- K. I MEWmî» ,1*001'^ aïKÔER, eOSTCf DICTIONNAIRE DE PHYSIOLOGIE TOME VI DICTIONNAIRE DE PHYSIOLOGIE CHARLES RICHET PROFESSEUR DE PHYSIOr.OGIH A. LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS AVEC LA COLLABORATION NIM. E. ABELOUS (Toulouse) — ALEZAIS (Marseille) — ANDRE (Paris) — S. ARLOING (Lyon) ATHANASIU (Paris) — BARDIER (Toulouse) - F. BATTELLI (Genève) — R. DU BOIS-REYIVIOND (Berlin) G. BONNIER (Paris) - F. BOTTAZZI (Florence) — E. BOURQUELOT (Paris) — BRANCA (Paris) ANDRÉ BROCA (Paris)- L.CAIVIUS (Paris)— J. CARVALLO (Paris) — CHARRIN (Paris) — A. CH ASSEYANT (Paris) CORIN (Liège) — E. DE CYON (Paris)— A. DASTRE (Paris) — R. DUBOIS (Lyon) — W. ENGELMANN (Berlin) G. FANO (Florence)— X. FRANCOTTE (Liège)- L. FREDERICQ (Liège)— J. GAD (Leipzig) — GELLÉ (Paris) E. GLEY (Paris) — GRIFFON (Rennes) - L. GUINARD (Lyon) — HAMBURGER (GrOningen) M. HANRIOT (Paris) — HÉDON (Montpellier)- F.HEIM (Paris) — P. HENRIJEAN (Liège) — J. HÉRICOURT (Paris) F. 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WERTHEIMER (Lille) TOME VI F-G AVEC 99 GRAVURES DANS LE TEXTE PARIS FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C"= 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1904 Tous droits réservés. DICTIONNAIRE DE PHYSIOLOGIE FAIM. Sommaire. — § I. Caractères de la faim. — § II. Du sentira 3nt de la faim. Explication que l'on peut en fournir. Ses causes. — § III. Voies de transmission de la faim. — § IV. Rôle des centres nerveux. — § V. Pathologie du sentiment de la faim. La faim est une sensation spéciale, commune à tous les animaux et qui traduit chez eux le besoin de manger. Elle appartient au groupe des sensations internes. Beaunis, qui divise celles-ci en huit classes, fait rentrer la faim dans celle des besoins d'activité, à coté de la sensation de soif, de mastication, de déglutition, de nausée, de miction, l'opposant ainsi aux besoins d'inaction, tels que le besoin de sommeil et le besoin de repos. Nous aborderons l'étude de la faim dans deux cas différents, d'abord au cours de la vie normale, puis dans des conditions spéciales, au cours de l'inanition volontaire ou acci- dentelle. Nous passerons ensuite en revue les théories proposées pour l'expliquer. Nous aurons encore à étudier les causes, le siège, les voies de transmission et le rôle que jouent les centres nerveux dans la perception consciente de cette sensation. En dernier lieu, nous nous oeuperons de la pathologie de la faim. Et d'abord, il convient de bien spécifier ce que l'on entend par faim et appétit. Il ne s'agit pas de deux sensations différentes, s'appliquant, comme certains auteurs le pré- tendent, la première à la quantité, la deuxième à la qualité d'aliments. L'une et l'autre expriment le besoin de manger : il n'y a entre elles qu'une différence de degrés. Alors que la faim est une sensation pénible et douloureuse, l'appétit est au contraire une sensation légère et plaisante. C'est celle que nous éprouvons au moment de nos repas, au moment oii le besoin de manger à peine ressenti va être satisfait. L'appétit n'est donc, peut-on dire, que le premier degré de la faim, il en représente la période agréable. D'une façon générale d'ailleurs, tous nos besoins sont comme la faim, agréables k leurs débuts. C'est seulement plus tard qu'ils engendrent de la douleur, s'ils ne sont point satisfaits. § I. — Caractères de la faim. a) La faim au cours de la vie normale. — b) La faim au cours de l'inanition forcée. — Cj La faiin au cours de Vinanition volontaire (jeûne expérimental et charlatanesque). Chacun de nous a certainement ressenti la sensation dont nous parlons, et, d'après notre propre expérience, il paraît a priori facile d'en retracer les caractères. 11 en est bien autrement si nous nous adressons à l'expérimentation chez les diverses espèces ani- males, car alors nous ne pouvons que surprendre les manifestations extérieures qui trahissent leurs besoins. Cependant, d'après les connaissances que nous possédons, il est rationnel de supposer, sinon d'admettre, que la faim se manifeste de la même façon chez DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 1 2 FAIM. l'homme et les divers animaux, avec des réserves toutefois au sujet de certains carac- tères particuliers. Il va sans dire qu'il faut toujours tenir compte des conditions d'exis- tence de l'espèce animale envisagée. Disons aussitôt que le besoin de manger ne consiste généralement pas en une sen- sation unique, mais bien en une série de sensations. Elles sont diversement localisées, et leur nombre comme leur siège en rendent l'analyse très difficile, bien qu'il paraisse ne pas en être ainsi, tant la faim exprime un besoin nettement défini. En ge'néral, quand on a faim, on éprouve une très légère douleur ou du moins un simple malaise qu'on localise au niveau de la région épigastriquc. C'est généralement le signe du début de la faim que l'on observe. Il disparaît par la pénétration des matières alimentaires dans le tube digestif; alors lui succède le plaisir qui accompagne toujours la satisfaction d'un besoin naturel accompli. Les choses se passent ainsi au moment de nos repas, lorsque la faim, à peine ressentie, est aussitôt satisfaite. Mais il en est autrement si nous endurons plus longtemps ce besoin. Le malaise épigastriquc persiste toujours et s'accentue au point de se transformer bientôt en une sensation pénible et désagréable. Bien plus, il ne tarde pas à se produire une véritable irradiation de cette sensation vers les régions voisines; c'est alors que l'on éprouve parfois des crampes, des tiraillements sur toute la paroi abdominale, des douleurs musculaires disséminées plus particulière- ment au niveau de la région supérieure du corps. Ces phénomènes s'accompagnent de bâillements répétés, d'une violente céphalalgie et d'une lassitude générale. Plus tard, ils s'exagèrent encore, et l'organisme entier est envahi par une véritable torpeur, incompatible avec un effort quelconque, physique ou intellectuel. Tout travail devient impossible; l'at- tention est désormais fixée sur la seule préoccupation de s'alimenter. La succession de ces diverses manifestations conscientes n'obéit pas à des lois bien définies, et leur ordre chronologique est essentiellement variable suivant les circonstances, suivant les individus. Toutefois, nous devons reconnaître que le début de la faim est presque toujours marqué par un malaise épigastriquc qui s'accompagne assez vite d'une pléiade de sensations secondaires. 11 suffit, par exemple, de retarder de deux à trois heures le moment habituel du repas, pour être en proie aux douleurs de la faim. C'est ce que l'on observe généralement, bien que dans d'autres circonstances un retard beaucoup plus considérable ne soit nullement incommodant. D'autre part, on aurait tort de croire que ces dilïérents signes s'appliquent à l'univer- salité des cas. Tout au contraire, ce besoin peut se présenter d'une façon bien différente, et le tableau symptoraatique changer presque complètement. En signalant la sensation de douleur épigastriquc, nous l'avons considérée comme un des premiei'S signes de la faim. C'est là l'opinion de beaucoup de physiologistes; d'autres pensent qu'elle ne saurait avoir rien d'absolu. La douleur parfois peut faire défaut, comme nous le verrons tout à l'heure. Il en serait de même pour les sensations secondaires qui s'ajoutent à celle de la faim et qui peuvent non seulement différer comme nature, mais encore se localiser diversement. Schiff rapporte qu'ayant inter- rogé un certain nombre de militaires sur l'endroit plus ou moins précis où ils localisaient la sensation de faim, plusieurs lui indiquèrent, d'ailleurs assez vaguement, le cou, la poitrine; 23, le sternum; 4 ne surent localiser la sensation dans aucune région, et 2 seulement désignèrent l'estomac. Or Schiff fait judicieusement observer que ces deux derniers étaient infirmiers. 11 croit que leur réponse a pu être influencée parles quelques connaissances anatomiques qu'ils possédaient. Il n'est évidemment pas permis de tirer de ces données une conclusion rigoureuse au sujet de la valeur absolue du signe qui nous occupe; le nombre des personnes examinées était trop restreint. Cependant, la difficulté qu'ont éprouvée ces militaires à localiser la sensation de faim doit nous mettre en garde contre la tendance trop facile à considérer la douleur stomacale comme constante dans la faim. Évidemment elle peut souvent faire défaut. Le même auteur a observé par exemple que trois personnes, le grand-père, le fils, et le petit-fils ressentaient la faim dans l'arritre-gorge. A ce propos, Bealnis estime que la connaissance que chacun pos- sède de son propre corps et des organes qui le composent, influe sur toutes ces sensa- tions. L'observation des deux infirmiers de Schiff le prouverait jusqu'à un certain point. Beaunis, analysant en détail sur lui-même les manifestations intérieures conscientes de la faim, constate un premier fait, c'est qu'il na ressent pas la douleur épigastrique. FAIM. 3 Il éprouve au contraire un plus ou moins grand nombre de sensations qui s'étendent dans toute la région sus-diaphragmatique, avec des localisations au niveau de l'œsophage du pharynx, du plancher buccal, de la région parolidienne, des muscles masticateurs, de la tempe et de la région épicranienne. Encore importe-t-il d'ajouter qu'il ne se prononce pas catégoriquement sur ces sensations. Il ne saurait affirmer qu'elles sont réelles, ou bien dues tout simplement à l'attention qu'il porte sur ce qui se passe ou doit se passer dans ses propres organes. En tin de compte, se basant sur son expérience per- sonnelle, et jugeant d'après ses propres sensations et dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire, en s'afîranchissant autant que possible de toute idée préconçue, Beaunis suppose que la faim consiste en un ensemble de sensations dont le point de départ réside dans tous les organes rentrant en jeu dans les phénomènes digestifs. Il était bon de consigner toutes ces divergences, pour montrer la difficulté que l'on éprouve lorsque l'on veut préciser exactement les premiers caractères de la faim. II suf- fit d'ailleurs, pour s'en convaincre, d'étudier sur soi-même cette sensation. C'est avec la plus grande peine qu'on peut la caractériser et la localiser. Personnellement, nous avons maintes fois cherché à l'étudier sur nous-même. Mais, en dehors d'un sentiment de vacuité au niveau de l'épigastre, en dehors d'un malaise généralisé dans la partie sus- diaphragmatique, plus particulièrement marqué sur la ligne médiane de cette région, nous n'avons jamais pu arriver à préciser très exactement la nature de nos sensations Cependant, malgré leur diversité, malgré leurs différences individuelles, il est permis de considérer que la faim est généralement accompagnée, au début, d'une sensation désagréable, voire même douloureuse, ressentie au niveau de la région épigastrique. A celle-ci s'ajoutent ensuite d'autres sensations. En empruntant à Beaunis une comparai- son tirée de la musique, on peut dire : « qu'à la sensation fondamentale qui part de l'estomac, s'ajoutent des sensations harmoniques provenant des autres organes diges- tifs». Nous croyons pouvoir ajouter que le point de départ de ces dernières ne réside pas exclusivement dans l'appareil digestif, mais dans tous les organes. Mais là ne s'arrête pas le tableau des symptômes que nous avons à décrire; si le besoin de réparation que manifeste ainsi l'organisme n'est pas satisfail, le système ner- veux ne tarde pas à en subir le contre-coup, et bientôt survient la torpeur physique et intellectuelle que généralisent encore les sensations. Enfin, à un plus haut degré, on observe des troubles psychiques graves avec manifestations délirantes. Notre première description ne s'appliquait donc qu'à la faim physiologique, à ce besoin habituel que nous ressentons chaque jour avant l'heure du repas : elle est insuffisante à rendre compte de la faim chez un sujet en état d'inanition. On ne peut en effet contester qu'il existe des degrés dans la sensation que nous cause le besoin de manger. On a plus ou moins faim suivant les circonstances, suivant le moment du dernier repas, suivant aussi de nombreuses conditions éminemment variables. D'autre part, la délimitation de ces degrés est incertaine, car l'intensité de la sensation est loin de suivre une courbe parallèle à sa durée. Autrement dit, on n'a pas mathématiquement d'autant plus faim que l'on s'éloigne davantage du dernier repas. Le sentiment de la faim se modifie sous de nombreuses influences; et, à cette occasion, il convient de signaler particulièrement le rôle important du système nerveux. On pourra se soumettre volontairement à un jeûne prolongé, comme l'expérience en a plu- sieurs fois été tentée, et endurer assez facilement les souffrances de la faim. Le besoin de manger sera d'autant moins douloureux, d'autant plus facile à supporter qu'il suffira d'un signe pour être mis en face d'un succulent repas. Au contraire, la faim sera beau- coup plus pénible, ses manifestations beaucoup plus douloureuses, si l'on se croit — dans un naufrage, dans une expédition, — voué à une inanition complète sans espoir de salut. Les naufragés de la Méduse, de la Jeannette, et récemment encore de la Ville Saint- Nazalre, nous en ont fourni de bien tristes exemples. Ces différences dans l'intensité de la sensation au cours d'une inanition volontaire ou accidentelle, reconnaissent sans contredit plusieurs causes, mais le système nerveux a certainement sur elles une influence considérable. 11 était nécessaire d'établir préalablement les relations de la faim avec les principaux facteurs capables de la modifier. En nous basant maintenant sur ses différents degrés, noue considérerons à cette sensation deux phases bien distinctes ; 4 FAIM. 1° La faim au cours de la vie normale, celle que l'on ressent au moment des repas, — faim physiologique. 2" La faim au cours d'une inanition complète, — faim palholo(.jique. Mais, comme nous venons de le dire, il faut tenir compte des conditions de cette ina- nition. Et, à ce sujet, nous adopterons l'ordre établi par Ch. Richet pour le jeune. De même qu'il distingue le jeûne forcé, expérimental et cliarlatanesque, de même nous étudierons la sensation de faim au cours d'une inanition forcée, expérimentale et charla- tanesque. a) La faim au cours de la vie normale. — Faim physiologique. — En réalité, les carac- tères de la faim que nous avons décrits plus haut s'appliquent parfaitement à la sensa- tion que nous ressentons d'habitude au moment de nos repas. Mais, à côté de ceux-ci, il en est d'autres que nous avons volontairement laissés de côté, pour les signaler dans ce chapitre spécial. C'est ainsi que la faim, chez la plupart des espèces animales et chez l'homme, est une sensation rythmique. Elle ne réapparaît pas aussitôt qu'elle a été satisfaite, mais seule- ment au bout d'un certain temps, variable suivant les personnes, les habitudes et de mul- tiples influences. Chez l'homme, c'est en général cinq à six heures après le dernier repas du matin, douze heures après le repas du soir que le besoin de manger se fait sentir. Il convient à ce point de vue de signaler le rôle très important que joue l'habitude dans cette rythmicité. Cela est si vrai que l'on a généralement faim à peu près exactement au moment où l'on a l'habitude de prendre ses repas. Retarde-t-on cette heure, il n'est pas rare d'observer que la faim peut disparaître, et ne survient que bien plus tard. Comme le dit encore Beaums : « La régularité du repas ramène avec l'exactitude d'une horloge la sensation de faim. » La même périodicité s'observe chez les nouveau-nés. La régula- rité des tétées détermine la régularité du rythme de la faim. On constate couramment que, par des cris et des pleurs trahissant sa faim^le nourrisson réclame la tétée à l'heure exacte, au moment précis où elle lui est donnée d'habitude. Les chiens, les chats, les bestiaux, connaissent avec beaucoup dfi précision l'heure habituelle du repas qu'ils réclament par leurs cris et leur agitation. De même que la régulainté du rythme de la faim dépend de la régularité de l'habitude,, de même une nouvelle habitude sera susceptible de modifier le mode de ce rythme. Le fait de retarder régulièrement son repas d'une heure à deux retarde aussi d'une égale- durée l'apparition de la faim. Prend-on pendant plusieurs jours un repas supplémen- taire de jour ou de nuit, on constate bientôt que la faim apparaît à l'heure de ce nouveau repas. Tous ces faits démontrent l'action du système nerveux sur la sensation qui nous occupe. Donc le rythme de la faim ne présente pas toujours le même mode. Il varie sui- vant les espèces animales, suivant les individus, suivant les habitudes. Sa périodicité en un mot est liée non seulement au genre d'alimentation, et partant aux phénomènes de nutrition cellulaire, mais aussi au fonctionnement du système nerveux. S'il est vrai que le sentiment de la faim reflète un certain degré de dépérissement organique, s'il est vrai que cette sensation est ressentie au moment où nos cellules appauvries réclament 'des matériaux nutritifs, il est également vrai que, pour une bonne part, ses manifesta- tions sont sous la dépendance du système nerveux, ce qui rend difficile de préciser le moment où, en théorie, les premiers symptômes de la faim devraient se manifester. Cer- tains auteurs, comme Beau.nis, admettent que ce moment dépend exclusivement de la valeur des pertes de l'organisme. D'après des expériences faites sur lui-même, ce phy- siologiste suppose que la faim survient à l'instant où l'organisme — abstraction faites des fèces et des urines — a perdu environ 600 grammes. Cette évaluation ne saurait évidemment représenter qu'une moyenne, et non une indication absolue. Il en est de même pour l'intensité de la sensation : elle est essentiellement variable. Dans des conditions de vie absolument semblables, tel individu aura régulièrement faim au moment de ses repas, tel autre n'éprouvera à ce même moment aucune sorte de sen- sation. 11 ne s'agit certes pas d'anorexie dans ce dernier cas, puisque, sans avoir faim, il prendra la nourriture dont il a matériellement besoin. On peut encore signaler le cas des personnes chez lesquelles la faim se fait régulièrement sentir avec vio- lence, sans qu'ils soient boulimiques. Autrement dit, on observe, dans l'intensité du- FAIM. 5 besoin de manger, toute une échelle de gradations qui la rendent très variable. En dehors des relations de la faim avec le système nerveux (habitude), il convient de signaler l'influence des phénomènes chimiques intra-organiques. Plus ces réactions sont considérables, et plus aussi le dépérissement cellulaire est rapide. C'est ce qui nous explique pourquoi la faim est plus vive en hiver qu'en été, pourquoi l'exercice augmente l'appétit, pourquoi aussi le besoin de manger est ressenti plus fortement chez l'enfant et le convalescent. Puisque la chaleur animale dépend exclusivement des échanges chimiques, il va de soi que la faim «st également en relation étroite avec la température organique. Voilà pourquoi cette sensation est affaiblie chez les personnes ouïes animaux à vie sédentaire. Happelons k ce sujet le cas des animaux hibernants. Chez eux, le besoin de manger dis- paraît à peu près complètement pendant leur période de repos. Voilà aussi pourquoi nous constatons que le sommeil annihile la faim. De là le fameux dicton : « Qui dort dîne. » Ici devrait se placer naturellement l'étude de la faim chez les animaux à sang froid; mais il n'existe guère de renseignements sur les manifestations de leur besoin. Toutefois, les considérations précédentes sur les relations des phénomènes chimiques avec la faim, les connaissances que nous possédons sur la résistance de ces animaux à l'inanition, sur la lenteur de leurs échanges nutritifs, nous permettent de conclure que la faim chez eux doit être une sensation extrêmement atténuée. b) La faim au cours de l'inanition forcée. — Faim pathologique. — Si l'histoire est riche en cas malheureusement trop nombreux d'inanition forcée (naufrages, éboule- nients, expéditions, etc.), elle est beaucoup plus pauvre en renseignements circonstanciés et précis sur l'intensité et la modalité de la sensation de faim au cours de ces jeûnes dont l'issue est fatale. Les narrations que nous possédons relatent surtout les phéno- mènes ultimes de perversion psychique qui frappent particulièrement l'esprit des assis- tants, peu disposés, et pour cause, à une analyse scientifique. De telle sorte que le départ entre les phénomènes relevant de l'inanition proprement dite, et ceux qui carac- térisent la sensation simple de la faim est très difficile à établir. Toutefois, un des traits dominants de la faim dans l'inanition forcée, c'est son retentisse- ment sur les phénomènes psychiques. Il se manifeste par un délire particulier, caracté- ristique, auquel on a donné le nom de dcUve famélique. Ce délire a été observé d'une manière presque constante, ainsi qu'en témoignent surtout les récits des naufrages de la Méduse, de la Mignonnette, de la Bourgogne, et plus récemment de la Ville Saiiit- ISazaire. Les symptômes de cette perversion mentale sont absolument terrifiants et ont tour à tour inspiré narrateurs et poètes. On y retrouve tous les degrés de l'état mental, depuis la folie furieuse transformant les hommes en de véritables bêtes ne se connaissant plus, s'entre-égorgeant les uns les autres, jusqu'aux rêves agréables qui se déroulent au milieu des souffrances les plus vives. Nous nous abstenons de citer les exemples de ce genre, que l'on retrouvera dans les mémoires spéciaux consignés dans notre bibliographie. Abstraction faite de ces perversions cérébrales, la faim apparaît, dès le début de l'abstinence forcée, avec une intensité inaccoutumée. La certitude de la mort la renff- vive, intolérable, alors que dans le jeune volontaire elle est plus facilement supportable par une cause inverse. De telle sorte que les premiers jours du jeûne accidentel sont marqués par des douleurs extrêmes. Mais, si nous avons posé en principe que l'intensité de la faim n'est pas proportion- nelle à sa durée, cela est bien vrai pour le cas qui nous occupe. Ce fait repose sur une série d'observations prises sur l'homme et sur l'animal. Personnellement nous connais- sons un ancien combattant de 1870 qui, durant la campagne, dut passer deux jours com- plets sans manger. Les effets de la faim se firent ressentir pendant ces quarante-huit heures avec une violente intensité. Cependant, ils commençaient à s'amender assez sen- siblement et faisaient place aune fatigue extrême quand un heureux hasard lui fit ren- contrer des vivres. Contrairement à ce que l'on eût pu croire, il ne put faire qu'un très léfter repas, et d'ailleurs sans grand appétit. 11 nous serait facile de citer des observations analogues montrant la possibilité de la régression du sentiment de la faim, au fur et à mesure que dure l'abstinence. Il convient fi FAIM. de dire que la même constatation a été faite sur des animaux. Ainsi, raconte Ch. Richet : JLabobde m'a montré un chien qu'il avait soumis à l'inanition et auquel il ne donnait que de l'eau. Eh bien! au bout de trente jours de jeûne, ce chien ne s'est pas jeté avec avidité sur une soupe très appétissante qu'on lui avait préparée avec de la viande, du pain et de l'eau. Nous-même dans le Laboratoire de physiologie de la Faculté de Pans, en présence de Ch. Richet, nous avons observé le même phénomène sur deux oies que nous avions soumises à unjeûne de dix-sept jours, dans le but d'étudier leurs échanges respiratoires. Ayant dû à ce moment interrompre nos expériences, nous présentâmes à ces animaux des aliments que d'habitude ils mangent avec avidité. Comme dans l'expérience précé- dente, elles ne se précipitèrent nullement sur ce qui constitue d'habitude un de leurs aliments préférés. Au surplus, nous ne pouvons préciser le moment de l'inanition qui marque l'affaiblis- sement ou la suppression de la sensation. Parfois la faim persiste longtemps, comme nous avons eu roccasion''de le constater tout récemment sur un chien. Cet animal avait été soumis à l'inanition pendant 14 jours. Le 15«, on lui présenta différents aliments sur lesquels il se précipita avec la grande voracité, témoignant ainsi d'une persistance ma- nifeste du besoin de manger qu'il ressentait selon les apparences avec une grande intensité. Devons-nous conclure de ces faits que dans l'inanition le sentiment de la faim puisse s'atténuer au point de disparaître complètement? Nous ne le croyons pas, pas plus qu'il ne convient, selon nous, d'attribuer à la faim toutes les perversions cérébrales que pré- sentent les inanitiés. Elles ont vraisemblablement une double cause qui ressort du besoin continuel de manger, et de l'inlluence progressive de l'abstinence. Nous mentionnerons aussi les perversions du goût au cours de l'abstinence forcée. Le sentiment de la faim est soumis parfois à de véritables modifications pathologiques, qui se caractérisent par ce fait que les inanitiés, n'ayant plus désormais de répugnance, mangent à peu près tout ce qui leur tombe sous la main, substances alibiles ou autres. Ces manifestations pathologiques peuvent même arriver jusqu'au cannibalisme. Mais il s'en faut que ces perversions du goût qui accompagnent en général le délire famélique apparaissent toujours avec la même violence. On cite des exemples où des individus surpris par un éboulement se sont montrés d'un courage, d'une énergie stoïque, luttant de sang-froid contre la faim, à tel point qu'au milieu des plus dures angoisses ils par- tageaient entre eux les quelques provisions qu'ils possédaient. Ajoutons enfin que tous ces phénomènes : délire, perversion du goût, ne sont pas seulement liés à la durée de l'inanition. Ils dépendent aussi, et pour une bonne part, des conditions même de l'inanition. En général, les individus surpris dans un naufrage, dans un éboulement, dans une expédition, ont à lutter contre les agents extérieurs. Ils ont, dans les naufrages surtout, à se défendre contre le froid, exécutent ainsi du travail mécanique, augmentent conséquemment les pertes de l'organisme et facilitent l'appa- rition de la faim. Et c'est dans ces circonstances que se montrent les perversions dont nous venons de parler. " c) La faim au cours de l'inanition volontaire (jeûne expérimental et charlatanesque). — La faim ne présente pas tout à fait la même évolution dans l'inanition volontaire et dans l'inanition accidentelle. Les conditions du jeûne en sont la cause. Dans le cas de l'inanition forcée, il est absolument impossible de se soustraire un seul instant au besoin pressant que l'on éprouve avec d'autant plus d'intensité, semble-t-il, que l'on est dans l'impossibilité matérielle de le satisfaire. Au surplus, la lutte que l'on est obligé de soutenir contre les causes mêmes de cette inanition augmente la sensation de faim. Rien de tout cela n'existe dans le jeûne volontaire, puisque l'on peut à son gré apaiser la faim en mangeant, puisque aussi, pour se mettre en meilleur état de résistance, on exécute le moins possible de mouvements. En un mot, les conditions de l'abstinence volontaire sont telles que le sentiment de la faim sera atténué et facilement supportable. Nous empruntons à Cn. Riciikt l'analyse d'un jeûne expérimental d'une durée de quarante-huit heures auquel s'est volontairement soumis Ranke. Le physiologiste allemand n'a pas eu spécialement pour but d'analyser ses sensations. Cependant, FAIM. 7 certains détails de son observation nous intéressent. Ainsi, dit Ch. Richet : « il n'a pas ressenti une grande incommodité; de plus, durant, ce jeûne, c'est surtout aux premiers moments que les souffrances ont été cruelles. Les symptômes qu'il présentait étaient une grande faiblesse musculaire, l'impossibilité de se livrer à des mouvements prolongés, des frémissements fibrillaires, de la céphalalgie. Ce qu'il y avait de plus saillant, c'était le phénomène, constant d'ailleurs, d'une insomnie avec des nuits troublées par des cauchemars et le retentissement du pouls dans la tête ». Malheureusement, l'étude de la faim dans des circonstances analogues n'a guère été faite. En s'appuyant sur la durée possible du jeûne volontaire, sur des expériences faites sur les animaux, il est néanmoins légitime de penser que, si le sentiment de la faim est surtout vif et pénible dans les premiers moments, il s'affaiblit ensuite au point d'être relativement supportable. Mais le jeûneur n'est pas seulement en proie à la faim; il ne tarde pas bientôt à souf- frir surtout de la soif. On a observé que le jeûne expérimental est plus facile à supporter, et peut être prolongé, grâce à l'absorption exclusive de liquides et même de liquides ne possédant aucune valeur alimentaire, comme l'eau. On peut utilement, à ce point de vue, opposer à certains cas déjeunes charlatanesques, comme ceux de Succi, qui buvait un liquide particulier, celui d'Antonio Viterbi, avocat magistrat sous la première Répu- blique. Compromis pendant la Restauration dans une affaire de Vendetta, il fut condamné à la peine capitale, le 16 décembre 1821, par la cour de Bastia. Il voulut s'épargner la honte de l'échafaud, ense laissant mourir de faim, et il exécuta son projet avec une éton- nante force de volonté. Lui-même prit son observation, dont nous extrairons les passages qui nous intéressent. « 27 novembre 1821. Je me suis endormi vers une heure, et mon sommeil s'est prolongé jusqu'à trois heures et demie. A quatre heures et demie je me suis rendormi pendant plus d'une heure. A mon réveil, je me suis trouvé plein de force et sans le moindre sen- timent de malaise, si ce n'est que ma bouche était un peu amère. Voici la fin du second jour que j'ai pu passer sans manger : je n'en ressens aucune incommodité et n'éprouve aucun besoin. » (11 y a ici une lacune : la copie ne parle point des quatre jours écoulés entre le 27 novembre et le 2 décembre, jour où Viterbi a interrompu son premier jeûne qui a duré six jours; le second jeûne, commencé le 3 décembre, amène la mort de Viterbi le 20 décembre.) « 2. décembre. Aujourd'hui à trois heures, fai manyé avec appétit, et j'ai passé une nuit fort tranquille. « 3. Lundi. Aucune espèce de nourriture; je ne souffre pas de cette privation (second jeûne). « 4. Mardi. Même abstinence : le jour et la nuit se sont passés d'une manière qui eût donné du courage à quiconque ne serait pas dans ma situation. «o. Mercredi. Lanuit précédente, je n'ai point dormi, quoique je n'éprouvasse aucune inquiétude physique; mon esprit seul était extrêmement agité. Dans la matinée il est devenu plus calme, et ce calme se soutient. 11 est maintenant deux heures après-midi, et depuis trois jours mon pouls ne manifeste aucun mouvement fébrile; il est un peu plus rapide, et ses palpitations sont plus fortes et plus sourdes. Je ne sens aucune sorte de malaise. L'estomac et les intestins sont dans un repos parfait. La tête est libre, mon imagi- nation active et ardente; ma vue extrêmement claire. Nidle envie de boire ou de manger; il est positif que je n'éprouve de velléité ni pour l'un ni pour l'autre. «Dans une heure, trois jouis se seront écoulés depuis que je m'abstiens de toute nourriture. La boucbe exempte d'amertume, l'ouïe très flne, un sentiment de force dans tout l'individu. Vers quatre heures et demie, j'ai fermé les yeux pendant quelques instants, mais un tremblement général m'a bientôt éveillé. A cinq heures et demie environ, j'ai commencé à ressentir des douleurs vagues dans la partie gauche de la poitrine. Après huit heures, j'ai dormi paisiblement [iondant une heure; à mon réveil, le pouls était parfaitement calme. Depuis environ neuf heures et demie jusqu'à onze, doux et profond sommeil, faiblesse très sensible dans le pouls, qui reste régulier et profond : point d'autre altération. « A minuit, tranquillité absolue dans toute l'économie animale, particulièrement dans 8 FAIM. le pouls. A une heure, la gorge aride, une soif exce^sice. A huit heures, même sensa- tion, excepté une très légère douleur au cœur. « Le pouls à gauche rend des oscillations autres que celles de droite, ce qui annonce le désordre produit par l'absence de nourriture. (. 6. Jeudi. — Le médecin m'a conseillé de manger, m'assurant que l'abstinence, à laquelle je m'obstinais, prolongerait mon existence de quinze jours. Je me suis déterminé à remplir mon estomac, dans l'espérance qu'un excès produirait l'effet désiré. 11 a produit l'elîet con- traire, et la diarrhée s'est arrêtée; en un mot, j'ai été malheureux en tout. Point de fièvre, et cependant, depuis quatre jours entiers, je n'ai bu ni mangé. « Je supporte une soif, une faim dévorante, avec un courage à toute épreuve et une constance inexorable. (Ici des détails sur le pouls.) « A neuf heures, prostration des forces; le pouls assez régulier; la bouche et le gosier desséchés; sommeil tranquille d'une demi-heure environ. « 7. Vendredi. — (Nuit tranquille depuis six heures). Des vertiges au réveil, une soif brûlante... « A neuf heures, la soif diminue... à deux heures, soif ardente... à six heures, la bouche amère... >•> 8. Samedi. — Pendant toute la journée, il souffre exclusivement de la soif. 9. Dimanche. — Il présente quelques vertiges, le pouls est faible, la soif toujours vive. « A trois heures de l'après-midi, une demi-heure de bon sommeil à la (in duquel le pouls est intermittent; des vertiges, une soif ardente et continuelle. Ensuite la tête est tranquille, l'estomac et les intestins sans aucune agitation; pulsations régulières... « A huit heures, le pouls fort et régulier, la tête libre, l'estomac et les entrailles en bon état; la vue claire, l'oreille bonne, une soif terrible; le corps plein de vigueur. » « 10. Lundi. — Pendant la journée du 10, même douleur occasionnée par la soif. « Je continue à prendre du tabac avec plaisir; je ne sens aucun désir de manger... A dix heures, soif continuelle et toujours plus ardente. « Une forte envie de manger m'a pris à plusieurs reprises pendant l'après-midi, je n'ai ressenti d'ailleurs ni trouble ni douleur dans aucune partie du corps. » 11. Mardi. — Il est toujours préoccupé par la soif. « A six heures, mes facultés intellectuelles ont maintenant toute l'énergie accoutu- mée ; la soif est brûlante, tolérable; la faim a cessé tout à fait. Mes forces décroissent sen- siblement... l'estomac, l'intestin ne me causent aucun malaise. A dix heures, pouls faible et régulier; soif horrible, nid désir de manger. « 12. Mercredi. — Même état. Nulle envie de manger, mais la soif plus ardente. « 13. Jeudi. — La soif est peut-être un peu plus tolérable; même indifférence pour la nourriture .» 18 décembre. — Enfin il demeure toujours tourmenté par la soif depuis le 12 jusqu'au 18, où il écrit : « A onze heures, j'arrive au terme de mon existence avec la sérénité du juste. La faim ne me tourmente plus; la soif a entièrement cessé; l'estomac et les intestins sont tran- quilles, la tête sans nuage, la vue claire. En un mot, un calme universel règne, non seu- lement dans mon cœur et dans ma conscience, mais encore dans toute mon organisation. « Le peu de moments qui me restent s'écoulent tout doucement comme l'eau d'un petit ruisseau à travers une belle et délicieuse prairie. La lampe va s'éteindre faute d'huile. » Viterbi vécut encore deux jours et mourut le 20 décembre. Donc Antonio Viterbi mourut après dix-sept jours d'un jeûne pendant lequel il s'abs- tint de tout breuvage. Celte observation nous paraît être très instructive; car elle nous démontre que si, au bout d'un certain temps, la faim peut être tolérable, il n'en est pas de même pour la soif. Nous pourrions citer d'autres cas de ce genre. Tel celui d'un condamné à mort, Guillaume Granie, qui se laissa mourir d'inanition dans les prisons de Toulouse. Il mourut au bout de soixante jours. Tels les cas des mélancoliques qui peuvent s'inanitier pendant une période variant de vingt à soixante jours. Telle aussi l'observation d'un jeûneur nommé Hasselt et rapportée par Simon Goulart. Cet homme, enfermé pendant quarante jours sans nourriture, aurait été après celte longue période retrouvé vivant. De même, Lépine cite le cas d'une jeune fille qui, après avoir avalé de l'acide sulfurique, FAIM. 9 fut atteinte d'un rétrécissement de l'œsophage. Pendant six jours, elle ne put ni boire ni manger, et mourut après avoir enduré surtout les douleurs de la soif. Tel encore le cas d'un négociant allemand qui se laissa mourir de faim à la suite de mauvaises affaires. Il mourut après un jeûne de dix-huit jours. Nous n'insisterons pas plus longtemps'sur ces relations intéressantes qui, malheureu- sement, ne mentionnent point les particularités de la sensation de faim. Elles sont sur- tout importantes au point de vue du jeûne, et trouveront mieux leur place dans l'article Inanition. Quoi qu'il en soit, nous voyons que, dans le jeûne volontaire, les souffrances de la faim ne sont pas de très longue durée. En tout cas, il y a un contraste frappant entre l'inanition forcée et l'inanition volontaire. Evidemment, dans les deux cas, on observe une série de symptômes à peu près constants; agitation, faiblesse, dépression, halluci- nations, insomnie, excitation furieuse suivie de stupeur. Mais, chez le jeûneur volontaire, ces phénomènes ne tardent pas à s'amender; chez l'autre, au contraire, ils suivent pro- gressivement une marche ascendante pour arriver jusqu'cà la perversion mentale, jusqu'au délire, à la folie. Encore une fois, nous pensons que la faim n'est pas seule en cause. Ces modifications psychiques peuvent tenir au désespoir, à l'appréhension d'un danger constant et d'une mort imminente. Rien d'étonnant non plus, d'après les raisons indiquées plus haut, que la mort sur- vienne plus rapidement dans l'inanition accidentelle. D'ailleurs, le moment de la mort diffère suivant les circonstances qui provoquent le jeûne. Il ne saurait y avoir rien d'absolu. Si les conditions sont les mêmes, on peut admettre que les individus non alié- nés meurent après des périodes variant de seize à vingt jours, u Nous pouvons admettre, dit Ch. Richet {loc. cit.), que, chez les individus sains, sans tare nerveuse, la durée de l'inanition qui amène la mort est d'environ vingt jours. Mais chez les aliénés et les indi- vidus préparés au jeûne, la durée de l'inanition peut être plus considérable. » Pourquoi? sinon parce que la sensation de faim, avec ses terribles manifestations, abstraction faite de la valeur des échanges nutritifs, place l'inanitié dans des conditions de moindre résis- tance. Aussi Bernheim oppose-t-il la durée de la vie dans l'inanition proprement dite à la durée de la vie dans certains cas d'inanition, telles que l'inanition hystérique, fébrile. « Constatons d'abord, dit-il, que si, dans son état normal, un homme ne saurait impunément prolonger son jeûne au delà de quelques jours, il le peut dans certaines circonstances particulières, il le peut dans la fièvre. Le malade affecté de fièvre typhoïde peut rester plusieurs semaines sans s'alimenter, sans boire autre chose que de l'eau : il ne meurt pas d'inanition. » Le même phénomène s'observe dans certains cas d'embarras gastrique, d'anorexie hystérique, de vomissements incoercibles. Voilcà cerles des oppositions intéressantes, qui, apparemment, restent inexplicables, si l'on admet que, dans tous les cas pi'écités, les échanges nutritifs restent à peu près les mêmes et ne s'écartent pas beaucoup de la normale. Pourquoi donc cette différence dans le moment de la mort"? Bernheim a insisté avec juste raison sur ce point, et a émis à ce sujet une théorie des plus intéressantes et des plus ingénieuses, mais qui impose quelques réserves. « L'homme sain qui meurt après plusieurs jours de jeûne, dit-il, ne meurt pas d'ina- nition; il n'a pas maigri d'une façon excessive; l'usure de sa substance n'est pas arrivée à ses dernières limites. Le poids de son corps et la structure organique de ses tissus sont encore compatibles avec la vie. Bien autrement émacié est le malheureux phtisique qui ne mange plus, qui perd sa substance par tous les'pores, par la sueur, par l'expec- toration, par la diarrhée, par la fièvre, et que cependant l'on voit encore se trahier pendant des semaines comme un squelette ambulant. « A côté de lui, l'homme primitivement sain, après huit jours de jeûne, est encore mi colosse et cependant il meurt. Il ne meurt pas d'inanition, il meurt de faim. Le fébricitant, le phtisique, l'anorexique, l'hystérique qui vomit n'ont pas faim. La faim tue avant l'inanition : voilà la raison de cette apparente anomalie. 