 200 grammes, et des fréquences comprises entre 100 et 2o0 à la minute, on arrive à un régime perma- nent de puissance maximum. Il faut chercher dans ces expériences à donner constam- FiG. 240. — Collecteur de travail de A. Broca et Ch. Kichet. ment le plus grand travail possible. L'état est très pénible à soutenir, mais on arrive à une régulation parfaite à un dixième près. Quand en une minute le travail monte un peu, la minute suivante la fatigue le fait baisser. Ce sont des oscillations analogues à celles de^WARBEN Lombard, qui, après quelques minutes, tendent à se marquer de moins en moins. Les deux ou trois premières minutes ne peuvent compter. Elles ne servent qu'à amener le muscle à un état déterminé; on débute par une puissance considérable, puis on passe généralement par une période de crampes, à laquelle correspond souvent un abaissement considérable de puissance, et enfin, dos la troisième minute, on arrive à peu près au régime permanent de puissance maximum. Le régime n'est jamais absolument permanent. La puissance du muscle augmente d'une manière constante, par un phénomène que les auteurs ont nommé l'entraînemetit instantané; mais cette augmentation est très lente. Il faut insister sur la différence qu'il y a entre la puissance du muscle et le travail qu'il développe en une contraction. Avec le poids le plus considérable qu'il puisse soûle- ERGOMETRIE. V o " 000 ver, le muscle développe un fort travail en une contraction, mais celte contraction est lente, et l'épuisement du muscle est presque immédiat. La puissance développable, c'est-à-dire la quantité de travail par seconde, est plus faible qu'avec un poids plus faible, et des contractions répétées. La première tentative faite dans le sens indiqué est due à MAfioioRA, quand il montra qu'avec 10 secondes entre chaque contraction, le médius pouvait soulever à la hauteur maximum un poids de G kilogrammes, en régime permanent, développant ainsi 34 kilogrammètres environ à l'heure. André Broca et Cn. Richet ont, comme cela a été indiqué, opéré avec des fréquences très variables et des poids également très variables. La figure ci-jointe montre les résul- tats de leur étude. Chacune des courbes se rapporteà une fréquence donnée. Les courbes \ y Y* — <-1 / y 50 — .^ > /• kauÉ „A — '■ \y y / / . y ^ ■ ^ y Il - _j r^ ^^ y / .^ — -— ,y y ♦0 y / y ^ ^ — " — ' r • ^ / / y ^ , ^ ^ y B.Fréq uence 25,0' ">. ^ ^" ^ ^ u r, y ^ "^ ^ ^ ^ = '^ \ , ^ ''• ^ ^ y • 30 et /, A ^^ - -- -'■ • - " m ^ ^ • / / / A • '^ -" / / / J r" "^ >» ^ ^ y / / \ < j ft 1 / / ,- ' "^ ^ y B. Fréquence t m y / - À / i_^ .-' ' ^ 20 — fi. Fréquence 150 R. Fréquence 250 R. Fréquence 150 R. Fréquence 100 / /. ^ '' *^J • ^ • / ,. / ' -^ ^ 'A " / / 10 j3 fréquence iUU Poi ds 200 400 600 800 1000 FiG. 241. — Courbes de puissance de B et de R. Poids et fréquences variables. 1200 marquées B ont été obtenues par A. Broca; les courbes marquées R par Ch. Richet. Les poids en gramm es sont marqués en abscisses, et la puissance en graramètres par seconde en ordonnées. On voit que, dans les limites de ces mesures, la puissance augmente cons- tamment avec la fréquence et avec le poids, et cependant tous les points déterminés correspondent au développement de la plus grande puissance compatible avec la résis- tance du muscle. Le développement de la plus grande puissance possible a correspondu au poids de 1200 grammes à la fréquence de 250 par minute. Au delà, avec des fréquences de l'ordre de grandeur employé, le travail permanent n'a plus été possible, et l'abaisse- ment de fréquence suffisant amenait une diminution considérable de puissance. Com- parons en elîet ces chiffres à ceux de Maggiora : avec G kilogrammes, il produisait 536 ERG OMET RIE. 34 kilogrammèlres à l'heure. Dans les expériences ci-dessus, les deux observateurs sont arrivés à développer une puissance de 0,04 kilogrammèlres par seconde pendant plusieurs heures consécutives. Cela correspond à un travail de 0,04 x 3600 = 144 kilogrammètres à l'heure. Les puissances développables par le médius ou par l'index sont comparables; il semble donc bien que les conditions précédentes soient celles de la puissance maximum pour les fléchisseurs des doigts. Il est intéressant de voir ce que devient la hauteur de contraction possible à main- tenir pour les fréquences et les poids divers. La figure ci-jointe permet de voir les faits d'un seul coup d'œil. Chaque courbe se rapporte à une fréquence déterminée, les poids en grammes sont portés en abscisses, et les hauteurs de soulèvement par contraction en 1 1 1 1 1 h t "^ V, />!". •5 <'i'f/ i_ =; '■V ; ^7- r~ p V. JU *"^^ •^. V "^ ■^^ ^s K ■'--.^ s *"'>«^ it: "^ t V, ? • ->'1l i.24. ^/ ".n ^s L.:7 r V ^ \ ^.J ^S », < '^^^ ? * ^ ""^ V "^ ^^ î '^éU -■-r:K] ^s, -- - ^^ -= ^--5" >^^ : -- ''. = = - - = ; >^- — ' ■— -. 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Son erreur vient de ce qu'il n'a pas vu l'influence des rythmes et qu'il a cru que ces auteurs étaient restés dans la routine de une contraction par deux secondes (Trêves, mémoire de 18i18). Les chiffres ci-dessus, rapportés à l'heure, montrent le manque de jus- tesse de cet argument. Trêves cherche à déterminer à chaque instant le poids de travail maximum pour le biceps, et il reconnaît que ce poids est celui qui épuise le muscle en une seule contrac- tion. 11 emploie alors un poids plus faible qu'il appelle tout de même maximal, et, quand le muscle commence à s'épuiser, il diminue le poids. Il arrive finalement à un poids qu'il nomme le poids maximal minim,um, et dont la valeur est indépendante de la loi de décroissance suivie pour l'atteindre. Dans ces conditions, le muscle travaille indéfini- ment avec ce poids, la hauteur maximum de contraction et le rythme de deux secondes 1. Ce résultat n'est pas incompatible avec celui do Mao:îiora énoncé ci-dessus, que les petites contractions du muscle épuisé le fatiguent plus que les grandes contractions du déijut. Dans les expériences de A. Broca et Ch. Richet, en effet, les petites contractions s'opèrent avec un muscle en régime permanent, c'est-à-dire non épuisé. ERGOMETRIE. 537 Ce n'est là qu'une vérification dans un cas particulier du résultat de A. Broca et Cii. RiCHET, relatif à un régime permanent maximum. Il est certain que ce poids de travail maximal minimum est loin de correspondre à la puissance maximum réalisable, sauf dans le cas invraisemblable où les lois du travail musculaire changeraient tout à fait en passant de l'index au biceps. Le poids de puissance permanente maximum est probable- ment plus élevé que le poids maximal minimum qu'a déterminé Trêves, mais doit être sûrement employé avec des contractions moins hautes et un rythme plus fréquent. Influence des intermittencffes. — Nous avons vu plus haut que Maggiora avait démontré l'épuisement plus actif du muscle par les petites contractions qu'il donne lorsque la fatigue est déjà notable. 11 montra qu'on pouvait ainsi obtenir du muscle, en le faisant travailler tous les quarts d'heure, une somme de travail journalier bien plus grande que par des expériences d'épuisement. L'influence du repos est bien établie ainsi, quand il est pris au moment où le muscle commence à s'épuiser. La question de savoir quelle serait l'intluence de repos systématiques, pris alors que le muscle ne donne pas de signes d'épuisement, après des séries régulières de contractions, restait à résoudre. A. Broca et Ch. RiCHET,dans le travail déjà cité, ont abordé cette question. Ils ont vu d'abord que, si, au milieu d'une expérieuce, on se donne une minute de repos, l'augmenta- tion de puissance qui en résulte pour les deux minutes suivantes compense à peu près exactement la perte de travail de la minute de repos. Ils ont alors essayé d'alternatives rythmées de repos et de travail. Avec les poids faibles (500 grammes et au-dessous pour les flexions de l'index), les intermittences rendent la puissance moyenne moindre; alors, comme nos muscles donnent à peu près le maximum de contraction, et que la fatigue est nulle ou à peu près, même en régime continu, les intermittences n'ont d'autre effet que de diminuer le rendement. S'il s'agit de poids moyens (500 à 1000 grammes), et de fréquences moyennes ' (100 à 200 par minute), la puissance moyenne ne varie pas, qu'il y ait ou non intermittences. Bien entendu, celles-ci ne doivent pas être trop longues : sans cela la puissance moyenne baisse. La limite où cette baisse commence à se produire est celle de 30 à 40 secondes de travail pour le même temps de repos. Quand on reste dans les limites convenables, le travail avec intermittences reste le même dans le même temps que le travail continu. Si la régulation de la puissance se fait aussi bien qu'en régime continu, les phénomènes de douleur sont cependant beaucoup moins pénibles. Mais les résultats les plus nets ont été obtenus avec les forts poids et les grandes fré- quences. Dans ces conditions on peut employer. des poids et des fréquences dont la réunion rend le travail continu impossible et on a alors une puissance considérable. Voici un protocole d'expériences. Poids de 1 250 grammes. RÉGIME. 100 PAR MINUTE. 200 PAR MINUTE. Continu ly.i .... impossible. Intermittences 0",5 iJU 57 » 1" 58 68 » 1",3 38 fiG y grammèlres par seconde. 2", 6 57 07 h 6", 2 55 » On peut se demander jusqu'à quelle limite on peut augmenter le poids dans ces expériences. Le tableau suivant montre qu'il y a un poids optimum. La fréquence était de 200 par minute, et les alternations de repos et de ^travail, de 1",2. Il .y avait donc 4 contractions consécutives, et un intervalle égal de repos. 1. Dans le travail] avec intermittences, nous appelons fréquence le nombre de battements du métronome en une minute, et non le nombre de contractions effectuées réellement en une minute. 538 ERGOMETRIE. POIDS GRAMMETRES en grammes. par seconde 800 50 9(10 58 1000 65 HOO 70 1200 76 POIDS GRAMMETRES en grammes. par seconde. 1300 ...... 80 1400 84 1500 91 1600 89 1700 84 Chacun des nombres est la moyenne de la puissance pendant 6 minutes de travail. Il semble que les conditions de puissance maximum du muscle fléchisseur de l'index soient le travail avec intermitences de 1" à 2" et un poids aux environs de 1600 grammes. Ces chiffres sont d'ailleurs, bien entendu, soumis à. de grandes variations individuelles. Ces expériences semblent devoir s'interpréter par la vaso-dilatation mise en évi- dence par Chauveau dans le muscle qui travaille. Pendant les intermittences, la circula- tion suractivée joue un rôle analogue au massage dans les expériences de Maggiora. Cet effet peut maintenir le muscle dans un état de puissance double de celui qui est compa- tible avec le travail continu. Bibliographie. — Marey. Études graphiques sur la nature des contractions musculaires {Journal de Vanatomie, 1806, 225). — Ludwig et Schmidt (Aless.). Berichte der sdchs. koni- glichen Ges. zur Leipzig, 1868, 12. — Helmholtz et Baxt {Monatsbcrichte kônig. preuss. Akad., Berlin, 1870). — Kronecker. Ermùdung vnd Erholung der quergestreiftcn Muskeln {Berichte der sâchsichen Gesellschaft, 1870, 690). — Tiegel. Ueber den Einfluss einiger loillkurlich Verdnderungen auf die Zuckungshohe der unterinaximal gereizten Muskeln {Sàch- siche Gesellschaft, 1875); — Muskelcontractur im Gegcnsatz zur Contraction {A. g. 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Beaucoup de faits, que Ton pourrait croire bien acquis et bien vérifiés, sont contestés et discutés, de telle sorte que les explications à admettre comme les plus exactes sont parfois difficiles à trouver ou à soutenir. 11 y a cependant des données positives, fournies par la clinique et l'expérimentation, que nous aurons à rappeler, à propos de l'ergotisme, des usages de la poudre d'ergot et des principaux effets apparents de celte substance ou Jes différents extraits qu'on en a retirés. Origine. — Depuis les travaux de Tulasne, on sait que l'ergot est le mycélium, le sclérote d'un champignon pyrinomycète, le Claviceps purpwea qui, pendant la saison d'été et les années pluvieuses particulièrement, se développe sur les ovaires du seigle et d'autres graminées, ovaires qu'il altère profondément et détruit, en laissant, à la place du grain, un corps allongé, irrégulièrement cylindrique ou triangulaire, un peu arqué, aminci à chaque extrémité, et présentant, sur chaque face, un sillon longitudinal plus ou moins apparent. C'est ce corps, long de .3 à 6 centimètres, sur 2 à o millimètres d'épais- seur, qui constitue l'ergot de seigle officinal. La surface de l'ergot est brun violacé; son tissu intérieur est homogène, d'un blanc légèrement brun avec une couleur vineuse à la périphérie. A l'état frais, une des extré- mités est terminée par une matière molle, blanchâtre, qui constitue ce qu'on appelle la sphacélie. Pour avoir toute son activité, l'ergot de seigle doit être cueilli après complète forma- tion; d'ailleurs il s'altère très vite, et d'autant plus vite qu'il est réduit en poudre; prati- quement, on ne doit utiliser que les productions de l'année. Composition chimique. — Indépendamment des extraits ou principes actifs divers, dont nous parlerons d'une manière spéciale, la composition de l'ergot de seigle a été ainsi établie par les analyses de Wiggers : Ergotine 1,25 Huilo grasse 35,00 Graisse cristallisée 1,05 Cérine 0,16 Osmazôme 7,76 Mannite 1,55 Matière gommeuse, extractivc et colorante 2,23 Albumine 1,46 Fiingine 46,19 Phosphate de i^otasse 4,42 Chaux 0,29 Silice 0,14 Manassewitz a trouvé, de plus, du sucre, du chlorure de calcium, du phosphate de magnésie, du formiate de potasse. Quant à la leucine, la méthylamine, la triméthylamine et l'ammoniaque, signalées aussi dans l'ergot, ce sont probablement des produits de décomposition. L'ergotine dont il est question dans ce tableau, et que Wiggers a isolée, n'est pas un produit simple, mais une combinaison renfermant le principe actif; la découverte de celui-ci a été très laborieuse, et encore n'est- on pas absolument sûr de le posséder à l'état de pureté parfaite. Il faut, en effet, lorsqu'on parle d'ergotlne, être bien convaincu qu'il ne s'agit pas d'un produit défini, étant, par rapport à l'ergot, ce que l'atropine esta la belladone, l'aconitine à l'aconit, la caféine au café, etc. La dénomination d'ergotine désigne généralement des extraits divers, aqueux ou alcooliques, préparés, en vue des usages cliniques, par les auteurs dont ils portent les noms. Il faut donc distinguer les extraits appelés ergotine, des substances qui ont la pré- tention de représenter le principe actif de la drogue dont nous nous occupons. 340 ERGOTINE. A. Extrait d'ergot de seigle. — Ergotines. — Wiggers, le premier, en 1853, a préparé lin extrait alcoolique, qui n'est plus employé aujourd'hui; il lui accordait des propriétés toxiques assez importantes que Bonjean a contestées par la suite. L'ergoline Bonjean est un extrait aqueux qui a été très employé et représente un bon hémostatique, de faible toxicité. L'ergotine du Codex etl'ergotine d'Yvox sont également des extraits aqueux de seigle ergoté; cette dernière préparation est assez bonne; suivant son degré de concentration, 1 gramme représente 1 ou 2 grammes de poudre. Comme extrait aqueux on connaît encore l'ergotine de Lamante, qui convient aux injec- tions hypodermiques, et dont 1 centimètre cube représente 1 gramme d'ergot. L'ergotinol de Waswinckel est un extrait aqueux acidifié et hydrolyse, concentré de jnanière à ce qu'un centimètre cube représente Of^^SO d'extrait de seigle ergoté de la pharmacopée allemande. B. Principe actif de l'ergot de seigle. — Le principe actif de l'ergot a occupé beau- coup les chimistes, qui, comme nous le disions plus haut, sont loia d'être d'accord sur sa nature exacte. En 1875 ÏANRET communiquait à l'Académie des Sciences un travail dans lequel il annonçait avoir découvert, dans le seigle ergoté, un corps cristallisé auquel il donnait le nom d'ergotinine ; sa formule serait C-^^H'*°Az''^0®. PourTANRET, l'ergotinine est l'alcaloïde actif de l'ergot; obtenue parévaporation spon- tanée de la solution alcoolique, elle se présente sous la forme de longues aiguilles cris- tallines, blanches, insolubles dans l'eau, très solubles dans l'éther, l'alcool et le chloro- forme. De réaction faiblement alcaline, elle forme des sels qui cristallisent difficilement. Les réactions sont celles de tous les alcaloïdes, avec cette particularité distinctive qu'elle prend en solution éthérée une couleur rouge, violette et bleue, par l'acide sulfurique étendu de 1/7 d'eau. Après la découverte de Tanret, le travail le plus intéressant, parmi les innombrables qui ont été publiés sur le même sujet, est celui de Kobert. Cet auteur a isolé de l'ergot de seigle trois produits principaux : la cornutine, l'acide ergotinique et l'acide sphacéliniqiie . La cornutine est une substance basique considérée par Kobert comme l'alcaloïde actif du seigle ergoté ; pour lui, 'l'ergotinine de Tanret ne serait qu'un mélange de cornu- tine avec des substances inactives. 11 est vrai d'ajouter que, réciproquement, Tanret a essayé de démontrer que la cornutine est de l'ergotinine plus ou moins altérée. Des arguments que se sont opposés les deux auteurs, arguments qu'il nous paraît superflu de reproduire ici, un fait essentiel paraît ressortir, c'est que la cornutine et l'ergotinine sont, fondamentalement et pharmacodynamiquement, une seule et même substance, ou tout au moins deux produits agissant par le même piinripe actif, mais ayant des caractères physiques différents, probablement en raison de leur mode de prépara- tion. C'est d'ailleurs l'avis qu'a exprimé Schmiedeberg en disant que l'ergotinine agit par la cornutine qu'elle renferme. L'acide ergotinique est azoté; c'est un corps très hygroscopique et facilement altérable par les sucs digestifs; il ne paraît pas jouer un rôle important dans la production des effets classiques de l'ergot. On le trouve en notable proportion dans la plupart des extraits connus sous le nom d'ergotines. D'après Kobert, l'acide sclérotinique de Dragendorff ne serait que de l'acide ergoti- nique impur; de même, la scléromucine, qui a été considérée à un moment donné comme un principe actif très important, ne serait que de l'acide sclérotinique très impur. V acide sphacclinique de Kobert est la sphacélotoxine de Schmiedeberg, probablement aussi la spasmotine de Jacoby; c'est un corps résineux ayant l'aspect d'une poudre jaune amorphe, insoluble dans l'eau et dans les acides dilués, dont les caractères et la composition sont assez mal établis. L'acide sphacélinique est considéré par Schmiedeberg et Kobert comme le principe actif le plus important de l'ergot de seigle; ce serait l'agent excitant, vaso-constricteur et nécrogène par excellence. Associé à la cornutine, il pourrait produire tous les acci- dents de l'ergotisme. Au début de l'année 4889, Tanret a fait connaître une nouvelle substance qu'il a ERGOTINE. 541 lolirée de l'ergot de seigle, et à laquelle il a donné le nom d'ergostérine. C'est un produit cristallisé qui se rapproche de la cholestérine animale par l'ensemble de ses propriétés, mais en diffère pas sa composition. En somme, les nombreux produits isolés de l'ergot de seigle, que d'ailleurs nous n'avons pas cru utile de citer tous, mais qui tour à tour ont été considérés et classés comme les principes essentiels de la drogue, peuvent être réduits à trois principaux : l''Lacornutine(KoBERT),ergotine(TA>iiiET),picrosclérotine(DRAGENDORFFetPoDwissosKY). 2" L'acide sphacélinique (Kobekt), sphacéiotoxine (Schmiedeberg), spasmotine (Jacoby). 3" L'acide argotique (Kobert), sclérotique (Dragendorff), scléromucine. Chaque substance d'un même groupe, bien que désignée par des noms différents, représenterait, chimiquement et pharmacodynamiquement, le même principe actif sous des états différents, en raison probablement du mode de préparation et de la pureté. Malgré cela, nous restons toujours sous celte impression que le dernier mot n'est pas dit, et que l'élément actif vrai de l'ergot de seigle est encore à chercher et à définir. Nous verrons cependant, à propos des effets de l'ergot, quelles propriétés on attribue à chacun des produits ci-devant signalés. Actions principales dominant la physiologie et les indications de l'ergot de seigle. — Un fait essentiel domine toute la physiologie et l'histoire pharmacodynamique de l'ergot de seigle, c'est l'action excitante de cette substance sur l'ensemble des libres musculaires lisses, avec prédominance de certaines électivités pour les fibres d'organes particuliers, tels que l'utérus gravide, les vaisseaux sanguins, la vessie, etc. Presque tous les symptômes que l'on observe à la suite de l'administration d'une préparation d'ergot sont des conséquences immédiates ou secondaires de cette action, que nous analyserons aussi complètement que possible, en raison même de son impor- tance majeure. Elle servira de pivot à toutes les explications que nous donnerons des effets généraux du seigle ergoté et des accidents qui caractérisent Vergotisme. C'est d'ailleurs par la description de ces derniers qu'il est logique de débuter, car ce sont eux qui d'abord ont attire l'attention. Ergotisiue. — Il n'est pas douteux que les accidents de l'ergotisme sont connus depuis la plus haute antiquité, et que, si l'on n'a pas toujours su établir un rapport de cause à effets entre l'ingestion de farine ou de pain fabriqué avec de la farine de seigle de mauvaise qualité et certaines épidémies ergotiques, les caractères de ces accidents n'ont pas échappé à la sagacité des anciens observateurs. TissoT prétend même que Galien a indiqué les propriétés du pain de seigle ergoté, et il est fort probable que l'ignis saccr des Romains n'était qu'une des formes de l'ergotisme. Pourtant, ce n'est guère qu'au xvi'^ siècle que la notion des dangers de l'usage du seigle ergoté est établie d'une manière précise, à la suite d'une épidémie de gangrène qui sévit sur la Hesse en 1596, et que Lonicer n'hésita pas à attribuer à l'usage du pain fait avec de la farine de seigle ergoté. Depuis, les observations se sont multipliées, et les des- criptions des accidents caractéristiques de l'ergotisme sont maintenant nombreuses et complètes. Bien que les accidents soient liés à la même cause, on distingue habituellement deux formes d'ergotisme; 1" l'ergotisme gangreneux; 2" l'ergotisme spasmodique ou convulsif. Vergotisme gangreneux débute généralement par des troubles nerveux assez légers : éblouissements, sensations de vertige, bourdonnements d'oreille ; parfois céphalalgie plus ou moins intense; lassitude, petites crampes et engourdissements dans les membres; la station et la démarche sont indécises. Il n'y a pas de fièvre ; l'appétit est conservé, mais souvent les malades ont des nausées, des vomissements et ressentent des douleurs dans le creux épigastrique. Ces premiers accidents s'exagèrent; on voit dominer, dans la période d'état, les troubles de la sensi- bilité et de la motilité. Le malade éprouve des douleurs très vives et profondes dans l'abdomen et dans les membres; ces douleurs sont exagérées la nuit, et rendent le sommeil impossible : d'ailleurs le seul contact des couvertures les exaspère. Avec cela on note de l'anesthésie cutanée, de l'engourdissement avec fourmillements dans les membres, qui, très souvent, se refroidissent. ^La soif est intense, et l'appétit très exagéré. Des crampes et des conctractures musculaires, avec des soubresauts plus ou moins doulou- reux dans les tendons, accompagnent l'impotence motrice. 542 ERGOTINE. La peau, surtout la peau des membres inférieurs, subit parfois des altérations impor- tantes. Tantôt pâle et plissée, elle peut, dans d'autres circonstances, pre'senter une rou- gueur érysipélateuse ou se couvrir de multiples petites taches rosées; ce sont les préludes de la gangrène, qui finit par apparaître dans les extrémités; alors la peau, comme ma- cérée, ou bien se couvre de taches brunâtres et de plilyctènes, ou bien se dessèche, et l'organe se durcit en noircissant et se momifiant. Si le malade ne meurt pas, il guérit très lentement; mais, dans tous les cas, il reste porteur de mutilations consécutives plus ou moins graves. Dans Vergotisme convulsif, les signes prodromiques sont peu différents de ceux de l'ergotisme gangreneux; cependant les troubles digestifs, nausées, vomissements, chaleur épigastrique, les douleurs et les crampes dominent la scène, se généralisent et s'accompagnent de contractures; celles-ci recourbent les membres sur eux-mêmes, parfois avec une telle intensité qu'elles déterminent de véritables raideurs tétaniques. Le malade a des troubles intellectuels graves allant jusqu'à l'aliénation mentale; il peut prendre aussi des crises nerveuses, des attaques épileptiformes, suivies de stupeur et de coma. Pendant ces accidents, il n'y a généralement pas de fièvre; le cœur est plutôt ralenti, le pouls petit; la respiration est troublée dans son rythme, et présente des spasmes à intervalles irréguliers. Comme phénomènes rares à ajouter aux précédents, on a signalé des taches noires sur différents points du corps, des hydropisies, etc. Quand, à la suite de ces accidents, le malade ne meurt pas, il se rétablit très lente- ment et très progressivement, conservant même parfois des paralysies diverses sous la forme d'hémiplégies ou de paraplégies qui persistent ou disparaissent à la longue. liien qu'assez dilîérentes par leur aspect général et leurs symptômes dominants, on ne peut pas admettre que les deux formes d'ergotisme que nous venons de décrire aient une origine distincte. Dans les épidémies d'ergotisme, quelle que soit la variété observée, on a toujours pu saisir le rapport direct de cause à effet entre les accidents et l'usage alimentaire d'ergot de seigle; ces épidémies ont toujours sévi sur des popu- lations pauvres ou misérables, sur des paysans se nourrissant mal et ayant mangé d'un pain de mauvaise qualité, fait de farine de seigle avariée, provenant d'une mauvaise récolte; elles ont cessé avec le changement de régime et de nourriture. Enfin l'admi- nistration de poudre d'ergot de seigle ou d'ergotine aux animaux, à dose exagérée, a provoqué la plupart des phénomènes et accidents observés dans l'ergotisme. Mais, nous le répétons, si les accidents observés sont tantôt à prédominance gan- greneuse, tantôt à prédominance convulsive, ils sont bien liés à [la même cause, et n'impliquent pas une distinction aussi tranchée que celle qui a été indiquée par les auteurs et qui est loin d'être absolue. En efïet, dans les deux formes, les troubles prodromiques se ressemblent beaucoup et sont de même nature : la gangrène, quand elle doit se produire, est précédée de symp- tômes nerveux : éblouissements, sensations de vertige, fourmillements, crampes, contrac- tures, qui ne font que s'exagérer et pi^endre le dessus dans la forme convulsive. C'est peut-être l'excès de la dose de poison ou une susceptibilité particulière des indi- vidus qui établit la différence; peut-être, suivant l'origine de l'ergot, la prédominance d'un des principes constituants de cette substance est-elle la cause de la prédominance de telle ou telle manifestation donnant à la marche de l'empoisonnement les caractères essentiels de l'une ou l'autre forme. Lasègue a parfaitement exprimé cette opinion en disant que toute épidémie d'ergo- tisme gangreneux n'est qu'une épidémie d'ergotisme convulsif, dans laquelle la phase spasmodique a été mal observée; les deux formes ne sont que deux degrés d'une même affection. Avant d'aborder l'exposé du mécanisme des principaux accidents produits par l'ergot de seigle, il nous paraît utile de décrire quelques-uns des effets qui ont été observés expé- rimentalement chez les animaux, et de voir séparément les troubles fonctionnels qui les accompagnent. Absorption. — L'absorption des éléments actifs de l'ergot est généralement rapide, et se fait bien par toutes ies voies. Dix ù quinze minutes après l'ingestion de la poudre, ERGOTINE. 543 indépendamment des phénomènes locaux, on peut voir apparaître quelques-uns des etlets généraux du poison. Injectées dans le tissu conjonctif sous-cutané, toutes les préparations d'ergot de seigle produisent de la douleur et des troubles inflammatoires. Ingérées dans l'estomac, elles provoquent des éructations, des nausées, voire même des vomissements et de la diarrhée, si la dose est élevée, îi grammes de poudre par exemple; tous symptômes qui traduisent une action irritante locale assez intense. Effets généraux. — Ils ont été étudiés expérimentalement chez le chien, le chat, le lapin, le cobaye, les solipèdes, le coq, le dindon, etc. Millet, entre autres, a rapporté un certain nombre d'expériences assez démonstratives qu'il a faites chez le chien. Après avoir fait manger, à une chienne de deux ans, une pâte contenant 2a grammes de poudre d'ergot, il a vu l'animal présenter d'abord une soif très vive et des efforts de vomissement. Peu à peu, sont survenues de l'inquiétude, de l'agitation, qui sont allées en s'exagérant; la bête ne pouvait rester en place, se roulait par terre en poussant des cris plaintifs. Cinq heures après, elle était plus calme, mais le train de derière semblait paralysé, ou tout au moins fort engourdi; inappétence complète, mais soif toujours très vive. La respiration était embarrassée, ralentie et plaintive. Onze heures après, apparaissaient des secousses tétaniques dans les membres, coïncidant avec de l'anesthésie périphérique et de l'insensibilité. Les troubles nerveux se sont exagérés ; des mouvements convulsifs très violents se sont montrés, avec contraction presque perma- nente des membres et de la face, attaque épileptiforme suivie de la mort du sujet, seize heures après l'administration du poison. Ce sont des phénomènes à peu près semblables que nous avons reproduits par injec- tion hypodermique d'ergotine à des chiens, chez lesquels, en plus, nous avons parfaite- ment observé aussi la pâleur des muqueuses, l'anémie de la peau par resserrement des capillaires, permettant de faire des piqûres ou des incisions superficielles sans voir le sang couler. Parmi les oiseaux, le coq surtout convient parfaitement pour étudier les accidents gangreneux. En plus des troubles nerveux et circulatoires qu'il présente, et qui ne difierent pas de ceux que nous venons de décrire, il se montre, sur la partie frangée de la crête d'abord, des taches violacées qui s'étendent peu à peu à la totalité de l'organe; la teinte violette s'exagère ensuite, passe au noir, et la mortification s'accuse nettement, pouvant aller jusqu'au sphacèle et à la chute de la crête. Action de l'ergot sur le cœur et la circulation. — Les physiologistes sont loin de s'entendre sur les modifications du cœur et de la circulation par l'ergot de seigle. Pour NoTHNAGEL et RossBACH, le cœur ne serait pas modifié, chez les animaux à sang chaud, même sous l'influence des doses élevées, la pression baisserait, d'une manière passagère après l'administration des doses faibles; d'une manière persistante, après l'administration des doses élevées. Cet effet serait la conséquence de la dilatation d'une grande partie des vaisseaux ; car seuls les vaisseaux de l'utérus et de l'intestin se contrac- teraient immédiatement après la pénétration du poison. KuHLER signale le ralentissement du cœur et son arrêt en diastole, phénomène cju'il attribue à une excitation des vagues. Même dans les observations recueillies chez l'homme, on voit les auteurs se contredire et signaler tantôt le ralentissement, tantôt l'accélération cardiaque; tantôt l'hyperten- sion, tantôt l'hypotension vasculaire. Cependant l'opinion dominante est en faveur du ralentissement et de l'affaiblissement du cœur, avec les doses suffisantes, et c'est, d'ail- leurs, l'opinion émise par G. Sée dès 1860. Sous l'influence de l'ergot de seigle, le nombre des contractions cardiaques diminue en effet; on a compté parfois 10, 20, 30 pulsations en moins chez l'homme, et on a par- faitement constaté aussi la diminution de l'énergie des systoles. D'après Rossbach, les oreillettes se contractent, temporairement, d'une façon irrégu- lière, mais c'est surtout du côté des ventricules que le phénomène est apparent. Ainsi, pendant que certains segments se contractent, d'autres sont complètement relâchés et, même au repos, les parties qui se contractent ne se relâchent pas complètement et restent eu état de spasme véritable et permanent. Ces constatations faites sur la grenouille sont intéressantes, parce qu'elles démontrent les électivités possibles des éléments de l'ergot sur la fibre cardiaque elle-même. bU ERGOTINE. Au cours des recherches expérimentales qu'il a faites sur l'action physiologique de l'ergot, Holmes a, lui aussi, enregistré le ralentissement du cœur chez la grenouille; il a vu que les pulsations étaient plus petites, les ondées sanguines moins volumineuses, et il dit : « La diastole se fait progressivement, le cœur garde une forme conique au lieu de devenir globuleux; il se vide moins bien et conserve sa couleur rouge, qui enfin tourne au brun violacé. » Cependant, si le ralentissement du cœur est le phénomène dominant de l'empoison- nement ergotinique, il est bien possible que, dans certaines circonstances, on constate de l'accélération, par paralysie des pneumogastriques et excitation des centres nerveux propres de l'organe; c'est du moins ce que prétend Boreischa. Quant à l'action de l'ergot sur les vaisseaux et sur la circulation vasculaire. il ne peut pas y avoir de doute, et il y a trop longtemps que les propriétés hémostatiques de cette subtance sont connues et employées, pour admettre autre chose qu'une action vaso- constriclive. Sûrement, l'ergotine agit sur les vaisseaux et diminue leur calibre. C'est l'opinion sou- tenue depuis longtemps, et avec des explications diverses, par Courhaut, Sparjani, Muller, Parola, g. Sée, .Savet, Montanari, Simon, Millet, Desprez, Klebs, etc. Klebs, notamment, en 1865, fait des expériences qui doivent être reprises plus tard et dans des conditions meilleures par Holmes. A l'aide du microscope, il observe l'aclion du seigle ergoté sur les vaisseaux préalablement congestionnés de l'aile de la chauve-souris, et voit nettement la diminution de calibre de ces vaisseaux. Le travail de Holmes surtout est remarquable; car c'est le premier où l'on voit rap- porter des études expérimentales bien dirigées, sur les actions du seigle ergoté et leur mécanisme. Comme Klebs, Holmes se sert du microscope, et, par l'observation très attentive des vaisseaux de la membrane interdigitale et de la langue de la grenouille, il constate direc- tement leur changement de calibre en mesurant leur diamètre avant et après l'adminis- tration du médicament. Dans ces expériences, 4 à 6 gouttes de macération aqueuse froide de poudre d'ergot ont provoqué le resserrement des petits vaisseaux en huit à dix minutes; ce resserrement a persisté vingt-cinq à trente-cinq minutes. Non seulement Holmes a constaté laconstriction des artères, l'anémie des capillaires et la dilatation des veines, mais il a enregistré aussi les variations de la pression artérielle, et constaté que, conformément à l'opinion de beaucoup d'auteurs, celle-ci est augmentée. Généralement, dans les premières phases de l'action, l'augmentation de pression vasculaire est précédée d'un abaissement passager; ceci s'observe particulièrement après les injections veineuses. Dans ces cas, l'ergotine, inti'oduite dans le cœur droit, va direc- tement agir sur les petits vaisseaux du poumon, et produire leur rétrécissement primitif, d'où une diminution de tension dans le système aortique jusqu'au moment où la vaso-con- striclion générale se produisant rétablit l'équilibre. Dans la thèse de Holmes, on trouve, en effet, une expérience qui démontre qu'au début des effets de l'ergot de seigle la pression caro^iViienne baisse, tandis que, par la suite, se produit une augmentation qui persiste. Les conclusions pi^écédentes sont confirmées par Sciiûller qui, mettant à nu les méninges crâniennes, chez un animal, constate que l'administration d'ergotine produit une contraction intense et persistante des vaisseaux de la pie-mère. Laborde et Péton, répétant des expériences déjà faites par Holmes, chez le lapin, voient ^'anémie des vaisseaux de l'oreille succéder à l'injection hypodermique de 2 grammes d'extrait d'ergot de seigle et observent le même phénomène sur les artères qui rampent à la surface de l'utérus gravide de la chienne. Dans les essais cliniques de Frœnkel, faits à l'aide du sphygmographe de Basch, la pression artérielle s'est élevée de 20 à 30 millimètres, en deux heures, sous l'influence des injections d'ergotine. Enfin les expériences très concluantes de Wertheimer et Magni.x sur le même sujet arrivent à l'appui de tous les faits précédents, et démontrent, une fois de plus, l'influence de la porte d'entrée sur les effets propres des substances médicamenteuses. Wertheimer et Magnin ont prouvé que l'ergotine en injection hypodermique élève toujours la pres- sion artérielle sans abaissement préalable, tandis qu'à la suite d'une injection intravei- neuse elle produit au contraire une chute notable de la pression, souvent précédée et ERGOTINE. 5i5 suivie d'une augmentation. Les mêmes auteurs ajoutent que la diminution simultanée du volume du rein et de la rate indique que la chute de la pression ne peut être attribuée à une vaso-dilatation des organes splanchniques, tandis que l'exploration directe de la pression intra-ventriculaire démontre qu'elle résulte d'un affaiblissement des contrac- tions cardiaques. Un fait essentiel ressort de tout cela, c'est que le principe actif de l'ergot de seigle est un puissant vaso-constricteur. Nous exposerons plus loin le mécanisme de cette action. Action de l'ergot sur la respiration et sur la température. — Les données que l'on possède snr les modifications de la respiration ne sont ni très précises ni très complètes; c'est surtout d'après les observations cliniques que l'on a conclu, mais il paraît bien certain que, sous l'influence de l'ergot, le nombre des mouvements respira- toires diminue, et que c'est le ralentissement qui domine (Uberti, Parola, Chenet, Arnaud, etc.). C'est ce qui ressort également des expériences faites sur les animaux. Chez le chat notamment, HAUDELiiX a vu les doses élevées d'ergot de seigle produire la diminution du nombre et le ralentissement des mouvements respiratoires, phénomène parfois précédé d'une légère accélération, chez le chien. Dans tous les cas, quand survient la mort, c'est par arrêt i:)rimitif de la respiration (Nikitin). Cependant nous devons à la vérité d'ajouter que, si le ralentissement de la respiration est le phénomène dominant, on a vu, dans certaines formes d'ergotisme, dans les états convulsifs surtout, l'augmentation numérique et l'accélération des mouvements respi- ratoires, avec exacerbation au moment des spasmes et des accès. La température est également modifiée pendant l'action de l'ergot, et, dans les empoi- sonnements observés chez l'homme, l'abaissement a été très souvent relevé; dans les cas graves, mais non mortels cependant, il peut atteindre 1», 1" 1/2, 2°, quelquefois un peu plus. Sur un lapin immobilisé, auquel 4 milligrammes d'ergotinine Tanret ont été injectés sous la peau, Dupertuis a noté, de cinq en cinq minutes, la série des températures sui- vantes : 39°, 9; 39«,9; 39°,7; 39«,4; 39M ; 39°,1 ; 39°; 38°,8; 38°,4; 38°,4;38°,3; 38<',1;38°; 38"; 37°, 6; 37°, 3; à partir de ce moment, la température a cessé de descendre : elle s'est mise à remonter même assez rapidement et avait presque atteint son niveau primitif, après quarante-cinq minutes environ. BuDiN et Galippe ont également noté des abaissements très notables de la température chez le chien et chez le lapin. Une injection hypodermique de 80 milligrammes d'ergo- tinine Tanret à un chien a fait tomber la température de 39° à 38°, G, et, après avoir reçu lOo milligrammes, l'animal est mort avec une hypothermie considérable. Les mêmes résultats ont été obtenus chez le lapin avec 60 milligrammes. Mais, de l'ensemble des expériences rapportées par les physiologistes et les expéri- mentateurs, il est bien évident que les modifications appréciables de la température ne se voient bien qu'avec des doses un peu élevées; les doses moyennes ont peu d'influence sur la courbe thermique. D'ailleurs, dans Tétat puerpéral, la poudre d'ergot de seigle n'a aucune action sur la marche de la température (Pinzani). Modifications de la nutrition et de la sécrétion urinaire. — Dans les épidémies d'ergotisme, on a signalé des troubles généraux de la nutrition, l'amaigrissement et la perte de poids des malades. Il est certain que le seul fait d'avoir absorbé un aliment de mauvaise qualité, dans lequel des éléments étrangers remplacent les éléments nutritifs, peut conduire à ce résultat, conséquence logique d'une alimentation insuffisante, mais il est non moins certain que les éléments actifs de l'ergot sont capables, par eux-mêmes, de modifier la vitalité des tissus, les échanges nutritifs et le fonctionnement de l'orga- nisme. Arnaud a fait sur le chien et sur le lapin une longue série d'essais, ayant chacun duré plusieurs jours et pendant lesquels il a suivi très minutieusement les variations de poids subies par des animaux qui recevaient de l'ergotine et qui étaient soumis parallèlement soit à une alimentation très suffisante, soit à l'inanition. Or, dans tous les cas, il a noté une diminution constante du poids des animaux sou- mis à l'aclion du poison, malgré une alimentation suffisante. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 35 546 ERGOTINE. Il a vu que la diminution de poids causée par l'ergot est plus l'apide que la diminution causée par l'alimentation insuffisante, ou même par l'inanition; que cette diminution même peut être plus considérable que celle qui est obtenue par l'inanition complète. Le même auteur a de plus constaté que la quantité absolue d'urée, sécrétée dans les vingt-quatre heures, est légèrement augmentée par l'effet de l'ergot de seigle ; la quantité - d'eau de l'urine augmenterait aussi; mais il n'y aurait pas de rapport entre cette augmen- tation d'eau et l'augmentation de l'urée. D'ailleurs, la sécrétion rénale est certainement modifiée, et à cela il n'y a rien d'éton- nant, car on sait combien grande est l'influence des variations de pression sanguine et des modifications vasculaires sur la filtration du rein. Il est vrai qu'à cet égard tous les auteurs ne sont pas d'accord, et prétendent que, dans les épidémies ergotiques, les effets diurétiques n'ont pas été constatés, mais les conditions sont un peu différentes. Il est évident que, l'ergot de seigle jouissant de la propriété de stimuler la contraction des fibres lisses et produisant la contraction de la vessie, il importe de ne pas prendre pour de la diurèse ce qui peut-être n'est que la résultante de mictions plus fréquentes. Or ce n'est pas le cas; tout en tenant compte, comme l'a fait Péton, de l'influence particu- lière du poison sur la motilité de la vessie, il est évident qu'il y a une légère, mais très réelle augmentation de la sécrétion urinaire. L'action de l'ergot sur la provocation et la répétition des mictions n'est donc pas le seul phénomène qui s'observe du côté de l'appareil urinaire; les elfets diurétiques sont évidents: ils peuvent persister pendant les vingt-quatre heures qui suivent et augmentent pertainement la quantité d'urine excrétée dans cet intervalle (Arnaud). Action de l'ergot sur l'utérus. — L'action de l'ergot de seigle sur l'utérus mérite d'être étudiée à part, non pas qu'elle soit différente, quant à son mécanisme, de celle que produit le médicament sur les autres organes à fibres lisses, mais parce qu'elle a des conséquences importantes et des applications immédiates, dans la pratique obstétri- cale. C'est Stearns et Desgranges qui, les premiers, l'ont fait connaître, après l'avoir étudiée et utilisée, mais l'un et l'autre déclarent avoir été mis au courant de ses usages par des matrones de leur pays. Après ces initiateurs, Prescott, Goupil, Baudelocque, Villeneuve, Trousseau, A. Richet, GuBLER et beaucoup d'autres ont confirmé les observations primitives et précisé les indications de la poudre d'ergot comme oxytocique. Un seul point doit être traité ici: ce sont les conditions dans lesquelles s'observent le mieux les effets précédents. Or tous les auteurs sont unanimes et s'accordent à reconnaître que les effets de l'ergot, hors l'état de grossesse, ne sont pas ceux que l'on obtient sur un utérus gravide et chez la femme en travail. Cependant, si nombre d'accoucheurs pensent que l'avorte- ment peut être provoqué à trois ou quatre mois, d'autres estiment que c'est extrême- ment rare, et que, avant le terme, le seigle ergoté n'a d'action, ni sur l'utérus, ni sur le fœtus. Cette dernière opinion nous paraît trop absolue, car nombreuses sont les observations qui démontrent le contraire, et prouvent que, soit accidentellement, soit à la suite de manœuvres criminelles, la poudre d'ergot s'est comportée comme un abortif. Pharma- codynamiquement parlant, ces résultats n'ont rien d'irrationnel, et les affinités élec- tives de l'ergotine, pour les organes à fibres lisses, sont assez bien connues et assez puissantes pour s'exercer sur les fibres de l'utérus gravide, même à l'état de repos, et provoquer leur contraction. D'ailleurs, expérimentant sur l'utérus mis à nu d'une chienne pleine, Péton a parfai- tement observé la mise en jeu des fibres utérines par l'administration de l'ergotine; il a vu des injections hypodermiques de cette substance, faite à des lapines pleines, déter- miner des contractions très énergiques des fibres musculaires de la matrice, et provo- quer l'expulsion des fœtus. Par conséquent, s'il est bien vrai que l'action de l'ergot de seigle est surtout évidente quand elle s'exerce sur un utérus modifié dans sa structure et dans le nombre de ses fibres, par l'état de gestation ou le développement d'un corps étranger, il est non moins exact d'admettre que, même en dehors de l'époque de l'accouchement, les effets du médicament peuvent se manifester et produire l'avorlement. ERGOTINE. 547 Dans tous les cas, les contractions provoquées par l'ergoline, même quand elles s'ajoutent aux douleurs de l'enfantement, n'ont pas les caractères de ces dernières; elles ne sont pas intei'mittentes. C'est très justement que l'on a expliqué la part que prend l'ergot à fexpulsiond'un fœtus, pendant l'accouchement, en disant qu'il rend rémittents des efforts qui, naturellement, ne sont qu'intermittents. Mécanisme des effets et accidents produits par l'ergot de seigle. — C'est la partie la plus importante, mais aussi la plus discutée, de l'étude de l'ergot de seigle. Dans son exposé, nous comprendrons la description sommaire des effets de l'ergot sur les fibres lisses et sur le système nerveux. Les premières explications qui ont été données des effets et accidents du seigle ergoté méritent à peine d'être rappelées : les substances putrescibles, les propriétés putrides, les miasmes coagulants, la viscosité et l'àcreté du grain, invoqués par Tissot, Virey, Sauvage, Langius, Gaspard, ne sont plus discutés. C'est Dourhaut et Villeneuve qui, pour la première fois, mais très imparfaitement, indiquent la diminution du calibre des vais- seaux. MiJLLER reprend cette idée et la confirme, ainsi que Sparjaxi, Parola, Boxjean, G. Sée, Savet, Montaxari, Simon, Millet, Desprez, etc. Mais, comme nous l'avons vu plus haut, l'expérimentation a vérifié le fait, et l'action spéciale de l'ergotine sur le calibre des vaisseaux est une vérité établie. On en a recherché le mécanisme intime et la cause, et, actuellement, il paraît hors de doute que tout résulte de l'effet excitant du principe actif sur les libres musculaires. L'ergotine a des affinités électives spéciales pour les fibres musculaires et notamment les fibres musculaires lisses, de telle sorte qu'elle excite et agit directement sur tous les organes constitués par ces éléments. Plusieurs expérimentateurs ont cependant recherché quelle part revenait au système nerveux, dans la production de ces effets, et Wernich, Holmes, Arnaud, Schuller, Laborde, Péton, Ringer et Harrington Sainsbury, notamment, sont arrivés à cette conclusion que les effets moteurs de l'ergot sont dus exclusivement à l'action directe de cette substance sur la fibre musculaire et sur les éléments contractiles. Malgré la section du sympathique au cou ou du nerf grand auriculaire, malgré l'arra- chement du ganglion cervical supérieur, l'ergotine, en injections hypodermiques, produit toujours les phénomènes de vaso-constriclion et de refroidissement périphérique qui lui sont propres. Péton a expérimenté aussi sur l'utérus gravide de la chienne, et il a constaté que l'ergotine provoque distinctement la mise en jeu de la contraction des fibres utérines d'une part, celle des fibres contractiles des vaisseaux utérins d'autre part; bien que de même nature, ces deux phénomènes sont indépendants; l'un, la contraction de l'utérus, n'est pas la conséquence de l'autre; ce ne sont pas les troubles vaso-moteurs qui pro- voquent l'activité de la matrice; les effets directs du poison sur les fibres musculaires lisses ne sont pas contestables. Ces effets ont été étudiés sur la musculeuse de l'estomac par Wertheimer et Magnin, «t sur les muscles de la vessie par Pellacani. Sur des animaux ayant la moelle sectionnée, Pellacani a constaté que l'ergotine, en injection hypodermique ou intra-veineuse, modifie la pression artérielle en même temps que les muscles de la vessie entrent en contraction, mais il a remarqué de plus que ces actions sont plus marquées lorsque la moelle est intacte; aussi conclut-il que, si l'ergotine excite directement les fibres contractiles, les centres nerveux moteurs doivent avoir une action favorisante sur les phénomènes vasculaires et musculaires. Les expériences d'HENRv de Vakigny ont été faites sur le jabot de ÏEledone moschata, qu'on peut aisément isoler du reste du tube digestif et qui est formé de fibres lisses répondant aux excitations mécaniques par des contractions rythmiques. En ajoutant à de l'eau de mer, contenue dans ce jabot isolé, 1/4 à 1/2 centimètre cube de solution d'ergotine, de Varigny, sur neuf expériences, a vu six fois le médica- ment produire une stimulation évidente des fibres de l'organe. Le plus souvent, dès que l'ergotine pénètre dans le muscle, on voit apparaître une série de contractions rapides et rapprochées, à tel point qu'il n'existe pas de période de repos absolu. Un jabot qui ne donnait que 6 mouvements faibles en neuf minutes, avant l'addition d'ergotine, en don- nait 4o, après, et dans le même temps. Pendant la première minute, les mouvements sont 548 ERGOTINE. peu accusés, mais ils se renforcent progressivement et bientôt atteignent une amplitude qui peut être double de l'amplitude primitive. En prolongeant l'expérience, les mouve- ments diminuent de nombre, mais conservent une vigueur toute particulière. Ces résultats, enregistrés par des tracés, sont démonstratifs, de l'action de l'ergotine sur les fibres contractiles. Cependant nous ne pensons pas qu'il faille nier la participation possible de certaines influences nerveuses, dans la production des effets moteurs de l'ergot, ou tout au moins il est bien difficile de prouver que ces influences n'existent pas. Dans les descriptions que nous avons données des effets de l'ergot, nous avons noté des troubles nerveux sensitifs et moteurs d'une certaine importance; troubles de la sensi- bilité, éblouissements, vertiges, spasmes, contractures, convulsions, paralysies; or la plupart d'entre eux peuvent très bien, comme on l'a prétendu, être la conséquence des modifications apportées à l'irrigation sanguine des centres nerveux par l'iscbémie et la vaso-constriction produites par le poison. De cette façon, tout peut être ramené à une même cause, et le mécanisme des accidents principaux de l'ergotisme est relativement simple. Mais en est-il réellement ainsi? Tous :es physiologistes -ne le pensent pas, et cer- tains admettent au contraire l'existence d'actions nerveuses directes. Hemmeter, notamment, croit, d'après ses recherches, que l'ergot de seigle peut agir sur l'utérus par l'intermédiaire de la moelle lombaire. Pour lui, la destruction de la moelle lombaire, chez la lapine, s'oppose à la production des contractions utérines que provoque l'ergotine quand la moelle est intacte. Grigorjeff exprime la même opinion et prétend que de ses expériences sur le chien et sur la poule, il ressort que l'ergot porte ses premiers coups sur le système nerveux central, dont les centres vaso-moteurs, primitivement excités, déterminent l'ischémie périphérique classique par contraction des petits vaisseaux. D'autre part, il est bien certain que si, pendant l'intoxication générale, les terminai- sons sensitives périphériques restent excitables, elles se paralysent sous l'influence directe et le contact immédiat du poison. En somme, il est difficile, comme nous le disions plus haut, de savoir exactement quelle part revient aux influences nerveuses directes dans les efiets de l'ergot et de l'ergotine, mais il n'en est pas moins vrai que l'électivité dominante de ces substances, pour tout ce qui est fibres lisses et contractiles, est parfaitement démontrée; par suite, les effets excitants de l'ergot sur l'utérus, l'intestin, l'estomac, la vessie, la pupille, les fibres musculaires du poumon, les vaisseaux, ainsi que les conséquences immédiates ou secondaires de ces effets, sont suffisamment expliqués. Altérations et lésions observées à la suite de l'intoxication ergotinique. — Sang. — Indépendamment des altérations qu'il subit dans les points où se produisent des gangrènes et des mortifications, le sang ne présente pas de modifications bien carac- téristiques. D'ailleurs, pour Recrlinghausex, la cause même de la gangrène ergotique se trouverait dans une thrombose hyaline des fines branches artérielles, résultant de la stase sanguine provoquée par l'action vaso-constrictive du poison. RoNCAGLiOLO prétend que, sous l'influence des injections d'ergotine, les globules blancs augmentent dans le sang, et que cette augmentation, qui atteint son maximum deux ou trois heures après l'administration, persiste environ cinq heures. Cette leucocytose a été vue également par Grigorjeff, qui a signalé de plus des alté- rations dégénératives des deux ordres de globules. Système nerveux. — Un des premiers, Arnaud paraît s'être intéressé aux altérations histologiques produites par l'ergot, mais il n'a rien apporté de significatif. Tugzek a entie- pris des recherches beaucoup plus complètes sur ce sujet, et dit avoir observé, dans les «ordons postérieurs de la moelle, les cordons de Burdach exclusivement, des dégéné- rescences hyperplasiques avec transformation fibrillaire de lanévroglie. Gruenfeld n'a rien vu de semblable, mais Walker, par contre, a vérifié et confirmé les observations de Tiiczer. En 1895, F. Romaxo a publié un travail intéressant, dans lequel il signale également les lésions médullaires produites par l'ei^got de seigle; mais, contrairement à Tugzek, il prétend : 1° que le processus dégénératif ne dépend pas d'une inflammation primitive de la névroglie, mais des éléments nerveux eux-mêmes; 2° que les lésions atteignent de préférence les cellules et les fibres de la substance grise et des faisceaux antérieurs. ERGOTINE. 54H C'est encore et surtout clans les cordons postérieurs de la moelle que Grigoujeff retrouve des altérations anatomiques, consistant en une myélite récente, chez les animaux empoisonnés par l'ergot de seigle. (ÏRiGORJEKi' signale également la dégénération de l'endothélium vasculaire, des élé- ments cellulaires du rein et du foie et des fibres du myocarde; des altérations vascu- laires et des extravasations sanguines dans le poumon. Organes de la vision. — Dans plusieurs épidémies d'ergotisme, on a signalé, chez les individus qui ont survécu, des cataractes doubles; celles-ci ont d'ailleurs été repro- duites expérimentalement chez les animaux et proviennent d'un trouble dans la nutri- tion du cristallin, par suite de l'action vaso-constrictive et de l'insuffisance d'irrigation sanguine de l'œil. Ces différentes altérations, et notamment les lésions parenchyniateuses des centres nerveux, de la moelle en particulier, sont intéressantes, car certainement elles caracté- risent des troubles de la nutrition subordonnés aux modifications apportées par l'ergot de seigle dans la vascularisation et l'irritation sanguine de ces organes. Elles justifient l'importance accordée aux modifications circulatoires dans la production des accidents nerveux ne l'ergotisme. Effets comparatifs des différents extraits ou principes actifs extraits de l'ergot de seigle. — Parmi les extraits d'ergot de seigle employés sous le nom d'ergo- tine et qui, nous le rappelons, ne sont pas des produits purs mais des mélanges des différents principes actifs, les extraits aqueux sont les plus recommandables; ce sont les plus riches et les plus actifs. Aussi les extraits aqueux de Bonjean, d'YvoN et du Codex sont-ils de beaucoup pré- férables à l'extrait alcoolique de Wiggers, qui, d'ailleurs, n'est plus employé aujourd'hui. L'extrait de Wiggers est environ 10 fois moins actif que l'extrait de Bon.iean; ce dernier correspond à 8 ou 10 grammes de poudre d'ergot; il est par conséquent inférieur à l'ergotine d'Yvox, dont 1 gramme correspond à 1 ou 2 grammes de poudre, suivant le degré de concentration. Les conclusions de Kœhler sont conformes à ces données et signalen); des différences notables dans les propriétés pharmacodynamiques de l'ergotine BoiN.iEAN et de l'ergotine Wiggers. Mais les comparaisons sont plus intéressantes à faire entre les différents produits isolés comme principes actifs, car, dans les effets propres de chacun d'eux, on a recherché la cause des symptômes essentiels et caractéristiques de l'ergotisme. Pour KoBERT et Schmiedeberg, les éléments actifs les plus importants sont la cornu- tine et l'acide sphacélinique. La cornutine produit surtout des convulsions et des contractures musculaires: à faible dose, elle provoque des vomissements, de la diarrhée, de la salivation et le ralen- tissement du cœur, par excitation des modérateurs. L'utérus gravide est le premier organe atteint par la cornutine, qui agit d'autant mieux que l'animal est plus près du terme. L'acide sphacélinique est l'agent vaso-constricteur et nécrogène par excellence; éga- lement excitant des contractions de l'utérus, il provoque l'avortement chez le chat et chez le chien, dans les dernières semaines de la grossesse; à faible dose, il produit, chez le coq, des gangrènes de la crête et des points de sphacèle localisés à la langue, au voile du palais, à l'épiglotte, aux ailes. Chez les lapins, les chats, les chiens, il déter- mine dans la muqueuse intestinale des lésions qui, d'après Robert, rappellent celles de la fièvre typhoïde. Les contractions utérines, provoquées par l'acide sphacélinique, sont énergiques et soutenues; elles ont un caractère tétanique, tandis que celles de la cornu- tine présentent des pauses rappelant un peu les contractions normales. L'acide ergotinique n*a aucune part à l'action de l'ergot de seigle sur l'utérus; cepen- dant, injecté dans le tissu conjonclif sous-cutané et absorbé, il détermine un abaissement de la pression sanguine et des troubles nerveux : paralysie médullaire et cérébrale ascen- dante, avec diminution et altération du pouvoir rétlexe. En somme, l'acide ergotinique, au lieu d'être vaso-constricteur, est vaso-dilatateur; il n'est pas nécrogène et n'a pas d'action sur l'utérus, même en état de gustation. - Ces faits sont confirmés par Markwald; mais Nikiti.n, qui, cependant, a observé, lui aussi, les effets dépressifs et paralysants nervins, les propriétés vaso-dilatatrice et hypo- 550 ERGOTINE. tensive de l'acide sclérotinique, pre'tend que, sous l'influence de ce corps, l'utérus, gravide ou non, se contracte et prend une couleur pâle. II n'en paraît pas moins démontré que les propriétés pharmacodynamiques caracté- ristiques de l'ergot de seigle se retrouvent surtout dans l'association des effets de la cornutine et de l'acide sphacélinique; ce dernier est d'ailleurs le plus important car, à lui seul, il produit le tétanos utérin, l'action vaso-constriclive, la formation des tbrombus hyalins oblitérateurs et la gangrène. Nous trouvons très logique l'explication qui de la cornutine fait l'agent nervin et convulsif de l'ergot, car dans ses actions propres dominent en effet la convulsion, la contracture et la raideur des muscles; ces effets directs sur les centres nerveux s'ajouteraient à ceux qui sont, plus immédiatement, la conséquence des troubles circulatoires et de l'ischémie produits par l'acide sphacélinique. Enfin, en attri- buant à l'acide ergotinique une part dans la production des paralysies, des états narco- tiques, des troubles sensitifs et moteurs de l'ergotisme, on arrive à donner une idée assez juste, quoique un peu schématique, des interventions élémentaires dont l'ensemble constitue le tableau symptomatique que nous avons donné des effets de l'ergot de seigle. Mais nous tenons essentiellement à répéter encore que nous ne considérons pas l'étude chimique et pharmacodynamique de l'ergot de seigle comme achevée; malgré les nombreux et excellents travaux publiés, il y a beaucoup de points obscurs à éclaircir. L. GUINARD. Bibliographie. — Pour tous les travaux antérieurs à 1870, le lecteur voudra bien se reporter à l'index bibliographique très complet qui termine la thèse de Holmes, Paris, 1870. Abel. Ergotinols ah Ersctz fur Ergotin [Berlin, klin. Wocli., n" 8, 22 février 1897). — Arn.^ud (H.}. Contribution à l'étude expérimentale de Vaction physiologique et du mode d'action de l'ergot de seigle [Thèse de Montpellier, 9 janvier 1875). — B.\illv (Emile). JVoî<- veau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, article « Ergot de seigle », xiii, 1879. — Bénard (P.). De Vaction hémostatique des injections sous-cutanées cVergotine, Paris, 1879. — Blumberc. Ein Deitrag zur Kenntniss der Mutteriiorn Alkaloid, Dorpat, 1878. — Bœkel. 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De Luynes a montré qu'elle est analogue aux glucosides ou aux i;lycérides. Par ébullition avec l'eau elles alcalis dilués, elle donne de l'érythrite, de l'or- cine et de lacide carbonique. C20H22O10 + 2H20 = C*HioO* + (2C8H804) ou 2G'H802 + 2C02. Acide Orcine. orsellique. L'érythrine est donc de l'érythrite diorsellique. ÉRYTHRITE (C'^H'oo^). — Voyez Érythrine. ÉRYTHROCENTAURINE. — Matière analogue à la santonine qu'on extrait de la centaurée rouge (C^'H^^O^). ÉRYTHRODEXTRINE. — Voyez Dextrine. f r ^^ ERYTHROPHLEINE (De epuôpov, rouge et œ).otoç, écorce). — Ce nom a été donné par Gallois et Hardy au principe actif qu'ils ont extrait de l'écorce de l'Ery- ERYTHROPHLÉINE. 533 îhrophlœum gulneensc, appelée vulgairement (''corce de Mançône des Portugais, Tali ou Téli ou Bourane des Floups. C'est l'usage de cette écorce par certaines peuplades de l'Afrique occidentale pour empoisonner leurs flèches et pour préparer des liqueurs d'épreuves destinées aux criminels qui ont amené ces savants à en rechercher les pro- priétés chimiques et physiologiques. Préparation. — Le principe actif a été isolé par la méthode de Stas modifiée par l'emploi de l'éther acétique. L'écorce est pulvérisée etjmise à macérer pendant trois jours avec un centième de son poids d'acide tartrique dans de l'alcool à 90". On passe avec expression, on filtre et on répète trois fois la même opération. Les teintures alcoo- liques sont distillées en grande partie au bain-marie ; le reste est évaporé sur l'eau chaude également, à une basse température, et jusqu'à consistance d'extrait. On reprend cet extrait par l'eau distillée tiède, jusqu'à ce qu'il soit épuisé; ou réunit les liqueurs, on les laisse refroidir, on les filtre et on les concentre à une basse température. Cette dernière solution est neutralisée par un excès de bicarbonate de soude, et on l'agite immédiatement avec cinq fois son volume d'éther acétique pur. On prolonge le contact pendant plusieurs Jieures, on sépare l'éther au moyen de l'entonnoir à robinet, et on répète la même manipulation sur une nouvelle quantité d'éther acétique. Cet éther est évaporé à l'air libre à une basse température; on reprend le résidu par l'eau distillée froide, on filtre et on laisse évaporer dans le vide. Pour purifier le résidu obtenu, on le redissout dans l'éther acétique, on filtre, on évapore, on reprend par l'eau distillée et cette dernière solution est abandonnée à l'évaporation spontanée sous une cloche en présence de l'acide sulfurique. L'érythrophléine obtenue par ce procédé est un corps blanc jaunâtre, transparent, et présentant un aspect cristallin, facile à constater au microscope. Gallois et Hardy ont recherché si l'érythrophléine préexistait dans l'écorce de l'éry- throphlœum, à l'état d'alcaloïde, où si elle n'e'tait pas le produit du dédoublement d'un glycoside naturel, sous l'influence des acides employés dans le procédé d'extraction. Si elle existait dans la plante à l'état de glycoside, on devrait l'obtenir directement par décoction dans l'eau distillée. Or, quand on fait bouillir la poudre d'écorce d'érythrophlœum avec l'eau, on obtient, après concentration et filtration, un liquide qui précipite faiblement en blanc par l'iodure de mercure ioduré, et en blanc jaunâtre, par l'iodure de potassium ioduré. Ces réactions caractérisent les alcaloïdes et non les glycosides ; c'est donc bien un alcaloïde, que l'eau distillée a enlevé à écorce. La petite quantité d'écorce dont disposaient Gallois et Hardy ne leur a pas permis de faire l'analyse de leur produit; ils en ont donné seulement les caractères chimiques suivants. Propriétés chimiques. — L'érythrophléine est soluble dans l'eau, dans Talcool amylique et dans l'éther acétique. Elle est peu ou pas soluble dans l'éther sulfurique, le chloroforme et la benzine. Elle se combine avec les acides pour former des sels. Elle précipite par la solution concentrée de chlorure de platine. Si l'on dissout dans l'eau froide le précipité ainsi formé, et qu'on laisse la solution s'évaporer sous une cloche, en présence de l'acide sulfurique, on obtient un résidu cristallin de chlorure double d'éry- throphléine et de platine, qu'on peut purifier par plusieurs cristallisations successives. La solution d'érythrophléine, mise 'en contact avec l'acide sulfurique, ne produit rien à froid; mais si l'on chauffe, on fait apparaître une couleur brun saie, qui passe au violet parle refroidissement. Point de coloration, ni à froid ni à chaud, avec les acides nitrique et chlorhydrique. Avec l'acide phospho-molybdique, précipité grenat, jaune-verdàtre, qui passe au vert le lendemain. Avec l'acide picrique, précipité jaune-vert. Avec l'iodure de potassium ioduré, précipité jaune rougeàtre. Avec l'iodure de mercure et de potas- sium, précipité blanc. Avec l'iodure de bismuth et de cadmium, précipité jaune. Avec l'iodure de cadmium et de potassium, précipité blanc floconneux. Avec le bichromate de potasse, précipité jaunâtre. Avec le bichlorure de mercure, pi'écipité blanc. Avec le chlorure d'or, précipité blanchâtre. Avec le chlorure de platine, précipité blanc jau- nâtre, cristallin. Avec le chlorure de palladium, précipité blanc. Mis en contact avec le permanganate de potasse et l'acide sulfurique, l'érythrophléine prend une couleur vio- lette, moins intense que celle que fournit la strychnine dans les mêmes conditions, et 554 ERYTHROPHLEINE. qui prend bientôt une teinte sale. La solution de potasse concentrée donne avec le chlorhydrate d'érythrophléine un précipité blanc cristallin. Si l'on approche de la même solution concentrée une baguette trempée dans l'ammoniaque, il se forme, à distance et immédiatement, un précipité blanc, opaque, qui otFre au microscope l'aspect cristallin et qui se redissout dans l'éther acétique. Toxicité. — Les premières recherches physiologiques de Gallois et Hardy, sur cet alcaloïde, ont mis en évidence sa grande toxicité. Un cobaye auquel ils avaient injecté à 4 heures 30 du soir sous la peau du ventre 4 milligrammes d'érythrophléine dans deux centimètres cubes d'eau distillée fut trouvé mort le lendemain matin de bonne heure. Un autre cobaye, qui avait reçu sous la peau du dos gros comme deux têtes d'épingle d'érythrophléine impure en solution dans 8 grammes d'eau, est mort en vingt-quatre minutes. A un chat âgé de 5 jours, l'injection sous-cutanée d'une dose égale a amené la mort en vingt-sept minutes. Deux milligrammes d'érythrophléine, injectés sous la peau d'une grenouille, ont paralysé son cœur en six minutes. Mais la grenouille, qui peut vivre un certain temps sans circulation, n'est point tuée immédiatement; elle res- pire, marche et saute sous la cloche qui la renferme. Elle retire ses pattes quand on les pince; puis, dans un espace de temps dont la durée varie de une demi-heure à une heure, ou plus, [elle s'engourdit peu à peu, devient de moins en moins sensible aux excita- tions extérieures, s'atfaisse et tombe dans un état de résolution profonde, au milieu duquel la mort se pi'oduit. SÉE (G.) et BocHEFONTAiNE out déterminé la dose toxique chez le chien; 1 milligr. o par kilogramme en injection hypodermique est une dose mortelle en quelques heures; la dose de 1 milligramme par kilogramme d'auimal ne produit pas d'effets toxiques bien évidents. Lipp rapporte deux cas d'intoxication générale survenue à la suite d'injections sous- cutanées de chlorhydrate d'érytrophléine. Dans un cas, chez une femme de 23 ans, il avait injecté 1 centigramme de chlorhydrate d'érythrophléine (Merck), sous la peau de l'avant-bras. Avant l'injection la fréquence du pouls était de G8 à 66. En l'espace d'une demi-heure, le nombre des pulsations descendit à 30-48. Une douleur assez vive s'était développée autour de la piqûre; puis il y eut apparition de papules, vertige, obnubila- tion de la vue; pâleur du visage, agitation, irrégularité du pouls. Pas d'anesthésie. Les accidents disparurent une heure et demie environ après l'injection. A une autre femme âgée de 33 ans, très nerveuse, affectée d'une névralgie cervico-occipitale et d'une rétinite syphilitique, Lipp fit deux injections de 3 milligrammes chacune; l'une à la nuque, l'autre dans la région dorsale, du côté de la douleur. La fréquence du pouls, au moment de l'injection, était de 96-100 au bout de vingt minutes, vives douleurs au siège de chaque piqûre. Au bout de vingt-cinq minutes, le pouls était à 120»; la malade éprouvait une sensation de grand malaise, de la dyspnée, des spasmes douloureux dans la région du cœur. Puis apparurent des secousses couvulsives des muscles de la face et des membres, avec perte incomplète de la connaissance pendant cinq minutes. Ces manifeetations s'étaient dissipées au bout de quinze heures. Action cardio-vasculaire. — Parmi les symptômes observés à la suite de l'injec- tion d'érythrophléine les modifications cardiaques ont été surtout étudiées; c'est en effet par arrêt du cœur que se produit la mort dans cet empoisonnement. N. Gallois et E. Hardy ont fait les premiers l'étude de cette action cardiaque : ils ont montré que, chez la grenouille une solution de 2 milligrammes d'érythrophléine en injection sous-cutanée arrête le cœur en systole après six minutes. Une goutte d'eau distillée, tenant en disso- lution un demi-milligramme d'érythrophléine, placée directement sur le cœur de la grenouille, mis à nu, donne lieu à la même observation; après deux minutes de contact de la solution le cœur ralentit ses battements de 44 à 36 par minute, après dix minutes on ne compte plus que 16 contractions du ventricule, et, après douze minutes, il y a arrêt en systole. A ce moment, l'application de la pince électrique ne réveille plus les con- tractions cardiaques. Une solution de chlorure double d'érythrophléine et de platine appliquée directe- ment sur le cœur de la grenouille a une action aussi marquée : en quatre minutes le nombre des pulsations tombe de 42-44 à 28 par minute, et en neuf minutes on obtient l'arrêt en systole. ERYTHROPHLEINE. oo5 Chez un chien de 19 kilogrammes, une injection intra-veineuse d'érythrophléine fit tomber le nombre des pulsations de 108 à 84 en une demi-minute; puis à 60-60 pendant la minute suivante; puis, vingt secondes plus tard, le nombre des pulsations augmente, 207 par minute, puis 266, et enfin, 6 à 7 minutes après l'injection, le cœur s'arrêta en diastole. Chez un autre chien, après une première injection qui avait amené une accé- lération du pouls, une deuxième injection fit tomber le nombre des pulsations de 132 à 32 par minute et en même temps l'amplitude des pulsations devenait 3 à 5 fois plus considérable qu'à la lin de la première partie de l'erapoisonneinent. Ici encore, à l'au- topsie, on trouva le cœur mou et arrêté en diastole. Cette action cardiaque a été aussi étudiée par G. Sée et Bochefoxtaine ; ces auteurs ont aussi observé la période de ralentissement cardiaque caractérisée par la régularité et l'énergie plus grande des pulsations; ils ont vn également, à la suite de cette période, succéder une phase dans laquelle le pouls est extrêmement faible et accéléré, puis sur- viennent des battemenis de plus en plus faibles qui cessent par moment jusqu'à s'arrê- ter définitivement. Le système nerveux cardiaque est influencé par l'érythrophleine, comme le prouvent les expériences de G. Sée et Bochefontaine. L'excitation faradique des bouts thoraciques des nerfs vagues à la région cervicale ne détermine plus l'arrêt du cœur chez l'animal intoxiqué. La chute brusque de la pression sanguine qui survient sous l'influence de cette excitation nerveuse se manifeste au contraire comme normalement. On pourrait donc avec cette substance dissocier physiologiquement les deux phénomènes circula- toires qui résultent de l'excitation des bouts périphériques des vago-sympathiques. L'excitation faradique des bouts céphaliques des pneumogastriques, dans une période avancée de l'intoxication, n'entraîne pas l'accélération du pouls qu'elle détermine tout d"abord dans les conditions normales, mais elle agit sur la tension artérielle comme elle lait d'ordinaire, c'est-à-dire en l'augmentant; c'est là encore une disjonction des effets physiologiques. La faradisalion des bouts cardiaques ou des bouts céphaliques des nerfs vago-sympalhiques entraîne donc, chez l'animal à l'état normal, les mêmes modifica- tions de la pression que chez l'animal qui a reçu de l'érythrophleine. Le rythme du cœur, au contraire, est respecté par les mêmes excitations faradiques chez Uanimal intoxiqué par cet alcaloïde. Les auteurs ont aussi constaté que le cœur au moment de la mort est en diastole, flasque et rempli de sang. Quelquefois les ventricides sont ani- més de trémulations semblables à celles qui succèdent à la faradisation de ces ventri- cules. N. Gallois et E. Hardy, qui ont cherché à déterminer le mécanisme de la paralysie cardiaque, pensent qu'elle est due à une action du poison sur la fibre musculaire ; leurs expériences sur le cœur isolé mis en contact avec une solution d'érythrophléine sont en efîet conformes à cette conclusion. Les autres muscles ne seraient pas non plus à l'abri de cette action de l'érythrophleine; mais si, à la suite d'une injection d'érythrophléine, le muscle cardiaque est le premier paralysé, cela tient à la plus grande masse de sang (c'est-à-dire de poison, puisque le sang en est le véhicule) qu'il reçoit en un temps donné. N. Gallois et E. Hardy ont encore recherché si le cœur paralysé par l'érythrophleine ne reprendrait pas ses mouvements sous l'influence de l'atropine. Toutes leurs tentatives expérimentales faites soit sur la grenouille, soit sur le cobaye, ont été infructueuses; l'injection sous-cutanée de sulfate d'atropine ou même l'instillation de cette substance dans les ventricules n'a jamais fait reparaître les mouvements du cœur. L'injection de sulfate d'atropine faite préventivement n'a pas non plus modifié l'évolution habituelle des troubles cardiaques que provoque l'érythrophleine. Le curare retarde seulement l'empoisonnement par l'érythrophleine sans l'empêcher de se produire. L'action de l'érythrophleine sur la pression sanguine est aussi des plus remar- quables; K. Gallois et E. Hardy ont encore les premiers étudié cette propriété qui se trouve bien mise en évidence par quelques-unes de leurs expériences résumées dans les tableaux suivants. 556 ERYTHROPHLEINE, I, Chien de chasse du poids de 19 kilogrammes. — Curarisé, — Respiration artificielle. — On lui injecte dans la veine fémorale, gros comme deux lentilles d'érythrophléine impure, dissoute dans un centimètre cube d'eau distillée. TEMPS COMPTÉ PRESSION SANGUINE NOMBRE DEPUIS LE MOMENT de l'injection. DANS LA CAROTIDE en centimètres de mercure. DE PDLSATION.S. 0 l.j 108 15" n 108 30" 17,4 84 l'37" 22,6 60 à 66 l'57" 25,8 207 2'7" 26 66 2'18" 28 266 Arrèl du cœur G ù 7 minutes après l'injection. II. Chien de Terre-Neuve du poids de 35 kilogrammes. — Curarisé. — Respiration artificielle. — Injection dans le tissu cellulaire de la région inguinale, gros comme un pois d'érythrophléine impure, dissoute dans un centimètre cube d'eau distillée. TEMPS COMPTÉ DEPUIS LE MOMENT de l'injection. PRESSION SANGUINE DANS LA CAROTIDE en centimètres de mercure. NOMBRE DE PULSATIONS. 0 7' IG' 13 14 19 128 106 130 21 minutes après l'injection Je cœur s'arrête. III. Chien terrier du poids de 12 kilogrammes. — Curarisé, OerjOS. — Respiration artificielle. — Injection, dans le tissu cellulaire de la région inguinale, d'une solution au 100' d'érythrophléine impure. TEMPS. INJECTIONS. PRESSION SANGUINE DANS LA CAROTIDE en centimètres de mercure. NOMBRE DE PUL.SATI0NS. 2 h. 57 2 h. 59 3 h. 3 3 h. 6 cpntigi-. » 1,5 14,5 » 15 14,2 lis » 154 152 3 h. 7 » » » 3 h. 12 1) » 148 3 h. 18 )) 1 :; 132 3 h. 20 3 h. 30 1 )) 11,9 u » 32 3 h. 32 » 8,7 65 3 h. 33 3 h. 36 13 1) 8» 102 3 h. 46 3 h. 50 3 h. 51 3 h. 52 » )1 10. 5 7,5 7 )) 200 212 1) 4 h. 8 4 h. 11 » 1 3,5 » » U 4 h. 13 » » » 4 h. 16 0,5 4 » 4 h. 18 )) 0,5 » 4 h. 29 » O » L'animal meurt à 4 li. 31. ÉRYTHROPHLEINE. 557 Les applications thérapeutiques de cette action cardio-vasculaire de Térythrophléine ont été essayées dans un certain nombre de cas. Pour G. Sée la dose médicinale est de i milligramme et demi à 2 milligrammes et demi. Au delà l'intoxication commence. La dose thérapeutique bien tolérée par les organes digestifs ne produit que peu de modifications dans l'état du cœur, même chez les cardiaques; dans une observation le- pouls s'est montré moins fort, et l'impulsion cardiaque moins intense; dans une autre observation les battements cardiaques se sont ralentis, mais sont restés irréguliers; l'arythmie a persisté. Dans un cas les palpitations ont diminué; mais enfin, conclut G. Sée, l'érythrophléine ne modifie d'une manière persistante ni la force d'impulsion, ni l'arythmie, et ce fait est d'autant plus surprenant, ajoute-t-il, que la respiration subit des changements profonds, constants, persistants, qui devraient au moins faciliter indirectement la circulation. Herma.nn a employé chez ses malades une solution de 0,002 d'érythrophléi le pour 10 d'eau de laurier cerise, dont il donne -10 gouttes par heure; en général, ce médica- ment est bien supporté; dans (juelques cas cependant il a noté l'apparition de nausées et de phénomènes d'excitation. Il a constaté, lui aussi, le ralentissement cardiaque, mai& cette action n'est ni constante ni permanente. On pourra employer ce médicament quand les autres médicaments cardiaques ne sont pas supportés. Harnack, qui plus récemment a expérimenté la nouvelle préparation de Merck, dit qu'avec cette substance on n'aura plus à redouter l'action picrotoxique de l'ancienne préparation; cette substance a une action digitalique énergique et non cumulative qui pourra être utilisée dans certains cas bien déterminés; toutefois il faudra toujours com- mencer par de très petites doses. Harnack signale aussi l'influence très remarquable de ce produit sur la pression sanguine. Dans certains cas, Hermann a observé une action diurétique remarquable, attribuable à l'érythrophléine. Action sur la respiration. — Sur la respiration, l'érythrophléine possède une action qui a été particulièrement étudiée par G. See et Boghefontaine. A la suite d'une injection d'érythrophléine, ces auteurs ont observé chez le chien des modifications res- piratoires en l'absence de tout autre symptôme toxique et en particulier sans que les battements du cœur se soient sensiblement modifiés. Les tracés pneumo-graphiques accusent dans ces cas une augmentation de l'amplitude des mouvements respiratoires et une diminution du nombre des respirations dans la proportion de 1/6 à 1/8. Cette même action a été observée chez l'homme. En poursuivant l'étude de cette action de l'érythrophléine sur la respiration, G. Siîe et Bochefontalxe ont constaté que, chez le chien empoisonné par l'érythrophléine, le diaphragme conserve, immédiatement après la mort, son excitabilité normale, alors que les nerfs phréniques, contrairement à ce qui se passe normalement, perdent leur excitabilité beaucoup plus rapidement que les autres nerfs. Pour ces auteurs, le ralentissement et l'augmentation d'amplitude des mouve- ments respiratoires, dans l'intoxication légère, tiendraient à une localisation d'action de l'érythrophléine sur les terminaisons des nerfs phréniques. Dans une phase avancée de l'intoxication, il est facile de constater que le centre respiratoire se trouve fortement atteint. La section des nerfs vagues chez les animaux intoxiqués n'empêche pas le poison d'agir sur le cœur et la respiration. L'érythrophléine agit comme excitant de tous les centres respiratoires, médullaires ot bidbaires. G. Sée et Bochefoxtaine ont encore montré l'action spéciale de l'érythrophléine en injectant cette substance à des lapins chloralisés. Après l'injection, la respiration devient de plus en plus fréquente et prend un caractère de plus en plus dyspnéique. Sur l'homme sain comme sur le chien, l'érythrophléine diminue le nombre des res- pirations, en même temps qu'elle augmente l'amplitude des mouvements d'inspiration du thorax. Chez l'homme malade, les mêmes effets ont encore été observés, et l'on a pu remarquer que, chez lui comme chez l'animal sain, l'influence de l'érythrophléine sur la respiration est passagère, lorsque, bien entendu, cette substance est administrée à dose non toxique, c'est-à-dire à dose thérapeutique. On ne devra donc pas comptei- sur une action persistante de ce médicament, et on ne l'emploiera que comme adjuvant d'un autre traitement, ou pendant une pause dans l'emploi d'un autre agent thérapeutique. Les dyspnées sont, à l'exception des dyspnées thermiques, partout en voie de dimi- S58 ÉRYTHROPHLEINE. nulion. Dans tous les états pathologiques, le médicament produit une sensation de bien- être, une facilité de respiration que tous les malades accusent spontanément au bout de quelques heures; tous annoncent d'abord une modification subjective de la respiration; la sensation du besoin de respirer est plus satisfaite, la soif d'air diminuée, et le malade se sent plus libre du côté de la respiration. Cependant le nombre des respirations ne diminue pas sensiblement; mais, ce qui est frappant, c'est que le type respiratoire est complètement modifié; l'inspiration prend une grande amplitude; le tracé reproduit chez les malades, comme à l'état sain, le même schéma, c'est-à-dire l'ascensionr busqué, considérable, de la ligne respiratoire; c'est une inspiration à la fois profonde et facile; on n'aperçoit plus aucun effort inspiratoire de la part des muscles auxiliaires. L'inspi- ration se fait désormais parle diaphragme surtout, les muscles scalènes, les élévateurs des côtes, intercostaux externes; quand l'inspiration est forcée, les muscles du tronc, les sterno-cléïdo-mastodiens, trapèzes, petits pectoraux, dentelés, rhomboïdes, extenseurs de la colonne vertébrale entrent enjeu. 11 n'en est plus ainsi pendant les inspirations les plus profondes que provoque l'érythrophléine ; on n'observe aucun effort, et par conséquent aucune intervention de la série des muscles auxiliaires; le diaphragme suffit pour produire cette énorme inspiration, qui semble surtout consister dans un allongement de la cavité Ihoracique, dû à la contraction énergique et à l'abaissement du diaphragme. Cette élude physiologique et chimique de l'action de l'érythrophléine sur la respiration, faite par G. Sée, se trouve confirmée dans sa partie thérapeutique par l'observation de Hermann, qui, lui aussi, signale, dans les mêmes conditions, l'influence subjective de ce médicament. Action sur les muscles. — Gallois et Hardy, qui ont eu l'attention appelée sur l'action cardiaque de l'érythrophléine, ont recherché aussi l'action de cette substance sur les autres muscles striés. Ils ont vu que les muscles, chez une grenouilJe empoisonnée, deviennent insensibles au passage du courant galvanique, plusieurs heures plus tôt que quand on se borne à les priver du conctact du sang sur un animal sain. Les muscles striés, qui ont été mis en contact direct avec le poison, perdent leur contractilité beau- coup plus vite que les autres. La grenouille empoisonnée, et qui cherche à fuir, traîne péniblement la jambe dans laquelle a été pratiquée l'injection, et, quand elle cesse de répondre aux excitations directes, si on l'électrise, ou reconnaît facilement le membre qui a reçu la solution toxique, à la disparition rapide de la contractilité de ses muscles. Action sur le système nerveux. — Lewin le premier a reconnu à l'érythrophléine une propriété anesthésiante; il s'est servi pour ses recherches du chlorhydrate d'érythro- phléine préparé par Merck. Une solution de chlorhydrate d'érythrophléine au 1/500 ins- tillée dans l'œil d'un chat y produit, après quinze à vingt minutes, une anesthésie com- plète d'une durée de vingt-quatre à soixante heures. Les solutions concentrées à l/oO provoquent une irritation très intense de la cornée qui se dissipe cependant en peu de jours. Chez le cobaye,' quinze minutes après l'injection hypodermique de l'érythro- phléine, on peut inciser la peau de la région de la piqûre sans provoquer la moindre douleur; les muscles mêmes sont insensibles. Dans une autre expérience, Lewin rapporte qu'ayant injecté dans le flanc d'un cochoii d'Inde 1/2 milligramme d'érythrophléine dans 1 centimètre cube d'eau, il a obtenu, après vingt minutes, une anesthésie locale tellement considérable, qu'il a pu couper la peau, les muscles, et même le péritoine, et suturer ensuite la plaie, sans provoquer la moindre réaction douloureuse. Le même résultat a été obtenu sur un chien. Pour pro- voquer l'anesthésie oculaire, Lewi.n recommande l'usage d'une solution de chlorhydrate d'érythrophléine à 0,0o p. 100. On obtient avec cette solution une forte anesthésie sans dilatation pupillaire. Si quelques j expérimentateurs ont observé de la mydriase, cela tient pour Lewim à l'emploi de préparations impures. Une solution chimiquement pure et fraîche d'érythrophléine n'est pas opalescente, ni acide. D'après Liebrbich, l'érythrophléine n'est pas à proprement parler un anesthésique local : c'est un poison caustique qui, avec beaucoup d'autres substances injectées sous la peau, telles que le perchlorure de fer, le fer dialyse, la rèsorcine par exemple, pro- voque secondairement une insensibilité locale. Sur l'œil, l'action de l'érythrophléine est bien différente de celle de la cocaïne. Tandis que celle-ci anesthésie toutes les mem- branes oculaires, l'érythrophléine amène d'abord l'anesthésie de la cornée, puis de la ERYTHROPHLEINE. 5o9 sclérotique; durant ce temps, la conjonctive reste hypérémiée et très irritée. Les expé- riences sur l'homme confirment celles faites sur l'animal. Les injections sous-culanées d'érythrophléine sont douloureuses et irritantes, déjà à un demi-milligramme, et leurs effets anesthésiques sont consécutifs à leurs effets caustiques. ScHŒLER, qui a étudié l'action de l'érythrophléine sur l'œil de l'homme, a noté les symptômes suivants. L'anesthésie apparaît plus tard qu'avec la cocaïne, mais elle dure plus longtemps. L'instillation d'une goutte d'une solution au 1/500 est immédiatement suivie d'une sensation de cuisson et de corps étranger avec rougeur et épiphora. Cinq minutes plus tard, on constate un affaiblissement de la sensibilité. Les symptômes d'irri- tation augmentent pendant un certain temps jusqu'à l'établissement de l'anesthésie complète de la cornée et disparaissent après trente-cinq à cinquante minutes. Après trois heures, les sujets en expérimentation accusent un alourdissement des paupières et de l'obnubilalion de la vue, comme si un voile épais se trouvait devant les yeux avec des cercles irisés. Ces phénomènes durent deux à trois heures, ils s'amendent ensuite et disparaissent en neuf heures environ. Dans un cas où il avait instillé 2 gouttes de la solution, ScHŒLER vit l'anesthésie complète survenir après cinq minutes; mais, en moyenne, l'anesthésie débute après quinze à vingt-cinq minutes et dure huit à neuf heures. Elle est beaucoup plus profonde sur la cornée que sur la conjonctive. Par des expériences sur le lapin, Schœler a reconnu que l'érythrophléine porte son action sur les terminaisons du trijumeau; elle provoque ainsi les premiers stades d'une kératite neuro-paralytique, tandis que la cocaïne irrite toujours en même temps les ter- minaisons du sympathique. L'emploi de l'atrofjine n'empêche pas l'action de l'érythro- phléine de se produire, et l'excitation du sympathique, mis à nu, donne le résultat habituel malgré l'instillation préalable de l'érythrophléine. KoLLER a particulièrement suivi l'effet produit par l'instillation dans l'œil d'une solution de chlorhydrate d'érythrophléine. Ayant instillé dans l'œil d'un chien 2 gouttes d'une solution au i/400, il observa, une minute enviro.n après, des clignements fréquents des paupières; l'animal cherchait à s'essuyer l'œil avec la patte ou en se frottant aux objets qui l'entouraient. L'œil resta fermé spasmodiquement; la conjonctive était très rouge, et l'on constatait de l'injection ciliaire. Après vingt minutes, l'irritation parut atteindre son maximum. Une demi-heure environ après le début de l'expérience, l'œil restait détlnitivement ouvert. La cornée était complètement insensible aux attouche- ments et aux piqûres. Cette anesthésie dura plusieurs heures. La pupille ne présenta pas de modifications. Le jour suivant, on trouva l'œil spasmodiquement fermé, la conjonc- tive était rouge, tuméliée, le limbe de la cornée boursouftlé; la surface de la cornée était d'une opacité blanchâtre et c'est à peine si l'on pouvait apercevoir la pupille. Après soixante-douze heures, l'opacité commença à diminuer, mais elle persista néanmoins encore. KoLLER fit aussi une expérience sur lui-même. Une à deux minutes api'ès l'instillation dans l'œil de 2 gouttes d'une solution de chlorhydrate d'érythrophléine au 1/800, il ressentit une forte cuisson accompagnée de rougeur de la conjonctive et d'épiphora. La douleur augmenta en irradiant dans toute la moitié correspondante de la face, dans l'oreille et surtout dans le nez. Tous ces phénomènes atteignirent leur maximum d'inten- sité en vingt minutes environ pour diminuer ensuite et disparaître trente-cinq à qua- rante minutes après le début. A ce moment de l'expérience la cornée était complètement insensible. Cette anesthésie profonde se maintint pendant plusieurs heures. Le lende- main matin la sensibilité de la cornée était encore affaibhe. L'action de l'érythrophléine sur la pupille et l'accommodation était nulle, à part un léger myosis qui accompagnait les symptômes d'irritation et était évidemment provoqué par eux. Une heure et demie après le début de l'expérience, Koller éprouva une obnubilation de la vue, dont la cause était une opacité de l'épithéUum de la cornée ; l'œil avait perdu son reflet brillant, et toutes les flammes paraissaient à Koller entourées d'un anneau irisé, comme cela a lieu dans l'accès de glaucome. L'opacité de la cornée diminua lentement et ne disparut tout à fait qu'au troisième jour après l'instillation. Tous les anesthésiques locaux produisent au début une action irritante. Entre la cocaïne et l'érythrophléine, il n'y a à cet égard qu'une différence quantitative. Comme l'érythrophléine, la cocaïne produit une opacité de l'épithélium de la cornée; Koller l'a 560 ERYTHROPHLÉINE. aussi observée; mais cette opacité est légère, et dans la plupart des cas presque imper- ceptible. KoLLER pense que les anestliésiques locaux produisent l'opacité de la cornée, non à la manière des substances caustiques, mais en provoquant dans les cellules épithéliales^ne altération particulière de leur nutrition. TwEEDY, Trousseau, Goldschmidt, Heuss, Kœ.\igstei.\, G. Gutmanx, Hirschberg, Panas, Théoualu, Vignes, ont observé des phénomènes d'irritation analogues à ceux décrits ci-dessus; tous ces observateurs arrivent à peu près à cette conclusion, que toujours la cocaïne est d'un emploi infiniment préférable à celui de l'érythrophléine. Emploj'ée en injections sous-cutanées, l'érythrophléine n'a donné que de mauvais résultats à Kaposi, qui en a déconseillé l'usage. P. GuTTMANN a employé l'érythrophléine en injections hypodermiques chez 11 malades atteints de douleurs névralgiques. Les injections de 1/4 à t/2 milligramme d'érythro- phléine amènent, après vingt-cinq à trente minutes, une sédation marquée de la douleur pour plusieurs heures. Des doses de 1/2 à 2 milligrammes produisent constamment une analgésie de six à huit hem'es de durée. Les injections ont occasionné une sensation de cuisson très supportable, et ont laissé quelquefois après elles une petite induration à l'endroit de la piqûre. En badigeonnages sur les plaies bourgeonnantes, Guttmann a observé que l'érythrophléine y produisait souvent l'anesthésie après l'absorption de 1 milligr. 1/2 de médicament. Lœwenhardt a expérimenté sur l'homme l'efTet d'une solution de chlorhydrate d'érythrophléine au 1/100 en injection sous-cutanée. Il a constaté une douleur ardente, puis la formation d'une éminence orliée au sein d'une zone rouge et œdématiée. 11 y a eu, une demi-heure plus tard, non pas une véritable anesthésie, mais une simple diminu- tion de la sensibilité au niveau de l'œdème. KAREwsKinon plus n'a pas obtenu l'anesthésie totale; mais, en combinant l'application de la bande d'EsMARCH à l'emploi de l'érythrophléine, il a déterminé la production d'une analgésie suffisante pour bon nombre de petites opérations chirurgicales. Dans tous les cas d'injection hypodermique il a observé une phase de douleur, par- fois intolérable, qui dans quelques cas a duré plusieurs jours : il a vu aussi se produire de la rougeur et de l'œdème. L'ischémie artificielle produite par la bande d'EsMARca en augmentant l'anesthésie, diminue en môme temps les phénomènes d'irritation ; mais ceux- ci reparaissent après l'enlèvement de la bande. L'emploi de l'érythrophléine dans les cas de névralgie adonné à IvAREWSKide bien meil- leurs résultats, la douleur provoquée par l'injection et la douleur spontanée primitive ont disparu après 1 heure à 1 h. t/2. La durée de l'analgésie suivant la dose employée peut ainsi se résumer : 1/2 milligr 1, heure 1 — 1 — 2 1/2 — 24 heures 2 1/2 — Guérison définitive. 5 — — 5 — — 1 centigr — De toutes ses expériences, Karewski conclut que l'usage de l'érythrophléine pour l'anes- thésie chirurgicale ne peut être que très limité, à cause de la lenteur avec laquelle l'anes- thésie s'établit, de l'inconstance de cette anesthésie dans les cas où on n'emploie pas l'ischémie artificielle, et des phénomènes d'irritation que les injections provoquent. L'érythrophléine a successivement, par son action caidiaque, puis par son action anes- thésiante, retenu l'attention des physiologistes et des cliniciens. Ceux-ci ont entrevu et tenté des applications nombreuses de ses propriétés à la thérapeutique, mais aujourd'hui ils semblent l'avoir définitivement abandonnée, donnant leur préférence à des substances qui ont des actions certaines et qui ont aussi de moindres inconvénients. Bibliographie. — Martin (S.). 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Par l'ébullition elle se dédouble en glycose et esculétine (C3H«0*). (Ci-^H>609 + H20 = C6Hi20«-f G^H'-O'). Testa avait cru trouver que ce corps a une action analgésiante (1882), et Calyi avait indiqué l'action hypothermisante de cette substance, en même temps il lui attribuait des effets convulsivants à la dose de 2 milligrammes. L. d'Amore a <;tabli que les soi-disant effets de l'esculétine étaient dus à mCT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 36 .H62 ÉSENBECKINE — ESPACE (Le sens de I'). la glycérine employée comme dissolvant {Sulla pretezia azionc convulsivcmte dcirEfsculhm e sid suo potere diuretico, Prorjrcso medico, 1801). ESENBECKINE. — Alcaloïde extrait par Martius de J'écorce d'Esenbeckia febrifuga. ÉSÉRINE. —Voyez Physostigrmine. ESPACE (Le sens de 1'). — I. introduction. — La genèse des notions sur l'espace qui nous environne est un problème qui avait de tout temps occupé les phi- losophes et dont la solution présentait de grandes difficultés. La définition même du mot « espace » n'était point aisée. John Locke qui, l'un des premiers, dans son célèbre Essai sur l'entendement humain, a discuté à fond l'origine de nos notions sur l'espace, reconnaît l'impossibilité de le définir avec précision. Après avoir cité les paroles de Salomon ; « Les cieux,'et les cieuxdes cieux ne te peuvent contenir », celles de Saint Paul : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être », il ajoute évasivement, pour son propre compte : « Que si quelqu'un me demande ce que c'est que cet espace dont je parle, je suis prêt à le lui dire quand il me dira ce que c'est que l'étendue. » Adver- saire des idées innées, Locke se contente de dire que la notion de l'espace nous est don- née aussi bien par la vue que par le toucher (1). Contrairement à l'opinion d'ARisroTE, alors prédominante, que l'espace n'était qu'un attribut de la matière, Locke considéra l'espace comme un vide absolu, bien distinct de la substance. Descartes et ses disciples avaient adopté presque sans modification toutes les idées d'ARisTOTE sur l'espace. Leibnitz se prononça contre les Cartésiens ; il distinguait entre l'espace vide et la matière. L'espace n'était pour Leibnitz qu'une relation entre les divers corps. Kant doit être considéré comme le précurseur des idées actuellement dominantes sur l'espace. Pour ce philosophe, l'espace et le temps sont deux formes données de notre intuition. « L'espace, dit-il, est une représentation nécessaire, aprioristique, qui sert de base à toutes nos idées... Nous ne pouvons nous imaginer qu'il n'existe pas d'espace, quoique nous puissions très bien admettre qu'il n'y ait pas d'objets dans l'espace. L'es- pace est une pure idée (3). » Cette conception de Kant fut particulièrement développée par J. MuLLER (4) : « L'idée d'espace ne peut pas être un produit de l'éducation; au con- traire, la notion de l'espace et du temps est nécessaire, et toutes les sensations se sou- mettent nécessairement à ces notions ; aucune sensation ne peut exister en dehors de la notion de l'espace et du temps. » C'est donc de Kant que date la théorie nativiste de l'espace, tandis que Locke était le véritable initiateur de la théorie empiriste. L'une et l'autre théorie ont trouvé plus tard une large base expérimentale dans les recherches de Helmholtz et de Hering sur la vision binoculaire, sur la formation de i'horoptère et sur divers autres phénomènes physiologiques de notre organe de la vue. C'est aux ouvrages spéciaux que nous renvoyons le lecteur pour les détails des pro- blèmes de psycho-physiologie qu'ils soulèvent. Nous n'en indiquerons ici que les points fondamentaux, en tant qu'ils touchent directement à la formation de nos notions sur l'espace. « La proposition fondamentale de la théorie empiriste, dit Helmholtz (2), c'est que les sensations sont pour notre conscience des signes dont l'inteiprétation est livrée à notre intelligence. En ce qui concerne les signes fournis par la vision, ils diffèrent en intensité et en qualité (en couleur) ; de plus, ils doivent présenter une troisième diffé- rence dépendant de la partie qui est excitée sur la rétine et qui porte le nom de siçjne local. Les signes locaux des sensations de l'œil droit sont généralement différents de ceux des points correspondants de l'œil gauche... Nous sentons, en outre, le degré d'innervation que nous transmettons aux nerfs des muscles oculaires... » « Les notions d'étendue de ces mouvements ne dépendent pas nécessairement des perceptions visuelles ou tout au moins elles n'en dépendent pas uniquement... » « La position que présentent les objets par rapport à notre corps est appréciée à l'aide du sentiment d'innervation des nerfs oculaires, mais elle est contrôlée à chaque instant d'après le résultat, c'est-à-dire d'après le déplacement que les innervations impriment aux images... » ESPACE (Le sens de 1). ' 563 Tout opposée est la manière de voir de Hering (5). Ce dernier admet qu'à l'état d'exci- tation les différents points de la rétine provoquent, outre les sensations de couleurs, trois sortes de sensations d'étendue : « La première répond à la position en hauteur de la portion correspondante de la rétine, la seconde à sa position en largeur. Les sensa- tions de hauteur et de largeur, dont la réunion donne la notion de direction, relative- ment à la position de l'objet dans le champ de vision, sont égales pour les points cor- respondants. » Il existe de plus une troisième sensation d'étendue d'une nature particulière, c'est la sensation de profondeur. » Les deux théories diffèrent donc par des points essentiels, et aucune n'est complète- ment satisfaisante. « Notre connaissance des phénomènes se rapportant à cette question est encore trop incomplète pour ne permettre qu'une seule théorie et exclure tout autre », reconnaît Helmholtz. Chacune des deux théories prête à des objections nom- breuses, et pour la plupart insurmontables. Helmholtz formule notamment celle-ci contre la thèse nativiste : « Je ne peux m'expliquer comment une seule sensation nerveuse, sans aucune expérience préalable, peut donner lieu à une représentation d'espace complète. » D'autre part, dans la théorie empiriste, il reste toujours incompréhensible comment es sensations de mouvement ou d'innervation musculaire, même associées à la recon- naissance des signes locaux, peuvent créer la représentation d'un espace à trois dimen- sions. « Il y a, en effet, deux questions qu'il ne faut pas confondre, écrivait avec raison LoTZE (6) dans une étude approfondie sur la formation de la notion de l'espace. L'une est de savoir pourquoi l'àme arrange la multitude de ses sensations dans ce cadre de relations géométriques, et non dans tel autre ordre tout à fait différent, mais dont nous n'avons pas la moindre idée, Lautre question — supposant comme données, dans la nature de l'âme, et la faculté et la détermination de cette disposition des sensations — est simplement de savoir comment fait l'àme pour assigner dans cette intuition de l'espace, qui lui est nécessaire, à chacune de ces sensations sa place déterminée, en correspon- dance avec l'objet qui en est la cause. C'est à cette seconde question seulement que nous prétendons répondre par notre théorie des signes locaux et, loin de vouloir satisfaire à la première,' nous condamnons comme impossible toute tentative de répondre à ce problème insoluble. » (Bien avant Lotze, le célèbre mathématicien Gauss s'était déjà prononcé pour l'impossibilité de pareilles tentatives. « Je me persuade de plus en plus que la néces- sité de notre géométrie ne peut être démontrée, du moins par l'esprit d'un homme et à l'esprit d'un homme : peut-être dans la vie future comprendrons-nous ce qu'il nous est impossible de comprendre maintenant, la nature de l'espace. » (Lettre de Gauss à Olbers, 28 avril 1817.', Au moment même où le philosophe Lotze formulait cette condamnation de toute tentative d'expliquer l'origine de notre notion de l'espace, le problème déclaré parlai insoluble était déjà résolu d'une manière satisfaisante, el cela à l'aide d'une expérimen- tation physiologique des plus rigoureuses : nous voulons parler de la démonstration faite par nous en 1877-1878 (7 et 8) que les canaux semi-circulaires de l'oreille interne sont les organes périphériques du sens de l'espace; c'est-à-dire que nous possédons un organe de sens spécial, qui nous force précisément à « arranger la multitude de nos sensations dans ce cadre de relations géométriques », d'un espace à trois dimensions. Cette découverte d'un sixième seiis, le sens de l'espace, a été diversement accueillie à son début; acceptée avec faveur par les uns comme la solution définitive et satisfai- sante d'un des problèmes fondamentaux de la psychologie physiologique, elle a rencontré d'autre part plusieurs adversaires déclarés, surtout parmi les savants qui, sans avoir eux-mêmes expérimenté sur le labyrinthe de l'oreille, avaient à l'aide de déductions ingénieuses attribué d'autres fonctions à cet organe. Pendant plus de vingt ans ma théorie fut ainsi l'objet d'une discussion scientifipue souvent très ardente, dont elle sortit en somme victorieuse, corroborée qu'elle fut par les nouvelles recherches expérimentales instituées par nous dans ces derniers temps (9, 10, 11, 12 et 13). L'inévitable opposition que suscite toute nouveauté scientifique qui se heurte à des conceptions fortement enra- cinées a fini par désarmer, ou peu s'en faut. Le sixième sens, que nombre de grands physiologistes à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci (voir plus loin) avaient vaguement pressenti, est définitivement entré dans le domaine de la science Mi ESPACE (Le sens de 1'). positive. C'est le fonctionnement physiologique de ce sens de l'espace que nous allons exposer ici. Les phénomènes de Flourens, les diverses hypothèses tendant à les expli- quer. — C'est à Flourens qu'il faut en première ligne rapporter l'honneur d'avoir donné l'impulsion aux recherches qui ont abouti à la détermination de ce sens. Les expériences de ce grand physiologiste sur les troubles moteurs causés par la section des canaux semi- circulaires servirent, en effet, de point de départ aux miennes. Les perturbations décrites par Flourens (14) avec une précision classique dans ses célèbres mémoires à l'Académie des Sciences ont fait l'objet de plusieurs descriptions -dans ce Dictionnaire (voir Audition, t. 1 ; Coordination des mouvements, t. IV). L'ouvrage très complet de von Stefn sur les fonctions du labyrinthe (15), paru en russe en 1891, contient un exposé de toutes ces recherches, ainsi que de celles qui s'y rattachent plus ou moins directement. La bibliographie très détaillée de cette question a également été donnée par Stern (16) et récemment traduite en français dans la thèse de Kœnig (1'). On trouve aussi un exposé des principales recherches dans ma thèse (8) et dans mes ouvrages ultérieurs. Nous pouvons donc nous borner à reproduire les résultats principaux des recherches de Flourens qui se rapportent directement au sens de l'espace. L'auteur les a résumés en ces termes : « Voilà donc trouvée la cause des singuliers effets des canaux semi-circu- laires : d'une part la section de chaque canal produit un mouvement dont la direction est toujours la même que celle du canal coupé... Enfin, dans les canaux semi-circulaires et dans les fibres correspondantes de l'encéphale résident les forces modératrices des mouve- ments (14). » Flourens considérait par conséquent les canaux semi-circulaires comme des organes périphériques intervenant d'une manière efficace dans la direction et la modération des mou- vements. Constatons tout de suite que cette conclusion de Flourens n'a pas cessé d'être complètement exacte dans son sens général, et qu'elle répond parfaitement à nos connais- sances actuelles. Les expériences de Flourens furent reprises telles quelles par Vulpl\n (18), Brown- Séquard, Schiff (19) et autres. Les premiers de ces auteurs cherchaient à expliquer les troubles moteurs par « un vertige auditif qui retentit sur tout l'organisme ». C'est seule- ment vers l'année 1870 (jue l'on commença à varier, à modifier profondément les pro- cédés d'expérimentation sur les canaux semi-circulaires, et à étudier d'une façon plus pénétrante le mécanisme intime des troubles locomoteurs décrits par Flourens. Les expériences de Goltz (20), de Lœwenberg (21), et de moi et Solucha (22) ouvrirent la voie aux innombrables recherches qui se sont succédé depuis lors et qui ont fait du fonctionnement du labyrinthe un des problèmes les plus étudiés, mais aussi les plus embrouillés de la physiologie. Le procédé opératoire de Goltz était très défectueux, et ce physiologiste ne réussit •ju'à reproduire très imparfaitement les phénomènes de Flourens. Il détruisait simple- ment, chez les pigeons, à l'aide d'un fer rouge, la partie de l'os occipital qui recouvre les canaux semi-circulaires, ainsi que les deux paires de canaux (horizontaux et verticaux postérieurs). Rarement les animaux survivaient à cette opération accompagnée d'une perte de sang considérable; ils ne manifestaient que des troubles généraux dans la loco- motion et dans la coordination des mouvements. Par contre, Goltz soumit les phéno- mènes de Flourens à une discussion approfondie et arriva à des conclusions nettement formulées. Les canaux semi-circulaires seraient, d'après lui, un organe destiné à main- tenir l'équilibre du corps en maintenant celui de la tête. Ils rempliraient cette tâche de la manière suivante : l'endolymphe de ces canaux, se déplaçant avec les mouvements de la tète, exciterait les terminaisons nerveuses des ampoules, et les sensations provoquées par ces excitations nous aideraient à maintenir la tète en équilibre. Ces conclusions très hasardées et appuyées sur une expérimentation défectueuse n'acquirent une certaine importance que grâce à l'extension et au développement théo- rique que l'excellent chimiste Cru.m-Brown (2'.<) et l'éminent physicien Mach (24) leur donnèrent presque simultanément. Mach eut l'heureuse idée de rattacher les expériences de Flourens à celles de Purkln.ie sur le vertige, et il reprit sur une vaste échelle les recherches^ de ce dernier concernant les illusions optiques pendant la rotation de notre ESPACE (Le sens de 1'). 565 corps autour d'un axe vertical. L'hypothèse très ingénieuse de ces deux théoriciens sur l'existence d'un sens de rotation dans le labyrinthe de l'oreille — hypothèse fondée sur ces expériences de rotation, comme aussi sur le rôle que Goltz avait attribué à l'endo- lymphe pendant le mouvement de la tête — rallia de nombreux adhérents séduits sur- tout par la manière en apparence si simple dont elle expliquait les phénomènes de Flourens. Parmi les partisans de la théorie CRUM-BaowNet Magii, il faut citer en première ligne I. Breuer (25), qui, non content d'admettre l'existence d'un sens de rotation dans les canaux semi-circulaires, leur attribue encore un autre sens, le sens statique, lequel ne serait plus, lui, mis en action par les changements de pression de l'endolymphe, mais par les soubresauts des otolithes pendant les mouvements brusques de la tête. Yves Delage (26), dans une étude en partie expérimentale publiée sur le même sujet en 1886, rejeta le sens statique de Breuer, mais se déclara favorable à l'hypothèse de Mach sur le sens de rotation, tout en reconnaissant qu'elle manquait de preuves directes et qu'elle était en contradiction flagrante avec les faits expérimentaux établis par nous. Aubert (27), dans l'édition allemande qu'il donna de l'étude de Delage, adopta entière- ment les vues de cet éminent zoologiste. Nous jugeons inutile d'insister sur les détails de l'hypothèse de Mach et Crum-Brown, dont l'intérêt est devenu exclusivement historique, depuis que de nombreuses recherches, vraiment expérimentales, et faites sur les canaux semi-circulaires eux-mêmes, en ont démontré l'inanité. Devant cette démonstration, Mach lui-môme a d'ailleurs expressé- ment abandonné son hypothèse (28) et s'est rangé, sur les points essentiels, à notre théo- rie du sens de l'espace (voir 9 et 10). Dès le début, en effet, Mach a insisté sur la néces- sité de vérifier l'exactitude de son hypothèse en sectionnant les nerfs acoustiques avant de soumettre les animaux à la rotation ; si les troubles observés pendant la rotation forcée des animaux persistaient à se manifester, il serait évident qu'on les attribuait à tort aux sensations produites par l'endolymphe dans les ampoules des canaux semi- circulaires. Nous avons satisfait à ce desideratum de Mach en sectionnant les deux acous- tiques : les troubles moteurs ont persisté. La destruction bilatérale du labyrinthe (Breuer [29], EwALD [30] et autres) ne parvenait pas non plus à empêcher ces troubles de se pro- duire pendant la rotation. Leur dépendance des canaux semi-circulaires n'était donc plus soutenable. Nous avons (8), en outre, montré que ni l'écoulement de la périlymphe et de l'endo- lymphe, ni la compression uniforme et progressive des canaux membraneux par de très minces bâtonnets de laminaire, ni leur immobilisation par des injections de gélatine dans les canaux osseux ne provoquaient aucun des troubles exigés par l'hypothèse de Mach. Des démonstrations analogues furent faites ensuite par Spamer (31), Ewat-d (30), Gaglio (32) et autres. Tout récemment j'avais également prouvé que l'illusion optique que nous subissons en parcourant en chemin de fer de grandes courbes (les poteaux télégra- phiques et les édifices élevés paraissent penchés vers les wagons à l'intérieur de la courbe, et dans le sens opposé à l'extérieur) dépendait tout simplement de la surélévation du rail extérieur dans les courbes (9); c'est donc à tort que Breuer l'attribuait à un effet de la rotation de la tête sur le labyrinthe. L'utilité d'un sens de rotation ou de vertige paraît, d'ailleurs, très problématique, surtout chez des animaux qui n'exécutent jamais ces mouvements dans les conditions normales de leur existence. Les nombreuses expériences de rotation auxquelles j'avais soumis les pigeons, lapins, grenouilles (9 et H), singes, tortues et autres animaux, ont, du reste, catégoriquement démontré que les mouvements soi-disant compensateurs de la rotation de la tête ne sont que des actes de défense [Abivehrbewegungen) par lesquels les animaux réagissent contre la rotation inusitée et involontaire qu'on leur impose. Ces manifestations n'ont rien à faire avec le labyrinthe; elles apparaissent chez les animaux après la destruction de cet organe, et on les rencontre même chez les insectes (fourmis, mouches, abeilles, etc.) qui ne possèdent aucun appareil correspondant au labyrinthe. Ces mouvements, comme l'ont prouvé les expériences sur les animaux aveuglés (Cyon, EwALD, Breuer et tout récemment E. P. Lyon [33J), dépendent bien plus de l'organe visuel que de l'oreille. Il n'est même pas nécessaire de soumettre les animaux à une rotation pour les provoquer: un brusque mouvement rectiligne dans la direction de droite ou de 566 ESPACE (Le sens de 1'). gauche les produit pareillement, la rotation autour d'un axe vertical n'étant au fond que le mouvement continu sur place, à droite ou à gauche (H). Le sens statique de BREUER,basé sur les soubresauts des otolithes, avait déjà rencontré des adversaires dans Delage (26), Hensen (34, 35), Gyon (9, 10 et 11) et autres; il semble que les expériences de Steiner (36), de Laudenbach (37) et de E. P. Lyon (33) lai aient donné le coup de grâce : elles ont démontré, en effet, que si l'on écarte avec précaution tous les otolithes des otocystes, on ne produit aucun trouble dans les mouvements des animaux, ni aucun des phénomènes de Flourens. Vainement Loeb (38), Bethe (39) et Th. Béer (40) ont essayé de transformer le sens statique en sens géotrope, c'est-à-dire d'attribuer à la pesanteur l'excitation des otocystes. Présentée sous cette forme, l'hypothèse ne s'est pas montrée plus viable. Comment sou- tenir que, grâce à l'attraction vers le centre de la terre, les otolithes forcent les animaux à garder leur corps en équilibre dans une certaine attitude, quand les animaux privés des otolithes n'en maintiennent pas moins l'équilibre de leur corps dans cette même attitude (H, ch. 3)? III. Analyse des mouvements provoqués par les opérations sur les canaux semi-circulaires, le labyrinthe et l'orientation. — Nous avons déjà vu que Flourens avait fait ressortir ce fait capital que la section de chaque canal produit un mouvement, dont la direction est toujours la même que celle du canal coupé. L'analyse de ces mouvements chez les différents animaux indique que, si le sens dans lequel ils sont exécutés est toujours le même, il n'en est pas ainsi quant aux parties du corps qui y prennent la part principale. Ainsi, par exemple, chez le pigeon, ce sont les mouvements de la tête; chez la grenouille, ceux du corps entier, et chez le lapin, ceux des globes oculaires qui prédominent après les opérations sur le labyrinthe. Ce sont les mouvements de la tête qui démontrent le plus aisément la justesse de l'observation de Flourens, formulée par nous de la manière suivante : la section de deux canaux semi-circulaires symétriques provoque des oscillations de la tête dans le plan des canaux opérés. Et comme les trois paires des canaux sont disposés dans trois plans perpendiculaires l'un à l'autre, correspondant aux trois coordonnées de l'espace, cette formule peut être exprimée de la manière suivante : la section ou Vexcitation de chaque canal provoque des oscillations de la tête dans le plan correspondant de l'espace. L'effet de la section ne diffère de celui de l'excitation que par le sens de l'oscillation, le plan où celle-ci se produit restant le même. Les mouvements du corps entier, plus difficile à analyser, s'accomplissent suivant la même loi autour des trois axes des canaux vertical, sagittal et frontal*. Mais ce sont surtout les mouvements des globes oculaires qui présentent le plus vif intérêt pour l'étude du labyrinthe comme organe du sens de l'espace. Déjà dans nos pre- mières recherches sur les phénomènes de Flourens, nous avons particulièrement fixé notre attention sur uue certaine analogie entre ces phénomènes et les troubles moteurs que provoquaient, chez des animaux, des positions anormales de la tête. En répétant les expériences de Longet (41), je suis arrivé à la conviction que ces troubles sont dus aux fausses notions de l'animal sur la distribution des objets qui l'entourent et sur la posi- tion de son corps dans l'espace. En effet, en produisant un strabisme artificiel chez les animaux au moyen de lunettes à verres prismatiques, on parvient à provoquer chez eux des troubles moteurs presque identiques à ceux décrits par Flourens. Les sensations inconscientes provenant des muscles oculaires ou de leurs centres d'innervation et le rôle qu'elles jouent dans nos notions sur l'espace visuel furent, dès lors, particulièrement relevés par nous (22). Il devenait, en effet, très probable que les canaux semi-circulaires pouvaient prendre part d'une manière quelconque à l'utilisation de ces sensations. Dans la poursuite de mes recherches, je m'étais attaché par conséquent à déterminer l'influence que les lésions des canaux semi-circulaires pouvaient exercer sur le système moteur de l'œil. En 1876, je pus en communiquer les principaux résultats à l'Académie des Sciences (42). « Les mouvements du globe oculaire, disais-je dans ce mémoire, observés après ces 1. Pour les détails de ces mouvements, voir mes Ê^wrfes, eic. (22, 8 et '9). • ESPACE (Le sens de l'). 567 lésions (des canaux semi-circulaires), ne sont pas des mouvements compensateurs provo- qués par le déplacement de la tête : ils sont la suite immédiate et directe de la lésion des canaux. Chaque canal semi-circulaire influe d'une manière spéciale sur les mouvements du globe oculaire. » Après avoir indiqué de quelle manière l'excitation de chaque canal agit sur les mouvements des deux yeux, j'établis les modifications que la section du nerf acoustique du côté opposé au canal excité introduit dans ces mouvements. Le résultat dominant de cette recherche, celui quia exercé une influence décisive sur ma théorie du sens de l'espace, était celui-ci : l'excitation de chaque canal semi-circulaire pro- voque des oscillations des globes oculaires, dont la direction est déterminée par le choix du canal excité. En effet, écrivais-je, dans l'exposé détaillé de ces expériences (8, 63) : « Étant donné, d'une part, que nos représentations touchant la disposition des objets dans l'espace dépendent surtout des sensations inconscientes d'innervation ou de con- traction des muscles oculo-moteurs, d'autre part, que chaque excitation, même minime, des canaux semi-circulaires, produit des contractions et des innervations des mêmes muscles, il est incontestable que les centres nerveux dans lesquels aboutissent les fibres nerveuses qui se distribuent dans les canaux sont en relation physiologique intime avec le centre oculo-moleur, et que, par conséquent, leur excitation doit intervenir d'une manière déterminante dans la formation de nos notions sur l'espace. » Nous discutons plus loin les détails de la théorie de l'espace basée sur l'existence d'un organe spécialement destiné à nous envoyer des sensations qui servent à former la notion d'un espace à trois dimensions. Continuons ici l'exposé des principales données expérimentales qui ont fourni de nouvelles bases à cette théorie. IV. Le sens de l'espace et le vertige. Observations sur les sourds-muets. — Mach (2d) avait particulièrement attiré l'attention sur les rapports qui pouvaient exister entre les phénomènes de vertige visuel étudiés par Piirkinje (43) et les phénomènes de Flourens. Nous Favons suivi dans cette voie; mais, au lieu de chercher dans le labyrinthe de l'oreille un organe spécial qui aurait l'étrange destination de provoquer le vertige, c'est-à-dire un phénomène pathologique, je m'appliquais à concilier les résultats de ses expériences et observations sur le vertige, les illusions optiques, les mouvements du phosphène produits artificiellement pendant que le corps est soumis aune rotation, etc., avec l'existence d'un organe du sens de l'espace. Déjà Mach, tout en s'abstenant de donner une explication des mouvements apparents du phosphène, en avait fait la des- cription suivante : « On dirait que l'espace optique est projeté sur un autre espace que nous construisons à l'aide de nos sensations de mouvement. « Après avoir établi que ni ces sensa- tions de mouvement, ni même celles d'innervation ne peuvent intervenir dans certaines illusions optiques, je parvins, en revanche, à expliquer aisément les phénomènes du vertige visuel par des troubles dans les sensations de l'espace. « L'illusion d'un mouve- ment apparent doit se produire toutes les fois qu'il y a désaccord entre notre perception (l'espace visuel ou tactile) et notre représentation de l'espace idéal. Que ce désaccord soit produit par un nystagmus subit, par des mouvements passifs des globes oculaires, par des perturbations mécaniques dans le cerveau (comme pendant la rotation prolongée de notre corps autour de son axe longitudinal), ou enfin par des lésions des canaux semi-circulaires, le résultat sera toujours le même : nous verrons du mouvement là où en réalité il n'y a que le repos... Supposons un système de coordonnées représentant les trois dimensions de l'espace. Sur ce système nous transportons un dessin qui repré- sente l'espace vu, c'est-à-dire l'image de notre champ visuel. Chaque fois que ce dessin changera sa position par rapport à ce système de coordonnées, nous éprouverons la sensation du mouvement; que ce changement soit produit par un véritable mouvement de l'espace extérieur, ou seulement par un mouvement passif de la rétine, l'effet sera le même : nous verrons les objets se mouvoir K >•> Des nombreuses observations sur les sourds-muets par James (45), Krf.idl(46), Strehl (46) et autres, ont considérablement avancé la solution du problème : si la théorie du vertige visuel que nous venons d'exposer était exacte, ceux des sourds-muets qui ne possèdent pas de canaux semi-circulaires devaient ignorer le vertige : un désaccord entre l'espace idéal et l'espace visuel ne pouvant pas se produire chez eux. Or, James observe 1. Pour les détails de cette question nous renvoyons à rarticle Vertiga. 568 ESPACE (Le sens de 1'). que sur 519 sourds-muels, 486 ne connaissent pas le vertige. Kreidl, en soumettant ces infirmes à la rotation, a constaté ce fait intéressant que, tandis que, sur 71 individus normalement constitués, un tout au plus parvient pendant cette rotation à indiquer exac- tement au mo3'en d'une aiguille la direction de la verticale, sur 62 sourds-muets com- plets de naissance, 13 le font avec une absolue précision. Ne subissant pas le vertige de la rotation, ces sourds-muets, que Kreidl suppose être privés de canaux semi-circulaires, peuvent, grâce à l'intégrité de leurs sensations visuelles, déterminer exactement la ver- ticale. Cette explication d'un fait en apparence étrange, donnée par Strehl (46) et par moi, fut récemment admise aussi par Kreidl (47). Pour Strehl les sourds-muets ignorent complètement le vertige. Cet auteur fait en outre remarquer que, malgré certaines imperfections de leur démarche, ils sont presque toujours passionnés pour la danse. Ma théorie du vertige visuel basée sur le sens de l'espace se trouve être complètement d'accord avec celle donnée en 1825 par Purkinje, comme le démontre la mise au jour d'une communication faite par cet éminent physiologiste à la Société des Naturalistes de Silésie et récemment réimprimée par Albert (27), qui la découvrit perdue dans un supplément d'un journal politique de Breslau, Purkinje distingue, lui aussi, un espace subjectif (mon espace géométrique) et un espace objectif (espace visuel et tactile). Nor- malement nous projetons les sensations de ce dernier espace sur le premier, sur l'origine duquel Purkinje ne se prononce pas autrement. De ses expériences sur la rotation il conclut que le vertige visuel de la sensation du mouvement, quand il y a repos, est pro- duit par un désaccord entre l'espace subjectif et l'espace objectif. V. Théorie du sens de l'espace. — L'idée initiale que j'avais dégagée de ces pre- mières recherches expérimentales sur le labyrinthe (22) était, comme nous l'avons vu, que cet organe, à la disposition anatomique si particulière, est destiné à nous fournir des indi- cations sur un espace à trois dimensions. A la suite d'expériences ultérieures (8), j'avais établi : 1) le rôle prépondérant joué par les canaux semi-circulaires dans l'orientation des animaux dans les trois directions de l'espace, ainsi que les lois déterminant les rela- tions de chaque paire de canaux avec une de ces directions; 2) l'action dominante qu'ils exercent sur l'innervation de l'appareil oculo-moteur dont l'influence est décisive dans la formation de nos notions sur l'espace objectif; enfin 3) la fixation des rapports entre le vertige visuel et les sensations de l'oreille moyenne. Ces recherches aboutissent à la construction définitive de la théorie basée sur l'existence d'organes périphériques spéciaux destinés à nous donner les sensations au moyen desquelles se forme notre notion d'un espace à trois dimensions. Comme toutes nos sensations, celles de direction ou d'espace ne parviennent à notre perception qu'autant que nous y appliquons notre attention consciente et soutenue. Nos notions de l'espace étant invariables — aussi longtemps que les organes qui y président, périphériques et centraux, fonctionnent régulièrement — dans l'état normal ces sensations d'espace restent inconscientes. Contrairement à la théorie que Kant a fait prévaloir, notre notion de l'espace ne serait donc pas une « reprcsetitation aprioristiqiie » de notre intelligence, mais une notion acquise grâce à un organe de sens spécial — le sixième sens. Il est parfaitement vrai, comme le dit Kant, que « nous ne pouvons pas nous imaginer qu'il n'existe pas d'espace, quoique nous puissions très bien admettre qu'il n'y ait pas d'objet dans l'espace », mais ce n'est pas parce que « l'espace est une pure idée », c'est parce que nous recevons constamment des sensations qui nous indiquent l'existence de cet espace. Une fois cette notion acquise, nous ne pouvons plus la perdre' d'une manière absolue; mais elle peut être faussée par des troubles dans nos sensations. La question pourquoi « l'âme arrange la multitude de ses sensations dans le cadre de relations géométriques » d'un espace à trois dimensions — question qui a paru insoluble — trouve sa solution complète dans l'existence d'un organe sensoriel disposé dans trois plans perpendiculaires l'un à l'autre de manière à nous envoyer des sensations de direction ayant les mêmes rapports entre elles. Ces sensations de direction, répondant exactement i. La transmission héréditaire de la notion psychologique de l'espace ne saurait aller plus loin qu'une transmission analogue des notions de couleurs : un homme né sans labyrinthe ne pour- rait donc avoir une notion complète de l'espace, ni s'orienter dans l'espace. ESPACE (Le sens de 1'). 569 aux trois coordonnées de l'espace, doivent forcément être ulilisées par notre intelligence pour la construction d'une notion de l'espace. Aucun autre sens ne présente une relation aussi facile à saisir entre la représentation et la perception que le sens de l'espace d'après notre théorie. J'avais proposé de désigner le nerf acoustique commun sous la dénomination du nerf restibulo-cochléaire. A partir du point où il se divise en deux brandies, celle qui se rend au limaçon recevrait le nom du neri acoustique ou auditif, et celle qui se distribue dans les canaux semi-circulaires, le sacculus et l'utriculus, serait appelée le nerf de l'espace. Mes recherches, poursuivies depuis 1878, m'ont fait consolider ma théorie, tout en en élargissant les bases et en fournissant des nouvelles preuves à l'appui de son exactitude. Avant d'en citer les principaux résultats, quelques mots à propos de plusieurs objections opposées à ma théorie par des philosophes et des physiologistes. Le physiologiste expérimental ne doit pas s'arrêter aux considérations de pure méta- physique. Toutefois parmi les objections présentées par les philosophes il en est une qui mérite d'être relevée, comme provenant d'un des représentants les plus distingués de la psychologie française. Après une analyse de mes recherches de l'année 1878. RiBOT (48) écrivit: « Cyo\, qui accepte en général la théorie de Lotze sur l'espace, semble tomber ici dans le défaut presque inévitable signalé par ce philosophe et qui consiste, pour expliquer l'espace, à employer des éléments qui impliquent déjà cette notion. Si les sensations ne sont que des signes, quelle nécessité et même quelle utilité y a-t-il à ce que la structure anatomique de l'organe nous offre comme une image de la notion à expliquer? » Cette objection repose sur un malentendu causé en partie par l'emploi fréquent du mot « sensation d'étendue » au lieu de « sensation de direction ». La première expression impliquait déjà par elle-même en efl'et la notion d'un espace, tandis que les pcrccptiona provenant de trois directions perpendiculaires l'une à l'autre doivent forcément aboutir à la formation d'une notion de l'espace à trois dimensions. En suite d'une longue discussion verbale que j'eus avec Helmholtz en 1880 au sujet de ma théorie de l'espace et dans laquelle l'objection portait presque exclusivement sur cette locution « sensation d'éten- due » qui rappelait trop celle dont Hering s'est servi dans sa théorie nativiste pour l'appliquer à des sensations analogues de la rétine, je renonçai dans mes mémoires ulté- rieurs à l'emploi du mot [étendue {Ausdehnung) et le remplaçai par celui de direction (Richtung) ' . Si je me suis servi de l'exposé de Lotze, c'est seulement pour bien préciser les lacunes des théories existantes sur la formation de la notion de l'espace et bien montrer com- ment se posait la question, ce qui m'a permis de résoudre la partie du problème jugée insoluble par Lotze, et cela justement en indiquant que la structure anatomique et le fonctionnement physiologique des canaux semi -circulaires fournissent l'image même de notre représentation de l'espace. L'hypothèse des signes locaux (Lotze) ne s'applique qu'à l'espace visuel et non à l'espace idéal géométrique. Deux des objections produites par les physiologistes méritent d'être relevées tout par- ticulièrement. La première fut présentée par Yves Delage (27) : ou la notion de l'espace une fois acquise n'a pas besoin d'être renouvelée, et dès lors à quoi servirait un organe constant? ou elle doit être constamment maintenue par des sensations nouvelles, et comment, dans ce cas, des pigeons et des lapins parviennent-ils, après la section de leurs nerfs acoustiques, à se tenir debout et à marcher? A ce dilemme j'ai répondu (9, 98) que c'est grâce aux perceptions de direction des canaux semi-circulaires que les animaux réussissent à s'orienter dans l'espace et que l'excitation permanente de ces canaux intervient d'une manière efficace dans la distribu- tion de la force d'innervation répartie entre les divers muscles pendant cette orientation. Le fonctionnement de ces canaux continue donc pendant la vie. Les animaux qui ont subi l'ablation des deux labyrinthes ou la section des nerfs acoustiques conservent toujours dans la locomotion certains troubles graves que ni les notions de l'espace acquises anté- rieurement, ni les sensations provenant de la vue et du toucher ne parviennent à écarter. i. J'ai évité, dans ma thèse écrite en français, l'emploi trop fréquent du mot <( direction » à cause de ses multiples significations. 570 ESPACE (Le sens de 1'). La seconde objection, formulée par Hensen, se rapporte en partie au même ordre d'idées : « Nous ne connaissons aucun cas où les sensations de l'espace seraient absentes ou se seraient perdues, tandis que très vraisemblablement parmi les sourds- muets on trouve des individus dont les canaux semi-circulaires ne fonctionnent pas tou- jours d'une manière normale (52, 141). » Il est très difficile de déterminer, pendant la vie des sourds-muets, dans quel état se trouvent leurs canaux semi-circulaires. On sait seulement qu'il existe parmi eux un cer- tain nombre de cas où les labyrinthes sont défectueux ou présentent des anomalies. Or tous les observateurs (James, Kreidl, Strehl, Bruk et autres) qui ont étudié la locomo- tion chez les sourds-muets sont unanimes à constater qu'on remarque très fréquemment chez eux des troubles moteurs, dont plusieurs se manifestent quand ils ont les yeux fer- més, et qui tiennent évidemment à une innervation irrégulière et défectueuse des muscles; ainsi que nous l'avons déjà indiqué plus haut, une partie des sourds-muets ignorent com- plètement le vertige; comme le dit Strehl (48), ils n'en ont même pas la notion. Les notions de l'espace sont-elles normales chez les sourds-muets auxquels les laby- rinthes font totalement défaut ? C'est là une question qui n'a même pas été abordée. Des recherches semblables présentent, d'ailleurs, de très grandes difficultés. Elles devraient commencer chez les sourds-muets dès la plus tendre enfance. Dans les établissements où l'instruction est donnée à ces malheureux, leurs professeurs, surtout ceux de géomé- trie, pouri'aient recueillir sur eux des observations très intéressantes. Une fois qu'on aurait reconnu chez certains individus des anomalies dans les notions de l'espace, il faudrait suivre ces sujets jusqu'à leur mort afin de constater par l'autopsie dans quel état se trouvaient leurs labyrinthes. Heureusement ce problème a pu être résolu par voie d'expérimentation sur des ani- maux; et les résultats sont venus confirmer nettement les déductions de ma théorie. Si les trois paires de canaux semi-circulaires nous donnent la sensation d'un espace à trois dimensions, laquelle nous permet de nous orienter dans ces trois directions, les ani- maux pourvus seulement de deux paires de canaux ne doivent connaître qu'un espace à deux dimensions et ne sauraient s'orienter que dans deux directions de l'espace. J'avais soumis à l'observation et à l'expérimentation les lamproies qui effectivement ne possè- dent que deux paires de canaux : les faits observés ont pleinement confirmé ses prévi- sions. Les lamproies ont, en effet, une orientation locomotrice très limitée: elles ne se meuvent que dans deux directions. Elles ne possèdent, d'ailleurs, qu'une seule nageoire, celle de la queue : pour se transporter d'une place à une autre, elles s'attachent au moyen de leur ventouse à un bateau ou à la queue d'un autre poisson. La destruction des canaux semi-circulaires chez les lamproies a également justifié les prévisions : les lamproies ne se déplacent plus que quand on les y force, et alors elles ne font que tourner en cercle et rouler autour de l'axe longitudinal de leur corps; pendant ce roulement elles restent souvent sur le dos et ne parvieiment qu'avec beaucoup de diffi- culté à reprendre leur attitude normale. <( L'organe appelé auditif, ai-je conclu, ne sert (chez les lamproies) probablement que comme organe d'oiientation dans l'espace » (8, 101). Plusieurs auteurs, notamment Th. Béer, soutiennent (ju'il en est de même chez tous les poissons. Ce n'est que tout récemment qu'il m'a été donné de vérifier l'exactitude de ma théorie chez des animaux ne possédant depuis leur naissance qu'une seule paire de canaux semi- circulaires fonctionnant normalement. Il s'agit des souris dansantes japonaises, sur lesquelles Ravitz vient de publier des recherches du plus haut intérêt pour la théorie du sens de l'espace (49). Ces souris sont de gracieuses petites bêtes appartenant à l'espèce des souris blanches. Elles ne sont point affectées d'albinisme; leur peau possède quelques taches noires sur la tête et sur le derrière. Leur origine est peu connue. Leur trait caractéristique est une extrême mobilité. Très agitées, ces souris sont sans cesse en mouvement, elles courent, en remuant la tête, à droite ou à gauche, en zig-zag, en demi-cercle ou en cercle, et exe'cutent pendant la plus grande partie de la journée une danse tournante qui rappelle la valse. D'après les recherches de Ravitz, ces animaux ne possèdent qu'une seule paire de canaux semi-circulaires en parfait état de fonctionnement, celle des verticaux supérieurs. Le reste de leur oreille interne se trouve à l'élat rudimentaire, à peine ébauché. ESPACE (Le sens de 1'). 571 Voici les résultats principaux de mes expe'riences sur des souris à une paire de canaux : 1) Ces bétes ne sont aptes à se mouvoir que dans une seule direction, à droite ou à gauche. Quand elles persistent dans ces mouvements, elles exécutent des mouvements de manège. Il leur est impossible de marcher droit (en avant ou en arrière) ou de se mouvoir dans le sens vertical. 2) La danse à laquelle elles s'adonnent constamment en dehors de leurs repas et de leur sommeil n'est pas un mouvement forcé. Elles peuvent à volonté l'interrompre et la reprendre. Cette danse est une valse à plusieurs figures : elle est exé- cutée d'habitude avec une vitesse vertigineuse. 3) Leur aveuglement subit provoque immédiatement tous les phénomènes de Flourkns qui suivent la destruction simultanée des trois paires de canaux semi-circulaires. 4) Ces souris peuvent dans Vobscuritc monter par hasard sur un plan incliné, mais elles dégringolent, aussitôt que la lumière frappe leurs yeux, o) Elles ne sont pas complètement sourdes, mais peuvent distinguer quelques notes aiguës du siftiet de Galton (Kœnig) qui, comme hauteur, rappellent leurs propres cris de douleur, lorsque ces sons retentissent au-dessus de leurs têtes. 6) Le maintien de l'équilibre et la coordination des mouvements — pour autant que ces derniers sont limités à la seule direction de l'espace cjui leur soit accessible — sont parfaits chez les souris japo- naises (il, 12 et 13)'. C'est à bon droit que Ravitz a considéré ce fait comme une preuve directe que les canaux semi-circulaires servent a Vorientation des animaux et n'ont rien à faire avec son prétendu sens statique. L'ensemble de ces expériences a donc complètement confirmé la théorie des fonctions du labyrinthe comme organe du sens de l'espace et de l'orientation. Leurs résultats ont permis d'en préciser davantage les bases essentielles. La dernière expression de cette théorie est résumée dans les trois formules suivantes : i] L'orientation dans les trois plans de l'espace, c'est-à-dire le choix de celle des di- rections de l'espace dans laquelle les mouvements doivent être exécutés, ainsi que la coordination des centres d'innervation qui président au maintien de cette direction, est la fonction exclusive des canaux semi-circulaires. Les animaux ne possédant que deux paires de canaux (lamproie) ne peuvent s'orienter que dans deux directions de l'espace; ceux qui n'en ont qu'une paire (comme la souris japonaise) ne se meuvent que dans une seule direction. 2) La distribution des forces d'innervation des centres nerveux qui président au maintien de l'équilibre et aux autres mouvements réguliers des animaux se fait dé pré- férence à l'aide du labyrinthe. Elle est également influencée par d'autres organes des sens (l'œil, le toucher, etc.). En cas d'absence du labyrinthe, ces derniers organes peuvent, au point de vue de cette distribution, les remplacer avec plus ou moins de succès. 3) Les sensations produites par l'excitation des canaux semi-circulaires sont des sensations de direction et d'espace. Elles ne deviennent conscientes que si nous y por- tons notre attention. Ces sensations servent chez l'homme à former la notion d'un espace à trois dimensions, sur lequel il projette l'espace visuel et tactile (H et 13). Ces conclusions visaient exclusivement les vertébrés sur lesquels j'avais expéri- menté. Mais, dès 1878, j'avais émis l'opinion que les otocystes devraient remplir chez certains invertébrés les mêmes fonctions que l'appareil des canaux semi-circulaires chez les vertébrés. En effet, des expériences directes exécutées plus lard par Yves Delage (26) sur des mollusques {Octopus vulgaris) et sur des crustacés (Palémon, et autres) ont démontré que les fonctions des otocystes chez ces animaux sont identiques à celles du labyrinthe chez les vertébrés. « 11 semble naturel, concluait Delage, que l'otocyste est l'organe spécial destiné à assurer une locomotion correcte, et que la vue et le toucher destinés à des fonctions difi'érentes peuvent cependant suppléer les otocystes lorsque celles-ci sont détruites.» La « désorientation locomotrice » que Delage a observée après la destruction des otocystes est tout à fait comparable à celle qui suit la lésion des canaux semi-circulaires, « l'otocyste des invertébrés n'étant qu'une réduction ou plutôt un état encore rudimentaire du labyrinthe membraneux des vertébrés ». l. Toutes les souris dansantes qu'on trouve dans le commerce ne présentent pas ces phéno- niéries avec la morne précision. J'en ai rencontré qui peuvent grimper sur un grillage et qui se distmguent par d'autres particularités apparentes. Elles possèdent probablement encore une auti-e paire de canaux, sinon complètement développés, mais dont les défectuosités n'empêchent pas entièrement le fonctionnement. Ravitz en a dessiné une paire pareille (49). 572 ESPACE (Le sens de 1'). Les preuves données ainsi par Delage, confirmées d'ailleurs ensuite par d'autres observateurs, Th. Béer (40), E. P. Lyox (33), que les otocystes chez les animaux inférieurs constituent aussi des organes d'orientation, viennent naturellement à l'appui du rôle physiologique de l'oreille moyenne dans l'orientation. Le fait est que presque tous les observateurs sont aujourd'hui d'accord à ce sujet i. Tous les physiologistes qui ont étudié le fonctionnement des canaux semi-circulaires sont d'accord actuellement à reconnaître que leur action sur les centres nerveux qui président à nos mouvements est une action inhibitrice (Voir plus haut, seconde proposi- tion) ; action déjà clairement entrevue par Flourens, quand il parla de l'influence inodé- ratrice que les canaux exercent sur les mouvements 2. J'avais comparé le fonctionnement de cet appareil inhibitoire à celui d'un distributeur des courants électriques au moyen de courts circuits et des fortes résistances, qu'on peut introduire ou enlever à volonté. C'est Vexcitation simultanée et bilatérale des centres nerveux par la voie des canaux semi-circulaires qui entretient ces appareils inhibitoires et régularisateurs en un état d'ac- tivité touique. La volonté, ou même la simple intention de produire un mouvement dans une certaine direction, provoquant une excitation unilatérale de ces canaux, suffit pour suspendre l'inhibition et pour réaUser ce mouvement (Voir 13, 288). L'accord est sur le point de s'établir également sur la nature des sensations que produit l'excitation des canaux semi-circulaires, c'est-à-dire sur la troisième proposition de ma théorie. Ainsi Mach (28), Preyer (51), Bechterew (52), même Breuer (29 et 53) et autres commencent à reconnaître qull s'agit bien dans ce cas des sensations de direction et d'espace [Raumcmpfindungen). Les sensations de direction possèdent trois qualités différentes connues de tout le monde. Nous distinguons parfaitement les directions à droite et à gauche, en avant et en arrière,' en haut et en bas, — même quand nous sommes immobiles ou quand nos dépla- cements sont passifs, c'est-à-dire quand nos muscles n'y prennent aucune part. Nous nous trompons parfois sur le sens du déplacement; nous pouvons avoir la sensation que nous reculons, quand, en réalité, nous avançons (en chemin de fer par exemple), que nous descendons ou que nous sommes immobiles quand nous montons, et que ce sont les objets extérieurs qui s'éloignent de nous (en ballon captif ou en ascenseur très rapide, etc.), mais nous ne nous trompons pas sur la direction dans laquelle ces mouve- ments s'opèrent. Plusieurs philosophes, comme Riehl (58), et après lui Heyuans, avaient déjà essayé d'utiliser des sensations analogues pour l'explication de notre notion d'un espace à trois dimensions. Mais aussi longtemps que la localisation de ces sensations dans un appareil ad hoc, comme le sont les canaux semi-circulaires disposés anatoniiquement dans les trois coordonnées de l'espace, ne fut pas démontrée par voie expérimentale ; ces tentatives ne pouvaient pas aboutir. En effet, la pensée abstraite, même aidée de la plus subtile analyse mathématique, est impuissante à donner l'explication d'un phénomène naturel, si elle n'a pas pour point de départ des faits démontrés par l'expérience et l'observation. C'est pourquoi philosophes et mathématiciens furent impuissants à donner la solution du problème sur l'origine de notre notion d'un espace à trois dimensions. La formule de Kant, encore actuellement dominante chez les philosophes, sur la 1. Plusieurs auteurs, comme Viguier, ont même donné au mot orieiitaiion dans l'espace une extension dépassant la portée que j"attribue à cette fonction : ils ont voulu trouver dans ce fonc- tionnement du labyrinthe l'explication de la faculté que possèdent certains animaux, comme les pigeons voyageurs, les oiseaux migrateurs et autres, de s'orienter à des distances lointaines. Il a été déjà indiqué par Delage en 1886 que c'est là une fausse interprétation donnée à mes conclusions : les labyrinthes et les otocystes servent exclusivement à ce que Delage a appelé avec un grand bonheur d'expression 1' « orientation locomotrice », c'est-à-dire l'orientation dans les différentes directions de l'espace ; mais ils n'indiquent nullement la voie que les animaux doivent suivre. Leur action peut être comparée à celle de la barre sur des navires, mais nullement à celle d'une bous- sole. Dans l'orientation lointaine des pigeons voyageurs, le rôle de la boussole, suivant mes expé- riences et observations, est rempli par d'autres organes (H et 50). 2. L'illustre Chevreul (55), dans une étude consacrée aux phénomènes de Flourens, a précisé encore davantage cette action : « 11 faut les considérer (les canaux) non comme des organes qui pi'oduisenl des mouvements, mais au contraire comme des organes qui les empêchent de se mani- fester. » ESPACE (Le sens de 1'). 573 préexistence dans notre pensée de cette notion, n'était au fond que l'aveu d'une pareille impuissance. Et ce n'est pas tout à fait sans raison que Fr. Nietzsche a pu dire que cette formule ne rappelle que trop la virtus dormitiva de l'opium, selon les médecins de Molière. L'expérimentation physiologique, appuyée sur les données de l'anatomie comparée et de la pathologie, était seule compétente pour déterminer quels sont les processus psychologiques et les organes des sens qui nous forcent à arranger toutes nos sensations dans un espace à trois dimensions et nous ont ainsi imposé, par l'expérience de ces organes, les axiomes de la géométrie d'EucLioE'. Comme les animaux à une ou à deux paires de canaux, ne connaissent qu'une ou deux directions de l'espace, il est probable (jue des êtres munis de quatre paires de canaux semi-circulaires (s'ils existent sur quelque pla- nète) possèdent la notion d'un espace à plus de trois dimensions. Les hommes à trois paires de canaux pourront bien suivre les déductions mathématiques de Lobatschewsky et de RiEMANN sur une géométrie imaginaire indépendante de certains axiomes d'EocLiDE; mais ils auront de la peine à se représenter les mouvements de corps solides dans un es^pace pseudosphérique, p. ex. Ce n'est que dans l'étude des mouvements des molécules que la géométrie non euclidienne pourrait peut-être trouver son application. Quand on sera fixé définitivement sur la nature de Vexcitant normal qui provoque ces sensations, l'accord se fera plus aisément aussi sur les autres points de ma théorie. Jusqu'à présent les recherches dirigées dans ce sens ont plutôt abouti à des conclusions négatives; on a constaté, notamment, que ces excitants ne se trouvent ni dans les mou- vements des otolithes ou de Tendolymphe, ni dans les changements d'attitude de la tête (voir plus haut 567). Preyer (51), en étudiant la faculté que nous possédons de recon- naître la direction des sons, voit dans ces derniers l'excitant normal des sensations de l'espace. Longtemps avant lui, des expériences analogues avaient amené Autenrieth et Kerxer à conclure que les canaux semi-circulaires, grâce à « leur disposition anato- inique dans les trois dimensions » sont aptes à nous renseigner sur la direction des sons. Les études qu'ils ont faites sur cette disposition chez les divers animaux sont du plus haut intérêt (o4). Il aurait fallu bien peu à ces auteurs, peut-être seulement la connais- sance des phénomènes de Flourens (découverts vingt-cinq ans plus tard), pour reconnaître que, grâce à des sensations de direction, le labyrinthe sert à l'orientation dans l'ospace et à la formation de nos notions d'un espace à trois dimensions. Récemment j'ai réussi à trouver encore un autre précurseur de ma théorie dans le physicien italien Venturi. Sous le titre « Riflessionc sulla eonoscenze délia spazo, etc. (55) », Venturi publia en 1792 une étude relatant des expériences faites pour étudier la manière dont nous reconnaissons la direction des sons. Chose surprenante, cet auteur, bien que contemporain d'AuxE.xRiETH, n'a pas pensé aux canaux semi-circulaires comme pouvant servir à reconnaître cette direction et à former notre idée de l'espace. Imbu de la doc- trine de Ka.nt concernant la préexistence de ce concept, il ne voulait voir dans l'oreille (ju'un organe capable de localiser dans l'espace les sensations de l'ouïe, comme nous y localisons celles de la vue, du toucher, de l'odorat, etc. Pour compléter la série des précurseurs de l'idée que les animaux possèdent un sixième sens servant à leur orientation, il faut enfin citer les célèbres expériences de Spallamza.m (50) sur les chauves-souris. Chose étrange, ce furent les expériences de JuRixE (;j7), encore qu'elles parussent établir ([ue l'oreille joue le rôle principal dans cette orientation, qui décidèrent Spalla.nzam à abandonner l'hypothèse d'un sixième sens (Voir l'article Chauve-souris de Trouessart dans ce dictionnaire, t. ni). Bibliographie. — 1. Locke (John). Essai sur V entendement humain, vol. i''"'. — 2. Uelmholtz. PIn/siologische Optik, 2'^ édit., 1896; Vortrdgc und Reden, 4" édit., vol. u, Braunschweig, 1890. — 3. Kant. Kritikderreinen Vernunft, Leipzig, 1818, 34. — 4. Mulleu (J.). Zur vergleichenden Physiologie des GesiclUsinncs, Leipzig, 1826. — 5. Hering (E.). Bei- trâge zur Physiologie, etc., Leipzig, 1864. — 6. Lotze. Sur la formation de la notion de l'es- pace [Revue philosophique, 1877, n" 10). -- 7. Cvon ^E. de) (C. R., 1877). — 8. Recherches expérimentales sur les fonctions des canaux semi-circulaires et sur leur rôle dans la forma- 1. Voir mon exposé complet des bases psycho-physiologiques de la géométrie d'EucLiDE dans Archiv fier die gesaynmte Physiologie, 1001. 574 ESSENCES. tion de la notion de l'espace (Bibliothèque de l'école des Hautes- Études, Section des Sciences naturelles, xvm, Paris, 1878). — 9. Bogengânge und Raumsinn (A. P., 1897). — 10. Lie Functionen des Ohrlabyrinths (A. (j. P., lxxi, 72-104); — 11. Ohrlabyrinth, Raumsinn und Orientirung {Ibid., lxxix, 211-303); — 12. Le sens de l'espace chez les sowns dansantes japo- naises {Cinquantenaire de la Soc. de Biologie, 1899 544-S49); — 13. (C. R., 1900), — 14. Flourens. Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés, 2« édition, Paris, 1842. — 15. Stein (St. v.). Les fonctions du labyrinthe, Moscou, vol. i (en russe). — 16. Stern [Archiv f. Ohrenheilkunde, novembre 1893). — 17. Kœnig. Contribution à l'étude expérimentale, etc., Paris, F. Alcan, 1897. — 18. VuLPiAN. Leçons s. l. phys. générale, Paris, 1866. — 19. Schiff (M.). Œuvres compL, Lausanne, 1895-1898. — 20. Goltz (A. g. P., m, 1870, 172). — 21. Lœwenberg (C. il., 6 juin 1870). — 22. Cyon et Solucha, Travaux du laboratoire de phys. de l'Acad. méd. chir. Saint-Pétersbourg, 1874 (en russe). — 23. Crum Brown. On the sensé of rotation, etc. [Proceedings of the roy. Soc. of Edinb., vni, 1874). — 24. Mach (E.). Grundrisse der Lehre von den Betvegungsempfindiingen, Leipzig, 1875. — 25. Breuer (J.). Ueb. d. Func- tionen d. Bogengânge, etc. {Mediz. Jahrb. 1874-1875, Wien). — 26. Delage. Études expérim. sur les illusions statiques et dynamiques, etc. {Arch. de Zoologie expérim., iv, 1886). — 27 AuBERT. Physiologische Studien itber die Orientirung, etc., Tiibingen, 1888. — 28. Mach (E.). Beitrâge zur Analyse der Empfindungen. léna, 1886. — 29. Breuer (J.) (A. g. P., XLViii, 1891). — 30. EwALD (L R.). Physiol. Unters. ûber d. N. Octavus, Wiesbaden, 1892. — 31. Spamer. Expérim. Beitrag, etc. (A. g. P., xxi, 1898). — 32. Gaglio {Arch. p. le scienze mediche, xxiu, n° 3). — 33. Lyon (E. P.) {American Journal of Physiology,iu, 1899). — 34. Hensen (V.). Wie steht es mit der Statocysten-Hypothese'l (A. g. P., lxxiv, 1899, 22-43); — 35. Vortrag gcgen den sechsten Sinn {Arch. f. Ohrenheilkunde, 1893). — 36 Steiner (J,). Ueber das Centralnervensystem., etc. {Sitzungsb. d. K. Pr. Ak. d. Wiss., 20 mai 1886). — 37. Laudenbach. Zur Otolithen-Frage (A. g. P., Lxxvii, 1899, 311-321). — 38. Loeb . Der Geotropismus bei Thieren {Ibicl., xlix, 175-190. 1891); — 39. Bethe, Die Locomotion der Haifische {Ibid., lxxvi, 1899,470-494). — 40. Béer (Th.). Vergl. physiol. Studien zur Stato- cystenfunction {Ibid., Lxxii, 1899). — 41. Longet. Nouvelles expériences relatives à la soustr. du liquide cérébro-spinal {Ann. des se. naturelles, (3), Zoologie, iv, 1845). — 42. Cyon (E. de). Les rapports entre le nerf acoustique et l'appareil moteur de l'œil {C. R., 1876 ; Gesamm. phys. Arbeiten, Berlin, 1888). — 43. Purrinje (J.). Beitrâge z. Kent. d. Schwin- dels, etc. {Prag. mediz. Jahrbûcher, 1820; Beilagen zur Breslauer Zeitung, n° 86 et n" 8, 1825 et 1826). — 44. James (W.). The sensé of dizzines in deafmutes {A^ner. Journ. of Oto- logy, 1882). — 45. Kreidl. Physiol. des Ohrlabyrinths auf Grund von Versuchen an taubstu- mmen{A. g. P., li, 119-151). — 46. Strehl. Physiol. des inneren Ohres {Ibid., lxi, 206-235). — 47. Kreidl (J6^■rf., lxx, 1898). — 48. Ribot {Revue philosophique, 1878). — 49. Rawitz (B.). Bas Gehôrorgan d. japanischen Tanzmause (A. A. P., 1899). — 50. Cyon (E- de). L'Orientation chez le pigeon voyageur {Revue scientifique, n° 12, 1900). — 51. Preyer (W.), Bie Wahrnehmung des Schallrichtung, etc. (A. g. P., xl, 1887, 596-623). — 52. Bechterew. Die Empfindungen, etc. (A. P., 1896). — 53. Breuer (J,). Ueber Bogengânge und Raumsinn (A. g. P., Lxviii, 1897). — 54. Autenrieth. Betrachtungen ûber die Erkenntniss, etc. {Reil's Arch., 1802). — 55. Venturi (G.). Indagine fisica sui colori, etc., 2'= édit., Modena, 1801. — 56. Spallanzani. Œuvres traduites par Senébier, Paris, vin, v, 19. — 57. Jurine. Experiments on Bats, etc. {Philos. Magaz., i). — 58. Riehl. Der philosophische Kriticismus, etc. Leipzig, 1876-87, vol. ii. E. DE CYON. ESSENCES. — Le nom d'essences ou d'huiles essentielles s'applique à une série de corps hétérogènes qui n'ont entre eux d'autres rapports que quelques propriétés physiques. Ce sont des substances en général volatiles, à odeurs plus ou moins pronon- cées, généralement inflammables, et qui s'obtiennent pour la plupart en distillant les plantes aromatiques en présence de l'eau. Ces substances tachent le papier à la façon des huiles; mais cette tache disparaît sous l'influence de la chaleur, par suite de la volatilisation de l'essence. On s'était efforcé de classer les essences suivant leurs propriétés chimiques; nous ne parlerons pas de ces essais de classiflcation, tous erronés. ESSENCES. 575 En général, une essence n'est pas une substance définie ; mais le plus souvent un mélange de plusieurs corps appartenant à différentes classes de composés organiques. Plus nos connaissances sur la composition des huiles essentielles deviennent précises, plus on s'aperçoit que ces substances sont complexes. Beaucoup d'essences sont un mélange d'hydrocarbures et de produits oxygénés; quant à ces derniers, aucun lien ne les rattache entre eux, car dans les essences oxygénées, on rencontre les fonctions chimiques les plus différentes : aldéhydes, acétones, phénols, éthers, etc., et souvent on rencontre dans une seule essence toutes ces fonctions réunies. Ce rapide exposé, qui montre la complexité de la constitution chimique des essences, nous permet de concevoir qu'il n'y a pas lieu de s'attendre à trouver des propriétés phy- siologiques analogues pour les différentes essences. Chaque essence devra donc être étudiée séparément, et nous pensons que cette étude sera plus utilement faite à propos de chacune des plantes qui fournit l'essence consi- dérée. (Voir : Absinthe, Angélique, Anis, etc.) Nous ne donnerons pas non plus ici les propriétés physiques et chimiques des diverses essences; car, pour être clair et complet, il nous faudrait entrer dans de trop grands détails : nous préférons renvoyer les lecteurs aux excellents articles faits sur ce sujet dans le Dictionnaire de Chimie de Wortz. Nous devons cependant indiquer ici quelques travaux dans lesquels sont étudiées comparativement certaines propriétés des différentes essences. Chamberland a étudié les essences au point de vue de leurs propriétés antiseptiques ; dans la première partie de son travail, l'auteur s'est proposé de déterminer l'action des vapeurs des essences sur la hactéridie charbonneuse. Ses expériences lui ont permis de classer les essences de la façon suivante : Essences qui permettent la culture : Calamus aromaticus. 'Bois de cèdre. *Bois de rose. 'Géranium de l'Inde. Houblon. Iris de Florence. Matico. Persil. Piment. Roses d'orient. Surfine de girofle. Santal citrin. Vétiver. Essences dont les vapeurs s'opposent à la culture Lavande forte ou aspic. Alangilan. Aneth, * Aspic ordinaire. Aspic rectifié. *Aloè3 de Mexique. *Artemisia annua. Angélique. Amandes amères. * Absinthe. Aurone garderobe. Bigarade curaçao. Bouleau (cuir de Russie Bergamote rectifiée. Basilic. Bois de Rhodes. Bois de roses femelles. Badiane. Camomille romaine. Camomille bleue. Copahu. *Cardamone. * Cajeput. "Cubèbe. Cannelle de Chine. Cannelle de Ceylan . * Citron rectifié. Céleri. Citron distillé. Curaçao vrai. Chervi. Carvi. Cumin. Daucus. Estragon. Eucalyptus. Fenouil amer. * Fleur de lavande. Géranium de France. Géranium d'Algérie. Grenièvre ordinaire. Gingembre. Petits grains. Gennevilliers. Fine de geneviévre. *Hysope. * Demi-fine de Lavande. Linaloé. Limette. Laurier franc. Fine de Lavande. Laurier-Cerise. 'Menthe surfine rectifiée. 'Menthe sauvage. 576 ESSENCES. Coriandre. * Menthe surfine poivrée. Cédrat. "Myrte. 'Muscade. Portugal. * Marjolaine coquille. Poivre. Myrbane rectifiée. Pouliot. Menthe anglaise. Racine d'Angélique. Mélisse. Romarin. Marasquin. Ravin sara. Noyau de ijèclie. Sabine. Noyau de cerise. Serpolet. Noyau d'abricots. Sassafras. *Néroly ordinaire. 'Sauge. *Néroli de Paris. "Spring, Niobé. * Succin. Origan. ' Semen contra. Patchouli. Térébenthine. Persicot. Thym. Tanaisie. Vespetro. Verveine. Wintergreen. Les essences marquées d'un astérique troublent l'eau de levure par simple contac des vapeurs. Les essences inscrites en italique semblent avoir pu tuer définitivement les germes de la bactérie. Dans une seconde série d'expériences, l'auteur étudie l'action antiseptique des essences mises en contact en solutions, plus ou moins concentrées, avec la bactéridie char- bonneuse ou ses germes, et compare le pouvoir antiseptique des essences avec celui d'autres antiseptiques : sulfate de cuivre, sublimé, etc. Nous renvoyons le lecteur au travail original pour la discussion des résultats obtenus. BiNZ a publié deux articles « sur quelques propriétés des essences » ; ses recherches, faites en collaboration avec plusieurs de ses élèves, notamment avec Grisard, ont porté sur l'action anti-convulsive de certaines essences; il étudie successivement et compara- tivement l'essence de valériane, de camomille, de cumin, d'eucalyptus; il observe sur la grenouille et sur les animaux ù sang chaud une action stupéfiante et l'abolition des réflexes. Il conclut de la façon suivante : Les expériences faites sur les grenouilles avec des doses d'essence inférieures[à la dose toxique déterminent une diminution du pouvoir réflexe : l'intensité de cette action dépend de la dose et de la nature de l'essence employée. On peut classer les essences dans l'ordre d'activité décroissante de la façon suivante : camphre, essence de valériane, de camomille, eucalyptus, cumin. L'action dépressive est précédée d'une période d'excitation; à faible dose, ces essences provoquent une excitabilité des réflexes; mais cette action n'est que passagère. Les essences portent leur action frcnatrice aussi bien sur le cerveau que sur la moelle. Cadéag et Meunier ont fait l'étude comparative de l'action physiologique de certaines essences qui entrent dans la composition des liqueurs. Leurs recherches ont porté sur : Essence d'Absinthe. — Voir Absinthe (Essence d'), i, 13. Essence d'Angélique. — Voir Angélique (Essence d'), i, 550. Essence d'Anis. — Ils ont constaté que l'essence d'anis absorbée par les voies digestives provoque une excitation passagère, bientôt suivie de parésie musculaire et d'analgésie; cette essence provoque une ivresse accompagnée d'un profond sommeil; 45 gouttes d'essence d'anis provoquent chez l'homme un sommeil de douze heures. Les sécrétions sont augmentées, les muscles intestinaux sont contractés, la sécrétion urinaire n'est pas modifiée. On observe des modifications dans la circulation, le pouls s'élève, l'énergie des systoles est augmentée, le rythme cardiaque ne subit aucune modification. En ingestion par voie gastrique, 27 grammes tuent un chien de 2 kilogrammes. En injection dans la jugulaire, 1 gramme tue o kilogrammes d'animal. Un lapin de l'^5,500 est mort au bout de quinze jours, après avoir pris 15 à 20 gouttes d'essence d'anis par jour, soit au total 100 gouttes. ESTOMAC. 577 Essence de coriandre. — Cette essence provoque à petites doses l'incoordination des mouvements et une excitation générale, surtout génésique. A dose toxique, on observe l'anesthésie, puis la résolution musculaire. L'essence de coriandre lue, à la dose de 0^^,10, un cliien de 4 kilogrammes en douze heures. Essence de cannelle. ^ C'est un irritant local énergique, peu toxique; elle possède une action stimulante qui provoque une agitation musculaire, une accélération des battements cardiaques, une légère élévation de la température, une augmentation des mouvements de l'intestin. Les sécrétions salivaires, nasales et lacrymales sont exagérées. A fortes doses, l'essence de cannelle produit des convulsions et radynamie; c'est un excellent antiseptique. Essence de citron. — Cette essence provoque au début l'exagération et la sensibi- lité, des hallucinations, une ivresse accompagnée de tremblements, de contractures; de l'incoordination motrice; des convulsions. Puis secondairement : la tristesse, la somnolence, la stupéfaction et l'adjuarnie. Essence de girofle. — Très toxique, stupéfiant du cerveau ; elle diminue les réflexes, provoque le sommeil et l'analgésie et abaisse la température. Essence de mélisse. — C'est un soporifique, calmant; son action hypnotique n'est pas immédiate. Lorsqu'on l'injecte par la voie intra-veineuse, on observe une courte période d'excitation, très fugace. L'essence de mélisse stupéfie l'encéphale sans troubler l'intelligence ; c'est un hypnotisant qui n'agit pas sur la moelle ; le bulbe est peu influencé. Elle ralentit le pouls et la respiration, abaisse la tension artérielle, modifie peu la tem- pérature et les fonctions digestives. Sa toxicité est faible. Essence de muscade. — Cette essence a une action comparable à celle de girofle, 0s'",6o ne produisent chez l'homme aucun trouble notable. A dose toxique chez le chien, on observe l'abaissement de la température, la diminution de la tension artérielle et l'accélération des battements cardiaques. Essence de myrrhe. — A dose thérapeutique, cette essence provoque la diarrhée en exagérant les mouvements péristaltiques de l'intestin. A dose toxique, on observe des battements cardiaques, une excitation des sécrétions salivaires, intestinales et ui'inaires. A cette période d'excitation succède la paralysie. Essence de Néroli. — C'est un soporifique rapide et sûr qui provoque un sommeil calme. A dose toxique, il y a paralysie musculaire et arrêt de la respiration : c'est un poison assez violent. L'étude des autres essences sera faite aux articles correspondants au nom de l'essence, ainsi que cela a déjà été fait pour certaines d'entre elles. Bibliographie. — Articles Essences (D. W., D. D.) ; — Blet. TJicmpeutiqiie deDuJAR- dix-Beaumetz. — BiNz. Uebcr einiye Wirkiing dtherischer Oél {A. P. P., v, 109; vui, liOi). — Cadéac et Meunier. Recherches sur l'action antiseptique des essences {Ann. Inst. Pasteur, 25 juin 1889); Propriétés physiologiques de l'essence d'anis {Lyon Médical, H août 1899); Recherches physiologiques sur l'eau de mélisse des Carmes {Rev. hyg. et pal. sanit., XIII, 5, 208, 306); Étude physiologiq.ue et hygiénique des essences de Vélixir de garus [Rev. hyg. et pol. sanit., xiv, 659 ; — Chamberland. Les essences au point de vue de leurs propriétés antiseptiques [Ann. Inst. Pasteur,], 153, 1888). ALLYRE CHASSEVANT. ESTOMAC PREMIÈRE PARTIE Anatomie et Histologie. A) Caractères anatomiques différentiels de Testomac. — 1) Limites de cet organe. — Gegenbaur considère l'estomac comme étant une dilatation de Vintestin anté- rieur proprement dit. On sait que cet auteur divise l'appareil digestif en trois portions : Vintestin antérieur, ['intestin moyen et Vintestin postérieur, et qu'il prétend que la première 1. Voii- le sommaire à la lin de l'ai-licle. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 37 578 ESTOMAC. de ces trois portions se trouve formée par l'œsopha^çe et par l'estomac. Cette définition ne saurait être acceptée sans réserves. En premier lieu, nous ferons remarquer que, chez un grand nombre d'animaux inférieurs, l'appareil digestif ne présente aucune ligne de démarcation indiquant les points oii commence et finit l'estomac. Il en est de même pour les autres parties de l'appareil digestif. Lorsqu'on s'adresse à des animaux très élevés dans l'échelle zoologique, l'estomac, se montre extérieurement, nettement séparé de l'intestin et de l'œsophage ; mais il n'est pas rare de trouver quelques espèces, chez lesquelles ces limites extérieures ne correspondent pas aux limites réelles de l'estomac. Ainsi, chez le cheval et chez le porc, une grande partie de la muqueuse antérieure de l'estomac garde les mêmes caractères histologiques que la muqueuse de l'œsophage. Chez d'autres animaux, la muqueuse de la région pylorique de l'estomac peut aussi se confondre avec la muqueuse de l'intestin. Citons encore le cas de quelques Batraciens, dont la muqueuse de l'œsophage renferme les mêmes éléments glandulaires que la mu- queuse active de l'estomac. On voit donc que les limites macroscopiques de cet organe, représentées par les étranglements du cardia et du pylore, n'ont pas toute la signification que les anciens anatomistes voulaient bien croire. Il y a d'ailleurs d'autres raisons pour ne pas admettre la définition que Gegenbaur donne de l'estomac. Nous savons qu'il existe certains animaux chez lesquels l'œsophage présente une dilatation plus ou moins développée qui n'a cependant pas les mêmes caractères histologiques que l'estomac. Cette poche, qui est surtout remarquable chez quelques Oiseaux, ne jouit d'aucune sécré- tion spécifique et ne renferme dans ses parois aucun élément glandulaire différencié. Comme l'a dit Ch. Richet, l'estomac est plutôt le commencement de l'intestin que la fin de l'œsophage. En tout cas, ces trois organes se confondent à l'origine de l'évolution phylogénétique et ontogénétique des êtres, et ce n'est qu'au cours de cette double évo- lution qu'ils arrivent à se distinguer les uns des autres, plus par leurs propriétés histo- logiques et fonctionnelles que par leurs caractères morphologiques. 2) Forme. — D'une manière générale, l'estomac est constitué par une poche bien dis- tincte, qui afiecte les formes les plus variées dansla série animale (fig. 243, 1). Il peut être, tantôt cylindrique, tantôt conique, tantôt sphérique ou globuleux. D'autres fois, il prend les formes les plus bizarres, en s'étranglant sur un ou plusieurs points, de manière à con- stituer plusieurs sacs ou appendices qui font partie d'une même cavité centrale. Chez quelques animaux supérieurs (Mammifères et Oiseaux), ces sacs ou appendices deviennent, par suite de la division du travail, des organes différents jouissant chacun d'un rôle bien défini. L'estomac change encore très souvent de direction en même temps que de forme. Chez certaines espèces, il est presque rectiligne et suit la direction de l'axe longitudinal du corps, mais le plus souvent il s'incui^e sur lui-même, pour mieux remplir l'espace que lui offre la cavité abdominale. Le pylore tend ainsi à se rapprocher du cardia, et de ce changement de direction résulte la forme de cornemuse qui caractérise l'estomac de la plupart des vertébrés. Les anciens anatomistes attribuaient trop d'importance à la forme de l'estomac, qu'ils considéraient comme un des caractères différentiels de cet organe. Pour eux la confor- mation de ce viscère se trouvait toujours en rapport avec le régime alimentaire de chaque animal et indiquait suffisamment la nature des fonctions stomacales. L'estomac peut avoir sur des espèces très différentes une forme plus ou moins semblable. Il peut aussi se confondre extérieurement avec les autres parties de l'appareil digestif. D'autre part, comme jNuhn l'a constaté, la forme et la grandeur de l'estomac dépendent d'un ensemble de causes très diverses : 1° de l'importance du besoin alimentaire ; 2° de la digestibilité et du volume des aliments ingérés; 3° de la forme et de la grandeur de la cavité abdo- minale ; 4° de la bonne adaptation fonctionnelle de Testomac, qui fait que le suc gas- trique peut agir puissamment sur le bol alimentaire; 5» enfin de la constitution générale de l'appareil digestif. Lorsque certaines parties de cet appareil sont peu déve- loppées, l'estomac tend à les suppléer. Ainsi, chez les Oiseaux, l'absence de l'appareil dentaire est en quelque sorte remplacée par la puissance motrice de l'estomac. La forme, est, ainsi qu'on le voit, un caractère trop variable et nullement dislinctif de l'estomac. 3) Structure. — 11 n'en est pas de même de la structure de cet organe. En effet, quoi- que l'estomac se trouve formé du même nombre de couches fondamentales que l'intestin et que l'œsophage, c'est-à-dire d'une couche externe séreitse, d'une couche intermédiaire. ESTOMAC. 0/ 9 1. FiG. 243. — Forme de l'estomac des vertébrés. — D'après Nuiix. Belûiie. '■i. Protous anguiu&us. 3. Coluber natrix. 4. Goljius niger. 5. Scincus ocellatus. 0. Requin. 7. Phoca vitullina. S. Testudo grœca. 9. Testudo americana. Nos 10. Lutra vulgaris. 11. Felis leo. 12. Canis familiaris. 13. Lepus cuniculus. 14. Muraeua conger. 15. Nasua raja. 10. Mirmecophagadidactyla. 17. Cj'nocephalus mormon. 18. Cheval. Nos 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. Ne» Porc. 20. Pipa verucosa. 27. Lophius piscatorius. 28. Fulica atra. 29. Cygnus olor (section 30. transversale de l'es- 31. tomac musculaire. 32. Ardea cinerea. .33. Hibou. 34. Crocodile. Castor. Dicotyles tajassu. Cricotus vulgaris. Mauatus. Ruminants. Belphinus phocaona. Halmaturus lauiger. Bradypus tridactylus. S80 ESTOMAC. muscideuse, et d'une couche interne, muqueuse, ces diverses tuniques, spécialement la musculeusé et surtout la muqueuse, subissent certaines modifications qui sont incon- testablement la caractéristique essentielle de l'estomac. La tunique séreuse n'est qu'une dépendance du péritoine et n'ofîre pas un grand intérêt au point de vue qui nous occupe. Quant aux fibres qui composent la couche musculaire de l'estomac, ce sont des fibres lisses appartenant à la couche moyenne du tube digestif. Elles s'étalent dans les parois de l'estomac sous la forme de faisceaux longitudinaux et annulaires tant que cet organe suit la direction longitudinale. Aussitôt que l'estomac change de position et devient transversal, on voit quelques-unes de ces fibres prendre une direction oblique. En outre, lorsque l'estomac se divise en plusieurs cavités, il y en a toujours une dont le rôle méca- nique est plus marqué, qui possède une forte musculature. Dans ce cas le nombre de fibres musculaires augmente considérablement, et on trouve à ce point de vue une grande différence entre l'estomac musculeux des oiseaux et l'estomac simple des autres animaux. En tout cas, l'estomac se distingue toujours des autres parties du tube digestif par sa puissante musculature. Ces différences s'accentuent de plus en plus lorsqu'on fait l'étude histologique de la muqueuse de cet organe. L'épithélium de revêtement de cette muqueuse n'a pas les mômes caractères que l'épithélium de l'intestin et de l'œsophage, excepté chez les ani- maux inférieurs dont l'estomac n'est pas encore différencié. Cet épithélium est constitué par une couche de cellules cylindriques dont le corps est divisé en deux parties : une partie profonde ou basale, qui contient le noyau de la cellule, et une partie superficielle, très claire, qui renferme de la mucine. La forme et la hauteur de ces éléments varient plus ou moins d'un animal à l'autre, mais ils rappellent toujours le type de l'épithélium cylindrique. Chez quelques espèces on trouve, intercalées entre les cellules cylindriques, des cellules vibratiles et des cellules caliciformes, qui sont pour ainsi dire les derniers vestiges de la transformation subie par l'épithélium de l'estomac. Outre les éléments de l'épithélium superficiel, la muqueuse de l'estomac contient encore de nombreuses glandes à sécrétion spécifique qui diffèrent par leur structure de toutes les autres glandes de l'appareil digestif. Ces glandes renferment, dans leurs culs-de-sac, de grosses cellules polyédriques, pourvues d'un fort noyau, et dont le protoplasma très granuleux se colore facilement par les couleurs de l'aniline. Ces éléments, dits cellules à pepsine, présentent chez les mammifères des caractères un peu différents, suivant qu'ils sont placés dans la lumière ou dans les parois du tube glandulaire. Les premiers reçoivent le nom de cellules principales [Hauptzellen), et les seconds de cellules à bordure [Belegzellen). D'après Heiden- HAiN et ses élèves, ces éléments seraient non seulement différenciés, sous le rapport morphologique, mais aussi sous le rapport fonctionnel. Les premiers sécréteraient de la pepsine ; les seconds de l'acide chlorhydrique. A côté de ces glandes à pepsine, l'estomac possède encore des glandes à sécrétion muqueuse, qui ne sont pas du tout caractéris- tiques de cet organe. En tout cas, ce que nous venons de voir nous permet d'affirmer que la structure est le seul caractère différentiel de l'estomac. De telle sorte qu'on peut considérer, comme faisant partie de l'estomac, toute région du tube digestif qui renferme dans sa constitution des glandes à sécrétion chlorhydro-peptique. B) Évolution de Testomac dans la série animale. — aj Estomac des Invertébrés. — Ce que les anatomistes appellent l'estomac des Invertébrés, n'est, en somme, qu'une dilatation de l'intestin antérieur proprement dit. Nos connaissances actuelles sur ce sujet ne nous permettent pas encore de nous prononcer sur la nature véritable de cet organe. Mais, si l'on considère qu'un grand nombre de Vertébrés inférieurs ne possèdent pas d'estomac, au sens histologique du mot, on comprendra qu'il en doit être de même pour tous les Invertébrés. D'ailleurs, chez beaucoup de ces êtres, l'appareil digestif ne forme qu'une simple cavité, où les aliments sont ingérés, digérés et absorbés. Pour trouver les traces d'une première différenciation, il faut remonter aux classes les plus élevées de ce groupe. Mais rien ne prouve encore que, dans ces mêmes classes, l'estomac devienne un organe diflérencié. Nous croyons donc devoir limiter cette étude à l'estomac des Ver- tébrés. fi) Estomac des Vertébrés. — 1) Poissons. — Chez la plupart des animaux compris dans ce groupe zoologique, l'estomac n'est pas encore nettement différencié. Ainsi, chez l'Am- ESTOMAC. 581 phioxus et rAmmocœte, les Cycloslomes, les Dipnoïques, les Chimères, certains Téléos- téens et plusieurs Ichtyoïdes, l'estomac se confond avec le reste de l'appareil digestif, autant par sa forme que par sa constitution structurale. En général, l'estomac des Poissons est simple ; mais il existe des espèces chez lesquelles les portions cardiaques et pyloriques de cet oigane peuvent former une ou deux poches bien distinctes. Telles sont, par exemple, le Squale pèlerin {Selache maxima), la Bau- droie et le Tungilis. Si l'on compare l'estomac d'un poisson herbivore à celui d'un Carni- vore, on y trouve des différences remarquables. Ainsi, chez les Cyprins, qui se nourrissent principalement de matières végétales, l'estomac est rudimentaire et se confond presque complètement avec l'œsophage. Au contraire, chez les poissons carnivores, l'estomac acquiert un développement considérable. D'après Cuvier, l'estomac de ces poissons offre la forme d'une aiguière. La partie principale est constituée par la poche cardiaque de laquelle se détache un tube extrêmement mince qui représente la portion pylorique. Ce conduit n'est autre chose que le pylore, et Cii. Richet propose de l'appeler le détroit pylorique. La longueur de ce canal varie beaucoup selon la taille et l'espèce de l'animal, mais sa présence est facile à constater. Chez la Morue, le Congre et la Baudroie, ainsi (fue chez le Squale et la grande Roussette, étant donnée la voracité de ces animaux, qui avalent des proies énormes et non mâchées, on comprend l'importance d'une pareille disposition. II est évident que, dans ces conditions, les aliments doiveut être réduits en pulpe ou en bouillie pour pouvoir traverser le canal pylorique. Cette forme, que l'on ne retrouve plus chez les autres vertébrés, excepté peut-être chez l'Ornithorynque, carac- térise essentiellement l'organisation des poissons carnivores. Toutefois, dans quelques cas, l'estomac de ces Poissons offre l'aspect d'une anse contournée sur elle-même dans laquelle on peut reconnaître une portion descendante ou cardiaque, et une portion ascen- dante ou pylorique. Telle est en effet la conformation de l'estomac de l'Esturgeon, de la Loche, de la Raie et de quelques Squalides. Finalement, chez un petit groupe d'espèces carnivores, le Brochet entre autres, qui se nourrissent de petites proies, l'estomac est fusiforme ou globuleux, et ses deux orifices, cardiaque et pylorique, se trouvent situés sur le même axe. L'étude hislologique de l'estomac des Poissons nous montre les premières étapes de l'évolution par laquelle traverse cet organe, avant d'arriver à une différenciation com- plète. Chez un grand nombre de Poissons inférieurs, l'Amphioxus et les Petromyzontes, par exemple, l'épithélium de revêtement de la muqueuse stomacale garde encore ses caractères primitifs, c'est-à-dire qu'il est formé de cellules cylindriques, vibratiles ou amiboïdes. En même temps, la muqueuse est complètement lisse dans toute son étendue, et ne possède aucune espèce de glande peptique. Ce sont des animaux qui n'ont pas d'estomac au sens histologique du mot. Cet état d'indifférence absolue ne tarde pas à disparaître. Ainsi, chez les Cyclostomes, la muqueuse stomacale présente déjà quelques plis longitudinaux qui se compliquent et s'accentuent davantage, lorsqu'on examine l'es- tomac des Sélaciens, des Ganoïdes et des Téléostéens. Dans les mailles du réseau foi-mé par les plis de la muqueuse de ces animaux, on découvre des cryptes tubulaires plus ou moins profondes, dans lesquelles les éléments glandulaires se différencient à des degrés divers. Ces cryptes ne contiennent de cellules peptiques que dans la région du fond de l'estomac; celles qui subsistent dans la région du pylore fonctionnent plutôt comme glandes muqueuses (Edinger). L'épithélium de revêtement de la muqueuse n'est plus chez les animaux de ces groupes (excepté chez quelques Ganoïdes) un épithélium cilié. Il se compose d'une seule couche de cellules cylindriques, dont le protoplasma super- ficiel a un aspect tout à fait différent de celui de la profondeur, et semble chargé de mucus ou d'une substance analogue. Oppel distingue ces deux parties de la cellule sous les noms de portion supérieure ou muqueuse, et portion protoplasmique ou bamle. Disons encore que, contrairement à ce qui arrive pour l'épithélium superficiel de l'œsophage, et de l'intestin, l'épithélium de l'estomac ne présente jamais de cellules caliciformes inter- calées entre les cellules cylindriques (fig. 244). Cet épithélium s'infléchit sur les plis très nombreux de la muqueuse, et tapisse le sommet des tubes glandulaires en se transformant à cet endroit en une couche de cellules claires, diftérentes de celles qui constituent le corps de la glande, et qu'on appelle des cellules du col {Halszellcn). A la suite de ces cellules, mais plus profondément dans le tube de la glande, se trouvent les cellules peptiques pro- 582 ESTOMAC. Varm Des. — Epithélium superficiel de Vestomac, de Vintestin et de Vcesop/uu/e, chez Synr/nathus appartenant à l'ordre des Téléostéens (grossissement 550 fois). D'après Oppel. prement dites, Labzelleii, de forme variable selon les espèces et selon leur état fonc- tionnel, polyédriques ou plus ou moins arrondies, dépourvues de membrane propre et possédant un noyau parfois double, riche en cor- puscules chromatiques (fig. 2413). Malgré la diversité d'aspect de ces cellules, la majorité des auteurs pensent qu'elles appartiennent toutes à un même groupe, et qu'on ne saurait plus les confondre ni avec les cellules principales, ni avec les cellules de bordure des glandes gastriques des mammifères (Edinger). Oppel a classé dans le tableau suivant les diverses familles de Poissons qui se caractérisent par la présence ou l'absence de ces glandes gas- triques (p. 583). 2) Batraciens. — La conformation de l'appareil digestif des Batraciens rappelle le type des animaux carnassiers. L'estomac est toujours simple ; mais sa foi^me varie beaucoup d'une espèce à l'autre. Chez les Grenouilles, les Crapauds, les Rainettes, le Pipa et les autres Batraciens anoures, cet organe représente une dilatation de forme conique nettement séparée de l'œsophage. L'extrémité inférieure de ce cône se termine en se courbant légèrement par un étranglement très fort qui constitue le pylore. L'estomac des Salamandres, des Tritons et des Menopomas est très allongé et recourbé plus ou moins sur lui-même. Enfin, chez le Protée, l'Amphiuma et la Sirène, cet organe est plutôt cylin- drique et peu distinct de l'œsophage. La limite infé- rieure se marque par un étranglement doué d'un sphincter pyiorique. On ne trouve pas cependant de valvule pyiorique chez les Batraciens inférieurs. Au point de vue histologique, Testomac des Ba- traciens nous apparaît déjà comme un organe beau- coup plus développé que l'estomac des Poissons. Il est composé comme celui-ci du même nombre de couches fondamentales, mais il s'en différencie spé- cialement par la constitution de sa tunique muqueuse. L'épithélium de revêtement de cette muqueuse est un épithélium cylindrique simple, dont chaque cellule présente aussi 'une partie profonde ou basale et une partie superficielle ou supérieui^e, uniforme. Intercalés entre ces cellules, on trouve chez quelques espèces, Rana temporaria, Rana esculenta, le Bufo viridis et le Triton tœranius, par exemple, des éléments vibratiles doués de mouvements actifs. En général, ces éléments disparaissent complètement chez les Batraciens adultes. Les larves carnivores de ces animaux ne posséde- raient pas même de cils vibratiles dans l'estomac, tandis que, chez les larves herbivores, cet épithélium est très répandu dans toute la longueur de l'appareil digestif, jusqu'au moment où la respiration et le régime alimentaire se modifient quand l'animal devient adulte. Les glandes de l'estomac des Batraciens se partagent en deux régions distinctes : une région antérieure, ou région du fond, et une région postérieure, ou région pyiorique. La première de ces régions, qui est beaucoup plus étendue que la seconde, contient les glandes à pepsine. La région pyiorique semble ne renfermer que des glandes muqueuses. Les glandes peptiques (fig, 246) possèdent deux sortes de cellules : les cellules du col, dont le protoplasma est ordinairement un peu plus granuleux que celui des cellules de l'épi- thélium cylindrique superficiel, et les cellules du corps de la glande qui subissent des modifications importantes pendant le cycle digestif, et qui, d'après Heidenhain et ses ; FiCr. 245. — Estomac du Scorpaeiia p07-cus. — Région du tond de sac de l'estomac. D'après Oppel. E, épithélium superficiel. — DrH, celulles du col glandulaire. — Drgr, celulles du cul-de-sac glandulaire. — MM, muscularis mucosfe (gros- sissement 224 fois). ESTOMAC. 583 ESPÈCES QUI POSSÈDKNT BES GLANDES « A S T K I Q U E S . ESPÈCES QUI MANQUENT DE GLANDES GASTRIQUES. Amphioxus, Cyclostomes. Sélaciens. — Ganoïdiens. Téléos Chimères? .téens. Fam. Syngnatidœ. — Syngnatus acus. Fam. Muraenidse. — Anguilla vulgaris. — Conger vulgaris. Fam. Ciupeid/e. — Clupea harengiis. — En- granlis encrasicholus. Fam. Esocidœ. — E$ox lucius. Fam. Salmonidœ. — Salmo fario. Fam. Cyprinidœ. — Cyprinus carpio. — Tin- ca vidgaris. — Leuciscus dobulus. — Phoxinus lœvis. Fam. Acanthopsidw. — Cohitis harbatula. Fam. Acanthopsidse. — Cobitis fossiiis. Fam. Siluvidse. — S/hirus glanis. — Hetero- branchus. Fam. Gadidse. — Gadus Iota. — Gadiis polla- chius. — Gadus luscus. — Motella tricirrata. Fam. Pleuronectidœ. — Rhomôus maximiis. — Rhomhus norvegicus. — Solea vulgaris. Fam. Labridœ. — Labrus bergytta. — Crenila- brus pavo. Fam. Percidœ. — Perça fluviatilis. — Ace- rina cernua. — Serranus. — Gasteros- teus acidateiis. — Gasterosteiis trispi- natus. — Gasterosfeus spinachia. Fam. Gasterotus pungitius. Fam. Mullidœ. — MuUus surmuletus. Fam. Sparidx. — Pagelus Bogravco. — Chry- sophrys aurata. Fam. Triglidie. — Scorpaena porcus. — Scon- panen scrofa. — Dactylopterus voiilans. — Cottus scorpius. — Trigla bjra. — Uraiioscopus scaber. — Trachinus draco. Fam. Scomberidœ. — Scomber scomber. — Zeus faber. — Caranx trachurus. Fam. Gobiidsp. — Gobius niger. — Gobius cruentatus. — Cycloplerus. Fam. Gobidse. — Gallonymus lyra. Fam. Blenniidse. — Blennlus. Fam. Blenniidse. — Blennius pholys. Fam. Discoboti. — Lepidogaster bimaculatus. Fam. Tœnionidœ. — Cepola rubescens. Fam. Mugilidœ. — Mugil capilo. — Mugit cephalus. Fam. Pediculati. — Lopkius piscatorius. 584 ESTOMAC. FiG. 246. — Section transversale de la muqueuse de l'esto- mac de Kana temporaria. Région du fond. D'après Partsch. Fifi. 217. — Section transversale de la muqueuse de l'estomac de Rana esculenla. Région du pylore. D'a- près Partsch. élèves doivent être considérées comme absolument semblables aux cellules de bordure {Belegzellen) des Mammifères. Selon Partsch, on trouve dans les glandes du fond de l'estomac de Rana temporaria des cellules muqueuses qui se colorent par le bleu d'aniline et offrent les plus grandes analogies avec les cellules épithéliales de la surface muqueuse. Les glandes pyloriques des Batraciens (fig. 247) sont des glandes à sécrétion muqueuse. Elles ne renferment dans leur constitution qu'une espèce de cellules qui dérivent de l'épilhélium superficiel, et dont elles se différencient par leur forme intermédiaire entre la forme cubique et cylindrique et leurs plus petites dimensions. La masse protoplasmique de ces éléments cellu- laires se trouble en pré- sence des acides orga- niques concentrés et des acides minéraux faibles. Les alcalis et les acides forts font rapidement dis- paraître ce trouble. Tou- tes ces réactions démon- trent que le contenu de ces cellules est bien de nature muqueuse. Chez quelques Batraciens anoures, comme Rana temporaria, la mu- queuse stomacale présente, entre la zone du fond et la zone pylorique, une zone inter- médiaire dont les éléments glandulaires sont moins développés et contiennent en même temps des cellules polygonales à pepsine et des cellules cylindriques muqueuses. D'ail- leurs la muqueuse de l'œsophage possède de nombreuses glandes à sécrétion peptique alcaline, qui, d'après les recherches de Partsch et beaucoup d'autres, seraient constituées par des cellules principales (Jhmptzellen) analogues à celles des Mammifères. L'estomac des Batraciens possède un système d'innervalion assez complet. Trûtschl a découvert, dans la couche sous-muqueuse de l'estomac de la grenouille, un ensemble de fibres et de cellules nerveuses qui rappelle le plexus de Meissner des vertébrés supé- rieurs. De ce plexus prend naissance une série de branches très fines qui vont se termi- ner d'une part dans les éléments glandulaires de la muqueuse, et d'autre part dans l'épithélium superficiel en s'engageant entre ses propres cellules. L'estomac de la gre- nouille contient encore, au niveau de la couche musculaire, un autre plexus qui, d'après les recherches de Mijller, serait tout à fait analogue au plexus d'AuERBACH, et qui fournit des terminaisons nombreuses aux fibres musculaires de l'estomac. Le caractère spéci- fique de ces branches terminales est de ne pas présenter de véritables anastomoses. Elles suivent une marche parallèle aux cellules musculaires, et forment, avant de pénétrer dans le protoplasma de celles-ci, une espèce de renflement ou de plaque. 3. Reptiles. — Les Reptiles, étant pour la plupart des animaux à proie, ont presque tous un estomac simple, excepté les Crocodiliens. La forme de cet organe semble s'adap- ter à la forme du corps. Ainsi, chez les Ophidiens et chez les Sauriens, l'estomac pré- sente un aspect fusiforme ou conique, dont la partie la plus large correspond à la portion cardiaque, et la plus étroite à la portion pylorique. Cet organe est en général très disten- sible, et suit la direction de l'axe longitudinal du corps. Toutefois, chez quelques espèces d'Ophidiens, la portion étroite que forme le canal pylorique se recourbe une ou plusieurs fois sur elle-même, avant de déboucher dans l'intestin. L'estomac des Chéloniens est fortement recourbé sur lui-même dans le sens transversal, se divisant ainsi en deux portions : une portion descendante, ou cardiaque, et une portion ascendante ou pylorique. La dernière de ces portions est toujours un peu plus courte et un peu plus mince que la première. Elle est séparée de l'intestin par un bourrelet circulaire formé par la muqueuse, et dans certains cas par une véritable valvule pylorique. Il faut dire cependant que, chez les Chéloniens, comme chez les autres Reptiles, dont nous ESTOMAC. 585 venons de parler, la présence de cette valvule n'est pas constante. Les Crocodiliens pos- sèdent un estomac très complexe qui se rapproche beaucoup de l'estomac des Oiseaux. CuviER a décrit ainsi qu'il suit la forme de cet organe : « un grand cul-de-sac, arrondi et globuleux, dans lequel l'œsophage vient s'insérer non loin du pylore. Tout près de cette insertion, en dessous, il s'en détache souvent un petit cul-de-sac, dont la cavité est FiG. 248. — Région du fond de l'ostoniac du Pseudopus apus. Section longitudinale. £, épithélium superficiel. — Dr, cellules glandulaires. — AIMR, flbres transversales de la muscularis mu- cosa. — MML, fibres longitudinales. — Subtn, sub- rauqTicuse. FiG. 249. — Région du pylore chez le môme animal. (Section longitudinale). E, épithélium superficiel. — Gr. tube glandulaire. — DH, celulles du col glandulaire. — Drgr, cellules du cul-de-sac glandulaire. — MMR et MML, fibres transversales et longitudinales de la muscularis mucosa (grossissement 180 fois). D'après Oppel. séparée du grand cul-de-sac par une sorte de détroit et qui conduit dans l'intestin par un orifice très resserré. « La poche principale de l'estomac est très musculeuse et pré- sente, comme le gésier des Oiseaux, sur ses deux faces, ventrale et dorsale, une plaque tendineuse de la périphérie de laquelle rayonnent les divers faisceaux musculaires. Quant au ciil- de-sac pylorique, sorte d'estomac accessoire, qui s'observe à un état de développement assez avancé chez certains oiseaux, contrairement à l'opinion de Cuvier, il ne fait jamais défaut chez aucun animal de cet ordre. L'estomac des Ophidiens et des Sauriens se rapproche par sa constitution morpho- logique de l'estomac des Batraciens, tandis que celui des Chéloniens et des Crocodiliens ressemble plutôt à l'estomac des Oiseaux et des Mammifères. Chez les Ophidiens, les glandes de l'estomac se partagent en deux régions; une région antérieure région du fond, qui renferme les glandes peptiques proprement dites, et une région postérieure, pylorique, qui contient surtout les éléments à sécrétion muqueuse (fig. 248 et 249). Les glandes peptiques présentent au niveau du col des cellules claires provenant sans doute d'une transformation de l'épithélium superficiel de la muqueuse. Dans le cul-de-sac de ces glandes, on trouve de petites cellules rondes, à contenu finement granuleux, pourvues d'un noyau, et qui sont les cellules à pepsine. Les glandes pyloriques sont constituées par des cellules claires qui offrent les plus grandes analogies avec les cellules du col des glandes cardiaques. Ces éléments se colorent difficilement par l'hématoxyline et l'éosine et semblent doués d'une sécrétion muqueuse. iNous ferons cependant remarquer que les extraits de la muqueuse pylorique de l'estomac de certains Ophidiens (Tropido- notus natrix) sont acides (Edlnger) et renferment de petites quantités de pepsine (Lan- gley). 586 ESTOMAC. L'estomac des Chéloniens représente, au point de vue hislologique, un organe de transition entre l'estomac des Amphibiens et l'estomac des Oiseaux. Certaines espèces, comme Emys Eitropca et Testudo graeca, possèdent les mêmes éléments glandulaires que les Batraciens et que les deux premiers ordres de Reptiles. Les glandes du cul-de-sac de l'estomac (fig. 250) contiennent à la fois des cellules claires de forme cubique ou pris- matique et'des cellules fortement granulées, polyédriques, qui se colorent facilement par uni Sabm...àk Fig. 250. — Estomac du Emys europea. Région du fond (pre- mière portion de l'estomac). Section transversale. D'après Oppel. E, épithélium superficiel.'—^, col des glandes, — Dh, tube des glandes. — L, folicules lymphatiques. — MM, muscularis mucosa. — tr, vaisseaux. — Suhm, submuqueuse. mlmm.. Fig. 251. — Estomac du Emys euro- pea. Région du pylore. — Sec- tion transversale. D'après Oppel. E, épithélium superficiel. — L?\ glandes. — MME et MML, fibres de la muscularis mucosa. l'éosine et dont tous les caractères rappellent les cellules de bordure des Mammifères. Quant aux glandes de la région pylorique ffig. 251), elles sont aussi des glandesà sécré- tion muqueuse qui semblent formées par l'invagination de l'épitbélium superficiel, dont les cellules subissent de ce fait quelques légères transformations. Chez d'autres espèces de Chéloniens, Thalassochelys caretta par exemple, la structure de l'estomac est beau- coup plus compliquée (fig. 2ii2 et 233). Tout d'abord, la région pylorique de la muqueuse a une étendue plus considérable que chez les autres espèces de Reptiles. Les glandes de cette région se rapprochent en outre des glandes de l'estomac musculeux des Oiseaux et des glandes pyloriques des Mammifères. D'autre part, les glandes de la région du fond offrent aussi une grande ressemblance avec les glandes peptiques du ventricule des Oiseaux. L'examen au microscope d'une glande pylorique appartenant à un animal de cette espèce, nous fait voir que les éléments caractéristiques de cette glande sont formés par de grosses cellules à protoplasma peu granulé, mais beaucoup moins réfringent que le protoplasma des cellules claires qui constituent le col des glandes cardiaques. Ces éléments se différencient des cellules de l'épitbélium superficiel par leurs affinités colo- rantes et par leur manque absolu de la partie, supérieure ou muqueuse. Les glandes car- diaques présentent trois sortes de cellules. L'ouverture du tube glandulaire est tapissée par l'épitbélium cylindrique superficiel dont chaque cellule possède une partie profonde. ESTOMAC. 587 ou basale, et une partie supérieure très développée. Le col est recouvert par des cellules claires qu'on distingue facilement des antérieures, parce qu'elles présentent à leur base un noyau, et en outre parce que leur protoplasma est à peu près homogène et renferme de la muc;ine. Finalement, dans le cul-de-sac glandulaire, on remarque de nombreuses cellules à pepsine de formes polyédriques et à contenu granuleux qui se colorent très intensément avec l'éosine. C'est surtout en arrivant à l'ordre des Crocodiliens que nous voyons l'estomac prendre la plu- part des caractères anatomiques que présente l'estomac des Oi- seaux. Ainsi, chez l'Alligator, cet organe montre très nettement une région cardiaque, une région du fond, une région pylorique, une grande et une petite courbure. En outre, ces régions se distin- guent entre elles, autant par leurs caractères macroscopiques que par leur constitution morpho- logique. La muqueuse stomacale de cet animal a environ deux pieds de longueur. Son épaisseur varie dans les diverses régions. Elle a environ 1 millimètre au niveau de l'œsophage : 0°"",G à 0™'^,45 dans la région cardiaque; 0™™,8 à 0™",9 dans le fond de l'estomac et O^^jô à 0™°^,? dans la région du pylore. L'épithélium de revê- tement de cette muqueuse est formé d'une couche de cellules cylindriques très minces, qui ont plutôt l'aspect pyramidal, et dont l'extrémité libre semble complè- tement ouverte. Le protoplasma de ces cellules est finement gra- nulé, et obscur à la base de chaque élément, tandis qu'il est clair à la partie supérieure. Les glandes gastriques de l'Alligator sont des glandes à tube, simples ou rami- fiées, qui possèdent une mem- brane propre. Ces glandes pré- sentent un col et un cul-de-sac. Le col est formé de deux régions recouverte d'un épithélium plat, et une région interne tapissée d'un épithélium cylin- drique très court. Les cellules du cul-de-sac glandulaire sont polyédriques, et pourvues d'un gros noyau, qui peut être tantôt ovale ou sphéiique. Le protoplasma de ces cellules se colore par les réactifs ordinaires des cellules peptiques et présente alors un aspect fibrillaire. Les glandes gastriques de l'Alligator traversent presque complètement toute l'épaisseur de la muqueuse, excepté dans le voisinage du cardia, où elles sont beaucoup plus courtes. Entre le pylore et le duodénum, on trouve mélangées dans une certaine étendue les glandes pyloriques et les glandes duodénales, mais il est facile de reconnaître MNR NML FiG. 252. — Estomac du Thalassochelys caretta. Région du fond. Section longitudinale. D'après Oppel. E, épithélium superflciol. — Dh, tubes glandulaires clairs. — Z>A-, tubes glandulaires nucléés. — MMR et MAIL, fibres de la muscularis mucosa. une région externe 588 ESTOMAC. les unes et les autres. L'estomac des Crocodiliens jouit d'une puissante musculature. 4. Oiseaux. — L'intestin antérieur de cette classe de Vertébrés présente dans toute sa longueur trois poches différentes, dont les deux dernières seulement font partie de l'estomac (fig. 254). La première de ces poches qui se trouve située à la base du cou, n'est FiG. 253. — Estomac du Thalassochelys caretta. Région du pylore. vSection transversale. D'après Oppkl. Ë, épithélium superficiel. — Pd, glandes pyloriques. — G, vaisseaux. — MM, fibres de la muscularis mucosa. qu'une dépendance de l'œsophage, que l'on désigne sous le nom d» Jabot. Cette dilatation n'est en général qu'un réceptacle alimentaire, dépourvu de toute fonction chimique. Elle est surtout remarquable chez les espèces granivores. Selon Cuvier, les Oiseaux qui vivent d'Insectes, de Reptiles, ou de Poissons, ne possèdent pas de Jabot. Il en est de môme de ceux qui se nourrissent de fruits mous et de ceux qui avalent des g-randes proies sans les dépecer. Nous n'insisterons plus sur les caractères anatomiques de ce premier diverticulum de l'intestin antérieur des Oiseaux; car, ainsi que nous Tavons dit, on doit le considérer comme étant uu organe indépendant de l'estomac. * La seconde des poches dont nous venons de parler se trouve déjà placée à l'intérieur de la cavité abdominale et fait véritablement partie de l'estomac dont elle représente l'organe sécrétoire. Cette poche reçoit les noms à'cstomac glandulaire, bulbus glandulosus, ventricule succenturié, proventricule, ventricule peptique, cavité cardiaque, échinus, Erster- magen, Vormagen, Driisenmagen, Vep^inmagcn, cavita cardiaca, Cardialer Raum, Cardiac cavity, etc. L'importance de cette cavité' comme organe de digestion est tellement grande, qu'elle ne fait jamais défaut chez aucun animal de cette classe. Même chez le Martin- Pécheur (Alcedo hispido) où l'estomac glanduleux se trouve réduit aux plus simples proportions, on constate l'existence d'un amas de glandes autour des parois de l'intestin à cette hauteur. Chez toutes les autres espèces le ventricule peptique peut être plus ou moins développé, mais sa présence est absolument constante. Dans la plupart des cas, cette cavité suit la direction de l'œsophage et va s'ouvrir, après avoir subi un rétrécis- sement bien prononcé, dans l'intérieur de la troisième dilatation qui s'appelle le gésier, Cette nouvelle poche possède un appareil musculaire très puissant et joue essentielle- ESTOMAC. 589 v?-^^ ment un rôle mécanique Jans la digestion. C'est pour cette raison qu'on lui donne aussi le nom d'estomac musciileux ou ventricule charnu. De même que la dilatation précédente, cette poche se trouve située dans la cavité abdominale et représente en somme la portion pylorique de l'estomac. Chez les espèces omnivores, et surtout chez les granivores, cet organe est bien diiFérencié. Par contre, chez les Oiseaux carnivores et spécialement chez les piscivores, le gésier se confond presque totalement avec le ventricule pepLique. Disons encore que, chez certains Oiseaux, il existe une sorte de diverticulum ou poche supplémentaire connue sous le nom de poche pylorique ou estomac pylorique. Ce diverticulum est situé entre l'estomac propre- ment dit et l'intestin, et on l'observe surtout chez les espèces qui se nourrissent de Poissons. Nous allons décrire en détail les caractères anatomiques essentiels de ces trois poches qui forment par leur ensemble l'estomac des Oiseaux. Estomac glanduleux. — Chez la plupart des Oiseaux granivores, herbivores ou omnivores, le ventricule peptique affecte la forme tubu- laire. Les parois sont peu extensibles, et d'ordinaire sa cavité est plus réduite que celle du gésier. Les aliments ne font d'ailleurs que traver- ser cette cavité pour aller s'accumuler dans le gésier où ils s'imbibent du suc gastrique sécrété par les glandes du ventricule. Chez d'autres Oiseaux, au contraire, l'estomac glanduleux est beaucoup plus déve- loppé que le gésier et peut être deux fois plus long que celui-ci. Tel est par exemple le cas du Ficus Martins, mais dans cette même famille de Picus, le Picus major, possède un ventricule peptique qui est plus court que le gésier, ce qui prouve qu'il n'y a pas de rapport cons- tant à établir entre le régime des espèces et le volume de leur ventri- cule peptique (Cazin). Chez les Oiseaux carnassiers, c'est-à-dire chez certains Échassiers, chez un grand nombre de Palmipèdes piscivores et chez la plupart des Rapaces, le ventricule peptique et le gésier forment une seule poche qui reçoit les aliments, lesquels tendent cepen- dant à s'accumuler dans le cul-de-sac inférieur de l'estomac. Enfin une disposition plus rare et que l'on rencontre en particulier chez les Pétrels, est celle où le ventricule peptique, très développé, est parfai- tement distinct extérieurement de l'œsophage et forme en quelque sorte, à lui seul, la cavité dans laquelle séjournent les aliments. Tel est en effet le cas de VOssifraga gigantea, chez lequel le fond de l'es- tomac n'est pas formé par le gésier, comme cela a lieu généralement, chez les autres Oiseaux, mais parle ventricule peptique qui représente pour ainsi dire l'estomac simple d'un mammifère (Cazi.x). Les recherches histologiques faites sur l'estomac glandulaire des Oiseaux ont montré que cet organe se compose d'une série de couches qui de dedans en dehors sont les suivantes : 1. Muqueuse formée de : a) Épithélium superficiel; 6) Tunique propre interne contenant des glandes simples; c) Muscularis mucosa interne. ; d) Tunique propre externe, contenant des glandes composées; e) Muscularis mucosa externe. 2. Submuqueuse. 3. Musculeuse formée de : a) Une couche annulaire externe; 6) Une couche longitudinale interne. 4. Séreuse. Cazin décrit ainsi l'aspect de la surface interne de la muqueuse du ventricule peptique. « La surface de lamuqueuse est tantôt uniforme, tantôt divisée en un certain nombre de bourrelets longitudinaux, séparés par des sillons plus ou moins profonds. Ces bourrelets sont formés par des plissements de la muqueuse tout entière, et même, quelquefois, ".: -. -S FiG. 25 4. — Œso- phage. — Jabot. — Estomac glan- duleux.— Gésier et commence- ment de l'intes- tin du F'sittacus aestivus. D'après Home. 590 ESTOMAC. ^-Lil. d'une partie de la tunique musculaire. Ils font généralement suite à des plis analogues de l'œsophage et se continuent souvent jusque dans le gésier. J'ai trouvé cette disposi- tion particulièrement développée chez le Goéland cendré dont le ventricule peptique est divisé en sept ou huit colonnes épaisses qui se continuent directement avec les bour- relets longitudinaux que présente la surface interne du gésier. )> L'épithélium de revêtement de cette muqueuse est un épithélium simple formé par de hautes cellules cylindriques ou prismatiques renfermant dans leur moitié infé- rieure un noyau ovalaire. A mesure que l'on s'éloigne de la crête des plis superficiels, on voit la hauteur des cellules décroître progressivement; leur partie supérieure, tout à fait claire, diminue peu à peu et disparait complètement dans les culs-de-sac de la muqueuse, oîi les cellules épithéliales sont plutôt cubiques. Les espaces compris entre les plis de la muqueuse sont chargés d'un exsudât muqueux qui forme à la surface de la cavité stomacale une couche assez épaisse. Les glandes du ventricule peptique sont disposées le plus souvent les unes à côté des autres en formant une ceinture à peu près uni- forme de grandeur variable. D'une manière générale, la partie inférieure de la muqueuse ne contient pas les mêmes éléments glandu- laires, ou du moins ceux qui s'y trouvent ont subi de profondes modifications, comme nous verrons tout à l'heure. Cazin, qui a attiré le premier l'attention sur cette région de la muqueuse du ventricule la désigne sous le nom de zone, intermédiaire. La centralisation des glandes gastriques dans une partie limitée du ventricule est un fait presque constant chez tous les Oiseaux, mais cette agglomération devient surtout considérable chez l'Autruche, chez le Nandou et chez la plupart des Plotus, Chez le Plotus anhinga spécialement, les glandes gastriques sont localisées dans une sorte de poche qui s'ouvre dans la cavité du ventricule par un orifice bien distinct. C'est un véritable appareil glandulaire nettement séparé du reste de l'estomac. Cette inégalité dans la répartition des éléments glandulaires explique aussi le manque de rapport entre les dimensions du ventricule et sa puissance digestive. La forme et la structure de ces glandes varient beaucoup chez les dilïérentes espèces. Elles peuvent être iinilobulées ou multilohulées. L'estomac du Pigeon, de l'Hui- trier, du Canard, du Goéland, du Bihoreau, du Flamand, du Kamichi, de l'Epervier et de la plupart des Passereaux, ne renferme dans sa constitution que des glandes uniîobu- lées (Cazin). La cavité centrale de ces glandes présente de nombreux plis qui s'anasto- mosent les uns avec les autres et qui limitent à leur base des fossettes de forme régu- lière. Chacune de ces fossettes constitue un canal collecteur, large et court, dans lequel débouche un certain nombre de tubes glandulaires. La surface de plis et de canaux col- lecteurs, formant par leur ensemble la partie centrale de la glande, est entièrement tapissée de cellules à mucus, tandis que la périphérie de la glande, composée de tubes glandulaires, proprement dits, renferme exclusivement des cellules granuleuses à pepsine (flg. 25:'»). Les glandes gastriques multilobulées, c'est-à-dire celles qui sont for- mées de plusieurs lobes distincts, débouchant dans une cavité commune, se retrouvent chez un petit nombre d'Oiseaux, parmi lesquels il importe de citer la Poule, le Dindon, l'Autruche et le Nandou d'Amérique. Ces glandes ont été considérées par beaucoup d'au- teurs comme exclusives des espèces herbivores, mais Cazin a démontré plus tard qu'on les rencontre également chez certains oiseaux carnivores, le Pétrel géant et le Sphénis- que du Cap par exemple. Chacun des lobes d'une glande gastrique multilobulée équi- FiG. 255. — Glandes gastriques composées du Fyrrhocoi'as alpinus. Section longitudinale. D'après Cazin. ccg, cavité centrale de la glande. — epf/, épithé- lium de revêtement de la cavité glandulaire. — tgl, tubes glandulaires périphériques. ESTOMAC. 591 vaut à lui seul à une glande unilobulée. Ils sont eu eflfet constitués par une aggloméra- tion de tubes en cul-de-sac, tapissés de cellules granuleuses, étroitement serrés les uns contre les autres, et déversant leurs produits de sécrétion dans une cavité centrale qui sert de canal excréteur commun. Ces cavités centrales débouchent à leur tour dans une cavité commune ((ui, elle, s'ouvre directement dans l'estomac. La surface de ces cavités présente des plis irréguliers qui se croisent dans toutes les directions et se trouve recouverte tantôt par un éphithélium cylindrique ordinaire (Poule), tantôt par un épi- thélium à cellules muqueuses {Sphcnicus demersua). Cet épithélium disparaît au niveau des orifices des tubes glandulaires proprement dits où se montrent les cellules granu- leuses à sécrétion spécifique. On voit donc que les glandes gastriques des Oiseaux ren- ferment deux espèces de cellules, localisées les unes dans les tubes glandulaires, situés à la périphérie des glandes, les autres dans la partie centrale de la glande, c'est-à-dire dans les cavités communes et dans les canaux collecteurs, qui reçoivent les produits de sécrétion des tubes glandulaires périphériques (Cazin). Les premières de ces cellules seraient, d'après les recherches de Klug, absolument semblables aux cellules de bordure des glandes gastriques des Mammifères et sécréteraient en même temps de l'acide et de la pepsine. Gésier. — La forme de cet organe est celle d'une masse arrondie ou ovale (forme simple de Gadow) ou bien aplatie ou prismatique (forme composée de Gadow), suivant qu'il se développe en tous les sens ou de préférence sur ses parties latérales. Chez les Oiseaux pourvus d'un gésier compliqué, cet organe est formé de deux moitiés, symé- triques par rapport à son centre, asymétriques par rapport à son axe longitudinal : l'une, antéro-inférieure, comprenant à la fois la portion antérieure, située en arrière de l'orifice pylorique, et le cul-de-sac inférieur; l'autre, postéro-supérieure, comprenant la partie supérieure qui fait directement suite au ventricule pepsique et la partie posté- rieure du gésier (Cazin). D'ordinaire on trouve sur chacune des faces du gésier un disque aponévrotique central, d'où rayonnent des fibres musculaires qui forment les parois de cet organe. Ces faisceaux peuvent s'étaler d'une façon uniforme ou bien se grouper en deux masses distinctes, une antérieure et une autre postérieure, comme cela s'observe chez la Poule. Le gésier forme dans ce dernier cas un appareil de trituration très puissant, et, lorsque les muscles se contractent, il se produit à la fois un mouvement d'écrasement et un mouvement de frottement. La surface interne du gésier des Oiseaux granivores, herbivores et insectivores, se trouve constamment tapissée par un revêtement coriace, plus ou moins épais, coloré généralement en jaune, et qui n'est autre chose qu'un produit de sécrétion de la muqueuse. Cazin a démontré en effet que ce revêtement coriace que l'on désigne à tort sous le nom de couche cornée, n'est que la continuation du revêtement niuqueux du ventricule pepsique, et qu'il est formé des produits de sécrétion des culs-de-sac de la muqueuse, très denses, amalgamés avec les produits de sécrétion de l'épithélium superficiel, beaucoup plus fluide. Les variations de structure que ce revêtement présente en passant d'un animal à l'autre, tiennent à la distribution différente des culs-de-sac, ([ui fait que les colormeltes qu'ils sécrètent peuvent être disséminées ou groupées en séries parallèles. La muqueuse proprement dite de l'estomac rausculeux des Oiseaux offre le même système de plis anastomosés que la muqueuse du ventricule. Toutefois les plis sont beaucoup moins prononcés. Cazin considère que la structure fonda- mentale de ces deux muqueuses est, malgré l'apparence complexe de la muqueuse du gésier, absolument semblable. Les tubes en culs-de-sac de cet organe sont cependant plus nombreux. Ils sont en outre plus grêles, et plus allongés. A Jeur extrémité close, ils portent un léger renflement, et leur épithélium se compose d'une couche de cellules implantées obliquement par rapport à l'axe du tube, recourbées en crochet à leur extrémité basilaire et fortement renflées du côté libre. Lorsqu'on examine cet épithé- lium en remontant du fond de^ culs-de-sac des glandes vers leurs orifices, on voit que les cellules deviennent plus claires et que leur noyau se trouve eu même temps refoulé davantage vers leur base. Enfin, sur les bords de l'orifice commun anx tubes, l'épithélium est constitué par des cellules qui, tout en étant moins hautes, sont comparables à celles des plis de la muqueuse. 392 ESTOMAC. Les glandes de l'estomac musculeux n'offrent pas la même distribution ni la même structure chez les divers Oiseaux. D'après Sappey on peut les classer en deux groupes : 1° Glandes formées d'un tube unique : a) arec un épithélium plat; a, rangées en groupe (Poule); p. disséminées; b) avec un épithélium qui se rapproche de l'épithélium cylindrique, mais dont les cellules sont plus granuleuses (Carnivores). 2° Glandes composées, formées de plusieurs tubes qui débouchent dans une cavité centrale. L'épithélium qui revêt la cavité centrale est un épithélium cylindrique, tandis que celui qu'on rencontre dans les tubes est formé de cellules granuleuses pourvues d'un noyau sphérique. D'après les recherches de Wiedershrim, ces glandes se rangent en groupes chez les Oiseaux nageurs et chez les Gallinacés, tandis qu'elles sont plus ou moins disséminées chez la Colombe et chez les Fringiilides. Nussbaum prétend que les cellules granuleuses de ces glandes sont analogues aux cellules principales des mammifères, mais c'est là une opinion que rejettent la plupart des auteurs. Le protoplasma de ces cellules offre un aspect foncé. Il se colore en brun par l'acide osmique, en rouge foncé par le picro- carmin, en bleu foncé par l'hématoxyline, en vert par le méthyléosine et en gris par la quinoléine (Pillet). Zone intermédiaire. — Entre le ventricule peplique et le gésier se trouve une région de la muqueuse stomacale qui se caractérise par l'absence de glandes composées. Cette région a été désignée par Cazi.x sous le nom de zone intermédiaire, parce qu'elle représente au point de vue histologique un organe de transition entre l'estomac glanduleux et l'estomac musculeux. La muqueuse de celte zone renferme encore les mêmes petits tubes en cul-de-sac que la muqueuse glandulaire, mais elle ne possède plus aucune espèce de glande composée. Les prolongements superficiels de cette muqueuse n'affec- tent pas non plus la même forme que dans la partie glandulaire : au lieu d'être lamel- laires, [ils sont cylindriques ou prismatiques. Malgré ces changements, les caractères histologiques fondamentaux de la muqueuse intermédiaire restent à peu près les mêmes que ceux de la muqueuse du ventricule. Toutefois les produits de sécrétion de cette région, forment un exsudât beaucoup plus épais que celui que fournissent les tubes muqueux du ventricule. Ce simple fait prouverait que les cellules des glandes muqueuses ont subi, dans la zone intermédiaire, une réelle transformation. Estomac pylorique. — On trouve, chez quelques espèces d'Oiseaux, une poche située entre le gésier et l'intestin, qui ne saurait être confondue avec la première de ces cavités, car elle en est complètement séparée par un véritable détroit. Toutefois, chez la plupart des Oiseaux, il existe dans la partie supérieure du gésier, au point où l'intestin prend naissance, une sorte de rentlement que beaucoup d'auteurs ont considéré à tort comme un estomac pylorique. C'est ainsi que Gadour n'a pas hésité à ranger la Poule d'eau parmi les Oiseaux de ce groupe, alors qu'on sait péremptoirement que le gésier de cet animal ne présente qu'une simple saillie faisant partie de la cavité de cet organe. L'estomac pylorique, tel qu'on l'observe chez le Héron, chez le Bihoreau et chez le Plotus melanogaster, n'a plus les parois aussi musculeuses que le gésier. Par contre, la muqueuse qui revêt ces deux organes offre pour ainsi dire une structure identique. Dans les premiers tiers environ de la poche pylorique du Plotus melanogaster la muqueuse est lisse et semblable à celle du gésier. Elle est pourtant tapissée de fila- ments rigides dans le reste de la cavité. Ces filaments sont les produits de sécrétion des tubes glandulaires de la muqueuse pylorique, comme les colonnettes du revêlement coriace du gésier le sont des glandes de cet organe. Mammifères. — L'estomac des Mammifères peut être simple ou composé. La plupart des Mammifères carnivores et quelques herbivores ont un estomac simple, nettemene séparé de l'intestin et de l'œsophage, et dans lequel il est facile de reconnaître une portion cardiaque, un cul-de-sac, une portion pylorique, une grande et une petite courbure. La forme générale de cet organe est celle d'un cône allongé, recourbé sut lui-même, dont la base correspond au cul-de-sac de l'estomac et le sommet à la région du pylore. Par suite de la légère incurvation que subit cet organe, les deux orifices tendent à se rapprocher l'un de l'autre. L'œsophage débouche, en effet, dans la cavité de ESTOMAC. 593 l'estomac, du côté de la petite courbure et assez près du pylore. Chez quelques espèces cependant, l'estomac est très étroit et affecte une forme cylindrique. D'autres fois, il est globuleux ou sphérique. Parmi les Mammifères qui possèdent un estomac dont l'orga- nisaliou est le plus élémentaire, nous citerons les Monolrèmes. Chez ces animaux, l'esto- mac se rapproche par sa forme extérieure et par sa constitution histologique de l'esto- mac de certains Poissons qui manquent des glandes peptiques. L'estomac des Mammifères herbivores est, en général, beaucoup plus volumineux et beaucoup plus compliqué que celui des carnivores. Cet organe est d'ordinaire constitué par plusieurs poches ou appendices qui peuvent faire partie de la même cavité ou former plusieurs estomacs distincts les uns des autres, autant par leur forme que par leur structure. Parmi les Mammifères à estomacs multiples, nous distinguerons, à l'exemple de Milne-Edwards, ceux chez lesquels les aliments passent directement d'un estomac dans le suivant sans remonter dans la bouche, de ceux qui ruminent, c'est-à- dire qui, après avoir emmagasiné leurs aliments dans leur premier estomac, les font remonter dans la cavité buccale pour les mâcher plus complètement, puis les avalent de nouveau, et alors seulement les font passer dans l'estomac véritablement actif. Chez les animaux appartenant au premier groupe, l'estomac peut être formé de deux ou plusieurs cavités. Ainsi, chez la plupart des Rongeurs, cet organe présente un étranglement circu- laire au point d'union des régions cardiaque et pylorique. Cette limite est même marquée chez quelques espèces par un repli intérieur de la muqueuse qui divise la cavité stomacale en deux compartiments bien distincts. Chez 'les Singes du genre sein- nopithcqiie et colobe, de même que chez les Paresseux, chez plusieurs Pachydermes, tels que l'Hippopotame et les Pécaris, et chez les Cétacés, les portions cardiaque et pylo- rique de l'estomac se divisent en deux ou plusieurs cavités, de sorte que cet organe se trouve composé de trois ou quatre poches différentes, mais qui communiquent toutes les unes avec les autres. Enfin, chez les Ruminants, l'estomac atteint le plus haut degré de complexité. Ces animaux possèdent, en général, quatre estomacs, rarement trois (chevrotain, chameau, lama) qui sont largement en rapport entre eux, mais dont les connexions avec l'œsophage sont disposées de telle sorte qu'ils forment pour ainsi dire deux organes indépendants. En effet, les aliments qui traversent l'œsophage, peuvent tomber, soit dans les deux premières cavités de l'appareil stomacal, appartenant à la région car- diaque, soit dans les deux dernières qui font partie de la portion pylorique (Pour l'étude complète de ce phénomène voyez l'article Rumination). Ces quatre cavités ont reçu les noms de panse ou rumen, de bonnet, de feuillet et de caillette. Les deux premières font l'office de réservoir alimentaire et ne jouissent d'aucune action chimique appréciable sur les aliments qu'elles renferment. Le feuillet est, comme le dit Milne-Edwaros, le vestibule de la caillette. Il sert de réceptacle aux aliments mâchés qui vont subir incessamment les actions chimiques des sucs sécrétés par la caillette. Le feuillet est peu développé chez les Chevrotains et chez les Lamas et n'existe guère chez le Chameau. La caillette représente l'estomac proprement dit des Ruminants. Elle communique avec la cavité précédente par un orifice étroit et diffère de toutes les autres parties de l'estomac par la structure de sa muqueuse qui renferme de nombreuse's glandes. Nous avons dit que l'estomac des Mammifères carnivores était simple, tandis que celui des herbivores était en général composé. Cette loi présente cependant de nombreuses exceptions ainsi que le montre le tableau suivant : La structure de l'estomac des Mammifères est tellement complexe et elle varie tant d'un animal à l'autre, qu'il est presque impossible de faire rentrer dans un aperçu géné- ral toutes les particularités histologiques qui caractérisent l'estomac de chacun de ces animaux. Néanmoins, dans l'étude que nous allons entreprendre, nous essayerons de faire ressortir ces différences, tout en exposant les propriétés histologiques fondamentales qui sont communes à l'estomac de tous les Mammifères. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 38 594 ESTOMAC. MAMMIFÈRES QUI POSSÈDENT MAMMIFÈRES QUI POSSÈDENT TTN ESTOMAC SIMPLE. UN ESTOMAC COMPLEXE. Homme. Quadrumanes Excepté le Semnopithèque et le Colobe. Chéiroptères. Insectivores. Pimipèdes. Carnivores. Rongeurs : Leporidœ; Suôunguata (Cavia Rongeurs : Uystricidœ (porc-épic); Octo- et Hydrochœrus); Hystricidœ (Arlherura afri- (lonlidâs ; Muridse (Hamster); ArvicoUdœ cana); Muridœ (Mus musculus, Mu.ç decuma- (Lemnus amphibius, Lemnus borealis, Rhi- nus, Rats) ; Arvicolidœ (Lemnus arvalis) ; Cas- zomys pruinosus) ; Castoi'idœ (Castor, Myoxiis torida' (Myoxusglis et Myoxus dryas) ; Sem/-ic?<3?. avellanarhis). Proboscidiens (Éléphant). Proboscidiens (Daman). Siréniens. Artiodactyliens : Bunodonta (Phacochoerus, Artiodactyliens : Bunodonta (Hippopota- Porc). mus amphibius); Dicoi»//««.?; Ruminants; Tilopodiens; Tragulidx, Moschidœ, Girafe. Périssodactyliens : Tapirus, Rhinocéros, Cétacés. Cheval. Édentés : Myrmecophaga jubata et telra- Édentés : Bradypodids. dactyla; Cycloihurus didactylus; Manidse; Dasypns. Marsupiaux. Monotrémes, manquent des glandes papé- tiques. Le nombre de couches qui forment cet organe sont, de dedans en dehors, les suivantes 1° Une muqueuse, comprenant ; 2" Une submuqueusc. 3° Une musculeuse comprenant 4° Une subséreuse. 5° Une séreuse. 1° Un épithélium. 2'" Une tunique pi-opre. 3" Une membrane compacte. 4" Une musculaire mucose. 1° Une couche interne, formée de fibres transversales. 2" Une couche externe, formée de fibres longitudinales. En tout, neuf couches élémentaires, qui subissent des modifications plus ou moins importantes selon l'animal qu'on considère. Tunique muqueuse. — La surface de la muqueuse stomacale ne présente pas partout les mêmes caractères. Chez la plupart des Mammifères carnivores et omnivores, elle offre des plis nombreux, qui se croisent dans toutes les directions, et qui s'effacent presque totalement lorsqu'on distend l'estomac. Ces plis sont beaucoup moins accentués dans le voisinage du cardia que dans la région du cul-de-sac de l'estomac. Chez les espèces herbivores, et surtout chez celles qui possèdent un estomac complexe, la muqueuse est complètement lisse dans les régions appartenant à la portion cardiaque. D'autre part, la structure de l'épithélium superficiel de l'estomac n'est pas toujours la même dans ces diverses régions. Chez les Monotrémes, toute la muqueuse stomacale est recou- verte par l'épithélium de l'œsophage. Chez d'autres Mammifères, le cheval et le porc par exemple, l'épithélium pavimenteu.x et stratifié de l'œsophage se prolonge aussi très loin dans la cavité de l'estomac et recouvre une grande partie de la muqueuse de cet organe. Il faut alors, pour retrouver les éléments spécifiques de l'épithélium stomacal, descendre dans la moitié inférieure de ce viscère. Les glandes gastriques elles-mêmes changent ESTOMAC. 595 constamment de caractère en passant d'une région à l'autre de !a muqueuse. Pour toutes ces raisons, les anatomistes ont cru nécessaire de diviser l'estomac en plusieurs régions distinctes : 1" une région œsophagienne ; 2" une région cardiaque; 3° une région du fond; 4° une région pylorique. Chez quelques espèces, il existe encore, entre la région du fond et la région pylorique, une cin- quième région ou zone intermédiaire qui possède à la fois des glandes pyloriques et des glandes du fond dereslomac (fig. 2o(j). Cet organe affecte dans son développement, tantôt la forme intestinale, tantôt la forme œsophagienne, suivant que ces carac- tères histologiques se rapprochent plus ou moins des caractères histologiques de ces deux portions de l'appareil digestif. On -peut avec Edelmann classer l'estomac des Mammifères de la façon suivante : Fig. 256. — Topographie des régions de l'estomac du Sus scrofa. D'après Edel- mann. , Forme intestinale (Estomac simple). 1) Sans région cardiaque glandulaire : «) Estomac simple de forme cylindrique (Phoca) ; fj) Estomac simple, présentant une dilatation à gauche qui constitue le cul-de-sac de cet organe : Carnivores, Insectivores, un grand nomijre de Rongeurs, Chéiroptères, Singes et Homme. 2) Avec région cardiaque glandulaire : c) Formation d'un sac cardiaque avec des appendices secondaires clos : Sus; d) Formation de plusieurs sacs ou appendices cardiaques : Manatus halmaturus, II. Forme œsophagienne (estomac composé). 1) Forme simple avec région cardiaque glandulaire : a) Petite dilatation oesophagienne avec une zone glandulaire cardiaque peu étendue : Tapirus Eguinus. b) Sac œsophagien plus complètement détaché de l'appareil digestif et région glandulaire cardiaque plus développée : Mus Cricetus. 2) Forme compliquée, avec un grand estomac antérieur. c) Sans région cardiaque glandulaire : Cetacea, Ruminantia. d) Avec région cardiaque glandulaire : Dicotyles. Mais, comme le fait remarquer Oppel, il est impossible d'établir une classification de l'estomac des Mammifères sur des simples données histologiques. On trouve, en eltet, des animaux qui semblent sous ce rapport appartenir au même groupe morphologique et qui possèdent cependant des estomacs tout à fait ditïérents. La région œsophagienne de l'estomac est représentée par une portion de la muqueuse stomacale, dont l'épithélium superficiel garde encore les caractères pavimenleux et stra- tifié de celui de l'œsophage. Cette région ne renferme aucun élément glandulaire spéci- lique. Elle existe chez les animaux suivants : Monotrèmes (tout l'estomac); Édentés (la plupart de l'estomac très développé chez les Manidés); Cétacés (première division de l'estomac, épithélium corné); Perissodactyla (Tapir, Cheval, Rhinocéros); Arliodactyla (Hippopotame, Porc); Ruminants (trois premières cavités), Lamnungia (Daman); Ron- geurs (excepté les Castoridés, les Sciuridés et les Léporidés), Primates {Cercopithecus fuligînosus). Chez tous les autres Mammifères, l'épithélium de l'œsophage cesse au niveau du cardia ou se prolonge très peu dans l'estomac. La région cardiaque est recouverte par un épithélium cylindrique, formé d'une seule couche de cellules, semblables à celle que nous avons déjà décrites dans l'estomac des autres Vertébrés. Les glandes (fig. 237) de cette région, quand elles existent, se distin- guent des glandes du cul-de-sac de l'estomac parce qu'elles manquent de cellules de bordure. Elles se différencient des glandes pyloriques, non seulement par leur distribu- tion et la marche de leurs tubulis, mais aussi par les propriétés de leur épithélium. Les cellules qui les composent offrent des contours bien limités, et leur protoplasma se 596 ESTOMAC. 1 2 FiG. 257. 1. — Section transversale delà muqueuse cardiaque chez le porc. D'après Ellenberger et Hofmeister. 2. — Section transversale d'un tubuli de la région cardiaque chez le porc. D'après les mêmes auteurs. colore faiblement par ^l'éosine. En outre, le.s glandes de la région cardiaque sont très riches en follicules lymphatiques. D'une manière générale les glandes cardiaques existent chez la plupart des Mammifères. Elles manquent néanmoins chez les espèces suivantes : chez tous les Monotrèmes,chez quelques Rongeurs (Lagomorpha, Hystricomorpha, Sciu- romorpha, Lepus timidus et Cavia cobaya), chez quelques Carnivores (Renard, Miistela martes et Nastm Rufa), chez tous les Chéiroptères, chez la plupart des Insectivores et chez le Cercopithecus ruber, appartenant à l'ordre des Primates). La forme et la gran- deur de cette région glandulaire est très variable chez les divers animaux qui la possèdent. Nous citerons en ordre d'impor- tance : le Porc, le Pécari, le Rat, la Souris, le Hamster, le Tapir, le Cheval, le Kan- gourou, les Insectivores, le Chimpanzé, l'Homme, quelques Rongeurs, la plupart des Carnivores et les Singes. Ajoutons encore que la grandeur de cette région semble dépendre du genre d'alimentation et être en rapport inverse du développe- ment des glandes salivaires et œsopha- giennes. Comme nous le verrons plus tard, les glandes de cette région ne doivent pas être considérées comme des glandes muqueuses, car elles paraissent sécréter un fer- ment diastasique, transformant l'amidon en glucose et d'après certains auteurs, elles sécréteraient même de la pepsine. La région du fond de l'estomac est, au point de vue morphologique et fonctionnel, la plus importante de la muqueuse de cet organe. Sa présence est absolument constante chez tous les Mammifères, excepté chez les Monotrèmes qui manquent complètement d'estomac. L'épithélium qui recouvre cette partie de la muqueuse est l'épithélium cylin- drique, caractéristique de l'estomac. Les cellules qui le forment sont des cellules cylin- driques, ou mieux prismatiques, dans lesquelles on peut reconnaître deux zones : une zone superficielle à contenu homogène qui présente les réactions de la mucine, et une zone profonde ou basale, fortement granuleuse, qui renferme le noyau de la cellule. A côté de ces éléments, qui sont les plus nombreux, il en existe assez souvent d'autres qui affectent la forme des cellules caliciformes et plus rarement des cellules à contenu uniformément granuleux, qui semblent représenter les diverses étapes de l'évolution d'un seul et même élément cellulaire. Les glandes de cette région de l'estomac sont des glandes en tubes composées, dont l'épithélium de revêtement est composé de deux sortes de cellules : cellules de bordure, Belegzellen, de Heidenhaln, cellules délornorphes de Rollet, et cellules princix>ale s {Hauptzellen] de Heidenhain, cellules adélomorphes de Rollet. Hei- DE.xHAix divise le tube glandulaire d'une glande du cul-de-sac de l'estomac en trois par- ties : le canal excréteur, le col et le corps glandulaire. Les éléments cellulaires de revê- tement de ces glandes se partagent de la suivante manière selon Heidenhaln : le canal excréteur est tapissé dans toute son étendue par l'épithélium cylindrique superficiel de la muqueuse. Dans certains endroits, on trouve cependant quelques cellules de bordure isolées qui sont logées entre la membrane propre du tube glandulaire et son revêtement cylindrique. A mesure que l'on s'approche du col glandulaire, les cellules de bordure deviennent plus nombreuses et plus volumineuses, si bien que Rollet a prétendu que ces cellules étaient les seuls éléments que l'on trouvait dans le col des glandes gas- triques. Toutefois Heide.\hai.\ a démontré que parmi ces cellules on y trouve encore de petits éléments de forme conique qui représentent les cellules principales. Finalement, dans le corps de la glande, les cellules principales acquièrent un développement considé- rable. Leurs dimensions augmentent dans toutes les directions, et leurs contours devien- nent plus nets et plus définis. Ces éléments occupent la lumière du cul-de-sac glandulaire, tandis que les cellules de bordure sont placées plus superficiellement, entre la surface externe du tube et sa membrane propre. Dans aucun cas, les cellules de bordure n'attei- gnent la lumière glandulaire : elles tendent au contraire à faire saillie en dehors, ce qui donne au tube glandulaire une apparence bosselée. Chez certains animaux, spécialement ESTOMAC. 597 chez le Porc (fig. 258), chez le Renard et chez le Dauphin, cette disposition s'accentue d'une façon telle que les cellules de bordure forment de véritables nids, des poches qui ne communiquent avec l'intérieur du tube glandulaire que par un orifice très étroit (F.-E. Schultze). Les caractères morphologiques essentiels de ces deux espèces de cellules sont les suivants : les cellules principales présentent une forme pyramidale ou conique; leur contenu est clair ou faiblement granu- leux et offre l'apparence d'un fin réseau, contenant une substance hyaline. Le noyau se trouve placé dans le fiers extérieur de la cellule; il montre aussi une struc- ture vésiculaire. Ces éléments se colorent faiblement en jaune par l'acide osmique et ne se teintent pas par le bleu d'aniline. Les cellules de bordure sont arron- dies, polygonales ou elliptiques. A l'état frais, leur contenu est homogène, mais, après traitement par l'acide osmique, leur protoplasma devient réticulé et fortement granuleux. Vis-à-vis des réactifs chimiques, elles se comportent comme des éléments très riches en albumine. L'acide osmique les colore fortement en noir et elles sont très avides des couleurs à base d'ani- line. Les cellules de bordure, de même que les cellules principales, subissent, ainsi que nous le verrons plus tard, des modifications profondes pendant la période d'activité des glandes. Quant à l'origine et à la formation de ces deux élé- ments cellulaires, nous ne savons rien de précis. Pour beaucoup d'auteurs, les cellules principales et les cel- lules de bordure sont des éléments en quelque sorte spécifiques et complètement indépendants entre eux. Pour d'autres, au contraire, ces deux espèces de cellules ne représenteraient que des étapes différentes de l'évolution d'un même élément cellulaire. D'après les uns, les cellules de bordure, donneraient naissance aux cellules principales, tandis que, selon d'autres, ces premières dériveraient des secondes. La région pylorique de l'estomac des Mammifères est tapissée du même épithélium cylindrique qui recouvre la région du cul-de-sac. Chez quelques animaux cependant, l'épithélium de cette région ressemble à l'épithélium intestinal. Les glandes de la région pylorique, appelées glandes à mucus du pylore par Ebstein, possèdent un épithélium cylin- drique spécial qui diffère par ses caractères physiques et chimiques de l'épithélium super- ficiel de la muqueuse (fig. 259). Heidenhain résume dans le tableau suivant les caractères différentiels de l'épithélium des glandes pyloriques et de l'épithélium de la muqueuse. 1 2 Fig. 259. — Éléments glandulaires de la région du fond de l'estomac chez le porc. D'après Ellenberger et Hof- MEISTER 1. — a, épithélium superticiel; a', oritice glandulaire; 6, col de la glande; e, partie moyenne de la glande avec de nombreuses cellules de bordure; d, cul-de-sac de la glande sans cel- lules de bordure. 2. Section transversale de la partie moyenne d'un tube glandulaire. PRÉPARATION. ÉPITHÉLIUM DES GLANDES PYLORIQUES. ÉPITHÉLIUM SUPERFICIEL DE LA MUQUEUSE. A l'état frais. Par le picrocarniin. Par la glycérine et le carmin. Dans le bichromate de potasse, l'alcool de Kanvier et l'hy- drate de chloral 10 p. 100. Par l'alcool au carmin. Finement granulé. Les cellules se colorent totale- ment. Tout le corps cellulaire qui montre de fines granulations. Ces éléments se conservent bien. Cet épithélium ne présente pas de cellules de remplacement dites Ersatszellen. En outre les cellules sont granuleuses. Complètement homogène. Seulement le noyau et la zone qui l'entoure. Un peu du protoplasma autour du noyau. Se ratatinent et chassent leur contenu protoplasmatiquc. Montre des cellules de rem- placement ; et les cellules cy- lindriques offrent un proto- plasma homogène. — J 598 ESTOMAC. En outre, les cellules des glandes pyloriques se distinguent des cellules de l'épithélium superficiel, d'abord parce qu'elles sont plus petites, plus finement granulées, et ensuite parce qu'elles ne prennent jamais l'aspect caliciforme. D'autre part, leur base est beau- coup plus longue, et leur noyau plus aplati. Quoique les cellules pyloriques présentent beaucoup de ressemblance avec les cellules principales, ces éléments ne sont pas com- plètement identiques. En dehors de leur forme, qui est tout à fait différente, les cellules des glandes du pylore se troublent par l'actio/i de l'acide ace'tique et semblent contenir de la niucine. Il est vrai que sur ce point, comme sur beaucoup d'autres concernant l'hislologie des glandes gastriques, les auteurs ne sont pas d'accord. Ainsi Heidenhaiiv et son école considèrent les cellules des glandes pyloriques comme des cellules princi- pales qui sécréteraient de la pepsine. D'autres histologistes ont trouvé dans les glandes pylo- riques des cellules qui ressemblaient plutôt aux cellules de bordure. De ces deux opinions, c'est la première qui compte le plus grand nombre de partisans; mais on tend de plus en plus aujourd'hui à admettre que les glandes du pylore sont formées d'un épitliélium diffé- rent de tous les autres épithéliums des glandes gastriques, et pour ainsi dire spécifique. Fina- lement, d'après les recherches de Glinsky, les glandes pyloriques seraient identiques aux glandes de Brunner, de l'intestin. La seule dif- férence qui existerait entre ces deux sortes de glandes, c'est que les premières se trouvent logées dans la muqueuse, tandis que les secondes sont placées dans la submuqueuse. Chez le Cobaye, chez le Lapin, chez le Chat et chez le Chien, la région pylorique est plus étendue et plus riche en glandes que chez l'homme. La zone intermédiaire, signalée pour la première lois par Ebstein dans l'estomac du chien, se trouve située entre le cul-de-sac et la région du pylore et contient à la fois des glandes pyloriques et des glandes à pepsine. Cette zone existe chez tous les mammifères qui ont été étudiés dans ce but : Homme, Chien, Chat, Renard, Porc, Lapin, Rat, Sou- ris. Elle présente cependant quelques différences, en passant d'un animal à l'autre. Ainsi la zone intermédiaire est plus développée chez l'Homme et chez le Chien que chez le Chat et chez les autres mammifères cités. En résumé, la muqueuse stomacale renferme plusieurs espèces de cellules épithé- liales : i° les cellules des glandes cardiaques; 2° les cellules principales et les cellules de bordure des glandes du cul-de-sac de l'estomac; 3° les cellules des glandes pyloriques, et 4<> les cellules cylindriques de l'épithélium superficiel. Si l'on accepte l'opinion de Grûtzner et Heidenhain, il y aurait encore dans le col des glandes pyloriques une nouvelle espèce de cellules découvertes par Nussbaum, et que cet auteur confondait avec les cellules de bordure. En effet, d'après Grûtzner, ces derniers éléments se comportent autrement que les cellules de bordure, vis-à-vis du bleu et du noir d'aniline. Ces cellules seraient beaucoup plus nombreuses, dans l'estomac de l'Homme et du Chat que dans l'estomac du Chien. En ce qui concerne les prétendues cellules de StOhr, tout porte à croire que ce sont de simples cellules pyloriques fixées par les réactifs à un moment spécial de leur activité. Les autres couches qui forment la muqueuse de l'estomac des Mammifères n'offrent rien de caractéristique. Cette membrane possède en outre un système très riche de vais- seaux sanguins et lymphatiques et un grand nombre de terminaisons nerveuses. Les vaisseaux sanguins se réunissent en formant un plexus veineux et un plexus artériel, dans la couche submuqueuse. De ces plexus parlent de très fines branches qui vont con- 1 2 FiG. 259. — Éléments glandulaires de la région pylorique chez le porc. D'après Ellenberger et HOKMEISTER. 1. — Section transversale d'un tubuli d'une glande pylorique. 2. — Schéma de la disposition des glandes pylo- riques dans la muqueuse. a. pupilles; b, orifices glandulaires; c, col des glandes; d, follicules lymphatiques; e, corps de la glande. ESTOMAC. 599 stituer deux réseau capillaires différents : l'un autour des éléments glandulaires, l'autre sur la surface libre de la muqueuse. Quant aux vaisseaux lymphatiques, étudiés par LovEN, ils se disposent dans la muqueuse de la façon suivante: des lacunes lymphatiques de l'épithélium superficiel partent une série de capillaires qui suivent les espaces inter- glandulaires et viennent se terminer dans uu réseau de canaux subglandulaires. Ce réseau est à son tour en rapport avec un autre système de canaux plus développés, situé dans la couche submuqueuse. La distribution des vaisseaux lymphatiques change d'ail- leurs quelque peu dans les diverses régions de l'estomac. Tunique imisciUeusc (fig. 260). — La tunique niusculeuse de l'estomac des Mammifères se compose, comme chez les autres Vertébrés, de deux plans fondamentaux de fibres : un plan externe formé de fibres longitudinales qui font suite aux fibres longitudinales de l'œso- phage, et un plan in- terne constitué par des fibres transversales, cir- culaires et obliques. Les fibres longitudinales s'épanouissent en arri- vant au cardia sur les parois de l'estomac et forment chez quelques animaux, comme l'Hom- me, une forte bande musculaire qui suit le long de la petite cour- bure et qui reçoit le nom de cravate suisse. En dehors de ces sortes de fibres, l'estomac de certains Mammifères contiendrait encore des fibres longitudinales propres, suivant l'opi- nion de Lesshaft. La plus grande partie des fibres transversales de l'estomac se trouve formée par des faisceaux circulaires, perpendiculaires au grand axe de cet organe. Ces faisceaux constituent une couche continue depuis le cardia jusqu'au pylore. D'après Schmidt, ces fibres forme- raientau niveau du cardiaun véritable sphincter, chez un grand nombre d'animaux, excepté chez les Ruminants. Toutefois cet avis n'est pas partagé par la plupart des anatomistes. qui considèrent le cardia comme dépourvu de sphincter véritable. Il n'en est pas de même pour le pylore, autour duquel les fibres circulaires se condensent pour former un sphincter puissant. Rudinger et Klaussner ont même prétendu que les fibres longitudi- nales rentrent dans la constitution de ces sphincters pyloriques. Il y aurait de la sorte un constricteur et un dilatateur de pylore, comme cela se voit spécialement chez l'Homme, chez le Chimpanzé, chez l'Ours et chez la Martre. D'après Lesshaft, les fibres circulaires de l'estomac seraient des fibres propres de cet organe et sans aucun rapport avec les fibres circulaires de l'œsophage. Celles-ci changeraient complètement de direction en arrivant à l'estomac et deviendraient des fibres elliptiques. H est facile de démontrer l'existence de cette nouvelle couche de fibres en enlevant avec soin la muqueuse de l'es- tomac. On voit alors que ces fibres, prises dans leur ensemble, forment une anse à che- val sur le côté gauche du cardia, d'où partent de nombreuses branches qui se répandent sur chacune des faces de l'estomac. La presque totalité des fibres musculaires de l'es- tomac sont des fibres lisses, mais il n'est pas rare de trouver parmi ces éléments quelques fibres striées. Comme on le voit, l'appareil musculaire de l'estomac est très puissant, et, en tout cas, beaucoup plus développé que dans les autres portions du tube digestif. Chez les animaux qui ont un estomac complexe, il y a toujours une cavité qui se fait remar- quer par Je plus grand développement de sa tunique musculeuse. Les phénomènes méca- niques de la digestion ont, dans celte cavité, une place prépondérante. Fig. 260. — Disposition des fibres musculaires de l'estomac du cMen. D'aprës Mall. «00 ESTOMAC. Tunique séreuse. — Celte tunique est formée par la feuille viscérale du péritoine et ne présente aucune dinérence fondamentale avec la tunique séreuse de l'estomac des autres Vertébrés. Vaisseaux et nerfs de l'estomac. — Artèi'cs. — Les artères de l'estomac naissent du tronc cœliaque et affectent dans leur distribution une marche plus ou moins différente, suivant l'animal qu'on considère. En général, les branches de ces artères s'anastomosent entre elles et forment un cercle complet qui embrasse la grande et la petite courbure de l'estomac. De ce cercle partent un nombre considérable de vaisseaux qui, après avoir cheminé un certain temps entre la tunique séreuse et la tunique musculaire, tra- versent celte dernière et vont se ramifier dans la couche de tissu conjonctif qui sépare la tunique musculaire de la tunique muqueuse. C'est de ce dernier réseau qu'émanent les artérioles de la muqueuse. Veines. — Les capillaires veineux provenant de la muqueuse et des autres couches de l'estomac se réunissent en plusieurs troncs qui suivent assez exactement le trajet des artères, et qui vont déboucher soit dans la veine splénique, soit dans la mésentérique supérieure, soit enfin dans la veine porte. Hochstetter a signalé la présence de valvules dans les veines de l'estomac de l'homme et de quelques autres Mammifères. Nerfs. — Les nerfs de l'estomac proviennent des nerfs pneumogastriques, spéciale- ment du pneumogastrique gauche, des sympathiques, du plexus solaire et de la moelle, Openchowski a donné le schéma suivant (fig. 261) représentant l'origine et la distribution de ces nerfs dans l'estomac du lapin. Ces nerfs pénètrent dans l'estomac et forment dans les parois de cet organe deux espèces de plexus, connus sous le nom de plexus d'AAUERBACH et de plexus de Meissner. Le premier est situé entre la couche longitudinale et la couche transversale de la tunique musculeuse et le second dans la couche de tissu conjonctif lâche qui sépare la nuisculcuse delà muqueuse. Aux filets qui partent de ces plexus, sont accolés des gan- glions microscopiques découverts par Remak. Quant aux terminaisons de ces nerfs dans la muqueuse, Navalichin pense que les cylindres-axes pénètrent dans l'intérieur des cel- lules glandulaires et se confondent avec les granulations de leur protoplasma. Ces granu- lations seraient identiques aux granulations pepsinogènes décrites par Langley, et, d'après Navalichin, devraient être considérées comme étant de nature nerveuse. DEUXIÈME PARTIE Physiologie. CHAPITRE I ÉTUDE ANALYTIQUE DES FONCTIONS DE L ESTOMAC Si, au point de vue anatomique, l'estomac se distingue des autres parties de l'appa- reil digestif, surtout par la structure particulière de sa tunique muqueuse et par le plus grand développement de sa tunique musculeuse, au point de vue physiologique, cet organe en présente aussi de très grandes différences. Sa tunique muqueuse possède, comme nous l'avons vu, un appareil glandulaire très complexe qui jouit du pouvoir de sécréter les divers éléments du suc gastrique. La surface de celte muqueuse, bien que dépourvue d'appareils spéciaux d'absorption, peut, par suite de sa grande vascularité, absorber les substances solubles qui font partie du contenu stomacal. D'autre part, la tunique musculeuse de l'estomac est tellement puissante qu'elle fait de cet organe un agent essentiellement moteur pendant la digestion. Les mouvements de l'estomac con- tribuent, en effet, au mélange et à la division des aliments, et, chez beaucoup d'animaux, ils peuvent remplacer, en quelque sorte, l'absence de l'appareil dentaire. Ces diverses formes de l'activité de l'estomac donnent lieu à une série de phénomènes qu'on appelle la digestion stomacale. Pour bien connaître leur mécanisme, il faut, à notre avis, les étudier séparément. Nous allons donc, avant d'entrer dans l'étude d'ensemble de la digestion stomacale proprement dite, exposer l'état de nos connaissances : - ESTOMAC. 601 Ki«. 261. — Schéma de l'innervation de l'estomac (D'après Openchowsk'ï). C, cerveau, — V, estomac. — MO, moelle allongée. — MS, moelle épiniëre de la 5= à la 10» vertèbre dor- sale. — V, S, R, pneumogastrique droit avec des libres dilatatrices et constrictives du cardia, des parois de l'estomac et du pylore. — ND, nerfs dilatateurs du cardia. — NC, nerfs constricteurs. — a, plexus d'AuERBACH. — G, ganglions découverts par Openchowski. — S, Fibres provenant du plexus sympathique et qui se terminent spécialement dans le plexus d'AoERBACH. — I, Sillon crucial où se trouvent les centres du cardia et du pylore. — 2. Corps strié et lenticulaire où sont les centres principaux du cardia et du pylore ; tubercules quadrijumeaux, où sont les centres des autres parties de l'estomac. — K, noyau du pneumogastrique. — O, olive. — 4, 4, centres médullaires de la dilatation du cardia : la o° vertèbre dorsale naissent les fibres inhibitrices du cardia et du tiers supérieur de l'estomac. De la 5* vertèbre à la 8", fibres constrictrices du cardia et des parois de l'estomac. De la 8" à la 10", fibres constrictrices (peu nombreuses) et fibres inhibitrices pour le pylore. A partir de la 10' vertèbre, au-dessous, toutes les fibres sont constrictrices du pylore. Pour rendre le schéma plus clair, nous avons supprimé les nerfs pro- venant du sympathique dorsal et abdominal. 602 ESTOMAC. 1° Sw les fonctions de sécrétion de l'estomac; 2' Sur ses fonctions d'absorption ; 3° Sur ses fonctions motrices. Comme bien on pense, les nerfs et les vaisseaux de l'estomac ne sont pas dépour- vus de significalion physiologique, mais ces deux systèmes agissent très différemment siiT chacune des fonctions dont nous venons de parler, de sorte que nous croyons qu'il y a tout intérêt à faire une étude spéciale du rôle que l'innervation et la circulation exer- cent sur chacune des fonctions de l'estomac, au Heu de faire cette étude dans un cha- pitre à part. § I. Fonctions de sécrétion de l'estomac. — Lorsqu'on fait l'analyse des produits de sécrétion de l'estomac, qui constituent par leur ensemble ce qu'on appelle le suc (/astrique ; On trouve comme éléments différenciés : 1° une certaine quantité de mucus; 2° un acide qui est l'acide chlorhydrique ; 3° deux ou trois ferments actifs, jouissant chacun d'une fonction chimique dilférente : la pepsine qui transforme les matières alburainoïdes en peptones. La présure ou lab ferment qui coagule le lait, et un ferment amylolytiquc qui transforme l'amidon en glucose. L'existence de ce dernier ferment n'est pas encore bien démontrée. Toutefois, d'après quelques auteurs, il existerait chez certaines espèces de Mammifères. En tenant compte de ces divers éléments du suc gastrique, nous voyons que la muqueuse stomacale possède les fonctions sécrétoires suivantes : 1° \]ne sécrétion acide; 2° Une sécrétion peplique; 3° Une sécrétion coagulante ou labogène; 4° Une sécrétion amylolytique; 5" Une sécrétion muqueuse; Nous allons tout d'abord faire l'étude spéciale de ces divers produits de sécrétion, pour étudier ensuite la manière dont ils prennent naissance. 1) Suc gastrique. — A) Méthodes servant à l'obtention du suc gastrique. — 1" Suc gastrique naturel. — a) Procédés anciens. — Réaumur, de même que Spallan- zANi, se servaient, pour recueillir le suc gastrique naturel, des éponges qu'ils faisaient ava- ler à des animaux et qu'ils retiraient au bout de quelques instants de la cavité de l'esto- mac. TiEDEMANN et Gmeltn Sacrifiaient les animaux en pleine digestion et puisaient directement dans l'intérieur de l'estomac de petites quantités de suc gastrique. Afin d'obtenir un suc le plus pur possible, ils donnaient aux chiens en expérience des cailloux ou d'autres corps inattaquables qui servaient de stimulants de la sécrétion gastrique. Manassein liait l'œsophage à sa partie supérieure pour empêcher le mélange de la salive avec le suc gastrique, puis introduisait par une fistule œsophagienne des éponges dans l'estomac. Rappelons encore qu'un médecin écossais, Steve.ns, fit sur l'homme des expé- riences semblables à celles réalisées par Réaumur et Spallanzani sur les animaux. Ayant rencontré un bateleur qui avait l'habitude d'avaler des pierres, puis de les rejeter par la bouche, il profita de cette circonstance pour soumettre à l'action de l'estomac de cet homme des substances alimentaires renfermées dans des étuis métalliques troués. Il recueillit aussi du suc gastrique par le même procédé. b) Fistules gastriques. — A partir du moment oîi l'on eut connaissance des obser- vations de William Beaumont, démontrant qu'un individu atteint d'une fistule gastrique accidentelle pouvait vivre pendant longtemps sans présenter le moindre trouble, on pensa à reproduire expérimentalement ce genre de lésions sur les animaux, afin de mieux étudier les fonctions de l'estomac. Deux physiologistes réussirent presque en même temps cette opération, Bassow et Blondlot; mais, tandis que le premier se contenta de signaler le fait et n'en donna qu'un procédé incomplet et défectueux, le second en fit toute une méthode, dont il sut tirer le plus grand parti pour ses recherches sur la digestion. L'établissement d'une fistule gastrique comporte deux opérations bien distinctes que nous allons décrire séparément. La première consiste à pratiquer la fistule elle-même en ouvrant une voie anormale dans l'estomac ; la seconde a pour but de rendre cette fistule permanente en y introduisant un appareil fistulaire convenable. bi) Opération de la fistule. — Bassow incisait les parois abdominales sur un point ESTOMAC. 603 quelconque de la région épigastrique, puis attirait l'estomac vers la plaie, l'incisait dans un point et fixait les bords de cette incision aux bords de la paroi abdominale. Il obte- nait de cette manière des fistules étroites qu'il bouchait à l'aide d'une éponge retenue par un fil, fixé lui-même aux téguments. Ces ouvertures artificielles montraient une grande tendance à se refermer, et n'avaient, trois mois après l'opération, qu'un centimètre de diamètre, largeur insuffisante pour la plupart des recherches. Le procécé de Blond- lot est supérieur au précédent surtout au point de vue de l'occlusion de la fistule. Après avoir incisé les parois abdominales, dans la région épigastrique, selon la direction de la ligne blanche, l'expérimentateur saisit l'estomac et passe à travers les parois de cet organe, au moyen d'une aiguille courbe, un fil solide dont il forme une anse qui permet de fixer l'estomac aux parois abdominales, jusqu'au moment où il s'y établit une adhé- rence parfaite. La plaie abdominale était, bien entendu, recousue tout aussitôt en grande partie, de façon qu'elle ne formait qu'une espèce de boutonnière d'un centimètre et demi au niveau de la région correspondante au grand cul-de-sac de l'estomac. Chaque jour on a le soin de tordre l'anse du fil qui traverse l'estomac et qui est fixée hors de la cavité abdominale par une cheville. Au bout d'un certain temps les parois de l'estomac comprises dans cette ligature se nécrosent et tombent, et la fistule gastrique devient définitive. 11 ne reste plus qu'à y introduire l'appareil fistulaire, ce que Blondlot faisait en se servant tout d'abord d'une canule d'argent, puis d'un obturateur. Comme on le voit, le procédé de Blondlot peut se diviser en deux temps : dans le premier on établit les adhérences de l'estomac aux parois de l'abdomen ; dans le second on place la canule. Cet excès de précautions n'était peut-être pas inutile à un moment où l'on ignorait les bienfaits de l'antisepsie. Toutefois Claude Bernard ne craignit pas de simplifier la pratique de cette opération, en introduisant la canule en un seul acte. Voici du reste la manière dont procédait l'éminent physiologiste : « Un chien, laissé à jeun depuis vingt- quatre heures, a pris il y a quelques instants un repas très copieux, de manière à dis- tendre considérablement son estomac, et de façon que le viscère touche les parois de l'abdomen, et que le rapport qui existe entre ces deux parois soit normal. Ensuite, l'animal étant couché sur le dos, convenablement maintenu, nous faisons une incision à trois centimètres au-dessous de l'appendice xiphoïde, sur le bord externe du muscle droit du côté gauche. Cette incision ne doit avoir que 2 à 3 centimètres au plus. Immédiatement après l'incision, on aperçoit la paroi de l'estomac collée contre la paroj de l'abdomen; on la saisit avec une érigne; on l'attire dans la plaie, on passe une aiguille avec un fil, et ensuite on fait une ponction dans la paroi de l'estomac. Alors, avec deux érignes placées aux deux angles de la plaie, on maintient l'estomac soulevé, el l'ouverture tendue comme une boutonnière pendant qu'on y introduit avec force le rebord de la canule. On fait rentrer la canule dans le ventre, et il suffit ensuite d'un ou deux points de suture pour réunir la plaie, et la canule reste fixée en place. On a eu soin que le fil qui maintenait l'estomac fût passé dans les parois abdominales, et lié de manière que les parois de l'estomac restassent collées aux parois de l'abdomen. » Les bords de la plaie se tuméfient beaucoup à la suite de cette opération, et pour éviter qu'ils ne dépassent les rebords de la canule, on fait allonger celle-ci au maximum en la dévissant le plus possible. La manière dont Schiff pratiquait la fistule gastrique était en tout semblable à celle que nous venons de décrire. Toutefois, cet auteur con- seille de revenir à la méthode de Blondlot, en deux temps, si l'on doit faire des fistules très larges, destinées à d'autres buts qu'à recueillir le suc gastrique. Dans ces cas, Schiff provoquait tout d'abord la réunion circulaire de l'estomac aux parois abdominales, puis, au bout de cinq à sept jours, il exécutait le second acte de l'opération consistant à inciser la portion heroiée de l'estomac et à fixer dans l'ouverture la canule. L'intro- duction des règles antiseptiques dans la physiologie expérimentale a beaucoup simplifié la pratique de l'opération qu'on peut considérer aujourd'hui comme étant des plus banales. On doit prendre toujours des animaux à jeun, et au besoin pufgés la veille à l'aide d'un sel purgatif quelconque. Afin de maintenir l'estomac dans ses rapports nor- maux avec les parois de l'abdomen, Dastre distend le viscère à l'aide d'un ballon de caoutchouc fixé à l'extrémité d'une sonde qu'on introduit dans la cavité de l'estomac par l'œsophage et qu'on insuffle au moment où l'opération commence. Il est d'ailleurs plus simple de faire l'insufflation de l'estomac par la sonde œsophagienne sans recourir 604 ESTOMAC. à l'emploi du ballon. L'animal doit être profondément endormi par la morphine et le chloroforme. Dans ces conditions, on pratique la gastrotomie suivant les procédés ordi- naires, sutures séro-musculeuse et cutanéo-muqueuse, mais nous recommandons parti- culièrement de faire la première de ces sutures le plus parfaitement possible, afin d'empêcher l'entrée de matériaux septiques dans la cavité péritonéale, lorsqu'on ouvre l'estomac. Après l'opération, l'animal doit être maintenu à jeun pendant quarante-huit heures, temps suffisant pour permettre la réunion des sutures. Grâce h l'état de jeûne et à l'action persistante de la morphine, la sécrétion gastrique est pour ainsi dire nulle, de sorte qu'il suffit d'assurer l'occlusion temporaire de l'ouverture fistuleuse par une couche de ouate imbibée de collodion salolé ou iodoformé. Le troisième jour, on peut procéder à la mise en place de l'appareil fislulaire, certain de n'avoir à craindre aucun accident. Si l'on fait usage d'une canule inamovible, on est obligé de placer l'appareil dans l'estomac dans le moment même oii l'on fait l'opération, ce qui expose très souvent à de graves accidents, à moins qu'on ne fasse la gastrotomie en deux temps, ce qui est toujours une perte de temps inutile. Disons encore que, dans les cas oii l'on n'a pas besoin d'une fistule très large, on peut se passer de l'appareil flstulaire, en suivant le procédé indiqué tout récemment par Frouin. Il suffit pour cela de faire dans la séreuse et la musculeuse stomacale une incision de quatre ou cinq millimètres. La muqueuse fait alors saillie au dehors de l'incision, et on la perfore sur l'un des côtés, de sorte que la section ne corresponde pas à celle de la séreuse et de la musculeuse. Un tube en caout- chouc est placé à demeure dans l'ouverture pendant trois ou quatre jours. Au bout de ce temps on n'a plus à craindre la soudure des parois de l'ouverture stomacale. La mu- queuse, beaucoup plus grande que les tuniques externes, forme une sorte de clapet intérieur, et il n'y a pas perte du suc gastrique. Quand on veut vider l'estomac, on y introduit un tube ou une sonde de caoutchouc pour recueillir le liquide qu'il renferme. Dans la plupart des recherches, l'opération de la fistule gastrique telle que nous venons de la décrire suffit largement pour étudier les fonctions de l'estomac. Toutefois, si l'on veut obtenir du suc gastrique pur, ou si l'on veut connaître la sécrétion spéciale d'une partie quelconque de l'estomac, l'établissement de la fistule doit être accompa- gné d'une opération préalable qui variera selon le but poursuivi par l'expérimentateur. Ce n'est pas d'hier que les physiologistes ont compris la nécessité d'empêcher le mélange de la salive et du mucus avec le suc gastrique, afin de mieux connaître les propriétés de ce liquide. A cet effet, les uns ont pratiqué l'extirpation totale des glandes salivaires, les autres la simple ligature de l'œsophage. Eu même temps, on provoquait la sécrétion gas- trique en introduisant dans la cavité de l'estomac par l'orifice d'une fistule, soit des excitants chimiques de nature diverse, soit des aliments difficilement attaquables (tripes de bœuf, tendons, os, etc.). On obtenait ainsi un suc sécrété dans des conditions anormales qui, quoique exempt de salive, contenait encore un grand nombre de pro- duits impurs. En 1889, Pavlow et M'"^ Simanowsky ont réussi à obtenir du suc gastrique presque complètement pur en donnant à des animaux porteurs d'une fistule gastrique et d'une fistule œsophagienne un repas de viande qu'on leur faisait rejeter au fur et à mesure qu'ils l'avalaient par l'ouverture de l'œsophage. Le passage des aliments par la bouche et le pharynx donne lieu par voie réflexe à une sécrétion stomacale abondante qu'on recueille par la fistule placée dans cet organe. Les animaux sont nourris dans l'in- tervalle des expériences par la fistule gastrique, et ils restent assez longtemps en vie. Cette méthode a le désavantage de ne pi'oduire qu'un suc de nature réfiexe qui ne sau- rait être totalement assimilé à celui que l'estomac sécrète aux divers moments de la digestion, alors que les matières alimentaires sont en contact direct avec la muqueuse de cet organe. On n'est pas d'ailleurs absolument sûr que la bile et les sécrétions intesti- nales ne puissent, à un moment donné, refluer vers la cavité de l'estomac, souillant ainsi le liquide obtenu. Cela doit même arriver assez souvent, par suite de l'excitation à laquelle se trouvent soumis les animaux qui avalent ce repas fictif. En 1873, Klemensiewicz eut l'idée d'isoler la portion pylorique de l'estomac en se ser- vant de la méthode appliquée par Thiry à l'étude des sécrétions intestinales. Les ani- maux qui avaient subi cette opération ne survécurent pas plus de soixante-douze heures; mais Klemensiewicz put recueillir pendant ce temps du suc pylorique complètement pur. Trois ans plus tard, Heidenhain reprit l'étude de cette question, et arriva, grâce aux ESTOMAC. 605 soins antiseptiques, à isoler le pylore et le fond du sac de l'estomac sur des animaux qui restèrent longtemps en vie. Pavlow et Chtgini ont démontré depuis que la façon d'opé- rer de Heidenhain entraînait la section de quelques rameaux du pneumogastrique, nerf qui joue un rôle considérable dans la sécrétion des glandes gastriques. Dans ces condi- tions, le lambeau d'estomac réséqué par Heidenhatn ne pouvait pas être considéré comme jouissant d'un fonctionnement normal. Pavlow et Chigini ont alors proposé une modi- Pylorus. Plexus gnsiricus anterior vagi. Oesophagua. Plexus gastricua posterior vagi, FiG. 262 (Procédé de Pavlow). A B, ligne de section de l'estomac. — C, lambeau pour la formation du cul-de-sac. ficalion du procédé de Heidenhain qui permet d'isoler une partie de l'estomac, lout en laissant son innervation intacte^ A cet effet, ils dissèquent dans la direction longitu- dinale de cet organe toutes les membranes qui forment 'ses parois sur une étendue de 10 à 12 centimètres, en commençante une distance d'un centimètre et demi de la région pylorique, et en se dirigeant vers le cardia. On obtient'ainsi un lambeau à forme trian- Serosa. Mnseuliris. Mucosa, Obère Schichte des Septums Grand des Bliodgacks. FiG. 263 (Procédé de Pavlow). V, cavité stomacale. — S, cul-de-sac isolé. — ' A A, parois abdominales. gulaire. On fait, exactement à la base de ce triangle, une seconde ^incision, mais seule- ment à travers la muqueuse, la musculeuse et la!séreuse restant intactes. La muqueuse est ensuite séparée des deux côtés sur une étendue d'un à un centimètre et demi, et chacun de ses lambeaux ainsi obtenus est plié en deux et entouré avec la membrane fibreuse sous-jacente. Il se forme de la sorte, une digue de muqueuse double entre la cavité de l'estomac et celle du sac isolé. Ces cavités sont refermées sur l'étendue de la première section au moyen des sutures ordinaires de Lembert. Les figures 262 et 263 ci-jointes 606 ESTOMAC. facilitent la compréhension des procédés opératoires employés par ces auteurs. Sur plu- sieurs chiens qu'ils ont ainsi opérés, quatre seulement ont survécu. Quelquefois il s'éta- blit une communication tardive entre les deux cavités de l'estomac séparées seule- ment par le lambeau de muqueuse. Mais on ne tarde pas à s'en apercevoir, par suite de la rentrée des aliments dans le petit estomac isolé. Le suc gastrique recueilli d'après la méthode de Pavlow est beaucoup plus actif que celui qu'obtenait Heidea'hain. En outre, l'intervalle de temps qui s'écoule entre le repas et le commencement de la sécrétion est beaucoup plus court chez les animaux opérés d'après la méthode de Pavlow, ce qui prouve que les voies réflexes de la sécrétion sont chez eux mieux conservées que chez les animaux opérés par Heidenhain. Dans ces derniers temps, Frémont, et après lui Frouin, sont arrivés à isoler totalement l'estomac du chien en le séparant du reste de l'appareil digestif. Quelle que soit l'habileté dont ont fait preuve ces expérimentateurs pour réussir l'isolement total de l'estomac, nous ne voyons pas l'utilité d'une telle opé- ration pour l'élude de la sécrétion gastrique. Nécessairement la section de l'estomac au niveau du cai'dia entraîne la destruction d'un grand nombre de filets du pneumo- gastrique. Dans ces conditions, on étudie la sécrétion d'un organe dont l'innervation est plus ou moins troublée. D'autre part, comme le fait remarquer Pavlow, le sue obtenu par ce procédé est exclusivement d'origine réflexe, mais d'un réflexe qui n'a pas pour point de départ l'estomac, à ni^ins qu'on n'introduise les aliments dans la cavité de cet organe, ce qui nous ramènerait aux défauts des anciennes méthodes. En raison de ces inconvénients, nous croyons qu'il faut donner la préférence à la méthode de Pavlow dans laquelle la portion d'estomac isolée ne représente, en somme, qu'un témoin de la partie essentielle de cet organe aux prises avec les aliments. b-i) Appareils fistulaires. — L'opération de la gaslrotomie étant réalisée, il faut se préoc- cuper de maintenir ouverte cette voie anormale que les progrès de la cicatrisation ne tarderaient pas à fermer, tout en faisant de sorte qu'on puisse recueillir le suc gastrique, et, au besoin, pénétrer dans la cavité de l'estomac. Les appareils qui ont été construits dans ce but peuvent se diviser en trois groupes : 1° Canules gastriques inamovibles, des- tinées seulement à recueillir les produits de la sécrétion stomacale; 2° Obturateurs, appa- reils qui ferment complètement la fistule gastrique et qui peuvent être enlevés au moment de chaque expérience, soit pour explorer ou vider la cavité de l'estomac, soit pour y introduire des objets divers; 3" Canules obturatrices movibles servant en même temps à la prise du suc gastrique et à l'exploration de la cavité stomacale. Canules inamovibles. — Blondlot fut le premier expérimentateur qui eut l'idée de se servir d'une canule de ce genre pour recueillir le suc gastrique et fermer la fistule sto- macale. Son appareil consistait dans une petite canule d'argent munie d'un double rebord, très saillant, dont la mise en place était assez pénible et exigeait le plus souvent une dilatation préalable du trajet fistuleux à l'aide de l'éponge préparée. Lorsqu'on arrivait à introduire cet appareil dans l'estomac, il suffisait de laisser quelques heures l'animal au repos, pour que la canule fût bien fixée, grâce à la rétraction des bords fibreux de la fistule. Dans l'intervalle des expériences, on fermait la canule à l'aide d'un" bouchon de liège. Blondlot ne mit pas longtemps à s'apercevoir de l'imperfection de cet appareil qu'il remplaça plus tard par un obturateur. Il remarqua que, par suite des varia- tions considérables que subit l'épaisseur des parois abdominales pendant le cours de l'expérience, sa canule devenait tantôt trop courte, s'enfonçant et disparaissant dans les chairs, tantôt trop longue, ce qui l'exposait à être arrachée par l'animal. Cl. Bernard remédia à cet invénient en construisant une canule composée de deux parties cylindriques se vissant l'une sur l'autre, et dont la longueur peut être modifiée à volonté. Comme la canule de Blondlot, la canule de Cl. Bernard se termine à ses deux extrémités par un rebord saillant qui empêche l'appareil de sortir facilement de place. Laborde a modifié avantageusement la canule de Cl. Bernard en rendant son introduction beaucoup plus facile dans la cavité de l'estomac (fig. 264). Le pavillon infé- rieur de cette canule est formé de deux parties qui peuvent se recouvrir ou se déployer suivant la rotation que l'on imprime aux deux tubes qui les supportent. Les deux moitiés sont superposées pour faire l'introduction de la canule; elles sont écartées, une fois introduites. Une entaille existant dans le disque supérieur indique lorsqu'on ouvre ou lorsqu'on ferme la canule. L'appareil possède encore un troisième disque au ESTOMAC. 607 milieu qui se visse au tour du corps de la canule et qui permet de bien fixer l'appareil contre la paroi abdominale. Comme l'a fait remarquer Dastre, le tube de ces canules se remplit d'un dépôt de matières alimentaires qui se réfugient dans sa cavité, s'y accu- mulent au-dessous du bouchon et l'obstruent. Ces débris se décomposent sur place et subissent la putréfaction. On est obligé de les faire disparaître avec plus ou moins de peine au moment où l'on veut recueillir le suc gastrique et l'on n'y parvient jamais complètement. Le suc que l'on obtient en est toujours plus ou moins souillé. Pour éviter cet accident, Dastre a adapté au bouchon de la canule une sorte de fouloir qui affleure à l'extrémité interne du tube et protège sa cavité. A l'autre extrémité, le bouchon se termine par une calotte sphérique qui n'offre aucune prise aux dents de l'animal lorsque celui-ci veut essayer d'arra- cher l'appareil. Ce dôme protège les organes supérieurs de la canule destinés au déploiement des deux moitiés du pavillon inférieur. Les pièces sont indépendantes, faciles à démonter, de sorte qu'on peut le nettoyer complète- ment avant de s'en servir pour l'expérience (Voy. Soc. de BioL, 28 oct. 189.3, 398). Bocci et Levi ont proposé une canule Irocart qui per- met de réaliser l'opération de la fistule gastrique presque instantanément. Le modèle que nous connaissons, cons- truit par Verdin, porte à son intérieur un trocart triangu- laire avec manche mobile en ébonite, le tout enfermé dans un écrin. La figure 265 du haut représente la canule prête à recevoir le manche et son trocart. La figure au-dessous représente la canule armée, prête à entrer dans l'esto- mac. Comme on le voit, cet appareil sert en même temps à faire la fistule et à laisser la canule dedans. Pour cela, on donne à l'animal un repas copieux, de façon à distendre complètement l'estomac. Puis on introduit brusquement la canule avec son trocart dans CH'JSVERPIII i FiG. é64. Canule pour fistule gastrique de Laborde. FiG. 265. — Canule de Bocci et Levi. un point déterminé de la région épigastrique, et, une fois qu'on est dans la cavité de l'estomac, on presse légèrement le bouton B P, afin que les trois ailettes se dégagent des excavations du trocart et forment une espèce de disque s'opposant à la sortie de la canule. L'opération finie, on retire le trocart de la même façon qu'il a été introduit, et on le remplace par le bouchon B qui se fixe également à baïonnette au tube de la canule. Finalement, la rondelle R sert à maintenir la canule appliquée contre la paroi abdo- minale, comme dans les autres appareils. Ce procédé est un procédé aveugle qui n'offre d'autres avantages que la rapidité avec laquelle on peut le pratiquer. Il donne lieu à des accidents nombreux, et nous n'oserions pas trop la recommander. Obturateurs. — Ces appareils sont destinés surtout à permettre l'exploration de l'esto- mac et peuvent être enlevés à chaque instant. Le premier des obturateurs connus fut employé 'par Blondlot qui le préféra de beaucoup à la petite canule en argent, dont il 608 ESTOMAC. se servait au commencement de ses expériences. Cet obturaleui' était en buis, en corne, ou mieux en gulta percha, et affectait la forme d'un champignon. Il portait à sa partie supérieure un élargissement en forme de plaque qui, placé sur l'orifice interne ou stomacal de l'ouverture fistuleuse, fait office de soupape et empêche en même temps l'instrument de s'échapper. D'autre part, sa tige est percée à sa partie inférieure de plusieurs trous dirigés en sens inverse les uns des autres, pour qu'ils puissent être assez rapprochés sans se confondre. Ces trous sont destinés à loger une goupille qui, tant qu'elle est en place, empêche l'obturateur de rentrer dans l'estomac. Pour placer cet obturateur, il faut d'abord l'introduire dans la cavité gastrique en suivant la voie de l'œsophage, puis en amener la tige dans le trajet fistuleux qu'elle doit complètement boucher, après quoi on le fixe au moyen de la goupille. Cette opération est, quoi qu'en dise Blondlot, assez compliquée, et c'est là un des principaux inconvénients de son obtu- rateur. D'autre part, la nécessité d'introduire cet appareil par l'œsophage fait qu'on ne peut pas augmenter beaucoup son diamètre, comme il faudrait pour certaines expériences. A cet eft'et, Bardelebe.x, et après lui Schiff, ont proposé l'obturateur suivant. C'est un tube massif de cuivre jaune, de la longueur d'environ quatre centimètres, et dont les parois ont un à un millimètre et demi d'épaisseur. Le dia- mètre de l'orifice tubaire,que l'on fait varier à volonté, me- sure de deux jusqu'à quatre centimètres. L'orifice externe de ce tube est entouré d'un large rebord qui s'applique aux téguments abdominaux. L'extrémité interne ne porte pas de rebord saillant. Celui-ci est remplacé par deux lames de métal mobiles, recourbées à angle droit à leur deux bouts, et pouvant être mises en place après l'introduction de la canule. Ces lames, larges de 5 à 8 millimètres et un peu plus longues que la canule, glissent dans deux rainures de la surface interne du tube qu'elles remplissent sans faire saillie; les pièces horizontales qu'elles portent aux deux extrémités ne sont pas d'égale grandeur : celle destinée à faire saillie dans l'estomac est plus large que celle qui couvre le rebord externe de la canule, le crochet interne n'est cependant pas plus large que le diamètre de la canule dont il peut être librement retiré. Les deux lames sont maintenues en place par le bouchon, dont la pression les applique solidemeut aux parois de la canule. Le bouchon enlevé, les crochets deviennent mobiles, et peuvent être retirés, ainsi que tout l'appareil. CoNTEJEAN s'est scrvi d'un autre obturateur moins coûteux que celui de Bardeleben, et qu'on peut construire soi-même avec une grande facilité. Cet appareil est composé de plusieurs pièces indépendantes, comme le montre la fig. 26G. A est une petite plaque de bois qui constitue la portion intra-stomacale de l'obturateur; B est un bouchon de liège percé suivant son axe, et choisi de manière à fermer exactement la fistule. C'est un disque de bois percé d'un trou à son centre; cette pièce coiffe le bouchon B et l'empêche de pénétrer dans l'estomac. Ces pièces A, B, C sont embrochées par une vis V dont la tête se trouve dans lestomac et sont maintenues appliquées l'une à l'autre par la rondelle de fer D et l'écrou E. Lorsqu'on veut ouvrir la fistule, on enlève l'écrou E; on retire les pièces D, C et B; on fait ensuite basculer A sur lavis V, comme l'indique la fig. G. Deux gorges creusées dans le voisinage du trou carré qui perce la pièce A facilitent ce mou- vement. On peut retirer alors sans peine la vis et la pièce interne. On réinstallera l'obtu- rateur en faisant la manœuvre inverse. Cet appareil permet de pratiquer l'opération de la fistule gastrique en un temps. Pour cela on introduit la pièce G, telle qu'elle est figu- rée, par la boutonnière ouverte dans l'estomac, la plaque B et la vis V étant retenues Fig. 266 — Obturateur de fistule gastrique de Ch. Contejean. ESTOMAC. ()0<) par une petite ficelle. On place ensuite le bouchon B. On fait une suture à points passés autour de l'ouverture stomacale et on attache les chefs de la soie à la portion de vis qui d(^passe le bouchon, de manière à maintenir celui-ci dans l'estomac. Le bouchon et les parois de l'estomac qui l'enveloppent doivent alors remplir exactement l'ouverture faite aux parois de l'abdomen. On installe les pièces C, D et E ; puis, entre la peau et la pièce C, on bourre un peu de coton au sublimé. Quatre ou cinq jours après, en général, la guéri- son est complète et l'animal peut être utilisé. On peut augmenter, si l'on veut, le diamètre de la fistule en remplaçant le bouchon B par des bouchons de plus eu plus volumineux. On obtient ainsi des fistules énormes, plus larges que des écus de cinq francs, si on le désire. L'auteur a remarqué que les chiens vicieux rongent la pièce externe de l'obtura- teur. Dans ce cas, il faut la remplacer par une pièce semblable faite en métal. Canule obturatrice. — Nous avons construit avec P. Langlois un appareil qui réunit tous les avantages d'une canule gastrique inamovible pour la prise du suc gastrique et qui peut être enlevé sans difficulté comme un simple obturateur. Cet appa- reil (fig. 267) est constitué par deux moitiés de cylindre creux, munies à leur extrémité d'une ailette légèrement in- curvée, de deux centimètres de long et un centimètre et demi de diamètre. Les deux demi-cylindres sont pourvus d'un pas de vis destiné à recevoir une ron- delle filetée qui les maintient exacte- ment l'un contre l'autre. La coaptation parfaite des deux moitiés du cylindre est assurée par l'existence d'une rai- nure (branche femelle) et d'un filet (branche mâle) : en outre des taquets situés à la paroi inféiieure, au niveau des ailettes, s'opposent au glissement et assurent la concordance du filetage. Une large rondelle métallique Q, très mince, constitue la plaque externe, sur laquelle vient s'appliquer l'anneau fileté E per- mettant une pression variable suivant le gonflement des tissus. La canule est enfin •fermée par un bouchon métallique B. Nous avons été conduits, depuis que notre planche a e'té dessinée, à modifier le bouchon B de telle sorte qu'il recouvre complè- tement le filetage et le protège contre les dents de l'animal. De même, nous substituons souvent à la plaque métallique R une simple rondelle en cuir, plus souple et plus légère, qui n'irrite pas la peau de l'animal. Avec celte canule, on peut fermer com- plètement les fistules les plus larges. H suffit pour cela d'adapter au tube cylindrique, une fois la canule mise en place, un manchon de caoutchouc, de l'épaisseur que l'on voudra. Grâce à l'emploi des métaux légers, le poids total de l'appareil ne dépasse pas 30 grammes, ce qui n'est nullement excessif. L'introduction de la canule peut être faite sans délai après l'ouverture de l'estomac, mais il nous a paru préférable d'attendre l'accolement des diverses parties suturées, ce qui arrive, en général, au bout de quarante- huit heures. A ce moment, la canule est introduite de la façon suivante. La branche femelle étant placée la première sans la moindre difficulté, il suffit pour mettre en place la branche mâle, de faire glisser l'ailette sur le bord droit de la première branche jusqu'à son introduction dans l'estomac et de la faire basculer ensuite. Le seul moment délicat de cette manœuvre est l'affrontement exact des deux branches de la canule. Une simple précaution suffit cependant : quand on fait basculer la seconde branche sur la première, ne pas perdre le contact des rainures à la base même des ailettes. La mise en place des autres pièces ne souffre aucune difficulté. Un de nos chiens en expérience a porté cette canule pendant sept mois, et on la lui enlevait au moins deux ou trois fois par jour sans que sa santé ait ressenti le moindre trouble. Tous ces appareils peuvent fournir des indications utiles; mais ils offrent l'inconvé- nient de provoquer assez souvent une inflammation chronique de la muqueuse stoma- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 39 FiG. 367. — Canule obturatrice pour ristule gastrique de J. Carvallo et P. Langlois. 610 ESTOMAC. éale, autour de l'orifice interne de la fistule, ce qui trouble nécessairement le jeu normal des sécrétions de l'estoniac. L'idéal serait de les supprimer tout à fait. Pavlow et ses élèves introduisent dans la fistule de l'estomac isolé un simple tube de verre ou de caout- chouc, qu'ils maintiennent en place à l'aide d'un bandage spécial. Nous n'avons aucune expérience de ce procédé, mais il nous semble^qu'il ne doit pas offrir beaucoup de solidité, spécialement si l'on a affaire à des animaux qui n'ont pas été dressés pour l'expé- rience. La méthode de P^rouin, qui n'est d'ailleurs que le procédé courant de gastrosto- mie employé actuellement par les chirurgiens, et consistant à fermer l'ouverture fistuleuse par un repli de la muqueuse stomacale elle-même, atteint la perfection voulue. Malheu- - reusement elle n'est pas applicable ^dans tous les cas, comme par exemple dans les larges fistules. c) Pompe stomacale. — Ce procédé n'a d'intérêt véritable que dans la clinique médi- cale. Leube, qui l'a appliqué pour la première fois, se servait de la sonde de Ploss qu'il introduisait par les voies naturelles dans l'estomac. Cette sonde était munie à son extré- mité extérieure d'un entonnoir qu'on remplit d'eau jusqu'à faire passer 750 centimètres cubes dans la cavité stomacale. L'injection finie, on abaisse l'extrémité de la sonde, et il s'établit jUne sorte de siphon qui vide complètement l'estomac. Le suc qu'on recueille dans ces conditions est un suc dilué et très peu actif. Kussmaul a proposé l'emploi d'une pompe pour extraire les liquides de l'estomac. Il est inutile de s'arrêter aux diverses modifications que les cliniciens ont fait subir à ces deux procédés pour les rendre plus pratiques. Qu'on se serve uniquement de la sonde ou bien d'une sonde reliée à un appa- reil aspirateur, les précautions préliminaires à prendre sont toujours les mêmes, ainsi que le mode d'introduction de la sonde dans l'estomac. Le malade étant assis, la tête fortement penchée en arrière, on introduit l'extrémité de la sonde jusqu'au fond de l'arrière-gorge, en se guidant de l'index de la main droite ou de la main gauche, suivant les aptitudes de l'opérateur. Une fois le pharynx atteint, on commande au malade de faire des mouvements de déglutition, en même temps qu'on pousse légèrement l'appa- reil dans la direction de l'œsophage. D'habitude la sonde pénètre facilement dans l'esto- mac ; mais, si l'on trouve un obstacle quelconque, il faut se garder de pousser violemment l'appareil, car l'on s'expose à provoquer des ruptures de l'œsophage. Lorsque l'estomac contient une grande quantité de liquide, l'arrivée de la sonde dans sa cavité provoque l'expulsion d'une certaine partie. Cet écoulement s'accentue si le malade contracte les parois abdominales, ou s'il se livre à des efforts respiratoires. Dans certains cas cepen- dant, il faut provoquer l'expulsion du liquide, soit en exerçant des pressions sur la cavité abdominale, procédé dit d'ex^wessioti d'EwALD, soit en faisant une aspiration par l'extrô- trémité libre de la sonde. Le vide doit être fait progressivement, et jamais d'une façon complète, afin d'empêcher la perforation de la muqueuse stomacale. Pour d'autres détails, nous renvoyons aux traités cliniques. 2) Suc gastrique artificiel. — a) Extraits de l'estomac. — En 1834, un physiologiste de Wûrzburg, Eberle, fit faire un grand progrès à la physiologie de l'eslomac en particulier et à celle des autres organes glandulaires en général, en démontrant que l'extrait de la muqueuse stomacale, obtenu par la macération de quelques fragments de celte muqueuse dans de l'eau acidulée avec l'acide chlorhydrique, avait toutes les propriétés du suc gas- trique naturel et pouvait, comme celui-ci, dissoudre les aliments albuminoïdes. Il est vrai que l'auteur ne saisit pas complètement la portée de sa découverte, car il croyait qu'on pouvait obtenir le même suc actif en employant, au lieu de la muqueuse gastrique, une dissolution acide d'un mucus indifférent quelconque. C'est Lehma>;n qui, quelques années plus tard, devait fixer les conditions de l'expérience d'EoERLE et démontrer toute son importance. Voici comment ce physiologiste conseilla de préparer le suc gastrique artificiel. On lave h grand jet un estomac de cochon récemment tué, et on détache les» portions de la membrane muqueuse prises aux points où les glandes pepsiques sont en plus grand nombre. On soumet ces membranes à l'action de l'eau distillée pendant une îieure ou deux, puis, avec un scalpel,. on en racle doucement la surface libre de façon à enlever, la couche de substance muqueuse grisâtre qui y adhère. Ce produit est mis à macérer dans de l'eau distillée pendant deux ou trois heures et souvent agité; enfin on ajoute au liquide un peu d'acide chlorhydrique, et l'on élève la température à environ 36" pendant une demi-heure. Le tout est [alors jeté sur un filtre. La dissolution de ESTOMAC. 611 pepsine qui passe est assez limpide et presque incolore, quoique très active. C'est d'une façon à peu près semblable que nous opérons aujourd'hui pour préparer les extraits ou les infusions de l'estomac. Quand on se sert de la muqueuse d'un estomac de porc, il faut au moins trois litres d'eau acidulée pour obtenir un bon suc actif. Il est plus utile de faire la macération de la muqueuse à l'étuve, à une température voisine de celle du corps, afin d'extraire le plus complètement possible les principes actifs qu'elle renferme. Le degré d'acidité de la solution tombe sensiblement à la fin de l'opération, de sorte que. suivant le conseil de Schwann, on doit y ajouter de temps à autre une petite quantité d'acide chlnrhydrique. La macération doit se prolonger à l'étuve de huit à douze heures. Au bout de ce temps, les fragments de la muqueuse sont presque complètement dissous, et on a un liquide jaunâtre, tout à fait limpide, qui jouit de toutes les propriétés du suc gastrique naturel. On le filtre et on le met dans des fiacons fermés à la paraffine dans un endroit frais où il se conserve sans subir d'altération appréciable pendant de longs mois, b) Solutions acides de pepsine. — On peut encore préparer le suc gastrique artificiel en dissolvant la pepsine extraite de l'estomac dans une solution d'acide chlorhydrique au titre indiqué. Ce procédé rapide offre des avantages réels au point de vue de l'étude cliimiqiiede la digestion des albuminoïdes, dans le cas où l'on se sert d'une pepsine assez pure. Malheureusement les pepsines industrielles que nous coimaissons renferment tou- jours des substances plus ou moins étrangères qui souillent les liquides de digestion et rendent leur composition très complexe. B) Valeur comparative des diverses méthodes d'obtention du suc gas- trique. — Les fistules stomacales nous renseignent principalement sur les phénomènes qui se passent dans la cavité gastrique elle-même, c'est-à-dire sur l'état de plénitude ou de vacuité de l'estomac, sur les modifications thermiques et vasculaires de la mu- queuse, sur la marche de la sécrétion gastrique, sur l'action du suc gastrique sur les ali- ments, etc. Ces phénomènes constituent par leur ensemble ce que nous pourrions appeler le travail extérieur de l'estomac. La méthode des infusions, au contraire, nous montre de préférence l'état d'activité des glandes digestives. Elle nous fait connaître les réserves en ferments accumulées dans la muqueuse gastrique par le travail lent mais continu des cellules sécrétantes. C'est, comme on le voit, le travail intérieur des glandes qu'on étudie à l'aide de cette méthode. Au lieu de croire, comme certains auteurs, que la première de ces deux méthodes exclut et rend inutile la seconde, nous pensons que les deux sont indis- pensables à l'étude des fonctions de l'estomac et qu'elles se complètent l'une par l'autre. C) Propriétés générales du suc gastrique. — Les caractères du suc gastrique varient considérablement d'un animal à l'autre, et, pour un même individu, suivant des causes très diverses que nous étudierons tout à l'heure. Si l'on prend comme exemple le suc gastrique pur de certains mammifères (chien, chat) tel qu'on peut le recueillir par la méthode de Pavlow, on constate que c'est un liquide clair, facilement filtrable, n'ayant pas de goût ni d'odeur bien marquée, et présentant une réaction franchement acide. La densité de ce liquide mesurée au picnomètre oscille entre 1,0030 et 1,0059. Aux basses températures, le suc gastrique se trouble rapidement et abandonne au repos un précipité blanc, se séparant en même temps en trois couches: la couche supérieure est limpide, celle du milieu est trouble et a un aspect laiteux, finalement la couche inférieure, qui est la moins épaisse, est composée d'un dépôt blanc. Ce trouble du suc gas- trique qui commence à se produire lorsqu'on abaisse sa température au-dessous de 15°, disparaît assez facilement lorsqu'on le chauffe au delà de 25°. Si l'on continue à augmenter la température, on voit paraître vers 30° un nouveau trouble qui devient un précipité, et le liquide perd ses propriétés actives. Le suc gastrique frais dévie à gauche, de 0°,70 à 0°,73, le plan de polarisation. Examiné au spectroscope, ce liquide ne présente pas de bandes caractéristiques. Soumis à l'influence d'un courant électrique assez fort, le suc gastrique devient inactif, probablement par suite de la décomposition de l'acide chlorhydrique. (?) D'après la majorité des auteurs, le principe digestif de ce liquide (pepsine) ne traverse pas le parchemin du dialyseur. Le suc gastrique est acide, et cette acidité est en moyenne pour le chien et le chat de 0,544 p. 100. Si on le neutralise lentement, ce liquide donne un précipité très fin, llocon- neux, qui se dissout immédiatement quand on arrive à l'état neutre parfait,. L'alcool, le 612 ESTOMAC. chloroforme, l'acide [lannique et même l'acide acétique, précipitent également le suc gastrique. Le dépôt qui s'y forme à la suite de l'addition de l'alcool se dissout dans l'eau acidulée avec l'acide chlorhydrique à la température de 37°. En comparant les poids des précipités obtenus par l'alcool et par la chaleur, on trouve que les premiers sont beaucoup plus considérables que les seconds. Le suc gastrique frais ne donne pas la réaction du biuret; mais, quand il a séjourné quelque temps à l'étuve à la température de 37 à 40°, il montre nettement celte réaction, et en plus il devient incoagulable par l'alcool et par la chaleur. En présence de l'acide azotique, le suc gastrique frais donne toujours la réaction xanthoprotéique. Si on l'éva- poré dans le vide au-dessus de l'acide sulfurique, il dégage d'abondantes vapeurs d'acide chlorhydrique qu'on peut facilement reconnaître en enlevant la cloche de l'appareil à vide. On constate aussi le même dégagement d'acide chlorhydrique libre en évaporant ce liquide à 21°-30'' dans l'appareil de Dziergowski, où l'acide est recueilli dans une solution alcaline titrée. Néanmoins, dans ces deux cas, l'acide n'est pas entièrement éliminé, et le liquide qui reste dans l'appareil possède encore une réaction très acide (1,1 p. 100 et plus). En réduisant oO centimètres cubes de suc gastrique à 8 c. c. au-dessus de l'acide sulfurique, ou 33 à 20 c. c. on obtient un liquide légèrement trouble, conte- nant, dans le premier cas, un précipité noir (carbonisé sous l'influence de l'acide) et, dans le deuxième cas, un précipité blanchâtre. Le premier liquide, d'apparence brunâtre, pré- sente la réaction du biuret et ne digère plus l'albumine, quelles que soient ses conditions d'acidité ou de solution. Le résidu sec que l'on obtient après l'évaporalion complète du suc gastrique varie entre 0,292 et 0,60 p. 100, et la quantité de cendres entre 0,10 et 0,166 p. 100. Celles-ci offrent les réactions caractéristiques du fer, de la chaux et de l'acide phosphorique. D) Composition chimique du suc gastrique. — Le suc gastrique est un liquide très aqueux (970 parties d'eau pour 1000 en moyenne) qui contient en solution plusieurs principes organiques et divers corps minéraux. La plupart des analyses que nous con- naissons sur le suc gastrique, outre iju'elles ne sont pas complètes, présentent entre elles des écarts considérables. Aiasi Lehmann trouve dans le suc gastrique du chien filtré de 1,05 à 1,48 p. 100 de résidu sec ; Berzelius, dans celui de l'homme, 1,27 p. 100; Frerichs, dans celui du cheval, 1,72 p. 100 ; Schmidt, dans celui du mouton, 1,13 p. 100. D'autres expérimentateurs, en répétant ces mêmes analyses, arrivent à des chiffres tout à fait différents. Lecret et Lassaigne par exemple, évaluent le résidu sec du suc gastrique du chien à 1,32 p. 100; Tiedemann et Gmelin à 1,95 p. 100; Bidder et Schmidt à 2,36 p. 100; Cl. Bernard à 2,88 p. 100, et enfin Frouin, en opérant sur le suc de chien, extrait de l'estomac isolé, ne trouve de résidu sec que 0,71 p. 100. Cette diversité des résultats s'explique essentiellement par ce fait que chacun des auteurs a opéré sur des sucs recueillis dans des conditions absolument difîérentes. Nous donnons dans le tableau suivant les analyses faites par Schmidt, Cl. Ber.xard et Frerichs sur le suc gastrique de diverses espèces d'animaux. HOMME. CHIEN. CHIEN. CHIEN. — — — — MOUTON. CHEVAL. POUR 1000 PARTIES. suc MÊLÉ non mêlé suc avec de salive. de salive. avec salive. SALIVE. — — — SCHMIDT. FRERICHS. en. scnMiuT. cil. SCHMIDT- ClI. SCHMIDT. CL. BERNARD. Eau 994,40 973,0 971,2 971,17 986,13 982,8 Matières solides 15,60 27,0 28,8 28,83 13,83 17,2 Matières organiques. . . . 3,19 17,1 17,3 17,33 4,05 9,8 Chlorure de sodium. . . . 1,46 2,3 3,1 4,36 Chlorure de potassium. . . 0,.55 1,1 1,1 1,52 Chlorure d'ammonium. . . 0,5 0,5 j 0,47 i Chlorure de calcium. . . . 0,06 0,6 1,7 1 Il 40 0,11 1 7,i Acide libre 0,20 3,1 2,3 / 1,23 Phosphate de chaux. . . . 1,4 2,3 ' 1,18 1 Phosphate de magnésie . . 0,12 0,2 0,3 0,57 Phosphate de fer 0,1 0,1 0,33 1 ESTOMAC. 6ia Ces analyses n'ont qu'une valeur approximative ; car elles portent toutes sur des sucs plus ou moins impurs. En comparant les chiffres de ce tableau avec les chiffres suivants obtenus par Frouin dans dix analyses faites sur du suc gastrique retiré de l'estomac isolé d'un chien, on voit à que! point les écarts sont considérables. POUR 1000 PARTIES. SUC DE CHIKN E s T 0 M AC I S 0 L K Eau 971,900 7,140 3,690 3,150 2,900 2,535 0,740 0,052 » 0,102 . 0,016 0,005 Résidu sec à 100^ Matières organiques Matières minérales Acide chlorhydrique libre Chlorure de sodium — de potassium — de calcium — d'ammonium Phosphate de chaux — de magnésie — de fer Toutefois, dans cette analyse de Frouin, comme dans les analyses de Pavlow et de ses élèves sur des sucs absolument purs, on retrouve les mêmes éléments composant le suc gastrique que dans les vieilles analyses de Schmidt, Frerichs et Cl. Bernard. Les différences qu'on observe sont plutôt d'ordre quantitatif, de sorte que toutes ces analyses donnent des indications utiles sur la composition chimique du suc gastrique. E) Éléments essentiels du suc gastrique. — Parmi les matériaux qui composent le suc gastrique, il y a des corps qui semblent dépourvus de toute action chimique défi- nie, et d'autres qui jouent un rôle véritablement spécifique dans la digestion stomacale. Les premiers, qu'on peut appeler des corps indifférents, forment le milieu dans lequel se développent les actions chimiques des seconds. Ceux-ci se trouvent représentés par Vacide du suc gastricjue et par les ferments qui sont en solution dans ce liquide. Quant aux premiers, ils sont constitués par l'eau, les sels minéraux et les matières organiques, qui ne font pas partie des ferments. Bien que les corps indifférents du suc gastrique n'interviennent pas directement dans la digestion stomacale, ils peuvent faciliter ou gêner par leurs proportions respectives la fonction chimique des corps actifs. On sait, en effet, que le milieu ou le terrain est aussi important pour les fermentations amorphes que pour les fermentations figurées. a) Acidité du suc gastrique. — L'acidité est un caractère constant du suc gastrique normal. C'est là un point sur lequel l'opinion des auteurs a été toujours unanime, car, aussitôt qu'on a pu recueillir les produits de sécrétion de l'estomac, on a vu que ces produits présentaient une réaction franchement acide. Il n'en a pas été de même lorsqu'il s'est agi de déterminer la nature de cette acidité. Cette question a donné lieu à des discussions interminables. Pour les uns, l'acidité du suc gastrique était due à des acides minéraux, pour d'autres à des acides organiques. Les premiers de ces auteurs se divisaient en deux camps; les uns soutenant que l'acide du suc gastrique était Vacide chlorhydrique, tandis que d'autres, comme Blondlot, affirmaient que c'était du phosphate acide. (Ceux qui croyaient à l'acidité organique du suc gastrique l'attribuaient tantôt à l'acide lactique (les plus nombreux), tantôt aux acides acétique, butyrique, formiquc, etc. Il est inutile de passer ici en revue les divers arguments fournis par chaque auteur à l'appui de sa propre thèse. Sans nier la valeur de toutes ces expériences, dont la plupart peuvent être considérées comme exactes, étant données les conditions dans lesquelles s'est placé chaque auteur, on peut néanmoins comprendre cette diversité d'opinions en tenant compte que jusqu'à ces derniers temps on n'a jamais pu opérer sur des sucs gastriques absolument purs. Or l'expérience démontre que, si l'on fait l'analyse du suc gastrique mélangé aux alinients, on trouve à côté de l'acide chlorhydrique, qui est sans doute l'acide normal de ce liquide, d'autres acides d'origine alimentaire, plus ou moins différents, suivant le genre d'alimentation et l'état de fonctionnement des glandes gas- triques. Il peut même arriver que l'acide chlorhydrique soit remplacé en partie par une èi4 ESTOMAC. grande quantité d'acides organiques. Tel est le cas de certaines maladies de l'estomac. a) Présence constante de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique normal. — Prout démontra en 1824 par l'expérience suivante la présence incontestable de l'acide chlorhy- drique dans le contenu stomacal. Après avoir fait manger copieusement un lapin, il sacrifiait cet animal, prenait le contenu de son estomac, le filtrait et le divisait en trois portions, La première était calcinée, et le chlore était dosé après calcination. La seconde, additionnée d'un excès de potasse, était de même calcinée, et le chlore dosé après cal- cination. Dans la troisième portion, il dosait l'acidité à l'aide d'une solution titrée d'alcali. Prout chercha à obtenir, par différence entre la première et la seconde analyse, la quantité de chlore libre, plus les chlorures volatils formés par la calcination des matières organiques, et par différence entre la troisième analyse et les deux premières, la quantité de chlore libre transformé en chlorhydrate d'ammoniaque, c'est-à-dire les chlorures volatils. Malheureusement, les procédés employés par cet auteur étaient assez défectueux, et ils soulevèrent des objections nombreuses. C'est ainsi que beaucoup de physiologistes continuèrent à nier l'existence de l'acide^chlorhydrique dans les sécrétions de l'estomac, jusqu'au moment où parurent les recherches de ScHiMioT qui tranchèrent définitivement cette question. Pour rendre évidente la présence de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique, ScHMiDT se servit du procédé suivant: Sur une partie du suc gastrique il dosait l'acidité à l'aide d'une solution titrée de potasse, de chaux ou de baryte. Sur une autre partie il dosait, d'une part, le chlore total à l'aide d'une solution de nitrate d'argent, et, d'autre part, les bases contenues dans le résidu sec de ce liquide après l'avoir filtré et débarrassé de l'excès d'argent par l'addition de l'acide chlorhydrique et soumis à la calcination. Ces analyses lui firent voir : 1° que le poids total de chlore dépassait le poids de l'équivalent nécessaire pour saturer la totalité des bases du suc gastrique; 2° que cet excès de chlore représentait sensiblement la quantité d'acide chlorhydrique trouvée dans le dosage acidi- métrique. Enfin, dans plusieurs cas, Schmidt traitait le suc gastrique concentré au quart et additionné de quatre volumes d'alcool par le chlorure de platine, et il dosait l'ammo- niaque dans le précipité obtenu. Après déduction de la quantité d'acide chlorhydrique équivalente à l'ammoniaque dosé, il restait encore d'une façon constante un notable excès d'acide chlorhydrique. La plupart des analyses de Schmidt avaient été faites sur des sucs gastriques provenant du chien et du mouton, et aussi d'une femme atteinte de fistule gastrique. Ces sucs étaient en général mélangés aux aliments, et avaient besoin d'une filtration préalable. Schmidt conclut de ces recherches que dans le suc gastrique, il y a toujours de l'acide chlorhydrique libre et que chez les moutons et chez les herbi- vores il existe à côté de l'acide chlorhydrique une quantité notable d'acide lactique. On objecta encore aux analyses de Schmidt qu'une partie des chlorures du suc gastrique se volatilise pendant la calcination et donne par conséquent un poids trop faible de bases. Ch. Richet a évité cet inconvénient en dosant les bases à l'état de sulfates au lieu de les doser à l'état de chlorures. Voici d'ailleurs le procédé suivi par ce physiologiste, ainsi que les résultats auxquels il est arrivé : Le suc gastrique était divisé en trois por- tions. Dans la première portion, l'acidité était dosée par la méthode colorimétrique et rapportée à un poids équivalent d'acide chlorhydrique. La seconde portion, additionnée d'une quantité notable d'acide azotique, était traitée par le nitrate d'argent, et le chlore dosé à l'état de chlorure d'argent par les procédés chimiques ordinaires. La troisième portion, traitée par quelques gouttes d'acide sulfurique, était calcinée jusqu'à transfor- mation complète de toutes les bases en sulfates. Par cette méthode, Ch. Richet trouva les chiffres suivants dans deux analyses faites sur le suc gastrique aussi pur que possible extrait d'un homme porteur d'une fistule stomacale : Pour 1000 parties : I II Chlore total 2,568 1,669 Chlore de l'acidité 1,645 0,922 Chlore combiné aux bases 0,989 0,837 Chlore combiné à l'ammoniaque 0,355 0,355 ; Différence du chlore combiné et du chlore total 1,224 0,477 Différence entre la somme du chlore combiné et du chlore de l'acidité d'une part et d'autre part, le chlore total. . . . 0,421 0;,446 ESTOMAC. 615 En présence de ces résultats, il n'était plus permis de contester l'existence de l'acide chlorhydrique dans les sécrétions de l'estomac. Mais les partisans de l'acide lactique ne se donnèrent pas encore pour vaincus. Ils continuèrent à considérer ce dernier corps comme absolument constant dans le suc gastrique. b) Existence d'autres acides dans le suc gastrique impur. — Heintz et Lehmann, ayant réussi à retirer du suc gastrique impur du chien de l'acide lactique sous la forme de lactates cristallisables, cela suffit pour provoquer un nouveau mouvement d'opinion en faveur de l'existence de l'acide lactique dans les sécrétions normales de l'estomac. On doit encore à Ch. Richet l'interprétation exacte de ce fait, avec la réfutation complète de cette hypothèse, En comparant les analyses faites sur le suc gastrique à peu près pur avec d'autres analyses faites sur le suc gastrique mélangé aux matières alimentaires, ce physiologiste put s'apercevoir que les résultats n'étaient pas du tout comparables dans l'un et dans l'autre cas. Assez souvent, le chlore total, trouvé dans le suc gastrique impur, ne suffisait pas à saturer complètement le poids de bases contenues dans le même suc. Il fallait donc admettre l'existence d'autres acides que l'acide chlorhydrique dans le suc mélangé aux aliments. Cette première notion acquise, Cu. Richet chercha à déterminer la nature de ces acides. 11 isola tout d'abord l'acide lactique sous la forme de lactate de zinc. 1000 grammes de suc gastrique lui donnèrent 0*^'',583 de lactate de zinc desséché, ce qui fait environ Osi',431 d'acide lactique. Or cette quantité d'acide lactique équivaut à O^"",!? d'acide chlorhydrique, et l'auteur avait trouvé dans le suc gastrique examiné 2,002 comme acidité totale en acide chlorhydrique. On voit donc que l'acide lactique ne représentait même pas le dixième de l'acidité totale. Cii. Richet dosa, en outre, l'acide phosphorique contenu dans le suc gastrique mixte. Cette analyse donna pour 1000 grammes de suc, 0e'-,3l8 d'acide phosphorique anhydre, soit 0S'',439 d'acide phosphorique hydraté. Mais, comme le fit observer cet auteur, toutes ces analyses ont le grand inconvénient d'altérer le suc gastrique et de ne pas démontrer directement la présence de tel ou tel acide. Aussi chercha-t-il à l'aide d'une nouvelle méthode, dont le principe revient à Ber- THELOT, à éclaircir ce point qui restait encore litigieux. Voici le fait sur lequel repose cette méthode, que Ch. Richet a appelée méthode du coefficient de partage. Quand on agite une solution aqueuse d'un acide avec l'élher, l'éther et l'eau se par- tagent cet acide suivant un rapport constant, dont la valeur numérique caractérise chaque acide. Pour les acides minéraux, ce coefficient est très élevé, supérieur à 500, c'est-à-dire que l'éther ne les enlève pour ainsi dire pas à l'eau, tout au moins quand les solutions d'acides ne sont pas trop concentrées. Pour les acides organiques, le coefficient de partage est bien plus faible, c'est-à-dire que l'éther agité avec la solution aqueuse de l'acide organique enlève à l'eau une portion notable de cet acide. De l'étude systématique de cette méthode se dégagent les deux lois suivantes : i° Le coefficient de partage est indépendant du volume relatif des dissolvants. 2" Il varie avec la concentration et la température des solutions. Cette méthode offre favantage de ne pas altérer la composition chimique du suc gas- trique et de pouvoir se faire facilement un grand nombre de fois. Elle permet, en outre, de déterminer exactement la nature organique ou minérale d'un acide quelconque se trouvant en solution dans un liquide. Dans ses recherches sur le suc gastrique, Ch. Richet a opéré de la façon suivante : le suc gastrique est agité pendant quelques minutes dans un tube gradué avec de l'éther pur. Après quelques instants de repos, les deux liqueurs se séparent par décantation. On filtre rapidement l'éther afin de le débarrasser de petites gouttelettes aqueuses qu'il contient en suspension. On filtre aussi la partie aqueuse du liquide et sur chacune de ces deux parties, on dose l'acidité par les procédés ordinaires, en rapportant les résultats à la même unité de volume. Le quotient du second de ces deux nombres par le premier donne le coefficient de partage de l'acidité du suc gastrique. Nous donnons ici les résul- tats de deux analyses faites par Ch. Richet sur le suc gastrique de l'homme exempt d'aliments et sur le suc extrait de la muqueuse stomacale des veaux par une infusion d'eau à la température de 40°. 616 ESTOMAC. l""' Expérience. — Suc gastrique d'homme. A. Suc gastrique 1res frais. 21,1 Èther 0,1 B. Suc gastrique d'un jour 27,3 Élher .'..... 0,2 C. Suc gastrique d'un jour. 13,3 Éther, 0,1. R = 21 R = 13 R = 13 D. Suc gastrique de deux jours 19,9 ) „ nn Éther 2, 0 j i^-y^' E. Suc gastrique de six jours R^60, F. Suc gastrique de huit jours . R = 66, G. Suc gastriqne de trois mois R = 16,0 2" Expérience. — Suc extrait de la muqueuse stomacale des veaux. A' Liquide frais. Eau 8,8 Ether 0,1 j ^~' B' Le mémo, au bout de quatre jours, altéré et putréfié. Ea" ^'M R-12 7 Éther 0,4 i ^ — ^^'' Ces expériences montrent que le suc gastrique pur et frais contient un acide minéral, ou plus exactement un acide insoluble dans l'étlier. Le coefficient de partage de ce liquide est en effet très élevé, 217 d'après les analyses. Au fur et à mesure que le temps passe, le suc gastrique devient le siège d'une série de fermentations qui donnent lieu à la for- mation d'une quantité notable d'acides organiques. On voit alors le coefficient de partage tomber rapidement, si bien qu'au bout de trois mois il n'est plus que de 16,9, chiffre qui se rapproche sensiblement du coefficient de partage de l'acide lactique dont la valeur moyenne est égale à 10. Cette baisse du coefficient de partage, par suite de l'augmenta- tion des acides organiques, devient encore plus apparente si, au lieu de laisser le suc gastrique à la température du laboratoire, on le met à l'étuve à 40». Ch. Richet a, de plus, vu en traitant le suc gastrique frais par le lactate de baryte en quantité sufflsante que l'acide lactique est déplacé par l'acide du suc gastrique, et que le coefficient de par- tage de ce liquide tombe de 137,1 à 9,9, ce qui est très exactement le coefficient de partage de l'acide lactique. On peut donc dire que le suc gastrique pur et frais ne con- tient pas d'acides organiques. Mais alors d'où proviennent, les acides organiques du- suc gastrique, et quelle est la nature de ces acides? On sait aujourd'hui que la plupart de ces acides tirent leur origine des fermentations que subissent les matières alimen. taires dans la cavité de l'estomac, spécialement des hydrates de carbone. Les recherches d'EwALD et Boas nous ont montré que les liquides extraits de Testomac d'individus tout à fait bien portants contiennent de l'acide lactique, 10 à 30 minutes après l'ingestion des hydrates de carbone. La proportion de cet acide tombe et devient nulle à mesure que la quantité d'acide chlorhydrique augmente dans le suc gastrique. Il y aurait donc une véritable fermentation lactique dans les liquides de l'estomac, contenant des hydrates de carbone, laquelle serait fortement gênée par la présence de l'acide chlorhydrique. Cette hypothèse semble être d'accord avec les résultats obtenus par l'examen bactério- logique du contenu stomacal. On a vu, en effet, que les matières alimentaires provenant de l'estomac contiennent plusieurs espèces de bactéries capables de provoquer la fermen- tation lactique. Ainsi, pour Ewald et Boas, la formation de l'acide lactique serait un phé- nomène normal et absolument constant dans la première phase de la digestion, qu'ils appellent lap/tase lactique. C'est dans le cas seulement où le régime alimentaire ne comprend pas d'hydrates de carbone, que l'on constate l'absence totale de cet acide. Pour Martius et LùTTKE, au contraire, la production de l'acide lactique, en quantités notables, ne se rencontre guère que dans des cas pathologiques; à l'état normal, elle serait toujours faible ou nulle. En dehors de l'acide lactique, qui est, parmi les acides étrangers du suc gastrique, celui qu'on rencontre en plus grande quantité dans les produits de la digestion stomacale,. il y a encore d'autres acides organiques, tels que l'acide sarcolactique, l'acide acétique, l'acide butyrique et l'acide formique. L'acide sarcolactique a été signalé par Ch. Richet dans le suc gastrique impur comme- provenant de la digestion de la viande. L'acide acétique, considéré parTiEDEMANN et Gmelin ESTOMAC. 61T comme caractéristique du suc gastrique, se retrouve avec d'autres acides appartenant à la série grasse, acides butyrique, formique, etc., dans le contenu stomacal des individus atteints de certaines lésions de l'estomac. D'une manière générale, on peut dire que, plus l'acidité chlorhydrique du suc gastrique est faible, plus l'acidité organique de ce liquide est considérable. Le suc gastrique contient encore un phosphate acide de chaux auquel Blondlot attribuait les propriétés acides du suc gastrique normal. Toutefois la présence de ce sel dans le suc gastrique des chiens examinés par cet auteur s'explique par ce fait que ces animaux se nourrissaient en partie d'os. Or, dans une liqueur acide, le phosphate basique de chaux se dissout et devient acide. Il suffit d'ailleurs, comme l'a fait Sghiff, de sup- primer pendant cinq jours les os de l'alimentation d'un chien pour ne plus retrouver le phosphate acide dans le suc gastrique de l'animal. Ajoutons enfin que, dans les analyses faites récemment sur des sucs gastriques absolument purs, on trouve des quantités de phosphate-acide tellement minimes qu'on a de la peine à concevoir que ce sel puisse jouer un rôle quelconque dans la fonction acide du suc gastrique. On peut en dire autant de l'acide sulfocyanique, isolé parNENCKi et Schoumow-Simanowski dans le suc gas- trique pur. Cet acide, en admettant qu'il existe dans le suc gastrique pur, ce qui est for- tement contesté par Frouin, n'a certainemeut pas d'intérêt physiologique. c) État de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique. — Comme nous le verrons toTit à l'heure, l'acide chlorhydrique a la propriété de former des combinaisons plus ou moins fixes avec les matières albuminoïdes, et ces combinaisons se comportent tout autrement vis-à-vis des divers réactifs, que l'acide chlorhydrique en solution. Cette remarque était absolument nécessaire au début de cette étude. On comprend en effet que l'état de l'acide chlorhydrique ne saurait être le même dans le suc gastrique pur et dans le suc gastrique mélangé à la salive, au mucus et aux aliments. Les recherches de Pavlow et ses élèves nous ont appris que le suc gastrique recueilli par la double fistule gastro- œsophagienne ou mieux encore par la méthode de culs-de-sac isolés de l'estomac, con- tient de l'acide chlorhydrique en liberté. M°"= Schoumowa-Simanowski a montré que ce suc évaporé dans le vide à la température de 20" dégage des vapeurs d'acide chlorhy- drique. Toutefois, l'acide n'est pas entièrement éliminé, et le liquide qui reste dans l'appareil d'évaporation possède encore une réaction très acide. Frouin, qui a repris ces mêmes recherches sur le suc extrait de l'estomac complètement isolé, est encore plus affirmatif à ce sujet. Pour lui tout l'acide chlorhydrique du suc gastrique se trouve en liberté, et se comporte comme s'il était en simple solution dans ce liquide. Voici du reste les principales conclusions du travail auquel nous faisons allusion. Le suc gastrique sécrété par l'estomac isolé répond aux réactions suivantes : 1° soumis à la dialyse, il se comporte comme une solution de HCl ; 2° il saccharifie la même quantité d'amidon qu'une solution de HCl du même titre ; 3° il intervertit la même quantité de sucre qu'une solution de HCl du même titre; 4° L'acide de ce suc est volatilisable dans le vide à la température ordinaire. En réalité Frouin est un peu trop absolu dans ses conclusions. D'autant plus qu'en regardant de près les résultats de ses expériences on constate tou- jours que la solution de HCl se montre un peu plus active que le suc gastrique vis-à-vis de toutes ces réactions. Le contraire serait plutôt incompréhensible, puisque le suc gas- trique sur lequel a opéré Frouin contient 3s'',09 de matières organiques qui doivent nécessairement fixer une partie de l'acide chlorhydrique. Il semble donc plus légitime de conclure que le suc gastrique pur, qui a toujours des traces d'albumine, contient d'une part de l'acide chlorhydrique libre et d'autre part de l'acide combiné aux maté- riaux azotés. Les proportions respectives de ces deux formes de l'acidité du suc gastrique varieront avec la grandeur de l'acidité totale et la richesse du suc gastrique en albumine. Un grand nombre de réactions, dont la plupart ont été indiquées par Ch. Richet, permettent de voir que, dans le suc gastrique impur, relativement très riche en matières organiques, la totalité de l'acide chlorhydrique n'est pas à l'état de simple dissolution. l°Si l'on met en présence une solution aqueuse d'acide chlorhydrique et une solution d'acétate de soude, ayant toutes deux le même équivalent, les 33/34 parties de l'acétate de soude sont transformées en chlorures par l'acide chlorhydrique. La même expérience faite avec le suc gastrique, au même degré d'acidité que la solution chlorhydrique, ne donne comme poids final de chlorure transformé que la moitié de l'acétate (Ch. Uichet).. 61.8 ESTOMAC. 2'^ En soumettant à la dialyse une solution aqueuse d'acide chlorhydrique et de chlo- rure de sodium, Je rapport de la quantité d'acide à la quantité de sel est plus grand dans le liquide extérieur que dans le liquide soumis à la dialyse. L'inverse se produit pour le suc gastrique préparé dans les mêmes conditions. Les chlorures du liquidé stomacal dialysent plus vite que l'acide (Ch. Richet). 3" En faisant bouillir une solution de sucre de canne pendant un temps donné avec une solution d'acide chlorhydrique d'une part et avec un suc gastrique de même acidité, la quantité de sucre intervertie par la solution acide est toujours plus considérable que la quantité intervertie par le suc gastrique (Laborde). 4° Lorsqu'on fait bouillir une solution de l'empois d'amidon avec une solution aqueuse d'acide chlorhydrique, l'amidon se transforme en dextrine et en sucre réducteur. Le suc gastrique n'agit pas de la même façon (Laborde), ■ 5° Si l'on fait bouillir une solution aqueuse d'acide chlorhydrique, ou si l'on évapore cette solution dans le vide à la température de 20°, on constate un dégagement des vapeurs chlorhydriques. Ces mêmes opérations, faites avec le suc gastrique, ne donnent lieu à aucun résultat (Contejean, Arthus). 6° La plupart des réactions colorantes servant à déterminer l'acidité d'un liquide, contenant de l'acide chlorhydrique, ne réussissent pas avec le suc gastrique. En tout cas elles sont beaucoup moins nettes, et parfois elles manquent tout à fait. Malheureusement, ces expériences ne nous renseignent guère sur l'état réel de l'acide- chlorhydrique dans les sécrétions stomacales. Elles nous l'ont voir simplement que cet acide n'est pas à l'état de simple dissolution. La preuve directe que l'acide chlorhydrique forme avec les matières organiques, spécialement avec les substances albuminoïdes, des combinaisons lâches, facilement dissociables, a été fournie par les expériences suivantes : i° Ch. Richet a constaté, en faisant macérer la muqueuse stomacale d'un veau, préa- lablement lavée dans une solution d'acide chiorhydiique à 2,5 p. 1000 à la température de 40" pendant une heure environ, que le liquide résultant de ce traitement ne déplaçait plus l'acétate de soude comme l'acide chlorhydrique en solution, mais qu'il se compor- tait de même que le suc gastrique naturel. Il en conclut que les matières organiques existant dans la muqueuse stomacale fixaient l'acide chlorhydrique de la solution. Cette expérience amena l'auteur à chercher les substances qui pouvaient ainsi se combiner avec l'acide chlorhydrique. 11 vit alors que les solutions de leucine, de glycocoUe et de pepsine retenaient une partie de cet acide ajouté à la solution, mais il échoua complète- ment en faisant cette même expérience avec la fibrine gonflée par l'acide et à demi liquéfiée. C'est alors que Ch. Richet formula l'hypothèse que l'acide chlorhydrique du suc gastrique se trouvait essentiellement combiné à la leucine. On sait aujourd'hui que cette substance n'existe pour ainsi dire pas dans le suc gastrique naturel, mais il n'en est pas moins vrai que l'expérience dont nous parlons fut le point de départ de toutes les recherches qui démontrent les combinaisons organiques de l'acide chlorhydrique. 2° Von Pfungen, Martius et LOttke, et, après eux, toute une série d'expérimentateurs, ont constaté que, si l'on ajoute à une solution titrée d'acide chlorhydrique une solution d'albumine neutre au papier de tournesol, une partie de l'acide chlorhydrique est mas- quée par la présence de l'albumine vis-à-vis de certains réactifs colorants. Ainsi, si l'on prend le titre acidimétrique de cette solution à l'aide d'une liqueur de soude et avec des indicateurs divers tels que le tournesol, la phénoiphtaléine, la tropéoline 00, le rouge de Congo, etc., on trouve que les uns, comme le tournesol et la phénoiphtaléine, conti- nuent à donner les mêmes résultats qu'en l'absence de l'albumine, tandis que d'autres, comme la tropéoline, le violet de méthyle, le rouge de Congo, le réactif de Gunzburg, etc., ne donnent qu'une fraction de l'acide par rapport au titre primitif de la solution. Si l'on augmente la proportion d'albumine, il arrive un moment oîi les réactifs de la seconde catégorie n'indiquent plus du tout d'acide libre. Inversement, si l'on ajoute à cette solu- -tion une quantité suffisante d'acide chlorhydrique, on ne lui restitue la propriété de réagir sur les colorants de la seconde catégorie. La plupart des auteurs interprètent ces faits en disant que l'acide chlorhydrique contracte avec les matières albuminoïdes des combinaisons lâches, dont la formation est révélée par certains indicateurs, et non point par d'autres. D'après Martius et Lûttre, 5 grammes d'albumine d'œuf fixent 0s^,l8'Zo ESTOMAC. 619 d'acide chlorhydrique. Les solutions de cette albumine acide ne réagissent pas sur la tropéoline, ni sur le rouge Congo, et ne sont pas coagulées à 100°. Il est probable que les diverses albumines fixent des quantités variables d'acide chlorhydrique, comme les recherches de Blum et de Sansoni tendent à le démontrer. Mais cette question ne pour- rait être résolue qu'en se servant des matières albuminoïdes complètement pures, c'est- à-dire exemptes de sels minéraux, ce qui n'a pas été fait par ces auteurs. D'autre part, les substances colorantes ne sont pas des réactifs assez sûrs pour donner des in- dications précises sur les quantités d'acide chlorhydrique, libre ou combiné, qui se trouvent dans une solution d'albumine. Tschlenof a montré que, pour une même solution d'albumine acide, le rouge de Congo indique beaucoup plus d'acide libre que la phloro- glucine vanille ou réactif de Gunzburg. Mais il n'en reste pas moins établi que, pour un réactif quelconque de la seconde catégorie des colorants, une solution d'acide chlorhy- drique additionnée d'une quantité convenable d'albumine renferme cet acide à deux états différents, révélés par des réactions bien tranchées. 3" Si l'on ajoute à une solution étendue d'acide chlorhydrique une quantité d'albu- mine telle que le mélange ne fasse plus virer la tropéoline 00, on peut évaporer com- plètement cette solution à 100° sans qu'elle perde même des traces de son acide chlor- hydrique (Martil's et L€ttke). Le résidu sec que l'on obtient après l'évaporation renferme en effet tout le chlore de l'acide chlorhydrique. Par contre, le l'ésidu sec procédant d'une solution chlorhydrique d'albumine, faisant virer la tropéoline, ne retient qu'une partie de l'acide chlorhydrique en solution. Une autre partie se volatilise et semble se conduire comme s'il était libre. Dans ce même ordre d'idées, Mizerri, Nencki et Paal ont réussi à préparer des combinaisons de peplone avec l'acide chlorhydrique, non dissociables à 100°. La peptone chlorhydrique de Paal peut être portée à l'ébullition en solution aqueuse pendant un temps indéfini, sans que le résidu d'évaporation indique une perte quelconque en acide chlorhydrique. Ajoutons que cette solution de peptone fortement acide au papier de tournesol, ne donne aucune réaction avec le réactif de Gunzbuug. 4° D'après Kossler, la présence de l'albumine et de la peptone pures, dans une solu- tion étendue d'acide chlorhydrique, diminue le pouvoir qu'avait cette solution d'inter- vertir le sucre de canne et de dédoubler l'acétate de mélhyle. On peut même trouver des proportions d'albumine et d'acide pour lesquelles ces deux actions sont complètement arrêtées. Il est vrai qu'on peut objecter à cette expérience que Kossler s'est servi de l'albumine transformée en acide-albumine, au lieu de prendre l'albumine simplement acide, la première étant beaucoup plus stable que la seconde; mais cette objection perd toute sa valeur lorsqu'on démontre que les acides étendus et chauds transforment l'albu- mine comme l'acide du suc gastrique, non seulement en acide-albumine, mais encore en propeptone, et même en peptone, d'après Sansoni. Ces combinaisons sont d'autant plus stables qu'on se rapproche plus de la fin de la peptonisation. 5° Une solution chlorhydrique d'albumine, soumise à la dialyse, abandonne la majeure partie de son acide. Cette même solution, maintenue à l'étuve à 40° pendant quinze heures, ou mieux encore chauffée pendant quelque temps à 100"-H0°, afin de provoquer la transformation de l'albumine acide en acide-albumine, ne perd une partie de son acide que si le liquide contenait un excès d'acide par rapport à l'albumine (Blum). La peptone retient encore plus fortement l'acide que l'acide-albumine et la propeptone. Une solution limpide d'acide-albumine, sans excès d'acide, se trouble par l'addition d'une solution limpide de peptone. L'acide-albumine est déplacée de sa combinaison arec l'acide par la présence de la peptone. 6° Les anciennes expériences de Szabo font voir que l'acide chlorhydrique étendu au millième, additionné de quantités croissantes de peptone, saccharifie de moins en moins l'empois d'amidon. D'autre pai^t, Frouin a constaté que les peptones et la pepsine acides n'agissent pas sur la saccharose, ni sur l'amidon. Tout tend à faire croire que les solutions acides de matières albuminoïdes se comporteraient à ce point de vue comme a peptone. Malheureusement il y a très peu de recherches précises sur ce sujet. 1" Du suc gastrique pur, refroidi à 0", se sépare par décantation eu trois couches dif- férentes; une supérieure, limpide; une moyenne, trouble; une inférieure, formée par un dépôt laiteux, qu'on considère comme de la pepsine. L'acidité et la teneur en chlore vont en augmentant de haut en bas, et le dépôt contient constamment environ 1 p. 100 de 6-20 ESTOMAC. chlore. Ce même suc, saturé de sulfate ammoniacal, abandonne un précipité qui est aussi très riche en chlore {Schoumowa-Simanowski). De l'ensemble de ces faits se dégage une conclusion extrêmement importante. C'est que l'acide chlorhydrique forme avec les matières protéiques et d'autres corps azotés des combinaisons plus ou moins stables qui n'offrent pas les mêmes caractères chimiques que l'acide chlorhydrique en solution. Dès lors toutes les discussions quant au fait de savoir si l'acide du suc gastrique est libre ou combiné n'ont plus aucune raison d'être. Tout dépendra de la grandeur de l'acidité totale du suc gastrique, ainsi que de sa richesse en matières organiques. Mais, comme le suc gastrique absolument pur contient toujours plus ou moins de matériaux azotés, et que d'autre part le suc gastrique mélangé aux aliments peut en contenir des quantités indéfinies, ou peut exprimer les variations d'état de l'acidité gastrique en disant : que, s'il existe des sucs çjastriques dont tout l'acide chlorhydrique peut être combiné aux matériaux azotés, il n'y en a pas dont tout l'acide soit à l'état de liberté. d) Méthodes d'analyse de l'acidité du suc gastrique. — Il nous reste main- tenant à déterminer jusqu'à quel point les méthodes d'analyses connues vont nous per- mettre de rechercher et de doser quantitativement l'acide chlorhydrique dans les divers états où il peut se trouver dans le suc gastrique. Mais avant tout il faut se mettre d'accord sur ce qu'on doit entendre par les mots d'acide chlorhydrique libi^e et combiné. Pour BiDDER et Sghmidt, l'acide chlorhydrique libre est celui qui n'est pas à l'état de combinaisons métalliques. Pour Sjôqvist, c'est la quantité de chlore qui, par évaporation et calcination avec du carbonate de baryte, donne du chlorure de cette base. Pour Mintz, c'est l'acide qui correspondrait à la quantité de soude nécessaire pour saturer le suc gas- trique jusqu'à ce que celui-ci ne donne plus la réaction de Gûnzburg. Pour Hayem et WiNTER, c'est la quantité de chlore qui est chassée du suc gastrique, par évaporation à 100", Pour Hoffmann, c'est la quantité d'acide qui est capable de saponifier l'acétate de méthyle ou d'intervertir le sucre de canne. Pour M™*^ Sghoomowa-Simanowskia, c'est celui qu'on obtient par l'évaporation du suc gastrique dans le vide à la température do 20°. Pour d'autres enfin, c'est celui qu'on retire par simple dialyse. A l'exemple de certains auteurs, nous croyons qu'on peut considérer l'acide chlorhy- drique, ou plutôt le chlore, comme se trouvant à trois états différents dans le suc gas- trique : 1° A l'état de chlorures, c'est-à-dire combiné aux bases minérales, dans des combinai- sons fixes à réaction neutre, qui ne présentent plus aucun des caractères chimiques de l'acide chlorhydrique en solution. 2" A l'état de combinaisons organiques facilement dissociables et à réaction acide, dont quelques-uns de leurs caractères seulement les rapprochent d'une solution acide. 3" A l'état libre, c'est-à-dire en simple dissolution (acide chlorhydrique). L'acide chlorhydrique dans ces deux derniers états s'appelle aussi l'acide chlorhy- drique total. Nous diviserons cette étude en deux parties. Dans la première, nous passerons en revue les divers procédés indiqués par les auteurs pour la recherche des dilTérents acides qu'on peut trouver dans le suc gastrique. La seconde partie sera consacrée au dosage de l'acidité totale de ce liquide. f/i) Recherche de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique. — La présence de l'acide chlorhydrique dans les liquides de l'estomac peut être décelée à l'aide d'un grand nombre de réactions. Les unes servent à déterminer l'existence de Vacide chlorhy- drique libre, les autres de Vacide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoides. a) Acide chlorhydrique libre. — Parmi les réactions qui démontrent la présence de Vacide chlorhydrique libre dans le suc gastrique, on trouve en premier lieu les réactions colorantes. Ce sont seulement les corps que nous avons appelés les colorants de la seconde catégorie, qui virent lorsqu'on les met en présence de l'acide chlorhydrique en solution. Les plus employés de ces réactifs sont les suivants : Réactifs colorants. — Violet de méthyle, ou violet de Paris. — Ce réactif, préconisé par Laborde et Dusart, puis par toute une série d'expérimentateurs, doit être employé en solution étendue, car à l'état pur son pouvoir colorant est trop intense. On verse trois à quatre gouttes de violet de méthyle pur dans 50 centimètres cubes d'eau distillée pour ESTOMAC. 621 avoir une solution convenable. Cette solution vire au bleu en présence de l'acide chlor- hydrique libre, et peut déceler jusqu'à 0,5 de HCl p. 1000. On peut faire réapparaître la coloration violette primitive en saturant la solution avec quelques gouttes de soude. D'après les recherches de Seesianm, les acides organiques bleuissent également le violet de méthyle; mais il faut pour cela qu'ils soient en solution concentrée (10 p. 1 000 d'acide lactique). D'après Klemperer, les chlorures exerceraient aussi une action semblable, mais à des doses tellement fortes (2 p. iOO) qu'on peut, pour le suc gastrique, considérer cette cause d'erreur comme négligeable. Le plus grave reproche qu'on puisse adresser à ce réactif, c'est son manque de sensibilité. Troj^éolinc. — La substance qui sert à la recherche de l'acide chlorhydrique libre est la tropéoline 00, résultant de la combinaison de l'acide phénylamidoazobenzol-sulfo- nique avec la potasse. On emploie cette substance en solution aqueuse concentrée ou bien en solution hydro-alcoolique, une partie d'alcool pour trois parties d'eau. Ces solutions sont d'un rouge clair et prennent une coloration lilas foncé en présence de petites quantités d'HCl, 0,1 p. 1 000, et même moins. Il suffit de verser deux ou trois gouttes de la solution de tropéoline sur de petites quantités de suc gastrique recueillies dans une capsule pourvoir apparaître la réaction dont nous parlons, dans le cas où le suc gastrique contiendrait de l'acide chlorhydrique libre. Malheureusement la tropéoline est, comme le violet de méthyle, plus ou moins sensible aux acides organiques, de sorte qu'on n'oserait pas trop la recommander, comme réactif exclusif de l'acide chlorhydrique. Rouge du Congo. — Sous l'influence de l'acide chlorhydrique en solution, le rouge de Congo prend une teinte bleue d'autant plus foncée que la solution d'acide est plus con- centrée. Ce réactif est assez sensible, car il peut déceler 0,001 d'HCl p. 1 000. Il est en outre beaucoup moins influencé par les acides organiques que les deux réactifs précé- dents. Selon Alt, il faudrait au moins 1*5'', 20 d'acide lactique p. 1 000, pour faire virer le rouge de Congo. Réactif de Gunzburg. — Ni le violet de méthyle, ni la tropéoline, ni le rouge de Congo ne peuvent être "considérés comme étant des réactifs véritablement spécifiques de l'acide chlorhydrique libre, car tous virent, plus ou moins, en présence des acides organiques. H n'en est pas de même du réactif de GC.nzburg qui semble, sous ce rapport, réunir toutes les conditions désirables. Ce réactif se compose d'une solution alcoolique de phloroglu cine et vanilline dans les proportions suivantes : Phloroglucine 2 grammes. Vanilline 1 — Alcool à 80° 100 — ou bien Alcool absolu 30 — Lorsqu'on chauffe lentement dans une capsule de porcelaine le mélange de quelques gouttes de ce réactif (8 à 10) avec un volume égal de suc gastrique, on voit se produire sur les parois de la capsule un anneau rouge cinabre qui disparait, si l'on continue à chauffer par la carbonisation. Ce procédé met en évidence des quantités relativement minimes d'acide chlorhydrique, 0,005 p. 1 000 comme dose minima. En dehors du phos- phate acide de calcium, les autres acides du suc gastrique n'exercent aucune action sur le réactif de Gunzburg. Réactif de Boas. — Ce réactif consiste dans une solution alcoolii{ue de résorcine et de sucre de canne : 1 gramme de résorcine, 3 grammes de sucre et 100 grammes d'alcool étendu. Le mélange de ce réactif avec le suc gastrique, dans de petites proportions, 2 à 3 gouttes de la solution, pour 3 ou 6 gouttes de suc gastrique, donne, lorsqu'on le chauffe lentement au-dessus d'une toute petite flamme, une coloration rouge qui dispa- raît rapidement par le refroidissement. Le réactif de Boas se comporte à peu près de même que le réactif de Gunzburg, mais il lui est inférieur dans ce sens que son manie- ment est beaucoup plus difficile. Le sucre qu'il contient se carbonise et donne un dépôt brun de caramel, aussitôt que la température dépasse une certaine limite. Dans ces conditions, la coloration rouge de la réaction est souvent masquée. De ces cinq réactifs, les trois premiers ne sont pas exclusivement caractéristiques de l'acide chlorhydrique libre, car ils peuvent être plus ou moins influencés par les acides 622 ESTOMAC. organiques du suc gastrique impur. D'autre part, les indications fournies par ces réactifs ne (;oncordent pas au point de vue quantitatif avec les indications des réactifs de Boas et de GÛNZBURG. Ainsi une solution chlorhydrique d'albumine, qui n'a aucune influence sur les réactifs de Gunzburg et de Boas, peut encore faire virer nettement le violet de méthyle, le rouge de Congo et le tropéoline. C'est pourquoi la plupart des auteurs conseillent de se servir exclusivement des réactifs de Boas et de Gunzburg pour la recherche de l'acide chlorhydrique libre dans les liquides de l'estomac. D'autres méthoiles, peut-être plus exactes que les réactions colorantes, mais dont l'application n'est pas aussi facile, peuvent encore servir à la recherche de l'acide chlorhydrique libre. C'est ainsi qu'on peut soumettre le suc gastrique à la distillation dans le vide à la température de 20°, et voir si les produits de distillation contiennent de l'acide chlorhydrique. Il suffit pour cela de faire passer ces vapeurs en contact avec une solution de nitrate d'argent qui deviendrait trouble et louche par la présence de l'acide chlorhydrique. Mais on ne doit jamais élever la tempe'rature du suc gastrique soumis à la distillation ou dilué à 20°; on risquerait de changer la composition chimique de ce liquide, et les résultats n'auraient plus aucune valeur. La dialyse est un autre procédé qui a été aussi employé pour la recherche de l'acide chlorhydrique libre. D'après Bordoni, on peut trouver à l'aide de la dialyse de l'acide chlorhydrique libre dans certains liquides de l'estomac qui ne donnent aucune réaction avec les solutions colorantes de Gijnzburg ou de Boas. Ce fait a été contesté, non sans raison; mais en tout cas rien ne s'oppose à l'emploi de ce procédé, car, s'il existe de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastrique à analyser, cet acide doit passer beau- coup plus rapidement à travers le dialyseur que les combinaisons organiques chlorées. On peut se rendre compte de la présence de l'acide chlorhydrique dans le liquide dia- lyse à l'aide la réaction de Gunzburg ou de Boas, ou bien par la méthode de Conte.iean, que nous décrirons tout à l'heure. Finalement, toutes les autres réactions que nous avons indiquées, comme étant carac- téristiques de l'acide chlorhydrique en solution, peuvent aussi servir à la recherche de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastrique. Hofmann a fondé tout un procédé d'ana- lyse quantitative de l'acide chlorhydrique libre sur le pouvoir qu'ont les solutions de cet acide d'intervertir le sucre de canne et de saponifier l'acétate de méthyle. Nous ver- rons plus tard quelle est la valeur de cette méthode d'analyse. Dans le cas où toutes ces réactions auraient donné un résultat négatif, on est en droit de conclure qu'il n'y a pas d'acide chlorhydrique libre dans le suc gastrique soumis à l'analyse. 11 reste alors à déterminer si ce même suc contient de l'acide chlor- hydrique sous la forme de combinaisons organiques chlorées. fi) Acide chlorhydrique combiné. — Tout d'abord il faut voir si ce liquide est acide au papier de tournesol ou à la solution de phénol pthaléine. S'il est acide, cette acidité pourra tenir soit à la présence de l'acide chlorhydrique ou plus exactement d'un acide minéral, soit à la présence des acides organiques, spécialement de l'acide lactique. Un simple essai fait avec les réactifs propres des acides organiques, dont nous parlerons tout à l'heure, permettra de reconnaître l'existence de ceux-ci. S'ils existent, il faut les éliminer en traitant le suc gastrique par quatre ou cinq fois son volume d'éther exempt d'alcool. Après décantation de la liqueur éthérée, le liquide restant devrait donner la réaction susdite dans le cas où il contiendrait vraiment de l'acide chlorhy- drique combiné aux matériaux albuminoïdes. Il est vrai qu'on peut objecter que la phtaléine et le papier de tournesol ne sont pas des réactifs caractéristiques de l'acide chlorhydrique, et que le suc gastrique analysé peut contenir des phosphates acides qui font virer le tournesol et la phénolphtaléine; mais il est facile de se mettre en garde contre celte cause d'erreur en s'assurant qu'il faut une grande quantité de soude pour faire disparaître l'acidité du suc gastrique mesurée à l'aide de ces deux réactifs. Toute- fois, si l'on veut avoir la preuve absolue de l'existence de l'acide chlorhydrique libre ou combiné aux matériaux azotés, ce qu'il y a de mieux, c'est d'employer la méthode de CoNTEJEAN qui cousiste à saturer le suc gastrique par un excès d'hydrocarbonate de cobalt. On agite fréquemment. Au bout de plusieurs heures, le suc gastrique prend une teinte rosée indiquant qu'une partie de l'oxyde de cobalt s'est dissoute. On filtre, et on évapore à siccité, soit dans le vide sec, soit en distillant dans le vide, soit à l'étuve à ESTOMAC. G2'3 40". Le résidu, de couleur bleue, est épuisé par l'alcool absolu, véhicule qui disssout le chlorure de cobalt, tandis que le lactate y est totalement insoluble. On obtient alors une liqueur, rose à froid, bleue à chaud, et redevenant rose par refroidissement. En chassant l'alcool par distillation et en reprenant par l'eau le résidu, on peut obtenir par l'évapora- tion lente de ce liquide de beaux cristaux rectangulaires de chlorure de cobalt parfaitement reconnaissables au microscope. En pratique, on peut procéder plus rapidement, en agis- sant de la façon suivante qui est tout aussi démonstrative : une goutte saturée d'hydro- carbonate de cobalt, et filtrée, est évaporée dans un verre de montre sur la platine chaulTante. Si la goutte rose devient bleue en se desséchant, elle contient du chlorure de cobalt, et par suite le suc employé renferme de l'acide chlorhydrique. Des solutions ci 5 p. 1 000 d'acide lactique additionnées de chlorure de sodium (o p. 1 000) et de phosphate de soude (2 p. 1 000) et traitées de même, donnent une teinte Heur de pêcher qui ne peut jamais prêter à la moindre confusion. Rabuteau a démontré la présence de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique en saturant ce liquide de quinine fraîchement précipitée, qui forme avec l'acide chlorhy- drique un sel cristallisable, soluble dans l'alcool amylique. Dans ces conditions, il a pu reconnaître que le suc gastrique donne toujours le chlorhydrate de cette base, et jamais des lactates. Néanmoins rien n'empêche l'acide lactique, lorsqu'il existe, de se combiner avec la quinine pour former le lactate de cette base. Aussi Cahn et Mëring, qui ont fonde' sur cette réaction un procédé d'analyse de l'acidité du suc gastrique, ont cru nécessaire de séparer les acides organiques avant de traiter le suc gastrique par un excès de cin- chonine qu'ils emploient à la place de la quinine. En résumé, de toutes les réactions proposées pour la recherche de l'acide chlorhy- drique dans le suc gastrique soit à l'état ti')rc, soit à l'état combiné, aucune d'elles n'at- teint ce but d'une façon complète. Les réactions colorantes, spécialement celles de GOnz- BURG et de Boas, visent seulement l'existence d'un acide minéral libre, mais ne nous disent pas quelle est la nature de cet acide. La distillation et la dialyse peuvent, lorsqu'elles sont suivies d'un résultat positif, nous indiquerla présence de l'acide chlorhydrique. Mais, si leur résultat est négatif, il faut faire appel à d'autres réactions. La méthode signalée par Contejean nous semble la meilleure à ce point de vue; mais, comme elle est impuis- sante à déterminer l'état dans lequel se trouve l'acide chlorhydrique, on devra toujours la faire suivre de la réaction de Glnzburg ou de Boas, si l'on veut savoir si le suc gas- trique contient de l'acide chlorhydrique en liberté. do) Recherche des acides organiques. — Cotte opération se réduit en pratique à la détermination de l'acide lactique, qui est, parmi tous les acides étrangers que contient le suc gastrique impur, celui qu'on trouve en plus grande quantité dans les analyses. Uffelmann a proposé le réactif suivant pour la recherche de l'acide lactique. Solution aqueuse de phénol à 4 p. 100 10 ce. Eau distillée 20 ce. Solution de perchloruL'c de l'er conccnti-ée 1 goutte. Ce liquide est très instable, et doit être préparé au moment de s'en servir. Il devient jaune en présence de l'acide lactique. Plusieurs auteurs ont recommandé d'autres formules du réactif d'UPFELMANN. Ewal» emploie la solution suivante. Acide phonique pur hydraté au 10° 3 grammes. Perchlorurc de fer de densité 1,28 3 grammes. Eau distillée 20 gi-ammes. BouRGET supprime l'acide phénique, et prépare ce réactif avec le perchlorure de fer en solution aqueuse. Eau distillée 10 ce. Perchlorure de Ici' 6 à 8 gouttes. Quel que soit le mode de préparation du réactif d'UpFELMANX, les indications données par ce réactif ne sont pas exemptes d'erreur. D'après Kelling, un grand nombre de matières organiques, telles que les acides butyrique, oxalique, citrique, tartrique, le glu- €24 ESTOMAC. cose et l'alcool, font virer au jaune le réactif d'UFFELiiANN. Les phosphates et les bicarbo- nates donneraient aussi la même réaction; mais, au lieu d'obtenir une coloration jaune serin qui est caractéristique de l'acide lactique, on obtient une coloration jaune paiHe. Finalement, d'après Gruisdzach, lorsque l'acide chlorhydrique existe en grande propor- tion dans le suc gastrique (6 fois plus que d'acide lactique), le réactif est complètement -décoloré, et par suite l'acide lactique passe inaperçu. En cas de doute, il faut extraire l'acide lactique par l'éther, faire évaporer celui-ci dans une capsule et traiter le résidu ■par le réactif d'UrPELMANN. Boas a imaginé un procédé beaucoup plus sûr que le réactif ■d'UFFELMANN, pour la recherche de l'acide lactique, mais infiniment plus compliqué. On sait que cet acide se dédouble sous l'influence des oxydants, d'une part, en acide formique; et, d'autre part, en aldéhyde. 10 ou 20 centimètres cubes de suc gastrique sont ■évaporés au bain-marie à consistance sirupeuse, puis, si le résidu réagit sur le rouge de Congo, on le mélange avec un peu de carbonate de baryum, sinon on ajoute directement quelques gouttes d'acide phosphorique et l'on porte à l'ébullition pour chasser l'acide carbonique. Le liquide refroidi est épuisé par 100 c. c. d'éther exempt d'alcool; l'éther décanté est évaporé, et le résidu additionné de 43 ce. d'eau et filtré, s'il y a lieu. Après y avoir ajouté 5 c. c. d'acide sulfurique et un peu de bioxyde de manganèse, on chauffe et on reçoit les vapeurs condensées par un réfrigérant dans 5 à 10 c. c. d'une solution alcaline d'iode ou de réactif de Nessler. 