10 FAIM. Autrement dit, pour Bernheim, la faim crée chez l'individu normal une véritable névrose, affection qui mériterait d'être distinguée de l'inanition proprement dite. La faim, d'après lui, tue rapidement; l'inanition très lentement. Aussi, veut-on empêcher l'alfamé de mourir, il suffit simplement de calmer sa faim par des agents tels que l'opium, la morphine, le sommeil hypnotique, le chloroforme, etc. « Certains états pathologiques peuvent supprimer la faim. D'autres conditions, des mfluences psychiques, de vives émotions morales, peuvent la modérer, » Voilà comment Bernheim explique les cas si curieux d'anorexie hystérique, voilà com- ment aussi, il conçoit la possibilité d'un jeûne relativement très prolongé, comme celui de Cetti, de Merlatti et autres. Au sens où l'entend Bernheim, les jeûneurs qui se soumettent à l'inanition résistent facilement, tout simplement par le fait d'une auto-suggestion. Discutant en particulier le jeûne de Cetti, il admet que ce dernier — tout en n'étant pas un hystérique — s'est suggestionné. Il demeure convaincu que la liqueur qu'il avala le premier jour l'avait nourri, qu'il n'avait plus faim, qu'il conservait toute sa force physique. « Cela suffit pour réaliser Je phénomène; l'idée fait l'acte; il s'exalte, il s'entraîne, il se nourrit de son idée, il se montre avec complaisance à ses visiteurs, il jouit de son triomphe ; l'esprit domine le corps; son imagination le soustrait aux angoisses de la faim; le sensorium cérébral cuirassé par la suggestion est inaccessible à ce besoin. Cetti ne meurt pas de faim, parce qu'il n'a pas faim ; il ne subit que les effets de l'inanition, qui, à elle seule, ne tue pas en trente jours. » Sans admettre complètement la manière de voir de Bernheim, nous pensons cependant qu'elle renferme une part de vérité. Il est certain que la volonté intervient comme un facteur puissant d'atténuation de la faim, que par ce fait nous pourrons d'autant mieux résister à l'abstinence que nous nous efforcerons de le vouloir. Ceci n'a d'ailleurs rien de spécial au besoin de manger. D'une façon générale, la douleur est d'autant plus intense qu'elle nous surprend, que nous la redoutons, qu'elle nous effraie. Préparés à la subir, l'attendant de pied ferme, elle nous sera plus légère. Est-ce à dire, comme le prétend Bernheim, que nous puissions la supprimer par un simple etfort de notre volonté, par une auto-suggestion ? Nous ne le croyons pas, et c'est en cela que la théorie de ce savant nous paraît prêter le ffanc à la critique. Sans doute, la sensation de faim est nulle ou presque nulle dans l'anorexie hystérique, dans certains jeûnes par suggestion hypnotique. Mais rien d'étonnant à cela, puisqu'il s'agit dans l'espèce de véritables cas pathologiques. Il en est tout ditféremment dans le jeûne expérimental, volontaire. L'auto-suggestion ne saurait à elle seule suffire à éteindre complètement le besoin de manger. Mais la volonté peut augmenter très bien notre résistance au jeûne en diminuant l'intensité de notre perception consciente. Il s'agit donc d'une auto-suggestion beaucoup plus simple et moins névropathique que ne le pense Bernheim. Le jeûneur, par sa volonté, arrive à résister à l'habitude de manger; il obéit à sa conscience qui le soumet à l'abstinence, mais certainement sa volonté doit être incapable de provoquer la suppression d'une sensation. Pas n'est besoin dès lors d'invoquer avec Bernheim une sorte de névrose créée par la faim. Pas n'est besoin non plus de supposer que tous les jeûneurs sont des hystériques. Rien n'est moins fondé paraît-il, bien que certains d'entre eux aient présenté quelque stig- mates. Ainsi Succi n'était pas hystérique, d'après l'opinion de Luigi Bufalini : « Ceux qui le connaissent d'après son enfance, dit-il, l'ont toujours tenu pour un homme dont le cerveau est parfaitement équilibré. » Mais, à défaut de signes hystériques, Bernheim invoque fauto-suggestion, comme pouvant à elle seule arriver à supprimer complète- ment la faim. Il expliquerait ainsi le jeûne de deux femmes hystériques, endormies par Debove, auxquelles ce médecin suggéra l'absence de faim et l'ordre de ne pas manger. Elles supportèrent très bien - ne buvant que de l'eau —un jeûne de quinze jours, bien qu'on eût mis à leur disposition le plus fort régime hospitalier, et que les personnes du service eussent l'ordre de leur apporter les aliments qu'elles demanderaient. Mais il s'agissait dans l'espèce de deux hystériques avérées, et l'on sait que cette névrose con- stitue un terrain éminemment propre à l'anorexie. Il serait superllu d'insister plus longtemps sur les causes qui peuvent expliquer la résistance au jeûne. Nous l'avons déjà dit, tout, dans le jeûne volontaire, est fait pour FAIM. H résister à la faim, et le peu d'exercice, et le sommeil, et la température. Il y a, peut-on dire, une véritable adapation à ce nouveau genre de vie. Enfm l'habitude peut encore augmenter cette résistance, et c'est le cas des jeûneurs charlatanesquesou de profession. Pour clore cette discussion, et nous résumant, nous dirons que, si l'on ne doit pas, à l'instar de Bernheim, considérer la faim comme une névrose qui tue avant l'inanition, on doit cependant en tenir compte comme d'un facteur puissant, diminuant la résistance à l'abstinence. Les douleurs qu'elle engendre, son retentissement sur le système nerveux central, ne sont pas faits pour retarder le moment de la mort : tout au contraire. C'est ce qui nous explique comment, si la mort dans l'inanition forcée survient au bout de 10 à 20 jours, l'inanition volontaire est compatible avec une durée de trente h quarante jours. Mais la suppression de la sensation n'est pas uniquement liée à l'auto-suggestion. Par le fait des nombreuses conditions que nous avons énumérées plus haut, si celte sensa- tion existe, elle paraîtbien moins forte, et elle est Itien mieux supportée. § II. — Du sentiment de la faim. Explication que l'on peut en fournir. Ses causes. a) Orifj'me locale de la faim. — b) Origine centrale de la faim. — c) Origine vériphérique de la faim. Puisque la faim est un besoin dont nous avons conscience, elle doit nécessairement reconnaître, comme les autres besoins sensoriels, instinctifs ou acquis, un certain nombre de causes qui rentrent dans l'étude physiologique de cette sensation. On peut, en effet, envisager la sensation à un double point de vue, comme le dit Joanxv Roux : on peut : « par ce terme, entendre la sensation consciente, le fait interne, acces- sible uniquement à l'observation subjective. u On peut, au contraire, élargir beaucoup le sens de ce mot, comprendre dans l'étude de la sensation tous les phénomènes qui précèdent le fait de la conscience, c'est-à-dire l'excitation périphérique causale, sa transformation en mouvement nerveux, le trajet de celui-ci jusqu'à l'écorce, où apparaît la sensation consciente. On peut même suivre ce mouvement plus loin à travers l'écorce et le système nerveux centrifuge, dans sa rétlexion périphérique. « C'est en somme l'étude d'un réUexe, sur le trajet duquel apparaît un phénomène de conscience. » C'est de cette manière que nous devrons maintenant considérer la faim. Et disons qu'en définitive ce sentiment nous avertit de l'état de dénutrition organique. La vie est caractérisée en effet par un double mouvement au niveau de la matière organique ; l'un, d'assimilation; l'autre, de désassimilation. Leur succession rythmique et régulière assure l'équilibre vital, sans quoi les réactions chimiques libératrices de l'énergie dont nous disposons détermineraient l'usure, et ensuite la destruction du protoplasma cellulaire. C'est au moment où nos éléments analomiques ont besoin de réparation que la faim se fait sentir. Elle représente donc une sensation de la plus grande utilité, puisque, automa- tiquement, nous sommes avertis de la nécessité de notre réparation organique. Admirable système de défense que l'on observe à tous les degrés de l'échelle animale! Mais, bien que la cause primordiale de la faim semble consister en l'appauvi-issement nutritif des cellules, cela ne fait nullement comprendre la nature des excitations qui engendrent la sensation. Trois grandes théories se trouvent en présence. La première assigne à la faim une origine stomacale, la deuxième lui reconnaît une cause centrale, la troisième enlîn la rattacherait à un rétlexe nutritif dont le point de dépait résiderait dans toutes les cellules de l'organisme. Nous les examinerons successivement. a) Origine locale de la faim. — \) La faim reconnaît pour cause une excitation venue de l'estomac. Un premier argument en faveur de l'origine locale du sentiment de la faim est tiré de ce fait, que, presque toujours, comme nous l'avons vu, cette sensation est perçue dans l'estomac, et s'accuse par une douleur gastrique. Mais, outre qu'il n'y a à cela rien d'absolu, il importe de remarquer avec Schiff que le siège d'une sensation ne saurait à 12 FAIM. ]ui seul expliquer son origine; on peut tout aussi bien localiser à la périphérie une sen- sation d'origine centrale. Ainsi un amputé souffrira de la jambe qu'il n'a plus. Dans ce cas particulier, il rap- porte à la périphérie une sensation indiquant une altération des troncs nerveux qui réunissent son moignon aux centres nerveux ou bien une altération de ces centres ner- veux eux-mêmes. On connaît de nombreuses observations cliniques oi:i des lésions céré- brales provoquent des sensations [rapportées à la périphérie. La compression du nerf cubital au coude provoque une sensation à un endroit très éloigné de celui où s'est pro- duite l'excitation. Donc on doit justement distinguer la localisation d'une sensation d'avec son origine. Ce sont deux choses absolument diflérentes. D'ailleurs la faim ne débute pas infailliblement par une sensation ressentie au creux de l'estomac. Les observations de Schiff et de Beaunis sont suffisamment démonstra- tives. Et si, dans la majorité des cas, le besoin de manger est accompagné d'une dou- leur stomacale, il ne s'ensuit pas qu'il y ait entre ces deux phénomènes une relation de cause à effet. Nous savons bien que la sensation de faim est très complexe, et qu'elle consiste dans la réunion de plusieurs sensations. La douleur stomacale peut n'être qu'un des signes dominants de ce besoin, sans qu'il soit nécessaire de la considérer comme l'unique cause de la faim. Nous savons cependant que certains faits expérimentaux militent en faveur de la localisation stomacale de la faim. Tel le chat agastre de Carvallo et Pachox. Cet animal, après l'ablation totale de son estomac, eut une survie opératoire de six mois. Dans cet intervalle, et principalement après le troisième mois, ces auteurs ont observé que ce chat se refusait presque d'une manière absolue à prendre une nourriture quel- conque. Il aurait donc, en apparence du moins, perdu le sentiment de la faim. Voilà certes une observation d'une réelle valeur; mais les conclusions à en tirer au point de vue de la localisation de la sensation ne sauraient être rigoureuses. En tout cas, ce seul fait expérimental ne détruit pas les objections que nous faisions tout à l'heure ■contre la théorie de l'origine locale de la faim. Encore faudrait-il être absolument sûr que ce chat avait complètement perdu le sentiment de la faim. 2) La faim dépend de la vacuité de l'estomac. — Il semble, au premier abord, que nous ayions faim au moment même où notre estomac est vide. C'est cinq à six heures après le dernier repas que nous éprouvons de nouveau le besoin de prendre des aliments. En réalité, la faim survient longtemps après que les matières alimentaires ont été dissoutes par les sucs digestifs et absorbées par les voies normales. C'est du moins ce que confirme la célèbre observation de Beaumont sur le chasseur canadien atteint d'une fistule gastrique. Il n'avait faim que longtemps après la fin de la digestion stomacale et intestinale. D'ailleurs, si l'on pose en principe que la faim est due à la vacuité de l'estomac, il s'ensuit fatalement que les animaux — les herbivores — dont la cavité gastrique renferme sans cesse des aliments, n'éprouveraient jamais le besoin de manger. Or l'observation démontre le contraire. 3) La faim dépend des contractions de l'estomac. — D'après cette manière de voir, les contractions de l'estomac vide auraient pour résultat de provoquer sur la muqueuse des excitations spéciales qui se traduiraient par l'impression de faim. Mais cette explication est insuffisante, si l'on songe qu'une contraction de cette intensité n'est guère possible dans l'estomac vide, et que les mouvements musculaires de l'estomac à l'état de vacuité sont rares et beaucoup moins prononcés que pendant la digestion. Pourquoi dès lors le sentiment de la faim ne s'exagère-t-il pas à la fin de nos repas? C'est alors que les mouvements stomacaux sont surtout énergiques; partant, c'est à ce moment que nous devrions surtout avoir faim. Cette hypothèse paraît peu fondée. 4) Nous mentionnerons simplement pour mémoire une théorie qui tend à expliquer la faim par un tiraillement du muscle diaphragme. Quand l'estomac est rempli d'ali- ments, il constituerait un coussin sur lequel repose le foie. Le coussin venant à manquer, alors que l'eslomac est vide, la glande hépatique s'affaisserait en attirant à elle les attaches diaphragmatiques. Mais cette hypothèse ne peut nous expliquer la faim des animaux à station horizontale. FAIM. 15 5) Beaumont attribue le sentiment de la faim à la turgescence de la muqueuse gastrique due au gonllement des glandes stomacales avant le repas. A propos de cette opinion, Schiff fait remarquer que le travail de sécrétion ne s'exé- cute pas pendant la période de vacuité de l'estomac. On peut ainsi irriter mécani- quement la muqueuse d'un estomac et provoquer une hypersécrétion abondante, sans faire cesser la faim. Beaunis rejette d'une façon absolue l'opinion de Beaumont; car, dit-il : « Les recherches de Heidenhalx ont montré que c'est pendant le repos de l'estomac que s'accumule dans les glandes gastriques la substance (propepsine) aux dépens de laquelle se formera, au moment de la digestion, le ferment actif du suc gastrique, la pepsine; ces glandes se trouvent donc, dans l'intervalle des repas, en un véritable état de turgescence. )> 6) Dans ces dernières années, on a attribué une assez grande valeur à une théorie de la faim que paraissent fortement accréditer certains cas de pathologie. Les partisans de cette théorie soutiennent que la faim est liée à la production d'acide chlorhydrique qui provoquerait une irritation de la muqueuse gastrique. Certains caractères de cette sensation, et surtout sa périodicité, s'expliqueraient par le fait même de la pério- dicité de la sécrétion acide. De plus, la pathologie confirmerait dans une certaine mesure cette manière de voir. Il est très fréquent, d'observer par exemple, l'exagération du besoin de manger chez les malades atteints d'hyperchlorhydrie. Discutant la valeur de cette hypothèse, Schiff recherche la réaction stomacale avant et pendant la digestion. Or il trouve que cette réaction à jeun est légèrement acide, ou neutre et rarement alcaline. C'est seulement au moment de la sécrétion gastrique que le liquide devient franchement acide. Comment donc admettre une semblable explication basée sur un phénomène à peine appréciable dans l'estomac vide et augmentant d'inten- sité par l'ingestion des aliments? En somme, toutes les théories émises sur l'origine locale du sentiment de la faim sont insuffisantes pour nous rendre compte d'une façon exacte et rationnelle de cette sen- sation. On ne peut d'ailleurs accepter facilement l'idée que la faim, exprimant un besoin essentiellement général, puisse prendre exclusivement son origine dans l'estomac. Examinons maintenant la théorie de l'origine centrale de la faim. b) Origine centrale de la faim. — Rappelons tout d'abord que la faim est liée à l'état de dénutrition organique. Ainsi que nous l'avons déjà dit au début de ce chapitre, elle est à l'avant-garde de la période d'assimilation, et représente pour l'individu un véri- table système de défense. S'il en est ainsi, tout obstacle à l'assimilation, à la pénétration des principes alimentaires jusqu'au niveau des éléments anatomiques, entraînera comme conséquence la sensation de faim. 11 faut donc rejeter aussitôt comme cause de la faim les lésions anatomo-patho- logiques placées au niveau des voies d'absorption. La pathologie a en effet enregistré des cas de ce genre. Ainsi Morgagni releva à l'autopsie d'un sujet, qui pendant sa vie avait été tourmenté par une faim continuelle, un engorgement tuberculeux des ganglions mésentériques. Tiedemann cite également un cas de rupture du canal thoracique. Les diverses phases de la digestion s'accomplissaient d'une façon normale et régulièrement; le seul passage des principes nutritifs dans le sang en était empêché par la rupture du conduit. Aussi le malade ne pouvait-il jamais assouvir sa faim. Dans le même ordre d'idées, on a signalé des cas de faim insatiable coïncidant avec une longueur insuffisante de l'intestin. Cela est particulièrement fréquent chez certaines espèces d'oiseaux qui arrivent à manger le dixième de leur propre poids. La raison en est toujours la même. Ils digèrent incomplètement les matières alimentaires ingérées, et ils ont continuellement faim. On peut ajouter à toutes ces observations celles que nous fournit la clinique à pro- pos de certains cas d'anus contre nature et de fistule biliaire. Nous voyons donc que tout obstacle à l'arrivée des principes nutritifs dans le sang entraîne fatalement la sensation de faim. Et cette dernière apparaît, par ce simple fait, indépendante de l'état local de l'estomac. Voilà pourquoi Schiff a recherché la cause de la faim dans une variation de la composition chimique du sang. Il ne pouvait en outre qu'être encouragé dans ce sens par les analogies qui existent à ce oint de vue entre la faim et la soif. 44 FAIM. Comme la faim, cette sensation est très complexe. Elle consiste en une série de sen- sations surtout localisées dans la région buccale sans exclusion du besoin général que l'on ressent d'ingérer des liquides. A priori, on serait tenté d'attribuer à l'une et à l'autre de ces sensations une origine locale en se basant sur leur localisation périphérique. Cependant, il est, à l'heure actuelle, démontré que la soif est une sensation générale. DuPUYTREX, faisant courir des chiens au soleil, calmait leur soif en injectant de l'eau ou d'autres liquides dans les veines. Schiff a plusieurs fois répété cette expérience. D'autre part, personne n'ignore qu'à la suite d'hémorragies abondantes les malades souffrent d'une soif très vive qui disparait après l'absorption d'une boisson rafraîchissante. Autant de preuves que la soif est étroitement liée à la quantité de sang qui circule dans le réseau vasculaire. Eh bien! une modification particulière, physique ou chimique, dans la composition du liquide sanguin, ne pourrait-elle pas à elle seule provoquer la faim? Telle est l'hypo- thèse de Schiff, ou du moins la théorie qu'il défend et qu'il appuie sur l'expérience. Si l'on injecte dans le système circulatoire d'animaux des substances nutritives en quantité suffisante et artificiellement préparées, on peut non seulement calmer leur faim, mais on les nourrit parfaitement. Dans certains cas de faim prolongée, on a également observé que les lavements alimentaires apaisaient jusqu'à un certain point les souffrances ressenties. Schiff donne encore d'autres preuves en faveur de l'origine centrale. Si l'on étudie la sensation au cours de l'inanition, on voit qu'elle augmente d'intensité le deuxième, troi- sième et quatrième jour. Cependant, l'estomac une fois vidé de son contenu, son état ne change plus. Il semble, d'après lui, qu'on doive rapporter l'intensité de la faim aux modi- fications qualitatives du sang, qui, devenant sans cesse plus profondes, sont pour les centres nerveux une cause d'excitation de plus en plus grande. Il n'en serait pas autre- ment pour la première apparition de la faim chez l'enfant nouveau-né. Au bout de quelques heures, il manifeste par des cris le besoin de manger, et cependant son esto- mac après la naissance est vide. On a prétendu que la cavité gastrique renfermait une certaine quantité de liquide amniotique, et que ce liquide constituait la véritable nourriture du fœtus. Le fait n'a rien d'absolu ; d'après certains auteurs, il serait au con- traire tout à fait acccidentel. En dernière analyse, Schiff conclut que la faim est liée à une modification physico- chimique du sang, qui constitue le point de départ de cette sensation, en excitant les centres nerveux. Cette théorie, comme nous le verrons tout à l'heure, est passible de certains reproches. Ajoutons, pour l'instant, que Schiff cherche encore à expliquer comment, sous cette influence centrale, se produit tout le cortège des manifestations à localisation périphérique. Mais il ne tranche cette question qu'en raisonnant par analogie, par déduction, sans expérience. Il invoque en elïet une irritation des centres nerveux, sous l'influence de l'état chimique particulier du sang, irritation provoquant des sensations excentriques. « Pour n'en citer qu'un exemple, dit-il, les malades afl'ectés de tumeur cérébrale, ne se plaignent-ils pas de douleurs sourdes dans les extrémite's, de fourmil- lements, d'hallucinations? Or il n'est pas indispensable que l'irritation des centres ner- veux soit de nature mécanique : elle peut provenir tout aussi bien d'une altération chi- mique, d'un changement de composition de la masse du sang. Dès lors, on conçoit que la diminution des éléments constitutifs du sang, qui nous fait sentir le besoin de nourri- ture, puisse aussi se trahir par des altérations de la sensibilité locale, sans que la loca- lité où nous percevons cette altération soit directement affectée. Ce qui donne un certain poids à cette conjecture, c'est qu'il n'est pas excessivement rare d'observer des lésions profondes de l'estomac, des destructions cancéreuses du cul-de-sac de la région pylorique, de la petite et de la grande courbure, sans que les malades aient cessé de percevoir la sensation gastrique spéciale qui annonce la faim. » Contre la théorie de Schiff s'est élevée une objection tirée de la sensation gastrique qui accompagne le besoin de manger. Nous ne reviendrons pas bien entendu sur celte sensation dont nous avons suffisamment parlé. Nous rappellerons simplement qu'elle s'observe fréquemment, mais non constamment. Cependant sa fréquence lui donne une très grande valeur aux yeux de certains savants. Pour eux, ce signe ne constituerait pas FAIM. 15 seulement l'expression d'un état général, mais il serait lié à un état particulier de l'es- tomac. En effet, il est possible — sans faire disparaître la faim, — de supprimer cette douleur, en introduisant dans l'estomac des matières non alibiles. Mais, comme le fait remarquer Schiff, cette objection est basée sur une erreur de raisonnement. Assurément, on peut calmer une névralgie d'origine centrale, par une irritation mécanique du tronc nerveux lui-même. Ainsi, chez un malade atteint de tumeur cérébrale, et souffrant de fourmillements aux doigts, on peut, par une vigoureuse pression mécanique sur les parties douloureuses, faire disparaître la douleur. «Beaucoup de névralgies, dit Schiff, sont momentanément calmées et même supprimées par l'appli- cation d'une douleur extérieure. C'est l'impression périphérique qui prévaut sur la sen- sation centrale. » Il en est de même pour la sensation gastrique qui accompagne la faim. Les applica- tions extérieures, la compression de la région épigastrique, la constriction calment la faim : d'où l'expression connue « se serrer le ventre ». Cela s'explique facilement par la prédominance de l'irritation périphérique sur la sensation excentrique. « La même explication, dit encore Schiff, vaut pour l'ingestion de substances inertes, de pierres, de sable, moyen palliatif qui malheureusement n'a été que trop souvent expérimenté contre la faim en temps de disette; ici, c'est l'irritation locale, appliquée aux nerfs sensibles de la cavité stomacale, qui se substitue à la sensation transmise aux centres. « On voit donc que l'opinion qui regarde la sensation épigastrique de la faim comme dépendant d'un état local de l'estomac, parce qu'il existe des moyens palliatifs locaux pour l'apaiser, est fondée sur une erreur de raisonnement, que c'est précisément le con- traire que nous enseigne l'analogie. » Il est encore d'autres exemples de la prédominance des sensations périphériques sur les sensations d'origine centrale. Ainsi le sommeil est un besoin général, et cepen- dant il se traduit par une série de sensations excentriques : sensation particulière dans les yeux, lourdeur, pesanteur, démangeaison des paupières. Or on trompe assez facile- ment le besoin de dormir par des applications d'eau froide sur les tempes ou sur le ront. Il en serait de même pour la faim, et l'observation des malades atteints de pyrosis ne ferait que confirmer cette manière de voir. Ces malades ont une faim continuelle, et mangent peu à la fois. Les aliments ingérés sont en assez grande quantité pour tromper leur faim, mais non pour la supprimer; car ils ne sauraient suffire à la réparation com- plète des pertes organiques. C'est ainsi que Schiff réfute cette objection et persiste à admettre que certaines mo- difications physico-chimiques du liquide sanguin sont capables de faire naître la faim par leur retentissement sur le système nerveux central, tout comme les adultérations du sang provoquées par l'excès d'acide carbonique ou le manque d'oxygène modifient les actes respiratoires par action centrale. Nous venons de le voir, plusieurs observations directes, certaines analogies plaident en faveur de cette théorie. Mais rien ne prouve que, dans les premiers stades de la faim, le liquide sanguin a subi une modification chimique ou physique; rien ne prouve d'autre part que cette excitation, si elle existe, puisse à elle seule déterminer l'apparition de la faim. Le processus est peut-être plus complexe, et le retentissement de la dénutrition organique sur le système nerveux cen- tral peut s'expliquer non seulement par une irritation chimique, mais par un acte réflexe, tout comme les phénomènes respiratoires et circulatoires ne sont pas seulement influencés par des excitations centrales d'origine chimique, mais aussi par des excita- tions sensitives périphériques qui se transmettent aux centres nerveux par voie réflexe. Ces dernières considérations nous conduisent tout naturellement à parler de la théorie périphérique de la faim. c) Origine périphérique de la faim. — D'après les partisans de cette théorie, la faim prend naissance au sein même des innombrables cellules de l'organisme. Comme le dit JoANNY Roux [loc. cit.) : « C'est le cri de notre organisme réclamant des matériaux nutritifs, lorsque le milieu intérieur s'appauvrit. Toutes les cellules de notre organisme sont solidaires, et cette solidarité est rendue nécessaire par les spécialisations fonctionnelles multiples, par la division du travail. Lorsqu'une cellule éprouve un besoin qu'en raison de cette spécialisation elle est inapte à satisfaire elle-même, elle fait appel à d'autres 16 FAIM. cellules, et cela par l'intermédiaire du système nerveux. Telle est l'origine de tous les réflexes nutritifs, et dans la sensation de la faim il n'y a pas autre chose qu'un réflexe nutritif cortical, réflexe incomplètement adapte, et donnant naissance à ce titre, comme épiphé- nomène, à un fait de conscience : la sensation de la faim, au sens ancien du mot. » Sans suivre ici J. Roux dans son intéressant plaidoyer en faveur de cette doctrine, nous signalerons simplement l'opposition qui existe entre cette théorie et celle de Schiff. ScHiFF invoque l'action directe du sang adultéré sur les centres nerveux, comme cause du besoin de manger. Cette excitation a pour effet de localiser à la périphérie des sensa- tions d'origine centrale par un phénomène semblable à celui des irradiations excentriques des sensations. Dans la première théorie au contraire, il s'agit d'un réflexe nutritif cortical dont le point de départ siégerait dans toutes les cellules, et qui aboutirait à un neurone cortical (phénomène de conscience). « L'aboutissant de ce rétlexe est la recherche involontaire et consciente des aliments. » Peut-être convient-il de rechercher dans ces deux théorie les causes de la faim qui proviendrait ainsi, d'une part, des modifications du sang, d'autre part, d'une excitation nerveuse de toutes lès cellules de l'organisme. Il faudrait donc admettre que les centres nerveux sont à la ïois directement excités par les variations de la composition physico-chimique du milieu sanguin, indirectement par une excitation nerveuse dont le point de départ résiderait dans toutes les cellules de l'organisme. Cette opinion mixte a l'avantage de concorder avec les explications qu'ont données de la faim les physiologistes comme Longet, Magendie, Schiff, Beaunis, Wu.ndt, pour ne citer que ceux-là. Magea'die : « La faim, dit-il, résulte comme toute les autres sensations, de l'action du système nerveux; elle n'a d'autre siège que ce système lui-même. Ce qui prouve bien la vérité de cette assertion, c'est qu'elle continue quelquefois, quoique l'estomac soit rempli d'aliments, c'est qu'elle peut ne pas se développer, quoique l'estomac soit vide depuis longtemps; enfin c'est qu'elle est soumise à l'habitude, au point de cesser sponta- nément quand l'heure habituelle du repas est passée. » Schiff : « L'usure et la destruction vitale sont causes de modifications impor- tantes de la composition du sang. D'une part, les produits de la décomposition chimique des tissus, corps désormais inutiles à la fonction de l'organe dont ils procèdent, sont emportés par le courant circulatoire; d'autre part, les tissus appauvris, altérés dans leurs propriétés normales, empruntent au sang qui les baigne les matériaux aptes à les recon- stituer. De là, une double altération de ce liquide ; augmentation des corps excrémenti- tiels inutiles à la vie, et diminution des éléments utiles et réparateurs des tissus. On conçoit que cette altération, arrivée à un certain degré, ne peut rester sans influence sur ce que nous appelons l'état général, ou, en d'autres termes, que les centres nerveux doivent subir l'impression du sang appauvri et réagir à cette impression par une sen- sation particulière et de nature générale. « Or les symptômes particuliers qui nous font connaître cet appauvrissement du sang résultant de l'exercice régulier de nos organes, sont ce que nous désignons sous le nom de sensations de la faim et de la soif. » Longet : « La faim est l'expression d'un état général qui se traduit par une sensation spéciale que nous rapportons à l'endroit où elle se fait sentir, bien qu'en réalité elle ne siège pas uniquement en cet endroit. « C'est dans l'organisme en général qu'il faut placer le sentiment de la faim, et la sensation particulière, éprouvée dans la région épigastrique, doit être considérée comme une manifestation limitée d'un état général, comme le prodrome des nombreux phéno- mènes de la faim. » Beaunis : (( Il est évident qu'il y a dans la faim autre chose que des sensations locales. L'insuffisance et l'arrêt de l'absorption digestive, l'état d'appauvrissement de la lymphe et du sang, le défaut de nutrition des tissus et des organes déterminent une réaction des centres nerveux, et cette réaction se traduit par ce sentiment de défaillance qui vient s'ajouter aux sensations plus exclusivement localisées dans les organes digestifs propre- ment dits. Pour que la faim soit satisfaite d'une façon complète, il ne suffit pas que les aliments soient digérés; il faut que les produits de cette digestion, absorbés dans le FAIM. 17 tube alimentaire, passent dans la lymphe et dans le sang et aillent réparer les perles des tissus et des organes. A ce point de vue, on pourrait dire avec Lqnget que c'est dans tout l'organisme que x'éside le sentiment de la faim. » WuNDT : « Les sensations de faim, de soif, la sensation du manque d'air, depuis les besoins modérés normaux de respirer, jusqu'à la dyspnée la plus intense, toutes ces sensations dépendent certainement, mais en très faibles parties, des organes périphé- riques où elles sont localisées. Elles sont liées à des états déterminés de la composi- tion du liquide sanguin; ces états, d'après nos présomptions, mettent en jeu dans les centres nerveux correspondants des excitations qui produisent, soit des mouvements involontaires, soit des sensations, et par celles-ci des mouvements volontaires propres à entretenir les fonctions en question. » En tout cas, il nous semble impossible, à l'heure présente, d'assigner à la faim une cause absolument précise. Nous nous sommes arrêté à la théorie mixte que nous avons résumée tout à l'heure, convaincu qu'elle renferme la plus grande part de vérité sur les véritables facteurs qui engendrent cette sensation. § III. — Voies de transmission de la faim. a) Rôle des pneumogastriques. — b) Rôle du syii^ialhique. Comme le dit Beaunis, « la faim comprend : « 1° Les sensations localisées d'une façon plus ou moins vague dans les organes digestifs, les muscles masticateurs, sensations qui ont pour point de départ la muqueuse de ces divers organes avec leurs nerfs sensitifs, les glandes (état de réplétion avant la digestion), les muscles (besoin de contraction au début, contractions morbides dans les degrés intenses de la faim), « 2° Une sensation générale due ù l'appauvrissement et à rinsuffisance de nutrition de l'organisme; mais ce sentiment général lui-même n'est que la résultante d'une multiplicité de sensations partielles, vagues, obscures, mal définies, partant des diverses régions de l'organisme. » Il est évident qu'à chacune de ces sensations est affecté un système particulier de transmission. Voyons ce que l'on a pu déterminer à ce sujet, à l'aide de l'expérimen- tation. Tout d'abord, on s'est préoccupé de rechercher spécialement les voies de conduction des sensations localisées le long du tube digestif, voies qui ne peuvent être représentées que par les nerfs sensitifs émanant de ces organes. Aussi a-t-on été amené à considérer tour à tour le sympathique et les pneumogastriques comme les conducteurs habituels de la sensation de faim, si l'on songe que ces deux nerfs se partagent l'innervatior motrice et sensitive du canal intestinal. On a pratiqué une foule d'expériences dont nous ne retiendrons (pie les plus impor- tantes, tout en faisant néanmoins remarquer que les résultats obtenus sont loin d'être décisifs. a) Rôle des pneumogastriques. — Il n'y a aucun doute : la faim persiste malgré la résection de ces deux nerfs. L'opération a été faite souvent sur diverses espèces animales (cheval, chien, cobaye, lapin, etc.). REAUNis"n'a jamais pu obtenir la cessation de la faim. Sur soixante expériences de résection du pneumogastrique, il a toujours vu les animaux se remettre à manger après l'opération. Ce fait ne peut s'expliquer que par la persistance de la faim. Il n'y a pas lieu d'incriminer le goût, puisque la section du lingual et du glosso-pharyngien n'abolit pas non plus le sentiment de la faim. Telle n'est pas l'opinion de BpxAciiet. Cet auteur reconnaît au pneumogastrique un rôle excessivement important au point de vue de celte sensation, et cherche à le démonti^er expérimentalement. Il a fait jeûner un chien pendant vingt-quatre heures environ, puis il lui a sectionné les deux pneumogastriques au moment où l'animal était prêt à se jeter avec voracité-sur des aliments qu'on lui avait présentés. On vit alors la faim s'apaiser presque aussitôt. Go n'est là qu'une observation unique et très incoiisplètc, f[ui ne saurait entraîner pour conclusion, comme le veut Brachet, que la sensation de faim naît au niveau de DtCT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 2 18 FAIM. la muqueuse gastrique et possède comme voie de'conduclion le tronc nerveux des pneu- mogastriques. D'ailleurs, presque tous les auteurs qui se sont occupés de la question sont unanimes à reconnaîti'e que les animaux qui ont subi la double vagotomie ne perdent nullement le sentiment de la faim. Le besoin de manger se fait ressentir aussi bien après qu'avant l'opération. Sédiixot a conservé des chiens après la double vagotomie pendant longtemps et affirme avoir reconnu chez eux les signes certains de la faim, parfois très persistants, puisque, dans certains cas, la survie opératoire était de plusieurs semaines. Schiff a confirmé entièrement les résultats de Sédillot, sans pouvoir toutefois conserver aussi longtemps que lui les animaux opérés (six jours au plus tard). Cependant il est très explicite à cet égard, et soutient que leur appétit s'est manifesté aussitôt après les effets généraux de l'opération. Le cheval, qui réagit moins que tout autre à la section des vagues, continue à manger immédiatement après Topération. 11 importe, en effet, de ne point confondre les etïets généraux de l'opération avec ceux (jui dépendent exclusivement de la section des vagues. Braghet, par exemple, considère l'anorexie presque immédiate survenant après la section nerveuse, comme due au rôle que jouent normalement les pneumogastriques dans la conduction de la sensation. Mais, à ce tilre-là, de nombreux nerfs tiennent sous leur dépendance cette sensation, puis- que celle-ci peut disparaître aussitôt après une lésion des parties inférieures de la moelle, du nerf sciatique, du plexus brachial. On ne saurait invoquer en faveur du rôle spécial joué par les vagues ce fait, que l'anorexie, consécutive à leur section, est de plus longue durée qu'après les traumatismes précités. No savons-nous pas que la double vagotomie entraîne des lésions inflamma- toires du poumon capables de déterminer une anorexie qu'on attribuerait à tort à la seule section nerveuse? Il n'y a pas lieu davantage de supposer que la vagotomie aura des effets différents sur la faim, suivant le lieu de la section. SchU'F a pratiqué cette section, soit au cou, soit au-dessous du diaphragme. Il s'est assuré dans ce cas de la section complète de tous les rameaux gastriques et hépatiques. Les résultats observés sont semblables à ceux que provoque la section sus-diaphragmatique, avec cette différence que, l'opération étant moins grave, l'observation a duré bien plus longtemps. Durant leur longue survie, les animaux ont toujours montré le retour de l'appétit, et ont absolument mangé comme à l'état normal. Que conclure de ces diverses expériences, sinon que les vagues ne jouent probable- ment aucun rôle parficulier? t>) Rôle du sympathique. — On ne sait que peu do chose sur la fonction de ce nerf. LoMGET le considère comme la voie par laquelle la sensation de faim est transmise aux centres. Mais celle-ci persiste, bien que l'on extirpe les différents amas ganglionnaires et les différents rameaux du sympathique. Ainsi BiiU^'NEn et Hensen ont fait la section des splanchniques, et les animaux opérés continuèrent à manger avec tous les signes de l'appétit. Bien plus, Schiff, opérant sur des lapins, sectionne les deux vagues, les deux sympa- thiques et extirpe les ganglions cœliaques. 11 a conservé les animaux pendant cinq à six jours et constate^la persistance de l'appétit. En l'état actuel de la science, il est donc bien difficile de préciser les voies de transmis- sion de la faim. L'expérimentation n'a pas élucidé cette question pour la sensation principale qui accompagne le besoin de manger, c'est-à-dire la douleur gastrique. A fortiori, sommes-nous dans l'impossibilité de dissocier par l'expérience les voies de conduction pour les sensations secondaires ? L'ontogénie et la phylogénie permettent d'affirmer que la sensation de faim existant chez le nouveau-né doit être transmise par des conducteurs nerveux myélinisés. D'après les travaux de Fleghsio, nous savons que, dès le neuvième mois de la vie intra-utérine, une partie du système nerveux commence à se myéliniser. Ce système est représenté par des fibres dont les cellules d'origine sont placées dans les noyaux gris centraux faisant suite au ruban de Riîil. Il est donc probable ([ue c'est grâce à lui que les sensations de faim et de soif peuvent être perçues. FAIM. 19 § IV. — Rôle des centres nerveux. De quelque façon qu'on envisage la faim, qu'on la considère comme une sensation d'origine locale, centrale ou périphérique, on est bien obligé de faire intervenir les centres nerveux dans le phénomène de conscience de ce sentiment. L'appareil nerveux central joue donc un rôle, mais quel est-il? Les résultats expérimentaux ou cliniques que la science possède sont également mal déterminés. Certains auteurs, tels que Combes, Suruheim, Broussais, admettent un centre particulier qu'ils appellent l'organe de l'alimentivité. D'après eux, il serait placé dans les fosses laté- rales et moyennes de la base du crâne, appartenant ainsi au cerveau proprement dit- RosENTHAL admet ce centre qu'il appelle centre de la faim. D'autres, avec Stiller, admettent que l'excitation primitive de la faim se produit à la périphérie, au niveau des terminaisons nerveuses du vague et du sympathique dans l'estomac : nous savons ce qu'il faut penser de cette dernière opinion. Mais dans quelle région faut-il localiser ce centre de la faim, si tant est que ce centre existe ? Tout d'abord, on sait que la sensation de faim est éprouvée par les animaux entièrement dépourvus de cerveau, que, chez des fœtus anencéphales appartenant à l'espèce humaine, les manifestations de la faim ont été observées. Sur un chien qui avait subi l'ablation de l'écorce cérébrale, Goltz a observé la persistance de la faim et le goût. Du manteau entier, il n'avait laissé subsister que l'extrémité de la base du lobe temporal, Viincus. Au sujet des sensations gustatives de cet animal ainsi dépourvu de la corticalité cérébrale, GoLTz rapporte un certain nombre de faits intéressants. Nous empruntons à J. Soury les détails qui suivent : a S'il y avait longtemps qu'il n'avait pas été nourri, il allait çà et là sans repos dans la cage, en tirant rythmiquement la langue ; souvent des mouve- ments de masticatioa à vide s'associaient à ces mouvements de la langue. Tiré de la cage et placé sur une table, une terrine de lait devant la gueule, il commençait aussitôt à boire le lait, avec les mêmes mouvements qu'un chien normal. Si, comme c'était l'ha- bitude, de gros morceaux de viande de cheval étaient mélangés au lait, et que le chien, en lappant le lait, mît dans sa gueule un morceau de viande, il le mâchait exactement comme un chien ordinaire A le voir boire et manger, il paraissait avoir de l'appétit et dévorer avec satisfaction. » Et plus loin : « ce chien semblait éprouver les sensations de la faim et de la soif, puisque aux heures des repas il accélérait ses mouvements de manège, poussait même quelquefois des cris « d'impatience », et, de ses deux pattes de devant, se dressait sur le bord de sa cage, d'où il était tiré deux fois par jour, pour être immédiatement alimenté sur une table placée à proximité. » D'après ces données, il paraîtrait donc logique de chercher la localisation de ce centre dans le bulbe rachidienou la protubérance, puisque ces deux portions de centres existent chez les anencéphales. Cependant Stephen Paget, s'appuyant sur des observations ana- tomo-pathologiques, a cherché la localisation corticale du centre de la faim, qu'il serait tenté de placer au niveau de l'extrémité antérieure du lobe temporo-sphénoïdal, près des centres du langage et du centre olfactif. Ces conclusions s'appuient sur l'observation clinique de 14 malades atteints de traumatisme cérébral. Toutefois, il serait prématuré d'admettre l'existence de pareils centres, sur les seules observations de Paget. § V. — Pathologie du sentiment de la faim. a) Boulimie. — b) Polyphagie. — c) Anorexie. — d) Anorexie hystérique. — e) Illusions de la faim, La faim, avons-nous dit, est une sensation dont les caractères individuels, la locali- sation et l'intensité sont éminemment variables. Tantôt elle se présente avec violence, tantôt elle s'atténue au point de disparaître à peu près complètement. Ces deux cas extrêmes constituent des modifications pathologiques que nous allons étudier. Du côté de l'exagération de la sensation, nous trouvons la boulimie, la polyphagie, la parorexie; du côté de son extrême atténuation, l'anorexie. C'est dans cet ordre, établi par Bouveret, que nous allons les étudier. ■20 FAIM. Boulimie. — Cette affection consiste dans l'exagération de la sensation de faim : elle est connue, soit sous le nom de boulimie ([îou: À'.[j-o;), de cynorexie (faim canine), de lyco- rexie faim de loup). Bolveret propose le terme d'hyperorexie comme mieux approprié à la désignation de cette affection, car il signifie mieux que [tout autre l'exagération de la faim. Tout d'abord, il importe de bien définir ce que l'on entend par boulimie. 11 est de toute évidence que l'on n'est pas boulimique par le seul fait que l'on mange beaucoup, puisque tout le monde ne mange pas également, que les uns absorbent retativement peu, et les autres beaucoup. D'un antre côté, on connaît les relations étroites qui existent entre les échanges nutritifs et la faim. D'une façon générale, on observe que la faim croît au fur et à mesure que les pertes de l'organisme augmentent. Est-ce à dire qu'un ado- lescent, un convalescent et les individus qui mènent une vie active soient boulimiques? Non, puisque tous ont besoin d'une forte ration alimentaire : n'est pas boulimique celui dont la ration alimentaire, quelque considérable qu'elle soit, est en rapport avec ses besoins organiques. Lorsque, au contraire, sans cause apparente, ce rapport n'existe pas, lorsque les ali- ments ingérés sont en très grande quantité, que le désir immodéré de manger se fait sentir très souvent, et peu après un repas suffisant, il s'agit là de boulimie. On peut dire, en effet, que cette affection, ou mieux cette névrose, a pour caracté- ristique essentielle la répétition immodérée du besoin de manger. Mais ces névrosés, en mangeant beaucoup et souvent, peuvent momentanément calmer leur appétit vorace. Les manifestations de la faim boulimique sont du même ordre que celles de la faim normale. La sensation est beaucoup plus vive qu'à l'état normal, voilà tout. Puis le malade atteint de cette affection est sans cesse en proie aux douleurs de la faim, puis- que celle-ci réapparaît presque aussitôt après qu'elle a été satisfaite. L'accès boulimique se reproduit donc à chaque repas, et ainsi le boulimique ne tarde pas à subir le contre-coup de son malaise si fréquent. Bientôt, en effet, il pi'ésente des phénomènes généraux qu'ex- plique sa préoccupation presque continuelle de calmer sa faim. Il est triste, inquiet; ses forces diminuent, s'anéantissent même, si par hasard il est pris à l'improviste par son accès et s'il ne peut manger. Comme tout individu surpris par la faim, il tombe dans la torpeur physique et intellectuelle. « A cette asthénie soudaine, dit Bouveret {loc. cit.), peuvent s'ajouter encore le bourdonnement des oreilles, le vertige, le tremblement. Chez quelques boulimiques, l'accès est dominé par des troubles circulatoires, la pâleur de la face, le refroidissement des extrémités, la petitesse du pouls, la sensation de défaillance immi- nente. Au plus haut degré, l'accès s'accompagne de symptômes d'excitation cérébrale. » Il va de soi qu'avec une sensation aussi impérieuse le boulimique ne résiste guère â l'impulsion qui le porte à prendre tout ce qu'il trouve. Il ne saurait mesurer la portée de ses actes. Cet état pathologique est intéressant, non seulement dans ses rapports avec la pathologie générale, la psycho-physiologie, mais aussi et surtoutavec la médecine légale. Les douleurs de la faim provoquent un état psychique particulier, sus- ceptible de rendre jusqu'à un certain point l'individu irresponsable. L'irrésistibilité du boulimique n'est pas le seul caractère qu'il présente. 11 importe d'ajouter qu'il calme sa faim dès qu'il a absorbé des aliments. Mais, quelques instants après, l'accès revient aussi intense qu'auparavant. Bref, le malade est sans cesse tour- menté. Bientôt il ne pense plus qu'à assouvir son appéf,it insatiable et redoute conti- nuellement l'accès qui le guette. Il est en proie à une anxiété sans fin et s'entoure di; toutes les précautions pour ne jamais être pris au dépourvu d'aliments. Voilà bien le caractère des boulimiques. « Beard, dit Bouveret, raconte l'histoire d'un neurasthénique, fréquemment atteint de boulimie nocturne, et qui ne pouvait s'endormir qu'à la condi- tion d'avoir à côté de son lit une table sur laquelle un repas était servi. En effet, beau- coup de boulimiques ont des accès nocturnes; une ou plusieurs fois par nuit, ils sont réveillés par l'impérieux désir de manger. » Causes. — Cette exagération du sentiment de la faim constitue parfois une sorte de vice congénital, indépendant de toute autre manifestation. Mais cette boulimie que l'on peut (jualifier d'essentielle est relativement rare. Le plus souvent, elle est associée à diverses affections dont elle n'est qu'un symptôme, un épiphénomène. On la rencontre souvent dans la plupart des névroses rTlnstérie, la neurasthénie. FAIM. 21 l'épilepsie, la maladie de Basedow, les maladies menUiles, la chlorose, la paralysie géné- rale. L'état puerpéral prédispose aussi à la boulimie. Mais les femmes enceintes ne pré- sentent pas seulement une perversion de la faim. Leur sens gustatif est en même temps perverti. Aussi les voit-on quelquefois manger avec plaisir des objets bizarres et souvent même dégoûtants. La boulimie s'observe encore dans certaines affections, telles que la maladie d'AooisoN, les suppurations prolongées. Elle est surtout fréquente dans le diabète. Enfin les maladies des voies digestives, comme les fistules intestinales, les lésions intéressant les voies d'absorption, provoquent fi^équerament la faim boulimique. Les parasites intestinaux produiraient le même efîet, d'après certains auteurs, mais c'est là un point particulier qui est loin d'être élucidé. En résumé, la sensation de faim s'exagère ou peut s'exagérer au cours de nombreuses affections, soit générales, soit locales. En tout cas, en l'état actuel de nos connaissances, il esta peu près impossible de dissocier les causes de cette perturbation. . Les uns y voient une excitation du système nerveux central; les autres, du système nerveux périphérique. Ces deux hypothèses s'appuient sur des observations qui ten- draient à les justifier, puisque d'un côté, la boulimie s'observe chez les paralytiques généraux et chez les malades atteints de tumeur cérébrale, et que d'un autre côté, des lésions périphériques comme l'ulcère rond, l'hypersécrétion, sont capables de reproduire ce symptôme. Peut-être convient-il d'admettre à la fois une cause centrale et une cause périphé- rique, puisque la sensation normale de la faim paraît être sous la double influence de causes centrales et péi-iphériques. Nous laisserons de côté l'explication qu'on a voulu donner de la boulimie, en la basant sur certaines modifications anatomo-pathologiques. On ne saurait en tirer une conclusion sur les causes de la boulimie, attendu que les lésions observées chez les boulimiques proviennent très vraisemblablement d'une irritation du tube digestif consé- cutive à un fonctionnement exagéré. Polyphagie. — Alors que la boulimie se caractérise par la répétition immodérée du besoin de manger, la polyphagie est généralement associée à la diminution ou à la sup- pression de la sensation de faim. Le boulimique mange souvent et relativement peu, le polyphagique mange beaucoup. Le premier assouvit assez facilement sa faim; le deuxième n'y arrive qu'après avoir absorbé de très grandes quantités d'aliments : et encore ! Telle est la différence essentielle qui existe entre ces deux altérations patholo- giques de la faim. Gomme la boulimie, la polyphagie est quelquefois indépendante de toute affection. Dans d'autres circonstances elle n'est qu'un symptôme ; dans ce cas, on l'observe fré- quemment au cours des affections organiques de l'encéphale : dans l'hystérie, la neu- rasthénie, et dans certaines maladies générales comme le diabète. Bien entendu, il y a des degrés dans la polyphagie, et, à côté des cas de polyphagie modérée, on en observe d'autres, véritablement exceptionnels, dans lesquels la faculté de manger est développe'e à un degré extraordinaire. La plus célèbre observation de ce genre est bien celle de Tarare, rapportée par Percy. « A l'âge de dix-sept ans, dit Blachez (art. « Boulimie » du DM. des se. méd.), Tarare pesait 100 livres et mangeait en vingt-quatre heures une quantité de viande de bœuf, de poids égal au sien. Engagé comme soldat, il se soumettait aux plus rudes corvées pour se procurer des suppléments de ration, et pouvait à peine satisfaire son appétit avec les aliments destinés à six ou sept hommes. L'insuffisance de nourriture déter- mina chez lui un état de faiblesse telle qu'il fut obligé de quitter son service et de rentrer cà l'hôpital. Une portion quadruple lui fut accordée. Malgré ce supplément, il mangeait tous les restes qu'il pouvait se procurer. Sans cesse à la recherche de sub- stances alimentaires, quelles qu'elles fussent, il faisait une guerre incessante aux chiens et aux chats de l'établissement qu'il dévorait quelquefois encore vivants. Devant le médecin en chef Lorextz, qui voulait s'assurer de l'exactitude des rapports qui lui étaient adressés, il prit un chat vivant par la tête et les pattes, lui dévora le ventre et le rongea jusqu'aux os. Il maniait facilement les serpents et mangeait toutes vivantes les plus n FAIM. grosses couleuvres. Lu jour, on le vit luauyer à lui seul un repas abondant, préparé pour 15 ouvriers allemands. Il avalait saus inconvénients des corps volumineux. Percy raconte que celte singulière faculté fut utilisée par le commandant d'un corps d'armée qui lui faisait avaler des dépêches contenues dans un étui en bois. A la fin de sa vie, ce malheu- reux, objet d'horreur pour tous ceux qui l'entouraient, se repaissait des reliefs de viandes abandonnés dans les boucheries. Les infirmiers l'avaient surpris dans les salles de l'hôpital de Versailles, buvant le sang des saignées et dévorant des morceaux de cadavre. On le soupçonna même du meurtre d'un enfant de quatorze mois. 11 mourut dans un état déthisie consécutif ù une diarrhée dont le produit se composait de détritus organiques infects. » Les personnes atteintes de polyphagie mangent pour ainsi dire tout ce qui leur tombe sous la main. Est-ce à dire qu'on doive les considérer comme des parorexiques ? Non. 11 ne s'agit pas ici de perversion de l'appétit; ils mangent beaucoup, tout simplement pour arriver à la sensation de satiété qui n'existe pas chez eux. Comme pour la boulimie, on ne connaît pas encore les causes de la polyphagie. D'après BouvERti [loc. cit.) : (( Romberg rattache cette névrose à une asthénie des nerfs sensitifs de la muqueuse gastrique. Rose.nthal l'attribue à une diminution de l'excitabi- lité du noyau sensitif du pneumogastrique. Il appuie cette opinion sur quelques obser- vations de polyphagie suivies d'autopsie, celles de Sghwan, de Bignardi, de Johnson, de FaANKJEL, dans lesquelles on a constaté l'atrophie ou la compression d'un ou des deux nerfs de la X'^ paire. » Il cite encore un cas de Senator {Arch. f. Psychiatrie, xi, 1881), dans lequel il s'agit d'une paralysie bulbaire à forme apoplectique. Le malade était sans cesse tourmenté par la faim et par la soif, bien que la sonde, introduite toutes les trois heures, permît de faire pénétrer .dans son estomac une très grande quantité d'aliments. A l'autopsie, on trouva une oblitération thrombosique de l'artère vertébrale gauche, et un foyer de ramollissement intéressant le noyau postérieur du pneumogastrique. Parorexie. — Ce terme s'applique aux perversions de l'appétit qui présentent trois degrés différents : la malacia, le pica, l'allotriophagie. On donne le nom de malacie à cette affection particulière qui se traduit par l'envie irrésistible de manger des sub- stances moins alimentaires qu'excitantes, comme les divers condiments : le poivre, les fruits verts, les cornichons, la salade, etc. La pica diffère de la malacia eu ce sens que les malades qui en sont atteints mangent des substances absolument inusitées. L'allotriophagie, d'après Bouveret, « est l'habitude prise, la manie d'avaler des choses extraordinaires. Sont allotriophages les aliénés qui mangent leurs excréments, certaines peuplades qui mêlent de la terre à leurs aliments, les hystériques qui se plaisent à avaler des aiguilles et des épingles ». Ces perversions de la faim, et particuhèrement la malacia, la pica, sont fréquentes chez les enfants, les femmes, enceintes, les chlorotiques. Les objets ingérés avec plaisir sont ti'és variés. Par exemple, les chlorotiques se régalent de charbon, de plâtre, de cendres, de poivre, de sel. Plus rarement l'appétit se pervertit au point de se porter sur des objets dégoûtants, tels que les poux, les fourmis, les araignées, les matières fécales, le fumier. De même, la malacia et la pica, qui sont presque toujours associées, s'observent au cours d'autres affections comme l'helminthiasis, les affections organiques du cerveau, l'aliénation mentale, l'idiotie et les névroàes telles que la neurasthénie et l'hystérie. L'allotriophagie peut également survenir, au même titre que la malacia et la pica, au cours des affections que nous venons de rappeler. Nous voulons parler de la géophagie. En dehors des malades qui ont une appétence marquée pour des substances étranges comme la terre, il existe des peuplades entières dont tous les individus sont atteints de ce goût singulier; la terre est pour ainsi dire un mets national. On l'observe surtout dans la zone torride. Les Oltomaques, sur les bords de l'Orénoque, paresseux et indolents, dédaignant les fruits de culture, se nourrissent d'une terre argileuse jaune, onctueuse au toucher, riche en oxyde de fer. Ils la pétrissent, en font des boulettes qu'ils font cuire à petit feu. Puis ils les avalent après les avoir humectées d'eau. Us sont si friands de celte terre, d'après de Humboldt, qu'ils en mangent un peu après leur repas, pour se régaler dans la saison de la sécheresse, et lorsqu'ils ont du poisson en abondance. Des faits analogues onl été observés à Banco, près de la rivière de la Madaleua, sur FAIM. ^23 des femmes occupées à la fabrication de poteries, sur les nègres des côtes de Guinée, sur les Nouveaux-Calédoniens. On raconte eu outre que, dans certaines villes du Pérou, la terre se vend comme comestible. A cette liste de géopbages on pourrait encore ajouter les Tunguses ou Tartares nomades de la Sibérie, les nègres du Sénégal, et les naturels des iles Idolos, et, à ccHé de ces peuplades barbares, certaines élégantes senoras des provinces d'Espagne et de Portugal qui mangent avec plaisir la terre de Bucaros, après qu'elle a servi à la confection des récipients où le vin a séjourné et laissé de sou arôme. Anorexie. — Le terme anorexie (dérivé de a privatif, opjÇiç, appétit.) signifie manque d'appétit. Bien qu'il soit nécessaire de ne pas confondre le manque d'appétit avec le dégoût que nous inspire tel ou tel aliment, il faut cependant reconnaître que le terme anorexie, faute d'autre, est applicable aux deux cas. Autrefois, on considérait l'anorexie comme une maladie bien distincte, délimitée et complète. A l'heure actuelle, on ne doit l'envisager que comme le symptôme d'un état général ou local. Nous le retrouvons dans des affections très variées. En général, on peut dire que l'anorexie s'observe dans toutes les maladies aiguës qui s'accompagnent d'un état fébrile. De là un vieil adage « la fièvre nourrit ». Sous l'influence des troubles apportés aux fonctions organiques par la fièvre, la sensation de faim disparait d'une façon constante dans les maladies [comme les diverses phlegmasies aiguës, fièvre éruptives, le typhus, la fièvre intermittente, etc. Chacun de nous a pu observer sur lui-même ce fait, au cours d'une pousse'e fébrile, même légère. Ce n'est pas là un des effets les moins inconstants de la fièvre. Mais, si l'anorexie paraît être l'apanage des maladies aiguës, elle s'observe moins fréquemment dans les affections chroniques. On cite par exemple des malades atteints de tuberculose pulmonaire, qui, malgré la coexistence d'un état fébrile permanent, conservent cependant un excellent appétit. Il en est parfois de même au cours de l'évolution de tumeurs cancéreuses des parois intestinales, qui s'accompagnent de poussées fébriles continues. Encore pouvons-nous considérer que l'anorexie dans ces affections fébriles est une manifestation des troubles apportés dans l'organisme par l'hyperthermie. Autrement dit la cause de l'anorexie serait d'un ordre général. Parfois une lésion locale ou organique, surtout de l'estomac, peut engendrer l'ano- rexie. En passant en revue les maladies de l'estomac au cours desquelles s'observe l'inappé- tence, on remarque surtout celles qui intéressent la muqueuse gastrique dans sa totalité, comme l'embarras gastrique, la gastrite chronique. Au contraire, si les lésions sont circonscrites en un point bien déterminé de la muqueuse, l'appétence pour les aliments peut persister; mais il n'y a là rien d'absolu. On a vu des malades, atteints de cancer du cardia ou du pylore, conserver l'appétit. Ainsi que le remarque Béhier, il semble que l'anorexie dépende de la grandeur de la surface lésée. Mais cela ne peut être posé en principe, puisque souvent l'anorexie est un signe d'assez grande valeur pour le diagnostic précoce d'une tumeur cancéreuse de l'estomac, au moment où la palpation ne peut relever encore l'empâtement et l'augmentation d'épaisseur des tuniques stomacales. Quoi qu'il en soit, sauf quelques exceptions, les maladies de l'estomac entraînent géné- ralement de l'inappétence. Mais celle-ci peut encore être provoquée par des affections d'autres viscères, comme cela s'observe dans les maladies du rein, de la vessie, dans la grossesse, à son début ou à sa fin. Nous signalerons encore l'anorexie des phtisiques. Elle ne survient peut-être pas tout à fait au début de la tuberculose pulmonaire, mais elle ne tarde pas à s'accentuer avec les progrès de la lésion. Elle peut alors, ou bien constituer un symptôme spécial, indépendant des autres, ou bien elle peut être la suite de la répugnance qu'inspirent à ces malades les vomissements, les quintes de toux, qui suivent fréquemment l'ingestion des aliments. Les maladies organiques des centres nerveux sont également susceptibles de retentir -24 FA /M. sur la senscation de faim, et l'anorexie possède alors une valeur prodromique que l'on connaît bien depuis longtemps. Bébier à ce sujet rapporte l'observation suivante : Il s'agissait d'un vieillard qui déjà, depuis plusieurs mois, éprouvait un invincible dégoût pour toute espèce d'aliments. Conformément à ce que je disais tout à l'heure à propos^ du cancer dé l'estomac, on cherchait si cette anorexie persistante ne devait pas être rat- tachée à cette dernière cause, lorsqu'une hémorragie cérébrale vint frapper le malade. Cette invincible répulsion pour tout aliment, quel qu'il fût, avait été le premier signe de la maladie cérébrale. Ou retrouve le même symptôme au début de l'encéphalite. L'anorexie se rencontre aussi très souvent dans la période prodromique de la méningite tuberculeuse chez l'en- fant, et en général dans toutes les affections des centres nerveux, alfections particuliè- rement fréquentes, comme on le sait, chez les enfants et chez les vieillards. Enfin, nous signalerons l'anorexie au cours de la chlorose. Dans cette maladie, les manifestations du sentiment de la faim peuvent être différentes. Tantôt on constate l'exagération ou la perversion, tantôt, et c'est, croyons-nous, le cas le plus fréquent, la sensation est presque abolie. A ce point de vue, la chlorose se rapproche de certaines maladies nerveuses qui s'accompagnent de la perte de sensation de la faim. Balestre dit en effet : « L'aliénation mentale, sous toutes ses formes et dans toutes ses variétés, donne assez souvent l'occasion d'observer des phénomènes d'inani- tion. En effet, les mélancoliques, les maniaques, les déments, les paralytiques sous l'influence de conceptions délirantes ou d'une lésion organique, refusent toute espèce d'aliments; les uns croient qu'on veut les empoisonner, les autres s'imaginent qu'ils n'ont plus d'estomac, qu'ils ont le tube intestinal bouché, qu'ils sont morts, etc. De là le refus souvent invincible des uns et des autres à prendre les aliments qu'on leur offre; quelques-uns feignent de faire leur repas comme d'habitude, mais ils n'ingèrent à dessein qu'une très petite quantité d'aliments. Au bout d'un certain temps, les phéno- mènes propres à l'inanition apparaissent nets et rapides, si l'alimentation est nulle ou presque nulle; insidieux et plus lents, si les aliénés prennent à chaque l'epas une petite quantité de nourriture. » Il est donc établi que le manque d'appétit, ou l'anorexie, s'observe fréquemment au cours des différentes affections du système nerveux des névroses. Mais parmi ces der- nières, il convient de noter tout particulièrement l'hystérie. Les observations concer- nant les cas d'anorexie hystérique sont très nombreuses et très intéressantes. Aussi insisterons-nous tout particulièrement sur ce point. Anorexie hystérique. — Lasègue en France, W. Gull en Angleterre, ont dénommé cette anorexie, anorexie nerveuse ou hystérique. Les caractères en sont très particuliers, et sans aucune cause la jeune ou le jeune hystérique perd peu à peu complètement son appétit. « Une jeune fille, dit Lasègue, entre quinze et vingt ans, éprouve une émotion qu'elle avoue ou qu'elle dissimule. Le plus souvent, il s'agit d'un projet réel ou imaginaire de mariage, d'une contrariété afférente à quelque sympathie ou même à quelque aspiration plus ou moins consciente. D'autres fois, on en est réduit aux conjectures sur la cause occa- sionnelle, soit que la jeune fille ait intérêt à se renfermer dans le mutisme si habituel aux hystériques, soit qu'en réalité la cause première lui échappe, et parmi ces causes multiples, plusieurs peuvent passer inaperçues. « Elle éprouve tout d'abord un malaise à la suite de l'alimentation : sensations vagues de plénitude, d'angoisse, gastralgie post prandium, ou plutôt survenant dès le commencement du repas. Ni elle ni les assistants n'y attachent d'importance; il n'en résulte aucune incommodité brutale. « Le lendemain, la même sensation se répète, et elle continue, aussi insignifiante, mais tenace, pendant plusieurs jours. La malade se déclare alors à elle-même que le meilleur remède à ce malaise indéfini particulièrement pénible consiste à diminuer l'ali- mentation. Jusque-là rien d'extraordinaire; il n'est pas de gastralgique qui n'ait suc- combé à celte tentation, jusqu'au moment où il acquiert la certitude que l'inanition relative est non seulement sans profit, mais qu'elle aggrave les souffrances. Chez l'hysté- rique, les choses se passent autrement. Pou à peu, elle réduit sa nourriture, prétextant tantôt un mal de tête, tantôt un dégoût momentané, tantôt la crainte de voir se répéter FAIM. 25 les impressions douloureuses qui succèdent au repas. Au bout de quelques semaines, ce ne sont plus des répugnances supposées passagères, c'est un refus de l'alimentalion qui se prolonge indéfini ment. La maladie est déclarée, et elle va suivre sa marche si fatale- ment qu'il devient facile de pronostiquer l'avenir. » A ne s'en tenir qu'à ce tableau, la cause de l'anorexie paraît re'sulter des sensations douloureuses ressenties au niveau de l'épigastre après les repas. Les malades refusent peu à peu toute alimentation pour éviter le retour de ces malaises qu'elles redoutent particulièrement. « Mais, quels que soient sa forme, son siège et son degré, la sensation pénible est-elle due à une lésion stomacale, ou n'est-elle que l'expression rétlexe d'une perversion du système nerveux central? Je ne crois pas que la solution reste douteuse, du moment qu'on s'est posé la question. » Dans de nombreux cas, les troubles digestifs sont consécutifs à des causes morales, telles que chagrin, déception, contrariété violente. Les douleurs gastriques accom- pagnent bientôt les modifications survenues dans les phénomènes normaux de la diges- tion. Dans d'autres cependant, il s'agit de véritables affections stomacales. C'est du moins ce qu'affirme Bouveret, en se basant sur certaines observations, telles que la suivante: (( Une de mes malades, dit-il, souffrait depuis un an de dyspepsie hyperchlorhydrique. Pour supprimer la crise gastralgique qui suivait chaque repas, elle en était arrivée à supprimer à peu près complètement toute alimentation, et elle était tombée dans un état d'iuanilion des plus alarmants. Ici l'état mental ne joue qu'un rôle secondaire, et ce qui le prouve bien, c'est que chez cette jeune fille l'isolement n'a point été nécessaire; il a suffi de traiter l'hyperchlorhydrie pour faire entièrement disparaître et l'anorexie ner- veuse et les symptômes graves de l'inanition. » La cause de cetle anorexie peut encore être recherchée dans une hyperesthésie du pharynx, du spasme de l'œsophage, ou bien dans l'appréhension d'une attaque convul- sive. SoLLiER l'a observée parfois dans une illusion des sens connue sous le nom de « macropsie hystérique ». Les aliments paraissent gigantesques, et les malades se refusent à les accepter, les trouvant trop volumineux. Ou bien, selon Rosenthal, l'hystérie développe au niveau de la muqueuse gastrique une hyperesthésie spéciale qui se traduit par une sensation très précoce de satiété. Dans d'autres cas, l'exaltation de l'idée religieuse, en poussant les malades à des pri- vations par esprit de mortification, les font arriver progressivement à une anorexie com- plète. Ces observations, rares peut-être aujourd'hui, ont été plus communes dans les périodes de grande ferveur religieuse, pendant lesquelles on a pu observer de véritables épidémies de jeûne. Enfin certains hystériques, par simple désir de se rendre intéressants, d'attirer sur eux l'attention de leur entourage, n'hésitent pas parfois à refuser de se nourrir. Bien plus, les sollicitations, les prières de la famille accroissent au contraire leur résistance, et, selon toute probabilité, l'anorexie qui reconnaît cette cause est assurément la plus fréquente. C'est celle que Lasègue a si bien décrite : c'est également celle dont nous citerons quelques exemples. On pourrait à la rigueur objecter que cetle anorexie est la même que celle que l'on observe dans l'aliénation mentale. Il n'est pas rare, en effet, que des aliénés refusent pendant très longtemps toute nourriture. Assurément, ces cas sont très voisins les uns des autres; mais chez les hystériques cette perturbation mentale n'est que la cause de la névrose elle-même. Bref, sous l'infiuence des diverses causes que nous venons d'énumérer, les hystériques réduisent peu à peu leur nourriture au point de ne plus ingérer qu'une ration alimentaire totalement insuffisante pour réparer les forces de leur organisme. Néanmoins, ces ali- ments, qui consistent parfois en quelques pâtisseries, quelques cuillerées de potage, quelques tasses de lait, paraissent leur suffire amplement. Leurs digestions sous ce régime deviennent plus faciles, et bientôt ces malades prétendent alors avoir trouvé le moyen de ne plus souffrir. C'est à ce moment que toute exhortation à manger devient complètement inutile : on se heurte à un refus absolu. Cette période est susceptible de durer très longtemps, des mois ou des années, sui- vant le temps employé à diminuer jusqu'au strict minimum la ration alimentaire. C'est alors que leur force de résistance commence à faiblir singulièrement; les malades ne ^26 FAIM. tardent pas à maigrir, et deviennent abattus, languissants. La consomption fait des pro- grès de plus en plus rapides, et toujours ils s'obstinent à ne pas vouloir manger. C'est seulement lorsque leur situation devient très grave qu'ils commencent à s'effrayer et consentent à reprendre une alimentation suffisante. Mais, en général, le pronostic n'est pas aussi grave que semble le comporter ce tableau. Lasègue dit en effet : « Je n'ai pas encore vu l'anorexie se terminer directement par la mort, quoique, malgré cette assurance expérimentale, j'aie passé par des perplexités répétées. 