11 se produit dès le début de l'ébulli- tion un précipité d'iodoforme dans le premier cas, ou un dépôt jaune rougeâtre d'aldé- hyde mercurique dans le second. Ce procédé peut aussi servir au dosage de l'acide lac- tique. Boas a constaté par de nombreux essais sur l'homme que, chaque fois que la réaction d'UFFELMANN est nettement positive, ce procédé indique l'existence des quantités notables d'acide lactique. La réaction d'UFFELMANN garde donc une certaine valeur, sur- tout dans les cas où elle est faite sur le résidu provenant du traitement élhéré du suc gastrique. On peut encore, comme l'ont fait Lehmann et Ch. Richet, et, à leur suite beaucoup d'autres expérimentateurs, retirer l'acide lactique du suc gastrique sous la forme d'un lactate cristallisable. Contejean, qui s'est servi spécialement de cette méthode pour la recherche de l'acide lactique, conseille de la pratiquer de la façon suivante. Le suc gastrique est agité à plusieurs reprises avec de l'éther que l'on distille ensuite au bain- marie. Le résidu additionné d'eau distillée et d'oxyde de zinc pur, est maintenu quelque temps à une douce chaleur; on agite fréquemment, ensuite on filtre et on évapore. -Quand le liquide est presque complètement réduit, [on en fait des préparations micro- scopiques, qui, par refroidissement, montrent les cristaux caractéristiques de lactate de zinc. Les autres acides organiques du suc gastrique, acétique, butyrique, formique, etc., sont tous solubles dans l'éther comme l'acide lactique, mais il est facile de les séparer de celui-ci grâce à leur extrême volatilité. On distille les deux tiers du suc gastrique, puis on complète avec de l'eau le volume primitif, et on recommence la môme opération une ou deux fois. Tous les acides volatils se trouvent dans le liquide distillé. Si pendant la distillation il était passé quelques petites portions de l'acide chlorhydrique libre, on peut reprendre le distillât par l'éther exempt d'alcool. Ces acides se reconnaissent aisé- ment à leur odeur. Les acides formique et butyrique donnent, avec le réactif d'UFFEL- MANN, une coloration jaune pâle, aux reflets rougeàtres, mais seulement à partir de 0,3 p. 1000. Quant à l'acide acétique, il peut être mis en évidence en neutralisant le résidu aqueux de l'extrait élhéré du suc gastrique avec du carbonate de soude et en le traitant par une solution neutre de perchlorure de fer. Il se produit une coloration rouge de sang, qui donne également l'acide formique, mais cet acide se rencontre excep- lionnellement dans le contenu de l'estomac sain. di) Dosage de l'acidité totale du suc gastrique. — Une méthode d'analyse de l'acidité du suc gastrique doit, pour être complète, déterminer les proportions respec- tives des divers éléments acides que l'on peut rencontrer dans le suc gastrique. Ces éléments sont : 1" L'acide chlorhydrique libre; 2" Vacidc chlorhydrique combiné aux maté- riaux azotés; 3° les phospJiatcs acides; 4° les acides organiques fixes, c'est-à-dire l'acide -lactique; 5" les acides organiques volatils. -^ I) Précautions à prendre pour l'analyse du suc gastrique. — En premier heu, le suc gas- ESTOMAC. 625 trique doit être analysé immédiatement après son extraction. Voici comment Cn. Kichkt s'exprime à ce sujet, à la suite de ses expériences démontrant que l'acidité totale du suc gastrique peut s'accroîlre dans des proportions notables, aussitôt que ce liquide a été retiré de l'estomac. « On avait cru que le suc gastrique était, par une sorte de privilège merveilleux, soustrait aux altérations que subissent les autres liquides organiques. On voit qu'il n'en est rien, et, quoique son odeur, comme son aspect, n'aient pas varié, sa composition cbimique éprouve des variations considérables, aussitôt qu'il a quitté l'organisme. » L'accroissement d'acidité constalé par Cii. Richet dans le suc retiré de l'estomac est presque exclusivement d'origine organique, mais rien ne dit que, la con- stitution chimique de ce liquide venant à changer, l'acide chlorhydrique ne puisse être déplacé de ses combinaisons primitives avec les matières organiques ou en former d'autres nouvelles. Il y a donc tout intérêt à faire cette analyse le plus tôt possible. La plupart des auteurs recommandent la filtration préalable du liquide, surtout si l'analyse porte sur le suc gastrique mélangé aux aliments, mais c'est là une cause d'erreur très Importante, car Martius et Luttke ont montré que les parcelles alimentaires retiennent les acides avec énergie et sont par conséquent plus riches en acide que le liquide filtré. Si l'on veut faire des recherches comparatives sur la grandeur de l'acidité totale du suc gastrique, on établira la moyenne de cette acidité; il faut soumettre l'individu ou les individus sur lesquels on opère aux mêmes conditions expérimentales. La nature du repas préparatoire ou repas d'épreuve a une grande influence sur l'acidité du suc gastrique, si bien que l'on peut dire que, pour chaque aliment, il existe un coefficient d'acidité donné. D'autre part, l'acidité du suc gastrique varie pendant les diverses phases de la digestion, de sorte que, si l'on veut obtenir des résultats comparables, il faut faire la prise de ce liquide toujours au même moment. En général, on fait cette opération au bout de 1 à 2 heures après le repas léger d'EwALo, composé de 60 grammes de pain blanc et 250 à 300 grammes de thé sans sucre ni lait, et au bout de 3 heures et demie à 5 heures après le repas copieux de Riegel, qui est composé essentiellement de viande. La quan- tité de suc gastrique qu'il faut extraire de l'estomac pour faire une analyse complète ne doit pas être inférieure à 25 c. c. ; car le plus souvent on est obligé de la diviser en plu- sieurs portions, afin d'avoir tous les renseignements voulus. Finalement l'estomac doit être toujours vide et lavé avant l'administration du repas d'épreuve. II) Procédés de dosage de l'acidité totale du suc gastrique. — a. Méthodes colorantes. — Ces méthodes, fondées sur l'emploi des réactifs colorants, ont été spécialement utilisées en clinique à cause sans doute de leur application relativement facile. 11 existe un très grand nombre de ces procédés, et il est inutile d'en donner ici la description. Disons seu- lement que ces méthodes peuvent se réduire en pratique au procédé suivant : le suc gastrique est divisé en trois portions. Dans la première on dose l'acidité totale à l'aide d'une solution normale de soude au 1/tO en se servant comme indicateur coloré de la phénolphtaléine. Dans la seconde on dose de la même façon l'acidité d'un volume égal de suc gastrique, après l'avoir débarrassé des acides organiques par le traitement avec l'éther exempt d'alcool. La différence entre ces deux dosages donnera l'acidité minérale et Vaci- dité organique du suc gastrique. Finalement, dans la troisième portion, on dose l'acide chlorhydrique libre à l'aide d'une solution de soude au même titre, mais en prenant comme indicateur colorant les réactifs de Gunzburg ou de Roas. En retranchant ce der- nier chiffre de la valeur trouvée pour l'acidité minérale, on aura l'acide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes, plus les phosphates acides que ces méthodes sont impuissantes à déterminer. Toepper a conseillé dans ces dernières années de faire le titrage de l'acidité du suc gastrique à l'aide de trois indicateurs colorants, la phénol- phtaléine, l'alizarine et le diméthylamidoazobenzol. Le premier donnerait l'acidité totale du suc gastrique, c'est-à-dire l'acide chlorhydrique libre, l'acide chlorhydrique combiné aux matériaux azotés et les acides organiques; le second indiquerait l'acide chlorhydrique libre, plus les acides organiques ; enfin le troisième donnerait l'acide chlo- rhydrique seul. D'autres méthodes, fondées sur l'emploi des réactifs colorants, ont été encore proposées pour ce même but, mais il y a une discordance telle au point de vue quantitatif entre les résultats obtenus par ces divers réactifs qu'ils ne peuvent pas nous inspirer grande confiance. Nous [avons déjà dit que la tropéoline et le rouge de Congo, par exemple indiquent plus d'acide non combiné à l'albumine que les réactifs de Roas DICT. DE PHY-ilOr.OGIE. — TOME V. 40 626 ESTOMAC. et de GûNZBURG. Léo a signalé des écarts tout aussi considérables entre les indications du tournesol, de la phénolphtaléine et de l'acide rosalique. Mizerski et Nencoci ont aussi montré jusqu'à quel point la réaction de GCnzburg, prise comme méthode d'analyse quantitative, peut induire en erreur. Tous ces faits ont encore besoin d'être contrôlés et précisés, mais ils sont dés maintenant assez nets pour nous mettre en garde contre les résultats acquis par les méthodes colorantes dans l'analyse quantitative de l'acidité du suc gastrique. p. Méthodes dites par incinération. — l'' Procédé de Schmidt. — Ce procédé, dont nous avons parlé antérieurement (p. 614), consiste à doser, d'une part,[le chlore total à l'aide d'une solution de nitrate d'argent, et, d'autre part, les bases contenues dans le résidu sec obtenu par la calcination du suc gastrique. L'excès de chlore représente l'acide chlorhy- drique libre de Bidder et Schmidt, c'est-à-dire l'acide chlorhydrique réellement libre et l'acide chlorhydrique combiné aux matériaux albuniinoïdes. Ch, Richet a modifié ce pro- cédé en dosant les bases à l'état des sulfates afm d'éviter les pertes des chlorures par la calcination. Malgré cela, ce procédé reste très incomplet, car il ne donne aucune indi- cation sur l'état de l'acide chlorhydrique non combiné aux bases métalliques, ni sur la richesse du suc gastrique en acides organiques. 2» Procédé de Kietz. — L'auteur divise en trois portions le suc gastrique, chacune de 25 centimètres cubes. Dans la premièi'e, légèrement acidifiée par l'acide azotique, il dose le chlore à l'aide d'une solution de nitrate d'argent en présence du chromale de potasse. Dans la seconde, évaporée au bain-marie et reprise par l'eau, il dose le chlore de la même façon. Finalement la troisième portion, neutralisée exactement, est soumise à la calcination, et, dans les cendres, on dose le chlore des chlorures. Les résultats de la première et de la troisième analyse qui donnent le chlore total sont à peu près iden- tiques. La seconde analyse donne un chiffre de chlore moins élevé, et cette différence se rapporte à l'acide chlorhydrique libre qui s'est volatilisé pendant l'évaporation. Celte méthode n'offre aucun avantage sur le procédé de Schmidt, et elle est en outre moins «xacte. 3° Procédé de Sehmanx. — Cet auteur a appliqué au dosage de l'acidité du suc gas- trique la méthode employée par Hehner pour le dosage des acides minéraux du vinaigre. On salure exactement 10 centimètres cubes de suc gastrique à l'aide d'une solution normale de soude au dixième; on évapore à siccité, puis on calcine le résidu. Cela fait, on reprend les cendres par l'eau, et l'on dose, à l'aide d'une solution d'acide sul- furique au dixième, les carbonates formés par la calcination des acides organiques. Eh retranchant le nombre de centimètres cubes de la solution de soude qu'on a dû ajouter au suc gastrique pour le neutraliser du nombre de centimètres cubes d'acide sulfurique qu'il a fallu employer pour saturer les carbonates formés après la calcination, on aura la quantité d'acide chlorhydrique contenue dans le suc gastrique. Ce procédé, qui a été rarement employé, dose en même temps l'acidité organique et l'acidité minérale du suc gastrique; mais il ne fournit aucune indication sur les quantités respectives d'acide chlorhydrique libre et d'acide chlorhydrique combiné aux substances organiques. D'autre part, Mizerski et Nencki ont montré, que lorsque le suc gastrique est riche en peptone et en albumoses, le procédé alcalimétrique de Sehmann donne un chiffre beau- coup trop fort d'acide ; car il se forme de l'acide sulfurique pendant la calcination de ces substances. Ajoutons encore qu'une partie de l'acidité minérale trouvée est due aux phos- phates acides. Ces mêmes objections sont aussi applicables au procédé de Braun, qui diffère fort peu de celui de Sehmann. 4" Procédé de Sjôquist. — On évapore à siccité 10 centimètres cubes de suc gastrique additionnés d'un excès de carbonate de baryum, et on calcine jusqu'à destruction com- plète des matières organiques. Les acides organiques sont ainsi transformés en carbonate de baryte à peu près insoluble, tandis que l'acide chlorhydrique passe à l'état de chlo- rure de baryum, parfaitement soluble. En épuisant les cendres par l'eau chaude, on dissout le chlorure de baryum qu'on dose à l'aide d'une solution titrée de bichromate de potasse en se servant comme indicateur du papier de Wurster préparé avec la tétraméthyl- paraphémyldiamine qui se colore en bleu par un excès de bichromate. Pour obtenir plus nettement cette réaction, on ajoute à la liqueur contenant le chlorure de baryum un tiers ou un quart de son volume d'alcool, et quelques centimètres cubes d'une solution ESTOMAC. 627 aqueuse renfermant 10 grammes d'acélate de soude et 10 grammes d'acide acétique p. 100. Katz emploie pour reconnaître l'excès de bichromate, au lieu du papier de Worster, qui fausse souvent les indications, une solution ammoniacale dacétale de plomb, qui, dans une liqueur contenant du chlorure d'ammonium, donne en présence du bichromate de potasse un précipité couleur de chair, de composition inconnue, visible encore pour une dilution de 1 p. 3 000. On peut aussi reconnaître la fin de l'opération parla tache orange de bichromate d'argent que laisse une goutte de nitrate d'argent, sur un papier buvard imbibé du liquide à analyser. Le procédé de SjOquist a été modifié par plusieurs auteurs. Von Jakscii, Léo et Boas assurent qu'il est préférable de doser la baryte dans le liquide filtré en la pesant à l'état de sulfate. Bourget précipite le chlorure de baryum par le carbonate d'ammoniaque, lave le précipité jusqu'à ce qu'il ne donne plus de réaction alcaline, dissout ce précipité dans une solution titrée d'acide chlorhydrique en excès, et titre l'excès d'acide par une solution de soude décinormale à l'aide de la phénolphtaléine. La quantité d'acide neu- tralisée par le carbonate de baryum correspond à la quantité d'acide chlorhydrique con- tenue dans le suc gastrique. D'après Nencki, cette modification donne des résultats plus exacts que la méthode de Sjuquist eUe-même. D'autre part, Bourget cherche à doser la quantité absolue d'acide chlorhydrique sécrétée par l'estomac, en lavant cet organe jusqu'à ce que les eaux de lavage ne donnent plus la réaction acide et en faisant l'analyse sur l'ensemble des liquides recueillis. De nombreuses critiques ont été adressées à la méthode de Sjôquist. Le dosage de l'acide chlorhydrique par ce procédé suppose l'inaltérabilité absolue du chlorure de baryum à l'action de la chaleur. Or cette supposition n'est pas confirmée par les expé- riences de Dmochowski. Le chlorure de baryum cristallisé, chimiquement pur, se décom- pose par la calcination en formant de l'oxyde de baryum et de l'acide chlorhydrique qui s'évapore. Quand on épuise par l'eau, l'oxyde de baryum formé se dissout en même temps que le chlorure et se précipite également à l'état de Ba CrO'-^ quand on titre avec le bichro- mate de potasse. Théoriquement, la décomposition du chlorure de baryum par la calci- nation ne devrait pas influencer la valeur des résultats, car l'oxyde de baryum qui prend naissance est aussi soluble que le chlorure et passe dans la liqueur filtrée oCi l'on fait le dosage. Toutefois l'hydrate de baryum a la propriété d'absorber avec avidité l'acide carbonique de l'air en se transformant en carbonate. Ce sel insoluble est alors retenu par le filtre, et est complètement perdu pour l'analyse. Nexcki, qui a fait une étude sérieuse de cette méthode, a trouvé que la réaction qui lui sert de base : Ba C03 + 2HG1 = BaCl^ + CO^ + H20 se complique des réactions suivantes : pendant la calcination, le chlorure de baryum se transforme en oxyde de baryum qui, en présence de l'acide carbonique provenant de la combustion des matières organiques, se transforme à son tour en carbonate de baryum : BaO + C02 = BaC03. D'autre part, le carbonate de baryum ayant servi comme réactif se décompose aussi par la calcination en oxyde de baryum et en acide carbonique : BaC03 = BaO + CO2. L'oxyde de baryum formé dans cette réaction peut compenser ou dépasser la pei'te subie pendant la calcination du chlorure de baryum, tout dépendra de la durée et de la température de la calcination. Cette cause d'erreur n'est pas la seule dont soit entaché le procédé de Sjôquist. Les chlorures alcalins fixes, et plus encore le chlorure d'ammonium, agissent pendant la calcination sur l'excès de carbonate de baryum en donnant par double décomposition un peu de chlorure de baryum (Leo). Le suc gastrique peut contenir, d'après Strauss, 628 ESTOMAC. jusqu'à 0,25 p. 1000 de sel d'ammoniaque, dont 30à 60 p. 100 peuvent subir cette double décomposition. Néanmoins, on peut supprimer l'influence des cblorures, qui est plutôt minime, en se débarrassant par filtration de l'excès de carbonate de baryte avant de procéder à l'incinération. Une cause d'ei-reur bien plus sérieuse est celle qui procède de la transformation pendant la calcination du chlorure de baryum soluble en phosphate de baryum insoluble par l'action des phosphates du contenu stomacal. Il se produit ainsi des pertes d'acide chlorhydrique assez considérables. Léo en a constaté qui allaient jusqu'à 70 p. 100 dans des solutions aqueuses d'acide chlorhydrique. Kossler a fait la même remarque sur des solutions contenant 0,1 p. 100 d'acide chlorhydrique et 0,1 p. 100 de phosphate acide de potassium. C'est surtout avec des liquides riches en phosphates, comme le lait, que les pertes deviennent considérables. Le procédé de S-hIquist est donc très défectueux pour le dosage du suc gastrique impur, car on sait que le contenu stomacal renferme le plus souvent des proportions notables de phosphates. En opérant sur des mélanges artificiels ne contenant pas de phosphates, on retrouve à peu près tout l'acide chlorhy- drique (Kossler). Les acides sulfurique et phosphorique qui se forment pendant la calci- nation des protéides, semblent ne pas avoir une grande influence sur la marche de l'analyse (Bondzïwski). En dehors de ces causes d'erreur, on est encore à se demander quelle est la nature des renseignernents fournis par la méthode de Sjoquist. Martius et LiiTTKEsesont assurés à l'aide des solutions aqueuses que le carbonate de baryum fixe non seulement l'acide chlorhydrique libre, mais aussi l'acide combiné aux matériaux azotés. Toutefois, il n'est pas certain que, dans le suc gastrique, cette décomposition soit toujours complète (Wagner). D'autre part, Salrowsici a démontré que même des sels organiques à réaction neutre comme le chlorhydrate de quinine, qui n'ont aucune action peptique, font la double décomposition avec le carbonate de baryum. Il est vrai que ces sels semblent ne pas exister dans le suc gastrique. En somme, le procédé de Sjoquist dose, avec des pertes plus ou moins considérables, l'acide chlorhydrique total du suc gastrique. Il est long et coûteux, et par cela même dépourvu de tout intérêt pratique. 5° Procédé de Hayem et Winter. — Ce procédé, dont le principe revient à Prout, permet de doser l'acide chlorhydrique dans tous les étals dans lesquels il peut se trouver dans le suc gastrique, savoir ; 1° Vacide chlorhydrique libre; 2° ïacide combiné avec les matières organiques ; 3° l'acide combiné avec les bases minérales. Le dosage par ce procédé se fait de la façon suivante : le contenu stomacal est après filtration divisé en trois parties : a, b, et 0 de 5 à 10 centimètres cubes chacune. La première sert au dosage de la totalité du chlore, la deuxième au dosage de l'acide chlorhydrique libre, et la ti^oisième au dosage de l'acide chlorhydrique combiné aux bases minérales. La partie a, additionnée d'abord d'une solution de carbonate de soude en excès, afin de fixer l'acide chlorhydrique libre et l'acide combiné avec des corps organiques, est ensuite évaporée à siccité au bain-marie. Le résidu sec est calciné pendant quelques minutes jusqu'à carbonisation des matières organiques, et ensuite il est épuisé par l'eau chaude. On filtre la solution, on neutralise par l'acide azotique, et on dose le chlore en titrant avec une solution décinormale de nitrate d'argent et en se , servant du chromate de potasse comme indicateur. La quantité de chlore trouvée est le chlore total du suc gastrique. La partie b, évaporée aussi à siccité au bain-marie, où on la tient encore pendant une heure, afin de chasser entièrement l'acide chlorhydrique, est de même additionnée d'une solution de caibonate de soude en excès. On évapore de nouveau au bain-marie, on calcine le résidu et on dose le chlore comme dans la première opération. Le nombre fourni par ce dosage représente tout le chlore, moins celui qui a été chassé par l'évapo- ration prolongée à 100°, c'est-à-dire, moins l'acide cldorlit/driqiic libre, a — b est donc égal à HCI libre. La partie c est évaporée, comme les deux premières, au bain-marie, mais le résidu sec est calciné directement, sans addition de carbonate de soude. On dose le chlore qui reste après la calcination, et le résultat de ce dosage indique la quantité d'acide chlorhy drique combiné aux bases minérales. Par conséquent, si l'on retranche le chin're trouvé par l'analyse de c, du chiffre trouvé par l'analyse de b, on aura le chlore combiné aux ESTOMAC. 629 matières organiques qui s'est éciiappé pendant la calcination. Hayem et Winteu désignent par les lettres T, le chlore total; C, l'acide chlorhydrlque combiné aux subiitaiiccs organiques et à l'ammoniaque; H, l'acide chlorhydriquc libre; et F le chlore des chlorures ou chlore fixe. Malgré les défauts inhérents à cette niélhode, on est obligé de convenir qu'elle repré- sente le premier essai rationnel qui ait été fait pour le dosage de l'acide clilorhydrique de l'estomac dans tous les états où il peut se trouver dans le suc gastrique. Gela dit, voyons maintenant quelle est la valeur des indications fournies par le procédé de Hayeh et WiNTER, 1« H. Acide chlorhydriquc libre. — Quand on évapore le suc gastrique à la température de 100°, la quantité d'acide chlorliydrique qui s'échappe pendant l'évaporation est sen- siblement plus faible que celle qu'on trouve dans le même suc, à l'aide des autres méthodes servant au dosage de l'acide chlorliydrique libre (réaction de Gu.nzburg, méthode de Mintz. et saponification de l'acétate de méthyle, méthode de Hofmann). Cette difïérenoe tient essentiellement aux modifications chimiques que subit le suc gas- trique pendant l'évaporation. Sansoni a montré que, lorsqu'on chauffe à la température de tOOo-HO" un mélange d'albumine et d'acide chlorliydrique, avec ou sans pepsine, une partie de l'albumine se transforme eu propeptoiie et peptone. Ces derniers produits retiendraient, d'après ce même auteur, une plus grande quantité d'acide clilorhydrique que la solution primitive d'albumine. La température de lÛO^-HO" change donc les rap- ports quanlilatifs des différentes espèces d'albuminoïdes présents dans le suc gastrique et fait varier d'une manière corrélative la quantité de HCl combiné aux albuminoïdes et celle qui s'échappe par l'évaporation. L'erreur sera d'autant plus grande que le suc gastrique sera plus riche en acide chlorliydrique et en pepsine. Sanso.xi conclut de ses expériences que le procédé de Hayem et Winter, comme tous ceux qui se fondent sur l'évaporation du suc gastrique, altère la composition chimique de ce liquide et donne une valeur trop faible pour l'acide clilorhydrique libre. "2" C. Acide chlorhydriquc combiné aux matériaux albuminoïdes. — Si ce que nous venons de dire pour l'acide chlorhydiique libre est vrai, la méthode de Havem et Winter doit nécessairement fournir un chiffre trop fort pour l'acide clilorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes. C'est là en effet ce qu'ont observé beaucoup d'expérimentateurs. A l'augmentation produite dans l'acide clilorhydrique combiné par l'acide chlorhydrique libre qui se fixe aux albuminoïdes pendant l'évaporation, viennent se joindre d'autres causes d'erreur qui agissent dans le même sens. Une partie des chlorures du contenu stomacal se décompose pendant la calcination, et cet acide chlorhydrique mis en liberté, échappant à l'analyse, est attribué par différence à l'acide chlorhydrique combiné aux albuminoïdes. Kossler a fait voir, en opérant sur des mélanges artificiels de composition connue, que les phosphates acides peuvent, en agissant sur le chlorure de calcium, déplacer pendant la calcination une quantité notable d'acide chlorhydrique : CaC12 + KH^PO' = CaHPOi + KCl + HCl, et 3 CaC12 + 2KH2PO'^ =Ca3(PO'02 + 2KCI + 2HC1. Cette perte, il est vrai, serait plutôt négligeable (0,008 à 0,009 p. 100 de HCl, selon Winter), étant donnée la faible proportion de phosphates acides que renferme le suc gastrique. Il n'en serait pas de même des pertes signalées par Lesgœur et Malibran lorsqu'on soumet à la distillation diverses solutions de chlorure et d'acides k la tempé- rature de 130". Ces auteurs ont observé : 1° que tout l'acide chlorhydrique libre est volatilisé. La présence des matières organiques ne change pas les résultats; 2" la plupart des chlorures, excepté le chlorure de magnésium, ne dégagent point de l'acide chlorhy- drique, mais, en présence des acides organiques fixes, ils subissent une décomposition appréciable; .3° les chlorures dégagent tout leur acide chlorhydrique en présence d'un acide minéral fixe, comme l'acide phosphorique ou l'acide sulfurique. Il résulte de ces expériences que, lorsqu'on élève la température du suc gastrique à 130", comme on le fait dans la méthode d'HAVEM et Winter pendant la calcination, une partie du chlore fixe se volatilise, soit par la décomposition naturelle du chlorure de magnésium, soit par l'action de l'acide phosphorique et des acides organiques fixes, spécia- 630 ESTOMAC. lement l'acide lactique, sur les autres chlorures de ce liquide. Les deux premières causes d'erreur sont peu importantes, car on sait que le chlorure de magnésium et l'acide phosphorique n'existent qu'à l'état de traces dans les liquides de digestion. Par contre, la présence constante de l'acide lactique dans le suc gastrique impur donne lieu à des pertes d'acide chlorhydrique considérables. Ajoutons encore que, d'après ces mêmes auteurs, l'acide tartrique et d'autres composés semblables, peuvent être introduits dans l'estomac avec l'alimentation et opérer, pendant qu'on calcine le suc gastrique, la décom- position dont nous parlons. Certaines substances organiques, le sucre et l'albumine, sou- mises à la distillation de 100" à 130°, et au delà, dans des solutions décinormales d'acide chlorhydrique et de chlorure de sodium, provoquent aussi le dédoublement de ce der- nier sel, mais à des doses tellement fortes (300 grammes p. 1000 d'après les expériences de LEscŒURct Malibran), qu'on se demande s'il faut tenir compte de cette prétendue cause d'erreur. Martius et Luttke ont montré en effet qu'avec des doses moindres de matières organiques ('20 grammes p. 1000 de peptone), les pertes de chlorure sont absolument insignifiantes. d° F. Acide chlorhydrique des chlorures ou chlore fixe. — Le procédé de HAVEMet Winter donne un chiffre trop faible de chlorures par les raisons indiquées plus haut. On peut donc résumer la critique de ce procédé en disant : 1'^ Que tout l'acide chlorhydrique libre n'est pas chassé par la distillation à 100®; 2° Qu'une partie de cet acide se fixe pendant la distillation aux matériaux albumi- noides, en augmentant ainsi la quantité du chlore organique combiné ; 3° Que le chlore des chlorures, ou chlore fixe, se volatilise en partie, et que cette perte de chlore est attribuée par différence au chlore organique combiné. On a donc par ce procédé un chiffre trop faible de chlorures et d'acide chlorhydrique libre et un chiffre trop fort d'acide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes. 6° Procédé de Martius et Lvttre. — Ce procédé, qui n'est, comme le précédent, qu'une modification de celui de Bidder et Schmidt, consiste à doser le chlore total du suc gas- trique et le chlore des chlorures. Par différence, on a Vacide chlorhydrique libre et Yacide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes. Le chlore est dosé dans les deux cas par la méthode au sulfocyanate de Volhard : dans le premier cas sur le suc gastrique naturel, dans le second cas sur le suc gastrique après calcination. Martius et Lctkke ont opéré sur des mélanges artificiels, contenant de nombreuses substances organiques, et ils ont toujours trouvé des résultats à peu près concordants. Toutefois il nous semble que leur procédé doit exposer aux mêmes causes d'erreur que celui de Hayem et Winter, car ils ne font rien pour empêcher les pertes en chlorures qui se produisent pendant la calcination du suc gastrique. Dans le but de compléter leur analyse, Martius et Lutkke déterminent, sur une autre portion du suc gastrique, ['acidité totale à l'aide de la phénolphtaléine, et l'acide chlorhydrique libre à l'aide de la tropéoline. Nous avons déjà dit ce qu'il faut penser de ces deux détermi- nations. 1° Procédé de A. Gautier. — Cet auteur propose, dans son Traité de chimie biologique, une méthode mixte qui rappelle à la fois les procédés alcalimétriques de Sehmann et Braun et les procédés chlorimétriques de Bidder et Schmidt et des autres auteurs : 5 centi- mètres cubes de suc gastrique ou de contenu stomacal filtré, sont additionnés jusqu'à neutralisation exacte d'une solution titrée de soude, en présence du phénolphtaléine. La quantité de soude nécessaire pour cette saturation représente l'acidité totale T du suc gastrique. On dessèche et calcine légèrement cette liqueur, et on détermine l'alcalinité finale des cendres résultant de la transformation des acides organiques en carbonate de soude. Cette alcalinité calculée en acide chlorhydrique donne l'acidité B correspon- dant aux acides organiques, T — B représente donc l'acidité minérale du suc analysé. L'auteur prétend que, pendant ces opérations, il n'y a à craindre, ni le départ des sels ammoniacaux, qui ne change rien à l'alcalinité finale, ni des réactions de phosphates et autres sels acides qui sont saturés de soude. D'autre part, on verse trois fois 5 centimètres cubes exactement mesurés du même suc dans trois petites capsules. La première est sursaturée de soude exempte de chlore, et dans le résidu légèrement calciné, on dose le chlore total (a). La seconde est directement et juste à point saturée de soude, puis calcinée comme la précédente. On y dose encore ESTOMAC. 631 le chlore résiduel (6). La différeace (a — b) de ces deux dosages donne le chlore volatilisé à l'état de sel ammoniaque, «te. Enfin, la troisième est évaporée telle quelle, desséchée au bain de sable vers 350°;puisle chlore restante y est encore dosé. La différence (o — c) donne le chlore à l'état volatil (c'est-à-dire, HCl + sel anmioniac + Cl) ; d'autre part, (a — c) — [a — 6), c'est-à-dire (6 — c) donne le chlore volatilisé à l'état d'acide chlorhy- drique. L'acidité minérale totale T — B, diminuée de l'acidité due à l'acidité chlorhy- drique(6 — c) ou T — B — b + c donne l'acidité minérale due aux phosphates et autres sels minéraux acides. Comme on le voit, A. «Gautier a cheixhé par tous les moyens à se mettre à l'abri des erreurs auxquelles sont sujettes les autres méthodes dont nous venons de parler. Il arrive à connaître les pertes des chlorures volatils pendant la calcination. Mais la dilTérence entre cette analyse et la troisiènie qui représente la totalité de l'acide chlorhydrique doit être trop forte, par suite de l'action des pliosphates acides et des acides organiques fixes sur les chlorures qui ne sont pas volatils d'eux-mêmes. D'autre part, la méthode de A. Gautier, pour être complète, doit être précédée ou suivie de la détermination de l'acide chlorhydrique libre, si l'on veut savoir en môme temps la pro- portion d'acide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes. 8° Procédé de Lescœur et Malibran. — Ce procédé dont nous avons fait mention, lorsque nous avons parlé de la critique de la méthode de Hayem et Winter, consiste à recueillir les produits de distallation du suc gastrique en soumettant ce liquide à des tempéra- tures croissantes de 100° à 130". L'appareil employé par Lescceur et Malibran dans ce but est formé d'un ballon, où l'on Introduit le suc gastrique, et d'un flacon barboteur mis en rapport avec une trompe avide. On Introduit un certain volume de suc gastrique dans le ballon qu'on chauffe par l'intermédiaire d'un bain de sable ou d'huile, de 100» à 130", sans jamais dépasser cette température. L'acide chlorhydrique, libre ou combiné aux matériaux albuminoïdes, passe dans l'eau du flacon barboteur, et, en y dosant le chlore, on aura l'acidité chlorhydrique. Si l'on veut en outre doser les chlorures du suc gastrique, on ajoute au résidu laissé par la distillation précédente une solution d'acide phosphorique qui déplace à la température de 130" tout le chlore fixe. D'après Lescœur et Malibran, on n'a pas à craindre l'influence des matières organiques sur les chlorures, si on ne dépasse pas la limite de 130". La seule cause qui puisse fausser les résultats est la présence des acides organiques. Mais il est facile de s'en débarrasser en traitant le suc gastrique avant la distillation par dix fois son volume d'élher exempt d'alcool. Il est regrettable qu'on ne puisse pas doser par ce procédé l'acide chlorhydrique libre, car il deviendrait sans doute une méthode très employée. Malheureusement, la distillation, surtout à hautes températures, trouble profondément la composition chimique du suc gastrique, et change par la suite le rapport de l'acidité chlorhydrique. On doit donc se contenter d'avoir l'acide chlorhydrique total, si toutefois le suc gastrique est débarrassé des acides organiques, et ne contient que très peu de phosphates acides. Quant au chlore des chlorures, Winter prétend que l'on n'a pas un chitl're assez fort par cette méthode, parce que la calcination y est très incomplète. C'est du moins ainsi qu'il explique les différences qu'on trouve à l'analyse, lorsqu'on emploie comparativement iia méthode et celle de Lescœur et Malibran. Quoi qu'il en soit, nous croyons que cette dernière méthode peut rendre de réels services. y) Autres méthodes. — 1° Procédé de Rabuteau, Cahn et Mehring. — Si l'on ti-aite le suc gastrique par la quinine fraîchement précipitée, cette base s'empare de l'acide chlor- hydrique et forme avec lui un chlorhydrate soluble dans l'alcool amylique. Cette réac- tion a permis à Rabuteau de démontrer la présence de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique et de doser en même temps cet acide. Pour cela, il prenait le suc gastrique du chien, et, après l'avoir filtré, le mettait à macérer avec de la quinine à la température de 40" à bO" pendant plusieurs heures. Le résidu obtenu par l'évaporation de ce liquide était repris par l'alcool amylique qui dissout le chlorhydrate de quinine formé sans dis- soudre les autres chlorures. 11 était alors facile de retirer ce sel de la liqueur alcoolique et de doser le chlore qu'il renfermait par une solution titrée de nitrate d'argent. Le chlore ainsi trouvé représentait l'acide chlorhydrique. Cahn et Mehbing se sont aperçus, en reprenant l'étude de ce procédé, que le chlorhydrate de quinine peut décomposer les chlorures neutres et fausser les résultats de l'analyse. Ils ont alors remplacé la quinine par la cinchonine, dont l'action sur les chlorures est à tout fait négligeable. Ils ontcom- 632 ESTOMAC. piété ce procédé en dosant aussi les acides organiques du suc gastrique, SO c. c. de suc filtré sont distillés jusqu'à réduction aux Irois quarts du volume primitif et ramenés ensuite à leur volume, puis de nouveau distillés jusqu'à réduction aux trois quarts. Dans le liquide distillé, on dose les acides organiques volatils à l'aide d'une solution déci- normale de soude. La partie qui n'a pas distillé est agitée six fois avec 300 c. c. d'éther exempt d'alcool, qui enlève tout l'acide lactique. On évapore, et on dose cet acide dans le résidu éthéré repris par l'eau. Finalement, le suc gastrique, débarrassé des acides organiques, est traité par une masse de cinchonine, fraîchement précipitée jusqu'à réac- tion neutre. Ce mélange est ensuite épuisé quatre ou cinq fois par du chloroforme pur et les extraits chloroformiques, distillés, jusqu'à formation d'un résidu. On reprend celui-ci par l'eau, et on y dose le chlore à l'aide d'une solution de nitrate d'argent en présence d'un excès d'acide azotique. Cahn et Mehring ont voulu soumettre leur procédé au contrôle des autres méthodes, et ils ont toujours trouvé un chiffre trop faible d'acide chlorhydrique. Cela tient très probablement, comme le font remarquer Martius et Luttke, à ce qu'une partie de l'acide chlorhydrique a été enlevée par la grande quantité d'éther servant au traitement du suc gastrique. On sait, en effet, combien il est difficile d'avoir de l'éther complètement exempt d'alcool, et il suffit qu'il en contienne des traces pour qu'il dissolve quelque peu d'acide chlorhydrique. Cette méthode doit donc aussi donner un chiffre trop fort en acide lactique. Mac Maught a proposé une modification qui simplifie la méthode de Cahn et Mehring, mais qui n'oifre sur celle-ci aucun autre avantage. Il distille les acides organiques volatils, et sépare, par le traitement éthéré, l'acide lactique. La différence enti^e ces deux dosages et celui de l'acidité totale, donne l'acide chlorhy- drique, libre et combiné aux matériaux albuminoïdes. •1° Procédé de Léo. — Ce procédé se fonde sur les réactions suivantes : \° Lorsqu'on mélange à la température ordinaire une solution de phosphates acides de potasse ou de soude avec du carbonate de chaux sec et pulvérisé, il ne se produit aucune décomposition entre ces deux sels. De sorte que, si l'on fait le dosage acidimétrique de la solution de phosphates avant et après l'addition ^du carbonate de chaux, on trouvera le même chiffre d'acidité. 2» Si l'on traite de la même façon la solution d'un acide libre, l'acide chlorhydrique, par exemple, cet acide est aussitôt neutralisé par le carbonate de chaux. On pourra donc, en ch-assant l'acide carbonique formé, reconnaître que la solution, primitivement acide, est devenue, après le traitement par le carbonate de chaux, com- plètement neutre. L'acidité du suc gastrique étant formée par des phosphates acides, de l'acide chlorhy- drique et des acides organiques, on comprend que ce procédé puisse être appliqué au dosage de chacun de ces facteurs. En effet, si l'on détermine l'acidité du suc gastrique avant et après l'extraction des acides organiques, on connaîtra par différence l'acidité organique et l'acidité minérale de ce liquide. Si l'on traite ensuite le suc débarrassé des acides organiques par le carbonate de chaux, son acidité diminuera d'une quantité équivalente à celle de l'acide chlorhydrique, et le reste représentera le degré d'acidité des phosphates acides. On aura donc : A, acidité totale, moins B, acidité organiciue, égale C, acidité minérale. Puis, C, acidité minérale, moins D, acidité chlorhydrique, égale E, acidité phosphoriquc. Les titrages de l'acidité minérale doivent être faits en présence d'un excès de chlorure de calcium, car on sait qu'il faut, pour neutraliser le phosphate acide de potassium en présence d'un excès de chlorure de calcium, deux fois plus de soude qu'en l'absence de ce sel : POiKH > + NaOH = PO4KNUH + H2O. 2 PO.KHo -1- 4 NaOH + 3 CaC], = (PO,) ^Cea + 2KCi + NaCl + 4 HaO. La marche de ce procédé est la suivante : on commence par extraire les acides orga- niques, en opérant comme le font Cahn et Mehring. Leo conseille de ne faire cette extraction que lorsque le suc gastrique donne la réaction d'UppELMANN. Dans le cas où cette réaction est positive, on peut encore extraire les acides organiques en traitant à plusieurs reprises, six fois au moins, un volume de suc gastrique par dix volumes d'éther exempt d'alcool. Tous les acides organiques sont ainsi dissous dans l'éther, qu'on décante ESTOMAC. 63?. soigneusement. Le dosage de l'acidiLé du suc gastrique, avant et après celte opération, donne par différence l'acidité organique et minérale de ce liquide. Ces dosages doivent être faits en présence d'un excès de chlorure de calcium, o c. c. d'une solution de chlorure de calcium, pour 10 c. c. de suc gastrique filtré. D'autre part, on prend l.H c. c. de suc gastrique débarrassé des acides organiques et on les additionne d'un gramme de carbo- nate de calcium sec. On mélange intimement et on filtre à travers un filtre sec. dO c. c. de cette liqueur filtrée, débarrassés de l'acide carbonique par un courant d'air sec, sont de nouveaux dosés en présence d'un excès de chlorure de calcium, àl'aided'une solution décinormale de soude, et en prenant comme indicateur coloré le phénolphtaléine. Le résultat de cette troisième analyse indi(juera l'acidité phosphorique, et, par différence avec la seconde, on aura le chiffre de l'acide chlorhydrique. HoFMANN et Wagner ont prétendu que la méthode de Leo donnait lieu à des pertes considérables d'acide. Ces auteurs ont montré que les phosphates acides, en quaiitit(* suffisante, produisent la double décomposition avec le carbonate de chaux, surtout si l'on chauffe le liquide dans lequel ces sels sont en solution. .Mais Leo et Fiueduemn ont fait remarquer qu'en premier lieu le suc gastrique ne contient que des quantités très faibles de phosphates acides et, que d'autre part, lorsqu'on traite ce liquide par le car- bonate de chaux à la température du laboratoire, les pertes d'acide, si en tout cas elles existent, ne peuvent être que n('gligeables. Kossler semble aussi être du même avis. Il a vu, en opérant sur des mélanges artificiels, de phosphates acides, d'acide chlorhydrique et de peptones, que les erreurs qu'on peut commettre avec la méthode de Leo ne dépassent pas quelques centièmes d'acide chlorhydrique, excepté dans le cas où la pro- portion des phosphates est très forte, comme dans les expériences de Hofmann et Wagner. Toutefois, ce qui paraît être le défaut capital de la méthode de Leo, c'est le besoin qu'on a d'extraire les acides organiques. Si l'on suit le procédé de Cahn et Meiiring, on s'expose à enlever une partie de l'acide chlorhydrique; et, si l'on opère comme Leo le conseille, on est presque sur de ne pas extraire complètement les acides organiques. Les résultats seront donc assez variables, suivant qu'on prend une méthode ou l'autre. Par cela même, le chiffre d'acide chlorhydrique qui représente à la fois l'acide chlorhydrique libre et combiné sera tantôt faible, tantôt fort. 30 Procédé de P. Laurent. — Cet auteur a trouvé qu'en présence de l'alcool les acides minéraux seulement décomposent le carbonate de chaux. Grâce à la découverte de cette réaction il a rendu le dosage de l'acide chlorhydrique beaucoup plus facile que par la méthode de Leo. A. Gautier, qui rapporte dans son Traité de Chimie biologique ce nou- veau procédé, le décrit de la façon suivante : on prend 5 c. c. de suc gastri(iue, on ajoute 50 ce. d'alcool neutre et absolu, et on titre à la liqueur décinormale de soude avec la phtaléine. Soit n la soude employée. On refait la même opération sur 5 autres e. c. après addition de carbonate de chaux : soit n' la nouvelle quantité de soude néces- saire. On a n — n' = HCl libre. La valeur n' répond aux acides organiques. D'après l'au- teur, il serait arrivé aux mômes résultats en employant ce procédé que par la méthode de Haveu et Wlnter. On se demande cependant si dans un suc gastrique impur, riche en albumine ou en peptone, la précipitation produite par l'alcool n'introduit pas des erreurs dans la marche de l'analyse. En tout cas, nous ne saurions pas nous prononcer sur la valeur de ce procédé, avant qu'il ne soit l'objet d'une étude ultérieure. 4° Procédé de Hofmann. — Jusqu'ici la plupart des méthodes que nous avons mention- nées, si l'on excepte quelques méthodes colorantes, principalement celle de Mintz qui a pour base la réaction de Gu.nzburg, n'arrivent pas à déterminer la proportion d'acide chlorhydrique libre que renferme le suc gastrique. Le procédé de Hofmann au contraire ne vise que ce seul but. Cet auteur a pensé que, puisque les solutions d'acide chlorhydrique jouissent du pouvoir d'intervertir le sucre de canne et de saponifier l'acétate de méthyle, il n'y a pas de raison pour que le suc gastrique ne possède une fonction semblable dans le cas où il contiendrait de l'acide chlorhydri(iue en solution. L'expérience lui a montré en effet que ce litiuide présente assez souvent les réactions que nous venons d'indiquer. On pouvait donc, en comparant l'activité du suc gastrique avec celle d'une solution titrée d'acide chlorhydriiiue sur le sucre de canne ou sur l'acétate de méthyle, calculer par une simple formule la proportion d'acide chlorhydrique libre contenue dans le suc gastrique. Pour apprécier l'intensité de la première réaction, Hofmann se servait d'un polari- 03i ESTOMAC. mètre très long et très sensible avec lequel il mesurait le degré de rotatiou de la solution de sucre avant et après l'action du suc gastrique et de l'acide chlorhydrique. Afin d'éli- miner les principales causes d'erreur, il déterminait d'abord le pouvoir rotatoire du suc gastrique, puis il étudiait comparativement la marche de l'activité de ce liquide avant et après sa neutralisation. Par ce dernier moyen, il cherchait à connaître le rôle que pourraient jouer dans la transformation du sucre de canne les actions fermentatives. Malgré cet ensemble de précautions, le procédé de Hofmann présentait encore des incon- vénients très graves. Lôwenthal et Lensen firent voir que les acides organiques pos- sèdent aussi, quoiqu'il un titre moindre, la propriété d'intervertir le sucre de canne- D'autres substances, en apparence neutres, comme les chlorures, facilitent la même transformation. Finalement, l'exécution de ce procédé est tellement délicate qu'on risque, même en y donnant beaucoup de peine, de commettre des erreurs de mesure assez importantes. Hofmann lui-même sembla comprendre la valeur de ces objections, en portant ses préférences sur l'emploi de la seconde de ces réactions, c'est-à-dire sur la saponification de l'acétate de méthyle. Il suffit de doser l'acide acétique formé pour connaître le degré d'activité du suc gastrique. Il offre en outre l'avantage d'être peu sensible aux actions des acides organiques et des chlorures. Malheureusement, et quel que soit le choix qu'on fasse de ces méthodes, les liquides soumis à l'analyse doivent être portés à la température de 40 à 60° pendant plusieurs heures. Or, s'il faut croire les expériences de Sansoni, von Pfungen, et autres auteurs, c'est là une condition qui changerait complètement les rapports quantitatifs de l'acide chlorhy- drique libre et du chlore organique ; car, sous l'influence de la chaleur, les processus chi- miques de la digestion continuent, et de nouvelles quantités d'acide chlorhydrique libre se fixent aux produits de dédoublement des matériaux albuminoïdes. Cependant Kossler et Sansoni considèrent la méthode de Hofmann' comme très exacte. e) Valeur comparative des méthodes d'analyse de l'acidité du suc gastrique. — Dans cette longue énumération des procédés d'analyse, servant à doser l'acidité totale du suc gastrique, nous n'avons pas trouvé une seule méthode qui soit à l'abri de toute critique. 11 est vrai que la solution de ce problème, en apparence très simple, se complique extraordinairement par la présence dans le suc gastrique impur de certains corps, comme les phosphates acides, les acides organiques et d'autres matières d'ori- gine alimentaire, qui, en donnant lieu à des décompositions multiples, troublent sen- siblement la marche de l'analyse. Si l'on avait toujours adàire à un suc gastrique pur, la plus mauvaise des méthodes donnerait encore des résultats acceptables. Rappelons- nous que le suc recueilli par la méthode de Pavlow, outre sa pauvreté en matières organiques, ne contient, en dehors de l'acide chlorhydrique, d'autres acides que de petites quantités de phosphates monosodiques. Dans ces conditions, le dosage de l'acidité devient relativement facile. La simple distillation de ce suc dans le vide, faite à basse tempé- rature, donnera la quantité d'acide chlorhydrique libre. En ce qui concerne l'acide chlo- rhydrique combiné aux matériau.^ albuminoïdes et le chlore fixe, on pourrait les déter- miner en dosant le chlore du suc gastrique après calcination, tout d'abord en présence d'un excès de soude, puis dans les conditions normales. La première analyse indi- querait le chlore total; la seconde le chlore fixe, et, par différence, on aurait le chlore volatil, formé d'une part de l'acide chlorhydrique libre qu'on a dosé par distillation, et d'autre part du chlore organique qui s'est échappé pendant la calcination. Toute autre méthode fournirait encore des résultats semblables. Malheureusement, il n'en est pas de même lorsqu'on s'adresse à un suc gastrique impur et surtout à un suc mélangé aux aliments. On voit alors surgir des difficultés insurmontables. Les méthodes colorantes ne donnent plus que des renseignements incertains. Celles qui soumettant le suc gastrique à la calcination s'exposent à des pertes en chlorures. Quant aux autres méthodes, elles sont aussi contrariées dans leur applica- tion par un grand nombre de réactions. Faut-il conclure de cela, que, malgré les efforts tentés pour résoudre cette question, nous ne soyions pas encore en mesure de connaître l'acidité du suc gastrique? Nous ne le pensons pas; car, parmi les méthodes que nous avons nommées, nous en trouvons plus d'une dont les erreurs ne dépassent pas un centième d'acide <;hlorhydrique. Or, s'il est permis de discuter la valeur de ces écarts ESTOMAC. 635 lorsqu'on se place sur le terrain de la technique pure, on peut parfaitement ne pas en tenir compte au point de vue pratique. Si, dans la plupart des recherches qu'on a entre- prises sur l'acidité du suc gastrique, on n'avait jamais commis des erreurs d'un ordre plus élevé que celles-là, la science ne serait pas encombrée de tant de résultats contra- dictoires. Disons, pour conclure, que les méthodes qu'on considère comme le plus exactes pour le dosage de l'acide chlorhydrique dans ses diverses formes, sont : 1° Pour l'acide chlorhydrique libre : Les méthodes de Muntz et de Hokmann; 2° Pour l'acide chlorhydrique total : Les méthodes chlorimétriques (Hayem et Winter, Martius et LCttke etc.) et la méthode de Leo. Si l'on veut en faire une analyse complète, on est obligé de combiner ces diverses méthodes. f) Rôle de l'acide chlorhydrique dans la digestion. — On sait que le suc gastrique doit une partie de ses proprie'tés actives à la présence de l'acide chlorhydrique. Si l'on prend deux portions de suc gastrique, l'une telle qu'elle est, l'autre exactement neutra- lisée, et si on les met toutes deux en contact avec un ou plusieurs cubes d'albumine à la température de 40"^ pendant plusieurs heures, on constate, au bout d'un certain temps, que, tandis que la première portion dissout complètement les matériaux albuminoïdes qu'elle contenait en suspension, sans qu'à la fin de l'expérience il s'en dégage aucune odeur désagréable, la seconde se montre totalement inactive et devient le siège des phénomènes fermentatifs très accentués qui aboutissent à la putréfaction complète du liquide. Cette simple expérience définit très nettement les deux rôles essentiels que l'acide chlorhydrique joue dans l'organisme. C'est d'abord un rôle digestif proprement dit, puis un rôle antiseptique , ou antifermentatif. fi) Rôle digestif. — La première de ces deux fonctions est assez complexe. L'acide chlorhydrique concourt directement et indirectement à la transformation des principes albuminoïdes. D'une part il forme avec ces substances des combinaisons solubles qui peuvent, suivant le cas, aller des albumines acides jusqu'aux propeptones et peptones. D'autre part, il facilite l'action de la pepsine, laquelle n'agit sur les albuminoïdes que lorsqu'elle se trouve en solution dans un milieu acide. On connaît depuis longtemps la propriété qu'ont les acides minéraux très étendus de dissoudre les substances albuminoïdes. Bouchardat a montré que, si l'on plonge un filament de fibrine dans une solution d'acide chlorhydrique à 1 ou 2 p. 1 000, ce filament se gonfle et se dissout rapidement. Le même phénomène avait été déjà observé par TiEDEMAiNN et Gmrlin cu Opérant sur l'albumine cuite. MEisNERa constaté de plus que, si l'on neutralise exactement les liqueurs acides provenant du traitement antérieur, l'albumine dissoute se précipite de nouveau. On a donné le nom général d'acidalbumine ou synto- nine aux produits résultant de cette transformation. Ces substances diffèrent les unes des autres, suivant les albumines qui leur donnent naissance et suivant aussi les acides qu'on emploie pour les obtenir. A côté de l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique, l'acide azotique, et d'autres acides, peuvent encore produire la même transformation de l'albumine. Ce n'est pas ici. le moment de décrire les caractères chimiques des syntonines (Voir l'article Albuminoïdes). Disons seulement que ces substances précipitent de leurs solutions, par neutralisation, mais qu'elles s'y dissolvent de nouveau en présence d'un faible excès d'acide ou d'alcali. Il y a d'ailleurs de très grandes analogies entre les acidalbumines et les alcalialbumines, car elles dérivent toutes deux dun dédoublement hydrolylique de la molécule albumi- noïde. Les transformations dont nous venons de parler s'opèrent même à froid ; mais, si l'on chaulTe les liqueurs acides qui contiennent les syntonines en solution, il se forme d'autres produits plus avancés, qui se rapprochent par leur constitution moléculaire des propeptones et des peptones (Wittich, Wolffhugel, Meissner, SchûtzeiMjerger et Ch. Richet). Certains auteurs, entre autres Sansoni, vont même jusqu'à affirmer que l'acide chlorhydrique étendu peut, en agissant sur les albumines, provoquer à la température ordinaire la formation des peptones. Quoi qu'il en soit, il est important de signaler qu'au fur et à mesure que ces produits d'hydratation prennent naissance, l'acidité des liquides dans lesquels ils sont en solution disparaît peu à peu, probablement parce que (336 ESTOMAC. celte acidité est saturée par le radical amidé de la nouvelle molécule protéique mise en liberté (Von Pfungen, Martin et Luttke, Blum et Sansoni). Ces combinaisons sont d'autant plus stables et retiennent d'autant plus d'acide chlorbydrique qu'elles sont des produits plus avancés de l'hydratation de la molécule albumineuse. La peptone de Nencki et de Paal peut être portée à l'ébuliition sans perdre la moindre trace de l'acide chlorbydrique qu'elle avait fixe'. L'affinité de celte substance pour l'acide chlorbydrique est tellement grande qu'elle est capable de déplacer l'acide des acidalbumines en précipitant ces sub- stances de leur solution. Tous ces faits nous permettent de comprendre le rôle direct que l'acide chlorby- drique joue dans la digestion stomacale. D'après Martius et Luttke, cet acide se partage de la manière suivante vis-à-vis des matériaux qui forment le contenu stomacal. Une pre- mière portion serait saturée immédiatement par les bases minérales ou les sels à réac- tion alcaline, spécialement les carbonates, apportés par les aliments. Cette portion est nécessairement perdue pour le travail digestif, et nous n'avons aucun intérêt à la con- naître. Une seconde portion se combine avec les produits de sécrétion de la muqueuse stomacale elle-même (ferment, mucus, débris épilhéliaux) et avec les autres matières organiques provenant aussi de la sécrétion des voies supérieures de l'appareil digestif (salive et mucus). De cette partie, seul l'acide combiné à la pepsine peut être considéré comme utile à la digestion. Le reste est, au même litre que l'acide de la première portion, dépourvu de tout intérêt physiologique. Finalement, une troisième portion, qui est de beaucoup la plus importante, se combine avec les matériaux azotés de l'alimenta- tion en formant des combinaisons plus ou moins stables qui représentent la première phase de la peptonisation de ces matières. La valeur de ces combinaisons au point de vue digestif a été mise en évidence par les expériences de Kossler et de Blum. Ces auteurs ont montré qu'une solution d'acidalbumine, sans excès d'acide chlorbydrique, fournit à 37° par l'action de la pepsine des quantités considérables de peptones. Ce fait a une impor- tance extrême, car il démontre, contrairement à l'opinion admise il n'y a pas bien long- temps, que l'acide chlorbydrique combiné, au lieu de rester inactif pendant la digestion, contribue pour une large part au dédoublement des matériaux albuminoïdes. En ce qui concerne l'acide clilorhydrique libre, que l'analyse révèle quelquefois dans le contenu de l'estomac, les auteurs ne sont pas bien fixés sur sa signification physiologique. D'après Martius et Llttke, la présence de cet acide indique que l'estomac a rempli surabon- damment sa tâche, qui est celle d'assurer la peptonisation des matériaux albuminoides ; les auteurs pensent qu'il n'y a pas de mécanisme régulateur qui arrête la sécrétion acide des glandes au moment où la saturation des substances protéiques est complète, de sorte que lorsque le repas ne contient pas des quantités énormes de ces substances, une certaine proportion d'acide chlorbydrique se trouve facilement en liberté. En accep- tant cette conclusion qui fait de l'acide chlorbydrique libre un superflu de la diges- tion, on serait peut-être aussi injuste qu'en disant que l'acide chlorbydrique combiné ne facilite pas la transformation des principes albuminoïdes. S'il est vrai qu'une solution d'acidalbumine, n'ayant pas d'acide chlorbydrique en liberté, peut fournir de la peptone sons l'infiuence de la pepsine, il est certain aussi que cette même solution en fournira davantage en présence d'un excès d'acide chlorhydrique. D'autre part, il ne faudrait pas oublier qu'au fur et à mesure que l'albumine se dédouble, les produits de ce dédoublement fixent de nouvelles quantités d'acide chlorbydrique. Il est donc pro- bable que l'excès d'acide qui existe parfois au commencement de la digestion et qu'on tend à considérer comme une quantité négligeable, deviendra au cours de la peptonisa- tion un élément important. Nous verrons plus tard, en faisant l'étude de la pepsine, que l'activité de ce ferment décroît à mesure que la digestion avance, entre autres causes, par suite de la dispaiùtion de l'acide chlorhydrique. En dehors de ces raisons, il y en a d'autres qui démontrent l'importance physiolo- gique de l'acide chlorhydrique libre. Le pouvoir bactéricide d'un suc gastrique est d'au- tant plus intense qu'il contient plus d'acide chlorhydrique en solution. C'est ainsi que le suc gastrique naturel, dont la totalité de l'acide se trouve [combinée aux albumines, entre en putréfaction beaucoup plus vite qu'un suc gastrique artificiel de même acidité, mais dont la plupart de l'acide est à l'état de liberté. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si les combinaisons que cet ESTOMAC. 637 acide forme avec les matières albuminoïdes suffisent aux besoins de la nulrilion. Étant donné le court séjour que les aliments font dans l'estomac, nous pensons que, si le suc gastrique ne contenait pas de la pepsine, la transformation des principes albuminoïdes par l'acide chlorhydrique seul s'arrêterait aux syntonines.il est vrai que certains auteurs prétendent, avec Neumeister, que les albumines solubles peuvent être absorbées et assi- milées aussi facilement que les peptones; mais, en attendant que ce point soit éclairé, nous continuerons à considérer le rôle direct de l'acide chlorhydrique dans la digestion des albumines, comme beaucoup moins important que sa combinaison avec la pepsine. Pour le moment, nous voudrions porter notre attention sur le second des rôles de l'acide chlorhydrique, c'est-à-dire sur son rôle antiseptique. fi) Rôle antiseptique. — C'est à l'abbé Spallanza.xi que revient la découverte des pro- priétés antiseptiques du suc gastrique (1798). Cet auteur avait remarqué, dans ses expé- riences de digestion artificielle, que non seulement le suc gastrique empêche la putré- faction des aliments de se produire, mais qu'il l'arrête quand elle a déjà commencé, il restait cependant à déterminer l'élément du suc gastrique qui intervenait dans cette action. Albertoni (1877) fit voir qu'en chauffant le suc gastrique à 100° pour détruire l'activité de la pepsine, ce liquide conserve ses propriétés antiseptiques, tandis que, si on le neutralise à l'aide du carbonate de soude, il entre vile en putréfaction. D'autres expériences faites dans le même sens démontrent que l'acide chlorhydrique est le seul agent antiseptique du suc gastrique, et que la pepsine ne joue aucun rôle dans cette fonction. Sieber et Miquel se sont attachés à déterminer la proportion d'acide chlorhy- drique nécessaire pour empêcher la putréfaction de la viande et du bouillon de culture. Ils sont arrivés à ce résultat qu'il faut au moins 0"'",2 à Os^S p. 1 000 d'acide chlorhy- drique pour ralentir le développement des microbes de la putréfaction. On a aussi étudié l'action du suc gastrique et de l'acide chlorhydrique étendu sur les microbes pathogènes. Falk et Frank ont observé que, tandis que le bacille de la tuber- culose offre une grande résistance à l'action du suc gastrique, le Bacillus anthracis est rapidement détruit. Seules les spores de cette dernière bactérie semblent échapper à cette destruction. Strauss et Wûrtz ont vu, en reprenant ces expériences, que même les. cultures du bacille de la tuberculose perdent complètement leur virulence, lorsqu'on les met en contact pendant dix-huit à trente heures avec le suc gastrique. Quant au bacille d'EBERTH, il meurt au bout de deux à trois heures. Les effets les plus nets ont été cepen- dant obtenus avec le bacille du choléra, lequel est tué facilement par l'acide chlorhydrique très dilué. C'est ainsi qu'on explique la difficulté qu'on éprouve à infecter les animaux du choléra, en introduisant les cultures de son microbe dans l'estomac. D'après Cohn, il suffit que le suc gastrique contienne quelques traces d'acide chlo- rhydrique libre, pour qu'il arrête immédiatement les fermentations lactique et acétique. Par contre, l'acide chlorhydrique combiné aux matériaux albuminoïdes se montre com- plètement inactif. Cohx interprète ces différences en disant que l'acide chlorhydrique libre décompose les phosphates alcalins du suc gastrique qui sont indispensables à l'ali- mentation de ces bactéries. En tout cas, il est hors de doute que la fermentation lactique existe normalement dans l'estomac, surtout dans les premières phases de la digestion. D'autres fermentations, telles que les fermentations alcoolique, acétique, butyrique et formique peuvent aussi avoir lieu dans l'estomac, mais il faut avouer qu'elles atteignent leur maximum d'intensité lorsque l'acidité du suc gastrique diminue par suite de quelque maladie. Dans ses expériences sur l'inanition chlorée, Kahn a fréquemment trouvé dans l'estomac des animaux de la viande en putréfaction. Certains auteurs affirment même que l'acide du suc gastrique exerce une influence très marquée sur le développement des putréfactions intestinales. D'après Kast, qui a été un des premiers à signaler ce phénomène, la proportion des acides sulfo-conjugués de lurine augmente considérablement lorsqu'on neutralise le suc gastrique. Von Noerden a critiqué cette opinion, tandis que d'autres l'ont soutenue. Tout récemment Schmitz a prouvé par des expériences très bien conduites qu'on peut augmenter la quantité d'acide chlorhydrique du suc gastrique du chien, sans introduire de variations sensibles dans l'élimination des acides sulfo-conjugués de l'urine. Mais il ajoute que cela lient à ce que le suc du chien est normalement très acide. Or, si l'on fait la même expérience sur l'homme, on constate une diminution des processus fermentatifs. SciiMirz est en somiie 638 ESTOMAC. d'accord avec Kast, Stadelmann, Wasbutzei, Biernacki et Meister pour confirmer le rôle antiseptique de l'acide chlorhydrique dans la digestion intestinale. En ce qui concerne les fermentations solubles, il est indéniable que quelques-unes d'entre elles sont complètement arrêtées en présence de l'acide chlorhydrique libre. On a beaucoup discuté l'influence de cet acide sur la ptyaline ou diastase salivaire. D'aucuns ont prétendu que la salive continuait à agir sur l'amidon dans la cavité de l'estomac, tandis que d'autres, au contraire, ont nié cette action. Rummo et FERR.iN)Ni ont fait voir que, si l'on fait agir l'acide chlorhydrique directement sur la ptyaline à la dose de Oe',! p. 1 000, cette substance perd ses propriétés fermentatives.il n'en est pas de même, lorsqu'on additionne l'acide chlorhydrique aux liquides qui sont en train de fermenter. Les effets sont alors beaucoup moins nets, et on voit même, en employant des doses relativement fortes, 0s'",2S p. 1 000 à 3,5 p. 1 000 que la fermentation amylolytique continue à se déve- lopper. Cette question a été définitivement tranchée par les expériences récentes de Godart-Danhieux. Cet auteur a montré que, tandis que l'acide chlorhydrique libre paralyse complètement l'action de la ptyaline à la dose de Os^.lo p. 1 000, ce même acide combiné aux matériaux albuminoïdes est impuissant à arrêter la production de l'achro-dextrine et de l'érythro-dextrine, même à la dose de 5 p. i 000. On peut donc dire que la digestion des amylacés par la salive se poursuit sans grande difficulté dans l'estomac. L'action antizymolique de l'acide chlorhydrique peut aussi se porter sur d'autres ferments du tube digestif. La pepsine elle-même, qui doit, pour agir sur les albumi- noïdes, être en solution acide, est très gênée dans son action en présence d'un grand excès d'acide chlorhydrique. Mais, parmi les ferments sur lesquels l'acide chlorhydrique exer- cerait une influence néfaste, si elle n'était compensée par la richesse alcaline des sécré- tions de l'intestin, nous trouvons les ferments pancréatique et intestinal, qui, ne peuvent accomplir leurs opérations chimiques que dans un milieu alcalin ou neutre, ou tout au plus légèrement acide. Voilà donc un grand nombre de faits qui démontrent incontestablement le pouvoir antiseptique et antifermentatif de l'acide du suc gastrique. Il ne faudrait pas croire cependant, à Texemple de Bunge et d'autres auteurs, que la principale raison d'être de la sécrétion chlorhydrique soit sa fonction antiseptique. Comme l'a fait justement observer Ch. RiCHET, le suc gastrique ne se conserve pas indéfiniment lorsqu'on le retire de l'orga- nisme. Abandonné à lui-même, il fermente et devient beaucoup plus acide qu'il ne l'était au moment de son extraction. Ces phénomènes sont d'autant plus accentués que le suc gastrique est plus impur et que la température est plus élevée. Tous les expérimentateurs qui se sont servis du suc gastrique naturel pour faire des digestions artificielles, se sont assurément aperçus de la facilité avec laquelle ces liquides deviennent le siège de la putréfaction. La vérité est que l'acide chlorhydrique libre ne peut être comparé dans ses effets à l'acide du suc gastrique qui se trouve en grande partie combiné aux matériaux albuminoïdes. Il est bien probable que si, au lieu de faire les expériences dont nous avons parlé avec l'acide chlorhydrique en solution ou avec le suc gastrique plus ou moins pur, on les avait faites avec le contenu stomacal, où tout l'acide chlorhydrique est en général à l'état de combinaison, on aurait constaté que la fonction antiseptique et antifer- mëntescible du suc gastrique n'est; pas aussi importante qu'on a bien voulu le croire. En tout cas, il y a deux faits, dont la valeur ne saurait être contestée par personne, qui démontrent : 1° qu'un grand nombre d'êtres inférieurs peuvent vivre et se développer dans la cavité de l'estomac; 2" que les animaux privés de cet organe se défendent tout aussi bien contre certaines infections qui peuvent pénétrer par la voie digestive, que les animaux normaux. Pachon et moi nous avons fourni la preuve directe de cette assertion en faisant avaler à un chien, auquel nous avions extirpé l'estomac, oOO grammes de viande pourrie tous les jours pendant une semaine. Cette expérience, nous l'avons faite à l'instigation de l'idée formulée par Bunge dans son Traité de Chimie biologique, à savoir que, pour juger de l'importance des fonctions gastriques au point de vue antiseptique, il fallait injecter de la viande corrompue à des chiens privés d'estomac. Or lout ce que nous pouvons dire à ce propos, c'est qu'à aucun moment notre animal n'a présenté le moindre signe d'indis- position, et qu'il supportait la viande pourrie aussi bien que son repas ordinaire formé d'une soupe de pain et de viande. Nous pouvons donc affirmer que, quelle que soit la ESTOMAC. 639 valeur des fonctions antiseptiques du. suc gastrique, sa fonction digestive est à coup sûr beaucoup plus importante. D'après les reclierchesde PAVLOwet de ses élèves, l'acide chlorhj'drique jouerait encore le rôle d'exciter par voie réllexe, en pénétrant dans l'intestin, l'activité de la glande pancréatique. Ces auleurs ont vu, en injectant directement dans le duodénum 250 cen- timètres cubes d'une solution d'acide chlorliydrique à 1 ou 2 p. 1000, que le pancréas sécrète alors un liquide abondant, jouissant de toutes les propriétés d'un suc actif. L'acide chlorliydrique aurait donc trois fonctions différentes dans l'organisme : 1'^ une fonction digestive; 2" une fonction antiseptique, et 3° une fonction excito-sécrétoire de la glande pancréatique. Nous croyons que la première de ces fonctions domine toutes les autres, car non seulement l'acide chlorliydrique intervient directement dans la diges- tion stomacale, en transformant les principes protéiques en syntonines, mais il pousse plus loin cette transformation en aidant l'activité de la pepsine. (3) Ferments du suc gastrique. — A) Pepsine. — a) Découvertes et méthodes d'ob- tention de la pepsine. — En 18.38, Schwann démontra qu'on pouvait retirer de l'extrait aqueux de la muqueuse de l'estomac un principe actif auquel il donna le nom de pepsine [r.i'^ii, coction ou digestion). Pour cela, il traitait l'extrait de cette muqueuse par l'acétate de plomb, reprenait le précipité formé par l'eau, puis le décomposait par un courant d'hydrogène sulfuré. De cette façon, le plomb était précipité, et il ue restait plus en solu- tion qu'une substance amorphe qu'on pouvait mettre en évidence en évaporant le liquide dans le vide. Ce résidu, repris par l'eau, se montrait tout aussi actif vis-à-vis des albu- mines que le suc gastrique lui-même. Quelques années plus tard, Wassmann et Pape.nheim réussirent à préparer de la pepsine plus pure en précipitant par l'alcool la solution obtenue précédemment par Schwann. Wittich conseilla dans ce même but de faiie macérer la muqueuse stomacale dans la glycérine, puis de traiter l'extrait glycérique par l'alcool absolu. On sait que tous les ferments ont la propriété de se dissoudre dans la glycérine et qu'ils précipitent de cette solution par l'alcool absolu. Le procédé de Wittich offre cet avantage que la glycérine dissout les ferments, même lorsqu'ils sont encore dans les cellules glandulaires, et cela sans dissoudre les principes albuminoïdes. Toute- fois, jusqu'aux recherches de Brucke, on ne fut pas en possession d'une méthode per- mettant d'obtenir de la pepsine véritablement active. Cet auteur avait remarqué que lorsqu'on produit un précipité dans un liquide contenant de la pepsine, ce liquide perd ses propriétés peptiques. Il en est de même si on l'agite avec une poudre inerte, telle que la poudre de charbon, d'émeri, de brique, etc. La pepsine adhère aux particules insolubles, et elle peut être entraînée par simple filtration. En partant de ces deux faits, Brucke institua le procédé suivant pour obtenir l'isolement de la pepsine : la muqueuse de l'estomac d'un porc, bien lavé, est mise à digérer dans l'acide phosphorique étendu, à la température de 38°, jusqu'à ce que le liquide de digestion ne contienne plus de traces d'albumine (réaction de l'acide acétique et du ferrocyauure de potassium). Ce liquide est ensuite neutralisé par l'eau de chaux, aussi exactement que possible. On filtre, et on dissout le précipité (formé de phosphate tricalcique) dans une solution étendue d'acide chlorhydrique. Finalement la liqueur acidulée est traitée par une solution alcoolo-éthérée de cholestérine (i parties d'alcool et 1 d'éther). La cholestérine se pré- cipite en formant une masse blanchâtre bourbeuse, qui gagne la surface du liquide en entraînant avec elle le principe digestif. On agite le mélange pour faire adhérer plus intimement encore la pepsine au précipité, et l'on filtre. Le filtre est lavé, d'abord avec de l'eau contenant un peu d'acide acétique, puis avec de l'eau distillée. On lave jusqu'à ce que les eaux de lavage ne contiennent plus d'acide chlorhydrique. La cholestérine encore humide qui reste sur le filtre, et à laquelle adhère la pepsine, est transvasée dans un flacon contenant de l'éther pur. On obtient ainsi une solution qui présente deux couches : une supérieure, éthérée, contenant la cholestérine, et une autre, inférieure, aqueuse, qui renferme le principe actif. Avant de décanter la liqueur éthérée, on agite à plusieurs reprises, afin de bien entraîner les dernières traces de cholestérine. Pour bien faire, il faut épuiser la solution plus d'une fois par l'éther. Enfin, après avoir décanté l'éther, il ne reste au fond du Uacon qu'un liquide légèrement trouble, qui devient lim- pide par simple filtration. Ce liquide, convenablement acidifié, possède une action éner- gique sur les matières albuminoïdes. BaucicEavu qu'il peut digérer des quantités énormes 6i0 ESTOMAC. de fibrine ; mais ce qu'il y a de vraiment remaïquable, c'est que ce liquide, qui ofTre au plus haut degré les propriétés de la pepsine, ne pi-ésente plus un grand nombre de réactions, qui sont caractéristiques des principes albuminoïdes. C'est ainsi qu'il n'est plus précipitable, ni parle sublimé, ni par le tanin, ni par l'acide nitrique. Un autre caractère, qui permet de séparer la pepsine des liquides dans lesquels elle se trouve en solution, est sa faible difTusibilité. Cette propriété a permis à quelques auteurs de préparer de la pepsine très pure. Maly est arrivé, en soumettant à la dialyse a liqueur acidulée de Brucre, à obtenir un liquide, qui, quoique très pauvre en matières fixes (0^'",OOOd p. 1 000), se montre particulièrement actif. Slndberg aussi emploie la dialyse dans ce même but; mais son procédé est un peu différent de celui de Brucre et de Maly. 11 broie la muqueuse stomacale avec du sel marin, et, lorsque la trituration est complète, il additionne le mélange d'une quantité d'eau suffisante à dissoudre le sel. Cette bouillie est ensuite mise à macérer pendant deux ou trois jours, puis jetée sur un filtre. La liqueur filtrée est débarrassée du sel qu'elle contient par la dialyse, faite en présence de l'eau acidulée. Le liquide qui reste dans le dialyseur est comme celui qu'on obtient par le procédé de Maly, d'une grande puissance protéolytique, et exces- sivement pauvre en albumine. Si on veut le purifier encore, Sundberg conseille de l'additionner d'un mélange de phosphate disodique et de chlorure de calcium et de le neutraliser par l'ammoniaque étendue. 11 se forme alors un précipité qu'on sépare par filtration. Ce précipité, lavé d'abord à l'eau, est dissous dans l'acide chlorhydrique étendu, puis soumis à la dialyse, jusqu'à la disparition complète des sels qu'il renferme. Le liquide ainsi obtenu ne contient pas des traces d'albumine. Tout au moins, Sundberg affirme qu'il ne précipite plus par aucun des réactifs des principes albuminoïdes (tanin, sublimé, iode, chlorure de platine, acétate et sous-acétate de plomb). Seul l'alcool absolu jouit du pouvoir de le troubler en y donnant un précipité louche, composé d'une série de flocons, qui, soumis à la calcination, dégagent une odeur de corne brûlée. A. Gautier a proposé une autre méthode. Les raclures de la muqueuse stomacale, lavées à l'eau fraîche, sont mises à digérer avec 5 fois leur volume d'eau acidulée de i^",^ p 100 d'acide acétique, en présence d'une trace d'acide cyanhydrique, et en agitant de temps à autre. Après vingt-quatre heures, on exprime dans un linge, on neutralise presque la liqueur, on la filtre et on la concentre au cinquième dans le vide à 40". On a précipite alors par une grande quantité d'alcool à 95°. On redissout le précipité dans l'eau, on filtre, et le liquide, neutralisé par de la craie en excès, est, sans filtration préalable, additionné de sublimé. Quand il ne se fait plus de flocons sensibles, et que le louche ne paraît plus augmenter, on filtre, on élimine l'excès de mercure par l'hydrogène sulfuré, on filtre de nouveau, et, sans se préoccuper de la limpidité plus ou moins parfaite du liquide, on l'évaporé entre 35° et 40° dans un courant d'acide carbonique; on reprend le résidu sec par l'alcool fort qui enlève de l'acide chlorhydrique et diverses impuretés, puis le résidu, dissous dans l'eau, est débarrassé de la chaux à l'aide d'une quantité suffisante d'acide oxalique étendu. On filtre, on soumet pendant deux jours à la dia- lyse, puis on concentre dans le vide, et oh précipite par l'alcool absolu qui donne la pepsine pure. Toutes ces opérations doivent se faire dans un courant d'acide carbo- nique. Le procédé de Kïhne et Chittenden, qui est à l'heure actuelle l'un des plus employés, se fonde sur une série de précipitations successives des liquides de digestion de la muqueuse stomacale, par le sulfate d'ammoniaque. On hache finement la muqueuse d'un estomac de porc et on la met à digérer à l'étuve, dans une solution étendue d'acide chlorhy- drique. Au bout de plusieurs jours, lorsqu'on constate que le liquide ne contient plus d'albumoses, et que la digestion devient traînante, par suite de l'accumulation des produits digestifs, on sature le liquide de sulfate d'ammoniaque. Le précipité d'albu- mose qui se produit et qui entraîne avec lui la pepsine est exprimé et soumis à une nouvelle digestion avec de l'acide chlorhydrique étendu. Cette opération est renouvelée jusqu'à ce que toutes les albumoses aient été trans- formées en peptone. A ce moment, le sulfate d'ammoniaque ne précipite plus que la pepsine. On reprend le précipité par l'eau, et on le débarrasse des sels qu'il contient par une dialyse prolongée. En traitant ensuiteje liquide du dialyseur par quatre ou cinq fois son volume d'alcool absolu, on obtient un précipité floconneux qui serait, d'après Kliine ESTOMAC. 64t et Chittenden, de la pepsine 'pure. Ajoutons qu'il est alors d'une grande importance d'éliminer l'alcool le plus rapidement possible. M""^ ScHOUMOW-SiMANOwsKY a observé, en refroidissant le suc gastrique pur, que ce liquide abandonne un dépôt laiteux, qu'elle considère comme une pepsine chlorliydrique. Par ces divers procédés, on arrive à obtenir des produits extrêmement actifs, mais il reste à savoir si ces produits sont véritablement de la pepsine pure. b) Nature de la pepsine. — Le fait qu'au fur et à mesure qu'on perfectionne les méthodes d'analyse du suc gastrique, les produits obtenus diminuent de quantité et que leur composition devient de moins en moins complexe, nous fait penser que les notions qu'on a jusqu'ici sur la constitution chimique de la pepsine ne peuvent être consi- dérées comme exactes. Lorsque Sghwann réussit à isoler du suc gastrique artificiel le principe actif auquel il donna le nom de pepsine, la plupart des auteurs admirent que cette substance faisait partie du groupe dés albuminoïdes. Schwann avait vu en ell'et que cette pepsine précipitait de ses solutions par l'alcool, le tanin et les sels métalliques, et que, si on la chaull'ait avec la potasse ou l'acide nitrique, elle réagissait comme les autres matières protéiques. L'analyse de cette pepsine montra d'autre part que sa constitution était sensiblement la même que celle des principes albuminoïdes. C'est ainsi que Schmidt trouva les chiffres suivants, chiffres qu'il est intéressant de comparer à ceux qui ont été donnés par Grlibler pour l'albumine cristallisée. PEPSINE PAR SCHMIDT. ALBUMINE PAR GRUBLER, Carbone 53,0 6,7 17,8 22 5 52,98 7,25 18,99 19,81 Hydrogène Azote Oxygène Comme on le voit, la ressemblance entre ces deux corps ne peut être plus frappante; seulement, ainsi que Brûcke le démontra plus tard, la pepsine de Schwann était un produit très impur qui contenait encore des quantités appréciables d'albumine. En opérant comme BrCcke l'a conseillé, la pepsine ne présente plus les réactions des albu- minoïdes. Elle est encore précipitable par le chlorure de platine et les acétates de plomb, neutre et basique, mais elle peut même perdre ces caractères, si, à force de pré- caution, on arrive à la débarrasser le plus possible des produits impurs qui la souillent (Sundberg). En présence de ces faits, il nous semble peu probable que la pepsine soit une substance albuminoïde. Toutefois, M"'= Schoumow-Simanowski prétend que le dépôt abandonné par le suc gastrique pur à la température de 0°, et qui, d'après cet auteur, ne serait autre chose que la pepsine pure, se comporte vis-à-vis des divers réactifs exactement de même que l'albumine. Entre autres caractères, cette substance présente- rait celui de se coaguler à 60°. Si on la soumet à l'analyse, on trouve que sa constitution chimique se rapproche singulièrement de celle des albuminoïdes, avec celte seule différence que la molécule de pepsine renferme toujours une certaine quantité de chlore. PEPSINE OBTENUE PAR L'ACTION du froid. 1 PEPSINE OnTKNUE PAR LE SULFATE d'ammoniaque. Carbone p. 100. 50,71 7,17 1,16 et 1,06 0,98 p. 100. 50,37 6,88 0,89 et 0,89 1,35 et 1,24 14,55 et 15,0 Hydrogène Chlore" Soufre Azote M™<= ScHOUMOw-SiMANOwsKt a constaté de plus que la pepsine obtenue par le sulfate d'ammoniaque présente sensiblement les mêmes caractères que la pepsine extraite par le refroidissement. Voici d'ailleurs quelques chiffres sur l'analyse de ces deux pepsines. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 41 642 ESTOMAC. Pekelharing s'associe complètement aux idées de M™'' Schoumow-Simanowski et pense comme cet auteur que la pepsine est une substance albuminoïde. D'après lui, le suc gas- trique artificiel, de même que les solutions de pepsine industrielle, abandonnent, lors- qu'on les soumet à une dialyse prolongée (vingt-quatre heures) en présence de l'eau, un précipité qui reste au fond du dialyseur et qui jouit de tous les caractères chimiques de la pepsine. Si l'on fait l'analyse de ce précipité après l'avoir débarrassé des produits impurs, en le reprenant par l'acide chlorhydrique étendu et en le soumettant de nouveau à la dialyse, on trouve qu'il est essentiellement constitué par une substance albuminoïde phosphorée qui ressemble beaucoup aux nucléines. Pekelharing a fait de plus observer que, si les liqueurs peptiques de Brucre ne pré- sentent pas les réactions communes des albuminoïdes, c'est parce que la pepsine y est en petite quantité. Il y a donc une contradiction manifeste entre les expériences de M'^'^ Schoumow-Sima- nowski et de Pekelhariisg et celles de Brucke et de SOndberg, Mais, si l'on tient compte de ce fait que les liqueurs peptiques préparées par ces derniers auteurs, tout en conservant une grande puissance protèolytique, ne présentent plus les réactions des albumines, on est forcé de conclure que la pepsine de M'"*' Schoumow, de même que celle de Pekelharing, est une substance impure, mélangée certainement à des principes albuminoïdes. Rappelons que les solutions peptiques de HrliCke et de Sundberg ne précipitent pas par l'acide tan- nique, alors que ce réactif est capable de déceler la présence de 1 p. lOOOOO d'albu- mine. La plupart des auteurs admettent cependant que la pepsine est une substance azotée. Sïjisdberg, lui-même, affirme avoir trouvé dans l'analyse du précipité que l'on obtient en traitant par l'alcool la liqueur peptique, exempte d'albumine, une certaine (juantité d'azote, mais il n'a pas pu en fixer les proportions. L'hypothèse de Schiff, qui fait de cette substance un produit de transformation de la dextrine, ne repose sur aucun fondement. En résumé, dans l'état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas nous pro- noncer sur la nature de la pepsine. Ajoutons que, s'il fallait en croire certaines vues the'oriques, la pepsine, de même que les autres ferments, n'aurait pas d'existence matérielle et serait exclusivement une nouvelle forme de l'énergie (??). c) Propriétés générales de la pepsine. — Malgré l'ignorance dans laquelle nous sommes sur la nature de la pepsine, nous avons le moyen de connaître les caractères essentiels de cette substance, en étudiant les propriétés générales des liquides peptiques, ou des autres produits plus ou moins impurs que l'on retire de la muqueuse de l'estomac, et qui jouissent de la même fonction chimique que la pepsine. Cette fonction consiste à trans- former les matières albuminoïdes en peptones. Le principe qui produit cette transforma- tion se présente, dans son plus grand état de pureté, sous la forme d'une poudre blanchâtre qui ressemble beaucoup au blanc d'œuf desséché ; elle est parfaitement soluble dans l'eau, incoagulable par la chaleur, et peu diiïusible. La diffusibilité de la pepsine a donné lieu à beaucoup de controverses. Tandis que Wittich affirme que la pepsine dialyse parfaitement lorsque le liquide extérieur au dia- lyseur n'est pas de l'eau pure, mais de l'acide chlorhydrique étendu, Hammarsten, Wollfhugel, Paschutin, Hoppe-Seyler et Wroblewski soutiennent l'opinion contraire. 11 semble cependant, d'après les recherches récentes de Chodschajew, que la pepsine, de même que les autres ferments, peut, dans des conditions favorables, traverser le par- chemin du dialyseur. Cette dialyse est toujours très faible, mais elle augmente un peu avec le temps et n'est pas arrêtée par la présence des matières colloïdales mélangées. La pepsine est entraînée de ses solutions par les précipités qui se forment dans le sein de ces liquides. Tandis que le suc gastrique naturel ou les solutions artificielles de pepsine perdent toute propriété protèolytique lorsqu'elles ont été chauffées à 60° ou 70", la pepsine précipitée ou les poudres retirées des extraits de l'estomac, résistent, si elles ont été bien desséchées, à la température de 100" à 120", sans se détruire (Salkowskij. Lorsque les liqueurs peptiques sont faiblement acides, contiennent très peu de sels et sont pauvres en peptones, c'est-à-dire, lorsqu'elles sont relativement pures, elles se détruisent rapidement à la température de 60". Dans le cas contraire, spécialement si ESTOMAC. 648 elles conlienneut une grande quantité de peplone, il faut les porter à 70° pour les rendre complètement inactives. Biernacki a observé que les solutions de pepsine impure conservent pendant longtemps leurs propriétés peptiques à la température de 60". Le refroidissement diminue l'activité de la pepsine, et, dans certaines limites, arrive à la supprimer. Toutefois la pepsine des animanx à sang froid peut continuer à agir à la température de 0°. Au-dessous de cette limite, cette substance est complètement para- lysée, mais, d'après les recherches de Blondlqt et celles, plus récentes, de M™« Schoumow- SiMANOwsKi, on peut congeler le suc gastrique sans lui faire perdre son pouvoir proléo- lytique. La température la plus favorable à l'activité de la pepsine oscillerait entre 33° et oO'^, d'après Wittich, et entre 50" et 60" d'après Klug ; mais il n'y a là rien d'absolu, car toutes les liqueurs peptiques ne se comportent pas de la même façon vis-à-vis de la tem- pérature. Comme tous les autres ferments, la pepsine est soluble dans la glycérine et précipi- table de ses solutions par l'alcool absolu. Les flocons qui forment ce précipité, redis- sous dans de l'eau acidulée, fournissent de nouveau une liqueur active, mais, si on les laisse pendant longtemps séjourner dans l'alcool, ils deviennent insolubles dans l'eau acidulée et ne communiquent plus à ce liquide aucune propriété protéolytique. L'acidité du milieu est une condition essentielle à l'activité de [la. pepsine. C'est là un des carac- tères qui permet de distinguer facilement la pepsine des autres ferments protéolytiques. Lorsqu'on neutralise exactement les solutions peptiques, elles deviennent inactives; mais la pepsine semble se conserver longtemps dans ces solutions neutres, car il suffit de les aciduler pour leur rendre de nouveau leurs propriétés actives. Les alcalis caustiques et leurs carbonates suppriment rapidement le pouvoir digestif de la pepsine. Langley a vu que le suc gastrique ou les solutions de pepsine contenants à 10 p. i 000 de carbo- nate de soude, n'attaquent plus les principes albuminoïdes. D'après cet auteur, la pepsine elle-même serait détruite en peu de temps par l'action du carbonate de soude. Contrai- rement à celte opinion, Herzex soutient que les alcalis ne détruisent pas définitivement la pepsine; car, dit-il, pour rendre aux sucs gastriques alcalinisés leur propriété primi- tive, il ne suffit pas de les aciduler, il faut auparavant les faire traverser parmi courant de gaz carbonique. D'après Chandelon, les solutions de pepsine rendues inactives par le carbonate de sodium recouvrent leurs propriétés protéolytiques en présence de l'eau oxygénée. L'oxygène libre ne produit pas le même résultat. Enfin la pepsine ne parait pas putrescible, quoiqu'elle s'altère en solution dans l'eau au bout de quelques jours. D'autre part, elle ne s'oppose nullement à la putréfaction, ainsi que Albertoni et Cohn l'ont constaté. cl] Diverses variétés de pepsine. — En laissant de côté les pepsines d'origine végétale et microbienne, dont la fonction chimique nous est beaucoup moins connue (voy. l'article Digestion), nous trouvons parmi les pepsines animales des différences telles au point de vue de leur activité que tout porte à croire (jne ces pepsines constituent, sinon des espèces chimiques différentes, tout au moins des états moléculaires différents d'une même enzyme. En effet, la pepsine des animaux à sang froid se comporte tout autre- ment que la pepsine des animaux à sang chaud. Klug et Wroblewsri ont signalé des différences du. même ordre entre les pepsines des divers mammifères. Mais ce qui est tout à fait curieux, c'est que la muqueuse gastrique d'un même animal peut renfermer plu- sieurs espèces de pepsine. En général, on n'en distingue que deux :1a propepsine, sub- stance inactive et insoluble qui se transforme rapidement en pepsine active, etlapepsme ordinaire, qu'on retrouve constamment dans le suc gastrique naturel. Edkins et Langley sont arrivés à séparer ces deux substances en mettant à profit la destruction rapide de la pepsine par les solutions de carbonate de sodium à 0, 5 p. 100, lesquelles n'attaquent que très lentement la propepsine. Les muqueuses gastriques froides contiendraient, d'après Podwyssotzki, plusieurs formes transitoires de propepsine : propepsine a, insoluble dans la glycérine, et propepsine p, soluble, et quelques traces seulement de pepsine active; mais, lorsqu'on abandonne ces muqueuses au contact de l'air humide, ou mieux encore, au contact de l'oxygène saturé de vapeur d'eau, pendant vingt-quatre heures, on y trouve des quantités considérables de pepsine. On doit à A. Gautier une méthode complète pour isoler ces diverses espèces de pep- 644 ESTOMAC. sine. Des raclures d'estomac de porc sont mises à digérer à la température de 0", pen- 2 dant vingt-quatre heures, avec de l'eau contenant -— — d'acide sulfurique. Les liqueurs acidulées sont décantées, et, sans filtrer, agitées avec du carbonate de baryte pour enle- ver tout l'acide sulfurique ajouté, enfin dialysées pour séparer en partie les peptones et les sels. La liqueur A qui contient les ferments dont nous allons parler est louche et ne peut être clarifiée par filtration sur le papier. Elle tient en suspension 1 à 2 p. t 000 d'une substance formée de corpuscules très petits de 1,5 à 2 p. de diamètre, irrégulièrement arrondis, très réfringents. On les sépare au moyen du filtre de biscuit de porcelaine sur lequel ils s'arrêtent. C'est ce ferment que A. Gautier appelle la pepsine insoluble et qui représente la propepsine ou pepsinogènc des Allemands. Ce corps, traité par l'eau dis- tillée, fournit d'une façon presque indéfinie des liqueurs exemptes d'albuminoïdes, très pauvres en matières organiques, aptes à peploniser la fibrine, sinon complètement au moins partiellement. Le pouvoir de cette pepsine piresque insoluble ou pepsiuogène est détruit à 56". Elle peut rester quelque temps en présence d'une solution de carbonate de 2 sodium à -;^ sans s'altérer sensiblement. La liqueur claire séparée du ferment insoluble précédent, grâce au filtre de porcelaine,^ contient encore deux autres ferments peptiques solubles, que A. Gautier a séparés en y laissant séjourner des floches de soie grège, préalablement lavées à l'acide chlorhy- drique à 1 pour 100, puis bien rincées à l'eau courante. Cette soie s'empare d'une pep- sine qui vient adhérer à sa surface et que l'eau pure ne peut plus enlever, mais qu'on extrait en les laissant séjournerdans l'acide chlorhydrique étendu de 200 volumes d'eau. Ce ferment peptonise partiellement, mais jamais complètement, la fibrine de bœuf, quel que soit le temps de contact et la quantité. C'est une pepsine imparfaite, à laquelle Gautier a donné le nom de propeipsine, parce qu'elle ne produit que des propeptones ou albu- moses. La liqueur résiduelle d'où la propepsine a été extraite contient encore une troisième zymase que la soie n'est plus apte à enlever à la liqueur et qui jouit du pouvoir digestif complet. C'est la pepsine soluble complète, la pepsine ordinaire qui se trouve dans le suc gastrique, à côté de deux autres ferments. Un autre procédé indiqué par ce même auteur pour obtenir la pepsine insoluble ou pcpsinorjéne, consiste à faire digérer vingt-quatre heures à 3;i° de la raclure de l'estomac 2 de porc avec de l'acide chlorhydrique à "" ■ . Dans ces conditions, tout se dissout à l'ex- ception de quelques épithéliums, de la pepsine insoluble et d'un peu de nucléine. On lave, et on traite par de l'acide chlorhydrique à 1 p. 100, mêlé de 1 p. 100 de sel marin, liquide, qui, par digestion à 40°, dissout la pepsine insoluble qu'on peut précipiter ensuite par l'alcool. En ce qui concerne cette pepsine insoluble, Chandelon a observé aussi qu'une solution chlorhydrique de pepsine, additionnée de fibrine par portions successives jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus en dissoudre, donne par filtration un liquide trouble qui, additionné d'acide chlorhydrique à 2 p. 1 000, redevient apte à digérer la fibrine. Si, au lieu de filtrer sur le papier, on se sert d'argile, la liqueur est limpide, et l'addition d'acide chlorhy- drique ne lui confère plus la propriété de dissoudre la fibrine. Sur le filtre on trouve des particules insolubles dans l'eau et dans la glycérine que l'acide chlorhydrique à 2 p. 1000 dissout en donnant une solution douée de propriétés digestives. Ajoutons encore que, d'après Finkler, la pepsine sèche, chauffée entre 40° et 70°, s'altère et se transforme en une matière qu'il nomme isopiepsinc, dont l'action, en solution acide, sur les principes albuminoïdes s'arrête à la phase de la parapeptone de Meissner. Mais il faut dire que ces résultats ont été contestés par Salkowski. c) Fonction chimique de la pepsine. — Les solutions acides de pepsine transforment les principes albuminoïdes en une série de corps dont le terme le plus avancé est lapep- tone. Ces corps se distinguent des matériaux dont ils dérivent par un certain nombre de propriétés physiques et chimiques. Ils sont plus solubles et plus difîusibles que l'albu- mine et ne précipitent plus ni par les acides étendus, ni par la chaleur. Si l'on prend comme objet d'étude la fibrine, et si l'on analyse les liquides de diges- ESTOMAC. 645 tion, jusqu'à ce que la dissolution de la fibrine soit aussi complète que possible, on trouve une série de corps qui, par ordre chronologique, sont les suivants : l"^' phase : Syntonine ou acidalbiiminc. \ f tre ' ■ 1 ! Proto-alljiimoscs. Digestion peptique de la fibrine. < 2" phase : Albumoses. < ' ( Hétéro-album 3» phase : Peptones. Osrs. 2" jiériodc : Deutéro-albumoscs. Chacun de ces produits peut être extrait des liquides de digestion à un moment donné du processus digestif. Ainsi, si l'on neutralise exactement ces liquides, pendant les pre- miers moments de la digestion, on obtient un précipité qui n'est autre que la s.)jntonine, ou la. parapeptone de Meissner. Un peu plus tard, les liquides de digestion, débarrassés de ce premier précipité, précipitent encore par le sulfate d'ammoniaque. En faisant cette précipitation en milieu neutre, puis en milieu acide, puis en milieu alcalin, on obtient un groupe de substances que Klhne appelle des albumoses, et qu'on peut séparer les unes des autres par le procédé suivant : on reprend le précipité formé par le sulfate d'ammo- niaque, et on le débarrasse de l'excès de sel par la dialyse, puis on le dissout dans de l'eau légèrement salée. Cela fait, on neutralise cette liqueur, et on la sature par le chlo- rure de sodium qui précipite complètement Vhétéro-albumosc et une partie de la proto- alhumose, en laissant le reste de cette dernière substance et toute la deiitéro-albiimose en solution. On lîltre et on soumet à la dialyse le précipité formé. La proto-albumose passe à travers le dialyseur, pour aller se dissoudre dans l'eau, tandis que V hétéro-albumoae y reste précipitée. D'autre part, on traite la liqueur filtrée par une solution d'acide acétique à 30 p. 100, et on la sature de chlorure de sodium. Toute la /)rofo-rti?»MWOse et une partie de la dcutéro-albiimose sont précipitées. On filtre et on dialyse le précipité. La deutéro- albumose diffuse dans l'eau, et dans le liquide dialyse, de même que dans le liquide filtré auparavant, on précipite cette substance, après neutralisation, soit par le sulfate d'am- moniaque, soit par un excès d'alcool. Ce procédé se fonde, en somme, sur les différences de solubilité des diverses albumoses, dans l'eau, dans l'eau salée et dans l'eau salée et acidulée par l'acide acétique. L'hétéro-albumose est complètement insoluble dans l'eau pure; la proto-albumose est totalement soluble dans l'eau, mais incomplètement inso- luble dans la solution saturée de chlorure de sodium. Enfin la deutéro-albumose, qui est soluble dans les liqueurs précédentes, se précipite en partie dans les solutions saturées de chlorure de sodium, et acidulées par l'acide acétique. Toutes ces substances ont un réactif commun, qui est le sulfate d'ammoniaque. Lorsque la digestion est assez avancée, les liquides où la fibrine s'est dissoute con- tiennent, en dehors des syntonines et des albumoses, d'autres substances protéiques qui reçoivent le nom de peptones. Ces corps ne précipitent plus par les mêmes réactifs que les précédents; mais on peut les mettre en évidence à l'aide de la réaction du biuret,*ou en les précipitant par l'alcool absolu. Dans cette étude de l'action chimique de la pepsine sur les principes albuminoïdes, nous avons eu soin de ne pas compliquer inutilement les divers produits qui en résultent. Toutefois, à côté des corps signalés, qui représentent, pour ainsi dire, les produits utiles de \SL peptonisation, il en est d'autres dont l'existence est moins régulière, qui peuvent être considérés comme les restes de la digestion. D'une manière générale, surtout lorsque les substances protéiques mises à digérer renferment de la nucléine, les liquides de digestion abandonnent, même au bout d'un temps très long, un dépôt pulvérulent qui est complètement inattaquable par la pepsine. Ce dépôt a été -désigné par Meissner sous le nom de dyspeptone, et semble appartenir au groupe des nucléines. D'autre part, Kûhne ^l ses élèves admettent que la molécule des protéides se dédouble sous l'infiuence de la pepsine, d'abord en deux substances : Vanti-albumose etl' hémi-albumose, qui se comportent différemment au cours de la peptonisation. Vanti-albumose, très analogue à la parapep-^ tone de Meissner, presque inattaquable par la pepsine, se transforme par le suc pan- créatique en anti'peptone, substance qui résiste à l'action ultérieure de la trypsine, V hémi-albumose est en réalité un mélange des albumoses que nous avons nommées, lesquelles se transforment facilement en hémi-peptone sous l'infiuence de la pepsine D'autre part, la trypsine attaque l'hémi-peptone en produisant de la leucine et de la tvro- 646 ESTOMAC. sine. L'hémi-albumose renfermerait ainsi le noyau aromatique de l'albumine. On obtient et on sépare Vhémi-albumose de l'anti-albumose, en interrompant la digestion au bout d'une heure ou deux et en neulralisant exactement les liquides en expérience. On a alors un précipité visqueux formé par l'anti-albumose impure, qui entraîne avec elle la synto- nine. L'hémi-albumose reste en solution. Contejean, qui a répété les expériences de Kûhne, prétend que l'anti-albumose est un produit artificiel qui dérive de la syntonine, modi- fiée par des précipitations successives. Il affirme que la pepsine, placée dans des condi- tions favorables, transforme totalement l'albumine en syntonine, la syntonine en propep- tone (albumoses) et enfin, la pro-peplone presque complètement en peptone. Nous ne pouvons pas cependant rejeter sans discussion les travaux deNEUMEisTER, qui confirment, à quelques différences près, les vues de Kuhne. Neumeister a observé, en faisant agir les solutions acides de pepsine ou d'autres agents hydrolytiques, comme l'acide sulfurique étendu (5 p. 100 de SO'H^ à la température de l'ébullition) sur la proto-albumose et sur l'hétéro-albumose pures, que ces deux substances se transforment en deutéro-albu- mose, puis en peptone. Mais, tandis que toute ou à peu près toute la proto-albumose se dédouble rapidement en peptone, l'hétéro-albumose donne toujours un reste considé- rable d'anti-albumose, et seulement une petite partie se transforme en peptone. D'autre part, si on soumet à la digestion tryptique les peplones dérivées de la proto-albumose et de l'hétéro-albumose, on constate que les premières se dédoublent complètement en acides amidés, tandis que les secondes restent en partie inattaquables par la trypsine. Nkumeister conclut donc avec Kuhne et Chittenden que l'hétéro-albumose est principale- ment une anti-albumose, contenant seulement des traces d'hémi-albumose, tandis que la proto-albumose est essentiellement une hémi-albumose pure. Neumeister prétend même que la plupart des produits résultant du dédoublement peptique de la proto-albumose et de l'hétéro-albumose, sont tout à fait différents. A l'appui de cette opinion, il cite le fait que la deutéro-albumose, provenant de la proto-albumose, est quelque peu soluble dans les solutions saturées de sulfate d'ammoniaque, tandis que la deutéro-albumose, qui dérive de l'hétéro-albumose, y est complètement précipitée. Neumeister a fait voir de plus que, dans le processus digestif de la fibrine, la proto-albumose et l'hétéro-albumose, qu'il appelle les albumoses primaires, apparaissent bien avant les deutéro-albumoses, qu'on doit considérer comme des albumoses secondaires. Voici le schéma qui représente, d'après lui, les diverses phases par lesquelles passe la digestion peptique des protéides. La prépondérance d'un groupe sur l'autre est mar- quée dans chaque dédoublement par une ligne épaisse ou mince. Dédoublement peptique des protéides. Schéma de Neumei.ster. Une mole'cide de protéide donne Hémigroupes. Proto-albumose. (Ampho-albumose). Deutéro-albumose . (Ampho-albumose). Ampho-peptone AntigTOupes. Hétéro-albumose. (Ampho-albumose). Deutéro-albumone. (Ampho-albumose). Ampho-peplone. Anti-albumine. Deutéro-albumose. (Anti-albumose). Anti-peptone. La marche des phénomènes digestifs n'est pas interprêtée delà même façon par tous les auteurs. Ainsi, Zuntz, entre autres, soutient que l'albumine se dédouble d'emblée en acidalbumine et en albumoses primaires. A l'appui de cette opinion il cite les deux faits suivants : 1» les liquides digestifs peuvent contenir au début de la digestion des albumoses primaires sans trace d'acidalbumine; 2° la sérumalbumine cristallisée donne parfois sous l'influence des acides, des albumoses primaires sans acidalbumine, ainsi que Gqldschmit l'a observé. Huppert conteste cette interprétation. Cet auteur démontre en premier lieu que l'aci- ESTOMAC. 647 dalbumine pure se transforme sous l'influence de la pepsine en albumoses primaires. D'autre part, il fait voir que, lorsque la formation de l'acidalbumine est faible, comme cela arrive dans les liquides de digestion peu acides, l'acidalbuinine formée se trans- forme en albuniose primaire, au fur et à mesure de sa production. C'est ainsi qu'il explique les résultats obtenus par Zuntz. En résumé, la digestion peptique de la fibrine fournit, en debors des syntonines et àes peptones, teiines dont la constitution chimique nous est plus ou moins connue, un groupe de substances qu'on désigne par le nom générique d'albumose:>, ayant des réac- tions assez différentes, mais qui ne sont probablement pas des espèces chimiques bien définies. Tons les jours on propose de nouveaux réactifs pour séparer les albumoses des peptones (chlorure de fer et carbonate de zinc, chlorure de zinc, etc.), mais aucun n'est bien satisfaisant. Il est difficile de prévoir où l'on s'arrêtera dans cette voie, mais évi- demment, tant qu'on n'aura pas des notions exactes sur la constitution moléculaire des albumines, on ne sera pas en mesure de connaître les produits dérivés de la digestion peptique de ces sulistances. Une des questions les plus difficiles à résoudre, est celle de savoir si les différents principes albuminoïdes se dédoublent de la même façon sous l'influence de la pepsine. La plupart des auteurs admettent que, quelle que soit la substance protéique qu'on met à digérer dans les liqueurs peptiques, on retrouva toujours les termes essentiels que nous avons décrits dans la digestion de la fibrine. Ces auteurs désignent par le nom géné- ral de protéoses les albumoses qui résultent de la digestion de chacune de ces substances, et, pour les distinguer les unes des autres, ils leur donnent des noms en rapport avec leur origine : fibrinoses, ovalbimioses, vitelloses, globuloses, myosinoses, cascoses, mucinoscs, gélatoses, élastoses, etc. Dans chacun de ces groupes, on trouve, bien entendu, les diverses protéoses que nous avons signalées : hétéro, proto et deutéro, avec une quantité plus ou moins grande à'anti-protéoses. En ce qui concerne les peptones, il y a aussi une termi- nologie différente suivant les substances dont elles dérivent. On connaît la fibrine peptone, la globuline peptone, l'albumine peptone, la caséine peptone, etc. Tous ces corps se ressemblent plus ou moins par leurs propriétés générales, mais il est impossible de dire s'ils sont des espèces chimiciues semblables. (Voir, pour plus de détails, les articles Albuminoïdes, Protéoses et Peptones.) Quoi qu'il en soit de la nalure chimique de ces eorps, ce qu'il nous importe surtout desavoir c'est la façon dont ils prennent naissance. Les travaux de Schutzenberger et d'autres auteurs nous ont appris que, sous l'influence des agents hydrolytiques ordi- naires, les principes albuminoïdes se transforment dans les mêmes produits que sous l'influence des solutions acides de pepsine. On sait, en outre, qu'en déshydratant ces der- niers produits, on arrive à obtenir des corps qui présentent les mêmes caractères que les matières protéiquesdont ils dérivent. Hemnixger a démontré, en chauffant la peptone- albumine pure avec de l'acide acétique anhydre, qu'on peut obtenir un liquide qui, débarrassé de l'excès d'acide par distillation et soumis à la dialyse, coagule par la cha- leur, et précipite par la plupart des réactifs de l'albumine. De son côté, Hofmeister a vu, en maintenant les peptones à 140" et en les reprenant par l'eau, que le jrésidu inso- luble avait quelques-unes des réactions de l'albumine coagulée. Par des expériences du même ordre, Conteje4n a réussi à transformer partiellement la peptone en propep- tone. Enfin, Danilewski soutient que, si l'on prend une solution de peptone bien pure et si on en sature exactement à 50° une moitié par l'acide chlorhydrique et l'autre par la soude, puis qu'on mélange les deux parties, on obtient un liquide qui aurait les pro- priétés des albumoses. 11 semble donc très probable que le processus de la peptonisation est, comme les autres processus digestifs, un simple phénomène d'hydrolyse; mais nous ne pouvons pas l'assurer d'une façon certaine, car, malgré les affirmations de quelques auteurs, nous ne savons pas encore si les peptones véritablement pures contiennent plus d'hydrogène et d'oxygène que les substances dont elles dérivent. La plupart des analyses que nous connaissons sur ces peptones présentent en elfet des écarts tout aussi considérables que ceux qu'on trouve entre les diverses espèces d'albumines. On a aussi essayé d'expliquer le processus de la peptonisation en disant que les albu- minoïdes, substances colloïdes et insolubles, seraient les produits de polymérisation des peptones solubles ; exactement de même que les hydrates de carbone, colloïdes et •648 , ESTOMAC. insolubles, sont les polymères des sucres solubles. D'après cette hypothèse, la pepsine ne ferait que dissocier la molécule trop complexe d'albumine en des molécules plus simples et plus stables; on admet même, d'une façon générale, que le poids delà molé- cule protéique va sans cesse en diminuant des albuminoïdes aux peptones. Danilewski a trouvé que la chaleur de combustion des peptones est inférieure à celle des substances albuminoïdes, mais ce fait peut tout aussi bien se rapporter à l'hypothèse de la dépo- lymérisation de l'albumine qu'à celle du dédoublement hydrolytique de cette substance. Si la théorie de la dépolymérisation était exacte, il devrait y avoir autant d'espèces de peptones que nous en connaissons d'albumines. Or, jusqu'à présent, rien ne nous permet une affirmation semblable, d'autant plus que la plupart des arguments que'nous avons cités militent en faveur de la fonction bydrolylique de la pepsine. f) Conditions d'activité de la pepsine. — La pepsine n'agit sur les principes albu- minoïdes que dans les conditions suivantes : 1" si elle est en solution; 2° si cette solution est acide; 3° si elle est à une température favorable. Nous avons donc, si nous voulons connaître les lois d'activité de la pepsine, à étudier l'intluence que ces divers éléments exercent sur le dédoublement peptique des albuminoïdes. Ensuite, nous verrons que l'activité de la pepsine varie encore: i° pour chaque groupe d'albuminoïdes; 2" avec l'accumulation des produits digestifs; 3° par la présence de certaines substances. 1°) Degré de dilution du milieu peptique. — Naturellement, si l'on mélange la pepsine à l'état sec avec une substance albuminoïde quelconque, il ne se produit aucune trans- formation, même en présence d'une certaine quantité d'acide. L'eau est donc un élé- ment indispensable à la digestion peptique; elle est le véhicule qui tient en solution l'acide et la pepsine, de même que les matériaux qui résultent de l'acte digestif. D'autre part, l'eau semble concourir directement au dédoublement des principes albuminoïdes, en se fixant sur les molécules de ces corps, sous l'influence de l'acide et la pepsine. Les anciennes expériences de Schwann, de Brucre et de Schiff nous ont montré que les solutions de pepsine deviennent complètement inactives lorsqu'elles sont trop con- centrées ou trop diluées. Il y a donc une hmite de dilution qui est la plus favorable à l'activité de la pepsine. Cette limite ne peut être déterminée exactement, par suite de l'impossibilité de doser la pepsine. Toutefois, on peut à l'exemple de Herzen s'en faire une idée approximative en opérant de la façon suivante : on prend et on hache la mem- brane muqueuse d'un chien normal et robuste qui vient d'être abattu. On la divise en dix portions égales qu'on fait infuser dans des quantités croissantes d'eau acidulée de HCl de façon que la première portion forme un volume de 50 centimètres cubes, et la dernière de 30 litres. On constate alors, en éprouvant l'activité protéolytique de ces diverses infusions, que la quantité d'albumine dissoute croît proportionnellement avec le volume de l'infusion, jusqu'à une certaine limite au delà de laquelle elle commence à décroître. La première portion ne digère presque pas d'albumine. Au contraire l'infu- sion n° 9, qui contient théoriquement la même quantité de pepsine, mais diluée dans 20 litres d'eau acidulée, dissout jusqu'au tiers de son poids d'albumine, c'est-à-dire presque 7 kilogrammes. Si l'on compte que cette infusion ne représente qu'un dixième de la muqueuse gastrique, on peut considérer que, si toute la muqueuse avait été infusée de la même façon, l'estomac d'un chien aurait pu digérer 70 kilogrammes d'albumine. Enfin, l'infusion n° 10, qui a le volume total de oO litres, digère très lentement, et n'ar- rive à dissoudre que quelques grammes d'albumine. On voit par cette expérience que la pepsine a besoin d'une quantité considérable d'eau pour atteindre son maximum d'activité. Malheureusement, ce genre de déterminations soulève une critique très sérieuse sur laquelle Schiff lui-même avait déjà insisté; c'est que les infusions stomacales ne sont absolument pas comparables aux solutions de pepsine pure. On sait, en elfet, que ces infusions l'enferment, à côté de la pepsine, un groupe de substances qui gênent la digestion d'autant plus qu'elles sont en solution plus concentrée. Pour se mettre à l'abri de cette objection, Klug s'est servi de la pepsine beaucoup plus pure, préparée par la méthode de Kuhne. Il a vu dans ces conditions que l'optimum d'activité des solutions peptiques oscille entre 0,5 et 0,01 p. 100 de pepsine. En dehors de ces limites de dilution, l'activité de la pepsine diminue notamment, mais on constate que la digestion peut encore avoir lieu dans une solution ne contenant que ESTOMAC. 649 0,003 p. dOO de pepsine. Ges résultais varient beaucoup suivant l'origine de la pepsine. Ainsi la pepsine du chien présente son optimum d'activité à la proportion de 0,01 p. 100, tandis que les pepsines de porc et de vache n'atteignent ce maximum qu'à la concentra- tion de 0,1 à 0,5 p. 100. Quoi qu'il en'soit, de la valeur réelle de ces chiffres, ces expé- riences montrent tx'ès nettement qu'il y a une limite de dilution optimum pour l'activité de la pepsine. 2") Acidité du milieu peptique. — La pepsine n'agit sur les principes ali>un)inoïdes que si elle est en solution acide. Le degré d'acidité le plus favorable dépend : 1° de^l'origine de la pepsine; 2" de la nature^de'l'acide; 3" de l'espèce d'albuminoïde qu'on met à digé- rer; 4" de la concentration des liquides digestifs. t" Si, comme il est à supposer, le suc gastrique normal contient toujours la quantité d'acide la plus favorable à l'activité de la pepsine, il faut en conclure que la pepsine des poissons a besoin d'une acidité|beaucoup plus forte que la pepsine des autres vertébrés. Nous pouvons encore dire la même chose en ce qui concerne la pepsine des mammifères carnivores, qui agit toujours dans un miiieujbeaucoup plus acide que la pepsine des mammifères herbivores. En prenant les moyennes d'acidité normale de ces divers sucs gastriques, nous trouvons les valeurs suivantes : pepsine des poissons, 10p. 1 000 de HCI; pepsine des mammifères herbivores (lapin par exemple), 1,5 p. 1000 de HCI; pepsine des mammifères carnivores (chien, chat), 4 à 5 p. i 000 de HCI. Cette comparaison est loin d'être complète, mais dores et déjà on peut avancer que pour chaque espèce de pepsine il doit y avoir un optimum d'acidité différent. A l'appui de cette assertion, nous citerons les recherches de Wroblewski, qui démontrent que la pepsine du chien, de l'enfant et du porc ne se compoitent pas de la même manière vis-à-vis de certains acides. Ainsi la pepsine de l'enfant digère plus rapi- dement la fibrine en présence de l'acide lactique que la pepsine du porc. L'inverse a lieu si l'on se sert de l'acide malique. Quant à la pepsme du chien, elle est presque aussi active avec l'acide paralactique qu'avec l'acide lactique. Ce l'ait est à rapprocher de l'existence constante de l'acide paralactique dans l'alimentation normale des carnivores. Wroblewski a encore signalé d'autres différences entre ces trois espèces de pepsine, mais ce que nous venons de dire suffit pour comprendre que l'activité des pepsines n'est pas soumise à une loi identique. 2" En supposant qu'on se serve toujours de la même pepsine et qu'on veuille déter- miner le degré d'acidité qui sera le plus. favorable à son activité, il faudra encore tenir compte de la nature de l'acide. Contrairement à ce qu'on pourrait croire tout d'abord le pouvoir digestif d'un acide n'est pas toujours en rapport avec sa force chimique. L'acide sulfurique par exemple a une action beaucoup plus faible sur la digestion pep- tique que l'acide oxalique. Malheureusement les auteurs qui se sont occupés de cette question, ne s'étant pas placés dans des conditions semblables, sont forcément arrivés à des résultats très contradictoires. Néanmoins ils sont tous d'accord pour affirmer que l'acide chlorhydrique se trouve parmi les acides qui favorisent le plus l'action de la pep- sine. Selon HûiiNîîFELD, après l'acide chlorhydrique, l'acide le plus favorable à la digestion peptique, serait l'acide lactique, puis l'acide acétique. Leiiuann soutient aussi que les acides chlorhydrique et lactique digèrent mieux que les acides acétique, nitrique, phos- phorique et sulfurique. Selon Meissxer il faut employer dix fois plus d'acide lactique que d'acide chlorhydrique pour obtenir le même effet digestif. Davidson et Dietrich ont trouvé que la digestion se fait également bien avec les doses suivantes de ces divers acides : O^i-jlBâS p. 100 d'acide chlorhydrique; 0sr,245 d'acide phosphorique; 0s'",225 d'acide oxalique; 3 d'acide acétique et 0,16 d'acide azotique. Les expériences de Petit prouvent aussi que les divers acides n'atteignent pas leur maximum d'activité au même degré de concentration. En voici quelques chitîres comme exemple : ACIDES. DOSES MAXIMA ACIDES. DOSES MAXIM A en millièmes. en millièmes. malique 20 à 40 oxalique o à 10 formiquc 10 salicylique 0,5 à 2 gallo-tannique 0,5 chlorhydrique 2 à 5 bromhydriquc 2 â5 sulfurique 2,5 à 10 phosphorique ordinaire 5 à 40 lactique 20 à 40 tar trique 10 650 ESTOMAC. Nous ferons remarquer, pour éviter toute confusion, que ces doses d'effet maximum ne sont pas du tout de doses de même effet et que pour chaque acide la valeur du maxi- mum est très différente. Il serait trop long de parler ici de toutes les expe'riences qui ont été faites à ce sujet (voir la bibliographie). Nous retiendrons seulement celles qui offrent le plus d'intérêt, soit parce qu'elles portent sur des points qui n'avaient pas encore été étudiés, soit parce qu'elles ont été mieux conduites que les précédentes. Les rechei'ches de Hoffmann, de Hubner, de Klug, de Wroblewski et de Pfleiderer, méritent à ce double point de vue une mention spéciale. Hoffmann a eu l'idée de comparer le pouvoir digestif des divers acides avec leur degré d'avidité, c'est-à-dire, avec leur puissance d'inversion du sucre de canne. Il a constaté en mesurantjla quantité d'albumine dissoute au bout de six heures (durée moyenne de la digestion) par des solutions acides de pepsine contenant de quantités équimoléculaires de divers acides, que, si l'acide chlorhydrique digère 100 grammes d'albumine, l'acide phosphorique n'en digère que G7; l'acide arsénique, 55; l'acide sulfurique, 2o; l'acide citrique, 15; l'acide lactique, 9 et l'acide acétique, 0. Ces chiffres s'écartent trop de ceux qui représentent les coefficients dMiiversion de ces acides. En effet, l'acide chlorhydrique a pour coefficient dOO, l'acide sulfurique 73,2, l'acide phosphorique 6,2, l'acide arséuique 4,81, l'acide lactique 1,07, l'acide citrique 1,73 et l'acide acétique 0,4. Toutefois, il est incontestable que, si l'on excepte l'acide sulfurique, tous les autres acides nommés suivent le même ordre pour ces deux phénomènes. Pflei- derer interprète l'exception de l'acide sulfurique en disant que cet acide est un véritable poison pour la pepsine, mais nous croyons qu'il faudr.x attendre de nouvelles expériences avant de se prononcer sur la valeur de cette loi. De son côté Hubner a voulu savoir l'in- fluence qu'exercent les acides halogènes sur les solutions de pepsine au même titre de concentration. Il a trouvé que l'acide qui digère le mieux est l'acide fluorhydrique; viennent ensuite l'acide chlorhydrique, l'acide bromhydrique et en dernier lieu l'acide iodhydrique. Comme on le voit, la puissance digestive de ces divers acides est inverse- ment proportionnelle à leur poids moléculaire. Dans toutes ces recherches, on s'est con- tenté de mesurer la quantité d'albumine dissoute, soit en pesant le résidu sec après fil- tration des liquidt's digestifs (Hoffmann), soit en dosant l'azote total soluble (Hubner). Klug a jugé nécessaire de pousser plus loin ces recherches, en étudiant l'influence de divers acides, non seulement sur le processus de dissolution de l'albumine, mais aussi sur cha cune des phases qui composent ce processus. A l'aide d'une méthode nouvelle, la méthode photomélrique, il a pu doser, dans chaque liquide servant à l'expérience, d'une part, la quantité totale d'albumine dissoute, et, d'autre part, les quantités d'hémialbumose et d'anti-albumose produites par la digestion. Les liqueurs peptiqu"s employées par cet auteur contenaient 0,1 p. 100 de pepsine. Ces liqueurs étaient divise- . ( ;i plusieurs portions de 50 centimètres cubes, auxquelles on ajoutait la quantité voulue d a i ie et 15 à 18 grammes d'ovalbumine cuite. La digestion durait vingt-quatre heures. En procédant de la sorte, Klug a observé, comme l'avait déjà fait Petit, que chaque acide atteint son optimum d'activité à un degré de concentration très différent. L'acide chlorhydrique atteint cet optimum à la proportion de 0,6 p. 100; l'acide lactique à 8 p. 100; les acides phosphorique et acétique à 6 p. 100; l'acide nitrique à 0,8 p. 100; l'acide sulfurique à 0,6 p. 100; et entin l'acide citrique à 8 p. 100. 11 ressort de ces chiffres que les acides miné- raux, à l'exception de l'acide phosphorique, ont une action digestive beaucoup plus puis- sante que les acides organiques. En tenant compte de la quantité absolue d'albuniine que ces acides digèrent au degré de concentration le plus favorable, Klug les classe de la façon suivante : acides chlorhydrique, lactique, phosphorique, nitrique, acétique, sulfu- rique et citrique. Si l'on compare les quantités d'anti-albumoses et d'hémi-albumoses qui se forment pendant la digestion en présence de chacun de ces acides, on trouve le plus d'hémi-albumose dans les liquides acidulés par les acides phosphorique, lactique, nitrique et chlorhydrique. L'acide sulfurique, dont le pouvoir digestif est très faible, donne conséquemment très peu d'hémi-albumose et d'anti-albumose. En ce qui concerne les acides organiques, celui qui fournit le plus d'hémi-albumoses est l'acide lactique, et celui qui en donne le moins, l'acide acétique. Ajoutons encore que le rapport des hémi- albumoses et des anti-albumoses produites est très différent pour chaque acide. Klug conclut de ces recherches en disant que la puissance digestive des divers acides ne dépend ni de leur poids moléculaire, ni de leur degré de dissociation. ESTOMAC. 651 Ces résultats sont intéressants à comparer avec ceux qu'a obtenus Wroblewski en opérant avec deux sortes de pepsines différentes et en laissant les solutions peptiques à la température du laboratoire (io") afin d'éviter que la digestion ne fût trop rapide. Dans ces conditions, Wroblewski prétend qu'on peut mieux juger de la puissance diges- tive de cbaque acide. On trouvera dans les tableaux suivants les résultats obtenus par cet auteur. Le premier tableau indique l'ordre d'après lequel se classent les divers acides par rapport à la vitesse initiale de la digestion; et le second par rapport à la vitesse totale de ce même phénomène. Comme on remarquera sur la seconde des colonnes, les quantités d'acide emitloyées sont chimiquement équivalentes, excepté pour l'acide phos- phorique (solutions normales un équivalent pour un litre au 1/20). NUMÉROS. PEPSINE DE PORC. PEPSINE D'ENFANT. I 1/10 Acide phosphorique. 1/10 Acide phosphorique. II 1/20 Acide oxalique. 1/20 Acide oxalique. III 1/20 Acide chlorliydrique. 1/20 Acide chlorhydriqiie. IV 1/20 Acide nitrique. 1/20 Acide nitrique. V 1/20 Acide phosphorique. 1/20 Acide lactique. VI 1/20 Acide tartrique. 1/20 Acide pliosphoriquc. vit 1/20 Acide lactique. 1/20 Acide tartrique. YIII 1/20 Acide citrique. 1/20 Acide citrique. IX 1/20 Acide malique. 1/20 Acide paralactique. X 1/20 Acide formique. 1/20 Acide formique. XI 1/20 Acide paralacliqiie. 1/20 Acide malique. XII 1/20 Acide sulfurique. 1/20 Acide acétique. XIII 1/20 Acide, sulfurique. tl NUMÉROS. PEPSINE DE PORC. PEPSINE D'ENFANT. I 1/10 Acide phosphorique. 1/10 Acide phosphorique. II 1/20 Acide oxalique. 1/20 Acide oxalique. III. ..... 1/20 Acide chlorhydriquo. 1/20 Acide chlorliydrique. IV 1/20 Acide nitrique. 1/20 Acide lactique. V 1/20 Acide phosphorique. 1/20 Acide phosphorique. VI 1/20 Acide tartrique. 1 /20 Acide tartrique. VII 1/20 Acide tactique. 1/20 Acide nili-ique. VIII 1/20 Acide malique. 1/20 Acide forndquc. IX 1/20 Acide formique. 1/20 Acide citrique. X 1/20 Acide citrique. 1/20 Acide paralactique. XI 1/20 Acide paralactique. 1/20 Acide malique. XII 1/20 Acide sulfurique. — Ce qui frappe le plus dans ces résultats, en dehors des différences qu'ils présentent avec les résullats précédents, c'est le changement d'ordre que subissent certains acides (indiqués alors en italiques) suivant la nature des pepsines et suivant la vitesse ini- tiale ou la vitesse totale de la digestion. On remarquera d'autre part que, dans toutes ces conditions, l'acide oxalique est à la tète des acides les plus puissants, tandis que l'acide sulfurique se trouve parmi les acides les plus faibles. En présence de tant de résultats contradictoires, il serait téméraire de vouloir établir une classification formelle de la puissance digestive de divers acides. Contentons-nous de dire que cette puissance est très variable pour chaque acide suivant les conditions dans lesquelles on se place- Pfleiderer a montré en employant des solutions acides chimiquement équivalentes, à <3d2 estomac. divers titres de concentration, 1/35, 1/20 et 1/10 de la solution normale, que l'acide chlorhydrique est le plus puissant de tous les acides dans les deux premières solutions, tandis qu'il est dépassé dans son activité par l'acide phosphorique, et l'acide lactique, dans la dernière de ces solutions. Pfleiderer a observé de plus que les acides forts ont, en général, une action beaucoup plus rapide sur la digestion que les acides faibles. Fin résumé, la seule conclusion qu'on puisse tirer de ces recherches, c'est que la puissance digestive des acides est entièrement indépendante du poids moléculaire de ces corps. Ajoutons encore que, lorsqu'on s'éloigne du degré d'acidité le plus favorable à la fonction chimique de la pepsine, l'activilé digestive des acides diminue considérablement. Mais, tandis que les solutions faibles d'acide ne font qu'enrayer l'action de la pepsine, les solu- tions fortes et très concentrées peuvent, si leur action se prolonge, détruire complètement cette enzyme. Dans le premier cas, l'arrêt de la digestion ne sera qu'un arrêt transitoire, tandis que dans le second il pourra être définitif. 3° Une autre condition qui fait varier le degré d'acidité optimum des solutions pep- tiques est la nature et l'état des alburninoïdes qu'on met à digérer. D'après les recherches de MuLDER, de Koopmans et de Brucke, il faut une acidité beaucoup plus forte pour la digestion de l'albunjine que pour la digestion de la fibrine. Ce fait a été conteste' par Petit, mais il est admis par la plupart des expérimenlateurs. BrOcke a montré, en outre, que, tandis que la fibrine fraîche se digère rapidement dans une solution d'acide chlorhy- drique à 0,8 p. 1 000, la fibrine cuite demande t,2 à 1,6 p. 1 000 du même acide. D'après Hammarsten, si l'on se sert de l'acide chlorhydrique, il faut employer les doses suivantes pour la digestion des diverses espèces d'albuminoïdes : 0,8 à 1 p. 1 000 pour la fibrine; 1 p. 1 000 pour la myosine, la caséine et les albumines végétales, et 2,5 p. 1 000 pour les albumines coagulées par la chaleur. D'autres auteurs ont, de leur côté, indiqué les moyennes de 1 p. 1 000 d'acide chlorhydrique pour la fibrine, et de 5 à 6 p. 1 000 pour l'albumine cuite. Les divergences d'opinions sont encore ici assez notables. Toutefois, il n'en reste pas moins bien établi que, pour une inème pepsine et un même acide, le degré d'acidité varie avec la nature des albuminoïdes. Si l'on voulait formuler la loi générale de ces variations, on pourrait dire que, plus les substances protéiques ont besoin d'acide pour se transformer en acidalbumines sous l'iniluence des acides seuls, plus il faut augmenter le degré d'acidité des solutions pep- tiques pour digérer rapidement ces substances. 4° La densité des liquides de digestion exerce aussi une influence considérable sur la quantité d'acide qu'il faut employer pour rendre à la pepsine son maximum d'acti- vité. Brûckje, le premier, a insisté sur la nécessité d'ajouter aux solutions de pepsine une quantité d'acide d'autant plus forte qu'elles sont plus concentrées. Schiff a observe', en expérimentant sur des estomacs de chien très saturés de pepsine et infusés dans 500 à 600 grammes d'eau, quantité de beaucoup inférieure à celle qu'il appelle la quantité favorable d'eau, que, par des adjonctions successives d'acide, on peut sans désavantage communiquer peu à peu au liquide peptique concentré une acidité tellement grande qu'elle pourrait anéantir l'activité de ce liquide ipso facto, si l'on venait à le diluer. Dans quelques cas, cet auteur a vu que la digestion de l'albumine pouvait encore se faire dans des liquides peptiques concentrés, auxquels il avait ajouté, à cinq reprises différentes, de l'acide phosphorique jusqu'à la proportion finale de 1 p. 40 de liquide. On sait, en outre, que la digestion s'arrête rapidement dans les liquides qui contiennent en solution une grande quantité de pepsine et d'albumine, et que cet arrêt lient essentiellement à une diminution de l'acidité de ces liquides. La preuve en est que, si ou les additionne de nouvelles quantités d'acide, la digestion reprend immédiatement. Une autre expérience qui fait ressortir d'une façon très nette le rapport existant entre le degré d'acidité et le degré de concentration des liquides digestifs au point de vue de leur puissance protéolytique est la suivante: on prend 100 centimètres cubes d'une solution acidulée de pepsine contenant 1 p. 100 de cette substance et Oe^'.Sp. 100 d'acide chlorhydrique, et on la divise en deux portions de 50 centimètres cubes chacune. A la première de ces deux portions, on ajoute 50 centimètres cubes d'albumine liquide, et on met le tout à digérer à l'étuve. La seconde portion est aussi additionnée de 50 centi- mètres cubes d'albumine; mais, avant de la transporter à l'étuve, on la dilue de cinq fois son volume d'eau distillée. Si maintenant on étudie la marche de la digestion dans ESTOMAC. 653 chacune de ces portions, on constate que, tandis que dans la première la digestion s'arrête complètement au bout d'une ou deux heures en laissant sans la transformer la plus grande partie de l'albumine, dans la seconde, la peptonisation se continue sans arrêt jusqu'à transformation totale. Ainsi donc, malgré l'abaissement d'acidité que nous avons fait subir à la seconde portion, en la diluant de cinq fois son volu-me d'eau distillée,, elle s'est montrée beaucoup plus active que la. première. Ce fait prouve incontestable- ment que l'acidité des liquides digestifs doit varier avec leur degré de concentration. ScHiFF soutient que, si l'on expérimente avec des solutions peptiques contenant la quan- tité la plus favorable d'eau, la proportion d'acide qu'il faut ajouter à ces solutions pour qu'elles atteignent leur maximum d'intensité est une proportion fixe. En eifet, lorsque la digestion cesse dans ces liquides, il n'est pas possible de leur faire reprendre leur activité par l'addition de nouvelles quantités d'acide. Il est temps maintenant de se demander comment l'acide intervient dans la fonction chimique de la pepsine. Schmidt a essayé d'expliquer cette intervention en disant que l'acide chlorhydrique forme avec la pepsine un composé soluble, ïacide chlorhijdro- peptique, qui serait le véritable agent de la digestion. Après lui, Meiss.ner, Schiff et beaucoup d'autres ont accepté cette opinion, en la présentant sous une forme plus ou moins différente. Si l'on admet que la pepsine est une substance albuminoïde, nous ne voyons pas pourquoi elle ne pourrait pas se combiner avec l'acide chlorhydrique de la même manière que le font les autres substances de ce groupe. Les expériences de M™® ScHOUMOw-SiM.\NOwsKi sout manifestement en faveur de cette conclusion. Mais, même en supposant qu'on arrive à démontrer que la pepsine est une substance albuminoïde et qu'elle forme de véritables combinaisons avec les divers acides, on ne sera pas pour cela beaucoup mieux renseigné sur le rôle de l'acide dans la digestion peptique. L'exis- tence de ces combinaisons se trouve d'ailleurs contestée par ce fait que les proportions dans lesquelles les divers acides atteignent leur maximum d'intensité en agissant sur les solutions peptiques sont loin d'être proportionnelles aux poids moléculaires de ces corps. Nous ferons remarquer d'autre part que, lorsqu'on analyse le suc gastrique pur, on constate que la plus grande partie de l'acide chlorhydrique, pour ne pas dire la totalité, se trouve à l'état de liberté. Par contre, le même suc mélangé à une quantité suffisante d'aliments albuminoïdes ne renferme pas au bout d'un certain temps la moindre trace d'acide libre. On est donc forcé de conclure que la quantité d'acide fixée par la pepsine est infiniment plus petite que celle qui l'unit aux principes albuminoïdes. Schiff avait cru observer que le suc gastrique neutralisé ne digérait pas les matériaux pro- téiques, même lorsque ceux-ci avaient été soumis auparavant à l'intluence d'un acide. Si l'on prenait cette expérience comme exacte, elle constituerait un argument considérable en faveur de l'existence de la combinaison chlorhijdropeptique et de son rôle vraiment indispensable dans la digestion stomacale. Malheureusement, Schifk lui-même est obligé de convenir, pour expliquer les résultats contraires de Mialhe, que la fibrine gon- fiée et très fortement imprégnée par l'acide chlorhydrique est parfaitement attaquable par la pepsine neutre. Herzen aussi a pu constater en éprouvant le pouvoir protéolytique de trois solutions différentes: 1" acide chlorhydropeptique avec albumine neutre primi- tive; 2° pepsine neutre avec acidalbumine ; 3° acide chlorhydropeptique avec acidalbu- mine, que la digestion est parfaitement possible lorsqu'un seul des deux termes est combiné à l'acide chlorhydrique et l'autre neutre, mais qu'elle se fait incomparablement mieux lorsque tous les deux sont acides. Ces expériences ont été reprises par Kossler et Bluii, et, étant donnée la manière dont ces auteurs ont procédé, on peut considérer leurs résultats comme absolument concluants en faveur de l'activité de la pepsine neutre, vis-à-vis des albumines acides. Des solutions d'acidalbumine ne contenant aucun excès d'acide chlorhydrique libre, révélé par la phloro-glucine-vanilline, donnent en présence de la pepsine neutre des quantités appréciables de peptones. 11 n'est donc pas nécessaire que la pepsine se combine avec un acide pour qu'elle se montre active. La seule condition indispensable à la digestion peptique est la transformation préalable des albumines en acidalbumines. Toutefois, lorsqu'on observe la marche de la digestion dans un suc gastrique artificiel qui contient au début de l'expérience des proportions suffisantes d'acide et de pepsine, et dan? lequel on a mis à digérer une quantité assez forte d'albumine, on voit que la digestion se ralentit peu à peu et qu'elle s'arrête bien 654 ESTOMAC. avant que toute l'albumine n'ait été dissoute. Si, à ce moment, on analyse les liquides de digestion, on trouve, à côté de l'albumine non dissoute, une quantité notable d'albu- moses et des peptoiies, mais le dosage acidimétrique de ces liquides, fait avec le réac- tif de GiiNZBURfj ou de Boa.s montre que leur acidité est fortement diminuée ou qu'elle est réduite à zéro. Si Meissner, Schiff et quelques autres expérimentateurs ont trouvé •que l'acidité des liquides digestifs restait à peu près constante pendant toute la durée de la digestion, c'est qu'ils se sont servis de certains réactifs qui indiquent non seulement l'acide chiorhydrique libre, mais aussi l'acide combiné aux matériaux protéiques. 11 ne faut pas qu'il reste des doutes à ce sujet. L'acidité des liquides de digestion doit néces- sairement diminuer au fur et à mesure qie la peptonisation devient plus complète, par ce fait que les produits de dédoublement des aibuniinoïdes retiennent une quantité d'au- tant plus forte d'acide qu'ils sont plus avancés. (Martius et LuttivE, Blum, Sa.nsoni, etc.) S'il en est ainsi, la simple transformation des albumines en syntonine ne doit pas suf- fire à une bonne digestion peptique, mais il faudrait encore un certain excès d'acide pour faciliter le dédoublement ultérieur des acidalbumines. En tout cas, si l'on ajoute une nouvelle quantité d'acide aux liquides dont nous parlons plus haut, la digestion se fait aussi bien qu'au début. Ces expériences montrent jusqu'à quel point est fausse la conception actuelle sur le rôle de l'acide libre. Cet acide ;ne doit pas être considéré comme un excès super- llu du travail sécrétoire des glandes, mais comme une réserve utile dont l'organisme dispose pour assurer l'œuvre complète de la peptonisation. S'il est vrai que les acidal- bumines en solution ne contenant aucun excès d'acide libre peuvent se transformer en peptone sous l'influence de la pepsine neutre, rien ne dit qu'elles se transforment com- plètement et que cette transformation se fasse aussi vite qu'en présence d'un excès d'acide. La plupart des faits que nous connaissons aujourd'hui vont à l'encontre de cette opinion. En résumé, l'acide chiorhydrique intervient dans la digestion peptique en formant avec les matières albuminoïdes primitives, et ensuite avec leurs produits de dédouble- ment, des combinaisons facilement attaquables par la pepsine. S'il y a une partie de l'acide qui se combine avec la pepsine, cette portion est quantitativement négligeable, par rapport à celle qui se combine avec les matières protéiques. iMais, même en suppo- sant que cette combinaison existe, nous avons vu qu'elle n'est pas absolument indispen- sable au dédoublement des albumines. On s'est aussi préoccupé de savoir ce que deviennent les combinaisons acides une fois que la digestion est terminée. Hayem et Winter ont soutenu que l'acide chiorhydrique est remis en liberté par l'accomplissement de l'acte digestif, de sorte que la même molécule d'acide pourrait servir indéfiniment au dédoublement des principes albumi- noïdes. Herzen aussi croit que l'acide devient libre à la fin de la peptonisation. Ce der- nier auteur a même essayé de fournir une preuve expérimentale à l'appui de son hypohèse. Pour se convaincre qu'il n'y a rien de bien fondé dans ces hypothèses, il suf- fira de se rappeler que dans les digestions artificielles, l'acidité des liquides diminue dès le début de la digestion et que cette baisse de l'acidité ne fait que s'accentuer au fur et à mesure que l'on approche de la fin de la peptonisation. Très probablement, les pro- téides chlorés résultant de la digestion stomacale subissent en présence des sécrétions alcalines de l'intestin des modifications chimiques importantes. En tout cas, nous pou- vons affirmer que ces combinaisons sont aptes à réparer les pertes de la nutrition, car les animaux privés de la fonction digestive du pancréas conservent leur poids et se nourrissent aux dépens des albuminoïdes à, peu près comme à l'état normal. 3° Température du milieu peptique. — D'après Wittich, l'optimum thermique de la pepsine des Mammifères se trouverait compris entre 35° et 50°. Mais il est impossible de déterminer exactement cette limite, parce qu elle varie suivant l'origine de la pepsine et suivant aussi la composition chimique du milieu peptique. FicKetMuRisiER ont appelé l'attention sur ce fait que, la pepsine des Poisson s et des Batra- ciens digère l'albumine à la température de 0°, alors que la pepsine des Mammifères se trouve tout à fait inactive à cette même température. Hoppe-Seyler a constaté, d'autre part, que le suc gastrique artificiel du brochet dissout la fibrine plus vite à 13° qu'à 40°. Tous ces faits ont été plus ou moins contestés par Luchau, Flaum, et YUiNG. Le pre- mier et le^dernier de ces auteurs ont vu que le suc gastrique des Poissons se montre ESTOMAC. 655 beaucoup plus actif à la température de 38° à 'tO'' qu a 15". De sou côté Flaum a lait observer que le suc gastrique des Vertébrés supérieurs digère, quoique faiblement, la fibrine à la température de 0". Toutefois, malgré ces apparentes contradictions, on peut affirmer que la courbe d'activité de la pepsine, en fonction de la température, n'est pas identique pour tous les animaux. L'optimum tbermique de la pepsine des Mammifères et des Oiseaux se trouve certainement placé beaucoup plus haut que celui de la pepsine des animaux à sang froid. Aucun expérimentateur n'a signalé jusqu'ici que la pepsine des Poissons puisse agir activement sur les principes albuminoïdes à la température de 50° à 60». Au contraire, si l'on admet comme exactes les recherches de Klug, on est obligé de convenir que l'optimum thermique de la pepsine des Mammifères se trouve précisé- ment aux environs de cette température. D'après Petit, la pepsine de certains Mammi- fères est encore capable de digérer les matières albuminoïdes à la température de 80°. Il n'est pas douteux que la pepsine des animaux à sang froid serait complètement para- lysée à des températures même plus basses que 80°. Si, au lieu de prendre en considération la limite thermique supérieure, nous envisa- geons la limite inférieure, nous trouvons encore de réelles différences entre les diverses espèces de pepsine. Sans être aussi absolu que Fick et Murisier, qui prétendaient que la pepsine des animaux à sang chaud n'agissait plus à 10°, on |)eut dire que cette pepsine se montre beaucoup moins active aux basses températures que la pepsine des animaux à sang froid. Tout porte donc à croire que, suivant l'origine de la pepsine, l'activité de ce ferment varie en fonction de la température. Il semble aussi que la composition chimique du milieu peptique n'est pas étrangère à cette variation. En tout cas, nous savons que la pepsine en solution neutre est rapide- ment détruite à la température de 55°. Si elle est en solution acide, sa résistance à la chaleur est beaucoup plus grande, et il faut au moins 65° pour arriver à la détruire en ([uelques instants. Biernacki a démontré qu'il suffit d'ajouter à une solution de pepsine pure une certaine quantité de peptone et de sels, pour voir que cette solution conserve ses propriétés protéolytiques, même lorsqu'on la porte à 60°. Presque tous les auteurs sont d'accord pour affirmer que les solutions de pepsine se détruisent d'autant plus facilement par la température qu'elles sont plus diluées. Mais, en opérant avec une même espèce de pepsine, on peut déterminer les points thermiques essentiels de la courbe d'activité de ce ferment. On constate alors que cette courbe ne diffère en rien de celles que nous connaissons pour les autres fermentations. Elle monte graduellement avec la température jusqu'au point optimum, puis elle tombe rapidement. Au-dessous de la limite où se trouve le zéro d'activité, la pepsine se conserve indéfiniment. Mais, si on soumet la solution peptique à une température supérieure à l'optimum, la pepsine ne tarde pas à se détruire complètement. g) Variations que subit la digestion peptique suivant la nature et Tétat des protéides qu'on met à digérer. — Si l'on compare la vitesse avec laquelle se dissolvent les diverses espèces d'albuminoïdes dans une même solution peptique, on trouve des différences considérables pour chacun de ces corps. En général, les pro- téides d'origine animale se digèrent beaucoup plus vite que les protéides d'origine végétale. Parmi les premiers, la caséine serait, d'après Maly, celui qui se dissout le plus rapidement. Viendrait ensuite la fibrine, puis l'ovalbumine cuite. Dans le groupe des albumines végétales, la légumine se digère plus rapidement que la glutine. La même espèce d'albumine est encore plus ou moins soluble dans les liqueurs peptiques, suivant son état moléculaire. On a fait beaucoup d'expériences pour savoir la vitesse de digestion des albumines cuites et des albumines crues. Les uns ont conclu que les premières se digéraient plus rapidement que les secondes. D'autres ont fait l'affirmation contraire. D'après Waurinski, la diversité de ces résultats dépend essen- tiellement du degré d'acidité des liqueurs peptiques. Avec une liqueur faiblement acide, l'albumine cuite se dissout plus vite que l'albumine crue. L'inverse a lieu si l'acidité des liquides de digestion est très forte. En dehors des différences de solubilité que présentent les divers protéides dans les liqueurs peptiques, Klug a constaté, en faisant l'analyse pliotométrique des produits de digestion de chaque albumine, que ces corps ne se comportent pas de la même façon dans leur dédoublement hydrolytique par la pepsine. Si l'on se sert de la pepsine de 656 ESTOMAC. chien, et si l'on mesure la quantité de substance dissoute au bout de six heures de digestion, on trouve pour les divers albuminoïdesque nous indiquons ci-dessous l'ordre suivant : caséine vég-étale, alcali-albumine, sérum-albumine, syntonine, caséine du lait, sérum-globuline, fibrine, légumine, ovalbumine et poudre de viande. Pour la pep- sine de porc, l'ordre des albuminoïdes est un peu différent : alcali-albumine, caséine végétale, sérum-albumine, syntonine, caséine du lait, sérum-globuline, légumine, fibrine, poudre de viande, et ovalbumine. L'ordre se modifie encore quelque peu pour la pepsine de vache : alcali-albumine, caséine végétale, syntonine, sérum-albumine, sérum-globuline, fibrine, légumine, poudre de viande, ovalbumine. Toutefois on voit, d'après ces expériences, que, quelle que soit l'origine de la pepsine, les substances pro- téiques qui se dissolvent le plus rapidement sont l'alcali-albumine et la caséine, tandis que celles qui se digèrent le plus lentement sont l'ovalbumine et la viande cuite. Si l'on analyse les liquides'de digestion fournis par ces diverses espèces d'albuminoïdes, on trouve que les quantités formées d'anti-albumose, d'hémi-albumose et de peptones varient beaucoup d'une espèce à l'autre. INous empruntons au travail de Klug les tables suivantes, qui indiquent l'ordre d'après lequel se classent les divers albuminoïdes au point de vue de leur rendement en anti-albumose. I II II PEPSINE DE CniEX. PEPSINE DE PORC. PEPSINE DE VACHE. Alcali-alljnnline. Alcali-albumine. Caséine végétale. 8oriim-i;lobuline. Syntonine. Alcali-albumine. Caséine végétale. Caséine végétale. Svntonine. Poudre de viande. Sérum-globuline. Sérum-albumine. Légumine. Légumine. Sérum-globuline. Sénmi-albumine. Fibrine. Fibrine . Syntonine. Sérurn-alburnine. Légumine. Ovalbumine. Ovalbumine. Poudre de viande. Fibrine. Poudre de viande. Ovalbumine. Caséine animale. Caséine animale. Celte classification est tout à fait différente de celle qui représente la vitesse de dissolution des albuminoïdes. D'autre part, en passant d'une pepsine à l'autre, on voit que les changements d'ordre sont beaucoup plus importants que tout à Fbeure. Klug a observé de plus, en dosant l'hémi-albumose formée par la digestion de chacune de ces substances, que la caséine animale se place à la tète de tous les albuminoïdes. Viennent ensuite: la caséine végétale, le sérum-albumine, la syntonine et la glutine;eten dernier lieu, la sérum-globuline, la fibrine, la viande cuite, la légumine et la viande crue. Sous le rapport du rendement en peptone, les albumines se classent, d'après Klug, de la façon suivante : I II III PEPSINE DE CHIEN. PEPSINE DE PORC. PEPSINE DE VACHE. Syntonine. Sénnn-globuline. Sérum-alhuminc. Ovalbumine. Gluten. Caséine de lait. Sérum-albumine. Caséine de lait. Svntonine. Poudre de viande. Fibrine. Sérum-albumine. Fibrine. Syntonine. Alcali-albumine. Léi;iimine. Sérum-albumine. Fibrine. Fibrine-glutine. Poudre de viande. Poudre de viande. Caséine de lait. Légumine. Caséine végétale. Caséine végétale. Alcali-albumine. Gluten fibrine. Gluten. Ovalbumine. Ovalbumine. Alcali-albumine. Caséine végétale. Gluten. — — Légumine. ESTOMAC. 657 On voit donc qu'on peut établir des classifications très différentes de la digestibilité des diverses albumines, suivant qu'on considère leur degré de solubilité dans les liqueurs pepliques ou leur rendement en albumoses ou en peptones. Quel que soit d'ailleurs le critérium d'après lequel on juge de la valeur digestive de ces substances, les expériences de Klug montrent qu'elles se conduisent toujours dilTéreniment vis-à-vis de la pepsine. Ces différences deviennent considérables selon les diverses espèces de pepsine. Pour un protéide donné, l'ovalbumine cuite par exemple, la pepsine du chien est celle qui four- nit le plus de peptone ; après elle vient la pepsine de porc, puis la pepsine de vache. Mais cet ordre n'est pas le même pour tous les autres protéides. La marche de la digestion peptique est tellement dépendante de la nature et de l'état des protéides, qu'on en trouve certaines espèces chimiques complètement réfractaires à l'influence de la pepsine. Telles sont, par exemple, la nucléine et l'hématine. D'autres, comme la mucine, l'élastine et l'osséine, sans être absolument réfractaires, ne sont que très lentement transformées. Il) Influence des produits de la digestion peptique surl'activité de la pepsine. — II existe une loi commune à toutes les fermentations qui démontre que les produits résultant de l'acte fermentatif exercent une action nuisible sur l'activité des enzymes. Cette loi peut être mise en évidence pour la fermentation peptique par des expériences très simples : 1° si l'on soumet à la dialyse des liquides de digestion ayant perdu leurs propriétés pro- téolytiques par suite de la transformation prolongée d'une grande quantité d'albumine, leur activité reprend au fur et à mesure que la dialyse les débarrasse des albumoses et des peptones qu'ils renferment; 2° si l'on ajoute ces mêmes produits digestifs à une liqueur peptique en pleine activité, la digestion se ralentit aussitôt, et, "si la quantité des substances additionnées est suffisante, on peut même voir la liqueur peptique devenir complètement inactive. La manière dont les produits de digestion entravent l'activité de la pepsine peut être à la fois directe et indirecte. En premier lieu, ces produits augmentent la densité du milieu peptique et changent profondément ses conditions osmotiques. La digestion peut donc s'arrêter par insuffisance d'eau. D'autre part, les albumoses et les peptones enlèvent aux liquides de digestion une grande partie de l'acide libre, de sorte qu'à un moment donné la pepsine peut ne pas trouver la quantité d'acide nécessaire pour con- tinuer l'œuvre de désagrégation des albuminoïdes qui ne sont pas encore dissous. Finalement, il est encore possible que les produits de la digestion retiennent ou détruisent une certaine quantité de pepsine, en diminuant ainsi l'activité des solutions peptiques. En tout cas, l'expérience montre qu'on peut ranimer la digestion, dans des liquides con- tenant une forte proportion d'albumose et de peptone, soit par l'addition d'eau, soit par l'addition d'acide, soit encore par l'addition de nouvelles quantités de pepsine. L'opinion de Brucke était donc trop exclusive, lorsqu'il affirmait que les produits de la digestion arrêtaient l'activité de la pepsine, simplement par ce fait qu'ils empêchaient le (jonfîement préparatoire des corps albuminoïdes, en fixant l'acide. Comme Schiki- l'a démontré plus tard, la digestion s'arrête de la même manière dans les liquides où l'on met à digérer des albuminoïdes gonflés au préalable par l'acide chlorhydrique. Dans un cas comme dans l'autre, l'arrêt déterminé par l'accumulation des produits digestifs disparaît dès qu'on ajoute aux liquides peptiques de nouvelles quantités d'eau, d'acide ou de pep- sine. Il semble donc bien évident que, si les albumoses et les peptones exercent une influence nuisible sur la digestion, c'est, d'une part, parce qu'elles changent les conditions de dilution et d'acidité du milieu peptique, et, d'autre part, parce qu'elles fixent ou ■détruisent une quantité plus ou moins grande de pepsine. Dans ces dernières années, Chittenden et Amermann ont fait quelques expériences qui tendraient à prouver que l'accumulation des produits peptiques, dans une certaine mesure, n'a pas sur la marche de la digestion une influence aussi considérable qu'on l'a cru longtemps. Ces physiologistes ont observé, en étudiant comparativement la digestion, avec ou sans dialyse, qu'il n'y a de difîérences appréciables dans l'un et l'autre cas, ni au point de vue de la rapidité de dissolution des albumines, ni au point de vue du rendement en albumose et en peptone. Dans les conditions où ils se sont placés, c'est-à-dire en employant des mélanges digérants qui contenaient relativement peu d'albumine (5 grammes d'albumine sèche à 23 grammes ou 30 grammes d'albumine DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 42 658 ESTOMAC. fraîche pour 400 centimètres cubes de liquide), l'influence des albumoses et despeptones sur la digestion reste négligeable. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'on arriverait aux mêmes résultats en opérant avec des grandes quantités d'albumine. Au contraire, la digestion serait alors fortement troublée. i) Substances qui modifient l'activité de la pepsine. — Corps simples. — L'arsenic, le chlore, le phosphore, le brome et l'iode peuvent être conside'rés comme des agents para- lysants de la pepsine. Acides. — Même les acides qui favorisent le plus la fonction chimique de la pepsine deviennent gênants pour la digestion quand on les emploie à des doses ti'op fortes. A côté de ces acides qu'on peut appeler les acides actifs, il y en a d'autres qui sont pour ainsi dire indifférents ; c'est-à-dire que, même à des doses trop fortes, ils sont incapables d'exciter ou d'arrêter l'action protéolytique de la pepsine. Parmi les acides de ce groupe, nous trouvons les acides borique, arsénieux, butyrique, cyanhydrique, valérianique, succi- nique, et bien d'autres encore. Enfin il existe un certain nombre d'acides qui, même à des doses relativement faibles, arrêtent le développement de la digestion peptique. Tels sont, par exemple, les acides sulfureux, salicylique, tannique, gallotannique, benzoïque, phénique, thymique, etc. Nous croyons inutile de rapporter ici les proportions dans les- quelles ces divers acides exercent leur influence nuisible sur la pepsine; car elles varient beaucoup d'une expérience à l'autre, et, dans les protocoles d'expériences, on trouve des chiffres qui ne sont pas comparables. Alcalis. — Les alcalis caustiques suppriment rapidement le pouvoir digestif des solutions peptiques en détruisant directement la pepsine. La preuve en est que, lorsqu'on acidulé les solutions alcalines de pepsine, ces solutions ne recouvrent pas leur activité. La destruction de la pepsine par les alcalis est d'autant plus rapide que les solutions de pepsine sont plus pures et que leur température est plus élevée. La manière dont les substances protéiques s'opposent à la destruction de la pepsine par les alcalis nous est encore inconnue, mais tout porte à croire que ces corps doivent fixer une partie de l'alcali ajouté à la solution peptique, en diminuant ainsi son pouvoir destructif. Herzen a soutenu qu'on peut rendre son activité à une solution alcaline de pepsine en la faisant traverser par un courant d'acide carbonique avant de l'aciduler par l'acide chlorhydrique. Chandelon prétend que l'eau oxygénée rétablit le pouvoir digestif d'une solution pep- tique rendue inactive par les alcalis. Il est cependant possible que, dans certaines con- ditions, les solutions de pepsine puissent supporter, pour un temps plus ou moins long, l'action des alcalis sans se détruire. A ce propos, il convient de citer les expériences de Nagayo, qui tendent à prouver que l'ammoniaque ne jouit pas du môme pouvoir destruc- teur que les autres alcalis, vis-à-vis de la pepsine. Sels. — Les sels alcalins exercent sur les solutions de pepsine une action analogue à celle des alcalis. Ils arrêtent ipso facto le pouvoir protéolytique de ces solutions, et, lorsque leur action se prolonge, les solutions de pepsine deviennent pour toujours inac- lives. Les sels neutres ne font qu'entraver ou arrêter la marche de la digestion [)eptique sans détruire complètement la pepsine. Le plus inoffensif de ces sels semble être le chlorure de sodium; viennent ensuite les bromures et iodures, puis les nitrates, et en der- nier lieu les sulfates. D'après Pfleiderer, ces derniers sels seraient tellement nuisibles à la pepsine qu'ils commenceraient à gêner la digestion à la dose minime de 0e'",0014 p. 100. Nous ferons remarquer à ce propos que Maly n'a pas pu trouver de sulfates dans le suc gastrique. Quant aux sels acides, ils ne favorisent pas, malgré leur réaction, l'activité de la pepsine, mais ils ne sont pas non plus très nuisibles. Ce sont surtout les sels des métaux lourds qui introduisent un trouble considérable dans la digestion peptique, en précipitant les albumines dissoutes et en entraînant avec elles une grande partie de la pepsine. Quant aux porportions dans lesquelles ces divers sels arrêtent l'activité de la pepsine, elles sont extrêmement variables d'une expérience à l'autre. Corps organiques. — 11 existe une foule de substances organiques qui jouissent de la propriété de modifier, dans un sens favorable ou défavorable, la marche de la digestion peptique. Parmi ces substances, l'alcool a été une des plus étudiées. D'après Petit, l'alcool retarde la digestion à la dose miniina de 4 p. 100, mais celle-ci peut encore avoir lieu dans un liquide contenant 8 p. 100 d'acool, à la condition qu'il soit très riche en pepsine. Les boissons alcooliques agissent dans le même sens sur les ESTOMAC. 659 liqueurs pepliques. Leur action est même plus énergique que celle qui revient à leur titre alcoolique, fait qui prouve qu'elles renferment d'autres éléments qui sont plus nuisibles pour la pepsine que l'alcool lui-même. Hugounencq a constaté que les matières astringentes et les matières coloraules du vin forment avec les albumines des combinai- sons très stables, qui sont difficilement dissociées par la pepsine. L'élher, le chloroforme, le chloral, le sulfure de carbone, la benzine et la plupart des essences, paralysent aussi l'action de la pepsine. Il en est de même d'un certain nombre d'alcaloïdes. D'après les recherches de Wroblewski, les chlorhydrates de conicine, de quinine, de strychnine et de narcéine retardent l'activité de la pepsine, tandis que les chlorhydrates de caféine, de théobromine et de codéine l'accélèrent. Antérieurement WoLBERG avait observé que la quinine activait la digestion peptique. En général, leg effets des alcaloïdes sont beaucoup plus prononcés si l'on emploie ces corps à l'état de bases qu'à l'état de sels. Enfin, tandis que la théobromine et la caféine activent la diges- tion pe[)tique, les infusions de thé et de café gênent sensiblement la marche de ce phéno- mène (SCHULZ-ScHULZENSTEhN). 11 existe encore, parmi les produits de sécrétion animale, deux liquides, le mucus et la bile, qui sont particulièrement nuisibles à l'activité de la pepsine. Lorsqu'on ajoute une certaine quantité de ces liquides à une solution peptique qui est en train de digérer, la digestion se ralentit tout à coup, et elle peut même s'arrêter complètement, si les pro- portions de mucus ou de bile additionnées sont assez fortes. C'est surtout la bile qui est nuisible à la digestion peptique. Sous l'influence de l'acide chlorhydrique, les sels biliaires se décomposent, et les acides biliaires insolubles, mis en liberté, se précipitent, entraînant avec eux la pepsine. En même temps, l'acidité des liquides digestifs est neu- tralisée en grande partie par les sels alcalins de la bile. Ces deux actions doivent néces- sairement troubler la marche de la digestion. Cummins et Chittenden, qui ont étudié expérimentalement le mécanisme de ces phéno- mènes, ont observé que l'influence paralysante de la bile in vitro tient essentiellement à l'acide taurocholique et à ses sels. L'acide glycocholiqne et les glycocholates n'ont pas d'action nuisible. Nous verrons plus tard que, lorsqu'on étudie ces mêmes phénomènes in vivo, les résultats qu'on obtient sont tout autres. j) Procédés de mesure de ractivité des solutions peptiques. — On a proposé un grand nombre de méthodes dans le but de mesurer la puissance proléolytique des solutions de pepsine. La plupart des auteurs se sont simplement contentés de déterminer la quantité d'albumine qu'un liquide de digestion peut dissoudre, dans un temps relativement court, qu'on a pris comme unité. D'autres physiologistes ont conseillé d'évaluer la vitesse de la digestion, en mesurant le temps que les solutions peptiques mettent à digérer une quantité fixe d'albumine ou de fibrine. Finalement, quelques expérimentateurs se sont proposé de mesurer le pouvoir digestif absolu des solutions peptiques en épuisant des solutions par l'addition, soit d'eau, soit de quantités considérables d'albumine. Dans la plupart de ces méthodes on n'a pris en considération que les phénomènes de dissolution de l'albumine. Certains physiologistes ont pensé que, pour bien connaître l'activité des liqueurs peptiques, il fallait doser les divers produits qui résultent du dédoublement des principes albuminoïdes. Avant de nous prononcer sur la valeur de chacune de ces méthodes, nous allons les décrire sommaiiement, en suivant l'ordre chronologique. 1° Procédé de Bidder e< Schmidt. — Ces auteurs explorent le pouvoir digestif d'une solu- tion peptique à l'aide de petits cylindres d'ovalbumiue cuite, dont ils déterminent le poids à l'avance à l'état sec. Ces cylindres sont ensuite soumis à la digestion pendant un temps donné (18-24 heures). Au bout de ce temps, on filtre et on sépare l'albumine non attaquée. Ce résidu est desséché à la température de 120°, et pesé. La différence entre le poids trouvé et le poids primitif des cylindres donne la mesure du pouvoir digestif de la solution peptique. Le défaut capital de cette méthode, comme celui de toutes les autres méthodes qui emploient un corps solide pour éprouver l'activité digestive d'une solution peptique, c'est que la surface d'attaque de l'albumine solide diminue progressi- vement, au fur et à mesure que la digestion avance. Dans ces conditions, la quantité d'albumine dissoute n'est pas exactement proportionnelle au temps. 2° Procédé de Bri/cke. — Cet expérimentateur mesure la puissance digestive d'une solution peptique par le temps qu'elle met à dissoudre complètement un flocon de A A A A _> — ? _5 etc. 2 4 8 16' B B B B^ _> _? _> etc. 2 4 8 le' C C C c _7 — ) _> — ) etc. 2 4 8 16 660 ESTOMAC. fibrine. Lorsqu'il veut comparer plusieurs solutions entre elles, il conirnence par leur donner le même taux d'acidité; puis il les étend avec de l'eau acidulée, de façon à en faire plusieurs séries parallèles, suivant une progression géométrique. Exemple : soit trois solutions de pepsine : A, B et C, au même titre d'acidité. On prendra un volume égal de chacune de ces solutions, et on en fera les dilutions suivantes : B Cela fait, on placera ces diverses solutions à Pétuve, et, lorsqu'elles auront pris l'équi- libre thermique, on les additionnera d'un même poids de fibrine fraîche. Au bout de quelques heures, on verra que la dissolution de la fibrine s'est faite en même temps A B C dans certains liquides. Supposons que ce soient les liquides -, — et -^, dont la digestion coïncide. Nous dirons alors que la solution peptique C est deux fois plus active que la solution B, et celle-ci deux fois plus active que la solution A. Bricre prétend qu'on peut doser par cette méthode les quantités relatives de pepsine contenues dans une série de liquides digestifs, car, d'après lui, la vitesse de la digestion est directement proportion- nelle aux quantités de pepsine. 3" Procédé de Scijiff. — Cette méthode a e'té faite essentiellement en vue de mesurer le pouvoir digestif absolu des infusions stomacales. La muqueuse gastrique d'un chien est mise à macérer dans une quantité relativement gi'ande d'acideichlorhydrique étendu ; 5 à UOO grammes pendant o ou 6 jours, afin d'en extraire le plus possible de pepsine. On prend ensuite un volume donné de cette infusion, et on le met à digérer à l'étuve avec une quantité connue d'albumine (Schiff préfère l'albumine d'oeuf cuite à la fibrine). En supposant que la digestion de l'albumine soit complète, on ajoute aux liquides diges- tifs de nouvelles quantités de cette substance, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de transfor- mation sensible. A ce moment Schiff conseille de diluer les liquides digestifs avec l'acide chlorhydrique étendu pour voir s'ils reprennent leur activité. Dans le cas où la digestion reprend de nouveau, on recommence les mêmes opérations jusqu'à ce qu'on ait épuisé complètement les propriétés digestives de l'infusion. Si l'on fait alors la somme des quantités d'albumines dissoutes, on aura un certain chiffre qui représentera le pouvoir digestif absolu de l'infusion stomacale examinée. Les raisons qui ont poussé Schiff à employer une méthode aussi longue et aussi minutieuse pour étudier le pouvoir digestif des infusions stomacales sont les suivantes : \° extraire la totalité des ferments protéolytiques contenus dans la muqueuse gastrique en prolongeant le plus possible le temps de la macération; 2" placer les infusions stomacales dans des condi- tions d'activité optimum, en leur donnant le degré d'acidité et de dilution le plus favorable. Pour atteindre ce dernier résultat, Schiff dit qu'il faut procéder par une série de tâtonnements, c'est-à-dire additionner aux liquides digestifs des quantités croissantes d'acide et d'eau, en même temps qu'on explore leur puissance protéolytique : on arrive ainsi à une limite de dilution et d'acidité dans lesquelles les causes perturbatrices de la digestion perdent de plus en plus de leur influence, parce que la densité des liquides ne subit plus d'oscillations appréciables par la présence des produits digestifs. C'est dans ces conditions que les infusions stomacales atteignent réellement leur maxi- mum d'intensité et deviennent comparables entre elles. Nous croyons cependant qu'il serait tout aussi facile de déterminer cette limite optimum en diluant d'emblée les liquides digestifs dans des proportions différentes d'eau acidulée et en mesurant ensuite la puissance protéolytique de chacune de ces solutions. Herzen a fait déjà un pas dans ce sens, en appliquant une métliode de cet ordre à la détermination de l'activité du suc gastrique naturel. Malheureusement cet auteur ne dilue le suc gastrique que dans dix fois son volume d'acide chlorhydrique à 2 p, 1000, ce qui est un chiffre absolument arbitraire. ESTOMAC. 661 4° Procédé de Grûnhagex. — Ce procédé est très élémentaire et très défectueux. On place dans un entonnoir de la fibrine préalablement gonflée par l'acide chlorhydrique étendu. On verse ensuite sur la masse un volume déterminé de la solution peptique. Au fur et à mesure que la digestion se fait, la fibrine dissoute s'écoule goutte à goutte par le bout de l'entonnoir. On juge de la vitesse de la digestion, et par conséquent de la puissance digestive de la solution peptique, par le nombre de gouttes qui tombent du filtre dans l'unité de temps. Il est à peine nécessaire de faire remarquer que, dans celte méthode, la digestion se fait dans des conditions trop anormales pour qu'on puisse en tirer une conclusion quelconque. D'une part, l'action de la pepsine s'exerce sur une sur- face trop variable, et, d'autre part, la digestion doit être considérablement gênée par l'absence presque complète de liquide. 5" Procédé de GrCtzner. — Cette méthode, appelée aussi méthode color métrique, évalue la puissance digestive d'une solution peptique par le degré de coloration que celte solution prend en dissolvant une quantité plus ou moins grande de fibrine, colorée par le carmin ammoniacal. Pour se servir de cette méthode, il faut faire les opéra- tions suivantes : 1° De la fibrine parfaitement lavée et divisée en petits morceaux est plongée pendant vingt-quatre heures dans une solution de carmin ammoniacal. On pré- pare cette solution en broyant 1 gramme de carmin dans un petit volume d'ammo- niaque diluée. On évapore au bain-marie, et l'on traite le résidu par l'eau, de sorte que la solution contienne 1 gramme p. 100 de carminate d'ammoniaque. On filtre et on obtient le liquide dont on doit se servir. Au bout de vingt-quatre heures, la fibrine est généralement bien colorée, pourvu qu'on ait employé une assez grande quantité de solution colorante. On prend alors cette fibrine, et on la lave à plusieurs reprises jusqu'à la débarrasser complètement de l'excès de solution ammoniacale. Cela fait, on peut con- server les flocons de fibrine colorée dans la glycérine ou dans l'acide salicylique à 1 p. 100 ; 2" Lorsqu'on veut procéder à la détermination du pouvoir digestif des solutions peptiques, on prend cette fibrine colorée, on la débarrasse par un ou deux lavages de la glycérine ou de l'acide salicylique quelle contient, et on la trempe dans une solution d'acide chlor- hydrique à 2 p. dOOO pendant une demi-heure. L'acide chlorhydrique transforme celte fibrine en une masse gélatineuse qui peut être divisée en plusieurs portions égales qu'on ajoute aux liquides peptiques. Aussitôt que la dissolution de la fibrine com- mence, le carmin est mis en liberté, et les liquides de digestion se colorent plus ou moins, suivant leur puissance protéolytique; 3° On se rend compte des difîérences de coloration que présentent ces liquides, en les comparant avec des solutions titrées de car- min qu'on prépare à l'avance. GrOtziNer conseille de diluer le plus possible les liquides peptiques afin d'éviter que la digestion soit trop rapide. Ainsi les liquides mettent un temps très long à atteindre le maximum de coloration, et les mesures deviennent beau- coup plus précises. Gehiug a modifié la méthode de Grutzner en colorant la fibrine par le rouge de Mag- dala, au lieu de le faire par le carmin ammoniacal. On coupe en petits morceaux de la fibrine soigneusement lavée et on la laisse quarante-huit heures dans une solution alcoo- lique concentrée de rouge de Magdala. Lorsque les morceaux sont bien colorés, on les lave à un courant d'eau jusqu'à ce qu'ils ne perdent plus de substance colorante. La fibrine provenant de ce traitement offre le désavantage qu'elle est rétractée. Pour lui rendre sa consistance primitive, on la conserve dans une solution de carbonate de soude à 1 p. 100. La fibrine colorée parce procédé peut rester pendant plusieurs jours dans l'eau à la température de 37", sans qu'elle perde sa substance colorante. Au contraire, si on la met en présence d'une solution peptique, elle teint graduellement le liquide de diges- tion jusqu'à sa dissolution complète. Le reste de celte méthode ne diffère en rien de celle de Grutzner. 6» Procédé de Schutz. — Cet auteur se sert de T'albumine d'œuf débarrassée de gto- buline comme réactif pour éprouver l'activité des liqueurs peptiques. Le mélange digé- rant contient 1 gramme d'albumine sèche, et 0,25 à 0,30 d'acide chlorhydrique. Au bout de seize heures de digestion à la température de 37», il dose, par le polariraètre, les albumoses secondaires et les peptones formées, après avoir précipité par le ferri-acétate de soude l'albumine qui n'est pas encore dédoublée et les albumoses primaires que peut contenir le fiquide. On en déduit la quantité de pepsine, d'après la loi établie par 662 ESTOMAC. ScHlJTz, que les quantités d'albumoses secondaires et de peptones sont proportionnelles aux racines carrées de pepsine. Dans celte méthode l'attaque de la pepsine se fait simul- tanément sur toutes les molécules d'albumine. On n'a donc pas à craindre l'influence fautive de la surface, comme cela arrive dans la digestion des matériaux solides. Tout récemment Huppert et Schutz ont eu l'occasion de contrôler la valeur de ce procédé. En faisant l'analyse quantitative des divers produits de la digestion, ils sont arrivés aux mêmes résultats qu'en employant la méthode polarimétrique. 1° Procédé de Jaworsri. — Ce procédé consiste à diluer les liquides digestifs qu'on veut examiner jusqu'à leur faire perdre leurs propriétés protéolytiques. Cette dilution se fait à l'aide d'une solution titrée d'acide chlorhydrique à 1 ou 2 p. 1 000. D'autre pari, on doit employer de petites quantités de fibrine, chaque fois qu'on éprouve le pouvoir digestif des solutions. Autrement on introduit une cause d'erreur qui tient à l'accumu- lation des produits peptiques. Malgré toutes les précautions possibles, cette méthode ne peut pas être très précise, car il est malaisé de déterminer exactement la quantité d'eau qu'il faut ajouter aux solutions peptiques pour les rendre inactives. 8° Procédé de Hùbner. — Cet auteur évalue la'puissance digestive d'une liqueur pep- tique par la quantité d'albumine que cette liqueur dissout dans un temps déterminé. Mais ce qui différencie ce procédé de tous les autres qui sont basés sur le même principe, c'est que, pour savoir la quantité d'albumine dissoute, HObner dose l'azote total des pro- duits solubles au lieu de peser le résidu de l'albumine non attaquée. Cette manière de faire est beaucoup plus rigoureuse que les précédentes, et elle a été adoptée tout d'abord par Sjoquist et plus récemment par Opplf.r. 9" Procédé de Mette. — La caractéristique essentielle de ce procédé est celle de maintenir invariable, pendant toute la durée de la digestion, la surface d'attaque de l'albuminoide solide qui sert à éprouver la puissance digestive d'une solution peptique. Pour atteindre ce résultat, Mette opère de la façon suivante : On fait écouler le blanc d'œuf par un petit trou de la coquille dans une éprouvette de verre que l'on remplit jus- qu'aux trois quarts. On prend ensuite une série de tubes de faible diamètre (I à 2 millimètres), et on les plonge dans le liquide de l'éprouvetle, après les avoir totale- ment remplis par aspiration d'albumine. Il faut prendre garde pendant cette opération de ne pas introduire de l'air dans les tubes. Lorsque l'opération est finie, on tiansporle l'éprouvette avec les tubes dans un bain d'eau à la température de 95° pendant cinq minutes. Au bout de ce temps, on retire les tubes de l'éprouvette. Les tubes récemment préparés présentent presque toujours des vacuoles ou des espaces clairs non remplis d'albumine. Si ces espaces sont grands, ils proviennent de l'air qui a été aspiré avec l'albumine. Dans ce cas, ces tubes doivent être rejetés; si les vacuoles que présentent les tubes sont au contraire très petites, c'est qu'elles proviennent de l'évaporation rapide de l'eau à la température de coagulation de l'albumine; ce qui ne constitue pas un inconvénient bien sérieux. D'ailleurs ces bulles disparaissent au bout de trois jours. A ce moment, les tubes sont prêts pour servir à l'épreuve digestive. On les coupe alors en fragments de dO à 12 millimètres de longueur, et on met à digérer deux nu plusieurs de ces fragments dans un cristallisoir, contenant la solution peptique à la température de 39°. Au bout de dix heures de digestion, temps pris comme unité pour ce genre de détermination, on transporte le cristallisoir dans la glace, afin d'arrêter la marche de la digestion peptique dans les tubes, et on mesure la longueur d'albumine dissoute. Cette mesure se fait par différence entre la longueur du tube et celle du cylindre d'albumine. Le nombre de millimètres trouvé exprime la puissance digestive du liquide peptique. KiRiKOw a proposé, dans le but de rendre plus sensible ce procédé, de remplir les tubes avec du sérum de sang, concentré jusqu'à la moitié de son volume par une évapo- ration à oO° : d'après lui, l'albumine du sérum se digérerait deux ou trois fois plus vite que l'albumine de l'œuf. D'autre part, ce même auteur conseille, pour éviter la forma- tion des bulles dans le bloc d'albumine et la coagulation inégale de cette substance, de chauffer graduellement les tubes. Avec ou sans ces modifications, le procédé de Mette a été adopté par un grand nombre de praticiens et de physiologistes. Pourtant on a fait observer : 1° que la consistance de l'albumine n'était pas la même dans toute la lon- gueur des tubes; 2" que les surfaces d'attaque du cylindre albumineux changeaient de ESTOMAC. t)6a forme et d'étendue au cours du processus digestif; ;P que la digestion dans l'intérieur des tubes, se faisant dans un espace très limité, devait n(kessairement se ralentir, tant par raccumulation des produits digestifs que par la diflîculté de renouvellement de la pepsine. Samaojloff a fait justice de ces objections en montrant que la vitesse de la digestion reste constante pendant toute la durée de l'expérience. Il a vu en eftet, en mesurant les longueurs d'albumine dissoute à des intervalles égaux, depuis le commen- cement jusqu'à la fin de l'expérience, que ces longueurs sont proportionnelles au temps, quelle que soit la profondeur à laquelle la digestion se fasse dans le tube, pourvu que cette profondeur ne dépasse pas 5 millimètres. A l'appui de cette conclusion, il donne les clnlfres suivants, qui représentent la moyenne de plusieurs observations. mm. Digéré pendant les deux premières heures 1,10 — — deuxièmes heures 1,14 — — troisièmes heures 1,12 '; Moyenne de 52 olservations. — — quatrièmes lieures 1,15 \ — — cinquièmes heures .... 1,09 j — • — sixièmes heures 1,10 Moyenne de 36 observations. Samaojloff ajoute « que la profondeur de 5 millimètres peut être considérée comme la profondeur extrême à laquelle arrive la digestion du plus fort suc gastrique du chien dans un laps de temps de dix heures; de sorte que, si l'on obtenait par la suite une cer- taine diminution de la vitesse de la digestion, elle ne saurait présenter aucun intérêt pratique ». Néanmoins il a voulu savoir ce que devient la vitesse de la digestion à une grande profondeur. Pour cela, il a pris de longs tubes remplis d'albumine qu'il a soumis, les uns pendant douze heures, les autres pendant vingt-quatre heures, à l'action du suc gas- trique du chien. Il a trouvé comme longueurs digérées : mm. Pendant les douze premières heures 8,6 — — deuxièmes heures 7,0 — — troisièmes heures 5,75 — — quatrièmes heures 4,0 On voit donc que la digestion se ralentit considérablement à partir de la seconde période de douze heures; c'est-à-dire lorsque la dissolution de l'albumine atteint la pro- fondeur de 6 à 7 millimètres. Cette limite ne doit pas être dépassée, si l'on veut avoir confiance dans les résultats, mais, pour le reste des indications, le procédé de Mette semble être assez exact. On peut cependant se demander si l'on peut juger de la puissance digestive d'un suc gastrique, en s'adressant simplement à la dissolution de l'albumine. Certains auteurs pensent que ce genre de détermination n'a aucune valeur, attendu que la dissolution et la peptonisation de l'albumine ne sont pas simultanées. 10" Procédé de Hammersgulag. — Cette méthode est surtout applicable aux recherches cliniques. On prépare deux échantillons de 10 centimètres cubes chacun d'une solution d'albumine à 1 p. 100 additionnés de IICI libre à I p. I 000. Un de ces échantillons est mélangé avec 3 centimètres cubes d'eau, l'autre avec le même volume du liquide gas- trique à examiner. Les deux inélanges sont ensuite transportés à l'étuve, où ils restent pendant deux heures. Après quoi ils sont examinés à l'aide de l'albuminimètre de Esbagh, au point de vue de leur richesse en albumine. L'échantillon qui sert de témoin indique la teneur primitive en albumine, et la ditférence entre les deux donne la quan- tité d'albumine digérée. Le l'apport entre la quantité d'albumine digérée et la quantité initiale sert de mesure à la puissance digestive du liquide peptique. Troller a modifié le procédé de Hammerschlag de la manière suivante. A une solution au centième de protogène, faite à l'aide de l'acide chlorhydrique normal et de l'al- bumine durcie dans le formol, on ajoute le suc gastrique qu'on veut analyser (10 centi- mètres cubes de la solution de protogène et 3 centimètres cubes de suc gastrique), et on met le tout à l'étuve. Au bout d'ime heure de digestion on laisse refroidir le mélange, et on l'additionne du réactif d'EsBAcn, avec lequel il doit rester en contact pendant yingt-quatre heures. Un flacon témoin contenant la même solution de protogène que 664 ESTOMAC. l'antérieur, mais sans suc gastrique, est soumis au môme genre d'opérations. Après 1& traitement par le réactif (I'Esbach, on mesure la quantité d'albumine déposée par les deux liquides, et on a, par différence, la puissance digestive du suc gastrique. il" Procédé de Klug. — Cette méthode est, avec celle de Schutz, l'une des plus com- plètes. Elle permet de doser les divers produits de la digestion, nous renseignant ainsi sur la nature même du travail chimique accompli par la pepsine. Cette indication peut avoir une importance extrême dans le cas où l'on étudie comparativement la valeur digestive de plusieurs solutions peptiques d'origine différente. En effet, on se souviendra que Klug a montré, grâce à celte méthode, que les pepsines du chien, du porc et de la vache, ne fournissent pas, même lorsqu'on les place dans des conditions semblables, les mêmes quantités de syntonine, d'albumose et de peptones. La marche de ce procédé est la suivante. On prend, avec une pipette, de O^^S à 4 c. c. de la liqueur peptique sui- vant sa concentration. Si la quantité est inférieure à 4 c. c, on la dilue avec l'eau distillée jusqu'à ce qu'on ait atteint ce volume. Puis on ajoute au liquide 2 c. c. d'une solution concentrée de soude, et six gouttes d'une solution de sulfate de cuivre à 10 p, 100. On agite le mélange, et on filtre. Le liquide filtré, qui a pris la teinte de la réaction du biuret, est versé dans une cuvette de Schulïze et examiné au spectro-photomètre de Glan, en utilisant la partie du spectre comprise entre Dt^E et DiooE. On détermine ainsi l'angle de rotation qu'il faut donner au prisme de nicol pour obtenir l'égalité des teintes de la lumière. Cet angle est l'angle p. La même opération faite sans le liquide donnera l'angle a, et en connaissant ces deux angles on peut, par une simple formule, déterminer le coef- ficient d'extinction normal du liquide. Ce coefficient est directement proportionnel au degré de coloration du liquide, ou, ce qui revient au môme, à sa richesse en protéides. On prend alors une portion de ce liquide, et on la met à digérer avec 5 grammes de la poudre d'albumine sèche pendant vingt-quatre heures. Au bout de cette période, on arrête la digestion et on filtre le liquide; on renouvelle les mômes opérations et on ca'cule son coefficient d'extinction après l'avoir débarrassé de l'albumine simplement dissoute, par TébuUition. Par différence avec le coefficient primitif, on aura un certain chilfre qui représentera la quantité d'albumine digérée; sur une autre partie du liquide filtré on fait encore la même détermination, mais en ayant soin de précipiter auparavant les syn- tonines par neutralisation. Ce nouveau coefficient donnera, par différence avec le chiffre antérieur, la quantité des syntonines formées. Enfin, sur une dernière portion du liquide, débarrassée au préalable de l'albumine simplement dissoute, des syntonines, et des albu- moses, par le sulfate d'ammoniaque, on évaluera le dernier coefficient, qui sera celui des peptones. Ces divers chiffres n'ont, bien entendu, qu'une valeur comparative, mais on peut connaître approximativement leur valeur réelle, en se servant des tables qui ont été dressées par Klug en opérant sur des solutions titrées d'albumines, d'albumoses et de peptones. /.) Valeur comparative de ces diverses méthodes. — Nous discuterons dans ce cha- pitre : 1° la valeur des principes sur lesquels se fondent ces méthodes, et 2» l'erreur plus ou moins grande qu'on peut commettre dans leur application. 1° Sous le rapport des principes, nous ferons deux groupes : Sl° Méthodes qui mesurent la quantité d'albumine dissoute ou transformée dans un temps donné qui est pris comme unité ; 2° Méthodes qui évahient le temps de dissolution d'une quantité fixe d'albumine ou de fibrine. 2° GROUPE. 1° Méthodes qui déterminent la quantité totale d'albumine qu'un liqu'ide de digestion peut dissoudre jusqu'à l'épuisement complet do son action digestive ; Méthodes que nous pour- <^ rions appeler absolues: ) -° Méthodes consistant à diluer les solutions peptiques jusqu'au, moment où celles-ci deviennent impuissantes à digérer une petite quantité d'albumine ou de fibrine. La dernière de ces méthodes est aujourd'hui complètement abandonnée. On comprend en effet qu'il soit malaisé de déterminer par dilution la fin de l'activité digestive d'une liqueur peptique, attendu que les solutions acides, elles-mêmes, jouissent du pouvoir de ESTOMAC. 665 transformer une certaine quantité d'albumine. Ce même reproche peut être adressé aux autres méthodes absolues. D'autre part, il est incontestable qu'on peut évaluer plus faci- lement l'activité des liqueurs peptiques en mesurant la vitesse de la digestion qu'en mesurant la quantité totale d'albumine dissoute. Cette mesure est non seulement plus rapide, mais elle est aussi plus exacte, car on sait que l'activité de la pepsine s'écarte de la loi normale aussitôt que les produits peptiques commencent à s'accumuler dans les liquides de digestion. A partir de ce moment, l'activité de la pepsine décroît et devient très irrégulière, de sorte que nous croyons, contrairement aux idées de Schiff, que toute mesure faite pendant cette période de la digestion se trouve nécessairement entachée d'erreur. On peut donc dire que les méthodes fondées sur la vitesse de la digestion sont les- plus aptes à déterminer la valeur réelle de l'activité des solutions peptiques. Ces méthodes se divisent en deux catégories. Les unes mesurent la quantité d'albumine dis- soute ou transformée dans un temps relativement court qui est pris comme unité. Les autres, au contraire, prennent une petite quantité d'albumine ou de fibrine qui est tou- jours la même, et évaluent le temps de dissolutfon. A priori, ces dernières méthodes semblent être plus exactes, car elles réduisent au minimum les causes perturbatrices de la digestion, tenant à l'accumulation des produits peptiques. Malheureusement, ces méthodes, dont le procédé de BrOcke fait partie, exigent l'emploi d'un corps solide pour mesurer la vitesse de la digestion, ce qui est une cause d'erreur assez importante. Mais, même si l'on accepte ces conditions, il est difficile de déterminer exactement le moment précis où le flocon de fibrine ou d'albumine disparaît dans les liquides de digestion. Si ces liquides sont très riches en pepsine, la dissolution de la [fibrine se fait tellement vite qu'il est presque impossible de saisir des différences d'activité'. Au contraire, si les liqueurs peptiques sont très diluées, on risque de trouver la même vitesse de digestion pour les divers liquides à cause de l'influence préponde'rante de l'acide sur le phéno- mène de la dissolution de la fibrine. En raison de ces inconvénients, nous croyons qu'il faut accorder la préférence aux méthodes qui mesurent la vitesse de la digestion par la quantité d'albumine dissoute ou transformée dans un jtemps donné, mais seulement à la condition qu'on arrange l'expérience de sorte que cette vitesse reste constante pendant cette période de temps^ ou du moins qu'elle suive une loi définie. Autrement les mesures faites ne sauraient avoir de valeur. Les seules méthodes qui réalisent cette condition sont la méthode de Mette et celle de Schutz. Dans la première, la vitesse d'action de la pepsine reste constante, d'après Samaojloff, jusqu'à la profondeur de 5 à 6 millimètres. Dans le pro- cédé de Schutz, la vitesse dmiinue dès le début de l'expérience, mais ce phénomène se produit suivant une loi connue, de sorte que ce procédé peut être encore utilisé. Il semble même découler de l'examen comparatif de ces deux procédés que le dernier est le plus exact. 1° Quant aux erreurs qu'on peut commettre dans l'application de ces méthodes, il importe d'établir une différence entre les méthodes qui emploient comme réactif de digestion un corps solide insoluble et qui n'ont eu vue que l'étude des phénomènes de dissolution de l'albumine, et les méthodes qui se servent d'un corps liquide ou d'un corps solide soluble, comme réactif de digestion, et qui cherchent à doser les divers produits qui résultent du dédoublement peptique des principes albuminoïdes. Les méthodes du premier groupe sont beaucoup plus défectueuses. En premier lieu, la surface d'attaque de l'albuminoïde solide, qui sert à explorer l'activité diges- tive de la solution peptique, diminue au fur et à mesure que la digestion avance. Il s'ensuit que, même si la force de dissolution du liquide restait constante, la vitesse de la digestion diminuerait pendant tout le temps de l'expérience. C'est pour éviter cette cause d'erreur que Mette d'abord, et Klug ensuite, ont conseillé de prendre : le premier, un tube de verre rempli d'albumine coagulée, et le second, de l'albumine en poudre. Mais,, quelle que soit la valeur de ces modifications, ces procédés ne constituent pas encore ce que Huppert appelle un système homogène, c'est-à-dire un système dans lequel toutes les molécules du corps actif et toutes les molécules des corps mis à digérer soient inti- mement en contact. Cette condition ne peut être réalisée que dans le cas où les deux corps se trouvent en solution dans le même liquide. Les méthodes dont nous parlons 666 ESTOMAC. présentent en outre ce désavantage, qu'autour du point où la réaction a lieu, il se forme une espèce d'atmosphère anormale, constituée par l'accumulation des produits peptiques, dans laquelle la digestion est plus ou moins gênée. Or, puisque nous ne pouvons pas réussir à maintenir invariable la composition des liquides digestifs pendant le temps oîi nous éprouvons leur activité, nous devons tout au moins nous attacher à rendre leur composition uniforme. 11 est évident que ce résultat ne peut être atteint par aucune de ces méthodes. Toutefois, Samaojlofi' affîmie que, dans le procédé de Mette, les phénomènes dont il est question n'ont aucune importance, tant que la diges- tion dans le tube n'atteint pas la profondeur de 5 millimètres, car jusqu'à ce moment, dit-il, la vitesse de la digestion reste constante. Cela n'empêche que ces phénomènes existent, et que dans certains cas ils peuvent être une cause d'erreur. On a encore une objection beaucoup plus grave contre ce genre de méthodes. C'est qu'elles se conteiatent de déterminer les quantités d'albumine dissoute. Or rien ne dit que le pouvoir dissolvant d'une liqueur peptique soit absolument le même que son pouvoir peptonisant. A. Gautier a montré que le suc gastrique de mouton contient une sorte de pepsine imparfaite qui digère plus rapidement la fibrine que la pepsine parfaite, mais qui fournit moins de peptone que celle-ci. Duclaus va même jusqu'à prétendre que la pepsine est formée de deux ferments, l'un dissolvant, l'autre pep- tonisant, qui tous deux agissent d'une façon indépendante sur les principes albumi- noïdes. En laissant de côté toute hypothèse, pour ne rester que sur le terrain des faits, nous trouvons dans les expériences de Klug la preuve irréfutable que les diverses espèces de pepsine peuvent, dans des conditions également optinia, dissoudre la même quantité d'albumine, tout en fournissant des quantités très différentes de syntonines, d'albumoses et de peptones. Il serait donc prématuré de dire qu'une liqueur peptique est plus riche en pepsine qu'une autre, en se basant seulement sur une mesure compa- rative du pouvoir dissolvant de chacune de ces solutions. Pour faire une affirmation semblable, il faudrait connaître plus en détail la marche et la grandeur du travail chi- mique accompli par la pepsine. La méthode de Klug est la seule, parmi les méthodes qui empluient comme réactif de digestion un corps solide insoluble, qui soit à même de nous fournir ces renseignements. Mais elle n'a pas encore la valeur des méthudes de ScHUTz et de HuppERT. Grâce à la manière d'opérer de ces auteurs, on n'a pas à se préoc- cuper des causes d'erreur signalées plus haut, en même temps qu'on dispose d'un moyen assez sûr de doser les divers produits qui résultent de la digestion peptique. La véritable difficulté commence lorsqu'il s'agit de choisir, parmi ces divers produits, un terme de comparaison pour évaluer l'activité des pepsines. Doit-on prendre les syntonines, les albuinoses ou les peptones? Cette question ne pourra être résolue, tant qu'on ne connaîtra pas, d'une façon cer- taine, la valeur nutritive de chacun de ces produits et le rang qu'ils. occupent dans la fonction chimique de la pepsine. Nous pouvons cependant dire que ce choix ne doit porter ni sur les syntonines, ni sur les albumoses primaires, car ces corps dépendent trop directement de l'inlluence de l'acide. Au contraire, les albumoses secondaires et les peptones sont plutôt l'œuvre de la pepsine; mais, comme un choix entre ces deux corps devient véritablement trop difficile, nous proposerons, à l'exemple de Schutz et de HuppERT, de les doser tous les deux ensemble. Nous arrivons donc à cette conclusion que, pour connaître l'activité d'une solution peptique, il faut prendre une méthode qui mesure la vitesse de la digestion à l'aide d'un corps soluble ou liquide, en dosant les albumoses secondaires et les peptones. /) Conditions dans lesquelles il faut placer les liqueurs peptiques pour mesurer leur activité. — Le premier soin que doit prendre tout opérateur qui désire cunnaître la puissance protéolytique d'un liquide de digestion, c'est de placer ce liquide dans des conditions d'activité tout à fait régulière. Or les solutions peptiques très concentrées s'écartent beaucoup de cette loi. Tel est le cas des sucs gastriques naturels, même lors- qu'ils sont à l'état pur. 11 faut donc commencer par diluer ces liquides. S'il s'agit d'une liqueur peptique, comme par exemple le suc gastrique de chien, dont on sait à f avance les meilleures conditions d'acidité, ou prendra une solution titrée d'acide chlorhydrique, à 4 ou 5 p. 1000, avec laquelle on diluera le suc gastrique de cinq à dix lois son volume. ESTOMAC. 667 suivant sa concentration mesurée densimétriquement. Cette solution servira ensuite à la mesure définitive de l'activité du suc gastrique. Pour plus de sûreté, il faudrait, par un essai préalable, déterminer la marche de l'activité digestive dans cette solution. Mais, s'il faut croire les expériences de Samaojloff et de Schutz, la vitesse de la digestion, dans ces conditions, est tout à fait régulière. Lorsqu'on veut comparer l'activité de divers échantillons d'un même suc pris à des moments différents de la digestion, cette même opération est encore plus indispensable; car la composition chimique du suc gastrique varie beaucoup d'un moment à l'autre de la digestion. Il arrive souvent que les liquides de digestion n'acquièrent toute leur activité que quelques heures après leur extraction du corps. C'est que ces liquides renferment, à côté de la pepsine, des quantités plus ou moins grandes de propepsine, qui mettent un cer- tain temps à se transformer en pepsine active. Ce fait se produit principalement pour les infusions et pour les extraits d'estomac. C'est dans ce cas surtout qu'il est absolument nécessaire de laisser les solutions peptiques quelques heures à l'étuve avant d'éprouver leur activité. !1 faut aussi réduire au minimun l'intluence perturbatrice qu'exercent les produits peptiques sur la marche de la digestion. Aussi ne doit-on éprouver les liquides digestifs qu'avec le moins possible d'albumine. Si les besoins de l'expérience exigent l'emploi d'une plus grande quantité de protéide, le meilleur moyen de combattre celte accumu- lation de produits consiste à soumettre les liquides digestifs à une dialyse constante en présence d'une solution d'acide ayant le même titre d'acidité que ces liquides. D'après les recherches de Amermann et Chittende.n, la dialyse ne serait {*as nécessaire, tant que la quantité de protéide mise à digérer ne dépasse pas 4 grammes p. 100 pour la fibrine, et 2 grammes p. 100 pour l'ovalbumine, ces deux corps pesés à l'état sec. m) Lois d'activité de la pepsine. — La courbe d'activité de la pepsine en fonclion du temps ne peut être représentée par aucune loi. En général cette courbe monte assez rapidement pour atteindre son optimum, puis elle tombe très lentement. D'après Klug, la pepsine de chien présente son optimum d'activité vers la douzième heure de la diges- tion, lorsqu'on la place dans les conditions suivantes : solution de pepsine contenant 0,1 p. 100 de pepsine et 0,3-0,6 p. 100 d'acide chlorhydrique; température de digestion: 39°; quantité d'albumine mise à digérer : 7 grammes d'ovalbumiue cuite pour 20 c. c. de liquide. De la douzième heure à la vingt-quatrième heure, l'activité de la digestion ne subit que de très faibles variations, et elle reste aux environs du point optimum, comme le montre le tableau suivant, de Klug. HEURES DE DIGESTION. QUANTITÉS d'albumine dissoutes représentées par la différence dos coefficients d'extinction E2 - E'. HEURES DE DIGESTION. QUANTITÉS d'albumine DISSOUTES représentées par la différence des coefflcients d'extinction E2 — E. 1 2 3 4 0 6 7 8 9 10 11 12 1,058 1,667 2,332 2,804 3,275 3,371 3,595 3,659 3,875 3,981 4,205 4,389 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 4,183 4,081 4,011 3,838 3,842 8,8ii3 4,058 3,892 4,114 3,952 4,115 4,160 Nota. — Nous supprimons les décimales qui ne sont pas nécessaires à la démonstration. 668 ESTOMAC. Dans ces expériences, l'auteur n'a pris en considération que les phénomènes de disso- lution de l'albumine. En dosant les produits peptiques, et en se servant en même temps de plusieurs espèces de pepsine, Klug a constaté que la courbe d'activité de la pepsine varie non seulement pour chaque produit peptique, mais aussi pour chaque espèce de pepsine. Ces divers résultats se trouvent réunis dans le tableau ci-joint : M' X ^ \ PEPSINE DE PORC. PEPSINE DE V ACHE. Pe]ilones. PEPSINE D !•: C III EN. Peploues. Syntonines. Albiimoses. Peptones. Syntonines. Albunioses. Synloiiines. Albnmoses. 0,231 0,575 0 0,201 0,482 0 0,128 0,543 0,159 2 0,411 0,908 () 0,244 0,743 0 0,534 1,338 0,176 3 0,731 1,136 0 0,426 1,000 0 0,637 2,048 0,201 4 0,804 1,147 0,049 0,943 1,147 0,029 1,140 2,319 0,353 6 1,192 1,700 0,178 1,103 1,704 0,084 0,834 3,482 0,602 8 1,643 1,887 0,252 1,613 2,059 0,121 0,964 3,525 0,887 10 1,575 2,298 0,287 1,994 2,493 0,223 0,678 3,319 0,878 12 1,662 3,370 0,361 2,002 3,148 0,314 0,445 3,356 0,914 13 2,004 2.412 0,376 1,982 2,768 0,355 0,542 3,489 0,876 La durée totale de la digestion dans ces expériences a été de vingt-quatre heures, mais, les optima «'étant produits avant celte limite, l'auteur a cru inutile de rapporter tous ses résultats. En regardant de près ces chiffres, on voit que la pepsine de chien atteint son optimum au bout de quatre heures, pour la formation des syntonines, la pep- sine de vache au bout de dix heures, et la pepsine de porc au bout de quinze heures. Mais l'optimum de la pepsine de chien est tellement inférieur aux deux autres optima (1,140 contre 2,002 et 2,004) que, tout compte fait, ce sont les pepsines de vache et de porc qui fournissent le plus de syntonine. Pour la formation des albumoses, la pepsine de chien se montre, au contraire, beaucoup plus active que les deux autres. Son opti- mum, qui se produit aux environs de la sixième heure, a la valeur de 3,52o, tandis que celui de la pepsine de vache, qui ne se présente qu'au bout de la douzième heure de la digestion, n'est que de 3,148, et celui de la pepsine de porc, qui est encore plus éloigné (quinzième heure), de 2,412. Finalement, sous le rapport du rendement en peptone, la pepsine de chien l'emporte de beaucoup sur les deux aulres. Quant aux pepsines de porc et de vache, elles suivent, à quelques différences près, une marche parallèle. A partir du point optimum, l'activité de ces pepsines reste en général slationnaire, puis elle diminue très lentement. Klug a observé, en faisant des expériences de digestion à longue durée, que les liqueurs peptiques peuvent former des quantités notables d'albumoses et de peptones, même au bout du trentième jour de digestion. On voit donc que la branche descendante de la courbe d'activité de la pepsine est infiniment plus longue que la branche ascendante. Elle est en outre beaucoup moins régulière que celle- ci à cause des variations considérables que subit la composition du milieu peptiquc pendant cette période de la digestion. Est-ce à dire que la branche ascendante de cette courbe soit exempte de toute irrégularité? Nullement : les expériences de Klug mon- trent qu'avant que l'activité de la pepsine n'atteigne son optimum, elle est très souvent soumise à de très fortes oscillations. Toutefois il y a des conditions dans lesquelles l'activité de la pepsine peut suivre pendant les premiers moments de la digestion une marche à peu près régulière. C'est lorsqu'on se contente d'éprouver les liqueurs pep- tiques avec une petite quantité d'albumine. En opérant de la sorte, Brûcke, tout d'abord, et Samaojloff ensuite, ont trouvé que les quantités d'albumine dissoute étaient propor- tionnelles au temps, c'est-à-dire que la vitesse de la digestion restait constante pendant un temps assez long de l'expérience. Dans ce cas, la courbe d'activité de la pepsine pourrait être représentée par une ligne droite. De son côté, Schutz a constaté, en employant aussi une petite quantité d'albumine, mais à l'état de solution, que les quantités d'albu- mine transformées dans l'unité du temps diminuent avec la durée de l'expérience, mais sans suivre une loi définie. ESTOMAC. 669 HEURES DE DIGESTION. Quantités d'albumine transformées . . 0,6853 1,0153 9 1,1319 16 1,2185 25 1,2516 Néanmoins cet auteur a trouvé, en dosant les diverses produits peptiques : i° que la somme des syntonines et des albumoses primaires reste la même pendant toute la durée de l'expérience, excepté pour le second chilTre : HEURES DE DKIESTION. 1 4 9 16 25 Acidalbumines 0.3885 0,0718 0,4603 0,4721 0,0938 0,3697 0,1254 0,4951 0,2832 0,1787 0,2350 0,2,530 Albumoses primaires Totaux. . . (0,5659) 0,4619 0,4880 2° Que les quantités d'albumoses primaires toutes seules, ainsi que celles d'albumoses secondaires et de peptones réunies, sont sensiblement proportionnelles aux racines carrées du temps : HEURES DE DIGESTION. 1 4 9 16 25 Albumoses primaires (0,0718) 0,0463 0,0938 0,0926 0,1254 0,1389 0,1787 0,1852 0,2530 0,2315 Quantités calculées d'après la racine carrée i . . 1. L'auteur ne dit rien do la manière dont il obtient le premier chiffre dans ces calculs. Tous les autres chiffres sont le produit du premier par les racines carrées du temps. HEURES DE DIGESTION. 1 4 9 16 25 Albumoses secondaires et peptones Quantités calculées d'après la racine carrée. . . 0,2206 0,2427 0,5583 0,4854 0,6887 0,7283 0,9594 0,9708 (0,9451) 1,2135 Sans tenir compte des chilfres qui ont été rejetés par l'auteur lui-même, et qui sont entre parenthèses, on voit qu'il existe toujours un certain écart entre les chiffres donnés par la théorie et les chiffres trouvés par l'expérience. D'après Hijppert, la loi des albu- moses secondaires et des peptones présenterait en outre de nombreuses exceptions, dans le cas oïi l'on opère avec des liqueurs pepliques très riches en pepsine, ou lorsque la température de digestion est assez élevée (37° à 40°). HEURES DE DIGESTION. 9 16 25 36 Tempcralure de digestioJi 37°, ô. Quantités trouvées. Quantités calculées Quantités trouvées. Quantités calculées 28,37 24,94 40,84 37,40 Température de digestion iO". 32,68 22,66 40,66 39,98 48,55 40,87 53,31 .56,79 62,34 63,51 66,64 76,46 79,97 670 ESTOMAC. La raison en serait que l'activité de la digestion dans ces conditions croît et décroît très rapidement. Il en résulterait que les chiffres trouvés au début de l'expérience sont plus forts que les chiffres calculés, tandis qu'ils sont plus faibles à la fin. Hûppert a,joute que, pour des températures plus basses ou pour des solutions de pepsine moins concen- trées, la loi formulée par Schutz est parfaitement exacte. C'est aussi un raisonnement du même ordre qu'ont fait Brûcke et Sauaojloff, lorsqu'ils ont affirmé que la vitesse de la digestion ne reste constante que dans les liqueurs peptiques à un certain degré de concentration. La ve'rité est que, suivant les conditions dans lesquelles on se place, on peut arriver à des résultats tout à fait ditiérents. Il n'est donc rien de surprenant à ce que les divers expérimentateurs n'interprètent pas de la même manière la marche de l'activité de la pepsine. Ce désaccord se poursuit et s'accentue lorsqu'il s'agit de déterminer le rapport entre l'activité d'une solution peptique et sa richesse en pepsine. Brugke le premier a essayé d'évaluer ce rapport : il a trouvé que le pouvoir dissolvant d'une liqueur peptique, c'est- à-dire la vitesse avec laquelle cette liqueur dissout un flocon de fibrine, était directe- ment proportionnel à sa teneur en pepsine. Si cette loi était exacte, le produit du temps par la quantité de pepsine devrait être un nombre constant pour toutes les expériences. Or cela arrive très rarement dans les expériences de Brugke. En voici un exemple. . QUANTITÉS DE PEPSINE. 1 2 4 8 16 32 Temps de dissolution en heures Produits de ces deux nombres. ..... 20 20 7 à 20 14-40 1 28 3 1/2 28 3 48 1 1/2 48 D'autre part, Borissow a fait observer que, dans ces expériences, on n'a tenu aucun compte de la diminution de surface que subit le morceau de fibrine ou d'albumine an cours de la digestion. Il a vu, en opérant avec le dispositif de Mette, dans lequel la surface du corps solide mis à digérer reste constante, que les quantités d'albumine dissoute ne sont pas proportionnelles aux quantités de pepsine, mais aux racines carrées de ces quantités. Samaojloff a contrôlé cette loi, et il l'a trouvée assez exacte, mais, comme Borissow, il pense qu'elle ne peut être appliquée aux solutions très étendues de pepsine. Cependant, eu lisant les résultats obtenus par Samaojloff, on voit qu'ils s'écartent beaucoup de cette loi, si bien que Hûppert a pu dire avec raison que ces résultats pour- raient être aussi bien rapportés aux racines cubiques de pepsine qu'aux racines carrées. En prenant la seconde expérience de Samaojloff, faite avec le suc gastrique du chien dilué, on trouve, en effet. QUANTITÉS DE PEPSINE. 64 32 16 8 4 2 1 Nombre de millimètres digérés. Rapport de vitesse, en prennnt 1,31 comme unité Racines carrées de pepsine . Racines cubiques de pepsine. 6,68 4,87 8 4 5,12 3,73 5,6 3,23 3,98 2,93 4 2,6 3,08 2,25 2,8 2 2,32 1,72 2 1.6 1,75 1.28 1,4 1,28 1,37 1 1 1 que les quantités d'albumine dissoute se rapprochent beaucoup plus des racines cubiques que des racines carrées de pepsine. L'observation de Hûppert semble donc juste, au moins pour ce cas spécial. Il ne faudrait pas non plus oublier que la loi de Borissow avait été déjà énoncée par Sghûtz en 1885, à la suite d'une série de recherches dans lesquelles il avait constaté que les quantités d'albumoses secondaires et de peptones formées par les liquides de digestion étaient proportionnelles aux racines carrées de pepsine. Depuis lors, Schutz a repris l'étude de cette fonction, en collaboration avec Hûppert : ils sont ESTOMAC. 671 arrivés aux résultats suivants : 1» Les quantités d'albumoses et de peptones sont propor- tionnelles aux racines carrées seulement dans les cas où les liquides digestifs peuvent former des quantités suffisantes d'acidalbumine : QUANTITÉS DK PEPSliNE. QuantiLc d'albumoses et de peptones Quantités calculées d'après la racine carrée 9,40 10,8 20,61 21,6 9 32,33 32,4 16 45, 3d 25 55,21 54.1 36 64,96 64,9 49 75,97 /o,< 64 85,25 86,5 Si l'on place ces liquides dans des conditions telles qu'ils ne puissent pas former assez d'acidalbumine, les quantités d'albumoses secondaires et de peptones ne sont plus proportionnelles aux racines carrées de pepsine. QUANTITÉS DE PEPSINE. 1 9 25 36 Quantités d'albumoses et de peptones trouvées . . Quantités calculées en prenant 0,7139 comme unité. 0,7139 0,7139 0,7610 2,1417 0,8226 3,5675 0,8227 4,2834 Pour obtenir ce résultat ces auteurs se sont servis d'une liqueur peptique contenant une forte proportion de pepsine, et d'une très faible acidité. Alors l'acidalbumine se formait en très petites quantités, et elle ne tardait pas à disparaître complètement par les progrès de digestion. 2" Les quantités d'acidalbumine formées par la digestion diminuent avec les quantités de pepsine; les albumoses primaires augmentent; mais aucun de ces pbéno- mènes ne suit une loi connue. QUANTITÉS DE PEPSINE. 0 1 4 9 16 Quantités d'acidalbumine Quantités d'albumoses Somme de ces produits 0,8079 0 0,6419 0,0223 0,3484 0,0367 0,1258 0,0579 0,0348 0,0834 0,8079 0,6642 0,3851 0,1837 0,1182 Pour montrer à quel point ces résultats changent suivant la manière dont on dispose l'expérience, HCi>pert a pris de l'acidalbumine : il l'a mise à digérer, d'une part en solution, et d'autre part en suspension à l'aide d'un dispositif spécial. Il a alors constaté que, tandis que dans le premier cas les quantités d'albumoses secondaires et de peptones formées sont relatives aux racines carrées de pepsine, dans le second cas elles sont à peu près proportionnelles aux quantités de pepsine. QUANTITÉS DE PEPSINE. 1 2 3 4 5 Acide Quantités d'albumoses et de peptones trouvées ilbumine ei 17,25 15,75 buminc en 8,76 7,59 solution. 23,25 22,02 suspension. 15,61 15,19 27,15 26,97 21.93 22,78 30,15 31,14 31,11 30,97 32,70 34,84 36,50 37,97 Quantités calculées d'après la racine carrée Acidal Quantités d'albumoses et de peptones trouvées Quantités calculées 672 ESTOMAC. Cette expérience prouve une fois de plus que tout pour ainsi dire dépend des conditions dans lesquelles on se place. Hl'ppert et ScHï'Tz ont cherché à déterminer les lois d'après lesquelles les conditions physiques ou chimiques font varier l'activité de pepsine. Quant à la température, ils ont trouvé, comme d'autres expérimentateurs, que les quantités d'albumine digérées, ainsi que les quantités des produits digestifs, augmentent avec la température jusqu'à une limite optimum qui oscille enti'e 40° et S5°. Mais il leur a été impossible de découvrir dans la marche de ces phénomènes une loi quelconque. L'influence de l'acidité pourrait au contraire, d'après ces auteurs, s'exprimer par la loi suivante. Les quantités d'albu- moses secondaires et de peptones formées sont proportionnelles aux racines carrées des quantités d'acide jusqu'à la concentration de 2 p. 100 d'acide. Au-dessus de cette limite, les quantités trouvées sont plus petites que les quantités calculées. Les quantités d'albu- mine transformée et les quantités d'acidalbumine augmentent avec la concentration de l'acide, jusqu'à une concentration de 5 p. 100, mais sans obéir à aucune loi. Quant aux albumoses primaires, elles subissent toutes sortes de variations. Ils ont vu aussi, en faisant varier les quantités d'albumine mises à digérer, que la somme des acidalbiimines et des albumoses primaires, ainsi que la somme des albumoses secondaires et des pep- tones, sont dans le même rapport que les quantités d'albumine employées pour l'expé- rience. Finalement, en prenant des volumes différents d'une même solution peptique, et en éprouvant ces liquides avec les mêmes quantités d'albumine, Huppert et Schutz ont constaté que la vitesse de la digestion augmente avec le volume de la solution peptique, mais non suivant un rapport connu. La plupart de ces résultats ont été réunis par Huppert et Schutz dans la formule suivante, qui exprimerait, selon eux, les diverses lois d'activité de la pepsine pour la for- mation des albumoses secondaires et des peptones. S = KA 1/ pts- S représente la quantité d'albumoses secondaires et de peptones formées; A, la quanlité d'albumine; p, la quantité de pepsine; <, la durée de la digestion; s, la concen- tration de l'acide, et K, une constante de vitesse, variable pour chaque expérience. En somme, le travail de Huppert et de Schutz apporte une large contribution à la connaissance de la fonction chimique de la pepsine. Toutefois il serait imprudent d'ac- cepter les conclusions de ces auteurs sans attendre de nouvelles expériences; car les données théoriques ne concordent pas toujours avec les données expérimentales. Les écarts ne sont pas aussi grands que dans les expériences de Samaojloff, mais ils sont tout aussi nombreux, c'est dire que la solulion du problème ne touche pas encore à sa fin. Il y a d'ailleurs des causes très sérieuses qui s'y opposent. La première tient à ce que la fermentation peptique n'aboutit pas à la formation d'un produit unique, mais à une série de corps que nous ne connaissons que très incomplètement et que nous ne pouvons pas doser d'une façon exacte. La seconde, c'est que les matériaux servant à la fermenta- tion peptique ne sont pas des espèces chimiques pures, mais un mélange de plusieurs corps, chacun pouvant se comporter d'une manière différente en présence de la pepsine. Enfin, la troisième difficulté, qui n'est pas du reste la moins importante, c'est que le milieu dans lequel la pepsine agit est par lui-même capable d'opérer le dédoublement hydrolytique des principes albuminoïdes. Il en résulte qu'à la fin d'une expérience il est difficile de savoir la part qui revient, dans l'œuvre accomplie, à l'action de l'acide et à l'ac- tion de la pepsine. Ajoutons le manque d'unité dans les recherches entreprises, et on comprendra sans peine pourquoi tant de résultats contradictoires. n) Puissance de la pepsine. — Nous ne pouvons pas assigner une limite précise au travail chimique de la pepsine. Tout ce que nous savons, c'est que ce travail peut être considérable. Brucke a trouvé qu'une petite quantité de pepsine pouvait digérer une masse énorme de fibrine. Schiff a vu que, pour épuiser l'activité protéolytique d'une infusion faite avec l'estomac d'un chien de taille moyenne, il fallait au moins 70 kilo- grammes d'albumine. Su.ndberg a constaté qu'une solution de pepsine contenant seule- iiient .^,^^ ^ de cette substance se montrait encore active. Petit est arrivé à isoler une 100 000 ESTOMAC. 673 pepsine qui digérait dans l'espace de six à sept heures cinq cent mille fois son poids de fibrine. D'autres expérimentateurs ont signalé des faits semblables. En présence de ces résultats, on a fini par se demander si la pepsine ne se conservait pas indéfiniment dans les liquides de digestion, pouvant ainsi transformer des quantités illimitées de principes albuminoïdes. ScuwANN avait conclu, en voyant que la vitesse de la digestion se ralentit considéra- blement dans les liquides qui ont déjà transformé une première quantité d'albumine, que la pepsine se détruit en agissant. Mais on sait aujourd'hui que ce ralentissement lient surtout à l'accumulation des produits peptiques. Pour Vogel, au contraire, les quantités de pepsine sont sensiblement les mêmes à la fin et au début de la digestion. Cet auteur ajoute aux liqueurs peptiques des masses croissantes de viande, jusqu'à ce que ces liquides ne digèrent plus. Cela fait, il extrait de ces liquides la pepsine qu'ils renferment, et il la meta digérer dans une nouvelle solution d'acide. La digestion re[)rend avec autant de force que dans le premier cas, de sorte que Vogel se croit dans le droit de conclure que la pepsine ne se détruit pas en digérant. A cette expérience, Sciuff a répondu que Vogel n'a pas poussé assez loin la digestion, car il n'a pas combattu le premier arrêt de celle-ci, par l'addition de nouvelles quantités d'eau et d'acide. Il ne résulte pas moins de l'expérience de Vogel que la pepsine peut accomplir un travail chimique considérable sans perdre pour cela sa puissance protéolylique. Brucke a cru résoudre cette question en faisant l'expérience suivante : il prend deux bocaux de mêmes dimensions. Dans l'un il met un kilogramme de fibrine, gonflée au préalable par l'acide chlorhydrique, et il y ajoute la quantité nécessaire d'une solution d'acide à 1 p. 1000 jusqu'à remplir complètement le vase. Dans l'autre bocal, il met un volume égal de cette même solution avec un petit llacon de fibrine. Ces deux mélanges sont ensuite additionnés d'une même quantité de pepsine, et abandonnés à la température du laboratoire. Si l'on étudie alors la marche de la digestion dans les deux vases, on constate qu'elle finit en même temps. Brucke en conclut que l'activité de la pepsine est indéfinie, et qu'elle peut digérer des quantités illimitées d'albumine, Schiff interprète tout autrement l'expérience de Brucke. Pour lui, la petite quantité de pepsine, qu'on additionne aux deux bocaux, se trouve répandue dans le même volume de substance; il s'ensuit que le titre peptique moyen des deux mélanges est le même dans les deux bocaux, et que chaque flocon de la grande masse de fibrine est exposé à la même influence que le petit flocon isolé du second bocal, car ce n'est pas toute la pepsine présente qui agit sur lui, mais seulement celle avec laquelle il est en contact immédiat. Schh^f ajoute qu'on peut, en répétant les expériences de Brucke, soit avec des doses plus faibles de pepsine, soit avec des doses plus grandes de fibrine, constater qu'il reste dans les liquides de digestion du premier bocal une certaine masse de protéide qui ne se digère point. Sans accepter complètement les vues de Scuiff — caria digestion se fait certainement mieux, dans le mélange qui ne contient qu'un flocon de fibrine, que dans celui qui en contient plusieurs, — il est impossible de nier que Brucke n'a tenu aucun compte dans ces expériences de la différence de surface que présentent les corps mis à digérer. Quoi qu'il en soit, Scuiff affirme que la pepsine se détruit en fonctionnant, et il en donne la preuve suivante : deux mélanges digérants, identiques à tous égards, contenant relati- vement peu de pepsine et beaucoup d'albumine, sont mis à digérer à l'étuve. Lorsqu'il n'y a plus de transformation sensible dans ces liquides, on les additionne d'une cer- taine quantité d'eau acidulée, pour leur faire reprendre leur activité. On attend qu'un nouvel arrêt se produise, et on recommence les mêmes opérations jusqu'à ce que l'arrêt de la digestion soit définitif. A ce moment, on prend l'un des deux mélanges, et on le fait bouillir pour détruire la pepsine qu'il pourrait contenir. Puis on ajoute à chacun de ces mélanges une petite quantité de pepsine, et on les met de nouveau à l'étuve. A la fin de la digestion, on constate que les deux mélanges ont digéré la même quantité d'albumine. Schiff en conclut que le mélange qui n'a pas subi l'ébullition ne contient pas plus de pepsine que celui qui l'a subi, et que par conséquent la pepsine se détruit en digérant. Il y a une chose qui étonne dans cette expérience, c'est que ce troisième arrêt, dont parle Schiff, qui doit se produire en présence d'une quantité suffisante d'eau et d'acide, soit aussi définitif qu'il l'affirme. D'après son élève Herzen, cet arrêt serait tel que quelques flocons de fibrine pourraient séjourner dans les liquides de DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 43 674 ESTOMAC. digestion pendant des journées entières sans trahir le moindre changement. C'est là un résultat d'autant plus surprenant que les solutions acides sont capables, par elles-mêmes de produire la dissolution de la fibrine. Mais admettons avec ces expérimentateurs que l'arrêt de la digestion a lieu et qu'il est définitif. Faudra-t-il conclure pour cela que toute la pepsine s'est détruite? Nous ne le pensons pas, car une partie de cette substance peut être gênée ou immobilisée par les produits peptiques, tout en persistant dans les liquides de digestion. En tout cas, les expériences de Schiff et de Herzen ne nous rensei- gnent pas sur les causes de cet arrêt. Sous réserve de cette critique, il semble indiscu- table que la pepsine se détruit en agissant; car les liqueurs peptiques abandonnées à elles-mêmes perdent peu à peu la puissance protéolytique, lorsqu'on les place à une température voisine de celle où se fait la digestion. B) Labferment. — a) Découvertes et méthodes d'obtention du labferment. — C'est un fait connu depuis très longtemps que le suc gastrique jouit de la propriété de coaguler le lait, in vivo comme in vitro. Avant même qu'on eût acquis cette notion, on savait déjà que les extraits ou macérations de l'estomac des jeunes animaux possédaient aussi une fonction coagulante semblable. Ce sont en effet ces liquides, connus sous le nom de présure, qu'on a employés depuis un temps immémorial dans la fabrication du fromage. Les anciens auteurs attribuaient les propriétés coagulantes de ces liquides à leur réaction acide. Toutefois Liebig avait émis l'hypothèse que la présure transformait le sucre du lait en acide lactique, et que c'était ce dernier corps qui provoquait la préci- pitation de la caséine. En 1846, un chimiste italien, Selmi, démontra par un certain nombre d'expériences qu'aucune de ces deux interprétations n'était exacte. Il prit du lait très récent, franchement alcalin, qu'il chauffa à 40° ou 43°, avec un peu d'infusion de la muqueuse stomacale d'un veau. La coagulation du lait se produisit en dix minutes; mais la réaction du liquide ne subit pas de changement appréciable. Ces résultats furent con- firmés un peu plus tard par Heintz, puis par toute une série d'expérimentateurs. Mais la question ne reçut de solution définitive que lorsque Hammarsten établit que les pro- priétés coagulantes du suc gastrique, ainsi que celles des infusions de la muqueuse stomacale, étaient dues à un principe spécifique qui devait être classé parmi les ferments solubles. Nous donnons ici les principaux résultats de Hammarsten. 1" Les solutions de caséine, complètement débarrassées de sucre de lait, dans les- quelles, par conséquent, la formation de l'acide lactique est impossible, coagulent par l'addition du suc gastrique ou par les extraits d'estomac en milieu neutre ou faiblement alcalin. La réaction de ces liquides reste absolument la même pendant tout le temps de la coagulation; 2" Les solutions de labferment, aussi pures que possible, n'exercent aucune action sur le sucre de lait; 3" Le coagulum qui se produit sous l'influence du lab diffère sensiblement de celui qui se produit sous l'influence des acides étendus. Le premier est massif, peu soluble dans les liqueurs alcalines ou acides étendues, et renferme dans sa constitution une proportion fixe de CaO et de P^O^^ qu'on ne peut pas lui enlever par le plus persistant lavage. Le second précipité au contraire est grumeleux, facilement soluble dans les alcalis étendus, et il perd après un lavage soigneux toute trace de sels minéraux; 4" Le suc gastrique, et les autres liqueurs coagulantes que l'on prépare avec la mu- queuse stomacale, perdent complètement leurs propriétés actives lorsqu'on les chauffe à la température de 100° ; 5° Le principe actif de ces liqueurs n'est pas la pepsine; car on peut obtenir, en parlant d'une même macération gastrique, une liqueur capable de peptoniser les principes albuminoïdes sans coaguler le lait, ou une liqueur capable de coaguler le lait sans pep- toniser les principes albuminoïdes. Ainsi l'extrait d'une caillette de veau contenant 3 p. 1000 d'acide clilorhydrique perd toute action coagulante si on le maintient quarante- huit heures à 40°, tandis qu'il conserve la propriété de peptoniser la fibrine. Inversement, lorsqu'on ajoute à une infusion stomacale un peu de carbonate de magnésie précipité, on enlève à cette liqueur toute propriété peptique sans lui faire perdre sa propriété coagulante. Hamma.rsten a vu de plus que, tandis que la pepsine précipite de ses solu- tions par l'acétate neutre de plomb, le ferment coagulant ne précipite qu'en présence de l'acétate de plomb basique; ESTOMAC. 675 6° Comme toutes les enzymes, le fermant coagulant du suc gastrique est soluble dans l'eau et dans la glycérine, et insoluble dans l'alcool absolu. Il ne dialyse pas à travers les membranes animales, et traverse difficilement les filtres de porcelaine. Lorsqu'on arrive à. le débarrasser de la plupart des substances qui le souillent, il ne pré- sente plus les réactions générales des albuminoïdes. En effet, les solutions pures de ce ferment ne coagulent pas par l'ébullition, et ne précipitent ni par l'acide azotique, ni par l'iode, ni parle tanin. Seul le sous-acétate de plomb précipiterait ces solutions. L'acti- vité de ce ferment est considérable, et, de même que pour la pepsine, il y a proportion- nalité entre le travail chimique produit et la masse du corps actif. Hammarsten a désigné ce ferment sous le nom de labferment, et la plupart des auteui^s allemands ont accepté cette dénomination qui est aujourd'hui la plus générale. En Angle- terre, on l'appelle renninc, nom qui a été proposé par Sheridan Lea. Finalement, en France, on lui a donné les noms de chymosine (Deschamps), pexbie (Pages), sans compter le nom de présure par lequel on le désigne souvent. Les méthodes servant à l'extraction du labferment sont, à quelques dilférences près, les mômes qu'on emploie pour l'extraction de la pepsine. Hammarsten fait macérer la muqueuse d'une caillette de veau dans. 200 c. c. d'une solution à i ou 2 p. 1000 de HCI. 11 sépare la liqueur par filtration et il la neutralise avant de s'en servir. Il utilise aussi les extraits glycériques de la muqueuse stomacale, suivant la méthode de Wittich pour l'ex- traction des ferments solubles. Soxhlet épuise la caillette de veau, préalablement des- séchée par l'exposition à l'air pendant quelques semaines, par une solution de chlorure de sodium à 5. p. 100. Pour préserver cet extrait de la putréfaction, il y ajoute une cer- taine quantité d'alcool ou d'acide borique. Erlenmeyer préfère faire la macération de la muqueuse stomacale dans une solution saturée d'acide salicylique pendant douze à vingt-quatre heures pour éviter la putréfaction. Puis il précipite la liqueur par un grand excès d'alcool, et il dissout le précipité formé dans l'eau. Les liqueurs obtenues par ces procédés, quoiqu'elles soient très actives, présentent le désavantage de contenir en même temps le labferment et la pepsine. Dans le but de séparer ces deux ferments et d'obtenir des solutions de labferment beaucoup plus pures, Hammarsten conseille d'appliquer le pi'océdé suivant. Les extraits d'estomac obtenus par la macération de la muqueuse dans l'eau acidulée sont traités par un excès de carbo- nate de magnésie en poudre, qui précipite la pepsine. On filtre la liqueur, et on la débar- rasse du précipité formé. Cette .liqueur est ensuite traitée par l'acétate basique de plomb et par l'ammoniaque. Il se forme alors un nouveau précipité qui entraîne le labferment. On décompose ce précipité par l'acide sulfurique étendu, qui précipite le plomb à l'état de sulfate. On sépare celui-ci par filtration, et la liqueur qui passe, faiblement acidulée, contient le ferment coagulant en solution. On peut pousser plus loin la purification de ce ferment en le précipitant de cette solution par de la cholestérine ou par un stéarate alcalin, et en décomposant ce nouveau précipité par l'eau éthérée, qui dissout la choles- térine ou l'acide stéarique et laisse en solution le labferment. Friedberg a proposé une autre méthode qui permet aussi de séparer le labferment de la pepsine, et qui est plus facile que celle de Hammarsten. Il met à macérer la muqueuse gastrique finement hachée dans une solution de chlorure de sodium à0,."j p. 100 pendant vingt-quatre heures, à la température de 30". On filtre, et on ajoute 0,1 p. 100 d'acides sulfurique, chlorhydrique ou phosphorique, en maintenant la liqueur à la tem- pérature de 20° à 30°. On filtre de nouveau, et on sature la liqueur filtrée avec du sel marin, en même temps qu'on porte son acidité à la proportion de 0,3 p. 100. La liqueur est ainsi maintenue pendant deux ou trois jours à la température de 25 à 30°, puis pen- dant un jour à la température de 30° à 35°. On voit alors se produire dans le sein du liquide de nombreux tlocons blancs constitués par du labferment, qu'on sépare par filtration et qu'on dessèche, à la température de 27°, Ce précipité, qui constitue une masse blanchâtre, donne avec l'eau une solution limpide qui conserve ses propriétés actives même pendant plusieurs années. Quant à la pepsine, on la précipite par neutra- lisation de la liqueur filtrée. L'auteur a constaté que cette pepsine n'exerce aucune action coagulante sur le lait, b) Diverses variétés de labferment. — Le labferment, de même que la pepsine, n'est pas un produit exclusif de la vie animale. Un grand nombre d'espèces végétales et 676 ESTOMAC. microbiennes renferment dans leur constitution ou élaborent certains principes qui jouissent de la propriété de coaguler le lait dans des conditions à peu près semblables à celles où le fait le labferment. Les semences du Cynara cavduncidus (artichaut cardon, cardo salvajè) ont été employées de tous temps, dans certaines régions de la France et de l'Espagne, pour la fabrication du fromage. Cette substance se retrouve aussi, d'après Bouchardat et Sandras, dans les Heurs et dans le fond des artichauts. Selon ces auteurs, o grammes de fleurs d'artichauts suffisent pour coaguler 100 grammes de lait à la température de 26 à 30°. Sont aussi doués de la même fonction coagulante le suc du figuier, le jus frais du Galium venim, les feuilles du Pinguicula vulgaris, le suc du Carlca papaya, le suc de V Ananas, le fruit de VAcanthosicyos horrida, les semences do WIntania coagulans, du Datura stramonium, du Pisum sativum, du Lupinus hirsutus et du Ricinus commiinis. Cette liste est loin d'être complète, mais on voit déjà qu'il ne faut pas se donner beaucoup de peine pour retrouver, dans le règne végétai, des principes coagu- lants comparables à ceux que l'on rencontre dans le règne animal. Quelques espèces microbiennes peuvent aussi coaguler le lait dans un milieu neutre ou légèrement alcalin. C'est Pasteur, le premier, qui a remarqué que le lait pouvait se coaguler sous l'influence de microbes, tout en restant neutre aux papiers réactifs. DucLAUX a montré depuis que cet effet était dû à une présure sécrétée par tous les microbes qui attaquent la caséine, mais qui ne dissolvent cette substance qu'après l'avoir d'abord coagulée. Dans ses expériences sur le TyroUirix teinds, cet auteur a con- staté que 30 milligrammes de ces cellules sécrètent assez de présure pour coaguler 1 ÎSOO litres de lait. Plus tard, Cohn,Gorini et beaucoup d'autres ont signalé de nouvelles espèces microbiennes, qui possèdent aussi une fonction coagulante. Ce qu'on ne sait pas encore, c'est si les ferments d'origine végétale ou microbienne sont de la même nature que le labferment, ou s'ils constituent des espèces chimiques différentes. Certains auteurs se sont ralliés à cette dernière opinion en voyant que le coagulum produit par ces diverses présures est moins compact et plus facilement [soluble que le coagulum produit par la présure animale. Mais ces différences peuvent tout simplement tenir, ainsi que le croit Duclaox, à ce fait que les présures végétales et microbiennes con- tiennent à côté du ferment coagulant un ferment qui dissout rapidement la caséine pré- cipitée, en milieu neutre ou faiblement alcalin, tandis que la pepsine des présures ani- males n'attaque cette substance qu'en milieu acide. Toutefois, d'après les expériences de Pages, il existerait une certaine dilTérence entre le ferment coagulant contenu dans les semences de l'artichaut, et le ferment coagulant sécrété par l'estomac. Si l'on fait agir ces deux ferments comparativement sur le lait bouilli et sur le lait cru, on constate que le ferment végétal coagule aussi rapidement les deux laits, tandis que le ferment animal agit beaucoup plus vile sur le lait cru. En introduisant ces deux ferments dans l'orga- nisme, soit par la voie circulatoire, soit par la voie digestive, Pages a observé que le ferment végétal apparaît quelque temps après dans l'urine, tandis que le ferment animal est détruit complètement par l'organisme. Ces résultats seraient assez démonstratifs si l'on était sûr que les liqueurs coagulantes employées par cet auteur avaient la même richesse fermentative. Malheureusement les expériences de Pages ne nous donnent aucun renseignement à cet égard, et d'autre part nous savons que le coagulum formé par ces diverses présures est en tous points identique. Quant aux présures d'origine animale, certains auteurs affirment qu'elles peuvent présenter quelques différences en passant d'une espèce à l'autre. Ainsi Lorcuer a trouvé que le labferment des animaux à sang froid agit sur le lait à des températures beaucoup plus basses que le labferment des animaux à sang chaud. D'autre part, KChne a signalé l'existence d'un principe coagulant du lait dans les extraits du pancréas et du testicule des divers animaux, qui diffère sensiblement du labferment. Roberts a vérifié l'exacti- tude de ce fait pour les extraits pancréatiques du bœuf, du porc et du mouton. Il a montré, en outre, que cet extrait transforme la caséine du lait en une substance soluble et coagulable par la chaleur, qu'il a nommée la métacaséine. Sydney Edkins a étudié les conditions précises de la production et des caractères de cette métacaséine. 11 a tout d'abord constaté que l'action coagulante de l'extiait du pancréas est suractivée par le chlorure de sodium et le sulfate de magnésie, ce qui est d'accord avec l'observation de Mayeb et de Hammarsten, que le chlorure de sodium à i p. 100 accélère l'action de la ESTOMAC. 677 présure. La solution de caséine pure, préparée par la méthode de Hammarsten, dans l'eau de chaux ensuite neutralisée par l'acide phosphorique, est également coagulable i)ar l'extrait pancréatique. Le lait n'est coagulé que par un extrait pancréatique très dilué; de même la mélacaséine ne prend naissance qu'au contact d'un extrait du pancréas très dilué, vieux, ou atténué par l'acide chlorhydrique. Ce phénomène est bien dû à l'inter- vention d'un ferment; car l'extrait pancréatique bouilli devient absolument inactif. La trypsine pure de KChne ne provoque jamais la coagulation du lait, qu'elle soit en solu- tion concentrée ou étendue, mais elle donne cependant naissance à la métacaséine. Pour démontrer que ce principe coagulant est un véritable produit de sécrétion du pancréas, Brodie et Halliburton ont refait ces mêmes expériences avec le suc pancréa- tique obtenu à l'aide d'une fistule. Ils sont arrivés aux résultats suivants : 1° Le suc pancréatique du chien transforme la caséine du lait en la précipitant; 2° Cette action diffère de l'action du labfernient par les faits suivants : a) Le précipité du caséum se produit au bain-marie à la température du corps, sous la forme d'un pré- cipité finement granuleux, de telle sorte que le lait semble ne pas changer de fluidité. Si l'on refroidit le liquide, il se forme un coagulum cohérent qui reprend ses caractères primitifs lorsqu'on élève la température. Cette opération peut être répétée un grand nombre de fois; b) Ces phénomènes ne sont pas complètement arrêtés par l'oxalate de potasse; ils sont seulement gênés, alors que ce sel inhibe complètement le. labfernient; 3° Les extraits du pancréas donnent les mêmes résultats que le suc pancréatique; mais ces résultats peuvent être masqués dans le cas où la trypsine est énergique; 4° Le précipité produit par le suc pancréatique (et que ces auteurs appellent caséine pancréatique) se distingue par un grand nombre de propriétés physiques et chimiques du coagulum produit par le labfernient. On trouvera dans le travail de ces auteurs un tableau comparatif des propriétés de ces deux caséums. En dehors de ces principes coagulants qui sont certainement des espèces chimiques différentes et qu'on retrouve dans divers tissus de l'organisme, il semble que le suc gas- trique lui-même contienne le ferment coagulant sous deux états différents : i° à Vétat inactif ou de proferment, et 2" à Vétat actif ou de ferment définitif. Nous y reviendrons. c) Fonction chimique du labferment. — Lorsqu'on fait agir sur le lait les solutions de labfernient maintenues à la températui^e de 30" à 40", on voit le lait devenir le siège d'une série de modifications qui aboutissent à sa coagulation. Voici comment Duclaux décrit la marche de ces phénomènes. Le lait devient d'abord un peu moins fluide, puis pâteux, et finit par former une masse blanche, éclatante comme de la belle porcelaine, ayant la consistance d'une gelée très épaisse, à la fois élastique et cassante, et se divi- sant, lorsqu'on la brise, en fragments irréguliers dont les angles solides conservent des arêtes vives. Peu à peu pourtant, surtout si, comme dans la fabrication des fromages, on provoque la division de la masse en morceaux très petits, que l'on malaxe douce- ment, ces nioi'ceaux lendent le liquide qui les imprègne et se contractent jusqu'au tiers ou au quart de leur volume primitif. Ainsi condensé, le coagulum n'est plus cassant; il a pris au contraire une sorte de plasticité dont on peut profiter pour souder ensemblel tous ses éléments épars. Il suffit pour cela de promener circulairement, d'un mouvement très lent, dans les liquides qui les contiennent, une planchette qui se trouve bientôt avoir réuni et poussé devant elle les fragments de lait caillé. La douce pression qui provient de la résistance du liquide au mouvement qu'on lui communique a bientôt fait du tout une masse unique qu'on peut séparer, pétrir, pour la débarrasser, autant que possible, du liquide et l'amener à n'occuper que les dix ou quinze centièmes du volume du lait. Si l'on a bien opéi'é, le liquide qu'on obtient est transparent, coloré d'une teinte jaune ver- dàtre, très pâle. On a donné le nom de caséum au coagulum formé dans ces conditions, et celui de lactosérum au liquide qui résulte de cette coagulation. Ce caséum et ce lacto-sérum présentent des difi^érences considérables suivant l'état et la nature du lait, mais ils ont toujours certains caractères par lesquels il est facile de reconnaître qu'ils ontété formés sous l'influence du labferment. Le caséum est un produit insoluble dans l'eau, soluble dans les alcalis étendus, les terres alcalines et les carbonates alcalins. Les solutions de caséum dans les alcalis et carbonates alcalins peuvent être neutralisées exactement par l'acide phosphorique, sans qu'il se produise aucune précipitation. Le caséum est aussi 67,8 ESTOMAC. parfaitement solubie dans certains sels neutres, par exemple, le lluorure de sodium, l'oxalate neutre de potasse ou d'ammoniaque, le phosphate ou le nitrate d'ammo- niaque. 11 est un peu solubie dans le chlorhydrate et dans le sulfate d'ammoniaque à 2 et à o p. 100. Ces solutions salines de caséum sont incoagulables par la chaleur; mais elles précipitent par dilution et par le gaz carbonique, par les acides étendus et par divers sels neutres en solution saturée : chlorure de sodium, sulfate de magnésie et sulfate d'ammoniaque. Certains caractères permettent de distinguer le caséum obtenu par le labferment, et le caséum que fournit le lait lorsqu'on l'abandonne à lui-même et que la réaction devient acide, ou lorsque, expérimentalement, on l'additionne d'une certaine quantité d'acide. Ainsi les solutions phospho-sodiques de caséum précipitent par de très faibles quantités de sels calciques, tandis que les solutions phospho-sodiques du coagulum produit par les acides (caséine) ne précipitent que par l'addition de fortes propor- tions de ces sels. Cette précipilabililé du caséum par les sels calciques explique sou insolubilité dans l'eau tenant en suspension du carbonate de chaux. Si l'on neutralise exactement les solutions de caséum dans l'eau de chaux par l'acide phosphorique dilué, le caséum se précipite. Les solutions calciques de caséine traitées de la même manière ne donnent pas de précipité appréciable. Le caséum et la caséine présentent encore deux différences importantes. La caséine précipitée du lait par un acide étendu peut être débarrassée de ses matières minérales par une série de lavages à l'eau. Le caséum, au contraire, garde, même après un lavage prolongé, une quantité sensiblement constante de phosphate de chaux, soit, d'après Ham- MARSTEN, 4,4 p. 100 de chaux et 3,6 p. 100 d'acide phosphorique. Finalement, le caséum, comme la caséine, se dissout dans les alcalis et dans les acides, mais il exige pour se dissoudre 5 à 0 fois plus d'alcali et 10 à 12 fois plus d'acide que la caséine. Quant au lacto-sérum qui résulte de la coagulation du lait par le lab, il est aussi assez différent de celui qui provient de la coagulation du lait par les acides. Le pre- mier contient plus d'albumine et moins de sels que le second. On peut s'en rendre compte en soumettant à l'ébullition ces deux liquides et en déterminant le poids de leurs cendres après calcination. Le lacto-sérum du lab donne par l'ébullition un coa- gulum beaucoup plus abondant que le lacto-sérum des acides. Celui-ci, au contraire, laisse après calcination un résidu plus considérable de cendres. Arthus a résumé ainsi qu'il suit les propriétés chimiques essentielles du lacto- sérum fourni par le lait sous l'influence du lab. « Ce lacto-sérum renferme le sucre et les sels du lait, il contient des substances albuminoïdes. Porté à l'ébullition, il donne un coagulum floconneux plus ou moins abondant. Ce coagulum est composé de sub- stances albuminoïdes autres que la caséine et le caséum, car il est complètement inso- luble dans le fluorure de sodium, l'oxalate de potasse et l'oxalate d'ammoniaque; il est formé de globuline et d'albumine coagulées. Si, en efîet, on traite le lacto-sérum par le sulfate de magnésie à saturation, ou par le chlorure de sodium à saturation, on déter- mine la formation d'un précipité; ce précipité, redissous dans l'eau légèrement salée, montre toutes les propriétés d'une globuline; c'est la lacto-globuline. La liqueur saturée de sulfate de magnésie, séparée par filtration du précipité de globuline et débarrassée de la plus grande partie du sulfate de magnésie par la dialyse, coagule à l'ébullition : elle contient par conséquent une albumine [lactalhumine). Le lacto-sérum acidulé légè- rement par l'acide acétique, porté à l'ébullition, débarrassé par filtration du coagulum produit, contient encore des matières albuminoïdes qu'on peut mettre en évidence par la réaction du biuret, par la réaction de Millon, par la réaction xanthoprotéique par précipitation par le ferrocyanure, le potassium acétique, par le tanin acétique, etc. Cette matière n'est pas coagulée par la chaleur, ni précipitée par les acides, elle se rapproche des protéoses. On pourrait l'appeler la lactosérumprotéose. C'est ce que les auteurs allemands appellent Molhenehceisfi. » De cette étude se dégage une conclusion très importante, c'est que la coagulation du lait par le lab et la coagulation du lait par les acides sont deux processus chimique- ment distincts. Mais, quelle que soit l'importance de cette conclusion, elle laisse tout à fait en suspens la question de savoir comment le labferment provoque la coagulation du lait. Sur ce point l'opinion des auteurs est très partagée. ESTOMAC. 679 Nous trouvons d'abord l'aticienne hypothèse de Hammarsten, reprise et développée plus tard par Arthus et Pages. Le labferment ne serait pas l'agent direct de la coagula- tion du lait. Il n'interviendrait qu'en provoquant le dédoublement de la caséine en deux substances, dont l'une serait rapidement précipitée par les sels de chaux qui se trouvent en solution dans le lait. Cette hypothèse a pour point de départ l'expérience suivante de Hammarsten. Deux solutions de caséine pure complètement exemptes de sels de chaux sont placées à 40° pendant une demi-heure. L'une d'elles, A, est additionnée au préa- lable d'une solution de labferment; l'autre, B, de la même solution de labferment bouil- lie. Lorsqu'on retire ces deux solutions de l'e'tuve, on constate qu'elles n'ont pas subi de modification appréciable; on les fait ensuite bouillir, et, quand elles sont refroidies, on ajoute à chacune d'elles un volume égal d'une solution étendue de chlorure de calcium. La solution A se coagule instantanément, tandis que la solution B reste liquide. Hammar- sten en conclut : l» que le labferment est impuissant à coaguler le lait en l'absence des sels de chaux; 2= que ce ferment transforme néanmoins la caséine en la rendant facile- ment précipitable par les sels de chaux. II restait à déterminer la nature de cette trans- formation. Hammarsten a trouvé, en faisant l'analyse du sérum qui résulte de la coagula- tion des solutions artificielles de caséine par le lab, que ce sérum contient deux substances que l'on ne saurait pas confondre avec la caséine. La première, à laquelle il a donné le nom de paracaséine, est à peu près insoluble dans les sels alcalino-terreux. C'est elle qui précipite en présence des sels de chaux du lait, en donnant lieu à la formation du caséum. Une faible partie de cette substance reste en solution dans le sérum; mais elle se préci- pite complètement, lorsqu'on ajoute à ce liquide quelques gouttes de solution de chlo- rure de calcium. La seconde est beaucoup plus soluble que la caséine et la paracaséine. Hammarsten la prépare en grande quantité, en précipitant le sérum, débarrassé du caséum, par l'alcool, redissolvant le précipité dans l'eau, le reprécipitant par l'alcool, etc. Cette substance est soluble dans l'eau; ses solutions ne sont précipitées ni par l'acide acétique, ni par l'acide nitrique (réaction de Hali.er), ni par les acides minéraux étendus, ni par le sulfate de cuivre, ni par le sublimé, ni par le chlorure de fer, ni par l'acétate de plomb, ni parle ferrocyanure de potassium acétique; mais elle sont préci- pitées par l'alcool et par le tanin acétique. Ces proftriétés rapprochent cette substance du groupe des protéoses, et Hammarsten lui a donné le nom de protéine. La composition chimique de ces deux substances est tout à fait différente. La para- caséine a sensiblement la même composition que la caséine : C ;i3,0 p. 100 H 74 — Az 15,7 — Hammarsten. tandis que la protéine ou Molkenc'mem des auteurs allemands est une substance beaucoup plus pauvre en azote, ainsi que le démontrent les analyses de Koster : C 50,3 p. lUO H. ... 7,0 - Az 13,2 — Tels sont les faits principaux sur lesquels repose la théorie do Hammarsten. Cet auteur a étudié en outre comparativement le caséum fourni par le lait et le caséum fourni par les solutions artificielles de caséine; il a constaté que ces deux caséums sont absolument identiques. Les deux produits sont solubles dans les alcalis étendus, les terres alcalines, les carbonates et les phosphates alcalins, insolubles dans les carbonates et les phosphates alcalino-terreux, caractère qui les différencie de la caséine, et leurs solutions dans les bases alcalino-terreuses précipitent lorsqu'on les neutralise par l'acide phosphorique. Les cendres sont quantitativement et qualitativement les mêmes. Il a trouvé, comme moyenne de plusieurs déterminations, que le caséum du lait contient : 4,4 p. 100 do chaux (CaO) et 3,6 — d'acide phosphorique (P^O-J) 680 ESTOMAC. et le caséum des solutions artificielles de caséine : 4,25 p. 100 de chaux (CaO) et 3,0 — d'acide phosphorique (P^O''). Enfin, les solutions phospho-sodiques de ces deux caséums ne précipitent plus sous l'influence du labferment. On peut donc dire que les phénomènes observés par Hammarsten sur les solutions artificielles de caséine sont du même ordre que ceux que l'on observe sur le lait. A la suite de ce travail de Hammarsten, Koster a démontré qu'on pouvait retirer des solutions phospho-sodiques de caséine, ayant subi l'action du labferment, la substance à laquelle Hammarsten a donné le nom de paracaséine, et qu'il considère comme du caséum -pur, le caséum précipité étant pour cet auteur un caséum impur souillé par le phosphate de chaux entraîné mécaniquement, Koster a étudié les propriétés de cette substance. Il la prépare en précipitant par l'acide acétique étendu une solution phospho-sodique de caséine transformée au préalable par l'influence du labferment. Celle substance est très soluble dans les acides et les alcalis étendus, beaucoup plus facilement que le caséum ordinaire. Elle précipite en présence des sels de chaux. Lundberg a vu depuis que les phosphates de baryum, de strontium et de magnésium pouvaient remplacer le phosphate de chaux dans la précipitation de cette substance, c'est-à-dire dans la for- mation du caséum. Une solulion de caséine dans la baryte, la stronliaue, ou la ma- gnésie, après avoir élé neutralisée par l'acide phosphorique, donne, sous l'inlluence du labferment, un dépôt du caséum. Une solution phospho-sodique de caséine transformée par le labferment précipite par de faibles quantités d'un sel soluble de baryum, de stron- tium ou de magnésium. Le caséum barytique ressemble absolument au caséum normal ou calciquc, le caséum de strontium est plus poreux, plus soluble que le caséum ordi- naire; le caséum de magnésium est encore plus poreux et plus soluble. En outre, on peut substituer un autre acide à l'acide phosphorique, pour neutraliser la solution alcalino- lerreuse de caséine. Arthus et Pages ont poursuivi l'étude de ces phénomènes en opérant, non pas sur les solutions artificielles de caséine, mais sur le lait lui-même. lis ont fait tout d'abord observer que, « lorsqu'on ajoute du labferment à du lait maintenu à la température de 40", le caséum ne se produit pas immédiatement. 11 s'écoule toujours un certain temps, variable suivant la nature du lait, la quantité du labferment, etc., entre le moment où l'on a ajouté le ferment et celui où commence à se déposer le caséum. Pendant ce temps, le lait conserve sa liquidité et son apparence ordinaire, et pourtant rien n'est plus facile que de démontrer qu'il a été considérablement modifié. Supposons, disent- ils, qu'avec une quantité de labferment un certain volume de lait porté à 40" dépose son caséum au bout de vingt minutes. Prenons de cinq en cinq minutes une petite portion de ce lait, et portons-la à l'ébullilion. Cinq minutes après l'addition du labferment le lait peut être bouilli sans précipiter. Au bout de dix minutes, au contraire, il se forme à 100" un léger dépôt peu abondant, floconneux; la liqueur reste opaque, laiteuse. Au bout de quinze minutes, la chaleur produit une précipitation abondante; déjà à 80", commence à se former un dépôt qui augmente considérablement avec la température pour donnera 100" une masse compacte baignanldans un liquide jaunâtre, transparent, » Celte expérience prouve, d'après ces auteurs, que le labferment ne doit pas être consi- déré seulement comme un ferment coagulant, mais aussi comme un ferment modifica- teur de la caséine du lait. Arthus et Pagîîs rapportent d'autres expériences en faveur de cette conclusion. En partant des travaux de Hammarsten, qui démontrent que le labferment transforme la caséine sans la précipiter lorsqu'il n'y pas de sels de calcium dans le liquide, ces auteurs se sont proposé de faire sur le lait normal celte même démonstration. Ils ont pensé que, pour décalcifier le lait, il suffirait de précipiter les sels de chaux qui s'y trouvent en solution, sans qu'il fût besoin de débarrasser le lait du précipité calcique. L'expérience a justifié leurs prévisions. Le lait décalcifié, c'est-à-dire, le lait additionné de 1 à 2 p. 100 d'oxalale neutre de potasse ou de fluorure de sodium porté à40", ne donne pas de coagu- lum sous l'influence du labferment. Et cependant on ne peut pas soutenir que le lab- ferment y ait été détruit par les fluorures ou parles oxalates, ni même qu'il soit resté ESTOMAC. 681 inactif, car ce même lait coagule instantanément lorsqu'on le traite par un léger excès de sels de chaux, et il précipite abondamment lorqu'on le porte à l'ébullition. Ils admettent donc : l°que les oxalates et les chlorures rendent le lait incoagulable, en le décalcifiant; 2° quele labferment agit néanmoins sur le lait décalcifié en y trans- formant la caséine. D'après ces auteurs, le précipité que donne le lait oxalaté, ayant subi l'infiuence du labferment, lorsqu'on le porte à l'ébullition, serait constitué par la paracasclne de HvMMARSTEN OU le caséum pur de Koster. Ils proposent de désigner cette substance sous le nom de caséogène. C'est elle qui se précipite dans le lait oxalaté par l'addition des sels de chaux. Les propriétés de cette substance sont celles qu'a décrites Hugo Koster pour celui des produits de dédoublement de la caséine en solution phospho-sodique qui est préci- pitable par l'acide acétique. Arthus et Pages ont constaté de plus que cette substance n'est pas le seul produit dérivé de la caséine sous l'action du labferment. Si l'on sépare par filtrationle précipité formé dans le lait oxalaté, lorsqu'on le porte à l'ébullition, on peut se rendre compte que dans le liquide filtré existe encore une nouvelle substance, semblable à la protéine de Hammarsten, Molkeneiweiss des auteurs allemands, et que Arthus et Pages appellent la lactosérum protéose. En effet, si l'on traite ce liquide parle tanin acétique, on détermine une abondante précipi- tatio)i correspondant à cette substance. Arthus et Pages sont arrivés à la préparer à l'état pur par une série de précipitations par l'alcool et de redissolutions par l'eau. En résumé, d'après ces auteurs, le labferment transforme la caséine du lait oxalaté en deux substances : une substance caséogène et une substance protéosique, la lactosérum- protéose. Lorsque le dédoublement de la caséine est achevé, le rôle du labferment est terminé; le caséum qui se forme ensuite résulte de l'action des sels de calcium sur le caséogène. Cette précipitation se produit quand on ajoute au lait oxalaté, transformé par le labferment, un léger excès de sels de chaux. Elle est absolument indépendante du labferment; car elle se produit aussi bien à la température de 10° où le labferment n'agit pas, qu'à la température de 40". Elle est en outre instantanée, comme la précipi- tation du sulfate de baryte, du chlorure d'argent, etc. Enfin, tous les selsalcalino-terreux jouissent, au même titre que les sels de chaux, du pouvoir de précipiter le lait oxalaté, une fois que celui-ci a été modifié par le labferment. Ces expériences ne sont pas seulement la confirmatiou des faits énoncés par Ham- marsten, LuNDBERG, Koster et autres expérimentateurs. Elles ont conduit leurs auteurs à une conception nouvelle. En elfel, Arthus et Pages émettent l'hypotlièse que la précipi- tation de la paracaséine ou du caséogène n'est pas due à l'insolubilité de cette substance dans les liquides tenant en solution des sels alcatino-terreux, mais que celte précipita- tion est le résultat d'une combinaison du caséogène avec les selsalcalino-terreux. Ham- marsten ne s'est pas prononcé sur la nature de ces phénomènes; quant à Koster, il con- sidère la paracaséine comme du caséum pur, le caséum précipité étant un caséum impur souillé parles sels de chaux entraînés mécaniquement. Arthus et Pages soutiennent, au contraire, que le calcium, de même que les autres métaux alcalino-terreux, fait partie de la molécule de caséum. Ils s'appuyent sur ce fait que la quantité de matières minérales trouvée par Hammarsten dans le caséum est à peu près constante. Il y aurait donc quatre caséums différents correspondant respectivement à chacun des métaux alcalino-terreux; caséum barytique, strontique, calcique et magnésien. Duclaux combat la théorie de Hammarsten, ainsi que le développement donné à cette théorie par Arthus et Pages. « Une théorie, dit-il, pour entrer dans la science, ne peut pas se borner à une simple énoncé en langage ordinaire des faits observés. Il faut qu'elle conduise à des conclusions vérifiables par l'expérience et qui constituent des faits nouveaux. Celle-ci se prête immédiatement à une vérification. Si la caséine du lait se dédouble sous l'influence de la présure en une substance insoluble et une plus soluble, la coagulation doit conduire à une augmentation dans la quantité des matières solubles dans le sérum, et cette augmentation doit atteindre au moins le chiffre de l'albumine du sérum. Or il est facile de se convaincre que celte augmentation est nulle. J'ai montré, en effet, en filtrant le lait au travers d'un diaphragme de porcelaine, qu'on peut ainsi en séparer la caséine en sus- pension qui reste collée sur les parois du filtre. Les matières en solution passent au travers du filtre. Or, en faisant cette expérience sur du lait et sur le même lait coagulé, 682 ESTOMAC. on constate que les deux liquides ont exactement la même composition dans les limites d'erreur de l'expérience, ainsi que le prouvent les chiffres suivants : 1" EXPÉRIENCE. 2' EXPÉRIENCE. Lait normal. Lait Lait normal. Lait emprésurc. emprésuré. Sucre du lait 5,53 5,53 5,37 5,64 Mat. alb. soluble 0,35 0,57 0,37 0,36 Mat. minérale 0,54 0,52 0,56 0,40 « Les chiffres relatifs à la matière albuminoïde en solution dans le sérum avant et après emprésurage sont les mêmes, et leur différence est, en tout cas, très inférieure à la quantité moyenne de ce qu'on dose dans tous les laits sous le nom d'albumine du sérum et qui dépasse 0,oO par 100. La théorie du dédoublement est donc en désaccord avec l'expérience. « Quant à l'hypothèse qui fait de la caséine un composé calcique, dont la chaux ne peut être empruntée qu'au chlorure de calcium ajouté pour provoquer la coagulation, elle reste une vue de l'esprit, tant que son auteur ne l'aura pas appuyée sur l'expérience, en montrant d'abord que le laitue peut se coaguler par la présure lorsqu'il n'y a pas des sels de chaux. C'est une démonstration qui n'est pas faite. Ce qui est démontré, c'est que du lait additionné d'un excès d'oxalate ou de fluorure alcalin ne se coagule pas sous l'influence de doses de présure qui le coaj.îulent d'ordinaire. Mais nous savons que cet oxalate ou ce fluorure sont des sels antagonistes de la présure et peuvent masquer son action. Il faudrait n'en ajouter que la quantité nécessaire pour précipiter la chaux du lait et de la présure. Mais alors, au moins autant qu'on peut le voir dans les travaux d'ARTHUs, l'effet est nul, et pour avoir un résultat il faut forcer la dose. Abthus se préoccupe peu de cette nécessité, ou du moins il se contente de faire remarquer qu'on est de même obligé, en chimie analytique, de mettre un excès d'oxalate quand on veut précipiter de la chaux. Cela est possible, mais en chimie analytique cet excès n'a pas d'importance, tandis qu'il en prend dans l'étude de la coagulation. Un lait oxalaté n'est pas seulement un lait décalci- fié, c'est une voiture à l'arrière de laquelle on a attelé un cheval pour l'empêcher d'avancer. « Ce n'est pas tout. Après avoir montré que du lait et de la présure sans chaux ne peuvent pas réagir l'un sur l'autre, Arthus aura encore à faire voir que la teneur en chaux de divers coagulums formés est constante, en expliquant ensuite comment la caséine, corps acide dans son hypothèse, peut décomposer un sel aussi stable que le chlorure de calcium pour lui prendre sa chaux. » DucLAux interprète différemment les faits rapportés par Hammarsten et Arthus. « L'expérience apprend, dit-il, que tous les sels neutres alcalino-terreux, en propor- tion suffisante, peuvent coaguler le lait à la température ordinaire, en donnant un coagulum blanc, plus floconneux que celui de la présure, retenant plus mal la matière grasse, lais- sant le liquide plus troublé; mais leur action est en tous points comparable à celle d'e la présure; elle n'est jamais immédiate, exige toujours une durée de contact d'autant plus faible que la proportion du sel est plus grande. La dose du sel active dans un temps donné diminue à mesure que la température s'élève, comme parla présure. Il n'y a pas de maximum, parce que, ici, la substance coagulante n'est pas atteinte par l'action de la chaleur, si bien qu'à l'ébullition la dose coagulante est minimum. Le sel étant alors moins abondant dans le liquide, le coagulum devient compact, plus cohérent et plus compa- rable à ceux que fournit à l'ébullition le lait coagulé par la présure à la température optimum. Voici pour quelques sels les doses coagulantes en quelques minutes : I Avec 12 p. 100 roagulation à 15° Chlorure do calcium cristallisé. ( — 4 — — à 40° { — 0.5 — —à 100- / — 8 — — à 15" Chlorure de strontium , — 4 — — à 50° ( — 0,:; — — à 100° / — 8 — — à 15° Chlorure de barvuin — 4 — — à 50° ( _ 0,5 — — à 100» X,. , ( _ 20 — — à 80° Nitrate de baryte , 0 r; ^ Iqq, ivec 30 p. 100 coagulation à 15° - 0,5 — — à 100° — 35 — — à 15° — 16 — — à 73° — 10 — — à 100» — 40 — — à 65° — 20 — — à 100° ESTOMAC. 683 « Nous retrouvons là des phénomènes en tout pareils à ceux qui président à la coagu- lation du sulfate de quinine et d'une foule d'autres sels des alcaloïdes, sous l'influence des sels neutres: comme le sulfate de quinine, qui quitte ainsi ses solutions en présence des sels, n'a subi aucune transformation chimique, nous voyons qu'il n'y a aucune rai- son d'admettre que la caséine est devenue un composé nouveau. Ses propriétés phy- siques de solubilité ont seules été modifiées. « F^es sels de magnésie et les sels neutres alcalins se comportent du reste comme les sels de chaux. Il y a quelques différences entre les coagulums. Ceux que fournissent les sels de magnésie sont plus transparents, et la différence d'aspect avec ceux des sels de chaux est à peu près celle qu'on remarque dans une émulsion d'amidon avant et après la gélatinisation. Cela témoigne d'une action sur la caséine analogue à celle que subissent, en s'Iiydratant et se gonflant, les matériaux du granule d'amidon. Avec les sels neutres alcalins, les doses actives sont plus fortes à toutes les températures qu'avec les sels alcalino-terreux. G'est-ce que montrent les nombres suivants : Chlorure de magnésium. Chlorure de sodium. . . Chlorure de potassium. « Les nitrates et les sulfates se comportent de même. Nous sommes donc là en présence d'une loi générale qui est, du reste, d'accord avec ce que nous savons au sujet d'une foule d'autres phénomènes de coagulation. N'oublions pas que la caséine est non en solution, mais en suspension, c'est-à-dire dans un état d'union instable avec le liquide ambiant. Les sels neutres l'entraînent du côté de la coagulation, absolument comme les bases et un certain nombre d'autres corps l'entraînent en sens inverse pour la solubiliser. » DucLAUx a étudié la courbe de ces phénomènes, et il a trouvé que cette courbe ressemble tout à fait à celle qui représente l'action de la présure sur le lait. Ces deux courbes ont toutes les deux la forme d'une hyperbole; elles sont en outre asymptotes à l'axe vertical des temps et à l'axe horizontal des quantités de ferment ou de sels. Avec ces données l'auteur prétend qu'on peut interpréter les expériences de Hammarsten, d'ARTHUs et Pages, dans lesquelles, avant d'ajouter au lait le second coagulant, présure ou sel, on laisse agir le premier pendant un certain temps. Il est clair que, la courbe d'action de ces deux corps sur le lait étant identique, tout se passera comme si le temps d'action du coagulant qu'on a fait agir le premier devenait plus petit de toute sa durée d'action avant qu'on ait fait agir le second. Les effets coagulants du sel et de la présure se superposent, et par conséquent la durée de la coagulation diminue. On peut aussi par ce même raisonnement expliquer, d'après Duclaux, pourquoi le lait, ayant subi l'action du labferment et qu'on ftiit bouillir ensuite pour l'en débarrasser, se coagule quand on l'additionne d'une petite quantité de sels de chaux. La présure commence la coagulation du lait en détruisant l'équilibre moléculaire de ce liquide, et, quoique ce tra- vail ne soit pas visible, on aurait tort de le nier, car les exemples d'actions semblables sont très fréquents. A ce travail commencé le sel vient ajouter son influence, et il pro- fiterait de l'œuvre accomplie par la présure pour provoquer la coagulation complète du lait. Duclaux considère les phénomènes de coagulation en général, et ceux du lait en particulier, comme étant des phénomènes d'adhésion moléculaire. Selon lui, les substances coagulables sont réparties dans la masse du liquide qui les tient en suspension, sous la forme de molécules ou de particules plus ou moins grosses, adhérentes aux molécules du liquide et soustraites ainsi aux lois de la pesanteur. Toute cause capable de rompre cet état d'équilibre entre la pesanteur et les forces moléculaires, soit parce qu'elle diminue l'adhésion entre le solide et le liquide, soit parce qu'elle augmente les forces d'attrac- tion entre les particules du solide, devient un agent de coagulation. Voici comment Duclaux résume sa manière de voir sur la nature de ce phénomène : « Il y a dans le lait de la caséine en solution et de la caséine en suspension. C'est cette dernière qui seule se coagule. (D'après Duclaux, il n'y aurait que cette albumine dans le lait normal.) eSi ESTOMAC. « Celte caséine en suspension se comporte comme de l'argile en suspension dans l'eau et peut être précipitée sous les influences les plus minimes, sans changer de nature, par une très légère modification de ses liens d'adhérence physique avec le liquide ambiant. « Un grand nombre de sels peuvent provoquer ce dépôt à doses plus ou moins forles. Parmi eux les sels de chaux sont au premier rang. « D'autres sels, les sels alcalins, ont au contraire la propriété de solubiliser la caséine en suspension et de la rendre par conséquent plus difficilem^^-nt précipitable. Cette pro- priété, les sels de calcium la possèdent aussi, quand ils sont employés à haute dose, par exemple le chlorure de calcium. « La présure se comporte comme les sels de chaux, mais à doses beaucoup plus faibles. « Il n'est pas encore démontré qu'elle soit impuissante à coaguler, à dose suffisante, un lait absolument privé de chaux. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ajoute à sa puissance en la faisant agir en présencee d'un sel soluble de calcium, et qu'on l'affaiblit en lui supprimant la chaux, surtout quand on se sert pour cela d'un fluorure ou d'un oxalate alcalin, qui, dissolvant la caséine pour leur compte, la rendent plus insensible à l'action de la présure. « Cette action de la présure est en effet favorisée par les sels qui sont précipitants comme elle. Elle est en revanche contrariée par les sels dissolvants, si bien qu'en pré- sance de ces derniers la présure peut être tout à fait inactive. Mais cette concordance d'effets, de même que cet antagonisme, ont leurs lois analogues aux lois delà composi- tion des forces, et expliquent suffisamment bien les phénomènes pour qu'il soit, dans l'état actuel de la science, inutile d'en chercher d'autres. » D'autres hypothèses ont été encore formulées sur le mécanisme de la coagulation du lait par le labferment; mais ces hypothèses ne jouissent d'aucun crédit dans la science. EuGLiNG, ayant observé que le sérum de lait frais, traité par l'alcool ou le sel marin pur, ne contient pas de chaux précipitable par l'oxalate d'ammoniaque, admet que le labferment provoque une décomposition du phosphate tribasique de chaux, qui se trou- verait uni à la caséine, en mettant en liberté une partie de la chaux. C'est ainsi que cet auteur explique pourquoi il y a toujours de la chaux précipitable par le réactif oxa- lique dans le lactosérum provenant de la coagulation du lait par le lab. D'après Courant, la solution de caséine dicalcique, en présence des sels terreux, donne, au contact du lab, un précipité qui entraîne la base et qui contient la caséine, dont la solubilité est diminuée parla présence des sels alcalino-terreux. On voit que cet auteur prétend, à l'exemple de Hammarsten, que la caséine est un corps à fonction acide, et qu'elle forme avec les bases des sels qui renferment des proportions différentes d'une même base. Il a trouvé, en examinant ce qu'il faut ajouter de chaux à un certain poids de caséine pour que le mélange devienne alcalin au tournesol d'un côté, et à la phtaléine de l'autre, qu'il en faut trois fois plus dans le dernier cas que dans le premier. De ces expériences, l'auteur conclut que la caséine se comporte, vis-à-vis des alcalis, comme l'acide phosphorique, et qu'elle forme trois sortes de combinaisons avec la chaux : une caséine monocalcique, une 'caséine bicalcique et une caséine ti^icalcique. Ces trois caséines sont : la première neutre, les deux autres alcalines au tournesol; les deux premières sont acides pour la phtaléine, la dernièi-e est neutre pour ce dernier réactif. Lorsqu'on fait agir le labferment sur un mélange contenant, comme le lait, de la caséine dicalcique et un sel neutre, et dont la réaction est aussi alcaliiie au tournesol qu'acide à la phtaléine, le sérum résultant de la coagulation devient neutre aux deux réactifs; ce que Courant interprète en disant que la caséine s'est précipitée avec toute la chaux qu'elle contenait quand elle se trouvait en solution. Cette conclusion est en désaccord avec l'interprétation précédente de Eugling. D'autre part, Houdet a montré que le sérum du lait, privé presque complètement de caséine, se comporte comme le lait total vis-à-vis de ces deux réactifs. Il y a du lait au sérum une petite diminution d'acidité par rapport à la phtaléine; mais la différence entre les titrages aux deux réactifs est à peu près constante, et doit, dès lors, être attribuée à des sels ou à des substances solubles, mais non à la caséine, que cette expérience met presque complètement hors de cause. Enfin, DucLAux soutient que toutes les réactions signalées par Courant, comme étant propres à la caséine, doivent être attribuées à l'acide phosphorique qui souille cette substance, lorsqu'on la prépare par la méthode de Hammarsten (précipitation du lait par l'acide acétique). ESTOMAC. - 685 On doit à Fick une explication purement physique du mode d'action du labfermenl sur la caséine du lait, qu'il hase sur l'expérience suivante : Si l'on verse au fond d'un verre à pied quelques gouttes d'un extrait glycérine de la muqueuse gastrique d'un mouton, et si l'on remplit avec précaution ce verre de lait frais, puis, qu'on le transporte rapidement à 40" au baiu-marie, on constate que toute la masse du lait s'est coagulée en un temps insuffisant pour expliquer la diffusion du lab jusqu'à la surface du liquide. 11 ne s'agit donc pas là d'un phénomène analogue à une i-éaclion chimique, dans la- ([uelle toutes les molécules des corps agissants doivent être eu contact immédiat. Fick a constaté, d'ailleurs, qu'une trace de lab solide introduite dans le lait au repos absolu^ suffit pour déterminer la coagulation d'une masse énorme de liquide. Fn présence de ces faits, il croit qu'il faut admettre qu'il y a une propagation de l'action coagulante du lab, depuis son lieu d'introduction jusqu'aux molécules les plus éloignées du liquide. Cette propagation se fait de proche en proche, de molécule de caséine à molécule de caséine, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir de nouvelles molécules de labfer- inent. Si l'expérience de Fk;k était exacte, elle serait d'un grand appoint pour la théorie de DucLAux. Malheureusement cette expérience n'a pas donné les mômes résultats entre les mains d'autres expérimentateurs. En 1804, dans une thèse présentée à la Faculté de médecine de Rostock, Peters soutient comme Dliclaux que le lait ne contient qu'une seule substance albuminoïde, le caséiuogène ou caséine. Le labferment coagule non seulement les solutions naturelles ou artificielles de caséine, mais aussi l'albumine du petit lait cuit et d'autres albumines d'origine végétale ou animale. En dissolvant les coagulums formés par l'action du lab- ferment sur le lait, dans la plus petite quantité possible d'eau de chaux, on voit que ces coagulums, dissous, se précipitent de nouveau lorsqu'on les met en contact avec le lab- ferment. Ces précipités peuvent être redissous et reprécipités autant de fois que l'on veut; mais il reste chaque fois un peu d'albumine en solution par suite d'un dédouble- ment partiel que subit la caséine. Le travail de Peters a donné lien à une réponse fort intéressante de Haji.marstex, dans laquelle nous trouvons quehjues faits nouveaux. Cet auteur a cherché tout d'abord la cause de la contradiction entre les expériences de Peters et les siennes. Il a vu que le labfeiment dont Peters se servait contient une quantité considérable de chlorure de sodium (11,58 p. 100). Or, ainsi que Hamharsten l'avait déjà démontré, le sel marin jouit au plus haut degré du pouvoir de précipiter la paracaséine de ses solutions. Dans ces conditions, les faits observés par Peters pouvaient être attribués à l'action du chlorure de sodium et non pas à l'action du labferment. C'est ce que Ham.marsten a fait voir en ti-aitant les solutions de paracaséine dans l'eau de chaux, ne contenant pas de sels solubles de calcium; 1° par le labferment sans chlorure de sodium; 2" par le labferment de WiTTE, tel qu'on le livre dans le commerce; 3" par ce même labferment bouilli; et enfin par une notable quantité de chlorure de sodium. Dans tous ces cas, excepté dans le premier, l'auteur a constaté que les solutions de paracaséine donnent à la tempé- rature de 40° un précipité lloconneux. Il est donc hors de doute qu'une petite quantité de chlorure de sodium suffit à précipiter les solutions de paracaséine en l'absence complète des sels de chaux solubles. Ce point étant démontré, Hammarsten a voulu savoir si le chlorure de sodium pouvait jouer le même rôle que les sels de chaux dans la coa- gulation de la caséine par le labferment. Il a préparé une solution de labferment et une solution de caséine exemptes toutes deux de sels de chaux solubles. Il a mis ces deu.v solutions en contact à la température de 40°, en présence d'une certaine quantité de chlorure de sodium, et il a constaté que la caséine se précipite sous la forme d'un pré- cipité floconneux. Il va sans dire que Hamjiarste.x s'est assuré : 1*^ que ces deux solutions en l'absence de chlorure de sodium ne donnent aucun précipité; 2" que le chlorure de sodium, mélangé dans la même proportion que dans l'expérience précédente à la solution de caséine pure, est impuissant à coaguler cette solution. Toutefois. Hammarsten a remarqué que le précipité formé dans ses conditions est loin de ressembler au coagulum typique que fournissent le lait ou les solutions phospho-calciques de caséine sous l'inlluence du labferment. Ce précipité est beaucoup moins compact et abandonne plus facilement son sérum; et cependant les solutions de caséine employées par Hammarsten contenaient autant de caséine que le lait lui-même. Ce précipité offre en outre le caractère de deve- 686 ESTOMAC. nir plus abondant lorsqu'on élève la température et de se dissoudre en partie par le refroidissement. On pourrait croire, en raison de ces difTérences, que ces deux phéno- mènes ne sont pas identiques. Hammarsten rapporte une nouvelle expérience qui démontre d'une façon décisive que le chlorure de sodium peut remplacer les sels solubles de chaux dans la coagulation de la caséine, en donnant cette fois un coagulum typique. On sait que le lait débarrassé par une dialyse prolongée de tous ses sels solubles, ne coagule plus sous l'influence du labferment. Or ce même lait, additionné d'une certaine quantité de chlorure de sodium pur, donne, quand on le soumet à l'action du labferment, exempt de sels de chaux, un coagulum tout à fait caractéristique, semblable à ceux qu'on obtient avec le lait normal. On peut donc conclure avec Hammarsten que les sels de chaux ne sont pas absolument nécessaires à la coagulation du lait par le lab, car d'autres sels, spécialement le chlorure de sodium, peuvent se substituer aux composés calciques dans la production de ce phénomène. En résumé, malgré ces nombreuses recherches, le mécanisme de la coagulation du lait par le labferment reste encore très obscur. Les seuls faits qui nous semblent bien établis sont les suivants : 1° Le lait privé de sels, de même que les solutions artificielles de caséine sans sels, est incoagulable par le labferment; 2° Parmi les substances aibuminoïdes du lait : caséine, lactoglobuline et lactalbumine, la première est, sans aucun doute, celle qui se précipite le plus abondamment sous l'influence du labferment; 3° La coagulation de la caséine est toujours précédée d'un dédoublement de celle substance. Hammarsten, Koster etHiLLMANN ont pu isoler les produits de ce dédoublement dans les solutions artificielles de caséine ayant subi l'action du labferment. Les expé- riences de filtration des albumines du lait faites par Duclaux ne peuvent rien contre ces résultats. Toutefois, il serait sage de ne pas se prononcer sur la nature de ce dédoHble- ment ni sur les produits qui en résultent. Hammarsten lui-même avoue que la paraca- séine peut être très différente d'une expérience à l'autre, et que celle substance semble se modifier sous l'influence de causes très diverses ; 4" Les phénomènes de dé'loublement de la caséine par le lab peuvent s'accomplir en l'absence du chlorure de sodium ou de sels alcalino-terreux, mais ces sels sont indis- pensables à la précipitation des produits de dédoublement. Disons encore que, d'après Danilewski et son élève Okunefk, l'action coagulante du lab s'exercerait aussi sur d'autres substances aibuminoïdes que la caséine. C'est ainsi qu'ils ont vu que les solutions de certains produits peptiques (peptone de Danilewski) se précipitent sous l'influence du labferment. Lavrow a montré depuis que la peptone de KiJHNE est réfractaire à cette action, mais cet auteur accepte pleinement les idées de Danilewski sur la fonction chimique du labferment. d) Conditions d'activité du labferment. — di) Réaction du milieu. — La coagulation du lait par le labferment peut s'accomplir dans un milieu faiblement alcalin, neutre ou acide. Toutefois, l'activité est plus considérable dans un milieu acide. Voici une expérience d'ÀRTHUS qui démontre ce fait très nettement. A 20 centimètres cubes de lait normal, on ajoute 10 centimètres cubes d'un mélange, en proportions variables, d'acide chlor- hydrique à 1 p. 1000 et d'eau distillée. Ces mélanges sont ensuite additionnés d'une même quantité de présure et portés à l'étuve. Le temps de coagulation de ces divers mélanges est d'autant plus court qu'ils contiennent plus d'acide. QUANTITES d'acide. 10 9 a 7 l> o TEMPS TEMPS QUANTITES de coagulation QUANTITÉS QUANTITÉS de coagulation d'eau. en minutes. d'acide. d'eau. en minutes. n ■2 4' 6 35 1 4 3 7 50 2 1 •2 S 80 - 3 1 1 1 9 120 4 n 0 10 » 5 25 . Ainsi la vitesse de la coagulation augmente plus rapidement que les doses d'acide. Tous les acides n'exercent pas la même influence sur la coagulation du lait par le lab- ESTOMAC. 687 ferment. Pfleiderer a trouvé, en ajoutant au lait mélangé avec le labferment des quan- tités chimiquement équivalentes de divers acides, que l'acide qui favorise le plus la coagulation est l'acide chlorhj'drique : vient ensuite l'acide nitrique, puis l'acide lactique, l'acide acétique, l'acide sulfurique et en dernier lieu l'acide pliosphorique. «QUANTITÉS D'ACIDE EN CENTIMÈTRES CUBES NATURE DE L'ACIDE. POUR 5 ce. DE LAIT. 0«,05 OM 0«,2 0",3 0 S5 loc 3 l'emps 1 1 de la coagulation en mini .tes. Acide chlorhydrique 1/10 norm. — nitrique — — lactique — ■ — acétique — sulfurique — 10 75 85 90 100 53 60 63 70 80 44 46 50 53 70 35 38 40 47 43 20 25 30 35 40 10 13 20 25 33 — .3* J 1 5 — phosphorique — 110 90 80 70 50 35 8 Mais en étudiant le pouvoir coagulant de ces mêmes acides sur le lait tout seul, Pfleiderer est arrivé à des résultats tout à fait différents. L'acide lactique coagule rapi- dement le lait et l'acide chlorhydrique presque aussi rapidement, quoique, peut-être, d'une manière différente; les acides nitrique et sulfurique agissent beaucoup moins bien; quant à l'acide acétique et l'acide phosphorique, ils mettent très longtemps à pro- voquer la coagulation du lait. De ces expériences, l'auteur conclut que la coagulation du lait par le lab et la coagulation du lait par les acides sont deux processus différents. Les alcalins exercent une action complètement opposée à celle des acides snr la coa- gulation du lait par le lab. La vitesse de la coagulation diminue avec la richesse alcaline des liquides, et elle devient nulle à partir d'une certaine limite de concentration, comme le démontre l'expérience de Lorgmer. TITRE DU MÉLANGE. RETARD DE LA COAGULATION EN MINUTES. SOLUTIONS NORMALES. QUANTITÉ d'alcali P. 100. a) NaOH. 6) KOH. 1/1000 NaOH 0,004 :^ 1 /•) 7 10 1/2 l/oOO NaOH 0,006 ) " ^'- ( ô) 0,012 , " -/- 1/100 a) 0,040 b) 0,060 Coagulation imparfaite après plusieurs heures. On s'est aussi préoccupé de savoir ce que deviennent les solutions de labferment lorsqu'on les laisse, pendant quelque temps, au contact d'une certaine quantité d'acide ou d'alcali. Hammarsten a vu qu'un liquide très riche en lab, additionné de 0,34 p. 100 d'acide chlorhydrique, perd tout pouvoir coagulant si on le maintient pendant vingt- quatre heures à la température de 37° à 40". Cette action nuisible des acides varie, de même que celle des alcalis, avec le degré de concentration des liqueurs coagulantes, la quantité et la nature de l'acide, la durée du contact de l'acide et l'élévation de la tem- pérature. Toutefois, d'après Lurcher, il faudrait des quantités considérables pour ralen- tir l'activité des liqueurs coagulantes. Pour un extrait d'estomac coagulant le lait en huit minutes et demie, on n'obtient de ralentissement appréciable de la coagulation que lorsqu'on le mélange avec un volume égal d'une solution normale d'acide chlorhy- drique. Même dans ce cas, le ralentissement n'est que de six minutes pour un extrait qui 688 ESTOMAC. esl resté deux jours, à 15" (?), en contact avec l'acide. On peut donc dire que la plupart des acides sont peu nuisibles pour les solutions du labferment. 11 n'en est pas de même pour les alcalis. D'après Maly, 0^"',02o p. 100 de soude caustique suffisent à rendre complètement inactives en vingt-quatre heures et à la tem- pérature de 15° des solutions très riches en labferment. Le nombre de molécules de fer- ment détruites augmente avec la durée d'action de l'alcali, la richesse alcaline 'des solu- tions et la hauteur de la température. Les carbonates alcalins produisent le même effet, mais à des doses beaucoup plus fortes que les alcalis caustiques. D'après Artuus et Pages, ils n'exerceraient même aucune influence appréciable. Ces recherches ont été reprises tout récemment par Lorcher, et il est arrivé aux mêmes résultats que les auteurs précédents. La destruction du labferment par la soude est d'autant plus rapide que les liqueurs coagulantes sont plus diluées et que les solutions d'alcali sont plus concentrées. La durée de l'action de l'alcali a aussi une importance considérable sur la destruction du labferment. Si l'on mélange une solution titrée de soude, au 1/10 de la solution nor- male, avec u!i volume égal d'un extrait d'estomac, capable de coaguler le lait en milieu neutre dans une période de sept minutes, à la proportion de 1 p. 20 et à la température de 37°, on observe les retards suivants de la coagulation en raison de la durée de contact de l'alcali. Au bout de cinq minutes, le retard est de 41 minutes; au bout de dix mi- nutes, il est de 4 heures; au bout de trente minutes, il est de 9 heures, et enfin, au bout de 60 minutes, la coagulation met à se produire à peu près vingt heures. Il suffit de mélanger pendant quelques heures un exlrait d'estomac, d'activité moyenne, avec un volume égal d'une solution de soude au 1/10 ou au 1/5 de la liqueur normale (1 moléc. par litre) pour que cet extrait perde ses propriétés coagulantes. do) Température. — La chaleur est une condition nécessaire à l'activité du labfer- ment. On sait depuis longtemps que les présures sont incapables de coaguler le lait en deçà ou au delà d'une certaine limite de température. L'étude de cette question a été l'objet d'un nombre considérable de recherches qu'on doit séparer en deux groupes. Les unes ont été faites en vue de déterminer l'influence que la température exerce sur le labferment en activité, c'est-à-dire sur la marche de la coagulation elle-même. Les autres, au contraire, portent exclusivement sur la résistance que présentent des solutions fermentatives ou les poudres de ferment aux limites extrêmes de température. DURÉE T E M P É R A T U R E DE LA COAGULATION en minutes. OBSERVATIONS. degr.?s. 15 Aucune coagulation. 20 32,17 Coagulum très mou. 25 14,00 Goagulum à peu près bon. 30 8,47 Coagulum bon, sérum limpide. 31 8,lo 32 7,79 33 7,47 Températures habituelles de coagula- 34 7,19 lion dans les laiteries. 35 6,95 1 36 6,74 , > 37 6,53 ^ 38 6,39 39 6,26 40 6,15 41 6,06 Température de maximum d'action. 42 6,12 43 6,24 44 6,44 45 6,74 46 7,16 ■ 47 7,72 Sérum trouble. 48 8,44 Sérum trouble. 49 10,00 Sérum trouble, coagulinn floconneux. 50 12,00 Masse gélatineuse. ESTOMAC. 689 D'après Segelcke et St(3rch, Martini et Fleischmann, la coagulation du lait par le labferment ne peut pas avoir lieu à des températures inférieures à 15" ou 20". A partir de cette limite, la coagulation commence, et elle devient d'autant plus rapide que la tem- pérature est plus élevée jusqu'au voisinage de 40". Une fois cet optimum atteint, la vitesse de l'action fermentative diminue, et elle cesse complètement vers 60° à 65". C'est ce que démontre l'expérience de Fleischmann. Il re'sulte de cette expérience que le labferment atteint son optimum d'activilé à une température beaucoup plus basse que la pepsine. Toutefois Boas a observé dans d'autres conditions que l'activité du labferment était sensiblement la même entre 40" et 55°. Il est donc possible que ces différences tiennent tout simplement à la diversité de concentration des solutions employées par cbaque auteur. On sait, en effet, qu'aux limites de l'optimum la température agit sur les mélanges fermentatifs de deux manières différentes. D'une part, elle accélère les phénomènes chimiques en augmentant l'activité de l'enzyme. D'autre part, elle ralentit ces mêmes phénomènes en détruisant peu à peu la substance active. Quoiqu'on ne connaisse pas encore la loi de ces variations, on ne peut pas nier que l'effet destructeur de la chaleur se fait sentir beaucoup plus rapide- ment sur les solutions fermentatives très diluées que sur les solutions très concentrées. Il peut donc se faire que l'optimum d'activité de ces dernières solutions se trouve à une plus haute température que celui des solutions très diluées. Pour montrer à quel point l'activité des liqueurs coagulantes peut changer en fonction de la température suivant la richesse fermentative de ces solutions, nous citerons deux expériences, une de Boas et une de LoRCHEa. Boas a trouvé, en employant des liquides très riches en labferment, que la coagulation du lait avait encore lieu à plus de 70". Lorcher a vu qu'on pouvait abaisser la limite thermique inférieure de 5° à 7", en se servant d'un extrait d'estomac très actif. Il semble, d'autre part, résulter de quelques expériences de Camus et Gley que la présure exerce encore un certain travail chimique aux basses températures; seulement ce travail n'est pas apparent dans les conditions ordinaires. Le lait mis au contact de la présure, à une température voisine de 0" pendant une heure environ, se coagule dès qu'on l'additionne d'une petite quantité d'acide. Il est bien entendu que cette même quantité d'acide est incapable de coaguler le lait tout seul. Donc les limites thermiques de l'action du labferment sur le lait sont très étendues (10" à 60", d'après Lorcher) et d'autant plus grandes que les solutions du lab sont plus concentrées et que les conditions de la réaction sont plus favorables. NUMÉROS. ORIGINE DES SOLUTIONS FERMENTATIVES. TEMPÉRATURE DE COAGULATION. TEMPS DE COAGULATION. degrùs. 1 2 3 a) Vache (estomac). ù) Homme (estomac). c) Grenouille : œsophage. 6-3 Aucune coagulation. 5 heures. 4 d) Grenouille : estomac. ) Aucune coagulation. 3 6 7 a) à) c) , .. Environ 5 heures. 2 heures, 22 minutes. 7 a] Aucune coagulation. 9 8 minutes et demie. 10 à) c) 23 13 minutes. 11 21 minutes. 12 d) Aucune coagulation. 13 a) 1') 4 minutes et demie. 14 9 minutes et demie. 13 40 20 minutes. 16 d) Aucune coagulation. 17 a) 18 19 b) c) 55 Aucune coagulation. 20 d) 1 S DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 44 690 ESTOMAC. LoRGHER a étudié la manière dont se comportent les labferments d'origines diverses, vis-à-vis de la température. Il a trouvé, comme Figk et Mûrisier l'avaient déjà constaté pour la pepsine, que le lab des animaux à sang- froid (grenouille) est plus actif aux basses températures que celui des animaux à sang chaud, tandis que l'inverse a lieu aux hautes températures. Une notion très importante qui se dégage des expériences de Lôrcher est l'absence du labferment dans l'estomac de la grenouille. On voit, en effet, que les extraits de cet organe se montrent constamment inactifs pour toutes les températures. Les basses températures ne semblent porter aucune atteinte à l'intégrité du labfer- ment. Mais, lorsqu'on chauffe les solutions de labferment au delà d'une certaine limite, elles perdent complètement leur pouvoir coagulant. Cette limite varie beaucoup suivant l'état de pureté de ces solutions, leur degré de concentration, leur réaction chimique, le temps d'action de la chaleur, et d'autres causes encore. Ainsi que Biernacki l'a démon- tré pour la pepsine, les solutions de labferment se détruisent d'autant plus vite par la chaleur qu'elles sont plus pures. Si on prend deux liqueurs coagulantes de même acti- vité, l'une représentée par un extrait d'estomac, l'autre par une solution de lab, préparée suivant la méthode de Hammarsten, et si on laisse ces deux solutions pendant quelque temps à la température de 50°, la première conservera son activité, tandis que la seconde deviendra inactive. La raison intime de ces différences nous est inconnue. Une autre cause qui fait varier la limite de résistance des solutions de labferment contre la chaleur est leur degré de concentration. Si l'on admet que le nombre de molécules de ferment détruites dans l'unité de temps par la chaleur est, toutes condi- tions égales, la même pour une température donnée, les solutions qui contiennent plus de ferment supporteront sans se détruire complètement une température plus forte ou la même température pendant plus longtemps que les solutions qui en contiennent moins : c'est ce que Boas et d'autres expérimentateurs ont, en effet, constaté. Voici d'ailleurs une expérience de Gley et Camus qui est très démonstrative à cet égard. Une goutte de présure neutre, c'est-à-dire exactement 1/20 de centimètre cube d'une solution neutra- lisée de ferment, est diluée en proportions différentes avec l'eau distillée, et ces divers échantillons sont portés à la température de 40" pendant deux minutes. Au bout de ce temps, on examine le pouvoir coagulant de ces diverses solutions en les ajoutant à 5 c. c. de lait à 40°. QUANTITÉS TEMPS d'eau distillée. de la coagulation, ce. m. s. 0 3,30 0,01 4,13 0,02 6,43 0,03 10,00 0,04 12,00 0,05 19,00 0,10 Liquide encore 1 heure après. On est étonné de voir que la présure se détruise aussi rapidement à une température aussi faible; mais cela tient, d'après Gley et Camus, à la réaction neutre de la liqueur dont ils se sont servis. En effet, ces auteurs ont montré que la température de 40°, qui est optimum pour les solutions acides de présure, devient mortelle ou destructive pour les solutions neutres de ce même ferment. Ce résultat ne doit pas être appUcable à toutes les solutions de labferment, car Lorgher a vu, en répétant ces mêmes expériences avec des extraits de la muqueuse stomacale d'un chat, que ces extraits «supportent en solu- tion neutre pendant dix minutes des températures supérieures à 40° sans se détruire sensiblement. Toutefois, Camus et Gley se servaient pour leurs expériences de la présure de Hansen, qui, quoique impure, contient certainement beaucoup moins des substances étrangères qu'une infusion stomacale; cette différence suffirait à expliquer l'écart existant dans les résultats obtenus par ces divers auteurs. Lorgher prend un extrait acide de la muqueuse stomacale d'un chat qu'il neutralise exactement, et dont il fait une série de solutions, dans l'eau, dans l'acide chlorhydrique à 1 p. 100, et dans la glycérine à la proportion de 2 p. 8. Ces trois mélanges sont ensuite ESTOMAC. 691 portés à diverses températures pendant un temps qui varie entre cinq et dix minutes. Lorsque la période de chauffage est terminée, on prend un ou deux centimètres cubes de chacun de ces mélanges, et on évalue leur activité en mesurant le temps qu'ils mettent à coaguler une quantité fixe de lait. Si l'on a eu le soin de faire une mesure du même ordre avec ces liquides, avant de les soumettre à l'influence de la température, on aura, par différence, la perte d'activité qu'ils ont subie pendant réchauffement. Dans ces premières expériences, le temps de la coagulation a été tellement considé- rable qu'il a été impossible de bien savoir les différences d'activité des diverses solu- tions; néanmoins, c'est encore la solution glycérinée qui s'est montrée le plus active. Mais LoRCHER a fait une autre série d'expériences, dans laquelle les temps de coagulation étaient beaucoup plus courts. Il a pris pour cela un extrait d'estomac très actif, qu'il a mélangé en plus grande quantité avec les dissolvants antérieurs (3 p. 7). En même temps, il a diminué de o minutes la période de chauffage. La coagulation du lait avait lieu à 37" en présence de 2 c. c. de liqueur fermentative pour 10 c. c. de lait. Voici les résultats de cette nouvelle série d'expériences : TEMPÉRATURES DE CHAUFFAGE. TEMPS DE LA COAGULATION KN MINUTES SOLUTION AQUEUSE. SOLUTIONS GLYCÉRINÉES. SOLUTIONS clilorhydi'iques. Avant réchauffement. 50° So" 60° 65" 7 1/2 12 100 8 8 8 3/4 75 4 4 5 90 LôRCHER conclut en disant : 1'^ Que la réaction acide des solutions de labferment augmente leur résistance contre la chaleur; 2° Que les solutions glycérinées de lab supportent mieux les hautes températures que les solutions aqueuses; 3° Qu'une solution de labferment de concentration moyenne se détruit complè- tement si on la laisse pendant 10 minutes à la température de 00 à 70°. Cette limite peut être abaissée ou relevée, suivant qu'on prolonge ou qu'où diminue le temps de réchauffement; car, ainsi que nous l'avons dit, l'effet destructeur de la cha- leur dépend aussi du temps pendant lequel la température agit. Cela est tellement vrai que Hammarsten a pu rendre absolument inactive une solution acide de labferment en la maintenant pendant 48 heures à 40". D'autre part, Maly a observé qu'on peut porter pendant quelques instants à 70°, et même faire bouillir, une solution neutre de lab, sans lui faire perdre complètement ses propriétés coagulantes. On trouve aussi dans le travail de Gley et Camus un exemple frappant de l'importance qu'a l'élément temps dans la destruction des solutions de lab par la chaleur. On sait que les solutions aqueuses de la présure de Hansen neutralisée se détruisent partiellement à 40" au bout de deux minutes. Or cette destruction est d'autant plus considérable que l'influence de la chaleur se prolonge plus longtemps. Ainsi, une goutte de présure neutre mise dans 1 c. c. d'eau distillée à 40" auquel on ajoute immédiatement o c. c. de lait, caséifie ce lait en trois minutes; ^si l'action de la chaleur a duré quinze secondes, la coagulation n'a plus lieu qu'en quatre minutes; après trente secondes, en cinq minutes; après une minute, en neuf minutes et demie, et finalement, après cinq minutes, le ferment est complètement détruit. En résumé il est impossible d'assigner une limite précise à la destruction du labfer- ment par la chaleur. Cette limite est tellement différente suivant les conditions de l'ex- périence, qu'elle peut varier du simple au double. Quant au labferment en poudre, il offre, comme tous les autres ferments qu'on place dans cet état, une résistance considérable aux hautes températures. Ainsi Camus et 692 ESTOMAC. Gley ont pu maintenir la présure à des lempératures supérieures à 100°, pendant un quart d'heure, sans affaiblir la force de cette présure. La seule condition pour obtenir ce résultat, c'est de bien dessécher le ferment. cl^) État et nature du lait. — La réaction du lait change les conditions d'activité du labferment. Les laits sortant de la mamelle n'ont jamais une réaction franchement alca- line ; ils sont plutôt neutres ou amphotériques. Quelques heures après la traite, surtout lorsque [la température extérieure est élevée, ils deviennent plus ou moins acides. Ils sont alors beaucoup plus facilement coagulables par la présure. La coagulabilité du lait varie encore suivant qu'il est à l'état bouilli ou à l'état cru. On sait depuis longtemps que l'ébullition rend le lait beaucoup moins sensible à l'action du labferment. Nous empruntons à ârthus quelques chifTres qui mettent en évidence ce phénomène. Un même lait, traité par une même quantité de labferment à la même tem- pérature, coagule dans les temps suivants : Lait cru 8 minutes. Lait bouilli 20 minutes. — 3 minutes 3/4. — 8 — — 5 minutes. — 8 — Ces différences s'expliqueraient essentiellement, d'après Arthus, par ce fait que l'ébul- lition chasse l'acide carbonique contenu dans le lait en précipitant ainsi une grande par- tie du phosphate de chaux qui se trouve en solution dans ce liquide. Le lait bouilli serait en quelque sorte un lait décalcifié. Ce qui démontre la justesse de cette manière de voir, dit Arthus, c'est qu'il est possible de rendre au lait bouilli sa coagulation primitive, ou à peu près, en lui rendant ce qu'il a perdu, c'est-à-dire son gaz carbonique. A cet effet, on fait passer dans ce lait une fois refroidi un courant prolongé d'acide carbonique, puis un courant prolongé d'air pour enlever l'excès de gaz carbonique. On constate dans ces conditions qu'une quantité convenable de labferment coagule : Le lait cru en 15 minutes. Le même bouilli en 12 — Le même Ijouilli, carbonique et aéré . . 8 — On peut encore arriver au même résultat, en faisant bouillir le lait en vase clos, afin d'empêcher le dégagement de l'acide carbonique. Le lait bouilli de cette façon coagule, toutes choses égales, plus rapidement que le même lait bouilli à l'air libre. Lait cru coagule en 3 minutes. Lait bouilli à l'air en 15 — Lait bouilli en vase clos 10 — Autre exemple Lait cru coagule en 3 minutes. Lait bouilli à l'air 9 — Lait bouilli en vase clos 5 — Dernier exemple : Lait cru coagule en 5 minutes. Lait bouilli à l'air 17 — Lait bouilli en vase clos 14 — Ces faits montrent bien que la perte de gaz carbonique par le lait pendant l'ébullition est une des causes, mais seulement une des causes du retard de coagulation de ce lait. Ce qu'on peut affirmer, c'est que le lait bouilli recouvre sa coagulabilité pri- mitive et même devient plus facilement coagulable qu'à l'état cru, si on l'additionne de sels de chaux solubles, ou si on le sature de gaz carbonique. L'action des sels est tou- jours très énergique, quel ^que soit le sel dont on se serve, pourvu que celui-ci soit un sel alcalino-terreux. Quant au gaz carbonique, il suffit d'exposer pendant quelque temps le lait bouilli à une atmosphère riche en CO- pour voir la coagulation de ce lait s'accélérer considérablement : Lait naturel 8 minutes. Lait bouilli 20 — Lait bouilli saturé de gaz carbonique . . 1 minute. TEMPS de la coagulation en minutes. 4 1/2 4 1/2 4 1/2 6 1/2 8 1/2 9 1/2 ESTOMAC. 693 Lait naturel 6 minutes 1/2 Lait cru sature de gaz cai hniiique. ... 1 minute. Lait bouilli 16 — Lait bouilli saturé de gaz carbonique . . 1 minute 1/2 On voit par cette expérience que l'acide carbonique en excès exerce sensiblement la même influence sur le lait bouilli que sur le lait cru, ce qui équivaut à dire que la caséine du lait ne subit pas de modiflcalion appréciable pendant l'ébullition. LoRCHER s'est demandé si ce relard de coagulation que présente le lait bouilli ne commençait pas à se manifester à des températures inférieures à celle de l'ébullition. Il a chauffé le lait aux diverses températures pendant cinq minutes, puis il a évalué la coagulabilité de ces laits, pour une même solution de labferment. TEMPÉRATURES de chaurtage. degrés. 50 60 70 80 90 100 A partir de 80°, la coagulabilité du lait diminue manifestement, pour une période de chauffage de cinq minutes, et tout porte à croire que si l'on prolongeait cette période, on trouverait que la limite de température indiquée plus haut est encore trop forte. Les différences de composition que présente le lait aux divers moments de l'allaite- ment, et surtout lorsqu'on passe d'un animal à l'autre, sont aussi une des causes qui modifient les conditions de coagulation de ce liquide par le labferment : c'est un fait de connaissance vulgaire que le lait d'un même animal, pris à vingt-quatre heures d'inter- valle, ne présente jamais la même durée de coagulation. D'abord le colostrum est totalement réfractaire; mais, douze heure après le part, il donne déjà un léger coagulum en présence du labferment. Au bout de vingt-quatre heures, ce coagulum est beaucoup plus abondant, mais le lactosérum qui résulte de la coagulation est encore un peu trouble. Finalement, au bout de quarante-huit heures, le colostrum se comporte vis-à-vis de la présure à peu près comme le lait normal. Aussi beaucoup d'auteurs ont-ils pensé que le colostrum jeune ne contenait pas de caséine, et que c'était là la cause essentielle de son incoagulabililé par la présure. Celte opinion est quelque peu exagérée, car, ainsi qu'ARTHUS l'a démontré, le colostrum ren- ferme une certaine quantité de caséine, deux heures après la mise bas. Seulement, cette quantité est tellement faible que la caséine est entraînée par les autres albumines qui se précipitent sous l'intluence de l'ébullition. D'après cet auteur, i'incoagulabilité du colos- trum par le labferment tiendrait plutôt à l'état spécial dans lequel se trouvent les sels de chaux contenus dans ce liquide; car le 'colostrum devient rapidement coagulable quand on l'additionne d'une certaine quantité de sels de chaux. Les laits des divers animaux ont aussi une coagulabilité très différente. Ainsi le lait de femme, qui est, comme on le sait, beaucoup plus pauvre en caséine que le lait de vache, présente une coagulabilité moindre que celui-ci. D'après certains auteurs, il serait même complètement réfractaire à l'action du labferment; mais ce fait a été contesté par Arthus. Les laits d'ànesse, de jument et de chienne coagulent aussi : de tous les laits étudiés jusqu'ici, ceux qui se montrent le plus sensibles à l'action du labferment sont le lait de vache et le lait de chèvre. Les conditions chimiques de ce dernier sont telle- ment favorables à sa coagulation qu'on ne peut pas, par les moyens ordinaires, modi- fier la marche de ce phénomène. Ainsi le lait de chèvre saturé de gaz carbonique ne se coagule pas beaucoup plus vite que le même lait à l'état normal. Les sels de chaux n'accélèrent pas non plus notablement la coagulation de ce liquide. Il en est de même des autres sels alcalino-terreux. Enfin l'ébullition et la dilution, qui retardent considéra- blement la coagulation du lait de vache, n'exercent pas une grande influence sur la coa- gulation du lait de chèvre. Arthus prétend que ces propriétés particulières du lait de chèvre sont dues exclusivement à sa richesse en composés calciques et à la nature de 694 ESTOMAC. ces composés, qui seraient plus stables que ceux qui se trouvent dans le lait de vache. Il rappelle à ce propos que le lait blanc, brillant, fortement calcique et très propre à la fabrication du fromage de certaines races de vaches, dites pour cela fromagères (hollan- daises, suisses, etc.), lait qui se rapproche beaucoup de celui de chèvre, coagule, comme ce dernier, beaucoup plus vite que celui des vaches beurrières (bretonnes, normandes, etc.), qui est plus gras et moins calcique. e) Influence des sels sur la coagulation du lait par le labferment. — Nous avons vu que, parmi les éléments qui composent le lait, les sels jouent un rôle extrêmement impor- tant dans la coagulation de ce liquide. On trouvera dans les travaux de Hammarsten, de SôLDNER, de Lu.NDBERG, de CouRANT, d'Arthus et Pages, de Ringer, de Rohman, de Duclaux, et de beaucoup d'autres auteurs que nous citons dans la partie bibliographique de cet article, un grand nombre d'indications concernant ce sujet. C'est pour éviter d'inutiles répétitions que nous nous limiterons à donner ici les résultats obtenus par Lorcher qui résument et complètent tous les résultats antérieurs. Cet auteur a étudié l'action de la plupart des sels sur la coagulation du lait, mais, au lieu de prendre des quantités pondé- ralement égales de ces divers sels, comme on l'avait fait jusqu'à lui, il en a pris des quantités chimiquement équivalentes. Les solutions de ces sels étaient faites directe- ment dans le lait, et Lorcher prenait comme limite maximum de concentration une solu- tion contenant le poids moléculaire de chaque sel, pour un litre de lait, c'est-à-dire une solution normale. La liqueur coagulante employée par cet auteur était un extrait glycé- rine de la muqueuse stomacale d'un veau, avant conservé sa réaction acide. Cet extrait était additionné au lait dans la proportion de 0'=''',1 pour 10 ce. de lait, et le mélange était porté à l'étuve à 35°. Dans chaque expérience on mesurait le temps de coagulation du lait normal, qui variait entre 7 et 14 minutes et le temps de coagulation du lait addi- tionné de sel. Cette mesure donnait, par différence, le retard ou l'accélération de la coagulation du lait sous l'influence du sel. Tous les sels des métaux alcalins, à l'exception du phosphate de potassium et du chlorure de lithium, retardent manifestement la marche de la coagulation. Les sels qui se montrent le plus nuisibles dans ce sens sont les fluorures et les oxalates; viennent ensuite les carbonates et les bicarbonates, puis les sulfates à faibles doses, le phosphate de sodium, les nitrates, les iodures, les bromures, et en dernier lieu les chlorures. Lors- qu'on compare dans leur ensemble les sels de sodium et de potassium, on ne trouve pas de différences appréciables. Toutefois, pour des fortes doses, les sels de potas- sium sont plus nuisibles que les sels de sodium. L'exception que présente à ce point de vue le phosphate de potassium et de sodium est attribuée par Lurcher à la diversité de réaction de ces deux sels; le premier est acide à la phtaléine, et par conséquent accélère la coagulation, tandis que le second, qui est alcalin, retarde ce phénomène. Ajoutons que le phosphate de potassium et le chlorure de lithium cessent d'être des agents accélérateurs de la coagulation lorsqu'on les emploie à de très fortes doses. Au contraire, les sels alcalino-terreux sont des agents accélérateurs de la coagu- lation du lait. Seules les bases de ces métaux gênent considérablement la marche de ce p'.u'nomène, ce qui tient sans doute à leur réaction fortement alcaline. En tous cas, leur effet retardateur est tel qu'à une concentration de 1/50 de la solution normale, la coagu- lation du lait ne peut plus avoir lieu. Parmi ces bases, la strontiane occupe une place intermédiaire. Un autre fait intéressant, c'est que les sels alcalino-terreux perdent leur influence accélératrice sur la coagulation et deviennent même des agents retardataires lorsqu'ils dépassent une certaine limite de concentration (solution demi normale). Les sels de magnésium et d'autres métaux voisins accélèrent aussi la coagulation du lait à des doses faibles ou moyennes. Cependant le chlorure de magnésium fait exception à cette loi. Il contrarie la marche de la coagulation à des doses faibles, tandis qu'à des doses relativement fortes il augmente la vitesse de ce phénomène, Lorcher fait aussi remarquer que les chlorures de cadmium et d'aluminium, assez actifs à des doses extrêmement faibles, doivent probablement cette particularité à leur réaction légère- ment acide. Ces sels sont d'ailleurs capables de provoquer par eux-mêmes la précipita- tion du lait en gros flocons, si on les emploie à une concentration de 1/iO de la solution normale, ce qui n'est pas une dose très élevée (i°'",3 p. 100). Les autres sels de ce groupe. ESTOMAC. 695 ainsi qu'une partie des sels alcalino-terreux et des sels des métaux alcalins, produisent le même phénomène, mais à des doses beaucoup plus fortes. Quant aux sels de métaux lourds, leur action sur la coagulation nous est à peu près inconnue. Mais tout porte à croire que ces sels doivent exercer une influence nuisible sur l'activité du labferment, car ils sont tous des antiseptiques et des antifermentatifs puissants. Quant h la marche de la coagulation, on n'a jamais étudié d'une façon systématique l'influence qu'exercent les divers sels sur chacun des éléments qui interviennent dans la coagulation du lait par la présure. Nous avons dit que ces éléments sont le labferment, la caséine et les sels solubles du lait, spécialement les sels de chaux. D'après Hammarsteiv, le chlorure de sodium peut remplacer les sels de chaux dans la précipitation de la para- caséine, mais, d'autre part, il résulte des expériences de LÔRCHERque ce sel gène l'action de la présure, surtout en solution concentrée. Arthus et Pages admettent que les oxa- lates et les fluorures de potasse et de soude retardent ou empêchent la coagulation du lait en précipitant les "sels de chaux de ce liquide. Ce dernier fait est incontestable, mais les expériences d' Arthus et Pages soulèvent une critique sérieuse. On se rappelle que ces auteurs sont obligés d'employer un léger excès d'oxalate pour interdire la coagula- tion du lait. Or rien ne dit que cet excès d'oxalate, si faible qu'il soit, ne devienne pas gênant pour la présure. En tout cas, nous savons maintenant que le chlorure de sodium existant dans le lait suffit, en l'absence des sels solubles de chaux, à précipiter les pro- duits de dédoublement de la caséine. D'après LuRCHEfi, certains sels hâtent le dédouble- ment de la caséine par le labferment, tandis que d'autres limitent leur action à provo- quer la précipitation de ces produits de dédoublement. Parmi les sels du premier groupe se trouveraient les sels de magnésie, et, parmi ceux du second, les sels de chaux; mais la plupart des sels qui hâtent la coagulation appartiennent à la fois à ces deux groupes, et on peut même dire que le chlorure de calcium appartient au premier pour de faibles doses et au second pour de doses fortes. f) Influence d'autres substances sur la coagulation du lait par le labferment. — Arthur Edwards et Gley ont observé, indépendamment l'un de l'autre, que la peptone de Witte exerce une action retardatrice sur la coagulation du lait par la présure. Locke a repris ces expériences, et il a trouvé, en se servant aussi de la peptone de Witte, les mêmes résultats que Gley et Edmums, mais il a fait remarquer que la peptone de Witte présente une réaction franchement alcaline et que par conséquent on ne pouvait rien conclure de ces expériences. 11 a alors entrepris de nouvelles recherches avec d'autres peptones industrielles, particulièrement [avec la peptone de Gehe et de Grûrler. Cette dernière n'exerce pas une influence retardatrice aussi marquée que les deux premières sur la présure; mais, d'après Locke, cela tient très probablement à ce qu'elle a une réaction acide vis-à-vis du papier de tournesol. La peptone de Gehe gêne beaucoup plus l'action de la présure, quoique cette peptone contienne une certaine quantité des sels solubles de calcium. Enfin Locke laisse la question en suspens, et n'ose pas affirmer si la peptone exerce ou non une action spécifique sur la présure. Nous croyons aussi qu'on ne peut pas. en opérant avec des produits aussi complexes que les peptones commer- ciales, savoir la part qui revient dans cet effet retardateur de la coagulation, à l'action des albumoses ou des peptones ou à l'action des sels et d'autres corps chimiques qui souillent ces espèces de peptones. Gley et Camus, en reprenant ces recherches, ont cons- taté que l'effet retardateur produit par la peptone de Witte est dû exclusivement à la réaction alcaline de cette substance. Le sérum sanguin agirait encore d'après ces auteurs de la même façon sur la présure. Boas a étudié l'action de la salive, du mucus, de la bile et de la graisse sur l'activité du labferment. La salive et le mucus, mélangés en grande quantité au contenu stomacal, ne diminuent pas sensiblement les propriétés coagulantes de ce liquide. Si l'on observe parfois un léger retard de la coagulation, cela tient à la richesse alcaline de ces deux produits de sécrétion. 11 n'en est pas de même pour la bile. Ce liquide est particuliè- rement nuisible au labferment, Boas a constaté, en ajoutant au contenu stomacal filtré et neutralisé (une certaine quantité de bile, que ce mélange devenait impuissant à coa- guler le lait. Il a encore observé le même résultat en additionnant le contenu stomacal de 2 p. 100 de cholate de soude. Avec 1 p. 100 de ce sel on n'obtient pas l'arrêt de la coa- gulation; mais simplement un retard. Enfin la graisse n'exerce aucune action nuisible 696 ESTOMAC. sur la présure. Le contenu stomacal, mélangé avec 40 p. 100 d'huile neutre, conserve tout son pouvoir coagulant. Les substances antiseptiques sont en général nuisibles au labferment. Parmi celles-ci nous citerons l'acide salicylique (Kolbe, Kirghener), la glycérine (Munk), l'essence de moutarde (Schwalbe) et l'aldéhyde formique. Poitevin a fait spécialement l'étude de ce dernier corps. Il a trouvé les retards suivants de la coagulation en ajoutant à un même volume de lait des quantités différentes d'une solution neutre de formol à 40°. La colonne R repre'sente le rapport qui existe entre le temps de coagulation du lait témoin et du lait antiseplisé. TEMPS de coagulation FORMOL du lait en grammes émoin en minutes. par litre. 15 1 27 0,8 27 1,6 27 2,4 65 0,8 65 0,2 65 1,6 2 00 co 1,8 très grand. 00 Lorsqu'on augmente les quantités de présure, les doses nécessaires pour empêcher la coagulation s'élèvent. Enfin, si l'on maintient la présure au contact des solutions con- centrées de formol, elle devient tout à fait inactive, Freudenreich a vu aussi, en faisant agir directement un certain nombre d'antiseptiques sur la présure; le chloroforme, le bichromate dépotasse, le thymol, et l'aldéhyde for- mique, qu'elle perd plus ou moins ses propriétés coagulantes. La glycérine se montre complètement inotfensive, ainsi que le prouve le fait suivant. Une tabletle de Hansen, dissoute dans la glycérine pure, conserve au bout de soixante-deux jours tout son pouvoir coagulant. Ce dernier résultat semble en contradiction avec les expériences de Mu.nk; mais il est possible que la glycérine ne détruise pas la présure, tout en gênant l'activité de ce ferment lorsqu'on l'additionne au lait. Les deux données ne sont pas nécessairement contradictoires. Freudenreich, étudiant l'influence du salol sur la présure, semble la considérer comme nulle, mais l'expérience qu'il a faite à ce sujet ne permet pas d'en tirer une conclusion précise. Le borax et l'acide borique sont aussi des agents paralysants de la présure. D'après DiicLAUx la coagulation d'un lait additionné de 1 p. 1000 de borax devient quatre fois plus lente qu'à l'état normal, et, si on double la proportion de ce sel, le retard de la coa- gulation augmente de seize fois. Avec l'acide borique, le retard est encore plus considé- rable. La coagulation devient cinq fois plus lente avec 1 p. 2 000 d" acide borique, et vingt fois plus lente avec l p. JOOO. fj) Procédés de mesure de l'activité des liqueurs coagulantes. — Quand on veut étu- dier comparativement la puissance coagulante de plusieurs solutions de labferment, on doit commencer par placer ces solutions dans des conditions d'activité absolument sem- blables. Qu'il s'agisse d'un suc gastrique naturel, d'un suc gastrique artificiel, ou d'une solution de présure industrielle, la première condition à remplir, c'est de neutraliser exactement ces solutions, afin d'éviter que leurs différences de réactions ne viennent fausser les résultats. Gela fait, on prendra un volume égal de chacune de ces solutions qu'on mélangera avec un volume donné d'un même lait, et on placera les divers mélanges à l'étuve à une température de 37° ou 40°. Le temps de coagulation de ces divers mélanges donnera la mesure de leur activité. Cette détermination comporte quelques erreurs. Tout d'abord les liquides qu'on ana- lyse peuvent, tout en ayant la môme réaction, avoir une composition saline très diffé- rente. Tel peut être le cas du suc gastrique impur, dont la composition chimique varie considérablement suivant le genre d'alimentation. Il faut alors toujours se servir du même repas d'épreuve. Mais, comme cette précaution n'est pas facile à remplir, ce qui vaut le mieux, c'est de diluer le suc gastrique avec de l'eau acidulée et de le soumettre ensuite à une dialyse prolongée afin de le débarrasser aussi complètement que possible ESTOMAC. 697 de tous les sels. Ainsi on est sur d'éliminer l'influence étrangère que les sels exercent sur la coagulation, en même temps qu'on aide la transformation du proferment du lab, en ferment définitif. En second lieu, le suc gastrique, débarrassé de sels solubles par la dialyse, doit être mélangé avec du lait stérilisé. II ne suffit pas que ce lait ait la même composition chi- mique ; il faut encore qu'il ne contienne pas des germes de Ja fermentation lactique qui peuvent en se développant changer la réaction du lait et provoquer sa coagulation. Si, malgré tout, on constate que le sérum du lait coagulé a pris une réaction acide, on peut considérer l'expérience comme mauvaise. Une autre difficulté consiste à choisir un terme de comparaison pour l'étude de la coagulation. Quelques auteurs ont proposé de prendre comme limite d'expérience le moment où le lait commence à s'épaissir. D'autres ont conseillé d'attendre la précipita- tion de la caséine sur les bords de la surface du liquide. Enfin, la plupart des auteurs considèrent qu'il est préférable d'attendre que la coagulation du lait se soit produite en bloc. C'est cette dernière indication qui semble la plus exacte. En général^ on met le lait à coaguler dans des tubes à essai de un centimètre et demi à deux centimètres de diamètre, et on cherche le moment où l'on peut renverser ces tubes, sans qu'il s'en écoule une goutte de liquide. Si l'on veut opérer en vase plat, il est aussi facile de déter- miner exactement le moment de la coagulation en enfonçant dans la masse du caillot la lame d'un couteau ou l'extrémité du doigt. Si la boutonnière formée présente des lèvres nettement coupées, et si le liquide qui finit par la remplir est bien transparent et limpide, on peut être sûr d'avoir atteint le point voulu. Enfin, il est utile, quand on opère sur des liqueurs coagulantes très concentrées ou très riches en lab, de diluer ces liqueurs, pour bien saisir les difîérences d'activité qui peuvent exister entre elles. Dans le cas où ces solutions seraient trop diluées, il faut les additionner d'une cei'taine quantité de chlorure de calcium dans le but d'augmenter leur activité. On évite comme cela une perte de temps inutile, et surtout on peut par ce moyen déceler la moindre trace de labferment dans le liquide qu'on examine. Pour découvrir l'existence du labferment dans le suc gastrique, Léo conseille de pro- céder de la manière suivante. On ajoute à 5 ce. de lait deux ou trois gouttes de suc gastrique, et on met le tout à l'étuve à 38». La coagulation en masse du lait au bout de dix à vingt minutes est une preuve suffisante de la présence du lab, parce que, dit-il, la quantité d'acide contenue dans les deux ou trois gouttes de suc gastrique est trop faible pour pro- duire le même résultat, et parce que l'acide coagule le lait en grumeaux et non en masse; pourtant l'absence de coagulation ne permet pas de conclure absolument qu'il n'y a pas de labferment dans le suc gastrique, car la quantité de liquide employée n'est peut-être pas assez forte. Klemi'erer a indiqué plusieurs moyens pour rechercher le zymogène du lab dans le suc gastrique : l^Le suc gastrique est d'abord additionné d'une certaine quantité de car- bonate de soude jusqu'à réaction faiblement alcaline, afin de détruire le labferment qu'il peut contenir, puis on mélange le suc gastrique alcalinisé avec un volume donné de lait en présence d'une petite quantité de chlorure de calcium, et on porte le tout à l'étuve. Si la coagulation se produit au bout de quelques minutes, on peut conclure que le suc gastrique renfermait une certaine quantité de lab; 2° Deux verres contenant chacun 10 c. c. de suc gastrique sont chauffés au bain-marie à 70°. Le lab ^est détruit à cette température, tandis que le zymogène ou le proferment reste; de sorte que, si on mélange le suc gastrique chauffé dans un des verres avec un volume donné de lait, en présence d'une certaine quantité de chlorure de calcium, la coagulation ne tarde pas à se produire. Au contraire, le suc gastrique de l'autre verre, chauffé de la même façon, mais non addi- tionné de chlorure de calcium, est impuissant à coaguler le même volume de lait. Boas et Trzebinski ont poussé plus loin ce genre de déterminations en cherchant à doser exactement les quantités relatives de labferment qui se trouvent dans les divers sucs gastriques. Ils ont employé la méthode de dilution dont Javorski s'était déjà servi pour le dosage de la pepsine. Cette méthode consiste à diluer le suc gastrique neutralisé jusqu'à lui faire perdre ses propriétés coagulantes. Cette limite de dilution indique la teneur du suc gastrique en labferment. Boas et Trzebinski ont constaté qu'il faut, pour rendre inactif le suc gastrique normal, le diluer dans îa proportion de 1/30 à 1/40. 698 ESTOMAC. Meunier a essayé de régler les conditions dans lesquelles on doit mesurer l'activité coagulante du suc gastrique, de façon à en faire un bon procédé clinique. Cet auteur prend le suc gastrique filtré, provenant d'un repas d'épreuve d'EwALD extrait au bout d'une heure et en fait quatre dilutions, au 10% au 100% au 500^ et au 1000"; toutes légè- rement acides. Solution au /O". — 1 c. c. de suc gastrique est mesuré très exactement dans un tube à essai. Après addition d'une goutte de teinture de tournesol, ou ajoute goutte à goutte une solution décinormale de soude jusqu'à virage, puis on ramène au rouge par une goutte d'une solution décinormale d'acide chlorhydrique. Lorsque le suc gastrique est neutre, on l'acidifie également par une goutte de la solution décinormale d'acide. Après acidification le sue gastrique est additionné de la quantité nécessaire d'eau distillée pour en faire exactement 10 c. c. Solution au 100^. — 1 c. c. de la solution au 10*= est étendu de 9 c. c. d'eau distillée. Solution au 300^. — 1 c. c. de la solution au 100^ est étendu de 4 c. c. d'eau distillée. Solution, au 1000". — 1 c. c. de la solution au 100*^ est étendu de 9 c. c. d'eau distillée. Comme cette dernière solution provient d'une triple dilution du suc gastrique pur 1 1 — — - =: — — — , une erreur dans le dénominateur est multipliée par 100. Il est donc 1000 10 X dO X 10 I r nécessaire de faire très exactement toutes les prises d'un centimètre cube, une erreur de 1 dans une de ces prises entraînant une erreur de 100 dans la dernière dilution. De ces quatre solutions, on mesure dxins quatre tubes à essai 5 c. c. et on met de côté le tube contenant ce qui reste de la solution au 10''. Ce tube sert de contrôle. On a ainsi cinq solutions : Tube A contenant 5 centimètres cubes de suc gastrique à 1/10. — B — 5— — — à 1/100. — C — 5— — — à 1/500. — D — 5— — — à 1/1000. — Contrôle. dont on recherche le pouvoir coagulant. Pour cela, on ajoute aux cinq tubes o c. c. d'une solution de chlorure de calcium cristallisé et 5 c. c. de lait stérilisé. L'auteur a trouvé que les laits stérilisés qu'on vend dans le commerce, Gallia, Hélios, etc., présentent à peu près la même coagulabilité et peuvent parfaitement servir à ce genre de recherches. Avant d'ajouter au tube témoin le mélange précédent, on a le soin de faire bouillir la solution qu'il contient, afin de détruire le labferment. Les cinq tubes ainsi préparés sont agités doucement de manière à bien mélanger leur contenu; puis on les porte à 41". On note exactement l'heure où réchauffement commence, et on observe en minutes le temps nécessaire pour amener la coagulation dans les divers tubes. A un moment donné, on voit le mélange s'épaissir, puis appa- raître un précipité de caséine sur les bords de la surface du liquide. C'est ce moment que l'on choisit comme limite d'expérience. Supposons que quatre sucs gastriques différents, contenant des quantités inégales de lab, donnent les résultats suivants : 1" suc gastrique, coagule le tube à 1/10 en 7 minutes. ■2" — — — 1/100 en 10 — 3« — — — 1/500 en 8 — 4» — — — 1/1000 en '4 — Cela veut dire que, dans les conditions d'expérience dont nous parlons, r> c. c. de la solution au 10« du premier suc gastrique coagulent o c. c. de lait en 7 minutes ou, en simplifiant, que 1 c. c. de ce suc gastrique pur coagule 10 c. c. de lait en 7 minutes, et successivement. Que 1 c. c. du quatrième suc coagule 100 c. c. de lait en 10 minutes. Que 1 — du troisième — oOO — — 8 — Que 1 — du deuxième — 1000 — — 4 — Dans tous les cas, le lait du tube de contrôle ne doit pas coaguler, le lab ayant été détruit par la chaleur. Le contraire indiquerait une modification survenue dans le lait ou une erreur d'expérience. en l'20". en 2'10". en 3'. en 4'. en 0 . en 6'. en 9'. ESTOMAC. 699 L'auteur de ce procède' a cherché à interpréter ces résultats sous une forme plus générale. Il a étudié pour cela les quantités de lait coagulées au bout d'un temps variable par une même quantité de suc gastrique. Il a trouvé, ainsi que le montre le tableau suivant, que, pour une même quantité de suc gastrique, les quantités de lait coagulé sont presque proportionnelles au temps nécessaire pour déterminer cette coagulation : 1 c. c. de suc gastrique coagule 10 c. c. du même lait en 1 — du mthne suc — 20 — — i — — — 30 — - 1 — — ,_ 40 — - 1 — — _ 50 — - 1 — — _ 60 — - 1 — — _ 80 — - 1 — — _ 90 — _ en 10'. 1 — — _ 110 — — en 14'. 1 — — _ 140 — _ en 18'. Cette loi, il est vrai, va se modifiant avec la durée de l'observation, mais Meunier affirme qu'elle peut être considérée comme exacte, au-dessous de 10 minutes et surtout entre 3 et 10 minutes. C'est la raison pour laquelle l'auteur insiste sur la nécessité de sensibiliser le lait par le chlorure de calcium de telle sorte que la durée de la coagu- lation ne dépasse jamais 10 minutes. Grâce à cette loi, on peut, en sachant qu'une solution de suc gastrique au iOO*', par exemple, coagule le lait en 3 minutes, ou, ce qui revient au même, 1 c. c. de ce suc coagule 100 c. c. de lait en 3 minutes, en déduite la quantité de lait qu'il coagulerait au bout d'un temps fixe, 8 minutes par exemple. Une simple règle de trois donnera la solu- tion de ce problème : X = ^^" ^ ^ = 266 c. c. de lait en 8'. Dans l'industrie on appelle force d'une présure la quantité de lait coagulé par un litre de présure en 40 minutes et à 33°. Meunier appelle /brce d'un suc gastrique en lob la quantité de lait coagulé par Vunitc de volume de ce suc gastrique au bout de 10' dans les conditions d'expérience que 7ious venons d'indiquer. Des considérations précédentes, on peut facilement déduire cette force F des diffé- rents sucs examinés. Soient les exemples choisis plus hauts. 1" suc gastrique coagulant 10 c. c. de lait en 7' F = 2" — _ 100 — — en 10' F = 3"= — — 500 — — en 8' F = 4= — — 1000 — — en 4' F = Ce qui veut dire que 1 c. c. de ces divers sucs peut coaguler respectivement 14 c. c, 100 c. c, 625 ce, 2 500 c. c. de lait dans l'espace de dix minutes. En résumé, en opérant comme Meunier le conseille, on peut calculer la force d'un suc gastrique en lab, en multipliant par 10 le titre de dilution de ce suc D, et en divi- sant ce produit par le nombre de minutes m' nécessaires pour amener la coagulation. Ces diverses opérations se trouvent représentées dans la formule suivante : „ D X 10 F = ; — . m Le grand mérite de ce procédé, c'est d'être basé sur une loi numérique tirée directe- ment de l'expérience. Comme il était à prévoir, les quantités de lait coagulé devaient être, dans certaines limites de temps, directement proportionnelles aux quantités de labferment, car on savait déjà que la vitesse de coagulation d'une même quantité de lait est aussi directement proportionnelle aux quantités de labferment. Néanmoins, il fallait démontrer par l'expérience l'exactitude de cette déduction, et c'est surtout pour cela que le travail de Meunier mérite une mention spéciale. 10 X 10 — 14 7 100 X 10 10 = 100. 500 X 10 8 = 625. 1000 X 10 = 2500. 700 ESTOMAC. Au point de vue de la technique on peut faire quelques objections à ce procède'. Il y a dans les divers tubes des différences d'acidité qui sont certainement une cause d'erreur. Il faut donc faire les diverses solutions du suc gastrique avec de ieau acidulée ayant toujours le même titre d'acidité. En second lieu, nous croyons qu'il y aurait avantage à prendre un volume un peu plus grand de suc gastrique pour faire ces diverses solutions. La troisième objection, qui est d'ailleurs la plus importante, s'adresse à la manière dont on juge dans ce procédé la iln de l'expérience. L'épaississement du lait et la pré- cipitation de la caséine sur les bords ne sont pas deux modifications assez nettes pour qu'on les prenne comme limite. Il vaut peut-être mieux attendre que la coagulation du lait se produise en bloc. En dehors de ces légers défauts que tout expérimentateur est à même de pouvoir corriger, nous considérons le procédé de Meunier comme très recommandable. h) Lois d'activité du labferment. — Hammarsten est le premier expérimentateur qui ait attiré l'attention sur les rapports existant entre l'activité d'une liqueur coagulante et sa richesse en présure. Il soutient que la vitesse de la coagulation est directement propor- tionnelle à la quantité de labferment. Cette loi a été confirmée depuis parles recherches de Segelcke et Storch. DucLAUx aussi s'est attaché à vérifier la précision de cette loi. Il prenait 1 c. c. d'une solution de la présure de Hansen et le mélangeait avec des volumes variables d'un même lait dans les proportions indiquées _dans la première colonne du tableau ci-joint. La seconde colonne de ce tableau donne les temps de coagulation en minutes de ces divers mélanges à 36°, o. La troisième colonne indique les produits mt de la proportion de pré- sure par le temps de coagulation. .'ALEURS TEMPS DE COAGULATION do m. en minutes. PRODUIT mt. 1/24 000 240' 100 1/12000 44' 275 1/8 000 30' 266 1/6 000 2r30" 270 1/4 000 15' 266 1/3000 ir 275 1/2 000 7 30" 266 1/1500 6'20" 240 1/500 4'20" 120 1/250 3'30" ■ 80 1/175 3'20" 40 Ces chiffres montrent que la loi de proportionnalité inverse entre la durée de la coa- gulation et les quantités de présure n'est exacte que pour certaines limites de dilution. Dans les expériences de Duclaux, ces limites oscillent entre 1 p. 12 000 et 1 p. 2 000. C'est le môme résultat que pour la pepsine. D'une manière générale, toutes les solutions fer- mentatives s'écartent de la loi normale lorsqu'elles sont trop concentrées ou trop diluées. Quant à l'activité de la présure, cet écart peut s'expliquer par les considérations sui- vantes que nous empruntons à Duclaux. « Quand on exagère la dose de présure, le temps de la coagulation devrait devenir de plus en plus court. Or cette coagulation dépend d'un nouvel arrangement moléculaire qui exige toujours pour s'accomplir un temps mini- mum qui n'est jamais très petit. Cela est vrai non seulement pour le cas des coagula- tions, de quelque nature qu'elles soient, mais aussi pour des précipitations salines comme celle du sulfate de quinine et des alcaloïdes par les sels des métaux alcalins. Quelle que soit la dose de sel précipitant, la réaction n'arrive jamais à être instantanée. La durée de la coagulation ne peut donc diminuer indéfiniment quand on augmente de plus en plus la dose de présure, de sorte que voilà une première raison générale pour que la loi ne se vérifie plus pour des doses de présure trop élevées. « De plus, la présure employée dans les expériences est de la présure commerciale qui contient des substatices variées. Tant que sa proportion ne dépasse pas 1 p. .'iOO dans le lait, l'intluence des matériaux qu'elle apporte (sel marin, acide borique, borax), est négligeable. Elle ne l'est plus quand la proportion de présure atteint 1 p. 500 et au- dessus. Le mélange qui se coagule n'est plus du lait, et, en effet, on trouve que le coa- ESTOMAC. 701 guluin reste mou, ne devient pas consistant, ne se colle pas aux parois du vase. Je rap- pelle que, pour évaluer la durée de la coagulation d'un lait additionné de doses variées de présure, on cherchait le moment où on pouvait renverser le lait caillé dans un tube d'environ 2 centimètres de diamètre sans qu'il s'en écoule une goutte. Ce critérium fait défaut quand il y a excès de présure. Voilà une nouvelle cause d'indécision à ajouter à la première, il n'y a pas à s'étonner que, de ce côté, la loi se vérifie mal ou pas du tout. « Une autre cause l'empêche aussi de se vérifier pour des doses très faibles de présure, c'est que, autant qu'on peut le voir, les phénomènes de coagulation dépendent d'une première impulsion qui ne peut pas rester au-dessous d'un certain minimum. Dès qu'il est commencé, le phénomène continue, mais s'il n'est pas commencé, il peut y avoir une diastase coagulante dans un liquide sans qu'il y ait coagulation. « Seulement, pour le montrer, à propos du lait, il faut éviter l'ingérence des infiniment petits qui sont capables de sécréter de la présure. On y arrive en stérilisant ce lait par la chaleur, ce qui, il est vrai, le rend moins facilement coagulable, mais ne l'empêche pas d'obéir à l'action de la présure, quand on en ajoute une dose un peu plus grande que dans le lait normal. Pour la présure, on la stérilisera par filtration poreuse. Il en reste un peu dans le filtre, mais peu quand on opère en solution étendue. Or il suffit qu'il en passe pour que l'expérience soit probante. « En faisant ainsi l'expérience, ou voit que du lait, dans lequel on a fait passer, par exemple 1 p. 1000 de présure Hansen, ne se coagule pas à la température ordinaire, quelque temps qu'on lui donne pour cela, tandis qu'il se coagule quand on le porte à la tempé- rature optima de coagulation. On pourrait sans doute, en diminuant la dose à cette tem- pérature optima, conserver le lait liquide indéfiniment, alors pourtant qu'il contiendrait un peu de présure. Ce lait se coagulerait pourtant sous l'influence d'-une très petite quantité de sel de calcium, joignant son effet à celui de la présure préexistante, pour donner à la coagulation l'impulsion initiale dont elle a besoin. Le sel de chaux dans un lait additionné intentionnellement ou naturellement de cette dose infinitésimale et inac- tive de présure, serait une présure, et serait une présure en sa qualité de sel de chaux. Là est peut-être une des causes qui donnent aux sels de chaux, dans les phénomènes de coagulation, une action prépondérante. Mais je n'insiste pas davantage. Je me contente de conclure que la loi relative aux temps de coagulation ne se vérifie plus pour ces quan- tités infinitésimales de présure, et que, par conséquent, pas plus pour des doses très petites que pour des doses très grandes, les écarts de la loi ne doivent nous étonner. » LôRCHER est arrivé aux mêmes résultats que Duclaux en se servant d'un extrait de la muqueuse de l'estomac. Après avoir neutralisé cet extrait, il l'ajoute en proportions difTérentes à 10 c. c. de lait, à 37°. On a ainsi une série de mélanges dont le titre fermen- tatif varie de 0",0I à 1 c. c. Le tableau suivant exprime leur vitesse de coagulation. l" SERIK 2'' SÉRIE QUANTITÉS TEMPS PRODUITS QUANTITÉS TEMPS PRODUITS de laliferment. de coagulation. ?)!/. de labfcrnient. de coagulation. mt. ce. 0,01 non observé 0,1 43' 430 0,02 245' 490 0,2 24' 5" 490 0.03 155' 465 0,3 16' 480 0,04 126'5" 483 0,4 12' 5" 500 0,05 92' 460 0,5 10' 500 0,06 18' 468 0,6 8'75" 523 0,07 69'2o" 483 0,T 8'16" 561 0,08 63' 504 0,8 7' 5" 600 0,09 56' 504 0,9 1,0 6' 7" 6' 603 600 On voit une fois de plus que la vitesse de la coagulation cesse d'être proportionnelle aux quantités de labfernient lorsqu'on se sert des solutions de présure trop concentrées ou trop diluées. Les limites dans lesquelles cette loi se présente ne peuvent être fixées 705 ESTOMAC. d'avance, car elles varient beaucoup d'une expérience à l'autre, mais il n'en résulte pas moins que, pour faire une mesure comparative de l'activité des liqueurs coagulantes, il faut toujours songer au degré de concentration de ces solutions. Et comme, d'une manière générale, on opère sur des liqueurs trop concentrées (suc gastrique), on doit toujours commencer par diluer ces liqueurs. i) Puissance du labferment. — En industrie on appelle force d'une jyrésure le nombre de litres de lait qu'un litre d'une solution de présure commerciale coagule au bout de 40 minutes à 35". On a choisi cette température parce qu'elle est celle du lait sortant du pis de la vache. Cette unité de mesure est purement conventionnelle, et n'a d'autre but que celui de pouvoir comparer l'activité des diverses liqueurs coagulantes. Pour évaluer la force d'une présure par cette méthode, on peut opérer de la façon suivante. On ajoute à un litre de lait chauffé et maintenu à 3o°, 1 c. c. de la solution de présure, et on note exactement le moment de la coagulation. Supposons que celle-ci se produise en dix minutes. II est facile de savoir, par une simple proportion, ce que ce centimètre cube de présure aurait coagulé en quarante minutes. 40 , ,. a;= r- = 4 htres. 10 Or, si 1 c. c. de la présure coagule 4 litres de lait en quarante minutes, un litre de présure en coagulerait mille fois plus, c'est à dire 4 000 litres, et la force de la présure sera de 4 000. Comme bien on pense, cette mesure est loin de donner la valeur réelle de, la force absolue d'une présure, car pour cela il faudrait connaître la quantité exacte de ferment pur qui se trouve dans la présure. Soxlèt a trouvé une solution de présure concentrée ([ui coagulait 500 000 fois son volume de lait, à 35° en quarantes minutes, et qui ne contenait pas plus de 8,1 p. 100 de matière organique. Cette présure agissait donc sur 600 000 fois son poids de lait et si l'on tient compte que la plupart de cette substance organique n'était pas constituée par de la présure pure, on arrive encore à une grandeur d'activité beaucoup plus considérable. 11 est inutile d'indiquer ici tous les chiffres qu'on a rapportés à ce sujet. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la puissance du labferment est en quelque sorte indéfinie. SoxLET a constaté que les solutions de présure abandonnées à elles-mêmes perdent 30 p. 100 de leur puissance coagulante dans les deux premiers mois; plus tard, leur activité reste à peu près constante, pendant une période de huit mois; mais, après cette limite, elles deviennent peu à peu inactives. Duclaux attribue cette décroissance d'acti- vité à l'oxydation de la présure, mais rien ne dit qu'elle ne soit pas l'œuvre de microbes qui souillent les présures industrielles. C. Ferment amylolytique. — Ellenberger et Hofmeister d'un côté, Negri.xi d'un autre, ont signalé l'existence d'un ferment saccharifiant dans l'estomac de certains mammifères, spécialement chez le cheval et chez le porc. Ces auteurs ont pu obtenir, en faisant macérer la portion cardiaque de la muqueuse stomacale de ces animaux, un liquide doué de propriétés amylolytiques assez actives, donnant, lorsqu'on le met en présence de l'empois d'amidon, des corps qui réduisent la liqueur de Fehllng. Les extraits des autres parties de la muqueuse gastrique, faits dans les mêmes conditions, ne jouissent pas de ces propriétés amylolytiques. Tout au plus ces extraits présentent-ils le faible pouvoir saccharifiant que possèdent les extraits des autres tissus de l'organisme. Malgré ces résultats, EllExNberger et Hofmeister n'osent pas se prononcer sur la question de savoir si ce ferment amylolytique est un produit de sécrétion des glandes de la région cardiaque, ou s'il est tout simplement de la ptyaline salivaire, retenue par cette portion de la muqueuse stomacale. Edelmann, un élève d'ELLEXBERGER, a repris l'étude de cette question en s'attachant à mettre en relief les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles de la région cardiaque de l'estomac, qu'il considère comme un organe glandulaire différencié. On a vu dans la partie anatomique de cet article les principales données fournies par Edelmann sur l'histologie de la région cardiaque glandulaire chez certains Mammifères. Le rôle phy- siologique de cette région, chez les animaux où elle existe, serait, d'après Edelman.n, de suppléer à l'insuffisance d'activité des glandes salivaires et œsophagiennes, en sécrétant un ferment amylolytique qui contribue à la digestion des féculents. Les ESTOMAC. 703 recherches physiologiques de cet auteur n'ont porté que sur quatre espèces d'animaux, le Porc, le Cheval, le Rat et le Hamster. Chez tous ces animaux, les extraits de la muqueuse cardiaque saccharifient nettement l'amidon, mais cette action est beaucoup plus intense chez le Hamster que chez le Uat, chez le Rat que chez le Porc, chez le Porc que chez le Cheval. Chez ce dernier animal, les extraits n'ont qu'une faible activité. EDELMA^^\ s'est assuré que la muqueuse cardiaque renferme, après un lavage de vingt-quatre heures, des quantités appréciables de ferment amylolytique. H n'y a donc aucune raison de croire que ce ferment amylolytique soit de la ptyaline salivaire retenue par la muqueuse stomacale. On ne peut pas non plus considérer la fonction amylolytique de la muqueuse cardiaque comme une propriété commune à tous les tissus de l'organisme. D'après les recherches d'ELLEXBERGER et Hofmeister, le sang et les divers tissus du cheval n'arrivent à transformer l'amidon en sucre réducteur qu'au bout de vingt à quarante heures, et, même à ce moment, les quantités de sucre formé sont tout à fait négligeables, tandis que les extraits de la muqueuse cardiaque, surtout ceux de l'estomac du Hamster, saccharifient rapidement l'amidon, en donnant au bout de trois heures de digestion 08'',83 p. 100 de sucre. Edelmann en conclut que la région glan- dulaire cardiaque est douée d'une véritable sécrétion amylolytique. n s'est naturellement demandé si ce ferment amylolytique pouvait accomplir sa fonc- tion chimique dans un milieu acide comme celui de l'estomac. Il a constaté tout d'abord que la transformation de l'amidon par ce ferment pouvait encore avoir lieu dans un milieu contenant 0er'",4 p. 100 d'acide lactique et 0»'''',02 p. 100 d'acide chlorhydrique. D'autre part, il a fait remarquer que la disposition de la région cardiaque, chez les ani- maux qui possèdent cette sécrétion amylolytique, rend difficile le passage des liquides acides dans cette partie de l'estomac. En outre, la sécrétion de la région cardiaque elle- même serait fortement alcaline, de sorte que, pendant un temps assez long, le ferment amylolytique peut agir sur les aliments féculents, sans être réellement gêné par la pré- sence d'acide chlorhydrique. Il faut du reste ajouter en faveur de l'hypothèse d'EDELHA.NW que l'acide chlorhydrique sécrété par l'estomac se combine rapidement avec les albu- mines alimentaires, et que dans ces conditions cet acide devient beaucoup moins nuisible pour les ferments amylolytiques, ainsi que le démontrent les expériences de Godart- Danhieux faites sur la salive. Nous ignorons si les résultats d'EûELUAiNiN ont été contestés, mais il est certain que la plupart des physiologistes n'admettent pas l'existence d'un ferment amylolytique dans les sécrétions stomacales. Ce problème ne recevra pas de solution définitive, tant qu'on n'arrivera pas à isoler la région cardiaque de l'estomac et à recueillir les produits de sécrétion de cette cavitée isolée. En tout cas, les expériences d'ELLENBERCER et Hoi'"- MEiSTER, et surtout celles d'EoELMANN, méritent d'être retenues, car elles font entrevoir la possibilité qu'il existe dans l'estomac de certains animaux un troisième ferment sécrété par la muqueuse gastrique et jouant dans la digestion des féculents un rôle des plus importants. F. Autres éléments du suc gastrique. — En dehors de l'acide chlorhydrique et des ferments, corps que nous avons étudiés comme étant les éléments actifs du suc gastrique, on trouve dans ce liquide^^d'autres principes, qui, tout en ne prenant pas une part directe à la digestion stomacale, peuvent, suivant leurs proportions, modifier la marche de ce phé- nomène. Ces éléments sont le mucus, lés sels et Veau. Mucus stomacal. — Le mucus est un produit très répandu dans l'économie animale. On le trouve dans toutes les cavités organiques revêtues d'un épithélium muqueux. Le suc gastrique recueilli dans son plus grand état de pureté, tel qu'on peut l'obtenir par la méthode de Pavlow, renferme toujours une certaine quantité de mucus. On sait que ce mucus présente toute les propriétés générales des liquides fournis par les autres muqueuses de l'organisme. C'est un liquide épais et filant, à réaction franchement alca- line, qui contient toujours en suspension une quantité plus ou moins grande de débris épithéliaux. La caractéristique chimique de ce liquide est celle de précipiter abondam- ment eu présence de l'acide acétique. La consistance du mucus varie considérablement suivant sa richesse en mucine. D'après Schlomberger le mucus de l'estomac du fœtus humain contiendrait 0,44 p. 100 de mucine. Mais ce chiffre ne saurait avoir une valeur très précise. 704 ESTOMAC. A l'état normal, le mucus stomacal ne contient que des traces d'albumine, mais il n'en est pas de même dansles catarrhes ou dans les inflammations de la muqueuse gas- trique. Dans ces maladies, la proporlion d'albumine contenue dans le mucus gastrique peut atteindre un chiffre considérable. Comme éléments minéraux on trouve en général, dans les cendres du mucus, du chlorure de sodium, des carbonates, des sulfates, des phosphates alcalins et des phos- phates alcalino-terreux. Les sulfates peuvent provenir de la calcination des matières pro- téiques. La difficulté qu'on a à se procurer du mucus pur explique suffisamment l'absence d'analyse rigoureuse sur ce liquide. Nous donnons seulement, à titre de docu- ment, l'analyse tentée par Sciilomberger sur le mucus stomacal du fœtus : POUR 1000 PARTIES. Eau 986,0 Principes fixes 14,0 Mucino 4,4 Matières extraclive- 1,0 Sels inorganiques 8,6 . Tout ce que l'on peut dire des sels du mucus, c'est que le chlorure de sodium y est le sel le plus abondant. Quant au rôle physiologique du mucus dans la digestion stomacale, il ne semble pas qu'il soit bien défini. Peut-être n'est-il qu'un produit de déchet et de mort des épithé- liums muqueux. Peut-être exerce-t-il, en raison de ses propriétés physiques, une protection de la surface interne de la muqueuse contre les actions traumatiques des ali- ments. 