11 arrive probablement que la sensation pathologique, cause première de l'ina- nition, disparaît du fait de la cachexie croissante. » Ordinairement une affection se surajoute à l'anorexie et provoque la mort des malades. C'est ainsi qu'une malade de Lasègue mourut de tuberculose. D'autres fois, l'inanition elle-même détermine la mort. Charcot en a cité quatre exemples. Enfin Rosen- THAL, sur trois observations rapportées, en signale une dont l'issue a été fatale. Nous avons tenu à consacrer à l'anorexie hystérique tous ces développements, en raison de l'intérêt que cette question présente au point de vue physiologique. Il est, en effet, extrêmement curieux de voir cette catégorie de malades résister si longtemps à l'inanition volontaire à laquelle elles se soumettent. Elles ne présentent presque aucun des phénomènes classiques de l'inanition (V. art. Inanition) : ni amai- grissement progressif, ni cachexie, etc. Leurs fonctions restent normales ou à peu près, malgré l'insuffisance notoire de leur ration alimentaire. Les échanges respiratoires, la chaleur dégagée, sont certainement un peu plus faibles, mais pas autant que ne l'im- pliqueraient l'insuffisance de substances ingérées. Enfin l'amaigrissement est relativement peu considérable, et c'est seulement au bout de plusieurs mois, de plusieurs années même, que les malades se ressentent de cette déficience alimentaire. Jusqu'où peut aller, dans l'état nerveux hystérique, la privation d'aliments? Ch. Richet répond à cette question en fournissant les observations de deux cas qu'il a suivis de près, et dont le contrôle lui a été facilité par suite de conditions tout à fait spéciales. « L'une de ces femmes, L..., est âgée de 29 ans; non mariée. Son intelligence est parfaitement intacte : nulle paralysie, nulle anesthésie. Pas de névralgies rebelles. Elle n'est pas suggestible, ou à peine. L'appétit est nul ; et elle a peur de toute alimentation ; car, peu de temps après avoir mangé, elle ressent des douleurs stomacales intolérables. J'ai été à même de noter exactement son alimentation; car elle demeure chez moi et prend tous ses repas — ou ce qu'elle appelle ses repas, — à la table de famille. Pour savoir ce qu'elle mange, j'avais fait apporter une balance, et je pesais moi-même ses aliments. Elle ne sortait jamais seule, il lui était donc impossible d'acheter des aliments au dehors: et, dans la maison, elle ne prenait jamais d'aliments en dehors des repas. Je m'en suis assuré par une surveillance rigoureuse et prolongée. " Pendant cinquante-huit jours, j'ai procédé à la pesée de son alimentation dont suit le détail. « Ces aliments représentent : Matières grasses 414 grammes. — azotées 1 06i — Hjdrates de carbone 2 722 — « En adoptant les chiffres de 4'=='i-,l par gramme d'h,ydrate de carbone, de i"^^^-,! pour l'albumine, et de 9'^='i ,4 pour la graisse, nous trouvons que sa consommation alimen- taire en calories est : Hydrates de carbone H 610,2 Azotes 5 000,8 Matières grasses 3 891 ,0 ce qui représente, en cinquante-huit jours, 34;)<^"i-,8 par jour ou en chiffres ronds 346 calories. « Dans cette période du 4 février au 2 avril 1896, son poids a diminué de 46 kilo- grammes (avec vêtements) à 4t '^>\290; soit en chiffres ronds une diminution de 2 kilo- grammes. FAIM. 27 « En supposant, ce qui est certainement exagéré, que la perte en graisse soit de 50 p. 100 dans la diminution du poids, elle a dû consommer de sa propre substance 1000 grammes de graisse, soit 9 400 calories; et le chiffre total des calories mesurées par voie indirecte devient 26 452 calories, soit par jour 508 calories, et, en forçant un peu les chiffres, 510 calories par jour, c'est-à-dire 11 calories par kilog. (( C'est là un chiffre exti'émement faible. « La deuxième personne observée est une femme de 33 ans environ, que j'appellerai M... PiEBBE Janet J"a observée pendant longtemps, et cela depuis plusieurs années; il regarde comme certain qu'elle est restée pendant plusieurs mois à se nourrir seule- ment d'une tasse de lait, environ 200 grammes par jour. Encore en vomissait-elle une partie. « Mais l'observation devait être prise avec plus de soin. Je l'ai donc, de concert avec P. Janet, soumise à une surveillance rigoureuse. Pendant un mois, du 10 avril au 12 mai 1895, elle a été gardée à vue, et pendant la nuit enfermée. « Son alimentation durant cette période de vingt-huit jours a été de : Lait 4 690 pramnies. Bouillon ... 1 075 -^ Bière 100 — « En admettant que ces trois liquides aient une valeur thermodynamique égale à celle du lait, ce qui est exagéré, cela nous ^donue un chiffre de 5 838 calories. Ajoutons les 300 grammes de graisse perdue par l'organisme, nous n'arrivons encore qu'à 8748 calo- ries, ce qui nous donne par jour 312 calories, soit, par kilogramme, 8"^='', 7, ou, en forçant encore, 9 calories par kilogramme et vingt-quatre heures. » Nous arrêtons là l'étude de l'anorexie hystérique, nous abstenant des détails relatifs à la nutrition générale, à l'absorption d'oxygène, au dégagement d'acide carbonique. Ces effets du jeûne trouveront mieux leur place dans l'article Inanition. Nous avons sim- plement voulu montrer ce qu'était l'anorexie hystérique, et jusqu'où peut aller cette obstination à refuser presque toute nourriture : ce qui ne saurait se comprendre sans une abolition presque complète du sentiment de la faim. L'explication de ces phénomènes semble devoir être recherchée dans le ralentisse- ment des échanges nutritifs des hystériques. On sait en effet que leur ration alimentaire, comme leurs combustions respiratoires, est bien au-dessous de la moyenne. D'ailleurs nous sommes loin d'être arrivés au terme de nos connaissances sur les phénomènes dénutri- tion des hystériques. Il y a certainement à ce sujet des faits extrêmement curieux dont l'analyse expérimentale aidera beaucoup à la connaissance des causes qui déterminent la disparition du besoin de manger. Illusions de la faim. — Il existe des illusions de la faim, provoquées soit par des phénomènes d'inhibition, soit par l'action de substances médicamenteuses ou alimen- taires. On peut en effet calmer sa faim autrement qu'en mangeant : on trompe alors sa sensation. Ainsi, la constriction de la région épigaslrique — de là l'expression « se serrer le ven- tre », — l'introduction dans l'estomac de matières non alibiles peuvent la faire disparaître momentanément. Voilà pourquoi certaines peuplades mangent de la terre pour apaiser leur sensation. Voilà pourquoi, dans les temps de disette, les gens affamés ingèrent toutes sortes de substances inertes, des herbes, des pierres, du sable, etc. Leur but est toujours le même : celui de tromper la faim. Ces illusions reconnaissent pour cause une substitution de sensation. II se produit un véritable phénomène d'interférence, ou mieux d'inhibition. Quand on comprime la région épigaslrique pour calmer sa faim, on utilise simplement la prédominence d'une sensation périphérique sur une sensation excentrique. Le phénomène est absolument semblable à ce qui se passe lorsque l'on calme une névralgie par l'application d'une douleur extérieure. L'ingestion de matières non alimentaires agit de la même façon. Mais ici 'c'est la substitution d'une excitation des nerfs sensibles de la cavité stomacale à la sensation de faim transmise par les centres nerveux. A côté de ces phénomènes inhibitoires, il y a lieu de signaler l'action de certaines 28 FAIM. substances médicamenteuses et alimentaires sur la faim, telles que la morphine, l'alcool, le tabac, etc., les stimulants, les condiments et les aliments dits, d'épargne. u Les stimulants et les condiments, disent Munk et Ewald, pris à dose modérée, stimulent la digestion; mais, à dose forte répétée, ils exercent une action inhibitrice sur celte fonction. La nicotine entraîne, à ce point de vue, des conséquences plus fâcheuses encore; déjà, à dose unique, elle parait déterminer en outre une stimulation générale du système nerveux, une diminution de la sensation de. faim et de l'appétit. Il n'est pas rare, en effet, de constater que l'fisage du tabac, immédiatement avant le repas, diminue ou fait disparaître complètement l'appétit. » Ce qui est vrai pour la nicotine, l'est aussi pour l'alcool, pour la morphine. Les morphinomanes, les alcooliques mangent très peu, parce que leur sensation de faim est extrêmement affaiblie. En dehors de ces substances toxiques, tout le monde connaît à l'heure actuelle faction si curieuse de certains aliments dits d'épargne. Depuis un temps immémorial, ces substances ont été utilisées par certaines peuplades orientales pour augmenter leur résistance à l'inanition et aux privations de toute nature qu'ils éprouvaient au cours de leurs expé- ditions. Nous citerons parmi ce nombre, le café, le thé, la kola, le maté, le guarana, la coca, le kat, le kawa. Schultz en tit une étude en 1831, et leur donna le premier le nom d'aliments d'é[)argne. Ces principes sont aujourd'hui fréquemment einployés et jouissent de propriétés dynamiques très curieuses. Ils possèdent entre autres le pouvoir de retarder ou d'espacer momentanément la sensation de faim. Nous n'entrerons pas dans le méca- nisme de leur action. Cependant on ne saurait, pensons-nous, considérer qu'il s'agit en l'espèce d'une illusion de la faim. En effet, en dehors de leur action pharmacodynamique sur le système nerveux, les substances de cette nature retentissent efficacement sur les matériaux nutritifs qu'ils exagèrent pendant un certain temps. De telle sorte que, sous cette influence, l'homme dépense, dit Liebig, « ce qui, dans l'ordre naturel des choses, ne devait s'employer que demain. C'est comme une lettre de change tirée sur sa santé ». On est donc en droit de dire que, si les aliments d'épargne possèdent cette action inhibitrice sur la sensation qui nous occupe, c'est en raison de l'autophagie interne qu'ils produisent. Ils assurent une rénovation des cellules à leurs dépens ; c'est pourquoi sans doule ils provoquent une sensation de réconfort, de bien-être physique, de force muscu- laire semblable à celle qui accompagne un bon repas, et c'est pourquoi aussi ils apaisent en même temps la faim. Bibliographie. — • Balestre. Th. d'agrégation de Paris, 1873, 76. — Beaunis. Les sensations internes, 24-33. — Bouveret. Traité des maladies de Vestomac, 649. — Brachet. Physiologie élément, de Vhomme, ii, 19. — Broussais. Journal de la Société phrénologique de Paris, 153. — Carvallo et Paghon. De V extirpation totale de l'estomac chez le chat {B. B., 1894, 794). — Desbarreaux (Ber.nard). Note historique sur Guillaume Grancé, Toulouse, 1831. — FÉRÉ. Pathologie des émotions, 1892. — Flechsig. 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Ainsi les excitants, qui, pour une intensité faible ou une courte" durée, produisent une excitation, c'est-à-dire un renforcement de l'intensité des phénomènes vitaux, peuvent, pour une intensité plus grande ou une durée plus considérable, faire naître des effets précisément inverses, c'est-à-dire des paralysies. Celte définition de la fatigue fait déjà prévoir dans une certaine mesure que, seuls, les effets d'un certaiu groupe d'excitants, et non pas de tous, peuvent être suivis de 30 FATIGUE. fatigue. Toute modification des facteurs extérieurs qui agissent sur un organisme peut être considérée comme un excitant. Le concept de l'excitant ainsi formalé, il devient clair que le nombre d'excitants est incalculable : ils se confondent avec les conditions mêmes de la vie. Mais, en vertu même de cette définition, l'effet d'nn excitant n'est pas nécessai- rement une excitation. L'action d'un excitant peut consister en une excitation ou en une paralysie. Qaand il y a renforcement des phénomènes vitaux, alors l'effet produit par un excitant est désigné sous le nom ^'excitation ; quand il y a affaiblissement des phéno- mènes vitaux, alors l'eflet produit par nn excitant est désigné sous le nom de paralysie. Par exemple, les excitants thermiques peuvent produire, suivant les cas, des phénomènes d'excitation ou de paralysie. Entre certaines limites l'élévation de la température agit comme excitant sur tous les processus vitaux. L'abaissement de la température produit des effets opposés à ceux de l'élévation. Sous l'influence du froid nous voyons les phé- nomènes vitaux diminuer de plus en plus et enfin cesser d'être perceptibles. Les exci- tants chimiques fournissent un exemple non moins caractéristique. La plupart exercent une action stimulante sur toutes les cellules et provoquent un renforcement de l'activité cellulaire. Mais, à côté |de ces substances chimiques à l'action stimulante, se placent certaines substances chimiques qui affaiblissent les phénomènes vitaux ou les paraly- sent complètement. Ces substances sont désignées sous le nom d'anesthésiques et de nar- cotiques. Elles produisent des effets paralysants sur la sensibilité, le mouvement, l'échange matériel et sur les phénomènes de changement de forme (croissance et divi- sion cellulaires). Voilà donc deux grandes catégories d'excitants (thermiques et chimi- ques) dont l'effet peut consister en une excitation ou en une paralysie. On peut alors dire que le froid et les anesthésiques sont des excitants qui ne stimulent pas, mais qui para- lysent. A toutes ces définitions ajoutons celle de l'irritabilité : L'irritabilité est la faculté que possède la matière vivante de réagir aux modifications de son milieu par une modification de son équilibre matériel et dynamique^. Tous les effets des excitants sont accompagnés de transformations de force dans l'in- timité de"Ja matière vivante. Le rapport de l'assimilation à la désassimilation dans l'unité de temps (-=r j peut être désigné sous le nom de biotonus. Ce sont les oscillations dans la valeur du quotient — qui déterminent les variations dans les phénomènes vitaux. Nous venons de voir que l'action d'un excitant peut consister en une excitation ou en une paralysie. Mais l'excitation elle-même s'épuise quand l'excitant agit d'une façon très soutenue ou très intense. Cette paralysie de fatigue est totalement différente de celle qui s'établit d'emblée sous l'influence de certains agents paralysants (par exemple, les anesthésiques), car elle est due à un excès d'excitation. L'analogie n'est que très superficielle entre un organisme fatigué et un organisme anesthésié; dans les deux cas, il y a paralysie, mais la paralysie de fatigue est le résultat d'un excès d'activité, elle ne s'établit qu'au bout d'un certain temps pendant lequel l'organisme ou le tissu a déployé le maximum de l'énergie qui lui est propre. La paralysie anesthésique est le ralentissement des processus vitaux sans dépense préalable d'énergie; elle tient essen- tiellement à l'action, inconnue dans son essence, qu'exercent les anesthésiques sur toutes les formes du protoplasnia en le rendant inapte à recevoir les effets des excitants. Il ne peut donc être question d'analogie : il y a plutôt opposition. Et même l'action exci- tante qu'exercent les anesthésiques au début de leur action ne permet guère un rap- prochement, car il est certain que la paralysie anesthésique n'est pas le résultat de l'épuisement par l'excitation initiale. Celle-ci ne sert nullement à caractériser les anes- thésiques, elle est commune à un nombre très considérable d'agents. Enfin par les anesthésiques l'excitation n'a lieu que si les doses sont faibles et le stade d'excitation peut manquer ou être très abrégé si l'on s'adresse d'emblée à de i. Pour éviter les confusions du langage, il serait préférable de réserver les dénominations (Vercitalion (Erregimg) et d'excitahiUlé (Erregbarkeit) uniquement aux cas où il y a un renforce- ment des phénomènes vitaux, et de désigner par irritation (Reizung) et irritabilité (Reizbarkeitj toute modification, aussi bien l'excitation que la paralysie. FATIGUE. 31 fortes doses. Or des effets contraires s'observent avec les excitants proprement dits : un excitant faible ne produira qu'un faible renforcement des phénomènes vitaux, tandis qu'un excitant puissant exaltera l'excitabilité jusqu'à son maximum. Cette exaltation se prolongera en raison de la force de l'excitant, et les efforts de la fatigue seront retardés dans la même mesure. On verra tout à l'heure, en effet, que la fatigue survient plus vite pour des excitations sous-maximales que pour des excitations maximales. D'après une classification ancienne, mais qu'on pourrait reprendre encore aujour- d'hui avec profit, les excitants sont divisés en trois catégories : 1° les excitants propre- ment dits; 2° les altérants; 3" les désorganisants. C'est la classification de Jean Miller. L'illustre physiologiste combat la théorie de BroWiN, qui ne connaissait pas l'effet pro- duit par les altérants. Brown soutenait que, partout oîi une action quelconque amène la paralysie, il y a eu auparavant surexcitation. Ainsi, certaines subtances, qui, à petites doses, excitent, produisent un tout autre effet à des doses plus élevées, et, à des doses plus considérables encore, déterminent l'épuisement, comme l'opium. C'est avec juste raison que Jea.\ Muller critique la théorie des stimulistes. Ces derniers avaient aperçu il est vrai l'erreur de Brown, cependant ils n'ont pas reconnu l'effet altérant d'une foule de substances médicamenteuses. On ne peut comparer l'échange matériel d'un organisme anesthésié et celui d'un organisme excité. Dans le premier cas, c'est l'abaissement du taux vital à la moitié de sa valeur normale et au-dessous; dans le second cas, c'est un renforcement. Le muscle qui entre en activité sous l'influence d'un excitant, consomme plus d'oxygène et produit plus d'acide carbonique que le muscle au repos; il consomme le glycogène qui se trouve en réserve dans son propre tissu, sa réaction devient acide, il produit du travail mécanique et de la chaleur. Son biotonus subit une modification dans le sens d'un ac- croissement de l'assimilation et de la désassimilation. Et c'est l'excès de l'activité même qui entraîne l'extinction des forces contractiles du muscle, par un processus dont nous nous occuperons plus loin. Quant à l'action désorganisante, toute modification dans les conditions vitales d'un organisme produit de prime abord un effet excitant, même si l'effet caractéristique de l'agent donné doit être la paralysie. Ainsi agissent aussi tous les facteurs désorganisants, même ceux qui amènent la mort. Une foule d'excitants n'agissent comme tels que par leurs propriétés désorganisatrices, par exemple, les acides et alcalis à forte doses, les courants électriques intenses, etc. Ces mêmes agents, à dose plus modérée, agiraient comme exci- tants. D'autres enfin, sont désorganisants d'emblée. Ils produisent néanmoins des effets excitants au début de leur action. Mais l'excitation proprement dite est le renforcement des phénomènes vitaux, et cette définition est suffisante pour faire rejeter du cadre des excitations toutes les influences altérantes ou désorganisatrices, telles par exemple que les anesthésiques, la section du nerf, l'anémie, etc., qui ne présentent qu'un rapport éloigné avec les excitations proprement dites. En traitant des phénomènes de fatigue, nous n'aurons en vue que les excitations proprement dites, celles qui reposent sur un renforcement des phénomènes vitaux. Lorsqu'un organisme ou un tissu animal est soumis à des excitations de longue durée, ou bien à des excitations de très forte intensité ou fréquemment répétées, il tombe au bout de quelque temps en état de fatigue. Elle se reconnaît à cette circonstance, que l'effet de l'excitation devient de plus en plus faible, bien que l'intensité de l'excitant reste constante. Pour obtenir le même effet qu'au début il faut augmenter l'intensité du stimulant. Dans cette conception de la fatigue, seule l'intensité de l'excitation entre en consi- dération. Or, en ce qui concerne les excitations électriques, nous pouvons encore faire intervenir un autre facteur. J. Ioteyko a montré que la perte 'd'excitabilité névro- musculaire, survenant dans la fatigue, se caractérise encore par la nécessité d'employer des courants à variation de potentiel plus brusque (dans les limites de l'expérimentation avec la bobine Du Bois-Reymond, (interruptions avec métronome à mercure). La fatigue conduit la matière vivante à un état d'inertie qui exige pour être vaincue l'emploi d'ondes plus brusques et plus intenses. Quoique la fatigue paraisse appartenir surtout au règne animal, en faisant fonction- ner les plantes comme des animaux, on parvient à les fatiguer. D'autre part, on arrive 32 FATIGUE. à faire fonctionner les animaux comme des plantes et à les rendre infatigables. Si dans les conditions ordinaires on ne peut déceler aucun sigue de fatigue chez les végétaux, c'est parce que leurs phénomènes vitaux s'accomplissent avec une extrême lenteur, qui ne donne pas prise à l'épuisement. Mais, si nous imprimons aux plantes une activité plus intense, nous voyons apparaître les phénomènes de fatigue. La production de mouve- ment par turgescence chez la sensitive (Mimosa pudica) cesse au bout d'un certain temps, si on la soumet à des excitations mécaniques trop souvent répéte'es. Il faut un certain temps de repos pour que la plante récupère de nouveau ses propriétés motrices. Ainsi, au point de vue de la fatigue, la différence entre les deux règnes n'est pas essentielle et tient uniquement à la vitesse différente des échanges. D'autre part, avons-nous dit, on peut faire fonctionner les animaux comme des- plantes en les rendant infatigables. En recherchant les conditions du travail optimum, Maggiora a vu qu'en contractant le doigt médius à l'ergographe une fois toutes les dix secondes on n'arrivait jamais à la fatigue. Dans ces conditions, les contractions des fléchisseurs atteignent leur maximum de hauteur, et les muscles peuvent travailler indé- finiment, mênîe si le poids à soulever atteint 6 kilogrammes. Nous voyons donc que Je repos de dix secondes entre les contractions successives est suffisant pour la réparation intégrale, et confère au muscle la propriété d'être infatigable. En s'adressant à d'autres organes on retrouve encore la propriété d'être infatigable. Mais il serait hasardeux de faire ici un rapprochement avec le règne végétal et d'attri- buer l'infatigabilité à une lenteur des échanges. Au contraire, lorsqu'il s'agit de l'infa- tigabilité du cœur, tout porte à croire, ainsi que Ch. Richet l'avait déjà affirmé en 1879, qu'un muscle qui s'épuise très vite, et qui se répare très vite, peut être assimilé au cœur. Les recherches de Maggiora, relatives au rythme optimum des contractions des muscles périphériques, ont jeté une vive clarté sur les phe'nomènes de l'infatigabilité du cœur. Le cœur bat suivant un rythme optimum qui est suffisant pour sa réparation intégrale, les changements chimiques survenus au moment de la systole étant exactement com- pensés pendant la diastole. Mais le cœur acquiert la propriété d'être fatigable quand il est soumis à des excitations trop fortes ou trop souvent répétées (comme dans les cas pathologiques). L'infatigabilité du cœur (dans les conditions normales de l'existence) est facilement explicable par sa faculté de se désintégrer et de se réintégrer très rapidement. D'autre part, les troncs nerveux paraissent aussi être infatigables et même à un degré bien plus accentué que le cœur, attendu qu'ils se laissent tétaniser pendant des heures sans inter- ruption et sans déceler le moindre signe de fatigue. Mais, comme le travail propre du nerf, qui est la conduction de l'influx nerveux, ne se laisse guère apprécier, on peut se demander si l'infatigabilité du nerf est du domaine de celle qui caractérise les plantes, c'est-à-dire si elle est le résultat d'un échange matériel très lent, ou si, au contraire, elle peut être assimilée à l'infatigabilité du cœur, qui se fatigue et se repose avec une extrême vitesse, de sorte que ses pertes sont compensées aussitôt que produites. C'est vers cette dernière opinion que penche aujourd'hui A. Waller, qui pourtant avait admis pendant longtemps que la conduction ne s'accompagnait d'aucune transformation d'énergie. La fatigue est un phénomène général dans le règne animal. Toutefois il existe des degrés innombrables de fatigabilité. Les muscles du squelette se fatiguent avec grande facilité. Chez les animaux inférieurs, les phénomènes de fatigue apparaissent avec la même netteté. Si l'on fait passer un courant galvanique à travers le corps d'un Actinos- phœrhun, on observe des contractions énergiques à l'anode au moment de la fermeture. Le protoplasma des pseudopodes s'écoule en direction centripète, jusqu'au retrait complet des pseudopodes. En même temps il s'opère une destruction granuleuse du protoplasma. Si l'expérience dure un certain temps, la substance vivante de l'Acimos- phœrium se fatigue et perd son irritabilité, de sorte que l'excitant, qui provoquait au début des phénomènes violents de destruction, ne produit plus, à la fin, aucun effet (Verworn'). Pelomyxa se fatigue encore plus vite ; une excitation de quelques secondes suffit pour la rendre complètement inexcitable pour des courants d'intensité invariable, et il faut alors renforcer l'excitant pour obtenir le même eflet qu'au début (Verworn). Engelmann a vu qu'au bout d'un certain temps d'excitation des cils vibratiles au moyen fatigue; 33 de forts courants électriques, on voit apparaître les phénomènes de fatigue; il faut alors augmenter l'intensité de l'excitant ou bien recourir à un certain temps de repos (à inten- sité égale de courant) pour obtenir le même effet qu'au début. J. Massart a montré que l'irritabilité des Noctiluques qui réagissent vis-à-vis des excitants extérieurs par l'émission de lumière (phosphorescence), disparaît rapidement sous l'influence de la fatigue. Les individus épuisés par l'agitation continue recouvrent leur faculté d'émettre de la lumière par le simple repos. De même les poissons électriques (gymnotes, torpilles et malaptérures) ne peuvent pas indéfiniment lancer des décharges. D'après Schoenlein la torpille s'épuise après mille décharges consécutives, produites pendant quinze à trente minutes. L'organe électrique,, extrait du corps, s'épuise beaucoup plus vite. Marey a pu s'assurer, grâce à la méthode graphique, que la fatigue de l'organe électrique se traduit par une décroissance de l'am- plitude des tracés. D'ArsOiNval a conclu que l'organe s'épuise vite. Les phénomènes de fatigue, qui sont la conséquence inévitable de l'activité, sont carac- térisés par la diminution ou la perte totale de l'énergie spécifique de chaque organe ou partie d'organe. Ainsi la fatigue du muscle sera caractérisée par la diminution ou la perte de la contractilité, la fatigue du nerf par la diminution ou la perte de la conduc- tibilité, la fatigue de l'organe visuel par la perte de la. perceptivité de la lumière, la. fatigue de l'appareil auditif par la perte de la faculté de percevoir le son, etc. Toutefois la mani- festation de l'énergie spécifique propre à un organisme ou à un tissu n'est qu'un des termes des transformations énergétiques dont il est le siège; terme le plus important au point de vue de sa destination fonctionnelle, mais qui est précédé, accompagné et suivi d'autres manifestations vitales, lesquelles, pour être plus obscures, n'en sont pas moins dignes de fixer notre attention. Et dès lors il devient compréhensible que le mot « fatigue » ne doit plus servir à désigner uniquement la diminution ou la perte de la forme d'irritabilité qui est spéciale à chaque organisme ou partie d'organisme; il doit aussi être appliqué à la diminution ou à la perte des autres manifestations d'énergie, liées au fonctionnement intime des tissus. Ainsi, pour le muscle, il ne suffit pas de tenir uniquement compte de la décroissance des phénomènes mécaniques de l'excita- tion, mais, à côté de la « fatigue de contraction », il faut étudier la « fatigue de cha- leur », la « fatigue des transformations chimiques » et la « fatigue des phénomènes électriques ». Toutes ces formes de l'énergie sont de fait diminuées, ou même complète- ment anéanties par la fatigue, et il convient de rechercher les rapports qu'elles affectent entre elles en s'anéantissaut, ainsi que leur mode et leur tour de disparition. Ces considé- rations n'ont guère été émises, sauf pour le nerf, où la persistance de la variation néga- tive a été assimilée à la persistance de la forme d'énergie qui est caractéristique pour le nerf, et qui est la conduction. Leur importance n'a cependant pas échappé aux physiolo- gistes. D'après la loi de l'énergie spécifique, les excitants de qualités les plus diverses pro- duisent sur le même objet vivant des elîets semblables. Il ne faudrait pourtant pas attri- buer à cette loi une valeur absolue. Telle forme de matière vivante peut être plus sen- sible à une qualité d'excitant qu'à une autre. Schiff a montré que les filets nerveux étaient plus sensibles à l'excitant galvanique qu'à l'excitant mécanique, tandis que la fibre musculaire (contraction idio-musculaire) est plus sensible à l'excitant mécanique qu'à l'excitant galvanique. Catherine Schu'Iloff a établi que, sous l'influence de la mort des muscles, l'excitabilité chimique est la première à disparaître, qu'elle est suivie de la perte de l'excitabilité électrique, et que l'excitant mécanique était Vultimum movens. On conçoit ainsi qu'il existe même des formes de substance vivante qui ne sont nullement influencées par certains excitants; par exemple, d'après Verworn, les genres Orbitolites et Amphistegina, et d'autres Rhizopodes marins, ne sont nullement influencés par les chocs d'induction, quelque intenses qu'ils puissent être. Leur protoplasma exige pour réagir une durée d'excitation plus longue que celle qui est donnée par le choc d'induc- tion. Vis-à-vis de ces résultats il n'y a rien de surprenant dans ce fait soutenu par Schiff, à savoir que le tissu musculaire est directement inexcitable par le courant induit et qu'il l'est seulement par le courant galvanique et les excitants chimiques et mécaniques^ Alurralde dit que le muscle épuisé par le courant faradique réagit toujours à l'action du courant galvanique. Ce fait s'accorde avec les phénomènes constatés précédemment par DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 3 34 FATIGUE. J. loTËYRO, qui a été amenée à admettre l'existence de deux éléments différemment exci- tables dans le muscle strié ordinaire. La matière vivante est donc sensible dans certaines limites à la qualité de l'excitant. Or, si nous avons abordé ce sujet, c'est pour faire ressortir tout l'intérêt qui s'attache- rait à l'étude de la fatigabilité de divers organismes, tissus et appareils, en fonction de la qualité de Vexcitmit. Il semble, de prime abord, que, plus un objet vivant est excitable, et plus il doit fournir de travail. Mais les recherches de Mexdelssohn l'ont conduit à des conclusions exactement opposées. En faisant varier l'excitabilité d'un gastrocnémien de grenouille sous l'influence de la température, de l'anémie, de la fatigue, etc., ce physio- logiste a observé que le nombre de contractions que peut fournir un muscle, jusqu'à épuisement complet, est plus petit quand l'excitabilité est augmentée, et que la somme de travail mécanique est alors moindre. Ce serait là un point à reprendre en faisant varier l'intensité de l'excitant. A côté de la qualité de l'excitant se place son intensité. L'iniluence de l'intensité de l'excitant sur les phénomènes de la fatigue a été quelque peu étudiée. On appelle inactives les excitations tellement faibles qu'elles ne produisent aucun effet apparent, c'est-à-dire qu'elles ne donnent pas lieu à la manifestation de l'énergie propre à l'ap- pareil considéré; elles se trouvent au-dessous du seuil de l'excitation. Les excitations maximales sont celles qui produisent le maximum d'effet; sous-maximal es les excita- tions à intensité moyenne. Enfin, on appelle hyper-maximales ou supra-maximales les excitations plus fortes que les maximales, dont l'intensité est par conséquent plus grande que ne le comporte le maximum d'etïet.j Les excitations inactives sont-elles épuisantes? HERMA>iN dans son Handbuch der Physiologie (1879) considère cette question comme non encore résolue. D'après Kronec- KER, les excitations inactives, c'est-à-dire trop faibles pour déterminer une contraction, ne produisent pas de fatigue des muscles, à moins que ceux-ci ne soient déjà très fati- gués. FuNKE admet qu'elles ne sont pas suivies de fatigue. En alternant les chocs de fermeture et de rupture, il vit que, dès que la clôture disparaissait par effet de la fatigue, la rupture devenait plus efficace, parce que l'intervalle des excitations actives avait doublé; il en conclut que les excitations inactives ne sont pas suivies de fatigue. Heideneaix et Fick ont vu que le développement de chaleur dans le tétanos n'était sous la dépendance de la fréquence des excitations que tant que l'augmentation de la fré- quence produisait une élévation du tétanos. Il en résulterait qu'un nombre supplémen- taire d'excitations inactives n'est pas en mesure d'augmenter les échanges. Nous croyons toutefois que la question n'a pas été bien posée par les auteurs. L'effet des excitations inactives peut être totalement différent, suivant qu'elles sont appliquées à un organe frais ou à un organe fatigué. Examinons tout d'abord l'effet des excitations inactives touchant un organe frais. Ch. Richet a établi qu'il y avait non seulement addition visible des diverses secousses d'un muscle (escalier), mais qu'il y avait encore une addition latente, une sommation d'excitations en apparence inactives, qui agissent cependant sur le muscle. Pfluger, Setchenoff, avaient démontré précédemment que cette addition latente existe pour la moelle épinière. Ch. Richet a pu généraliser le fait et montrer que cette addition latente existe pour le système cérébral sensilif et aussi pour le muscle. En graduant l'intensité des courants électriques de manière que les excitations isolées n'agissent pas du tout sur le nerf, on parvient à provoquer une contraction lorsque les excitations sont très rap- prochées. Il en résulte que le muscle de la pince de l'écrevisse, aussi bien que le gas- trocnémien de la grenouille, deviennent plus excitables quand ils ont été excités pendant quelque temps au moyen des excitations inefficaces Celles-ci ont donc été suivies d'effet, bien qu'elles n'aient pas déterminé de contraction. Le mouvement, qui ne se pro- duit pas tout d'abord sous l'influence des premières excitations, se produit ensuite, grâce à l'accroissement d'excitabilité que lui ont donné les premières excitations, res- tées en apparence impuissantes. On peut même épuiser un muscle par des excitations inefficaces, rythmées à une par seconde, et assez faibles pour ne pas provoquer de secousse musculaire apparente. Alors le muscle devient de moins en moins excitable, et on peut graduellement augmenter l'intensité du courant induit sans provoquer la secousse musculaire. Ce qui prouve qu'il s'agit bien de fatigue, c'est qu'il suffit d'inter- FATIGUE. 35 rompre pendant peu de temps les excitations qui n'avaient aucun effet apparent, pour que le muscle se répare. Ainsi donc Ch. Richet a établi qu'un muscle peut être épuise' sans qu'il v ait production de travail extérieur. — Les expériences de Gotschlich (1894), faites au moyen d'une autre méthode, plaident dans le même sens. Cet auteur s'adressa à l'acidité comme mesure de transformations énergétiques dans le muscle. 11 vit que la réaction du muscle devenait acide même quand il était soumis à des excitations telle- ment faibles qu'elles ne déterminaient aucune contraction. En se basant sur ces résul- tats, l'auteur admet que le tonus chimique des muscles est entretenu par une inner- vation sub-minimale, trop faible pour provoquer la contraction. En outre, la tension continue (sans contraction) produit un effet analogue, c'est-à-dire une augmentation sensible d'acidité du muscle. La tension seule augmente les échanges. Heidenhain avait déjà montré que l'activité du muscle était sous la dépendance de sa tension, Gotschlich démontra le même fait pour le muscle inactif. On peut donc admettre avec cet auteur que les muscles normaux, en raison de la tension qu'ils supportent à leurs insertions, se trouvent dans un état de « tonus mécanique » qui vient renforcer le tonus chimique. En outre Danilewsry a vu qu'un dégagement de chaleur accompagne les excitations inactives, de sorte 'que nous devrons considérer comme implicitement démontré que les excitations inactives j^rodiiiseni une transformation d'énergie, autrement dit, qu'elles excitent le muscle, qui réagit à leur action, non par la contraction, mais par un processus physiologique interne. Les excitations inactives se comportent à la manière de tous les autres excitants : leur premier effet est d'augmenter l'excitabilité du muscle. Si à ce moment nous mettons la contractilité du muscle à l'épreuve, en envoyant à travers sa substance une excitation apte à éveiller la contraction, nous trouvons l'excitabilité du muscle plus grande qu'auparavant. Mais, à l'instar de toutes les autres excitations, les excitations inactives finissent par produire des effets de fatigue quand elles agissent trop longtemps. Si nous avons insisté sur ce phénomène, un des plus importants dans l'étude de l'excitabilité, c'est qu'il vient confirmer notre assertion, à savoir que, quand il s'agit de la mesure de la fatigue, il ne suffit pas de prendre en considération la manifestation de l'énergie spécifique de la matière vivante, mais qu'il faut poursuivre toutes les trans- formations d'énergie dont elle est le siège. L'efficacité des excitations dites « inactives » a encore été démontrée dans les expé- riences de J. loTEYKo sur l'effet physiologique des ondes induites de fermeture et de rupture dans la fatigue et l'anesthésie des muscles et des nerfs. Nous envoyons des excitations alternatives de fermeture et de rupture, mais le courant est assez faible, en sorte que seules les ruptures sont suivies d'une réponse motrice. Les clôtures ne pro- duisent aucun effet apparent; leur passage ne détermine pas de contraction. Tout à coup, sous l'influence de l'augmentation d'excitabilité due à l'action initiale d'un anesthésique (éther ou chloroforme agissant localement), nous voyons apparaître brusquement la contraction à la clôture et s'égaliser avec la rupture. Qu'a donc produit l'anesthésique? 11 n'a fait qu'exagérer un phénomène en le rendant apparent. La clôture a donc été suivie d'effet dès le début, mais son action était insuffisante pour provoquer la contrac- tion. Toutefois le muscle était en « imminence de contraction », et une augmentation de son excitabilité a suffi pour déterminer la réponse motrice. Cet exemple ne rentre pas dans la catégorie des faits connus sous le nom d'addition latente; car, dans le cas de sommation, l'augmentation d'excitabilité, indispensable au déclenchement de la réponse motrice, est due à l'action de l'excitant même. La répéti- tion de l'excitation rend le muscle plus excitable. Mais, dans le cas de l'anesthésie, l'augmentation d'excitabilité est due à l'action d'un agent extérieur. Ce fait montre que l'augmentation d'excitabilité, même indépendamment de la cause qui l'a produite, permet de mettre en évidence l'efficacité des excitations dites inactives. Daus la phase de l'escalier il y a aussi augmentation d'excitabilité. Or il arrive que la contraction à la clôture, qui était absente au début de la courbe, apparaît de toutes pièces dans la phase de l'escalier (J. Ioteyko). Le problème des excitations inactives est donc définitivement résolu; mais les expé- riences citées s'adressent au muscle frais, qui présente au plus haut point la propriété d'excitabilité ou d'explosibilité, et possède, par conséquent, un pouvoir transformateur 36 FATIGUE. considérable à l'égard des excitations. En est-il de même pour le muscle fatigué? Quelles seront les excitations inactives pour un muscle fatigué? Par suite de la diminution d'exci- tabilité, le seuil de l'excitation a été profondément modifié dans la fatigue; nous appe- lons donc « inactives » les excitations beaucoup plus intenses qu'au début. L'excitation, efficace au début, a produit la fatigue en agissant à la longue sur le muscle, et son application n'est plus suivie d'un etfet moteur. Elle est devenue inactive par rapport à ce qu'elle était auparavant. Cette même excitation se comporte-t-elle maintenant comme une excitation dite inactive agissant sur un organe frais? Donne- t-elle lieu à un dégagement latent d'énergie? L'étude de cette importante question reste ouverte; nous ne tenons ici qu'à la signa- ler, en présentant quelques observations tendant à établir une distinction essentielle entre le muscle frais et le muscle fatigué. On connaît les expériences de Fuxke qui constata que, dès que la contraction à la clôture disparaissait par la fatigue, la contraction de rupture subissait un accroissement. Il faut, dans l'interprétation du phénomène, écarter toute idée d'addition latente, qui ne peut certainement pas se produire au moment de la fatigue. Nous assistons ici à un phénomène d'ordre inverse, qui est la disparition des effets de l'excitation. L'interpré- tation, c'est que, l'intervalle des excitations ayant doublé, la fatigue a diminué consécu- tivement. La disparition de la clôture par fatigue s'est donc comportée exactement comme si aucune excitation n'était lancée au moment de la fermeture du courant, ce qui tendrait à prouver que son rôle était devenu nul. Cette expérience est donc exactement analogue à celle où, en produisant la fatigue par une seule espèce d'ondes, on viendrait, à un moment donné de l'expérience, doubler l'intervalle des excitations; on obtient des phénomènes de réparation. J. loTEYRO a recueilli quelques faits dans le même genre. Il est vrai que le phéno- mène de FuxKE n'a jamais apparu dans ses expériences; il doit être assez rare, et l'on comprend pourquoi. La disparition des effets de la clôture ne se fait pas brusquement; elle se fait progressivement, et nous devrions nous attendre à voir la différence entre les deux ondes s'accentuer peu à peu, plutôt que de devenir manifeste à un moment donné.' Or c'est là précisément un résultat tout à fait constant. J. Ioteyko a montré, sur quelques centaines de courbes, qu'en lançant dans un muscle périodiquement des ondes de clô- ture et de rupture, on obtenait deux courbes de fatigue, dont la divergence ne faisait que s'accentuer avec les progrès de la fatigue au préjudice de laclôture (Voir plus loin, p. 96). Il est probable que c'est à l'inefficacité croissante de laclôture qu'il faut attribuer la résis- tance de la rupture. Dans certains cas les deux courbes sont parallèles; mais alors, la clôture ayant disparu, la rupture se prolonge plus longtemps que ne l'exige le parallé- lisme. C'est donc presque la même observation que celle de Funke. Citons encore d'autres expériences de J. Ioteyko. Quelquefois, dans ies tracés, la clôture est inefficace périodiquement vers la fin de la courbe. Chaque fois, la rupture se ressent de cette non-efficacité de la clôture ; après chaque lacune, la rupture suivante est plus haute, et cela se continue jusqu'à l'extrême fatigue. Le même auteur a observé que le phénomène de la contracture était enrayé au moment où, sous l'inlluence de la fatigue, la contraction à la clôture venait à disparaître. Or, quelle que soit l'opinion qu'on se forme sur les causes de la contracture, il est certain qu'elle dépend de plusieurs- facteurs, dont la fréquence des excitations. Il faut donc admettre que, dans cette expé- rience, la clôture a complètement cessé d'agir pour faire disparaître la contracture. Ces expériences montrent que les excitations, quand elles agissent sur un organe fatigué, ne sont pas suivies d'un effet physiologique. Elles méritent alors réellement la dénomination de « inactives ». Nous n'attribuons certes pas à cette loi une valeur absolue. Ainsi, dans une expérience, J. Ioteyko a observé la réapparition de la clôture (qui avait disparu par etfet de la fatigue) sous l'influence des excitants chimiques (sel marin). Ce fait prouve que l'inefficacité de la clôture n'était pas complète dans la fatigue. Néan- moins l'effet physiologique des excitations dans la fatigue doit être tellement réduit qu'il peut être considéré comme nul. Et ce fait s'accorde d'ailleurs avec toutes les données de la physiologie musculaire. Nous savons en effet que, dans la fatigue, la disparition de la chaleur (qui est l'expression du travail chimique) précède la disparition de la contraction. Cette dernière ayant disparu, il ne reste plus que le phénomène électrique FATIGUE. 37 comme réponse à l'excitation, et celui-ci doit se produire avec une dépense minime d'énergie. Il semblerait que la disparition des différentes propriétés du muscle s'obtient d'autant plus vite qu'elles sont liées à une dépense pins considérable d'énergie. Examinons maintenant les elfels des excitations hypermaximalcs. Et tout d'abord, un muscle se fatigue-t-il plus vite sous l'influence des excitations bypermaximales que sous l'influence des excitations maximales? Il n'existe qu'une seule catégorie de preuves : celles fournies par Heidenhain et confirmées ensuite par Gotschlich. Le muscle, excité par des excitations électriques bypermaximales, développe une réaction acide qui est exactement celle que développe un muscle excité par des stimulants juste maximaux. Ces faits prouvent qu'il existe un maximum de réaction qui ne saurait être dépassé. Quand l'intensité de l'excitant dépasse la limite réactionnelle propre à chaque forme de matière vivante, son application ne détermine aucun effet supplémentaire, et peut être assimilée aux effets d'un excitant juste maximal. On est tenté de faire ici une compa- raison avec l'absorption de l'oxygène, qui, même lorsqu'il se trouve en excès, n'est pas absorbé en quantité plus considérable que ne le justifie le besoin immédiat. Il résulte de ces faits que les phénomènes désignés" sous le nom d' hyperexeitation sont dus dans un bon nombre de cas non à l'excitation, mais bien à l'excitant. Les phé- nomènes de destruction, de dégénérescence, d'altération, décrits par un grand nombre d'auteurs, tiennent à l'action destructrice de l'agent externe. Non pas que notre intention soit de nier la possibilité de la mort par hyperexcitation dans le sens physiologique, mais il n'en est pas moins probable que beaucoup d'observations de ce genre se rap- portent aux effets destructifs de l'excitant. Les phénomènes de dégénérescence granuleuse, décrits par Verworn, se rapportent dans bien des cas non à un excès d'excitation, mais à la destruction du protoplasma par des excitants trop forts. « Si nous portons sur Pelomyxa, écrit Yervi'orx, des excitants chimiques faibles (acides, alcalis, chloroforme, etc.), en quelques minutes il se ramasse en boule, montrant ainsi un haut degré d'excita- tion. Ce n'est que dans le cours d'une excitation prolongée que le corps protoplasmique commence à présenter une destruction granuleuse à partir de la périphérie. Si, par contre, nous faisons agir d'emblée un excitant cliimique de forte intensité sur le corps de l'infusoire en extension, le stade d'excitation n'a plus le temps de se manifester. L'infusoire commence à présenter la destruction granuleuse, dans la forme où l'a sur- pris l'excitant, et sans passer par un stade préalable de contraction. Ici la mort est donc la conséquence immédiate de l'excitation, n Néanmoins, la mort peut être la conséquence d'une hyperexcitation physiologique. C'est le cas quand le mouvement volontaire est poussé jusqu'à l'extrême. Un exemple devenu classique est celui du coureur de Marathon qui quitta le champ de bataille pour ■être le premier à apprendre à ses compatriotes la nouvelle de la victoire. Entré à Athènes après une course ininterrompue, c'est à peine s'il eut encore la force de crier : Victoire! après quoi il tomba mort. Dans ses observations sur les migrations des oiseaux, A. Mosso dit avoir vu souvent de nombreuses cailles mortes, gisant dans les fossés de la campagne de Rome. Ces oiseaux, dans l'élan qui, de la mer, les entraine vers la terre, n'ont plus la force de modérer ou d'arrêter leur vol, et se heurtent aux troncs d'aibres, aux branches, aux poteaux télégraphiques et aux toits des maisons, avec une telle impétuosité, qu'ils se tuent. Brehm a décrit l'arrivée des cailles en Afrique : « On aperçoit une nuée obscure, basse, se mouvant au-dessus des eaux, qui s'approche rapi- dement et qui pendant ce temps va toujours s' abaissant pour s'abattre brusquement à la limite extrême de la mer; c'est la foule des cailles mortellement épuisées. Les pauvres créatures gisent tout d'abord pendant quelques minutes comme étourdies et incapables de se remuer, mais cet état prend bientôt fin; un mouvement commence à se manifester : une des premières arrivées sautille et court rapidement sur le sable en cherchant un meilleur endroit pour se cacher. Il se passe un temps considérable avant qu'une caille se décide à faire fonctionner de nouveau ses muscles thoraciques épuisés et se mettre à voler. » De Filippi a vu des pigeons en pleine mer reposer les ailes ouvertes sur les flots; c'était là un signe invincible de fatigue. La fatigue, quand elle est poussée à l'extrême, peut produire la mort. On conçoit qu'en face du danger réel que peut présenter l'excès d'activité, la nature ait fourni à l'organisme des moyens de défense, grâce auxquels il peut lutter contre la fatigue. Celte 38 FATIGUE. lutte s'accomplit grâce à deux procédés : le premier repose sur le mode de disMbution de la fatigue même, qui fait que les organes les plus importants (centres nerveux) sont protégés grâce à une certaine hiérarchie des tissus vis-à-vis de la fatigue. Le second procédé de défense, c'est l'accoutumance. Occupons-nous d'abord du premier procédé de défense. Les faits expérimentaux qui se rattachent à ce sujet, ainsi que les conclusions qui en découlent, sont dus aux travaux de J. Ioteyko. Comme l'a établi Ch. Richet, il n'existe pas de moyens de défense qui ne soient en même temps fonctions de nutrition, de rela- tion ou de reproduction, et ils peuvent être étudiés comme des fragments d'une grande fonction, la résistance au milieu extérieur. Or, en face des excitations innombrables que fournit la nature, l'intégrité de l'organisme serait rapidement atteinte, s'il avait à subir toutes les provocations extérieures et intérieures. S'il résiste, c'est parce qu'il pos- sède un puissant mécanisme d'arrêt qui intervient au moment nécessaire. Or, pendant la fatigue, les excitations cessent d'être efficaces ; car la faculté de réagir a disparu. Ainsi la fatigue soustrait l'individu aux conséquences des excitations trop violentes, qui devien- draient funestes, si elles étaient perçues. Nous avons vu plus haut que dans la fatigue les excitations ne provoquent pas de dégagement latent d'énergie. Cette inefficacité des excitations dans la fatigue rentre donc dans les procédés de défense de l'organisme. Les recherches de J. Ioteyko sur la fatigue de la motricité fournissent une base expé- rimentale à cette appréciation. Cet auteur a établi que le premier degré de la fatigue est périphérique, et qu'il existe une hiérarchie dans les tissus au point de vue de leur résis- tance à la fatigue. Les centres réflexes de la moelle sont plus résistants à la fatigue que les centres psycho-moteurs, et les uns et les autres sont plus résistants que l'appareil périphérique terminal. Celui-ci étant constitué de terminaisons nerveuses et de sub- stance musculaire, une fatigabilité plus grande doit être attribuée à l'élément nerveux terminal. Nous arrivons ainsi à cette conclusion, que, dans les conditions physiologiques, les phénomènes de fatigue motrice sont dus A V arrêt des fonctions des terminaisons nerveuses intra-musculaires. On le voit, tout le mécanisme de la fatigue est constitué de façon à assurer la pro- tection des centres nerveux vis-à-vis des excitations nocives. Avant que les centres ner- veux aient eu le temps de se fatiguer, l'abolition des fonctions des terminaisons nerveuses périphériques arrête toute réaction. Nous avons donc affaire à une défense d'origine péri- phérique, qui est réglée par la limite d'excitabilité propre aux terminaisons nerveuses. Elle ne suffit pas toujours, attendu que les organes périphériques, devenus inexcitables pour une intensité donnée d'excitant, sont aptes à fonctionner quand cette intensité (effort) est accrue. C'est alors qu'intervient le sentiment de la fatigue, mécanisme central et conscient, qui apparaît tardivement, quand le mécanisme périphérique n'a pas été suffisamment écouté. Nous manquons encore de données précises pour décider si la sensation de fatigue est liée à une fatigue réelle des centres nerveux ; il est probable que la sensation de fatigue est l'expression d'un état particulier des muscles, devenu conscient à un moment donné. L'origine de la sensation de fatigue pourrait donc être périphérique, comme l'est celle du sens kinesthésique. Il parait certain que la fatigue s'accumule progressivement dans l'organisme ; de phénomène local, elle devient phénomène général, et ce n'est que quand elle retentit sur l'ensemble de l'être vivant qu'elle arrive à la conscience. — La fatigue rentre ainsi dans la catégorie des défenses actives générales (fonctions de relation) et nous pouvons y distinguer les trois modalités admises par Ch. Richet pour les autres fonctions de défense. Elle peut être une défense immédiate (arrêt des fonctions motrices par suite de la paralysie des terminaisons nerveuses); elle peut être une défense préventive, qui est la sensation de fatigue. De même que la douleur pour les excitations sensitives, elle est une fonction intellectuelle, qui laisse une trace profonde dans la mémoire et empêche le retour d'une sensation semblable. Les Grecs assimilaient la fatigue à la douleur. C'est peut-être pousser un peu loin la généralisation du sentiment de la fatigue; toute- fois il faut rattacher à la fatigue, à l'épuisement et à l'abattement qui en résulte, toutes les peines qui ont pour origine un effort, en un mot toutes les peines à caractère positif. La fatigue n'est donc pas la .douleur, mais en revanche] la douleur est une fatigue. Sergi a désigné la sensibilité de défense sous le nom d'esthophy lactique. Nous proposons FATIGUE. 39 d'appeler kinétophy lactique la fatigue de défense qui est une sauvegarde du mouvement. Enfin, la fatigue peut être une défense consécutive, qui est ['accoutumance. En raison de son importance, nous lui avons réservé une place à part, en l'appelant « le second procédé de lutte contre la fatigue ». Comme certains poisons, qui finissent par devenir inoffensifs, l'accoutumance rend l'organisme plus résistant aux atteintes de la fatigue. L'accoutumance peut être considérée comme une adaptation de l'organisme à l'excitant. C'est là un fait général, qui s'applique à tous les organismes et à tous les appareils. Engelmann et Verworn sont parvenus à habituer divers organismes unicellulaires à des solutions salines concentrées, qui, au début, provoquaient des phénomènes d'excitation très marqués. On peut obtenir des adaptations à des solutions faibles de poisons, à de hautes températures, à une lumière intense, à un excès de travail physique et intellec- tuel, etc. ; mais, pour que l'accoutumance se produise, il faut procéder à petites doses. C'est là le secret de l'entraînement physique et intellectuel. En procédant brusquement, on n'obtiendrait aucune adaptation, mais bien des phénomènes d'épuisement. On peut dire que les effets de toutes les excitations se meuvent entre deux limites extrêmes : d'une part la fatigue, et de l'autre V accoutumance. Les excitations ne doivent pas dépasser certaines limites; lorsque ces limites sont franchies, il y a douleur ou fatigue. La douleur et la fatigue sont donc toujours dues à un excès d'excitation. Les êtres vivants, peuvent rencontrer, dans le milieu où ils vivent, des influences externes, auxquelles ils ne soient pas adaptés. La sensibilité de relation avertit de l'antagonisme qui existe entre l'être vivant et les actions extérieures. Cet avertissement est un état de conscience que nous appelons douleur quand il s'agit d'un excès d'irritation des organes de la sensibilité, et fatigue quand il s'agit d'un excès d'irritation des organes de la motilité. Quand, au contraire, il n'existe aucun conflit, la conscience manifeste sous forme de plaisir l'adaptation complète au milieu exté- rieur. L'accoutumance est donc l'adaptation de l'organisme à l'excitant ; or cette adaptation ne peut se produire sans qu'il y ail conflit, c'est-à-dire sans qu'il y ait fatigue. Il est donc permis de parler de l'utilité biologique de la fatigue. Quand elle procède à petites doses, elle conduit à l'accoutumance; quand elle est intense, elle avertit du danger imminent (fonction kinétophylactique). Bibliographie. — Alurralde. Nouvelles recherches sur l'excitabilité électrique et la fatigue musculaire (XLW Congrès intern.de Médecî'/ie, Paris, 1900, Section de Physiologie). — Arsonval (d'). Recherches sur la décharge électrique de la torpille (C. fi., 1895 et Arch. électr. mAd., iv, 1896, 52), — Bernard (Cl.). 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En outre, l'action électromotrice du nerf, ou variation négative du potentiel électrique (courant d'action), considérée encore naguère comme le signe unique de l'activité propre du nerf, a perdu beaucoup de sa valeur comme méthode d'exploration de l'activité nerveuse, depuis que la possibilité de la T^ariation négative sans activité fonctionnelle a été péremptoirement démontrée. Quant au second procédé, qui consiste à prendre la contraction musculaire comme mesure de l'activité nerveuse, iln'est pas non plus très rigoureux, car aucun phénomène mécanique n'accompagne le fonctionnement propre du nerf, et il est fort difficile de faire la part de ce qui revient à la fatigue du muscle et à la fatigue du nerf. Le problème devient encore plus délicat quand on songe que toutes les comparaisons entre l'activité ■du nerf et celle du muscle sont compliquées par la présence dans le muscle de terminai- sons nerveuses, qui ont une physiologie propre. Le curare, qui paraissait pouvoir tran- cher la question en mettant hors de cause ces terminaisons motrices, et qui a été em- ployé communément par tous les physiologistes depuis Cl. Bernard, n'est certainement pas un moyen aussi sûr qu'il semblait l'être au début. Il serait donc dangereux de baser la physiologie des nerfs périphériques sur ce seul procédé. — D'autre part, tous les moyens employés pour mettre en activité le nerf sans exciter le muscle sont plus ou moins arti- ficiels et prêtent le flanc à la critique. L'unique procédé qui semble être à l'abri de tout reproche consiste à comparer les effets mécaniques de l'excitation des différents points du nerf fatigué; s'il existe des différences dans l'excitabilité, elles peuvent être mises sans conteste sur le compte d'une fatigue propre du nerf, l'appareil périphérique présentant une excitabilité identique à elle-même pendant cette exploration. Mais, outre que cette inéthode paraît fort difficile — l'accord n'est pas encore survenu sur les différences d'ex- citabilité que présente le nerf frais sur les différents points de son parcours — elle ne jiourrait nous renseigner que sur des différences minimes d'excitabilité, sans trancher la 66 FATIGUE. et uniquement lors de l'arrêt de la circulation (ligature de l'aorte). Or ces deux condi- tions réunies suffisent amplement pour faire admettre que le résultat obtenu n'était pas l'effet de la fatigue, mais de l'anémie, qui abolit rapidement chez les homéothermes l'action du nerf sur le muscle. Quant aux expériences d'ABELous, qui présentent cet avantage sur celles de Waller que l'auteur français n'a pas électriséle nerf directement, mais qu'il a produit la tétanisa- tion générale de l'animal, on peut objecter que : 1° l'action curarisante s'est généra- lement manifestée au bout d'un temps trop long pour qu'on soit en droit de l'attribuer à l'action propre de la fatigue; pour l'obtenir, il fallait tétaniser l'animal pendant deux heures, et les nerfs étaient dénudés pendant tout ce temps; 2° l'immunité relative du membre lié vis-à-vis de la fatigue qui frappait tout le corps ne peut guère s'expliquer par la supposition que les produits toxiques nés in situ et retenus dans le membre lié étaient moins abondants que ceux qui étaient contenus dans l'autre patte; bien au con- traire, si des substances curarisantes s'étaient produites dans la fatigue, elles auraient certainement intoxiqué le membre lié à un degré bien plus prononcé que le membre non lié, celui-ci étant constamment soumis au lavage naturel par le sang veineux et à la neutralisation des produits toxiques par l'oxygène du sang artériel; .3° l'action cura- risante du sérum, du sang et de l'extrait musculaire des animaux tétanisés ne paraît pas nette. L'auteur dit que « l'injection de l'extrait alcoolique des muscles d'une gre- nouille tétanisée à une grenouille normale est presque inoffensive ». Au contraire, l'in- jection à une grenouille normale de l'extrait musculaire correspondant à 100 grammes de muscles de chien tétanisé a produit la mort. Mais l'injection de l'extrait du muscle normal, même à une dose beaucoup plus faible, aurait suffi à produire la mort, si nous nous en rapportons aux expériences de Roger^ Quant à l'action curarisante du sérun», après injection de 6 ce. provenant d'animaux tétanisés, l'auteur trouva le lendemain de l'expérience sa grenouille morte; les nerfs sciatiques étant inexcitables, les muscles l'étant directement. Il est certain que tous les genres de mort auraient produit le même effet. 11 ne reste donc qu'à tenir compte des expériences où la faligue avait été produite par application directe des électrodes sur le nerf. Mais immédiatement surgit l'idée que la soi-disant fatigue indirecte est peut-être l'effet de l'altération du nerf par l'action locale des courants électriques. C'est précisément l'idée qui a guidé J. Ioteyko dans ses recherches récentes sur la fatigabilité comparée du muscle et du nerf. Pour arriver à des résultats positifs, cet expérimentateur a dû reviser un grand nombre de faits qui paraissaient bien établis. On sait depuis les travaux de Remak {Ueher methodischc Elektvisirung geldhmtev Mùskeln., Berlin, 1836), que le même courant induit est plus efficace quand il agit sur le nerf que quand il agit sur le muscle. L'excitabilité indirecte de la préparation fraîche est donc plus grande que son excitabilité directe. Le phénomène s'observe avec la plus grande facilité, aussi bien avec les courants tétanisants qu'avec les ondes uniques; mais, pour l'obtenir, il ne faut pas user d'excitants par trop énergiques, cai* alors les deux secousses (directe et indirecte) seront forcément maximales. La contraction obtenue par l'excitation du nerf est donc toujours plus intense que la contraction obtenue par l'excitation du muscle. On explique cette différence en disant que les excitations du nerf portent en même temps sur toutes les fibres nerveuses, et, par suite, sur toutes les fibres musculaires. Quand, au contraire, l'excitation porte directement sur le muscle, elle n'atteint qu'un nombre limité de fibres nerveuses et musculaires. Cette explication est insuffisante; s'il est exact que l'excitant porté directement sur le muscle irrite en même temps les terminaisons nerveuses iiitra-musculaires et la sub- stance musculaire, la contraction consécutive à l'irritation de ces deux éléments devrait être plus intense que la contraction consécutive à l'irritation du tronc nerveux. 1. La toxicité de l'extrait des muscles est bien moins grande que celle du foie et du rein; et cependant, suivant Roger, 90 grammes de muscles par kil. d'animal produisent la mor\.{Toxici(é des extraits des tissus normaux, B. B., 1891, p. 727). Ch. Richet a trouvé que le sérum muscu- laire était assez toxique (20 gr. environ de muscles par kil. d'animal. C. R., 1901, cxxxn). FATIGUE. 67 Dans le premier cas la contraction est la résultante de ces deux excitations qui s'ajoutent. En second lieu, le même courant appliqué directement au muscle possède une intensité plus grande que quand il est appliqué au nerf (la substance musculaire étant meilleure conductrice de l'électricité que la substance nerveuse); la contraction directe devrait donc être plus énergique que la contraction indirecte. Ce raisonnement affaiblit donc beaucoup la portée de l'explication généralement admise, d'après laquelle l'efficacité plus grande de l'excitation indirecte repose sur la mise en activité de toutes les fibres nerveuses. Cependant, quand il s'agit de l'affai- blissement de la contraction musculaire, constatée dans la curarisation et dans l'anélec- trotonisation, ou l'explique par la suppression de l'excitation des terminaisons ner- veuses, laquelle s'ajoute dans le muscle normal à celle de la substance musculaire. On attribue donc une importance assez grande à la résultante de ces deux excitations. S'il en était ainsi, l'excitation du muscle devrait être plus efficace que l'excitation du nerf. Une autre explication (laquelle d'ailleurs ne tranche pas la question, qui reste ou- verte) peut être adoptée. Eu comparant la sensibilité si extraordinaire du nerf au cou- rant électrique avec la sensibilité si obtuse du muscle quand les électrodes sont directe- ment appliquées à sa surface, on a l'impression que seul. l'clcineiU nerveux est influencé par le courant électrique induit, et que, si le muscle directement excité répond avec moins d'énergie, c'est parce que les terminaisons nerveuses incluses dans le muscle sont plus difficilement atteintes par le courant électrique, à cause de l'interposition de la substance musculaire, qui, elle, ne serait pas directement excitée par le courant élec- trique induit. Cette supposition a d'autant plus sa raison d'être que C. RADZiKOWKr {Action du champ de force sur les nerfs isolés de la grenouille et Immunité électrique des nerfs, Tra- vaux de l'Institut Solvay, ai, 1899) a montré que le nerf, étant parmi tous les tissus celui qui offre la plus grande résistance au passage du courant électrique, est immunisé contre l'action des courants électriques qui prennent naissance dans le corps de l'animal ou contre les courants électriques venant de l'extérieur, par les tissus environnants solides ou liquides. Ces tissus, étant meilleurs conJ acteurs d'électricité que le nerf lui-même, offrent au passage du courant électrique moins de résistance et en acca- parent une grande partie. Or il faut admettre comme corollaire de cette explication que le tissu musculaire qui a immunisé le nerf contre l'action du courant d'induction, n'était pas lui-même sensible à l'action de ce courant, qu'il a joué simplement le rôle d'un conducteur physique, tel, par exemple, qu'une bandelette de métal ou de papier buvard, ou tout autre corps meilleur conducteur d'électricité que le nerf. A ces faits viennent s'ajouter d'autres qui plaident dans le même sens. Existe-t-il un rapport entre la réponse directe et indirecte à des stimulations d'intensité variable? J. loTEYKO s'est assurée qu'en diminuant graduellement l'intensité de l'excitant induit, on obtient des modifications brusques dans la décroissance des contractions directeB. Or la décroissance est assez régulière pour les contractions indirectes. Le champ des excitations sous-maximales est donc beaucoup plus étendu pour les secousses indirectes que pour les secousses directes, A quoi faut-il attribuer ce manque de rapport entre les variations de l'excitabilité directe et indirecte en fonction de l'intensité du courant induit? C'est encore à l'immunité du nerf qu'il nous faut recourir. Si l'on admet que le muscle n'est pas directement excitable par le courant induit, il devient compréhensible que les terminaisons nerveuses, éparses dans le muscle, ne deviennent accessibles à l'ac- tion du courant que quand celui-ci a acquis une certaine intensité; un courant faible est totalement accaparé par les muscles, et rien ne pénètre jusqu'aux terminaisons nerveuses; un courant fort est accaparé en partie, et une partie pénètre jusqu'aux élé- ments nerveux, mais l'excitation des terminaisons nerveuses ne peut se faire aussi re'gulièrement que l'excitation du nerf mis à nu, et on s'explique les irrégularités dans sa distribution. On peut enfin comparer l'excitabilité directe et indirecte en examinant le seuil de l'excitabilité du nerf et du muscle. Or on est arrêté ici par une difficulté expérimentale, car le muscle ne possède pas en tous ses points la même excitabilité. Kuhxe (A. P., 1860, 477) avait vu que le muscle couturier de la grenouille, excité eu différents points par des secousses induites égales, ne donne pas des contractions égales; elles sont d'autant plus faibles que le point excité est plus éloigné du bile par lequel arrive à ce 68 FATIGUE. muscle son nerf moteur. Or, suivant la juste remarque de Herzen [Note sur Vempoison- nement par le curare. Intermédiaire des Biologistes, juin 1898), ou ne peut attribuer cette différence qu'au plus ou moins grand nombre d'éléments nerveux que frappent les secousses induites; cette proportionnalilé entre le nombre de filaments excités et l'énergie de la contraction montre nettement que les secousses induites n'agissent sur la substance musculaire que par l'intermédiaire des éléments nerveux qu'elles excitent. Ces faits ont été confirmés plus tard par Politzer. J. loTEYKO a vu que le seuil de l'excitabilité du gaslrocnémien présente aussi des diffé- rences notables en rapport avec le point exploré. Le nerf est, dans tous les cas, beaucoup plus excitable que le muscle. Quant au muscle, le point le plus rapproché du bile, celui par lequel pénètre le nerf moteur, est le point le plus excitable : de là l'excitabilité va en diminuant à mesure qu'on se rapproche de la partie inférieure du muscle avoisinant le tendon. Toutefois cette décroissance ne se fait pas d'une façon progressive : à partir de la portion moyenne du muscle, l'excitabilité diminue brusquement. Ainsi, pour le muscle gaslrocnémien, comme pour le couturier, le seuil de l'excitabilité musculaire locale s'élève avec le nombre de filaments nerveux excités. Donc à l'état frais la contraction indirecte (excitation du nerf) est toujours plus intense que la contraction directe (excitation du muscle). Or il est reconnu que, dans la mort par anémie et dans des intoxications diverses, l'excitabilité indirecte se perd tou- jours avant l'excitabilité directe. Il est donc permis de parler de l'action curari- sante de l'anémie. Ce renversement des réactions lors de l'anémie a été probablement le point de départ théorique de l'opinion qu'un phénomène semblable doit se passer dans la fatigue. J. loTEYKO s'est assurée, en effet, que, dans la très grande majorité des cas, tant pour les ondes uniques que pour le courant tétanisant, la fatigue obtenue en excitant le nerf a pour effet d'abolir V excitabilité indirecte bien avant Vexcitubilité directe. En règle géné- rale, l'auteur a employé la méthode suivante : l'examen de l'excitabilité directe et indirecte a été fait avant et après la fatigue au moyen de la même excitation d'essai. La fatigue intercalée entre les deux excitations d'essai était déterminée avec des cou- rants plus forts. — Mais il y a plus. Dans certaines expériences il a été possible de con- stater que le nerf cesse de répondre même avant tout début de fatigue directe; il arrive même que le muscle excité directement donne maintenant des contractions un peu plus fortes qu'au début. D'ailleurs il s'en faut de beaucoup que ce résultat soit la règle dans tous les cas. Dans un grand nombre d'expériences, le renversement du rapport de l'excitabilité directe et indirecte ne s'est nullement produit. Ainsi la fatigue obtenue par excitation directe du nerf peut donner lieu à trois catégories de résultats diffé- rents : 1° dans la majorité des cas, la secousse indirecte disparaît avant la secousse directe; 2° dans certains cas, la secousse indirecte disparaît même avant tout début de fatigue directe; 3° enfin, il arrive que le muscle a déjà cessé de répondre à l'exci- tation directe, alors qu'il entre en contraction par excitation du nerf, ou bien, l'excita- bilité directe disparaît en même temps que l'excitabilité indirecte. Comment interpréter ces résultats, qui semblent donner raison à tous les auteurs"? C'est que le procédé expérimental pèche par sa base. Hering, Hermann, Werigo n'ont-ils pas montré que l'application de courants électriques, même faibles et de courte durée, produisait souvent une altération locale du nerf, simulant l'existence de la fatigue? Dès lors, il devient impossible de comparer les effets de l'anémie à ceux de la fatigue; dans le premier cas, le courant électrique ne sert qu'à explorer l'état physio-patholo- gique du nerf, tandis que, dans le second cas, il sert à le produire. Il a été cependant impossible à J. Ioteyko de localiser exactement l'altération du nerf; elle parait être diftuse, probablement à cause de la longueur restreinte du nerf de grenouille. A l'appui de cette interprétation, l'auteur cite les faits suivants (toutes réserves faites sur la possibilité d'un certain degré de fatigue de la réceptivité du nerf, que nos moyens techniques ne permettent souvent pas de dissocier de la conductibilité). Dans certaines expériences, la contraction directe du muscle avait persisté tians toute son intégrité après cessation complète du mouvement par excitation du nerf, et même on a pu y observer un certain degré d'addition latente. Ce qu'on appelle fatigue indirecte n'est donc parfois accompagné d'aucune fatigue directe du muscle. En outre, le FATIGUE. 