11 est aussi possible qu'il facilite le brassage des aliments par l'estomac en ren- dant plus glissante la surface interne de cet organe. En tout cas, ces deux fonctions n'ont rien de bien spécifique. Certains auteurs ont prétendu que le mucus gastrique avait pour mission principale de s'opposer à la digestion de la muqueuse par le suc gastrique. Cette hypothèse est insoutenable; car, s'il est vrai que le mucus exerce une influence nuisible sur le suc gastrique, spécialement à cause de son alcalinité, cette influence n'est pas à l'état normal suffisante à arrêter l'action du suc gastrique sur la muqueuse. On sait, en effet, qu'à un moment donné de la digestion, la surface de la muqueuse présente dans toute son étendue une réaction acide. Cela ne veut pas dire que, lorsque le mucus est sécrété très abondamment, il ne puisse pas troubler la marche de la digestion. Mais ce phénomène est absolument rare, et ne se présente que dans cer- taines maladies de l'estomac. Sels du suc gastrique. — On remarquera, en se reportant aux tableaux d'analyse que nous avons donnés sur la composition chimique du suc gastrique, que les sels de ce liquide se trouvent exclusivement représentés par des chlorures et des phosphates. Qu'il s'agisse d'un suc gastrique plus ou moins impur, comme dans les analyses de ScHMiDT, de Claude Bernard et de Frerichs, ou d'un suc gastrique pur, comme dans l'ana- lyse de Kroui.x, le résultat est constamment le même. D'autre part, on s'apercevra que les chlorures y sont dans une proportion beaucoup plus forte que les phosphates. En prenant comme exemple l'analyse citée de Frouin, nous trouvons, en effet, pour mille parties de suc gastrique : Matières minérales 3,150 a Chlorure de sodiuni 2,5 Chlorure de potassium 0,740 Chlorure de calcium 0,032 Chlorure d'ammonium » Phosphate de chaux 0,102 Phosphate de magnésie 0,016 Phosphate de fer 0,005 On voit en même temps que la quantité de chlorure de sodium dépasse de beaucoup celle des autres sels. C'est là un fait qui n'est pas pour nous surprendre, car il en est de même pour un grand nombre d'autres liquides de l'orgarnisme. Hayeu et Winter attribuent une importance extrême aux chlorures dans la digestion stomacale. D'après ces auteurs, les chlorures, et spécialement le chlorure de sodium, seraient les agents'directs delapeplonisationdes matières albuminoïdes. L'acide chlorhy- ESTOMAC. 705 drique ne figure dans celte théorie que comme un produit secondaire mis en liberté par l'acte de la peptonisation. Ces auteurs ont oublié que le suc gastrique, tout à fait pur, contient des quantités considérables d'acide chlorhydrique libre. Ils n'ont d'ailleurs jamais expliqué comment des corps aussi stables que les chlorures peuvent être aussi facilement décomposés par l'albumine. Quant à l'idée d'une digestion saline de cette substance, on peut affirmer que le suc gastrique n'olfre pas une concentration suffisante pour pro- duire le phénomène. Mais, même si l'on acceptait l'existence d'un processus semblable, il resterait à expliquer la formation de l'acide chlorhydrique libre, car on sait que cet acide ne prend jamais naissance dans les digestions salines artificielles. Les chlorures, de même que les autres sels du suc gastrique, ne peuvent avoir d'autre signification que celle de former un milieu favorable au développement des actions fermentatives. Nous avons vu, en effet, que la plupart de ces sels, à la dose où ils se trouvent dans le suc gastrique, exercent une influence accélératrice sur l'activité de la présure. Quelques-uns d'entre eux, les sels de chaux par exemple, peuvent contribuera la transformation de zymogène du lab en ferment définitif, ce qui augmente encore la puissance coagulante du suc gastrique. Il est aussi probable que, si les ferments digestifs se trouvaient en solution dans l'eau pure, ils se détruiraient beaucoup plus facilement qu'ils ne le font dans un liquide salé comme le suc gastrique. C'est ce qui paraît résul- ter des expériences de Gley et de G.\mus sur la présure. Quant à l'influence des sels du suc gastrique sur l'activité de la pepsine, on ne peut pas dire qu'elle soit très impor- tante, mais, en tout cas, on constate que des sels qui sont très toxiques pour la pepsine, comme les sulfates, n'existent pas dans le suc gastrique (Maly). Ce fait est totalement corroboré par les recherches récentes de Frouin sur le suc gastrique pur. Eau. — Quoique le suc gastrique soit un liquide très aqueux contenant en moyenne plus de 900 parties d'eau sur t 000 parties de liquide, il est encore trop concentré par rapport à sa teneur en pepsine. Lorsqu'on fait des essais de digestion avec le suc gastrique naturel, on s'aperçoit que l'activité de ce liquide s'arrête assez rapidement, mais qu'elle reprend aussitôt qu'on additionne le mélange d'une certaine quantité d'eau acidulée. Le suc gastrique est donc trop concentré pour pouvoir développer toute sa puis- sance digestive. Heureusement, les choses ne se passent pas de la même sorte in vivo que in vilro. Ainsi que Schiff l'a fait remarquer, la digestion dans l'estomac tend surtout à être rapide. Pour cela il faut que le suc gastrique contienne une forte proportion de pepsine, mais, comme la digestion s'arrêterait assez vite dans ces conditions par suite de l'accumulation des produits peptiques, la nature a fait en sorte que ces produits soient enlevés de l'estomac avant qu'ils n'atteignent une limite trop grande de concentration. D'autre part, il semble résulter de quelques expériences de Moritz, de Verhaegen et de Coûte, que l'estomac peut, sous l'influence de causes très variables, produire une sécré- tion aqueuse abondante. Il est donc possible qu'à un moment donné de la digestion, lorsque les liquides digestifs deviennent trop concentrés, la muqueuse gastrique réponde à ce changement du milieu peptique par une sécrétion essentiellement aqueuse. Quoi qu'il en soit, le besoin d'eau se fait très souvent sentir au cours des opérations chimiques qui s'accomplissent dans l'estomac. Pour n'en prendre qu'un exemple, nous citerons le cas des digestions copieuses qui s'accompagnent presque constamment d'une soif intense. 2" Mécanisme et marche générale des sécrétions stomacales. — Maintenant que nous connaissons les divers éléments qui rentrent dans la composition du suc gastrique, et le rôle que chacun de ces éléments joue dans la digestion stomacale, il convient d'étudier la manière dont ces corps prennent naissance. On a vu que les glandes gastriques des vertébrés supérieurs se localisent plus ou moins dans certains endroits de la muqueuse stomacale et forment de la sorte ce (ju'on appelle les régions glandulaires de l'estomac. Beaucoup de physiologistes n'ont pas hésité à faire l'étude des fonctions de sécrétion de cet organe en se guidant presque exclusi- vement sur ces données hisLologiques. C'est ainsi qu'ils ont divisé l'estomac en deux ou trois régions différentes : région cardiaque, région du fond, région du pylore^ dont ils ont étudié séparément les divers produits de sécrétion, comme si en réalité chacune de ces régions représentait une glande distincte. Cette conception n'est cependant pas conforme aux faits, car, s'il est vrai qu'il existe en général des différences morphologiques bien DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 45 706 ESTOMAC. tranchées entre les diverses parties de la muqueuse gastrique, il n'est nullement prouvé que toutes ces régions possèdent une fonction bien définie. Pour s'en convaincre, il suffira de se rappeller que, chez les Vertébrés inférieurs où la muqueuse stomacale ne renferme qu'une seule espèce de cellules différenciées, les liquides sécrétés par l'estomac contiennent tous les éléments qu'on rencontre dans le suc gastrique des Mammifères. C'est pourquoi nous avons préféré suivre dans cette étude le plan que nous avons tracé au commencement de la deuxième partie de cet article. Ce plan consiste à faire l'exposé de nos connaissances sur l'origine et la formation de chaque élément du suc gastrique ainsi que sur la marche générale de ces phénomènes de sécrétion. Nous avons donc à étudier : 1° Une sécrétion acide; 2° Une sécrétion peptique; 3° Une sécrétion coagulante ou labogène; 4° Une sécrétion aniylolytique ou saccharifiante; 5° Une sécrétion muqueuse; 6" La formation des sels et de l'eau du suc gastrique. A) Sécrétion acide de restomac. — a) Éléments cellulaires qui concourent à la for- mation de l'acide chlorhydrique. — Cl. Bernard eut le premier l'idée de rechercher quel était le point précis de la muqueuse stomacale où se faisait la sécrétion de l'acide chlo- rydrique. Il injecta dans les veines d'un lapin une solution de lactate de fer, puis une solution de ferrocyanure de potassium. Ces deux sels, disait-il, formeront le bleu de Prusse aussitôt qu'ils seront en contact avec la partie de la muqueuse stomacale qui sécrète l'acide. Et, en effet, il constata que, tandis que le sang des animaux injectés gardait sa couleur normale, la surface interne de la muqueuse devenait d'une coloration bleue intense. Il conclut alors que l'acide du suc gastrique se forme exclusivement dans les régions superficielles de la muqueuse. Brucke a constaté que la sécrétion acide de l'estomac se fait réellement dans l'intérieur des appareils glandulaires. On se rappelle que chez les [oiseaux les glandes gastriques présentent une sorte de poche centrale, dans laquelle se déversent les produits de sécrétion, et que cette poche ne communique avec la cavité de l'estomac que par un conduit très mince et assez long. Eh bien, Brucke a vu que les liquides contenus dans cette cavité glandulaire à la suite d'un repas copieux ont toujours une réaction [franchement acide. Il est difficile d'admettre que cette réac- tion tienne au passage des matériaux de l'estomac dans la cavité glandulaire, car, outre que le canal excréteur de la glande est très mince, la pression dans l'intérieur de ce canal est assurément elle-même plus forte que dans la cavité de l'estomac. BuCcke ne put pas cependant déterminer le lieu exact de la sécrétion acide dans les glandes gastriques. Heidenhain et ses élèves reprirent l'étude de cette question, et, après des recherches nombreuses, ils aboutirent à la conclusion suivante. « Les cellules principales des glandes gastriques sécrètent la pepsine; les cellules de bordure sécrètent Vacide chlorhydrique. » Parmi les divers arguments qui ont été fournis par ces auteurs à l'appui de leur hypo- thèse nous citerons seulement ceux qui nous semblent les plus démonstratifs; mais, afin de ne pas compliquer l'exposé de cette question qui tend aujourd'hui à devenir de plus en plus obscure, nous ferons suivre chacun de ces arguments des principales cri- tiques qu'ils ont soulevées. \° Les transformations des éléments glandulaires pendant la digestion sont beaucoup plus intenses dans les cellules principales que dans les cellules de bordure. Ce fait démontre exclusivement que les cellules principales sont plus actives que les cellules de bordure, mais il ne jette aucune lumière sur la fonction spécifique de ces deux ordres de cellules. 2° Chez les Mammifères, les cellules de bordure se localisent exclusivement dans les glandes du fond de l'estomac. Les glandes pyloriques ne renferment pas ces éléments. Or, si l'on examine la réaction que donnent les produits de sécrétion de ces régions vis- à-vis de divers réactifs, on trouve que la sécrétion du fond est acide, tandis que celle du pylore est alcaline. Klemensiewicz et Heidexhain ont fait cette expérience par le procédé qui consiste à isoler un cul-de-sac dans la portion pylorique de l'estomac. Heidexhain a gardé un chien ainsi opéré cinq mois en vie, et il a toujours constaté que la réaction du ESTOMAC. 707 pylore était alcaline. Gomme, d'après lui, les cellules des glandes pyloriques sont iden- tiques aux cellules principales des glandes du fond, il croit pouvoir tirer de cette expé- rience la conclusion que la sécrétion acide se fait dans les cellules de bordure. Il y a dans cet argument de Heidexhain un fait qui peut être plus ou moins bien constaté, et une vue théorique, celle qui se rapporte à l'identité des cellules principales et des cel- lules pyloriques, qu'on ne saurait accepter sans réserve. La plupart des histologistes sont actuellement contraires à cette dernière conception, et rien dans les résultats acquis ne permet de faire une semblable hypothèse. Quant au fait que la sécrétion du suc pylorique isolé est toujours alcaline, plusieurs auteurs, et spécialement Contejean, considèrent cette sécrétion comme un produit anormal. Cette portion de l'estomac est, en effet, privée d'une partie de son innervation et de sa circulation par suite de son iso- lement du reste de l'organe. Dans ces conditions, il n'y a, rien d'étonnant à ce que la sécrétion du pylore soit alcaline, car Contejean et .\rthus ont démontré qu'il suffit de troubler la circulation dans un point quelconque de la muqueuse stomacale pour voir la sécrétion de ce point perdre bientôt ses caractères acides. Il faut aussi tenir compte de ce que la sécrétion du pylore est très riche en mucus, et que celui-ci peut neutraliseï l'excès d'acide, surtout loi'sque la sécrétion chlorhydrique est peu abondante. Enfin Con- tejean a constaté par des expériences minutieuses et bien conduites que la sécrétion pylo- rique du chien est normalement acide. 3° D'après les recherches de Swiezicki, confirmées par Partsch et d'autres auteurs, la muqueuse œsophagienne de certains batraciens, spécialement de la grenouille, sécréte- rait un liquide alcalin, très riche en pepsine, tandis que les glandes stomacales forme- raient exclusivement de l'acide chlorhydrique. Pour ces mêmes auteurs, les glandes de l'œsophage chez la grenouille seraient constituées par des cellules principales, et les glandes de l'estomac par des cellules de bordure. Malheureusement ni l'une ni Tautre de ces deux propositions ne peut être considérée comme exacte. Non seulement les glandes stomacales de lagrenouille sécrètentde lapepsine, comme Langlev Contejean, et d'autres l'ont démontré, mais encore les cellules qui forment ces glandes ne sont pas des cellules de bordure. Ces éléments n'atteignent leur différenciation complète que lorsqu'on arrive à l'estomac des mammifères. 4" Dans l'évolution ontogénique des cellules des glandes gastriques, les cellules prin- cipales apparaissent beaucoup plus tard que les cellules de bordure (Sewall). D'autre part, la sécrétion de l'acide chlorhydi'ique se montre bien avant la sécrétion de la pepsine (Wolfhûgel). Si l'on rapproche ces deux faits, on peut en conclure que ce sont les cellules de bordure qui concourent à la formation de l'acide de l'estomac. Mais il faut dire que beaucoup d'auteurs contestent la valeur de ces observations. Ainsi, d'après MoRiGuiA, la puissance digestive de l'estomac est très remarquable chez les embryons de bœuf à partir du quatrième mois. D'après Hamuarsten et Zweiffel, l'estomac des enfants à terme contiendrait de la pepsine, tandis que chez le lapin le ferment stomacal n'appa- raîtrait qu'à la deuxième semaine après la naissance, et à la troisième semaine chez le chien. Ces derniers faits ont été confirmés par Langendorff et Contejean. Pour ce qui a trait à l'évolution ontogénique des cellules gastriques, les avis des auteurs sont très partagés. Quelques physiologistes pensent que les cellules de bordure dérivent des cel- lules principales, tandis que d'autres, au contraire, affirment que ces derniers éléments se forment aux dépens des premiers, soit directement, soit par une division préalable des cellules de bordure. Enfin, Contejean a observé qu'au moment même de la naissance, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas encore de sécrétion peptique, les glandes gastriques des carnassiers (chien et chat) renferment quelques cellules principales, surtout vers l'extré- mité des acini, et pas du tout de cellules de bordure. Pour cet auteur, ces deux espèces de cellules commencent à se différencier chez les carnassiers aux dépens de cellules pri- mitivement semblables et à propriétés intermédiaires. 5° Les réactions colorantes de cellules n'ont pas non plus servi à la solution défini- tive du problème qui nous occupe. Lépine, cherchant à concilier l'expérience de Cl. Ber- nard avec les découvertes histologiques de Heidenhain, n'a pas pu trouver de cellules acides dans les glandes gastriques de l'estomac. A aucun moment la coloration du bleu de Prusse n'apparaissait, soit dans les cellules principales, soit dans les cellules de bordure. Mais Maly a démontré que, dans ces expériences, il se formait un hydroxyde de fer qui, 708 ESTOMAC. n'étant pasdiffusible, ne pouvait pas pénétrer dans les cellules. C'est alors que Seiirwald modifia cette expérience en opérant de la façon suivante : il mit des fragments de la muqueuse de l'estomac dans une solution de laclate de fer pendant vingt-quatre heures; puis il les lava avec une solution de ferricyanure de potassium. Les cellules de bordure se colorèrent en bleu foncé intense, tandis que les cellules principales restèrent à peu près incolores. Ces résultats, que Sehrwald considère comme une preuve absolue que seules les cellules de bordure sécrètent l'acide chlorhydrique, peuvent aussi être obtenus en traitant un fragment de l'estomac, mis au préalable dans l'alcool, par le bleu de Prusse soluble. Toutefois Franrel a démontré que la présence d'un acide libre n'est pas nécessaire pour que cette réaction de Sehrwald se produise. Dans un autre ordre d'idées, Heidenhain a émis l'hypothèse que peut-être la coloration des cellules de bordure par le bleu d'aniline est aussi en rapport avec la réaction acide de ces cellules. Finalement, la seule expérience, parmi toutes celles qui se basent sur les réactions colorantes des cellules gastriques, qui semble jusqu'ici démontrer que les cel- lules de bordure produisent une sécrétion acide, c'est l'expérience de Greenwood. Cet auteur a trouvé que toutes les cellules qui ont une sécrétion acide se colorent par le nitrate d'argent. Les cellules principales de l'estomac chez le porc ne se colorent pas parce réactif, tandis que les cellules de bordure deviennent beaucoup plus foncées qu'à l'état normal. De même les glandes stomacales chez la grenouille réduisent le nitrate d'argent, alors que les glandes œsophagiennes n'ont pas d'action. En somme, aucun de ces arguments n'est assez décisif pour qu'on puisse se pro- noncer sur le lieu exact de la formation de l'acide chlorhydrique. Le fait que chez les Vertébrés inférieurs le suc gastrique est sécrété dans sa totalité par une seule espèce de cellules démontre qu'il n'est pas nécessaire que les glandes stomacales possèdent deux épitbéliums différenciés, pour que la sécrétion acide et la sécrétion peptique puissent avoir lieu. Néanmoins, il est possible que, par suite de la division du travail, les cellules des glandes des Mammifères déjà différenciées, au point de vue morphologique, arrivent aussi à se différencier au point de vue fonctionnel, et que les unes sécrètent la pep- sine, les autres l'acide chlorhydrique. Tout ce que l'on peut dire à ce sujet, c'est que la formation de l'acide chlorhydrique par la muqueuse stomacale est un véritable phé- nomène de sécrétion glandulaire, et qu'il existe entre ce phénomène et la sécrétion peptique une assez grande indépendance. Nous verrons, en effet, que ces deux sécrétions se comportent très différemment vis-à-vis de la plupart des causes qui modifient l'activité sécrétoire de l'estomac (aliments, maladies, substances toxiques, etc.). Cette sécrétion acide de l'estomac n'est pas, d'ailleurs, un exemple isolé dans la phy- siologie générale des organismes. On sait qu'il existe un grand nombre d'espèces ani- males, dont l'extrémité antérieure de l'appareil digestif produit un suc très riche en acides minéraux, mais qui ne jouit point d'action protéolytique. Trôsghel a signalé la présence de l'acide sulfurique et de l'acide chlorhydrique libres dans les liquides de sécrétion des glandes buccales de Dolium galea. Ces recherches ont été confirmées par les travaux de Panceri, de Luca, de Maly, de Fredericq, et de beaucoup d'autres expéri- mentateurs. h) Origine et formation de l'acide chlorhydrique. — L'acide chlorhydrique sécrété par la muqueuse stomarale procède directement des chlorures de l'organisme. Voit et Cahn ont montré que, si l'on nourrit un animal avec de la viande privée des sels, l'excrétion des chlorures par l'urine diminue rapidement, si bien qu'au bout de deux ou cinq jours de ce régime on ne trouve que des traces de chlorures dans l'urine. A ce moment, les liquides sécrétés par l'estomac renferment encore de l'acide chlorhydrique, et jouissent du pouvoir d'attaquer les principes albuminoïdes; mais cela tient à ce que les tissus et le plasma sanguin gardent avec beaucoup d'énergie leurs dernières réserves de chlorures. En effet, si l'on favorise l'élimination de ces derniers chlorures en donnant à l'animal certains diurétiques, comme, par exemple, le nitrate de potassium, l'estomac ne sécrète plus qu'un suc neutre n'ayant aucune action sur les matières albuminoïdes, tant qu'on ne l'acidulé pas avec l'acide chlorhydrique ou un autre acide de nature appropriée. Les ani- maux supportent assez bien l'inanition chlorée pendant les premiers jours; plus tard ils deviennent apathiques et maigrissent rapidement. Il suffit alors d'additionner du sel à ^ leur alimentation pour les voir reprendre tout aussitôt, en même temps que leur ESTOMAC. 709 gastrique devient de nouveau acide. Ces faits démontrent que non seulement l'acide chlor- hydrique dérive des chlorures de l'organisme, mais qu'il est vraiment le seul acide que décrète la muqueuse stomacale. On peut objecter à cette expérience que, lorsqu'on lave pendant lon^içtemps une gre- nouille avec une solution de nitrate de soude, l'estomac de cet animal finit par sécréter de l'acide azotique (Contejean), de sorte que le suc gastrique des animaux de Voit et CahiN n'aurait jamais dû être complètement neutre," et, s'il en a été ainsi, c'est parce que très probablement ces auteurs recueillaient le suc gastrique par un procédé très défectueux (simple lavage de l'estomac à l'eau distillée). Rien ne dit cependant que le chien et la grenouille se comportent de la même façon vis-à-vis des nitrates de soude ou de potas- sium. D'autre part, l'expérience de Contejean a démontré simplement ceci : qu'on peut remplacer l'acide chlorhydrique de l'estomac par un autre acide minéral en saturant le sang et l'organisme d'un sel quelconque ayant une fonction chimique plus ou moins semblable à celle du chlorure de sodium. Ch. Richkt eut le premier l'idée de provoquer cette substitution de l'acide chlorhydrique en donnant à un jeune chien 12 grammes de bromure do sodium par jour. Au bout de dix jours l'animal fut sacrifié, mais ni dans l'estomac, ni dans le suc gastrique, il n'y avait de traces d'acide bromhy- drique, ni même de bromures. Ces expériences furent reprises par Kulz d'abord, et par Contejean ensuite. Ces deux auteurs sont arrivés à un résultat positif; le premier avec le bromure et l'iodure de sodium sur le chien, et le second avec le nitrate de soude sur la grenouille. Enfin, dernièrement, Nengki et M™^ Soumov-Simanowski ont confirmé ces résultats en opérant dans de meilleures conditions. Des chiens nourris avec des aliments privés de chlorure de sodium, mais contenant une certaine proportion de bromure ou d'iodure de sodium, sécrètent un suc gastrique dans lequel l'acide chlorhydrique est lar- gement remplacé par l'acide bromhydrique ou l'acide iodhydrique, en plus grande quan- tité par le premier que par le second. Le suc était recueilli par la méthode de Pavlow, de sorte que dans cette expérience on ne peut plus attribuer la formation de ces nouveaux acides au déplacement opéré par l'acide chlorhydrique en agissant sur les sels iniroduits par l'alimentation. Frouin a fait des expériences du même ordre en faisant ingérer à des animaux, dont l'estomac était complètement isolé, !jO à iOO milligrammes de sulfocvanate d'ammonium. L'acide sulfocyanique apparaissait dans le suc gastrique vers la douzième ou la quinzième heure qui suivait cette ingestion. La manière dont les glandes stomacales arrivent à former l'acide chlorhydrique aux dépens des chlorures du sang nous est encore inconnue. Purkinje et Pappenheim ont constaté, en décomposant par l'électrolyse les chlorures contenus dans la muqueuse sto- macale, que l'extrait de ce tissu devenait acide et qu'il jouissait de la propriété de trans- former les aliments albuminoïdes en peptone. Blondlot supposait aussi que le chlorure de sodium se dédoublait dans les parois de l'estomac par suite d'une action électroly- tique, en donnant de l'hydrate de sodium et de l'acide chlorhydrique libre, d'après la formule suivante : NaCI + H-0=NaOH + HCl. La plupart de l'acide chlorhydrique ainsi formé agirait sur le phosphate de calcium du sang, en donnant du phosphate acide et en mettant en liberté un peu d'acide phosphorique. Ces derniers corps passeraient dans le suc gastrique avec le reste de l'acide chlorhydrique. On peut, disait Blondlot, obtenii la même réaction in vitro, en faisant agir un courant électrique sur une solution conte- nant ces divers corps. Brucke pensait que l'énergie électrolytique est fournie par le sys- tème nerveux de l'estomac qu'il compare dans ses effets aux appareils électriques de certains poissons. Buchheim admet que les chlorures du sang sont à l'état de combi- naisons organiques, mais sous deux formes différentes : le radical basique ou métallique serait combiné avec une molécule d'albumine à fonction acide, tandis que le radical acide s'unirait à une molécule d'albumine à fonction basique. Les glandes stomacales jouiraient de la propriété de dédoubler ces dernières molécules en mettant en liberté, d'une part l'acide chlorhydrique libre, et d'autre part l'albumine. Ces vieilles hypothèses n'avaient d'autre raison d'être que d'expliquer tant bien que mal le déplacement des combinaisons fixes d'un acide aussi fort que l'acide chlorhy- drique. Aujourd'hui, grâce aux travaux de Thomsen et Maly, nous pouvons mieux com- prendre le mécanisme de ce phénomène. Thomsen a montré que les acides les plus faibles réagissant sur le sel d'un acide fort déplacent ce dernier en quantité d'autant 710 ESTOMAC. plus grande que la masse de l'acide faible est plus considérable. Si l'on met en solu- tion aqueuse des poids équivalents de soude et de divers acides, chaque acide retient constamment une partie donnée de soude, qui représente, d'après Thomsen, le coefficient d'avidité de l'acide. Les acides organiques ont une avidité beaucoup plus faible que les acides minéraux. Ainsi l'avidité de l'acide oxalique est quatre fois plus faible que celle de l'acide chlorhydrique, celle de l'acide tartrique vingt fois, et celle de l'acide acétique trente fois. Il suffit d'augmenter la proportion de ces corps dont l'avidité est faible, dans une solution contenant un équivalent de soude et un équivalent d'acide fort, pour voir qu'ils retiennent alors des quantités plus considérables de soude. C'est par cet effet de masse qu'on peut s'expliquer pourquoi un acide très faible est capable de dissocier de ses combinaisons un acide très fort. L'acide carbonique lui-même déplace par effet de masse une petite quantité de tout autre acide, de sorte qu'on comprend que l'acide carbonique du sang, agissant en masse sans cesse renouvelée, puisse mettre en liberté l'acide chlorhydrique des chlorures. L'eau elle-même peut, encore par un effet de masse, décomposer certains sels métalliques, dont les bases sont peu solubles; si, par exemple, on dilue fortement une solution d'azotate de bismulb, il se séparera un sel basique, et la solution contiendra de l'acide azotique libre. En outre, Maly a fait voir qu'on peut par simple diffusion opérer la décomposition des chlorures à l'aide de l'acide lactique. Si l'on verse une solution de sel marin et d'acide lactique au fond d'un vase cylindrique eu y ajoutant ensuite assez d'eau pour remplir le vase sans que les liquides se mélangent, on constate, au bout d'un certain temps, que les couches supérieures du liquide, contiennent un excédent de chlore libre. Il est donc évident qu'une partie des chlorures a été décomposée et que l'acide chlorhy- drique mis en liberté a diffusé vers la surface de l'eau. Eu présence de ces faits, nous n'avons pas le droit de nous étonner qu'un acide libre, comme l'acide chlorhydrique, puisse se former aux dépens des chlorures du sang. Voici, d'après Maly, la théorie purement physique de ces phénomènes. En premier lieu, l'alcalinité du plasma sanguin est due à deux sels qui sont théoriquement acides : le phosphate bisodique (Na^HPOe) et le bicarbonate de sodium (NaHCO^). En plus de ces deux sels acides, le sang contient un excès d'acide carbonique. D'autre part, si l'on mêle dans un dialyseur une dissolution de phosphate bisodique neutre au papier de tour- nesol avec du chlorure de calcium, il se produit la double décomposition exprimée dans la formule suivante : 2 P0*Na2H + 3CaG12= (POi)2Ca3 + 4NaCl + 2HC1. Maly suppose que l'acide chlorhydrique ainsi formé difi'use avec une très grande rapi- dité à travers les cellules des glandes gastriques, qui joueraient, d'après lui, le rôle d'un dialyseur parfait. Si l'acide chlorhydrique n'est pas éliminé par les reins et les glandes sudoripares, c'est que ces appareils n'auraient pas le môme pouvoir de diffusion que les glandes gastriques. La théorie de Maly a donné lieu à des discussions importantes. Très probablement, la réaction alcaline des sels du sang, théoriquement acides, est simplement due à des phénomènes dlnjdrolyse : car, lorsqu'on dissout dans l'eau le bicarbonate de sodium, il se forme de l'hydrate de sodium et de l'acide carbonique (NaHGO^ + H20 = NaOH + H^CO'^). L'hydrate de sodium est une base très forte, tandis que l'acide carbonique est un acide faible, de sorte qu'un seul équivalent de cette base peut contrebalancer deux équiva- lents d'acide carbonique, en communiquant au liquide dans lequel ces corps se trouvent en solution une réaction alcaline. Au contraire, lorsqu'on dissout le sulfate acide de potassium, le liquide présente une réaction acide, car on trouve dans la solution deux équivalents d'un acide fort pour un équivalent d'une base forte. L'hydrolyse des phos- phates donne lieu à. des phénomènes semblables. Si l'on dissout le phosphate trisodique, la solution contiendra trois équivalents de base pour trois équivalents d'acide, et elle sera fortement alcaline. Si, au lieu de ce sel, on prend le phosphate bisodique, la réac- tion continuera encore à être alcaline, étant donné que l'acide phosphorique est plutôt un acide faible. Finalement, la solution du phosphate monosodique sera franchement acide, car cette solution ne contient qu'un équivalent de base pour trois d'acide. Par la même raison, un mélange de phosphates mono- et bi-sodique dans une certaine ESTOMAC. 711 proportion, pourra n'avoir qu'une réaction neutre. On peut donc résumer tous ces faits en disant que, dans une solution de sels, il n'y a que des bases et des acides en solution, si bien que la réaction du liquide dépendra exclusivement de la base ou de l'acide qui agira le plus puissamment sur l'indicateur coloré dont on se sert. Quant à la formation de l'acide chlorhydrique aux dépens des chlorures du sang par l'action sur ce sel des phosphates et des carbonates du plasma, elle est matériellement impossible. Nous savons, tout d'abord, que le chlorure de sodium en solution se sépare en un équivalent de soude et en un équivalent d'acide chlorhydrique qui se contrebalancent mutuellement (NaCl + 11^0 = NaOH + HGl). La solution de ce sel est donc parfaitement neutre. D'autre part, les phosphates et les carbonates du plasma présentent une réaction alcaline, puis- que les bases de ces sels sont beaucoup plus fortes que les acides, surtout dans les pro- portions où elles se trouvent dans le sang. Il n'y a donc aucune raison pour que les phosphates et les carbonates agissant sur le chlorure de sodium opèrent le déplacement de l'acide chlorhydrique. 11 est vrai que Maly prétend que cette réaction se passe entre le phosphate bisodique et le chlorure de calcium; mais cela est encore impossible, par deux raisons : en premier lieu, parce que le sang est très pauvre en chlorure de calcium, et que les réserves de ces sels s'épuiseraient rapidement, et, en second lieu, parce que cette double décomposition donnerait naissance à un sel insoluble, le phosphate trical- cique, qui se précipiterait dans le plasma. Mais, même si l'on admet qu'il y a des traces d'acide chlorhydrique dans le sang et que la sécrétion de cet acide par l'estomac n'est qu'un simple processus de diffusion, on ne comprend pas pourquoi cette sécrétion n'est pas continue, à moins qu'on ne fasse intervenir dans cet acte les éléments glandulaires, ce qui revient alors à dire que les glandes gastriques jouent un rôle spécifique dans la production de l'acide chlorhydrique. Gamgee, tout en admettant le fond de la théorie de Maly, suppose que la formation de l'acide chlorhydrique a lieu dans les glandes stomacales elles-mêmes. Les cellules glan- dulaires auraient le pouvoir spécial d'absorber les phosphates et les chlorures, et la double décomposition de ces sels se produirait dans le corps cellulaire. Gamgee ne four- nit cependant aucune preuve à l'appui de son hypothèse, laquelle soulève en outre les mêmes objections fondamentales que celle de Maly. D'autres auteurs ont encore proposé différentes hypothèses plus ou moins plausibles pour expliquer ce phénomène, mais jusqu'à présent aucune d'elles n'a reçu confirma- tion. Ch. Righet a pensé, sans y insister d'ailleurs, que l'acide du suc gastrique est produit par une sorte de dédoublement chimique d'une matière contenant du chlore sous l'in- iluence de l'oxygène du sang. En faisant passer un courant d'oxygène dans une infusion stomacale, l'acidité de ce liquide augmente, et cet accroissement]de l'acidité semble tenir à la production d'un acide minéral insoluble dans l'éther, qui n'est autre que l'acide chlorhydrique. Landwehr admet que la mucine qui baigne la muqueuse stomacale donne, sous l'influence d'un ferment hypothétique, un hydrate de carbone ou gomme animale, qui se décomposerait en acide lactique, et que celui-ci agirait à son tour sur le chlorure de sodium, en mettant en liberté l'acide chlorhydrique. Heidenhain ne nie pas non plus la possibilité que les glandes stomacales aboutissent à la formation d'un acide organique qu'elles retiendraient dans leurs cellules, et par l'intermédiaire duquel elles opéreraient la dissociation des chlorures. Toutefois ces deux hypothèses se trouvent en contradiction avec les expériences de Voit et Cahn, qui démontrent que la muqueuse stomacale ne sécrète aucun acide, lorsqu'on supprime les chlorures de l'alimentation. Il est aussi pos- sible que l'acide carbonique joue un rôle important dans la production de l'acide chlor- hydrique. Le sang contient toujours de l'acide carbonique en liberté qui peut, par une action de masse, opérer le déplacement de l'acide chlorhydrique. On a constaté en effet une grande accumulation d'acide carbonique dans les glandes salivaires du Dolium galea, qui sécrètent de l'acide sulfurique. Ces glandes, extirpées et maintenues sous l'eau, dégagent des quantités considérables d'acide carbonique (20 centimètres cubes pour une glande de 75 grammes). D'autre part, Schierbeck a montré que l'estomac du chien pos- sède aussi le pouvoir de sécréter de l'acide carbonique. En mesurant la tension de ce gaz dans l'estomac pendant la digestion, il a vu qu'elle pouvait aller de 30 à 140 milli- 712 ESTOMAC. mètres de mercure et qu'elle variait dans le même sens que l'acidité chlorhydriqne. Si l'on rapproche ces deux faits, on peut prétendre que l'acide carbonique n'est pas étran- ger à la décomposition des chlorures par les glandes stomacales. Il reste aussi à déterminer si les phénomènes chimiques qui se passent dans les cel- lules glandulaires lorsqu'elles sont en voie d'élaborer l'acide chlorhydrique, sont des phé- nomènes de nutrition ou bien des actions fermentatives. Bu.nge semble plutôt se rallier à cette dernière hypothèse, à l'appui de laquelle il cite le fait suivant. Le myronate de potassium se dédouble par l'action d'un ferment en glucose, en essence de moutarde et en bisulfate de potassium. Or ce dernier sel se décompose, dès qu'il se trouve dissous, en acide sulfurique libre et en sulfate neutre. On voit donc que l'acide minéral, même le plus fort, l'acide sulfurique, peut prendre naissance par une simple action fermentative. Quel que soit d'ailleurs le mécanisme de formation de l'acide chlorhydrique, on constate que les glandes stomacales dirigent l'acide libre vers la surface de la muqueuse, tandis qu'une quantité correspondante d'alcali est reprise par le sang dont l'alcalinité augmente légèrement. En même temps on voit l'acidité de l'urine diminuer graduelle- ment, si bien que. quatre ou cinq heures après le repas, ce liquide peut présenter une réaction alcaline. Le procédé en vertu duquel la cellule sécrétante dirige toujours dans le même sens l'acide chlorhydrique et dans le sens opposé le carbonate de sodium, reste encore aussi obscur que le mécanisme de la sécrétion lui-même. c) Physiologie comparée de la sécrétion acide de restomac. — Exception faite des Cypri- noïdes, qui n'ont pas d'estomac dans le vrai sens du mot, le suc gastrique des Poissons est remarquablement acide. Chez les Sélaciens surtout, l'acidité du suc gastrique est tellement considérable qu'elle peut atteindre le chilïre de 15 p. 1000 d'acide chlorhy- drique. En lisant les résultats obtenus par Cii. Richet dans ses recherches sur le suc gastrique des Poissons, on est étonné de voir que les sucs les moins acides de ces ani- maux ont encore une acidité beaucoup plus forte que les sucs les plus acides des auties Vertébrés. Le tableau suivant, que nous empruntons à la thèse de Ch. Richet, démontre incontestablement ce que nous venons d'affirmer. ESPECES. Raie {Raja clavata) Baudroie {Lophia piscuioriu.^) Ange [Sqiialus squatina'^ Analyse faite le lendcinnin Ange (liquide provenant de trois individus; Le lendemain Petite Roussette {ScijUiiim caluLiis) .... Petite Roussette Grandes Roussettes [Svyliiutu cuiiicula' . . Le lendemain Brochets (àeiix individus) ACTIVITÉ DDSUC GASTRIQUE p. 1000 en HCI. 14,6 6,2 6,9 8, H,8 12,6 6,9 12,9 14,9 14,3 6,0 La moyenne de ces chiffres est de 10 grammes environ d'acide chlorhydrique pour 1000 grammes de liquide, mais cette moyenne varie, comme pour les autres animaux, avec les diverses conditions physiologiques. En effet, si l'on examine le contenu de l'esto- mac des Poissons pendant la digestion, on trouve une acidité telle que tout l'intestin jusqu'à l'anus peut être acide. Au contraire, sur un animal à jeun, c'est à peine si l'on peut recueillir quelques gouttes d'un mucus acide, et à partir du détroit pylorique la réaction de la muqueuse est alcaline. La température semble aussi exercer une certaine influence sur l'acidité du suc gastrique des Poissons. Ch. Richet attribue à ce phéno- mène les écarts d'acidité qu'il a trouvés, pour des individus de la même espèce, d'un jour à l'autre. D'une manière générale, cet auteur a observé que le suc gastrique des Poissons est beaucoup plus acide quand il fait chaud que quand il fait froid, mais il n'a ESTOMAC. 713 pas pu réussir à reproduire expérimentalement ce phénomène sur des animaux vivants. E. Yung a trouvé des chiffres qui sont identiques aux chifl'res de Ch. Richet. Sur quatre Scyllhims, il a vu des acidités de 7; il. 5; 7; 8.2; en moyenne 8 grammes de HCl pour 1000. Le suc gastrique des Batraciens présente aussi une réaction acide, d'après Conte- jEAN, due à l'acide chlorhydrique. Mais nous ne connaissons pas la valeur moyenne de cette acidité, qui d'ailleurs doit varier beaucoup d'un animal à l'autre. Nous pouvons en dire autant pour le suc gastrique des Reptiles et des Oiseaux. Quant au suc gastrique des Mammifères, les espèces herbivores ont une acidité infé- rieure à celle des espèces carnivores. Ainsi, tandis que le suc gastrique du mouton ne contient, d'après Schmidt, que 0,909 à 1,469 d'acide chlorhydrique pour 1 000, le suc gas- trique pur du chien et du chat, recueilli par la méthode de Pavlow, renferme jusqu'à 4 et 5 p. 1 000 de cet acide. Ch. Richet a trouvé, en dosant l'acidité du contenu stomacal des veaux, 2 grammes d'acide chlorhydrique par litre. Mais il explique cette forte aci- dité par ce fait que les jeunes veaux ont plutôt un régime Carnivore; car ils se nour- rissent exclusivement de lait. D'après les recherches d'ELLEXBERGER, les liquides du quatrième estomac des ruminants contiennent 0, 5 à 1 2 p. 1 000 de HCl. Chez le cheval et chez le porc, l'acidité du contenu stomacal présente, d'après ce même auteur, des écarts considérables pendant les diverses phases de la digestion de 0,2 à 2 et même à 3 p. 1000. Au début de la digestion, les aliments contenus dans la portion gauche de l'estomac, région cardiaque et petite courbure, possèdent une réaction neutre ou alca- line, mais une heure plus tard tout le contenu stomacal est acide. Toutefois les liquides [du fond de l'estomac et de la région pylorique (portion gauche de l'estomac), ont une acidité deux ou trois fois plus forte que celle des liquides de la région cardiaque. Cette acidité est due non seulement à l'acide chlorhydrique, mais à d'autres acides dont le plus important est l'acide lactique. Chez un Dauphin, Ch. Richet a trouvé pendant la digestion une acidité de 2,86 {Comm. orale). Le suc gastrique de l'homme a été souvent soumis à l'analyse; mais, comme on verra par le tableau suivant, chaque auteur lui attribue un degré d'acidité différent. Moyennes de V acidité du suc gastrique humain, d'après les divers auteurs. NOMS D'AUTEURS. HCl p. 1000. OBSERVATIONS. SCHRŒDER 0,2 3, 6, 1,3 à 2,0 0,39 à 1,0 2, 2 à 2,8 2,3 1, 3 à 2,0 2 2 1,' 5 à 3,2 2,6 3, à 4,S Fistule gastrique. Contenu stomacal. Fistule gastrique. Contenu stomacal. Chez 12 jeunes gens. SzABO SCHWANN Ch. Richet EWALD Von Sohlern •. . . . Kœvesi Sticker Rosenheim Reichmann et Riegel SCHULE Verhaegen Les écarts qu'on observe entre ces chiffres montrent jusqu'à quel point il est difficile d'établir une moyenne de l'acidité du suc gastrique. Toutefois, en laissant de côté les erreurs qu'ont pu commettre ces expérimentateurs, on doit assurément reconnaître que l'acidité du suc gastrique est soumise à de nombreuses causes de variation. Le chiffre indiqué par Ch. Richet doit cependant s'approcher de la vérité; car cet auteur a opéré sur un suc presque complètement pur, exempt de salive et d'aliments. Chez les Vertébrés inférieurs, la muqueuse stomacale dans toute son étendue semble concourir à la formation de l'acide chlorhydrique. Plus tard, et à mesure que les espèces 714 ESTOMAC. se développent, on voit les diverses régions de l'estomac prendre une part plus ou moins active dans la production de ce phénomène. Le lieu principal de la sécrétion chloi'hy- drique est sans doute la région du fond de sac de l'estomac. La région cardiaque ne produit qu'un suc neutre ou alcalin. Quant à la région pylorique, certains auteurs pré- tendent qu'elle sécrète un liquide acide, tandis que d'autres, au contraire, affirment que sa sécrétion est alcaline. Chez les animaux qui ont un estomac multiple, la sécrétion chlorhydrique se fait dans la même cavité que la sécrétion peptique, c'est-à-dire dans l'estomac glanduleux. Toutes les autres poches ou appendices ont une réaction neutre ou alcaline, et, dans le cas où elle présentent une réaction acide, cela tient aux fermen- tations anormales que subissent les aliments qu'elles renferment. d) Variations de la sécrétion chlorhydrique dans les diverses conditions physiologiques. 1° Age. — On admet généralement que l'acide chlorhydrique apparaît dans les sécrétions stomacales quelque temps avant la pepsine. Hammarsten etWoLFHUGEL ont constaté ce fait chez le chien. Le même phénomène se produit chez le chat et chez leîapin. L'estomac de ces animaux sécrète de l'acide chlorhydrique à partir des premiers jours de la naissance, tandis que la sécrétion peptique n'apparaît que deux ou trois semaines plus tard. Jusqu'ici on n'a pas étudié d'une façon systématique la marche de la sécrétion chlor- hydrique en rapport avec les progrès de l'âge, mais tout porte à croire que ce phénomène doit suivre le même cycle évolutif que les autres fonctions de l'organisme, c'est-à-dire qu'il doit traverser une phase de croissance, une phase de stade et une phase de décroissance. D'après Riegel et Kœvesi, l'hyperchlorhydrie est surtout fréquente chez les individus adultes. La proportion d'hyperchlorhydriques aux divers âges serait, d'après Kœvesi, la suivante : 10 à 15 ans 1 15 à 20 — . 2 20 à 23 — 6 2o à 30 — 10 30 à 33 — 6 33 à 40 — .3 40 à 45 — " 1 Quoiqu'il s'agisse là d'un phénomène anormal, on voit qu'il ne s'écarte pas de la loi à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure. 2° Sexe. — L'intluence du sexe sur la sécrétion chlorhydrique nous est à peu près in- connue. Il n'existe guère sur ce sujet que les observations de Kretschy, de Kuttner et de Elsner, démontrant que pendant la menstruation on observe certaines modifications de l'acidité du suc gastrique. Les premiers de ces auteurs ont constaté une diminution de l'acidité, et Kuttner prétend même que, dans certains cas, cette acidité peut disparaître (?). Pour Elsner, l'acidité du suc gastrique ne subit pas de changement appréciable lorsque les pertes sanguines sont modérées. Chez certaines femmes oîi la menstruation est doulou- reuse, on observe pendant la congestion des organes génitaux une hyperacidité manifeste. Elsner attribue cette modification à une action vaso-motrice réflexe, qui part des organes génitaux et qui retentit sur la circulation de l'estomac. Enfin, lorsque les pertes sanguines sont considérables, le suc gastrique est sécrété en plus faible quantité, et son acidité tombe au-dessous de la limite normale. 3° État de jeûne. — Il faut admettre que les sécrétions stomacales sont intermittentes et qu'elles cessent complètement dans les intervalles de la digestion. Néammoins cer- tains auteurs affirment que l'estomac peut contenir à l'état de jeûne des quantités plus ou moins grandes de suc gastrique acide. Cela résulte de nombreuses statistiques réu- nies par Johnson et Bœhm, Rosin et Schûle, se rapportant à des observations faites sur l'homme. Reste à savoir quelle est la valeur de ces observations. L'estomac retient pen- dant vingt-quatre et quarante-huit heures des aliments qui n'ont pas été attaqués et qui sont une cause d'irritation constante pour la muqueuse. D'autre part, chez beaucoup de sujets, les produits de la digestion intestinale refluent assez souvent vers la cavité de l'estomac en y donnant lieu à une nouvelle sécrétion gastrique. En outre ces observa- tions ont été faites à l'aide de la sonde stomacale, et l'introduction de cet appareil dans l'estomac peut dans certains cas provoquer l'apparition du suc gastrique. Frooin a vu, sur des animaux dont l'estomac avait été isolé du reste de l'appareil ESTOMAC. 715 digestif, se produire une sécrétion abondante en deliors de toute excitation directe ou réflexe de la muqueuse gastrique. Mais sans doute il s'agit là d'une sécrétion paralytique de l'estomac, produite par la section des pneumogastriques au niveau de l'œsophage; car le suc recueilli dans ces conditions difft're profondément du suc gastrique normal : il est peu ou pas acide, et il a un faible pouvoir protéolytique. Dans un des cas, le suc obtenu entre la vingt-quatrième et la trente-deuxième heure après le repas ne contenait que 0,08 p. 1000 d'acide chlorhydrique. On peut donc conclure que la sécrétion acide de l'esto- mac n'existe pas en dehors des cas pathologiques (maladie de Reighmann) à l'état de jeûne. 3° Êlat (le digestion. — Lorsqu'on mesure l'acidité du contenu stomacal aux divers moments de la digestion, on trouve que cette acidité augmente jusqu'à une certaine période, variable pour chaque expérience, puis qu'elle diminue graduellement, pour dis- paraître à la fm de la digestion. D'après Verhaegen, cette chute de l'acidité serait en général très rapide à cause d'une sécrétion aqueuse très abondante qui se produit à ce moment dans l'estomac. L'étude de l'acidité du contenu stomacal ne nous permet pas cependant de tirer une conclusion dénnitive sur la marche de la sécrétion chlorhydrique pendant la digestion. Cette étude est sujette à trop de causes d'erreur, dont voici les plus importantes : entrée de la salive dans l'estomac, formation d'acides étrangers aux dépens du contenu stomacal, mélange de celui-ci avec le mucus gastrique, fixation de l'acide chlorhydrique par les matières alimentaires, passage des combinaisons chlorées dans la cavité intestinale, etc. Aussi Pavlow et ses élèves sont-ils arrivés, en reprenant ces mêmes recherches sur le suc gastrique pur, à des résultats tout à fait diiférents. Pour ces auteurs, la sécrétion chlorhydrique reste constante pendant toute la durée de la digestion. Si l'on observe quelques écarts d'acidité entre les diverses portions du suc gastrique sécrété, cela tient à ce que la neutralisation exercée par le mucus sur le suc gastrique varie [avec la quantité de mucus qui se trouve dans l'estomac et, pour une même quantité de mucus, avec la vitesse de la sécrétion gastrique. On peut se rendre compte de la marche de ces phénomènes par le tableau suivant, que nous empruntons au travail, de Khigine. Le suc, recueilli de l'estomac isolé, provenait d'une alimentation mixte composée de lait, de pain et de viande. La durée totale de la digestion a été de huit heures, et on fai- sait chaque prise de suc gastrique toutes les heures. HEURES QUANTITÉS 1 ACIDITÉ DE 1,'aCTE digestif. DE SUC EN C. C. DU suc p. 1000. I heure 30,4 U,o41 II hcui-es 27,5 0,362 III — 19,8 0,565 IV — 17,3 0,529 V — 16,0 0,529 VI — 11,2 0,511 VII - 0,7 0,493 VIII - 2,1 On voit que les premières et les dernières portions de suc sont moins acides que celles qu'on recueille vers le milieu de la digestion. Toutefois l'écart ne dépasse pas 0,1 p. 1000, ce qui est tout à fait insignifiant. Ces variations d'acidité ont été attribuées par Ketscher à une neutralisation plus intense des premières et des dernières portions du suc gastrique par le mucus stomacal. En effet, lorsque la s(;crétion gastrique commence, toute la surface stomacale se trouve recouverte de mucus, de sorte que les premières por- tions du suc sont en grande partie neutralisées. Puis la sécrétion gastrique devient en général plus active, mais, comme la sécrétion muqueuse est philùt faible par elle-même, l'acidité du suc gastrique ne subit pas de diminution appréciable. Enfin, au fur et à mesure que la sécrétion gastrique diminue et qu'on approche du terme de la digestion, les petites portions de suc sécrété sont presque totalement neutralisées par les faibles 716 ESTOMAC. quantités de mucus qui se forment continuellement dans reslomac. C'est pourquoi on constate sur le tableau ci-dessus que l'acidité du suc gastrique tombe au minimum pen- dant les dernières heures de l'acte digestif. L'mterprétation de Pavlow et de ses élèves n'est pas toujours conforme aux faits, ainsi qu'on peut s'en convaincre en parcourant les protocoles d'expériences de ces auteurs, mais il faut convenir avec ces physiologistes que les variations d'acidité du suc gastrique pendant la digestion ne sont pas aussi importantes qu'on le croyait autrefois. 4° Régime alim.entaire. — On ne peut décider encore si la nature des aliments exerce ou non une influence spécifique sur la marche de la sécrétion acide de l'estomac. Les anciens auteurs admettaient que l'acidité du suc gastrique variait beaucoup avec la nature des aliments, mais cette opinion a été fortement combattue par Pavlow et ses élèves. Ces physiologistes ont montré tout d'abord que les effets produits par les substances ali- mentaires sur les sécrétions stomacales sont en général très différents, suivant que ces substances sont ingérées par l'animal lui-même ou suivant qu'elles sont introduites directement dans l'estomac. Khigixe a constaté que la sécrétion chlorhydrique est très abondante à la suite d'un repas formé exclusivement de pain, de lait ou de viande, mais dans ces trois genres d'alimentation l'acidité du suc gastrique ne présente guère de difîérences. NATURE DES ALIMENTS. QUANTITÉ DE SUC SÉCRÉTÉ en e. c. ACIDITÉ p. 1000. DURÉE DE LA SÉCRÉTION en heures. 200 grammes de viande crue — de pain blanc — de lait 40,.') 33,6 16,7 0,561 0,463 0,493 6 h. 1/4 8 h. 1/2 3 h. Les écarts d'acidité dans la troisième colonne de ce tableau sont, d'après Khigine, plus factices que réels, car ils peuvent suffisamment s'expliquer par les variations de vitesse de la sécrétion gastrique. Ainsi, si l'on rapporte celte vitesse de sécrétion à la même unité de temps, on trouve : QUANTITÉ DE SUC sécrété en 1 heure. ce. Pour la viande 6,1 — le pain 3,9 — le lait 5,5 Ce qui démontre que le degré d'acidité du suc gastrique dépend essentiellement de la vitesse avec laquelle ce liquide est sécrété. Khigine a encore étudié la marche de la sécrétion chlorhydrique dans l'alimentation par les œufs et parle lard de bœuf. Il a trouvé que le suc gastrique produit par un chien qui s'alimente de graisse est moins acide que quand on lui doime des œufs. D'une manière générale, l'ingestion des aliments azotés provoque une sécrétion plus acide que l'ingestion des hydrates de carbone et surtout de graisse. Mais, quelles que soient la nature ou la quantité des aliments ingérés dans l'estomac par la voie normale, y com- pris même l'eau distillée, on voit toujours l'estomac isolé produire un suc gastrique dont l'acidité ne varie guère qu'en raison de la vitesse de sécrétion de ce liquide. En introduisant les substances alimentaires directement dans l'estomac, soit à l'aide de la sonde stomacale (Khigi.xe), soit par une fistule ouverte au préalable dans le grand estomac (Labassoffj, on voit que la plupart des aliments, en dehors de la peptone, sont incapables d'exciter les sécrétions gastriques. C'est seulement quand on les injecte en grande quantité (.500 c. c), qu'on obtient une faible sécrétion dans l'estomac isolé, mais cette sécrétion présente les mêmes caractères pour toutes les substances alimen- taires, et elle est absolument semblable à celle que provoque l'introduction d'un volume égal d'eau distillée dans l'estomac. ESTOMAC. 71' En résumé, d'après P.wlow et ses élèves, la sécrétion chlorhydrique ne subit de chan- gement appréciable ni au cours de la digestion, ni sous l'inlluence des divers régimes alimentaires. Dès que cette sécrétion aparaît, elle atteint tout de suite la limite normale, et elle reste aux environs de cette valeur jusqu'à la dernière goutte de suc gastrique. Un grand nombre de médecins ont répété ces recherches sur l'homme, sans tenir suf- fisamment compte des difficultés qu'ofTre l'expérimentation en pareil cas. Les uns ont confirmé les résultats de Pavlow et ses élèves. D'autres les ont contestés. Moritz trouve, après l'ingestion d'un repas constitué par bOO grammes de purée de pommes de terre, que l'acide chlorhydrique libre apparaît dans le contenu stomacal pendant la deuxième heure de la digestion. Cette même recherche faite à la suite d'un l'epas de viande (300 grammes de beefsteack) ne révéla l'acide chlorhydrique libre que pendant la qua- trième heure de la digestion ; en revanche l'acidité totale était beaucoup plus forte dans le second que dans le premier cas. SohleRiN a étudié comparativement l'aindité du suc gastrique dans l'alimentation par le riz et par la viande. Il a vu, comme Moritz, que l'acidité est plus élevée dans cette dernière alimentation. Schlle a dosé l'acidité du contenu stomacal, à la suite de ces quatre repas : a) 2o0 grammes de viande et 200 d'eau ; 6) 400 grammes de purée de farine avec ou sans l'addition d'eau; c) 4G0 grammes de purée de pommes de terre, et d) 300 grammes de lait. 11 n'a constaté que de faibles difîérences. Verhaegen a opéré sur quatre individus dont il connaissait assez bien la marche géné- rale de la sécrétion chlorhydrique. Ces sujets, que Verhaegen désigne sous les noms de siiperacide, moyen I, moyen II et, subaeide, supportaient très bien les divers régimes ali- mentaires qu'on leur imposait. Verhaegen résume dans le tableau suivant l'influence de chacune de ces substances alimentaires sur la sécrétion chlorhydrique de ces quatre sujets. SUBACIDE. MOYEN I. MOYEN II. SUPERACIDE. Substances albumiuoides (caséine, myosine, etc.) Albumines avec sucre • Sucre avec lait Nulle. Nulle. Forte. Nulle. Forte. Nulle. Forte. Très faible. Très faible. Nulle. Forte. Ti'ès faible. Faible. Forte. Nulle. Extrait de viande Fécule Eau distillée Sucre Fécule avec sucre Sel marin Créatine Créatinine Talc On voit par ce tableau qu'une même substance alimentaire agit sur la sécrétion chlor- hydrique d'une manière tout à fait différente suivant les individus. Ainsi la fécule, par exemple, ne provoque aucune sécrétion acide chez les sujets moyen 1, moyen II et subacide, tandis qu'elle détermine chez le sujet superacide une sécrétion chlorhydrique abondante. C'est là peut-être une des causes qui explique la diversité des résultats obte- nus par chaque expérimentateur. Les expériences de Verhaegen montrent en outre, contrairement aux recherches de Schule, que tous les aliments ne jouissent pas au même degré du pouvoir d'exciter la sécrétion chlorhydrique. Certaines substances aug- mentent cette sécrétion, tandis que d'autres l'inhibent ou l'arrêtent. Parmi ces dernières on trouve en premier lieu les divers sucres : glycose, lactose et saccharose. Enfin, quel- ques principes alimentaires, comme la fécule, le saccharose et la graisse n'e.xercent aucune action sur la sécrétion chlorhydrique. Dans ce groupe de substances inactives on peut aussi ranger la plupart des poudres inertes, le talc et le silicate de magnésie entre autres. Verhaegen assure que ces substances, qui se montrent tout à fait inactives vis-à- vis de la sécrétion chlorhydrique, peuvent parfois mettre en jeu les autres sécrétions de 718 ESTOMAC. l'estomac. Le sucre, par exemple, donne toujours lieu à une sécrétion aqueuse abondante. Ce dernier fait a été rendu évident, quelque temps après, par les recherches de Comte, de Strauss et de Roth. Sœrensen et Metzger ont vu, comme Schûle, mais en opérant sur des individus atteints d'hyperchlorhydrie, que les albumines ne provoquent pas une plus forte sécré- tion d'acide chlorhydrique que les hydrates de carbone. Il semble cependant se dégager de ses expériences, ainsi que de celles de Schûle, que l'acidité totale des liquides retirés de l'estomac est en général plus élevée dans le régime carné que dans le régime des féculents. D'après Hammarsten on trouverait toujours une quantité plus grande d'acide chlorhydrique total dans l'alimentation azotée que dans l'alimentation amylacée. Bachmann a donné un développement plus considérable à l'étude de cette question. 11 s'est attaché à résoudre, entre autres problèmes qui concernent aussi la digestion stomacale et sur lesquels nous reviendrons plus tard : i° le moment d'apparition de l'acide chlorhydrique libre; 2° la valeur maximum de cette fraction d'acide; 3° l'acide chlorhydrique total; 4° l'acidité totale, dans les divers régimes. Le principal mérite de ses recherches se fonde sur ce fait que les quantités d'aliments ingérés étaient, au point de vue thermodynamique, équivalentes. Ces expériences ont porté sur douze individus hyperchlorhydriques, et elles ont conduit aux résultats suivants : 1° L'acide chlorhydrique libre apparaît dans l'alimentation végétale, une demi-heure plus tôt que dans l'alimentation animale. 2" La valeur maximum de cette fraction d'acide est plus élevée dans le régime animal que dans le régime végétal. 3° L'acide chlorhydrique total atteint son maximum dans le régime animal. 4° L'acidité totale est aussi plus considérable dans ce même régime. Bachmann a pris comme types d'alimentation animale, la viande, les œufs, le lait et le beurre, et, comme types d'alimentation végétale, le pain, la bouillie de farine et la purée de pommes de terre. Il a constaté de plus qu'il existe pour la digestion de chacun de ces aliments des différences réelles dans l'acidité du suc gastrique. Les graisses en particulier se caractérisent par une diminution sensible de la sécré- tion chlorhydrique. Ce fait avait été déjà observé par Ewald et Boas, Khigine et Lobas- SOFF, Alkinow-Peretz et Strauss et Adlor. Enfin, Mayer, dans un travail plus récent, confirme les variations constatées par Bachmann dans l'acidité du contenu stomacal à la suite des divers repas, mais ces varia- tions ne seraient que passagères, et la sécrétion chlorhydrique ne tarderait pas à revenir à son taux normal. Il a pu, en effet, voir sur lui-même, en se soumettant à un régime végétal très pauvre en albumine, pendant une quinzaine de jours, que la sécrétion chlor- hydrique qui tombe tout d'abord, augmente ensuite peu à peu, au fur et à mesure que l'estomac s'adapte à cette nouvelle alimentation. En somme, d'après la plupart des cliniciens, l'acidité du suc gastrique chez l'homme varierait avec la nature des aliments, mais, comme ils n'ont pas pu mesurer la vitesse de la sécrétion dans chaque cas, il nous est impossible de savoir si ces différences d'acidité sont bien réelles, ou si, comme le croient Pavlow et ses élèves, elles tiennent aux varia- tions qui se produisent dans l'écoulement du suc gastrique. 5° Influences nerveuses. — La vue et l'odeur des aliments, ainsi que le passage de ces substances à travers les voies supérieures de l'appareil digestif, provoquent la sécrétion d'un suc très acide. D'après Pavlow et ses élèves, l'acidité de ce suc serait même plus forte que celle du suc obtenu par l'introduction directe des aliments dans l'estomac. Mais il faut dire que ces auteurs n'ajoutent aucune importance à ces différences d'acidité, qu'ils considèrent toujours comme étant le résultat des variations que subit la vitesse de la sécrétion gastrique dans ces divers cas. Sanotzky a eu l'idée d'étudier l'influence des excitations douloureuses sur cette sécrétion psychique de l'estomac. En pinçant fortement les pattes d'un animal, chez lequel on avait provoqué auparavant la sécrétion psychique, ce physiologiste n'a pu constater aucune modification dans la marche de ce [processus, ni comme quantité, ni comme qualité. Toutefois, Sanotzky n'a fait à ce sujet qu'une seule expérience, et il hésite à en tirer une conclusion définitive. D'après les observations récentes de Conte, ESTOMAC. 719 l'état psychique de l'animal exercerait, au contraire, une influence considérable sur les sécrétions gastriques. Alors que, sur un animal attaché sur la table d'expérience, il est difficile d'obtenir par les moyens ordinaires la sécrétion réflexe de l'estomac, ces mêmes moyens réussissent, lorsqu'on opère sur un animal mis en liberté ou qui est habitué à ce genre d'opérations. D'autre part, les recherches de Pavlow et ses élèves nous ont appris que la sécrétion psychique est d'autant plus abondante et d'autant plus riche en acide et en pepsine, que les animaux sur lesquels on opère ont le sentiment de la faim plus développé. Tout porte donc à croire que les influences nerveuses jouent un rôle des plus importants dans la marche des sécrétions gastriques. e) Variations de la sécrétion chlorhydrique dans les diverses maladies. — Depuis l'époque où Van den Velden annonça que le suc gastrique ne renferme pas d'acide chlor- hydrique libre dans le cancer de l'estomac, l'étude des variations de la sécrétion chlor- hydrique dans les diverses maladies est devenue un des chapitres les plus considérables de la pathologie stomacale. Naturellement on est arrivé, au cours de cette étude, aux résultats les plus opposés, car la sécrétion chlorhydrique dépend d'un grand nombre de facteurs, et ceux-ci ne sont pas toujours également influencés par une même maladie. Ainsi, dans le cancer de l'estomac, comme dans toute autre maladie de cet organe, les changements survenus dans la sécrétion chlorhydrique varient de caractère et d'intensité suivant la place et l'étendue de la lésion, l'état de dégénérescence plus ou moins avancé des cellules sécrétantes, les conditions d'activité des appareils glandulaires (innervation, circulation, composition chimique du sang), etc. Tout cela explique suffisamment pour- quoi une même maladie peut dévier dans les sens les plus divers la marche de la sécré- tion chlorhydrique. C'est ainsi que, contrairement aux observations de Van den Velden, beaucoup de médecins ont signalé l'existence de l'acide chlorhydrique libre dans les sécré- tions des estomacs cancéreux, et que d'autres auteurs ont montré qu'on ne pouvait pas considérer V hyper chlorkijdne comme un symptôme caractéristique de l'ulcère de l'esto- mac. On est donc réduit à constater que la sécrétion chlorhydrique subit des change- ments notables sous l'influence des maladies, mais il est complètement impossible de fixer la loi de ces changements. Ceux qui s'intéresseront à l'étude de cette question trouveront dans la partie bibliographique de cetarticle tous les renseignements désirables. Parmi les innombrables classifications qu'on a proposées pour désigner les troubles de la sécrétion chlorhydrique dans les diverses maladies de l'estomac, les termes les plus employés sont les suivants : anachlorhydrie, hypochlohydrie, hyperchlorhydrie. Le premier de ces termes indique l'absence deTacide chlorhydrique dans le contenu stomacal ; mais ce trouble peut 'affecter deux formes différentes, suivant qu'il s'agit de Vacide chlorhydrique libre ou de Vacide chlorhydrique total. L'absence simultanée de l'acide chlorhydrique libre et des combinaisons chlorées organiques est un phénomène absolument rare, qui ne se présente pour ainsi dire que dans l'atrophie complète de la muqueuse gastrique, achylie gastrique grave des auteurs allemands. Ce symptôme indique l'absence de toute sécrétion chlorhydrique, et il a la plus grande gravité. Quant à la disparition de l'acide chlorhydrique libre, elle est bien plus fréquente que l'absence totale de l'acide chlorhydrique, mais elle est loin d'avoir la même signification. C'est cette variété d'ana- chlorhydrie qui accompagne le plus souvent le cancer de l'estomac et que Van den Vel- den a signalée pour la première fois. En ce qui concerne V hypochJorhydrie , sa valeur sémiologique est des plus restreintes, car' ce trouble se présente tout aussi bien dans les affections propres de fesLomac que dans les maladies localisées sur d'autres organes ou dans les processus morbides d'un ordre général. On dit qu'il y a hypochlorhydrie lorsque la proportion d'acide chlorhy- drique libre dans le contenu stomacal tombe au-dessous de 1 à 0,5 p. 1 000 d'acide chlorhydrique, mais c'est là un chiffre arbitraire qui ne saurait exprimer la valeur moyenne de l'acidité normale du suc gastrique chez l'homme. Cette limite varie beaucoup d'une expérience à l'autre, comme le montre le tableau donné plus haut. Il est donc difficile de décider quand il y a un véritable excès d'acide chlorhydrique dans le contenu stomacal. Kœvesi a trouvé, en adoptant la moyenne d'acidité totale, de 2,36 p. 1000 d'acide chlorhydrique, et en rapportant à cette moyenne ses propres otjser- vations et les observations d'autres auteurs, que la proportion d'hyperchlorhydriques n'est pas la même pour les divers pays. Ainsi, d'après J.\worski, la proportion dhyperchlorhy- 720 ESTOMAC. driques est de ol,8 p. 100 à Lemberg; à Stockholm, d'après Johnson et Rohm, de ."^6,4 p. 100; à New-York, d'après Einhorx, de 50 p. 100; à Zurich, d'aprè Schneider, de o,4 p. 100, et à Budapest, d'après Kœvesi, de 30,4 p. 100. On voit donc que les conditions de la vie sociale font varier dans des limites assez larges l'intensité de la sécrétion chlorhydrique. L'importance de l'hyperchiorhydrie au point de vue sémiologique est d'ailleurs assez discutable; car, de même que l'hypochlorhydrie, ce trouble de la sécrétion gastrique se présente dans les maladies les plus différentes. Ajoutons que certains palhologistes, et spécialement Verhaegen, considèrent l'hypo- chlorhydrie et l'hyperchiorhydrie non comme des manifestations pathologiques véritables, mais comme des modalités différentes d'une fonction soumise à de grandes oscillations chez les divers individus. Le fait est qu'on trouve assez souvent des sujets hypochlor- hydriques et hyperchlorhydriques qui ne présentent pas le moindre trouble du côté de l'appareil digestif. Le seul point sur lequel les médecins soient d'accord, c'est pour affirmer que la sécrétion chlorhydrique change d'intensité au cours des nialadies, beaucoup plus sou- vent que la sécrétion peptique. f) Action de quelques agents physiques et chimiques sur la sécrétion chlorhydrique. — 1° Excitants mécaniques. — Les excitants mécaniques n'exercent aucun effet sur la sécré- tion chlorhydrique, pas plus que sur les autres sécrétions de l'estomac. Frerichs, Schiff, Heidenhain et la plupart des anciens expérimentateurs ont vu qu'on pouvait toucher ou pincer la muqueuse stomacale sans obtenir d'autre sécrétion qu'une faible quantité de mucus. Sanotzki a montré depuis que, s'il arrivait parfois qu'on avait une sécrétion abondante à la suite de ces opérations, c'est parce qu'on ne prenait pas le soin d'éviter les excitations psychiques de l'animal. Malgré cette inefficacité des excitants mécaniques vis-à-vis des sécrétions stomacales, certains cliniciens prétendent que le massage de l'estomac, fait à travers les parois abdominales, augmente la sécrétion chlorhydrique, eu même temps qu'il accélère la marche de la digestion stomacale. Il est difficile de savoir quelle est la valeur exacte de ces observations; mais, si l'on se rappelle que la muqueuse gastrique ne répond pas aux excitations mécaniques qui agissent sur elle directement, on a de la peine à com- prendre que le massage extérieur de l'estomac produise des effets aussi remarquables sur les fonctions de sécrétion de cet organe. En tout cas, si ces effets existent, ils ne peuvent être attribués qu'à des modifications circulatoires de l'estomac. 2° Excitants thermiciues. — Leube et, après lui, Jaworski ont conseillé d'introduire une certaine quantité d'eau froide dans l'estomac afin de provoquer la sécrétion du suc gastrique. Ces auteurs ont remarqué en effet que l'eau froide est un stimulant beaucoup plus énergique des sécrétions stomacales que l'eau tiède ou chaude. Mais il ne faut pas oublier que l'eau exerce toujours par elle-même, en dehors des limites extrêmes de température, une influence excitante sur les sécrétions gastriques. Si au lieu de l'eau, on introduit dans l'estomac un objet métallique quelconque, tantôt chaud, tantôt froid, on n'obtient aucun phénomène de sécrétion. La température ne serait donc pas un véri- table excitant des sécrétions stomacales, mais seulement un modificateur de ces sécrétions. MiCHELi a étudié l'influence qu'exerce la température des aliments sur le travail de sécré- tion de l'estomac pendant la digestion. Il a observé que les sécrétions gastriques se réa- lisent dans de bonnes conditions, après l'ingestion d'eau à la température de 35° à 37». Au contraire, à une température plus élevée (45° à 50°), l'eau devient nuisible pour les sécrétions gastriques, et elle ralentit le cours de la digestion. Cet auteur a constaté de plus que l'eau à basses températures (3°-G°) est un excitant beaucoup plus actif pour les sécrétions stomacales que l'eau à la température de la chambre. Mais il nous semble que ces résultats doivent beaucoup changer, suivant la quantité d'eau ingérée. En faisant agir le chaud et le froid sur la région de l'épigastre, Micheli a constaté dans les deux cas une augmentation des sécrétions gastriques. 3° Excitants électriques. — Nous aurons plus tard à nous occuper des effets produits par l'excitation électrique des nerfs qui se rendent dans l'estomac, sur les fonctions sécrétoires de cet organe. Ici, indiquons seulement les résultats obtenus par les divers auteurs dans Félectrisatiou directe ou indirecte de l'estomac. Hoffmann a entrepris, ESTOMAC. 7^21 dans la clinique de RiEr.EL, une série de recherches pour connaître les efTels du courant f;;alvanique sur les sécrétions gastriques. La méthode employée par cet auteur a été la méthode qu'on appelle percutanëe, dans laquelle l'électrode positive est appliquée sur la peau du dos, et l'électrode négative sur la peau de l'épigastre. Au bout de dix minutes d'électrisation, avec un courant de 2") à uO milliampères, IIofmann a pu retirer de la cavité de l'estomac une quantité appréciable de suc gastrique acide. Ewald et Severs ont obtenu des effets semblables en se servant du courant faradique, et Einhorn affirme que, si l'on applique cette forme de courant directement sur l'estomac, en intro- duisant une des électrodes dans la cavité gastrique, les effets sur les sécrétions sont encore plus accentués. La faradisation de l'estomac augmenterait donc l'acidité du su(; gastrique. Ces résultats ont été pourtant contestés par Goldschmidt. 1" Principes orr/aniques. — La salive a été considérée comme un agent excitateur des plus importants de la muqueuse stomacale. Blondlot pensait que ce liquide devait acti- ver la sécrétion chlorhydrique en vertu de sa réaction alcaline. Wright, Kuhne, Rollett, Hermann, et spécialement Sticker, ont aussi soutenu que la salive exerce une influence excitante sur les sécrétions gastriques. Cette opinion a été vivement combattue par Lehmann, Ludwig, Heidenhain, Braun, et en dernier lieu jiar SA^^0TZKl. Il résulte de la lec- ture de ces divers travaux que, toutes les fois qu'on a opéré dans de bonnes conditions, c'est-à-dire ({u'on a introduit la salive directement dans l'estomac, on n'a pu provo- quer aucun accroissement de sécrétion. Malgré l'avis contraire de Wright et de Sticker, la salive ingérée avec les aliments par les voies normales ne semble pas non plus modifier la marche des sécrétions gastriques. Sanotzri en effet a montré que, si la salive exerce une influence sur la digestion stomacale, cela tient à ce que ce liquide neutralise en partie l'acidité du suc gastrique à cause de sa réaction alcaline. Le mucus et la bile agissent aussi dans le même sens, mais aucun de ces liquides ne semble doué de propriétés assez énergiques pour 'activer ou ralentir le travail de sécrétion de l'eslomac. On pourrait en dire autant des substances d'origine végétale que les médecins emploient comme modificateurs des sécrétions stomacales. Ces principes amers sont très nombreux, quinquina, gentiane, colombo, coca, quassia amara, cascarille, condu- rango, rhubarbe et noix vomique. Or, d'après Jaworski, Reichman'n et Tcheltzoff, l'intro- duction par la voie digestive ne produit aucun effet sur les sécrétions stomacales. Rkichmann n'a constaté d'augmentation sensible dans la quantité de suc gastri([ue sécrété ([ue (juelque temps après la disparition des principes amers de l'estomac. Pavlow pré- tend cependant que ces principes ne sont pas inutiles, et qu'ils peuvent, en éveillant l'appétit, activer les phénomènes de sécrétion gastrique. Enfin, d'après Frémont. qui a étudié l'action de quelques-unes de ces substances sur l'estomac isolé de chien, on trou- verait des variations importantes dans l'acidité totale du suc gastrique, quatre heures après l'introduction de ces corps dans l'estomac. Si l'on représente par 100 les chiffres d'acidité totale et de chlore total obtenus avant l'administration de médicaments, on peut exprimer l'action de ces diverses substances par les chiffres suivants : • QUANTITÉS ADMINISTRKKS. ACIDITÉ TOTAI,E. CHLORE TOT A L. 1. Vin blanc 36 ce. 3 gr. en infusion 1,44 1,73 1,44 2,50 1,08 1,08 0,002 fD solnlion 0,002 489 , 352 240 215 191 184 161 140 117 143 107 267 227 144 223 192 190 175 13C) 117 119 H2 2. Gentiane 3. Condui-ango 4. Chardon bénit 5. Houblon 6. Simarouba 7. Menyanto 8. Colombo 9. Quassia amara 10. Stcvchnine 11. Pilocarpine. ... IICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 46 722 ESTOMAC. Les épices eL les condiments doivent se comporter vis-à-vis des sécrétions stomacales de la même façon que les principes amers, mais en somme les données que nous possé- dons sur ce sujet sont des plus incertaines. L'alcool et les boissons alcooliques produisent sur la muqueuse stomacale des effets tout à fait opposés suivant la dose à laquelle on les ingère. A petites doses, ces liqueurs excitent les sécrétions gastriques, tandis qu'à fortes doses elles en diminuent l'intensité. Les anciens auteurs, Frerichs, Iuhne, etc., considéraient l'alcool comme un stimulant énergique des sécre'tions stomacales. Ils recommandaient même l'emploi de ce corps pour obtenir le suc gastrique chez les animaux à fistule. Toutefois Heidenhain a fait remarquer que des doses successives d'alcool troublent le fonctionnement de la muqueuse stomacale, en donnant lieu à la formation d'un fluide alcalin qui n'a pas les caractères du suc gastrique actif. Gluzinski a trouvé, dans ses expériences avec l'eau-de-vie et l'alcool dilué, que ces liqueurs augmentent véritablement la sécrétion de l'acide chlorhydrique. WoLFF est arrivé à des résultats du même ordre en étudiant l'action du cognac. Cette liqueur stimule la sécrétion chlorhydrique, à faibles doses. Mais à doses fortes elle diminue l'acidité du suc gastrique et relarde la formation des peptones dans l'estomac. Sur les individus habitués à l'usage de l'alcool, l'estomac ne se comporterait pas de même. Les expériences de Klemperer ne sont pas aussi concluantes que celles des auteurs précédents, mais Blumenau a observé que l'alcool, dilué dans la proportion de 25 à 50 p. 100, agit sur l'estomac sain de l'homme en produisant, deux ou trois heures après son ingestion, la sécrétion d'un suc très abondant et très acide. Plus récemment Brand:, a constaté, chez des chiens porteurs d'une fistule gastrique, que falcool donne tou- jours h'eu à une sécrétion plus abondante que l'eau, lorsqu'on introduit ces deux corps directement dans l'estomac, mélangés avec les aliments. Haan a aussi observé que des doses croissantes et répétées d'alcool provoquent tout d'abord une augmentation dans la quantité et dans l'acidité du suc gastrique, tandis qu'à la longue elles ralentissent ces sécrétions. Eniin, Chittenden, Mendel et Jackson ont montré tout récemment que l'alcool et les boissons alcooliques peuvent, indépendamment des aliments, mettre en jeu l'activité sécrétoire de la muqueuse gastrique. Si l'on introduit, dans l'estomac d'un chien à fistule, des quantités correspondantes d'alcool dilué, d'une boisson alcoolique quelconque et de l'eau ordinaire, on obtient toujours un effet sécrétoire plus intense avec les liqueurs alcooliques qu'avec l'eau. Outre cela, t)n constate que le suc sécrété dans le premier cas est plus acide et contient plus de matériaux solides que celui qui est sécrété sous l'influence de l'eau. Chittenden et ses collaborateurs se sont aussi demandé de quelle manière l'alcool provoquait cette stimulation des glandes gastriques. Ils ont vu qu'on pouvait obtenir le même effet sécrétoire en introduisant l'alcool dans une anse de l'intestin grêle; mais ils n'ont pas pu déterminer si l'alcool ingéré dans ces conditions agissait directement sur les glandes gastriques, une fois qu'il était absorbé, ou s'il portait son action sur les aliments nerveux de ces glandes. L'atropine et la pilocarpine agissent aussi sur les sécrétions stomacales. Les expé- riences de Sanotzski, de Penzoldt et de Pugliese, surtout celles de Rieoel et celles de A. ScHiFF, prouvent que Vatropine diminue la sécrétion du suc gastrique, en même temps qu'elle abaisse le titre d'acidité de ce liquide. D'après A. Schiff, l'atropine n'exer- cerait aucune influence sur la sécrétion peptique, car le suc gastrique sécrété après l'introduction de cet alcaloïde dans l'organisme présente, à quelques différences près, le même pouvoir protéolytique qu'à l'état normal. Pourtant Hayem et Bouveret, Leubus- r.HER et Sghafer nient l'action de l'atropine sur les sécrétions gastriques; mais, en pré- sence des résultats de Schiff, il nous est impossible d'accepter l'opinion de ces derniers auteurs. Quant à la pilocarpine, la plupart des expérimentateurs, excepté Leubuscher et Tsc.HURiLow, admettent que cet alcaloïde augmente la quantité du suc gastrique sécrété. Cela résulte essentiellement des expériences de Riecel, Cet auteur a étudié l'action de la pilocarpine sur des animaux opérés par la méthode de Pavlovï^, et aussi sur l'homme. Chez les animaux il y aurait augmentation constante de la sécrétion gastrique; mais l'acidité du suc recueilli ne subirait pas de variation appréciable. En opérant sur l'homme, on constate, parfois, une diminution d'acidité du suc gastrique, mais cela tient, d'après RiEGEL, à ce que la sécrétion salivaire devient très abondante à la suite de l'injection de ESTOMAC. 723 pilocarpine,"et à ce qu'une grande quantité de salive passe dans l'estomac, où elle neutra- lise le suc gastrique. Simon et ScHm- affirment cependant que la pilocarpine dimiuue l'intensité de la sécrétion chlorhydrique, mais les expériences de ces auteurs ne nous semblent pas aussi probantes que celles de Riegel. Disons encore que la pilocarpine peut, en dehors de toute excitation alimentaire, provoquer les sécrétions gastriques. C'est Rie- gel qui a observé pour la première fois ce phénomène important, qui démontre que l'action de la pilocarpine sur les glandes stomacales ne difl'ére pas profondément de celle que cette substance exerce sur les autres glandes de l'organisme. Miegel a remar- qué que les efTets produits par la pilocarpine sur les sécrétions gastriques sont plus intenses en l'absence qu'en la présence des aliments. D'autres alcaloïdes exerceraient aussi une influence marquée sur l'activité des sécré- tions stomacales. Abakoff et Klelnk ont vu que la morphine, administrée par la voie digestiveou en injection hypodermique, diminue la quantité et l'acidité du suc gastrique et qu'elle rend la digestion plus laborieuse qu'à l'état normal. Wagner et Wolek ont observé que la nicotine, la caféine et la strychnine troublent sensiblement la marche des sécrétions gastriques. Il en doit être de même de tous les alcaloïdes qui exercent une action plus ou moins directe sur les éléments nerveux qui président au travail glandu- laire de l'estomac. 2° Principes minéraux. — Dans ce groupe de corps, on a étudié principalement l'action des acides, des alcalins et de queUpies sels neutres sur les sécrétions gastriques. Comme bien on pense, ce sont les médecins qui ont fait sur ce sujet les recherches les plus nombreuses. De tous les acides employés dans le traitement des maladies de l'estomac, c'est l'acide chlorhi/drique qui a été le mieux étudié. Contrairement à ce qu'on pouvait croire tout d'abord, cet acide n'exerce aucune action excitante sur la muqueuse stoma- cale. Khigine a montré, en effet, que, si l'on introduit, à l'aide d'une sonde dans l'estomac d'un chien opéré parla méthode de Pavlow, une série de solutions d'acide chlorhydrique, à titres divers, dans la proportion de 130 ce. à 300 ce, le cul-de-sac isolé de l'estomac ne sécrète pas de suc gastrique. Si, au lieu d'une solution d'acide chlorhydrique, on introduit dans l'estomac la même quantité de suc gastrique pur, la sécrétion est encore nulle : si bien que Khigine affirme que les deux liquides sont moins actifs vis-à-vis de la sécrétion gastrique que l'eau distillée elle-même. Ces expériences, absolument démons- tratives, n'ont pas empêché un grand nombre de médecins de continuer à croire que l'acide chlorhydrique favorise quand même le travail de sécrétion de l'estomac. Tour- nier, entre autres, explique les vertus thérapeutiques de l'acide chlorhydrique, en sup- posant que cet acide provoque dans son passage par la bouche et par l'œsophage la sécrétion psychique de l'estomac. Mais cet auteur n'apporte aucun fait précis à l'appui de son hypothèse. L'action des alcalins sur les sécrétions gastriques a donné aussi lieu à beaucoup de con- troverses. Depuis l'époque où Cl. Bernard annonça que le bicarbonate de soude pouvait à la fois augmenter ou diminuer l'acidité du suc gastrique, suivant qu'on l'administre à de faibles ou à de fortes doses, on a recommandé indistinctement l'usage de ce sel dans tous les troubles de sécrétion defestomac. Toutefois, si l'on se rapporte aux expériences de Khigine et de Reichmann, qui sont assurément les plus exactes, on voit que les alca- lins, de même que les acides, n'exercent aucune action sur les sécrétions stomacales. Khigine n'a pu obtenir la moindre trace de sécrétion dans l'estomac isolé d'un chien, après avoir introduit, à l'aide d'une sonde, dans le grand estomac du même animal, des quantités variables (loO ce. à oOO ce.) d'une série de solutions de carbonate de soude aux titres de 0,01; 0,03; 0,05; 0,07; 0,10; 0,40; 0,50 et 1,0 p. 100 de ce sel. Le tout se bornait chaque fois à l'apparition d'une mucosité trouble, épaisse et vis- queuse, qui s'écoulait très difficilement de la cavité du cul-de-sac. Cette mucosité avait une réaction neutre ou alcaline et ne possédait pas le moindre pouvoir digestif. Quant aux expériences de Reichmann, elles ont abouti aux mêmes résultats que celles de Khigine, Reichmann a opéré exclusivement sur l'homme. D'une part, il a étudié com- parativement l'action de ce sel et celle de l'eau distillée, sur l'estomac à jeun. D'autre part, il a voulu connaître les eliéts du bicarbonate aux moments divers de la digestion. Ces expériences ont été faites sur un grand nombre de malades et avec des doses très différentes de bicarbonate. Elle ont prouvé que ce sel n'exerce aucune influence sur les 724 ESTOMAC. sécrétions gastriques, quelles que soient les conditions dans lesquelles on l'introduise dans l'estomac. Le seul effet qu'on constate, c'est la neutralisation du suc gastrique sécrété. D'autres expériences ont été faites sur le même sujet par Nothnagel et Hossbach, Leube, Jaworsri, Ewald, Boas, Rosenheim, Mathieu, Debove et Rémo.nd, Bouveret, Linos- viER, Lemoine, etc. Mais elles sont pour la plupart contradictoires, et beaucoup moins concluantes que celles que nous avons rapportées précédemment. L'influence des sels neutres sur la sécrétion chlorliydrique a été aussi très étudiée. D'après Khigine, on n'obtient qu'une très faible quantité de suc gastrique, quand on introduit dans l'estomac vide 130 ce. à 500 ce. d'une solution de chlorure de sodium à 6 p. 1000. Pour REicHMANNet Girard, le chlorure de sodium diminuerait la sécrétion gas- trique et abaisserait le titre d'acidité de celle-ci. Pour d'autres auteurs, au contraire, l'usage répété de petites doses de sel marin augmenterait la sécrétion chlorhydrique. Hayem se prononce dans ce sens, en disant que le chlorure de sodium est un excitant énergique de la muqueuse stomacale, qui aggrave considérablement les troubles chi- miques des dyspepsies hyperchlorhydriques. En tout cas l'intensité de la sécrétion chlor- hydrique dépend de la richesse du sang en chlorures. Voit et Cahn ont démontré, en etfet, que les animaux nourris avec des aliments privés de chlorure de sodium finissent par ne plus sécréter qu'un suc gastrique neutre. Le sulfate de soude produirait, d'après Simon, lorsqu'on l'administre à petites doses et à jeun, une exagération de la sécrétion acide de l'estomac. Les sels de fer agiraient aussi, d'après Buzdygan, d'une façon semblable. ;;) Influence de la sécrétion chlorhydrique sur la réaction de certains liquides de l'orga- nisme. — 11 semblerait a priori que la sécrétion de l'acide chlorhydrique par l'estomac devrait toujours provoquer une augmentation dans l'alcalinité du sang. On sait, tout au moins, que l'alcali mis en liberté par la décomposition des chlorures du sang ne reste pas en contact avec les tissus, mais qu'il est enlevé au furet mesure de sa formation par la circulation sanguine. L'alcalinité du sang devrait donc augmenter pendant la diges- tion stomacale. Canard, Baldi, Stigker, Hubner et Drouin ont conclu dans ce sens, mais Von Noorden a montré, depuis, que cette augmentation de l'alcalinité du sang en rapport avec la sécrétion chlorhydrique n'était pas aussi importante qu'on le croyait en général. Pour lui la sécrétion acide de l'estomac est toujours précédée, puis suivie, d'une série de sécrétions alcalines (salive, bile, suc pancréatique et intestinal) qui compensent suffi- samment les effets produits sur le sang par la sécrétion chlorhydrique. D'autre part, même en supposant qu'il y ait à un moment donné un excès d'alcali dans le sang pen- dant la sécrétion chlorhydrique, cet excès ne tarde pas à s'éliminer par la voie rénale. En effet, ainsi que Bence Jones l'a constaté pour la première fois, l'acidité de l'urine diminue pendant la digestion, et la réaction de ce liquide peut, dans certains cas, devenir neutre ou alcaline. Le minimum d'acidité de l'urine se produit, en général, vers la qua- trième ou la cinquième heure de la digestion. A partir de ce moment, l'acidité de l'urine croît de nouveau pour atteindre son optimum vers la huitième ou la dixième heure après le repas, c'est-à-dire au moment où les sécrétions pancréatique et biliaire sont le plus abondantes. Au cours de [ajournée, l'acidité de l'urine présente deux maxi- ma et deux minima, qui se produisent respectivement avant et après les principaux repas. Le maximum le plus élevé suit le repas du soir, et, pendant la nuit et la matinée, l'aci- dité de l'urine prendune valeur constante. Quincke aprétendu que les variations d'acidité que l'on constate dans l'urine pendant la journée se produisent en dehors de toute influence alimentaire; mais, d'après Stigker et HCbner, l'urine des animaux soumis àun jeûne pro- longé ne présente plus les mêmes variations d'acidité. Le cycle de ces variations est tout autre. L'acidité de l'urine ne diminue réellement que lorsque la sécrétion chlorhy- drique est très abondante. En réalité, l'urine ne devient alcaline que sous l'influence de conditions tout à fait spéciales. Parmi celles-ci, il faut citer, en première ligne, certaines maladies de l'estomac. Dans l'hyperchlorhydrie simple, il est très commun d'observer, quelques heures après le i^epas, que l'urine se trouble et prend un aspect lactescent. On peut s'assurer que cet aspect est dû à la précipitation des phosphates en les faisant disparaître par quelques gouttes d'acide acétique. Or les phosphates ne précipitent que dans uue urine alcaline. Dans la forme permanente de l'hypersécrétion gastrique, ou ESTOMAC. 723 maladie de Reichmann, cet aspect lactescent de l'urine se manifeste au delà de la période digestive, et il est beaucoup plus prononcé que dans l'byperchlorhydrie simple. Dans l'ulcère et dans la dilatation de l'estomac, l'urine est aussi, dans la plupart des cas, alcaline, car ces deux maladies s'accompagnent le plus souvent d'une hypersécrétion chlorhydrique. Quincke a rapporté l'observation d'une femme atteinte de dilatation de l'estomac avec des vomissements de près de 3 litres de liquides acides dans les vingt- quatre heures. Malgré une alimentation exclusivement azotée, l'urine était alcaline. La réaction de l'urine est, au contraire, fortement acide, dans les maladies qui, comme le cancer de l'estomac, diminuent l'intensité de la sécrétion chlorhydrique. B. Sécrétion peptique. — a) Éléments cellulaires qui concourent à la formation de la pepsine. — Lorsqu'on cherche à déterminer la place qu'occupent dans la série animale les diverses régions glandulaires qui élaborent et sécrètent la pepsine, on constate que ces régions n'ont pas une localisation fixe. Chez un grand nombre de vertébrés infé- rieurs, la muqueuse stomacale semble concourir dans toute son étendue à la sécrétion de la pepsine. On connaît même certains batraciens chez lesquels la sécrétion peptique se réalise à la fois dans l'estomac et dans l'œsophage. D'autre part, chez les vertébrés supérieurs à estomac multiple (oiseaux et mammifères), la sécrétion peptique n'a lieu que dans une seule cavité qu'on appelle l'estomac glanduleux. Enfin, chez les mammi- fères qui ne possèdent qu'un estomac simple, la région cardiaque ne sécrète pas de ferment protéolytique, tandis que les régions du fond et du pylore en produisent d'une façon abondante. Les anciens auteui's étaient beaucoup plus exclusifs dans leurs affirmations; car Us limitaient le siège de la sécrétion peptique à la région du fond de l'estomac. Cette opi- nion, émise tout d'abord par Wassmann, Kolluver, Donders et Schiff, a été spécialement soutenue par Wittigii, Wolffhugel et Herrendorfer. D'après ces derniers auteurs, les glandes pyloriques sont des glandes à sécrétion muqueuse, et la pepsine qu'elles ren- ferment, c'est de la pepsine infiltrée, provenant des autres glandes de l'estomac. WiTTicH a observé, en faisant des extraits glycériques de la muqueuse du pylore, chez le lapin et chez le porc, que ces extraits se montrent en général inactifs vis-à-vis de la fibrine, et qu'en tout cas ils sont infiniment moins actifs que les extraits préparés avec la muqueuse du fond de l'estomac. Wolffhugel est arrivé aux même résultats que WiTTicH, et Herrendorfer a cru confirmer cette théorie de Vinfiltration de la pepsine, en montrant que les extraits des trois premières poches de l'estomac des ruminants, qui, comme on sait, manquent de glandes peptiques, jouissent cependant d'un certain pou- voir protéolytique. Ces expériences ont été vivement attaquées par Ebstein et Grûtzner. Pour ces physio- logistes, la pepsine contenue dans la région du pylore ne provient pas, comme le croient WiTTicH et ses partisans, d'une absortion de ce ferment par la muqueuse, mais d'une véritable sécrétion qui se fait dans les glandes pyloriques. A l'appui de cette conclusion, Ebstein et Grï'tzner apportent les preuves suivantes : 1" La muqueuse de l'appareil digestif ne jouit pas du pouvoir de fixer de grandes quantités de pepsine. Si l'on met pendant un temps relativement long la muqueuse intes- tinale vivante en contact avec le contenu de l'estomac, cette muqueuse n'acquiert pas de propriétés protéolytiques. •2» Les extraits des couches profondes de la muqueuse pylorique faits avec l'acide chlorhydrique étendu se montrent toujours plus actifs que les extraits des couches superficielles de cette môme muqueuse. Ebstei.n et Grûtzner ont fait leurs premières expériences sur le chien; mais, afin de se rapprocher le plus possible des conditions dans lesquelles s'étaient placés Wittich et Wolffhugel, ils ont opéré plus tard sur le porc, et leurs résultats ont été absolument semblables. Si Wittich, Wolffhugel et les autres expérimentateurs qui se sont ralliés à la théorie de l'infiltration de la pepsine, n'ont pas pu obtenir des. extraits véritablement actifs de la muqueuse pylorique, cela tient à ce que ces auteurs ont préparé leurs extraits à l'aide de la glycérine. Or, ainsi que Ebstein et Grûtzner l'ont montré, la glycé- rine est un très mauvais véhicule pour extraire la pepsine des glandes pyloriques. En elTet, si l'on traite simultanément deux portions égales de la muqueuse pylorique, l'une par la glycérine, l'autre par l'acide chlorhydrique étendu, on obtient deux extraits dont 726 ESTOMAC. l'activité est absolument difl'éi^enle. Le premier attaque très flifficilement la fibrine ou l'albumine, tandis que le second digère des quantités considérables de ces corps. D'autre part, il semble résulter de quelques recherches de Klug que la pepsine se trouve sous une forme spéciale dans les cellules des glandes pyloriques ; car, même en employant l'acide chlorhydrique, on n'arrive à y entraîner abondamment ce ferment qu'en faisant une série de macérations avec cette partie de la muqueuse. Dès lors, les insuccès de Wittigii et de WoLFFHtiGEL s'expliquent suffisamment. Quant aux e.xpériences de Herrendorfer, elles n'ont pas un grand intérêt, car les extraits obtenus avec les trois premières poches de l'estomac des ruminants sont loin d'avoir la même activité que les extraits du pylore. L'existence d'une sécrétion peptique dans cette région de l'estomac a été, d'ailleurs, rendue tout à fait évidente par les célèbres recherches de Klemensiewicz et de Heidexhaîn. Ces auteurs ont vu, en isolant la région du pylore du reste de la cavité stomacale, que cette région continue à sécréter de la pepsine. Les animaux de Klemensiewicz ont survécu très peu de temps, mais Heidenhain a observé, après cette opération, le même^'phénomène sur un chien qu'il a gardé cinq mois en vie, de sorte que toute autre hypothèse que celle de la formation de la pepsine par les glandes pyloriques est inadmissible. On peut donc conclure que la sécrétion peptique a lieu chez les mammifères à estomac simple, dans la région du fond et dans la région du pylore ; mais il faut admettre, avec la plupart des expérimentateurs, que la première de ces régions est à ce point de vue la plus active. Les glandes qui se trouvent dans ces régions sont formées d'éléments très variables- Celles du fond contiennent, outre les cellules de bordure et les cellules principales, des cellules muqueuses. Quant aux glandes du pylore, elles renferment aussi des cellules spécifiques et des cellules à sécrétion muqueuse. Heidenhain, le premier, formula la théorie que nous avons déjà indiquée, et d'après laquelle les cellules principales sécréte- raient la pepsine, tandis (jue les cellules de bordure sécréteraient seulement l'acide chlorhydrique. En même temps, et pour rendre plus vraisemblable son hypothèse, il assimila les cellules principales des mammifères aux cellules des glandes pyloriques de ces mêmes animaux et aux cellules des glandes œsophagiennes de la grenouille, et les cellules de bordure des mammifères aux cellules des glandes stomacales de la grenouille. On trouvera dans les travaux de Heidenhain et de ses élèves un grand nombre de faits en faveur de cette hypothèse, mais les seuls qui nous paraissent indiscutables sont ceux qui mettent en relief le rôle prépondérant que jouent les cellules principales des glandes gastriques des mammifères dans la formation de la pepsine. 1° Au cours de la digestion, les cellules principales changent de forme, de volume, de structure, de propriétés optiques et d'affinités pour les matières colorantes. Ces modifi- cations semblent être en rapport avec la formation de la pepsine. Pendant la période de jeûne, chez le chien, les cellules principales sont grosses et claires, et leur contenu pro- toplasmique est finement granuleux. Au début de la digestion, ces granulations devien- nent beaucoup plus nettes, mais le volume des cellules ne change guère; ce n'est que vers la sixième heure de la digestion qu'on voit ces éléments se ratatiner et leur protoplas- nia devenir fortement granuleux (Heidenhain). Chez d'autres animaux, la souris et le furet, par exemple, les cellules principales sont nettement granulées pendant la période du jeûne, mais pendant la digestion elles présentent deux zones distinctes : une zone périphérique, granuleuse et une zone centrale, claire (Langley etSEWALL). Enfin, chez le lapin et chez le cobaye, on trouve au début de la digestion des cellules principales dont le protoplasma est totalement granuleux, qui font partie des glandes du fond de sac de l'estomac, et des cellules qui présentent les deux zones dont nous venons de parler et qui appartiennent aux glandes de la grande courbure. En tout cas le travail de sécrétion de l'estomac se caractérise par une transformation granuleuse du protoplasma des cel- lules principales suivie de la fonte et de la disparition de ces éléments granuleux. Langley considère ces granulations comme [formées de la propepsine ou pepsinor/êne, substance qui donne naissance à la pepsine, et qui est moins soluble que celle-ci. Quant aux cellules de bordure, elles subissent des changements moins importants. D'après Heidenhain, leur contenu, trouble, devient plus clair, et leur volume augmente quelque peu, entre la sixième et la neuvième heure de 'la digestion. ESTOMAC. 72" 2° Les cellules principales disparaissent par auto-digestion bien avant les cellules de bordure, lorsque sur la platine cbauffante du microscope on expose des fragments de la muqueuse stomacale à l'action de l'acide clilorhydrique étendu (Heidenhain). 3" Les extraits des couches profondes de la muqueuse gastrique digèrent beaucoup plus vite les pinncipes albuminoïdes que les extraits des couches superficielles. Or les cellules principales sont plus nombreuses que les cellules de bordure dans les couches profondes que dans les couches superficielles (IIeidi;niiai.\, Ebstein et (ïrutz.xer). 4° La quantité de pepsine contenue dans la muqueuse stomacale ne varie pas seule- ment avec le nombre des cellules principales, mais aussi avec leur état de fonctionne- ment. Si ces cellules sont grosses et claires, la muqueuse contient beaucoup de pepsine; si elles sont contractées et opaques, la muqueuse n'en renferme que des quantité-s mini- mes (Ebstein et Grutzneu). 5° Chez les embryons de brebis, la muqueuse stomacale lie commence à renfermer de la pepsine qu'au moment oii les cellules principales apparaissent dans les glandes gas- triques (Sewall). Ce phénomène est considéré par Co.ntejean comme une coïncidence fortuite ; car, d'après cet auteur, chez le chien et chez le chat, les cellules principales apparaissent quelques jours avant qu'il y ait de la pepsine dans la muqueuse gastrique. Il faut donc s'en tenir aux quatre premiers arguments, si l'on veut montrer que les cellules orincipales contribuent réellement à la sécrétion de la pepsine. Toutefois Hei- DENHAiN et ses élèves y apportent un nouvel argument qu'ils tirent de la ressemblance frappanle qui existe entre les cellules principales des glandes du fond de l'estomac des mammifères, les cellules des glandes pyloriques de ces mêmes animaux et les cel- lules des glandes œsophagiennes de la grenouille. On sait que ces deux dernières formes de cellules sécrètent toutes deux de la pepsine. Si donc elles étaient identiques aux cellules principales, comme le prétend Heidenhain, la question serait tout à fait lésolue. Cepen- dant ces trois espèces de cellules ne sont pas identiques. Heidenhain, lui-même, Sertoli et Negrini, et à leur suite beaucoup d'autres auteurs, ont déjà insisté sur les différences de forme et d'aspect des granulations protoplasmiques et sur la réaction vis-à-vis des ma- tières colorantes que présentent les cellules principales et les cellules des glandes pylo- riques des mammifères. Ces dernières, notamment, se colorent assez bien par le bleu de quinoléine et par le violet de méthyle. Les cellules principales se colorent peu par ces réac- tifs. L'acide acétique trouble fortement le protoplasma des cellules pyloriques, qui semble contenir de la mucine, tandis que ce réactif n'agit pas sur les cellules principales. On trouve aussi des différences marquées entre ces dernières cellules et les cellules des glandes œsophagiennes de la grenouille. Contejean a signalé les suivantes : « Les cel- lules des glandes œsophagiennes ont un contenu clair à granulations fines, mais plus abondantes que dans les cellules principales de l'estomac des mammifères. Leur noyau est aussi plus facile à mettre en évidence que dans ces dernières. De plus — et cette par- ticularité paraît avoir complètement échappé à Partsch, qui a fait une étude détaillée sur l'histologie de l'intestin antérieur des batraciens — ces glandes œ.s.o'pJiagienncs préac ntenl des croissants de Giannuzzi. Ces croissants, fort difficiles à voir dans les préparations colorées àl'hématoxyline, se montrent assez bien sur des coupes traitées par le carmin picrique. L'aspect général de ces glandes rappelle alors celui de la sous-maxillaire du chat. Mais les préparations colorées par le bleu de quinoléine sont extrêmement démonslratives. Les cellules de ces croissants ont un contenu très granuleux; elles sont cyanophilos et fixent énergiquement les réactifs colorants. Elles se rapprochent par ce côté des cellules de bordure. Les autres cellules colorent aussi très énergiquement leur protoplasma, et montrent fréquemment de grandes vacuoles dans leur intérieur. L'aspect de c^s cellules claires œsophagiennes, aussi bien que la manière dont elles se comportent vis-à-vis du bleu de quinoléine, les différencie nettement des cellules principales des mammifères. » On voit donc que ces diverses cellules sont loin de constituer une espèce unique. Quant à la seconde partie de l'hypothèse de Heidenhain, se rattachant à la non-inter- vention des cellules de bordure dans la sécrétion de la pepsine, elle manque de preuves concluantes. Tout ce que les faits démontrent, c'est que les cellules de bordure con- tiennent moins de pepsine que les cellules principales; mais de là à conclure que les premières de ces cellules n'en renferment pas de traces, il y a loin. C'est peut-être peur cela que Heidenhain et ses élèves ont cherché ailleurs le fondement principal de 728 ESTOMAC. cette seconde partie de leui^ hypothèse. Pour ces auteurs, les cellules de bordure des mammifères seraient, au point de vue morphologique, absolument semblables aux cel- lules des glandes stomacales de la grenouille. De plus, la sécrétion de ces deux cellules contiendrait exclusivement de l'acide chlorhydrique. Mais ces deux nouvelles affirmations sont inexactes. En premier lieu, les cellules des glandes gastriques de la grenouille ne sont pas analogues aux cellules de bordure des mammifères. Elles se distinguent par quelques caractères bien tranchés, entre autres par celui-ci, que nous devons aux observations de Contejean. Pendant la diges- tion, le contenu des cellules gastriques de la grenouille devient souvent fort clair, et des vacuoles apparaissent dans l'intérieur. Cette modification ne se présente jamais, d'après Contejean, dans les cellules de bordure des mammilères. D'autre part, les cellules des glandes gastriques de la grenouille ne sécrètent pas exclusivement de l'acide chlorhydrique, mais elles forment aussi de la pepsine. Ce fait a été mis en évidence par les expériences de Laxgley, Frankel et Contejean. Contejean a montré que, chez le crapaud et chez la salamandre terrestre, où les glandes œsopha- giennes font défaut, les glandes gastriques sont uniquement constitue'es par des cellules semblables à celles que l'on observe dans l'estomac de la grenouille, et ces glandes sécrètent un suc gastrique très actif qui dissout rapidement les principes albuminoïdes. Il semble donc que la seconde proposition de l'hypothèse de Heidenhain ne soit pas exacte. Mais il y a plus : un certain nombre d'auteurs sont allés jusqu'à prétendre que les cellules de bordure jouent le rôle le plus important dans la sécrétion de la pepsine. Cette opi- nion est quelque peu exagérée, ou tout au moins elle ne repose pas sur des faits bien établis. C'est ainsi que Friedinger avait cru, à la suite d'une observation de Rollett, que les cellules de bordure disparaissent dans l'estomac de la chauve-souris pendant la période d'hibernation, c'est-à-dire au moment où les glandes gastriques ne produisent plus aucun travail. D'où il avait conclu que les cellules de bordure sont les éléments les plus actifs pendant la sécrétion de la pepsine^ Mais cette observation paraît inexacte. Dans un autre ordre d'idées, Herrendorfer s'est aussi déclaré partisan de l'interven- tion des cellules de bordure dans la sécrétion de la pepsine. Il a vu, contrairement aux expériences de Heidenhain, que, si l'on fait digérer la muqueuse fraîche de l'estomac d'un lapin, divisée en petits fragments, dans une solution d'acide chlorhydrique étendu à la température de 45°, les cellules de bordure deviennent plus petites et granuleuses, tandis que les cellules principales ne subissent guère de changements. Ces résultats ne [sauraient être acceptés sans réserve, attendu que les expériences de Heidenh.\in ont été confirmées depuis par beaucoup d'expérimentateurs. WoLFFiiuGEL rattache aussi la sécrétion de la pepsine au travail des cellules de bor- dure. Il prétend que, chez les animaux nouveau-nés (chien et lapin), la sécrétion de la pepsine ne devient perceptible que lorsque les cellules de bordure prennent une forme bosselée, résultant du gontlement de leur contenu et de la distension de leur mem- brane propre. Mais, à ce moment de la vie, les cellules des glandes gastriques ne sont pas encore différenciées : il est donc difficile de savoir quels sont, parmi ces éléments primitifs, ceux qui formeront plus tard les cellules principales ou les cellules de bordure. Le grand défenseur de la théorie qui localise la sécrétion de la pepsine, dans les cellules de bordure, a été surtout Moritz Nussbaum. Cet auteur avait cru d'abord que les cellules principales étaient complètement étrangères à la sécrétion de la pepsine, mais plus tard il a été obligé de convenir, avec Heidenhain, qu'elles prennent aussi une part directe à la production de ce phénomène. Malgré cette concession, Nussbaum a continué à soutenir que les cellules de bordure jouent le rôle le plus important dans la sécrétion de la pepsine; pour les raisons suivantes : i° L'estomac des embryons qui ne sécrète pas de pepsine ne renferme pas non plus de cellules de bordure. Cette découverte négative n'a aucune signification, attendu que, pendant la période embryonnaire, les cellules des glandes gastriques ne sont pas encore différenciées. 2° Chez les animaux qui, comme la chauve-souris, traversent une période d'hiberna- tion, pendant laquelle les phénomènes de sécrétion diminuent ou cessent complètement, on voit les cellules de bordure disparaître en même temps. Cette observation, qui a été faite en premier lieu par Rollett, a été contestée depuis par beaucoup d'expérimentateurs. ESTOMAC. 729 3" Chez les poissons et chez les oiseaux, les glandes gastriques ne contiennent qu'une seule espèce de cellules. Or, d'après Nussbaum, ces cellules, qui sécrètent à la fois la pepsine et l'acide chlorhydrique, seraient absolument identiques aux cellules de bordure. 4° Les glandes gastriques de la grenouille sont formées, suivant Nussbaum, exclusi- vement de cellules de bordure. D'autre part, ces glandes produisent, en même temps, la pepsine et l'acide chlorhydrique. On peut donc conclure que les cellules de bordure sécrètent de la pepsine. Nussbaum se sert ici du même argument de Heidenhain, mais en le retournant contre les conclusions de cet auteur. Toutefois, il reste à démontrer que les cellules des glandes gastriques de la grenouille sont identiques aux cellules de bordure des mammifères. Et encore l'identité histologique, si rigoureuse qu'elle soit, ne permettrait pas de conclure à l'identité physiologique. 0° Les cellules de bordure se colorent fortement, en noir par l'acide osmique. Ce même réactif n'agit ni sur les cellules principales, ni sur les cellules pyloriques. Or, s'il faut croire les observations de Nussbaum et d'EûiNGER, l'acide osmique serait un réactif spécifique de la pepsine; de sorte qu'on pourait affirmer que les cellules qui ne se colorent pas par ce réactif ne contiennent pas de ferment protéolytique. Heidenhain a protesté contre cette affirmation qu'il considère comme trop absolue. Tout ce qui se colore en noir sous l'influence de l'acide osmique n'est pas nécessairement de la pep- sine, et eu outre certains éléments cellulaires qui sécrètent sans aucun doute de la pep- sine, comme les cellules pyloriques, ne se colorent pas par l'acide osmique. H semble donc que ce réactif n'agit sur les cellules des glandes gastriques que dans des conditions spéciales, encore mal déterminées. Dès lors, les observations de Nussbaum et d'EoiNGER perdent beaucoup de leur intérêt. La faiblesse de ces arguments n'a pas empêché Trinkler, Sghenck et Klug d'accepter les idées de Nussbaum sur le fonctionnement des cellules de bordure. CoNTEJEAN a interprété de toute autre façon que Heidenhain et que Nussbaum le rôle joué par les cellules principales et par les cellules de bordure dans la sécrétion de la pepsine. Il prétend que les premières de ces cellules sécrètent les éléments liquides du suc gastrique et renferment de la propepsine soluble; tandis que les cellules de bordure élaboreraient surtout de la propepsine insoluble. Pour cela il s'appuye sur certains tra- vaux de A. Gautier, et sur quelques observations qui lui sont propres. A. Gautier a montré que la muqueuse de l'estomac fournit deux sortes de propepsine : l'une soluble, très active ; l'autre insoluble, devenant active et soluble au contact des acides étendus. En partant de cette observation, Gontejean s'est demandé si les diffé- rences de digestibilité que présentent les cellules principales et les cellules de bordure, lorsqu'on les met au contact de l'acide chlorhydrique étendu, ne tiendraient pas à ce que les unes renferment spécialement de la propepsine soluble, tandis que les autres contiennent surtout de la propepsine insoluble. Pour résoudre cette question, il a fait les expériences suivantes : , 1° On met à infuser pendant vingt-quatre heures dans la même quantité d'eau pure (100 grammes) cinq œsophages de grenouille d'une part, et d'autre part cinq estoiliacs du même animal. On obtient ainsi deux extraits renfermant la presque totalité de la propepsine soluble contenue dans les glandes de ces régions du tube digestif. On acidulé ces extraits à 1 p. 1000, et on leur fait digérer des morceaux égaux d'albumine coagulée. L'extrait œsophagien est beaucoup plus actif que l'extrait stomacal, qui attaque très len- tement le bloc d'albumine. 2° On fait ensuite digérer à 38° pendant vingt-quatre heures ces œsophages et ces esto- macs épuisés par l'eau, en les plaçant séparément dans deux Uacons renfermant chacun la même quantité (100 grammes) d'acide chlorhydrique à 1 p. 1000. Ces deuxièmes extraits fournissent la propepsine insoluble, transformée en pepsine active par l'acide chlorhydrique. Or, si l'on mesure la force digestive de ces nouvelles infusions, on cons- tate l'inverse de tout à l'heure; c'est à dire que l'extrait de l'estomac est maintenant beaucoup plus actif que celui de l'œsophage. De ces expériences, Gontejean conclut que les glandes œsophagiennes de la grenouille, qui contiennent plus de cellules claires que les glandes gastriques, renferment plus de propepsine soluble que celles-ci, et, quoiqu'il n'ose assimiler les cellules de ces glandes ni aux cellules principales, ni aux cellules de bordure des mammifères, il 730 ESTOMAC. ajoute qu'on peut logiquement supposer que les granulalions très abondantes des cel- lules de bordure sont formées par la propepsine insoluble de Gautier, tandis que les granulations plus fines des cellules principales sont constituées par la propepsine soluble. En dehors des hypothèses de Heidenhain, de Nussbaum et de Contejean, il en est d'autres qui envisagent sous un jour dilférent l'activité fonctionnelle des cellules des glandes gastriques. 1" Des deux espèces de cellules qui composent les glandes du fond de l'estomac, chez les mammifères, cellules de bordures et cellules principales, il y en a une qui sécrète les deux éléments essentiels du suc gastrique (la pepsine et l'acide chlorhydrique), tandis que l'autre ne sécrète que du liquide. Il se passerait ainsi dans l'estomac quelque chose d'analogue à ce qui se passe dans le rein. Cette idée avait été exprimée pour la pre- mière fois par Heidenhain. 2° Chacune de ces espèces de cellules élabore une substance spéciale, et l'union de ces deux produits donne naissance à la pepsine. 3° Les deux espèces de cellules sécrètent les mêmes substances, mais il y en a une qui est plus active au commencement de la digestion, ou bien encore, qui sécrète une plus grande quantité de suc gastrique que l'autre. Laissons ces hypothèses peu satisfaisantes, et, en se basant sur les faits les mieux établis, formulons les conclusions suivantes : 1° Chez les vertébrés supérieurs (mammifères), la sécrétion peptique se produit à la fois dans la région du fond et dans la région pylorique de l'estomac. Les glandes qui composent ces régions ne présentent pas la même activité, et peut-être ne possèdent- elles pas une fonction identique. Les glandes du fond sont certainement plus actives que les glandes du pylore. Il semble en outre que ces deux espèces de glandes n'éla- borent pas de la même façon la pepsine. Si l'on étudie le mécanisme intime de la sécrétion peptique dans ces diverses régions glandulaires, on trouve que, dans les glandes du fond, les cellules principales sont plus actives que les cellules de bordure, et, dans les glandes du pylore, les cellules du cul-de-sac plus actives que les cellules du col. 2" Chez les vertébrés inférieurs, la sécrétion peptique n'a pas de localisation fixe. Ainsi, chez un grand nombre de poissons, la muqueuse stomacale semble concourir dans toute son étendue à la formation de la pepsine. Chez quelques batraciens, cette sécré- tion se réalise en môme temps dans l'œsophage et dans l'estomac. Enfin, chez les reptiles et chez les oiseaux, c'est la région du fond de l'estomac qui est la plus active; mais |il n'est nullement prouvé que la région pylorique de ces animaux n'intervienne pas aussi dans la sécrétion de la pepsine. Chez ces animaux, de même que chez tous les autres vertébrés inférieurs, les glandes gastriques ne renferment qu'une seule espèce de cellules douées d'une sécrétion spécifique. b) Origine et mode de formation de la pepsine. — On admet généralement que la pepsine n'existe pas toute /ormée dans les cellules des glandes gastriques. Les faits sur lesquels repose cette opinion sont les suivants : 1° L'activité digestive des extraits acides de la muqueuse stomacale augmente sensiblement avec le temps de la macération. Tout se passe comme si ces extraits contenaient une certaine substance se transformant peu à peu en pepsine (Schiff). 2° Si l'on épuise la muqueuse gastrique par la glycérine neutre de façon à lui enlever toute la pepsine soluble qu'elle renferme, on peut, en traitant ensuite cette même muqueuse par une solution étendue d'acide chlorhydrique ou de sel marin, en extraire de nouvelles quantités de pepsine. Ebstein et Grl'tzner conclurent de cette expérience que les cellules glandulaires de l'estomac ne forment pas directement la pepsine, mais bien un corps qui, dans certaines conditions, se transforme enpepsine active, corps qu'ils désignèrent sous le nom de pepsinogène. C'est cette même substance que Schiff a appelé plus tard propepsine. 3» Les solutions artificielles de pepsine perdent leurs propriétés protéolytiques en moins d'une minute, quand, après les avoir neutralisées, on les porte à la température de 37» en présence de 5 millièmes de soude. Au contraire, les extraits récemment préparés avec la muqueuse de l'estomac, résistent beaucoup mieux à l'action destructive des alcalis et des sels alcalins, surtout si ces extraits proviennent de l'estomac d'un animal sacrifié pendant la période de jeûne. Langley voit dans cette expérience la preuve ESTOMAC. - 731 que les cellules des glandes gastriques renferment plus de propepsine que de pepsine, et en même temps que cette dernière substance est plus facilement détruite par les alcalis que la première. Postérieurement, Edki.ns et Langley ont complété ces recherches en montrant que l'acide carbonique permet aussi d'établir une distinction entre le pepsinogène et la pepsine. Ils unt vu qu'un courant d'acide carbonique détruit beau- coup plus rapidement le pepsinogène que la pepsine. Cette destruction devient surtout très active en présence de petites quantités de sulfate de magnésium, d'acide acétique ou de carbonate de sodium. Elle est très gênée par la peptone, la globuline et l'albumine. 4° Si l'on fait avec deux portions égales delà muqueuse stomacale deux extraits gly- cérines, l'un acidifié immédiatement après sa préparation, l'autre quelques heures plus tard, au moment même où l'on va mesurer la puissance protéolytique de ces deux extrait?, on constate que le premier est beaucoup plus actif que le second. Podwyssovsky croit démontrer ainsi qu'il y a dans la muqueuse gastrique une substance spéciale qui se transforme en pepsine active sous l'influence de l'acide. Cette transformation s'accom- plit également en présence de l'oxygène. Podwyssovsky a vu, en abandonnant la muqueuse fraîche d'un estomac cà la température du laboratoire au contact de l'air humide ou mieux encore de l'oxygène saturé de vapeur d'eau, que celte muqueuse devient très riche en pepsine, au bout de vingt-quatre heures. On trouverait dans le pro- toplasma des cellules des glandes gastriques, une série de corps représentant les diverses phases de l'évolution de la pepsine, jusqu'au moment où celle-ci devient un principe actif. PoDWYssovzKY désigne ces divers corps par les noms de jrropepsine a, insoluble dans la glycérine, et de propepsine p, soluble dans ce liquide. 5" Enfin, A. Gautier a réussi à isoler de la muqueuse stomacale du mouton et du porc, une pepsine insoluble, semblable au pepsinogène des auteurs allemands, et deux pepsines solubles : une imparfaite, qui peptonise incomplètement la fibrine de bœuf, et une autre parfaite, analogue à la pepsine ordinaire du suc gastrique. Ainsi les cellules des glandes gastriques renferment un ou plusieurs corps capables de se transformer, sous l'influence de causes très diverses, et spécialement au contact de l'acide chlorhydrique étendu, en pepsine active. Toutefois DucLAUs proteste contre cette conclusion, et interprète ces faits d'une manière très différente. Il prétend qu'il est inutile d'invoquer l'existence de ces corps hypothétiques qu'on appelle les proferments ou zymogènes. Il suffit d'admettre que la pepsine se trouve fortement fixée par les matériaux chimiques qui composent les élé- ments cellulaires des glandes gastriques. Alors on comprend très bien : 1° que l'acti- vité des infusions stomacales augmente avec le temps de la macération; c'est-à-dire, au fur et à mesure que la pepsine devient libre sous l'influence des forces de dissociation (chaleur, lumière, eau, oxygène, acides, etc.); 2° que les divers réactifs qu'on utilise pour extraire la pepsine de la muqueuse stomacale fournissent des liqueurs plus ou moins actives, suivant qu'ils sont doués de propriétés de dissociation plus ou moins énergiques; 3° que la pepsine résiste beaucoup mieux à l'action destructive des agents physiques et chimiques quand elle fait partie du corps de la cellule, que quand elle est à l'état de simple solution. Cependant l'hypothèse de Duclaux se trouve en désaccord avec ce fait, signalé par Edkins et Langley, qu'un courant d'acide carbonique détruit beaucoup plus rapidement le pepsinogène que la pepsine. D'autre part, il est impossible de ne pas prendre en considération les recherches de A. Gautier, démontrant qu'on peut extraire d'une même muqueuse gastrique plusieurs espèces de pepsine. Contre ces deux arguments, Duclaux ne soulève aucune objection, de sorte que nous croyons plus rationnel d'admettre que les cellules des glandes gastriques renferment un ou plusieurs corps donnant naissance à la pepsine active. Ces corps dérivent probablement, à leur tour, des matériaux albuminoïdos qui com- posent les protoplasmes des cellules glandulaires. En ellèt tout porte à croire que la pepsine est une substance azotée. C'est ce que démontrent, tout au moins, les analyses faites par Sùndberg, sur une espèce de pepsine aussi pure que possible. ScHiFi-' avait cru, en voyant qu'une solution de dextrine injectée dans le système circulatoire activait la sécrétion du suc gastrique, que cette substance donnait naissance à la pepsine; mais ensuite il a dû abandonner cette ide'e, oour admettre, avec son 732 > ESTOMAC. élève Herzen, que les principes peptogènes n'interviennent dans la sécrétion du suc gastrique qu'en acLivant la transformation de la propepsine en pepsine. En tout cas, la transformation de la propepsine en pepsine s'accomplirait essentiellement au moment de la sécrétion; car la muqueuse stomacale renferme plus de propepsine pendant la période de jeûne que pendant la période de digestion (Heidenhain), et, tandis que la transformation de la propepsine en pepsine est un pi'ocessus intermittent, la formation de la propepsine est un procei^tiu.'^ continu. c) Physiologie comparée de la sécrétion peptique. — Vers la fin du xvui" siècle, Spallanzani avait déjà cherché à étudier les conditions dans lesquelles se faisait la diges- tion gastrique chez les Poissons. 11 constata, en introduisant dans l'estomac de quatre anguilles vivantes une série de tubes remplis de chair de poisson, que la chair était atta- quée et finalement dissoute par le suc gastrique sans l'intervention d'aucune force méca- nique; car les tubes dont il se servait pour cette expérience ne présentaient pas, après avoir séjourné plusieurs jours dans l'estomac, la moindre trace de déformation. Spal- lanzani eut aussi l'occasion de voir, en ouvrant quelques espèces de Poissons qui avaient avalé des proies, que la digestion se faisait beaucoup plus vite dans les parties pro- fondes de l'estomac. Il ajouta cependant que l'estomac n'était pas le seul organe de digestion chez tous les Poissons, mais que, chez certaines espèces, l'œsophage pou- vait aussi remplir un rôle digestif, quoique à un degré d'activité moindre. Cinquante années plus tard, Tiedemann et Gmelin ne firent que commenter les obser- vations de Spallanzani et des anciens auteurs, Sténon, Brunner, Lohenzini, Réaumur, etc.. sans y ajouter de faits nouveaux essentiels. Ce n'est qu'en 1873, c'est-à-dire un siècle après les recherches de Spallanzani, qu'on trouve dans un travail de Fick et Murisier quelques données vraiment intéressantes sur les conditions dans lesquelles le suc gas- trique artificiel des poissons peut développer sa puissance protéolj'tique. Ces auteurs ont constaté que les extraits d'estomac de la truite et du brochet digèrent les principes albuminoïdes à des températures beaucoup plus basses que les extraits d'estomac des mammifères. Ils en ont conclu que le ferment peptique con- tenu dans ces deux extraits n'était pas de la même nature. Luchau montra que, chez les Poissons qui ne possèdent pas d'estomac au sens histo- logique du mot, comme par exemple les Cyprinoïdes, la muqueuse stomacale ne donne pas d'extraits actifs en milieu acide. Il aboutit donc à cette conclusion que la sécrétion peptique n'existe pas chez ces espèces d'animaux. Mais, chez tous les Poissons qui possèdent des glandes gastriques, Luchau trouva toujours, dans la muqueuse stoma- cale, un ferment agissant sur la fibrine en milieu acide. Cet auteur soutint cependant, contrairement aux observations de Fick et Murisier, confirmées par celles de Hoppe- Seyler, que la puissance protéolytique de la pepsine des Poissons est beaucoup plus con- sidérable à 40" qu'à 15". Presque en même temps que Luchau, Krukenberg entreprenait des recherches étendues sur la physiologie de l'appareil digestif des Poissons. Il se proposa de déter- miner la topographie exacte des diverses sécrétions digestives, ainsi que la nature de ces sécrétions. Les résultats de ses recherches ont fait l'objet de plusieurs mémoires; mais nous ne parlerons ici que de ceux qui se rapportent aux sécrétions stomacales elles-mêmes, et en particulier à la sécrétion peptique. L'estomac des Poissons se comporte, selon Krukenberg, d'une manière tout à fait dif- férente suivant l'animal qu'on considère. Chez les Sélaciens, les Ganoïdes et quelques Téléostéens, cet organe sécrète une pepsine semblable à celle des Mammifères, en ce sens qu'elle agit en milieu acide, mais différente au point de vue de la température relativement basse à laquelle son activité demeure entière. Chez les Sélaciens et les Ganoïdes, la portion initiale de l'intestin moyen contribue aussi à la sécrétion de la pepsine. Chez certains Téléostéens, tels que Zeus faber et Scomber scomber, l'estomac ne produit de la pepsine que dans sa portion antérieure: le fond de cet organe sécrète à la fois de la pepsine et de la trypsine, ou, pour mieux dire, un suc capable de digérer la fibrine aussi bien en présence d'un alcali que d'un acide. Chez d'autres Téléostéens, Gobiiis et Cyprinus, dont l'appareil digestif manque de glandes gastriques, l'estomac ou l'organe prétendu tel ne sécrète ni pepsine, ni trypsine, de sorte que la digestion chez ces animaux doit se réaliser complètement dans la cavité de l'intestin moyen. ESTOMAC. 733 Krukenberg a voulu savoir en outre quel était le rôle joué par les appendices pylo- riques chez les espèces de Poissons qui possèdent, ces organes. De même que pour l'esto- mac, il a trouvé que ces appareils avaient un rôle très difîérent en passant d'un animal à l'autre. Ainsi, chez Acipenser sturio, Morella tricivrhata et Lophms jjiscatorhis, la muqueuse des appendices pyloriques l'enferme non seulement de la pepsine, mais aussi une trypsine et une diastase; chez Trachinus draco, Scorpaena scrofa et Zem faber, cette même muqueuse ne contient que de la pepsine et de la trypsine; chez Umbrina cirrhosa, Uranoscopus scaber et Chrysophrys auvata, exclusivement de la pepsine; chez Deniex vul- garis, de la trypsine et de la diastase, mais pas de pepsine; enfin, chez Alausa fisita, Tri- gla hirudo et Boops vulgaris, les appendices pyloriques ne produisent que de la trypsine. Chez les autres espèces de Poissons, Krukenberg n'a trouvé dans la cavité des appendices pyloriques que du mucus et du chyle, et il incline à croire que, dans ce cas, ces appareils jouent le rôle de simples orf:çanes d'absorption, ainsi que Edinger l'avait déjà soutenu. Vers la même époque que Krukenberg, Ch. Richet publia aussi un ensemble d'observa- tions intéressantes sur le suc gastrique des Poissons. Après avoii- constaté que ce suc est beaucoup plus concentré et beaucoup plus acide que celui des Mammifères, il étudia le pouvoir digestif de ce liquide dans diverses conditions de température et d'acidité. Conformément aux résultats obtenus par Fick, Ch. Richet observa, en collaboration avec MouRRUT, que le suc gastrique des Poissons agit sur les principes albuminoïdes à des températures beaucoup plus basses que le suc gastrique des Mammifères. Ainsi l'extrait de la muqueuse stomacale de Lophiiis et Scyllium peptonise la fibrine à 12°, tandis que la pepsine de porc n'agit pas à cette même température. Au contraire, le suc gastrique du chien est plus actif que celui des Poissons à 40°. On voit donc que, d'après ces auteurs, la pepsine des Poissons n'a pas la même courbe d'activité en fonction de la tempéra- ture que la pepsine des Mammifères. Un autre caractère qui permettrait, selon Ch. Richet et MouRRUT, de distinguer ces deux sortes des pepsines, consisterait en ce fait que le suc gastrique des Poissons est capable de transformer les principes albuminoïdes en pré- sence de doses beaucoup plus fortes d'acide que le suc gastrique des Mammifères. C'est ainsi que, pour arrêter l'action protéolytique du suc gastrique des Poissons, il faut au moins une acidité de 25 p. 1000 d'acide chlorhydrique, tandis qu'avec des doses beaucoup plus faibles d'acide on paralyse complètement le suc gastrique des Mammifères. Ch. Richet et MouRRUT ont constaté, en outre, que les sécrétions stomacales se produisent chez les Poissons comme chez les Mammifères sous l'influence de l'excitation alimentaire et qu'elles cessent tout à fait pendant la période de jeune. Raphaël Blanchard s'est aussi occupé de la digestion gastrique chez les Poissons, et plus spécialement des appendices pyloriques. Contrairement aux idées d'EoiNGER, R. Blanchard considère ces organes comme des représentants imparfaits du pancréas, qui livrent dans' leurs produits de sécrétion un ferment diastasique, transformant l'ami- don en glucose, et un ferment protéolytique, analogue à la trypsine des Mammifères, et agissant comme celle-ci dans un milieu alcalin. Stirling pense aussi que les appendices pyloriques sécrètent de la trypsine. Il a vu, en opérant sur le hareng, la morue et la merluche, que les extraits de l'estomac de ces animaux agissent sur la fibrine en milieu acide, tandis que les extraits des appendices pyloriques ne se montrent actifs qu'en présence d'une certaine quantité de carbonate de soude. Il conclut que l'estomac de ces Poissons renferme de la pepsine, tandis que les appendices pyloriques ne contiennent que de la trypsine. Quoi qu'il en soit, ces divers travaux nous montrent que l'appareil digestif des Poissons n'est pas constitué suivant un type physiologique unique, mais qu'il présente des diffé- rences assez notables en passant d'une espèce à l'autre. On peut cependant, en se basant sur les recherches de Luchau et spécialement sur celles de Kruke.nberg, classer les Pois- sons en deux groupes sous le rapport de la fonction digestive. Le premier groupe com- prend tous les Poissons qui ne possèdent pas de glandes peptiques et qui manquent par conséquent d'estomac au sens histologique du mot. Chez ces animaux, parmi les- quels il faut citer au premier rang les Cyprinoides, la digestion des albuminoïdes se fait principalement dans l'intestin moyen à l'aide d'un ferment qui ressemble à la trypsine des Mammifères, et qui, comme celui-ci, n'agit sur les matières protéiques qu'en milieu neutre ou alcalin. Chez ces êtres on ne trouve pas de traces de sécrétion peptique. Le lU ESTOMAC. second groupe de Poissons est formé par toutes les espèces qui possèdent un estomac proprement dit, c'est-à-dire un organe renfermant dar.s sa constitution structurale de véritables glandes gastriques et sécrétant pendant sa période d'activité de l'acide chlo- rhydriqiie et de la pepsine. Chez ces êtres, qui sont de beaucoup les plus nombreux, la digestion stomacale se rapproche sensiblement de celle des Mammifères, mais il serait imprudent d'affirmer que les deux processus sont absolument identiques. Tous les auteurs n'ont pas accepté les idées de Luchau et de Krgkexberg sur la phy- siologie de l'appareil digestif des Poissons. Decker a prétendu que, chez quelques espèces de Poissons qui manquent de glandes peptiques {Cyprinus carpio, Tinca vulgaris, Cohitis fûssIIÏ!^, etc.), on trouve de la pepsine, non seulement dans la muqueuse stomacale, mais aussi dans toutes les autres portions de l'appareil digestif, comme le cloaque et les appendices pyloriques. Donc la sécrétion peptique ne se ferait pas chez les Poissons par des cellules différenciées, ressemblant, de près ou de loin, aux cellules principales ou aux cellules de bordure des mammifères, mais par les cellules superficielles de la muqueuse digestive qui n'ont rien de bien spécifique. Cependant la plupart des physio- logistes admettent les idées de Luchau et de Krukenberg. C'est que, contrairement à ce qu'on aurait pu supposer tout d'abord, étant donné la façon consciencieuse dont le tra- vail de Decker paraissait être conduit, les expérimentateurs qui sont venus après lui ont infirmé les conclusions de son travail. Zuntz et Knauthe ont vu sur la carpe, espèce qui ne possède pas de glandes peptiques, que toute la muqueuse intestinale, et principale- ment celle de la portion antérieure de l'intestin, produit un ferment tryptique énergique, mais ils n'ont pu découvrir dans aucun endroit de l'appareil digestif de cet animal la moindre trace de pepsine. Emile Yung a opéré, dans la plupart des cas, sur les mêmes espèces de Poissons que Ch. Richet, c'est-à-dire sur Scijllium et Acantldas. Son premier but a été de savoir quelles sont chez ces deux espèces d'animaux les régions de l'appareil digestif qui sécrètent de la pepsine. Il a constaté, en faisant des extraits acidulés des muqueuses buccale et œsophagienne de ces animaux, qu'aucun de ces extraits ne jouit du pouvoir de dissoudre la fibrine ou l'albumine. Au contraire, les extraits de la muqueuse sto- macale, ainsi que le suc gastrique, dissolvent rapidement les albuminoïdes. Ces expé- riences ont été faites, tantôt à la température ordinaire, tantôt à la température de l'étuve, entre 36° et 40°; mais Yung a toujours observé, contrairement à Mûrisier et à Hoppe-Sëyler, que la digestion est plus active à cette dernière température. Une autre question est de savoir si le suc gastrique des Poissons peut transformer les albumi- no'ides en peptone in vivo et in vitro. Les résultats sont assez ditférents suivant qu'on analyse les produits de la digestion elle-même ou les produits de la digestion stoma- cale in vitro. En examinant le contenu stomacal de plusieurs espèces de Squales {Scyl- liiim, Acanthias et Galeus caiiis), après quelques heures de digestion, Yung est arrivé à y déceler la présence de la peptone un assez grand nombre de fois. Il faut donc admettre, dit-il, que chez ces annnaux le séjour des aliments dans l'estomac, quoique n'excédant pas vingt-quatre heures, et étant probablement môme beaucoup plus court à l'ordi- naire, suffit pour que les substances albuminoïdes y soient transformées, au moins en partie, jusqu'à leur degré ultime de peptonisation. 11 n'en est pas de même si l'on fait des essais de digestion in vitro avec le suc gastrique artificiel. Dans ce cas, la fibrine se dissout rapidement; mais, au bout de quatorze heures de digestion, on ne trouve pas encore de peptone dans les liquides digestifs. Ce n'est qu'après 48 heures de digestion qu'on commence à constater la présence de cette substance. Yung croit pouvoir conclure que le suc gastrique sécrété et contenu dans l'estomac des Poissons est plus efficace pour amener une entière peptonisation de la fibrine que le suc gastrique artificiel obtenu par la macération de la muqueuse stomacale dans l'eau acidulée. Toutefois il reconnaît que, pour juger de la valeur de ces différences, il faudrait faire des épreuves avec une même substance albuminoïde. YuiNG a aussi étudié le fonctionnement de la muqueuse pylorique chez ces espèces de Squales. On sait que chez ces animaux la portion tubulaire de l'estomac, qui repré- sente le trait d'union entre cet organe et l'intestin, et à laquelle Ch. Richet a donné le nom de détroit pylorique, ne contient pas de glandes peptiques. Il était donc intéressant de savoir si cette région pouvait former de la pepsine. Dans ce but, Yung a fait des extraits ESTOMAC. * 735 acidulés de la muqueuse pylorique après avoir débarrassé celle-ci par un lavage prolongé de tous les matériaux qui souillaient sa surface. Ces extraits n'ont pas tardé à gonfler et dissoudre la fibrine; mais les mélanfj;es résultant de cette dissolution ne conte- naient, au bout de quelques heures de digestion, que des quantités assez appréciables de syntonine, formées certainement sous linfluence de l'acide chlorhydrique étendu. Dans aucun cas Yung n'a pu obtenir de la peptone, ce qui lui fait conclure que la mu- queuse pylorique de ces animaux n'élabore pas de pepsine. Chez les Batraciens, la sécrétion peptique a lieu exclusivement dans la cavité de l'estomac. Il faut faire cependant une exception en faveur de la grenouille. Chez cet animal, la muqueuse œsophagienne contribue pour une large part à la formation do la pepsine. Sviegigiu, à qui revient le mérite de cette découverte, a trouvé qu'on peut extraire beaucoup plus de pepsine de la muqueuse de l'œsophage de la grenouille que de la muqueuse gastrique de cet animal. Il a prétendu, en outre, que les faibles quantités de pepsine qu'on trouve dans cette dernière partie de la muqueuse digestive, proviennent de la sécrétion des glandes œsophagiennes. Enfin, d'après Sviecicki, la grenouille ne serait pas le seul Batracien chez lequel la sécrétion peptique aurait exclusivement lieu dans la cavité de l'œsophage; d'autres espèces, telles que Peleobates fïiscus, Hyla arborea, Bufo variabilis et quelques Tritons, présenteraient encore le même phénomène. Partsch a souscrit à toutes les conclusions de Sviecicki, excepté à la dernière. Pour cet auteur, la quantité de pepsine qu'on ti'ouve dans l'œsophage de Peleobates fuscus, Hyla arborea, Bufo variabilis et les autres espèces indiquées par Sviecicki, est tellement faible, qu'on a peine à croire qu'elle soit le résultat d'une sécrétion des glandes œsophagiennes. Mais, chez la grenouille, Partsch admet avec Sviecicki que la sécrétion peptique se produit exclusivement dans la cavité de l'œsophage. Les glandes gastriques de cet animal sécréteraient seulement de l'acide chlorhydrique. On sait tout le parti qu'on a voulu tirer de ces expériences en faveur de la théorie de Heidenhain sur la sécrétion de la pepsine. A vrai dire, ainsi que Langley, Frânkel et CoNTEjEAN l'ont démontré depuis, l'estomac de la grenouille ne sécrète pas seulement de l'acide chlorhydrique, mais il produit aussi de la pepsine. Ce fait mis à part, il n'en reste pas moins bien établi que l'œsophage de la grenouille joue un rôle extrêmement important dans la sécrétion de la pepsine. D'après Franrel, les glandes œsophagiennes sécréteraient autant, mais pas plus de pepsinogène et de pepsine que les glandes de l'estomac, tandis que Contejean croit, comme Sviecicki, que la production de pepsine est beaucoup plus abondante dans l'œsophage. Cet auteur émet, en outre, l'hy- pothèse que les cellules des glandes œsophagiennes élaborent principalement de la pepsine soluble, tandis que les cellules des glandes stomacales fabriquent surtout de la propepsine insoluble. Chez les autres Batraciens, la sécrétion peptique a lieu exclusivement dans l'estomac. Il reste à savoir si toutes les régions de cet organe contribuent également à la forma- lion de la pepsine. La plupart des auteurs admettent que cette sécrétion a principale- ment lieu dans la région du fond de l'estomac, où se trouvent localisées toutes les glandes peptiques. Néanmoins, Sviecicki, Partsch et Langley ont pu extraire de la mu- queuse pylorique de l'estomac de la grenouille de faibles quantités de pepsine, mais ces quantités étaient tellement faibles que ces auteurs pensent que la région pylorique des Batraciens est dépourvue de toute sécrétion spécifique. Il eu doit être de même pour l'estomac des Reptiles. Chez ces animaux, la région pylorique ne renferme que des glandes muqueuses, et, d'après les recherches de Partsch, confirmées par celles de Langley, cette région ne contient guère de pepsine. La sécré- tion de ce ferment se fait, au contraire, très abondamment dans la région du fond de l'estomac. Quanta la muqueuse œsophagienne des Reptiles, elle ne possède chez aucune espèce de ce groupe la propriété de sécréter aucun ferment protéolytique. Chez les Oiseaux, la pepsine s'élabore exclusivement dans le premier estomac, ou estomac glanduleux, et c'est toujours la région du fond de cet organe, où se groupent les glandes gastriques, qui contribue le plus puissamment à la sécrétion de la pepsine. Chez quelques espèces d'Oiseaux, il existe une zone intermédiaire, qui sépare l'estomac glan- duleux de l'estomac musculeux. Cette zone renferme parfois un certain nombre de glandes gastriques et peut par conséquent sécréter un peu de pepsine, mais cette 736 " ESTOMAC. sécrétion est absolument insignifiante par rappox't à celle de l'estomac glanduleux. Quant à l'estomac musculeux des Oiseaux, il ne possède pas de sécrétion peptique, mais une sécrétion muqueuse spéciale, donnant lieu chez la plupart des espèces à la formation d'une substance cornée Caractéristique. Toutefois Cattaneo a soutenu que, chez quelques Oiseaux de proie, où l'estomac musculeux est peu développé, comme par exemple VOtus vulgaris, la portion pylorique de l'organe qui remplace l'estomac sécrète tous les éléments actifs du suc gastrique. Nous croyons cependant qu'il ne fau- drait pas accepter cette observation sans réserves. La sécrétion peptique tend à se localiser beaucoup plus chez les Mammifères que chez les autres Vertébrés, Si l'on envisage les Mammifères à estomac aimple, on trouve que chez ces animaux il n'y a que la région du fond de l'estomac et la région pylorique qui sécrètent de la pepsine. Il est vrai, que chez beaucoup de ces espèces, la région œsopha- gienne n'existe pas et que la région cardiaque est peu développée, de sorte qu'on com- prend, jusqu'à un certain point, qu'on ait pu affirmer que, chez les Mammifères à estomac simple, toute la muqueuse gastrique concoure à la formation de la pepsine. Cette affir- mation n'est cependant pas tout à fait exacte, car il existe un nombre assez considérable de ces animaux (cheval, porc, rat, etc.) chez lesquels la muqueuse gastrique est dépour- vue, dans une grande partie de son étendue, de toute fonction peptique. Chez les Mam- mifères à estomac multiple, on trouve le plus souvent une cavité destinée à la sécrétion du suc gastrique. Cette cavité élabore en même temps de l'acide chlorhydrique et de la pepsine. Elle est représentée chez les Ruminants par le quatrième estomac qu'on désigne sous les noms de Caillette, Labmagen, Abomasiis, Ventriculus intestinalis, Rohm, Tettmagen, Taliscus, Burystron, il Qiiaglia, il Quayliette, Franchemide, Muletta, etc. La mu- queuse qui revêt cette quatrième cavité est formée de deux régions distinctes : une région du fond et une région pylorique, et les glandes qui composent ces deux régions se rapprochent sensiblement de celles que possèdent les autres Mammifères. On peut donc conclure que toute la muqueuse du quatrième estomac des Ruminants sécrète ou élabore de la pepsine. Chez les autres mammifères à estomac multiple, la sécrétion peptique a lieu aussi dans les cavités les plus proches de l'intestin et par conséquent les plus éloignées de l'œsophage. C'est du moins à cette conclusion que l'on arrive lorsqu'on étudie la dis- tribution des glandes peptiques chez ces animaux, car nous n'avons pas à ce sujet de données physiologiques. Les seuls mammifères de ce groupe qui paraissent faire exception à la loi exprimée antérieurement, ce sont les Cétacés. Chez la plupart de ces animaux on trouve en efTet la totalité des glandes peptiques groupées dans la deuxième cavité de l'estomac. La troisième, la quatrième et même la cinquième cavité, lorsqu'elle existe, ne renferment pas de glandes à pepsine. On remarquera cependant que les auteurs qui ont fait ses observations n'hésitent pas à considérer la deuxième cavité glandulaire de l'estomac des Cétacés comme semblable à la région du fond de l'estomac des autres mammifères, et la troisième et quatrième cavité de l'estomac des Cétacés comme plus ou moins analogues à la région pylorique de ces derniers. Or, si l'on tient compte de ce fait que chez les Mammifères à estomac simple ces deux régions sécrètent de la pepsine, on ne voit pas pourquoi elles ne feraient pas de même chez les Cétacés. En dehors de ces deux groupes de Mammifères, il en existe encore un autre qui mérite, au point de vue dont nous nous occupons maintenant, une mention spéciale. Ce groupe, auquel nous avons fait allusion dans la partie anatomique de cet article, se trouve constitué par toute la série des Monotrèmes. Chez ces animaux, l'estomac présente cette caractéristique importante de ne pas posséder de glandes peptiques, et tout porte à croire que cet organe se trouve aussi dans l'impossibilité de sécréter de la pepsine. On voit donc que, même chez les Vertébrés supérieurs, la sécrétion peptique peut tota- lement faire défaut, ce qui semble démontrer que cette sécrétion n'est nullement néces- saire à l'entretien de l'organisme. Ces différences de localisation que présente la sécré- tion peptique dans la série des Vertébrés ne sont pas les seules variations que subit ce processus digestif chez ces divers animaux. Le mécanisme même de cette sécrétion •éprouve des modifications importantes au fur et à mesure que les espèces animales se développent et que leurs fonctions digestives deviennent plus compliquées. Ainsi, chez les Vertébrés inférieurs, il n'y a qu'une seule espèce de cellules qui élabore de la pep- ESTOMAC. 737 sine, tandis que chez les Mammifères les glandes gastriques renferment deux sortes d'éléments [cellule!^ principales et cellules de bordure) qui, tous deux, semblent concourir à la formation de la pepsine. Cette augmentation dans le nombre des éléments pep- tiques doit nécessairement entraîner quelque modilication dans la marche de ce pro- cessus. En tout cas, nous savons, depuis les recherches de Fick et Murisier sur le suc gas- trique des Poissons et des Batraciens, que la pepsine de ces animaux est assez différente de celle des animaux à sang chaud. 11 semble même, d'après les recherches de Klug et de Wroblewski, que la pepsine de certains Mammifères (enfant, chien, porc et ^vache) chez lesquels les glandes gastriques paraissent appartenir au même type histologique, pré- sente aussi des différences d'activité assez considérables en passant d'un animal à l'autre; mais, môme dans ces cas, on n'aurait pas de peine à voir, en examinant de près ces glandes, qu'elles ne sont pas tout à fait identiques. Tout porte donc à croire qu'en même temps que les glandes gastriques se perfectionnent en s'adaptant au régime alimentaire de chaque animal, la sécrétion peptique devient qualitativement et quanti lativement diiïérente. d) Variations de la sécrétion peptique dans les diverses conditions physio- logiques. — [° Age. — Suivant l'opinion la plus générale, la sécrétion peptique n'appa- raît dans l'évolution de l'être vivant que quehjue temps après la sécrétion chlorhy- drique. Chez les chiens et chez les chats nouveau-nés, les infusions acides de l'esto- mac ne commencent à attaquer l'albumine que vers la fin de la troisième semaine qui suit la naissance. Chez les lapins, le ferment peptique se montre un peu auparavant, Enfin, chez les enfants nouveau-nés on trouve déjà de la pepsine pendant les premiers jours delà vie. Ces faits, observés tout d'abord par Wolffhugel et H.^muarste.n, ont été, malgré les dénégations de KrOger, confirmés par un grand nombre d'expérimentateurs, entre autres par Langendorfk et Contejean. 2° Sc.ve. — Les auteurs qui ont voulu étudier les variations de composition du suc gastrique, chez l'homme et chez la femme, ont porté spécialement leur attention sur la sécrétion chlorhydrique. L'influence du sexe sur la sécrétion peptique n'a pas été étudiée. .3° Etat de jeûne. — La sécrétion peptique cesse complètement dans les intervalles de la digestion et ne commence à se produire que quelque temps après l'arrivée des aliments dans l'estomac. Cette sécrétion est donc, au même litre que la sécrétion chlorhydrique, et peut-être encore plus que celle-ci, une sécrétion intermittente. En effet, même dans les cas oii, par suite d'un trouble pathologique (gastro-succorrhée), l'estomac conti- nue à sécréter un suc gastrique acide pendant la période de jeûne, ce suc ne jouit pas de pouvoir protéolytique : tout au plus attaque-t-il très faiblement les principes albumi- noïdes. Frouin a fait cette même constatation chez des chiens dont tout l'estomac avait été complètement isolé du reste de l'appareil digestif, et qui se trouvaient par conséquent dans des conditions anormales. Toutefois, s'il est vrai que la sécrétion de la pepsine est un phénomène intermittent, il n'en est pas moins certain que les glandes gastriques continuent à former sans in- termittence les matériaux qui donnent naissance à la pepsine. Ce fait a été mis en lumière par Heidenh.\in et ses élèves en mesurant le contenu peptique de la muqueuse stomacale pendant la période de digestion et pendant la période de jeûne. Ces expérimentateurs ont ainsi trouvé ([ue les réserves de pepsine augmentent dans la muqueuse gastrique au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la (in de la digestion. Sciiiff et ses élèves ont fait aussi de très belles recherches dans ce sens. Ils ont vu : 1° Qu'après l'achève- ment d'une digestion copieuse et difficile {repas préparatoire, composé de 2 à 3 kilo- grammes de viande), l'estomac devient incapable de sécréter, pendant plusieurs heures, un suc gastrique antif; ce suc est acide, mais non peptique; 2» Que cet organe acquiert de nouveau la propriété de sécréter de la pepsine quand on introduit dans l'orga- nisme certaines substances que Sghiff appelle des peptogènes, et dont le rôle consiste- rait à transformer la propepsine emmagasinée dans les glandes gastriques en pepsine active. 4° État de digestion. — Les premières études approfondies faites sur les varia- tions d'activilé du suc gastrique pendant les diverses périodes digestives sont dues à DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 47 738 ESTOMAC. Heide.nhain. Cet auteur a va, sur des animaux auxquels il avait isolé une portion du fond de sac de l'estomac, que la sécrétion peptique baisse rapidement au commencement de la digestion, atteint son minimum pendant la deuxième heure, s'élève ensuite jusqu'à la quatrième ou cinquième heure, et se maintient presque à ce même niveau les heures suivantes de la digestion. Ces expériences ont été reprises par Pavlow et ses élèves en opérant dans de meilleures conditions que ne l'avait fait Heidenhain, et leurs résultats ont été un peu différents. D'après Khigine, les modifications du pouvoir digestif du suc gastrique sécrété pendant la digestion d'un repas mixte, composé de lait, de pain et de viande, seraient les suivantes : la force digestive du suc gastrique, tout en restant à peu près sur un seul et même niveau dans le courant de la première et de la deuxième heures de l'acte digestif, manifeste une certaine tendance à l'abaissement vers la fin de la seconde heure, mais cet abaissement n'atteint point de proportions considérables. Au cours de la troisième heure de la digestion, le pouvoir peptique du suc monte toujours d'une manière marquée, s'élevant dans la plupart des cas au-dessus du taux primitif. Cet accroissement de la force digestive du suc gastrique se continue même après la troi- sième heure de la digestion, lorsque la proportion d'aliments ingérée est plutôt faible. Au contraire, avec de grandes proportions d'aliments mixtes, la puissance proléolytique du suc gastrique reste au niveau où^'elle était à la fin de la troisième heure et ne subit pas de changement pendant toute la durée de l'acte digestif. Dans l'alimentation formée exclusivement de pain, de lait ou de viande, les courbes d'activité du suc gastrique pendant la digestion présentent, d'après Khigine, quelques dif- férences importantes. D'autres causes encore peuvent aussi modifier le cours de la sécré- tion peptique pendant la digestion. 11 est donc complètement inpossible de vouloir représenter la marche de ce phénomène par une seule et même loi. 5" Régime alimentaire. — Une des causes qui font varier le plus la courbe d'activité du suc gastrique en fonction de la durée de l'acte digestif est la nature des aliments. Dans l'alimentation par la viande crue, Khigine a constaté que, quelles que soient les propor- tions d'aliments ingérés, la courbe du pouvoir digestif du suc gastrique se caractérise toujours par une chute ayant lieu dès le commencement de la digestion. Avec de petites proportions de viande, alors que la digestion est de courte durée, cette chute ne se pro- duit qu'à la seconde heure; l'activité du suc'gastrique monte ensuite pour atteindre un niveau plus haut que le primitif. Si on donne à l'animal une très grande quantité de viande de façon à prolonger le plus possible la durée de la digestion, la longueur de cette chute primitive augmente également. 11 eu résulte que la courbe d'activité du suc gastrique ne se relève que beaucoup plus tard, c'est-à-dire vers les dernières heures de la digestion. La sécrétion peptique suit une marche tout à fait différente dans l'alimentation par le pain. D'après Khigine, la force digestive du suc gastrique dans ce régime, qui est déjà très grande pendant la première heure de la digestion, s'élève encore pendant la seconde heure, et reste à ce niveau la troisième et parfois la quatrième heure de l'acte digestif. A partir de ce moment, l'activité du suc gastrique décroît généralement, et cette chute se continue jusqu'à la fin de la cinquième heure de la digestion, où elle atteint en moyenne lo p. 100 de la valeur primitive. Enfin, pendant les dernières heures de la digestion, l'activité du suc gastrique se maintient sans oscillation appréciable autour de ce dernier niveau. La forme de cette courbe est, ainsi que l'a fait remarquer Khigine, absolument caractéristique de l'alimentation par le pain, dans ce sens qu'on ne la retrouve plus dans les autres régimes alimentaires. Mais ce qu'il y a de vraiment curieux, c'est le changement que subit cette courbe lorsqu'on additionne au pain de l'alimenta- tion une certaine quantité d'eau. Dans ces conditions, Khigine avuque la force digestive du suc gastrique, loin d'augmenter pendant la deuxième et la troisième heure de la digestion, y diminue manifestement. Le second accroissement de l'activité du suc gas- trique ne se produit qu'à partir de la quatrième heure de la digestion; puis la courbe d'activité monte très rapidement et très énergiquement pour atteindre son niveau pri- mitif vers la fin de la digestion. Dans l'alimentation par le lait, la sécrétion peptique offre aussi quelques particula- rités intéressantes. Pendant la première heure de la digestion, l'activité du suc gastrique est assez considérable, puis elle tombe rapidement, si bien qu'au bout de la seconde heure ESTOMAC. 739 elle n'a que la moitié de sa valeur primitive. Au cours de la troisième et de la quatrième heure de la digestion, l'activité du suc gastrique ne subit guère de changement. Ce n'est que dans le courant de la cinquième heure qu'on voit la force digestive augmenter de nouveau pour atteindre et même dépasser souvent, vers la sixième heure de la digestion, le maximum d'activité qu'elle avait atteint au début. L'examen de cette courbe montre qu'elle a une forme complètement différente de celle que l'on observe dans Talimenta- tiou par le pain. Aussi Khigine n'hésite-t-il pas à conclure que le lait et le pain sont deux excitants contraires de l'activité sécrétoire de l'estomac. En comparant la force digestive du suc gastrique dans ces trois régimes alimentaires, par le procédé de Mette, Khigi.ne a trouvé les chiffres suivants qui représentent les moyennes d'une série de mesures faites pendant toute la durée de la sécrétion ; Force digestive. Suc gastrique produit par le pain 6""", 64 — — par la viande G™"", 65 — — par le lait 2"°', 03 La quantité d'aliments que l'animal ingérait dans cette expérience était de 200 grammes pour chacune de ces substances. On pouvait donc déduire des résultats obtenus qu'à égalité de poids le pain provoquait une sécrétion beaucoup plus abondante de pepsine que la viande, et celle-ci plus abondante que le lait. Mais Khigine a aussi voulu déter- miner les causes réelles de ces différences. En étudiant comparativement la vitesse de sécrétion du suc gastrique dans ces divers régimes, il s'est vite aperçu que, contraire- ment à ce qui se passe pour la sécrétion chlorhydrique, les variations d'activité que présente le suc gastrique dans ces trois genres d'alimentation ne sont pas en rapport direct avec la quantité de suc gastrique produit par l'estomac. Il a pu même voir coïncider, avec des quantités à peu près égales de suc gastrique sécrété, le maximum et le mininmm de force digestive de ce liquide dans l'alimentation par le pain et par le lait respectivement. Dans un autre cas (alimentation par la viande), Khigine a observé que le suc gastrique avait la même puissance protéolytique, quand il était sécrété rapidement, que quand il l'était lentement. Enfin, en traçant la courbe de vitesse de la sécrétion du suc gastrique et celle du pouvoir digestif de ce liquide, en même temps, Khigine a montré que ces deux fonctions sont tout à fait différentes. La courbe qui représente la vitesse d'écoulement du suc gastrique a toujours, et quel que soit le genre d'alimentation, la même forme, qui est caractérisée par ce fait qu'elle monte au commencement de la digestion pour tomber ensuite d'une manière continue, tandis que la courbe de la force digestive c^u suc gastrique pendant la digestion est très variable pour chaque espèce d'aliments. En présence de ces résultats, qui n'expliquaient rien, Khigine s'est alors demandé si les différences d'activité que présente le suc gastrique, selon les divers repas, ne seraient pas en rapport direct avec la quantité plus ou moins grande de résidu solide <]ue con- tient chaque substance alimentaire. Le tableau ci-après, que nous empruntons à Khigine, indique très nettement une cer- taine relation entre ces deux ordres de facteurs. QUANTITÉ et NATURE DU REPAS. QUANTITÉ de suc scci-été en ccntim. cubes. DURÉE do la sécrétion en heures. VITESSE do la sécrétion par heure en renfim. cubes. POUVOIR digestif en millimètres. RK-,05 •28,0 61,0 12,8 Mais il n'en est pas toujours ainsi; de sorte que Khigine lui même esi obligi) de con- clure, de l'ensemble de ses expériences, que le pouvoir digestif du suc gastrique duiîsles 740 ESTOMAC. diverses alimentalions, est absolument indépendant : 1° de la quantité totale de suc gastrique sécrété; 2° de la vitesse de cette sécrétion; 3° de la teneur des aliments en matériaux solides. Donc, si l'on veut trouver les causes réelles de ces variations, il faut chercher du côté des différences chimiques que présentent les diverses albumines ali- mentaires. Pawlow, en calculant les unités de pepsine que renfermait le suc gastrique produit par le chien de Khiglne sous l'influence de chacun des aliments que nous venons d'étu- dier, pour des proportions d'azote identiques, trouve les chiffres suivants. , ■ ■ UNITÉS de pepsine. 1" Suc gastrique produit par 100 grammes de viande 430 2" Suc gastrique produit par 100 centimètres cubes de lait 340 3" Sac gastrique produit par 250 grammes de pain 1 GOO Le dernier de ces résultats ne découle pas directement des expériences de Kiiigixe, mais Pawlow le déduit en prenant pour hase la loi de proportionnalité qui semble exis- ter entre la quantité d'aliment ingéré et la quantité de suc gastrique produit. On peut donc dire que pour un même poids d'azote les divers aliments excitent d'une façon toute ;\ fait différente les sécrétions gastriques. Pawlow et ses élèves interprètent ces résul- tats en disant que les glandes stomacales adaptent leur travail sécrétoire aux conditions de digestibilité des aliments ingérés par l'estomac, et ils ajoutent que, plus un aliment est difficile à digérer, plus le suc gastrique est actif. Ainsi les albumines végétales du pain, plus difficiles à digérer que les albumines de la viande, provoquent une sécrétion plus abondante de pepsine, tandis que les albumines du lait, rapidement attaquées par le suc gastrique, ne donnent lieu qu'aune sécrétion très pauvre en pepsine. Khjgine a encore étudié l'influence d'autres substances alimentaires, et il a constaté que la bouillie d'avoine, les œufs cuits et le lard de bœuf produisent des sucs gastriques dont le pouvoir de digestion est assez différent. SchCle a expérimenté sur l'homme. Sur six personnes, la force digestive du suc gas- trique, mesurée par la méthode de Hamuerschlag, ne varia dans les diverses alimenta- tions qu'entre 60 et 70 p. 100; écart qui est tout à fait négligeable. Aussi Schule n'hésite- t-il pas à conclure que la nature des aliments n'exerce aucune intluence sur l'intensité de la sécrétion peptique. C'est précisément le contraire de ce qu'ont aftlrmé Pawlow et ses élèves. Mais ces contradictions ne sont pas faites pour nous surprendre, étant donné que, dans l'étude de cette question, on peut arriver aux résultats les plus divers en variant les conditions de l'expérience. A côté des facteurs dont nous venons de parler, il en existe d'autres qui sont aussi capables de modifier les effets produits par un même aliment sur l'estomac. C'est donc avec la jdus grande réserve qu'il faut conclure. S'il est certain que la nature des aliments exerce une réelle intluence sur la marche de la sécrétion peptique, il n'est pas toujours possible de fixer les lois qui la déterminent. Il y a cependant un fait très important qui se dégage des recherches de Schh'T et de Pawlow, c'est qu'il existe, parmi les substances alimentaires, certains principes qui jouissent au plus haut degré du pouvoir d'exciter les glandes gastriques. Ces principes, que Schiff a désigné, sous le nom de peptor/ènes, en raison de l'influence favorable qu'ils exercent sur le processus d'élaboration de la pepsine, sont relativement nombreux, et de constitution chimique très dillérente. On peut s'en rendre compte en parcourant la liste suivante : 1° Dextrine; 2° Bouillon de viande; 3° Viande crue; 4° Pain; b° Fromage; 6» Pep- tones; 7° Extrait aqueux de viande; 8° Extrait aqueux de pain; (1° Extrait aqueux de petits pois; 10° Extrait aqueux des lentilles; 11° Gélatine des os; 12° Café noir (action faible). Pour étudier l'action peptogénique de ces substances, Schiff s'est servi de deux méthodes différentes : celle de la fistule gastrique et celle des infusions stomacales. Les animaux en expérience recevaient dans les deux cas, quelques heures avant les substances peptogènes, un repas abondant ( repas préparatoire) destiné, d'après Schiff, à épuiser les réserves en pepsine de la muqueuse stomacale. ESTOMAC. "41 Dans ces conditions, Schiff a (ont d'abord observé, sur les animaux h fisliile gastrique, que l'estomao ne sécrétait plus de pepsine, sous l'influence de l'alinimiiie cuite que lorsqu'on donnait à ces animaux une certaine quantité d'une substance pepto- gène. En l'absence de ces substances, le suc sécrété par l'estomac était acide; mais ce liquide ne jouissait d'aucune action sur les principes albuminoïdes. ScHiFF est arrivé aux mêmes résultats dans ses expériences avec les infusions stomacales. Tandis que l'infusion stomacale des animaux tués en pleine digestion ou quelque temps après l'administration des peptogt'nes, digérait rapidement une grande quantité d'albumine, l'infusion faite avec l'estomac d'un animal tué quatorze on seize heures après un copieux repas préparatoire, ne digérait que très lentement une petite quantité d'albumine. Il semble donc que les substances que nous avons é lumérées tout à l'heure, et que Schiff appelle des peptogènes, exercent une influence très mar- quée sur le processus de sécrétion de la pepsine. Au début de ses travaux, Scmiff avait cru, en voyant que ces substances produisaient les mêmes effets, (luelle que fût la voie par laquelle on les introduisait dans l'organisme, excepté cependant la voie duo- dénale, que ces principes fournissaient au sang et, par lui, à la muqueuse stomacale, les matériaux nécesaires à la formation de la pepsine. Après la découverte de la pepsine, l'éminent physiologiste se vit obligé d'abandonner cette théorie. 11 admit alors, avec son élève Herzex, que les peptogènes étaient les agents principaux de la transforma- tion de la propepsine en pepsine. Or cette dernière hypothèse n'a pas été beaucoup mieux accueillie que la première. Il y a eu, en effet, un grand nombre d'expérimentateurs, et spécialement les élèves de Heidenhain et de Pa^low, qui ont très vivement combattu les faits sur lesquels ScniFF basait son opnion. On trouvera dans un mémoire de Sanotzky, sur les stimu- lants des sécrétions gastriques, une analyse détaillée de ces divers travaux. L'impres- sion qui s'en dégage, c'est que les peptogènes n'agissent pas sur les glandes gas- triques dans le sens indiqué par Schu^'f, c'est-à-dire, en passant dans le sang et en allant provoquer dans les cellules glandulaires la transformation de la propepsine en pepsine. Toutefois, si la plupart des contradicteurs de Schiff nient l'efficacité des pep- togènes, quand on les injecte dans l'organisme par la voie rectale ou par la voie san- guine, beaucoup de ces auteurs admettent, comme Schiff, qu'un grand nombre de ces substances agissent très puissamment sur les glandes gastriques, lorsqu'on les intro- duit dans l'organisme par les voies normales de l'appareil digestif ou bien encore dans l'estomac. Ainsi, les élèves de Pawlow, qui repoussent complètement les idées de Schiff sur le mécanisme d'action des peptogènes, reconnaissent cependant que le bouillon de viande, le suc de viande, la gélatine mélangée avec l'eau, la peptone et la viande crue sont des excitants énergiques des sécrétions stomacales. Malgré quelques désaccords de détail, d'une manière générale on constate que les peptogènes de Schiff ne sont autre chose que les substances que Pawlow et ses élèves ont signalées comme étant les excitants les plus actifs des sécrétions gastriques, et qu'ils ont désignées sous le nom desuccagogiies. 1° Extrait de Liebig ; 2° Bouillon de viande; 3° Suc de viande; 4° Eau (eu quantité de 2OO-0OO grammes); o" Lait; G° Gélatine avec de l'eau; 1'^ Peptone (sécrétion faible); 8° Viande crue. Pour ces auteurs, les succagogues agissent sur les glandes gastriques par voie réflexe, en irritant chimiquement la muqueuse stomacale et non par l'intermédiaire du sang, comme le croyait Schiff. A l'appui de cette opinion, ils citent, entre autres arguments, un fait qui est absolument contraire aux observations de Schiff: l'inefficacité des succa- gogues, quand on les introduit dans l'organisme par la voie rectale. Mme P0TAP0W prétend qu'où peut expliquer ces contradictions, et montre que les faits établis par Schiff et par Pawlow, an lieu de s'exclure réciproquement, se complè- tent les uns les autres. Elle a fait dans ce but une série d'expériences sur un chien opéré par la méthode de Pawlow; mais elle a eu le soin de soumettre cet animal aux conditions expérimentales recommandées par Schiff pour rétuservation. Sahli a bien étudié les variations en pepsine de l'urine de l'homme aux divers moments de la journée à l'aide du procédé suivant : Il plonge dans l'urine quelques filaments de fibrine fraîche et les laisse séjourner dans ce liquide pendant un temps déterminé, égal pour toutes les expéi'iences. Après cette immersion, il retire les filaments de fibrine, les lave à l'eau et les met à digérer à la température de 40° avec de l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique. La vitesse avec laquelle se dissolvent les filaments de fibrine in- dique la quantité de pepsine qu'ils ont prise à l'urine, et cette quantité serait, d'après Sahli, invariablement proportionnelle à la quantité de pepsine urinaire. Par ce pro- cédé, Sahli a constaté que la teneur en pepsine de l'urine de l'homme ne reste pas constante pendant la journée, mais qu'elle varie d'une façon régulière suivant la marche des phénomènes digestifs. Sur un individu qui prend trois repas par jour à des intervalles de six heures, l'élimination de la pepsine par l'urine présente trois maxima et deux minima. Les maxima se produisent quelque temps avant les repas, et les mininia quelque temps après. Le plus fort maximum se montre deux heures avant le petit déjeuner du matin, tandis que le plus fort minimum se produit deux heures après le repas de midi. Sahli croit que ces variations sont absolument dépendantes des variations que subit la sécrétion peptique pendant la digestion des repas. Il a vu, en comparant la courbe de ces variations chez l'homme avec celle que Heidenuain a tracée pour représenter la marche de la sécrétion jjeptique chez le chien, qu'il y avait entre ces deux courbes une ressemblance parfaite. Il en conclut que la pepsine sécrétée par les glandes gas- triques est absorbée par la muqueuse de l'appareil digestif et spécialement par la ESTOMAC. 747 muqueuse stomacale, et que c'est cette même pepsine qui s'élimine par le rein. On peut faire plusieurs objections à cette hypothèse. En premier lieu, Sahli n'a pas remarqué que l'identité de ces courbes, en 'supposant qu'elles soient comparables, parle précisé- ment contre sa propre hypothèse. En elfet, si la pepsine est absorbée par la muqueuse de l'appareil digestif et éliminée ensuite par le rein, il faut un certain temps pour que ce phénomène se produise. Dès [lors, les courbes auxquelles nous faisons allusion ne peuvent pas coïncider. Elles devraient, au contraire, présenter un certain retard l'une sur l'autre : la courbe de l'élimination de la pepsine par l'urine, sur la courbe de la sécré- tion peptique. Enfin, si la voie indiquée par Sahli était la seule que la pepsine pût suivre pour aller de l'estomac jusqu'au rein, ce ferment devrait disparaître dans l'urine quelque temps après l'arrêt des sécrétions gastriques. Il n'en est cependant rien. GEHiuGa constaté que l'urine des animaux soumis à un jeûne relativement prolongé (30 heures) contient encore des quantités appréciables de pepsine. Pour ce dernier auteur, la pepsine de l'urine proviendrait directement des cellules des glandes gastriques. Le contenu de ces cellules se déverserait dans le sang à l'état de zymogène et cette substance se transformerait en pepsine active, soit par son passage à travers l'épithélium rénal, soit par son contact avec les sels et l'eau de l'urine. Cette hypothèse se prête aussi à des critiques sérieuses. La plus importante de toutes est le manque de parallélisme qui existe pour les (variations de la richesse peptique de l'urine et celle du contenu peptique de la muqueuse stomacale, aux divers moments de l'acte digestif. D'après Grutzner, la quantité de pepsine contenue dans la muqueuse stomacale diminue à la suite d'un repas copieux, d'abord très rapidement, puis lentement jusqu'à la neuvième heure qui suit l'ingestion des aliments. A partir de ce moirient, la quan- tité de pepsine augmente dans la muqueuse gastrique jusqu'à la quarantième heure après l'ingestion. Ces résultats sont loin de concorder avec ceux qu'ont obtenus Sahli et Gehrig pour l'élimination de la pepsine par l'urine. D'après ces auteurs, on trouve bien un minimum de pepsine dans l'urine quelques heures après l'ingestion des repas, mais ce minimum est rapidement suivi par un maximum qui coïncide justement avec le moment oi^i la muqueuse stomacale contient le moins de pepsine. Au fur et à mesure que le jeûne se prolonge, et surtout à partir de la neuvième heure, la quantité de pepsine augmente dans la muqueuse stomacale jusqu'à la quarantième heure après l'ingestion du dernier repas. Au contraire, l'élimination de la pepsine par l'urine diminue progres- sivement pendant toute cette période. On voit donc qu'aucune de ces hypothèses, celle de Gehrig, pas plus que celle de Sahli, n'arrive à expliquer par elle seule le mécanisme des variations pepliques de l'urine. Cela prouve, à notre avis, que la pepsine élaborée par les glandes gastriques peut suivre des voies très difTérentes avant de s'éliminer par le rein. Dire toutefois que la pepsine de l'urine ne procède pas exclusivement de la muqueuse stomacale, c'est aller à rencontre des faits les mieux établis. Les;expériences de Sahli, de Gehrig et de Hoffmann démontrent très nettement que les variations peptiques de l'urine sont toujours en rap- port avec la marche des phénomènes digestifs. Il suffit de changer les heures des repas, pour voir tout de suite la courbe de l'élimination de la pepsine par l'urine se modifier profondément. D'ailleurs ces variations sont complètement indépendantes des variations que subit l'alcalinité de l'urine après l'ingestion des repas. Hoffmann prétend même que l'urine n'exerce aucune influence destructive sur la pepsine. Certains auteurs se sont demandé si l'urine des divers animaux renfermait constam- ment de la pepsine. Sahli l'a trouvée dans l'urine de l'homme; Gehrig dans l'urine du chien et du lapin, mais il a fait observer que, chez ce dernier animal, la pepsine dis- paraît dans l'urine à la suite d'un copieux repas. Neumeister a repris l'étude de cette question à l'aide d'un procédé indirect qui consiste à introduire dans la circulation divers produits primaires de la digestion peptique des aihuminoïdes, pour voir les modifications que ces produits éprouvent en sortant par l'urine. H a vu, en intro- duisant une solution d'albumoses dans le système veineux du lapin, que ces corps s'éliminent par le rein dans le même état où ils étaient injectés dans l'organisme. Chez le chien, les albumoses introduites dans la circulation se rencontrent toujours dans l'urine dans un état de dédoublement plus avancé. D'après Neumeister, la digestion de ces substances se fait dans les canaux urinaires du rein. Il conclut en disant que la pep 748 ESTOMAC. sine existe dans l'urine des animaux carnivores, tandis qu'elle manque dans l'urine des herbivores. Stadelmaxn se rallie aussi à cette hypothèse, mais il a voulu se convaincre par lui- même que le ferment protéolytique qui existe dans l'urine des animaux carnivores était réellement de la pepsine. Il a fait, dans ce but, l'analyse complète des produits de diges- tion formés parce ferment en agissant sur la fibrine cuite en milieu acide. Stadelma>'n a constaté que ces produits sont absolument semblables à ceux qui résultent de l'action de la pepsine ordinaire. L'élimination de la pepsine par l'urine se trouve soumise, comme tous les autres phénomènes de l'organisme, aux influences pathologiques. Dans un grand nombre de maladies, et spécialement dans les maladies de l'estomac, la quantité de pepsine qui s'élimine normalement par l'urine subit des oscillations importantes. Leo et Troller considèrent la recherche de la pepsine dans l'urine comme un excellent moyen d'établir un diagnostic ou un pronostic. Mais Hoffmann et Stadelmann contestent que ce procédé ait une valeur clinique quelconque. Il ne faut pas croire que la pepsine qui circule dans le sang et dans la lymphe s'éli- mine exclusivement parle rein. Elle peut aussi suivre d'autres voies. Munk l'a trouvée dans la salive, et Kuhne dans le suc intestinal. La toxicité de la pepsine paraît incontestable. Hildebraxdt a montré que ce ferment, injecté à la dose de O^'',! sous la peau, tue un lapin en deux ou trois jours. La tempé- rature du corps s'élève une heure après l'injection. L'animal est pris de tremblements, de vomissements, de dyspnée et quelquefois de convulsions. La mort se produit dans le coma. Cependant, d'après Albertom, la pepsine injectée dans le système circulatoire du chien ne produit d'autres troubles qu'une légère diminution de la coagulabilité du sang. B) Sécrétion coagulante ou labogène. — a) Éléments cellulaires qui concourent à la formation du labferment. — IIeidenhain et ses élèves attribuent la formation exclu- sive du labferment aux mêmes éléments glandulaires qui, d'après eux, sécréteraient la pepsine, c'est-à-dire aux cellules principales, et cela pour les arguments dont ils s'étaient déjà servi lorsqu'ils ont voulu localiser la sécx'étion peptique dans les cellules princi- pales. Ces ai^guments, que nous connaissons déjà, soulèvent les critiques suivantes : 1° Le fait qu'il existe une plus grande quantité de labferment dans les couches de la muqueuse qui renferment un plus grand nombre des cellules principales ne démontre pas que ces cellules soient les seuls éléments qui sécrètent le labferment, mais unique- ment que les cellules principales en sécrètent plus que les cellules de bordure. 