69 mode de réparation va nous fournir un moyen de nous assurer si le nerf a été fatigué ou lésé. Dans les cas ci-dessus, où la contractilité indirecte avait si brusquement disparu sans entraîner aucune modification dans l'excitabilité directe du muscle, la réparation du nerf altéré (et non fatigué) a été très lente à obtenir, et même elle a fait quelquefois défaut. Mais, dans les expériences où la diminution d'excitabilité a été la même pour le nerf que pour le muscle, la réparation a suivi un ordre inverse : elle a été bien plus prompte par excitation indirecte que par excitation directe. Cette répara" tion plus prompte de la fatigue indirecte que de la fatigue directe concorde avec tous nos résultats; et on comprend qu'un léger retour de l'excitabilité nerveuse devient apparent quand nous excitons le nerf dénudé, et ne se manifeste pas encore quand nous excitons ses terminaisons à travers la substance musculaire. D'ailleurs Santesson avait trouvé que l'excitabilité indirecte se perd avant l'excitabilité directe, uniquement dans le cas de tétanisation du nerf, tandis que, lors des excitations par des ondes isolées, c'est l'inverse qui se produit. Ce fait s'explique facilement par l'altération plus grande portée au nerf par les courants tétanisants, sans qu'il soit nécessaire d'admettre, avec cet auteur, qu'il existe pour les courants tétanisants une fatiyabilité des terminaisons nerveuses motrices différente de ce qu'elle est pour les ondes uniques. Pour savoir si les coui-ants appliqués directement au nerf lèsent le tronc nerveux ou fatiguent les terminaisons nerveuses, on peut disposer l'expérience de manière à fatiguer la préparation sans que les électrodes touchent le nerf, et produire la fatigue de la pré- paration en envoyant des excitations par la moelle épinière ou par le nerf sciatique du coté opposé. Dans cette série d'expériences de J. Ioteyko, les résultats ont toujours été les mêmes. Ainsi, par exemple, dans la figure 2, la fatigue a été produite par la tétanisation do la moelle. Grenouille très excitable, poids tenseur de 20 grammes, chronograplie mar- quant une vibration toutes les 8 secondes. On lit de gauche à droite de la figure : 1) examen de l'excitabilité du muscle et du nerf (bobine 8, courant à peine perceptible) ; le nerf est excité à sa partie supérieure (n'), moyenne (n-) et inférieure (n'). L'excitabilité indirecte (nerf) est environ deux fois plus grande que l'excitabilité directe du muscle; 2) ou tétanise la moelle douze fois avec le même courant, en introduisant les électrodes dans le canal vertébral; 3) après relâchement complet, on explore de nouveau l'excitabilité directe et indirecte. Les deux modes d'excitabilité ont diminué par suite de la fatigue, mais nous voyons de la façon la plus nette que non seulement il n'y a rien qui rappelle la curarisation, mais que, après fatigue, l'excitabilité indirecte est maintenant trois fois plus grande que l'excitabilité directe du muscle. Le rapport normal n'a donc été que renforcé. Cette méthode a invariablement donné le même résultat à toutes les phases de la fatigue. Lorsque la fatigue a été obtenue par excitation de la moelle ou par excitation du nerf sciatique du côté opposé {c'est-à-dire sans que les électrodes touchent le nerf exploré), le rapport qui existait antérieurement entre V excitabilité directe et l'excitabilité indirecte se maintient et se renforce môme. C'est l'inverse de l'action curarisante. Comme, en réalité, les excitations du muscle par le courant induit sont toujours indirectes (la substance musculaire n'étant pas directement excitable par le courant induit), même lorsque les ■électrodes touchent le muscle, on comprend facilement pourquoi le rapport qui existait primitivement entre l'excitabilité directe et indirecte se maintient après la fatigue. C'est que, dans l'un et l'autre cas (excitation du nerf ou excitation du muscle), nous n'avons excité directement que les éléments nerveux. — Quant au renforcement de ce rapport comme effet de la fatigue, nous le laisserons inexpliqué; mais il ne serait pas impossible que le muscle qui a fourni un certain nombre de contractions ait perdu une partie de ses propriétés conductrices pour l'électricité. L'auteur a recouru, en outre, à la tétanisation directe du muscle pour produire la fatigue des terminaisons nerveuses sans porter atteinte à l'intégrité du tronc nerveux. Ici non plus on n'observe jamais aucunri action curarisante. La figure 3 est très démonstrative à cet égard. Elle est composée de deux tracés; le tracé supérieur se rap- porte à la patte droite, et, quand l'expérience eut pris fin, l'excitation de la patte gauche a fourni le tracé inférieur. Nous croyons que ces faits sont suffisamment démonstratifs pour admettre que la fatigue (et non l'altération du nerf) n'exerce pas d'action curarisante. Il est intéressant de constater que les rapports ne sont même pas changés par l'anémie. Ajoutons que 70 FATIGUE. l'auteur a obtenu les mêmes résultats en fatiguant le nerf dénudé par l'action du champ de force électrique d'une bobine, procédé qui était aussi destiné à fatiguer la préparation névro-musculaire sans produire le contact des électrodes avec le tronc nerveux. Nous sommes donc autorisés à formuler les deux conclusions suivantes : 1") Après la fatigue produite par l'application directe des électrodes sur le tronc nerveux, on peut observer des elîets assez différents dans la diminution d'excitabilité; tantôt l'excitabilité indirecte est égale à l'excitabilité directe (N ■= M), tantôt elle lui est supérieure (N >> M). Mais il est impossible de statuer sur les résultais de cette méthode ; l'application directe des électrodes sur le nerf entraîne son altération dans un grand nombre de cas; 2°) Lorsque la fatigue a été produite sans que les électrodes touchent le nerf, c'est-à-dire soit en excitant le nerf par l'intermédiaire de la moelle ou du nerf sciatique du côté opposé, FiG. 2. — (P'aprés J. Iotevko) Fatigue produite par tétanisation directe de la moelle. soit en excitant les terminaisons nerveuses à travers la substance musculaire, soit enfin sn produisant la fatigue par l'action du champ de force électrique, le résultat est inva- riablement le même : le rapport primitif (qui existe à l'état frais) entre l'excitabilité indirecte et directe, non seulement n'est pas renversé, mais il est même renforcé après la fatigue. Si, par exemple, avant l'expérience, N = 2 M, après l'expérience nous aurons M N = 3 M, etc. Autrement dit, le quotient ;^ étant égal à 1/2 avant la fatigue, deviendra égal à 1/3 après la fatigue. La fatigue a donc pour eifet d'abaisser la valeur de ce quotient. C'est tout le contraire de l'action curarisante. S.\NTESS0.N' (1901) est encore revenu sur ces questions sans connaître les travaux de J. loTEYKO. Nous venons de voir que la variabilité des résultats (Schexck) devait être attribuée à la défectuosité de la méthode. La même objection peut être faite, aux expé- riences de CisHi.NG, qui observa qu'après une longue série d'excilations du nerf sciatique, l'irritation du muscle pouvait encore provoquer des contractions. Ces recherches de J. Iotevko montrent que les phénomènes de fatigue névro-muscu- laire arrivent au bout du même temps soit qu'on excite le nerf ou soit qu'on excite le muscle. Devons-nous en inférer que la substance musculaire est fatigable au même titre que les terminaisons nerveuses motrices? FATIGUE. 71 > 3- ça) — -3-aou — 3 ! b S S 'S I ; g I ^ Il S 1 ° 1"^ a I 's I ., 3 g |.2 ^ .5^ ,» I -3 § ^ 2 II 1^ '^ ^' S ^ » 'i ë.3 £~ a -a 0) C »! — I :^ s~ë2^ëat^§ \a ^Z ;C •■ 5 s fl g ^ -S - '^ c 2 "S a > S -2 t, 5o " •* "a a 5 .2 "■" 2 «s - S 2 1 3 1 =^1 g 0 rt S ?■ .. to ■j- §_ S 3 3-::= = =^(D.2 "23 S-SgcoS^S.SoaS ^«"5 g 3 ? ce -^ ^ 3 -H" 2 3 h cr-rt .2-. I I e " S ' .^ 3 » ■5 2 £ X -S A •0« contraction que la ligne de descente commence à s'al- longer plus que la ligne d'ascension; mais, après la 400'= contraction, l'allongement de 88 FATIGUE. la ligne de descente commence à diminuer légèrement. Cependant, même à ce moment, sa durée dépasse de beaucoup celle de la ligne d'ascension. NUMÉRO DE LA COURBE. DURKK DE LA LIGxNE D'ASCENSION EN MULTIPLES DE LA 1" COURBE. DURÉE DE LA LIGNE DE DESCENTE EN MULTIPLE.S DE LA 1" COURBE. Grenouille. Crapaud. Grenouille. Crapaud. 1 51 101 151 i 1,41 1,73 1,98 1 1,26 1,44 1,61 1 1,12 1,16 1,73 1 0,97 1,02 1,08 Avec des charges plus grandes (50 à 200 grammes au lieu de 20 grammes, Rollett -a obtenu des résultats presque identiques, sauf que la fatigue est plus précoce. Dans la fatigue isométrique, on observe des oscillations de tension, et la fatigue sur- vient plus vite. Il est à remarquer que l'allongement de la secousse n'apparaît que dans un stade très avancé de la fatigue chez les animaux à sang chaud, alors que chez les animaux à sang froid il s'observe dès le début (Rollett). Suivant Schenck, cette différence ne dépend pas de la qualité du muscle, mais de la différence de température. ScHENCK (1892) a tâché d'expliquer la cause du processus de relâchement en se basant sur la comparaison faite entre la ligne d'ascension et la ligne de descente. Il est reconnu que l'excitabilité du muscle est diminuée par le fvoki et la fatigue. Les deux processus .allongent démesurément la courbe, mais ils n'influent pas de la même façon sur les parties constituantes de la courbe. Ainsi, sous l'influence du froid, le rapport entre la partie ascendante et la partie descendante de la courbe reste à peu près le même (Gad et HEY.MANS,il, P., 1890), tandis que, sous l'intluence de la fatigue, l'allongement porte sur- tout sur la période de descente. Or Ja différence physiologique entre le muscle fatigué et le muscle refroidi est très grande, le premier ayant dépensé une grande partie de ses réserves, l'autre étant relativement intact. On pourrait donc faire la supposition que le processus de-relâchement s'accomplit d'autant plus lentement que les matériaux de réserve sont en quantité plus restreinte. Pour le prouver, Sche.nxk. recourut aux expériences sui- vantes. Il compara la forme de la contraction d'un muscle fatigué par excès de travail à celle d'un muscle qui était resté au repos, mais dont l'excitabilité était diminuée par une injection d'acide lactique, substance fatigante en première ligne, suivant les an- ciennes idées de Ranke. S'il est vrai que la fatigue est due à un épuisement de re'serves, alors le relâchement du muscle fatigué doit se faire beaucoup plus lentement que le relâ- chement du muscle acide. Les expériences vinrent confirmer pleinement ces vues. Si le muscle normal était fatigué au point que ses contractions étaient de hauteur égale à celle du muscle acide, alors la partie ascendante du tracé avait la même durée dans les deux cas, tandis que la partie descendante était toujours beaucoup plus longue pour le muscle fatigué. L'effet était le même pour les excitations indirectes que pour les excita- tions directes, pour le muscle curarisé que pour le muscle non curarisé, pour la contrac- tion isotonique que pour la contraction isométrique. En outre, le muscle tétanisé et lavé par une solution de soude dans le liquide physiologique présentait une ligne de des- cente un peu plus longue qu'à l'état normal. Les produits de la fatigue, élaborés au -cours du tétanos, ont donc été lavés ou neutralisés par la solution sodique, mais le tétanos a appauvri le muscle de ses matériaux de réserve. Ces expériences montrent, d'après ScHE.NCR, que le pi'ocessus de relâchement s'opère d'autant plus lentement que les matériaux de réserve du muscle sont en quantité plus restreinte. Cette relation qui existe entre les matériaux de réserve et la période de relâchement 's'explique bien, si l'on admet avec Montgomery que la période de relâchement est destinée à la reconstruction de la molécule, et se fait d'autant plus lentement que les matériaux de reconstruction sont moins abondants. Les expériences de Schenck ont donc bien mis en relief ce fait que la longueur déme- FATIGUE. 89 surée de la ligne de descente dès le début de la fatigue est liée au processus de répara- tion. Si la phase de raccourcissement est liée à la désassirailation du muscle, la phase de relàchenieut est l'expression de l'assimilation et d'une reconstruction moléculaire. C'est afin d'obéir aux exigences de la réparation que le muscle fatigué demande un temps si long pour se décontracter. Que cette réparation dépende de la reconstruction des réserves ou de l'éloignement des déchets, l'allongement que présente la phase de relâchement du muscle fatigué n'en est pas moins une nécessité biologique. C'est un mécanisme auto-régulateur qui assure la réparation. Occupons-nous maintenant des phénomènes de réparation. Après un repos de longue durée, la hauteur des contractions peut être récupérée intégralement chez la grenouille à circulation conservée; il arrive même que la secousse devient plus haute après le repos (Rollett). Le plus souvent cependant, elle n'atteint pas la valeur primitive. Après un long repos, la réparation porte aussi sur la durée de la secousse; celle-ci redevient nor- male comme longueur; en même temps elle acquiert de nouveau la propriété de s'al- longer de la même manière sous l'influence d'une nouvelle fatigue. Mais le cas ne se présente pas toujours. Il arrive fréquemment qu'après la réparation l'allongement de la secousse est beaucoup moins prononcé qu'auparavant (Rollett). Nous pouvons donc dis- tinguer plusieurs cas. En premier lieu, le muscle fatigué pour la deuxième fois (après réparation) peut se comporter exactement comme le muscle fatigué pour la première fois au point de vue de la propriété d'allonger ses secousses, c'est-à-dire que le ralentis- sement croit progressivement avec le nombre de secousses, qu'il affecte la période de relâche- ment plus que la période de raccourcissement, et que, à une phase très avancée de la fatigue, sa croissance subit un arrêt, et que même une décroissance jwut s'opérer. Ainsi, pour l'allon- gement de la secousse sous l'influence des excitations répétées, le muscle réparé est dans certains cas tout à fait comparable au muscle frais. Mais, dans d'autres cas, il peut en différer plus ou moins sensiblement. En règle générale, le muscle réparé a perdu la propriété d'allonger ses secousses lors des premières excitations ; l'allongement ne débute que bien plus tard. Ces deux modes de réparation ont été désignés sous le nom de réparation adaptée [anpassende Erholung), par Rollett, qui les a décrits pour la première fois (1896), Il existe en outre un troisième mode de réparation (réparation non adaptée, de Rollett), qui se distingue par un manque complet de régularité dans l'allongement de la secousse. Ces difierences dans la réparation s'observent indépendamment de l'amplitude atteinte par le muscle après le repos; elles plaident en faveur de l'opinion que l'ampli- tude est loin d'être l'unique facteur de la courbe influencé par la fatigue. Suivant Rol- LET, la figure donnée par Marev (Du mouvement, etc., 238; Trav. du labor., ii, flg. 69; La méthode graphique, flg. 264), et reproduite dans plusieurs manuels, comme un des plus beaux spécimens de la méthode graphique (flg. 6), a trait incontestablement à une expérience de réparation non adaptée; elle représente 88 contractions imbriquées verticalement; la forme de la première secousse, sa hauteur réduite, l'écart considé- rable entre les lignes de descente des premières secousses démontrent nettement ce fait. Examinons maintenant les phénomènes relatifs à l'allongement de la secousse, quand des séries de 50 contractions sont interrompues par de courts intervalles de repos (Rol- lett). Si la phase de repos atteint quinze minutes, alors, même après 1200 contractions, on n'observe encore aucun effet de fatigue. En diminuant le temps de repos, on arrive à obtenir des modifications, mais seulement dans les séries très éloignées. Enfin, avec un repos de trois minutes, on obtient des changements de série en séiùe. 11 se fait des chan- gements incessants dans le décours de la secousse, et l'influence de la réparation se manifeste par le retour des caractères propres aux séries antérieures. Les intervalles d'une demi à une minute ne se distinguent des intervalles de trois minutes que par l'apparition plus rapide des changements consécutifs à la fatigue et à la réparation. Ici également nous voyons se produire le même fait que dans les expériences précédentes : le muscle réparé a perdu la propriété d'allonger sa secousse dans la série suivante. C'est particulièrement le cas, quand un muscle fortement fatigué est soumis à un nouveau travail. Si l'intervalle entre les séries des contractions est de six secondes, alors, après 300 soulèvements, on n'observe plus de modifications appréciables. 90 FATIGUE. Ch, Richet a vu que le muscle de la pince de l'écrevisse s'épuise très rapidement et ne peut donner plus de 30 à 40 contractions de suite. Au contraire, les contractions de la queue de l'écrevisse sont analogues à celles du gastrocnémien de grenouille. Aucun muscle peut-être ne présente d'une manière aussi marquée une différence entre les cou- rants isolés et les courants fréquemment répétés que le muscle de la pince. Quand il n'estplus excitable par des courants isolés, il reste longtemps encore exci- table par les courants fréquemment répétés. L'ascension de la courbe musculaire est alors ex- trêmement lente, et la des- cente est aussi d'une très grande lenteur. La fig. 7 montre que la première excitation a un temps per- du assez court, mais que ce temps perdu va en aug- mentant pour les secousses successives, de sorte que la dernière secousse a un temps perdu qui est envi- ron le double de la pre- mière. Ch. Richet a ob- servé en outre sur le muscle de la pince une forme particulière de té- tanos qu'il a appelé ryth- mique. Après la contrac- tion initiale, le tétanso s'établit; mais, au lieu de former un plateau, il forme une ligne brisée régulière. Les constrictions et les relâchements du muscle se font suivant un certain rythme. La période d'épuisement du muscle de la pince, période pendant laquelle les excitations ne produisent plus de mouvement, est comparable à la période post-systolique du cœur iCh. Richet). Ranvier a découvert chez les vertébrés des muscles particuliers, qui, bien que volon- FiG.6. — (D'api es Makkyj Gi-aphique des secousses musculaires. Fia. 7. — (D'après Ch. Richet) Influence de la fatigue sur le temps perdu du muscle de la piace de l'écre- visse. (A chaque tour du cylindre se faisait au même point l'excitation électrique, laquelle est indiquée par le petit trait marqué^ur la ligne S des signaux électriques.) taires et composés de fibres striées, se contractent à peu près comme les muscles lisses. Il les appela muscles rouges, par opposition aux muscles striés ordinaires, qu'il désigna sous le nom de ^KÎ/es. Le temps perdu des muscles rouges est huit à dix fois plus considérable que celui des muscles pâles. Or, sous l'influence de la fatigue, les muscles ])âles prennent certains caractères des muscles rouges, par exemple l'augmentation du temps perdu, et on a dit que ces derniers sont des muscles pâles normalement fatigués. La durée de la secousse dans le muscle blanc est d'autant plus grande qu'il est plus FATIGUE. 91 fatigué, et ressemble de plus en plus à celle du muscle rouge non fatigué. La différence porte principalement sur la période de décontraction, qui est représentée par une ligne concave pour les muscles rouges, au lieu d'être convexe. En outre, entre le mode de réaction de ces deux espèces de muscles, il existe une différence caractéristique : tandis que dans les muscles blancs l'amplitude du tétanos est proportionnelle à la secousse (il y a une légère différence en faveur du tétanos), cette proportionnalité n'existe pas pour les muscles rouges, qui donnent encore un tétanos, alors qu'il n'est plus possible de produire des secousses isolées. Enfin, la forme de la ligne tétanique n'est pas la même, et c'est même là un fait sur lequel on s'est basé pour comparer la fatigabilité des deux espèces de libres. Il existe même certains muscles mixtes, par exemple le triceps humerai du lapin, lesquels, étant soumis à l'action d'un courant électrique, donnent un tracé qui au début est celui des muscles blancs, mais qui à la fin prend de plus en plus l'aspect de celui des muscles rouges. On en conclut que ce sont les fibres blanches qui se fatiguent les premières. Or, comme les fibres rouges sont plus riches en sarcoplasme que les fibres pâles, on en a conclu que les «niuscles riches en sarcoplasme (rouges) se con- tractent plus lentement, qu'ils sont moins excitables, se fatiguent plus lentement et meurent plus tard que les muscles pâles, pauvres en sarcoplasme, mais riches en fibrilles (Grûtzner). Bierfreund trouva que les muscles pâles entrent en rigidité plus vite que les rouges; les premiers au bout de 1-3 heures après la mort, les seconds au bout de li-lo heures dans les mêmes conditions. Le muscle cardiaque, qui est très riche en sarcoplasme, possède aussi une survie très longue. Rollett montra qu'en excitant le nerf scialique par l'électricité, les fléchisseurs se contractaient pour une intensité de courant beaucoup plus faible que les extenseurs. Grûtzner constata le même fait dans l'excitation directe; mais, si l'on continue l'excitation pendant quelque temps, alors la différence primitive s'efl'ace et disparait complètement. Cela signifie que les fléchis- seurs, composés en grande partie de fibres pâles, plus excitables, se fatiguent aussi plus vite que les extenseurs, composés en majeure partie de fibres rouges, moins excitables^ mais Iplus résistantes. Un phénomène semblable s'obtiendrait dans l'excitation des muscles du Bytiscus et de l'Hydrophile (Rollett). Les muscles du Dytisque, compose's de fibres pâles, ont une contraction rapide et se fatiguent beaucoup plus rapidement que les muscles de l'Hydrophile. Le muscle est composé d'éléments hétérogènes, et on peut dire que la contraction rapide est l'apanage d'une striation riche, tandis que la contraction lente est due à la richessse du sarcoplasme. Cette théorie a été aussi développée avec beaucoup de talent par BoTTAzzi. Les muscles extraits du corps des poïkilothermes et des invertébrés se fatiguent plus lentement et ont une survie plus longue que les muscles des homéothermes. Il y a pourtant des exceptions; la perte d'excitabilité est rapide chez les Poissons et les Insectes. Raphaël Dubois a enregistré les courbes de contraction du siphon de la Pholade dac- tyle, lorsque cet animal a été fatigué expérimentalement. 11 existe deux sortes de con- tractions : l'une locale, appelée par R. Dubois contraction primaire ou contraction de l'appareil avertisseur; et l'autre, générale, qui est une rétraction de tout le siphon (contraction secondaire). Sous l'influence de la fatigue on voit s'allonger considérable- ment la durée de la contraction, en même temps que son amplitude diminue. Si la fatigue est poussée plus loin, la contraction secondaire disparaît; puis, si l'on continue l'excitation, c'est la contraction primaire qui disparait à son tour, et enfin l'animal tombe, vis-à-vis de l'excitation lumineuse, dans l'inertie complète, alors que l'on peut encore provoquer des contractions par les excitations galvanique ou mécanique. Tétanos. — Un muscle qui, pour une raison quelconque, donne des contractions lon- gues, se laissera tétaniser par des stimulations moins fréquentes que celui qui donne des contractions brèves. Les muscles rouges entrent en tétanos pour une fréquence d'exci- tations bien moindre que les muscles pâles (Ranvier). La même différence sépare les muscles de la pince de l'écrevisse des muscles de la queue; les premiers entrant en téta- nos avec une extrême facilité (Ch. Richet). La fatigue, qui produit un allongement de la secousse, facilite l'apparition du tétanos. Par la fatigue et le refroidissement, le tétanos, d'abord incomplet, marqué par une ligne sinueuse, devient complet et se traduit par une ligne parallèle à l'axe des abscisses. Mais son amplitude est toujours plus grande que celle des secousses isolées. La fusion des secousses s'opère bien plus facilement pour un <)2 FATIGUE. muscle fatigué que pour un muscle frais; il en résulte qu'un nombre d'excitations qui ne suffirait pas pour faire entrer en tétanos un muscle frais, amène le tétanos d'un muscle fatigué. On peut constater sur l'homme lui-même cette fusion des secousses sous l'inQueuce de la fatigue. En employant la pince myographique de Marey, on peut voir au bout d'un certain temps les oscillations correspondant à chaque excitation disparaître peu à peu, et la courbe, primitivement ondulée, passer à l'état de tétanos complet (Marey). Quand l'excitation a une intensité très grande, la fusion des secousses peut même s'établir d'une façon immédiate; le raccourcissement musculaire atteint alors d'emblée son amplitude maximum, et il ne peut y avoir de superposition de secousses isolées. La fatigue, le froid et les intoxications ont la propriété d'allonger la contraction névro- musculaire aussi bien que la contraction idio-musculaire. Courbe de la fatigue. — La courbe de la fatigue donne une idée exacte de la décroissance successive de l'amplitude des secousses sous l'influence de la fatigue. Nous avons vu que la diminution d'excitabilité dépendait de plusieurs facteurs, et l'un d'eux, la hauteur (qui est l'expression du travail mécanique), peut même mesurer le degré de fatigue. En effet, la fatigue se caractérise, soit par la nécessité d'excitants plus énergiques pour obtenir le même degré de raccourcissement qu'avant la fatigue, soit, l'excitant restant le même, par une diminution de force. E. Neuman.x trouva que l'intensité de l'excitant induit doit être particulièrement grande pour les muscles fatigués, quand on emploie des courants de très courte durée. Ainsi la sensibilité du muscle aux excitants de courte durée est très diminuée dans la fatigue, que l'excitation soit directe ou indirecte. Au contraire, entre certaines limites, un muscle fatigué est plus sensible aux varia- tions brusques de potentiel qu'aux variations plus lentes (diflFérenee entre la clôture et la rupture (J. Ioteyko). H. Kron'ecrer (1870) a étudié avec détail les lois de la fatigue des muscles striés, au point de vue des modifications de l'amplitude des secousses. Les muscles (gastrocnémien et triceps de grenouille) étaient excités par des chocs d'induction appliqués au nerf scia- tique à des intervalles réguliers (2-12 secondes), et les hauteurs de soulèvement s'inscri- vaient successivement sur un cylindre enregistreur sous forme de lignes verticales dis- tantes d'un millimètre environ; les excitations étaient graduées de façon à donner le maximum de raccourcissement (excitation maximale); le muscle soulevait au moment de sa contraction un poids qui ne dépassait pas 30 grammes. En joignant par une ligne les extrémités supérieures des lignes verticales équidistantes, correspondant aux hau- teurs des soulèvements, on obtenait la courbe de la fatigue du muscle. Cette courbe, d'après Kroxecker, est une ligne droite, autrement dit la différence de soulèvement de deux lignes voisines (ou de deux contractions successives), est une constante, c'est ce qu'il appelle : différence de fatigue. Cette loi ne se rapporte qu'au muscle travaillant en surcharge, c'est-à-dire dans des conditions oîi le poids n'est soulevé qu'au moment de la contraction, et, dans les intervalles, il repose sur un support. Si, au lieu de ne faire soulever le poids par le muscle qu'au moment de sa contraction, on charge le muscle d'un poids avant sa contraction, de sorte qu'il subisse un allongement avant la contrac- tion, la ligne de fatigue est toujours une ligne droite, mais seulement jusqu'au point ofi elle coupe la ligne des abscisses tracée par le muscle inactif non chargé de poids, et, à partir de ce point, la différence de fatigue devient de plus en plus en petite à mesure que se suivent les excitations, et la ligne de fatigue se rapproche d'une hyperbole dont une asymptote est l'abscisse du muscle inactif et chargé {quatrième loi de la fatigue). La ligne de fatigue fait avec la ligne des abscisses un angle d'autant plus grand que les intervalles des excitations sont plus petits; la diflérence de fatigue diminue à mesure que les intervalles des excitations augmentent [deuxième loi de la fatigue). La différence de fatigue reste constante même pour des poids variables (troisième loi de la fatigue); les courbes correspondant aux difîérents poids sont parallèles entre elles, quand les inter- valles des excitations restent constants. Kronecker a donné les formules suivantes pour la fatigue musculaire. Si l'on repré- sente par D la différence de fatigue (constante pour les intervalles d'excitations constants et pour des poids constants), par y' la hauteur de soulèvement de la première contrac- tion, par 2/" la hauteur de soulèvement d'une contraction quelconque de la série, par FATIGUE. 93 n le nombre de contractions qui ont précédé la contraction de y", on a l'éqnation sui- vante : y^^ = y' — nD. Si dans les expériences avec le muscle travaillant en charge, on représente par o, la longueur d'extension du muscle par le poids, on a R = -4tj' Hermann a combattu cette dernière partie des conclusions de Kronecker. Ivo Novi a combattu aussi les idées de Kronecker, et se refuse à admettre la ligne droite de la fatigue. Le muscle est excité dans l'appareil de Novi d'une façon automatique au moment où il se repose après une contraction, et il peut lui-même régler l'intensité de l'excitation. Myographe de Pfluger; gastrocnémien de grenouille curarisée. Novi dis- tingue cinq phases dans le cours de la fatigue : 1° phase de courte durée; la hauteur des contractions augmente, contractions rapides; 2° phase trois à cinq fois plus longue que la précédente, contractions rapides : elles s'abaissent en formant une ligne ondulée; 3° phase moitié moins longue que la précédente, contractions ayant toutes à peu près la môme hauteur, mais plus lentes; 4° nouvelle augmentation de hauteur des contractions,, qui sont devenues encore plus lentes; cette phase dure plus longtemps que la précédente; 5° la plus longue de toutes les phases, contractions encore plus lentes, et ce n'est que cette phase qui correspond à la courbe classique de Kronecker. Alors la différence entre la hauteur des contractions est une constante. La courbe de la fatigue de Novi présente par conséquent deux convexités tournées en haut. D'après lui la première phase nous montre que, dans de certaines limites, la répétition de l'acte augmente la force musculaire; la seconde phase, que, quand cette- limite est dépassée, la répétition provoque une diminution de l'excitabilité; la troisième prouve que, jusqu'à un certain moment, le muscle reste en équilibre sous l'action de diiférentes forces agissant en sens contraire et ne se fatigue pas; la quatrième phase établit qu'avec les progrès de la fatigue l'élasticité musculaire va en diminuant et que le muscle a besoin d'un temps plus long pour arriver au stade de repos : les contrac- tions sont donc ralenties; mais, grâce à ce ralentissement, le muscle se contracte plus fort, parce qu'il n'est pas encore épuisé; enfin, dans la cinquième phase, malgré les in- tervalles encore plus espacés entre les excitations, le muscle est tellement fatigué que l'excitabilité va en décroissant. Il est impossible d'établir un terme de comparaison entre les conclusions de Novi et celles de Kronecker, vu les conditions totalement différentes de l'expérimentation ; suivant Kronecker la ligne droite n'est obtenue que dans les cas où les intervalles des excita- tions restent constants. Les expériences de Novi démontrent uniquement que, quand les intervalles sont variables, la courbe de la fatigue présente les particularités énumére'es plus haut. J. JoTEYKO (1896), qui a repris les expériences de Kronecker sur la grenouille, trouve que, dans la majorité des cas, la courbe de la fatigue d'un muscle constamment tendu est une ligne droite dans ses traits principaux ; mais une analyse minutieuse permet de distin- guer trois phases dans la courbe : 1^ phase d'entraînement (escalier) ou d'excitabilité augmentée, représentée par une ligne à convexité supérieure, qui elle-même est com- posée d'une phase d'ascension et d'une phase de descente; 'i° première phase de la fatigue, à partir du moment où les contractions sont descendues à la valeur qu'elles avaient au début, phase de descente rapide, représentée par une ligne droite : la différence de fatigue est considérable; 3° deuxième phase de la fatigue ou de descente ralentie, repré- sentée par une seconde ligne droite : la différence de fatigue est diminuée. Ces deux lignes droites forment entre elles un angle ouvert en haut, et, comme les transitions ne s'opèrent pas d'une façon très tranchée, il en résulte une ligne légèrement concave en bas. Ce tracé peut être rapproché de celui qu'ont obtenu Rossbach et Harteneck pour les animaux à sang chaud : il présente de grandes analogies avec les courbes obtenues par Mosso pour les muscles de l'homme; mais en même temps il est presque identique aux tracés de Kronecker pour le muscle travaillant en charge, après en avoir retranché la pre- mière phase, dont Kronecker ne tient pas compte. Dans un autre travail avec Gotsch (1880), Kronecker a étudié les lois de la fatigue da muscle tétanisé : il a reconnu que le tétanos qu'on obtient en excitant directement ou indirectement les muscles (curarisés ou non) des grenouilles ou des lapins, présente des- \)i FATIGUE. phases analogues à celles que donne rexcitation du muscle par ondes uniques périodi- quement répétées. La ligne du tétanos est une droite, et il y a ascension de la ligne, lorsque les excitations augmentent d'intensité, tandis que la fatigue est proportionnelle au nombre d'excitations. Les recherches de Kronecker ont été le point de départ d'expériences très nombreuses entreprises par différents physiologistes, qui ont appliqué à l'étude de la fatigue la mé- thode du professeur de Berne. Parmi ces travaux, mentionnons particulièrement celui de RossBACH (1876) et celui de Rossbach et Harteneck (1877) sur les animaux à sang chaud. Pour pouvoir faire des expériences de longue durée sur les homéothermes (chien, chat, lapin), les auteurs immobilisaient ces animaux par section transversale de la moelle Respiration artificielle. Le tendon du muscle exploré était relié au myographe de Marey; courants de rupture toutes les secondes; excitation maximale. Au commencement de l'excitation du nerf, on observe une augmentation d'excitabilité qui dure trois à cinq minutes chez le lapin, dix à quinze minutes chez le chien, vingt minutes chez le chat, de manière que les excitations les plus hautes peuvent atteindre le double de leur hauteur du début (escalier); le maximum d'excitabilité est plus vite atteint chez les herbivores que chez les carnivores; chez les premiers, après 60-100 contractions; chez les seconds, après 200 contractions. Cette augmentation d'excitabilité s'observe aussi pour le muscle fatigué, après chaque phase de repos et de réparation. A cette phase d'excitabi- lité augmentée succède bientôt une phase de diminution de l'excitabilité, et la décrois- sance des hauteurs se fait très régulièrement, de sorte que le profil de la fatigue est représenté par une li(j7ie droite pour les animaux à sang chaud. Mais, quand la circula- tion est arrêtée (ligature de l'aorte), on n'observe plus le phénomène de l'escalier chez les animaux à sang chaud. Un muscle soustrait à la circulation se fatigue en deux à sept minutes, et, après 120-140 contractions, l'excitation du nerf devient inefficace. TiEGEL (1875) a repris l'étude de Kronecker sur les grenouilles pour les excitations sous-maximales, et il est arrivé exactement aux mêmes lois pour le muscle qui se charge au moment de la contraction. De même, pour le muscle curarisé, la courbe de la fatigue est une ligne droite. La loi s'applique aussi au muscle privé de circulation et soigneuse- ment lavé par une solution de chlorure de sodium à 0,o p. 100. Ainsi, la courbe de la fatigue du muscle en surcharge reste toujours une droite (excitations maximales ou sous-maximales, curarisation, anémie) pourvu que les intervalles des excitations et l'in- tensité restent constants. Un fait curieux, et qui paraît même assez étrange, c'est que la différence de fatigue (D) possède une valeur plus grande lors des excitations sous-maxi- males que lors des excitations maximales (Tiegel). Autrement dit, la courbe de la fatigue présente une descente plus rapide vers la ligne des abscisses, et le muscle se fatigue plus rapidement pour des excitations sous-maximales que pour des excitations maximales. Kronecker a confirmé aussi les résultats de Tiegel, savoir que la courbe de la fatigue est une ligne droite pour les excitations sous-maximales. Tiegel a trouvé en outre que, quand le muscle travaille avec des excitations sous- maximales, il peut toujours donner une amplitude plus grande pour une excitation plus intense; mais, quand le muscle travaille avec des excitations maximales, il ne peut jamais à aucune phase de la fatigue, se contracter plus énergiquemeut, quand on augmente l'intensité de l'excitation. Si l'on excite le muscle pendant un certain lemps avec une intensité donnée de cou- rant, et si l'on diminue l'intensité de cette excitation, pendant une vingtaine de secousses, alors, à la reprise de l'intensité initiale, les premières secousses auront une amphtude plus grande que celle que le muscle a fourni avant que l'intensité n'a été diminuée. Pendant l'excitation sous-maximale il y a eu réparation (Tiegel). Certains auteurs se sont élevés contre différentes parties des conclusions de Kronecker. Ainsi Valentin trouve que les premières contractions du gastrocnémien non seulement ne diminuent pas de hauteur, mais augmentent sensiblement. Mais la contradiction est plutôt apparente que réelle, car Kronecker fait lui-même la remarque qu'il n'avait pas tenu compte des premières contractions pour apprécier la courbe de la fatigue. L'augmen- tation d'excitabilité du début semble s'observer en effet dans tous les cas et a été l'objet d'études détaillées (Ch. Richet, Waller, Rollett). FATIGUE. 95 Ajoutons que Limbourg, en employant des excitants chimiques, a retrouvé la ligne droite de Kronecker. La descente de la ligne est plus brusque quand on opère avec les excitants chimiques. Cybulski et Zanietowski ont comparé la rapidité avec laquelle sur- vient la fatigue lorsque deux préparations névro-musculaires sont excitées; l'une par l'appareil d'induction de Du Bois-Reymond, et l'autre par les décharges d'un condensa- teur. Ils trouvèrent qu'une plus longue durée s'observait dans le tétanos obtenu par des excitations descendantes du nerf au moyen du condensateur. Pour la courbe de la fatigue chez les invertébrés, J. Ioteyko s'est servie de la pince de l'écrevisse détachée du corps, dont la branche fixe est solidement attachée à une planchette de liège; un excitateur est placé dans la patte à l'endroit de la section, l'autre pénètre dans le bout ouvert de la pince fixe. On attache un fil à la branche mo- bile, et on la relie au levier enregistreur d'un myographe ordinaire (procédé de Ch. Richet). L'étude de la fatigue de la pince de l'écrevisse est rendue assez difficile par la tendance des muscles à entrer en contracture et même en tétanos; même avec des exci- tations assez espacées et d'intensité moyenne, les secousses isolées font bientôt place à un tétanos physiologique, qui se transforme en rigidité cadavérique quand on pro- longe l'expérience; on ne peut, par conséquent, en tirer de conclusions relativement à la fatigue. Les contractions de la pince de l'écrevisse sont loin de présenter le même degré de régularité que les secousses du gastrocnémien de grenouille, et on n'a ici rien d'analogue à une ligne droite de la fatigue. En outre, il arrive fréquemment que l'exci- tabilité de la pince disparaît tout d'un coup, sans présenter des contractions à hauteur décroissante. La courbe de la fatigue chez les grenouilles présente souvent quelques irrégularités, dues à des phénomènes de différent ordre, dont les principaux ont été décrits sous le nom de contracture, d'addition latente de secousses et de lignes ondulées. L'étude de la contracture a déjà été faite (voir ce mot), nous ne nous y arrêterons donc pas. Notons toutefois que Tiegel, Funkr, Rossbach et Harteneck ont vu la contrac- ture se produire chez les grenouilles avec d'autant plus de facilité qu'elles se trouvaient à un stade plus avancé de la fatigue, tandis que Ch. Richet l'a observée sur les écrevisses fraîches et très excitables. Avec la contracture, Mosso a observé chez l'homme une grande irrégularité dans la hauteur des contractions. Parmi les irrégularités dans la courbe de la fatigue chez les grenouilles, notons l'apparition de contractions isolées, s'éievant notablement au-dessus du niveau de la courbe, dues probablement à un phénomène d'addition latente (sommation); ce phé- nomène ne se produit jamais avec un muscle salé (Tiegel). On a aussi constaté (Funke) l'apparition de plusieurs secousses plus grandes, auxquelles succède une série de secousses plus petites, ce qui donne à la courbe l'aspect d'une ligne ondulée {Wellenli- nie), phénomène observé à toutes les phases de la fatigue et attribué à des oscillations de l'élasticité musculaire. Santesson décrit une particularité de la courbe de la fatigue observée déjà par Boehm sur les muscles de la grenouille et appelée par lui crochet {Hacken). Elle consiste en ce que la deuxième contraction est plus basse que la première, la troisième et la qua- trième sont encore plus basses, et ce n'est qu'à leur suite que commence l'escalier. En se servant de l'ergographe, J. Ioteyko a constaté sur ses propres courbes une particularité constante et caractéristique : la première et quelquefois les deux premières contrac- tions, sont plus élevées que les suivantes; ce n'est qu'ensuite que commence la courbe de la fatigue proprement dite. En excitant le muscle alternativement par des ondes de clôture et des ondes de rupture on obtient deux courbes de la fatigue : l'une qui unit le sommet des contractions à la rupture et l'autre le sommet des contractions à la clôture. Nous avons déjà vu que la secousse de clôture, qui est toujours moins intense que la secousse de rupture, diminue plus rapidement d'amplitude et disparaît la première. H est intéressant de suivre le rapport qui existe entre ces deux courbes. Tiegel a trouvé que la courbe de la fatigue présente une descente plus rapide N^ers la ligne des abscisses, et que le muscle se fatigue plus rapidement pour des excitations sous-maximales que pour des excitations maximales. La clôture étant sous-maximale relativement à la rupture, on comprend sa disparition précoce. Toutefois, on peut sup- 96 FATIGUE. poser que les deux espèces d'ondes de clôture et de rupture ne sauraient être rigoureu- sement comparées aux ondes sous-maximales et maximales du même courant. D'après FuNKK, la clôture disparaît la première, même quand les deux espèces d'ondes sont maximales. Tiegel pense que, dans les expériences de Funke, seules les ruptures étaient maximales. D'après lui, la rupture et la clôture se comportent exactement comme les FiG. 8. — (D'après J. Ioteyko) Les effets de la fatigue sur la contraction de clôture et de rupture du courant d'induction. courants maximaux et sous-maximaux, c'est-à-dire que l'effet de la clôture, qui est moins énergique, disparaît le premier, tandis que l'effet de la rupture persiste encore. J. loTEYKO, qui a fait une étude détaillée de la courbe de la fatigue pour les courants de clôture et les courants de rupture alternés, arrive à la conclusion que, dans la très grande majorité des cas, la courbe qui correspond à la clôture disparaît bien avant la courbe de la rupture; mais les courbes respectives ne forment pas deux lignes paral- lèles. Bien au contraire, si, dès le début, la secousse de clôture est plus basse que la FiG. 9. — (D'après J. Iotkyko) Les effets de la fatigue sur la contraction de clôture et de rupture du courant d'induction. secousse de la rupture, la différence ne fait que s'accentuer avec les progrès de la fatigue, et les deux lignes s'écartent sensiblement l'une de l'autre. La figure 8 démontre bien ce phénomène. D'abord un escalier des plus manifestes. Dés le début, la clôture est moins haute que la rupture; les deux sortes de secousses s'élèvent avec l'escalier, mais l'entraînement est bien plus manifeste pour la rupture. L'escalier prend fin très brusquement, et aussitôt la divergence entre les deux courbes de la fatigue commence à se montrer. Nous obtenons deux lignes presque droites, mais nullement parallèles. Quand la courbe de la fatigue à la clôture a pris fin, la rupture continue encore fort longtemps. Ainsi donc le cas le plus fréquent est représenté par deux courbes de la FATIGUE. 97 fatigue qui sont des lignes droites non parallèles, et dont la divergence s'accentue de plus^n plus avec les progrès de la faligue. Un second type de courbe, beaucoup moins fréquent que le premier, est représenté par deux lignes parallèles; mais, après la cessation de la clôture, la secousse de rupture se prolonge encore assez longtemps (fig. 9), plus long- temps que ne l'exige le parallélisme. Ce fait semble prouver que les excitations inefficaces (cessation de l'effet de la clôture), quand elles sont appliquées à un muscle déjà fatigué, n'y produisent aucun effet (confirmation des expériences de Funke). Un troisième type de courbe consiste en ce que, au début, les deux secousses sont d'égale hauteur, mais peu à peu la clôture commence à fléchir, et, à partir de ce point, la différence avec la rupture ne fait que s'accen- tuer, surtout quand les deux ondes sont maximales. Il est cependant intéressant de constater qu'avec les progrès de la fatigue l'onde de clôture cesse d'être maximale. Un quatrième type, qui se rencontre de même dans la secousse maximale, consiste en ce que les deux secousses se maintiennent à la même hauteur depuis le commencement jusqu'à la fin. Enfin le cinquième 'type comprend les tracés oili, la rupture étant très régulière et la courbe représentée par une ligne droite (fig. 10), la clôture décrit une courbe à périodicité très marquée et assez régulière dans sa distribution. Cette forme de courbe de la clôture peut être indiquée sous le nom de périodique ou rythmique (J. lOTEYKO). Nous pouvons maintenant par l'examen de ces courbes savoir bien nettement si, dans la fatigue, la fermeture et la rupture du courant induit se comportent exactement comme les courants sous-maximaux et maximaux, ainsi que le prétendait Tiegel. Que les deux courbes s'écartent sensiblement l'une de l'autre dans la fatigue, cela paraît être simplement en rapport avec la descente plus rapide de la fatigue sous-maximale. Mais il y a deux raisons qui nous empêchent d'assimiler les effets de la fermeture et de la rupture à ceux des 'courants sous- maximaux et maximaux : i° la différence entre l'effet physiologique des deux ordres peut être absolue, au point qu'il est impossible de les égaliser malgré l'emploi de courants les plus forts; cette différence s'accentue avec les progrès de la fatigue; 2° la différence entre l'effet physiologique des deux ondes peut être nulle au point de vue mécanique, car elles ont toutes les deux la même hauteur et s'accroissent de la même valeur si on augmente le courant. Et pourtant, avec les progrès de la fatigue, nous voyons naître et s'accen- tuer la divergence, toujours au préjudice de la ferme- ture (J. loTEYKo). Ce fait montre que les courbes de la fatigue des ondes induites de fermeture et de rupture ne suivent pas les lois élablies par Tiegel pour les courants maximaux et sous-maximaux. Entre les efl'ets des deux ondes existent des différences qualitatives : sous l'influence de la fatigue (le môme fait se produit dans l'anesthésie des nerfs), V effet moteur des ondes induites de fermeture est plus fortement diminué que l'effet moteur des ondes induites de rupture, même dans les cas où, au début, la différence entre l'effet mécanique des deux ondes était absolument nulle. Or, en raison même de la constitution des deux ondes, la différence qualitative peut être ramenée à une ques- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 98 FATIGUE. tion de rapidité de la variation du potentiel électrique (la différence quantitative étant due à une différence d'intensité). Dans la fatigue, les courants à variation de potentiel moins brusque tendent à devenir inefficaces beaucoup plus vite que les courants à variation de po- tentiel plus brusque (bobine de Du Bois-Reymond et interrupteur à mercure). Nous pouvons en déduire que : la perte d'excitabilité, survenant dans la fatigue, se caractérise, non seule- ment par la nécessité d'employer des courants de plus en plus intenses pour produire le même effet qu'au début, mais aussi par la nécessité d'employer des courants à variation de potentiel plus brusque. Dans la fatigue, il j a perte de la sensibilité aux variations lentes de potentiel. Il est certain que cette sensibilité aux variations brusques de potentiel élec- trique doit être dévolue au nerf et non à la substance musculaire, laquelle dans tous- les cas est excitée par l'intermédiaire du nerf (même d'après la tbéorie classique, qui, en attribuant au nerf une excitabilité plus grande au courant faradique qu'au muscle, con- sidère les contractions du muscle non curarisé comme indirectes) (J. Ioteyko). L'étude F£G. 11. — (D'après J. Ioteyko) Courbes de la fatigue par excitation directe de la moelle (grenouille). Le tracé de droite est obtenu après trente minutes de repos. de l'anesthésie venant compléter ses données, nous pouvons conclure que le premier stade de la perte de l'excitabilité (fatigue ou anesthésie) se caractérise non par l'impos- sibilité de réagir à la même force de l'excitant, mais par l'impossibilité de réagir à une variation trop lente. Dans une série de contractions isométriques, la forme de la fatigue a la forme d'une S, c'est-à-dire qu'elle est d'abord concave, puis convexe vers l'abscisse (Waller). J. Ioteyko a aussi étudié la forme de la courbe de la fatigue d'origine centrale ou réflexe, c'est-à-dire obtenue soit en excitant directement la moelle chez des grenouilles, soit en excitant un sciatique et en inscrivant les contractions du gastrocnémien du côté opposé. De même que le tétanos rétlexe, la courbe de la fatigue produite par exci- tation réflexe ou centrale possède une grande variabilité de formes. La courbe de la fatigue est très régulière, mais elle peut affecter toutes les formes imaginables. Sur la fig. 11, nous voyons deux courbes de la fatigue, obtenues par excitation centrale de la moelle au moyen d'ondes périodiques; elles sont séparées par trente luinutes de repos. L'extrême régularité de ces tracés est à signaler; la courbe présente une pente très rapide à concavité supérieure, et exactement les mêmes caractères se retrouvent sur le second tracé après la réparation. C'est là une forme de courbe assez rare. La fig, 12 peut être considérée coinme le type de la courbe de la fatigue, aussi bien pour les centres que pour les organes périphériques. C'est la forme la plus fréquente, avec cette différence que les formes aberrantes sont relativement rares pour la courbe FATIGUE. 99- de la fatigue directe; elles se rencontrent plus souvent dans l'étude de la fatigue réflexe ou centrale. La contracture se produit assez souvent dans l'excitation des centres ner- veux. En somme, le passage de la transmission à travers les centres nerveux ne paraît pas modifier essentiellement la courbe de la fatigue. Les différences sont d'ordre secon- daire; elles portent sur la durée plus grande de la première phase (escalier) de la courbe et sur sa variabilité plus fréquente. Il paraît certain que la courbe de la fatigue centrale ou réflexe emprunte ses caractères à des particularités d'ordre périphérique, et que le travail médullaire est limité par le travail des organes terminaux. Examinons maintenant la courbe de la fatigue chez l'homme. En employant l'ergo- graphe pour ces recherches, A. Mosso a pu se convaincre que, dans un certain nombre de cas, la hauteur des contractions va en décroissant d'une façon régulière et que leur som- met se trouve sur une ligne droite, bien que l'irrégularité soit ici beaucoup plus accen- tuée que pour les muscles de grenouille. Dans d'autres cas, surtout avec des poids lourds, la courbe présente une convexité tournée en haut ou en bas; quelquefois elle forme une double courbe (S italique). Le profil de la fatigue change pour bien des causes : influence du poids, fréquence des contractions, fatigue précédente ou repos, différences de saison, de régime, influence des émotions, etc. Mais, chose remarquable, chaque individu a sa FiG. 12. — {D'après J. Ioteyko) Courbe de la fatigue par excitation directe de la moelle et enregistrement des contractions du gastrocnémien d'un côté (grenouille). Réduction aux deux^tiors de l'original. courbe de fatigue qui lui est propre (Mosso); les tracés se distinguent facilement les uns des autres, même après des années. La quantité de travail mécanique peut toutefois varier dans d'assez grandes limites. Quoique la raison des caractères personnels de la courbe nous soit encore inconnue, il est certain que la courbe indique la variété que chaque per- sonne présente dans la manière dont elle se fatigue. On dirait, dit Mosso, que, dans la courbe musculaire enregistrée par l'ergographe, nous lisons la différence si caractéris- tique que présentent certains sujets qui différent dans la résistance au travail. Quelques- uns se sentent soudainement fatigués et cessent tout travail, tandis que d'autres, plus persévérants, dépensent graduellement leurs forces. L'ergographe nous donne ainsi l'in- scription d'un des faits les plus intimes et les plus caractéristiques de notre individu : la manière dont nous nous fatiguons, et ce caractère particulier se maintient constant. Si chaque jour, à la même heure, nous faisons une série de contractions avec le même poids et suivant le même rythme, nous obtenons des tracés qui présentent tou- jours la même forme. En employant des poids de 3 à 4 kilogrammes et en répétant les contractions chaque deux secondes, on fait géne'ralement 40 à 80 contractions qui décroissent régulièrement. Lorsqu'on travaille avec un poids pas très considérable, on sent que, tout d'abord, on atteint le maximum de la flexion sans que les muscles aient fait tout l'effort dont ils sont capables; mais, lorsqu'on est fatigué, on ne réussit plus à soulever le poids, qui paraît plus lourd (Mosso). Dans le travail ergographique deux muscles travaillent en même temps, le fléchisseur profond et le fléchisseur superficiel; et les interosseux ne sont pas absolument exclus. Tous les auteurs qui, après Mosso, se sont occupés d'ergographie, insistent sur les caractères individuels des tracés ergographiques, qui les rendent aussi reconnaissables que les particularités graphiques de l'écriture. Les spécimens qui se trouvent dans le 100 FATIGUE. chapitre consacré à la fatigue des mouvements volontaires démontrent bien ces particu- larités. Si l'organisme ne se trouve pas dans des conditions identiques, alors nous obser- vons une grande différence en plus on en moins dans le travail mécanique. La forme de la courbe se maintient toutefois constante. Et il faut un changement important dans la nutrition intime du sujet, une modification en quelque sorte de sa constitution, pour obtenir une modification de sa courbe. Ainsi Maggiora, qui a travaillé pendant sept ans avec Mosso à l'Institut physiologique de Turin, a présenté un changement de la courbe entre la quatrième et la sixième année. Il est devenu plus fort, et sa santé s'est améliorée. Il résiste mieux à la fatigue, et, tandis que sa courbe, dans la première période, va décroissant rapidement, ce qui est sa caractéristique personnelle, elle présente dans la seconde période une résistance suffisante à la fatigue avant que son énergie soit totalement épuisée. Mosso a noté que les variations sont plus marquées chez ses collègues plus jeunes, que chez lui-même, dont le type graphique est resté invariable. €oLucci trouve que le tracé ergographique est capable de révéler même les phénomènes psycho-dynamiques individuels. Une différence notable dans la force se produit avec le changement de saison. L'exer- cice est aussi une des conditions qui augmentent beaucoup la force des muscles. C'est ainsi que Aducco, après un mois d'exercice quotidien, obtenait avec l'ergographe un travail double de celui qu'il produisait dans les commencements. En analysant la courbe ergographique, A. Binet et N. Vaschide ont reconnu qu'il y avait lieu de considérer trois éléments : 1° le nombre des soulèvements ; 2° la hauteur maximum des soulèvements; 3° la forme générale de la courbe, qui est donnée parle contour des sommets de tous les soulèvements. Comme le profil de la courbe ergographique paraît très difficile à apprécier, on peut, dans certains cas, le remplacer par une donnée plus simple, qui est la hauteur de soulèvement prise au milieu du travail ergographique (soulèvement médian); ainsi, dans un travail composé de trente-six soulèvements, cette hauteur est celle du dix-huitième soulèvement. Cette donnée permet de savoir si un sujet a maintenu longtemps la force qu'il avait au début de l'expérience, ou si, au con- traire, ses forces ont diminué rapidement. Une courbe ergographique est composée de deux éléments : la hauteur du soulève- ment et le nombre des soulèvements. Hoch et Kraepelin (1893), en poussant plus loin les recherches de Mosso et de l'École italienne, ont reconnu que ces deux facteurs étaient indépendants l'un de l'autre, car ils peuvent varier séparément. Ils ont rattaché la hauteur des soulèvements au travail des muscles, leur nombre au travail des centres nerveux. Le rapport entre la hauteur totale et le nombre de soulèvements, auquel J. loTEYKO a donné le nom de quotient de la fatigue, est l'expression de la résistance individuelle à la fatigue. Il ne se confond pourtant pas avec la courbe de la fatigue, celle-ci étant l'expression du quotient de la fatigue en fonction du temps. En effet, dans la courbe de la fatigue nous pouvons lire le rapport qui existe entre la hauteur des soulèvements et leur nombre à chaque instant de l'expérience. Mais nous pouvons prendre des quotients partiels, c'est-à-dire le rapport qui existe entre l'effort et le temps à différents moments de la courbe. Pour avoir un quotient de la fatigue exactement comparable à lui-même, il faut fournir deux tracés ergographiques dans la même séance, en prenant un repos suffisant entre les courbes pour faire disparaître toute trace de fatigue précédente. On voit alors une identité parfaite entre le travail mécanique des deux tracés, entre les deux quotients de la fatigue et entre la forme des deux courbes, si bien que la seconde semble être la photographie de la première (J. Ioteyko). Ce procédé, qui met complètement à l'abri des erreurs, montre qu'il y a là, à n'en pas douter, matière à l'établissement d'une loi psycho-mécanique de l'épuisement moteur à formule mathématique. Mais la forme de la courbe change pourtant quand le sujet est en état de fatigue. Le quotient de la fatigue subit alors une diminution (Voir cha- pitre V). Pour ce qui est du travail physique exagéré, des marches forcées, des veilles et du jeune, Maggiora a vu que les tracés obtenus après le jeûne ressemblent à s'y mé- prendre à ceux qu'on obtient après de grandes fatigues. Il y a cependant une diffé- rence importante : la faiblesse du muscle provenant du jeûne disparaît rapidement dès u'on prend de la nourriture, tandis que, dans la fatigue qui suit une marche forcée ou FATIGUE. 101 l'insomnie, la prise d'aliments n'a qu'une faible influence restauratrice; un temps bien plus considérable est nécessaire à la réparation; le repos du système nerveux au moyen du sommeil est indispensable. Et même, d'après Manca, les variations de force du jour de jeûne ne sortent pas des limites des variations normales. Dans des expériences faites sur lui-même, Warren Lombard (1892) constata qu'il y a des variations diurnes dans la courbe ergograpbique. Le pouvoir de motricité est moindre le soir que le matin; le repos d'une bonne nuit le fait augmenter. Les repas exercent une influence restauratrice. En comparant ses tracés pris pendant plusieurs années successives, Maggiora remarqua qu'avec l'âge sa force avait augmenté dans de très larges limites. Il attribue ces chan- gements à l'âge; car il n'a pas été malade durant toute cette époque, et son poids n'a pas varié. Cette augmentation de force est la démonstration expérimentale de ce fait d'observation courante, que le passage du jeune âge à l'âge adulte est accompagné d'un renforcement d'énergie de tout l'organisme. Binet et Vaschide, comparant la force dynamométrique chez les jeunes garçons et les jeunes gens, ont vu que la fatigue arrive plus vite chez l'enfant que chez l'adolescent Warren Lombard a observé une forme de courbe de la fatigue assez particulière. Dans la contraction volontaire, étudiée par l'ergographe de Mosso, il vit très fréquemment l'aptitude au travail diminuer et s'accroître successivement plusieurs fois dans la même expérience. Durant les intervalles de la décroissance de la force, la contraction des muscles allait presque jusqu'à disparaître complètement, tandis que, dans les périodes d'augmentation, la force devenait égale à celle qui avait été déployée au commence- ment. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas constant; on ne l'observe que sur certaines personnes. Le tracé périodique, caractérisé par une perle périodique et par un accrois- sement successif des forces, apparaît seulement après qu'on a accompli un travail con- sidérable, avec des poids lourds et une grande fréquence des contractions. La perte périodique et le rétablissement de l'action de la volonté sur le muscle ne dépendent pas des changements dans la nutrition du muscle (ils ne sont pas empêchés par le massage). Ils ne dépendent pas non plus des variations dans l'excitabilité des nerfs et des muscles, puisque, au moment où la contraction volontaire est presque impossible, le muscle répond à l'excitation directe et indirecte (par le courant électrique). Les altérations qui produisent la périodicité doivent être placées, suivant Warren Lombard, dans quelque mécanisme central nerveux qui se trouve entre les régions du cerveau d'où part l'impul- sion de la volonté, et les nerfs centrifuges, Maggiora a confirmé le fait, que les périodes ne se manifestent pas quand les muscles se contractent par l'irritation électrique appli- quée aux troncs nerveux ou directement sur les muscles. Ces deux auteurs considèrent les périodes comme un phénomène d'ordre central, et le localisent au-dessous des centres de lavolition, lesquels chaque fois envoient aux organes périphériques un ordre égale- ment énergique, c'est-à-dire celui de la contraction maximum. Les périodes sont un effet de la fatigue, et consécutivement d'un défaut de coordination fonctionnelle ; mais au point de vue du travail mécanique ils présentent un gain considérable. Les expériences récentes de Trêves combattent la manière de voir des deux auteurs précédents. Ce physiologiste a constaté une périodicité très nette dans le tracé de la fatigue du gastrocnémien de lapin travaillant en surcharge et excité par l'électricité; Les tracés qu'il donne sont absolument démonstratifs. Selon Trêves, la périodicité serait due aux oscillations du rapport entre le muscle et le travail selon les conditions méca- niques dans lesquelles nous le faisons travailler. Comme le muscle en se fatiguant subit des modifications d'élasticité, quand celle-ci diminue, le muscle exécute moins de tra- vail; or, dans le muscle en surcharge, c'est-à-dire dans les conditions du poids avec appui dans l'intervalle des excitations, le muscle ne sera pas tendu constamment, il pourra se reposer en partie dans l'intervalle des excitations, son élasticité se rapprochera de la normale, et alors apparaîtra une nouvelle période de travail plus considérable, qui tendra à l'abaisser de nouveau graduellement. Si, au contraire, nous faisons travailler le muscle en charge complète et, par conséquent, en tension constante, les périodes n'apparaîtront plus ni chez le lapin, ni chez l'homme. S'il en est ainsi, on a le droit de se demander si le tracé périodique ne serait pas autre chose que le phénomène de « lignes ondulées » dont parle Funke en 1874 en ces termes : « La courbe de la fatigue qui touche à sa fin présente souvent des « lignes oa- i02 FATIGUE. dulées, caractérisées par plusieurs secousses plus hautes, auxquelles succède une série de secousses plus basses, phénomène dont on s'est beaucoup occupé et qui est dû à des oscillations de l'élasticité musculaire. » Mosso s'est aussi occupé de l'influence qu'exerce un appui sur la courbe de la fatigue. Suivant ce physiologiste, l'influence d'un appui est nulle. Si, dans le décours d'une courbe, on enlève soudainement l'appui, il en i^ésulte un vide en bas en forme de triangle, sans que la courbe de la fatigue montre quelque variation sensible. On peut, au moyen de l'appui, dispenser le muscle d'une bonne part de son travail, sans que la courbe de la fatigue change. Kronecker avait déjà dit, pour les muscles de la grenouille, que la fatigue reste la même, pourvu que les excitations restent constantes. En irritant le nerf médian, et en enlevant soudainement l'appui, on remarqua un léger eS'et sur la courbe de la fatigue. Il est probable, dit Mosso, que, pour le muscle frais, dans ses pre- mières contractions, le poids est indifférent, de telle sorte que, l'ordre une fois donné au muscle de se contracter, celui-ci produit un maximum de raccourcissement, aussi bien si le poids doit être soulevé pendant toute la durée de la contraction maximum que s'il doit l'être seulement pendant une partie de celle-ci; mais, l'énergie du muscle dimi- nuant par suite de la fatigue, le muscle alors profite de l'appui qu'on lui donne. Avec l'excitation électrique, dès qu'on se sert de l'appui, les contractions deviennent un peu plus hautes et se maintiennent tant que dure l'appui. Mosso a excité directement le muscle ou le nerf médian au moyen de l'électricité, afin d'éliminer l'élément [psychique. Le courant inducteur était interrompu toutes les deux secondes. L'application du courant tétanisant se faisait au moyen de deux boutons métaUiques recouverts d'une éponge imbibée d'eau acidulée. A cause de la douleur que produit l'application de l'électricité, il est impossible d'obtenir des contractions maxima. Il est aussi impossible de faire soulever par le doigt médius des poids lourds. Généra- lement, il ne faut pas dépasser 400 grammes. Les tracés de la fatigue artificielle ne sont donc pas strictement comparables aux tracés de la fatigue volontaire, et cependant, chose remarquable, le muscle suit la même courbe, qu'il soit excité par la volonté ou par C électricité. C'est donc avec juste raison que Mosso conclut de ces expériences que les phénomènes caractéristiques de la fatigue ont leur siège à la périphérie et dans le muscle; l'influence psychique n'exerce pas une action prépondérante, et la fatigue peut encore être un phénomène périphérique. Nous devons admettre, avec Mosso, que les muscles ont une excitabilité et une énergie propres, qu'ils s'épuisent indépendamment de l'excitabilité et de l'énergie des centres nerveux. Nous devons transporter à la périphérie et dans les muscles certains phénomènes de fatigue qu'on croyait d'origine centrale. Derninzo.n'e obtint des courbes de la fatigue en excitant mécaniquement le nerf médian au moyen d'un instrument spécial appelé vibrateur. Le bras droit était attaché à l'ergographe, et le médius soulevait un poids de 4 kilogrammes avec intermittences de deux secondes. Le travail mécanique est plus considérable avec l'excitation méca- nique. La même augmentation de travail s'observe dans l'excitation mécanique de la région motrice correspondante de la tête. L. Patrizi a construit un ergograpbe crural, qui inscrit l'oscillation de la jambe d'arrière en avant. Cet appareil a été destiné surtout à des recherches névropathologiques, dans lesquelles il peut être intéressant de pouvoir comparer la force de l'extrémité supérieure avec celle de l'extrémité inférieure. L'auteur donne des tracés de la fatigue volontaire et artificielle (électrique) de la jambe. Ainsi, par exemple, un individu, qui donne normalement li'sm,!! (fatigue volontaire), ne fournit plus que G'^'6m^83 après une course de 20 kilomètres. Casarlni (1901) a repris cette étude. G. C. Ferrari a fait des recherches ergographiques sur la femme. Il existe une différence profonde entre la fatigue ergographique chez l'homme et chez la femme. Chez celle-ci, la main gauche est mieux développée que chez l'homme. C'est là un fait presque constant, qui montre que chez la femme le cerveau droit est plus développé. Mais la fatigue ergographique de la main droite est la même chez l'homme que chez la femme. L a réparation de la fatigue ergographique a été étudiée par un grand nombre d'au- teurs. Il y aurait là une étude très intéressante à faire, relativement à l'âge, au sexe, •aux races, aux conditions d'existence, etc. On peut dire dès aujourd'hui que toutes ces FATIGUE. 103 influences doivent être très manifestes, bien qu'elles n'aient pas encore été recherchées. En tout cas, le temps de réparation n'est pas le même selon les différents auteurs. Ainsi, d'après l'école italienne, il faut deux heures (temps moyen) pour faire disparaître tout signe de fatigue ergographique ; les sujets d'expériences ont été les assistants, et les jeunes professeurs des Universités italiennes. Binet et Vaschide, qui ont expérimenté sur douze jeunes gens français, de seize à dix-huit ans, trouvent qu'une demi-heure de repos est suffisante pour réparer complètement la fatigue à l'ergographe. Frey trouve que la réparation d'un muscle fatigué à l'ergographe se fait au bout d'une heure de repos (Suisse). J. loTEYKO a vu, sur vingt étudiants de l'Université de Bruxelles, âgés de vingt ans environ, que le temps de dix minutes de repos suffisait pour dissiper complètement les effets de la fatigue ergographique, et même que, dans certains cas, cinq minutes de repos pouvaient produire cet effet. C'est aussi le temps (dix minutes) indiqué par Kraepeli.n (expériences faites à Heidelberg). Bibliographie. — Berninzone (M. R.). Influenza délia eccitazione meccanica sulla fatica muscolare deW uomo {Bulletino délia R. Accademia Medica di Roma, xxu, 1876-1877, fasc. VI et vil, 1897). — Bi.net (A.) et Vaschide (N.). Expériences de force musculaire et de fond chez les jeunes garçons {An. 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Pendant le tétanos, le muscle n'accomplit de travail mécanique que durant son raccourcissement; tout le temps que le muscle tétanisé maintient le poids à la hauteur de soutien, il n'accomplit pas de travail mécanique extérieur. Cependant le poids ^ne retombe pas, le muscle reste actif, FATIGUE. 105 et cette activité, qui se traduit au bout d'un certain temps par une sensation de fatigue, correspond à ce qu'on appelle travail intérieur du muscle, ou contraction statique, par opposition avec la contraction dynamique, dans laquelle un travail extérieur est produit. Cette contraction statique ne peut être soutenue bien longtemps ; ainsi, d'après les recherches de Gaillard, on ne peut tenir les bras étendus plus de dix-neuf minutes. On distingue deux espèces de contractions musculaires : la contraction isotoniqiie, dans laquelle la tension du muscle ne varie pas pendant la contraction, le muscle se con- tractant librement et soulevant un poids; et la contraction isomctriquc, dans laquelle la contraction du muscle est presque complètement empêchée. Dans ce dernier cas, le muscle convertit toute son énergie chimique en chaleur. Le dégagement de chaleur est pliis considérable dans la contraction isométrique que dans la contraction isotonique. Il semblerait que le dégagement d'énergie est plus considérable dans la contraction isomé- trique que dans la contraction isotonique, car, dans le premier cas, la fatigue survient plus rapidement. Une expérience très simple, due à J. Ioteyko, montre bien que la con- traction isométrique fatigue plus vite que la contraction isotonique. Une grenouille étant placée sur un myographe double, on découvre les deux nerfs sciatiques, et les deux gastrocnémiens sont attachés aux leviers correspondants. Une paire d'électrodes amenant le même courant est mise en contact avec chaque gastrocnémien. Au commencement de l'expérience, on s'assure que les contractions des deux côtés sont d'égale hauteur. On produit alors le tétanos isotonique d'un côté et le tétanos isométrique de l'autre (le raccourcissement est empêché tout simplement par la fixation extemporanée du tendon du gastrocnémien à la planchette de liège au moyen d'une épingle). Quand le tétanos isotonique touche à sa fin, indice de la fatigue isotonique, on suspend pour quelques secondes l'excitation des deux côtés. L'épingle étant enlevée, on recommence l'excitation des deux côtés pour connaître la hauteur de la contraction après la fatigue. Or le gastrocnémien qui a fourni un tétanos isométrique (par conséquent, sans pro- duction de travail mécanique) donne des contractions moins hautes que le gastrocnémien qui a fourni le tétanos isotonique. La fatigue isométrique a donc été plus accentuée que la fatigue isotonique. La fig. 13, qui est une illustration de ce phénomène, démontre aussi qu'à mesure qu'on produit des tétanos répétés la différence s'accentue entre les effets de la fatigue isométrique et ceux de la fatigue isotonique. L'accumulation de fatigue est plus prononcée dans la contraction isométrique. La valeur du quotient qui exprime le rapport de la hauteur de la contraction d'essai du muscle fatigué isométriquement à celle de la contraction d'essai du muscle fatigué isotoniquement, diminue progressivement à mesure que la fatigue s'accumule. Cette expérience est aussi une démonstration de la loi de la conservation d'éneigie; car dans la contraction isométrique l'énergie se dégage sous forme de chaleur. Le travail mécanique n'est donc qu'une des manifestations d'énergie du muscle. Nous pouvons cependant étudier isolément l'action de la fatigue sur le travail méca- nique, sans nous préoccuper des autres facteurs, si nous expérimentons dans des condi- tions toujours rigoureusement les mômes. Haughton et NiPHER ont essayé de calculer, pour l'homme vivant, une loi de la fatigue musculaire. Haughtox est arrivé à la formule suivante dans le cas de travail statique : -^ = constante. Ce résultat se rapporte au bras tendu horizontalement, et maintenant des poids T variables pendant un temps 0. Le quotient -^ s'appelle la vitesse du travail statique; si on la désigne par v, la formule de Haugton se ramène alors à la suivante : Txv = constante. Et l'on peut énorcer la loi suivante qu'on appelle loi de la fatigue de Haughton : le produit du travail statique effectué par un groupe de muscles qui restent contractés jusqu'à épuisement par la vitesse du travail est un nombre constant. 106 FATIGUE. En ce qui con- cerne le travail dy- namique, Haugh- TON arrive à la for- mule suivante : dans laquelle n est le nombre de sou- lèvements qu'on peut elTectuer avec le même poids et jusqu'à la même hauteur, t le temps que dure chaque soulèvement, [J et A des constantes. Le maximum de travail est atteint quand t = y Cette loi fut trouvée exacte pour des poids différents. D'aprèsTREVES, l'ergogramme en surcharge (avec ap- pui dans les inter- valles des contrac- tions) peut servir à donner une idée de la marche de la fa- tigue, mais il n'est pas précis en ce qui concerne l'évalua- tion du travail mé- canique. Les con- tractions que le muscle exécute avec un poids don- né à toute charge sont plus hautes que celles qui sont exécutées avec le même poids en surcharge. Frantz recommande l'u- sage isométrique d'un ressort, parce que la force mus- culaire se trouve pratiquement iso- lée. Après loO con- tractions maxima- les le muscle ne peutaccoraplirque 40 p. 100 de ce qu'il FATIGUE. 