2° La sécrétion du labferment par les cellules des glandes pyloriques des mammi- fères ne prouve rien, car ces cellules ne sont pas identiques aux cellules principales. 3° L'existence d'une sécrétion coagulante dans l'œsophage de la grenouille ne serait pas non plus, en admettant que cette sécrétion a réellement lieu, ce qui est contesté par Contejean, un argument très considérable en faveur de l'hypothèse de Heidenhaix, attendu que les cellules dés glandes œsophagiennes delà grenouille ne sont en rien ana- logues aux cellules principales des mammifères. En dehors de ces arguments, assez peu satisfaisants, nous ne trouvons pas dans les travaux de Heidenhain et de ses élèves de preuves à l'appui de leur hypothèse. Nous nous contenterons de dire que le labferment est probablement sécrété par les mêmes éléments glandulaires que la pepsine, c'est-à-dire, par toutes les cellules qui composent les glandes du fond et les glandes pyloriques de l'estomac, en exceptant peut-être les cellules muqueuses. Les glandes de la région cardiaque, chez les animaux oii cette région existe, ne sécréteraient, d'après Edelmana', d'autre ferment qu'un ferment amylolytique. Ajoutons que, selon Hammarsten et Grutzner, le labferment se trouve en plus petite quantité et d'après Grijïzner sous une autre forme dans la région pylorique que dans la région du fond de l'estomac. Sommer croit au contraire que la muqueuse pylorique est très riche en labferment. Mais cette opinion a été dernièrement combattue par Glaesner, qui sou- tient que le proferment du lab n'existe que dans la région du fond de l'estomac, ains que Langley l'avait déjà démontré. ESTOMAC. 749 b) Origine et mode de formation du labferment. — A l'exemple de ce que l'on admet pour la formation de la pepsine, on croit généralement que le labferment prend nais- sance d'une substance mère qui se trouve dans le protoplasma des cellules des glandes gastriques. Cette substance, qu'on appelle le zymofjéne du lab ou prolab, se transfor- merait, sous l'inlluence de l'acide cblorbydrique du suc gastrique, en ferment actif ou définitif. Il y a toute une série des faits qu'on invoque pour démontrer l'existence de ce proferment. Eu voici quelques-uns des plus importants : 1° Il.vMMARSTEN a coustaté que les infusions neutres de la muqueuse gastrique du veau et du mouton coagulent rapidement le lait, même sans avoir subi à aucun moment le contact d'un acide. Au contraire, chez la plupart des autres animaux. Mammifères, Oiseaux et Poissons, ces mêmes infusions ont besoin, pour devenir actives, d'être acidu- lées quelque temps à l'avance ^par l'acide chiorliydrique ou par l'acide lactique. IIam- MARSTEN en conclut que le labferment existe tout formé dans la muqueuse stomacale du veau et du mouton, tandis qu'il est à l'état de proferment dans la muqueuse stomacale des autres animaux. 2° Boas a observé, en étudiant l'action destructive des alcalis sur les liqueurs coagu- lantes, qu'on pouvait, par ce moyen, séparer le labferment de son zymogène. Le premier de ces corps serait en effet beaucoup plus facilement attaquable par les alcalis que le second. Voici, d'après Boas, une expérience qui le prouve : On prend une solution que l'on suppose contenir à la fois le labferment et le labzymogène, comme, par exemple, le contenu stomacal de l'homme, et on l'alcalinise avec soin jusqu'à ce qu'elle fasse virer franchement au bleu le papier rouge de tournesol. Gela fait, on divise cette solution en deux parties; l'une reçoit un peu de chlorure de calcium, et l'autre rien; puis on mélange chacune de ces parties avec un volume égal de lait, et on les porte toutes les deux à l'étuve. Le premier mélange coagule au bout de quelques instants, tandis que le second reste plusieurs heures à l'état liquide. Boas interprète cette expérience en disant que la coagulation du premier mélange est due au proferment, (jui n'a pas été détruit par les alcalis, et qui est devenu actif par son contact avec le chlorure de calcium. 3° Klemperer se rallie complètement à l'opinion de Boas, et trouve, comme cet auteur, que la température, de même que les alcalis, est un excellent moyen pour distinguer le lab de son zymogène. Si Ton chauffe, dit-il, le suc stomacal à la température de 70°, on détruit tout le labferment qui existe en liberté dans ce liquide. Ce suc devient, en effet, incapable de coaguler le lait; mais il ne tarde pas à récupérer ses propriétés coagu- lantes, lorsqu'on l'additionne d'une petite quantité de chlorure de calcium. Klemperer aboutit à cette conclusion, que le proferment du lab est plus résistant à l'action mor- telle de la température que le labferment lui-même. 4° Arthus et HaBER ont remarqué que le contenu stomacal des Mammifères adulles renferme toujours du lab lorsqu'il est acide ou qu'il est acidifié. Dans le cas contraire, ce liquide ne contient qu'une substance capable de se transformer sous l'influence des acides étendus en ferment définitif. Il en est de même pour les infusions aqueuses de la muqueuse stomacale de ces animaux. Cependant, chez les Mammifères en lactation, le contenu de l'estomac et les macérations aqueuses de la muqueuse gastrique contiennent, même à l'état neutre, des quantités appréciables de labferment en liberté. Ces observa- lions ne diffèrent guère de celles qu'avait déjà faites Hammarsten. 0° Lorcher ne conteste pas les résultats obtenus par Boas et par Klemperer, mais il prétend que ni la température, ni les alcalis ne sont pas des bons moyens pour distin- guer le labferment de son zymogène. Il propose l'emploi des acides, de la manière sui- vante. Une solution d'acide chiorliydrique à 0,1 p. 100 est mélangée dans la proportion de 2 ce, avec 2 ce. d'un extrait glycérine de la muqueuse stomacale d'un veau. Après avoir laissé ces liquides agir l'un sur l'autre, pendant un temps plus ou moins long, on prend, aux divers moments de celte action, 0''",! de ce mélange, et on les ajoute à 10 ce. de lait, afin d'en mesurer la puissance coagulante. Lorcuer a observé, en procédant de la sorte, que le temps de coagulation de ces divers mélanges, portés à la température de .33°, diminuait, jusqu'à une certaine limite, avec le temps que durait le contact entre l'extrait et l'acide. L'expérience suivante rend compte do ces résultats : 750 ESTOMAC. NUMÉRO TEMPS DE CONTACT TEMPS D EXPÉRIENCE. entre l'extrait et l'acide. DR LA COAGULATION. 1 1 minute 43 minutes 2 2 miiuites 24 — 3 3 — 19 — 4 5 — 11 — S 10 — 6 — 1/4 6 20 — 5 — 1/2 7 30 — 0 - 1/2 8 60 — S — 1/2 9 4 heures 6 — Si l'on compare l'action de l'acide chlorhydrique avec celle des autres acides, en employant des quantités chimiquement équivalentes de ces divers corps, 2 ce. d'une solution normale (1 équiv. par litre) au cinquième pour chacun d'eus, on trouve les ré- sultats suivants : T E :*: p S DE CONTACT entre l'extrait et l'acide. TEMPS DE COAGULATION POUR LES DIVERS ACIDES EN MINUTES. Acide tiiloiiiy(lri(|ue HGL. Acide sulfurique H^SO*. Acide nitrique HN03. Acide oxalique C^O^H-^. Acide phosphoi'iqiie H-'PO». Acide lactique oni«o^ Acide acétique 2 minutes .... r> — .... 10 — .... 3 jours 4 G 4 4 1/4 13 7 1/2 3 3 3/4 17 1/2 8 4 1/2 4 1/2 20 10 6 1/2 4 28 14 6 4 1/2 44 30 10 5 99 76 39 4 1/2 La vitesse de la coagulation augmente avec la durée du contact pour tous les acides, mais dans des proportions variables pour chacun de ces corps. Les plus actifs sont d'abord les acides chlorhydrique et sulfurique; ensuite l'acide nitrique, l'acide oxalique, l'acide phosphorique, l'acide lactique et l'acide acétique. L'ordre dans lequel se rangent ces divers acides, pour l'influence qu'ils exercent sur les liqueurs coagulantes, est absolu- ment le même, sauf l'acide sulfurique et l'acide nitrique, que celui dans lequel ils se placent, lorsqu'on étudie leur pouvoir cVinversion. Lorcher voit dans ces expérienres la preuve que le labferment dérive d'une substance qui n'est pas active par elle-même, mais qui peut le devenir dans son contact avec les acides étendus. D'après cet auteur, le chlorure de calcium n'exercerait pas, ainsi cpe le croyaient Boas et KLEMPERER,la même action transformatrice que les acides sur le zrmogène du lab. Ce sel accélérerait la vitesse de la coagulation, uniquement parce qu'il modifierait les conditions physiques de la caséine. Voilà donc, en résumé, les principaux faits sur lesquels repose l'hypothèse du pro- ferment du lab. Ddglaux nie formellement cette hypothèse, en se fondant sur des con- sidérations de môme ordre que celles pour lesquelles il nie l'hypothèse de l'existence de la propepsine (Voir Sécrétion peptique). Mais l'objection qu'il adresse aux expé- riences précédentes ne peut pas être adressée aux expériences récentes de Glaesner. Cet auteur a opéré sur des liqueurs fermentatives qui, non seulement, ne contenaient pas de débris cellulaires, mais qui ne renfermaient même pas des substances albumi- noides. Or Glaesner est arrivé ainsi à des résultats du même ordre que ceux qu'avaient obtenus Boas, Kle.mperer, Lorcher et les autres en opérant sur des liqueurs impures. Les profermenls se distinguent des ferments par leur manière de se comporter vis-à-vis des divers agents physiques et chimiques. Il semble donc qu'il s'agit là de deux sortes de corps, tout à fait distincts. ESTOMAC. 751 c) Physiologie comparée de la sécrétion coagulante ou labogène. — Le labferment existe très probablement chez tous les Vertébrés. Hamuarste.m et Gh. Hichet l'ont trouvé chez les Poissons; Grutzner, chez les Batraciens (grenouille); Warrex, chez les Reptiles; Hansen et Hammarsten, chez les Oiseaux et chez les Maimnifères, et enliu Boas et Klemperer, chez Thomme. Nous devons cependant dire que Warren, qui a fait sur ce sujet un grand nombre de recherches, n'a pas pu obtenir, avec la muqueuse stomacale de certains Vertébrés, des extraits véritablement actifs. Voici un résumé de ces recherches. ANIMAUX. RÉSULTATS. ANIMAUX. RÉSULTATS. Poissons : Positif. Incertain. Négatif. Positif. Oiseaux : Poulet Positif. Variable. Négatif. Po"sitif. Lamna corniibica Gudus morrinia Merlucius hlinearis Pol/achius vire/is Lophius piscatorius Pomatoncus s Matrix. . . . Squalus acanlhias Batraciens : Grenouille l'igeun Perdrix Mammifères : Marmotte Rat . • S 'Uris Lapin Mouton liœuf Reptiles : Tortue Cochon Chien Chat Couleuvre — Jeune chat Toutefois ce tableau montre que, malgré quelques résultats négatifs qu'il serait bon de vérifier, le labferment est assez répandu dans toute la série des Vertébrés. En présence de ces résultats, on peut se demander ce que vient faire le labferment chez les animaux qui ne prennent jamais de Init dans leur alinientation. Il est évident qu'à moins d'admettre d'autres rôles physiologiques que la coagulation du lait, sa pré- sence dans le suc gastrique paraît inexplicable. d) Variations de la sécrétion coagulante ou labogène dans les diverses conditions physiologiques. — 1° Age. — Tous les auteurs sont d'accord pour affirnier que le labferment se trouve en plus grande ([uantité dans l'estomac des jeunes animaux que dans l'estomac des animaux adultes. Malgré l'opinion de quelques auteurs, Arthus et HoBER ont montré que le contenu stomacal des Maminileres adultes renferme toujours du labferment, ou tout an moins le zymogène de ce ferment. C'est aussi l'opinion de Boas, qui a trouvé constamment le labferment dans le suc gastrique de l'homme sain et adulte. 2" État de jeûne. — La sécrétion du labferment doit cesser dans les intervalles de la digestion, comme toutes les autres sécrétions spécifiques de l'estomac, c'est-à-dire, comme la sécrétion chlorhydrique et comme la sécrétion peptique. Nonobstant Boas et Klemperer soutiennent qu'il existe toujours dans l'estomac de l'homme à jeun une cer- taine quantité de labferment. Mais le mucus stomacal peut retenir une petite quantité de cpt enzyme, sans que, |)our cela, on ait le droit de conclure que le labferment est sécrété d'une façon constante par les glandes s-astriques. 3" État de digestion. — Grûtzner a constaté que la teneur de la muqueuse stomacale en labferment subit les mêmes oscillations au cours de la digestion que sa teneur en pepsine. D'après Boas, le contenu stomacal de l'homme renfermerait, pendant toute la durée de la digestion, une quantité appréciable d(î labferment et de labzymogène ; mais il ne se prononce pas sur les variations quantitatives que ces deux corps éprouvent au cours du processus digestif. Lorcher a étudié à la fois la teneur en lab et en prolab de la 752 ESTOMAC. muqueuse stomacale et du suc gastrique. Chez le rat, le chien et le chat, la muqueuse stomacale contient toujours plus de ferment et plus de zymogène pendant le jeûne que pendant la digestion. Mais, tandis que la quantité de ferment est constamment très faible, la quantité de zymogène est considérable. Le labzymogène y est à son maximum deux heures après l'ingestion des aliments, tandis que, pour le labenzyme, c'est vers la fin de la digestion. La somme de ces corps se comporte, à quelques ditTérences près, comme le zymogène tout seul. Elle présente un maximum deux heures après le repas, et un minimum deux heures après cet acte; puis elle augmente de nouveau jusqu'à la huitième heure de la digestion. Les variations que le labferment éprouve dans le suc gastrique pendant la digestion sont tout autres. Lôrcher a pu s'en convaincre en mesurant la puissance coagulante du suc gastrique de l'homme, recueilli à l'aide d'une sonde 1, 2, o et 6 heures et demie après un repas d'épreuve composé d'une tasse de thé. La force coagulante de ce liquide est relativement faible pendant les premières heures de la digestion. Elle ne commence à augmenter qu'au bout de deux heures, et diminue ensuite jusqu'à la fin de la diges- tion. Lôrcher compare ces résultats avec ceux que Hkidenhain a obtenus en étudiant la sécrétion peptique chez le chien. Il en conclut qu'il y a un certain parallélisme entre la marche de la sécrétion coagulante et la marche de la sécrétion peptique, mais la res- semblance entre ces deux phénomènes est loin d'être parfaite. e) "Variations de la sécrétion coagulante ou labogéne dans les diverses maladies. — La plupart des palhologistes admettent que le labferment contenu dans le suc gastrique y épi^ouve, sous l'inlluence des maladies, les mêmes variations que la pepsine. Il en est tel- lement ainsi que beaucoup d'auteurs se contentent d'examiner la puissance coagu- lante du suc gastrique pour se rendre compte de l'état de fonctionnement des glandes stomacales. Cette recherche est en effet plus simple, plus rapide et plus exacte que celle de la pepsine. Le labferment ne disparaît dans le suc gastrique que dans quelques cas très graves d'atrophie de la muqueuse stomacale. Boas et Trzebinski ont montré que, même lorsque la sécrétion chlorhydrique est totalement abolie, le suc gastrique peut encore conserver ses propriétés coagulantes. /■) Évolution du labferment dans l'organisme. — Tout porte à croire que le labferment subit le même sort que la pepsine, une fois qu'il est sécrété par les glandes gastriques. Il peut être absorbé par la mu(}ueuse stomacale, détruit dans la cavité intestinale par les alcalis ou absorbé par la muqueuse de cette cavité. En tout cas, nous savons qu'il n'est pas éliminé par les matières fécales, car ces matières ne contiennent d'autres fer- ments qu'une amylase et une invertine. Ce qui tendrait à prouver que le labferment est en partie absorbé par la muqueuse de l'appareil digestif, c'est le fait signalé par Grutzner, HoLwiTscHER, Helwez et Boas, que l'urine possède des propriétés coagu- lantes. Toutefois, ces auteurs ont le soin d'ajouter que le labferment ne se trouve dans l'urine qu'en petite quantité et qu'il n'y est pas soumis à des variations aussi régulières que la pepsine. Pages a constaté que l'urine normale ou pathologique de l'homme et des grands animaux ne contient pas de labferment. En introduisant par injection veineuse dans la ciixulation générale une solution de présure d'origine animale, le labferment est en grande partie détruit par le sang, et ne s'élimine que dans une très faible pro- portion par l'urine. Lorsqu'on fait l'injection d'une solution de présure dans le système de la veine porte, la destruction du labferment est encore plus active, si bien que, dans ce cas, on ne trouve, plus le ferment dans l'uiùne. Il en est de même si l'on introduit la présure dans le tube digestif. Au contraire, la présure végétale résisterait, d'après Pages, à l'action destructive du sang et du foie; et, introduite soit dans la circulation, soit dans le tube digestif, elle ne tarderait pas à apparaître dans l'urine. Si l'on accepte ces résultats, on comprend parfaitement que l'homme et les animaux, qui consomment parfois des aliments contenant une assez grande quantité de présure végétale, puissent avoir de temps à autre des urines douées de propriétés coagulantes. D) Sécrétion amylolytique. — Edelmann, qui est le seul auteur qui croie à l'exis- tence d'une sécrétion amylolytique dans l'estomac, attribue cette sécrétion aux glandes de la région cardiaque. Or cette région n'est suffisamment développée que chez certains Mammifères, surtout chez le hamster, le rat, le porc et le cheval. La sécrétion amylo- ESTOMAC. 753 lytique ne serait donc pas, en admettant qu'elle existe, un phénomène très général, mais une fonction isolée à laquelle ou ne peut accorder une rrrande importance. E) Sécrétion muqueuse. — «) Éléments cellulaires qui concourent à la formation du mucus stomacal. — Le mucus que l'on trouve dans l'estomac à l'état uornuil provient principalement de la salive. Une petite quantité seulement est sécrétée par certains élé- ments cellulaires de la muqueuse gastrique. Ces éléments sont les suivants : 1'' toutes les cellules qui composent l'épitliélium superficiel de l'estomac, cellules cylindriques et cellules caliciformes; 2° une partie des éléments qui revêtent le canal excréteur des glandes du fond de l'estomac et qui dérivent directement de l'épithélium superficiel de la muqueuse; 3° toutes les cellules des glandes pyloriques. 6) Mode de formation du mucus. — Ces divers éléments présentent en effet les signes évidents d'une transformation muqueuse. Leur contenu protoplasmique donne, en pré- sence des réactifs appropriés (acides faibles et matières colorantes), presque toutes les réactions de la mucine. C'est surtout dans les éléments de l'épithélium superficiel que cette sécrétion a été le mieux étudiée. Dans ces éléments, la transformation muqueuse commence par la partie externe de la cellule et se poursuit vers la profondeur du corps cellulaire. Lorsque les cellules se sont chargées de mucus, elles expulseat leur contenu. D'après ïodd et Bowmann, et Stuor, cette expulsion se fait par le déchirement de la membrane propre de la cellule; mais il reste toujours, en un point de l'élément ainsi mutilé, du protoplasma et un noyau bien vivant, aux dépens desquels la cellule se reconstituerait sur place. On peut objecter à cette hypothèse que le mucus stomacal renferme toujours une certaine proportion de cellules épithéliales. Pour d'autres auteurs, les cellules de l'épithélium superficiel sont ouvertes pendant toutes les phases de leur vie, et leur contenu muqueux s'échapperait à travers l'orifice qu'elles présentent. Cette opinion est fortement combattue par Heidenhain, Sthor et KuPFER,qui soutiennent que lamembrane propre entoure toute la surface de ces cellules. Enfin beaucoup d'auteurs admettent que les cellules muqueuses périssent lorsqu'elles arrivent à un certain degré de développement, et que le mucus n'est que le résultat de la destruction de ces éléments. D'après Heidenhain, la sécrétion muqueuse est plus active dans la région du pylore que dans la région du fond de l'estomac. De plus, le mucus de la région pylorique serait plus visqueux que celui du fond de l'estomac. ScHMiDT pense que le mucus sécrété par les cellules cylindriques de l'épithélium su- perficiel est plus riche en mucine que le mucus produit par les cellules caliciformes. Le mucus stomacal différerait par quelques réactions colorantes des autres mucus. Celui dont il se l'approche le plus serait le mucus des glandes sous-maxillaires. c) Variations de la sécrétion muqueuse. — La sécrétion muqueuse de l'estomac est très faible à l'état normal. Tellerlng n'a pu recueillir, en faisant des lavages de l'es- tomac de l'homme après un repas d'épreuve, qu'une demi-cuillerée de mucus. Encore, dans ce cas, une partie du mucus pouvait-elle provenir de la sécrétion salivaire. Heidenhain a trouvé plus de mucus dans l'estomac des animaux herbivores que dans celui des carnivores; mais ce sont là les seules observations que nous possédions sur les variations quantitatives du mucus dans la série animale. La sécrétion muqueuse doit être continue; car on trouve toujours une certaine (}uantité de mucus dans l'estomac, même pendant la période de jeûne (Lecbe). Toutefois cette sécrétion augmente certainement pendant la digestion. D'après SchCle, la quantité du mucus de l'estomac est plus grande pendant la digestion d'un repas composé de fécu- lents ou d'hydrates de carbone, que dans les autres alimentations; mais Sciimidt a fait observer que cette expérience de Schule n'a aucune valeur, attendu que les hydrates de carbone provoquent une sécrétion abondante de salive, et que cet auteur n'a rien fait pour empêcher le passage de ce liquide dans l'estomac. La sécrétion muqueuse subit'des variations importantes dans les diverses maladies de l'estomac. D'après Ewald, la gastrite aigué donne lieu, a la longue, à une forte sécrétion de mucus. On trouve aussi une grande quantité de ce li([uide dans la plupart des inflam- mations chroniques de l'estomac. Boas et Jawokski classent ces maladies en deux DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 18 75i ESTOMAC. groupes : les unes se caractérisent par une hypersécrétion acide, les autres par une hypersécrétion muqueuse. Enfin, l'immense majorité des pathologistes admettent que la sécrétion muqueuse persiste dans l'atrophie grave de l'estomac, tandis que les sécrétions spécifiques disparaissent complètement. Dauber a observé une maladie caractérisée par une sécrétion acide continue, mais avec excès de mucus, la (lastrof^ucorrhée muqueuse. Disons encore que, d'après Schmidt, le mucus stomacal éprouve, sous l'influence de certaines maladies, quelques modifications morphologiques qui se révèlent par des chan- gements dans les réactions colorantes des éléments cellulaires contenus dans ce liquide. La sécrétion muqueuse de l'estomac se distingue des autres sécrétions spécifiques de cet organe par la manière dont elle se comporte vis-à-vis des divers excitants. Les agents physiques et chimiques, qui sont tout à fait impuissants à provoquer la formation d'un suc gastrique actif, donnent toujours lieu à une sécrétion très abondante de mucus. D'une manière générale, toute irritation de la muqueuse gastrique, de quelque nature qu'elle soit, fait augmenter la quantité de mucus sécrété par l'estomac. On sait de longue date que l'attouchement ou le pincement de la muqueuse produisent cet effet. Il en est de même si l'on introduit certains corps chimiques irritants dans l'estomac. Pawlow et son élève Sawrieff ont vu que, dans ce dernier cas, la sécrétion muqueuse pouvait devenir cent fois plus forte qu'à l'état normal. Ces expériences ont été faites avec l'alcool absolu, l'essence de moutarde, une solution de sublimé corrosif à 2 p. 1000, et une solution de nitrate d'argent à 2 p. 100. F) Formation des sels et de l'eau du suc gastrique. — Les recherches sur la con- centration moléculaire des liquides de l'organisme, entreprises à l'aide de la méthode cryoscopique de Raoult, ont donné à Koranyi, Winter et Hamburger des résultats fort importants qui montrent le rôle que jouent les phénomènes de l'osmose dans la com- position chimique de ces liquides. Winter a constaté que la concentration moléculaire du suc gastrique oscille, comme celle de tous les autres liquides de sécrétion de l'or- ganisme, autour d'un axe qui est représenté par la concentration du sérum sanguin. Si l'on examine la concentration moléculaire du suc gastrique aux divers moments du cycle digestif, on trouve que cette concentration oscille entre deux limites mathémati- quement définies. L'une, qui est égale à 0,36, est constante, et liée à la résistance des cellules. L'autre, variable avec les individus, ne dépasse jamais la concentration du sérum sanguin, et est égale à 0, 55. Si, au début de la digestion, par la dilution du repas ingéré, l'une de ces deux limites se trouve dépassée, le premier travail de l'organisme consiste à ramener cette dilution dans les limites obligatoires. Ce retour aux conditions physiologiques peut être plus ou moins rapide, mais se produit constamment. Il est le résultat des courants osmotiques qui s'établissent entre le sang et le contenu stomacal, et représente la lutte de l'organisme contre toute velléité de désordre; lutte non pas intel- ligente, comme on l'admet communément, mais lutte nécessaire due à l'intervention aveugle des lois osmotiques vérifiables pour l'estomac comme pour la cellule artificielle de Pfeffer. La seule différence qui existe entre ces deux appareils au point de vue de leur fonctionnement osmotique, résiderait dans ce fait que les cellules vivantes se laissent traverser par d'autres molécules chimiques (NaCl surtout), que celles de l'eau, tandis que les cellules artificielles ne sont perméables qu'à ces dernières molécules. En somme, d'après Winter, la concentration moléculaire du suc gastrique serait soumise à trois ordres de forces qui se contrebalancent constamment, pendant toute la durée du cycle digestif. L'une de ces forces est représentée par le chlorure de sodium; la seconde par le pouvoir dissolvant du sang. Enfin, la troisième se rattache à la résorption des produits digestifs par l'estomac. Cette dernière est la plus importante. Elle dépend des centres vaso-moteurs et peut être caractérisée par l'ensemble des autres éléments phy- siques des liquides organiques. Tout récemment, Roth et Strauss ont repris l'étude de cette question, en se servant aussi de la méthode cryoscopique. Ces auteurs ont introduit dans l'estomac des solutions de concentration variable [hyper toniques, isotoniques "et hijpotoniques par rapport au plasma du sang) et de nature difîérente (solutions de chlorure de sodium, et de sucre, eau distillée, repas d'épreuve). En étudiant les modifications moléculaires que ces liquides subissent dans l'estomac, ils sont arrivés à la conclusion suivante. Les phénomènes d ESTOMAC. 75o résorption et de sécrétion de l'estomac peuvent être ramenés à trois processus différents qui se superposent et s'intriquent les uns avec les autres. Ces processus sont : 1" un échange de liquides entre le sang et la cavité gastrique par diffusion, qui a pour but d'égaliser la tension osmotique totale du sang et des liquides stomacaux; 2" une sécrétion diluante venant de l'appareil glandulaire de l'estomac, qui tend à diminuer la concentra- tion moléculaire excessive du contenu stomacal; 3° une sécrétion (/landulaire spécifique renfermant les éléments actifs du suc gastrique, ferments et acide chlorhijdrique. Il faut dire cependant que l'existence d'une sécrétion diluante dans l'estomac avait été déjà signalée par Mering. Cet auteur a constaté, en effet, en introduisant dans l'esto- mac des quantités différentes d'alcool, de sucre, de dexlrine, de peptones, d'albumoses et de sels, que ces substances étaient en partie absorbées parla muqueuse gastrique; mais, en même temps que l'absorption, il se fait une transsudation d'eau dans la cavité stomacale, en proportion d'autant plus forte que le pouvoir osmotique de la substance ingérée est plus considérable. Ces observations ont été confirmées par Strauss, Verhaegen et Leconte. Verhaegen prétend que la sécrétion diluante est un phénomène normal et qu'elle se présente surtout vers la fin de la digestion. Le but de cette sécrétion serait de diminuer l'acidité du contenu stomacal et de rendre plus fluide la masse alimentaire qui va passer dans l'intestin. Dans la digestion des repas copieux, elle peut se produire à plusieurs reprises. Le siège de cette sécrétion serait dans la région du pylore. Dans certaines maladies de l'estomac, il peut y avoir une sécrétion abondante d'un suc gastrique neutre ne contenant pas un grand excès de mucus. S'il en est ainsi, il y aurait, à côté de la gastrorrhée chlorhydrique et de la gastrorrhée muqueuse, une gastror- rhée aqueuse ou diluante. En tout cas, les diverses sécrétions de l'estomac se comportent différemment vis-à-vis des influences pathologiques. La moins résistante de toutes semble être la sécrétion chlorhydrique; viennent ensuite la sécrétion peptique, la sécrétion diluante, et en der- nier lieu la sécrétion muqueuse. G) Variations quantitatives du suc gastrique. — En faisant l'étude spéciale de chacune des sécrétions stomacales, nous avons passé en revue les variations qualitatives que le suc gastrique éprouve sous l'influence des conditions les plus diverses. Il nous reste maintenant à connaître comment se comporte ce liquide, au point de vue quanti- tatif, sous l'influence de ces mêmes conditions. a) Variations quantitatives du suc gastrique dans la série animale. — Et tout d'abord, voyons quelles sont les variations quantitatives du suc gastrique dans la série animale. Si l'on se rapporte aux observations des anciens auteurs, on trouve les résultats suivants. Le chien sécréterait en suc gastrique, d'api'ès Harvey, en vingt-quatre heures, l/lo du poids de son corps; d'après Bidder et Sghmidt, 1/10, et, d'après GrCnwald, 1/26. Toutefois BiDDER et ScHMiDT Ont fait remarquer que la quantité de suc produit par un même animal est très variable. Ainsi ces auteurs ont vu sur le chien se produire un écart de sécrétion de 24 à 204 grammes dans l'espace d'une heure seulement. Chez le mouton, la quantité de suc gastrique produit en vingt-quatre heures serait, d'après ces mêmes auteurs, de 120 grammes. Frkmont etFROUiN sont arrivés à recueillir sur un chien, qui pesait 12 kilos, et dont l'estomac avait été complètement isolé du reste de l'appareil digestif, 800 grammes de suc gastrique en vingt-quatre heures. E'n supposant que la même proportion existe chez l'homme, on pourrait dire qu'un suiet pesant 60 kilos sécrète 4 litres de suc gas- trique par jour. D'autre part, Pawlow et ses élèves ont vu qu'un chien soumis à l'in- fluence d'un repas fictif pouvait sécréter de 200 à 300 ce. de suc gastrique pur par heure. Konowaloff a l'ecueilli par ce même procédé jusqu'à 10 litres de ce liquide. Ces résultats épars n'ont toutefois aucune valeur comparative. Pour savoir exacte- ment la quantité de suc gastrique que les divers animaux peuvent produire, il faudrait soumettre ces animaux à des conditions d'alimentation comparables, recueillir leur suc gastrique par les mêmes procédés et rapporter la quantité de suc gastrique produit à la même unité de mesure. h) Variations quantitatives du suc gastrique dans les diverses conditions physiolo- giques. — 1° État de jeune. — Pendant les intervalles de la digestion, l'estomac ne sécrète qu'une petite quantité de mucus qui baigne les parois de cet organe. Les auteurs qui ont observé le contraire, — et ils sont relativement nombreux (Voir Sécrétion chlorhy- 756 ESTOMAC. drique) — se sont trouvés probablement en présence de certains cas pathologiques, ou bien alors ils ont eu affaire à des sécrétions psychiques provenant d'une façon indi- recte de l'excitation alimentaire. En tout cas, on peut affirmer que l'activité sécrétoire de l'estomac n'est pas une fonction continue. i" État de digestion. — La vitesse de sécrétion du suc gastrique ne reste pas cons- tante pendant toute la durée de la digestion. Pawlow et ses élèves ont montré que cette vitesse varie d'heure en heure depuis le commencement jusqu'à la fin du processus digestif. Sur un chien qui avait pris un repas mixte composé de 600 gr. de lait, 100 gr. de viande et 100 gr. de pain, Khigine a trouvé : VARIATIONS QUANTITATIVES DU SUC GASTRIQUE pendant la digestion d'un repas mixte. Heures Quantité après le repas. de suc en c. c. 1 1.^,1 II 21,0 III 21,6 IV 14,0 V * . . . . 12,0 VI 9,2 VII 1,6 VIII 4,4 IX 2,4 X 1,2 D'une manière générale, la marche de ces variations est représentée par une courbe qui monte rapidement au début de la digestion, se maintient ensuite au même niveau, pendant la seconde ou la troisième heure, puis descend très lentement pour se terminer d'une façon brusque. Toutefois la forme de cette courbe subit quelques légères modifi- cations dans chaque régime alimentaire. ^° Régime alimentaire. — a) Nature des régimes. ^ Ainsi, dans le régime de viande, la courbe de la sécrétion gastrique monte plus rapidement, et descend aussi plus vite que dans le régime mixte. Voici une expérience qui le prouve: VARIATIONS QUANTITATIVES DU SUC GASTRIQUE pendant la digestion de 400 grammes de viande crue. Heures Quantité après le repas. de suc en c. c. 1 16,0 II 14,3 III 16,4 IV 12,6 V 10,9 VI 8,4 VII 4,€ VIII . 4,2 IX . . 0 La courbe de la sécrétion gastrique dans le régime du pain présente aussi quelques particularités intéressantes. Elle se distingue des autres courbes par Ja rapidité même de son ascension et par la longueur considérable de sa période de descente. En effet, malgré la petite quantité de pain (200 grammes) que Khigjn'e a fait manger à [son chien, par rapport aux quantités que ce même animal avait prises dans l'alimentation mixte et dans l'alimentation par la viande, l'expérience suivante montre que la courbe de la sécrétion gastrique prend un développement inattendu. ESTOMAC. 757 VARIATIONS QUANTITATIVES DU SUC GASTRIQUE dans la digestion de 200 grammes de pain. Heures Quantité après le repas. de suc en c. c. I H,7 II ,5,0 III 3,4 IV 2,8 V 4,0 VI 3,7 VII 3,8 VIII 1,G IX 1,9 X 0,0 La courbe de la sécrétion gastrique dans le régime du lait diffère aussi nettement de celle des autres régimes. Cette courbe, qui monte d'abord rapidement, comme toutes les autres, continue son ascension pendant la seconde heure avec une vitesse qui est même deux, fois plus grande qu'au début de la digestion. L'ascension de cette courbe ne finit qu'après la troisième heure; mais, à partir de ce moment, la vitesse de la sécrétion diminue; puis elle s'arrête brusquement. On peut suivre ces variations dans le tableau ci-joint : VARIATIONS QUANTITATIVES DU SUC GASTRIQUE dans la digestion de 600 c. c. de lait. Heures (^Juantité après les repas. de suc en c. c. 1 4,0 II 8,6 III 9,2 IV 7,7 V 4,0 VI 0,6 La nature des aliments exerce, en outre, une influence marquée sur la quantité totale de suc gastrique produit par l'estomac dans la digestion d'un repas donné. Si l'on recueille, ainsi que l'a fait Khigi.xe, la quantité de suc gastrique sécrété par l'estomac dans la digestion de divers repas administrés dans des proportions identiques (200 grammes), on trouve des différences importantes que le tableau suivant montre bien : VARIATIONS QUANTITATIVES DU SUC GASTRIQUE suivant la nature des aliments. NATURE DE l'aliment. QUANTITE DE SUC produit en c. c. Aliments mixtes 62,7 Viande 56,9 Pain 33,6 Lait 37,0 Bouillie d'avoine avec de la viande. . . . 31,6 Blanc d'œuf cuit 43,7 Œufs cuits 53,5 Lard de bœuf 12,9 P) Quantité des aliments. — Si l'onvarie la quantité d'aliments qu'on ingère, la quantité de suc gastrique produit varie aussi. Pawlow et ses élèves prétendent qu'il existe une proportionnalité directe et rigoureuse entre ces deux facteurs. Les expériences de Khigine semblent, en effet, démontrer que cette loi est exacte. En voici un exemple : QUANTITÉ d'aliment QUANTITÉ DE SUC ingéré. produit en c. c. 100 grammes de viande crue. ...... 26 200 grammes de viande crue 40 400 grammes de viande crue. ...... 106 758 ESTOMAC. Cette loi se retrouve constamment, quelle que soit la nature de l'aliment ingéré, comme le montre cet autre exemple : QUANTITE D ALIMENT QUANTITE DB SUC ingéré. prod uit en c. c. Laif ■ "Pain Viande 300 c. c. 50 gr. 50 gr. 42,3 Lait Pain Viande 600 c. c. 100 gr. 100 gr. 83,2 Alimentation mixte o) Etat des aliments. — L'état des aliments doit aussi exercer une certaine influence sur la marche générale des sécrétions stomacales. Toutefois, entre la viande cuite et la viande crue, les différences quantitatives de suc gastrique produit ne sont pas bien importantes. 100 GRAMMES. 200 GRAMMES. VIANDE CRUE. Quantité de suc en c. c. 23,3 VIANDE CUITE. Quantité de suc en c. c. 24,0 VIANDE CRUE. Quantité de suc en c. c. 45,1 VIANDE CUITE. Quantité de suc en c. c. 42,1 Tout ce que nous venons de dire à propos de l'influence que le régime alimentaire exerce sur la marche quantitative des sécrétions gastriques, n'a réellement lieu que lorsqu'on ingère les aliments paries voies normales de l'appareil digestif. Si l'on introduit ces substances directement dans l'estomac, les résultats qu'on obtient sont tout autres. Pawlow a constaté que, dans ces conditions, seuls parmi tous les aliments, l'eau, le lait, la viande et la gélatine provoquent une sécrétion appréciable de suc gastrique. Les autres substances alimentaires, albumines, graisses et hydrates de carbone, sont tout à fait incapables de provoquer les sécrétions stomacales, et quelques-unes de ces sub- stances, comme par exemple les graisses, peuvent même paralyser l'activité des glandes gastriques. c) Variations quantitatives du suc gastrique dans les diverses maladies. — Malgré les procédés ingénieux proposés par M.ithieu et Rémond, Strauss et REiCHMANN,pour mesurer la quantité de suc gastrique que l'estomac de l'homme peut produire, nous ne savons pas encore comment les diverses maladies peuvent modifier la marche quantitative des sécrétions stomacales. Il faut cependant faire une exception en faveur de la maladie de Reichmann, qui semble provoquer d'une façon constante un écoulement abondant de suc gastrique. Dans ces derniers temps, Pawlow et ses élèves ont fait sur ce sujet quelques expé- riences intéressantes. Sur les mêmes animaux dont ils se servent habituellement pour l'étude physiologique des sécrétions gastriques, ils ont vu se produire des modifications profondes dans la marche de ces sécrétions sous l'influence de certains états patholo- giques qu'ils ont provoqués expérimentalement ou qui se sont présentés spontanément. En badigeonnant à plusieurs reprises la muqueuse du petit estomac isolé avec une solu- tion de nitrate d'argent à 10 p. 100, Sawrieff est arrivé à produire un état marqué d'asthénie des glandes gastriques, qui se caractérise par les modifications sécrétoires suivantes : HEURES DE SÉCEKTION. SÉCRÉTION NORMALE. , QUAJJTITli DJÎ gUC produit par 150 grammes de viande. SÉCRÉTION PATHOLOCiODE. QUANTITÉ DE SUC produit par la même quantité d'aliment. I . II. III. IV. V, centimètres cubes- 6,5 5,3 4,3 4,4 2,8 1,4 ToTiAL : 24,7 • centimètres cubes. 8,* 3,5 2,5 1,2 0,0 0,0 Total : 15,6 VI. ESTOMAC. 759 Pawlow s'exprime ainsi à ce propos ( Travail des glandes digestives, traduction française de Sabrazès et Pachon) : « Comme vous le voyez, la marche de la sécrétion, sous l'influence de l'état pathologique, a pris un caractère tout à fait inaccoutumé et parti- culier. Les chiffres de la première heure de sécrétion dépassent notahiement les chiffres normaux; dans le cours de la dernière heure, en revanche, se manifeste une chute exceptionnellement basse et brusque, au-dessous de la normale, chute qui se maintient pendant la troisième heure; puis la sécrétion s'arrête prématurément après avoir fourni une quantité de suc bien moindre qu'à l'état normal. La cellule glandulaire est donc devenue plus excitable qu'auparavant, mais en même temps elle se fatigue avec une facilité exceptionnelle. » C'est pour cette raison que Pawlow désigne cette maladie spéciale des glandes gastriques par le nom d'asthcnie ou faiblesse irritable. Kasa.nski a démontré, d'autre part, qu'on pouvait provoquer un état pathologique des cellules glandulaires, complètement opposé à celui que nous venons de décrire, en faisant agir un froid intense sur la muqueuse de l'estomac isolé. HEURES BE SÉCRÉTION. SÉCRÉTION NORMALE. SÉCRÉTION pathologique (froid). I ccntimt'tres cubes. 11,6 8,4 3,5 1,9 1,3 Total : 26,7 centimètres cubes. 6,2 11,6 10.8 5,6 3,6 Total : 37,8 II III. ... IV Y La cellule se montre ici plus paresseuse iau début; mais, une fois qu'elle est entrée en activité, elle produit une quantité de suc plus grande qu'à l'état normal. Enfin, sur un chien qui succomba au développement d'un ulcère rond du petit estomac, Wolkowitsch a observé une hypersécrétion croissante de suc gastrique, en même temps qu'un trouble profond dans la marche de cette sécrétion. d) Variations quantitatives du suc gastrique sous l'influence de quelques agents chi- miques. — Les seuls corps chimiques que nous connaissions jusqu'ici, qui puissent exciter par eux-mêmes les glandes gastriques, sont l'éther et l'alcool dilués, et aussi la pilocar- pine. Ce dernier corps surtout provoque, quelle que soit la voie par laquelle on l'intro- duit dans l'organisme, une sécrétion abondante de suc gastrique. Quant à l'alcool et à l'éther, ils n'agissent efficacement sur les glandes gastriques que lorsqu'on les met direc- tement en contact avec la muqueuse stomacale. Toutefois Chittenden et Radzikowki ont vu l'un et l'autre que l'alcool introduit dans l'intestin grêle et dans le rectum peut encore faire sécréter les glandes gastriques. D'après Pawlow et son élève Sawriew, l'alcool absolu, introduit dans l'estomac isolé d'un chien, ne produirait qu'une forte sécrétion de mucus. Les autres corps chimiques que les médecins donnent très souvent pour stimuler les sécrétions gastriques ne sont tout au plus que des agents modificateurs de ces sécré- tions. Quelques-uns d'entre eux accélèrent la marche de ces sécrétions, tandis que d'autres les retardent. Parmi ces derniers, il faut citer au premier rang l'atropine. H) Durée des sécrétions gastriques. — Cette élude a été faite d'une façon rigou- reuse par Pawlow et ses élèves. Le temps que dure l'activité des glandes gastriques, à la suite de l'ingestion d'un repas donné, varie tout d'abord avec la nature de l'aliment ingéré. Khigixe classe ainsi qu'il suit les divers aliments, d'après la persistance de leur action sur les sécrétions stomacales. Blanc d'œuf cuit. Pain blanc. Œufs cuits. Graisse de bœuf. Viande. Lait. 760 ESTOMAC. Il est bien entendu que ces aliments doivent être ingérés dans des proportions iden tiques. Si l'on en varie la quantité, l'ordre dans lequel ils se rangent n'est plus le même. La durée des sécrétions gastriques dépend en effet, dans une grande mesure, de la quan- tité d'aliment qu'on ingère. Ainsi, pour un même aliment, la viande par exemple, Khigine a constaté, en en donnant des quantités différentes à son animal en expérience, les variations suivantes dans la durée des sécrétions gastriques. DUREE DE LA SÉCRÉTION Stomacale en heures. !100 grammes 4 h. 1/2 200 — 6 h. 1/2 400 — 8 h. 3/4 La loi de ces variations suivrait, d'après Khigine, une progression géométrique. Le travail de sécrétion de l'estomac ne doit pas durer le même temps chez tous les animaux. Chez le chien, la durée des sécrétions gastriques varie dans des limites assez larges, entre trois et dix heures, d'après Khigine. J) Période latente des sécrétions gastriques. — Les glandes gastriques ne com- mencent pas à sécréter tout de suite après l'ingestion des aliments. Il y a toujours un temps perdu qui s'écoule entre le moment où la sécrétion commence et le moment où paraît la première goutte de suc gastrique. Ce temps perdu oscille pour les diverses expériences entre cinq et quinze minutes, mais ces oscillations ne sont nullement en rapport avec la nature ou la quantité des aliments ingérés dans l'estomac. D'après Pawlow, qui voit dans tous ces phénomènes l'expression d'une réelle finalité, la période latente des sécrétions gastriques n'aurait d'autre but que de permettre à la salive de continuer son action amylolytique dans l'estomac. Inutile de dire que c'est là une simple hypothèse, qu'aucun fait, jusqu'ici, n'est venu confirmer. J) Modifications de la muqueuse stomacale pendant le travail de sécrétion. — Ces modifications sont de deux ordres différents. En premier lieu, l'aspect macro- scopique de la muqueuse stomacale change aussitôt que les aliments pénètrent dans l'estomac. La surface interne de cette muqueuse devient turgescente et prend une colo- ration rose foncée. Ces deux modifications répondent à un accroissement de la circula- tion dans les vaisseaux capillaires de la muqueuse. Blondlot a été le premier auteur qui ait attiré l'attention sur l'existence de cet état spécial de la muqueuse gastrique, qu'il appelait l'état turgide, et que seule, disait-il, l'excitation alimentaire pouvait provoquer. En même temps que ces modifications circulatoires, l'épithélium pavimenteux et l'épithélium glandulaire éprouvent des changements morphologiques importants. Les cellules de l'épithélium pavimenteux se chargent abondamment de mucus et devien- nent plus volumineuses qu'à l'état déjeune. Leur partie superficielle prend un dévelop- pement plus considérable que leur partie basale ou protoplasmique. Le protoplasma et le noyau sont comme refoulés vers la profondeur du corps de la cellule, tandis que la membrane propre se gonfle et tend à éclater vers l'extérieur. Certains auteurs préten- dent même que les cellules de l'épithélium superficiel sont constamment ouvertes, et que leur contenu muqueux s'échappe au fur et à mesure de sa formation. L'épithélium glandulaire subit aussi des changements microscopiques importants. Ces changements, qui ont été très bien étudiés par Heidenhain et ses élèves, portent aussi bien sur les glandes de la région du fond et sur les glandes de la région pylorique. Oppel a réuni dans le tableau suivant (p. 7GI), les principaux résultats obtenus par les physiologistes de l'école de Breslau dans leurs recherches sur cette question. Toutes ces transformations cellulaires aboutissent à la formation du suc gas- trique. Heidenhain rejette l'hypothèse d'une fonte cellulaire. Les éléments épithé- liaux des glandes gastriques sécréteraient sur place et sans se détruire; mais il paraît probable que les cellules principales finissent tôt ou tard par périr, et qu'elles sont alors remplacées par les cellules de bordure, qui sont des éléments beaucoup plus jeunes. ESTOMAC. 761 Modifications morpliologiques des cellules des glandes gastriques aux divers moments de leur activité. D'après IIeidenhain et ses élôvi's. PÉRIODES DE REPOS ET d'ACTIVITI-:. GLANDES DU FOND CELLULES DES GLANDES l'YLORIQOES. CELLULES principales. CELLULES de bordure. Jeûne. Grosses et claires. Petites. Au début, contenu trouble; puis, claires et de gran- deur moyenne. Pendant les six premières heures de la digestion. Grosses et à con- tenu finement granuleux. Plus grosses. Ne subissent pas de chan- meut. De la sixième à la neuvième heure de la digestion. Diminuent de vo- lume, etleur con- te nu devient plus granuleux. Très grosses et bosselées. Augmentent de volume et deviennent plus claires; leur noyau a des formes ii-régulicres et se trouve placé près de la partie su- perficielle de la cellule. De la quinzième à la ving- tième heure après l'inges- tion des aliments. Augmentent de vo- lume et devien- nent claires. Diminuent de vo- lume etprenncnt des formes ar- rondies. Prennent des formes ratati- nées, et leur contenu se trouble. Leur noyau, qui est rond, présente des gra- nulations très nettes et se place vers le milieu de la cellule. K) Modes de sécrétion de l'estomac. — En se basant sur le point de départ de l'excitation qui met en activité les glandes gastriques, on a reconnu jusqu'ici trois modes de sécrétion dans l'estomac : 1° une st^crétion d'origine psychique, provoquée par la vue ou par l'odeur des aliments, ainsi que parle passage de ces substances à travers les voies supérieures de l'appareil digestif; 2° une sécrétion d'origine .stomacale, résultant de l'in- troduction directe des aliments dans l'estomac; 3° une sécrétion d'origine intestinale, déterminée par la présence de certaines substances alimentaires dans la cavité de l'in- testin grêle. a) Sécrétion d'origine psychique. — En 1843, Blondlot avait observé que, tandis que l'introduction directe du sucre dans l'estomac n'amenait pas la sécrétion du suc gastrique, ce même aliment, ingéré par la boucbe, produisait toujours une sécrétion abondante de ce liquide. « On peut expliquer, disait-il, ce fait de différentes manières : celle qui me paraît le plus vraisemblable est que l'impression produite par le sucre sur l'organe du goiit stimule sympathiquement la membrane interne de l'estomac. Une autre conséqtience plus générale, qu'on peut, ce me semble, déduire de cette expérience, c'est que les opérations préliminaires de la dégustation, de la mastication, de l'insalivation et de la déglutition ont pour effet de provoquer sympathiquement un certain degré de surexcitation sur la membrane de l'estomac, et qu'ainsi elles ne sont pas sans influence sur la sécrétion du suc gastrique.» Blondlot termine en comparant l'estomac aux glandes salivaires, dont la sécrétion, dit-il, est activée par le simple contact des aliments avec l'orifice du conduit excréteur, sans que la glande elle-même soit stimulée directement. Quelque tenips après ces observations, Bidder et Schmiut remarquèrent que la vue seule des aliments suffisait à provoquer, chez le chien, une sécrétion abondante de suc gastrique. En 1878, Ch. Richet vit aussi sur ce même animal, en lui faisant flairer un morceau de viande, que la muqueuse de l'eslomac devenait rouge et que le suc gas- trique s'écoulait par la fistule d'une façon appréciable. Cet auteur constata en outre, sur son malade gastrotomisé, dont l'histoire est de tous connue, que la mastication des substances sapides et parfumées donnait constamment lieu à un flux relativement abon- 762 . ESTOMAC. dant de suc gastrique. C'est même par ce procédé tout physiologique que Ch. Richet est arrivé le premier à recueillir le suc gastrique pur. Toutefois, malgré ces diverses observations, l'existence d'une sécrétion psychique dans l'estomac ne fut définitivemeat établie qu'à partir du moment où parurent les recherches de Pawlow et de ses élèves sur cette question. Pawlow et M™^ ScHOUMOw-SiMANOwsKi démontrèrent tout d'abord que le 7'epas fictif, c'est- à-dire le passage des aliments à travers les voies supérieures de l'appareil digestif, était toujours suivi, chez le chien, d'une sécrétion active des glandes gastriques. Cette sécré- tion commence exactement cinq minutes après le début de l'ingestion et dure en général deux ou trois heures. En outre, elle disparaît totalement lorsqu'on sectionne les nerfs pneumogastriques. Ces auteurs n'osèrent pas se prononcer lors de ces premières recherches, sur la nature de l'excitation, qui, en agissant sur la muqueuse des parties supérieures de l'appareil digestif, pouvait ainsi mettre en jeu l'activité des glandes gastriques. Ils se contentèrent de dire à ce propos que la sécrétion stomacale provoquée par le repas fictif était probablement le résultat d'une série d'actions simultanées, psychiques et réflexes, ces dernières étant toutefois les plus importantes. Postérieurement, Kettscher vit que la mastication et la déglutition, ainsi que les sensations du goùl, ne peuvent exciter par elles-mêmes les glandes gastriques si ces divers phénomènes n'agissent pas d'une manière psychique, en éveillant l'appétit chez l'animal. Néanmoins Kettscher croyait encore qu'il existait dans l'estomac, indépen- damment de toute excitation psychique, une sécrétion réflexe provenant de lirritation mécanique des parties postérieures de la cavité buccale par les aliments solides. En faisant manger de force un chien indifférent à toute nourriture, on constate que l'acte de manger, même forcé, provoque chez le chien une sécrétion plus ou moins abondante de suc gastrique. Tel était l'état de cette question, lorsque les expériences de Sanotzky vinrent prouver d'une façon incontestable que V clément psychique ]OViQ un rôle des plus importants dans les phénomènes de sécrétion de l'estomac. D'abord la vue et l'odeur des aliments suffi- sent réellement à provoquer les sécrétions gastriques. Sur vingt expériences faites sur des chiens à jeun (dix-huit à vingt-quatre heures après le dernier repas), il n'y en a eu qu'une qui ait donné des résultats négatifs, et encore faut-il dire que dans ce cas il s'agis- sait d'un animal qui n'éprouvait aucun plaisir à la présence des aliments et qui proba- blement n'avait pas très faim. Dans toutes les autres expériences, Sanotzky a constaté qu'il y avait toujours finalement sécrétion d'une quantité plus ou moins grande de suc gastrique, lorsqu'on mettait les animaux en présence de la viande. Cette sécrétion ne se manifeste pas avant cinq minutes, et elle peut tarder jusqu'à quinze minutes. La quantité de suc que l'on recueille dans ces conditions varie beaucoup d'un animal à l'autre, et, pour un même animal, d'une expérience à l'autre. Ainsi, tandis qu'un chien excité par la viande pendant cinq minutes ne produisait que 3 c. c. 1/4 de suc en trois quarts d'heure, un autre chien sécrétait, sous l'influence de la même excitation, jus- qu'à 15 ce. de suc pendant les premières cinq minutes. La durée de cette sécrétion ne dépend pas directement de la durée de l'excitation. Il arrive même parfois que l'écou- lement du suc gastrique cesse alors que l'excitation continue. Enfin, la marche de la sécrétion psychique est généralement très forte au début; puis elle diminue progressi- vement, pour s'arrêter sans changement brusque. Quant au suc gastrique produit par cette sécrétion, il est un peu moins acide, et jouit d'un pouvoir de digestion un peu plus faible que dans l'alimentation normale. Après avoir bien démontre' que l'estomac pouvait ainsi sécréter sous l'influence d'une excitation psychique pure, c'est-à-dire d'une excitation qui passe par l'écorce cérébrale avant de retentir sur les centres de sécrétion des glandes gastriques, Sanotzky a cherché si ces mêmes influencé.V psychiques n'étaient pas la cause véritable de l'activité sécré- toire que présente l'estomac à la suite du repas fictif. Il s'est dit : Puisque la vue seule des aliments suffit à provoquer presque toujours la sécre'tion du suc gastrique, il faut s'attendre a priori à ce que le passage de ces substances à travers les voies supérieures de l'appareil digestif ait un effet plus marqué sur l'ac- tivité des glandes gastriques. En même temps l'action psychique doit être beaucoup plus intensedans ce dernier cas quedans l&pi^emier. L'expérience aconfirmé ces prévisions. En ESTOMAC. f63 effet, l'estomac sécrète, sous l'influence du repas fictif, un suc plus abondant et plus actit que sous l'influence de la vue seule des aliments. En voici un exemple : De 3 h. 45 à 3 h. oO on excite le chien par la vue de la viande. La sécrétion gastrique fut pour ainsi dire nulle. TEMPS. QUANTITÉ DE SUC. ACIDITÉ. POUVOIR DIGESTIF. 3 h. OS — 3 h. 50 0 c. c. 3 h. 50 — 3 h. 55 deux gouttes 3 h. 55 — 4 n. 1/4 c. c. 4 h. — 4 h. 05 3/4 - 4 h. 05 — 4 h. 10 3/4 - 4 h. 10 — 4 h. 15 1/2 - 0.203 0/0 5-" 1/4 4 h. 13 — 4 h. 20 1/4 - 4 h. 20 — 4 h. 25 environ 1/4 — 4 11. 25 — 4 b. 30 1/4 - 4 h. 30 — 5 h. 35 fil de mucus. A 5 heures on commence le 7'epas fictif qui dure cinq minutes. La sécrétion appa- raît cinq minutes après le début de l'expérience, et le suc gastrique est très actif. DURÉE QUANTITÉ POUVOOIR TEMPS. DE LA SÉCRÉTION. DE SUC. ACIDITÉ. DIGESTIF. minutes. cent, cubes. p. 100. mm. 0 h. 03 — 5 h. 12 7 10 0,405 6 7/8 5 h. 12 — 3 h. 16 4 10 0,495 b 5/8 5 h. 16 — 5 h. 20 4 10 0.305 5 3/4 5 h. 20 — 5 il. 25 5 10 0,539 5 1/2 3 h. 25 — 5 h- 31 6 10 0,523 0 1/4 5 h. 31 — 0 h. 47 16 10 0,505 5 1/2 5 h. 47—6 h. 02 15 10 0.495 6 1/2 6 h. 02 — 6 h. 25 23 10 0,481 5 7/8 6 h. 25—6 h. 53 28 10 0,466 7 3/8 6 h. 53-7 h. 28 33 10 0,437 7 7 h. 28 — 7 h. 35 7 1 la sécrétion cesse 0 En faisant avaler à un chien œsophagotomisé un grand nombre de substances étrangères (morceau de cire à cacheter, morceau d'épongé imprégnée d'eau, d'acides, d'extrait de viande, morceau de viande recouvert de moutarde, etc.) capables d'exciter mécaniquement et chimiquement les muqueuses buccale et pharyngienne, on voit que ces excitations ne produisent aucun effet sur les sécrétions gastriques. Et il n'y a pas à supposer une influence inhibitoire quelconque; car le passage de ces substances ne trouble en rien la sécrétion gastrique, si elle est commencée. Sanotzky conclut que la sécrétion gastrique provoquée par le repas fictif n'est pas un réflexe simple déterminé parles excitations mécaniques ou chimiques de la muqueuse buccale, ou les actes de la mastication ou de la déglutition. Il pense que cette sécrétion a, comme celle qui résulte de la vue de la viande, une origine psychique. « On peut croire, dit-il, qu'une irritation spécifique quelconque de la cavité buccale dans l'acte de manger n'est pas absolument indispensable pour provoquer la sécrétion du suc gastrique, de même qu'on ne peut supposer, par exemple, d'irritation spécifique de la rétine quand il y a sécrétion du suc gastrique à la seule vue de la nourriture. Les impressions produites par la vue dans ce dernier cas, et les diverses impressions ressenties par la muqueuse de 764 ESTOMAC. la cavité buccale, dans le premier cas, ne donnent probablement que l'impulsion, ou aident seulement au développement dans le système nerveux central d'un processus particulier agissant d'une manière excitante sur l'appareil glandulaire de l'estomac. Il ne faut pas oublier qu'un processus de même nature, mais généralement moins intense, peut aussi se développer de soi-même, c'est-à-dire en l'absence de toute action sur les organes de la vue, de l'odorat et du gofit. Ainsi il paraît très probable que la cause principale de la sécrétion du suc gastrique après le repas fictif, est, cbez l'animal affamé, la vive représentation qu'il se fait des aliments et de l'action de manger. » Ce qui vient tout à fait confirmer cette opinion de Sanotzki, c'est le manque de rapport qui existe entre la durée de l'excitation et la durée du processus sécrétoire, dans ce genre d'alimentation, il est difficile, en effet, d'admettre, ajoute-il, qu'une sécrétion qui se continue plusieurs heures après une excitation de la muqueuse buccale qui ne dure que cinq minutes, puisse être le résultat d'un acte réflexe, car on ne connaît pas de phénomènes réflexes de cette nature. S'il est permis de parler ici d'acte réflexe, cène peut-être qu'un acte réflexe d'ordre supérieur, dont le processus psychique parti- culier, auquel nous faisions allusion tout à l'heure, n'est qu'un des anneaux. Afin de bien prouver que la longue durée de la sécrétion gastrique dans le repas fictif ne tient pas à un mode spécial de fonctionnement des glandes stomacales, tandis qu'elle est liée à un processus psychique particulier qui se développe sous l'influence des excitations alimentaires, Sanotzky a fait l'expérience suivante : Sur un chien gastrotomisé dont un des pneumogastriques avait été sectionné quelque temps auparavant, et l'autre mis à nu le jour même de l'expérience, on provoque la sécrétion gastrique par le repas fictif; puis, lorsque cette sécrétion est en train, on sectionne le pneumogastrique qui reste, et on étudie la marche des phénomènes. Les résultats de cette expérience ont été les suivants : A 2 h. 50 ouverture de la fistule gastrique; il sort de l'estomac une petite quantité de mucus; il n'y a donc pas de sécrétion de suc. A 3 h. 49 commence le repas fictif; il dure ïo minutes. Les premières gouttes de suc gastiùque apparaissent o minutes après. QUANTITÉ POUVOIR TEMPS. . ACIDITÉ. DE SUC. DIGESTIF. cent, cubes. p. 100. mm. 3 h. 54 — 3 h. 59 15 0,452 4,5/8 3 h. 59 — 4 h, 04 24 « » A4 h. 4 on sectionne le pneu- mogastrique gauclie ; Tanimal ne i réagit pas; quelques minutes après > la section, le pouls est de 156. 1 0,493 4.3/8 4 h. 04—4 h. 09 9 4 h. 09 — 4 h. U 2 4 h. 14—4 h. 19 3/4 4 h. 19 — 4 h. 24 1/2 A 4 h. 24 le chien voit un mor- ceau de viande près de lui et fait un assez fort mouvement en avant. 0,466 4,1/8 4 h. 24 — 4 h. 29 2 1/2 ■ 4 h. 29 — 4 h. 34 1/2 4 h. 34 — 4 h. 39 0 De 4 h. 39 à 4 h. 49 repas fictif. 4 h. 39 — 4 h. 49 0 Après une heure et demie on ouvre de nouveau la fistule stomacale; il n'y a pas de suc gastrique. La sécrétion diminue rapidement aussitôt qu'on sectionne le dernier pneumogas- trique, et elle s'arrête au bout de quelques instants. Ce fait suffirait à lui seul pour ESTOMAC. 765 montrer que la cause de la longue durée du processus sécrétoire déterminé par le repas fictif ne réside pas dans l'estomac ]ui-m(*me. On ne peut pas non plus soutenir que ce- phénomène dépende d'une irritation prolongée des terminaisons nerveuses de la muqueuse buccale, par les produits qui peuvent rester dans cette cavité, après le repas fictif, car, même alors, ces produits n'auraient aucune influence sur l'activité des glandes gastriques, ainsi que le montrent les expériences précédentes. Il no reste donc plus que l'élément psychique pour expliquer le mécanisme de ce mode de sécrétion. Cet élément est représenté, d'après Sanotzki, par le désir passionné des aliments et par le sentiment de plaisir et de jouissance qui accompagne l'acte de manger. En raison de son origine psychique, la sécrétion provoquée par le repas fictif est soumise à diverses oscillations, d'origine centrale. Pawlow a indiqué les suivantes : « Si l'animal est préalablement soumis à un jeûne de deux à trois jours, nous pouvons lui offrir dans l'expérience du repas fictif un aliment quelconque (viande cuite ou fraîche, pain, blanc d'œuf cuit, etc.), nous obtiendrons toujours une sécrétion très abon- dante de suc gastrique. Le chien n'a-t-il pas au contraire été préalablement mis à jeun, et reçoit-il, par exemple, son repas fictif quinze à vingt heures après son dernier repas, il discerne alors parfaitement entre les divers aliments, dont les uns provoquent de sa part une grande avidité, d'autres une moindre, et d'autres le laissent tout à fait indiffé- rent; parallèlement la quantité et la qualité du suc sécrété présentent des oscillations considérables. Plus l'animal mange avec avidité, plus le suc est sécrété en abondance, plus est grand aussi son pouvoir digestif. La plupart des chiens préfèrent la viande au pain; aussi bien, dans le repas fictif de pain, le suc sécrété sous cette influence est-il moins abondant et d'un pouvoir digestif plus faible que dans le cas du repas fictif de viande. On observe cependant des chiens qui se jettent sur le pain avec plus d'appétit que sur la viande ; chez ceux-là on obtient régulièrement un suc plus abondant et de pouvoir digestif plus élevé avec le repas fictif de pain qu'avec le repas de viande. Hap- portons encore un fait analogue. Vous donnez à votre chien de la viande cuite, coupée par morceaux, que vous lui distribuez à des intervalles déterminés. Le chien les mange, mais déjà, à la manière dont il se comporte, vous remarquez qu'il ne manifeste pas d'avidité particulière, et vous êtes frappé par cette observation que l'animal cesse, au bout de quinze à vingt minutes, de prendre la viande qu'on lui offre. Parallèlement il arrive, ou bien que la sécrétion du suc gastrique ne se manifeste pas du tout, ou qu'elle apparaisse à un intervalle bien plus tardif que celui des cinq minutes l'églementaires, el qu'elle reste jusqu'à la fin insignifiante. Après avoir attendu que toute sécrétion se soit tarie, ou bien le lendemain, donnez au même chien de la viande crue, en morceaux de môme grosseur, et distribués à des intervalles identiques, c'est-à-dire, opérez d'une manière tout à fait semblable à celle que vous avez pratiquée avec la viande cuite. La viande crue plaît évidemment au goût de l'animal, il en mangerait pendant des heures entières; la sécrétion de suc gastrique commence alors au bout de cinq minutes précises, et se montre très abondante. Chez tel autre chien qui préfère la viande bouillie à la viande crue, les phénomènes sont inverses. Le bouillon, la soupe, le lait, vis-à-vis desquels les chiens manifestent plus d'indiflérence qu'à l'égard des aliments solides, ne provoquent souvent pas la moindre sécrétion, donnés en repas fictif; s'il y a production de suc, c'est du moins en petite abondance, quoique le bouillon par exemple reproduise les qualités gustatives essentielles de la viande. » Ainsi donc, d'après Pawlow, l'appétit, le goût, tout ce qui peut en un mot changer l'état psychique de l'animal en rapport avec l'alimentation, exerce une grande influence sur la marche de la sécrétion gastrique dans le repas fictif. On s'explique ainsi que beaucoup d'auteurs qui n'ont pas tenu compte de ces conditions soient arrivés à des lésultats négatifs, et aient contesté l'existence de ces sécrétions. La période latente de ces sécrétions dure, en général, cinq minutes, mais elle peut varier de quatre à quinze minutes. La durée oscille entre une et trois heures pour des excitations qui ne dépassent pas quinze miimtes. La joror/rei^sion en est très forte pen- dant la première heure; puis elle s'éteint graduellement. Enfin le suc produit par les .glandes gastriques, sous l'influence des excitations psychiques, serait plus important, aux points de vue quantitatif et qualitatif, que le suc élaboré par ces glandes en réponse à une excitation directe de la muqueuse stomacale. 766 ESTOMAC. b) Sécrétion d'origine stomacale. — L'existence d'une pareille sécrétion n'a été jamais •mise en doute. On peut même dire que les anciens auteurs croyaient que les glandes gastriques n'entraient en activité que sous l'influence d'une excitation directe de la muqueuse stomacale. Ce n'est qu'à partir des travaux de Pawlow que les idées relatives à cette sécrétion ont subi un revirement complet. Pawlow a montré que non seulement la sécrétion produite par l'excitation de la muqueuse stomacale n'est pas le seul mode de sécrétion des glandes gastriques, mais que cette sécrétion ne se manifeste que dans des conditions spéciales, dont l'étude n'avait jamais été bien faite. Si l'on prend la précaution d'introduire directement dans l'estomac un grand nombre de substances alimentaires, sans exciter psî/c/iigz » Pilocarpine. •» » En reprenant une idée qui avait été déjà formulée par Blondlot, Pawlow a soutenu que la muqueuse stomacale jouit d'une excitahilité spécifique. Nous croyons qu'en présence des résultats inscrits dans le tableau précédent il est difficile d'admettre un principe aussi absolu. Pawlow a prétendu en outre que les glandes gastriques adaptent leur tra- vail sécrétoire aux conditions de digestibilité des aliments introduits dans l'estomac, de telle sorte que, plus l'aliment ingéré est indigeste, plus le suc sécrété par les glandes est abondant et actif. M™" Potapow a combattu cette opinion. Elle a fait observer avec raison que, tandis que certains aliments, cjui sont relativement difficiles à digérer, comme par exemple la viande cuite et l'albumine coagulée, ne provoquent aucune sécré- tion, un peu d'extrait de Liebig ou de dextrine déterminent la formation d'un suc gas- trique très abondant et très riche en pepsine. D'autre part, on ne peut pas oublier que l'eau est un excitant efficace des sécrétions gastriques, ce qui est absolument contraire aux idées de Pawlow. Aussi cet auteur a-t-il cherché à expliquer cette exception en disant que, dans le cas où il n'y a pas de sécrétion psychique, l'eau, qui est très répandue dans la nature et dont on sent très souvent le besoin, peut être l'agent qui met en branle le travail sécrétoire de l'estomac. Malgré les objections qui se présentent contre une adaptation immédiate du travail de sécrétion des glandes gastriques aux conditions de digestibilité des aliments, tout porte à croire que cette adaptation se réalise peu à peu dans les régimes prolongés. Des expériences récentes de G. Weiss montrent, en effet, que l'estomac des canards, nourris pendant longtemps avec la viande, subit des modifications morphologiques profondes en vue de cette nouvelle alimentation. Cet auteur n'a pas examiné le suc gastrique pro- duit par ces animaux quand ils arrivent à cet état d'adaptation; mais il est rationnel de penser que, si les glandes elles-mêmes se sont transformées, le suc qu'elles sécrètent doit avoir aussi des propriétés chimiques différentes. 11 est vrai que Pawlow et ses élèves n'ont pas pu réussir, dans ce genre d'expériences, à observer des modifications stables de la sécrétion gastrique dans les régimes prolongés. Seul Lobassopf a constaté un fait de cet ordre; mais c'était sur un chien qui avait été opéré par la méthode de Heidenhain, et qui se trouvait par conséquent dans des conditions d'innervation anormales. On doit dire cependant que les physiologistes russes ont fait peu d'expériences sur cette question, et qu'ils n'osent pas en tirer une conclusion définitive. 6) Mode d'action des excitants des glandes gastriques. — Nous connaissons déjà la théo- rie que ScHiFK a proposée, pour expliquer le mécanisme d'action des peptogènes sur les glandes gastriques. Schiff avait soutenu que ces substances agissent sur les glandes gastriques par l'intermédiaire du sang. Il est arrivé à cette conclusion en voyant que les peptogènes produisent toujours les mêmes effets excitants sur les sécrétions stomacales, et en particulier sur la sécrétion peptique, quelle que fût la voie par laquelle on les 774 ESTOMAC. introduisait dans l'organisme, en exceptant cependant la voie duodénale. Depuis cette époque une longue discussion s'est engagée entre les élèves de Schiff d'une part, -et les élèves de Fick, de Heidenhain et de Pawlow d'autre part, pour soutenir ou pour com- battre les idées du physiologiste de Genève. Même actuellement, la discussion reste encore ouverte. Néanmoins on peut dire qu'après les travaux de l'école de Pawlow la plupart des physiologistes ont fini par admettre que les excitants des glandes gastriques agissent par l'intermédiaire du système nerveux, et non pas, comme le croyait Schiff, par l'intermédiaire du sang. D'après Pawlow, on peut introduire dans le rectum les substances alimentaires qui se montrent les plus actives vis-à-vis des glandes gastriques, et attendre que ces substances soient complètement absorbées dans cette cavité sans que cela provoque le moindre phénomène de sécrétion de la part de l'estomac isolé. Au contraire, le simple contact de ces substances avec les muqueuses buccale, stomacale, ou duodénale, détermine une sécrétion abondante de suc gastrique dans cette même partie de l'estomac. Pour montrer que ce phénomène sécrétoire ne tient pas à une absorption des dites substances dans ces dernières cavités, Pawlow cite une expérience de Lobassoff, dans laquelle l'extrait de Liebig introduit dans l'estomac avec de la colle d'amidon donne lieu à une sécrétion beaucoup plus importante de suc gastrique que dans le cas pu ce corps est introduit tout seul dans 1 estomac. Il semble, en effet, évident que, si l'extrait de viande agissait sur les glandes gastriques après son passage dans le sang, il serait bien plus actif en solution simple que mélangé à de l'amidon lequel rend plus difficile sa résorption. Enfin il suffit de troubler l'innervation de l'estomac, pour voir l'activité sécrétoire des glandes gastriques diminuer tout aussitôt, et quelquefois cesser complètement. Malgré la portée de ces expériences, les élèves de Schiff persistent encore à croire que les faits établis par ce dernier auteur sont exacts et qu'ils ne peuvent être interprétés autrement qu'en admettant le passage des substances peptogènes dans le sang. Ainsi lyjmc Potapow-Pracaitis, une élève de Herzen, qui a repris tout récemment l'étude de cette question, veut bien accorder à Pawlow que les siiccagogiies, comme l'extrait Liebig, n'agissent pas sur les glandes gastriques lorsqu'on les injecte dans le rectum, mais elle soutient en même temps que les peptogènes de Schiff, comme par exemple la dextrine, se montrent très actifs dans ces mêmes conditions. Les expériences de cet auteur sem- blent avoir été bien conduites, et après tout on peut admettre que les substances alimentaires peuvent stimuler l'activité des glandes stomacales par des procédés tout à fait différents. A l'appui de cette opinion on doit citer l'exemple de l'alcool et de la pilocarpine. L'alcool produit une sécrétion abondante de suc gastrique si on l'introduit dans l'intestin grêle (Chittenden) ou dans le rectum (Radzikowski). Quant à la pilocarpine, elle donne lieu aux mêmes effets quelle que soit la voie par laquelle on l'introduira dans l'organisme. c) Rôle du système nerveux dans les sécrétions gastriques. — D'après Pawlow et ses élèves, l'activité sécrétoire de l'estomac serait toujours fonction du système nerveux. Les premiers phénomènes sécrétoires qui apparaissent dans cet organe, lors de l'alimen- tation normale, auraient une origine psychique. Plus tard, l'activité sécrétoire des glandes gastriques serait entretenue par des excitations réflexes qui partent d'abord de la muqueuse stomacale, puis de la muqueuse intestinale. Ces diverses excitations peuvent suivre deux voies différentes pour arriver aux glandes gastriques : le nerf pneumogastrique et le nerf sympathique. D'autre part les ganglions intra-stomacaux, qui jouissent d'une certaine autonomie, doivent aussi intervenir dans les fonctions sécrétoires de l'estomac. Enfin il est possible que la marche de ces fonctions se trouve sous la dépendance d'un centre nerveux régulateur, comme cela arrive pour toutes les autres fonctions organiques. 1° Rôle du pneumogastrique dans les sécrétions gastriques. — L'historique de nos con- naissances sur ce sujet peut être divisé, en deux périodes : 1" Avant les travaux de Pawlow,^ et 2° après les travaux de Pawlow. Pendant la première de ces périodes on ne trouve dans la littérature scientifique que des résultats pour la plupart contradictoires. Les faits les plus saillants qui ont été établis à cette époque sur le rôle du pneumogastrique dans les sécrétions stomacales sont les suivants : 1" La section des pneumogastriques faite au niveau du cou trouble considé- ESTOMAC. 775 rablement la marche de la digestion. D'après J. Muller, Frerichs.Cl. Bernard, Lussana, Couvreur et Contejean, ce trouble tiendrait à des altérations quantitative et qualitative du suc sécrété alors par l'estomac. Pour Breschkt, H. Milne-Edwards, Boughardat, San- DRAS et Longet, la section des pneumogastriques au cou ne troublerait, au contraire, la marche de la digestion que parce que cette section abolit plus on moins les mouve- ments de l'estomac. Bidder, Schmidt et Panum, tout en admettant aussi que la section des pneumogastriques au cou diminue toujours l'intensité des sécrétions gastriques, ont le soin d'ajouter que ce résultat n'est dû qu'à l'état d'inanition aqueuse dans lequel se trouvent les animaux à la suite de cette opération. Enfin, d'après Magendie, Pincus, Fritzler, Sghiff et Duron, si l'on fait la section des pneumogastriques sous le diaphragme, au lieu de la faire au niveau du cou, on ne constate plus aucun trouble ni du côté de la digestion, ni du côté des sécrétions stomacales. Contejean a critiqué ces dernières expé- riences, en disant que la section des pneumogastriques sous le diaphragme, même pra- tiquée comme le conseille Schiff, n'est pas une section complète. Plusieurs filets sous- muqueux de ces nerfs sont épargnés par cette section, et peuvent pénétrer dans l'estomac. 2° L'excitation du bout périphérique des pneumogastriques détermine presque tou- jours une sécrétion appréciable de suc gastrique. C'est ce qui résulte d'un grand nombre d'expériences, dont les plus importantes ont été faites par Cl. Bernard, Axenfeld, Conte- jean, et Scheneyer sur divers animaux. Mais il faut dire qu'à côté de ces auteurs il en est beaucoup d'autres qui n'ont pas pu réussir à provoquer les sécrétions gastriques par l'excitation des nerfs vagues. La question en était là lorsque Pawlow et ses élèves vinrent à en faire l'objet de leurs recherches. Ces recherches iont été faites par la méthode de la section et la mé- thode de l'excitation. Ce qu'il y a de vraiment caractéristique et de très important dans la manière d'opérer des physiologistes russes, c'est d'une part l'extrême soin qu'ils apportent à l'exécution de chaque expérience et, d'autre part, l'exactitude avec laquelle ils étudient les phénomènes provoqués par l'excitation ou la section des nerfs pneumo- gastriques. Les expériences d'excitation de ces nerfs ont été faites tout d'abord par Pawlow et M""^ ScHOUMow-SiMANOwsKi, puis par Uschakoff. « Nos animaux, dit Pawlow, étaient antérieurement gastro-œsophagotomisés; le nerf vague droit était sectionné au-dessous de l'origine du nerf laryngé inférieur et des filets cardiaques, le vague gauche était sec- tionné au cou. Un segment plus ou moins long de l'extrémité périphérique de ce dernier nerf était isolé, pris dans une ligature, et provisoirement disposé sous la peau. Trois ou quatre jours après les fils de suture étaient soigneusement enlevés, la plaie ouverte sans efTort, et le nerf s'offrait à nous. Nous évitions ainsi toute manifestation de dou- leur appréciable pour l'animal avant l'excitation du nerf. Grâce à ces précautions, nous avons obtenu le résultat suivant : toutes les excitations du nerf par des chocs d'induc- tion, répétées à une ou deux secondes d'intervalle, nous ont permis de recueillir chaque fois, sans exception, du suc de l'estomac préalablement vide. » Uschakoff, de son côté, est arrivé aux mêmes résultats, en faisant l'excitation des vagues sans prendre autant de précautions que Pawlow et M""" Schoumow-Simanowski, c'est-à-dire en opérant séance tenante. Après avoir préalablement pratiqué la trachéo- tomie, cet auteur sectionnait le plus rapidement possible (quelques secondes) la moelle épinière immédiatement au-dessous du bulbe pour être entièrement à l'abri, pendant le cours ultérieur de l'opération, de toute intluence réllexe susceptible de s'exercer sur les glandes. Les nerfs vagues étaient alors mis à découvert et sectionnés ; une canule ordinaire à fistule gastrique était placée dans l'estomac; on pratiquait de plus la ligature du pylore, et, au cou, celle de l'œsophage. Puis l'animal était suspendu debout sur un établi. Dans ses derniers essais Uschakoff pratiquait une courte chloroformisation (d'une durée de dix à quinze minutes), pendant laquelle il exécutait toutes les opérations qui viennent d'être décrites. Des expériences sur les chiens gastro-œsophagotomisés ont montré à cet auteur qu'une chloroformisation aussi courte ne produit aucun effet dépresseur important sur l'activité des éléments glandulaires. Quinze à vingt minutes après la narcose les animaux, dt^jà remis, mangent avec avidité les aliments tjui leur sont présentés, et, de leur estomac vide, commence à s'écouler, après la période latente habi- 776 ESTOMAC. tuelle de cinq minutes, un suc doué de pouvoir digestif et en quantité normale. UscHAKOFF a constaté que l'excitation des pneumogastriques, faite dans ces conditions, est suivie dans la moitié des cas d'un effet sécrétoire incontestable. Lorsque la sécrétion se présente, ce n'est jamais qu'après une longue période pendant laquelle l'excitation se montre infructueuse. Cette période latente peut durer de quinze minutes aune heure. Quant à l'effet sécrétoire, il ne disparaît que peu à peu après la cessation de l'excitation.- Enfin, si l'on administre aux animaux en expérience un poison inhibiteur des sécrétions, comme par exemple l'atropine, l'excitation des nerfs pneumogastriques ne produit plus aucun effet sur les sécrétions gastriques. Ce qui expliquerait, d'après Pawlow, l'insuccès de l'excitation extemporanée dans la moitié des expériences, c'est l'influence inhibitrice qu'exercent sur l'activité des glandes digestives les phénomènes douloureux qui accompagnent toute vivisection. Celte explication est d'autant plus rationnelle qu'on a déjà enregistré un grand nombre de faits de cet ordre. Bernstein, Pawlow et Afanassieff ont montré que les excitations sen- sibles déterminent souvent pour longtemps une action incontestable d'arrêt sur le tra- vail de la glande pancréatique. Netscha.iew a vu d'autre part qu'une excitation du nerf sciatique de deux à trois minutes de durée peut arrêter complètement la digestion gas- trique pendant plusieurs heures. Dans leurs expériences sur la section des nerfs pneumogastriques, Pawlow et ses élèves sont arrivés à des résultats encore plus démonstratifs que ceux qu'ils avaient déjà obtenus en excitant ces mêmes nerfs. Ces expériences ont été faites par Pawlow et M™*' Schoumow-Simanowski, Jûrgens et Sanotzki. Tous ces auteurs sont d'accord pour affirmer que, lorsqu'on sectionne les branches du pneumogastrique qui se rendent dans l'estomac, l'activité sécrétoire de cet organe n'est pas complètement supprimée; mais dans ce cas les excitations psychiques d'origine alimentaire n'agissent plus sur les glandes gastriques. Les nerfs vagues seraient donc les voies centrifuges par lesquelles passent ces excitations avant d'arriver à l'estomac. Voici, pour fixer les idées, le compte rendu d'une de ces expériences. Un chien porteur d'une double fistule gastrique et œsophagienne, auquel on a coupé, quelques jours avant l'expérience, le pneumogas- trique droit au-dessous de l'émergence du nerf laryngé supérieur et des rameaux car- diaques, reçoit, lorsqu'il est complètement rétabli de ces diverses opérations, un repas fictif de viande. L'animal mange avec voracité, et la sécrétion psychique commence au bout de cinq minutes. Deux ou trois heures avant de donner à cet animal le repas fictif, on lui a isolé le pneumogastrique gauche au cou, et on a laissé ce nerf au fond de la plaie, retenu par un fil. Lorsque la sécrétion psychique est déjà commencée, on attire ce nerf au dehors de la plaie, et on le sectionne d'un coup de ciseau rapide. Immédiate- ment après cette section la sécrétion gastrique diminue à vue d'œil, puis elle cesse com- plètement. Si l'on offre de nouveau de la viande à l'animal, il mange avec une voracité croissante pendant cinq, dix, quinze minutes; mais, contrairement à ce qui se produisait avec le repas fictif antérieur, on ne voit plus s'écouler une seule goutte de suc gastrique hors de l'estomac. Pawlow et M™'^ Schoumow-Simanowski affirment que la section des pneumogas- triques, faite dans ces conditions, entraîne toujours la suppression de la sécrétion psychique. Ils prétendent que ce résultat ne peut pas tenir à un trouble quelconque apporté par cette opération dans l'ensemble des fonctions organiques ; car, le nerflaryngé et les filets cardiaques étant conservés du côté droit, l'animal ne présente aucun désordre ni du côté du cœur, ni du côté du larynx. Jurgens est arrivé aux mêmes résultats que Pawlow et M'"'= Schoumow-Simanowski, en sectionnant les pneumogastriques au-dessous du diaphragme, par une méthode plus ou moins semblable à celle de Schiff. Finalement, Sanotzki, sur un chien auquel il avait isolé le fond de l'estomac, par le procédé de Heidenhain, qui supprime les filets des nerfs vagues qui se rendent dans cette partie de l'estomac, a observé que le repas fictif ne provoquait chez cet animal aucun phénomène de sécrétion. On peut donc dire, en se basant sur cet ensemble d'expériences (expériences d'exci- tation et expériences de section) que le pneumogastrique est un des nerfs sécrétoires de l'estomac. ESTOMAC. 777 Pawlow a voulu connaître la nature intime de l'influence sécrétoire que les nerfs vagues exercent sur les glandes gastriques. Il s'est demandé si cette influence était le résultat d'une action sécrétoire directe ou simplement d'une action vaso-ritotricc. Les arguments suivants l'ont conduit à accepter la première de ces opinions. « Si l'on prend en considération, dit-il, ce que nous savons sur les phénomènes sécrétoires des glandes, la seconde hypothèse est déjà peu vraisemblable; elle le devient encore moins du fait que l'exactitude de la première est susceptible de recevoir une démonstration directe. Le i-epas fictif peut, à vrai dire, être facilement gradué dans son action stimulante : nous pouvons offrir au chien tel aliment qui l'excite nettement, ou tel autre, au contraire, pour lequel il n'a qu'un goût modéré. 11 est bien reconnu que le chien mange la viande avec beaucoup plus d'avidité que le pain. Or, si l'on donne à manger du pain au chien, non seulement il sécrète moins de suc, mais encore celui-ci est plus dilué, c'est-à-dire moins riche en ferment. De même, si on ne lui fait prendre des morceaux de viande qu'à des grands intervalles, non seulement il s'écoule moins de suc que lorsqu'on les lui laisse absorber plus rapidement, mais encore le suc possède une puissance digestive bien moindre, etc. Par conséquent nous voyons que, plus l'excitation est forte, plus le suc est abondant, et plus il est riche en pepsine. Cette proportionnalité devient alors la meilleure démonstration de l'action spécifique des fibres nerveuses qui concourent au travail glandulaire. Si le nerf vague ne possédait que des fibres vaso-motrices (vaso- dilatatrices) pour les glandes gastriques, l'augmentation de la sécrétion sous l'influence d'une plus forte excitation devrait aboutir à la production d'un suc moins concentré. Un même volume de liquide contiendrait, en effet, d'autant moins de produit spécifique glandulaire en solution que sa sécrétion se ferait plus rapidement. » Voici, pour démontrer ce que nous venons de dire, quelques chiffres empruntés au travail de Ketscher : Pouvoir digestif du suc. LES MORCEAUX DE VIANDE LES MORCEAUX DE VIANDE sont donnés sont donnés à longs iutervalles. sans interruption. millimètres. millimètres. 6 i/4 8 1/2 4 1/2 1 4 3/4 8 S 1/2 7 1/4 Dans tous les cas, les quantités de suc correspondant à une distribution fractionnée de morceaux de viande sont bien moindres que celles se rapportant au mode d'alimenta- tion continue. De ces chilTres il ressort tout d'abord que les nerfs vagues contiennent des fibres spéciales, et non pas seulement vaso-motrices pour l'estomac; il en ressort aussi que ces fibres spéciales doivent être subdivisées en fibres sécrétoires proprement dites {sensu strictiore), et en fibres trophiques, comme cela a été établi par Heidenhain pour les nerfs des glandes salivaires, car la sécrétion d'eau et l'élimination des substances solides se font évidemment indépendamment l'une de l'autre. Pawlow tire d'autres preuves en faveur de cette opinion du fait que souvent les mêmes quantités de suc sécrété pendant une heure dans diverses conditions d'activité glandulaire présentent une teneur complètement différente en ferment. Une expérience de Co.nte.iean vient auss démontrer que la fonction sécrétoire des nerfs vagues est une fonction sécrétoire directe, absolument indépendante de toute modification circulatoire. Cet auteui- a obtenu, en faisant l'excitation de ces nerfs sur des grenouilles saignées à blanc ou salées, les mêmes phénomènes de sécrétion qu'à l'état normal. 2" Rôle du nerf sympathique dans les sécrétions gastriques. — Nous venons de voir par les expériences de Pawlow que la section des pneumogastriques ne supprime que l'une des manifestations sécrétoires de l'estomac, c'est-à-dire la sécrétion d'origine psychique. Déjà avant lui, d'autres auteurs, spécialement Schu-m" et Contejean, avaient constaté que les glandes stomacales peuvent continuer à sécréter en l'absence des pneumogastriques, mais ils n'ont pas poussé plus loin l'étude de ces phénomènes. La sécrétion qui se produit dans ces conditions représenterait, d'après Pawlow, une déviation de l'état normal, tant au point de vue du début de la sécrétion qu'au point de vue du liquide produit. Pawlow n'ose pas se prononcer d'une façon formelle sur le mécanisme 778 ESTOMAC. de cette sécrétion. Toutefois, en tenant compte de ce qui se passe pour la glande pan- créatique, dont le fonctionnement nerveux présenterait une grande analogie avec celui de l'estomac, il est tenté de croire que la dite sécrétion se trouve sous la dépendance du système nerveux sympathique. A l'état normal, l'entrée en activité de ce système aurait lieu au moment ofi les produits de la digestion commencent à exciter la muqueuse stomacale. Plus tard, lorsque les produits de la digestion passent dans Tintestin, l'ac- tivité des nerfs sympathiques de l'estomac serait entretenue par les excitations chi- miques de la muqueuse intestinale. On voit donc que, d'après Pawlow, alors gue la sécrétion d'origine psychique se fait par la voie des pneumogastriques, la sécrétion d'origine stomacale et d'origine intestinale se développerait par la voie des sympathiques. Mais les expériences directes de section ou d'excitation de ces nerfs n'ont donné aucun résultat positif entre les mains de toute une série d'expérimentateurs. (Volkman.n, Plncus, Samuel, Cl. Bernard, Budge, Adrian, Lamanski, Sciuff, Klebs, Braun, Oddi, Peiper, Viola, Conteiean, Schneyer, etc.) Contejean prétend cependant que le sympathique est un nei'f inhibiteur des sécrétions stomacales. 3" Rôle des ganglions intra-stomacaux dans les sécrétions gastriques. — Schiff, puis Contejean, ont vu, en coupant autant que possible tous les nerfs qui se rendent dans l'estomac, que les sécrétions gastriques continuent encore à se faire avec une certaine intensité. Contejean va même jusqu'à dire, en se fondant sur cette expérience, que les véritables centres de la sécrétion réflexe des glandes gastriques se trouvent dans les parois propres de l'estomac. 4° Rôle des centres nerveux dans les sécrétions gastriques. — Les faits que nous connais - sons à cet égard ne suffisent pas à établir l'existence dans le système nerveux des centres spéciaux destinés à présider au travail sécrétoire des glandes gastriques. Il est vrai que quelques auteurs ont réussi à mettre en jeu l'activité de ces glandes par l'exci- tation de certaines parties du système nerveux centi^al (lobe optique, bulbe, moelle épi- nière); mais, ainsi que l'a fait remarquer Contejean, ces excitati-ons peuvent se montrer actives en agissant par voie réflexe sur les nerfs pneumogastriques. La destruction des dilîérents centres nerveux ne donne pas non plus, d'api'ès Contejean, des résultats bien nets au point de vue qui nous occupe maintenant. A ce propos, rappelons que Brown-Séquard avait déjà observé que la digestion n'est pas troublée chez la grenouille d'hiver, après l'extirpation du bulbe rachidien. d) Rôle de la circulation dans les sécrétions gastriques. — • L'influence de la sup- pression de la circulation sur l'intensité des sécrétions gastriques a été étudiée avec beaucoup de détail par Contejean. Les recherches de cet auteur ont porté sur le chien et sur la grenouille. Chez ces deux animaux, l'anémie expérimentale de l'estomac, pro- voquée par la ligature des principales artères qui pénètrent dans cet organe, diminue l'intensité des sécrétions stomacales et rend le suc gastrique alcalin ou faiblement acide. En même temps il y aurait une forte sécrétion de mucus. On sait d'autre part que, pendant la digestion, la circulation de la muqueuse stoma- cale devient beaucoup plus intense qu'à l'état de jeûne. Les glandes gastriques se com- portent à ce point de vue comme les autres glandes de l'organisme. Plus leur activité est considérable, plus elles ont besoin de sang pour élaborer leurs principes spéci- fiques. Les modifications circulatoires qui accompagnent le travail de sécrétion de l'estomac et dont le but est de faciliter ce travail, se produisent certainement par l'in- termédiaire du système nerveux. D'après Contejean, le pneumogastrique fournit à l'es- tomac des filets vaso-dilatateurs et vaso-constricteurs. Le sympathique agirait px^nci- palement comme vaso-constricteur sur la circulation stomacale (Voir pour l'étude de ces phénomènes l'article Vaso-moteurs). II. Fonctions d'absorption de l'estomac. — A) Procédés d'étude de l'absorp- tion stomacale. — a) Procédés physiologiques. — La plupart des auteurs qui se sont occupés de l'absorption stomacale ont naturellement cherché à éviter que les substances introduites dans l'estomac passent dans la cavité intestinale en fermant le pylore à l'aide d'un ballon de caoutchouc ou par une ligature de l'intestin. Toutefois Mering a conseillé à cet effet d'établir une double fistule duodénale; l'une conduisant vers l'intestin grêle, l'autre vers l'estomac. Les substances à étudier ont été généralement introduites dans l'estomac par une fistule ouverte dans cet organe. Pour se rendre compte de l'impor- ESTOMAC. 779 tance de l'absorption, on a examiné les liquides restant dans l'estomac, ou bien encore on a fait la recherche de ces substances dans certains li([uides de sécrétion de l'organisme (urines, salive). D'autres fois on s'est contenté de voir au bout de combien de temps une substance toxique injectée dans l'estomac donnait lieu à des phénomènes d'intoxication. b) Procédés cliniques. — Ces procédés comportent les difficultés qui sont inhérentes à toule expérimentalion sur l'homme. La fermeture du pylore devient ici tout à fait im- possible. D'autre part les substances destinées au contrôle de l'absorption doivent être ingérées ou introduites dans l'estomac à l'aide d'une sonde. Penzoldt et Faber, avant le repas d'épreuve font prendre 0s^20 d'iodure de potassium chimiquement pur et en particulier ne contenant pas d'acide iodique. L'iodure est administré en capsules de gélatine dont la face externe doit être préalablement débarrassée de toute trace d'iode. On recherche [ensuite, toutes les deux ou trois minutes, la présence de l'iode dans la salive ou dans l'urine. Pour rechercher l'iode dans l'urine, Bourget emploie un papier réactif préparé en plongeant du papier filtre dans une solution d'amidon cuit ào p. 100; on fait sécher le papier, et on trace ensuite à sa surface des carrés de 5 centimètres de côté. Au centre de ces carrés, on verse deux ou trois gouttes d'une solution de persulfate d'ammoniaque à 5 p. 100, et on fait sécher de nouveau à l'abri d'une lumière trop vive. Ce papier se colore en bleu au contact de tout liquide renfermant des traces d'iodure. Comme ce papier perd rapidement sa sensibilité, on prépare seulement d'avance le papier amidonné, et on verse le persulfate au moment de l'examen. Boas et Abele criti- quent le procédé de Pexzoldt et Faber. Ils estiment que le moment de l'apparition de l'iode dans la salive ou dans l'urine n'est nullement l'expression du pouvoir de résorption de l'estomac, parce que, si le sel potassique se décompose dans cette cavité, le temps de la résorption se trouve par là considérablement modifié. Boas admet cependant que, dans le cas où l'on soupçonne une lésion grave de la muqueuse stomacale, l'épreuve de l'iode peut rendre des services en confirmant le diagnostic. MiLNER, RoTH et Strauss préfèrent mesurer la puissance d'absorption de la muqueuse stomacale chez l'homme, en examinant les solutions des substances introduites dans l'estomac quelque temps après les avoir laissé séjourner dans cet organe. Le premier de ces auteurs détermine le poids spécifique de ces solutions avant et après leur introduction dans l'estomac; Roth et Strauss, le point de congélation. B) Capacité d.'' absorption delà muqueuse stomacale. — Ce sujet ayant été traité déjà dans l'article Absorption de ce Dictionnaire, nous nous limiterons à l'analyse de quelques travaux qui ne sont pas mentionnés dans cet article. Magendie avait constaté que l'estomac du chien absorbe rapidement l'eau. Bouchardat et Sandras sont arrivés à des résultats analogues en expérimentant sur l'homme et sur divers animaux avec l'alcool. Colin a vu aussi que les estomacs du chat, du lapin et du porc absorbent la strychnine. Au contraire, Bouley et Colin ont constaté, en opérant sur le cheval, que cet animal supporte impunément l'introduction de strychnine dans son estomac quand on prend la précaution de lui lier auparavant le pylore. Ils en concluent que l'estomac de cet animal n'est pas doué de propriétés absorbantes. Perosino, Ber- RUTTi, Triolani et Vella, reprenant cette expérience de Colln et de Bouley, ont vérifié à leur tour l'exactitude du fait. Toutefois les physiologistes italiens prétendent que la strychnine est lentement absorbée par l'estomac de cheval et éliminée au fur et à mesure par les reins. La preuve en est, disent-ils, que le cheval ne s'empoisonne plus lorsqu'on lui enlève tardivement la ligature du pylore. Remplaçant dans cette expérience la strychnine par le ferrocyanure de potassium, ils ont constaté que cette substance, introduite dans l'estomac d'un cheval à pylore lié, apparaît deux heures après dans l'urine. Schiff, de son côté, a montré que l'estomac du chat absorbe rapidement certaines substances alimentaires, comme la dextrine et la peptone, tandis qu'il absorbe très len- tement la strychnine et l'atropine. Les travaux de Tappeiner, Anrep, Penzoldt et Faber, Jaworski, Zweifel, Kueiil, Hofmeister, Meade-Smith, Klemperer et Sciieuerlen, Sec.ale, HiRSH et MfîRLNG, prouvent aussi que l'estomac de l'homme et de plusieurs animaux (chien, grenouille) peut absorber les substances les plus diverses (sels, alcaloïdes, sucre, dexirine, peptone, albumoses, alcool, chloral, etc.). On trouvera l'analyse de ces travaux dans l'article Absorption. Merixg a observé, par le procédé que nous avons décrit anté- rieurement, que l'estomac n'absorbe pas des quantités appréciables d'eau, mais qu'il 780 ESTOMAC. absorbe de grandes quantités d'alcool, de plus faibles quantités de sucre, et une certaine proportion de dextrine, de peptone, d'albumose et des sels, en proportion d'autant plus forte que la solution est plus concentrée. En môme temps que ces substances se résor- bent, l'eau transsude des vaisseaux sanguins dans la cavité stomacale, et cela en quan- tités variables, suivant le pouvoir osmolique de la substance résorbée. On voit donc que, d'après Mering, le processus de résorption dans l'estomac est un processus de diffusion ordinaire. Vers la même époque que Mering, Contejean et Brandi, ont fait aussi quelques recberches intéressantes sur l'absorption stomacale. Contejean a étudié la vitesse de ce phénomène, sur un chien à pylore lié ou obturé, à l'aide du ferrocyanure de potassium, et de l'iodure de potassium. Les chiffres extrêmes qu'il a obtenus, avant de voir paraître le premier de ces corps dans l'urine, et le second dans la salive, ont été de 20 à 80 minutes. La moyenne de seize expériences a oscillé entre 35 et 40 minutes. Brandl a étudié tout d'abord l'influence de la concentration des diverses solutions, iodure de sodium, peptone et glucose, sur la grandeur de l'absorption stomacale. Il a trouvé que l'absorption de ces substances ne commence à être appréciable qu'aux titres de concentration suivants: 5 p. 100 pour la peptone et pour la glucose, et 3 p. 100 pour l'iodure de sodium. L'absorption de ces substances croit ensuite avec la concentration de la solution jusqu'à 17 p. 100 pour la peptone, et20 p. 100 pour la glucose. Au-dessus de celte limite de concentration, l'absorption reste stationnaire, ou diminue légèrement. A la fui de l'expérience la coloration de la muqueuse est d'un rouge foncé, et on trouve une grande quantité de mucus dans l'estomac. Les chiens ne supportent pas les solutions de ces substances, quand leur titre dépasse 20 à 30 p. 100. Brandl a constaté, en outre, que, si l'on change la nature du dissolvant, c'est-à-dire si, au lieu de se servir de solutions aqueuses pures, on prend des solutions contenant un peu d'alcool, l'absorption stomacale de ces substances est considérablement augmentée. Ainsi une solution de 5 p. 100 de glucose ou de peptone avec de l'alcool est aussi bien absorbée qu'une solution de 15 p. 100 de ces mêmes substances dans l'eau pure. Il en est de même si l'on ajoute à ces solutions certaines substances qui ont la propriété d'exciter la muqueuse stomacale, comme par exemple le chlorure de sodium, l'huile de menthe, l'huile de moutarde et le chlorhydrate d'orexine. Gley et Rondeau ont vu, avant Mertng, que l'eau n'est pas absorbée par la muqueuse stomacale. Moritz se rallie aussi à cette opinion. Pour Miller, les phénomènes d'absorption dans l'estomac de l'homme sont absolu- ment identiques aux phénomènes d'absorption que Mering a observés dans l'estomac du chien. Ces phénomènes sont d'autant plus intenses que les solutions introduites dans l'estomac sont plus concentrées. Meltzer affirme que l'estomac du lapin, séparé par deux ligatures de l'intestin et de l'œsophage, n'absorbe même pas des doses énormes de strychnine (60 milligrammes). L'absorption a lieu lorsqu'on enlève les ligatures, ou lorsqu'on injecte la strychnine entre la couche musculaire et la couche muqueuse de l'estomac. Meltzer s'appuie sur ce dernier fait pour dire que la circulation stomacale n'était pas gênée lors de ces expé- riences par la présence de deux ligatures. Enfin, d'après Roth et Strauss, l'activité de la résorption stomacale dépend de la concentration moléculaire des solutions ingérées; mais, étant donné que l'estomac ne fonctionne pas en vue de la résorption, mais bien en vue de la sécrétion, son pouvoir d'absorption est très faible. Ainsi les solutions, hypertoniques par rapport au plasma sanguin, de chlorure de sodium et de sucre, disparaissent en partie dans l'estomac, mais les solutions isotoniques, et, à plus forte raison, les hypotoniques, ne sont pour ainsi dire pas absorbées par la muqueuse gastrique. Pour une même concentration la vitesse de l'absorption dépend de la nature de la substance dissoute. Ainsi les solutions hypertoniques de chlorure de sodium s'absorbent beaucoup plus vite que les solutions hypertoniques de glucose. C) Mécanisme de rabsorption stomacale. — Deux théories sout en présence pour expliquer le mécanisme de l'absorption stomacale : celle de la diffusion, et celle d'une activité sélective spéciale de l'épithélium de la muqueuse gastrique. Le fait que l'absorption augmente avec la concentration des solutions introduites dans l'estomac ESTOMAC. 781 milite en faveur de la première de cos liypothèses. Toutefois il est impossible de ne pas méconnaître que l'activité de l'épitlK'-lium stomacal joue un rôle plus ou moins impor- tant dans la production de ces phénomènes d'absorption. En effet, comme Tappeiner l'a montré le premier, la vitesse de l'absorption stoma- cale varie avec la nature du dissolvant. Une solution alcoolique de chloral ou de strych- nine se résorbe l)eaucoup plus vite (ju'uiie solution aqueuse de même titre de concen- tration. Ces résultats ont été pleinement confirmées par Brandl, qui a constaté que toutes les substances qui excitent la muqueuse gastrique facilitent en môme temps l'absorption stomacale. D'autre part, les recherches de Roth et de Strauss nous font voir qu'à égalité de concentration les diverses substances n'ont pas le même coefficient d'absorption. Enfin les observations de Schifk montrent que l'atropine et la strychnine, qui sont toutes les deux parfaitement solubles, ne sont absorbées que très difficilement par la muqueuse stomacale du cliat. Il est donc rationnel d'admettre l'existence d'une activité absorbante spéciale dans l'épithélium de la muqueuse gastrique pour expliquer tous les phénomènes qui carac- térisent l'absorption stomacale. (Voir pour le mécanisme des phénomènes physiques de l'absorption, l'article Osmose.) D) Variations de rabsorption stomacale. — L'absorption stomacale n'otfre pas la même intensité dans toute la série animale. Coltn prétend que l'estomac des animaux carnivores (chat, chien, porc) jouit d'un pouvoir d'absorption beaucoup plus considérable que l'estomac des animaux herbivores (cheval, ruminants). A l'appui de cette opinion on peut citer les expériences de Meltzer démontrant que l'estomac du lapin n'absorbe pas du tout la strychnine, alors que cette substance est rapidement absorbée par l'es- tomac du chien. D'après Smithead, la résorption du sucre serait assez active dans l'es- tomac de la grenouille. Les conditions d'activité de l'estomac semblent exercer une certaine infiuence sur le pouvoir d'absorption de cet organe. Penzold et Faber ont vu, en étudiant la résorption de riodure de potassium par la muqueuse gastrique de l'homme, que ce sel, introduit dans l'estomac vers la troisième heure de la digestion, est absorbé 6 à 11 minutes après son introduction, tandis que, lorsqu'on le donne au début du repas, il n'est absorbé qu'au bout de 20 à 40 minutes. Ces expériences n'ont pas donné les mêmes résultats à Co.nte- JEAX, mais il faut dire que cet auteur a opéré sur le chien et qu'il avoue que l'estomac de ses animaux se trouvait toujours, qu'il fût vide ou rempli d'aliment, en pleine activité digestive. Nos connaissances sur les variations de l'absorption stomacale dans les diverses maladies sont encore des plus restreintes et des plus incertaines. On suppose que dans les gastrites, les dilatations, les cancers de l'estomac, cette fonction doit subir certaines modifications importantes, mais on en ignore complètement la natui'e. D'après Riegel et Malimine, l'iodure de K, introduit dans l'estomac de l'homme sain, apparaît dans la salive 6 minutes et demie à 15 minutes après son ingestion; au plus tard au bout de 45 minutes si l'iode est administré après le repas. Or, d'après Zvveiffel, l'apparition de l'iode dans la salive est retardée : de 21 minutes dans la catarrhe chronique de l'estomac ; de 82 minutes dans le cancer et même de 120 minutes dans les grandes dilatations. Boas et Abele n'accordent aucune valeur à cette sorte de documents; car ils prétendent que le procédé, dit de l'iodure, est absolument inexact. (Voir sur ce sujet les travaux de Penzold et Faber, Ja-worskt, Zweu-eel, Woi.ff, Quetsgh, Sticker, Klemperer et Scheuerlex, 31alimne, Denker, Boas et Abele, etc.) E) Influence de quelques substances sur rabsorption stomacale. — Le chlo- rure de sodium, l'huile de menthe, l'huile de moutarde, le chlorhydrate d'orexine et l'alcool, augmentent la vitesse de l'absorption stomacale. Les substances amères se. montrent indifTérentes. Au contraire, toutes les substances mucilagineuses diminuent manifestement l'intensité de l'absorption stomacale (BraiNmil). F) Rôle du système nerveux et de la circulation dans rabsorption stomacale. — Etant donné que la muqueuse stomacale ne possède pas d'appareils d'absorption spé- ciaux, le système nerveux ne devrait intervenir dans les fonctions d'absorption de cette nmqueuse qu'en changeant les conditions de sa circulation. Cependant le rôle du système nerveux dans l'absorption stomacale ne semble pas bien défini. Cl. Bern.\ri> 782 ESTOMAC. avait remarqué que les chiens à pneumogastriques coupés s'empoisonnaient plus lente- ment que les animaux intacts, quand on leur injectait du cyanure de mercure dans l'estomac. Dans une autre expérience faite avec l'émulsine et l'amj^gdaline, il a vu aussi que ces animaux mouraient tout de suite s'ils avaient les pneumogastriques coupés. A l'inverse de Cl. Bernard, Baculo soutient que l'absorption stomacale est plus rapide lorsque les deux pneumogastriques sont sectionnés. Pour Colin et pour Schiff, l'absorp- tion stomacale n'est iufluencée, ni favorablement ni défavorablement, par la section des pneumogastriques. C'est aussi l'opinion de Conte.ieak. Enfin, d'après Schiff, l'extirpation du plexus c;eliaque ne trouble aucunement l'absorption stomacale. Quant au rôle de la circulation dans les fonctions d'absorption de la muqueuse gas- trique, on peut admettre a priori qu'il est considérable. De nombreuses expériences montrent en effet que la vitesse de l'absorption est en rapport direct avec la vitesse de la circulation dans tous les organes qui sont doués de propriétés absorbantes. III. Fonctions motrices de l'estomac. — A) Procédés d'étude de la motilité stomacale. — a) Procédés physiologiques. — Ils peuvent être classés en quatre groupes : {° Méthodes fondées sur l'observation de l'estomac mis à nu : a) Estomac in situ : i. Observation simple (Peyer, Wepfer, Schwartz, Haller, Spal- LANZANi, Magendie, Sçhiff, Colin, Ranvier, Goltz, Rosbach, Lûderitz, Gontejean, etc.); 2. Observation par la méthode graphique (Battelli, Courtade et Guyon, Barbera, etc.); P) Estomac complètement séparé du corps : 1. Observation simple (Braam-Hougegkest et Sanders, Hofmeister et Schutz) ; 2. Observation par la méthode graphique (Barbera). 2° Méthodes fondées sur l'examen de l'activité motrice de l'estomac à l'aide des fistules : a) Fistule gastrique : 1. Inspection simple des phénomènes moteurs qui se passent dans la cavité stomacale pendant la digestion (Be\umont, Sghiff, Kretschy, Ch. Richet, QuiNCKE, ScaoNBORN, Uffelmann, Krauss, etc.); 2. Enregistrement de la pression intra- stomacale (Uffelmann, von Pfu.xgen, etc.) ou des mouvements des parois stomacales (Conte- jeax, Battelli, Ducceschi, etc.). p) Fistule duodénale : Étude de l'expulsion des aliments par l'estomac (Russo-Giliberti, Rosbach, Hirsch, Mering, Gley et Rondeau, Consiglio, Moritz, etc.). 3° Méthodes fondées sur l'étude des variations de la pression intra-stomacale, faite à travers les voies normales de l'appareil digestif : a) Métiiodes manométriques, destinées à mesurer la valeur des variations de la pression intra-stomacale (Rosenthal, Marcacci, Sghreiber, Heynsius, Kelling, Moritz, eic); {i) Mé- thodes des ampoules conjuguées ou d'autres dispositifs semblables, destinées à inscrire ces mêmes variations (Ranvier, Morat, Convers, Openghowski, WERTHEmER, Doyon, etc.). 4° Méthodes fondées sur l'observation indirecte de l'estomac à travers la paroi abdo- minale dans des conditions tout à fait normales : a) Méthodes phonendoscopiques (Bianchi- Comte); jî) Méthodes radioscopiques (Cannon, Roux et Balthazard). De toutes ces méthodes, seules les deux dernières peuvent être appliquées sans intro- duire aucun trouble dans le fonctionnement moteur de l'estomac. Les méthodes basées sur l'observation directe, même quand l'estomac reste in situ, modifient certainement les conditions de vie de cet organe : on peut donc se demander si les mouvements observés dans ce cas sont les mêmes que ceux qui se produisent dans l'estomac à l'état normal. Les observations faites à l'aide des fistules peuvent aussi induire en erreur. L'estomac se trouve alors fixé à la paroi abdominale, de sorte qu'il peut être gêné dans ses mouvements. D'autre part, l'établissement d'une fistule dans l'estomac change com- plètement les conditions mécaniques dans lesquelles il se contracte: car, dès qu'on a établi une communication entre la cavité gastrique et l'extérieur, la pression intra- stomacale tombe à zéro. Outre cet inconvénient, la fistule gastrique ne permet pas, quelles que soient ses dimensions, de voir tout ce qui se passe dans l'intérieur de l'esto- mac. Mais, même en supposant qu'on ne se contente pas de la simple inspection et qu'on fasse appel à la méthode graphique, les difficultés de l'expérimentation sont si grandes qu'il est impossible d'inscrire à la fois tous les divers mouvements qui se pro- duisent dans l'estomac. Ajoutons que l'introduction d'un instrument quelconque dans la cavité stomacale s'accompagne de certains phénomènes d'excitation qui peuvent modifier plus ou moins la marche normale de ces mouvements. Ces dernières objections peuvent être aussi adressées aux méthodes du troisième groupe, qui choisissent les voies supé- ESTOMAC. 7S3 rieiires de l'appareil digestif pour explorer les phénomènes moteurs dont il est question. Est-ce là une raison suffisante pour rejeter sans examen les divers résultats obtenus par chacune de ces méthodes? Non, certes. Dans l'étude des fonctions motrices de l'esto- mac, beaucoup de phénomènes ont été découverts grâce à l'emploi systématique de ces diverses méthodes. 11 en est même quelques-uns qui ne peuvent guère être observés autrement. Mais ces méthodes ne permettent pas d'apprécier la marche générale des mouvements de l'estomac à l'état noi-mai. A ce point de vue, les méthodes du quatrième groupe sont infiniment supérieures; car elles peuvent être appliquées dans des conditions tout à fait physiologiques. Mais elles sont encore loin d'atteindre la perfection voulue. La méthode phoncndoscopique est sujette à plusieurs causes d'erreur. En premier lieu, les changements de sonorité qu'éprouve la région épigastrique au cours de la digestion ne sont pas nécessairement en rapport avec les changements de forme que subit alors l'estomac; mais ils peuvent aussi tenir aux déplacements des viscères abdominaux et spécialement de l'intestin grêle. En outre, la méthode phoncndoscopique n'est ni assez précise ni assez rapide pour suivre exactement les variations de forme de l'estomac au fur et à mesure qu'elles se produisent. Ces causes d'erreur n'existent plus lorsqu'on se sert de la méthode radioscopiqiie ; quoique cette méthode présente encore, d'après Roux et Balthazard, l'inconvénient de ne pas se prêter à une observation bien détaillée de la portion supérieure de l'estomac, surtout chez les grands animaux (homme et chien). Malgré ce défaut, qu'on arrivera peut-être à éliminer en prenant certaines précautions expérimentales, la méthode radioscopique est, parmi toutes celles que nous connaissons jusqu'ici, la plus parfaite pour l'étude des mouvements de l'estomac. Cette méthode, qui a été utilisée presque en même temps par Cannon en Amérique et par Roux et Balthazard en France, se pratique delà façon suivante : pour observer le mouvement de l'estomac à l'aide des rayons X, la première condition est d'obtenir l'opacité du milieu stomacal; on y parvient en mélan- geant intimement aux aliments, liquides ou solides, du sous-nitrate de bismuth, sel inso- luble et fort opaque aux rayons X sous de faibles épaisseurs. La proportion de Osi',20 de sous-nitrate par c. c. d'aliments est amplement suffisante à cet efl'et. Roux et Baltha- zard n'ont guère dépassé cette proportion dans leurs expériences sur la grenouille et sur le chien. En opérant sur l'homme, ils ont rendu l'estomac opaque en faisant avaler à l'individu en expérience 15 à 20 grammes de sous-nitrate en suspension dans 100 grammes d'eau ou de sirop de sucre. Ces doses n'ont rien d'excessif, et sont com- munément employées dans la thérapeutique des maladies de l'estomac. Chez le chat, Cax.von a employé de 1 à 5 grammes de sous-nitrate de bismuth mélangés cà lo ou 18 grammes de pain sec broyés dans un peu de lait ou d'eau chaude de façon à faire une pâte. Il est nécessaire d'administrer au moins o grammes de bismuth pour voir le passage des aliments à travers le pylore. Pour enregistrer les résultats de l'expérience, Ca.nnon s'est contenté de tracer sur un papier de soie, placé en contact avec l'écran fluorescent, les divers changements de forme de l'estomac. Roux et Balthazard ont employé ce même procédé sur le chien et sur l'homme. Sur la grenouille, ces auteurs ont utilisé une méthode qui est encore plus par- faite. Grâce à l'extrême transparence du corps de cet animal, on peut obtenir des radio- graphies de l'estomac avec un temps de pose ne dépassant pas une seconde environ, durée suffisante pour avoir une image nette, assez courte pour que la forme de l'esto- mac ne change pas. Cette particularité permet d'appliquer à l'élude des mouvements de l'estomac de la grenouille, par les rayons Runtgen, la méthode chronophotograpliique de Marey. Voici comment Balthazard et Roux ont institué leurs expériences. Sur une pelli- cule de 3 cm. de largeur et de 75 cm. de longueur, on prend douze radiographies succes- sives à intervalles réguliers. Le châssis est protégé par une plaque de plomb de 3 mm. d'épaisseur contre la pénétration des rayons X. Dans cette plaque est ménagée une ou- verture de 3 cm. sur 5, devant laquelle on place la grenouille. Une seconde plaque de plomb, placée à l'intérieur du châssis, protège la partie impressionnée de la pellicule. Pour prendre une série de radiographies, on opère en pleine lumière, le châssis étani fermé par un volet de bois que traversent facilement les rayons X. Le châssis étant fixé en face de l'ampoule, on ferme le ciicuit à intervalles réguliers pendant une seconde 784 ESTOMAC. Dans le temps qui s'écoule entre la prise des deux radiographies successives, à l'aide d'une manivelle, on enroule la pellicule sur un axe, de façon à la faire avancer de la lon- gueur voulue devant la fenêtre de la lame de plomb. Chaque radiographie est prise toutes les dix secondes; cette vitesse étant celle qui s'adapte le mieux à l'étude des mouvements de l'estomac de la grenouille, lesquels sont relativement très lents. h) Procédés cliniques. — Quoique un grand nombre des méthodes que nous venons de décrire (méthodes du troisième et du quatrième groupe) puissent être utilisées dans 'étude des fonctions motrices de l'estomac humain, les cliniciens ont préféré faire cette même recherche en examinant la vitesse aveclaquelle se faitl'éiirtci) Physiologie comparée des mouvements de l'estomac. --- Coltn prétend que les mouvements de l'estomac présentent des modalités différentes selon chaque espèce animale. Cette opinion n'a pas été confirmée par les recherches récentes de Roux et de Balthazard, faites, il est vrai, sur des espèces animales ne possédant qu'un estomac simple. La seule différence que ces auteurs ont pu constater au point de vue moteur entre l'estomac de la grenouille, celui du chien et celui de l'homme, résidait dans la vitesse de propagation des ondes contractiles. Chez la grenouille, ces ondes sont plus lentes et se succèdent toutes les trente secondes environ. Chez le chien et chez l'homme, elles se suivent à dix ou quinze secondes d'intervalle, et mettent vingt à trente secondes à se propager depuis leur point d'origine jusqu'au pylore. En dehors de cette différence, la fonction motrice de l'estomac de ces trois animaux présente une analogie complète. Chez tous les trois, l'estomac en activité se divise en deux parties distinctes. Une partie supérieure qui sert de réservoir aux aliments, et où les contractions ne sont pas visibles aux rayons Rôntge.x, et une partie inférieure, véritable organe moteur, qui chasse peu à peu par des mouvements péristaltiques violents et périodiques les matières alimen- taires dans l'intestin. Les observations de Cannon sur l'estomac du chat ne diffèrent pas non plus sensi- blement des observations précédentes. Faut-il conclure de tout cela que l'estomac n'a qu'un seul mode de se contracter dans toute la série animale? Nous ne le croyons pas; car on trouve des animaux dont les conditions d'alimentation sont tellement différentes qu'il serait peu logique de sup- poser que leur estomac jouit de la même fonction motrice. Ces différences doivent surtout être très appréciables chez les espèces qui possèdent plusieurs estomacs (Voir Rumination). D'après Doyon, les contractions du ventricule succenturio chez les oiseaux sont très analogues à celles de l'estomac des mammifères. Sur un tracé manom étriqué, on dis- tingue une succession d'ondulations qui répondent aux phases alternatives d'activité et de repos de l'organe. Les contractions du gésier se succèdent plus régulièrement et sont plus énergiques. De plus la forme de chacune de ces contractions est celle d'une sys- tole cardiaque ou d'une secousse musculaire. E) Variations des mouvements de Testomac dans les diverses conditions physiologiques et pathologiques. — Peu à peu on a abandonné l'ancienne opinion que les mouvements de l'estomac étaient continus, et qu'on pouvait les observer même pendant la période de jeûne. Aujourd'hui nous savons, de toute certitude, que ces mouvements n'existent à l'état normal que pendant la période de digestion. Ils se présen- tent plus ou moins tôt suivant la nature des aliments qu'on ingère. Les aliments liquides semblent les provoquer plus rapidement que les aliments solides. Quoi qu'il en ESTOMAC. 795 soit, les mouvements de l'estomac ne deviennent vraiment énergiques que lorsque la digestion est assez avancée, et surtout lorsque les aliments sont transformés en une masse demi-liquide par leur contact avec le suc ^'astrique. L'activité motrice de l'estomac pendant la digestion peut être soumise à des varia- tions d'ordi'e nerveux. Cannon a vu les mouvements de l'estomac d'un chat femelle s'ar- rêter complètement sous l'influence des émotions psychiques diverses, peur, colère, etc. Si l'on rapproche ces observations de celles que Leconte a faites pour les sécrétions gas- triques, on pourra se rendre compte de l'importance de l'élément psychique dans la marche de la digestion stomacale. Nombre de maladies, et spécialement les maladies propres de l'estomac, troublent aussi plus ou moins profondément le fonctionnement moteur de cet organe. Ces trou- bles sont de trois ordres différents. Tantôt les mouvements de l'estomac sont exagérés; tantôt ils sont diminués ou abolis; tantôt ils sont déviés de leur type normal. L'ori- gine de ces troubles peut être très diverse. Pour l'étude de ces phénomènes, nous ren- voyons le lecteur aux traités de pathologie stomacale. Disons seulement que le vomis- sement doit être aussi considéré comme une manifestation pathologique de la motricité de l'estomac (Voir Vomissement). F) Action de quelques substances sur les mouvements de l'estomac. — Morat, ScHÙTZ et RosBAca, Klemperer, Wertheimer et Magnin, Tawitzki, Terray, Fodera et Cor- SELi, DoYON et Battelli, ont étudié successivement l'action de diverses substances sur les mouvements de l'estomac. La diversité des méthodes employées par ces auteurs explique suffisamment qu'ils ne soient pas arrivés à des résultats bien comparables- Non seulement les substances qu'ils voulaient étudier n'était pas toujours introduites dans l'organisme par les mêmes voies, mais encore chacun de ces auteurs examinait les mouvements de l'estomac dans des conditions tout à fait différentes. Les uns ont opéré sur l'estomac séparé du corps, les autres sur l'estomac mis à nu et plus ou moins lésé. Enfin, les rares expérimentateurs qui ont voulu étudier les mouvements de l'estomac dans des conditions à peu près normales ont employé des méthodes tellement défectueuses qu'il est difficile de tenir grand compte de leurs résultats. Si l'on veut se renseigner plus minutieusement sur l'état de cette question, on pourra consulter avec profit le travail de Battelli, qui est le plus complet, et en même temps le plus récent de tous ces travaux. Battelli classe en quatre groupes différents les diverses substances dont il a étudié l'effet sur les mouvements de l'estomac. 1° Substances excitant les mouvements de l'estomac : a) Très énergiquement : muscarine, pilocarpine, physostigmine. h) Moins énergiquement, quoique à un degré notable : nicotine, quinine, cocaïne, digitale, cornutine et ergot de seigle, caféine, alcool, morphine (première phase), peptone; cette dernière substance agissant seulement par action intraveineuse et ayant un effet passager. c) Faiblement : tartre stibié, cytisine, cmétine, sulfate de zinc, sulfate de cuivre, arsenic, chloroforme et dther en inhalation (première phase) ; et les suivantes n'agissant que si elles sont mises directement en contact avec la muqueuse gastrique : cannelle> girofle, orexine, amers, acide chlorhydrique, eau chaude, eau salée. 2° Substances sans action sur les mouvements de l'estomac : purgatifs (et éméto-cathar- tique, séné, coloquinte, eau-de-vie allemande), Hi/dratis canadensis, strychnine, pepsine, apomorphine. 3" Substances diminuant la contractilité de l'estomac : a) Faiblement: curare, inhalations de vapeurs d'éther ou de chloroforme {seconde phase) morphine (seconde phase), acide cyanhydrique, vératrine, elléboréine, eau froide, accumu- lation d'acide carbonique dans le sang (asphyxie). b) Fortement et abolissant même les mouvements de l'estomac : chloral et surtout atropine. Cette substance peut produire l'abolition des mouvements stomacaux, même lorsque ceux-ci ont été énergiquement provoqués par des substances excitantes, comme la pilocarpine et la muscarine. 4» Substances abolissant les contractions rythmiques de l'estomac, les parois de cet organe se contractant en masse d'une manière énergique : ingestion d'éther ou de chlO' 796 ESTOMAC. rofonne dans la cavité stomacale. L'atropine ne peut pas diminuer le tonus gastrique produit par l'introduction de ces substances dans l'estomac. Le mécanisme d'action de ces diverses substances est, d'une manière générale, tota- lement inconnu. Quant à l'action de quelques substances alimentaires sur les mouvements de l'es- tomac, nous en parlerons, en étudiant les excitants normaux de la conctractilité sto- macale. G) Effets produits par les mouvements de restomac sur la masse alimen- taire. — Beaumont a le premier essayé de décrire la manière dont la masse alimentaire se déplace dans la cavité stomacale, sous l'influence des contractions gastriques. Sur un individu atteint d'une large fistule stomacale, il a vu, en fixant une partie facilement reconnaissable du contenu alimentaire, que cette partie, après son introduction par l'ou- verture du cardia, allait d'abord à gauche, du côté du grand cul-de-sac, puis progres- sait le long de la grande courbure jusque vers la région pylorique ; arrivée là, elle rebroussait chemin, et revenait de droite à gauche le long de la petite courbure, pour recommencer bientôt le même trajet circulaire. La boule d'un thermomètre introduit dans l'estomac suivait aussi ce même trajet. Plusieurs fois, ayant dirigé le thermomètre du côté de la région pylorique, Beaumont rencontra un obstacle devant lequel l'instru- ment s'arrêtait quelques instants, puis tout à coup cet obstacle cédait, et le thermo- mètre s'enfonçait de huit à dix centimètres, comme s'il eût été aspiré avec force. Immé- diatement après, l'instrument recommençait à se mouvoir, d'abord de droite à gauche, le long de la petite courbure, puis de gauche à droite, le long de la grande courbure Jusque vers le pylore. Cette théorie de la double circulation des aliments dans la cavité de l'estomac a été l'objet de deux critiques importantes . La première repose sur ce raisonnement, très juste, que les mouvements dans un estomac à fistule peuvent être déviés du type normal, par suite des adhérences qui s'établissent entre cet organe et la paroi abdominale. L'autre objection mérite aussi d'être retenue. Beaumont a fait ses observations surtout avec la boule d'un thermomètre, c'est-à-dire avec un corps étranger qui pouvait exciter anor- malement les mouvements de l'estomac. Dans ses expériences avec les substances ali- mentaires, il est arrivé à des résultats très incertains. Brinton a formulé une autre hypothèse pour expliquer les mouvements de la masse alimentaire dans l'estomac. Il compare ces mouvements à ceux qui se produisent dans une masse liquide qui est poussée dans un tube cylindrique par un septum circulaire, parfaitement adapté aux parois du cylindre, et percé d'un trou central. Dans un cas comme dans l'autre, dit-il, on .observe deux sortes de courants : un courant périphé- rique qui avance, et un courant central qui rétrograde. Cette hypothèse n'est pas plus acceptable que la précédente. Les conditions mécaniques dont parle Brinton n'existent pas dans toutes les régions de l'estomac. Ainsi, ni la région cardiaque, ni la région du fond ne présentent à aucun moment des vagues de constriction pouvant réaliser ces conditions mécaniques. Outre cela, le contenu stomacal est très rarement liquide, de sorte que, dans ce dernier cas, les phénomènes en question doivent être beaucoup plus compliqués que ne le pense Brinton. Malgré les objections qui s'élèvent contre ces hypothèses, un certain nombre de faits nous obligent à reconnaître que la propu/stort n'est pas le seul mouvement dont les matières alimentaires soient animées pendant leur séjour dans l'estomac. On sait depuis longtemps que les poils avalés par certains animaux s'agglomèrent dans l'estomac avec le mucus, en formant des pelotes auxquelles on a donné le nom de aegagropiles. La for- mation de ces pelotes indique l'existence d'un mouvement de rotation des aliments dans la cavité stomacale. Les expériences de Cannon prouvent, d'autre part, que les aliments sont intimement mélangés, et même triturés dans la région pylorique de l'estomac. Si l'on donne à un ani- mal, avec son repas ordinaire, une série de pilules, formées d'une pâte d'amidon et de sous-nitrate de bismuth, on peut se rendre compte, ensuivant la marche de ces pilules à l'aide des rayons X, des actions mécaniques que subissent les aliments dans l'estomac. En procédant de la sorte, Cannon a pu voir, dans un cas où deux de ces pilules se trouvaient -dans l'axe de l'estomac à la distance d'un centimètre Tune de l'autre, les phénomènes ESTOMAC. 797 suivants. A l'approche de chaque onde de contraction, les deux pilules s'avançaient nettement vers le pylore, mais pas aussi rapidement que l'onde. Lorsque celle-ci était passée, les pilules revenaient en arrière, vers la région de moindre résistance; mais lînalement elles avançaient toujours un peu plus qu'elles ne reculaient. Ces mouve- ments d'oscillation recommençaient chaque fois qu'une nouvelle onde traversait les parois de l'estomac. Ils devenaient surtout très marqués, lorsque les pilules arrivaient dans l'antre du pylore, où les contractions sont beaucoup plus intenses que dans la région du préantre. Cannon a remarqué plusieurs fois que les pilules mettent de neuf à douze minutes pour passer de la partie moyenne de l'estomac jusqu'au pylore. Pen- dant ce temps elles subissent l'influence constrictive de plus de cinquante ondes de con- traction. Une fois dans le voisinage du pylore, si celui-ci ne se relâche pas, comme c'est le cas lorsqu'il se trouve en contact avec des corps durs, les pilules, de même que les aliments, sont comprimées dans un cul-de-sac élastique dont la seule sortie est l'anneau de cons- triction formé par l'onde. Or, étant donné que la pression inti-a-stomacale est d'autant plus forte qu'on est plus près du pylore, les pilules et les aliments sont rejetés violem- ment en arrière à la fin de chaque vague de constriction de l'antre. Ce mouvement de recul se répète plusieurs fois, jusqu'à ce que le pylore s'ouvre pour permettre le passage des parties les plus liquides des aliments. Grâce à cette action sélective du pylore, les ali- ments solides subissent pendant longtemps une agitation énergique. C'est ce qui se passe pour les pilules qui restent encore dans l'antre du pylore, alors que toutes les autres substances alimentaires ont déjà passé dans l'intestin. Finalement, lorsque les pilules sont ramollies par leur contact avec le suc gastrique, et sous l'influence de ces actions mécaniques, elles passent à leur tour dans l'intestin; mais il faut dire qu'à la fin de la digestion elles peuvent aussi traverser le pylore, même à l'état solide. Pendant que ces phénomènes se produisent dans la portion pylorique de l'estomac, on ne voit pas de traces de courants dans les aliments qui se trouvent dans la portion cardiaque de cet organe. Les pilules qui passent dans la région du fond, après leur digestion, y restent jusqu'au moment où la contraction de cette partie de l'estomac les pousse vers la région de l'antre. Cannon a pu se convaincre que les aliments ne sont pas mélangés pendant leur séjour dans la région du fond de l'estomac, en faisant l'expé- rience suivante. II donne à manger à un chat : 1° une pâtée de pain avec du sous-nitrate de bismuth; 2° une pâtée de pain sans sous-nitrate, et 3° une pâtée de pain avec sous- nitrate. Le contenu de l'estomac présente ainsi deux couches noires séparées par une couche claire. Dans ces conditions, Cannon a constaté que, tandis que dans la portion pylorique de l'estomac les couches noires disparaissent aussitôt que les contrac- tions péristaltiques commencent, ces couches persistent dans la région du fond, même une heure et vingt minutes après l'ingestion alimentaire. Il résulte donc de ces expériences que la portion pylorique de l'estomac n'est pas seulement un organe destiné à l'expulsion des aliments dans l'intestin, mais aussi un appareil d'agitation et de trituration très puissant, grâce auquel le suc gastrique peut agir dans les conditions les plus favorables sur tous les points de la masse alimentaire. Jï) Pression intra-stomacale. — Dans l'estomac au repos, la pression est pour ainsi dire nulle. Les faibles écarts qu'elle présente tiennent aux influences des organes voisins de lestomac (cœur, foie, poumon, etc.), ainsi que les recherches de Moritz l'ont démontré. Kelling a vu, d'autre part, que la pression intra-stomacale reste, dans cer- taines limites, la même, quelle que soit la quantité d'aliment que l'on introduise dans l'estomac. Cet organe est en effet doué d'un pouvoir d'adaptation tout à fait remar- quable vis-à-vis de son contenu. Ce pouvoir d'adaptation disparaît plus ou moins dans l'empoisonnement par le chloral, la morphine, le chloroforme et l'éther. Pendant les contractions de l'estomac, la pression intra-gaslrique devient considé- rable, surtout dans la région pylorique. Elle peut atteindre dans cet endroit jusqu'à un demi-mètre d'eau, d'après les observations de Moritz sur l'homme. Dans la région car- diaque, elle n'est que de 2 ou 6 cm. d'eau. J) Conditions qui déterminent les mouvements de l'estomac à, l'état normal. — a) Excitants normaux des mouvements de l'estomac et mode d'action de ces excitants. — Quoique les e.\citations mécaniques agissent efficacement sur la contractilité stomacale, on 798 ESTOMAC. peut se demander si ces excitations sont les seules qui provoquent les mouvements de l'estomac à l'état normal. Les expériences de Roux et de Balthazard montrent, en effet, que les excitations chimiques ne sont pas non plus étrangères à la production de ces phénomènes moteurs. Parmi les diverses substances qui font partie normalement du contenu stomacal, ces auteurs n^ont étudié que l'influence de l'eau, de la peptone et de l'acide chlorhydrique sur les contractions de l'estomac. Le fait que cet organe reste immobile pendant trois heures environ après l'ingestion d'un aliment solide comme la viande leur a permis d'établir la^^aleur excito-motrice de ces trois substances. Toutes leurs expériences ont été faites sur un chien apprivoisé de façon à éliminer autant que possible les troubles ner- veux qui auraient pu modifier le fonctionnement moteur de l'estomac. Les mouvements étaient examinés à l'aide des rayons X. L'eau pure ne produit aucun effet sur la contractilité stomacale. Si l'on fait boire à un chien 50 ou 100 ce. d'eau, immédiatement après lui avoir donné SO grammes de viande crue et hachée, on observe les phénomènes suivants sur l'animal placé verticalement. L'eau reste à la surface de la viande tassée dans le bas-fond de l'estomac. On la distingue parfaitement sur l'écran, où elle forme, au-dessus de la tache sombre de la viande, une couche plus claire à surface horizontale, qui oscille à chaque ballotement qu'on imprime à l'animal. Cette couche liquide ne persiste pas longtemps; elle disparaît au bout de cinq à dix minutes, soit que l'eau ait été absorbée, soit qu'elle ait été évacuée par le pylore. Les solutions de peptone, ainsi que les solutions d'acide chlorhydrique, se comportent tout autrement que l'eau pure. Dans leurs expériences sur la peptone. Roux et Balthazard ont employé la peptone de WiTTE. Ils donnaient à l'animal 50 grammes d'eau, tenant eu solution 5 à 10 grammes de peptone, après le même repas de viande que tout à l'heure. Ils ont ainsi remarqué que, quel que soit le moment de la digestion, le premier effet d'une solution de peptone ingérée est d'amener une sécrétion abondante et durable. En même temps, cette solution excite la contractilité de l'estomac. Si celui-ci présente déjà des contractions, l'ingestion de peptone les exagère immédiatement, quelles que soient les propriétés du contenu stoma- cal, qu'il soit formé par des aliments solides ou liquides, ou qu'il soit acide ou alcalin. Si l'estomac est immobile lors de l'ingestion de la peptone, il faut, au contraire, un certain temps, quinze à vingt miuutes, avant qu'apparaissent les contractions de la région prépylorique. Lorsque celles-ci se montrent, elles persistent en général pendant toute l'évacuation de l'estomac. Pourtant, si la masse alimentaire n'est pas r-éduite en bouillie, il se produit des contractions pendant vingt à trente minutes avant qu'il ne passe rien dans le duodénum. Dans leurs expériences sur l'acide chlorhydrique. Roux et Balthazard se sont servis d'une solution qui contenait .3 p. 100 d'acide chlorhydrique officinal. Ils ont constaté à peu près les mêmes phénomènes que pour la peptone. La seule différence qui existe entre les effets produits par les solutions acides et les effets produits parles solutions de peptone, consiste en ce que les contractions stomacales apparaissent dans le premier cas un peu plus tard que dans le second. Roux et Balthazard font la supposition que peut-être l'acide chlorhydrique n'amène les contractions stomacales qu'en accélérant la production de la peptone. En tout cas, ils ont vu, en dissolvant 5 grammes de peptone dans 100 c. c. d'eau acidulée par l'acide chlorhydrique que cette solution provoquait beaucoup plus rapidement l'apparition des contractions stomacales. On voit donc par ces expériences que certains corps chimiques, qui se trouvent nor- malement dans le contenu stomacal, sont doués du pouvoir d'exciter les contractions gastriques. Il reste à savoir comment ces corps arrivent à mettre en jeu la contractilité stomacale. Rien jusqu'ici ne fait prévoir qu'ils viennent à agir directement sur les fibres musculaires de l'estomac en passant dans le sang. Nous devons donc admettre qu'ils agissent sur ces éléments musculaires par l'intermédiaire du système nerveux en provo- quant une action réflexe. b) Rôle du système nerveux dans lés mouvements de l'estomac. — 1" Rôle des pneumo- gastriques. — a Effets produits par la section de ces nerfs sur les fonctions motrices de Ves- tomac. — La section des pneumogastriques ne nous renseigne que très insuffisamment sur le rôle que ces nerfs jouent dans les fonctions motrices de l'estomac. Tout ce que ESTOMAC. 799 }'ôn sait là ce propos peut être résumé dans la proposition suivante. Les mouvements de l'estomac ne sont pas complètement abolis par la section des pneumogastriques. Leur intensité, il est vrai, diminue à la suite de cette opération, mais ils conservent leur m<3dalité propre. Avant d'arriver à cette conclusion, qui découle essentiellement des travaux de Contejean et de Ducgeschi, on avait émis sur ce sujet les opinions les plus contradictoires. Ainsi, tandis que Broughton et Reid, Magendie, Bidder et Schmidt, Don- DERs et ScHiFF, soutenaient que la section des pneumogastriques ne troublait pas sensi- blement le fonctionnement moteur de l'estomac, Milne-Edwards, Muller, Rawitsch, Longet, Rouchardat et Sandras prétendaient que celte opération déterminait toujours une paralysie plus ou moins complète des mouvements de cet organe (Voir Pneumogastrique). P) Effets produits par l'excitation des pneumogastriques sur les fonctions motrices de Vestomac. — L'excitation des pneumogastriques a donné, au contraire, des résultats fort intéressants sur le fonctionnement de ces nerfs, en tant que nerfs moteurs de l'estomac. Mais ces résultats n'ont été bien interprétés que récemment. En effet les anciens phy- siologistes se prononçaient tantôt pour, tantôt contre l'action motrice des nerfs vagues. Parmi les auteurs qui ont constaté que l'excitation de ces nerfs provoquait des mouve- ments de l'estomac, nous citerons principalement Bichat, Tiedemann et Gmelin, Bischoff, Breschet et Milne-Edwards, Valentin, Gl. Bernard, Chauveau, Rawitsch et Schiff, A l'in- verse de ces auteurs, Magendie, Muller et Dieckhoff n'ont jamais pu réussir à provoquer les mouvements de l'estomac par l'excitation des nerfs vagues. Longet a cherché la cause de ce désaccord. 11 a trouvé que l'excitabililé de ces nerfs varie considérablement sui- vant qu'on opère sur un animal à jeun ou sur^un animal en digestion. Nous verrons par la suite que l'oubli de cette condition n'est pas la seule raison qui explique ces différences. Braam-Houckgeest a été le premier auteur qui ait commencé à comprendre le rôle moteur des nerfs vagues dans toute sa complexité. Ainsi qu'il l'a fait observer, ces nerfs ne sont pas des nerfs moteurs de l'estomac au sens ordinaire du mot. Leur excitation ne fait qu'augmenter la fréquence et l'intensité des mouvements de l'estomac, mais ceux-ci gardent toujours leur modalité propre. Cette opinion a été pleinement confirmée par Morat, lequel a montré, de plus, qu'il existe dans le tronc des nerfs vagues deux sortes de fibres ayant une action distincte sur les mouvements de l'estomac. Quelques-unes de ces fibres sont inhibitrices; d'autres, excitatrices. Si l'on excite le bout périphérique d'un des nerfs vagues, on met essentiellement en jeu les fibres excitatrices de ce nerf, et l'estomac entre en contraction. Au contraire, si l'on excite le bout central d'un de ces nerfs, pendant que l'estomac est en activité, cet organe se décontracte sous l'influence d'une action inhibitrice réflexe qui vient à agir sur lui par la voie de l'autre pneumogas- trique, qui n'a pas été touché. On peut s'en convaincre en coupant ce dernier nerf avant de faire l'excitation du bout central de l'autre. Dans ces conditions les mouvements de l'estomac ne sont plus inhibés par celte excitation. Api'ès Morat, beaucoup d'autres expérimentateurs ont constaté comme lui que les nerfs vagues exercent à la fois une influence excitatrice et inhibitrice sur les mouve- ments de l'estomac. Nous allons résumer très brièvement quelques-uns de ces travaux. Suivant Openchowski et ses élèves, les nerfs vagues renfermeraient des filets moteurs et des filets dilatateurs pour le cardia, avec des filets moteurs pour les parois dé l'estomac et le pylore. Cette hypothèse mérite confirmation. Wertheimer a constaté, par des expériences de même ordre que celles de Morat, que l'excitation du bout central d'un des pneumogastriques n'était pas la seule excitation qui pouvait produire un effet inhibiteur sur les mouvements de l'estomac; celle de n'importe quel nerf sensitif, comme par exemple lenerf scialique, donne aussi lieu aux mômes ellets. Quant à la voie par laquelle marchent ces excitations pour arriver à l'estomac, Wer- theimer pense qu'elles ne suivent pas toutes le trajet du pneumogastrique; car, si l'on sectionne les deux nerfs vagues, les effets inhibiteurs diminuent, mais ils ne sont pas totalement abolis. D'après Contejean, les nerfs pneumogastriques sont, chez les Batraciens, les nerfs coordinateurs des mouvements de l'estomac. Ces nerfs renfermeraient des filets moteurs, commandant surtout aux fibres longitudinales de l'estomac et aux fibres circulaires des sphincters cardiaque et pylorique, et des filets inhibiteurs pouvant suspendre les mouve- 800 ESTOMAC. ments rétiexes de l'eslomac. L'excitation forte de ces nerfs met en évidence la première catégorie de ces fibres, tandis que l'excitation faible et la section en font ressortir les secondes. Chez les Mammifères, chacun des pneumogastriques agit différemment sur la conctractilité de l'estomac, suivant l'état de réceptivité de cet organe. Sur l'estomac au repos, l'excitation de ces nerfs fait apparaître des mouvements. Mais, sur l'estomac en activité, cette excitation tend à arrêter les mouvements qui avaient lieu. DoYON a trouvé aussi une série de faits intéressants qui démontrent l'existence de fibres inhibitrices dans le tronc des pneumogastriques. Chez certains Oiseaux, le canard et la poule, il a vu que l'excitation du bout central de ces nerfs donnait lieu aux mêmes phénomènes d'inhibition que ceux que Morat avait observés chez le chien. En excitant chez ces mêmes animaux le bout périphérique des nerfs vagues après la ligature ou la section de ces nerfs, Doyon a remarqué que cette excitation déterminait très fré- quemment l'arrêt des mouvements du ventricule succenturié et du gésier, lorsque ces organes étaient en activité. D'une manière générale, l'action inhibitrice des vagues est d'aulant plus manifeste que l'activité motrice de l'estomac est plus exaltée. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer que deux excitations faites successivement sur le même nerf, et dans des conditions tout à fait identiques, produisent; la première, un effet moteur, et la^seconde, un effet d'arrêt sur l'estomac. Dans ce même ordre de phénomènes, on doit aussi ranger, d'après Doyon, l'action inhibitrice que détermine l'excitation du bout péri- phérique des nerfs vagues sur l'estomac des animaux empoisonnés par la pilocarpine ou par la strychnine (oiseaux, chien). On sait, en effet, que ces substances, et surtout la pilocarpine, exaltent considérablement l'activité motrice de l'estomac, et plaçant par conséquent cet organe dans des conditions excellentes pour voir la fonction inhibitrice des nerfs vagues. Battelli a repris l'étude de cette question en s'attachant par de nouvelles expériences à dissocier, encore plus complètement qu'on ne l'avait fait jusqu'à lui, les divers élé- ments d'excitation qui entrent dans la constitution des nerfs vagues. Il a constaté tout d'abord que Longet n'avait pas complètement tort, lorsqu'il affirmait que l'excitabilité des nerfs vagues variait beaucoup suivant l'état de nutrition de l'animal auquel on s'adresse. Sur les animaux à jeun les pneumogastriques perdent leur excitabilité motrice au bout d'un temps plus ou moins long, mais non tout de suite après, comme le croyait LoNGET. Chez les chats, cette disparition se produit fatalement au bout de 48 heures de jeûne. Mais chez les chiens et chez les lapins, il faut attendre en général trois jours pour voir les pneumogastriques devenir complètement inactifs. D'après Battelli, il ne suffit pas non plus, comme le prétendait Longet, que les animaux soient en digestion pour que leurs pneumogastriques deviennent de nouveau excitables. D'habitude, on n'observe ce retour de l'excitabilité que dans une période assez avancée de la digestion. Mais ce n'est pas là le côté le plus intéressant des expériences de Battelli. En prolongeant considérable- ment le jeûne de ses animaux, il arrive un moment où les nerfs vagues, qui ont perdu leur excitabilité motrice, conservent encore leur excitabilité inhibitrice. Pour rendre tout à fait évidente la dissociation de ces deux formes d'excitabilité, Battelli a donné à un animal à jeun depuis longtemps une certaine quantité d'ergot de seigle ou de musca- rine, substances qui provoquent les contractions de l'estomac sans modifier l'excitabi- lité des pneumogastriques. En excitant chez cet animal le bout périphérique d'un des pneumogastriques, au momeut où l'estomac est en pleine contraction sous l'influence de ces agents médicamenteux, on voit cet organe se dilater manifestement, puis se con- tracter de nouveau lorsque l'excitation cesse. Cet effet n'est pas dû à une action parti- culière des substances toxiques. Il est le résultat de la mise enjeu de l'excitabilité inhibi- trice des pneumogastriques; car, si ces nerfs gardent encore leur excitabilité motrice au moment où on les excite, au lieu d'une dilatation, on obtient une contraction de l'estomac. Dans une autre série d'expériences, Battelli est aussi arrivé, au moyen de l'atropine, à dissocier très distinctement dans le nerf vague les fibres motrices des fibres inhibi- trices. D'après cet auteur, l'atropine paralyse les fibres motrices, tandis qu'elle respecte les fibres inhibitrices. Par conséquent, quand on excite le nerf vague chez un animal atropinisé, sur lequel on a réveillé les contractions de l'estomac, au moyen de la pilo- carpine ou de la physosligniine, on constate une dilatation rapide de cet organe, dilata- tion qui persiste quelque temps, même après que l'excitation a cessé. Par l'administra- ESTOMAC. 801 tion de la cocaïne, on obtient un effet analogue; mais la dilatalion de l'estomac est de plus courte durée. Battelli a toujours remarqué que la dilatation produite par l'excifa- tion du vague droit est plus considérable que celle obtenue par l'excitation du vague gauche; ce qui semblerait prouver que l'excitabilité inhibitrice du premier de ces nerfs est plus développée que celle du second. En revanche, l'excitabilité motrice serait plus marquée dans le vague gauche que dans le vague droit. Finalement, pour Courta.de et Guyon, l'excitation du pneumogastrique thoracique intact ou de son segment périphérique, détermine, sur les fibres musculaires de l'esto- mac, l'apparition successive des phénomènes suivants : contraction des fibres longitudi- nales (effet primitif); contraction des fibres circulaires (effet secondaire); décontraction des fibres longitudinales, puis des fibres circulaires, suivie d'une période de repos. En même temps que la contraction des fibres longitudinales, on observe, surtout au niveau du cardia et du pylore, le relâchement concomitant des fibres circulaires. Ces effets moteurs sont semblables à ceux que provoque sur le rectum l'excitation du nerf érecteui' sacré. Dans l'un comme dans l'autre cas, la contraction des fibres longitudinales est le phénomène primitif, et la contraction des fibres circulaires, le phénomène secondaire. En résumé, le pneumogastrique nous apparaît comme formé d'un mélange de fibres motrices et inhibitrices, grâce auxquelles ce nerf peut contribuer à la régulation des mouvements de l'estomac, en augmentant ou en diminuant, suivant les besoins do la digestion, le rythme et l'intensité de ces phénomènes. Certains auteurs se sont demandé si l'action motrice que les nerfs vagues exercent sur l'estomac était due aux fibres propres de ces nerfs ou bien à celles qu'ils reçoivent de leur anastomose avec la l^inche interne de l'accessoire de Willis. Cl. Bernard avait vu que les actes de la digestion s'accomplissent régulièrement après qu'on a arraché le spinal. Waller, en répétant cette même expérience, constata qu'après la dégénéres- cence descendante des fibres du spinal, obtenue par l'arrachement de ce nerf, l'exci- tation du vague du même côté ne produit plus aucun effet sur la contractilité de l'estomac. Quelque temps après ces auteurs, Chauveau publia une série de recherches démontrant que les nerfs vagues renferment des fibres motrices pour l'estomac, depuis leur origine. Les résultats de Chauveau furent considérés pendant longtemps comme décisifs; car cet auteur excitait les nerfs vagues dans l'intérieur du crâne, c'est-à-dire aussi près que possible de leurs origines. Plus récemment la question a été de nouveau soulevée, d'abord par Consiglio, et ensuite par Battelli. Consiglio a trouvé, en arrachant le nerf spinal, les mêmes résultats que Waller, Il en conclut donc que les fibres motrices des nerfs vagues sont fournies à ce nerf par l'anastomose du spinal. Consiglio fait justement remarquer que l'argument apporté par Cl. Bernard, à l'appui de l'origine non spinale des fibres motrices des pneumogastri- ques, n'a pas beaucoup de valeur, car, même après la section complète de ces deux nerfs, la digestion peut s'accomplir régulièrement. Les recherches de Chauveau furent aussi soumises à une critique rigoureuse par Consiglio, qui s'attacha surtout à démon- trer combien il est difficile de distinguer le point de séparation entre les fibres d'ori- gine du spinal et celles du pneumogastrique. Il prétendit que Chauveau a pu exciter les fibres les plus élevées du spinal, en croyant exciter seulement les fibres propres du pneumogastrique. Battelli a employé aussi la méthode de l'arrachement du spinal, pour étudier l'action de ce nerf sur les mouvements de l'estomac. 11 a opéré sur des lapins et de jeunes chats; car, chez ces animaux, l'arrachement du spinal est plus facile, et on a moins à craindre par la suite la lésion du vague. Après avoir attendu 7 ou 8 jours pour que la dégénérescence des fibres nerveuses fût bien complète, Battelli n'a jamais pu voir, en excitant le vague du côté où le spinal avait été arraché, la moindre contraction dans l'estomac. En revanche, la galvanisation du vague du côté sain provoquait toujours des mouvements dans cet organe. Suivant Battelli, l'arrachement du spinal ne supprime pas seulement la fonction motrice du vague, mais aussi sa fonction inhibitrice, 2° Rôle des sympathiques. — a) Effets produits par la section de ces nerfs sur les fonC' tiens motrices sur l'estomac. — La section des sympathiques, comme celle des pneumo- gastriques, ne jette pas une lumière bien vive sur le mécanisme de l'innervation mo- DICT. DE physiologie. — TOME V. ul 802 ESTOMAC. trice de l'estomac. C'est ainsi que la plupart des auteurs qui ont fait l'extirpation du plexus cœliaque (voir Rôle du sympathique dans les sécrétions gastriques) n'ont pas pu con- stater de troubles bien nets dans les fonctions motrices de cet organe. Il n'y a guère que DuccEscHi qui soutienne que les mouvements de l'estomac présentent après l'extirpation du plexus cœliaque une autre modalité qu'à l'état normal. Chez deux chiens porteurs de fistule gastrique, auxquels il avait extirpé quelques jours auparavant le plexus cœliaque, DuccEscHi a observé, par une exploration graphique faite à travers la fistule, que les mouvements rythmiques de l'antre du pylore, au lieu de se suivre uniformément sur une même abscisse, se succédaient sous forme d'oscillations régulières du tonus, formant des groupes uniformes qui se distinguaient par l'apparition périodique de contractions offrant le type des contractions péristaltiques. Ces divers mouvements avaient la forme et la durée des mouvements normaux; leurs groupes oscillaient dans des limites extrêmes de i'2'6" à 2'aO". Dans la région du cardia et du fond, Ducceschi a vu des oscil- lations du tonus également très régulières et de la même durée que les précédentes : elles étaient compose'es de contractions simples et péristaltiques réunies [en groupes assez uniformes. Ce type de mouvements ne présenta pas de variation sensible dans les jours qui suivirent l'opération. La section ultérieure des nerfs vagues, chez un des chiens qui avaient déjà subi l'extirpation du plexus cœliaque, modifia leur forme, dans ce sens que les oscillations du tonus tendaient à disparaître; toutefois le type pério- dique des contractions ne changea pas. D'après Ducceschi, cette réunion et cette combi- naison, en groupes réguliers et uniformes, des oscillations du tonus et des contractions simples et péristaltiques, rappellent les phénomènes moteurs qui se produisent dans le cœur des Amphibiens et des Reptiles ainsi que dans le cœur embryonnaire des Mammi- fères séparé du corps. La section du sympathique provoquerait ces manifestations motrices en troublant plus ou moins le rythme normal du métabolisme nutritif de l'estomac. Il semble qu'étant donné les effets produits par l'excitation du sympathique sur la contractilité stomacale, la section de ce nerf doit provoquer une exagération du tonus des parois gastriques, en même temps qu'une augmentation dans la fréquence et dans l'intensité des contractions de ces parois. P) Effets produits par l'excitation des sympathiques sur les fonctions motrices de l'esto- mac. — ScHiFF et Adrian ont réussi à mettre en jeu l'activité motrice de l'estomac, en excitant le grand sympathique et le plexus cœliaque. Contrairement à ces auteurs, Pflûger et Braam-Houckgeest ont vu que l'excitation des splanchniques arrêtait les mouvements de l'estomac déterminés par le contact de l'air ou par la galvanisation du pneumogas- trique. Mais, ainsi que Morat l'a démontré le premier, le sympathique, de même que le pneumogastrique, est un jierf mixte qui contient à la fois des fibres motrices et des fibres inhibitrices et qui peut, par conséquent, provoquer ou inhiber les mouvements de l'estomac, suivant les conditions dans lesquelles on fait son excitation. A l'appui de cette opinion, on peut citer, en dehors du travail de Morat, un grand nombre d'autres travaux. En voici quelques-uns des plus importants. Oser a observé, en excitant le splanchnique, une faible contraction suivie d'une dila- tation prolongée de l'estomac, et, comme effet consécutif, une augmentation des mou- vements péristaltiques, qui deviennent plus intenses et plus rapides. D'après Openchowski et ses élèves, les deux splanchniques fourniraient des filets moteurs au cardia, tandis que le sympathique thoracique et le petit splanchnique enverraient des filets dilatateurs à cette même région de l'estomac. Les filets d'arrêt pour les parois stomacales seraient contenus dans le sympathique et les splanchniques. Enfin, ces deux nerfs fourniraient en même temps des filets moteurs et inhibiteurs au pylore. Chez le lapin, les filets moteurs dominent dans le splanchnique ; l'inverse a lieu chez le chien. Bechterew et Mislawski ont confirmé la plupart des résultats auxquels sont arrivés •Openchowski et ses élèves. Pour eux, les splanchniques sont réellement les nerfs modéra- teurs du mouvement de Testoinac, mais en même temps l'excitation de ces nerfs pro- voque une contraction durable, quoique faible, des parois stomacales. Bastianelli a trouvé que l'excitation des splanchniques dans le thorax arrête les mou- vements du pylore; mais cet arrêt est rarement précédé d'une contraction. Contejean a pratiqué des expériences d'excitation du sympathique, d'une part sur la ESTOMAC. 803 grenouille, et d'autre part sur le chien. Il a vu que l'excitation électrique du sympathique (derrière l'aorte gauche ou au niveau du rein), ainsi que celle du plexus cœliaque, déterminent toujours, chez la grenouille, une crampe tétanique de tous les muscles de l'estomac. Mais, tandis que le pneumogastrique commande surtout aux fibres longitudi- nales, le sympathique exerce une action prédominante sur les fibres circulaires. Conte- JEAN ne dit pas que le sympathique jouisse d'une action inhibitrice quelconque sur l'esto- mac de la grenouille. Au contraire, chez le chien, l'électrisation du plexus cœliaque ou des nerfs splanchniques peut s'opposer à l'action motrice du nerf vague, spécialement dans le cas où l'excitation de ce dernier nerf est faible et de courte durée. En outre, le sympathique et le pneumogastrique agissent différemment sur l'estomac, suivant l'état de réceptivité de l'organe. Si l'estomac est en mouvement sous l'influence du pneumogastrique, le sympathique agit comme inhibiteur. S'il est au repos, le sympa- thique peut déterminer son mouvement. Pour DoYON, les nerfs splanchniques exercent incontestablement une influence inhibi- trice et motrice sur le ventricule succentuiié et sur le gésier des Oiseaux. Toutefois les résultais que l'on obient en excitant ces nerfs varient beaucoup suivant les conditions dans lesquelles on se place. Lorsque l'estomac est au repos, par suite de la section des deux vagues, l'excitation de nerf splanchnique pratiquée, soit à son origine, soit sur son trajet, provoque la contraction du ventricule succenturié et du gésier. Cette contrac- tion reste généralement isolée. Doyon n'a jamais observé, en opérant dans ces conditions, une série de mouvements rythmés comme ceux que produit l'excitation du pneumogas- trique. A cette différence près, l'action de ces deux nerfs est similaire chez les Oiseaux. C'est ainsi que, si le nerf splanchnique est excité pendant l'activité de l'estomac, on voit les mouvements de cet organe s'arrêter. D'autres fois l'excitation donne lieu à des efl'ets inhibiteurs et moteurs combinés. Enfin, si l'on excite le sympathique sur un animal empoisonné par la pilocarpine, on constate que l'estomac fortement contracté se décon- tracté. DoYON en conclut que le sympathique renferme, au même titre que le pneumo- gastrique, des fibres motrices et des fibres inhibitrices mélangées. Battelli est aussi arrivé à des résultats très variables en excitant le splanchnique chez divers animaux. Néanmoins, dans la majorité des expériences, il a vu l'excitation du splanchnique diminuer les mouvements de l'estomac. Dans trois cas seulement ces mou- vements furent augmentés, spécialement dans leur fréquence; mais cette augmentation fut très faible. Le pouvoir inhibiteur du splanchnique devient surtout très marqué dans l'empoisonnement par la pilocarpine et par la muscarine. Finalement, selon Courtade et Guyon, l'excitation du grand splanchnique (bout périphé- que) provoque, sur les fibres musculaires de l'estomac, l'apparition simultanée des phé- nomènes suivants : arrêt des mouvements péristaltiques; contraction tonique des fibres circulaires (surtout appréciable au niveau du cardia et du pylore) ; et relâchement des fibres longitudinales. Les effets moteurs provoqués par l'excitation du grand sympathique d'une part et par celle du pneumogastrique d'autre part n'ont pas seulement une influence inverse sur le fonctionnement mécanique de l'estomac; ils diffèrent encore par leurs caractères intrinsèques. C'est ainsi que l'excitation du pneumogastrique produit des contractions brusques, accentuées, et relativement courtes, tandis que l'excitation du grand sympa- thique détermine des changements de tonicité plutôt que des mouvements proprement dits. Cette différence d'action est particulièrement marquée sur la couche à fibres cir- culaires de l'estomac. Toutes ces expériences montrent donc que le sympathique peut, tout en étant un nerf essentiellement inhibiteur de l'estomac, comme le croyaient Pfluger et Bkaam- HoucKCEÉST, mettre en jeu dans certaines conditions l'activité motrice de cet organe. 3° Rôle des ganglions intra-stomacaux dans les fontions motrices de l'estomac. — Les mouvements de l'estomac semblent être sous la dépendance directe des ganglions qui se trouvent disséminés dans les parois de cet organe. Preyer avait déjà observé que l'esto- mac complètement séparé du corps peut exécuter des mouvements tout à fait semblables à ceux qu'il présente pendant la vie vers la fin de la digestion. Ce fait a été constaté, d'abord sur les grenouilles, et ensuite sur le lapin, le chat et le chien ; mais il faut, pour bien voir ce phénomène, placer l'estomac dans un air suffisamment chaud et saturé 804 ESTOMAC. d'humidité. En opérant de la sorte, Hofmeister et Schûtz ont réussi à conserver en acti- vité l'estomac du chien pendant plusieurs heures. 11 semble donc que l'appareil d'inner- vation extrinsèque de l'estomac n'intervient dans les fonctions motrices de cet organe qu'en réglant leur rythme et leur intensité. La mise enjeu de la contractilité stomacale se ferait toujours par l'intermédiaire des ganglions intra-stomacaux, lesquels doivent être considérés comme les véritables éléments d'excitation des fibres musculaires de l'es- tomac. A l'appui de cette opinion on peut encore citer les expériences de Schiff et de CoNTEJEAN, démontrant que la digestion stomacale n'est nullement arrêtée par la sec- tion des deux pneumogastriques et par l'extirpation stimultanée de plexus cœliaque. 4° Rôle des centres nerveux dans les fonctions motrices de Vestomac. — La section ou la destruction des diverses parties de l'axe cérébro-spinal n'a pas donné jusqu'ici des résultats assez précis pour permettre de déterminer, dans un point quelconque de ce sys- tème, des centres bien localisés présidant à la régulation des fonctions motrices de l'estomac. Étant donné que ces fonctions jouissent d'une véritable autonomie, il est très difficile de reconnaître les modifications qu'elles peuvent subir sous l'influence de ces lésions du système nerveux central. Quoi qu'il en soit, Schiff n'a pu observer, en détrui- sant successivement chez divers animaux les lobes cérébraux, la moelle cervicale jus- qu'au-dessous du bulbe, la moelle dorsale et la moelle lombaire, aucun trouble appré- ciable dans les mouvements de l'estomac. Dans toutes ces expériences le bulbe fut conservé, et Schiff ne parle pas dans son ouvrage des effets produits sur l'estomac par la destruction de celte partie du système nerveux central. D'après Goltz, la destruction complète de l'axe cérébro-spinal, chez une grenouille dont le tube digestif a été mis à nu, détermine des contractions violentes et désordon- nées dans les parois de l'estomac, avec une forte contracture du cardia. Goltz attribue ces phénomènes à la cessation de l'influence inhibitrice qu'exercent normalement sur Testomac les noyaux d'origine des pneumogastriques; car, si l'on sectionne ces deux nerfs sans détruire le système nerveux central, on obtient aussi les mêmes effets. CoNTEJEAN a répété les expériences de Goltz, et il est arrivé, à quelques différences près, aux mêmes résultats que l'auteur allemand. La destruction de l'axe cérébro-spinal exagère toujours les mouvements de l'estomac chez les Batraciens, lorsque ces animaux sont éventrés. En excitant les diverses régions de l'axe cérébro-spinal, Openchowski et ses élèves pré- tendent avoir découvert plusieurs centres destinés à la régulation des mouvements de l'estomac. La localisation de ces centres serait la suivante. Dans les tubercules quadri- jumeaux se trouverait un centre constricteur du cardia, présidant aussi aux contractions des parois stomacales. Les fibres émanant de ce centre passeraient principalement dans les nerfs vagues, et quelques-unes seulement dans le sympathique thoracique. Pour la dilatation du cardia il y aurait trois centres dilTérenls : le premier, dans la partie moyenne du sillon crucial; le second, dans le point d'union du corps strié avec le corps lenticulaire, et le troisième dans la moelle. Les fibres émanant du premier de ces centres passeraient dans les nerfs vagues : celle du second, dans ces mêmes nerfs; et celles du troisième, dans le sympathique. Les centres de fermeture du pylore se con- fondraient avec les centres d'ouverture du cardia, tandis que le centre d'ouverture du pylore se trouverait dans la moelle allongée. Ajoutons que ces résultats ont été confirmés en partie par Beghterew et Mislawski. CoNTEJEAN a vu aussi apparaître des mouvements énergiques dans l'estomac de la grenouille en excitant les lobes optiques, le bulbe et la moelle, mais de ces faits il n'ose pas conclure, comme les auteurs précédents, que chacune de ces excitations agit sur un centre moteur spécial. Il est, en effet, très difficile de savoir la part qui revient dans les effets produits par une excitation du système nerveux central, soit à l'action directe, soit à l'action réflexe. C'est là une critique importante qu'on peut adresser aux expé- riences d'OPENCHOWSKI. c) Rôle de la circulation dans les mouvements de l'estomac. — Du fait que l'estomac peut se contracter hors du corps, il ne faut pas conclure que la circulation ne joue aucun rôle dans les mouvements de cet organe. Ici comme partout où il se produit une con- traction, la dépense chimique que cet acte occasionne demande une réparation plus ou moins prompte, sans laquelle la fibre musculaire finit par perdre son excitabilité. ESTOMAC. 805 Aussi voit-on les mouvements de l'estomac diminuer d'intensité, aussitôt que la circulation cesse. Mais, contrairement à ce qui se passe pour l'intestin, cet organe n'entre pas en contraction sous l'intluence des modifications chimiques que le sang subit pendant la mort. ScHiFF a été le premier auteur qui ait attiré l'attention sur ces phénomènes. « De tous les organes abdominaux, dit-il, c'est peut-être l'estomac qui se montre le moins sensible à l'excitation produite par la cessation de la circulation. » Morat et Battelli ont vu ensuite, en faisant varier les proportions d'acide carbonique et d'oxygène dans le sang, que, tandis que les mouvements de l'intestin sont excités par le sangasphyxiqne et alfaiblis par le sang hématose, les mouvements de l'estomac se comportent vis-à-vis de ces deux sangs d'une façon tout à fait inverse. CHAPITRE II DIGESTION STOMACALE A) Analyse et marche générale des phénomènes qui se produisent dans Testomac pendant la digestion. — Les divers phénomènes qui se produisent dans l'estomac pendant la digestion peuvent être classés en huit groupes : 1° phénomènes sécrétoires; 2° phénomènes chimiques; 3° phénomènes d'absorption; 4" phénomènes moteurs; 5" phénomènes nerveux; 6° phénomènes circulatoires; 7° phénomènes ther- miques; 8° phénomènes électriques. a) Phénomènes sécrétoires. — Avant même que l'ingestion alimentaire soit finie, et quelquefois même avant le début de cette opération, les glandes gastriques entrent en activité et commencent à déverser dans l'estomac leur suc chymificaleur. En général, il se passe de cinq à quinze minutes entre le moment où l'ingestion commence et le moment ofi l'on voit les premières gouttes de suc gastrique paraître dans l'estomac. Le travail sécrétoire des glandes gastriques suit, pendant toute la durée de la période diges- tive, un cycle assez défini, tant au point de vue quantitatif que qualitatif. Au début de la digestion, la quantité de suc gastrique produit, ainsi que la teneur de ce suc en prin- cipes actifs, augmente rapidement pour atteindre un maximum vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion. A partir de ce moment l'activité sécrétoire des glandes gastriques diminue légèrement, ou bien se maintient encore à ce même niveau pendant une ou deux heures. Ensuite elle diminue plus rapidement, pour disparaître vers la fin de la digestion, lorsque l'estomac expulse totalement ses aliments. D'après Pawlow et ses élèves, la quantité totale de suc produit par l'estomac, pendant une période digestive complète, varie en raison directe de la quantité d'aliment ingéré, et en raison inverse de la digestibilité des aliments. 6) Phénomènes chimiques. — Ces phénomènes n'ont pas tous la même origine ni la même nature. Les uns proviennent de l'action du suc gastrique sur les principes albumi- noïdes; les autres de l'action de la salive sur les hydrates de carbone; enfin, quelques- uns résultent de l'action de microbes qui se développent dans l'estomac sur les diverses classes des substances alimentaires. a) Fhénoménes chimiques produits par l'action du suc gastrique sur les principes albumi- noides. — Le contact du suc gastrique avec les principes albuminoïdes est suivi d'une série d'opérations chimiques, dont voici les plus importantes : 1° fixation de l'acide chlor- hydrique par les substances albuminoïdes avec formation de molécules acides, facile- ment attaquables par la pepsine; 2° dédoublement de ces molécules par la. pepsine avec formation successive d'albumoses et de peptones; 3° précipitation par le labferment de certaines substances azotées qui sont en suspension dans les liquides alimentaires, comme, par exemple, la caséine dans le lait. La peptonisation dans l'estomac se distingue de la peptonisatioii in vitro par deux caractères essentiels : 1° par la régularité de sa marche; 2° par sa plus grande intensité. L'estomac est à la fois le producteur et le récepteur des liquides digestifs. Il peut donc, en sécrétant de l'eau, de l'acide ou de la pepsine, régler les conditions d'activité du milieu peptique de manière à obtenir constamment le maximum d'effet. Le mécanisme régulateur ne s'arrête pas là. L'estomac absorbe les produits digestifs au fur et à mesure de leur formation ou les rejette dans l'intestin. Enfin, grâce aux mouvements qui 806 ESTOMAC. animent ses parois, il peut assurer, au cours de la digestion, le mélange intime du suc gastrique avec les aliments. Malgré ces différences d'ordre quantitatif, la peptonisation in vivo et la peptonisation m vitro pre'sentent une analogie complète au point de vue qualitatif. Si l'on analyse le contenu stomacal, au bout de quelques heures de digestion on trouve les mêmes produits que nous avons signalés, lorsque nous avons fait l'étude des digestions artificielles : acide-albumines, proto-albumoses, hétéro-albumoses, deuté- ro-albumoses et peptones. A côté des phénomènes chimiques que le suc gastrique provoque en agissant sur les principes albuminoïdes, ce liquide peut encore produire, en raison de son acidité, la dissociation d'un grand nombre de sels, minéraux et organiques. P) Phénomènes chimiques produits par l'action de la salive sur les hydrates de carbone. — Après bien des discussions on est arrivé à admettre que la salive peut continuer à agir sur les hydrates de carbone du contenu stomacal, tout au moins pendant les premières heures de la digestion. Chittenden et Smith, d'abord, Godart-Danhieux, ensuite, ont montré que, lorsque l'acide chlorhydrique n'est pas en simple solution, mais combiné avec les principes albuminoïdes, comme cela arrive, en partie, dans l'estomac, cet acide ne commence à entraver l'activité fermentative de la salive qu'à des doses vraiment très fortes (5 p. 1000). Les expériences de Cannon prouvent d'autre part que les aliments ne sont pas mélange's avec le suc gastrique pendant leur séjour dans la région du fond de l'estomac, de sorte que, même en admettant, ce qui paraît très probable, que l'acide du suc gastrique exerce réellement une influence nuisible sur l'activité fermentative de la salive, cette influence ne pourrait s'exercer sur toute la masse d'aliments, avant que ceux- ci n'aient pénétré dans l'antre du pylore, c'est-à-dire pas avant une ou deux heures. On peut donc conclure qu'il existe dans la digestion stomacale une phase amyloly tique, qui précède et qui accompagne la peptonisation des aliments. L'existence de cette phase amylolytique se révèle d'ailleurs par la présence dans le milieu stomacal de toute une série de produits résultant du dédoublement des hydrates de carbone (amylodextrine, érythrodextrine, achroodextrine, maltodextrine, maltose et dextrose), dont les derniers, principalement, n'auraient jamais eu le temps de prendre naissance pendant le temps très court de la mastication et de la déglutition des substances alimentaires. Ajoutons enfin que, d'après certains auteurs, on trouverait, même normalement, dans l'estomac de quelques animaux (hamster, porc, cheval, rat, etc.) un ferment amylolytique destiné à suppléer à l'activité delà salive lorsque celle-ci est sécrétée en quantité relativement peu abondante, ô) Phénomènes chimiques produits par l'action des microbes sur les diverses classes d'ali- ments. — Un grand nombre d'espèces microbiennes peuvent vivre et se développer dans le milieu stomacal. Parmi ces espèces, les unes s'attaquent aux principes albuminoïdes; les autres aux hydrates de carbone; enfin quelques-unes peuvent même provoquer le dédoublement des graisses. D'après Vigxal, Raczyinski et Abelous, l'estomac contiendrait, à l'état normal, certains microbes capables de dissoudre etde peptoniser l'albumine et la fibrine. Toutefois l'œuvre digestive accomplie par ces microbes ne doit pas être bien importante; car ÎSuïtal et Thierfelder ont montré que la vie est encore possible lorsqu'on empêche toute péné- tration des germes dans l'organisme. De petits cobayes à terme, retirés de la matrice de leur mère avec toutes les précautions aseptiques, sont placés sous une cloche dans une atmosphère stérilisée communiquant avec l'air extérieur par des tubes remplis d'ouate. Grâce à un dispositif spécial, ces animaux sont nourris avec du lait stérilisé et peuvent vivre dans ces conditions pour ainsi dire indéfiniment. Ces résultats concor- dent tout à fait avec les recherches de Dastre, démontrant que l'activité des ferments digestifs est indépendante de toutes ingérences microbiennes. Cependant Schottelius a prétendu récemment que la nourriture stérilisée est insuffisante à entretenir la vie du poulet; mais cela peut tenir à d'autres causes qu'à une diminution d'activité dans les fonctions digestives de cet animal. Sous l'influence des maladies de l'estomac, les microbes qui s'attaquent aux prin- cipes albuminoïdes du bol alimentaire prennent un développement inattendu. La molé- cule albumineuse est alors scindée jusqu'à ses termes ultimes, et on trouve alors dans le milieu stomacal tous les produits qui résultent de la putréfaction des matières protéiques: ESTOMAC. 807 bases alcaloïdiques diverses (peplotoxines de Brieger, ptomaïnes, etc) ; difTérents corps de la série aromatique (indol, scatol, phénol, paracrésol, etc.); plusieurs corps de la série grasse (acides amidés, acides gras, méthyl-mercaptan, etc.), et enfin, un grand nombre de gaz (ammoniaque, azote, acide carbonique, hydrogène sulfuré, hydrogène, etc.). Parmi les espèces microbiennes qui vivent habituellement dans l'estomac et qui pro- duisent le dédoublement des hydrates de carbone, nous trouvons, en première ligne, le bacille lactique de Pastelr. Ce bacille, ou des espèces semblables, transforme le sucre en acide lactique avec production d'eau et d'acide carbonique. On sait que pendant longtemps on a cru que l'acide lactique était sécrété par l'estomac lui même, et qu'il jouait un rôle important dans la digestion stomacale. Les recherches de Ch. Richet vinrent prouver l'inanité de cette hypothèse, en montrant que le suc gastrique pur ne contient pas de traces d'acide lactique. Postérieurement on a admis, avec Ewald et Boas, que la formation de l'acide lactique dans l'estomac est un phénomène absolument constant qui se produit pendant la première phase de la digestion, lorsque les substances alimen- taires renferment des hydrates de carbone. Martius, Luttke et Riegel ont combattu cette opinion en disant que la production de l'acide lactique, en quantités notables, ne se rencontre guère que dans des cas pathologiques. A l'état normal, cette production serait toujours très faible, ou plutôt nulle. A côté du ferment lactique il existe, dans le milieu stomacal, d'autres ferments figu- rés qui agissent comme lui sur les hydrates de carbone ou sur les produits qui résultent du dédoublement de ces derniers corps. Tels sont, par exemple, le bacille butyrique, les levures de la fermentation alcoolique, le Mycoderma aceti et le Bacillus amylobacter. Ce dernier s'attaque principalement à la cellulose. Finalement, le milieu stomacal contient encore certaines espèces microbiennes qui provoquent le dédoublement des graisses en acides gras et en glycérine. On voit par là l'extrême complexité des phénomènes chimiques qui peuvent se produire dans l'estomac pendant la digestion. Toutefois nous tenons à rappeler que la plupart de ces phénomènes, surtout ceux qui dépendent de la vie microbienne, sont, pour ainsi dire, nuls à l'état normal, et que, lorsqu'ils existent, ils s'effacent ou disparaissent complète- ment, au fur et à mesure que le suc gastrique commence à développer son activité propre. c) Phénomènes d'absorption. — Schiff attribuait une grande importance à l'absorption «tomacale, qu'il considérait comme un phénomène absolument nécessaire à l'entrée en activité des glandes gastriques. Mais cette théorie est aujourd'hui à peu près abandon- née. L'estomac n'absorbe que très difficilement les substances solubles qui font partie du contenu alimentaire. De plus, cette absorption n'a pas la signification physiologique que Schiff voulait bien lui donner. Quoiqu'on n'ait pas fait jusqu'ici d'expériences directes pour savoir exactement quelle est la valeur de l'absorption stomacale au point de vue alimentaire, on peut supposer que cette fonction doit être insuffisante à satisfaire les besoins nutritifs de l'organisme. d) Phénomènes moteurs. — Les mouvements de l'estomac ne commencent pas tout de suite après l'ingestion alimentaire, à moins qu'il ne s'agisse d'un aliment liquide. En général, ces mouvements se produisent vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion. L'estomac se divise alors en deux portions distinctes : une portion supérieure ou antérieure, qui sert principalement de réservoir aux aliments qui n'ont pas encore été attaqués par le suc gastrique, et une partie inférieure ou postérieure qui expulse les aliments digérés dans l'intestin et qui est l'organe véritablement rroteur de l'estomac. Au fur et à mesure que la digestion s'avance, on voit la partie supérieure de l'estomac se rétracter lentement, et chasser peu à peu son contenu dans l'antre du pylore. Précé- demment, cette dernière région est devenue le siège d'une série de contractions annu- laires très puissantes, qui brassent les aliments avec le suc gastrique et les font avancer continuellement vers le pylore. Celui-ci s'ouvre d'une façon intermitente; mais sa dilata- tion ne coïncide pas toujours avec l'approche de chaque vague de constriction, de sorte que les aliments sont très souvent rejetés en arrière, en éprouvant ainsi une dissocia- tion énergique. Vers la fin de la digestion, les ondes de contraction deviennent tellement intenses qu'elles forcent à chaque fois le passage pylorique, en expulsant rapidement les aliments chymifiés dans l'intestin. e) Phénomènes nerveux. — Toutes les fonctions de l'estomac se trouvent, à des degrés 808 ESTOMAC. divers, sous la dépendance plus ou moins directe du système nerveux. Depuis le moment où rin|estioa alimentaire commence, jusqu'au moment oîi les aliments quittent l'intes- tin grêle, il se produit un grand nombre de réflexes qui exaltent ou qui inhibent les fonctions de l'estomac, suivant la nature des excitants. Lorsque les aliments sont très appétissants, leur passage à travers les voies supé- rieures de l'appareil digestif, et quelquefois même leur seule présence, ou l'odeur qu'ils dégagent, suffisent à provoquer une sécrétion abondante de suc gastrique, laquelle, d'après Pawlow et ses élèves, serait d'origine psychique. Au contraire, si les aliments engendrent le dégoût, ces mêmes opérations n'arrivent pas à mettre en jeu l'activité sécrétoire de l'estomac; bien mieux, il se peut parfois, lorsque les sécrétions gastriques sont déjà en train, que celles-ci soient complètement arrêtées par ces excitations inhi- hitrices. Ajoutons enfin que le pneumogastrique semble être la voie par laquelle ces deux formes d'excitation arrivent aux glandes gastriques. Lorsque les aliments pénètrent dans l'estomac, les actions réflexes deviennent encore plus complexes. Contrairement à ce qu'on pourrait croire tout d'abord, étant donné que la digestion se passe dans un silence complet, et que la sensibilité tactile et dou- loureuse de l'estomac est pour ainsi dire nulle à l'état normal, la muqueuse de cet organe devient le point de départ d'une série de réflexes qui retentissent sur les diverses fonctions de l'estomac. Les uns agissent sur les fonctions sécrétoires; les autres, sur les fonctions motrices; enfin quelques-uns peuvent porter leur action sur le système vas- culaire de cet organe. Ces diverses actions peuvent être à la fois excitantes ou inhibitrices de chacune des formes de l'activité stomacale, suivant la nature de l'excitant qui les provoque. On pourra s'en convaincre en lisant les différents paragraphes où nous avons traité de l'influence des excitations physiques et chimiques sur les diverses fonctions de l'estomac. Quant aux voies que suivent ces excitations pour arriver à produire leurs effets, on peut dire qu'elles sont encore inconnues. Toutefois Schiff prétend que le pneu- mogastrique est le nerf sensible de l'estomac, et Pawlow croit, d'autre part, que le sympathique est la voie centrifuge par laquelle marchent les excitations d'origine stomacale qui déterminent les sécrétions gastriques. Après leur passage dans l'intestin grêle, les substances alimentaires peuvent aussi faire naître dans celte région certains réflexes qui agissent spécialement sur les fonctions motrices et sur les fonctions sécrétoires de l'estomac. Selon Mering. et Hirsch, l'arrivée des aliments dans l'intestin grêle provoque la fermeture du pylore. Ce réflexe dure un temps assez long, et il recommence chaque fois que les aliments pénètrent dans l'intestin. Pawlow et son élève Serdjukow ont vu ensuite que ce réflexe pouvait provoquer la fermeture ou le relâchement du pylore, suivant que la réaction des liquides qui pas- sent dans l'intestin était acide ou alcaline. Enfin, d'après Lecontë et Pawlow, le contact de certains produits de la digestion stomacale avec la muqueuse du duodénum détermine par voie réflexe une sécrétion abondante de suc gastrique. Leconte a vu en outre que cette action réflexe pouvait être inhibitrice des sécrétions gastriques, si, au lieu d'intro- duire de la peptone dans l'intestin, on y introduisait de la glucose. En dehors de ces actions réflexes provoquées par le passage des aliments à travers le tube digestif, toute excitation sensitive d'origine périphérique, ainsi que certaines influences psychique, peuvent aussi modifier l'intensité des fonctions sécrétoires et des fonctions motrices de l'estomac. NExscHAJErF est arrivé à produire l'arrêt des sécrétions gastriques en excitant le bout central du nerf sciatique. Wertheimer, de son côté, a obtenu l'arrêt des mouvements de l'estomac en faisant cette même excitation. Enfin Leconte, d'une part, et Cannon, de l'autre, ont observé l'arrêt de ces deux formes de l'activité de l'estomac sous l'influence des excitations psychiques diverses. f) Phénomènes circulatoires. — Dans le groupe des phénomènes d'origine nerveuse, on doit aussi ranger les modifications circulatoires qui se produisent dans l'estomac pendant la digestion. En même temps que les glandes gastriques rentrent en activité, on voit la circulation de l'estomac devenir beaucoup plus intense. Cette augmentation est due certainement à des actions vaso-motrices réflexes dont le mécanisme ne nous est pas encore connu. Néanmoins, on peut supposer que les mômes excitations qui mettent en jeu l'activité des glandes gastriques provoquent aussi ces phénomènes vaso-moteurs (voir Vaso-moteurs). ESTOMAC. 80> g) Phénomènes thermiques. — La température de l'estomac pendant les p^miers moments de la digestion dépend naturellement de la température des aliments ingérés. Toutefois, ainsi que les recherches de Quincke l'ont montré, l'équilibre thermique ne tarde pas à s'établir entre les aliments et l'estomac. Quelques auteurs se sont demandé ce que devient la température de la cavité gastrique une fois que cet équilibre se réta- blit. Kronecrer a trouvé chez le chien que la température de l'estomac pendant la diges- tion était de O^jO à 1",3 plus forte que la température du rectum. Au contraire, chez ce même animal, à jeun, l'estomac serait plus froid de 0»,5 que le rectum. Ces observations sont en désaccord complet avec les résultats obtenus par Vintschgau et Dietl. D'après ces auteurs la température du milieu stomacal diminuerait, au contraire, vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion de 0'',2 à 0°,6, par suite des phénomènes d'hydratation qui s'y produisent lors de la formation de la glucose et de la peptone. Entre ces deux opinions, diamétralement opposées, se place l'opinion de Quincke, qui prétend que la température de l'estomac ne varie guère pendant la digestion. h) Phénomènes électriques. — Rosenthal a signalé pour la première fois l'existence d'un courant propre dans la muqueuse de l'estomac de la grenouille. Bohlen, plus récemment, en étudiant cette question, est arrivé aux résultats suivants : 1° L'intensité du courant propre de la muqueuse stomacale, chez les animaux à sang froid, comme chez les animaux à sang chaud, est très variable. Chez la grenouille l'intensité de ce cou- rant pendant la digestion dépend avant tout de la nature du contenu stomacal. Lorsque celui-ci est formé des corps non digestibles qui excitent mécaniquement la muqueuse, le courant électrique est très fort. En revanche, pendant la vraie digestion des corps qui sont facilement attaquables par le suc gastrique, comme, par exemple, la viande, l'inten- sité du courant électriijue de l'estomac est plutôt diminuée qu'augmentée; 2° En vertu de la faible intensité des échanges nutritifs chez la grenouille, l'estomac de cet animal conserve ses propriétés électro-motrices quelques heures après la mort ou après la séparation du corps. Cette persistance du courant électrique ne s'observe pas chez les animaux à sang chaud; 3" L'excitation du nerf vague produit chez la grenouille, même après l'arrêt de la circulation, une faible variation positive du courant propre de l'esto- mac, tandis que chez les animaux à sang chaud cette môme excitation, après avoir pro- duit une légère variation positive, donne lieu à une forte variation négative pouvant aller jusqu'au renversement complet du courant; 4" La saignée, la compression de l'aorte thoracique, et l'empoisonnement par la pilocarpine, le nitrite d'amyle, le chloral et le curare, produisent les mêmes effets sur le courant électrique propre de l'estomac que l'excitation des pneumogastriques; 5° L'excitation des centres vaso-moteurs du cerveau par l'anémie ou par l'asphyxie détermine aussi, même après la section des deux vagues, une variation positive du courant propre de l'estomac, laquelle se transforme bientôt en une variation négative ; 6° L'introduction de grandes quantités d'eau salée dans le sys- tème circulatoire provoque une augmentation dans l'intensité du courant propre de l'es- tomac, augmentation qui se prolonge même après la mort. Ainsi toutes les conditions qui modifient le fonctionnement de la muqueuse stomacale changeraient plus ou moins les propriétés électro-motrices de cette membrane. Bohlen a une tendance à croire que les cellules de l'épithélium superficiel sont celles qui jouent le rôle le plus important dans la production de ces phénomènes électriques. Il base son opinion sur ce fait que toutes les conditions qui excitent la sécrétion muqueuse augmentent en même temps l'intensité du courant propre de l'estomac. B) Physiologie comparée de la digestion stomacale. — On a trouvé plus haut un grand nombre de documents sur les variations que présentent les diverses fonctions de l'estomac dans la série animale. Ici nous nous occuperons plus spécialement des phénomènes d'ensemble de la digestion stomacale chez les diverses classes des Vertébrés. a) Poissons. — L'existence d'une digestion gastrique chez les Poissons a été signalée pour la première fois par Spallanzani. Cet auteur observa, en introduisant dans l'estomac de plusieurs Poissons des tubes métalliques remplis de viande, que celle-ci était ramollie et finalement dissoute par les sucs de l'estomac. Spallanzani remarqua, en outre, en ins- tituant cette même expérience chez les serpents, que l'estomac de ces animaux digérait beaucoup moins vite la viande que celui des Poissons. Les observations de Spallanzani furent confirmées plus tard par beaucoup d'autres- 810 ESTOMAC. expérimentateurs, et pendant longtemps on admit d'une façon unanime que la digestion gastrique était un processus constant chez tous les Poissons. Ce n'est qu'à partir des recherches de Luchau qu'on dut abandonner cette opinion qui était trop absolue. En effet, LucHAu montra que l'estomac des Cyprinoïdes, qui ne contient pas de glandes gastriques, ne renferme pas non plus de pepsine. Ce point, sur lequel tout le monde est aujourd'hui d'accord, n'est pas le seul fait im- portant qui ait été signalé, depuis qu'on a entrepris l'étude de la digestion gastrique chez les Poissons. Krukenberg a trouvé, après Luchau, que l'estomac de ces animaux se comporte, au point de vue sécrétoire et par conséquent au point vue chimique, de trois manières différentes. Chez les Sélaciens, les Ganoïdes et quelques Téléostéens, la diges- tion stomacale se passe dans un milieu acide et peptique, qui ne diffère de celui des Mammifères que par ce fait qu'il conserve son activité aux basses temprératures. Chez d'autres Poissons, comme par exemple certains Téléostéens, la digestion gastrique peut se poursuivre dans un milieu acide ou alcalin, car l'estomac de ces animaux sécrète en même temps de la pepsine et de la trypsine. Enfin, chez les Cyprinoïdes, la digestion gastrique manque complètement, par cette simple raison que l'estomac de ces espèces ne produit aucun principe actif. Ch. Richet a constaté d'autre part que la digestion gastrique prend, chez certains Poissons, une importance considérable. Tout d'abord, le suc sécrété par ces animaux est bien plus acide que celui que sécrètent les autres Vertébrés. Ce suc est en même temps très actif. De plus, chez les espèces carnivores, qui sont toutes très voraces et qui avalent des proies énormes, non mâchées, l'estomac se trouve séparé de l'intestin par un tube très mince, contractile, qui se ferme énergiquement pendant la digestion et ne permet pas le passage des substances non chymiflées dans l'intestin. Il en résulte que les proies ingérées par ces animaux restent forcément dans l'estomac jusqu'à ce qu'elles soient transformées à l'état de bouillie par le suc gastrique. Malgré cela, la digestion est assez rapide chez ces Poissons et Ch. Richet pense qu'elle serait encore plus rapide si les aliments que ces animaux mangent n'étaient pas très rebelles à l'action du suc gastrique. Enfin YuNG a vu, en analysant le contenu stomacal de quelques espèces de Squales, qu'il existe dans ce milieu les mêmes produits peptiques que l'on retrouve dans le milieu stomacal des Mammifères. D'accord avec Ch. Richet, et contrairement à ce qu'avait prétendu Luchau, Yu.ng nie l'existence d'une fermentation amylolytique dans l'estomac de ces animaux. b) Batraciens. — Si l'on excepte la grenouille, chez laquelle l'activité digestive propre de l'estomac semble être renforcée par une sécrétion peptique qui se fait dans l'œsophage, chez tous les autres Batraciens, l'estomac est capable par lui-même d'amener à bien la digestion d'un repas. Chez ces animaux, la digestion gastrique affecte la même allure que chez les Vertébrés supérieurs. L'estomac se divise, aussitôt après l'ingestion des ali- ments, en deux parties distinctes : une partie supérieure qui sert de réservoir aux ali- ments et où se fait principalement la sécrétion du suc gastrique, et une partie inférieure destinée à la trituration et au mélange des aliments avec les liquides digestifs. Quant aux phénomènes chimiques, ils sont absolument semblables à ceux qui se passent dans l'es- tomac des Mammifères. Le seul caractère qui distingue la digestion gastrique des Batraciens de celle des animaux à sang chaud, c'est la lenteur relative avec laquelle se déroule ce processus. D'après Colin, des grenouilles d'été nourries avec de la viande tri- chinée ue commencent à rendre les helminthes ingérés qu'au bout du cinquième jour après l'ingestion. Mais cette expérience n'est pas très démonstrative, car d'une part, le suc gastrique n'attaque pas les trichines, et, d'autre part, les trichines peuvent être retenues dans l'intestin et non pas dans l'estomac. Dans d'autres expériences faites avec la viande seule, Colin a vu que l'estomac de la grenouille ne contenait aucune trace d'ali- ment quatre jours après l'ingestion. D'une manière générale, plus la température est basse, plus la digestion se prolonge chez ces animaux. c) Reptiles. — A l'exemple de ce qui se passe chez les Batraciens, la digestion gas- trique est aussi très lente chez les Reptiles. Certains de ces animaux gardent dans leur estomac, des semaines entières, les proies énormes qu'ils avalent sans mâcher. Colin a vu une couleuvre, surprise par un abaissement brusque de la température, en été, rendre une souris qu'elle avait avalée cinq jours auparavant. Ce retard considérable de la diges- ESTOMAC. 811 tion s'explique jusqu'à un certain point si l'on lient compte que les aliments que ces animaux ingèrent, sont constitués dans la plupart des cas par des petits Oiseaux ou des petits Mammifères, dont le tégument extérieur, recouvert de plumes ou de poils, doit offrir une grande résistance à l'action des sucs digestifs. En tout cas, nous savons que l'estomac des Reptiles sécrète les mêmes principes actifs que l'estomac des Mammifères, de sorte qu'il ne doit pas y avoir de différences chimiques bien appréciables entre les processus digestifs de ces deux classes d'animaux. Peut-être l'intensité des phénomènes chimiques de la digestion est-elle plus faible chez les Reptiles, parce que la température de ces animaux n'est pas aussi élevée que celle des Mammifères; mais rien n'est moins certain, car on sait que les ferments digestifs sécrétés par l'estomac des animaux à sang froid sont adaptés pour agir aux basses températures, et nous avons vu que chez les Poissons la digestion gastrique est au contraire très active. En dehors de ces différences de rapidité, la digestion gastrique présente chez les Reptiles le même type évolutif qu'elle présente chez les Oiseaux et chez les Mammifères à estomac simple. d) Oiseaux. — Lorsqu'on étudie la marche et les caractères de la digestion gastrique chez les Oiseaux, on s'aperçoit tout de suite qu'il faut faire une distinction importante entre les espèces carnivores et les espèces granivores. Chez les oiseaux carnivores, la digestion s'opère avec une grande simplicité. L'esto- mac est constitué par une poche unique, dans laquelle le ventricule succenturié et le gésier se trouvent complètement confondus. Les aliments arrivent dans celte cavité et ils y sont digérés par le concours presque exclusif des forces chimiques. Réaumur avait déjà reconnu que la digestion des aliments dans l'estomac membraneux des Oiseaux carnivores n'a pas d'autre agent dissolvant spécial que le suc gastrique. Ayant fait avaler à une buse des tubes métalliques troués, remplis de viande, Réaumur observa au bout de vingt-quatre heures que ces tubes étaient en partie vides, et que la viande qu'ils contenaient encore se trouvait réduite à l'état de bouillie. Si, au lieu de donner à cet animal de la viande, on lui donne un os de poulet, renfermé aussi dans un tube, on observe les mêmes phénomènes de dissolution. Spallanzani arriva à des résultats semblables en opérant sur des chouettes, des fau- cons, des ducs et des aigles. Ces Oiseaux digèrent rapidement les muscles, les tendons et les cartilages, mais ils vomissent vers la fin de la digestion les parties dures et indi- gestes qui n'ont pas été attaquées et dissoutes par le suc gastrique. Ainsi ils rendent très souvent les os de leurs proies, car la durée ordinaire de la digestion de la viande ne suffit pas à la transformation de ces substances. Toutefois Spallanzam a pu se convaincre que les os eux-mêmes finissaient par êti^e digérés lorsqu'on les donnait à ces animaux plusieurs fois de suite. Un fait très curieux concernant la digestion de ces oiseaux, c'est que les substances indigestes se rassemblent dans leur estomac en formant des espèces de pelotes dont le centre est constitué par les os ou par des substances cornées très dures; et la périphérie, par des poils ou par des plumes. Ces pelotes se forment par le va-et-vient qu'éprouvent les substances insolubles, dans la portion pylorique de l'estomac. Il faut dire, en effet, que, si les mouvements de cet organe ne sont pas assez puissants pour produire la tritu- ration des aliments, ils ne contribuent pas moins au mélange de ces substances avec le suc gastrique et à leur expulsion dans l'intestin. Or, chaque fois qu'une onde de contrac- tion amène dans le voisinage du pylore une parcelle d'aliments qui n'est pas dissoute, le sphincter pylorique se ferme énergiquement, et le corps solide est obligé de revenir en arrière. Ce mouvement de va-et-vient se répèle un grand nombre de fois, de sorte qu'à la fin de la digestion les corps solides se trouvent agglomérés et réunis en forme de boules. Chez les Oiseaux granivores, la digestion gastrique est beaucoup plus compliquée. Les graines et les autres substances dont se nourrissent ces animaux se rendent tout d'abord dans le jabot, où. elles s'accumulent en quantité considérable. Là elles subissent un commencement de macération qui facilite leur digestion. Cette macération est produite par un liquide neutre que sécrète la muqueuse du jabot et qui ne semble pas doué de propriétés chimiques bien définies. Elle peut cire aussi provoquée par l'eau de l'alimen- tation. Quoi qu'il en soit, les matières alimentaires font un assez long séjour dans la poche œsophagienne. Tiedemann et Gmelin ont constaté que les grains avalés par une 812 ESTOMAC. poule en un repas ne sortent de ce réservoir qu'au bout de douze ou treize heures. D'après Colin, qui a fait beaucoup d'expériences sur ce sujet, le temps de séjour des ali- ments dans le jabot est très variable pour chaque animal. Chez un poulet qui .pèse 500 ou 600 grammes, il faut en général de 4 à 6 heures pour que 10 grammes de grains avalés dans un repas quittent complètement le jabot. Le passage des aliments dans le ventricule succenturié se fait d'une manière insensible et graduelle sous l'influence des contractions péristalliques qui animent les parois du jabot. Mais, étant donné la faible capacité de la première de ces cavités, les aliments n'y restent pas longtemps. Avant même qu'ils commencent à subir l'action du suc sécrété par le ventricule, ils passent avec ce liquide dans la cavité du gésier. C'est ici que la digestion se fait réellement. Les aliments y sont broyés, triturés et réduits à l'état d'une pulpe homogène, sous l'action combinée des forces physiques et chimiques. Les parois du gésier sont admirablement organisées pour cela. Elles possèdent des muscles puissants, dont les contractions déterminent un frottement énergique des particules solides de la masse alimentaire. Afin de rendre ce frottement plus efficace, ces Oiseaux avalent avec les grains de petites pierres qui font l'office de meules. Les anciens physiologistes étaient absolument émerveillés de voiries effets mécaniques que peut produire l'activité motrice du gésier des Oiseaux. BoRELLi vit, en expérimentant sur les cygnes du palais de Florence, que le gésier de ces palmipèdes brise aisément des noyaux de pistache et des olives. Redi observa que cet organe peut, chez la poule, le canard et le pigeon, réduire en poussière de petites boules creuses de cristal. Des faits analogues ont été ensuite constatés par Réaumur, Spallanzani, et Hunter. Peut-être ces observations sont-elles quelque peu exagérées, mais en tout cas i semble incontestable que le gésier joue un rôle mécanique des plus importants dans la digestion gastrique des Oiseaux. A ce rôle mécanique de trituration des matières alimentaires se joint l'action dissol- vante du suc gastrique qui se déverse dans cette cavité après avoir été sécrété par le ventricule. Jobert et Couvreur ont même prétendu que le gésier n'est pas dépourvu de toute action chimique sur les aliments. Cette hypothèse mérite cependant confirmation. Ajoutons que les Oiseaux, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, ont, en général, une digestion très active. Ces animaux mangent à tout mstant. Les moineaux doivent faire jusqu'à dix ou douze repas par jour avant d'apaiser complètement leur faim. Ils remplissent d'aliments leurs divers estomacs, et même le pharynx et l'œsophage. Leur appétit renaît aussitôt qu'un vide se fait dans les portions supérieures de leur appareil digestif. Chez les autres espèces d'Oiseaux la voracité n'est pas moins grande. Ce besoin incessant d'alimentation s'explique par ce fait que ces animaux font une dépense chimique considérable. e) Mammifères. — Dans cette classe d'animaux, la digestion gastrique présente, encore plus que chez les Oiseaux, des différences considérables d'une espèce à l'autre. Chez les Monotrèmes, qui ne possèdent pas d'estomac, au sens histologique du mot, la digestion gastrique doit être nulle. Chez tous les autres Mammifères, la fonction gastrique affecte des types très divers, suivant qu'il s'agit d'un animal à estomac simple ou d'un animal à estomac composé, et, dans ces deux groupes d'animaux, suivant que les espèces sont carnivores, omnivores ou herbivores. Chez les Mammifères carnivores à estomac simple, comme par exemple le chien et le chat, le travail digestif de l'estomac est essentiellement intermittent. Ces animaux prennent leur repas les plus copieux en un instant, et beaucoup d'entre eux avalent leur proie tout entière. Leur mastification est très sommaire, car cette opération n'est guère utile pour des aliments qui sont parfaitement solubles dans le suc gastrique. Il en est de même de l'insalivation. La salive ne joue aucun rôle important dans la transformation des matières alimentaires. Elle y est, d'ailleurs, sécrétée en faible quantité et ne pos- sède pour ainsi dire pas de propriétés saccharifiantes. L'estomac de ces animaux présente une grande capacité, et sécrète par toute l'étendue de sa surface muqueuse un suc très abondant et très actif. Le pylore relient longtemps les matières alimentaires, et ne les laisse passer dans l'intestin qu'après une dissolution ESTOMAC. 813 plus ou moins parfaite. 11 en résulte que ces substances restent pendant plusieurs heures en contact avec le suc gastrique (10 à 12 heures d'après Schmidt-Muhlheim et Colin) et qu'elles subissent une transformation très profonde. La marche de la digestion gastrique se fait de la façon suivante. Les aliments à peine divisés par une mastication très incomplète arrivent dans l'estomac qu'ils remplissent en un instant. Le suc gastrique commence à s'écouler aussitôt en agissant d'abord sur la surface du bol alimentaire. Au bout d'un temps plus ou moins long, qui varie surtout avec la nature des aliments, la portion pylorique de l'estomac entre en contraction, et les substances qui s'y trouvent alors sont intimement mélangées avec le suc gastrique. Celles qui y sont déjà à l'état de solution passent dans l'intestin; les autres restent encore dans l'antre pylorique pour y subir la même transformation. Au fur et à mesure que l'antre du pylore vide son contenu dans l'intestin, il reçoit de nouvelles quantités d'aliments de la portion cardiaque de l'estomac, où ces substances sont restées emmagasinées sans se mélanger avec le suc gastrique. Cannon en a fourni la preuve en hiontrant que les couches centrales du contenu stomacal de la portion cardiaque, chez le chat, présentent pendant les premières heures de la digestion une réaction alcaline, malgré la forte aci- dité du suc gastrique. Au point de vue chimique, la digestion gastrique des Mammifères carnivores se carac- térise surtout par une transformation très active des principes albnminoïdes. Les hydrates de carbone n'éprouvent aucune modification appréciable dans l'estomac de ces animaux. Ellenberger n'a pu déceler, en analysant le contenu stomacal d'un chien qui avait pris un repas formé de Hb grammes de riz cuit, deux ou trois heures après l'ingestion, la moindre trace de sucre. Ce contenu renfermait seulement de petites quantités de dex- trine, et le riz n'avait guère changé d'aspect après plusieurs heures de digestion. Les graisses ne sont pas non plus digérées par l'estomac du chien, ainsi que Frebichs et Blon- DLOT l'ont remarqué les premiers. Selon Zawilsky, on trouverait, après avoir introduit 159 grammes de graisse dans l'estomac d'un chien, lOSer,;} au bout de la quatrième heure de digestion; QSs^S au bout de la cinquième; 2ie'',75 au bout de la neuvième; et 0S'',049 au bout de la trentième. Ces résultats sont pleinement confirmés par les expé- riences de CONTEJEAN. Au contraire, Tactivité de la digestion gastrique, pour la transformation des principes albuminoïdes est très considérable. ScHMiDT MiJHLHEiM a VU, en donnant à un chien un repas de viande cuite et hachée, dépourvue de toute albumine soluble, que la digestion de cette substance se faisait dans la progression suivante : une heure après le repas on ne trouve dans l'estomac que 9/10 de la viande ingérée ; deux heures après, o/8 ; six heures après, 1/3; neuf heures après, 1/8; enfin, au bout de douze heures de digestion, l'estomac ne contient plus de traces de viande. Voir, d'autre part, page 814, les résultats obtenus sur ce même sujet par Colin, dans soixante expériences qu'il a faites sur des chiens et sur des chats. La digestion gastrique des Mammifères herbivores à estomac simple diffère profondé- ment du type que nous venons de décrire. Chez le cheval et très probablement chez tous les solipèdes la fonction gastrique présente une physionomie particulière qui résulte des conditions suivantes : 1° lenteur de la mastication; 2° importance de l'insalivation; 3° faible pouvoir peptique du suc gastrique ; 4" absence totale de sécrétion acide dans la portion cardiaque de l'estomac, particularité que favorise le développement de la fer- mentation amylolytique dans cette portion de l'estomac; 5° rapidité du passage des ali- ments dans l'intestin, phénomène qui se produit d'une manière continue, même pendant le repas. La mastication et l'insalivation, qui étaient insignifiantes chez les Mammifères carni- vores, deviennent chez le cheval deux opérations extrêmement importantes. L'herbe, le foin, la paille, le grain et les autres substances végétales dont se nourrit cet animal ne peuvent être digérés qu'après une division et une trituration complètes. Ces aliments présentent, en effet, une enveloppe extérieure qui est à peu près inattaquable par les sucs digestifs et qui protège contre l'action de ces sucs les substances solubles qu'ils ren- ferment à l'intérieur (légumine, gluten, amidon, etc.). Aussi voit-on le cheval mâcher très lentement ses aliments avant de les avaler d'une façon définitive. D'après Colin, cet animal ne pourrait manger 2 liOO grammes de foin en moins d'une heure, et quelquefois 814 ESTOMAC. Vitesse delà digestion stomacale de la viande chez le chien, d'après Colin. DÉSIGNATION DES SUJETS. King-Charles, . Chien griffon. . Chien de rue. . Chien de chasse Chien de berger Chien épagneul. Chien de chasse Chien de garde Chien épagneul Chien renard. Chien de rue. Chien de garde Caniche. . , Chien. . . . Chien de chasse Épagneul. , . Chien. ... Chien, . . . Chien, . , . Chien. . , King-Chai'les Chienne danoise Chien Épagneul. . . Chien de garde Chien de garde POIDS DES SUJETS. grammes. 5,102 20,860 6,054 11,000 17,550 1,320 14,705 23,825 21,400 5,452 36,700 11,500 4,620 15,860 8,550 30,337 8,100 35,700 10,640 4,600 34,740 21,000 24,300 23,000 24,500 DUREE de la DIGESTION. heures 1 2 3 1/2 4 1/2 4 4 5 5 6 6 7 7 7 1/2 9 10 10 1/2 10 1/2 12 13 14 15 16 16 1/2 18 19 24 POIDS de la VIANDE INGÉRÉE. 200 400 200 200 400 500 200 500 500 200 200 500 400 200 500 400 800 300 800 400 200 800 1000 1000 1000 1000 POIDS de la VIANDE QUI RESTE DANS l'estomac. grammes , 185 377 143 80 342 377 81 202 201 31 100 120 201 98 80 130 405 45 50 0 25 330 63 4 QUANTITE DE VIANDE DIGÉRÉE. En poids absolu. jrammes. 15 23 57 120 58 121 119 298 » 169 100 » 199 102 420 270 395 255 750 365 195 800 975 670 937 En centièmes de la masse ingérée. 7 5 28 60 14 24 59 59 » 84 50 » 49 51 84 67 49 85 96 91 97 100 97 67 93 Par kilo d'animal. grammes . 2,9 1,1 9,4 10,9 3,3 16, 8,1 12,5 18,5 » 17,3 24,2 26,4 31,5 18,8 31,4 21, 34,3 42,4 23,3 46,4 27,5 40,7 Vitesse de la digestion stomacale de la viande chez le chat, d'après Colin. DÉSIGNATION DES SUJETS. POIDS DES SUJETS. DURÉE de la DIGESTION. POIDS de la VIANDE INGÉRÉE. POIDS de la VIANDE qui reste dans l'estomac. QUANTITÉ DE VIANDE DIGÉRÉE. En poids absolu. En centièmes de la masse ingérée. Par kilo d'animal. Chat Chatte .... Chat Chat Chat Chat Chat Chat Chat Chat Chatte. . . , Chatte , . , . Chat Chat Chat Chat Chatte .... Chatte. . . . ind. ind. ind, 2S928 ind. ind. ind. 4S831 ind. 3\200 ind. 2S938 1\370 2S370 2S161 ind. 2\472 ind. heures, 1 2 3] 4 4 5 5 5 6 7 8 9 10 11 11 12 12 13 grammes • 100 100 100 100 100 200 100 100 100 100 100 100 100 100 100 200 100 100 105 95 80 89 60 155 75 60 42 32 26 20 29 31 26 64 3 0 grammes. 0 5 20 11 40 45 25 40 58 68 74 80 79 89 74 136 97 100 0 5 20 11 40 22 25 40 58 68 74 80 79 89 74 68 97 100 grammes. » » » 3,7 » 8,2 » 21,2 » 27,2 57,6 37,5 34,2 » 39 ESTOMAC. 815 il met même une heure et demie et deux heures à manger cette même ration. Avec l'avoine, la mastication est aussi très lente. Pendant la mastication de ces deux repas, le cheval fait à peu prés 200 bols pour le foin et 40 à 90 bols pour l'avoine. Les premiers de ces bols reçoivent quatre fois leur poids de salive, et les seconds une fois et quart leur poids. Ces chiffres donnent une idée approximative de l'importance de l'insalivation chez cet animal. Et il faut qu'il en soit ainsi, car les aliments dont nous venons de parler renferment des quantités considérables d'hydrates de carbone, qui ne se digèrent rapi dément qu'en présence d'une masse énorme de salive. Ainsi divisés et imprégnés du liquide salivaire, les aliments pénètrent dans l'estomac; mais, étant donnée la faible capacité de cet organe (15 à 18 litres en moyenne) par rap- port au volume d'aliments qu'il reçoit, une partie de ces substances passe tout de suite dans l'intestin. En effet, lorsque le cheval mange en un repas de deux heures 5 kilo- grammes de foin, représentant la moitié de sa ration diurne, il les imprègne de vingt litres de salive, de sorte que la masse totale des substances qu'il avale pendant ce laps de temps pèse à peu près 25 kilogrammes. Il faut donc que l'estomac de cet animal, qui a de quoi se remplir trois fois pendant l'ingestion d'un repas de cet ordre, se vide au moins deux fois pour garder son fonctionnement normal. Les deux premières fournées d'aliment ne doivent pas séjourner dans l'estomac plus d'une heure. Quant à la dernière, elle peut y rester tout le temps qui s'écoule entre les repas. Dans le cas où le cheval mange de l'avoine, les aliments séjournent plus longtemps dans l'estomac; car alors la masse totale des substances ingérées (salive et avoine) est beaucoup plus petite. Enfin, lorsqu'on donne à un cheval plusieurs aliments de suite, les uns après les autres, ces substances se rangent dans l'estomac en formant une série de couches stratifiées, qui restent nettement distinctes jusque dans le voisinage de la portion pylorique. Quelque- fois même elles passent dans l'intestin en suivant l'ordre de leur arrivée; mais en général elles subissent dans cette dernière portion de l'estomac un mélange assez prononcé, sur- tout lorsque l'animal prend une grande quantité d'eau après les repas. La facilité avec laquelle les matières alimentaires contenues dans l'estomac passent dans l'intestin prouve que le pylore des solipèdes fonctionne suivant un mode particulier qui lui est propre. Cet orifice est en effet très large et très dilatable, et il reste presque constamment ouvert pendant la première phase de la digestion, comme Coli.n a pu le constater sur des chevaux dont l'estomac se trouvait en pleine activité digestive. Le pylore est par conséquent chez le cheval bien différent de ce qu'il est chez les Mammi- fères carnivores. Au lieu de refuser obstinément, comme chez le chien, le passage aux matières non liquéfiées, il donne une libre issue à tout ce que l'estomac a reçu; il se laisse traverser aussi bien par les corps volumineux que par ceux qui sont très divisés, par les aliments solides que par les liquides. Tiedemann et Gmelin avaient déjà vu que les mor- ceaux de quartz donnés à des chevaux se trouvaient dans l'intestin, une heure ou une heure et demie après leur ingestion. Colin a observé ensuite que des boules de marbre, des sphères métalliques, de petits tubes, des morceaux de chair, des osselets arrondis, des escargots, des coquillages, des sachets pleins de fécule, ne font qu'un très court séjour dans l'estomac. Cependant Colin ajoute que, lorsque les corps volumineux sont en très grand nombre, ils abandonnent difficilement la cavité gastrique. On aurait tort de croire que la facilité du passage des aliments dans l'intestin, chez le cheval, est due à un défaut d'énergie dans les contractions du sphincter pylorique. Le sphincter est au contraire doué d'une musculature puissante, et, s'il se laisse forcer par les aliments, cela tient à d'autres causes qu'à son insuffisance motrice. On observe d'ail- leurs, après les premières heures de la digestion, lorsque l'estomac est revenu un peu sur lui-même, que le pylore retient énergiquement les aliments qui sont restés dans la cavité gastrique. En somme, la digestion stomacale présente chez le cheval, au point de vue de sa marche, deux phases distinctes : une première phase qui comprend toute la durée de l'ingestion alimentaire, pendant laquelle les aliments ne font que traverser l'estomac, dans l'ordre de leur arrivée, et une seconde phase, qui se rapproche plus de la digestion chez les autres animaux; car pendant cette période les substances alimentaires séjournent dans l'estomac jusqu'à ce qu'elles soient plus ou moins modifiées par l'action combinée du suc gastrique et de la salive. Dans cette dernière phase, l'estomac du cheval se com- 816 ESTOMAC. porte, à quelques différences près, comme celui des Mammifères carnivores. Sa portion supérieure sert de réservoir aux aliments, tandis que sa portion inférieure mélange les suiîstance; avec le suc gastrique et les chasse peu à peu dans l'intestin. Considérée au point de vue chimique, la digestion gastrique du cheval offre aussi quelques particularités intéressantes. Tout d'abord, le suc gastrique produit par cet ani- mal semble être moins acide et moins peptique que celui que sécrètent le chien et le chat. D'après Ellenberger et HoFMEisxER, le suc gastrique du cheval ne contiendrait que 0,1 à 0,3 p. 100 d'acide chlorhydrique, tandis que celui du chien et du chat renfermerait, d'après Pawlow, jusqu'à 0,4 et 0,3 p, 100 de cet acide. D'autre part, la sécrétion du suc gastrique se trouve limitée chez le cheval à la portion inférieure de la muqueuse stoma- cale, de sorte que les aliments peuvent rester plusieurs heures dans la portion cardiaque de l'estomac sans subir le contact du suc gastrique. De ces deux conditions résulte : 1° que la salive continue à agir pendant très longtemps sur les hydrates de carbone du milieu stomacal; 2° que les albumines des substances alimentaires ne subissent dans la cavité gastrique qu'une transformation relativement peu importante. Ellenberger et Hofmeister, qui ont étudié avec beaucoup de détails les processus chi- miques de la digestion stomacale chez le cheval, divisent ces processus en quatre phases distinctes : 1° une phase amxjlohj tique pure, à la fin de laquelle les produits de dédou- blement des hydrates de carbone commencent à être transformés en acide lactique par les microbes de l'estomac; 2" une phase amyloly tique prédominante, qui est accom- pagnée par un commencement de protéolyse et par une formation abondante d'acide lactique; 3» une phase mixte, constituée par une amylolyse et une protéolyse dans la por- tion gauche de l'estomac; par une protéolyse pure dans la région du fond, et par une protéolyse forte et une amylolyse faible dans la région du pylore; 4° une phase protéo- lytique pure dans toutes les régions de l'estomac. L'intensité de la fermentation amylolytique chez le cheval est vraiment considérable. Ce processus commence avec la mastication des aliments et se continue ensuite pendant plusieurs heures dans la cavité gastrique. Ellenberger et Hofmeister ont trouvé, en analysant le contenu stomacal du cheval, aux divers moments de Ja digestion, que la teneur en sucre de ce contenu augmente rapidement au fur et à mesure que la digestion avance. Dans les premiers moments de ce processus, les liquides de l'estomac ne renferment que 1,2, et tout au plus 3 p. 100 de sucre, tandis que, vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion, ils peuvent en contenir jusqu'à 120 p. 100. D'après ces mêmes auteurs, la fermentation amylolytique dans l'estomac du cheval proviendrait de quatre causes diverses : 1° de la diastase de la salive; 2° des ferments organisés de l'air; 3° d'un ferment diastasique qui ferait partie de la composition chimique des aliments, et spécialement de celle de l'avoine, et i^d'un ferment amylolytique sécrété par la muqueuse stomacale elle-même. Avec cette variété d'agents capables de produire le dédoublement des hydrates de carbone, on comprend que la fermentation amylolytique prenne dans l'estomac du cheval un développement considérable. Toutefois, au bout de la troisième ou de la quatrième heure de digestion, on voit ce processus diminuer manifestement d'intensité, d'abord dans la région du fond de l'estomac, puis dans la région du pylore, et ensuite dans la région cardiaque. Là la fermentation amylolytique peut encore continuer à se faire pendant plusieurs heures, mais elle disparaît à mesure que le contenu de l'estomac devient plus acide. A l'inverse de ce qui se passe pour la fermentation amylolytique, la protéolyse est très peu importante dans l'estomac du cheval. Ce dernier processus ne commence que vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion, mais il se prolonge très long- temps. La teneur en peptone du contenu stomacal ne serait, d'après Ellenberger et Hofmeister, dans les premières heures de la digestion, que de 0,2 p. 100; puis elle aug- menterait graduellement pour atteindre un maximum de 1,5 à 2 p. 100, vers la cinquième heure de l'acte digestif. A ce moment, on peut trouver dans le contenu stomacal une quantité absolue de SO grammes de peptone. La teneur en albumines solubles de ce con- tenu.est plus forte pendant les premières heures de la digestion. Colin a observé que le cheval est incapable de digérer la viande qu'il ingère, mais cet auteur s'est vite aperçu que la cause dejcette incapacité résidait dans ce fait que les substances animales traversent trop rapidement l'estomac pour y être attaquées par ESTOMAC. 817 le suc gastrique. Si au lieu de viande on donne à un cheval certains corps constitués aussi par des principes albuminoïdes, mais qui, par suite de leur forme, ne peuvent pas fran- chir facilement le pylore, comme par exemple une grenouille, une moule vivante, ces corps sont alors parfaitement digérés par l'estomac. Il en est de même si l'on introduit la viande dans ce viscère par une fistule, et si on la retient en place pendant quelques heures. On peut donc dire que l'action protéolytique de l'eslomac du cheval s'exerce sur toutes les substances albuminoïdes. La digestion gastrique des autres Mammifères, herbivores à estotnac simple, comme par exemple le lapin, le lièvre, le cochon d'Inde, etc., présente de grandes analogies avec la digestion gastrique du cheval. Toutefois, chez ces animaux, l'estomac se distend encore plus complètement que chez les solipèdes; car, au lieu de recevoir une masse d'aliments égale au trentième ou au quarantième du poids du corps, il en t-eçoitun quin- zième ou un neuvième. Les aliments se déposent par couches dans l'estomac, et s'y mêlent difficilement; les nouveaux venus poussent les anciens dans l'intestin, et la cir- culation alimentaire dans la cavité gastrique se fait plutôt par cette impulsion que par les contractions des parois stomacales. Même, lorsque l'ingestion cesse tout à fait, les aliments restent dans l'estomac pendant plusieurs jours, et il est rare qu'ils arrivent à passer intégralement dans l'intestin. Ce défaut d'énergie dans les contractions stoma- cales existe chez ces herbivores à tous les âges de la vie. Dans les premiers jours qui suivent la naissance, on voit chez les lapins nouveau-nés que le lait et l'herbe, (|u'ils commencent à brouter, ne se mélangent point dans l'estomac. Plus tard, quand l'animal mange avec lenteur, les bols alimentaires du volume d'un petit pois demeurent en grand nombre dans le sac gauche de l'estomac, sans se mêler aux aliments délayés, et même sans y subir aucune déformation. L'arrangement des substances alimentaires dans la cavité gastrique se fait un peu différemment qu» 1/2 » 1/2 » 1/2 » 3/4 » 3/4 t h. 3/4, 2 h.. 4 h. » 1 h. 3/4, 2 h. 1/2, 3 h. 1/4. » » 2 2 h., 2 h. 3/4, 3 h. 1/4. » 2 h. 2 1/2 2 h. 1/2. 2 1/2 2 h. 1/2, 2 h. 3/4. » 2 h. 1/2, 3 h. 3/4, 3 » 3 » Durée de séjour des aliments dans l'estomac. (D'après Pknzoldt.) De 1 à 2 heures. 100 à 200 grammes d'eau pure. 220 grammes d'eau chargée d'acide carbonique. 200 — de thé. 200 — de café. 200 — de bière. 200 — de cacao. 200 — de vin léger. 100 à 200 grammes de lait bouilli. 200 grammes de bouillon. 100 — d'œufs clairs. De 2 à 3 heures. 200 grammes de café avec crème. 200 — de cacao avec lait. 200 — de malaga. 300 à 500 grammes de bière. 300 à SOO — de lait bouilli. 100 grammes d'œufs crus ou brouillés. 100 — de saucisson de bœuf cru. 250 — de cervelle de veau bouillie. 250 grammes de ris de veau. '72 — d'huîtres crues. 200 — de carpe bouillie. 200 — de brochet bouilli. 200 — d'aigrefin l)ouil]i, 200 — de morue bouillie. 130 — de choux-fleurs bouillis. 150 — d'asperges bouillies. 150 — de pommes de terre au sel. 150 — de 23urée de pommes de terre. 150 — de compote de cerise. 150 — de cerises crues. 70 — de pain blanc frais ou rassis, sec ou avec du thé. 70 grammes de zwieback frais ou rassis, sec ou avec du thé. 70 grammes de brechtelles. 50 — de biscuits Albert. De 3 à 4 heures. 230 grammes de jeune poulet bouilli. 230 — de perdreau rôti. ESTOMAC. 823 2i?0 ;ï 260 grammes de pigeon bouilli. 195 grammes de pigeon rôti. 250 — de bœuf cru ou cuit. 250 — de pied de veau bouilli. 160 — de jambon cuit. IGO — de jambon cru. 100 — de veau rôti, chaud ou fr O 0) c O ■■ gi-- gr- g"-- gr- gr. gr- gl'- gr- gr. gr- ?'■■ 'ZV. irr. gï*. 4 25 1 t 2 8 19 76 10 40 5 20 17 68 17 68 0 0 » » 5 25 2 8 10 40 18 72 » » 6 24 9 36 25 38 2 8 » » 6 50 20 40 37 74 26 52 50 100 48 96 19 38 42 84 1 18 13 26 7 50 15 30 9 18 6 12 18 36 38 76 11 22 39 7S 18 36 14 28 8 100 65 65 41 41 69 69 97 97 97 97 27 27 100 100 28 28 33 33 10 100 74 74 66 66 66 66 )> » )) » )) » 1) )) 36 36 » » 12 50 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 lUO 100 100 100 100 14 50 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 JOO 100 100 100 43 86 45 90 20 25 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 lUO 19 76 13 52 Colin a fait encore sur le chien des expériences du même ordre pour savoir la diges- tibilité de chacune des substances animales précédentes à l'état cru et à l'état cuit. Il a observé, contrairement à ce qu'avaient soutenu Cooper et Cl. Bernard, que la viande cuite se digère plus difficilement que la viande crue. Le foie, les reins et les autres tissus albumineux devieiment aussi plus réfractaires à l'action digestive de l'oslomacaprcs une cuisson prolongée. Mais Colin ajoute que, dans beaucoup de cas, il est difficile d'apprécier le degré de digestibilité de ces substances; car il ne suffit pas de tenir compte du temps que met un aliment à se convertir en une masse pulpeuse et à passer dans l'intestin : il 821 ESTOMAC. faudrait encore pouvoir juger de la proportion des matières qui ont été dissoutes et transformées, et de celles qui n'ont été que divisées. On voit donc que Colin adresse à son procédé le même reproche que nous avons adressé aux méthodes précédentes. Cette imperfection des méthodes est encore une des causes qui explique l'incertitude qui règne sur cette question. D) Examen du contenu stomacal. — a) Examen chimique. — La composition chi- mique du milieu stomacal varie suivant de multiples conditions. Voici les plus impor- tantes : 1" la nature des aliments ingérés; 2° le moment de la digestion; 'i° l'espèce d'animal qu'on considère. i° Acides du contenu stomacal. — La réaction du contenu stomacal ne devient uni- formément acide qu'après plusieurs heures de digestion. Au début de cet acte, seules les couches superficielles du contenu gastrique sont acides, surtout dans la région du fond de l'estomac, où se produit la sécrétion la plus abondante de suc gastrique. Quelque temps après, lorsque les mouvements de l'estomac commencent, la masse alimentaire qui se trouve dans la région pylorique est intimement mélangée avec le suc gastrique, et la réaction en cet endroit devient uniformément acide. Pendant ce temps les aliments qui sont encore emmagasinés dans la région du fond et dans la région cardiaque sans y subir la moindre agitation, se laissent, par diflusion, pénétrer par l'acide du suc gastrique ; mais cette diifusion est tellement lente que, même après une ou deux heures de digestion, les couches centrales du contenu stomacal, dans ces régions et spécialement dans la région cardiaque, présentent encore une réaction neutre ou alcaline (Cannon). Enfin, au fur et à mesure que le travail digestif avance, le suc gastrique arrive à se mettre en contact avec tous les points de la masse alimentaire, et celle-ci acquiert dans toute son épaisseur une réaction franchement acide. L'intensité de cette réaction augmente progressivement pendant les premières heures de la digestion, pour atteindre un optimum vers la troi- sième ou la quatrième heure de cet acte. Les corps qui communiquent leur réaction acide au milieu stomacal sont, par ordre d'importance, l'acide chlorhydrlque, l'acide lactique, les phosphates acides, et plusieurs acides de la série grasse {acides acétique, formique, butyrique, etc.). L'acide chlorhydrlque provient exclusivement de la sécrétion glandulaire. Il se trouve dans le milieu stomacal sous deux formes différentes : à l'état de combinaison avec les principes protéiques et à l'état libre. De ces deux fractions d'acide, la première est à tous les points de vue la plus importante (voir plus haut page 635). L'acide lactique n'est pas un produit de sécrétion. 11 prend naissance dans le milieu stomacal sous l'influence d'une fermentation microbienne qui se développe aux dépens des hydx'ates de carbone et spécialement du glucose. D'autre part, l'acide lactique peut aussi avoir une origine alimentaire. En effet, certaines substances, comme le lait, le foie et la viande, en renferment, assez souvent, des quantités plus ou moins considé- rables. Les phosphates acides sont sécrétés par la muqueuse gastrique, mais dans des proportions tellement faibles qu'on peut dire que ces sels ne jouent aucun rôle actif dans la réaction du milieu stomacal. Quant aux acides gras, ils n'offrent pas beaucoup d'intérêt. Ces acides sont toujours produits par des actions microbiennes, et ils n'apparaissent dans le milieu stomacal que dans des conditions anormales. Disons, pour terminer, qu'à côté de ces acides on peut aussi trouver incidemment dans le milieu stomacal plusieurs autres acides d'origine alimentaire, tels que l'acide oxalique, l'acide citrique, l'acide tartrique, l'acide malique, l'acide tannique, etc. 2" Ferments solublcs du contenu stomacal. — Les ferments solubles qu'on trouve dans le milieu stomacal proviennent des sources suivantes : 1° de la salive; 2° des aliments; 3° du suc gastrique, et i" des sucs intestinal et pancréatique qui peuvent refluer de temps à autre dans la cavité gastrique pendant la digestion. La salive fournit au milieu stomacal un ferment amylolytique. Certains aliments apjiortent aussi dans ce milieu un ferment amylolytique et un ferment peptonisant. D'après Ellenrerger et Hofmeister, l'avoine renfermerait dans sa composition ces deux espèces de ferment. Nous savons, d'autre part, grâce aux travaux de Brucke et de KChne, que presque tous les tissus d'origine animale renferment de la pepsine. D'autres fer- ESTOMAC. 82S ments, comme par exemple les diaslases oxydantes, se trouvent aussi très répandus dans les substances végétales et animales qui forment la base de notre alimentation. Toute- fois ces divers ferments, en dehors de celui qui provient de la salive, ne semblent pas prendre une part importante aux opérations chimiques qui se passent dans le milieu stomacal. Les uns y sont détruits par l'acide du suc gastrique, et ceux qui restent dans ce milieu ne s'y trouvent pas en quantité' suffisante pour imprimer un caractère quel- conque à la marche des processus digestifs. Les seuls ferments qui interviennent d'une façon efficace dans la digestion stomacale sont les ferments du suc gastrique, la pepsine et le labferment. En dehors de ces enzymes, le ferment saponifiant du suc pancréatique et le ferment inversif du suc intestinal peuvent aussi exercer leur action; mais tous les autres ferments se détruisent rapidement aussitôt qu'ils sont en présence du suc gastrique. 3° Principes albiiminoides du contenu stomacal. — Parmi les substances alhuminoïdes qui font partie de la composition chimique du milieu stomacal, il en est qui deviennent rapidement solubles dans le suc gastrique, et d'autres qui sont plus ou moins réfractaires à l'action dissolvante de ce liquide. Les premières de ces substances forment, en se dis- solvant, des syntonines, des protéoses et des peptones. Quant aux secondes, elles restent à l'état insoluble dans l'estomac, et passent en cet état dans la cavité intestinale. Parmi ces dernières substances nous citerons entre autres, l'osséine, la kératine, la cartila- géine, la nucléine, l'hématine et la muciiie. Il existe encore d'autres principes aibumi- noïdes qui, tout en n'étant pas réfractaires à l'action du suc gastrique, passent dans l'intestin à l'état insoluble. La cause de l'insolubilité de ces substances tient à la manière dont elles sont protégées contre l'action du suc gastrique. Tel est, par exemple, le cas de certaines albumines végétales et animales. Les produits de dissolution des albumines n'apparaissent dans le milieu stomacal que quelque temps après le commencement de la digestion. La proportion de ces produits augmente dans les liquides de l'estomac jusqu'à la deuxième ou la troisième heure de l'acte digestif; mais, à partir de ce moment, ils ne semblent pas subir de variation quan- titative sensible, de sorte qu'il est à supposer qu'ils passent dans l'intestin au fur et à mesure de leur formation. C'est là du moins l'opinion de Schmidt-MIjhlheim. Ajoutons que la proportion des alhuminoïdes solubles que l'on trouve dans le milieu stomacal est plus forte chez les animaux carnivores que chez les animaux herbivores. 4° Hydrates de carbone du contenu stomacal. — Ces corps se trouvent aussi en deux états dans le milieu stomacal, à Vétat insoluble et à état soiuble. Les matières amylacées qui arrivent dans l'estomac avec les aliments subissent encore pendant quelque tem[)s l'action hydrolytique de la salive, mais il est rare que toutes ces matières soient transformées pendant la digestion gastrique, à moins qu'elles n'aient été ingérées en très petite quantité. D'une manière générale, le contenu stomacal renferme, à la suite d'un repas formé en partie de féculents, des grains d'amidon insolubles et des corps parfaitement solubles, résultant du dédoublement hydrolytique de l'amidon (dextrine, amylodexlrine, érytho- dextrine, achrodextrine, maltodextrine, maltose et dextrose). Quelques-uns de ces corps existent déjà dans le milieu stomacal au début de la digestion; car ils commencent à se former pendant la mastication. Toutefois la proportion en augmente dans la masse alimentaire pendant les premières heures de la digestion gastrique, ce qui prouve qu'ils continuent à se former dans l'estomac. Chez les animaux carnivores, le contenu stomacal ne renferme que de très petites quantités d'hydrates de carbone solubles ou insolubles.il en est de même chez les animaux omnivores qui sont soumis aune alimen- tation exclusivement formée de viande. o" Graisses du contenu stomacal. — Si l'on excepte une petite partie des principes gras des aliments qui peut être dédoublée dans l'estomac suus l'intlueiice du ferment saponifiant du suc pancréatique ou par l'intervention insolite de quelques espèces micro- biennes, toutes les autres substances de ce groupe restent dans le milieu stomacal, à l'état où elles étaient avant leur ingestion. Néanmoins les graisses peuvent subir des modifications physiques. Les graisses solides qui fondent à la température du corps se répandent, dès qu'elles arrivent dans l'estomac, en une multitude de gouttelettes qui restent à la surface de la masse alimentaire. Celles dont le point de fusion est plus élevé ne changent pas d'état, mais elles peuvent être plus ou moins fractionnées ou 826 ESTOMAC. divisées parles mouvements de restomac. Enfin les graisses liquides n'éprouvent aucune modification. 6° Eau et sels du contenu stomacal. — La concentration saline du milieu stomacal tend toujours à se rapprocher de la concentration moléculaire du plasma sanguin (Winter). Lorsque les aliments ingérés renferment une forte proportion de sels, l'estomac répond par une sécrétion abondante d'eau, qui abaisse rapidement le degré de tension osmotique des liquides digestifs. Au contraire, si les aliments sont trop dilués, le suc sécrété par l'estomac est plus concentré, et l'eau qui se trouve en excès ne tarde pas à être éliminée ou absorbée. 7° Autres substances du contenu stomacal. — En dehors des corps que nous venons d'étudier, le contenu stomacal renferme encore normalement une certaine quantité de mucus, provenant? d'une part, de la sécrétion gastrique elle-même, et, d'autre part, de la salive ingérée avec les aliments. Sur beaucoup de sujets, l'estomac contient aussi, à l'état normal, des quantités plus ou moins grandes de bile. Enfin, dans quelques maladies de l'estomac, de la bouche et de l'œsophage, on peut trouver du sang ou du pus. b) Gaz du contenu stomacal. — a) Analyse des gaz de restomac. — La présence des gaz dans la cavité stomacale est un phénomène absolument constant et physiolo- gique. Néanmoins, dans certains cas, ce phénomène peut revêtir tous les caractères d'un trouble pathologique. 11 en est ainsi lorsque la production des gaz dans l'estomac devient très exagérée, ou lorsque certains corps, que nous indiquerons tout à l'heure, font leur apparition dans la cavité gastrique. La plupart des analyses que nous possédons sur les gaz de l'estomac, ont été faites après la mort, Ewald et Rupstein ont cherché à connaître la composition chimique de ces gaz pendant la vie, en dosant les gaz des éructations chez l'homme; mais il est facile de concevoir que cette méthode ne saurait pas donner des résultats bien exacts. Hoppe Seyler a proposé dans ces derniers temps un nouveau procédé qui permet de recueillir les gaz de l'estomac, dans des conditions plus rigoureuses que les précédentes : un flacon de WoLFF, pourvu de trois tubulures, se trouve relié par une de ses tubjdures latérales avec une sonde stomacale et par l'autre avec un tube de caoutchouc portant à son extrémité libre un entonnoir. La tubulure centrale de ce flacon donne passage à un tube de verre qui descend jusqu'au fond du flacon et qui sert à l'extraction des gaz qui s'accu- mulent en cet endroit. Le flacon et la sonde sont remplis d'eau par l'entonnoir, lorsqu'on procède à l'expérience. On retourne alors le flacon un peu au-dessus de la bouche du patient et on indroduit la sonde dans l'estomac. A ce moment on abaisse l'entonnoir, de façon à faire un vide dans le fond du flacon. Immédiatement après cette manœuvie. on voit les matières contenues dans l'estomac commencer à passer dans le flacon. Parmi ces matières, se trouvent des bulles gazeuses qui se rassemblent au fond du flacon. Lorsqu'on en a recueilli suffisamment, on les transvase par la tubulure centrale du flacon dans une burette graduée, et on en fait l'analyse. Quoique ce procédé ait été destiné essentiellement à l'analyse des gaz de l'estomac chez l'homme, la plupart des cliniciens ne l'emploient pas, considérant qu'il est peu pratique. Ces auteurs ne s'intéressent d'ailleurs qu'à une partie des gaz qui se trouvent dans l'estomac, ceux qui résultent des processus fermentatifs. Ils préfèrent faire ce qu'ils appellent la preuve de la fermentation, qui consiste à mettre àl'étuve une partie du con- tenu stomacal, et à voir les gaz que ces matériaux forment après plusieurs heures de fermentation. Kihne prétend même qu'il n'y a pas de difl'érences sensibles, soit quanti- tatives, soit qualitatives, entre les gaz que le contenu stomacal peut produire in vivo et in vitro. Voici maintenant le résultat des analyses qui ont été faites sur la totalité des gaz qu'on trouve dans l'estomac de divers animaux et dans des conditions très variées (Voir tableaux, page 827). On voit par ces tableaux que la composition chimique des gaz de l'estomac varie considérablement d'un animal à l'autre, et qu'elle est aussi très difi'érente pour chaque genre d'alimentation. D'une manière générale, ce sont l'azote et l'acide carbonique qu'on trouve le plus constamment et le plus abondamment dans l'estomac. Viennent ensuite l'oxygène et l'hydrogène; mais l'oxygène manque dans l'estomac des Ruminants, et l'hydrogène dans l'estomac du chien. Quant à l'hydrogène sulfuré, le formène et l'éthy- ESTOMAC. 827 lène, ils doiveul être considérés comme des produits anormaux, excepté peut-être chez quelques espèces animales. Gaz de l'estomac de divers animaux. GAZ. PLANER. LEURET ET USSAIGNE. TAPPEINER. Chien nourri de viande. Chien nourri de légumes. Chien nourri de viande. Porc nourri de choux. Porc nourri de lait et de viande. Cheval. Cheval. Lapin nourri de pois. Oie nourrie d'avoine et d'orge. C02 . . . 0. . . . Az. . . . H. . . . CHt . . . H2S . . . 25,2 6,1 68,7 0,0 0,0 0,0 32,9 0,8 66,3 0,0 0,0 0,0 43,0 0,0 31,0 0.0 20,0 2,04 53,8 2,3 17,5 23,2 1,4 0,0 42,4 5,4 40.1 12,2 0.0 0.0 75,2 0.23 9,99 14,56 0,0 0,0 67,73 0,0 19,54 12,66 0,0 0,0 16,6 1,3 76,2 2,1 3,8 0,0 16,6 1,3 76,2 2,1 3,8 0,0 Gaz de l'estomac des Ruminants. (D'après Tappeiner). GAZ. VACHE NOURRIE de foin. CHÈVRE NOURRIE de foin et d'avoine. CHÈVRE NOURRIE de foin et d'avoine. CHÈVRE NOURRIE de foin et d'avoine. MOUTON. C02 05,27 0,19 30,33 3,99 0,0 58,57 0,13 30,99 10,57 0,0 61,53 3,36 30,74 4,0 0,0 64,8 0,6 32,0 1,9 0,0 43.16 4,69 34,24 13,20 0,0 H2S H CH'- Az 0 Ces analyses se rapportent aux gaz des deux premières cavités de l'estomac des Ruminants. Le troisième et le quatrième estomac de ces animaux ne renferment que très peu de gaz. Gaz de l'estomac de l'homme, d'après divers auteurs. GAZ. CHEVREUL ET MAGENDIE. PLANER. PLANER. E"WALD ET RUPSTEIN. E'WALD ET RUPSTEIN. C02 . .... 14,0 3,55 71,43 11,0 0,0 0,0 0,0 Gaz d'un sup- plick'. 20,79 6,71 72,30 0,0 0,0 0,0 0.0 Gaz des cada- vres mainte- nus à basses t e m p é r atu- res. 33,83 27,58 38,22 0,37 0,0 0,0 0,0 Gaz des cada- vres mainte- nus à basses températu- res. 11,40 21,31 46,44 11,41 2,71 0,0 0,0 Gaz des éruc- tations. In- flammables. 20,37 20.57 41.32 6,32 10,75 0,2 0,0 Gaz des éruc- tations. In- flammables. H Az 0 CH* C2Hi RiS Observations. . . 828 ESTOMAC. [3) Origine et mode de formation du gaz de l'estomac. — Les gaz de l'estomac peuvent provenir des sources suivantes : 1° de l'air dégluti; 2» des aliments ; 3° de l'estomac; 4° de l'intestin. L'oxygène du contenu stomacal est essentiellement constitué par l'oxygène de l'air. Une petite partie seulement de ce gaz peut provenir de l'eau de boisson ou de la salive; mais aucun des processus chimiques qui se passent dans la cavité stomacale ne met jamais en liberté de l'oxygène. Nous pourrions dire la même chose sur l'origine de l'azote stomacal; toutefois il existe quelques processus fermentatifs qui peuvent se développer dans le milieu stomacal, et qui dégagent une certaine quantité d'azote. Telle est, par exemple, la décomposition des nitrates par le Bacillus coli communis, et la putréfaction des matières albuminoïdes. D'après Schierbegk, la plus grande partie de l'acide carbonique que l'on trouve dans l'estomac est sécrétée, par l'estomac lui-même. Lorsqu'on mesure la tension de ce gaz dans la cavité gastrique, on constate que cette tension n'est à aucun moment nulle. Dans l'estomac à jeun, elle peut descendre de oO millimètres à quelques millimètres, mais elle y a toujours une certaine valeur. Aussitôt après l'ingestion des aliments, la tension de l'acide carbonique dans l'estomac croît rapidement pour atteindre un maximum de 130 à 140 millimètres vers la deuxième ou la troisième heure de la digestion. A partir de ce moment, elle reste stalionnaire pendant une ou deux heures ; puis elle décroît len- tement. La forme de cette courbe ne change guère d'aspect dans les diverses alimenta- tions (eau, viande, hydrates de carbone). Elle est absolument la même, si on lave l'estomac à plusieurs reprises pour éviter toute fermentation, et si on obture le pylore pour empêcher le reflux dans l'eslomac des gaz de l'intestin. Comme cette courbe res- semble extraordinairement à la courbe de sécrétion de l'acide chlorhydrique, Schierbegk n'hésite pas à conclure que l'acide carbonique de l'estomac est un produit de sécrétion de la muqueuse gastrique. Sans contredire les idées de cet auteur, nous sommes obligés de reconnaître que l'acide carbonique peut aussi prendre naissance dans les fermentations qui se dévelop- pent aux dépens des hydrates de carbone et des principes albuminoïdes du milieu sto- macal. Ce gaz peut être en outre ingéré; car il fait partie de l'air et des boissons gazeuses et fermentées dont on fait très souvent usage. Enfin l'acide carbonique de l'estomac peut encore procéder de l'intestin. Quant à l'hydrogène et aux autres gaz de l'estomac, ils sont sans aucun doute des produits fermentatifs qui se forment dans l'esto- mac pendant la digestion ou qui procèdent des fermentations intestinales. La fermenta- tion butyrique des hydrates de carbone donne toujours lieu à une formation plus ou moins grande d'hydrogène, ainsi que le montrent les foi'mules suivantes : CGHi206 = CiH802 + CO2 + H* Glucose. Acide butyrique. C12H22011 + H20 = 2C4H802 + 4C02 + H» Lactose. Acide butyrique. (C6H10OS)'- + ,rH20 = xCiH302 + 2jC02 + .rH* Amidon. Acide butyrique. D'autre part, la fermentation de la cellulose par le Bacillus amijlobacter produit aussi de l'hydrogène, de l'acide carbonique, et en outre du méthane : 21(C6HioOS)y + 11H20 = 26C02 + tOCH* + 6H2 + 19C2H'^02 + 13CH1802 Cellulose. Acide Acide acétique. butryique. Il est vrai que celte fermentation n'existe d'une façon normale que dans l'estomac des Ruminants. Mais on ne voit pas pourquoi elle ne se développerait pas dans l'estomac des autres animaux. On sait, en etTet, que le Bacillus amylobacter se trouve aussi en pré- sence de la cellulose dans la cavité gastrique de tous les animaux herbivores et omni- vores ?ans exception. En tout cas, ce processus fermontatif est très intense dans l'intes- tin, et les gaz qui s'y forment alors peuvent bien i-elluer dans l'estomac. Quant à l'hydrogène sulfuré, il dérive principalement de la putréfaction des matières ESTOMAC. 8-29 albuminoïdes. Sa présence dans l'estomac de l'homme indiquerait presque toujours un trouble profond dans la marche de la digestion. D'après les recherches de Dauber, la condition la plus favorable pour la production de ce gaz sei'ait l'insuffisance motrice de l'estomac; le degré d'acidité du milieu gastrique aurait beaucoup moins d'influence sur ce phénomène ; car les microbes producteurs de l'hydrogène sulfuré sont très résistants à l'action de l'acide chlorhydrique. Presque tous les microbes anaérobies peuvent mettre en liberté l'hydrogène sulfuré dans un milieu qui contient des substances riches en soufre, comme le sont les corps albuminoïdes. Parmi les espèces aérobies, 68 p. iOO seulement sont capables de provoquer cette mise en liberté. Disons pour terminer que l'éthylène ne se trouve dans le milieu stomacal que dans des cas pathologiques très rares, et qu'il constitue alors, avec le formène et l'hydro- gène, un mélange des gaz inflammables. o) Sort des gaz de l'estomac. — L'issue naturelle des gaz de l'estomac, ainsi que celle de tous les autres corps qui se trouvent dans la cavité de cet organe, ne peut être que l'intestin. Il semble cependant que, même à l'état normal, surtout chez certains individus qui en prennent l'habitude, les gaz de l'estomac peuvent franchir le cardia, en donnant lieu au phénomène que l'on connaît sous le nom d'éructation. D'autre part la muqueuse stomacale peut aussi absorber une certaine quantité de gaz. Ces gaz passent dans le sang et s'éliminent par le poumon (Cl. Bernard). La preuve de cette absorption a été fournie par Mering en ce qui concerne l'acide carbonique. Les autres gaz de l'estomac sont aussi absorbés en quantité plus ou moins grande par la muqueuse gastrique. Nul n'ignore que l'air expiré par des individus qui souffrent de maladies de l'estomac pré- sente une odeur fétide désagréable. Cette odeur est certainement en rapport avec l'absorp- tion des gaz ou d'autres corps volatils qui se forment dans l'estomac. d) Examen microscopique du contenu stomacal. — Lorsqu'on regarde au microscope le contenu stomacal, on y trouve trois sortes d'éléments : i" des débris alimentaires; 2° des éléments morphologiques provenant du tube digestif lui-même; 3" des parasites divers. \° Débris alimentaires. — Dans l'alimentation carnée, les débris alimentaires du milieu stomacal sont essentiellement constitués par des libres appartenant au tissu musculaire et aux tissus conjonctif et élastique. Les fibres musculaires perdent leur striation transversale au bout de quelques heures de digestion, tandis que les fibres des tissus conjonctif et élastique résistent très longtemps à l'action du suc gastrique et gardent pendant leur séjour dans l'estomac leurs caractères normaux. Chez les animaux qui mangent des proies toutes vivantes, le contenu stomacal renferme encore des débris du tissu osseux et épithélial et des éléments morphologiques faisant partie de la composition du sang. Après une alimentation végétale on trouve dans le milieu stomacal un grand nombre de fibres et de cellules qui n'ont pas été attaquées par le suc gastrique. Ces éléments se distinguent tout d'abord par leur forme; mais ils présentent aussi des réactions micro- chimiques caractéristiques. Leur membrane propre, qui se compose presque exclusive- ment de cellulose, possède comme cette dernière substance les propriétés chimiques suivantes : elle est insoluble dans la plupart des réactifs microscopiques, excepté dans la solution ammoniacale d'oxyde de cuivre; elle se gonfle par la potasse et se colore en jaune par l'iode. Enfin, lorsqu'on la traite par l'acide sulfurique et l'iode ou par le chloro-iodure de zinc, elle prend une coloration bleue violette. En outre on rencontre une quantité considérable de grains d'amidon et de cellules à chlorophylle. Si les aliments sont très riches en graisses, et si ces substances ont subi déjà un com- mencement de dédoublement, on trouve dans le milieu stomacal, à côté des goutte- lettes de graisse qui se colorent en noir par l'acide osmique, des cristaux do margarine et de stéarine qui fondent par la chaleur et se reforment par le refroidissement. Il faut ne pas confondre ces cristaux avec les cristaux de leucine qui se rencontrent aussi dans l'estomac à la suite de la décomposition des matières albuminoïdes. Les caractères indiqués plus haut peuvent servir pour établir celte distinction. En fait de cristaux, le contenu stomacal peut aussi renfermer des cristaux de cholestérine, provenant de la bile qui reflue dans la cavité gastrique, des cristaux de phosphate ammoniaco -magnésien (EicHHORST et Boas) et des cristaux d'acide oxalique (Naunyn). 830 ESTOMAC. 2° Éléments morphologiques. — Les éléments morphologiques du contenu stomacal se composent principalement des cellules qui procèdent de la desquamation épithéliale de la muqueuse de la bouche, de l'œsophage et de l'estomac. Les cellules épithéliales de la bouche et de l'œsophage se reconnaissent facilement par leur forme plate, tandis que celles de la muqueuse gastrique ont plutôt une forme cylindrique ou prismatique. Une variété particulière d'éléments morphologiques a été décrite par Jaworski dans le milieu stomacal de l'homme, sous le nom de cellules spirales ou cellules en limaçon. Ces élé- ments résultent de l'action de l'acide chlorhydrique sur la mucine et peuvent être obtenus en faisant agir le suc gastrique sur n'importe quelle espèce de mucus, buccal, œsophagien, stomacal, ou bronchique (ïellering et Gohmheim). D'après Buas, ces éléments existeraient d'une façon constante dans le suc gastrique retiré de l'estomac à jeun et contenant de l'acide chlorhydrique libre. Dans les lésions inflammatoires ou néoplasiques du tube gastro-œsophagien on ren- contre très souvent une quantité plus ou moins grande des cellules de pus, des leuco- cytes et des globules rouges. e) Parasites de l'estomac . — a) Parasites animaux. — L'estomac renferme à l'état normal un certain nombre d'animaux inférieurs. Les uns sont de passage dans cet organe, les autres y séjournent habituellement. Ce sont des vers, des infasoires, des protozoaires et des amibes. Peut-être l'estomac de chaque espèce animale possède-t-il une faune parasi- taire différente. Frenzel et YuNG ont trouvé dans l'estomac des Poissons squales de nombreux tré- matodes et nématodes. Chez les amphibiens aquatiques, l'estomac paraît contenir prin- cipalement des infusoires. Chez les mammifères carnivores, la faune parasitaire de l'estomac est des plus restreintes. Par contre, les deux premiers estomacs des rumi- nants contiendraient, d'après Gruby et Delafond, Colin, Stein et Schuberg, jusqu'à huit ou dix espèces d'infusoires {Opityroscolex, Entodinium, Jsotriclia, Buetschlia, Dasytricha, Pterodina, Salpina, Paramœcium, etc.). Ces infusoires meurent en grande partie lorsqu'ils arrivent au quati'ième estomac, où ils sont digérés par le suc gas- trique. [i) Parasites végétaux. Microbes de l'estomac. — Les parasites végétaux sont bien plus nombreux dans l'estomac que les parasites animaux. Malgré l'action antiseptique, incon- testable, du suc gastrique, ce liquide n'arrive pas à détruire complètement les diverses espèces microbiennes qui pénètrent dans l'estomac avec l'air ou les aliments. Quelques- unes de ces espèces peuvent même se développer dans le milieu stomacal, en y donnant naissance à toute une série de pi'oduits fermentatifs. Les causes de cette insuffisance de l'action antiseptique du suc gastrique sont relativement nombreuses. En premier lieu, l'acide chlorhydrique, qui est l'agent microbicide réel du suc gastrique, perd, par le fait de sa combinaison avec les aliments, une grande partie de sa force antiseptique (Ham- burger, Kacrhel, LocKART-GiLLEPSiE, GiLBERT, etc). Nous savous d'autre part que cet acide n'entre en contact avec tous les points de la masse alimentaire que lorsque la digestion est assez avancée. Les microbes disposent donc de plusieurs heures pour vivre et se développer sans difficulté dans certains endroits du contenu stomacal. Plus tard, lorsque l'acidité des aliments devient partout très intense, beaucoup de ces espèces microbiennes sont sans aucun doute détruites, mais leur développement est à ce moment tellement considérable qu'un grand nombre d'entre elles échappent certainement à l'action destructive du suc gastrique. Finalement, au fur et à mesure que le travail digestif approche de sa fin, la sécrétion acide se ralentit; puis elle s'arrête complète- ment. Pendant cette dernière période, les microbes qui n'ont pas passé dans l'intestin avec les aliments restent dans l'estomac, en un milieu qui n'est pas très acide et qui ne tarde pas à devenir tout à fait neutre. La vie de ces êtres n'est donc plus en danger jusqu'à ce qu'une nouvelle digestion commence. En dehors de ces considérations, il faut encore tenir compte de ce fait que les microbes qui vivent habituellement dans l'esto- mac finissent par s'adapter aux conditions chimiques de ce milieu et qu'ils supportent beaucoup mieux que les espèces étrangères l'action nuisible du suc gastrique. Un exemple de cette adaptation se trouve dans les expériences de Fermi. Cet auteur a montré que la pepsine en solution hydrochlorhydrique, ainsi que le suc gastrique lui-même, est incapable d'arrêter le développement de certains bypomycètes et blastomycètes qui sont ESTOMAC. 831 tn u 3 V 3 i« u 01 (U 0) o 6 a o -M M 0) •d ?: = ti c — o «u ^ 2 C5 o ■a "i ^ £ M m •• c/; _^ c S a — â3a!mc««j50cio c^ooc^a-^"-^ •^ -^ -D ^ 5> ^ o •^ S r^-a O g .S S ~ - a, a a 3 o g ?cB " 0^ - ^ 2 o a = -s « ^ t^ o TO c3 -3J M — ■ Ci 1-1 O i* f/l -V 3 _ --S "^ 71 t. Cj « " s o g « 03 -c; ^ :j^ u ^ -ij c3 « a S ^ « iJ !=! _; 9) 3 o s; ^ a O es - -^ fcc , -a [fî 2 t- = ^^-5 2 s^ 3 a a 3 >-; M VJ o .J, « o Il I « § 3 ai J -s Ch TS -3 c5 «i M ci « 3 i S -ï Z S 2 £ S -^ 03 3 -g o ,„ œ r^ H a 00 S a = S-^ ^ a ^ on 3 < œ *j -t^ D T3 » es 03 fl .S S S ^ c/; Ci- ■ o CJ ? 3 -^ c-" a".o3 S) 3 o « « -ta ■ 01 ' ^3 :2 O a o 71 ^ Ci a a a .S p -p ti 3 r* -t-s a a :r tH ci •« ta ^ ^ a. « a >1 =^ c s 5 a; 03 cj •D o rr rt o -j --î >1 o •t-» n:; =J rt 0) ^ 1 -M -^ -^ rt O C Cl* w « o •<) o o 2 o CL, t-i T •4^ v\ 0; C/J a> O o 7\ o =0 VI !_! «3 fl tri ^ -3 -S ~ a r:: g 03 03 03 *C
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Ces microrganismes pénétreraient dans le tube digestif, par suite des efforts respiratoires que fait le nouveau- né. PopoFF a recherché l'époque d'apparition et la propagation des microbes dans le tube digestif de divers animaux (veau, chien, chat). 11 a trouvé que le tube digestif des animaux qui viennent de naître ne renferme jamais de bactéries. Celles-ci appa- raissent plus ou moins tôt, suivant que les animaux mangent ou suivant qu'on les laisse à jeun. Chez les animaux en lactation, les bactéries apparaissent dans le mé- conium quelques minutes seulement après la naissance. Au contraire, chez les nouveau- nés à jeun, il faut attendre vingt-quatre heures pour voir les microbes paraître dans le tube digestif. Popoff croit que la pénétration des microbes dans le tube digestif des ani- maux nouveau-nés se fait de haut en bas, et non par l'orifice anal, comme le prétendait ESCHERICH. Dans les autres âges de la vie, le nombre de microbes que l'on trouve dans l'estomac est très considérable. C'est à Goodsir que l'on doit la découverte de la première espèce microbienne qui ait été signalée dans l'estomac. Cette espèce, àlaquelle il donna le nom de Sarcine, a été reconnue ensuite comme un des hôtes les plus constants de la cavité gastrique. Après Goodsir, beaucoup d'autres expérimentateurs se sont aussi occupés de l'étude de la flore microbienne de l'estomac. Nous réunissons dans le tableau ci-dessus les principaux résultats auxquels on est arrivé dans ces recherches (p. 831). Nous voyons par ce tableau que les microbes de l'estomac appartiennent, en général, à trois groupes; aux sarcmes, aux levures et aux bactéries. a.) Sarànes. — Parmi les espèces de ce groupe, celle que l'on trouve le plus fréquem- ment dans l'estomac est la Sarcina veniriculi. Cette variété a été bien étudiée au point de vue morphologique par Goodsir, Leiier et Robin, Frerichs, Falrenhein et Oppler. Elle se présente sous deux formes différentes : l'une est constituée par de grosses cellules qui se réunissent en paquets plus ou moins semblables aux ballots de marchandises; l'autre résulte de l'agrégation en masse, moins régulière, d'une infinité de cellules beaucoup plus petites. L'une et l'autre de ces deux formes donnent la réaction de la cellulose en se colorant en rouge violet avec la solution de chloro-iodure de zinc. D'après Abelous, les sarcines pourraient produire un peu d'acide lactique en agissant sur les hydrates de carbone, mais ces êtres n'exerceraient aucune espèce d'action sur les principes albuminoïdes. Frerichs, Naunyn et Kaoffmann doutent aussi beaucoup que les sarcines interviennent efficacement dans les fermentations stomacales. Au contraire, Ehret n'hésite pas à classer ces microrganismes parmi les agents de fermentation de l'estomac. Govo.x se range aussi à cette dernière opinion. Il a vu que les sarcines donnent, en présence des peptones, de petites quantités d'acide acétique, d'acide butyrique et d'acide lactique. Lorsqu'on les met en contact avec les hydrates de carbone (glucose, lévulose, galactose, saccharose, lactose), les sarcines produisent un peu d'acide lactique et d'acide acétique, et quelques traces d'acide formique, mais le sucre ne disparaît jamais entièrement de la solution. Dans les milieux de cultui-e qui contiennent de la lévulose, on ne trouve que de l'acide lactique et de l'acide formique, et dans ceux qui renferment de la lactose, l'acide lactique y est en plus grande [quantité. Le saccharose n'est pas interverti. Enfin, les cultures de sarcines ne renferment, en aucun cas, la moindre trace d'alcool, d'acétone ou d'aldéhyde. On peut donc conclure que le pouvoir fermentatif des sarcines stomacales est plutôt négligeable. '^)Levures. — D'après Goyon, les levures ne seraient pas aussi fréquentes qu'on le croit. Ces espèces sont facilement reconnaissables au microscope par leu r forme ôvalaire, leur double contour, leur aspect luisant, leur arrangement en chaîne et leurs réactions micro-chimiques, coloration jaune sous l'influence de l'iode. L'action des levures se porte essentiellement sur les hydrates de carbone des aliments. Mais elles n'agissent pas d'emblée ESTOMAC. 833 sur les substances amylacées. Il faut que ces substances soient saccharifiées préalable- ment par la diastase salivaire, pour qu'elles deviennent aptes à être transformées par les levures. Aux dépens de la glucose, le Saccharomyces cerevisiœ forme de l'alcool et de l'acide carbonique. Lorsque l'alcool prend naissance dans le milieu stomacal, ce corps peut être à son tour dédoublé en acide acétique par le Mycoderma aceti. Néanmoins, étant donné que la fermentation acétique ne se développe pas habituellement à une tem- pérature supérieure à 33", on peut se demander si l'acide acétique que l'on trouve dans l'estomac dérive réellement de ce processus. A côté de ces levures, on rencontre par- fois dans le milieu stomacal VOidhan albicans, qui est, comme on le sait, l'agent produc- teur du muguet. Le rôle fermentatif de ce microbe, en supposant qu'il en ait un, est encore inconnu . y) Bactéries. — Presque toutes les bactéries qu'on trouve dans l'estomac sont des espèces saprophytes qui jouissent à la fois d'un grand nombre de propriétés fermenta- tives. En dehors du bacille lactique de Pasteur et du bacille butyrique de Prazmowski, qui semblent posséder une fonction chimique bien définie, la plupart de ces bactéries peuvent intervenir dans les processus fermentatifs les plus divers. Ainsi, sur les quinze formes bactériennes isolées par Abelous dans son propre estomac, trois peptonisaient le lait; neuf coagulaient et redissolvaient ensuite la caséine; dix dissolvaient en partie ou en totalité l'albumine; dix attaquaient ou dissolvaient complètement la fibrine; huit trans- formaient la lactose en acide lactique; six donnaient de l'alcool avec la glucose; et huit saccharifi aient ou Uuidifiaient plus ou moins complètement l'empois d'amidon. Cette diversité des fonctions fermentatives avait été déjà observée par Vignal sur les microbes qui vivent habituellement dans la bouche. Cet auteur a pu même retirer des liquides de culture du Bacillus mesentericiis vulgatus, i[ai est un hôte constant de l'estomac, une dias- tase peptonisante, de l'amylase et de la sucrase. Goyon a vu aussi, en étudiant avec beau- coup de soin les caractères fonctionnels de quelques espèces bactériennes de l'estomac, isolées à l'état pur, que ces espèces peuvent produire les transformations chimiques les plus variées. L'entérocoque de Thiercelin n'attaque ni le blanc d'oeuf, ni la fibrine; mais il forme, aux dépens de la peptone, de l'acide lactique, de l'acide acétique et des compo- sés ammoniacaux. Ensemencé dans un milieu contenant de la dextrine, de la mannite, de la glucose ou de la lévulose, ce microcoque donne aussi de grandes quantités d'acide lactique et d'acide acétique. Le Coccus radians se comporte vis-à-vis des principes albumi- noides comme le précédent. Il n'exerce aucune]|actiou sur le blanc d'œuf ; mais il forme, lorsqu'on le met en présence de la peptone, de corps ammoniacaux, de l'acide acétique et de l'acide valérianique. Les bacilles oolytiques sont tout à fait remarquables par leur pouvoir de dissociation de la molécule albumineuse. Tout d'abord, ils transforment les matières protéiques en peptone, puis ils décomposent ce dernier corps en faisant naître des acides gras et des produitsiammoniacaux divers. Dans leur action sur les hydrates de carbone, ces bacilles ne forment que de l'acide acétique et parfois un peu d'acide for- mique. Le bacille incarnat dédouble également les principes albuminoïdes jusqu'à ses noyaux ultimes. Il intervertit en outre la saccharose et fait disparaître le glucose dans les liquides de culture en donnant de l'acide lactique, de l'acide acétique et de l'alcool. Enfin, dans ses recherches sur les fonctions chimiques du Bacillus mesentericus vulgatus, Goyon est arrivé aux mêmes résultats que Vignal. D'après Strauss, le Bacillus coli communis serait le principal agent de production de l'acide sulfhydrique dans le milieu stomacal. Cette hypothèse est sans doute exagérée, mais cependant on ne peut pas contester que le Bacillus coli soit capable de déterminer la décomposition des matières protéiques. Quant au Bacillus amylobacter, il produit essentiellement la transformation delà cellu- lose en donnant naissance à une quantité très grande de gaz, parmi lesquels on trouve l'acide carbonique, l'hydrogène et le formène. La plupart des auteurs pensent que le Bacillus amylobacter ne commence à développer son activité que lorsqu'il pénètre dans l'intestin. Toutefois nous avons vu que la fermentation de la cellulose est très active dans la panse des Ruminants. Ces diverses bactéries saprophytes, ainsi que toutes les autres espèces de microbes qui jouissent de propriétés fermentatives, ne prennent à l'état normal qu'une part tout à fait insignifiante aux phénomènes chimiques de la digestion. Il n'en est pas de DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 53 nu ESTOMAC. même lorsque les fonctions de l'estomac sont troublées par la maladie. Dans ce cas on voit l'intensité des fermentations microbiennes augmenter d'une façon considérable. Pendant longtemps on a cru que ces processus fermentatifs se développaient exclusive- ment lorsque la sécrétion chlorhydrique diminuait ou disparaissait complètement, en fai- sant perdre au suc gastrique son pouvoir antiseptique. Aujourd'hui on admet que la cause principale, pour ne pas dire unique, de ces fermentations est l'insuffisance motrice de l'estomac. Le rôle antiseptique du suc gastrique est relégué au second plan. Nous voilà donc loin des idées de Bunge, qui conside'rait l'estomac comme n'ayant d'autre but impor- tant que celui de produire de l'acide chlorhydrique en vue de la destruction des microbes. Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, il n'en reste pas moins bien établi qu'il faut des conditions pathologiques spéciales pour que l'œuvre chimique des microbes puisse s'accom- plir dans l'estomac. Qutre les bactéries saprophytes, l'estomacpeut contenir incidemment quelques bactéries pathogènes. H. Meumier a pu diagnostiquer la tuberculose pulmonaire chez l'enfatit, en fai- sant l'analyse microscopique du contenu stomacal. Mais il faut dire que cela n'arrive que très rarement, car aussitôt que ces bactéries parviennent dans l'estomac elles y sont tuées par le suc gastrique. Leur résistance vis-à-vis de l'acide chlorhydrique est en effet beau- coup plus faible que celle des autres espèces microbiennes (Voir Rôle antiseptique de l'acide chlorhydrique). E) Variations de la digestion stomacale dans les diverses conditions physio- logiques et pathologiques. — a) Age. — Le travail digestif de l'estomac présente, chez les jeunes animaux, une physionomie toute particulière qui résulte des conditions suivantes : 1" du besoin incessant que ces animaux ont de se nourrir; 2" de la faible capacité de leur estomac; 3° de l'insuffisance de leur mastication. Par suite de la première et de la seconde de ces conditions, les animaux en bas âge mangent très souvent, en prenant chaque fois de petites portions d'aliment. Leur[estomac se trouve ainsi soumis à un travail presque continu; car, avant même que cet organe ait eu le temps de se vider, il commence déjà à recevoir de nouvelles quantités d'aliments. Chez tous ces animaux, même chez ceux qui possèdent des dents au moment de la naissance, la mastication est pour ainsi dire nulle pendant les premiers jours de la vie. Ils ont donc besoin pour se nourrir d'un aliment spécial, ne nécessitant pas l'emploi d'une force mécanique puissante pour être digéré complètement. Cet aliment est repré- senté chez les Mammifères presque exclusivement par le lait. L'estomac de ces animaux se trouve d'ailleurs admirablement adapté à la digestion de cet aliment. Le labfermeiit y existe en quantité abondante, la pepsine el l'acide chlorhydrique n'y manquent point; rrjais il semble que la transformation de la caséine se fait surtout dans l'intestin, lui tout cas, lorsque le lait est coagulé, un certain nombre des produits albuminoïdes solubles contenus dans ce liquide sont mis en liberté et peuvent être absorbés facilement. A cause du régime lacté, le milieu stomacal de ces animaux renferme des quantités considérables d'acide lactique. D'après les recherches de Whoblewski, la pepsine de l'enfant atteindrait son maximum d'activité lorsqu'on la met en présence de l'acide lactique. Il est donc possible que cet acide joue un rôle véritablement utile dans la digestion des animaux nouveau-nés. Avec les progrès de l'âge, l'appareil digestif des jeunes animaux acquiert toutes les conditions nécessaires pour digérer les nouveaux aliments qui vont former le régime de leur vie future. A ce moment leur digestion change de caractère, et tend à se rapprocher du type que nous avons décrit chez les adultes. Toutefois cette évolution ne s'accomj)lit d'une façon définitive qu'après la première dentition. Enfin, lorsque l'âge adulte est passé, les fonctions de l'estomac déclinent manifeste- ment, et la digestion devient lente et laborieuse. Ces troubles sont aussi provoqués par l'insuffisance de la mastication, qui est, chez les vieux animaux, très incomplète, par suite de la chute des dents. b) Sexe. — Chez la femelle toutes les manifestations de la vie génitale agissent d'une façon plus ou moins marquée sur le travail digestif de l'estomac. Ainsi, chez la femme, la menstruation s'accompagne très souvent d'un certain nombre de troubles digestifs (abo- lition ou perversion de l'appétit, vomissements, etc.). Ces troubles augmentent parti- culièrement d'intensité pendant la. grossesse. ESTOMAC. 8:^5 t) État de repos et d'activité. — D'après une opinion très ancienne, le repos serait une des conditions qui faciliterait le plus la nnarche de la digeslion. Cette opinion se trouve nettement énoncée dans les aphorismes suivants formulés par Hippocrate et par l'école de Salerne : « Coctioni magis coiiducerc quietein » et « post cœnainstahis vel mille ■passas deambu- labis ». Postérieurement Viridet a dit aussi : « Eadem causa maie digerunt qui post paslum motihus violcntis indulgent. » L'étude de cette question n'est cependant entrée dans une phase positive qu'à partir du moment où parurent les recherches de Villain (1849), Cet auteur a montré, par des expériences faites directement sur des animaux, que la digestion se faisait mieux à l'état de repos qu'à l'état d'activité. II donna à deux chiens de la même taille une même quantité d'aliments, puis il fit courir l'un d'eux, tandis qu'il laissa l'autre en repos. Après un certain temps, il sacrifia ces deux animaux et constata que les aliments n'avaient subi aucune modification chez le chien qui avait couru, tandis que ces substances étaient tout à fait transformées chez le chien qui était resté au repos. Quarante années plus tard, Cohn est arrivé aux mêmes résultats que Villain, en fai- sant toute une série d'expériences sur le chien et sur l'homme. Pour cet auteur, les mouvements modérés du corps produisent, d'une manière générale, un ralentissement ou une supension de la digestion gastrique. A l'inverse de ces deux auteurs, Spirig a trouvé que l'activité musculaire n'exerce aucune influence sur les fonctions de l'estomac. Spirig, en opérant sur l'homme, a vu que le repos augmente l'acidité du milieu sto- macal, ainsi que la teneur en peptone et en propeptone du contenu gastrique. Au contraire, l'activité motrice de l'estomac diminue pendant le repos. Dans l'exercice modéré l'acidité et la teneur en peptone et en propeptone des liquides digestifs diminuent, mais l'activité motrice de l'estomac augmente. Les autres facteurs de la digestion ne changent pas. Enfin, dans le travail intensif, les variations des phénomènes digestifs sont les mêmes que dans le travail modéré. Salvioli a étudié exclusivement l'influence de la fatigue sur la digestion stomacale. H a fait la plupart de ses expériences sur des chiens porteurs d'une fistule gastrique qu'il obligeait à courir pendant plusieurs heures dans une roue tournant à la vitesse de neuf kilomètres à l'heure. Voici les conclusions : i'' La fatigue produit nne diminutionimpor- tante dans la quantité de suc gastrique sécrété; 2° L'acidité et le pouvoir peptique de ce suc sont plus faibles qu'à l'état normal; 3° Les substances alimentaires, bien que non digé- rées, passent dans l'intestin avec plus de rapidité chez les animaux qui courent que chez les animaux qui restent au repos; 4«Ces trouilles fonctionnels de l'estomac sont tout à fait pas- sagers; car le suc gastrique recouvre ses caractères normaux deux heures après la course. d) Influences nerveuses. — L'état psychique de l'animal peut exercer une influence favorable ou défavorable sur la marche de la digestion gastrique. Nous avons vu au cours de cet article que l'appétit compte parmi les conditions psychiques qui favorisent le plus le travail des glandes stomacales. D'après Pawlow et ses élèves, cet état psychique serait même l'excitant le plus puissant des sécrétions gastriques. On peut donc dire que toutes les causes qui augmentent l'appétit accélèrent le cours de la digestion, taudis que celles qui le diminuent ou le suppriment ralentissent oii arrêtent la marche de cette fonction. D'autres états psychiques, tels que la colère ou la peur, exercent au con- traire une influence nuisible sur la digestion gastrique. Ainsi que Leconte et Cannon l'ont montré, les diverses émotions produisent en effet l'arrêt de l'activité sécrétoire et de l'activité motrice de l'estomac. En dehors de ces influences psychiques, toute excitation réflexe, de quelque nature qu'elle soit, peut aussi troubler la digestion gastrique, pourvu qu'elle atteigne un certain degré d'intensité. Ajoutons ijue les diverses fonctions de l'estomac s'accomplissent normalement pendant le sommeil. e) Influences pathologiques. — Presque toutes les maladies de l'organisme peuvent, à un moment donné de leur évolution, porterune atteinte plus ou moins profonde au, tra- vail digestif de l'estomac. La nature de ces troubles est très variable. Dans certains cas, ce sont les fonctions sécrétoires de l'estomac qui en sont le plus touchées; d'autres fois, ce sont les fonctions motrices. Tantôt les substances alimentaires passent trop rapidement dans l'intestin ; tantôt elles séjournent trop longtemps dans l'estomac. Dans le dernier cas, l'activité du suc gastrique étant diminuée, les phénomènes chimiques de la digestion 836 ESTOMAC. prennent une autre ailure qu'à l'état physiologique. Au lieu de trouver dans le milieu stomacal les produits d'une protéolyse très marquée, on y découvre l'existence dun grand nombre de corps qui proviennent des fermentations microbiennes. 11 peut même arriver que ces corps soient tellement abondants dans la cavité gastrique qu'ils finissent par provoquer une véritable intoxication. F) Action de quelques agents physiques et chimiques sur la digestion stomacale. — a) Température. — Chez les animaux à sang froid, l'activité de la diges- tion croît avec la température. Il existe cependant une limite supérieure au delà de laquelle cette fonction ne peut plus s'accomplir. Cette limite oscille entre 30° et Sa». Aux basses températures, la digestion des animaux à sang froid s'arrête aux environs de 0». Chez les animaux à sang chaud, les choses se passent tout autrement. Ces êtres gardent leur température constante, en face des variations thermiques du milieu exté- rieur. Si la chaleur ou le froid modifient leurs fonctions digestives, ces modifications ne peuvent se produire à l'état normal que par voie réflexe. Même lorsque la température organique vient à changer, les troubles digestifs ne semblent pas dus exclusivement à une action directe de la température sur l'estomac. Ils sont d'un ordre général et relèvent en grande partie de l'influence que l'hyperthermie ou le refroidissement exercent sur le système nerveux central. Nous n'avons donc d'autres moyens, pour connaître exacte- ment l'action de la température sur la digestion stomacale des animaux à sang chaud, que de faire agirlocalement cet agent physique sur l'estomac lui-même. D'après Pawlow, un refroidissement intense de la muqueuse gastrique trouble tout à fait la marche des sécrétions stomacales. Micheli a vu aussi que l'eau produit son meilleur effet sur ces sécrétions entre 33" à 37°. Au-dessus et au-dessous de cette limite, les sécrétions gastriques sont plutôt mal influencées par la température. Néanmoins, d'après cet auteur, l'eau à 2° ou 4" excite beaucoup mieux les sécrétions gastriques que l'eau à la température de la chambre. Nous savons d'autre part, grâce aux expériences de DuccESCHi, que des températures supérieures à 39° ou inférieures à 37° font décroître rapidement l'activité motrice de l'estomac. Vers 5° on voit même disparaître complète- ment les mouvements de cet organe. Par conséquent les variations de la température agissant localement sur l'estomac troublent, d'une façon évidente, la marche de la diges- tion chez les animaux à sang chaud. Naturellement l'intensité de ces troubles, et peut être leur caractère, dépend dans une large mesure de la grandeur des variations ther- miques, ainsi que du temps pendant lequel la chaleur ou le froid agissent sur l'estomac. 6) Électricité. — En ce qui concerne l'action de l'électricité sur la digestion stomacale, nous ne savons rien de précis. Certains auteurs admettent que l'éleclrisation directe ou indirecte de l'estomac augmente l'intensité des sécrétions gastriques. D'autres, au con- traire, pensent que les excitations électriques ne produisent aucun effet sur l'activité des glandes stomacales. Le même désaccord règne lorsqu'il s'agit d'interpréter l'action des courants électriques sur les mouvements de l'estomac. Toutefois on peut supposer que, sous l'influence de courants très forts, les diverses fonctions de cet organe sont plus ou moins atteintes, et que, dans ce cas, la digestion gastrique elle-même finit par éprouver un changement profond. c) Actions mécaniques. — L'état physique des aliments exerce une influence incontes- table sur la durée de la digestion stomacale. Les corps liquides passent beaucoup plus rapidement dans l'intestin que les corps solides, même lorsque le volume de ces derniers ne les empêche pas de franchir le pylore. Ce phénomène semble au premier abord para- doxal. En effet, s'il est vrai que les excitations mécaniques agissent efficacement sur les mouvements de l'estomac, les corps solides, arrivés à un certain degré de division, devraient, au contraire, passer plus vite dans l'intestin que les corps liquides. Néanmoins l'explication de ce paradoxe est relativement simple. L'évacuation stomacale n'a lieu que lorsque le pylore se relâche. Or, tandis que le sphincter s'ouvre facilement pour les corps liquides, il se ferme 'énergiquement pour les corps solides. A ce moment, la pression intra-stomacale la plus forte ne réussit pas à vaincre la résistance du pylore, de sorte que les corps solides, tout en provoquant des mouvements stomacaux plus actifs que les corps liquides, séjournent plus longtemps que ces derniers dans la cavité gastrique. ESTOMAC. 837 Les actions mt'caniqaes extérieures peuvent aussi modifier la niarclie de la digestion stomacale. Beaucoup de praticiens prétendent que le massage de l'estomac, fait à travers les parois abdominales, excite les sécrétions f,'astriques et accélère le cours de la diges- tion. (1) Actions chimiques. — Il n'est guère de substance chimique qui ne puisse, dans certaines conditions, avoir une intluence plus ou moins marquée sur l'activité de la diges- tion gastrique. Le tout est de savoir quelle est la nature de cette influence, et surtout de déterminer les conditions dans lesquelles elle se produit. Nous avons tu plus haut qu'une même substance chimique peut agir très différemment sur chacune des fonctions lie l'estomac, ainsi que sur l'activité propre du suc gastrique. Cette diversité d'action e.xplique suffisamment (ju'on ne puisse formuler sur ce sujet aucune conclusion précise. Voici cependant un court résumé de la manière dont on peut concevoir l'action des diverses substances chimiques sur la digestion stomacale. a) Substances minérales. — 1** L'eau, ingérée dans des proportions modérées, n'exerce pas d'influence nuisible sur la digestion gastrique. Si le milieu stomacal est de concen- tration moléculaire trop élevée, s'il contient trop d'acide ou trop de peptone, l'eau devient même un élément nécessaire, pour rendre à ce milieu des conditions chimiques plus favorables à l'activité de la pepsine. Dans le cas où le milieu stomacal est suffisam- ment dilué, l'ingestion d'une certaine quantité d'eau cesse naturellement d'être utile; mais en tout cas cette ingestion ne trouble pas sensiblement la marche des phénomènes digestifs; car, aussitôt que l'eau arrive dans l'estomac, elle est chassée rapidement dans l'intestin. D'après Colin, l'eau contribuerait aussi chez certains animaux herbivores (cheval) à faciliter la circulation des matières alimentaires dans le canal digestif. Ce liquide jouerait en outre un rôle très utile dans !a digestion des ruminants, en favorisant la macération des aliments, pendant le temps que ces substances séjournent dans les deux premières cavités de l'estomac. Enfin, d'après Leconte, la digestion gastrique des animaux carnivores (chien) n'éprouve aucune modification défavorable à la suite de l'ingestion d'eau. 2° Les acides ne sauraient jouer, à l'état normal, aucun rôle utile dans la digestion stomacale; nous dirons même que, du moment que le suc gastrique possède son acidité propre, ces corps ne peuvent que déranger la marche des opérations chimiques en dimi- nuant l'activité de la pepsine. D'autre part, une forte acidité du milieu gastrique trouble profondément les fonctions motrices de l'estomac. En même temps que les contractions des parois stomacales s'exagèrent (Ducceschi, Koux et Balthazar), le passage du chyme très acide dans l'intestin détermine un réflexe violent de constriction du pylore (Pawlow), réflexe qui peut se prolonger d'une façon anormale, si les sécrétions intestinales ne suf- fisent pas à neutraliser rapidement l'acidité considérable du chyme. 3° Les alcalis, ingérés à petites doses, sont rapidement neutralisés par le suc gas- trique et ne produisent pas d'effet bien marqué sur la marche de la digestion stomacale. A doses plus fortes, ces corps s'opposent à l'activité de la pepsine, diminuent l'intensité des contractions gastriques (I)u(Xeschi), et provoquent en passant dans l'intestin un réflexe inhibiteur du pylore (Pawlow). 4° L'action des sels varie beaucoup suivantjla nature chimique de ces corps, et la dose à laquelle on les ingère. Les sels alcalins se comportent à peu près comme les alcalis. Les sets neutres des métaux alcalins et les sels des métaux alcalino-terreux modifient l'activité du suc gastrique à une certaine limite de concentration; mais ils n'atteignent presque jamais celte limite; car ils provoquent alors une sécrétion aqueuse abondante de la part de la muqueuse gastrique. Quant aux sels des métaux lourds, tous, plus ou moins, ont des propriétés toxiques très actives, et, au delà d'une certaine dose, troublent considérablement le fonctionnement normal de l'estomac. p) Substances organiques. — 1° Principes amers. — D'après Pawlow, les principes amers, tout en n'ayant pas une action directe sur les sécrétions gastriques, augmenteraient l'acti- vité de ces sécrétions en exaltant l'appétit. Ces substances semblent exercer d'autre part une réelle influence sur les mouvements de l'estomac (Terray et Battelli). On peut donc les considérer comme des agents accélérateurs de la digestion gastrique. 2" Condiments. — L'action de ces corps doit être assez analogue à celle des principes 838 ESTOMAC. amers. Toutefois les condiments modifient dans les sens les plus divers l'activité chimique du suc gastrique. D'après Mann, le poivre, la cannelle, les clous de girofle, la noix mus- cade, accélèrent la digestion. Le vinaigre, le café et le thé agissent aussi dans le même sens, mais d'une façon moins marquée. Au contraire, la moutarde n'exerce aucune influence sur la vitesse de la digestion'et le tabac mâché ralentirait même ce processus. 3° Alcaloïdes. — La plupart de ces corps changent les conditions normales de la diges- tion stomacale. D'aucuns, comme la pilocarpine, excitent à la fois, et même très énergi- quement, les fonctions sécrétoires et les fonctions motrices de l'estomac (Riegel et Morat). D'autres, comme l'atropine, produisent des effets justement opposés sur les fonc- tions gastriques (Sanotzki, Riegel, Morat, Sghûtz, etc.). L'atropine corps ralentit en outre l'activité de la pepsine (Wroblevski). Enfin certains alcaloïdes agissent de la façon la plus variée sur les divers facteurs qui concourent à la digestion stomacale. Ainsi la caféine par exemple, qui n'exerce aucune influence sur l'intensité des sécrétions gas- triques, exalte sensiblement les mouvements de l'estomac (Schutz, Battellf, etc.) et augmente l'activité de la pepsine (Wroblevskij. Au contraire, ]a. strychnine gène l'activité de la pepsine (Wroblevski) et ne modifie en rien l'intensité des mouvements de l'estomac (Battelli). L'action de la morphine se rapproche tout à fait de celle de l'atropine. On voit donc que certains alcaloïdes semblent favoriser la marche de la digestion stomacale, tandis que d'autres l'inhibent. Il reste à savoir si les effets produits par les premiers de ces corps sont réellement favorables à la digestion, ou si on est là en présence d'un surcroît d'activité anormale, qui trouble, plutôt qu'il ne favorise, l'évolution naturelle des phénomènes digestifs. 4° Alcool. — Valcool est un des corps dont l'action sur la digestion a été le plus étu- diée. Kretschi a trouvé sur une femme atteinte d'une listule gastrique que l'alcool retarde manifestement le cours de la digestion. Buchner, Bikfalvi et Ogata sont aussi arrivés aux mêmes résultats que Kretschi, en opérant, le premier sur l'estomac de l'homme, et le second sur l'estomac du chien. D'après Schelhaas, le vin n'exercerait pas d'influence nuisible sur la digestion, tant que le milieu stomacal contiendrait de l'acide chlorhydrique libre. Pour Gluzinski, l'alcool produit deux sortes d'effets tout à fait différents sur la digestion stomacale. D'une part il ralentirait l'activité protéolytique du suc gastrique; mais, d'autre part, il exciterait les appareils glandulaires de l'estomac en donnant lieu à la formation d'un suc plus abondant et plus acide. Hemczinsky n'a étudié que l'influence de la bière sur la digestion gastrique. 11 n'a pas pu constater de différences bien sensibles dans la marche des phénomènes digestifs, lorsque cette boisson faisait partie des repas. Par contre, selon Blumenau, l'alcool, ingéré, il est vrai, à la proportion de 25 à 50 p. 100, détermine toujours un ralentissement notable de l'activité chimique du suc gastrique pendant les deux ou trois premières heures de la digestion. Wolffhardt professe aussi cette opinion au sujet de l'alcool absolu; mais certaines boissons alcooliques, comme par exemple le vin, pourraient au contraire accélérer la marche de la digestion. Enfin, d'après Chittenden et ses élèves Mendel et Jackson, l'alcool et les boissons alcooliques, prises en quantités modérées, ont une certaine tendance à ralentir le cours de la diges- tion, mais le retard qu'on observe dans ces conditions n'est jamais bien appréciable. Ces résultats sont d'autant plus extraordinaires que nous savons que l'alcool à petites doses est un excitant efficace des glandes gastriques (Chittenden) et de la contractilité stomacale (Kleuperer, Kann, Battelli). Toutefois, on peut comprendre la diversité de ces résultats en admettant que l'alcool disparaît rapidement de l'estomac (Ghittenden, Mendel et Jackson). Lorsque les quantités d'alcool ingérées sont plus fortes, la digestion éprouve un changement profond. Dans ce cas, l'alcool agit en masse sur les liquides digestifs, en y précipitant les peptones formées, ainsi que la pepsine elle-même. En dehors de ce trouble chimique, l'alcool provoque encore, en passant dans le sang, l'empoisonnement du sys- tème nerveux, et consécutivement l'arrêt des fonctions stomacales. Les vomissements sont aussi très fréquents dans l'intoxication alcoolique. L'action de ïéther et du chloroforme sur la digestion gastrique ne doit pas différer beaucoup de celle de l'alcool. Gomme ces derniers corps, l'éther et le chloroforme, irritent la muqueuse stomacale et peuvent provoquer, par voie réflexe, une augmentation dans l'activité sécrétoire et dans l'activité motrice de l'estomac. Ces corps exercent aussi une influence nuisible sur l'activité de la ESTOMAC. 839 pepsine, mais moins marquée que celle de l'alcool. Enfin, à de fortes doses, l'élher et le chloroforme agissent sur les fonctions de l'estomac de la même manière que l'alcool. 5" Salive. — Contrairement à ce que croyaient les anciens auteurs, la salive n'est pas un excitant des sécrétions gastriques. Toutefois, si ce liquide n'exerce pas d'influence •utile sur les fonctions de l'estomac, il ne gène pas non plus^a marche des piiénotnènes digestifs. Arrive'e avec les aliments dans l'estomac, la salive peut encore accomplir son œuvre chimique pendant un certain temps; puis elle est neutralisée par le suc gas- trique, sans que cette neutralisation entraîne une diminution sensible dans l'acidité du milieu stomacal et par conséquent dans l'activité de la pepsine. 6° Mucus. — Nous pouvons dire la même chose à propos de l'action du tomcms. Malgré l'avis contraire de quelques auteurs, ce liquide n'oppose pas un obstacle sérieux à la digestion stomacale. Le itiucus peut même être digéré par le suc gastrique, quoique avec une certaine difficulté. En tout cas, si ce liquide exerce une inlluence nuisible .sur l;i digestion stomacale, cela ne peut être qu'en vertu de sa réaction alcaline; mais alors il eu faudrait des quantités considérables pour obtenir un etl'et appréciable. 7° Bile. — L'action de la bile sur la digestion stomacale n'est pas plus apparente que celle de la salive et du mucus. La bile peut refluer assez souvent dans l'estomac, sans occasionner le moindre trouble digestif. Herzen a constaté la présence de ce liquide dans le contenu stomacal d'un malade à fistule gastrique, 107 fois sur 14'i observations. Cependant cet individu présentait une digestion absolument normale. L'innocuité de la bile sur la digestion in vivo a été définitivement établie par les expériences de Dastre et de Oddi. Le premier de ces auteurs a vu tout d'abord, en faisant ingérer à plusieurs chiens des quantités assez considérables de bile de bœuf et de bile de chien (tOO à 2oO ce. de bile pour des animaux dont le poids variait entre 9 et 14kil.), que la digestion se faisait comme d'habitude, et que la santé des animaux était excel- lente. Dans une seconde série d'expériences, Dastre a voulu connaître les variations chi- miques du milieu stomacal à la suite de l'introduction de la bile dans la cavité gastrique. Il s'est alors servi de chiens porteurs d'une fistule stomacale. La bile était introduite directement par la fistule dans l'estomac, aux divers moments de la digestion, puis au bout de quelque temps on retirait une portion du contenu stomacal, et on le soumettait à l'analyse. Dastre a toujours trouvé dans ces essais que les liquides digestifs contenaient de la pepsine et de la peptone en solution, et qu'ils étaient manifestement acides. Les expériences de Oddi sur cette question ne sont pas plus démonstratives que celles de Dastre; mais elles sont assez élégantes. L'auteur italien a réussi, en établissant une fistule cholécysto-gastrique, à faire passer continuellement de la bile dans l'estomac. Il a observé que les chiens guéris d'une telle opération ne ressentent aucune perturbation, et augmentent notablement de poids (3 à 4 kilogrammes). En examinant le contenu stoma- cal à une phase avancée de la digestion, Oddi a constaté, comme Dastre, la présence des peptones en solution. On peut donc conclure de ces expériences que non seulement la bile n'arrête pas l'activité chimique du suc gastrique, mais qu'elle laisse dans l'état od ils sont les produits digestifs que ce liquide forme. M"® ScHipiLOFF a cherché à expliquer pourquoi la bile, qui est si nuisible à la digestion peptique in vitro, ne gêne pas la digestion in vivo. Elle attribue ce résultat à la présence du suc intestinal dans le milieu stomacal. Ce suc pénétrerait avec la bile dans la cavité gastrique, où il continuerait à développer son activité, en prenant ainsi la place de la pepsine. Luber et Belkowsri ont critiqué cette hypothèse en faisant observer que le suc intestinal n'agit pas dans un milieu aussi acide que celui de l'estomac. De plus, l'activité de ce suc n'est pas assez importante pour produire une formation aussi considérable de peptone que celle que Oddi et Dastre ont constatée dans l'estomac, en présence de la bile. Nous croyons, avec Dastre, que la vraie raison de ces différences tient à ce fait que l'estomac peut régler par lui-même les conditions d'activité de son milieu. Dans les expériences in vitro, on opère sur des quantités fixes qui ne se renouvellent point, tandis que, dans la cavité gastrique, la même cause qui annule l'action d'une certaine quantité du suc digestif peut accroître sa production, et compenser plus qu'au delà l'obstacle ainsi créé. 840 ESTOMAC. G) Influence de la digestion stomacale sur les autres fonctions de Torga- nisme. — Le travail digestif de l'estomac exerce une influence particulièrement impor- tante sur l'activité fonctionnelle des autres organes abdominaux. Aussitôt que les aliments chymifiés pénètrent dans l'intestin, on voit les liquides biliaire, pancréatique et intes- tinal s'écouler d'une façon abondante. D'après Pawlow et ses élèves, l'acide chlorhydrique du suc gastrique serait l'excitant le plus efficace de la glande pancréatique. Les graisses, les matières exlractives de la viande et les produits de digestion des albumines provo- queraient la sécrétion biliaire. Quant à la sécrétion intestinale, elle prendrait naissance, dans sa partie aqueuse, sous l'influence des excitations mécaniques, et dans sa partie spécifique sous l'influence du suc pancréatique. Nous voyons donc qu'il existe une relation étroite entre le travail digestif de l'estomac et l'activité fonctionnelle de l'intestin et de ses glandes annexes. r,ette relation s'étend encore plus loin. La rate, elle-même, augmente considérablement de volume pendant la digestion, et sa circulation devient à ce moment quatre ou cinq fois plus forte que pendant Ja période de jeûne. Schiff prétend que ce surcroît d'activité de la rate est provoqué par les substances peptogènes qui passent dans le sang après avoir été absorbées par l'estomac; mais en réalité nous ignorons encore le mécanisme de ce phénomène. L'activité fonctionnelle du rein se trouve aussi soumise aux variations de la digestion stomacale. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la réaction de l'urine change aux divers moments de la digestion. 11 semble même que la quantité de liquide urinaire diminue pendant les premières heures de l'acte digestif, au moment où les sécrétions gastriques atteignent leur maximum d'intensité pour augmenter ensuite au fur et à mesure que les liquides digestifs passent dans l'intestin, où ils sont rapidement absorbés. Les grandes fonctions de l'organisme n'échappent pas non plus à l'influence de la digestion stomacale. C'est un fait de connaissance vulgaire, qu'après avoir pris un bon repas un ressent un froid assez intense qu'on appelle le froid digetiUf. Ce phénomène est .dû probablement à des modifications circulatoires et n'a qu'une courte durée. Peu de temps après, le travail digestif de l'estomac provoque une réaction générale qui a reçu le nom de fièvre diyestive, parce qu'elle s'accon)pagne d'un ensemble de phénomènes qui rappellent ceux de la fièvre. Pendant cette période, la circulation et la respiration sont plus actives. En même temps, le système nerveux se trouve un peu surexcité; puis cette surexcitation cesse, et l'individu ressent une envie plus ou moins grande de dormir. Quoique on n'ait pas fait d'expériences précises pour connaître le mécanisme de ces divers phénomènes, on peut supposer qu'ils sont provoqués par trois causes différentes : 1° par des actions réflexes; 2° par des modifications circulatoires; 3° par des actions chimiques (passage dans le sang des produits digestifs). H) Auto-digestion. — Le problème de la non-digeslibilité de l'estomac par le suc gastrique a été l'objet d'interprétations nombreuses. Nous allons rendre compte de ces diverses interprétations en les faisant suivre des arguments sur lesquels elles se basent et des principales critiques qu'elles soulèvent. a) Théorie du mucus. — Cl. Bernard considérait le mucus comme un des moyens dont dispose la muqueuse stomacale pour se protéger contre l'action digestive du suc gastrique. Harley et Schiff vont encore plus loin dans ce sens. Ils affirment que le mucus est la cause principale, sinon exclusive, de la résistance de l'estomac à l'auto- digestion. Voici maintenant les arguments qu'on peut citer en faveur et contre cette hypothèse. a) Arguments en faveur de la théorie du mucus. — Harley prend l'estomac d'un porc en pleine digestion et le divise en deux parties. Dans l'une il nettoie avec soin le mucus qui baigne les parois gastriques; il laisse l'autre partie telle qu'elle est; puis il remplit ces deux poches de suc gastrique et les porte à une température élevée. Au bout de quel- ques heures de digestion, la partie de l'estomac dont le mucus a été enlevé se dissout complètement, tandis que l'autre partie ne subit pas de modification appréciable. Cette expérience n'a pas une grande valeur, attendu qu'il est presque impossible d'enlever le mucus des paroi? gastriques sans léser profondément l'épithélium de la muqueuse. On verra d'ailleurs que, lorsqu'on fait cette même opération in vivo, les résultats qu'on obtient sont tout autres. Les expériences de Schiff sont encore moins probantes que celles de Harley. Chez ESTOMAC. 811 des animaux qui portaient une fistule stomacale à bords assez épais, Schikk a rétréci nu peu la lumière de la canule flstulaire, en y introduisant un autre tube, dont l'ouverture interne n'avait pas plus de i à 1 1/2 centimètres de diamètre. Après avoir fait faireàces animaux une bonne digestion, destinée à appauvrir leur estomac en pepsine, il a introduit par la fistule une certaine quantité d'aliments, en même temps que des matières pepto- gènes. ScHiFF a fixé ensuite un petit morceau de viande ou d'albumine dans la partie la plus interne de la canule qui restait dans le corps de l'animal, et qui, par conséquent, se trouvait à une température convet)able. Celte opération faite, Schiff obturait la canule avec un bouchon très court, et attendait 12 ou 16 heures. Au bout de cette période il a constaté, en ouvrant la fistule, que, tandis que la parcelle d'aliment qui était restée dans la canule n'avait pas éprouvé de changement, le contenu stomacal se trouvait com- plètement digéré. 11 explique celte dilTérence en disant que, très vraisemblablement, l'ori- fice interne de la canule a été bouché par le mucus au commencement de la digestion, et que, par suite de cet obstacle, le suc gastrique n'a pas pu agir sur la parcelle de viande ou d'albumine. Ce qui lui fait croire à cette explication, c'est que la canule renfermait le plus souvent du mucus, et que son contenu n'était pas acide. Mais on comprend que d'autres causes, comme par exemple la pression de l'air, ont pu s'opposer au passage du suc gastrique dans la canule. P) Arguments contre la théorie du mucus. — Tous les auteurs qui ont eu l'occasion d'ouvrir l'estomac d'un animal en pleine digestion ont pu s'apercevoir que le contenu stomacal se trouve enveloppé de toutes parts par une couche épaisse de mucus. Néan- moins, malgré cet obstacle, le suc gastrique agit sans difficulté sur les aliments, et la digestion s'accomplit régulièrement. Contejean a vu, d'autre part, que, quand ou place dans l'estomac d'un chien à fistule de petits filets contenant des substances sur lesquelles on veut faire agir le suc gastrique, ils sont aussitôt englués de mucus, et cependant leur contenu est rapidement digéré. Cet auteur a fait une autre observation qui n'est pas moins instructive que la précédente. Des mollusques vivants, introduits dans l'estomac d'un chien, sont facilement dissous par le suc gastrique, malgré la quantité considérable de mucus qu'ils sécrètent. On sait aussi que le mucus n'empêche pas l'auto-digeslion de l'estomac après la mort (Pavy). Enfin, d'après Fermi, on pourrait adresser les objections suivantes à l'hypothèse du mucus : 1" Pendant la digestion, le mucus se détache de la muqueuse et entoure les aliments. Par suite de cette disposition spéciale, la muqueuse devrait être digérée, tandis que les aliments devraient résister à l'action du suc gas- trique; 2° Si au moyen d'une éponge on enlève le mucus sécrété par la muqueuse, même en introduisant à plusieurs reprises du suc gastrique actif dans la cavité stoma- cale, i'auto-digeslion n'a pas lieu; 3" Des morceaux de viande bien enveloppés par une couche de mucus et renfermés dans un mouchoir se digèrent sans difficulté dans la cavité gastrique; 4° L'acide chlorhydrique et la pepsine sont produits sous la couche de mucus et non au-dessus. Les glandes qui sécrètent ces éléments en sont nécessairement imprégnées, de sorte que, si la digestion devait avoir lieu, ce n'est pas le mucus qui l'empêcherait. b) Théorie de l'épithélium. — Les auteurs qui croient que l'épithélium joue un rôle efficace dans la protection de la muqueuse stomacale contre l'aulo-digestion, n'inter- prètent pas ce rôle de la même façon. D'après Cl. Bernard, l'épithélium ne serait pas absolument réfraclaire à l'action dissolvante du suc gastrique; mais, étant donné que ce tissu se renouvelle sans cesse, il opposerait une barrière permanente aux progrès de l'aulo-digestion. Imzani et Lussana adoptent aussi cette manière de voir. Au contraire, Sehrwald, Fuenzel et Ruzicka croient que l'épithélium offre une résistance véritable- ment spécifique à l'action digestive du suc gastrique. a) Arguments en faveur de la théorie de Vépithélium. — Cl. Bernard n'apporte aucune expérience à l'appui de son hypothèse. Inzani et Lussana sont arrivés, en détruisant l'épithélium stomacal par divers procédés, à produire des lésions semblables à celles de l'ulcère rond, suivies d'un ramollissement complet des parois gastriques. Schiff a cri- tiqué ces expériences en faisant observer que les physiologistes italiens n'ont pas pris assez de soin pour éviter les traumatismes des parois stomacales. Or l'estomac du lapin, sur lequel Inzani et Lussana ont opéré, est particulièrement sensible aux actions traumatiques. En tout cas, Schiff n'a jamais constaté, en enlevant avec une certaine 8^2 ESTOMAC. délicatesse une partie de l'épithélium de l'estomac du lapin, la moindre trace de diges- tion dans cet organe. Ajoutons que Inzani et Lussana, eux-mêmes, n'ont pas toujours réussi à obtenir l'auto-digestion de l'estomac dans leurs diverses expériences. Pour Sehrwalp, l'épithélium stomacal jouirait pendant la vie d'un mode de diffusion spécial. Ce tissu serait en effet un obstacle sérieux au passage de l'acide du suc gastrique dans le sang et au passage de l'alcali du sang dans l'estomac. Il a vu, en introduisant des solutions titrées d'acide phosphorique dans l'estomac d'un animal vivant, séparé par deux ligatures du reste de l'appareil digestif, que le litre de ces solutions, laissées dans la cavité gastrique pendant plusieurs heures, ne diminuait que très faiblement. Les phéno- mènes qu'on observe sont tout autres lorsqu'on opère sur l'estomac d'un animal mort, soumis à une circulation artificielle, avec des liquides alcalins, ou bien encore lorsqu'on plonge cet organe dans une solution de soude. Dans ce cas, la diminution d'acidité des liqueurs phosphoriques introduites dans l'estomac est beaucoup plus manifeste. Skhrwald conclut de celte expérience en disant que l'aulo-digeslion de l'estomac est'empêchée pen- dant la vie, d'une part par l'alcalinité du sang, et, d'autre part, par l'activité de l'épithé- lium qui s'oppose à la pénétration de l'acide chlorhydrique dans les parois gastriques. Mais les expériences de cet auteur ne sont pas très démonstratives; car les liquides alcalins dont il s'est servi pour l'étude de la diffusion dans l'estomac mort (solution de soude) peuvent avoir une action beaucoup plus puissante sur les tissus que les sels alcalins qui se trouvent dans le sang, mélangés avec les éléments les plus divers. Frenzel a constaté qu'un certain nombre d'animaux inférieurs, lesquels se nourrissent par simple imbibition, résistent, s'ils sont vivants, à l'action'digestive des solutions arti- ficielles de pepsine et de trypsine. 11 compare les cellules de l'épithélium gastro-intes- tinal à ces êtres, et ajoute qu'on ne peut expliquer la raison de leur résistance aux sucs digestifs que par deux hypothèses : 1° en supposant que, par une activité sélective spé- ciale, elles n'absorbent pas les éléments spécifiques des liquides digestifs ; 2° en admet- tant qu'elles détruisent ces principes dans les cas où elles les absorberaient. Frenzel ne se prononce ni sur l'une ni sur l'autre de ces hypothèses ; mais il pense que, si l'on accepte la seconde, il est possible d'interpréter la destruction des ferments digestifs en suppo- sant que ces divers organismes produisent des zijmases antipeptiques et antf'tryptiques. Comme on le voit, cet auteur n'a fait aucune expérience directe sur le rôle protecteur de l'épithélium dans l'auto-digestion. C'est dans les expériences de Ruzicka qu'on trouve les arguments les plus sérieux en faveur de cette hypothèse. En étudiant au microscope l'action du suc gastrique artificiel sur les divers épithéliums du tube digestif chez des animaux très différents (grenouille, rat, cobaye, chien), Ruzicka a obtenujles résultats suivants : 1° Les épithéliums de la langue, de l'estomac et de l'intestin, séparés de la muqueuse, et par conséquent morts, n'offrent pas la même résistance vis-à-vis du suc gastrique. L'épithélium de la langue se détruit avec rapidité. Vient ensuite l'épithélium de l'intestin, et en dernier lieu l'épithé- lium de l'estomac. La résistance de celui-ci est vraiment considérable; 2° En opérant sur l'épithélium in situ, et dans les conditions les pltfs normales possibles, le suc gastrique digère rapidement l'épithélium de la langue, tandis qu'il laisse intact l'épithélium de l'estomac et celui de l'intestin. Et encore, dans ce dernier cas, faut-il tenir compte de ce fait que le suc gastrique perd assez vite son activité par son mélange avec les sécrétions alcalines de l'intestin. Ruzicka attribue la plus grande résistance de l'épithélium stomacal vis-à-vis du suc gastrique à une sorte d'adaptation. (B) Arguments contre la théorie de l'épithélium. — Pavy a montré, pour la première fois, qu'on pouvait enlever dans un point quelconque l'épithélium de la muqueuse gastrujue sans que cette lésion provoquât l'auto-digestion de l'estomac. Après lui, Schiff et beau- coup d'autres expérimentateurs ont fait la même observation. Les expériences de Grif- FiNE et Vassale, ainsi que celles de Otte et Matthes méritent d'être retenues. Griffine et Vassale ont observé que les lésions peu étendues de l'épithélium stomacal ne mettent pas à nu les couches profondes de la muqueuse gastrique, en raison de la rétractilité de la couche musculeuse, qui tend toujours à ramener l'un contre l'autre les bords de la plaie. Afin d'éviter cet inconvénient, ils ont coupé la muqueuse profondé- ment et dans une large étendue. Les animaux en expérience étaient [sacrifiés de un à cinquante-cinq jours après cette opération; puis on examinait leur estomac au ESTOMAC. 843 microscope. Par ce moyen Griffine et Vassale ont pu se convaincre que l'absence de l'épithélium n'est pas une cause suffisante pour que l'auto-digeslion ail lieu. La plaie stomacale guérit toujours dans les meilleures conditions, et se recouvre d'une nou- velle muqueuse, au bout d'un certain temps. Cette réparation se fait beaucoup plus vite chez les animaux qui ne mangent pas pendant les premiers jours, ou qui prennent seu- lement du lait avec un peu de pain. En tout cas, ce processus ne dure d'une façon géné- rale pas plus de huit à dix jours. Otte a fait toutes ses expériences sur une anse intestinale ligaturée, dans laquelle il introduisait tantôt du suc gastrique, tantôt du suc pancréatique, après y avoir changé les conditions de vie de l'épithélium en le mettant en contact pendant un temps plus ou moins long avec une solution de nitrate d'argent à 2 p. 100 ou avec une solution de fluorure de sodium à des concentrations variables (0s'',25 p. 100, Oer,?; p. 100, 2&'',') p. 100). Ces dernières expériences surtout sont très intéressantes. On sait que Heidenhain a montré qu'une solution de fluorure de sodium au titre de O^^^jOS p. 100, injectée dans une anse intestinale de chien, pervertit complètement les propriétés osmotiques et absorbantes de la muqueuse sans détruire l'épithélium. Si donc ce tissu perd, par son contact avec le fluorure de sodium l'activité spécifique à laquelle on attribue son rôle protecteur contre l'auto-digestion, les anses intestinales dans les expériences de Otte auraient dû se digérer. Or, contrairement à ses prévisions, Otte n'a pas observé un seul cas d'auto-digestion dans toutes ses expériences. Max Matthes, de son côté, a pu se convaincre, en enlevant complètement une portion circulaire de la muqueuse gastrique de six centimètres de diamètre, et en empêchant, par un dispositif spécial, la rétraction des parois stomacales, que la couche musculeuse n'est pas attaquée parle suc gastrique. Les animaux qui ont subi cette opération vivent normalement pendant longtemps, et, lorsqu'on les sacrifie, on ne trouve dans leur esto- mac d'autres lésions que celles que l'on a produites expérimentalement et qui sont, jus- tement, en voie de guérison. c) Théorie de l'alcalinité du sang. — D'après Ruzicra, c'est Virchow qui a émis, avant tout autre, l'idée que la muqueuse stomacale ne se digère pas pendant la vie, grâce à la neutralisation par le sang circulant du suc gastriiiue qu'elle absorbe. Quoi qu'il en soit de cette question de priorité, il est incontestable que le véritable promoteur de cette théorie est le physiologiste anglais Pavy. a) Arguments en faveur de Valcalinité du sanrj. — Cet auteur a constaté tout d'abord que la ligature en masse d'un point quelconque des parois gastriques, ainsi que la liga- ture isolée des artères qui se rendent dans l'estomac, provoque dans les régions privées de sang des phénomènes d'auto-digestion. Il s'est demandé ensuite quel était le méca- nisme de ces phénomènes. Au lieu de les attribuer à une absence de nutrition dans les tissus ischémies, il les expliqua en disant que, le suc gastrique absorbé par la muqueuse n'étant plus neutralisé par le sang, la pepsine pouvait alors attaquer les parois stoma- cales et en déterminer la digestion. La preuve en est, dit-il, qu'on peut provoquer des lésions digestives sur un estomac dont la circulation est intacte, en rendant cette neu- tralisation insuffisante par l'introduction de grandes quantités d'acide dans la cavité gastrique. Pavy rapporte à ce sujet l'expérience suivante : Après avoir lié le tube diges- tif d'un chien en pleine digestion, au niveau du cardia et du pylore, en respectant les vaisseaux, il introduisit dans l'estomac de cet animal 93 grammes d'acide chlorhy- drique commercial contenant 12 grammes d'acide chlorhydrique pur. Au bout d'une heure quarante minutes, l'animal mourut. L'autopsie, faite immédiatement après, mon- ti'a une destruction complète de la muqueuse gastrique avec une perforation de l'esto- mac près du cardia. Cette expérience n'a aucune signification, attendu que la dose d'acide que Pavy a introduite dans l'estomac était tellement forte que, comme le fait remarquer Bunge, n'importe quel autre caustique, la potasse par exemple, y aurait produit des lésions tout aussi graves. L'autre expérience que Pavy a faite pour montrer l'exactitude de son hypothèse est encore plus défectueuse que la précédente. Il prit l'estomac de deux lapins en pleine digestion, et plongea l'un de ces organes dans un bain de sang défibriné, et l'autre dans une solution de gomme et de suci^e; puis il transporta les deux dans une étuve à la température de ST^S. Au bout de quatre heures et demie de digestion, l'estomac placé 844 ESTOMAC. dans la solution de gomme et de sucre avait une perforation, tandis que l'autre ne paraissait pas atteint. Néanmoins, après avoir examiné ce dernier, Pavy vit que toute la muqueuse gastrique était détruite, et qu'il ne restait plus qu'une paroi très mince qui n'avait pas été digérée. Il y avait donc une légère différence dans la manière de se com- porter de ces deux organes vis-à-vis du suc gastrique; mais, pour peu qu'on réfléchisse, on comprendra que cette différence pouvait tenir, entre autres choses, à ce que le sang défibriné conserve beaucoup mieux les tissus qu'une solution de gomme et de sucre. |3) Arr/uments contre la théorie de l'alcalinité du sang. — La première et la plus grave objection qui se dresse contre la théorie de Pavy, c'est la résistance qu'offrent les parois intestinales à l'action digestive du suc pancréatique qui cependant, lui, n'agit sur les principes albuminoïdes que dans un milieu alcalin (Bunge, Conte.iean). Les expériences de Ruzicra prouvent, d'autre part, que l'alcalinité du sang est insuf- fisante à empêcher la digestion des tissus vivants par le suc gastrique. En effet, cet auteur a constaté, en étudiant comparativement l'action du suc gastrique sur l'épilhé- lium de la langue de la grenouille, à l'état normal et après l'arrêt de la circulation, que la marche des phénomènes digestifs ne présente pas de différences sensibles dans ces deux cas. L'épithélium se détruit avec la même rapidité, lorsque la circulation de la langue est intacte, que lorsqu'elle a été supprimée. En dehors de ces objections, il faut encore se rappeler que, si le sang jouissait d'un pouvoir de neutralisation très intense, l'acide chlorhydrique ne prendrait jamais nais- sance dans les éléments glandulaires de l'estomac, car il serait neutralisé sur place et au fur et à mesure de sa formation par les alcalis du sang circulant (Fermi). Ajoutons que Samuelso.n prétend qu'on peut injecter dans la circulation des quantités considérables de divers acides (acide citrique, acétique, chlorhydrique, etc.), sans pro- duire de lésions digestives dans l'estomac. Les animaux succombent à ces injections, mais, en faisant leur autopsie, on s'aperçoit que la muqueuse gastrique, à de rares exceptions près, se trouve absolument indemne. (7) Théorie de l'enlèvement des principes digérants par la circulation. — Gaglio croit que la circulation protège l'estomacj contre l'action dissolvante du suc gastrique, en le débarrassant des principes digestifs qu'il absorbe. Cette théorie a été acceptée en partie par (jaspardi et Viola, et ensuite par Co.ntejean. a) Arguments en faveur de la théorie de l'enlèvement des principes digérants par la cir- culation. — Voici l'expérience sur laquelle Gaglio fonde son opinion. Si l'on introduit dans la vessie d'un lapin vivant une certaine quantité de suc gastrique, après avoir lié les uretères pour éviter le mélange de ce liquide avec l'urine, on ne constate pas de phénomènes de digestion. La vessie ne présente aucune lésion après la mort de l'animal, et le suc gastrique qu'elle renferme à ce moment est devenu neutre ou alcalin; mais, une fois acidulé, il est encore capable de digérer la fibrine ou l'albumine. Ces faits prouvent que toute la pepsine n'a pas été absorbée par la vessie. Quant à l'acide chlorhydrique, rien ne dit qu'il ait totalement disparu par absorption; il a pu aussi être neutralisé en partie par le mucus vésical. Quoi qu'il en soit, l'expérience de Gaglio ne nous renseigne pas sur le mécanisme de ces phénomènes. Tout ce qu'elle démontre, c'est (jue le suc gastrique n'a pas d'influence nuisible sur la vessie d'un ani- mal vivant. Les expériences de Gaspardi et Viola, ainsi que celles de Contejean, ne nous conduisent pas non plus à une autre conclusion. Ces auteurs ont bien vu que des tissus vivants, très vascularisés (rate, intestin), introduits dans l'estomac du même animal, ne se digèrent pas du tout, ou se digèrent très difficilement, mais ils n'ont rien fait pour nous apprendre comment ces tissus résistent à l'action du suc gastrique. [i] Arguments contre la théorie de l'enlèvement des principes digérants par la circulation. — Fermi pense que l'absorption de la pepsine et de la trypsine par le tube digestif a tou- jours lieu très lentement. D'autre part, ces ferments adhèrent trop éuergiquement aux cellules et aux albuminoïdes, pour que la circulation puisse les enlever de la muqueuse gastrique, complètement et avec la rapidité nécessaire. Or, étant donné l'activité prodi- gieuse de ces ferments, les petites quantités qui en restei'aient fixées à la muqueuse suffiraient pour la digérer largement. Nonobstant, ajoute Fermi, si l'on admet que ce transport des matériaux existe, et qu'il est très important, alors on ne comprend pas com- ESTOMAC. S45 ment le suc gastrique peut se former dans les glandes stomacales; car, aussitôt que la pepsine et l'acide chlorhydrique sont mis en liberté, ils doivent être enlevés par la circu- lation. Un autre argument, à rencontre de cette hypothèse, se trouve dans les expériences (le RuziGKA que nous connaissons déjà. L'épithéliuni de la langue de la grenouille mis en présence du suc gastrique se digère tout aussi facilement, lorsque la circulation est intacte, que lorsqu'elle est arrêtée. Enfin, si cette théorie était exacte, il serait inexplicable que certains org,anismes inférieurs, qui ne possèdent pas de circulation, et d_c)nt la masse est tout à faitnégligable, puissent résister à l'action digeslive du suc gastrique (Fre.nzel, Fermi). Ce même argu- ment se retourne aussi contre la théorie de l'alcalinité du sang. e) Théorie nerveuse. — Cette théorie a servi à un certain nombre de médecins pour expliquer le mécanisme pathogénique de Vulcère rond de l'estomac. Après avoir observé, avec Jager, Lenhosegk, Rokitanskv, Liébert, R.vpp, Geiger, etc., que les maladies nerveuses s'accompagnent assez souvent de l'ulcère rond de l'estomac, ils se sont appuyés sur les expériences de Camerer, de GCnsburg, de Schifi-, de Ebstein, de Kocii, d'EwALo et de Talma, pour dire que les lésions du système nerveux, ainsi que l'excitation des nerfs sensitifs pouvaient diminuer la vitalité de la muqueuse stomacale et faciliter sa digestion par le suc gastrique. Samuelson a critiqué cette hypothèse en montrant que l'estomac, complètement énervé par la section des deux sympathiques et des deux vagues, supporte pendant longtemps le contact d'un suc gastrique artificiel très actif, sans éprouver de modification apprécia- ble. Otte est arrivé aux mêmes résultats que Samlelsox, en faisant agir le suc pancréa- tique sur l'intestin énervé. Toutefois, ces résultats négatifs n'excluent pas cette hypothèse que les maladies du système nerveux puissent produire, à la longue, l'ulcère rond de l'estomac, en troublant les conditions de vie de cet organe (troubles vaso-moteurs ou troubles trophiques). f) Théorie vitale. — Hunter a exprimé très nettement l'idée que les tissus suivants ne pouvaient pas être attaqués par le suc gastrique : « S'il était possible, disait-il, d'intro- duire la main dans l'estomac d'un animal vivant, elle résisterait à la digestion; il n'en serait pas de même si la main était séparée du tronc. » La cause de cette résistance des tissus vivants à l'auto-digestion est attribuée par Hdnter à une combinaison des tissus avec \e principe vital. Cette théorie, qui est la plus ancienne de toutes, car elle a été formulée en t772, est en train de devenir aujourd'hui, grâce surtout aux travaux do Matthes et de Fermi, la théorie la plus acceptée parmi toutes celles qui prétendent expliquer l'immunité des organes digestifs, vis-à-vis des sucs que ces organes élaborent. a) Arguments en faveur de la théorie vitale. — Hunter a observé que, si l'on tue un animal en pleine digestion, et si on le garde à une température favorable, l'estomac et les organes avoisinants (rate, diaphragme, etc.) se digèrent rapidement. Il a trouvé aussi les parois de l'estomac digérées chez des hommes morts subitement en pleine digestion. Viola et Gaspardi ont fait une expérience que Fermi considère comme une preuve irréfutable en faveur de la théorie vitale. Ces auteurs ont introduit la rate dans l'estomac d'un même animal, en respectant l'intégrité des vaisseaux spléniques. Les animaux ainsi opérés (chiens, chats) survécurent de douze à soixante-quatre heures. A l'autopsie, la rate ne présenta pas de lésion digestive appréciable. Mais, ainsi que Contejean l'a fait remarquer, ces expériences ne sont pas très concluantes, car les animaux se trouvaient en trop mauvais état pour effectuer des digestions bien actives. 11 est même probable que ces animaux ne sécrétaient pas'du tout de suc gastrique. L'expérience d'EwALD esta ce point de vue beaucoup plus démonstrative. Cet auteur met à digérer, pendant six heures, dans un extrait d'estomac très actif, la jambe posté- rieure rasée d'un chien vivant. Afin d'assurer l'immobilité de la jambe, on a commencé par sectionner la moelle de l'animal. Or, malgré la très grande activité du suc gastrique, il ne se produisit pas de lésion digestive dans la jambe. Le seul reproche qu'on peut adresser à cette expérience, c'est que la jambe n'est peut-être pas restée assez longtemps en contact avec le suc gastrique. Max Matthes a étudié tout d'abord l'action des principes spécifiques du suc gastrique 816 ESTOMAC. sur la muqueuse intestinale vivante. Il a vu, en irriguant pendant une demi-heure à travers une fistule artificielle une anse de l'intestin grêle avec des solutions qui conte- naient tantôt de l'acide chlorydrique seul, tantôt de la pepsine seule, tantôt ces deux corps mélangés, que répilliéliura intestinal était touché par les solutions acides avec ou sans pepsine, tandis qu'il n'éprouvait aucune modification sous l'influence des solutions neutres de ce ferment. Une expérience de contrôle, faite avec des solutions de chlorure de sodium au titre physiologique, donna aussi des résultats négatifs. D'après Matthes, l'action toxique de l'acide chlorhydrique s'exerce surtout sur les portions inférieures de l'intestin grêle; les parties supérieures de cet organe semblent plus réfraclaires, proba- blement parce qu'elles sont habituées au contact du suc gastrique. Cette action nuisible se montre même si l'on ajoute aux solutions acides une certaine quantité de mucus (nouvel argument contre la théorie de IIarley). Elle n'est pas non plus empêchée par les alcalis du sang, comme le croyait Pavv. Dans une seconde série d'expériences, Matthes a cherché à démontrer que la diges- tion de certains tissus vivants (pattes de grenouille) par le suc gastrique est due préci- sément à cette action toxique de lacide chlorhydrique. En effet, si l'on plonge ces tissus dans une solution de pepsine acidulée par l'acide urique ou par l'acide hippurique, corps qui sont beaucoup moins toxiques que l'acide chlorhydrique, la digestion n'a pas lieu; et, cependant, ces mélanges digérants sont encore assez actifs, car ils dissolvent les pattes d'une grenouille morte dans l'espace de dix heures à la température de 40°. Toutefois, nous devons faire remarquer que, dans cette expérience, la température des liquides digestifs était de 15" plus élevée que dans les expériences avec les tissus vivants. . En opérant avec le suc pancréatique et dans des conditions très variées (injection du suc pancréatique sous la peau ou introduction directe des organes vivants dans ce liquide;, Matthes n'a jamais constaté de phénomènes de digestion. De cet ensemble d'expériences, l'auteur conclut : 1" que les ferments protéolytiques sont inactifs vis-à-vis des tissus vivants; 2" que c'est l'acide chlorhydrique qui rend pos- sible la digestion de certains de ces tissus par le suc gastrique, en produisant préalable- ment la mort des cellules; 3" que les divers tissus de l'organisme ne sont pas également sensibles à l'action toxique de l'acide chlorhydrique. L'épithélium stomacal, par exemple, lui est plus ou moins réfractaire. Ces différences tiennent vraisemblablement à une adaptation fonctionnelle des cellules. Fermi professe aussi l'opinion que le protoplasme vivant n'est pas attaqué par les sucs digestifs. Il s'appuye sur les résultats suivants : 1° La pepsine en solution hydrochlorique, ainsi que le suc gastrique naturel, n'exerce aucune action ni sur les hypsomycètes, ni sur les blaslomycètes. Ces microrganismes se développent même dans les liquides susdits en en altérant la réaction et l'activité. 2° La trypsine est inactive, non seulement sur les hypsomycètes et sur les blastotny- cètes, mais encore sur tous les schizomycètes. Ces derniers, spécialement, prennent un développement inattendu en présence et même aux dépens de la trypsine. a» Les amibes, qui n'ont pas de membrane protoplasmique, ne sont ni digérés, ni tués par la trypsine, in vitro ou dans l'intestin. 4° La trypsine n'agit pas non plus sur les cellules vivantes embryonnaires des plantes. Des graines de graminées ou de légumineuses se développent très bien dans les solutions stérilisées de trypsine active. 5° Des Vers et des Insectes, dans le stade larvaire (mouches), plongés dans des solutions de trypsine ne sont pas attaqués. 11 en est de même des Vers qui vivent dans l'intestin. Ces faits sont absolument contraires à la théorie de Gaglio. G» Des injections de pepsine dans des organes végétaux, très acides, ne produisent pas d'effet digestif sur les tissus. 7-^ Les solutions de trypsine stérilisées, injectées à des doses considérables (2 grammes de pepsine par jour pendant une semaine) sous la peau des grenouilles et des cobayes vivants, sont complètement inoffensives. La trypsine ne fut pas absorbée, comme aurait pu le penser Gaglio, mais détruite in situ par l'albumine vivante. En effet, au bout de cinq heures chez la grenouille et de dix minutes chez le cobaye, même avec la méthode très sensible de la gélatine, on n'en trouva plus de trace dans les organes. 8° La trypsine mélangée avec des organes frais triturés ou avec le sérum des ani- ESTOMAC. 847 maux récemment tués, se détruit complètement au bout de vingt-quatre heures. 11 n'en est pas de même lorsqu'on soumet préalablement ces divers éléments orgraniques à l'ébullition. 0'^ La zyniase protéolytique produite par un microrgaaisme donné ne se digère pas elle-même, et n'attaque pas non plus celles des autres espèces microbiennes. Fermi compare ces résultats avec la résistance que l'estomac, le pancréas et l'intestin offrent pendant la vie à l'action digestive des sucs que ces organes élaborent et conclut « que de même que le protoplasma vivant (cette combinaison chimique prodigieuse, bien différente du protoplasma mort), peut produire les corps chimiques les plus extraordi- naires et montrer les propriétés physiques les plus invraisemblables, de niême il résiste facilement aux zymases protéolytiques, auxquelles, d'ailleurs, un bon nombre des sub- stances albuminoïdes mortes en sont plus ou moins réfractaires. A l'exemple de Matthes, Fermi croit aussi que l'acide chlorhydrique est toxique pour les cellules de la muqueuse stomacale. Ces éléments supporteraient le contact de l'acide chlorhydrique, comme les cellules des glandes buccales de certains gastéropodes, sup- portent la présence de l'acide sulfurique, et comme beaucoup des cellules végétales sup- portent celle des acides les plus divers. Otte est aussi un partisan de la théorie vitale. Il a vu, en injectant une certaine quan- tité de suc gastrique et de suc pancréatique dans une anse d'intestin grêle, isolée par deux ligatures, que ces liquides disparaissent par absorption en laissant intacte la muqueuse intestinale. Même lorsqu'on détruit l'épithélium muqueux par des solutions de nitrate d'argent ou de fluorure de sodium, Tinteslin résiste aux ferments digestifs. Au contraire, si on supprime la nutrition de cet organe, en liant les artères qui l'irriguent, alors il est rapidement digéré par le suc gastrique et par le suc pancréatique. D'après Otte, la section des nerfs mésentériques n'affaiblit en rien la résistance de l'intestin à l'auto-digestion. Cet auteur a constaté aussi, en introduisant des quantités consi- dérables de suc pancréatique dans la cavité pleurale et péritonéale de divers chiens, que la trypsine n"agit pas sur les tissus vivants. f) Arguments contre la théorie vitale. — Cl. Bernard fut le premier auteur qui critiqua les idées de Hlnter, en montrant que le train postérieur d'une grenouille vivante, introduit dans l'estomac d'un chien à fistule, ne tardait pas à être digéré par le suc gastrique, tandis que l'animal continuait encore à vivre. Le corps d'une anguille, dont la tête fut laissée hors de la fistule, se comporta absolument de même. Dans une autre expérience. Cl. Bernard trouva, après avoir injecté une certaine quantité de suc gastrique sous la peau d'un animal, que le tissu cellulaire était attaqué et finalement dissous. Matthes et Fermi interprètent les deux premiers résultats de Cl. Bernard, en disant que la température de l'estomac du chien était nocive pour les tissus des animaux à sang froid et que ceux-ci ne pouvaient alors résister à l'action digestive du suc gastrique. Quant au troisième résultat, on peut l'attribuer à des influences microbiennes. Cependant Cl. Bernard soutient qu'il s'agissait là d'une véritable digestion. Certaines expériences de Pavy ne se prêtent pas aux mêmes objections que celles de Cl. Bernard. L'auteur anglais a introduit l'oreille d'un lapin dans l'estomac d'un chien à fistule, en pleine digestion, en arrangeant l'expérience de telle sorte que la circulation dans les tissus soumis à l'action du suc gastrique ne fût pas gênée. Au bout de deux heures de digestion, il retira l'oreille de la cavité stomacale, et vit que toute la surface de cet organe présentait des érosions nombreuses ayant la grandeur d'une pièce de deux sous. Cependant l'oreille n'était perforée en aucun endroit; mais en l'introduisant de nouveau dans l'estomac, pendant une heure et demie, elle se digéra en grande partie. Les partisans de la théorie vitale voient dans ce résultat la preuve que l'acide chlorhy- drique du suc gastrique tue les tissus qui ne sont pas habitués à son contact, en le rendant ainsi apte à être digéré par la pepsine. Mais, par cela même, ces auteurs reconnaissent que l'immunité des tissus vivants vis-à-vis du suc gastrique est loin d'être un fait général. Voici d'ailleurs quelques expériences de Frenzel, de Conte-fean et de Ruzicka qui démontrent, comme celles de Pavy, que le suc gastrique peut attaquer un certain nombre des tissus vivants et en déterminer la digestion, Frenzel place des petits vers qui vivent 8i8 ESTOMAC. habituellement dans les premières parties de l'intestin grêle des poissons, d'une part dans un mélange de pepsine et d'acide chlorhydrique à 2 p. 1000 et d'autre part dans une solution d'acide chlorhydrique pur au même titre. Ces êtres furent complètement digérés dans la première solution, et moururent dans la seconde, après avoir éprouvé un certain gontlement. La température des liquides digestifs était dans ces expériences' de 18". Dans une autre série de recherches faites sur des Distomes et des Ascarides, retirés de l'estomac d'un Squale, Freazel constata que, tandis que les Distomes meurent au bout de six heures au contact du suc gastrique, les Ascarides résistent à l'action de ces liquides, môme pendant deux jours consécutifs. Si, au lieu de se servir de suc gastrique, on se sert de suc pancréatique, les résultats qu'on obtient sont tout à fait semblables. Enfin, lorsqu'on tue les Ascarides avant de les plonger dans les sucs digestifs, ces êtres sont alors rapidement dissous. Ces expériences montrent très nettement qu'il existe, même parmi les organismes inférieurs que l'on rencontre dans le tube digestif, des espèces qui sont très sensibles à l'action des sucs gastrique et pancréatique, et d'autres qui leur sont plus ou moins réfractaires. CoNTEjKAN a soumis à l'action du suc gastrique m vivo des tissus très vascularisés, appartenant au même animal sur lequel il a fait son expérience. Il a introduit et fixé, par une suture dans la cavité stomacale d'un chien, une anse de l'intestin grêle de ce même animal, en ayant soin de respecter la circulation mésentérique. Les animaux ainsi opérés ne succombent pas tout de suite, comme ceux de Viola et Gaspardi. Toutau contraire, ils vivent quelques mois, et présentent pendant cette période un appétit excel- lent suivi de digestions très actives. Néanmoins, si l'on sacrifie ces animaux au bout d'un certain temps, on trouve l'anse intestinale introduite dans l'estomac manifestement atta- quée par le suc gastrique. Dans quelques cas, cette anse est même perforée en plusieurs endroits, et le contenu intestinal se vide régulièrement dans l'estomac sans provoquer le moindre trouble digestif. La surface de ces ulcérations de la paroi intestinale est en général recouverte par une muqueuse de nouvelle formation, provenant soit de la muqueuse gastrique, soit de la muqueuse intestinale. Cette expérience ayant été faite avec les tissus d'un même animal prouve, encore plus que celle de Pavy, que le suc gastrique ne respecte pas tous les tissus vivants. La même conclusion se dégage des expériences de Ruzicka. Cet auteur a observé que l'épithélium vivant de la langue de la grenouille se digère rapidement au contact du suc gastrique. Bien mieux, Ruzicka prétend que cet épithéiium se digère tout aussi rapide- ment lorsqu'il est vivant que lorsqu'il est mort. Nous voyons donc par ces expériences que, si l'estomac résiste à l'auto-digestion, ce n'est pas seulement parce qu'il est vivant, mais aussi parce qu'il possède une organisa- tion particulière qui le met à l'abri des attaques du suc gastrique. Au point de vue de cette organisation, l'épithélium stomacal doit être placé au premier rang, car, d'après les expériences de Ruzicka, cet épithéiium otfre une résistance considérable à l'action digestive du suc gastrique, même après la mort. Toutefois, étant donné que la destruc- tion partielle de ce tissu n'entraîne pas l'auto-digestion de l'estomac, il faut bien admettre, avec Matthes et avec Fermi, que la vie suffit par elle-même pour empêcher, tout au moins pendant longtemps, la digestion de n'importe quel tissu par le suc gastrique. Cette pro- tection doit se faire par l'intermédiaire du sang, qui, en rendant la réaction des tissus alcaline, supprime par cela même l'activité de la pepsine. La théorie de Fermi, que les tissus vivants détruisent les ferments digestifs, ne peut pas être appliquée à la pepsine. On sait, en effet, que cette enzyme se trouve un peu partout dans l'économie animale (Brucke et Kuhne). Dans ces derniers temps, Freund a prétendu que la tension intra- cellulaire pouvait expliquer cette résistance des cellules vivantes aux ferments digestifs. Pour montrer que cette hypothèse est très vraisemblable, il a fait l'expérience suivante : Dans un petit sac, dont les parois sont formées par du papier filtre et par un tissu de soie, il introduit un flacon de fibrine et diverses substances capables de se gontler par hydratation, comme par exemple la gomme, la gélatine, l'agar-agar, etc. Après avoir lié fortement le sac, de façon à comprimer autant que possible son contenu, il le plonge dans une solution de chlorure de sodium à i p. 100. Au contact de ce liquide, les ESTOMAC. 849 matières nommées plus haut se gonflent, et ce gonflement provoque une nouvelle augmentation de pression dans l'inte'rieur du sac. Celui-ci est alors retiré de la solution saline et mis à digérer dans une solution acide de pepsine à la température de 40". Un autre sac témoin, préparé de la même façon, mais non comprimé, est aussi mis à digérer dans cette solution de pepsine. Au bout d'un quart d'heure de digestion, on ne trouve plus de trace du flocon de fibrine dans ce dernier sac, tandis que dans le premier le flocon de fibrine est encore intact, même après vingt-quatre heures de digestion. Freund s'est assuré que le sac comprimé, qui est imperméable pour la pepsine, se laisse traverser facilement par un grand nombre d'autres substances, telles que l'acide chlorhydrique, le sucre et la peptone, et il conclut que les choses doivent se passer de même dans le corps de la cellule vivante. Cette conclusion nous semble cependant un peu osée, car les dispositifs employés par Freund dans ses expériences est loin de repro- duire les conditions physico-chimiques de l'absorption cellulaire. De plus, si cette hypo- thèse était exacte, on ne comprendrait pas comment la pepsine peut être absorbée par le tube digestif. Freund lui-même est obligé de convenir que cette absorption existe, mais il dit qu'elle est extrêmement faible, et qu'elle peut se faire par l'estomac, au lieu de se faire <à travers les parois cellulaires. En tout cas, il ne fournit aucune preuve à l'appui de celte nouvelle supposition. Conclusion. — Importance des fonctions de l'estomac. — Czerny et ses élèves Kaiser etScRiBA ont cherché, pour la première fois (1876), à se rendre compte de l'impor- tance des fonctions de l'estomac, en essayant de pratiquer l'extirpation de cet organe chez le chien. Un des animaux opéré par ces auteurs vivait encore, cinq ans après l'opération, lorsqu'il fut envoyé au laboratoire de physiologie de Leipzig, où Ludwig fit son autopsie. L'animal, quf avait été sacrifié en pleine digestion, présentait au niveau de la portion cardiaque de l'estomac une poche remplie d'aliments. En présence de ce résultat incom- plet, et étant donné la difficulté d'enlever la totalité de l'estomac chez le chien, Ludwig et son élève Ogata eurent recours à une autre méthode pour étudier les effets produits par la suppression des fonctions gastriques, afin d'en déduire l'importance de celles-ci dans l'économie animale. Ils pratiquèrent sur des chiens une fistule intestinale un peu au- dessous du pylore, par laquelle ils introduisaient les aliments directement dans le duo- dénum. En même temps, ils obturaient l'orifice pylorique à l'aide d'un ballon en caout- chouc, de façon à éviter le passage du suc gastrique dans l'intestin. Dans ces conditions, les animaux vivaient plusieurs jours sans présenter de trouble appréciable. Mais il fallait les alimenter avec des substances finement divisées ou à l'état liquide. Pour être assimilée, la viande, même hachée, devait être introduite dans l'intestin à l'état cru ; la viande cuite était rejetée à peu près intacte par l'anus. La peau de porc hachée et bouillie était, au contraire, digérée beaucoup plus complètement que la peau crue. La composition des fèces ne différait en rien de celle des fèces normales. Cependant, de temps à autre, on y trouvait le tissu conjonclif de la viande moins attaqué qu'à l'état normal. Enfin, avec deux ingestions d'aliments par jour, les animaux se maintenaient en équilibre de nutrition. Malgré leur défectuosité, ces expériences prouvent que l'intestin et ses organes annexes, dans certaines conditioiis d'alimentation, suïiisenl ponv accomplir tout le travail chimique nécessaire à la digestion complète des aliments. Néanmoins, comme l'estomac dans ces expériences n'était pas enlevé, on n'avait pas le droit de conclure que cet organe n'était pas nécessaire à la vie; car, en dehors de ses fonctions digestives proprement dites, on pouvait lui supposer d'autres fonctions s'exer- çant par d'autres voies, fonctions indispensables à la vie. Ce doute était d'autant plus permis que nous savons que beaucoup d'organes glandulaires possèdent, à côté de leur sécrétion externe, des sécrétions internes qui sont aussi fort importantes. Tel était l'état de cette question lorsque, en 1893, Paciion et moi nous en reprîmes l'étude, en nous servant de la même méthode qui avait été déjà employée par Kaiser et ses élèves. Après quelques insuccès, nous avons été assez heureux pour conserver en vie un chien auquel nous avions fait l'ablation aussi totale que possible de l'estomac, le 22 juin de la même année. Ce chien, qui pesait 10''", 100 le jour de l'opération, pesait, DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 54 850 ESTOMAC. cinq mois après, 10''^', 600, et présentait à ce moment l'aspect général de la plus parfaite santé. L'histoire de cet animal peut se diviser en trois périodes correspondant aux trois genres d'alimentation que nous avons dû successivement lui donner. Première période {22 juin- 10 juillet). Alimentation liquide. — Dès le quatrième jour de l'opération, nous fîmes prendre du lait à cet animal. Le lait fut continué pendant les vingtpremiers joursà ladose quotidienne de 1 litre et demi, que nous donnâmes d'abord par précaution bouilli, pendant la première semaine, puis cru. Il nous a été ainsi permis de constater que chez l'animal privé d'estomac la digestion du lait était très imparfaite; les fèces étaient en grande partie diarrhéiques, et l'on y retrouvait des grumeaux de caséine d'une façon constante. Toute alimentation solide était alors impossible. Quelques miettes de pain avalées par l'animal étaient à peine tolérées deux ou trois minutes et suffisaient à provoquer un vomissement. Le lait lui-même, du reste, pour être toléré, devait être bu par le chien à petites gorgées, se succédant à des demi-heures ou des heures d'intervalle; si la quantité prise en une fois dépassait 60 à 80 grammes, le vomissement ne tardait pas à se pro- duire. Aussi à ce moment-là ne se passait-il pas de jours sans que l'animal dût maintes fois rejeter la nourriture qu'il venait de prendre. Deuxième période (10 juillel-10 août). Alimentation pâteuse. — Il fallait dès lors obvier à ce double inconvénient d'une nourriture lactée exclusive et imparfaitement digérée. A cet effet, on donna à l'animal, du 10 juillet au 10 août, la bouillie banale des nourrissons (100 à 150 grammes de farine de blé délayée et cuite dans du lait). Celte nouvelle nour- riture fut mieux digérée; les fèces toutefois étaient encore en partie diarrhéiques, et le poids du chien, qui était descendu à 8'''',600 le 10 juillet, n'était remonté qu'à 0 kilo- grammes le 10 août. Pendant toute celte période, comme pendant la précédente, un phénomène assez remarquable était l'impression de lassitude, de fatigue, d'abattement même, ressentie par l'animal, pendant le premier moment qui suivait chaque absorption d'aliments. Cet état avait une durée variable, de dix minutes à une demi-heure. Troisième période (10 août-2b novembre). Alimentation solide. — A la date du 10 août, on put enfin donner une alimentation solide à l'animal, une soupe composée de 250 grammes de viande (de cheval) hachée et cuite, et de 150 grammes de pain. Le chien mange cette soupe peu à peu, en prend quelques bouchées, dès qu'on la lui donne, puis se retire, y revient un moment après, et l'achève ainsi, à intervalles divers, en douze à quatorze heures ; il est intéressant de voir comme il mâche pendant quelque temps les morceaux de viande, avant de les avaler, ce que ne fait pas le chien normal. Les vomis- sements alimentaires ont beaucoup diminué de fréquence, sans toutefois avoir com- plètement disparu. C'est que l'animal s'est appris, à vrai dire, à régler son bol alimen- taire, et à ne pas dépasser, chaque fois qu'il mange, la quantité d'aliments tolérée par son intestin. Les aliments chauds provoquent plus particulièrement le vomissement. Dans ces conditions, la digestion de la viande cuite a toujours été beaucoup plus par- faite que celle de la viande crue. Cela résulte non seulement de l'état physique des fèces, mais encore de nombreux dosages d'azote total faits comparativement dans les aliments et dans les fèces. On voit par ce tableaix que, pour une ration alimentaire composée de 10 grammes d'azote environ, le chien en a excrété par les fèces une moyenne de Os'',9o à 1 gramme par jour, quand la viande de l'alimentation était cuite; de 18%7 à 18^8 quand la viande était crue et non hachée, et de is^^o à [s^,C} quand la viande était crue et hachée. Ces résultats ne concordent pas avec ceux de Ludwig et Ogata ; mais il faut se rendre compte qu'on ne peut établir aucune comparaison entre les expériences de ces physiologistes et les nôtres. Le tissu connectif (tendons, aponévroses) est absolument inattaqué, et se retrouve intact dans les fèces, tandis que chez un chien normal témoin il est bien digéré. Quant aux phénomènes de réaction générale présentés par ce chien, pendant la digestion, ils ne se distinguaient en rien de ceux qu'on voit à l'ordinaire sur un cliien normal. L'état de somnolence, qui succédait à chaque absorption d'aliments pendant les deux premières périodes, avait absolument disparu. ESTOMAC. 851 Tableau des dosages d'azote total dans les aliments et les fèces. ALIMENTATION. FÈCES. DATK. NATDRE ET POIDS^ (les aliments. AZOTE alimoQ- taire. DATE. ! POIDS.] AZOTE total. 1" octobre. . . \'iande de cheval cuiie. 2.")0b''j Pain sec l-'iO ] 9.8 2 octobre . 81e'- 1 ,023 2 — ... klciu. 9,8 3 — 70 0,9 i6 3 — ... Idem. 9,8 4 — 60 0,972 4 — ... Idem. 9,8 :; — 80 l,03i 5 — ... Idein. 9,8 G — :i."i 0,981 6 — ... Idem. 9,8 7 — 72 1,062 7 — ... 8 — ... Idem. Idem. 9,8 9,8 8 9 — 54 49 2,041 9 — ... Idem. 9,8 10 — 61 0.982 10 — ... Idem. 9,8 11 — 50 0,956 Jl — ... Idem. 9,8 12 — 67 0,938 12 — ... Idem. 9,8 13 — 49 0,946 13 — ... Idem. 9,8 14 — 55 1,031 14 — ... Idem. 9,8 15 — 60 2,083 1.0 — ... Idem. 9,8 16 — 65 16 — ... Idem. 9,8 17 — 58 1,010 n — ... Idem. 9,8 18 — 65 1,036 18 — ... Idem. 9,8 19 . — . 45 0,978 19 - ... Ideai. 9,8 20 — 55 0,964 20 — ... Viande crue non hachée. 2o0e'' Pain .sec l.liO j 0,8 21 — G5 1,827 21 — ... 22 Idem. Idem. 9.8 9,8 22 23 — 70 80 3,502 23 — ... Idem. 9.8 24 — 75 1,7 k; 24 — ... Viande crue hachée. . . 2.ï0e"- Pain sec 150 9,8 25 — 65 1,710 25 — ... Idem. 9,8 26 — 66 1,672 26 — ... Idem. 9,8 27 — - 67 1,542 27 — ... dem . 9,8 28 — 60 1,497 28 -- ... Idem, 9,8 29 — 68 3 ^'01 29 — ... Idem. 9.8 30 — 60 30 — ... Idem. 9.8 31 — 60 1,652 Réaction du contenu duodémtl. — Comme le chien vomissait facilement, il a été loi- sible d'examiner la réaction du contenu duodénal, à divers moments de la digestion. Si l'on fait pi^endre au chien, à jeun, une nourriture neutre, le magma des matières vomies après une demi-heure est neutre (examiné au phénol-plitaléine, à la tropéoline et au tournesol); le magma de matières vomies après deux et trois heures est franche- ment acide, et les réactifs différentiels (rouge du Congo et tropéoline) indiquent qu'il s'agit ici d'une acidité organi({ue et non minérale. Réaction de l'arine. — L'urine a toujours donné une réaction franchement acide, soit le matin, à jeun, soit au moment de la digestion. Tolérance de la viande corrompue. — Le 22 novembre, 2b0 grammes de viande de cheval sont mis à l'étuve, à 37°, pendant vingt-quatre heures. La viande, dégageant une forte odeur de putréfaction, est alors donnée par moitié, d'une part à un chien nor- mal, d'autre part au chien sans estomac. Aucun signe d'intoxication ne s'est mani- festé chez les deu.x animaux, ni le jour de l'expérience, ni les jours qui ont suivi. Cette expérience, répétée un certain nombre de fois, a toujours donné le même résultat. On peut donc dire, contrairement aux idées de Bunge, que la présence de l'estomac n'est nullement nécessaire à la défense de l'organisme contre les infections venant par l'appa- reil digestif. Ajoutons, pour terminer l'histoire du chien agastre, que cet animal succomba à la suite 852 ESTOMAC. d'une nouvelle opération (extirpation de la rate) et qu'à l'autopsie, nous trouvâmes l'in- testin grêle hypertrophié se continuant sans démarcation appréciable avec l'œsophage. Toutefois, en incisant longitudinalement cette portion de tube digestif, nous avons pu remarquer l'existence d'un reste de muqueuse stomacale correspondant à l'orifice car- diaque ; mais, ainsi qu'il était à prévoir, cette région de la muqueuse manquait de glandes pepliques. Notre observation restait donc valable à bien des points de vue, car nous avions complètement extirpé les éléments qui font de l'estomac un organe véritable- ment différencié et spécifique, c'est-à-dire les éléments glandulaires peptiques et les éléments moteurs. Peu de (emps après la publication de notre expérience, de Filippi et Monari publièrent de leur côté une expérience semblable. Le chien opéré par ces auteurs conservait aussi une petite portion du cardia qui avait échappé à l'extirpation. Au point de vue diges- tif, ce chien présentait les mêmes particularités que le nôtre. 11 digérait beaucoup mieux la viande cuite que la viande crue. Les fèces étaient absolument normales et n'offraient d'autre phénomène caractéristique que l'absence constante des acides biliaires. Ce fait avait été déjà signalé par Ogata. Les urines de ce chien ne présentaient non plus aucun caractère distinctif. Découragés par nos tentatives infructueuses d'extirpation complète de l'estomac chez le chien, et voulant quand même trancher définitivement la question de savoir si la vie était possible sans estomac, nous avons changé de sujet d'expérience, ce qui nous a per- mis d'atteindre le but que nous poursuivions. Le chat se prête admirablement à l'opé- ration de la gastrectomie absolument totale. Grâce à l'extrême mobilité du tube digestif au point de son passage à travers le diaphragme, on peut, chez cet animal, réséquer même une partie de l'œsophage. Nous sommes donc arrivés, avec un peu de patience, à conserver en vie un chat auquel nous avions extirpé totalement l'estomac le 20 novembre |894. L'observation de cet animal présentait beaucoup d'analogies avec celle du chien. Comme celui-ci, le chat sans estomac digère mal le lait et la viande crue ; mais, lorsqu'on lui donne des aliments convenables, il en profite suffisamment pour se maintenir en équilibre de nutrition. C'est ainsi que ce chat, dont le poids était de 2 kilogrammes le jour de l'opération, pesait, le 7 mars 1895, soit trois mois et demi après l'opération, 2 kil. ILiO. On peut donc conclure que, pour juger in vivo de la valeur quantitative et qualitative de la digestion pancréatico-intestinale, les expériences de gastrectomie presque totale sont aussi démonstratives que les expériences de gastrectomie totale. La seule différence profonde qui existait, sous le rapport digestif, entre ces deux animaux sans estomac, consistait en ce fait que le chat agastre a présenté pendant sa survie post-opératoire une très grande paresse à se nourrir. Cette paresse, très nette pen- dant les deux premiers mois qui suivirent l'opération, semblait avoir disparu au troi- sième mois. Tandis que nous avions été obligés jusqu'alors de suppléer souvent par le gavage à l'insuffisance de l'alimentation volontaire, l'animal s'était mis à manger spon- tanément la nourriture que nous lui donnions, nourriture constituée par une bouillie faite de lait, farine de riz, œufs et sucre. Mais ce nouvel état de choses fut passager, et nous fûmes de nouveau obligés de gaver notre chat qui refusait de se nourrir spon- tanément. Ave^; le gavage, la digestion se faisait convenablement, et l'animal se mainte- nait en équilibre de nutrition. On assistait à ce fait curieux que l'animal était capable de digérer l'alimentation qui lui était offerte, mais paraissait ne ressentir aucun besoin de manger. Quel que fût l'aliment présenté à notre opéré, qu'on lui présentât de la viande cuite ou crue, une solution de sucre, un morceau de poumon, dont les chats sont ordinairement si avides, notre chat restait impassible devant cette nourriture; et il refusait de manger spontanément. Finalement, las des soins que nous devions donner à cet animal, nous l'abandonnâmes à lui-même, et il mourut six mois après l'opération, sans que l'autopsie, faite minutieusement, nous révélât la moindre trace de lésion dans aucun de ces organes. Nous avons cherché à interpréter ce résultat, et nous avons supposé que la perte de la faim chez cet animal pouvait être en rapport avec la disparition de l'estomac en tant qu'organe scnsitif périphérique. Malheureusement il n'est guère facile de confirmer cette opinion par de nouvelles expériences. ESTOMAC. 853 Toutefois, ScHLATTER, cjui a réussi à extirper totalement l'estomac, chez uue femme atteinte d'un cancer diifus, s'étendaiit du cardia au pylore, ne fait aucune allusion à ces phénomènes d'inappétence. Cette femme, qui fut opérée le C septembre 1897, fut ali- mentée d'abord au moyen de lavements nutritifs; mais elle essaya, dès le lendemain de l'opération, de prendre par la bouche un peu de thé au lait qu'elle supporta très bien; puis peu à peu elle but de plus grandes quantités de lait, de vin et de bouillon. Ce n'est que vingt jours après l'opération qu'on essaya de la nourrir au moyen d'aliments solides, finement divisés et par petites quantite's à la fois. A part quelques vomissements, cette alimentation fut si bien supportée que, deux mois après l'opération, l'aujjimenta- lion de poids de la malade était de plus de quatre kilogrammes. Hoffmann et Wroblewski ont fait sur cette femme quelques recherches intéressantes. Le premier de ces auteurs a dosé l'azote de l'alimentation des fèces et des urines à une période assez avancée, quatre et cinq mois et demi après l'opération. Il a trouvé ([ue, malgré l'absence de l'estomac, l'échange des matières azotées et l'assimilation d'e ces matières se faisait normalement. En effet, cette femme assimila, pendant les six jours que durèrent les premières recherches, 4a'", 24 d'azote, soit 2GS','.) d'albumine; et, pen- dant les neuf jours que durèrent les secondes, 14 grammes d'azote, soit ISTs^o d'albu- mine. Les dosages de chlorure de sodium, faits par ce même auteur, montrèrent en outre que c'était bien l'albumine circulante qui était assimilée. Quant aux graisses, leur assi- milation se rapprochait beaucoup du chiffre normal, la malade ne perdant dans les selles que o,5 p. 100 des graisses ingérées. Wroblewsri a étudié aussi avec beaucoup de détail la composition chimique de l'urine et des fèces de cette femme. 11 a constaté que les acides sulfo-conjugués se trou- vaient en petite quantité dans l'urine, ce qui prouve que les processus de putréfaction intestinale n'étaient pas très développés, malgré l'absence de l'acide chlorhydrique. Un fait important, relatif à la composition de l'urine, était la faible teneur en chlore de ce liquide. Wrodlewski voit là un argument en faveur de la théorie de l'origine alimentaire de l'acide chlorhydrique du suc gastrique. L'urine de cette femme présentait en outre une très forte acidité. On sait qu'après le repas de midi la réaction de l'urine est nor- malement faiblement acide, neutre ou alcaline. Contrairement à ce résultat, Wroblewski a trouvé que l'acidité de l'urine chez la malade gastrectomisée était à ce moment de 18 et 20 unités d'acide. Les fèces de cette femme contenaient, comme à l'état normal, de l'indol, du scatol et des acides biliaires libres. Ces derniei^s corps ne prendraient donc pas naissance sous l'influence de l'acide chlorhydrique, ainsi que Ogata l'avait soutenu. En exan)inant une fois les matières vomies par cette femme, Wroblewsivi a constaté que ces matières avaient une réaction fortement acide; mais cette acidité était due à l'acide lactique. Enfin, dans la masse des substances vomies, Wroblewski a pu remarquer la présence des matières colorantes de la bile et de très fortes quantités d'acides biliaires. Cette femme, qui a été l'objet de tant de recherches, est morte quatorze mois après l'opération, à la suite d'une généralisation cancéreuse, dont le point de départ fut les ganglions mésenlériques. Toute une année elle a vécu sans estomac, n'éprouvant ni douleurs, ni troubles digestifs appréciables. Dans les premiers jours de septembre 1898, elle a commencé à se plaindre de douleurs dans l'hypochondre gauche, après l'ingestion d'aliments solides. Le 2 décembre, on sentait déjà une tumeur du volume d'une tête d'enfant. Dès lors la marche de la maladie fut rapide, et la femme gastrecto- misée succomba le 29 décembre. A l'autopsie, on trouva que ni l'œsophage, ni l'intestin ne présentaient aucune dilatation sacciforme faisant l'office d'estomac. Il est vrai que le segment inférieur de l'œsophage était légèrement dilaté; mais cela n'avait aucune ana- logie avec un réservoir pour les aliments. L'extirpation de l'estomac, chez celte femme, fut donc complète, ainsi que le faisait prévoir l'examen microscopique des parties enle- vées par l'opération. On peut donc conclure de ces diverses expériences que l'estomac, quelque essentielles que soient ses fonctions, n'est pas immédiatement indispensable à la vie, et que d'autres organes peuvent lui suppléer, soit comme organes de digestion, soit comme organes de défense contre les infections, soit comme organes de sécrétion interne. En tout cas, il est 854 ESTOMAC. le véritable régulateur du travail digestif de l'intestin. Il permet de prendre dans un seul repas prescfue tout l'aliment nécessaire à l'entretien dejla nutrition, sans occasionner aucune surcharge à l'intestin. Il contribue à la division et à la trituration des substances alimentaires, rôle extrêmement important, surtout chez les espèces granivores qui n'ont pas de dents. Il prend certainement une part active à la transformation chimique des principes albuminoïdes. Enfin, quoique les propriétés antiseptiques du suc gastrique aient été beaucoup exagérées, il est indéniable que l'estomac tue, en grande partie, les microbes pathogènes qui pénètrent dans le tube digestif avec les aliments. J. CARVALLO. Bibliographie'. — Estomac en général. — Claude Bernard. Lee. sur les propriétés; physiol. et les altérations pathol. des liquides de Vorganisme, 2 vol. 1859; Leç. de Phijsiol. expérim., 1856, ii. Du suc gastrique et de son rôle dans la nutrition, D. Paris, 1843. — BiDDER et ScHMiDT. Die Verdauungssdfte und der Stoffwechsel. Mittau et Leipzig, 1832. — Blondlot. Traité analytique de la digestion. Paris, in-8, 1843. — Bouchardat et Sandras. Rech. sur la digestion [A.Chim. Fhys., 1842, v, 478-492). — Carvallo (J.). et Paghon (V.). Recherches sur la digestion chez un chien sans estomac (A. d. P., 1893, (S), vi, 106-112). [Trav. du Lab. de Physiol. de Ch, Richet, 1893, ni, 443-458). Considérations sur l'autopsie et la mort d\m chat sans estomac [A. d. 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Pour faciliter la recherche, nous avons groupé autant que possible les travaux et les mémoii-es en divers chapitres distincts; mais il faut se rappeler que cette distinction est le plus souvent assez artificielle, et que, pai- exemple, pour étudier l'hstoire do la pepsine, il ne faut pas se con- tenter de consulter les mémoires inscrit à la rubrique Pepsine; mais que bien d'autres chapitres [Peptonisation, sécrétion stomacale, etc.) doivent aussi être consultés. J. C. et Ch. Pv. ESTOMAC. 855 normalen und abnormen Verhdltnissen [Chem. Central., 1895, i,287). — Riasantsew (N.).Sur le suc gastrique du chat [Arch. des Se. Mol. Saint-Pétersb., 1894, m, 216-225). — RiCHET (Ch.). Du suc gastrique chez Vhomme et les animaux {Journ. de l'Anat. et de la physioL, 1878, xiv, 170-333; et 1 vol. in-8, Paris, Germer Baiilière, 1878). — Schiff (M.). Leçons sur la physiologie de la digestion, 2 vol., 1868, Genève. — Schoumow Sima- NOWSKi. 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Eine der wesenllichen Bedirigungen des Durchganges der Speise aus dem Magen in dem Darme {An. in. Jahresb. ù. d. Fortschr. des Physiologie, 1899, viii, 214). — Wertheimer (E.). Inhibition réflexe du tonus et des mouvements de l'estomac, Paris, Masson, 1894, in-8, 7 p. Sommaire. I. Anatomie et Histologie, 1)11. A. Caractères anatomiques dilïérentiels, 577. — B. Évolution dans la série animale. — a. Inver- tébrés, 580; — ^. Vertébrés. 1. Poissons, 580; 2. Batraciens, o82,- 3. Reptiles, 584; 4. Oiseaux, 588; 5. Mammifères, 592. II. Physiologie. I. Étude analytique, 600. 1° Suc gastrique. — A. ^léthodcs pour l'obtention du suc gastrique — 1. Suc gastrique naturel. — a. Procédés anciens, 602; b. Fistules gastriques, 602; e. Pompe stomacale, 610. — 2. Suc gastrique artificiel, 610. — B. Valeur comparative des méthodes, 611. — C. Propriétés géné- rales du suc gastrique, 611. — D. Composition chimique, 612. — E. Éléments essentiels du suc gastrique. — a. Acidité, 613; b. Autres acides du suc gastrique, 615; c. État de l'acide chlorhydrique dans le suc gastrique, 617; d. Méthodes d'analyse de l'acidité, 620; d\. Recherche de l'acide chlorhydrique, 620; (/2. Recherche des acides organiques, 623; di. Dosage de l'aci- dité totale, 624. — a. Méthodes colorantes, 623. — p. Méthodes par incinération, 626. — y. Autres méthodes, 631. — e. Valeur comparative de ces métliodes, 634. — f. Rôle de l'acide chlorhydrique dans la digestion, 635; Rôle digestif, 635; Rôle antiseptique, 637. — p. Ferments du suc gastrique, 639. — A. Pepsine. — a. Découverte et méthodes d'obtention, 639; b. Nature de la pepsine; c. Propriétés générales de la pepsine; d. Diverses variétJs de pepsine: e. Fonc- tion chimique de la pepsine; f. Conditions d'activité de la pepsine; f/. Variation que subit la digestion peptique suivant la nature et l'état des protéides qu'on met à digérer; /). Influence des produits de la digestion peptique sur l'activité de la pepsine, 657; /. Substances qui modiiient l'activité de la pepsine, 658; y. Procédés de mesure de l'activité des solutions peptiques, 639; k. Valeur comparative, 664; /. Conditions de la mesure de l'activité des solutions peptiques, 666; m. Lois d'activité de la pepsine, 667; n. Puissance de la pepsine, 672. — B. Labferment; a. Découverte et méthodes d'obtention, 674; h. Variétés du labferment, 675; c. Fonction chi- mique, 677; (/. Conditions d'activité, 686; d\. Réaction du milieu, 686; di. Température, 688; (/s. Etat et nature du lait, 692; e. Influence des sels sur la coagulation du lait par le labferment, 694; f. Influence d'autres substances sur la coagulation du lait par le labferment, 695 ; r/. Pro- cédés de mesure de l'activité des liqueurs coagulantes, 696; h. Lois d'activité du ferment, 700; i. Puissance du labferment. — C. Ferment amylolytique, 702. — F. Autres éléments du suc gastrique, 703; mucus stomacal, 703; sels du suc gastrique, 704. 2" Mécanisme et mnrche générale des sécrétions stomacales, 10'). — A. Sécrétion acide de l'estomac; a. Eléments cellulaires qui forment l'acide chlorhydrique, 706; i. Origine et formation de l'acide chlorhydrique, 708; c. Physiologie comparée de la sécrétion acide, 712; d. Variations delà sécrétion clilorhydrique dans les diverses conditions physiologiques, 714; e. Variations dans les diverses maladies, 719; f. Action de quelques agents physiques et chimiques sur la sécrétion chlorhydrique, 720. — E. Sécrétion muqueuse, 733. — F. Formation des sels et de l'cai;, 7.54, — G. Variations quantitatives du suc gastrique, 733. — II. Durée des sécrétions gastriques, 739. — K. Mode de sécrétion de l'estomac, 761. — L. Valeur comparative des divers modes de sécrétion, 767. -^M. Conditions qui déterminent le travail de sécrétion de l'estomac, 769; a. Nature de l'excitant des glandes gastriques, 769; b. Mode d'action des exci- tants des glandes gastriques, 773; c. Rôle du système nerveux dans les sécrétions gastriques, 774; d. Rôle de la circulation dans les sécrétions gastriques, 77S. II. Fondions d'absor/)lion de l'estomac, 778. — A. Procédés d'étude, 778. — B. Capacité d'absorp- tion, 779. — C. Mécanisme, 780. — D. Variations, 781. — E. Influence de quelques substances, 781. — F. Rôle du système nerveux et de la circulation dans l'absorption stomacale, 781. III. Fonctions motrices de l'estomac, 782. — .4. Procédés d'étude, 782. — B. Excitabilité de l'estomac, 78i. — C. Mouvements de l'estomac, 788. — D. Physiologie comparée des mouve- ments de l'estomac, 794. — E. Variations des mouvements de l'estomac dans les diverses fonc- tions physiologiques et pathologiques, 704. — F. Action de quelques substances sur les mouve- ments de Testomac, 793. — G. Effets produits j)ar les mouvements de l'estomac sur la masse alimentaire, 796. — //. Pression intra-stomacale, 797. — /. Conditions qui déterminent les mouvements de l'estomac à l'état normal, 797 ;«. Excitants normaux et mode d'action de ces excitants, 797; b. Rôle du système nerveux, 798; c. Rôle de la circulation, 804. II. Digestion stomacale, 805. A. Analyse et marclu' générale des phénomènes qui se produisent dans l'estomac pendant la digestion. — a. Phénomènes sècrétoires, 803; /;. Phénomènes chimiques, 805; c. Phénomènes 876 ETAIN. d'absorption, 807; cl. Phénomènes moteurs, 807; e. Phénomènes nerveux, 808; f. Phénomènes circulatoires, 808; g. Phénomènes thermiques, 808; h. Phénomènes électriques, 809. — B. Phy- siologie comparée de la digestion stomacale, 809; a. Poissons, 809 ; b. Batraciens, 810; c. Rep- tiles, 810; (/. Oiseaux, 8M ; e. Mammifères, 812. — C. Digestibilité des aliments dans l'estomac, 821. — D. Examen du contenu stomacal, 82 i ; «. Examen dhimique, 824; b. Examen microsco- pique, 826; c. Parasites de l'estomac, 830. — E. Variations de la digestion stomacale dans les diverses conditions physiologiques et pathologiques, 834. — a. Age, 834; i. Sexe, 834; c. État de repos et d'activité, 835; d. Influences nerveuses, 835; e. Influences pathologiques, 835. — F. Action do quelques agents physiques et chimiques sur la digestion stomacale, 836; a. Température, 836; b. Électricité, 836; c. Actions mécaniques, 836; d. Actions chimiques, 837. — G. Influence de la digestion stomacale sur les autres fonctions de l'organisme, 840. — H. Autodigestion, 840; a. Théorie du mucus, 840; b. Théorie de l'épithélium, 8il;c. Théorie de l'alcalinité du sang, 843; d. Théorie de l'enlèvement des principes digérants par la circulation, 844; e. 'riiéorie nerveuse, 845; f. Théorie vitale, 845. — Conclusion. Importance des fonctions de l'estomac, 849. III. Bibliographie, 854. — Estomac en général, 854. — Digestion stomacale en général, 855. — Composition normale du suc gastrique, 856. — Fistule gastrique (sur l'animal). Procédés opératoires, 856. — Fistules gastriques chez l'homme, 857. — Acide du suc gastrique. Dosage qualificatif et quantitatif, 858. — Pepsine 862. — Labferment. Présure. Coagulation du lait, 862. — Action du suc gastrique sur l'albumine. Peptonisation, 864. — Digestion des hydrates de carbone, 865. — Digestion dos graisses, 865. — Sécrétion stomacale, 866. — Rapports de la sécrétion avec la morphologie de la muqueuse stomacale, 867. — Rapports de la sécrétion gastrique avec la réaction de l'urine et du sang, 868. — Antodigeslion de l'estomac, 868. — Action ' antiseptique. Fermentations microbiennes stomacales, 868, — Action de la bile sur la diges- tion gastrique, 870. — Action de diverses substances sur la digestion gastrique, 870. — Phy- siologie comparée, 871. — Physiologie pathologique, 872. — Absorption dans l'estomac, 873. — Mouvements de l'estomac, 873. J. C. et CH. R. ETAIN (Sn:=H8). — Chimie. —L'étain pur est un métal blanc jaunâtre, mou, malléable, à texture cristalline; il fond à 228°, sa densité est de 7,1.11 ne s'altère pas sen- siblement à l'air à la températtire ordinaire, mais sous l'iniluence de la chaleur il s'oxyde et se convertit d'abord en protoxyde SnO, puis en bioxyde SnO^. A ces deux oxydes correspondent deux séries de sels; les sels stanneux et les sels stanniques. L'acide sulfurique n'attaque pas l'étain à froid. L'acide clilorhydrique concentré le dissout; il se forme du protocblorure d'étain, sel cristallisé en petites aiguilles, de saveur styptique et d'odeur désagréable; le proto- chlorure d'étain est soluble dans ime petite quantité d'eau ; si la proportion d'eau ajoutée est plus considérable, il se décompose en donnant un oxyclilorure insoluble. Pour avoir une solution limpide de chlorure d'étain, il faut y ajouter une certaine quantité d'acide chlorhydrique. Le protochlorure d'étain est un réducteur énergique. Le bichlorure d'étain, liqueur fumante de Libavil's, SuCl', s'obtient en faisant passer un courant de chlore sur de l'étain légèrement chauffé; c'est un liquide incolore, qui répand à l'air des fumées blanches; il se dissout dans l'eau en formant un hydrate; c'est un liquide très caustique et corrosif, qu'on a*mployé en thérapeutique dans le traitement des ulcères cancéreux. Nous ne parlerons pas des autres sels d'étain à cause de leur peu d'importance pour le piiysiologiste. L'étain est surtout employé à l'état métallique ou sous forme d'alliage. L'étain pur, laminé en feuilles minces, sert à envelopper diverses substaïKies ali- mentaires. On recouvre fréquemment les surfaces de certains métaux d'un dépôt superficiel d'étain dans le but d'éviter l'oxydation de ces métaux : c'est l'étamage (fer-blanc). Comme on considère l'étain comme inoffensif, on emploie fréquemment l'étamage comme préser- vatif des métaux qui peuvent être toxiques et servent à la préparation des substances destinées à l'alimentation (vaisselle de cuivre étaniée). L'étain du commerce est rarement pur, il renferme d'ordinaire des traces d'arsenic; on y trouve aussi du fer, du plomb, de l'antimoine. L'étain pur, en raison de sa texture, ne peut pas être employé à la fabrication des ETAIN. 877 divers objets usuels; mais l'étain entre dans la composition de nombreux alliages. Les fabricants additionnent l'étain de quantités variables de plomb; les vases en étuin pour mesurer les liquides contiennent de ii à 10 p. 100 de plomb; cette composition est régle- mentée par l'autorité, pour sauvegarder l'intérêt des consommateurs, la plupart des accidents toxiques causés par l'usage de la vaisselle d'étain étant dû au plomb ou à l'arsenic qu'elle renferme, lesquels, se dissolvant dans les produits alimentaires, pénètrent dans l'organisme. Les feuilles d'étain qui servent à envelopper les produits alimentaires doivent être en étain pur; mais ou y ajoute toujours du plomb, et on a vu des papiers de ce genre contenir jusqu'à 90 p. 100 de plomb. Physiologie. — Bayen et Chaklard, en 1781, Proust, considèrent que l'étain n'est pas vénéneux et mettent sur le compte des impuretés qu'il renferme, arsenic et surtout plomb, les accidents nombreux signalés dès celte époque; Gmelin signale cependant un empoisonnement qu'il a attribué à l'étain. Il a constaté un commencement d'empoison- nement dans une famille, où l'on avait par mégarde salé la soupe avec du cblorure d'étain au lieu de sel ordinaire, et signale des accidents diarrhéiques chez ceux qui en avaient consommé même en petite quantité. Orfila a fait diverses expériences avec l'oxyde d'étain et le protocblorure d'étain; les résultats qu'il a obtenus l'ont amené à considérer l'oxyde d'étain et surtout le clilo- rure comme toxiques. En 1880, P. White reprend l'étude de la toxi(;ité de l'e'tain et emploie dans ses expé- riences deux sels organiques : l'acétate de triéthylstannyle Sn (C2H^)-',C-H^H'^ et le tartrate double d'étain et de sodium. L'acétate de Iriélhylstannyle est toxique, l'inhalation des vapeurs qui se dégagent au cours de la préparation de ce composé provoque chez l'homme des maux de tête, des nausées, de la diarrhée. Chez la grenouille, une dose de 0e'',0025 à 0e'',00o d'acétate de triôthylstannyle suffit pour amener la mort en huit à dix heures. L'acétate de triéthylstannyle injecté sous la peau d'un lapin à Irois reprises, à la dose de O^^"", 02, a provoqué la mort. Les chiens ont succombé à la suite d'une injection intravei- neuse de 0o'',07o injectés en deux fois à 24 heures d'intervalle. Les phénomènes observés et l'activité toxique sont considérés par White comme spécifiques à l'étain et non pas à l'action du composé complexe qu'il a employé. Les manifestations toxiques ont surtout porté sur le tube digestif et les centres ner- veux; les premiers sont plus manifestes chez le chien que chez le lapin. Les symptômes primordiaux sont la perte d'appétit, la soif, des diarrhées profuses, des coliques vio- lentes. A l'autopsie, on constate une hyperhémie de la paioi intestinale, du catarrhe de l'estomac. Chez le lapin, les symptômes de l'action sur les voies digeslives ne se mani- festent que par une diarihée peu abondante. L'action toxique sur le système nerveux central se manifeste par des phénomènes de paralysie, une diminution de l'excito-motricité et de l'excitabilité électrique des muscles. On observe aussi du tremblement généralisé, une respiration de plus en plus fréquente, et souvent des convulsions généralisées. Le pouls plein et tendu diminue de fréquence vers la fin. WurrE a poursuivi ses recherches en employant le lartrate double d'élain et de sodium; les résultats sont les mêmes; mais ils sont pins lents à se manifester. En injection intra- veineuse, OB'',02G d'étain, sous forme de tartrate double, tue un petit chien en quatre jours. En ingestion gastrique O*?"",?'* d'étain ingéré à l'état de lartrate, en 15 jours, par doses de 0^''",01a à 0'?'',020 par jour, a amené la morl. En 1880, Pate.nko constate que l'étain métallique peut èlre ingéré à foile dose sans provoquer aucun efi'et nuisible à la santé. Le protochlorure d'c'tain en injections sous- cutanées à petites doses provoque une anesthésie locale. A plus fortes doses, on voit apparaître un foyer gangreneux qui s'étend en profondeur et en largeur. Injecté dans la cavité périLonéale, le protochloiure d'élain détermine des accidents dus à ses proprié- tés caustiques. La dose loxi(}ue en injection intraveineuse est de 0S'',02 à O^'^O^ pour un chien de 7 Ivilogramnies. Introduit par la voie stomacale, on n'observe aucun effet à faibles doses; une dose plus forte provoque des vomissements. En 18!»2, A. Riche et Lauorde étudient l'action du pi'otorhlorure d'étain sur le chien et obtiennent les mêmes résultats que Patenko. 878 ETHER. 11 semble résulter de ces expériences que l'étain n'est pas aussi inoffensif qu'on le professe généralement. Certains accidents ont été attribués au plomb ou à l'arsenic, alors que l'étaiu était vraisemblablement le seul coupable. En 1878, MuNKE et en 1880 Hehner ont constaté la présence de l'étain dans les subs- tances alimentaires contenues dans des boîtes de conserves étamées. En 1883, Ungar et BoDTANDER, appelés à analyser des asperges conservées qui avaient déterminé chez deux personnes des troubles gastro-intestinaux, n'ont trouvé dans ces aliments que de l'étain. Ils ont alors examiné diverses conserves placées dans des boîtes étamées, asperges, abricots, fraises, provenant de différentes fabriques. Dans tous ces aliments ils ont retrouvé de l'étain; les fraises contenaient Os^onS p. lOOd'étain; les asperges, OS'-,0269 p. 100. L'étain était lixé dans le tissu des asperges, la saumure ne renfermait pas traces de ce métal. Les animaux, chiens et lapins, qui ont ingéré ces conserves, ont absorbé l'étain qu'elles renfermaient. On a en effet retrouvé de l'étain dans la plupart de leurs organes et de leurs liquides : urine, foie, rein, rate, pancréas, ganglions mésentériques, muscles, cer- veau et moelle. Le sang et le poumon ne renfermaient pas d'étaiii. BoDTLANDER a consomnié pendant trois jours des conserves qui contenaient de l'étain sans observer aucun inconvénient; son urine conlenait de l'étain. Cependant ces auteurs pensent que l'usage journalier d'aliments contenant de l'étain ne saurait être indifférent pour la santé, quoique jusqu'à présent on n'ait pas signalé d'accidents mortels reconnaissant l'étain comme origine. Recherche toxicologique. — Ogier prétend que la séparation de l'étain se fait bien lorsqu'on détruit les matières organiques par le chlorate et l'acide chlorhydrique ; la liqueur renferme du chlorure stannique, lequel est volatil et peut en grande partie disparaître si on chauffe le liquide à l'air libre. On peut employer, comme pour l'arsenic, la méthode de destruction des matières orga- niques de A. Gautier par l'acide nitrique et sulfurique. On obtient de l'acide métastan- nique que l'on réduit par le charbon et que l'on transforme en chlorure. Le protochlo- rure d'étain donne avec l'hydrogène sulfuré un précipité noir marron. Le perchlorure d'étain donne avec le même réactif un précipité jaune. L'étain est dosé à l'état d'acide métastannique. L'étain et le sulfure d'étain se trans- forment facilement par l'action de l'acide azotique en acide stannique, blanc, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique. Bibliographie. — Abbott. The desinfectant value of stannious chloride {Med. Neivs, Phil., 1886, XLViir, 120). — Bayen et Charlard. Recherches chimiques sur l'étain, Paris, 1781. — Hazeltine. Poisoning by bichlonde tin [Boston médical Journ., 1844-1845, xxxi, 38). — Hehner. The Analyst, décembre 1880. — Lœbisch ( Wiener med. Presse., 1882, n"^ 48). — LuFF et Metcalfe. 4 cases of tin poisoning caused by tinned cherries [Brit. med. J., 1890, I, 883). — MuNKE {Chemical News, juillet 1878). — Orfila. Traité de toxicologie, 5» éd., 1832, n, 3. — P.atenko. 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On le prépare en général en faisant arriver un filet d'alcool dans un mélange d'acide sulfurique et d'alcool porté à l'ébullition. 0 0 ÉTHER. 879 Propriétés. — • L'éther est un liquide inr-olore, limpide, d'une odeur aromatique spéciale, d'une saveur acre et brûlante, puis fraîche, de réaction neutre. La densité à 0" est de 0,736. L'éther cristallise cà — 129°, fond à — H7 et bouta + 34°, b. Sa densité de vapeur est de 2,565. L'éther est peu soluble dans l'eau qu'il surnage; l'eau en dissout environ 1/10 de son volume. L'éther agité avec l'eau s'hydrate légt'iemeiit eu retenant 1/36 de son volume d'eau. La solubilité de l'éther dans l'eau diminue avea l'élévation de la température. C'est un excellent dissolvant des graisses, des cires, des résines, de la plupart des alca- loïdes, des glucosides, de beaucoup de substances organiques, ainsi que de certains métalloïdes, tels que l'iode, le brome, etc.; il dissout aussi le hichlorure de mercure, qu'il enlève à sa solution aqueuse. L'éther est un des dissolvants le plus employé en chimie. L'éther destiné à l'anesthésie doit être purifié. On enlève les acides en lavant l'éther avec une solution alcaline; puis on le rectifie par distillation fractionnée L'éther passe en premier, entraînant un peu d'eau et d'alcool; on le déharrasse d'alcool par un lavage à l'eau, puis on le met en contact avec 1/10 de son poids de chaux pour le dessé- cher; on le rectifie ensuite par distillation fractionnée. Lorsqu'on veut avoir de l'éther parfaitement anhydre, il faut encore traiter l'éther déjà déshydraté par le sodium et le soumettre à une nouvelle distillation sur ce métal. L'éther qui sert à la préparation des teintures éthérées en pharmacie marque o6 Baume, correspondant à une densité de 0,758. On trouve, dans le coinmerci^ de l'éther à 62" Baume, ce qui correspond à une densité de 0,734. Enfin l'éther pur mar(iue 65 Baume, et correspond à une densité de 0,720 à 15° de 0,736 à 0». L'éther à 56° possède la composition suivante : Éthei- puL- absohi 71,394 Alcool absolu 2o,746 Eau 2,8tJ0 On peut obtenir cet éther à 56° en mélangeant 720 parties d'éther pur et 280 parties d'alcool ci 90°. L'éther à 02° fourni couramment par l'industrie possède la composition suivante : Éther absolu 90,896 Alcool absolu 7,746 Eau l,:i5S Ces variations de composition ont une grande importance, surtout en ce qui concerne la composition des extraits éthérés eu principes actifs. Sous l'action de l'air, ou de l'oxygène, surtout en présence de la lumière, il y a for- mation de produits d'oxydation, notamment d'acide acétique; il se forme aussi de l'acétate d'éthyle. L'éther ainsi altéré n'est plus propre à l'anesthésie, et doit subir de nouveau les puri- fications et rectifications décrites plus haut. L'éther pur doit être parfaitement neutre au tournesol. Quelques gouttes placées sur un papier à filtre doivent s'évaporer sans laisser de traces. Lorsqu'on ajoute un cristal de fuchsine dans l'éther pur, il n'y a aucune coloration, la fuchsine étant insoluble dans l'éther absolu. Si, au contr.iire, l'élher ren- ferme des traces d'eau, ou d'alcool, on voit se manifester une coloration rose qui est d'autant plus accentuée que l'éther est moins pur. Effets généraux de l'éther. — L'action de l'éther est comparable à celle du chloro- forme, mais elle en diffère en ce que l'apparition de l'anesthésie est moins rapide, et sa durée moindre. Lorsqu'on fuit inhaler de l'éther mélangé d'air pour éviter les accidents, on observe trois périodes : 1° Une excitation, duo soit à l'action de l'éther sur les voies respiratoires, soit à une impression sur les éléments nerveux; 2° Une période de diminution de la sensibilité, sans que les mouvements réflexes soient nécessairement anéantis; 3° Une période de résolution musculaire. A ce moment les pupilles sont dilatées, et le pouls se ralentit 880 ETHER. L'étude du mécanisme de cette action de l'éther en inhalations nous apprend que l'action intime sur le système nerveux central est la même que celle du chloroforme. (Voy. Anesthésiques, Chloroforme, Chloral.) D'après Guibler, l'action sur le système nerveux central aurait les gradations suivantes : \° Les centres encéphaliques sont atteints, moins la protubérance; on observe alors des troubles de l'intelligence et de l'équilibre moteur; 2° La protubérance est frap- pée; la sensibilité diminue, les mouvements volontaires sont supprimés; 3° La moelle est ensuite impressionnée; suppression des réflexes; 4° Le bulbe est atteint à son tour; asphyxie et mort. WiLHÈME admet aussi quatre périodes : 1" Suppression des fonctions des hémisphères cérébraux : sommeil ; 2° Suspension des fonctions de la protubérance: perte des impressions sensitives : anesthésie ; 3° Action sur les centres cérébro-spinaux excito-moteurs : résolution musculaire ; i° Suspension des fonctions du bulbe et des nerfs du système organique : cessation de la respiration, arrêt du cœur, mort. Action sur les nerfs sensitifs et moteurs. — Sur une grenouille anesthésiée, les nerfs moteurs conservent encore leur excitabilité, alors que les nerfs sensitifs l'ont déjà perdue; ce qui explique pourquoi la période d'insensibilité précède la résolution musculaire, et pourquoi, lorsqu'on désire obtenir la résolution musculaire complète, il faut pousser l'aneslhésie jusqu'à la période bulbaire. Cl.^ude Bernard a montré que, chez un animal (chien) incomplètement éthérisé, la sensibilité récurrente du bout périphérique de la racine antérieure de la septième paire lombaire avait dispaiu, tandis que la racine postérieure correspondante était encore sensible. La sensibilité à la douleur, lorsqu'on pinçait le bout périphérique du facial, était conservée, la conjonctive était encore sensible, alors que la sensibilité avait déjà disparu pour les nerfs lombaires. Ce fait semble prouver que la sensibilité nerveuse récurrente du facial s'éteint plus tard que celle des racines lombaires. Claude Bernard considère l'éther comme l'anesthésique qu'il faut employer dans la recherche de la sensibilité récurrente. Action sur le cœur, la respiration et la circulation. — Padl Bert a montré que la période d'excitation est due à l'irritation locale des voies respiratoires supérieures, et a pu la supprimer en faisant arriver les vapeurs d'éther directement par la trachée. Mais il a probablement exagéré cette intluence irritante de l'éther sur les voies aériennes. Au cours de l'inhalation d'éther, on observe une accélération du cœur, de loO à 160 pulsations; la pression sanguine s'élève, puis s'abaisse, malgré l'accélération croissante du cœur qui atteint 200 pulsations, parce que les battements devieiment petits, et les contractions incomplètes. Tout à coup le cœur se ralentit, marque quelques systoles allongées, pénibles, puis s'arrête. Les mouvements respiratoires se précipitent, deviennent superficiels; 3 à 4 respirations convulsives précèdent la mort. Si à ce moment on suspend l'inhalation de l'éther, la respiration se rétablit, puis le cœur reprend à son tour ses battements. L'accélération du cœur et l'augmentation de la tension sanguine artérielle sont sous l'intluence des centres bulbo-médullaires et sympathiques. Si J. Coats,W. Ramsay et J. MoEDRiGK ont prétendu, contrairement à l'opinion générale, que l'éther n'avait pas d'effet sur la pression artérielle, c'est qu'ils n'ont jamais poussé les inhalations plus loin que le début de l'anesthésie. Claude Bernard, Sydney Ringer, Gregor Robertson et Kronegrer ont montré que l'éther agit directement sur le muscle cardiaque et ralentit les mouvements du cœur; ce ralentissement est précédé d'une accélération due à une excitation préparalytique. G. Rorertson et H. Kroxecker ont constaté que, plongé dans un mélange de : 2 parties d'une solution de NaCI à 6 p. 100, 1 partie de sang de lapin, 1 p. tOO d'éther, le cœur de la grenouille accélérait ses battements, 1,5 p. 100 d'éther l'alentissent le cœur; 2 p. 100 arrêtent le cœur de la grenouille pour longtemps. Plongé dans le sang pur, le cœur se ranime. ETHER. 881 La circulation subit les mêmes variations que le cœur. On observe au début une augmentation de pression; la rapidité d'écoulement du sang dans les artères diminue, le pouls est bref; puis la pression s'abaisse, la rapidité d'écoulement augmente, le pouls devient polycrote; enfin, lorsque l'étliérisation est poussée plus loin, les pulsations très affaiblies deviennent catacrotiques. L'éther agit sur la pression sanguine autrement que le cbloroforme. Arloing a mon- tré, à l'aide du cardiographe à ampoule de Chacveau, placé dans le cœur droit, que, sons l'intluence de l'éthérisation, la pression baisse dans le ventricule droit, d'où il conclut que la résistance éprouvée dans la circulation diminue. Ce fait est l'inverse de celui qu'on constate au cours de la chloroformisation. Quant à la circulation générale, on constate encore une différence entre l'action de l'éther et celle du chloroforme; à la légère élévation de tension artérielle corres- pond une légère élévation de la tension veineuse; puis, à la chute de la pression arté- rielle correspond une légère diminution de la pression dans les veines; dans l'anesthésie confirmée, la pression artérielle reste abaissée, tandis que la pression veineuse remonte. La pression artérielle et la pression veineuse sont divergentes (Akloi.ng). La circulation dans les capillaires périphériques ne se modifie pas sensiblement pen- dant l'anesthésie par l'éther. 11 n'en est pas de même dans les capillaires du cerveau. Hammond, Albertoni et Mosso. Gubler, Bouchut, Lan'glet, Labbé et Arloing ont constaté que l'éther dilate les capillaires cérébraux et augmente la vitesse de la circulation céiébrale. Donc l'anesthésie par l'éther provoque l'hyperhémie cérébrale. Mac Kendrick, J. Coats et Mewmaxx, en examinant comparativement l'activité de la circulation capillaire, dans le poumon et la membrane interdigitale de la grenouille, ont constaté que la circulation pulmonaire est considérablement ralentie, et même qu'elle s'arrête si l'on prolonge l'action de l'éther. L'éther arrête d'abord la respiration; et le cœur continue h battre après l'arrêt de la respiration. Chaleur animale. — Pendant la période d'excitation du début de l'anesthésie, la tem- pérature s'élève de 0°, 1 <à O^jS (Simonin), et même d'une quantité plus forte (Duméril, Demarquay, Arloing), ce qui tient sans doute aux efîorts que l'animal fait pour se débattre. Si l'on pousse l'éthérisation sans arrêt, la mort survient au bout de quinze minutes (minimum), de quarante-cinq minutes (maximum), ainsi que l'ont con- staté Duméril et Demarquay. L'abaissement de la température est plus rapide chez les Oiseaux que chez les Mammifères; au bout de quarante-cinq minutes on observe un abaissement d'environ 2°, 5 à 2°, 75. Lorsqu'on introduit l'éther directement dans les veines, l'abaissement de la température est plus considérable encore. On a invoqué tour à tour diverses causes pour expliquer cet abaissement de température : une action spéciale de l'éther sur les centres nerveux modérateurs de la calorification, le ralentis- sement de la circulation, la dilatation des vaisseaux périphériques, le rayonnement extérieur, la diminution de l'oxygénation du sang et des oxydations organiques (Duméril et Demarquay, Bouisson, Schneisson, Trinquart, etc.). Schneisson a insisté sur la dimi- nution de la production de la chaleur. Arloing a démontré qu'il y avait diminution de l'oxygène absorbé et des combustions organiques. Il y a lieu de tenir compte aussi de l'augmentation du rayonnement. Échanges gazeux. — On a dit autrefois que l'acide carbonique exhalé augmentait pendant l'anesthésie. Mais tous les physiologistes admettent aujourd'hui le contraire. Arloing a montré qu'il y avait une diminution en valeur absolue de la quantité d'acide CO- carbonique exhalé En outre le rapport j—- se modifie et augmente de valeur. Avant l'éthérisation, il varie de 0,83 à 0,83; il s'élève après éthérisation à 0,92 et même à 1,13. Résultait ({ui est dû à ce que l'absorption de l'oxygène est diminuée dans de très fortes proportions au cours de l'élhérisation. La proportion d'oxygène est augmentée dans le sang artériel, la quantité d'acide car- bonique est diminuée en valeur absolue (Cl. Bernard, Paul Bert, Mathieu et Urbain, Arloing). Il y a donc au cours de l'élhérisation un ralentissement des oxydations. Action sur le protoplasma. — Sous l'influence de l'éther, le protoplasma cellulaire devient opaque. Claude Bernard a comparé cette modification de l'aspect de la cellule à ce qu'on observe lorsque de la vapeur d'eau se dépose sur une vitre; puis, au fur et à DICT. DU PHYSIOLOGIE. — TOME V. 56 882 ETHER. mesure que l'éLlier s'e'liniine, le protoplasma s'écJaircit, redevient transparent et fluide; la sensibilité reparaît. Cette action de l'éther sur le protoplasma est générale pour tous les protoplasmas vivants, animaux ou végétaux. En 1849, Clemens avait vu que l'éther anéantit les facultés motrices des épitliéliums à cils vibratils. L'éthérisation abolit les mouvements de la sensitive et des étamines, en un mot tous les mouvements qui, chez les êtres vivants, s'effectuent en vertu d'une irritabilité quelconque. L'éther endort les plantes, empêche la germination des graines, arrête les échanges dus à la fonction chlorophyllienne, empêche l'activité fermentative de la levure de bière. Chez les êtres supérieurs, la cellule nerveuse, étant la plus sensible, est la première atteinte. Claude Bernard a constaté que l'éther coagule le protoplasma de l'élément nerveux, et qu'il coagule aussi le contenu de la fibre musculaire; l'injection intramuscu- laire d'éther provoque une rigidité analogue à la rigidité cadavérique. Action sur les sécrétions et l'absorption. — L'éther est un excitant de tout le système glandulaire. Introduit dans le tube digestif, il provoque une congestion intense sur toute la surface des muqueuses. Les diverses glandes annexes entrent en sécrétion, et l'activité de l'absorption est augmentée. On admet en général que les sécrétions possèdent les mêmes caractères lorsqu'elles sont déterminées par l'éther que lorsqu'elles reconnaissent pour cause l'excitation nor- male d'origine alimentaire. Cette propriété est utilisée en physiologie pour obtenir cer- tains produits de sécrétion : salive, suc pancréatique. On avait cru que l'éther pouvait être considéré comme un bon contre-poison, que son emploi pouvait ralentir ou même empêcher l'absorption de certains poisons; Claude Bernard a montré, au contraire, que, lorsqu'on administre la substance toxique mélangée à de l'éther, l'empoisonnement se produit plus vite. Le ferrocyanure de potassium admi- nistré mélangé à de l'éther passe plus vite dans les mines que lorsqu'il est ingéré seul; c'est une preuve directe du surcroît d'activité imprimé par l'éther aux fonctions d'absor- ption. Voies d'éliminations. — L'éther s'élimine par les poumons avec une très grande rapi- dité; cette élimination suit la loi de Dalton sur la tension des vapeurs. Si la tension de la vapeur d'éther dans les poumons est supérieure à celle qui existe dans le sang, il y aura absorption; si les poumons se ventilent au contraire normalement, l'élimination se fera rapidement. Aussi la méthode d'inhalation est-elle le procédé de choix pour obtenir l'anesthésie; car l'éther s'élimine au fur et à mesure parles poumons. L'éther introduit par les voies digestives, par injection sous-cutanée, par injection intra-veineuse, provoque, après absorption dans l'organisme, les mêmes phénomènes d'excitation; mais l'anesthésie n'existe pas. Il y a obtusion des sens, vertiges, ivresse légère; mais point d'anesthésie véritable. Certains auteurs ont cependant tenté de réaliser l'anesthésie générale en introduisant l'éther en vapeurs par la voie rectale d'une façon progressive et continue, par insuffla- tion. MoLLiiîRE, sur le conseil d'AxEL Yversen, a endormi six malades et obtenu par cette méthode un sommeil rapide, sans une préalable période d'excitation. Comte, Storke, Boeckel, Delore, Dubois, Reverdln ont aussi employé cette méthode ; Poncet la condamne ; elle est justement retombée dans l'oubli. Action locale. — L'éther détermine sur la peau une sensation de froid due à l'évapo- ration rapide qui se fait à température peu élevée. On augmente cet abaissement de température en activant l'évaporation au moyen d'appareils vaporisateurs (Richardson, GuÉRARD, A. Righet) (1853); cet abaissement de température produit une anesthésie locale. On peut atteindre — 12" à — 15» et provoquer la congélation des tissus. Si l'application locale est excessive et prolongée, il y a production d'une escharre analogue aux escharres de gelure et de brûlure. Lorsqu'on applique de l'éther sur la peau dénu- dée, on observe une rougeur subite, accompagnée d'une sensation debrûlui'e; l'irrilaiion est suivie de torpeur et d'engourdissement. Voies digestives. — L'éther introduit dans l'estomac s'y réduit en vapeur, le distend et peut le rompre (?) (Cl. Bernard) ; dans d'autres cas, la dilatation excessive de cet organe refoule le diaphragme, et peut amener l'asphyxie (Nothnagel et Rossdach). Lorsque la quantité ingérée n'est pas suffisante pour provoquer ces accidents, on observe une ébriété ÉTHER. 88;{ fugace, une sensalion de chaleur à l'épigastre, une surexcitation momentanée des forces-^ il y a en même temps une excitation de tout le système glandulaire et de la muqueuse du tube digestif; la salive, le suc pancréatique sont sécrétés en abondance. Lorsqu'on injecte de l'éther dans la veine porte d'un animal, on le rend diabétique (Cl. Bernard); les sécrétions hépatiques sont activées par excitation directe. Reynoso a observé que, sous rinfluence de l'éthérisation, les urines devenaient momentanément sucrées : il avait cru que la cause de ce phénomène était le défaut d'oxydation du sucre dans le poumon. Claude Bernard a constaté que la glycosurie n'est pas constante, et qu'on l'observe principalement chez les chiens en pleine digestion. L'éther introduit dans l'organisme par les voies digestives ne peut pas produire l'anesthésie générale, car son élimination par les poumons est trop rapide. L'éther, introduit par injection sous-cutanée, provoque des phénomènes d'excitation générale, et une augmentation de la tension art(''rie!le. On a souvent recours à ces injections dans les cas de coUapsus et de dépression avec stupeur. Plusieurs auteurs ont signalé des paralysies consécutives aux injections d'éther ainsi que l'apparition de névrites. En 1882, Arnozax signala le premier ces paralysies et en étudia le mécanisme; il constata que c'est surtout lorsqu'on fait une injei-tion profonde, intra-niusculaire, pour éviter la douleur provoquée par l'injection superficielle, que l'on observe les paralysies les plus tenaces. Il a reproduit sur le lapin les mêmes ])hénomènes, expérimentalement; l'examen histologique a montré que les lésions sont inégalement réparties. Avec son élève Salvat, il constate que ces paralysies sont dues à des névrites, qu'elles ollVent beaucoup d'analogie avec les paralysies périphériques du facial, et qu'elles guérissent spontanément. Plusieurs auteurs ont publié, depuis, de nombreuses observa- tions sur ce sujet : Deschamps, PrraES et Vaillard, Veltmann, Samter. (Voyez plus loin la BibliograpJiie.) L'éther comme anesthésique. — Quant aux avantages ou inconvénients de l'éther envi- sagé comme anesthésique, nous renverrons le lecteur à l'article Anesthésie et Anesthé- siques (I, 513). De nombreux travaux ont été publiés sur les avantages et les inconvénients de la narcose par l'éther et la comparaison avec le chloroforme ; nous en donnerons la biblio- graphie résumée, ainsi que celle de divers cas de morts, causée par l'éther, que nous avons trouvés dans la littérature médicale. Bibliographie. — Angelesco. Respiration et pouls dans Vancsihcsie par l'éther {Mer- credi mcd., VI, 253, 2So, 189o). — Arloing. 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ETHÉROMANIE — ÉTHYLE (Dérivés de 1). 887 W f ETHEROMANIE. — Certaines personnes abusent de l'emploi de l'éther, soit en inhalation, soit en boisson, pour se procurer la sensation d'ivresse particulière que provoque cet anestliésique. Le nombre des buveurs d'éther augmente chaque année : ils se recrutent dans la classe pauvre en Ecosse, en Irlande et en Prusse; dans les autres pays, en France notamment, ce sont les gens riches, surtout les femmes, qui satisfont cette passion. L'augmentation de l'éthéromanie dans la classe pauvre, en Irlande et en Prusse, reconnaît une cause économique. Les malheureux demandent à l'élher une ivresse à bon marché que leurs maigres ressources ne leur permettent pas d'obtenir avec l'alcool. CoHN, qui a jeté le cri d'alarme, constate que la consommation de l'éther ne cesse de croître dans la population rurale de Prusse, car un litre d'alcool coûte 1 fr. .'iO, landis qu'un litre d'éther ne coûte qu'un franc. L'ivresse obtenue par l'éther est plus ra|)ide à se manifester; les songes et les hallu- cinations provoqués sont plus riants et plus légers; de plus, cette ivresse dure moins longtemps, et au réveil on ne ressent ni le mal de tète ni l'empâtement de la l^ouche que produit l'ivresse alcoolique. Les méfaits de l'ivresse élhérée sont encore plus considérables que ceux de l'alcoo- lisme. L'élhéromane se cachectise rapidement, et est atteint fatalement, dans un délai très court, de troubles nerveux et de troubles cérébraux. Nous avons, dans la bibliographie de l'éther, indiqué les travaux ayant trait à ce vice et aux accidents qu'il provoque. Voyez en outre: Christian. Cas rare de dipsomanie (A/m. de Psychiatrie et d'Hypnologie, 1892, .314-320). — Cursino de Movr\. Emjioisonneiuent par l'éther {Gaz. hebd. de méd., 1887, 169). — Tichborne. Ether and methylated spirit drinking {Health. Rec., Dublin, 1891, 25). A. CH. ETHYLE (Dérivés de 1'). — L'éthyle est un radical monovalent (C^H) jouant dans les combinaisons le rôle d'un véritable corps simple monoatomique. L'éthyle, radical monoatomique, ne peut pas exister à l'état de liberté. Toutes les fois qu'on cherche à l'isoler, il se polymérise en donnant le diéthyle (C*H"^), qui n'est autre qu'un carbure saturé, le butane ou hydrare de butylène. L'éthyle fixe un atome d'hydrogène pour donner naissance à un carbure saturé, Véthane, ou hydrure d'éthylène C-H^) [diméthyle). L'éthane est un gaz incolore, presque insoluble dans l'eau, assez soluble dans l'alcool, ne présentant aucune propriété physiologique intéressante. L'éthyle, se substituant à un atome d'hydrogène dans une molécule d'eau, donne l'hydrate d'éthyle ou alcool éthylique (C^H'OH) (Voy. Alcool, i, 234). Le radical éthyle est susceptible de se substituer à tous les hydrogènes typiques des acides minéraux et organiques, jouant le rôle d'un métal; dans ces conditions, il se forme des substances volatiles, neutres, que l'on désigne sous le nom d'éthers. Les combinaisons avec les hydracides, HCI, HBr, Hl sont identiques aux dérivés de substitution chlorés, bromes, iodés, du carbure saturé éthane et aux produits d'addition formés par la combinaison de Véthylène avec ces hydracides. On les désigne en général sons le nom d'éthers simples. L'oxygène se combine avec deux radicaux éthyle pour donner /'oa;(/de d'éthyle {CJH^)'0 qui n'est autre que l'éther ordinaire (Voir Éther, v, 879). Le soufre se combine aussi à l'éthyle. On en connaît plusieurs dérivés : le sidfhydratc d'éthyle {Gm^)S\i, le sulfure (C^H^jag, le bisulfure {Cm^-)^S\ le trisulfure (C2H^)-iS3. Le sulfhydrate d'éthyle est souvent désigné sous le nom de mercaptan, à cause de son action sur le mercure, avec lequel il a une grande tendance à s'unir. Le mercaptan est un liquide incolore, très mobile, d'une odeur d'ail de'sagréable. William et J. Smith ont fait prendre 2 grammes de mercaptan à une chienne; ils ont constaté que le soufre ainsi introduit dans l'organisme ne s'élimine pas sous forme de sulfate; mais sous forme de sulfone. L'éthyle, en se combinant avec les acides oxygénés, donne naissance auTiéthers com- posés. 888 ÉTHYLE (Dérivés de 1'). Loi'sque l'acide est monovalent, il ne peut y avoir qu'un composé neutre : Ex. L'azotate d'éthyle (C2H»')Az03 dérivé de l'acide azotique. L'azotite tl'éthyle (C^H^jAzO^ dérivé do l'acide azoteux. Avec les acides polyvalents on peut obtenir plusieurs composés, certains d'entre eux possèdent en même temps que la fonction éther une ou plusieurs fonctions acides. L'acide sulfurique donne deux dérivés : Vacide sulfoviniqjie (C2H5)SO*H. Le sulfate d'éthyle (C2H5)2SO*. L'acide phosphorique donne trois dérivés : h'acide éthtjlphosphorique on phosphovinique. (C2H'ijPO''-H2. ISacide diéthylphosphoriqne (C'2H5)2PO<-H. Le phosphate Irlëlhylique (C2HS)3PO'^ L'éthyle est aussi susceptible de se combiner avec les métaux pour donner des dérivés organo-métalliqucs, dont on a très peu étudié les propriétés pbysiologiques (Voy. Mer- cure, Zinc). L'éthyle se subtitueaux hydrogènes de l'ammoniaque pour donner des ammoniaques composées : les cthylamines. L'éthylamine (G'^H')AzH2 est un liquide léger, mobile, bouillant à 18°, 7, doué d'une odeur ammonicale très pénétrante; elle est aussi caustique que l'ammoniaque. Elle donne avec les acides des sels bien cristallisés. La diéthylamine (C2H^)2A-H est un liquide inflammable, qui bout à 57°, qui ressemble beaucoup à l'éthylamine dans toutes ses réac- tions. La triéthylamine (C2H'')'^Az est un liquide incolore, inflammable, plus léger que l'eau dans laquelle elle est peu soluble, elle bout à 91°. L'hydrate de tétréthylammonium (C2H^^)*AzOH en solution dans l'eau possède les principaux caractères et les réactions de la potasse; il est fortement alcalin, d'une saveur très amère et très caustique, et agit sur l'épiderme comme la potasse. Tous ces composés donnent avec les acides des sels bien ciistallisés. On retrouve ces dérivés dans les produits de putréfaction des matières azotées et albuminoïdes. L'éthylamine a été signalée dans la farine putréliée et dans la levure de bière avancée. On a rencontré la diéthylamine dans les poissons altérés par la putréfac- tion, dans des saucisses et autres préparations de viandes conservées et altérées, dans le bouillon putréfié. La triéthylamine a été retrouvée à côté de la mono et de la diéthyla- mine dans les produits de putréfaction des peptones. A. Gautier les range au nombre des ptomaïnes cadavériques d'origine bactérienne indéterminée. Nous n'entrerons pas dans de plus amples détails sur les très nombreux dérivés de l'éthyle. Nous n'étudierons que ceux qui ont été l'objet d'applications thérapeuliqnes ou de recherches physiologiques. Chlorure d'éthyle (C-H^Cl). — Éther chlorhydrique ou élhane monochloré. Ce composé était connu des anciens chimistes, mais Robiquet et Gollin ont les premiers fait connaître sa composition. On le prépai^e en faisant réagir l'acide chlorhydrique sur l'alcool. C'est un liquide incoloi^e, d'odeur aromatique assez forte, légèrement alliacée, de densité = 0,9214 à 0°. Il bout à 11° et se solidifierait à — 18° (Lôwig). Les vapeurs de ce composé sont très combustibles et brûlent avec une flamme bordée de vert en déga- geant de l'acide chlorhydrique. L'éther chlorhydrique est souvent employé mêlé à son poids d'alcool. Ce mélange constitue l'éther muriatique alcoolisé des pharmacies. En raison de sa grande volatili- sation, on utilise ses propriétés réfrigérantes comme anesthésique local. Il faut prendre quelques précautions pour éviter une gelure par une application trop prolongée du jet réfrigérant. Les dangers de l'emploi du chlorure d'éthyle sont les mêmes que ceux du chlorure de méthyle; mais sensiblement atténués en raison de la dilïérence des points d'ébullition. Les vapeurs de chlorure d'éthyle, en inhalations, provoquent l'anesthésie générale, par un mécanisme analogue à celui de l'éther. L'anesthésie obtenue est rapide; mais fugace. Son action ^est semblable à celle de l'éther. La commission anglaise des ÉTHYLE (Dérivés de 1'). 889 aiiesthésiques a constaté que le chlorure d'éthyle n'était pas inolïeiisif, qui' son inhala- tion continue provoque rapidement des convulsions, puis l'arrêt de la respiration. Bromure d'éthyle (C-H-^Br). — Élhcr bromhydriqne. Êthcr brome. — I,e bromure d'éthyle se prépare en faisant réagir le brome sur l'alcool en présence du phosphore ronge. C'est un liquide incolore, transparent, plus lourd que l'eau dans laquelle il est insoluble, d'odeur éthérèe, de saveur sucrée, désagréable, puis brûlante. Sa densité est de 1,40; il bout à 40°, 7; ses vapeurs sont très denses. En raison de sa volatilité extrême, le bromure d'éthyle déposé sur la peau se volatilise rapidement en provoquant un abaissement considérable de la température locale; il provoque ainsi de l'anesthésie locale par réfrigération, par un mécanisme analogue à celui de l'éther. Les premières recherches sur l'action aneslhésiqne du broirmre d'éthyle sont duos à NuNNELEY (1849). Rabuteau (1876) en a fait l'étude physiologique. D'après cet auteur, le bromure d'éthyle est plus facilement absorbable que le chloroforme, soit par les voies respiratoires, soit par le tube digestif. Rabuteau a ingéré en une fois ie'-,2o et[s','60 de bromure d'éthyle, sans inconvénient ; au début aucune sensation appréciable, puis sensation de passage dans l'intestin ; apparaît alors un commencement d'anesthésie, accompagnée de bourdennements d'oreilles et de ralentissement du cœur. Le bromure d'éthyle en inhalations provoque chez le chien, le lapin, le cochon d'Inde et la grenouille les mêmes phénomènes d'anesthésie que le chloroforme. Au bout de quatre à cinq minutes, l'insensibilité est absolue, les pupilles sont dilatées et insensibles, la respiration normale, et les battements cardiaques réguliers. On n'observe pas de convulsions, et l'anesthésie cesse au bout de 0 à 7 minutes. Le bromure d'éthyle s'élimine en nature sans avoir subi aucune modification dans l'organisme: l'élimination se ferait presque totalement par les voies respiratoires ; Rabu- teau n'en a pu déceler que de minimes proportions dans les urines. Chez l'iiomme, les urines, après absorption du bromure d'éthyle par les voies digestives, n'ont pas été plus abondantes que de coutume; chez les chiens, lapins, cobayes soumis aux expériences d'anesthésie, les urines plus abondantes conservent leur réaction antérieure et ne ren- ferment ni sucre ni albumine. H. DuEsER a expérimenté l'action des vapeurs de bromure d'éthyle sur les rais, et constaté que l'inhalation de ce composé, même pendant un temps très court et à doses faibles et insuffisantes pour produire l'anesthésie, est mortelle ; les rats soumis aux expé- riences mouraient tous le lendemain ; à l'autopsie, on retrouve dans la vessie des urines sanguinolentes. Il semble résulter de ses expériences, que le bromure d'éthyle ne s'éli- mine pas complètement par les [)oumons; une partie pénètre dans l'organisme, s'y décompose et produit des désordres mortels. Il rapproche de ses expériences mortelles sur les rats le cas observé par Je.ndkitza d'une jeune fille (jui, anesthésiée par le bromure d'éthyle pour une opération dentaire, s'est trouvée mal plusieurs heures après, et a pré- senté pendant une heure et demie des symptômes inquiétants : cyanose de la face et des extrémités, constriction des maxillaires. L'emploi du bromure d'éthyle comme anesthésique général en chirui'gie fut l'objet de nombreuses tentatives tant en France qu'à l'étranger : Beiiger, Lewis, Teurillo.n, TuRNBULL l'ont employé pendant quelque temps. On reproche à cet anesthésique une irritation très vive des muqueuses, qui persiste après l'anesthésie, accompagné de dyspnée et de toux. Woon et Moore lui ont reproché de produire une violente excitation, des vomissements, des engorgements veineux. Turn- BULLa observé un abaissement thermique d'un demi-degré qui cesse avec l'administration du bromure d'éthyle. L'urine ne contient ni albumine ni sucre. On observe de l;i rii;i- dité des membres et des tremblements. Récemment Richelot a proposé de commencer l'anesthésie générale chloroformique par une courte et préalable période d'inhalations de bromure d'éthyle {BuU. de l'Ac. de méd. de Paris, mars 1902). Turnbull considère l'anesthésie par le bromure d'éthyle comme très avantageuse dans les petites interventions, qui ne nécessitent pas une anesthésie prolongée. En observant les précautions convenables, le sujet doit s'endormir en 2 ou 3 minutes. 890 ÉTHYLE (Dérivés de 1'). L'emploi du bromure d'éthyle s'est généralisé pour les petites opérations de lalaryn- gologie et de la stomatologie, et en obstétrique (Vo3\ Anesthésiques, i, 532). lodure d'éthyle (C-H'I). — Éther iodhijdriqiie. Ce composé se prépare de la même façon que le bromure d'étliyle, en faisant réagir l'iode sur l'alcool en présence du phos- phore rouge. C'est un liquide incolore, d'une odeur très forte, particulièrement piquante. Il est insoluble dans l'eau : sa densité est de 1,94. Il bout à 70*^. Rabuteau a étudié ses effets anesthésiques sur des cobayes. L'anesthésie est complète au bout de S minutes. L'iodure d'éthyle se décompose dans l'organisme. Les urines de l'homme et des ani- maux qui ont absorbé de l'iodure d'éthyle renferment toutes de l'iode, probablement à l'état d'iodure de sodium. L'iodure d'éthyle est un anesthésique qui agit plus lentement que le bromure, mais dont les effets persislentplus longtemps. Nitrite d'éthyle (C-H^\AzH-). — Éther nitreux. C'est un liquide jaunâtre, d'une agréable odeur de pomme de reinette, peu soluble dans l'eau, soluble dans l'alcool en toute proportion : il bout à iS^, se décompose à la longue, surtout en présence de l'eau ; dans cette réaction il se forme du bioxyde d'azote, souvent en assez grande quantité pour briser les vases qui renferment le produit. L'éther nitrique alcoolisé, ou liqueur anodine nifreuse des pharmacies, est une solu- tion alcoolique d'azotite d'éthyle. En inhalation, à faible dose, le nitrite d'éthyle détermine de la céphalalgie, de l'asphyxie et l'arrêt de la respiration (Mac Kendrigk, J. Coats, Newmann, Gcéneau de Mussy, Munk), 10 gouttes administrées à de petits animaux provoquent des convulsions violentes suivies de mort (Klourens, Ricuardson). Peyrosson a proposé l'emploi des vapeurs de nitrite d'éthyle comme désinfectant et antiputride. Les vapeurs d'éther nitreux à la dose de 90 grammes suffisent pour détruire l'odeur nauséabonde d'une salle d'hôpital de 280 mètres cubes. Le nitrite d'éthyle est un poison dangereux. L'inhalation de ses vapeurs a causé plu- sieurs accidents mortels. Hill et Lawrence ont publié deux cas d'empoisonnement causé par cet agent. Lapicque a constaté la toxicité du cyanure d'éthyle. La dose toxique est de 5 centi- grammes par kilogr., et les effets sont ceux de l'acide cyanhydrique et des cyanures. ■ Éthers dérivés des acides organiques. — Rabuteau, qui a fait l'étude physiologique de plusieurs de ces composés, a remarqué que cei'tains d'entre eux ont une activité réelle vis-à-vis des animaux à sang froid, alors qu'ils sont dénués de toute action spécifique chez les animaux à sang 'chaud; il suppose que cette différence d'action est due à ce que, dans l'organisme de l'animal à sang chaud, la saponification de l'éther est presque immédiate et qu'il se forme de l'alcool et le sel de soude de l'acide organique régénéré. L'aceà 174". Par déshydratation il donne divers carbures; entre autres l'eucalyplène (C»»H'«). EUCASINE. — Combinaison d'ammoniaque et de caséine, préparée par Salkowski, considérée comme un aliment azoté dont l'assimilation n'entraîne pas une a igmentation d'acide urique dans l'urine (Zuntz. Enc. d. Thérapie, 1897, ii, 240). EUGENOL (G"'H'-0-j. — Substance liquide qui bout à 2*7", et qui constitue 92 p. 100 de l'essence de girolle {Caryophyllus aromaticus], de l'essence des feuilles de 894 EUNUQUES — EXPÉRIMENTALE (Méthode). cannellier {Cinnemomum zeylanicum), de l'essence de sassafras, et de diverses autres essences. L'eugénol par oxydation peut donner la vanilline. Il donne de nombreux com- posés éthérés. 11 est plus antiseptique que le phénol, et empêche la fermentation à la dose de 2'?'',S0 p. 100. Il passe dans l'urine sous la forme d'éther sulfurique, composé instable qui se détruit en dégageant une odeur de girofle. Il est toxique pour l'homme à une dose supérieure à 3 grammes, et produit de l'hypothermie (Giacosa, cité in D. W. Sm^^j/., 2,668). L'eugénol est un allylgaiacol (MouREu) . L'iso-eugénol est le propylène-gaiacol. EUNUQUES. — Voyez Castration, n, 476. EUPHORBINE (C^^H-^eO). — Corps dextrogyre (a= + 13088 à 18«) fusible à G7» et sublimable, qu'on peut extraire de la racine d'euphorbe. EVERNINE. — Substance analogue aux sucres extraite de Evernia Prunestri (CH^^O''). On peut encore extraire du même lichen l'acide évernique; (C''H'^0''K) évernate de potassium. EVONYMINE. — Substance extraite des baies de fusain. Vévonymite serait un sucre, identique à la dulcite, qu'on peut extraire du cambium des branches de fusain. EXALGINE. — Voyez Méthylacétanilide. EXCITABILITÉ. — Voyez Irritabilité. EXCRÉTIN E. — C^H'^^^SO^. Composé sulfuré, extrait par l'alcool des matières fécales. Hinterberger (D. W., Suppl., i, 719) pense que le soufre est une impu- reté, et que la formule de l'excrétine pure est G-''H^'^0. EXOPHTHALMIE. — Voyez Thyroïde, Sympathique. EXOSMOSE. — Voyez Osmose. EXPÉRIMENTALE (Méthode). — I. La Physiologie, science expérimentale, et les sciences expérimentales en général. — H y a diverses méthodes pour arriver à la connaissance des choses. S'il s'agit de faits anciens, la seule méthode est la méthode historique ou tradition- nelle. Tout un ordre de sciences, les sciences historiques, et, dans une certaine mesure, les sciences philologiques ne sont abordables que par la tradition, l'histoire, l'étude des textes, des monuments, des documents, des livres. S'il s'agit des sciences physiques et naturelles, c'est à l'observation et à l'expérience qu'il faut avoir recours. Enfin, dans les sciences mathématiques, le raisonnement et l'induction sont tout. La physiologie est une science qui ne procède ni par la méthode historique, ni par la méthode mathématique. Elle peut, il est vrai, en de rares occasions, appeler à son aide soit les mathématiques, soit la tradition; mais ce n'est que très exceptionnellement, et d'ailleurs, quand il s'agit d'un phénomène physiologique, les données mathématiques ou historiques auront toujours besoin d'être contrôlées par l'expérience directe. En efîet, la certitude historique est d'un autre ordre que la certitude mathématique et que la certitude expérimentale. Brutus a tué César. Voilà un fait d'ordre historique, absolument certain; mais cette certitude difîère de la certitude que donne une science expérimentale. Par exemple, lorsqu'on dit : l'oxygène se combine à l'hydrogène pour former de l'eau, il s'agit d'une certitude expérimentale. Enfin je puis énoncer un troisième fait, plus certain encore, si possible, que les deux premiers. Les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits. C'est une certitude mathématique. Ce qui caractérise les faits des sciences expérimentales, c'est qu'ils sont toujours accessibles à la preuve immédiate. Il me sera impossible de prouver que Brutus a tué EXPÉRIMENTALE (Méthode). 8!>o César autrement que par l'étude des textes anciens, sujets à contestation poul-èlre, tandis que, si quelqu'un vient à douter que l'hydrogène brûle dans l'oxygène pour former de l'eau, il me sera toujours possible de lui donner immédiatement la dtWiioii- stration de ce phénomène. Quant à la vérité mathématique, elle s'impose à nous, de par la constitution même de notre esprit, dès que certaines définitions ont été données. Les sciences d'observation sont les sciences qui étudient des phénomènes qui n'ont pas été provoqués, et qui le plus souvent ne peuvent pus l'être. A certains points de vue, elles se rattachent aux sciences expérimentales, et, à d'autres points de vue, aux sciences historiques. Voici, par exemple, la chute d'un aérolithe. Il est impossible à l'homme de provoquer ce phénomène cosmique. Tout au plus pourra- l-il noter avec exactitude le moment de la chute, le lieu où le bolide est tombé, les conditions météorologiques ambiantes, pres- sion barométrique, états thermique, électrique, hygrométrique de l'almosphère. On pourra à la rigueur déterminer la direction et la trajectoire du bolide pendatit sa chute, son échauffement, ses dimensions, sa composition chimique, etc. Mais le plus souvent, comme le phénomène est survenu inopinément, toutes ces constatations seront impos- sibles, et la connaissance de l'aérolithe se ramènera presque toujours à une donnée unique : poids et composition chimique. Il est des sciences qui sont netLeinent sciences d'observation, et d'autres qui sont nettement expérimentales. Ainsi, comme le dit Laplace (cité par Cl. Bernard, Introd. à Vétude de la médecine expérimentale, 1865, 33), l'astronomie est une science de pure observation. L'anatomie, ou science descriptive des formes, n'est que de l'observation, qu'il s'agisse de botanique, de zoologie ou d'anatomie humaine ; et je n'ai jamais pu, à mon grand regret, très bien comprendre comment mon illustre maître, H. de Lacaze- DuTHiERS, parle d'une zoologie expérimentale. En idéalité, la zoologie expérimentale, c'est la physiologie comparée. Pourquoi ne pas lui donner ce nom? Claude Bernard a admirablement montré que l'expérimentation est toujours, en fin de compte, une observation véritable; mais c'est une observation provoquée. « Il n'y a pas, dit-il, au point de vue de la méthode philosophique, de différence essentielle entre les sciences d'observation et les sciences d'expérimentation. Le seul caractère dif- férentiel qui les sépare, c'est que l'expérience est une observation provoquée. " On voit tout de suite que, pour bon nombre de sciences, l'observation ne peut jamais être provoquée. On ne provoque pas la chute d'un aérolithe; on ne modifie guère la con- stitution géologique de l'écorce terrestre, ou le nombre de pattes d'un crustacé, ou la direction des faisceaux ligneux dans un arbre, ou l'occultation du soleil par une planète. Ce sont phénomènes soustraits à notre inlluence et que nous ne pouvons étudier s'ils ne se présentent pas à nous. Ce n'est pas à dii'e que nous ne puissions, dans une certaine mesure, aller à leur recherche : mais cette recherche n'est pas une expérience. L'enlomologisle qui va cher- cher une espèce rare d'insecte ne fait que poursuivre une observation. Des mesures scientifiques, si précises qu'on les suppose, ne peuvent pas transformer une science d'observation en une science expérimentale. Les éruptions volcaniques sont prédites dans une certaine mesure par les phénomènes électro-magnétiques qui les précèdent, et des instruments très délicats nous font connaître les moindres oscillations de l'écorce terrestre ; mais ce ne seront jamais que des observations, car on ne pourra ni provoquer, ni modifier l'apparition de phénomènes sismologiques ou volcaniques. Que l'expérimentation intervienne dans certaines sciences d'observation, cela n'est pas douteux. Car il est certaines sciences qui, tout en étant principalement sciences d'observation, peuvent parfois être éclaircies par des observations provoquéi^s, c'est-à- dire par des expériences. Daubrér a fait un livre sur la géologie expérimentale, et il a donné, par des expériences de chimie et de minéralogie, l'explication de certains faits relatifs à la structure de l'écorce terrestre. L'étude des monstres, ou tératologie, a, depuis Dabeste, passé franchement dans le domaine de l'expérimentation, puisque ces formes étranges que Geoffroy Salnt-Hilaire avait si soigneusement cataloguées, en observateur impartial et attentif, ont pu être en partie au moins artificiellemeut repro- duites. Même pour les faits sociaux, dans lesquels l'économiste (et le législateur lui- même) ne peut guère intervenir, on a parlé de science expérimentale, et Do.nnat a écrit ,S96 EXPÉRIMENTALE (Méthode). un livre sur la politique expérimentale, en confondant d'ailleurs assez ingénument l'observation et l'expérience. La médecine était restée pendant des siècles une science d'observation. Les phéno- mènes morbides paraissaient soustraits à toute provocation expérimentale. Huxter, Claude Bernard, et surtout Pasteur, ont transformé la pathologie, et lui ont permis de devenir science expérimentale. Assurément, l'expérimentation ne peut pas créer toutes les maladies. Il en est — comme l'hystérie, par exemple, ou l'épilepsie idiopathique, — que nulle vivisection et nulle intoxication no produisent. Le diabète même, que Claude Bernard a réalisé sur l'animal, n'est pas identique sur l'animal opéré et sur le malade; et il faut être assez prudent quand on veut appliquer au diabète idiopathique ce qui a été découvert sur le diabète par ingestion de phloridzine, par piqûre du quatrième vcniricule, ou par ablation du pancréas. Mais, en tout cas, il est bon nombre de ma- ladies, l'érysipèle, la rage, le charbon, la tuberculose, la diphtérie, etc., qui sont ino- culables, et par conséquent relèvent tout à fait de l'expérience. En un mot, il est des sciences uniquement descriptives et d'observation, comme Tana- lomie, l'astronomie, la météorologie. 11 est des sciences mixtes dans lesquelles peuvent concourir l'observation et l'expérience, comme la pathologie et la tératologie. Il est enfin des sciences exclusivement expérimentales, comme la physiologie, la chimie et la physique. II. De rexpérimentation en physiologie. Répétition et comparaison. — Cette distinction étant bien ét:iblie, voyons en quoi consiste une expérimentation. Claude Bernard en a si bien défini les conditions que nous ne saurions mieux faire que de résumer ce qu'il dit à ce sujet. L'expérimentation est une observation provoquée, laquelle, par conséquent, peut alors être poursuivie dans les meilleures conditions. Je suppose qu'il s'agisse d'étudier la contraction musculaire. Si je fais une expérience sur le muscle, je pourrai m'entourer d'appareils divers, très précis, qui me donneront des détails multiples, thermomètres, myographes, galvanomètres, etc. Plus je serai maître de reproduire ad libitum mon expérience, plus je pourrai la faire correctement, en lui donnant tout le développe- ment nécessaire, et en étudiant foutes ses conditions; tandis que, si elle survient à l'iinproviste, il me sera impossible d'accumuler les conditions d'une observation vraiment fructueuse. Le principal avantage de cette observation j^rovoquée, ou expérience, sur l'observa- tion simple, non provoquée, c'est qu'elle permet la comparaison entre deux phénomènes presque identiques. Tout phénomène dépend d'une multitude de conditions qui ne se laissent pas débrouiller facilement tout d'abord. Soit par exemple la contraction musculaire. De combien de conditions va dépendre la forme de cette contraction? L'espèce de l'animal observé, la nature dii muscle, la température de ce muscle, le poids qu'il doit soulever, la quantité d'électricité qui va irriter la fibre musculaire, la teneur de ce muscle en sang, la durée de l'excitation, l'inlluence des excitations antérieures, le temps qui s'est écoulé depuis la mort, etc. Les phénomènes sont tellement complexes que, si je ne les dissocie pas, je ne pourrai jamais en comprendre clairement la nature. L'expérience alors consiste à faire VanaUjse du phénomène. On prend les éléments qui le constituent; on cherche à les connaître tous, et, une fois qu'on les a bien con- nus, on les met tous en jeu dans une double expérience oîi ils sont tous identiques, tous, sauf un seul qu'on fait varier. La différence entre les deux phénomènes qui se produisent alors nous révèle l'influence de cette cause qui a été la seule variable. Par exemple, dans le cas dont il s'agit (contraction musculaire), tout est identique : espèce animale, nature du muscle, tension électrique, poids qui tend le muscle, quan- tité de sang, température, etc. Un seul élément, je suppose, est variable, c'est que dans un cas il s'agit d'un muscle frais, et dans l'autre d'un muscle fatigué par des exci- tations antérieures. La différence des résultats myographiques dans les deux cas me donnera précisément ce que je cherche, c'est-à-dire l'influence de la fatigue sur la con- traction musculaire. L'habileté de l'expérimentateur consiste en grande partie à démêler les éléments multiples qui régissent un phénomène, qui le dctcr minent, suivant la forte expression EXPÉRIMENTALE (Méthode). 897 de Claude Bernard; de sorte que la lâche du physiologiste cousisfe presque tonjovu-s à faire une double expérience, en ne laissant varier qu'un seul do ses l'iénieuls pour on saisir l'inlluenoe. Dans l'exemple du muscle et delà contraction muscnlaire, cette analyse cxpérimon _ taie est facile, on au moins elle est devenue facile aujourd'hui, grâce aux beaux travaux relatifs à la myographie. Mais, dans d'autres cas, la détermination est beaucouj) plus ardue; car les phénomènes s'enchaînent si étroitement, que le lien causal qui les réunit n'est pas simple à discerner. Soit, par exemple, la section des deux nerfs vagues déterminant sur quatre chiens la mort. Quoique toutes les conditions soient en apparence les mêmes, l'un meurt en quelques minutes; l'autre en vingt-quatre heures; l'autre en trois jours; l'autre en dix jours. Pourquoi cette différence, alors qu'on croit avoir fait la résection des vagues dans les mêmes conditions chez ces quatre animaux? Legali.ois a observé que, si l'animal est tri's jeune, il meurt en quelques minutes; et il a pu en donner la cause. Mais on n'est pas encore arrivé à savoir pouixjuoi il est des chiens résistant deux jours, d'autres cinq jours, d'autres dix jours. C'est une analyse expérimentale qui est encore à faire. Et alors il faudra tout examiner: l'âge des animaux, la race à laquelle ils appartiennent, le sexe, la température extérieure, la nutrition avec des aliments liquides, ou solides (faci- lement ou difficilement digestibles), l'état du cœur, l'état des poumons (microbes con- tenus dans le poumon, pneumonie), la pression artérielle, la température de l'organisme, la congestion pulmonaire, etc., toutes conditions variables, très délicates à étudier, puisque, malgré un nombre considérable d'expériences, la cause directe de la mort après la section des vagues n'est pas encore irréprochablement connue. Que d'erreurs ont été commises parce que les conditions déterminantes du phénomène n'ont pas été suffisamment précisées! Que d'erreurs n'ont été évitées, parce qu'on n'a pas daigné faire cette analyse exptM-i mentale, cette expérience de contrôle, qui est presque toujours nécessaire, même lorsqu'on est tenté de la croire superflue. J'en citerai seule- ment deux exemples qui me sont personnels. Ayant constaté que les lapins, les chiens, les oiseaux perdent constamment, minute par minute, une certaine quantité de leur poids, par le fait de la respiration, j'ai voulu reproduire cette expérience sur des tortue?, par la méthode graphique, et je plaçais à cet elTet des tortues dans une cage sur la balance enregistrante. Or j'observais cons- tamment le même fait paraioxal : les tortues diminuaient de poids pendant le jour; elles augmentaient pendant la nuit. J'ai voulu alors savoir ce que donnerait une tortue morte, par comparaison, et j'ai constaté (à ma grande surprise) le même phénomène. Je l'ai constaté encore quand je mettais un kilogramme de plomb dans la cage au lieu de tortue. Le phénomène était dû tout simplement à l'absorption de l'eau dans la nuit par le bois hygrométrique de la cage. Dans une autre expérience, je voyais qu'en plongeant une tige de cuivre dans du mercure, si le cuivre et le mercure sont reliés à deux électrodes excitant le nerf d'une- grenouille, on provoque une contraction musculaire chaque fois que le cuivre touche le mercure. L'expérience est parfaitement exacte. Mais ce n'est pas, comme je l'ai cru d'abord, la répétition de l'expérience de (iALVA.\i; car, si le mercure est parfaitement sec, il n'y a pas de contraction. Au contraire, la contraction se produit dès que la surface du mercure est très légèrement humide. 11 suffit de s'approcher un peu pour que l'eau de l'haleine expirée humidifie le mercure, et alors il y a contact de métaux humides, et non plus de métaux secs. On pourrait multiplier à cet égard les exemples. Tout doit être pesé, déterminé, con- trôlé exactement. Et, en une science aussi complexe que la science des êtres vivants, il ne faut omettre aucune des conditions déterminantes, même celles qui en apparence n'ont aucune importance. Par exemple, on trouve que sur tel chien la peptone rend le sangincoagulable; que sur tel autre elle n'a pas d'effet. Le fait reste incompréhensible tant qu'on n'a pas constaté que sur les chiens à jeun et sur les chiens en digestion l'action de la peptone n'est pas identique ; et que des injections antérieures de peptone vaccinent contre l'action anti-coagulante de ce poison. Mais le plus mémorable exemple de ces expériences comparatives nous a été fourni DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME V. 57 898 EXPÉRIMENTALE (Méthode). par Claude Bernard, auquel il faut toujours revenir quand il s'agit de la méthode expé- timentale, soit comme théorie, soit comme application. Étudiant l'absorption et le sort du sucre ingéré, il analj^se le sang de la veine porte des animaux nourris au sucre, et il trouve du sucre en abondance. Il semblait que ce résultat fût suffisant. Mais il ne s'en contente pas, et, pour bien établir que le sucre qu'il trouve dans la veine porte est le sucre de l'alimentation, il examine le sang portai d'animaux nourris sans sucre, et il y trouve aussi du sucre. On sait quelles furent les conséquences de cette admirable découverte. Il fallait pousser à un degré extraordinaire l'amour de la précision expérimentale et le culte des compa- raisons pour douter que le sucre du sang portai des animaux nourris au sucre ne fût pas le sucre de l'alimentation. Que de grandes et fécondes découvertes sont dues uniquement à ce qu'une vérifica- tion a été entreprise, une comparaison instituée! 11 faut donc, toujours sans se lasser, faire des expériences comparatives. Je ne crains pas de dire que celte comparaison est la base de la méthode expérimentale. C'est parce que la comparaison ne peut pas se faire dans des conditions rigoureuses, que les sciences d'observation sont inférieures, au point de vue de la méthode, aux sciences expérimen- tales. Quand on inocule des cobayes, des chiens ou des lapins avec le virus tuberculeux, on peut se placer dans des conditions, sinon identiques entre elles, au moins très voi- sines, quant à l'âge, le sexe, le poids, la nutrition des animaux inoculés, quant à la virulence, la quantité, la nature du virus injecté, tandis que le médecin qui observe des tuberculeux est forcé d'accepter les faits que le hasard de la clinique lui apporte. Rien n'est comparable. 11 ne sait rien ou presque rien sur le moment de l'infection, sur la qua- lité du virus infectieux; et les conditions de nutrition ou d'hygiène des malades qu'il a mission de guérir sont toutes fort différentes. La comparaison devient très difficile : en tout cas elle est très longue, et elle ne peut jamais être aussi précise que dans les études de pathologie expérimentale. Ainsi donc, si un conseil était à donner aux expérimentateurs, ce serait de ne jamais conclure, sans avoir fait, et même fait plusieurs fois, l'expérience de contrôle, l'expé- rience comparative. Souvent les médecins, quand ils font de la pathologie expérimen- tale, se contentent d'une ou deux expériences, comme s'ils avaient peur, en les renou- velant, de découvrir qu'ils se sont trompés. Or cette limitation dans le nombre des expériences est une méthode absolument défectueuse. D'une expérience unique on ne peut presque jamais rien conclure, car on ne doit pas se flatter d'avoir noté toutes les conditions expérimentales dans lesquelles le phénomène s'est manifesté. Experientia nna, cxpcrientia niilla. La comparaison et la répétition sont les deux bases de la méthode expérimentale. La distinction fondamentale entre l'observation et l'expérience, c'est que l'observa- tion n'est comparative qu'indirectement, tandis que l'expérience est résolument et directement comparative. Une observation est comme une équation où se trouvent quantité d'inconnues, dont on ne peut pas dégager la valeur. Au contraire, dans une expérience comparative, tout est identique, sauf l'inconnue unique qu'on veut dégager. On peut alors arriver à la déterminer. On a ramené une éjuation de plusieurs inconnues, insoluble, à n'être plus qu'une équation à une seule inconnue. Sous une autre forme, cette comparaison est ce que Claude Bernard appelait le déterminisme. Tout dépend, disait-il, de la détermination des conditions expérimen- tales, et c'est à cela que doit s'attacher l'observateur. Or il ne peut arriver à cette déter- mination que par la répétition des expériences et la comparaison. On a beau faire; il reste toujours quantité de conditions déterminées d'une manière incomplète. On croit avoir tout observé, mais en réalité un élément a échappé. Alors il ne faut pas craindre de recommencer, en se plaçant dans des conditions tout k fait identiques, sauf bien entendu celle qu'on fait varier, pour en apprécier la nature. Heureux ceux qui peuvent tout de suite, par un petit nombre d'expériences, dissocier les multiples conditions dans lesquelles elles ont été effectuées. Pour ma part jamais je n'ai réussi d'emblée, quand il s'agissait d'une expérience nouvelle, à comprendre le phénomène. Il m'a toujours fallu recommencer souvent et longtemps. Chaque expéri- EXPÉRIMENTALE (Méthode). 899 menlation m'éclairait sur un point de détail, mais en laissait beaucoup d'autres dans l'ombre, et ce n'est qu'à la longue, à force de répéter les mêmes conditions expérimen- tales, que je parvenais à me faire quelque idée du phénomène. Il s'ensuit que l'expéiience la mieux faite n'est jamais la première expérience. Ce n'est qu'à la suite d'une longue série d'essais que l'on a enfin pu établir l'expérience définitive, celle qu'il faut publier, celle qui délimite exactement le phénomène. Tout ce qui a précédé celle-ci peut à la rigueur être considéré comme non avenu, ne nous ayant servi qu'à mieux faire l'expérience ultime. Certes on a le droit aussi d'établir des moyennes, et de chercher dans ces moyennes, résultant de chiffres aussi nombreux que possible, la confirmation de telle ou telle vérité, la constatation de tel ou tel chitfre. Mais ces moyennes ne seront utiles que si les conditions expérimentales sont, sinon identiques, au moins très analogues. Il semble que, pour les physiologistes, plus encore que pour les chimistes ou les phy- siciens (car la physiologie est une science plus compliquée et généralement plus obs- cure), le seul moyen d'éviter d'irrémédiables erreurs est de répéter, sans se lasser, toutes les expériences. Qu'on ne craigne pas de piétiner sur place ; quand on sait et qu'on veut observer, il y a, dans chaque expérimentation, un large champ ouvert à l'observation et à la conslatation de phénomènes nouveaux. Cette méthode de la répétition fréquente, presque incessante, quoiqu'elle paraisse fort lente, en réalité est la plus rapide ; car elle évite tout retour en arrière, et chaque pas qu'on a fait est définitif. On voit donc que finalement les qualités de l'expérimentateur, outre les qualités d'invention et d'imagination, doivent être toutes celles de l'observateur. Si l'on a bien observé, on est bien près d'avoir fait une bonne expérience. Mais il ne faut pas s'ima- giner qu'il soit facile de bien observer. Combien de savants, dit quelque part P. Bert, se conduisent comme de véritables somnambules, ne voyant que ce qu'ils veulent voir, ne cherchant que ce qu'ils veulent cherciier! C'est là une erreur déplorable. Quand on expérimente, il ne faut pas avoir d'idée pré- conçue, ni de parti pris. Il faut tout examiner sine ira et studio. A supposer qu'on ait édi- fié une hypothèse dont on désire voir la confirmation, n'est-il pas plus intéressant de trouver que cette hypothèse était fausse au lieu de constater qu'elle était justifiée? Si l'hypothèse était probable ou rationnelle, et que le phénomène ne se produise pas, c'est qu'il y a quelque chose d'imprévu, d'inusité, qu'il est bien plus utile de poursuivre que le phénomène vulgaire auquel on s'attendait. L'observateur doit donc être impartial, plus impartial peut-être qu'un juge. Une fois que l'expérience a commencé, il ne doit plus se préoccuper que de tout bien regarder, sans se laisser aveugler par les théories. A ce moment, les faits sont là, les théories ne comptent plus. Magendie, qui a été le maître de Claude Bernard, et dont le génie perspicace a été si utile à la physiologie, Magendie disait qu'il fallait expérimenter comme une bête; et Darwin, qui ne connaissait probablement pas le mot de Magendie, se vantait de faire des expériences d'imbécile. Ces deux grands savants voulaient dire par là que, lorsque les faits sont devant nous, il faut oublier toutes les doctrines que l'École nous a apprises, pour regarder sans parti pris ce qui se présente à nous, et tout observer. Si quelque point est défectueux dans cette observation, rien n'est plus facile que de la recom- mencer et de regarder de nouveau. III. De rinvention et de l'imagination dans les sciences expérimentales. — La répétition et la comparaison ne sont pas les seuls avantages de la méthode expéri- mentale. Il en est un autre plus précieux encore, si possible ; c'est Vinvention. Claude Bernard a exposé avec une netteté éloquente que l'idée a priori était néces- saire dans les sciences d'expérimentation. Celui qui se contente d'observer les phéno- mènes, sans les provoquer, n'a pas un champ très vaste devant lui. Il faut qu'il essaye d'expliquer ces phénomènes. La cause ultime échappera toujours assurément; mais ce n'est pas cette cause ultime, inabordable, que nous cherchons; comme les phénomènes dépendent les uns des autres, reliés par des séries de phénomènes qui sont des causes, mais des causes secondes, on peut avancer de plus en plus vers la cause dernière, sans jamais l'atteindre. Ce sera déjà beaucoup que d'avoir atteint les causes secondes ou médiates. 900 EXPÉRIMENTALE (Méthode). Or, pour trouver ces causes médiates qui expliquent une partie des phénomènes, l'observation simple ne suffit pas : car, si l'ubservation avait été suffisante, depuis long- temps sans doute l'explication eût été trouvée par les hommes. Par exemple, qu'aui-ait-on pu découvrir en chimie par la simple observation? Jamais, dans les conditions ordi- naires, sans une expérimentation des plus compliquées, le chlorure de sodium ne se dédouble en chlore et en sodium. Les conditions normales physico-chimiques, météoro- logiques, physiologiques, n'auraient jamais permis aux hommes de savoir qu'il y a dans le chlorure de sodium un métal qui se décompose par l'eau. L'observation la plus péné- trante de milliers et de milliers d'observateurs n'eût pu conduire à cette donnée, sans une expérimentation préalable. De là la nécessité absolue pour les sciences de provoquer des conditions spéciales qui permettront à l'observation de s'exercer. C'est précisément dans l'invention de ces conditions nouvelles que consiste le génie de l'expérimentateur. La nature se lasserait moins de fournir que l'esprit de concevoir, a dit à peu près Pascal. 11 est de fait que nous sommes vraiment très pauvres en idées, par rapport à la puissance inépuisable du fait, qui chaque fois, dans sa variété, fournit des documents nouveaux, quand on a su varier l'expérience. Enseignements qui ne sont pas seulement nouveiux, mais imprévus, et par cela même d'autant plus intéressants, car chacun d'eux, par une concaténation admirable, va nous entraînerj^dans de nouvelles hypothèses, lesquelles conduiront à des expériences nouvelles, devant, elles aussi, fournir encore des faits imprévus. L'invention expérimentale comprend deux éléments; il s'agit de savoir d'abord quel est le problème à résoudre, et ensuite par quels procédés on en cherchera la solution. Les problèmes à résoudre sont innombrables ; mais ils n'ont pas tous le même intérêt ; et le principal mérite des savants qui ont laissé un nom dans la science par leurs fécondes découvertes, c'est précisément d'avoir su discerner, dans l'amas immense des questions inconnues et litigieuses, celles qui avaient une grande portée, et celles qui étaient de médiocre intérêt. De plus, il faut en quelque sorte prévoir celles dont la solution sera possible, et celles qui échapperont à toute solution. Probablement chacun de nous a eu, dans sa carrière, l'occasion de passer des semaines, des mois, des années peut-être, à la solution de problèmes insolubles, qui paraissaient directement abor- dables, qu'il aurait cependant dû, avec plus de perspicacité, ne pas aborder, afin de ne pas perdre un temps très précieux. D'autre part, dans l'œuvre de tout savant, ne trouve-t-on pas beaucoup de temps consacré, avec assez peu de profit, à étudier de petites questions qui importent peu? Parfois le contraste est saisissant entre tel ou tel travail qu'on a effectué. Tantôt il s'agit d'une œuvre féconde et utile qui a cependant coûté peu de temps et d'efforts. Tantôt, au contraire, un très long travail n'a abouti qu'à de minces résultats. Le temps employé à une recherche est de nulle importance pour apprécier sa valeur, et il y a des disporportions, parfois douloureuses, entre le minime profit scientifique d'une recherche, et la patience, l'ingéniosité, le labeur qu'on y a déployés. On dit souvent que c'est un effet de hasard ou de chance. Habent sua fata libclli. Mais il ne parait pas que le mot de hasard soit tout à fait juste. Car c'est presque un défaut de perspicacité que de s'être acharné à une question soit inabordable, soit médiocrement intéressante. Je prendrais volontiers pour exemple de ces médiocres problèmes, poursuivis avec une ingéniosité et une persévérance incomparables, l'étude des propriétés électro- physiologiques des muscles par E. du Bois-Reymond. Ce grand savant, esprit perspicace et généralisateur, physicien et mathématicifin, autant que philosophe et physiologiste, a consacré quarante ans d'un labeur opiniâtre à l'étude des variations électriques des nerfs sous l'influence de l'excitation, et cela dans un laboratoire richement pourvu, avec un nombreux personnel d'assistants zélés et habiles. Cependant ce grand etfort n'a pas donné tout ce qu'on eût pu espérer. Le problème à résoudre a été (partiellement) résolu ; mais le résultat, au point de vue de la biologie générale, a été assez mince et quelque peu décourageant. EXPÉRIMENTALE (Méthode). 901 Il est donc évident que la première tâche de l'expérimentateur est de pressentir quelles sont les questions mérilanl une recherche approfondie. On voit tout de suite que l'érudition est nécessaire. Comment oser aborder une question sans savoir ce qu'on a fait jusque alors pour la résoudre? Ce n'est même que par la lecture des ouvrages ou mémoires de physiologie qu'on acquerra quelque idée inventive. Les profanes qui ne connaissent pas la physiologie n'ont jamais eu que des idées ridicules pour l'invention d'expériences nouvelles. Un détestable axiome sans cesse répété par les ignorants, c'est que l'érudition tue l'originalité. Or, il me semble, pour ma part, qu'on devrait dire exactement le contraire. La lecture d'un mémoire de physiologie donne des idées qu'autrement on n'aurait jamais pu avoir, et, si elle est faite avec attention, elle développe l'esprit inventif. Toutefois il faut qu'on sache nettement distinguer, dans l'œuvre qu'on vient de lire, ce qui est hypothétique et ce qui est certain. Souvent, sinon toujours, il faut être, quant à la théorie, plus sévère que l'aiiteur lui-même, et ne pas se contenter des preuves qu'il donne. Lue théorie, même fausse, a eu parfois ce grand avantage de provoquer des expériences nouvelles. Quant aux faits, il faut les étudier avec soin, pour chercher à y découvrir quelque détail ayant peut-être échappé à l'auteur, et conduisant soit à une interprétation, soit à une expérimentation nouvelle. L'expérience, étant, par définition même, une observation provoquée, ne peut l'être que par un effort d'imagination ou d'invention. Mais l'invention ne naît pas spontané- ment : elle ne peut être, sauf de rarissimes exceptions, que le fruit d'un long eil'ort. Le savant, vraiment digne de ce nom, doit, à chaque instant, se poser certaines questions. Le monde qui l'entoure doit être par lui considéré comme une énigme, dont son devoir est de poursuivre la solution. Il doit toujours se dire : pourquoi et comment? ne pas se tenir satisfait des réponses presque toujours insuffisantes qui ont été données ; et son esprit toujours en éveil doit être animé d'une curiosité perpétuelle. Cette curiosité, qui est la qualité dominante de tout expérimentateur, est essentiellement féconde, puis- qu'elle a pour conséquence immédiate la provocation à une expéiience; c'est-à-dire l'invention, l'imaeination d'une tentative nouvelle. Certes l'esprit critique est nécessaire, indispensable. Sans cet esprit critique qu empêche les erreurs de théorie ou d'observation, sans l'érudition qui empêche de refaire des expériences déjà faites depuis longtemps, ou qui évite de prendre une voie reconnue fausse, nulle expérimeutation n'est valable. Mais, de même que l'érudition, l'esprit critique, par lui-même, est assez peu de chose : il faut une invention originale, féconde. . Je ne comprends pas bien comment notre grand Pasteur, qui posséda plus que tout autre le don de l'invention géniale, inaugurant un monde nouveau, a osé mettre au premier rang des qualités scientifiques l'esprit critique. S il n'avait été qu'un critique, il eût fait un excellent et sagace chimiste, il n'aurait pas été l'immortel Pasteur. Vulpian, dont l'intelligence était si perspicace et si sûre, fut un excellent physiologiste, doué d'un esprit critique irréprochable ; mais, malgré cela, peut-être même à cause de cela, son œuvre est assez médiocre, et, après un quart de siècle, il ne reste presque rien de lui. Tous les grands physiologistes, Harvey, Spallanzani, Galvani, Lavoisier, Magendie, J. Muller, Claude Bernard, ont eu ce don de l'invention, et c'est ainsi que la science physiologique a pu avancer; car l'invention est nécessaire au progrès. Quant à caractériser l'invention, on peut dire, d'une manière, il est vrai, trop géné- rale pour être rigoureusement exacte, que l'invention consiste dans un rapport nouveau inaperçu jusque alors entre les faits. Aussi ne faut-il pas craindre de tenter souvent des expériences qui paraissent peu justifiées. On ne court d'autre risque que d'échouer. Il n'y a aucun inconvénient à être très téméraire et très audacieux, parfois même absurde, dans l'hypothèse, à condition que cette audace soit tempérée par une extrême rigueur dans la critique des condi- tions expérimentales, et une sévère prudence dans la théorie. Quand on médite une expérience, il ne faut pas trop se laisser arrêter par les objections théoriques données dans les livres classiques ; et on a bien rarement à regretter d'avoir été trop aventureux. Le plus souvent on pèche par timidité. 902 EXPÉRIMENTALE (Méthode). A vrai dire, une fois que l'expérience est commencée, par une malheureuse contra- diction, on pèche par défaut de rigueur. Or on doit être aussi hardi dans l'invention de l'hypothèse que rigoureux dans sa démonstration; et trop souvent, c'est l'inverse qu'on pratique. On est timide dans l'hypothèse, et on se satisfait à bon compte quand il s'agit de la vérifier. On a remarqué souvent que c'est à la limite de deux sciences que se font les décou- vertes, justement parce que les savants qui étudient profondément une question l'étu- dient d'après les méthodes de la science dans laquelle ils sont plus spécialement versés, et non avec les méthodes et les points de vue différents de la science voisine. Mais il n'y a pas de conseils à donner aux inventeurs. 11 n'est même pas besoin de leur rappeler le mot, plus ou moins authentique, de Newton, à qui on demandait comment il avait découvert l'attraction et qui répondit: « En y pensant toujours. » En tout cas, au point de vue pédagogique, me sera-t-il permis d'insister sur l'erreur qu'on commet lorsqu'on s'efforce d'atténuer, effacer, corriger, éteindre l'imagination des enfants et des jeunes gens. C'est surtout pour ceux qui doivent faire de la science que l'imagination inventive est précieuse. Pour les sciences mathématiques comme pour les sciences expérimentales, l'imagination est un don essentiel; et tout ce qui peut contribuer à la développer, soit chez l'enfant, soit chez l'étudiant, doit être encouragé par les éducateurs. IV. — Des dispositions expérimentales et de Tinstitution dune expérience. — Une fois qu'on a résolu de faire telle ou telle expérience, l'invention et l'esprit cri- tique doivent être, à doses égales, mis en œuvre. D'abord l'invenlioii est nécessaire, car tout dépendra peut-être de la manière plus ou moins originale dont le problème sera abordé. Le plus souvent, la question qu'on veut résoudre a déjà été agitée par de nombreux savants, et il est presque inutile de reprendre des expériences qui ont échoué déjà. C'est par des moyens très détournés que le physiologiste est forcé de procéder, dans un grand nombre de cas. S'il attaque de front le problème, il n'arrivera à rien. II importe alors qu'il connaisse exactement la technique expérimentale classique, et qu'il soit, au besoin, en état d'imaginer de nouvelles méthodes techniques. L'instrumentation actuelle en physiologie est devenue très compliquée ; avec les aneslhésiques, les chronographes, les enregistreurs divers, les thermomètres, les mano- mètres, et tant d'autres mesures de précision, c'est tout un attirail qui permet au phé- nomène de s'inscrire automatiquement, sans presque que l'expérimentateur ait à inter- venir. Mais tout ce luxe, nécessaire d'ailleurs, de mensurations exactes ne doit pas faire illusion; et il faut que l'observation reste aussi éveillée qu'elle devait l'être jadis, au temps de HuNTEROude Spallanzani, quand on n'avait ni téléphone, ni chronographe, ni hématomètre, ni sphygmoscope. Si la méthode graphique n'était pas ainsi comprise, et si elle avait le malheur de supprimer l'observation directe, attentive et scrupuleuse, de tous les phénomènes, attendus ou non, qui doivent survenir, la méthode graphique serait plus nuisible qu'utile. Il faut surtout qu'on se souvienne qu'elle est un moyen et non un but. C'est une méthode d'investigation précise, dont la fidélité est incomparable : mais elle ne peut donner que ce qu'on lui demande, et tout dépend de la manière dont on l'interroge. Si l'interrogation est défectueuse, la réponse ne peut être que falsifiée, et, si on la pre- nait au pied de la lettre, elle conduirait à de funestes méprises. De plus — et c'est un point essentiel sur lequel nous appelons l'attention, — quand on dispose une expérience avec la méthode graphique, c'est parce qu'on a une idée préconçue, et parce qu'on a déjà fait une première hypothèse, une de ces hypothèses a priori qui sont les instigatrices de toute bonne expérience. Mais il n'est pas certain que cette hypothèse sera justifiée par le fait, et, dans quelques cas, comme un phéno- mène imprévu peut se manifester, la méthode graphique n'aura pas été disposée pour l'enregistrer et le recueillir, de sorte qu'il y aurait de grands dangers à se contenter de la lecture du tracé graphique obtenu, et à ne pas vouloir regarder les phénomènes qui vont se passer, sous prétexte que les appareils sont là pour les constater. Ils en constatent quelques-uns, ils ne les constatent pas tous; or il est indispensable que tous soient observés, et bien observés. EXPÉRIMENTALE (Méthode). 903 Claude Bernabd avait coutume de dire que la réponse de la nature à la question qu'on lui pose est toujours d'une précision irr(''prochal)le, si la question est bien posée. Par exemple, qu'il s'agisse de savoir si les sels d'ammoniaque élèvent ou abaissent la tempé- rature, la réponse sera toujours très nette, mais à condition qu'on ait bien déterminé la dose. Un gramme d'acétate d'ammoniaque élève la température ; mais trois grammes l'abaissent énormément. Il ne faut donc accuser que soi-même si l'on n'a pas une réponse satisfaisante et toujours identique. Dans des conditions comparables quant à la dose, sur des animaux de même poids, de même espèce, de même âge, la réponse sera tou- jours la même. Une fois que l'expérience a été instituée, il faut tout obseiver, tout enregistrer, tenir compte de toutes les conditions, même les plus insignifiantes, ne pas craindre de se don- ner du mal inutilement, en prenant avec un peu d'exagération les mesures de tempé- rature, de pression artérielle, de rythme respiratoire, etc., en faisant des dosages d'urée, d'acide carbonique, d'hémoglobine, etc. On ne doit jamais se fier à sa mémoire, et il faut immédiatement que les données observées soient enregistrées avec le plus grand soin et consignées dans le cahier géné- ral des observations. Qu'on ne néglige pas de contrôler sans cesse les appareils qu'on emploie. Ayons toujours présente à l'esprit la mésaventure de ce physiologiste qui prit dix mille tem- pératures, chez l'homme, avec des thermomètres reconnus plus tard comme peu exacts. Bien d'autres conditions encore dans le détail desquelles je ne peux entrer ici (voyez Graphique [Méthode] et Vivisection) sont nécessaires pour que l'expérimentation soit fructueuse. Qu'on n'oublie pas surtout que, si l'invention et l'originalité ne sont pas per- mises à tous, du moins la scrupuleuse et exacte observation est un devoir. C'est une qualité sine quâ non. On n'est pas digne d'être un savant, si, pour appuyer une hypothèse ou confirmer une théorie, on altère, aussi légèrement que ce soit, plus ou moins con- sciemment, par négligence, par omission ou par paresse, les résultats que l'expérimen- tation a donnés. C'est aux faits contradictoires, qui gênent ou troublent nos théories, qu'il faut toujours donner le plus d'importance, et, au lieu de les garder sous le boisseau, on doit les mettre résolument en pleine lumière. On sera certain ainsi de n'avoir pas embarrassé la science de faits erronés, et d'avoir accompli une œuvre utile, si petite qu'elle soit. L'histoire de la science nous apprend que certaines erreurs, dues à d'incomplètes observations, ont retardé pendant longtemps la marche du progrès, « Souvent, dit du Bois-Reymond, une mauvaise expérience, qui a duré une heure cà peine, a exigé, pour être combattue et réfutée, plusieurs années de travail. » CHARLES RIGHET. EXPRESSION. — Voyez Facial (Nerf). EXTASE. — Voyez Hystérie. F FACIAL (Nerf). — Pour Cl. Bernard, la paire nerveuse de la face compre- nait un élément sensitif, la grosse portion du trijumeau, des éléments moteurs, consti- tués principalement par le facial et accessoirement par le nerf masticateur de la V^ paire, enfin un élément sympathique que repi^ésenlait le nerf intermédiaire de Wris- liERG avec le ganglion géniculé. Le ganglion qui dans la paire crânienne à laquelle appartient le facial est l'analogue du ganglian intervertébral, c'est le ganglion de Cas- ser {Syst. nerveux, ii, 106, I808). Ce qui confirmait encore Cl. Bernard dans cette opinion c'est que le facial reçoit sa sensibilité récurrente du trijumeau; or c'est sur ce mode d'association des filets moteurs avec les filets sensibles de l'axe encéphalo-médullaire qu'il a fait reposer la détermination de la paire nerveuse physiologique. Fr. Franck {T7'av. Lah.Marey, 187.5, 316) a considéré le facial comme un nerf commun au groupe trijumeau d'une part, au groupe pneumogastrique de l'autre, s'appuyant au point de vue physiologique sur ce que la sensibilité de la Vil'' paire provient en partie du nerf vague, sensibilité directe toutefois et non récurrente. On tend aujourd'hui à faire du facial un nerf mixte dont la racine sensitive est repré- sentée par le nerf de AVrisberg : celui-ci a son centre, comme tous les autres nerfs crâniens centripètes, en dehors de l'axe nerveux, dans le ganglion géniculé. Si, chez l'homme et les vertébrés supérieurs, le domaine sensitif du facial est considérablement réduit, il n'en serait plus de même chez les vertébrés inférieurs : chez ceux-ci, il peut égaler et même dépasser en importance le territoire moteur. Chez certains animaux, comme le Petromyzon, le facial serait même exclusivement sensitif [Anat. Poirier, nr, 839). Chez l'homme, le territoire sensitif du facial est limité aux deux tiers antérieurs de la langue, à laquelle il ne donnerait même que la sensibilité spéciale, gustative. On verra plus loin ce qu'il faut penser de cette dernière assertion. Sans rien préjuger de la fonc- tion de la petite racine de la VIP paire, nous aurons donc à étudier : 1° le nerf facial proprement dit; 2° le nerf de Wrisberg. Historique. — Avec Megkel (I7o1) on s'accordait à croire que la V« et la VIP paire président à la fois à la sensibilité et aux mouvements, lorsque Bellinger (1818) eut le premier l'idée, au dire de Longet (T. P., m, 456, 1873), d'attribuer à chacune d'elles des usages différents. Malheureusement, la plupart de ses assertions étaient précisément contraires à la vérité : il croyait, en effet, que la sensibilité tactile est due à l'influence du facial, que la portion ganglionnaire du trijumeau fait contracter involontairement les muscles de la face pour exprimer les diverses émotions de l'âme. Mais, en 1821, Ch. Bell et à sa suite J. Shaw, ayant expérimenté sur divers animaux, annoncèrent qu'après la section du facial la sensibilité de la face ne subit aucune dimi- nution et que les mouvements seuls y sont abolis. Après avoir coupé le nerf d'un côté, Ch. Bell avait constaté que les mouvements de la narine du côté correspondant cessaient, tandis que, du côté oii le nerf facial était resté intact, la narine était animée de mouve- ments alternatifs de dilatation et de resserrement, qui correspondaient aux mouvements du thorax. Il nota de plus le changement d'expression de la face du côté paralysé et l'impossibilité du rapprochement des deux paupières. Cependant Ch. Bell, au début de ses expériences, ne se faisait pas du rôle respectif du facial et du trijumeau l'idée que nous en avons aujourd'hui. C'est un point sur lequel VuLPiAN a particulièrement insisté, au point de vue de l'historique de cette question [Leçons sur la physiol. du syst. nerv., 113, 1866). Cn. Bell crut d'abord qu'après la section du facial, les lèvres et les joues continuaient à exécuter leurs mouvements normaux pendant la mastication, et il attribuait leur persistance à l'influence du trijumeau. En coupant les rameaux sus et sous-orbitaires du trijumeau d'un côté, il produisait, disait-il. FACIAL (Nerf). 905 25 en même temps que l'aboliLion de la sensibililé de la peau de la face, celle des mouve- ments de mastiL'ation de ce côté. Il ne faut pas s'y méprendre, fait remarquer Vulpian. Le nerf facial n'est pas, pour Ch. Bell, le nerf qui préside aux mouvements volontaires de la face. « Non : c'est aux mouvements involontaires qu'il sert; il tient sous ra. dépendance les mouve- ments respiratoires et les mouvements expressifs; il fait partie de cette classe de nerfs que Cu. Bell ap- pelle surajoutés, nerfs qui ont des fonctions particu- lières, ditférentes de celles des nerfs ordinaires. 11 suf- fit de lire avec la moindre attention le mémoire de Ch. Bell pour se convaincre sur ce point. La section du nerf facial n'abolit, d'après lui, que les mouvements de la face qui sont en rela- tion avec ceux qu'exécutent le thorax pour la respira- tion et, d'autre ['art, les mouvements d'expression. Mais les mêmes muscles qui ont perdu cette partie de leurs fonctions répon- dent encore librement aux incitations volontaires, tant que le trijumeau reste in- tact. » Si, en effet, à défaut des mémoires originaux que VuLP.AN a pu consulter, on parcourt les analyses ou les traductions des mé- moires de Ch, Bell et de J. Shaw qui ont paru dans le Journal de physiologie (1821 et 182-i), on y trouve des passages qui ne laissent aucun doute sur la manière de voir des auteurs. Dans le premier mémoire de Ch. Bell (1821, 484), on lit, par exemple, qu'après la section du facial il ne sem- blait y avoir que le rap- port des muscles de la face avec les autres muscles de la respiration qui fût interrompu. Dans un travail postérieur (1822, 60), le facial est appelé le nerf respirateur de la face, et le trijumeau le nerf des mouvements volontaires des mêmes parties. En y rendant compte de ses expériences sur la section de la branche sous-orbitaire de la V« paire, Ch. Bell, après avoir décrit les troubles moteurs qui en résultent, ajoute : la perte des mouvements fut si évidente que l'on jugea inutile de couper les autres branches de la V'' paire. 11 faut ajouter que le / \ FiG. 268. — Nerf sciatique [fuj. scJiLnnalique, d'après Beaunis). VII, nerf facial. — viii, nerf auditif. — ix, nerf glosso-pharyngien. — X, nerf pneumogastrique. — 1, nerf de Wrisberg. — 2, grand pétreux superficiel. — 3, nerf vidien. — 4, ganglion do Meckel. — 5, auasto- mo.se du grand pétreux avec le nerf de Jacodson. — G, rameau sympa- thique. — 7, nerf palatin postérieur. — 8, nerf du péristaphylin interne. — 9, nerf du palato-staphylin. — 10, rameau auriculaire. — 11, rameau du stylo-hyoïdien et du digastrique. — 12, anastomose avec le glosso- pharyngien. — 13, rameau du stylo-pliaryngien. — 14, rameau du stylo- glosso et du glosso-staphylin. — 15, branches terminales. — 16, rameau du muscle de l'étrier. — 17, petit pétreux superficiel. — 18, ganglion otique. — 19, anastomose avec Tauriculo-temporal et filets parotions. — 20, parotide. — 21, anastomose du nerf de Jacobson avec le petit pétreux. — 22, anastomose du ganglion otique avec la corde du tym- pan. — 23, corde du tj'mpan. — 24, nerf lingual. — 2;i, filets gustatifs de la corde. — 26, ses filets glandulaires. — 27, glande sous-maxil- laire. — 28, glande sublinguale. — 29, anastomose avec le pneumo- gastrique. 906 FACIAL (Nerf). terme de nerf respii^aleur appliqué au facial se rattache si bien, dans l'esprit de Ch. Bell, à l'idée des mouvements involontaires et d'expression que, pour les mêmes motifs, il a appelé le palliélique le nerf respiratoire de l'œil. Shaw (1822, 77) montre de son côté que les muscles de la face ne sont pas animés seulement par le facial. Chez un âne, après la section de la branche sous-orbitaire gauche, les mouvements de la narine continuaient pendant la respiration, mais les muscles de la lèvre de ce côté étaient devenus inhabiles à la mastication et aux mouvements volon- taires. Dans un mémoire sur la paralysie isolée du facial (1822, 136), Shaw émet cette réflexion, que les circonstances qui accompagnent la paralysie du facial suffisent pour prouver que les mêmes muscles de la bouche qui étaient paralysés dans leur, action rela- tive à l'expression et à la respiration ne l'étaient pas dans leur action soumise à la volonté. Puis c'est de nouveau Ch. Bell (1822, 36i) qui dit que, par la section du facial, on peut priver ces parties de leur action relative à la respiration en laissant intacts leur sensibilité et leur mouvement volontaire. Il ne paraît donc pas douteux que Ch. Bell n'ait vu d'abord dans le facial que le nerf moteur involontaire de la face et dans le trijumeau non seulement le nerf de la sensi- bilité, mais aussi celui des mouvements volontaires : d'après Vulpian, il n'aurait rectifié son erreur et même son texte que sous l'influence des travaux de Magendie. Quoi qu'il en soit, on ne saurait contester au physiologiste anglais le mérite d'avoir prouvé ce fait capital que le facial est un nerf purement moteur, et que c'est le trijumeau qui préside à la sensibilité de la face. Pour terminer ce chapitre d'historique, il y a encore une curieuse remarque à faire en ce qui concerne l'opinion de Ch. Bell sur les nerfs qui animent les muscles des lèvres et de la joue. La principale cause de son erreur sur certaines attributions des nerfs de la V'^ et de la VII'= paire paraît avoir été le résultat que lui avait donné la section du rameau sous-orbitaire du maxillaire supérieur et qui lui avait fait croire que les mouve- ments des lèvres étaient sous la dépendance du trijumeau. Magendie avait déclaré qu'en répétant cette expérience l'influence de la section du nerf sous-orbitaire sur la mastica- tion ne lui avait pas paru évidente. Plus tard, Ch. Bell, prenant, dit-il, en considération l'affirmation de Magendie, attribue les mouvements de mastication des joues et des lèvres à une autre branche du trijumeau, le nerf buccal (Journ. de physiol., 1830, 1). Or, comme nous le verrons, celte opinion est inexacte, tandis que les conséquences de la section du rameau sous-orbitaire sur les mouvements des lèvres ont été vérifiées par de nombreux expérimentateurs; mais l'interprétation de ces faits est tout autre que celle qu'en avait donnée Cm. Bell. On y reviendra plus loin. Opérations qui se pratiquent sur le facial et sur ses branches. — On peut sectionner le facial soit dans le crâne, entre la protubérance et le conduit auditif interne, soit dans son trajet intrapétreux, soit dans son parcours extracranien. Section Intracranietme. — a) Par le trou mastoïdien. — Cl. Bernard a coupé le facial à son origine en pénétrant dans le crâne par le trou de passage de la veine mastoï- dienne qui se rend dans le sinus occipital, l'instrument étant alors dirigé vers le conduit auditif interne. h) Par la fossette occipitale (Jolyet et Laffont. B. B., 1879, 374; Vulpian. Méin. Soc. Biol., 1879, 165). — Si l'on examine la région occipitale du crâne d'un chien, on voit que la ligne courbe occipitale supérieure se termine à sou extrémité externe par un tubercule d'où partent, en avant, la racine supérieure de l'apophyse zygomatique, et en arrière, la crête mastoïdienne du temporal qui se dirige en bas. C'est dans l'angle formé par l'ex- trémité externe de la ligne courbe occipitale et la crête mastoïdienne et à égale distance du sommet de cet angle et du condyle de l'occipital qu'il faut faire pénétrer l'instru- ment : l'os est, en efîet, très peu épais en cet endroit. On pratique donc une incision qui met à nu cette partie de l'occipital; quand le perforateur, tranchant d'un côté, a été introduit dans le crâne au-dessous de la tente du cervelet, on le dirige obliquement du point perforé vers l'œil du côté opposé. L'instrument ayant cette direction va buter contre la paroi de l'aqueduc de Fallope : on lui imprime alors de petits mouvements de haut en bas, et on sectionne le facial, . D'après la description qu'a donnée Bochefontaine du procédé de Vulpian, qui diffère d'ailleurs peu du précédent, on incise les téguments en arrière de l'oreille, de manière à FACIAL (Nerf). 907 découvrir l'interstice musculaire entre le temporal et les muscles cervicaux; on fait une incision longitudinale de ces derniers muscles dans une étendue de 3 à 4 centimètres, immédiatement en arrière de la ligne courbe occipitale supérieure. On met à nu la fossette occipitale au fond de l'incision au moyen d'une rugine. Avec un ciseau et un marteau on enlève celte portion de l'occipital, ou, si elle est suffisamment mince, on la traverse avec un perforateur. Avec un couteau à lame triangulaire, mousse à son extré- mité terminale, on perfore la dure-mère et on arrive au conduit auditif interne en faisant glisser l'instrument le long du rocher. Section dans le trajet intrapctreux. — a) Rappelons pour mémoire le procédé que Magendie a employé chez le lapin : il introduisait dans la fosse temporale la branche d'une simple paire de ciseaux; puis, arrivé au bord supérieur du rocher, il coupait l'os d'arrière en avant. Le peu de résistance du tissu du rocher chez le lapin rend, dit-il, la section assez facile. b) Section dans la caisse du tympan (Cl. Bernard). — On cherche d'abord à sentir la caisse du tympan, ce qui est facile chez les chiens, les chats, les lapins à cause de la saillie que forme au-dessous de l'apophyse mastoïde cette portion de l'oreille moyenne. Avec uu instrument bien trempé et en forme de ciseau, on pénètre directement dans la caisse par la paroi inférieure qui est très mince. Alors l'instrument se meut avec facilité dans l'oreille moyenne. On dirige sa pointe en haut et en arrière, en la faisant marcher trans- versalement, et, en appuyant fortement sur l'os, on divise le nerf facial à son troisième coude, lorsqu'il s'infléchit en bas vers le trou stylo-mastoïdien. Lorsque au lieu de porter l'instrument vers la partie postérieure de la caisse, on le porte vei's sa partie antérieure et supérieure, on peut aller détruire le facial au moment de son entrée dans le canal spiroïde. Comme conséquence de la section simultanée de l'acoustique et des canaux semi-circulaires, dans cette dernière manière d'opérer, Cl. Ber.xard signale une incli- naison de la tète du côté opéré. Chez le chien, chez le chat, à la rigueur même chez le lapin, on pourrait encore, au lieu de pénétrer par la partie inférieure de la caisse, introduire l'instrument par le con- duit auditif en perforant la membrane du tympan {Syat. nerveux, u, 19). c) Procédé de la fenêtre ronde (Tribondeau. Journ. de méd. de Bordeaux, 1893. Laffay, Th. Bordeaux, 1896. A. de P., 1897, 698). Le procédé imaginé par Tribondeau est basé sur ce fait qu'un instrument perforant, introduit par la fenêtre ronde du chien, arrive très facilement jusque dans le conduit auditif interne où il sectionne le facial en même temps que l'auditif et l'intermédiaire. Le procédé comprend trois temps : le premier temps consiste à inciser les tissus jusqu'à ce qu'on arrive au conduit auditif externe osseux, puis à créer dans la paroi externe de la caisse du tympan une brèche suffisante pour apercevoir sa paroi interne : le deuxième temps ou temps principal consiste à introduire par la fenêtre ronde un per- forateur qui va atteindre et interrompre le facial au niveau du conduit auditif interne. Le troisième temps a pour but d'assurer l'hémostase et de fermer la plaie. D'après les indications données par Tribondeau, il faut choisir un chien de moyenne taille à long cou. On fait, de préférence en arrière du pavillon de l'oreille — car en avant les vaisseaux sont très nombreux — une longue incision verticale, et l'on coupe les tis- sus, en pinçant les vaisseaux qui saignent jusqu'à ce qu'on arrive sur l'arête où on ren- contre la ligne occipitale supérieure et la ligne temporale. Au-dessous de cette dernière, juste en arrière du conduit auditif externe qu'on suit surtout bien en introduisant une sonde cannelée dans son intérieur, est une paroi osseuse qu'on fait sauter à la gouge. L'oreille moyenne est ouverte du coup ; si l'orifice n'est pas assez vaste, rien n'empêche d'exciser le bout profond du conduit auditif cartilagineux. La caisse du tympan est alors visible : elle se montre divisée en deux parties par une très mince ligne osseuse saillante, à direction générale antéro-postérieure. La partie inférieure est la bulle tympanique, la partie supérieure présente une sorte de cône très apparent, terminé par un orifice fermé par une membrane : c'est la fenêtre ronde. C'est par cette fenêtre qu'il faut pénétrer en introduisant une fraise mise en rotation par un foret qu'on dirige en haut et en arrière. Une première résistance due à l'étroi- tesse de la fenêtre est vaincue. L'instrument se meut alors dans une cavité qui n'est autre que le limaçon. A ce moment, l'animal dont l'oreille est ainsi lésée présente du 908 FACIAL (Nerf). nystagmus. Quelques tours de plus dans la même direction, et la très mince cloison qui sépare le limaçon d'avec le conduit auditif interne est perforée. Un flot de liquide céphalo- rachidien envahit la plaie : c'est le signe de réussite. Sans enfoncer davantage l'instru- ment, on lui fait subir des mouvements de rotation plus étendus, destinés à détruire complètement le facial. On lie les vaisseaux; on suture, Laffay a modifié surtout le premier temps de l'opération : il trouve plus avantageux, au lieu de suivre la voie postérieure, d'inciser en avant et en bas du pavillon de l'oreille de façon à aboutir à la bulle tympanique en suivant la partie antéro-inférieure du con- duit auditif Il a également simplifié et amélioré l'instrumentation. Le perforateur dont il se sert est porté sur un manche, et est plus en main qu'un foret. La partie perforante est une fraise de dentiste de un millimètre et demi de diamètre, à bout conique. Cette fraise est soudée dans un tube de façon que celui-ci n'en laisse dépasser qu'une lon- gueur de huit millimètres, suffisante pour atteindre le nerf. La présence du rebord du tube, en saillie sur la fraise, délimite mécaniquement le mouvement de perforation, et empêche l'instrument, au cas où il subirait de la part de l'opérateur une impulsion rota- toire trop brusque, d'aller s'enfoncer dans le cerveau ou le cervelet. d) Section en dehors du crâne. — La section du nerf au niveau du trou stylo-mastoïdien est facile, et ne nécessite pas une description spéciale. On peut aussi, comme l'a fait Cl. Bernard, l'airacher à ce niveau; l'opération réussit assez facilement sur les chats et les lapins, mais elle est à peu près impossible chez le chien, dont le tissu cellulaire est trop dense. On arrive aussi quelquefois à arracher le ganglion géniculé avec le nerf; d'autres fois le nerf de Wrisbkrg reste intact, ainsi que le ganglion. On peut enfin avoir à diviser isolément une des branches terminales du facial. On trouvera une étude détaillée de leur trajet et de leur répartition chez le chien, le lapin, le cheval et l'âne dans un travail d'ARLomc et Tripier (A. de P., 1876, H et 105). Chantre a consacré une description particulière aux filets de l'orbiculaire {Ibid.). e) Section du yvand nerf pétrciix superficiel. — Campos (Z>(s\^. l'aris., 1897) est arrivé à sectionner isolément ce rameau du facial chez le singe. f) Section du petit pêtreux. — Schiff {Leçons sur la digestion, i) a divisé ce filet chez le lapin : comme il passe pendant une courte partie de son trajet sous la dure-mère, à la surface du rocher, tout près du bord externe du tronc du trijumeau, on peut l'atteindre en ce point. On se sert d'un instrument semblable à celui dont on fait usage pour sectionner le trijumeau dans le crâne. On introduit l'instrument en avant de l'anneau osseux qui entoure l'orifice du conduit auditif externe. Avançant lentement et avec beaucoup de précaution le long de la base du crâne jusqu'au trijumeau, on épie le moment oii les signes de douleur de l'animal indiquent que l'on est arrivé dans le voisinage du nerf sensible qu'il s'agit de ne pas léser. On arrête alors immédiatement la marche de l'instrument, et on le retire à peu près d'un demi-millimètre. Dans cette position, le tranchant de l'instrument étant tourné en bas, on appuie fortement la lame sur la base du crâne, et on la retire par un mouvement rapide, coupant de cette ma- nière toutes les parties molles qui recouvrent la partie externe et antérieure de la sur- face crânienne du rocher. g) Section de la corde du tympan. — On peut facilement atteindre ce nerf dans la caisse du tympan. L'animal étant maintenu, on i\xe sa tête avec la main gauche, et, au moyeu d'un instrument tranchant analogue à celui que l'on emploie pour sectionner la Y" paire dans le crâne, on pénètre dans la caisse du tympan par le conduit auditif externe; au moment où l'on perfore la membrane du tympan pour pénétrer dans la caisse, on entend un bruit particulier, et l'on a une sensation de papier déchiré. On dirige alors le tranchant de l'instrument en haut, et l'on incline le manche en bas : de cette façon, on accroche le nerf dans son passage par la caisse du tympan, et il est presque impossible, dit Cl. Bernard, de ne pas le couper. Il ne faudrait pourtant pas s'y fier absolument : et il sera toujours prudent de ne s'en rapporter qu'aux résultats de l'examen microscopique ou de l'autopsie : j'ai souvent constaté que la corde du tympan fuyait sous l'instrument, et Prévost a aussi fait la même remarque. La description du procédé qui sert à mettre à nu et à exciter la corde du tympan au moment où elle se détache du lingual appartient à l'étude de la sécrétion salivaire. h) Section du rameau anastomotique avec le pneumogastrique. — Cl. Bernard a divisé FACIAL (Nerf). 909 ce filet sur des gros chiens : on abat l'oreille, et on suit le facial à partir du trou stylomas- toidien en sculptant le rocher avec la gouge et le maillet. Noyau du facial. — Les fibres motrices du facial représentent les prolongements cylindraxiles des cellules constituantes d'un noyau situé aux limites de la protubérance et du bulbe. Ce noyau, assez volumineux, est placé en arrière des fibres protubérantielles, entre l'olive supérieure, qui est en dedans, et la racine descendante du trijumeau, qui est en dehors. Il fait partie de la colonne grise qui continue vers l'encéphale le groupe cellulaire antéro-externe de la corne antérieure de la moelle, du même système que le noyau ambigu qui lui est sous-jacent et que le noyau masticateur qui est placé au-dessns de lui. Les fibres sorties de ce noyau se dirigent en arrière et en dedans vers le plancher du 4*^ ventricule. Arrivées tout près du raphé médian, elles changent de direction, deviennent verticalement ascendantes. Après un trajet de quelques millimètres, ce faisceau se recourbe horizontalement en dehors, con- tournant ainsi la face postérieure du noyau d'origine de l'oculo-moteur externe, en for- mant à ce niveau ce qu'on a appelé le genou du facial. La branche ascendante du facial et le genou, en contoui'nant le noyau de la VP paire, constituent le fanciculus et l'eminen- tia tercs ou éminence médiane du plancher du 4^ ventricule. Arrivé au bord externe du noyau de l'oculo-moteur externe, le facial se recourbe uu" troisième fois en bas, en avant et en dehors, passe entre son propre noyau d'origine et la racine descendante du trijumeau pour sortir au niveau du sillon qui sépare le bulbe de la protubérance (voy. fig. 269-272). Ma- TiiiAs DuvAL, Testut ont aiimis que le fais- ceau radiculaire du facial, en contournant le noyau d'origine de la VI" paire, reçoit de lui un certain nombre de fibres. Aussi a-t-on dé- signé pendant quelque tem[)s ce noyau sous le nom de noyau commun au facial et à l'oculo- moteur ou noyau supérieur, par opposition au noyau propre du facial ou noyau inférieur. Les observations et les expériences les plus ré- centes, (jue nous lésumons plus loin, tendent aujourd'hui à faire admettre que ce dernier noyau représente l'origine de la totalité des fibres du facial, et qu'il est subdivisé en un v,„yM 8- Fig. 269. — Figure demi-schématique montrant, h trajet du facial avec ses inflexions : co trajet est niarqaô VII, 7, 1', i, 3, de l'émergence vers lo noyau (3). 1, saillie correspoiulant au fasciciilus teres. — P, cordons pyramidaux. — V, racine bulljaircdu tri- jumeau. — VIII, ncrt acoustique avec ses racines interne et externe 8. — H, colonne correspondant au noyau de riiypopçlosse. — M, colonne corres- pondant au noyau des nerfs mixtes. — A, colonne correspondant au noyau de l'acoustique. — PR, pyramides postérieures. — C, coupe du corps restiformo. — a, pédoncule cérébelleux moyen. — b, pédoncule cérébelleux supérieur. certain nombre de groupes secondaires. Un autre point soumis à discussion est celui de l'existence d'une décussation par- tielle entre les fibres radiculaires du facial. Stieda, Nissl, Orersteiner ont admis l'entre- croisement partiel ; KoLLiKER et M. DuvalIc nient. Sur l'embryon du poulet, Van Gehuchte.x a pu constater manifestement que le faisceau radiculaire d'un côté reçoit un certain nombre de fibres nerveuses qui viennent du côté opposé. Lugaro a confirmé cet entre- croisement partiel pour les libres radiculaires du facial chez le lapin. Ca.ial a fait tout récemment la même observation sur la souris nouveau-née. Va.n Gehuchten dit n'avoir pu poursuivre ces fibres jusqu'à leurs cellules d'origine. Par contre, Nissl a vu chez le lapin, Marinesco chez le chien, que, si l'on coupe le facial d'un côté, il se produit toujours une réaction à dislance, non seulement dans le noyau homolatéral du facial, mais aussi une réaction partielle du même genre dans le noyau controlatéral {Remie neiirolog., 1898, 30). La question des origines du facial, que nous venons d'exposer sommairement, a passe par des phases diverses qu'il est intéressant de suivre, parce qu'elle s'est modifiée non seulement avec les doctrines régnantes soit en anatomie, soit en physiologie, mais aussi 910 FACIAL (Nerf). avec les enseignements de la clinique et de l'expérimentation. D'abord on fait venir le facial, comme tous les nerfs en général, des faisceaux blancs. Puis on le conduit jusqu'à la substance grise. Mais cela ne suffit pas; comme il résulte des observations pathologi- ques que le nerf anime deux territoires en quelque sorte distincts, l'un supérieur, l'autre inférieur, qui paraissent pouvoir être frappés isolément, on s'évertue aussi à lui trouver deux foyers d'origine. Puis les travaux les plus récents viennent montrer que les faits cliniques ont été incomplètement étudiés ou mal interprétés, et qu'ils cadrent très bien avec l'existence d'un noyau unique; et bientôt les méthodes nouvelles de recherches assignent, en effet, aux deux parties du facial une origine commune. LoNGET faisait provenir le facial du faisceau latéral du bulbe, 'considéré comme le ^__j^waî£j*'j^?ir«^ x>.<^ ""^^^ VIII FiG. 270. — Coupe au nioeau du bord inférieur de la protubérance chez l'homme (M. Duval). PP, cordons pyramidaux. — VI, fibres du moteur oculaire externe. — 1, fasciculus teres. — 2, noyau de l'oculo-moteur externe. — 3, partie supérieure du noyau du facial. — 4, fibres réunissant les groupes de ce noyau et allant à la partie transverse des fibres émergentes du facial. — OS, olive supérieure. — V[l, le facial, près de son émergence, plongeant sous les fibres transversales inférieures de la protubérance. — V, racine bulbaire du trijumeau. — 5, substance gélatineuse placée en dedans do cette racine. — CR, coupe du corps restiforme. prolongement du faisceau latéral ou respiratoire de Ch. Bell. Vulpian a décrit, le premier, le coude que forme le nerf sous le plancher du 4^ ventricule. Gr.\tiolet reproduit la description de Vulpian en faisant remarquer que c'est dans la substance grise, et non dans les colonnes blanches, qu'il faut chercher l'origine de ce nerf. Stilling (1846) locaUse l'origine du nerf dans un noyau commun avec l'oculo-moteur externe, noyau appelé plus tard noyau supérieur: Sghroeder van derKolk (18.t9), J. Dean, de même. Schroeder confond en une masse commune la formation olivaire à petites cel- lules avec la masse grise adjacente à grosses cellules qui est le noyau propre du facial. De cet ensemble de substance grise il a bien vu des fibres se dirigeant vers le nerf, mais il croit que ces filets sont destinés à établir une connexion entre le facial et FACIAL (Nerf). 9H l'appareil olivaire. Il fait, comme l'a dit Mathias Duval, de l'anatomie de commande, guidé par ses conceptions physiologiques. De même qu'il considère l'olive bulbaire comme un appareil accessoire annexé au grand hypoglosse, comme un centre de coordination de l'expression par la parole, de même l'olive supérieure n'est si développée chez les carnivores que parce que les passions, notamment la colère, sont surtout exprimées par les mouvements des lèvres, Deiters, le premier (1865), fit voir que les fibres du facial forment au niveau du noyau de l'oculo-moteur externe un genou à convexité postérieure, et qu'elles se recourbent de la sorte pour aller se mettre en rapport avec un autre groupe cellulaire situé un peu plus bas et qui est leur véritable noyau : il admet cependant les relations d'origine C du facial avec le nerf de la VI* paire. L'anatomie pathologique et le tableau clinique de l'affection déciite par Du- CHEiNNE sous le noni de paralysie labio- glosso-pharyngée, vinrent de nouveau Fift. 271. — Coupe lomjitiidinale du bulbe et de la pro- tubérance de l'homme. FiG. 272. — Coupe au niveau du nnyaa du facial chez le rat (M. Ddval). XX', ligne de section du 4'" ventricule. — P, protubé- 7, noyau dit inférieur ou antérieur du facial. - T,fas- ranco. — B, bulbe. — 2, racine moyenne du triju- ciculus teres. — 1, racine exiTue et .supérieure de meau. — 7, branche supérie\ire de Tanso du facial. l'acoustique. — NA, ganglion annexé à l'acoustique. — 3, brandie moj'enne, /'a.çciCi Le ganglion géniculé doit alors être considéré comme un ganglion cérébro-spinal. 11 ne peut appartenir au facial, nerf exclusivement moteur : mais il représente la partie sensitive de ce nerf. Il n'y a pas de raisons pour en faire, avec Sapolini, un nerf distinct, le 13" nerf cérébral. Quoi qu'il en soit, les prolongements périphériques des cellules du ganglion géniculé s'accolent au facial pour passer dans la corde du tympan, tandis que les prolongements centraux vont se mettre en rapport avec un noyau gris du bulbe. RosARio Amabilixo {Revue neurologique, 4898, 610) a aussi étudié les rapports du gan- glion géniculé avec la corde du tympan et le facial, en recherchant par la méthode des réactions à dislance, quel était l'état des cellules du ganglion géniculé après l'ablation de l'un et de l'antre de ces deux nerfs. Chez des chiens adultes, la résection du facial fut pratiquée immédiatement au-dessous du trou stylo-mastoïdien, celle de la corde dans l'oreille moyenne. Les animaux furent sacrifiés du 12'= au 40^ jour. Après la section de la corde du tympan, on trouva que les 4/5 environ des cellules du ganglion présentaient une chromatolyse plus ou moins accentuée, avec déplacement des noyaux à la périphérie. Si I/o des cellules reste inaltéré, il ne faut pas admettre que celles-ci demeurent indiffé- rentes à la section de leur prolongement nerveux : mais il est probable que leurs prolon- gements nerveux ne vont pas dans la corde du tympan. L'auteur pense que ces prolon- gements se ramifient dans le ganglion géniculé lui-même, comme Dogiel l'a signalé pour certains prolongements des ganglions spinaux. Nous croyons, quant à nous, que ce fait s'explique plus aisément si l'on admet que ces prolongements vont ailleurs qu'à la corde. Quant à la résection du facial, elle n'est jamais suivie de chromatolyse dans les cellules du ganglion géniculé. La conclusion est que les cellules de ce ganglion appartiennent au type des ganglions spinaux et envoient la branche périphérique de leur prolongement dans la corde du tympan; mais qu'aucune de ces cellules n'est en continuité avec les fibres du facial. Cette deuxième conclusion est donc en opposition avec l'hypotbèse, mentionnée plus haut, de V. Lenhossek, 2° Voyons maintenant ce que fournit la méthode de la dégénération wallérienne. C'est surtout aux expériences de Vulpia.n qu'il faut demander des renseignements. Bien qu'elles soient malheureusement un peu contradictoires, on peut cependant en dégager quelques points essentiels. Après la section du facial et du nerf intermédiaire à leur entrée dans le conduit auditit interne, Vulpian trouva que les fibres nerveuses de la corde du tympan, à l'exception d'un très petit nombre, 5 ou iO tout au plus, étaient constamment dans l'état le plus sain. De celte première série d'expériences, dit alors Vulpian, on pourrait être tenté de con- clure que la corde du tympan ne provient ni du facial proprement dit, ni du nerf inter- médiaire de Wrisberg. Mais une telle conclusion serait discutable. « Il ?e peut en effet que la corde du tympan, bien qu'émanant en réalité du nerf facial ou du nerf intermé- diaire de Wrisberg, ait pour centre tropbique le ganglion géniculé, lequel remplirait, à l'égard du rameau nerveux, le rôle que jouent les gangUons des racines postérieures par rapport à ces racines. » Ces résultats si précis viennent donc s'ajouter à ceux que nous avons déjà groupés pour montrer que la corde du tympan a son origine dans le ganglion géniculé. Nous devons cependant ajouter qu'à côté des expéiiences précédentes Vulpian en rapporte immédiatement d'autres qu'il est difficile de concilier avec les premières. Il pratique la section intracianienne du trijumeau sur des lapins et recherche ce que devient mainte- nant la corde du tympan. Bien que nombreuses, ces expériences n'ont donné, dit-il, que peu de résultats significatifs, parce que, chez quelques animaux, le facial a été lésé en même temps que le trijumeau. Dans les cas où, le nerf trijumeau ayant été bien coupé à l'intérieur du crâne, les animaux ont survécu au moins de huit à dix jours, on trouva constamment les fibres de la corde du tympan plus ou moins altérées, lorsque le nerf facial avait été coupé ou contusionné en même temps que le trijumeau. Lorsque le trijumeau avait été seul intéressé, les résultats ont varié selon que la sec- 9U FACIAL (Nerf). ti(»n était plus ou moins complète. Dans un cas où tout le nerf trijumeau avait été coupé, sauf une partie de la branche maxillaire supérieure, et où le nerf facial avait échappé à toute atteinte de l'instrument, la corde du tympan était complètement altérée. On voit que les résullats de cette deuxièmesérie d'expériences sont, sauf ce dernier cas, peu pré- cis. Il est d'ailleurs difficile de voir ce que la section du facial peut ajouter ou enlever à leur signification, comme Vulpian paraît l'admettre; puisque, étant isolée, elle ne retentit pas sur l'intégrité de la corde, il n'y a pas de raison pour que, étant associée à la sec- tion du trijumeau, elle ait quelque influence. Nous pouvons donc nous en tenir à la première partie de ces expériences. C'était, du reste, l'avis de Vulpian lui-même, puisque, plus tard, lorsqu'il arrive à considérer la corde du tympan comme provenant exclusivement du facial, il dit qu'elle est soumise tout entière à l'influence trophique du ganglion géniculé, et ajoute : « C'est pour cela que, comme je l'ai montré en 1878, les fibres de la corde du tympan restent intactes à la suite de la section intracranienne du facial, tandis que celles des autres branches de ce nerf subissent toutes l'altération atrophique, » Quand on croyait que tous les nerfs crâniens avaient leur centre trophique dans l'axe gris, l'absence d'altération de la corde du tympan à la suite de la section du facial et du nerf de Wrisbeug a précisément servi d'argument pour nier la continuation de la corde avec le nerf intermédiaire : aujourd'hui que nous savons que les nerfs sensitifs crâniens ont leur centre d'origine en dehors de l'axe, elle est au contraire une preuve de plus en faveur de cette continuation. Si Vulpian avait porté son attention sur le nerf de Wrisbebg lui-même, il eût sans doute trouvé sou bout ganglionnaire intact, comme la corde du tympan elle-même, et son bout bulbaire dégénéré. Tous ces faits concordent, pour faire de la corde du tympan, du ganglion géniculé et du nerf de Wrisberg, un même système, à fonction sensitive. Sapolini, comme on l'a vu, a proposé de lui réserver une place à part comme 13^ nerf crânien. Mais ainsi que le fait remarquer Cunéo (Anat. de Poirier, m), cette manière de voir est passible de mul- tiples objections. En premier lieu, la corde du tympan ne contient pas seulement des fibres sensitives, elle possède également des fibres centrifuges, égales, et peut-être même supérieures, en nombre aux fibres gustatives. De plus, toutes les fibres de l'intermé- diaire ne passent pas par la corde, puisque His a trouvé que le ganglion géniculé pos- sédait sept fois plus de cellules nerveuses que la corde du tympan ne contient de fibres. Il faut donc admettre qu'une partie des fibres de l'intermédiaire aboutit à d'autres rameaux que la corde. C'est, comme on le voit, la conclusion que nous avons aussi cru pouvoir tirer des observations de Rosario Amabilino. 3° Cependant, tout en considérant le nerf de Wrisberg comme la partie sensitive du facial, il est permis de le rattacher à la IX'' paire. On sait que cette opinion a été sou- tenue par Duval, qui avait tiré de ses recherches la conclusion que le nerf de Wrisberg est une racine erratique du glosso-pharyngien (Voir aussi Cannieu, C R., 189o, 120) : celui-ci devenait donc le seul nerf du goût en donnant directement la sensibilité gustative à la base de la langue par ses filets propres et médiatement par la corde du tympan à la partie antérieure de l'organe. Duval avait dit, à l'appui de sa manière de voir, que les derniers filets radiculaires auxquels la colonne grise du glosso-pharyngien donne naissance par son extrémité supé- rieure, forment le nerf de Wrisberg (Voir flg. 275, 276 et 277). D'après van Gehcchten, les idées que nous avons acquises maintenant permettraient de rejeter cette interprétation. Le trigone du glosso-pharyngien et du nerf vague n'est pas, dit-il, un noyau qui donne naissance à des fibres périphériques, mais un noyau terminal. Les noyaux d'origine des nerfs sensitifs se trouvent en dehors de l'axe cérébro- spinal. Il est vrai : mais si, au lieu de dire avec Duval que les fibres du nerf de Wrisberg naissent du noyau du glosso-pharyngien, nous disons que, nées du ganglion géniculé, elles aboutissent à ce noyau, la communauté anatomique et physiologique redevient évidente. De même que, parmi les fibres contenues dans le tronc même du glosso-pharyn- gien, les unes ont leur centre d'origine dans le ganglion d'ANDERSCH, d'autres dans le ganglion d'EiiRENRiTTER, un certain nombre d'entre elles trouvent leur centre dans le ganglion géniculé; mais, en définitive, les trois groupes de fibres convergent vers un noyau terminal unique. FACIAL (Nerf). 945 Et c'est bien ainsi que les choses se passent, si nous nous en rapportons à la descrip- tion de CuNÉo {Anat.de Poirier, m, 860. Voir aussi Tf.st ut, Anal., 1897, 11, 463). La branche centrale des cellules unipolaires du ganj^lion géiiiculé se dirige vers le bulbe par le nerf de Wrisberg. Chacun de ces prolongements cellulifuges se bifurque, comme le font les nerfs sensitifs, en deux branches, qui vont toutes deux se terminer dans la partie supé- rieure du noyau annexé au faisceau solitaire. Ce noyau, commun à la partie sensitive des 1X« et X» paires, constitue donc aussi le noyau sensitif terminal du nerf de Wrisberg. Or il résulte précisément des recherches toutes récentes de van Gehuchten que le glosso-pharyngien ne se termine pas, comme on l'avait cru, dans l'aile grise, mais qu'il n'a qu'un seul noyau sensitif terminal, le noyau du faisceau solitaire {Joiwn. de Neurol., 1808 et 1899, cité in Anat. de Poirier). De sorte que, si le nerf de Wrisberg est bien une racine sensitive du facial, rien n'em- pêche, il nous semble, de le considérer encore aujourd'hui comme un faisceau erratique -1 FiG. 275 (M. Duval). — Coupe du bulbe humain au nioeau des radicules les plus élevées du glosso-pharynf/ie». IX, leur émergence, 9, leur noyau. — VIII, nerf acoustique. — V, racine bulbaire du trijumeau. R, raphé. de la IX° paire. On a déjà vu comment, par la corde du tympan, il assure la sensibilité gustative à la partie antérieure de la langue; d'après une observation de Vulpian, il pré- siderait de même à celle du voile du palais par l'intermédiaire du grand nerf pétreux [C. R., 1885, CI, 1037; Ibid., 1447). Chez un sujet atteint d"hémiplégie alterne, qui présentait d'une part un affaiblisse- ment notable de la motilité dans les deux membres du côté gauche, avec diminution de la sensibilité de toute la moitié correspondante du corps, y compris la face, et, d'autre part, une paralysie faciale à droite, Vulpian a observé les particivlarités suivantes : la sensibilité gustative était affaiblie dans la partie antérieure de la langue à droite, et en même temps les saveurs étaient moins bien senties par le voile du palais, du côlé de la paralysie faciale, que du côté opposé, où c'était la sensibilité générale qui se trouvait affaiblie. En appliquant du sulfate de quinine sur ces parties, on s'assura à différentes reprises que la moitié droite de la langue, comme la moitié correspondante du voile, percevaient moins bien les saveurs. A l'autopsie, on trouva une tumeur du volume d'une petite noisette siégeant dans la partie supérieure de la moitié droite du bulbe, et remon- tant en haut sous le plancher du 4*= ventricule. En laissant de côté ces filets du voile, dont le trajet ne peut être considéré comme résolu d'après cette observation unique un peu complexe, on peut, à notre avis, concevoir de la manière suivante l'origine et la répartition des fibres gustatives : le nerf de Wris- berg fournirait des filets de sensibilité spéciale aux deux tiers antérieurs de la langue, TO.ME V. 60 DICT. DE PHYSIOLOGIE. 946 FACIAL (Nerf). non seulement par l'intermédiaire de la corde du tympan, mais aussi par l'intermé- diaire du pelit pétreiix superficiel, lequel les conduit du ganglion génicule' au ganglion otique et au nerf maxillaire inférieur. En d'autres termes, les prolongements périphé- riques des cellules du ganglion géniculé vont les uns dans la corde du tympan, les auti^es dans le petit pétreux (quelques-uns peut-être dans le grand pétreux, si l'on s'en rapporte à l'observation de Vulpian) : les prolongements centraux des cellules cor- respondantes constituent le nerf de Wrisberg. On a vu que Schiff aussi fait provenir un certain nombre de fibres gustatives du petit pétreux superficiel, mais il les fait partir du VIII ^^ry FT FiG. 276 et 277. — Coupes se succédant de bas en haut au-dessus de la précédente pour montrer l'émergence {X, X,) du nerf intermédiaire et ses rapports avec le noyau 9. VIII, nerf acoustique. — VU, nerf facial. — 7, noyau du facial. — FT, commencement an fasciculus teres. — V, racine bulbaire du trijumeau. — PM, pédoncule cérébelleux moyen. — R, raphé. maxillaire supérieur, remonter dans le nerf vidien jusqu'au ganglion géniculé, d'où ils, passent dans le petit pétreux. Si l'on admet au contraire la manière de voir que nous soutenons, on comprendra d'abord pourquoi les observations de His et de Rosario s'accordent à montrer qu'un certain nombre de cellules du ganglion géniculé ne sont pas en rapport avec les fibres de la corde du tympan : on comprend aussi que si, d'une part, la section du lingual immédiate- ment au-dessous du trou ovale, c'est-à-dire au-dessus du ganglion otique, laisse intacte la sensibilité gustative des deux tiers antérieurs de la langue, d'autre part, la section de la corde du tympan seule, ou celle du nerf pétreux seul, ne fait que l'émous- ser, comme l'a dit Schiff (voir, en particulier, Rev. méd. de la suisse romande, 1887, et FACIAL (Nerf). 947 Hërzen in Waller, T. P., 1898, .'iSoj. On comprend encore les contradictions roprochées par LussANA à ScHiFF, qui tantôt, dit-il, accorde une influence prépondérante à la corde du tympan, tantôt au petit nerf pétreux, puisque en effet les filets du nerf de Wrisberg peuvent se répartir inégalement entre les deux. Faut-il ajouter qu'on s'explique aussi de la sorte les résultats népi'atifs de l'ablation du ganglion spliéno-palatin? Enfin, on se rend compte également, comme il sera dit plus loin, des troubles gustatifs observés parfois dans les affections du trijumeau. 4° Nous venons de voir à quel point les données analomiques les plus précises con- cordent avec les résultats des méthodes de dégénérescence pour faire de la corde du tym- pan la continuation du nerf de Wrisberg. Comment les concilier avec les expériences et les observations cliniques qui tendent à faire provenir la corde du tympan, soit du plexus tympaniquedu rameau de Jacobson, soit du trijumeau?La tâche n'est pas aisée; cependant après avoir, dans le chapitre consacré à l'influence gustative du facial, énuniéréles faits, nous croyons devoir exposer les réflexions qu'ils suggèrent. L'opinion de Carl, qui a trouvé d'assez nombreux partisans, a pour elle un fait bien observé, mais unique; et d'ailleurs, s'il fallait en tirer une conclusion rigoureuse, ce ne pourrait être que celle-ci : la corde du tympan ne renferme pas de libres gustatives : l'abolition complète de la sensibilité gustative concordant avec l'intégrité foncti mnelle parfaite de la corde ne peut pas signifier autre chose. Carl cependant n'a pas osé aller jusque-là; mais, s'il admet des fibres gustatives dans la corde du tympan, c'est d'après d'autres observations que la sienne'. Les physiologistes ou les cliniciens qui invoquent le cas en question devraient donc admettre que la corde ne sert pas à la gustation. Quant aux fibres que Carl fait passer du rameau de Jagobso.n jusque dans la corde du tympan, nous pouvons prouver qu'elles n'existent pas. Vulpl\n a en effet noté inci- demment qu'après l'avulsion du ganglion d'ANOERScii, la corde du tympan du côté de l'opération reste absolument saine : on ne constate pas une seule fibre en voie d'altéra- tion (C. il., 1880, 91, 1034). Peut-être le rameau de Jacobson fournit-il des fibres gusta- tives au lingual par l'intermédiaire du petit pétreux et du ganglion otique, mais il est plus probable que les fibres qui suivent cette dernière voie ont l'origine que nous lui avons attribuée. Reste l'opinion de Schiff, qui est acceptée encore aujourd'hui par beaucoup de cli- niciens, surtout en Allemagne. Ce physiologiste invoque d'abord un résultat expérimental qui, en effet, à lui tout seul, suffirait pour prouver que les fibres gustatives de la partie antérieure de la langue proviennent du trijumeau : c'est que la section intra-cranienne de la V° paire abolit totalement la sensibilité gustative dans cette partie de l'organe. ScHiFF, dans ses leçons sur la digestion, rappelle, à l'appui de son opinion, les expériences de Magendie : mais il ne faut pas oublier que MagejNdie avait soutenu que la sensibilité gustative de la langue tout entière est sous la dépendance du trijumeau : une partie au moins de cette assertion a été reconnue inexacte. Je ne sache pas, d'autre part, que la double section intra-cranienne du trijumeau ait été pratiquée par d'autres physiologistes que ScHiFF au point de vue spécial de la gustation. Mais, si nous remarquons que, d'après Schiff lui-même, la section du maxillaire infé- rieur au-dessous du trou ovale n'agit pas sur la gustation, que, d'autre part, l'ablation du ganglion sphéno-palatin, ainsi que l'a bien montré Prévost, n'agit pas davantage, et qu'en tout cas elle n'entraîne pas à sa suite la dégénérescence du grand nerf pétreux, comme l'exigerait l'opinion soutenue par Schiff, l'influence du trijumeau sur la gustation parait bien douteuse^. Que nous apprennent sur ce point les cas de lésions intra-craniennes du trijumeau et les résections du ganglion de Casser"? Au premier abord, rien de bien précis: les symptômes sont si peu univoques que Lussana et Schiff ont pu, l'un comme l'autre, invoquer, à l'appui de leur opinion contraire, les observations cliniques. Les altérations du ganglion de Gasser, d'après le premier, laissent intactes la sensibilité gustative de la partie antérieure 1. N'ayant pas eu le travail original de Carl à notre disposition, nous n'en parlons que d'après ce que nous en avons lu dans les auteurs consultés. 2. Gi.EY a rapporté quelques expériences qui paraissaient favorables à l'opinion de Schiff [B. B., 1886); mais il ne les a pas considérées lui-même comme sunisammeut probantes. 948 FACIAL (Nerf). de la langue, tandis que pour le second elles l'abolissent entièrement. Il paraît cepen- dant prouvé (Brumhardt, Nolhnagel's, Spec. PathoL, xr, 1, 149) qu'une affection du triju- meau sans participation du facial peut s'accompagner de troubles de la gustation analogues à ceux que produit la paralj^sie du facial. A la suite de la résection du ganglion de Gasser, Krausk {loc. cit.) a trouvé le goût, dans les deux tiers antérieurs delà langue, tantôt diminué, tantôt complètement intact, mais il en conclut que, chez beaucoup de sujets, cette partie de l'organe est innervée non seulement par le trijumeau, mais aussi par le glosso-pharyngien. C'est donc à tort que Gérard Marchant et Herbet, après avoir écrit qu'à la suite de la résection du ganglion de Gasser les résultats n'ont pas été les mêmes chez les dilTérents sujets, ajoutent que toujours cependant le trijumeau a paru renfermer des faisceaux qui'recueillent certaines sensations gustatives. Sur deux observations personnelles que publient ces auteurs, il en est d'ailleurs une dans laquelle ils notent qu'il n'y eut pas de troubles appréciables du goût du côté opéré, alors que cependant la partie antérieure de la langue de ce côté était anesthésiée. Cette observation est d'autant plus intéressante que non seulement le nerf maxillaire inférieur avait été sectionné complètement, mais aussi le nerf maxillaire supérieur, et cela au ras du trou grand rond. Et il ne faut pas oublier que c'est sur le passage des fibres gustatives dans ce dernier nerf que repose toute la théorie de Schikf. L'observation de Gérard Marchant et Herbet peut donc être considérée comme une confirmation chez l'homme des résultats obtenus par Prévost chez les animaux. Si, d'autre part, les troubles de la gustation se sont montrés inconstants et en général, paraît-il, peu marqués, à la suite des lésions intra-craniennes du trijumeau ou de la résection du ganglion de Gasser, ne faut-il pas y voir la preuve qu'ils tiennent à quelque circonstance accessoire et surajoutée? Ne peut-on pas les attribuer avec vraisemblance à la lésion du petit nerf pétreux qui chemine sous le ganglion de Gasser et qui pouri'ait ainsi tantôt se trouver altéré ou sectionné en même temps que ce ganglion, tantôt au contraire rester intact? Il reste cependant encore un fait important sur lequel on s'appuie pour admettre que le nerf de Wrisberg n'est pour lien dans la transmission de la sensibilité gustative, c'est le suivant : les cliniciens enseignent que si, d'une part, les lésions du facial au-dessous de l'émergence de la corde du tympan ne compromettent pas la sensibilité gustative, il en est encore de môme quand elles atteignent le nerf entre le ganglion géniculé et son point d'implantation sur l'encéphale : l'absence de troubles gustatifs, jointe aux autres signes de la paralysie dite profonde du facial servirait à localiser le siège de la lésion au-dessus du ganglion géniculé : l'abolition du goût ne s'observerait que quand le nerf est intéressé entre le ganglion géniculé et la corde du tympan. Il est évident en effet que, si une lésion du facial et du nerf de Wrisberg, au niveau du trou auditif par exemple, laisse la gustation intacte, c'est que les impressions gustatives arrivent encore au sen- sorium, soit par le trijumeau, soit par l'intermédiaire du rameau de Jacobson. Mais ces observations cliniques sont-elles suffisamment précises? l'examen microscopique a-t-il nettement établi que le nerf de Wrisberg, dans les cas de ce genre, participe à l'altération du facial? C'est ce que nous ne saurions dire. Il est permis cependant de faire remarquer que la paralysie du voile du palais, qui, elle aussi, avec les troubles de la gustation, joue un si grand rôle dans le diagnostic du siège de la paralysie, est aujourd'hui formellement niée par beaucoup de cliniciens : il faut donc qu'il y ait eu déjà, au moins sur ce point, des erreurs d'observation. D'autre part, nous voyons Lussana soutenir, dans son mémoire de 1869, que ce sont exclusivement les lésions de la portion du facial comprise entre son entrée dans le conduit auditif interne et l'émergence de la corde du tympan qui pro- duisent l'abolition du goût. L'expérimentation devrait pouvoir trancher le différend : il suffit d'aller sectionner le facial et le nerf de Wrisberg au moment où ils vont pénétrer dans le conduit auditif interne et de rechercher ce que devient le goût dans la partie antérieure de la langue. Mais, ici encore, les données sont contradictoires. Schiff soutient qu'après cette opération le goût n'est nullement altéré {Revue méd. de la Suisse rom., 1887). Cl. Bernard, au contraire, s'est assuré dès ses premières recherches que la section du facial au niveau du trou auditif produit des troubles de la gustation, et, dans ses expé- FACIAL (Nerf). 949 riences ultérieures, dans ses Leçons sur le système nerveux, il les retrouve constammenl, et les décrit, comme on l'a vu, avec la plus grande précision. Il faut ajouter encore que Bigelow (cité par (Iley), ayant sectionné 1'^ nerf de Whisukri; dans l'aqueduc de Fallope derrière le ganglion géniculé, a trouvé le goût aboli dans les deux tiers antérieurs de la langue. Si maintenant on considère que seuls les résultats e.xpérimentaux obtenus par Cl. Bernard et Bigelow peuvent se concilier avec les recherches anatoniiques récentes sur le ganglion géniculé, on n'hésitera pas à admettre qu'ils sont l'expression de la vérité, et que le nerf de Wrisberg prolonge jusqu'aux centres les fibres guslatives de la corde du tympan et sans doute aussi celles du petit nerf pétreux. Rappelons pour mémoire l'hypothèse injustifiée de Lo.xget qui considérait le nerf de Wrisiserg coniine le neif moteur des muscles intrinsèques de l'oreille. Cl. Iîer.nard, comme on l'a vu, en faisait uue racine sympathique du facial. Son opinion a été appuyée récemment par Morat {loc. cit.). Anastomoses du facial. — Pour terminer l'étude des fonctions du facial, il nous reste à résumer, et sur certains points à compléter, ce que nous avons dit du rôle de ses principales anastomoses. Les attributions de la corde du tympan, que Bérahd appelait « une énigme proposée à la sagacité des physiologistes », sont aujourd'hui à peu près connues. Elle renferme, comme on l'a vu, des fibres centripètes, les unes gustatives, les autres, moins nombreuses, pour la sensibilité générale. Celles-ci sont probablement, comme celles-là, les prolonge- ments périphériques des cellules du ganglion géniculé. Les fibres centrifuges sont des- tinées à la glande sous-maxillaire et à la glande sublinguale : fibres sécrétoires et fibres vaso-dilatatrices. D'après Jolyet et Lafoxt, les premières viendraient du facial, les secondes du trijumeau; d'après Vulpian et Morat, les unes et les autres tirent leur ori- gine du facial et du nerf de Wrisrerg. A côté des fibres vaso-dilatatrices pour les glandes, il faut signaler aussi celles que la corde du tympan fournit aux deux tiers antérieurs de la langue et dont l'action a été découverte par Vulpl'Vn. Si l'on excite le bout périphérique du lingual, la muqueuse de la langue du côté correspondant devient d'un rouge intense, et cette congestion s'accom- pague du cortège habituel de phénomènes liés à la vaso-dilatation active (Vulpia.n, Vaso-moteurs, i, 155). Les mêmes effets s'obtiennent si on excite la corde du tympan dans l'oreille moyenne : ils font défaut si on excite le lingual après arrachement et dégénérescence de la corde. Nous avons déjà fait allusion plus haut à la singulière modification physiologi(|ue qui se produit dans la corde du tympan après la section et la dégénérescence de l'hypo- glosse. Quand ce derniernei'f ne répond plus aux excitations, le nerf lingual, qui n'a nor- malement aucune action motrice sur les muscles de la langue, provoque, s'il est excité, des contractions dans cet organe. Ces nouvelles propriétés, il les doit à la corde du tympan (Vulpian, A. de P., 1873, 597). Heidenhain a consacré une étude particulière aux mouvements qui se produisent sous l'influence de l'excitation du lingual, en les comparant avec ceux (jue l'on provoque par l'intermédiaire de l'hypoglosse normal. Nous empruntons à Morat {A. de P., 1890, 430) le résumé de ces expériences : « Le temps de latence, qui est pour l'hypoglosse normal de 0",02, est pour le lingual d'au moins 0",08, parfois uue seconde et même plus. Avec l'hypoglosse, le tétanos commence dès le début de l'excitation, et cesse avec elle. Avec le lingual, le tétanos s'établit lentement et cesse lentement après l'excitation. A excitation égale, l'énergie de la contraction est beaucoup moindre avec le lingual qu'avec l'hypoglosse. Quand les décharges d'induction sont espacées, une décharge isolée, quelle que soit sa force, n'engendre jamais qu'une contraction faible. En d'autres termes, le mouvement de la langue ne devient bien apparent qu'avec une série de décharges par un effet d'addition des excitations. L'elïet de chaque excitation s'ajoutant à celui de la précédente, produit le tétanos à sommet arrondi signalé plus haut. L'excitation de l'hy- poglosse amènerait au contraire d'emblée une contraction maximum. L'eau salée excite l'hypoglosse; elle n'excite nullement le lingual. La nicotine injectée ilans le sang n'a pas d'action sur l'hypoglosse; pour ce qui est du lingual, elle l'excite d'abord forte- ment, puis amène sa paralysie. » 950 FACIAL (Nerf). Heidenhain ajoute encore que chez l'animal curarisé l'excitation du lingual n'a plus d'efîet : de même la nicotine ; preuve que l'action du nerf, comme celle du poison, s'exerce par l'intermédiaire des plaques motrices. Une autre particularité signalée par RoGowicz, c'est que les contractions de la langue provoquées par l'intermédiaire du nerf lingual ne s'accompagnent pas de bruit musculaire. En raison des caractères qui distinguent ces mouvements des mouvements normaux de la langue, Heidenhain a proposé de désigner ces phénomènes sous le nom de pseudo- moteurs, dénomination qui, comme l'a fait remarquer Schiff, ne paraît pas bien heu- reuse, car ce sont des mouvements vrais et non des pseudo-mouvements que l'on observe. Peut être vaudrait il mieux les appeler phénomènes néo-moteurs. Quoi qu'il en soit, le difficile problème qui se pose est donc le suivant. Comment un nerf tel que la corde du tympan, qui n'entre d'aucune manière en rapport direct avec les fibres musculaires de la langue, pas plus après la section et la dégénérescence de l'hypoglosse qu'avant (Heidenhain), peut-il déterminer des contractions de ces fibres? Heidemhain a répondu à la question en ces termes : C'est en tant que nerf vaso-dila- tateur que le lingual devient pseudo-moteur, et, comme il ne fournit pas de filets allant se terminer directement dans les fibres musculaires, il ne peut agir sur elles que par une voie détournée. L'excitation du nerf vaso-dilatateur s'accompagne d'une production considérable de lymphe, et l'abondance de cette transsudation devient à son tour une cause d'excitation pour les plaques motrices de l'hypoglosse, respectées par la dégénéres- cence. Mais il est bien difficile d'admettre cette théorie devant le fait que la motricité du lingual persiste, soit alors qu'on a supprimé toute circulation dans la langue, soit plus d'une demi-heure après la mort. Des expériences de Heidenhain, de Rogowicz, de Morat, il semblait résulter cependant que, pour qu'un nerf acquière les propriétés pseudo-motrices après la dégénérescence du véritable nerf moteur de la région, il faut qu'il soit vaso- dilatateur. Wertheimer a montré que cette condition n'est pas toujours suffisante. Des observations de Schiff sur l'influence pseudo-motrice de la grosse racine du trijumeau, exposées plus haut en détail, semblent aussi indiquer qu'elle n'est même pas nécessaire. Sans doute on pourrait supposer que le tronc de la V*" paire est accompagné de fibres vaso-dilatatrices au point où il émerge de la protubérance : mais il ne faut pas oublier qu'il est pseudo-moteur onze mois après qu'il a été sectionné entre le ganglion et la pro- tubérance, et qu'à ce moment les fibres centrifuges vaso-dilatatrices doivent être depuis longtemps dégénérées : à moins qu'on n'admette qu'elles aient leur centre trophique dans le ganglion de Casser. Le mécanisme de cette modification singulière des propriétés des nerfs est loin d'être élucidée et ne le sera probablement pas de sitôt; la solution du problème exige une connaissance plus complète que celle que nous avons aujourd'hui du mode de transmission des excitations nerveuses du muscle dans les conditions nor- males. Le grand pétreux superficiel renfermerait : d'abord des fibres allant du trijumeau au facial, et d'autres cheminant en sens inverse. Parmi les premières, les unes seraient centripètes; les autres, centrifuges. Les filets centripètes communiqueraient au facial et à ses branches sa sensibilité gustative, d'après Schiff; d'autres donneraient la sensi- bilité à la portion intra-pétreuse du nerf, d'après Magendie et Loxget. Mais, ou bien ces filets, que l'on suppose venir du trijumeau et qui auraient par conséquent leur centre trophique dans le ganglion de Casser, trouvent un relai dans le ganglion sphéno-palatin ou bien ils le traversent directement ; dans les deux cas, l'ablation de ce ganglion devrait amener la dégénérescence de ces fibres : les expériences de Prévost et de VuLPiAN montrent qu'il n'en est rien. D'après Jolyet et Lafont, il faudrait admettre aussi des fibres centrifuges vaso-dilatatiices allant du trijumeau au facial pour émerger par la corde du tympan; mais elles sont, comme nous l'avons vu, niées par Vulpian. Les filets qui vont du facial au ganglion de Meckel étaient surtout destinés, d'après l'opinion encore classique à certains muscles du voile du palais; mais leur existence est pour beaucoup d'auteurs, plus que douteuse. Il ne resterait donc plus au grand nert pétreux superficiel que les fibres sécrétoires pour la glande lacrymale, récemment signalées. Ajoutons cependant que, pour Vulpian, il conduirait au voile du palais des fibres gustatives, appartenant au nerf do Wrisberg, et en outre des fibres vaso-dilatatrices. FACIAL (Nerf). 951 Quant au petit pétreux superficiel, il est fort douteux, comme nous l'avons dit, qu'il renferme des fibres sécrétoires pour la parotide, venant du facial; celles qu'il amène à la glande lui viennent de son anastomose avec le petit nerf pétreux profond. Mais il ren- ferme très probablement des fibres gustatives appartenant au trijumeau, d'après Scnii i- ; au rameau de Jacobson, d'après Carl; au nerf de Wrisiîerc, d'après notre hypothèse. Le rameau auriculaire du pneumogastrique donnerait la sensibilité, d'après Cl. Bernard, à la portion intra-pétreuse du facial : on tend d'ailleurs aujourd'hui à. ne plus lui reconnaître que des filets sensitifs, naissant de ta X" paire. E. WERTHEIMER. TABLE DES MATIÈRES DU CINQUIÈME VOLUME Diyilale G. Pouciiet . . Dioptrique oculaire . . Nuel Diosmine Dissociation M. Hanriot. . . Diurétiques Ch. Richet. . . Domestication H. de Varigny . Donders(FransCornelis) W.-Engelmann. Douleur Ch. Richet . . Doundakine J. Carvallo . . Duboisine (V. Hyoscyandne^ Dulcamarine Dulcite Dumas (Jean-Baptiste) Dure-mére (V. Méninges) Dynamographes (V. Dynamomctriqucs. Appareils) Dynamométriques (Appareils) Dyslysine Eau (V. Nutrition) Eau oxygénée (V. Oxygène) Ecgonine Échicérine (V. Echitamine) Échirétine (V. Echitamine) Echitamine Échiténinc (V. Echitamine) Echitine (V. Echitamine) Échujine Edestine J.-P. Langlois . Efiort E. Wertheimer. Éjaculation Ed. Rettkrer. . Elaeococca (Huile d') Élaïdinc Élaïdique Élasticité Georges Weiss. Élastine Élastique (Tissu^ Ëlatérine Électricité (Mort par 1') (V. Fulguration). Électricité L Notions générales de physique. . . André Broca. . II. Électricité ani- male M. Mendelssohn Pages. l 58 129 129 130 1.j2 , 167 173 193 . 193 194 194 195 . 195 196 196 198 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 201 217 227 227 227 228 243 244 244 244 245 316 P»u:i'S. 111. Poissons triques. ilc M. Mendelssohn. 369 IV. Électricité végé- tale M. Mendelssohn V. Action thérapeuti- H. Bordier. 382 387 410 que de l'électricité. VI. Action sur les végétaux (V. Lu- mière et Morpho- logie expérimen - taie) YII. Mort par l'élec- tricité (V. Fulgu- ration) 410 Electrotonus M. Mendelssohn. 411 Eléidine 436 EUagique (Acide) 437 EUéborine 437 Embélique (Acide 438 Embolie H. Triboulet . 438 Emétine M. Nicloux . . 440 Emménagogues ^\'. Menstruation) .... i43 Kmotions (V. Psychologie) 443 Émulsiue H. Herissey . . 443 Endoscope (V. Vessie) 152 Engelmann (T. W.). , 152 Engrais É. Griffon . . ïoCt Ephédrine 172 Epididyme (V. Testicule) 172 Épidémie (V. Peau) 472 Épiglotte (V. Déglutition, Larynx) .... 472 Épilepsie corticale. . . H. Lamy .... 472 Érection . Ed. Retterer. . 507 Ergographie (V. Ergométrie) 522 Ergométrie André Broca. . 522 Ergotinc, Ei-gotinc . . L. Guinard. . . 530 Ericolinc 552 Erucique (Acide_ 552 Erythrine. . 552 Erythrite (V. Érythrinc) 552 Érythrocentaurine . . ' 552 Érythrodextrine (V. Dcxtrine, 552 Érythrophléine .... A. Camus . . . 552 Esculine 561 X /9/ù 954 TABLE DES MATIERES. Pages. Esenbeckine 562 Ésérine (V. Physostigmine) 562 Espace (Sens de) . . . E. de Cton. . . 362 Essences A. Chassevant. 574 Estomac J- Carvallo . . 377 Étain A. Chassevant. 876 Éther A. Chassevant. 878 Êtliéromanie A. Chassevant. 887 Éthyle (Dérivé de 1') . A. Chassevant. 887 Ettidine 893 Eucalyptol 893 Eucasine 893 Euffénol 893 Pages. Eunuques (V. Castration) 894 Euphorbine 894 Évernine. ■ 894 Évonymine 894 Exalgine (V. Méthylacétanilide) 894 Escrétine 894 894 894 894 903 903 Exophlhalmie (V. Thyroïde) Exosmose (V. Osnaose) Expérimentale (Méthode). Ce. Richet. Expression (V. Facial) Extase (V. Hystérie) Facial (Nerf) Wertheimer. 903 PARIS. — TYP. PHILIPPE RENOUARD, 19, RUE DES SAINTS-PÈRES. 404fil .