107 faisait au début. L'auteur critique les méthodes courantes de l'évaluation de la fatigue. Avec l'ergographe à poids ou à ressort, il y a toujours deux éléments variables qui inter- viennent, la force et l'étendue d'une contraction, et ces deux facteurs sont si variables d'un individu à l'autre, que les comparaisons deviennent impossibles. Il est difficile d'évaluer exactement la quantité de travail mécanique que peut fournir un muscle. D'après Kronecker, le triceps fémoral de la grenouille chargé de 20 grammes et travaillant en surcharge, peut fournir à l'excitation maximale (toutes les 4 ou 6 se- condes) un nombre des contractions variant de 250 (Janvier) à 2 700 (Octobre). La force d'un muscle est donc très différente suivant les saisons. L'influence des saisons sur la fatigue musculaire de l'homme mériterait une étude approfondie; nous savons, d'après les expériences de Mosso, que le changement des saisons exerce une influence sur la ré- sistance à la fatigue, mais le physiologiste italien nous fournit fort peu de détails à ce sujet. En moyenne, un homme adulte fournit à l'ergographe 5-6 kilogrammètres, la femme 3-4 kilogrammètres de travail (J. Ioteyko). Ces chiffres n'ont d'ailleurs qu'une valeur très approximative. On a beaucoup étudié l'influence du poids et de l'intensité des excitations sur l'excita- bilité musculaire, mais relativement peu de recherches précises ont été faites sur l'influence qu'exercent ces facteurs sur la somme de travail mécanique. Suivant Rosenthal, il y a pour chaque muscle une charge déterminée sous laquelle ce muscle accomplit le maximum de travail utile. Cet effet utile correspond plutôt à un poids moyen qu'à un poids fort. Ainsi un muscle de grenouille produit] plus d'effet utile avec un poids de 100 grammes qu'avec un poids de 200 grammes, et le maximum est produit avec un poids de 150 grammes. De même Ch. Richet a trouvé que, pour l'écrevisse, l'effet utile maximum coïncide avec le soulèvement d'un poids moyen. Tout cela ne s'applique qu'à une excitation donnée. Si nous faisons travailler le muscle jusqu'à extrême fatigue, nous voyons que, toutes conditions égales, un muscle travaillant avec un poids loit se fatigue plus vite que s'il travaille avec un poids léger (Funke, Pompilian), et la hauteur des con- tractions d'un muscle très chargé décroît plus rapidement que celle d'un muscle moins chargé (Volkmann). Kronecker et Tiegel sont d'accord sur ce point important, à savoir que les courbes de la fatigue d'un muscle travaillant avec des poids différents sont des lignes parallèles : la plus élevée d'entre elles correspond au poids le plus faible, la plus basse correspond au poids le plus lourd. M. Pompjlian a vu qu'un muscle fatigué complè- tement par un poids faible donne encore, pendant assez longtemps, de belles secousses si on le fait soulever un poids fort. On est en droit d'admettre que l'augmentation du poids a agi comme un excitant. Ed. Weber (1846) a étudié l'influence du poids sur la fatigue et la force musculaire. La fatigue n'exerce pas une action parallèle sur ces deux propriétés du muscle, le raccourcissement et le soulèvement d'un poids (effet utile), car le raccourcissement décroît plus lentement que l'effet utile. Il en résulte qu'un muscle fatigué et fortement chargé se raccourcit beaucoup moins comparativement à son état frais qu'un muscle légèrement chargé. Cette influence qu'exercent les différents poids sur la fatigue se laisse reconnaître dans les expériences : deux muscles, dont l'un est plus fortement chargé que l'autre, se raccourcissent d'une quantité égale au début de l'expérience, mais, avec les progrès de la fatigue, les hauteurs de raccourcissement commencent à diverger. Ainsi, par exemple, si nous avons trois muscles chargés de 5, de 10 et de 15 grammes, au début la hauteur de raccourcissement est la même pour les trois muscles; mais, sous l'influence de la fatigue des différences commencent à se manifester. A la fin de l'expérience, le raccourcissement du muscle chargé de 10 grammes ne constitue que le 34 p. 100, et le raccourcissement du muscle chargé de 15 grammes ne constitue que le 17 p. 100 du raccourcissement du muscle chargé de 5 grammes. Par conséquent, l'influence de la fatigue se fait ressentir davantage quand la résistance à vaincre est plus considérable. Donc, sous l'influence de la fatigue, la force de la contraction est considérablement dimiimée (Weber). Si le poids est très considérable, alors le muscle fatigué peut même s'allonger au moment de l'excitation au lieu de se raccourcir (voir : Influence de la fatigue sur l'élasticité muscu- laire), car il est devenu moins élastique et plus extensible. Avec des poids de 30, 35 grammes, nous obtenons des modifications analogues, mais plus accentuées qu'avec des poids de 5, 10 et 15 grammes; il en résulte qu'à un moment de l'expérience, quand 108 FATIGUE. le muscle chargé de 5 grammes se raccourcit encore de 22 p. 100 de son raccourcis- sement primitif, le muscle chargé de 35 grammes commence à s'allonger. Cet allonge- ment augmente avec les progrès de la fatigue et ne disparait que plus tard, avec la mort du muscle. Le maximum de travail que fournit un muscle fatigué correspond donc à un poids léger, et non à un poids lourd; les muscles fatigués peuvent fournir un travail incom- parablement plus grand en soulevant des poids légers que des poids lourds. La force du muscle dépend aussi de l'élasticité; si l'élasticité est grande, alors avec la même force de raccourcissement le muscle peut développer une force considéi^able; si l'élasticité est diminuée (comme dans la fatigue), alors le muscle développe une force moindre (Weber). La théorie moderne, qui tend à assimiler les forces contractiles aux forces élastiques, n'a fait que confirmer ces conclusions de Weber. Ainsi donc l'effet de la fatigue est de diminuer ces trois phénomènes inhérents à la contraction : 1) la longueur de raccourcissement; 2) la force que le muscle développe pendant son raccourcissement; 3) le travail mécanique. Le travail mécanique (effet utile) qui dépend aussi bien de la hauteur de contraction que de la force de raccourcis- sement, est très différent suivant la charge à soulever. Ce n'est qu'avec une charge déter- minée que le travail mécanique est maximum : il diminue avec des charges plus grandes et plus petites. Mais les rapports changent avec la fatigue. L'efiet utile maximum corres- pond à un poids d'autant plus léger que la fatigue est plus avancée. Les muscles fatigués se raccourcissent beaucoup moins pour des poids lourds que pour des poids légers. La cause de cette différence est due en grande partie aune diminution d'élasticité musculaire. Au point de vue pratique, ce principe nous conduit à émettre quelques critiques au sujet des instruments de mesure à poids fixe, tels que l'ergographe de Mosso. Pour obtenir un travail maximum, il faudrait soulever une charge graduellement décroissante dans le cours de l'expérience. J. Bernstein a étudié l'influence de la fatigue sur la force développée dans le tétanos et dans une contraction unique. Il a confirmé les données de Hermann, qui avait trouvé antérieurement que la force musculaire développée dans le tétanos est le double de celle qui est développée dans la contraction isolée, à égalité de temps. Ainsi pendant le tétanos il y a sommation de la force comme il y a sommation des raccourcissements. Suivant Bernstein, le rapport entre la force du tétanos et celle de la contraction unique se maintient même pendant la fatigue, mais quelquefois la difîérence de force s'ac- centue avec les progrès de la fatigue. Il faut, pour ces expériences, choisir des gre- nouilles très vigoureuses, car sur un muscle peu vigoureux la différence de force n'est pas très manifeste dès le début. Funke trouve au contraire que dans la fatigue la courbe du tétanos est quelquefois moins élevée que la secousse unique. Quand un muscle, au lieu d'agir sur une charge constante, agit sur une charge graduellement décroissante, l'elTet utile augmente. Cq principe d'allégement, étudié expéri- mentalement par FiCR, se retrouve dans beaucoup de muscles de l'organisme. Landau et Pagully montrèrent qu'un muscle qui est allégé de son poids toutes les fois qu'il atteint son maximum de raccourcissement, se fatigue moins et développe moins d'acide qu'un muscle qui est tendu durant la période de décontraction. Contrairement à l'opinion de Kronecker, il paraît certain que la tension seule suffit par épuiser un muscle (Krause, WuNDT, Gotsghlich). On peut aussi faire agir sur le muscle une charge graduellement croissante. Enfin on peut produire une modification brusque de tension à tel moment de la contraction. Nous n'entrerons pas dans tous les détails de ces contractions et nous ne ferons ressortir que quelques points touchant l'influence de la fatigue. Cette élude a été poursuivie eu Allemagne par Fr. Schenck (Wiirzbourg). V. Kries avait montré l'in- fluence exercée par la tension sur le cours de la contraction et décrit une contraction où le muscle est empêché de se raccourcir durant un certain temps après l'excitation, et puis la détente s'opère brusquement. Sogalla a continué l'étude de la Schleuder- zuckung. Schengk a vu que le processus de raccourcissement de cette contraction était influencé par différents facteurs, entre autres par la fatigue. -— Si la charge d'un muscle est diminuée d'une valeur déterminée au commencement de la contraction, la hauteur de celle-ci ne sera pas aussi grande que celle d'une contraction isotonique, dont la charge était moindre déjà avant tout début d'excitation. Ainsi donc, il n'y a pas FATIGUE. 109 d'addition du raccourcissement dû à l'allégement et du raccourcissement dû à l'acti- vité. ScHENCK a étudié l'action de la fatigue sur ce genre de contraction {Entlastungszu- ckxmg^. Si nous désignons par He le soulèvement de la Entlastungszuckung au-dessus de l'abscisse de la contraction isotonique, et Hi la hauteur de cette dernière, nous obtenons un quotient -^ qui est toujours plus petit que l'unité. Ce quotient varie peu avec la fatigue. Quand iafatigueest poussée à l'extrême, il y a légère diminution de ce quotient. Il n'y a pas lieu d'insister. sur les phe'nomènes qui caractérisent les autres genres de contractions, où la tension est modifiée [Zugzuckuny, Anschlagszuckimg). Nous savons peu de chose relativement à l'influence de {'intensité de l'excitation sur la fatigue musculaire. Il y a un rapport intime entre l'intensité de l'excitation et le tra- vail produit, et même, suivant Kronecker, la proportionnalité est complète. Mais quelle est l'influence de l'intensité de l'excitation sur la marche de la fatigue? Il semble qu'il n'est pas possible aujourd'hui de répondre catégoriquement à ces questions, et c'est en vain qu'on a cherché à démontrer, pour le rapport entre l'excitation et le travail muscu- laire l'existence d'une loi myophysique analogue à la loi psychophysique de Feghner- Weber. Suivant Ch. Righet, pour obtenir l'effet utile maximum, il faudra tendre le muscle avec un poids d'autant plus grand que l'excitation sera plus forte. Einthoven (1892) a étudié l'influence de l'excitation des nerfs vagues sur les contractions des muscles des bronches. Sous l'influence de la fatigue on voit les contractions diminuer d'amplitude. L'effet de la fréquence des excitations (rythme) a été fort bien étudié. Tous les auteurs sont d'accord pour attribuer à une grande fréquence d'excitations l'influence la plus fâcheuse sur la somme totale de travail mécanique (Exgelman'n, Funke, Kronecker). Parmi les influences exercées sur la fatigue, la plus importante est, sans conteste, la fréquence des excitations; plus les intervalles des excitations sont rapprochés, et plus vite survient la fatigue. Ce résultat est d'une extrême importance. Les intervalles entre les excitations, ce sont les moments de repos entre les contractions successives; plus ils sont grands, moins le muscle se fatigue; après chaque contraction le muscle peut se réparer en partie, après s'être ;débarrassé des produits toxiques engendrés pendant le travail, produits dont l'accumulation est l'origine de la fatigue. D'après Oseretzkowsky et Kraepelin, si on passe d'un rythme de 30 à un rythme de 60 et 120 contractions à la minute (ergographe), le travail mécanique augmente, principalement à cause de l'aug- mentation du nombre de soulèvements. Quand on exécute des mouvements rapides, il en résulte une excitation psycho-motrice. Les mêmes auteurs ont vu qu'en soulevant un poids de j kilogrammes avec le rythme de 1 seconde, la fatigue arrive d'autant moins vite que l'intervalle entre les deux courbes est moindre. Le travail mécanique est plus considérable avec une charge de 4 kilogrammes qu'avec une charge de 6 kilogrammes. Dans des expériences faites sur lui-même Maggiora a étudié l'action du poids et de la fréquence des excitations sur la courbe eigographique. Le travail accompli avec une charge de 2 kilogrammes est supérieur au travail accompli avec 4 kilogrammes, et celui- ci est supérieur au travail accompli avec 8 kilogrammes (fréquence des contractions 2"). Avec 2 kilogrammes l'auteur a pu produire 2 662 kilogrammètres; avec 4 kilogrammes, 1 892 kilogrammètres; avec 8 kilogrammes, 1 040 kilogrammètres. Travaillant avec un poids de 1 kilogramme, il n'a pu fournir que 2 238 kilogrammètres. Il semblerait donc qu'il existe un poids déterminé avec lequel on obtient le maximum de travail. Pour Maggiora, ce poids est de 2 kilogrammes. Si l'on fait travailler le muscle avec différents poids, on obtient des lignes qui descendent'"presque parallèlement vers l'abscisse, résul- tat en tout semblable à celui qu'obtint Kronecker sur le muscle de la grenouille. Les mêmes faits se produisent aussi pour les muscles de l'homme dans la contraction pro- voquée. Quant à la fréquence des excitations, Maggiora a vu sur lui-même que, avec la fré- quence d'une contraction toutes les dix secondes, les contractions des fléchisseurs attei- gnent leur maximum de hauteur et se maintiennent toutes au même niveau; la fatigue ne se produit pas ; dans ces conditions, le muscle peut travailler indéfiniment, et, en soulevant un poids de 6 kilogrammes, il accomplit par heure le travail de 34.560 kgm. C'est un travail de beaucoup supérieur à celui qui est fait par le muscle, alors qu'il 110 FATIGUE. soulève le même poids avec une fréquence de 4"; dans ce cas, il a besoin de deux heures de repos, et la production de travail mécanique est seulement de 1,074 kgm. à l'heure, c'est-à-dire un travail 32 fois moindre. Des résultats analogues ont été obtenus avec un poids de 2 kilogrammes. D'une manière générale, la quantité de travail est d'autant plus grande et la fatigue d'autant plus retardée que la fréquence des excitations est moindre, résultat absolument comparable à celui qu'on a obtenu sur les muscles des animaux à sang froid et à sang chaud. Il existe donc pour les muscles périphériques certaines conditions de travail, dans lesquelles la contraction peut se répéter indéfiniment sans produire de fatigue. Le repos de 10" entre les contractions est suffisant pour ;ia réparation intégrale. Nous voyons ainsi que la fatigue n'est pas une conséquence inévitable de l'activité ; elle n'est point le résultat de l'intensité avec laquelle le travail est accompli, elle n'est pas non plus proportionnelle au temps pendant lequel l'activité est soutenue. Un muscle peut se contracter indéfiniment en fournissant le maximum de contraction et en déployant ime force considérable. Mais la fatigue est fonction de la rapidité avec laquelle se suivent les mouvements. Ainsi le muscle est infatigable quand il se contracte six fois à la minute. C'est là son rythme optimum. Un repos de dix secondes entre les contractions est donc suffisant pour restaurer complètement le muscle, compenser les pertes et anéantir les produits de déchets de la contraction. Comme nos mouvements s'accomplissent habi- tuellement avec une fréquence bien plus grande, il en résulte que la restauration n'est pas complète d'une contraction à l'autre. Le retour à l'état normal demande aioi"s un repos bien plus long, à cause de l'accumulation des effets de la fatigue. Les recherches de Maggiora, relatives au rythme optimum des contractions des muscles périphériques, ont jeté une vive lumière sur les phénomènes de l'infatigabilité du cœur. Nous sommes autorisés à admettre par analogie que, dans les conditions nor- males, le cœur bat suivant un rythme optimum qui est suffisant pour sa réparation inté- grale; les changements chimiques survenus au moment de la contraction étant exacte- ment compensés pendant la période de repos. L'alternance des systoles et des diastoles est réglée de manière à restaurer complètement le muscle cardiaque dans les intervalles de repos. Le cœur est toutefois fatigable quand il est soumis à des excitations trop fortes ou trop souvent répétées, comme cela a lieu dans les cas pathologiques. Dans les maladies organiques du cœur, à la suite d'un obstacle au jeu régulier du cœur, celui-ci est tenu à accomplir un travail bien plus considérable qu'à l'état normal; il change de rythme, ses battements redoublent d'intensité, et, pendant un certain temps, grâce à ce renforcement, le débit du sang dans les tissus n'est pas modifié. Pour pouvoir exécuter ce supplément de tâche, le cœur a suivi la loi générale commune aux muscles soumis à un excès de travail : il s'est hypertrophié. Cette hypertrophie compensatrice (appelée aussi providentielle) assure pendant un certain temps le bon fonctionnement de l'organisme. Mais bientôt l'équilibre est rompu. Le cœur, ne pouvant plus suffire au travail exagéré qui lui est imposé, se relâche. C'est la phase de la fatigue du cœur. Il ne se remet pas de cette fatigue; car il n'a plus le moyen de se reposer. A l'hypertrophie succèdent la dilatation et la distension de cet organe, lequel finit bientôt par être hors d'état de tout travail. C'est ainsi que meurt le cœur dans les maladies valvulaires : il meurt par excès de fatigue. Il est à remarquer que dans l'étiologie des maladies du cœur nous trouvons fréquemment les grandes fatigues et l'effort qui, en exagérant l'aclivité propre du cœur, ont amené son hypertrophie et sa déchéance consécutive. De même les émo- tions morales répétées, qui accélèrent le rythme cardiaque ainsi que les palpitations d'origine nerveuse, produisent à la longue son hypertrophie. Maggiora a étudié les variations simultanées dans le poids et la fréquence des excita- tions. Quand les poids croissent, il ne suffit pas de faire croître dans les mêmes rapports les intervalles de repos entre chaque contraction; mais la pause de repos doit croître dans une mesure beaucoup plus large. Étant donné R (rythme) = 2, et P (poids) = 3 kilogrammes, si nous doublons le poids, il faudra tripler les intervalles pour obtenir la même quantité de travail. L'auteur fit aussi varier simultanément le rythme des con- tractions et les périodes de repos entre les expériences. Il est arrivé ainsi à la conclusion que la quantité la plus considérable de travail mécanique est produite avec la fréquence de 2" et des pauses de i' après trente contractions. On peut arriver, grâce à l'ergographe, FATIGUE. m à la connaissance du procédé le plus économique d'utilisation de la force du muscle. Plus récemment, Trêves a fait des expériences sur des lapins, dont les gastrocné- miens ont fourni des courbes ergographiques; excitations électriques maximales appli- quées sur la peau de la région du nerf sciatique, travail en surcharge (avec appui dans l'intervalle des contractions). Ses conclusions sont les suivantes : 1° le maximum de tra- vail dont un muscle est capable correspond toujours à un poids déterminé, et 2° les contractions que le muscle exécute avec un poids donné à toute charge sont plus hautes que celles qui sont exécutées avec le même poids en surcharge. A. Broca et Ch. Richet ont fait des expériences sur eux-mêmes afin de préciser dans quelles conditions un muscle donné peut effectuer sans fatigue notable un travail con- tinu, régulier et maximum. Pour résoudre cette question ils n'ont pas étudié les condi- tions de la fatigue, mais ils cherchaient à faire un effort modéré, qui ne fatigue pas le muscle outre mesure. Certaines expériences ont duré deux heures et demie. A l'ergo- graphe était appliqué un collecteur de travail, donnant l'évaluation de l'effet utile. Ces auteurs sont arrivés à trouver les meilleures conditions de travail pour le muscle fléchis- seur de l'index : poids très fort, 1500 grammes; fréquence très grande, 200 par minute; intermittences de 2" de repos alternant avec 2" de travail. Avec les périodes de repos la puissance du muscle a pu atteindre le double de la puissance à laquelle il a pu arriver par le travail continu, et cela au prix d'un effort beaucoup moindre et d'une souffrance presque nulle. Cette nécessité des intermittences pour obtenir le maximum d'effet utile est expliqué par A. Broca et Ch. Richkt par l'afflux sanguin énorme qui se fait dans le muscle après le travail, et grâce auquel s'effectue la restauration du muscle. La vaso- dilatation post lahorem fournit aux fibres musculaires l'oxygène indispensable pour détruire les produits nocifs de la contraction musculaire. Le travail musculaire et la fatigue des muscles lisses viennent d'être l'objet de recherches entreprises par Woodworth (1899) et par Colin Stewart (1900). Déjà aupa- ravant Engelmann avait montré la grande fatigabilité des muscles de l'urèthre chez le lapin; déjà une seule contraction est capable de produire la fatigue, car l'action des excitants mécaniques devient nulle après cette contraction. L'excitabilité revient au bout de plusieurs secondes de repos, si la circulation est conservée. Le travail de Colin Stewart a trait à la vessie du chat. La vessie en place montre à peine quelques signes de fatigue. La vessie extraite du corps peut être fatiguée et se reposer partiellement pendant plusieurs heures. Enfin, les contractions spontanées per- sistent pendant quarante-huit heures à la température de la chambre, et pendant quatre jours dans le muscle refroidi. Bibliographie. — Bernstein (J.). Tleber den Einfluss der Reizfrequenz auf die Entwic- keliing der Muskelkraft{A. 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En effet les bibliographies spéciales ne contiennent pas les indications bibliographiques données antérieurement, quoique les auteurs soient maintes fois mentionnés dans le texte. § 5. Les effets de la fatigue sur la thermogénèse du muscle. — Le dégagement d'énergie qui se fait dans le muscle au moment de l'excitation se montre (abstraction faite de l'électricité musculaire) sous forme de travail extérieur ou sous forme de chaleur (tra- vail intérieur). Ce dégagement de chaleur, qui se fait déjà dans les muscles inactifs, augmente d'une façon marquée au moment de la contraction. Fick a montré que le tra- vail chimique est plus fortement limité par l'état de fatigue que le travail mécanique. Il y avait donc lieu de supposer que pendant le tétanos isométrique la chaleur développée serait plus fortement limitée par la fatigue que la tension. On sait aussi que, pendant le tétanos, le travail chimique décroit progressivement malgré la persistance de la ten- sion. Les rapports ne sont pas les mêmes dans le tétanos isométrique. Une augmentation de l'intensité de l'excitation produit encore une augmentation du travail chimique, alors qu'un accroissement de tension ne peut plus se faire, et même on observe déjà une diminution de tension par effet de la fatigue, malgré l'augmentation de l'excitation. Ainsi Fick a montré qu'une augmentation de l'intensité de l'excitation produit dans le tétanos isométrique un accroissement notable de chaleur, tandis que la tension est déjà diminuée par la fatigue. En 1885, Fick fit des recherches sur l'influence de la température sur la chaleur dégagée pendant les contractions isotoniques ou isométriques. Il vit qu'à 27° le rapport entre la chaleur dégagée par la contraction isométrique et la contraction isotonique (désigné par-^J était égal à 1,1, tandis qu'au-dessous de lO» il est égal à 2,1. La diffé- FATIGUE. 113 rence entre les contractions isométrique et isotonique au point de vue du dégagement de chaleur s'accentue donc à des températures basses. Schenck a confirmé ces données. La différence s'accentue avec un abaissement de température, tandis qu'elle diminue avec le poids, au point qu'avec des poids très lourds et à des températures très élevées la contraction isoionique dégage plus de chaleur que la contraction isométrique. Avec des poids légers, la contraction isométrique dégage dans tous les cas plus de chaleur, même dans le muscle surchauffé. Mais, toutes conditions égales, la valeur du quotient est moindre pour le muscle surchauffé. Ces données sont intéressantes à connaître pour être comparées avec les phénomènes qui se passent dans la fatigue. La fatigue égalise la chaleur produite pendant la contraction isotonique et pendant la contraction isomé- trique. La quantité de chaleur dégagée dépend aussi de la fatigue; plus, par suite d'excita- tions successives antérieures, le travail mécanique du muscle diminue eu égard à l'exci- tant resté constant, plus aussi diminue la production de chaleur. Les deux quantités ne diminuent toutefois pas d'une manière égale : la chaleur diminue plus vite que le tra- vail mécanique; de telle sorte que nos instruments actuels ne démontrent déjà plus de production de chaleur, alors que le muscle peut encore produire une quantité de travail appréciable. Un muscle fatigué dégage moins de chaleur (Heidexhain). La diminution de chaleur apparaît même avant que la fatigue se soit manifestée par une diminution du travail. La fatigue d'échauffement débute après la fin du phénomène de l'escalier, quand les secousses sont devenues égales aux secousses primitives. Pendant l'escalier réchauffement augmente. Si l'escalier fait défaut, la chaleur ne varie pas pendant les 6 à 8 premières contractions (Heidenhain). Quant à la chaleur dégagée par le tétanos, Heidenhai.n a vu que, si l'on tétanise plusieurs fois un muscle, la chaleur dégagée diminue d'expérience en expérience plus vite que la hauteur du tétanos. Ainsi donc, pour le tétanos aussi bien que pour les secousses isolées, un muscle fatigué produit, par rapport au travail mécanique, moins de chaleur que le muscle non fatigué. La fatigue de cha- leur survient plus vite que la fatigue de la motricité. En 1886, Lukjanow fit des recherches therniomélriques sur des chiens dont il ané- miait les muscles par la ligature de l'aorte; il étudia parallèlement la chaleur dégagée et la contraction musculaire; la marche de réchauffement en fonction du temps; l'influence des excitations d'égale intensité, mais de fréquences différentes; l'influence du poids. Quand un muscle exsangue a été épuisé par une série d'excitations longtemps continues, et que sa puissance de production de chaleur paraît complètement abolie, de sorte que des excitations réitérées n'amènent plus d'augmentation de température du muscle, le repos et le retour de la circulation (on détachait la ligature de l'aorte) peuvent ranimer la puissance calorigène qui paraissait perdue. Le retour de la puissance calori- gène du muscle épuisé se produit assez vite; elle est à peu près complète au bout de trois minutes environ. Il se passe pour la production de chaleur les mêmes phénomènes d'addition latente que pour la contraction. Dans les conditions ordinaires, la puissance calorigène du muscle diminue à mesure que le nombre des excitations augmente ; mais cette fatigue de chaleur ne décroît pas régulièrement comme la fatigue de contraction. Ces résultats ont conduits Lukjanow à admettre dans le muscle une substance calorigène distincte de la substance qui fournit le travail, et qu'on pourrait appeler substance dyna- mogène. Dans le muscle normal, les deux substances sont également excitables. Dans le muscle fatigué, la substance calorigène est plus excitable, et se répare plus facilement que la substance dynamogène; mais elle perd cet avantage par une série rapide d'exci- tations, et on voit alors le travail diminuer moins vite que la chaleur libre, de sorte qu'on peut avoir des contractions sans dégagement de chaleur. Chauveau fit des recherches, en 1891, sur les modifications imprimées par la fatigue au raccourcissement et à réchauffement musculaire dans les muscles isolés de la gre- nouille. Nous avons déjà vu que, lorsque le muscle est fatigué, son extensibilité s'accroît (son élasticité diminue) en sorte que la même charge, qui l'allongeait faiblement au début d'une expérience, l'allonge beaucoup plus vers la fin, quand il est fatigué. Supposons, dit Chauvéau, que dans les deux cas, par des excitations convenablement adaptées, on obtienne un soulèvement absolu de même valeur; l'échauflement déterminé par la con- traction sera cependant beaucoup moindre dans le deuxième cas que dans le premier, DICT. DE PHYSIOLOGIE — TOME VI. 8 lU FATIGUE. parce que le raccourcissement relatif du muscle sera moindre, et que, de plus, le muscle, entraîné par l'efTet de la fatigue au delà de ses limites naturelles, absorbe de l'énergie pour la reconstitution de sa longueur primitive. A plus forte raison observera-t-on cette différence d'échauffement, si c'est la même excitation qui provoque la contraction dans les deux cas. Le muscle en état de fatigue soulèvera la charge moins haut avant que d'être en cet état. Comme réchauffement musculaire est proportionnel au degré de rac- courcissement du muscle, le raccourcissement relatif de ce muscle sera encore moins prononcé, et la différence d'échauffement se prononcera bien davantage. C'est le cas d'une expérience de Heidenhain, où le soulèvement de la charge, à la fin, s'abaisse à 1/15 de ce qu'il était au début, tandis que réchauffement du muscle descend jusqu'à 1/57. Il faut donc tenir compte des influences qui modifient la longueur naturelle du muscle. Ces expériences parlent dans le même sens que celles de Giiadveau, à savoir que la grandeur de la charge et le degré du raccourcissement influent de la même manière sur réchauffement, indice de l'énergie mise en œuvre par le travail statique du muscle. Il en est de même dans le cas de contraction dynamique. Chauveau a étudié séparé- ment le travail positif et le travail négatif. Ici encore (travail positif) il faut tenir compte de l'allongement musculaire déterminé par la fatigue. Sous l'influence de la fatigue, le muscle est, en effet, allongé de plus en plus, ce qui réduit singulièrement la valeur du rapport de la longueur perdue par le muscle en contraction à la longueur totale que prend l'organe au repos. Ajoutons que l'extension qu'il a subie l'expose à absorber de l'énergie pour la reconstitution de sa longueur normale. Ces données sont en accord avec les lois de la thermodynamique musculaire: sous l'influence de la fatigue, la production de chaleur diminue beaucoup plus vite que le travail mécanique. Et il ne faudrait pas croire, ajoute Chauveau, que le muscle fatigué travaille plus économiquement que le muscle frais; ce n'est pas le muscle fatigué qui travaille plus économiquement, c'est le muscle surallongé qui se raccourcit fort peu. Du reste, ce n'est pas seulement avec le muscle fatigué qu'on a constaté que la production de chaleur diminue plus vite que la hauteur de soulèvement de la charge. Nawalichin, sur les muscles non fatigués, a vu que, si l'on a le choix de soulever un poids à une certaine hauteur par une série de petites contractions ou par une seule grande, la première méthode est plus avantageuse, parce qu'elle permet d'accomplir le travail avec moins de dépense d'énergie chimique que la seconde. Quand les charges sont soulevées par une grande contraction, une partie de l'énergie paraît se dépenser en pure perte. En résumé, la fatigue, et l'allongement musculaire qui en résulte, apportent des modi- fications importantes aux manifestations des phénomènes thermiques de la contraction. Le muscle allongé devra en reprenant sa longueur primitive absorber une certaine quan- tité de chaleur; donc l'organe se refroidira. Il en résulte que, dans la fatigue, réchauffement déterminé par la contraction peut être neutralisé par le refroidissement qu'implique le retour spontané du muscle à sa longueur normale de l'état de repos. Nous voyons ainsi que : P les muscles allongés sous l'influence de la fatigue (ou de l'accroisse- ment de la charge) se raccourcissent et s'échauffent moins, à soulèvement égal des charges, que quand ils ont leur longueur normale. Il faut, en effet, faire une distinction entre la hauteur de soutien ou de soulèvement de la charge et le degré de raccourcissement du muscle, La hauteur de soulèvement est la quantité absolue dont le muscle se raccourcit. Le degré de raccourcissement est le rapport de cette quantité absolue à la longueur normale du muscle à l'état de repos. Tout ce qui modifiera cette longueur normale chan- gera la valeur dudit rapport, quand même le premier terme de celui-ci, c'est-à-dire la hauteur du soulèvement, ne changerait pas; 2» Quand les muscles isolés, en état de relâ- chement, s'allongent sous Vinfluence de la fatigue, ils perdent de la chaleur (Chauveau). Bibliographie. — Ausonval (d'). Sur la mesure du travail en thermo-dynamique ani- male [B. B., 1895). — Blix. Zur Beleuchtung der Frage, ob Wàrme bei der Muskelcontr action sich in mechanische Arbeit umsetze (Z. B., xxi, 1885, xxi, 190). — Béclard. De la contrac- tion musculaire dans ses rapports avec la température animale {Arch. gcn. de méd., janv. févr. mars 1861) (C. R. l, 471, 1860). — Béclard et Breschet. Mémoire sur la chaleur animale {Ann. de Chim. et de Phys., 1835, 257). — Chauveau (A.). Comparaison de l'échauf- fement qu'éprouvent les muscles dans le cas de travail positif et de travail négatif [C. 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Les effets de la fatigue sur les phénomènes électriques du muscle. — L'état de nos connaissances sur ce point de la pliysiologie est très imparfait, car jusqu'à présent nous ignorons quel est le rôle des manifestations électriques dans les transformations éner- gétiques; bien plus, la nature pliysiologique de la variation négative a été mise en doute par certains auteurs. Nous croyons que, pour résoudre la question, il ne suffit plus d'étudier les rapports entre la variation négative et le travail mécanique, mais qu'il faudrait étudier parallèlement le travail mécanique, l'électrogénèse et la thermogénèse; non pas qu'on s'attende à trouver dans tous les cas un parallélisme complet entre ces trois manifestations vitales du muscle, mais parce qu'il s'agit de déceler la part qui revient au phénomène électrique dans les transformations énergétiques qui se pro- duisent dans le muscle en activité. L'étude de la fatigue pourrait être ici d'un grand secours, comme elle l'a été dans d'autres domaines. Les phénomènes galvaniques du muscle, comme les autres manifestations vitales, augmentent avec l'intensité de l'excitation ; elles atteignent un maximum et disparaissent progressivement avec la fatigue. Harless a vu l'intensité de la variation négative aug- menter parallèlement à la contraction (1853), et Lamansky (1870) trouva que le courant d'action du gastrocnémien augmente avec la charge du muscle. Deux points importants restent acquis relativement au courant électrique du muscle : 1° sous l'influence de la fatigue (tétanisation prolongée) nous voyons disparaître d'abord la contraction musculaire, et en second lieu la courbe de la variation négative; par con- séquent la variation négative est plus résistante à la fatigue que la contraction; 2° la variation négative du muscle est beaucoup moins résistante à la fatigue que la variation négative du nerf; la variation négative du nerf est infatigable. Cela tend à prouver que la fatigue survient plus rapidement dans le muscle que dans le nerf. Si l'on compare les rapports de la variation négative et de la contraction musculaire (travail mécanique) d'une part, et les rapports de la chaleur dégagée et de la contraction musculaire (travail mécanique) de l'autre, nous voyons que, sous l'influence de la fatigue, il y a disparition de ces trois manifestations dans l'ordre suivant : 1° chaleur 2° contraction, Z" phénomène électrique. Ainsi le dégagement de la chaleur est le premier à disparaître, et il arrive (fait en apparence paradoxal) qu'un muscle fatigué fournit encore des contractions très appréciables, continue à dégager de l'électricité; mais que tous ces phénomènes ne sont plus accompagnés d'un dégagement de chaleur. A une phase plus avancée de la fatigue musculaire, la contraction elle-même disparaît, et le phéno- mène électrique persiste seul, témoignant ainsi que l'excitabilité n'est pas totalement éteinte. Sous l'influence de la fatigue nous avons donc une dissociation des trois phénomènes physiologiques qui ordinairement se présentent simultanément dans les conditions normales. La fatigue a décelé des résistances qui n'étaient pas les mêmes. Aussi n'est-ce qu'avec une très grande réserve qu'il faut envisager les conclusions de quelques physio- 116 FATIGUE. logisles, qui refusent à la variation négative la propriété d'être une manifestation vitale, en s'appuyant sur ce fait qu'elle persiste même sur des nerfs morts en apparence ou mourants ; car leur excitation n'est plus apte à éveiller la contraction musculaire. La dissociation de la chaleur et du travail mécanique sous l'influence de la fatigue montre en effet qu'une dissociation pareille est d'ordre physiologique et peut se présenter sur un muscle vivant et excitable. La variation négative pourrait être le dernier phéno- mène vital à disparaître, étant douée de la plus grande résistance à la mort. D'autre part, ces faits viennent confirmer le bien fondé de l'opinion de Herzen relativement à l'action du curare sur les nerfs moteurs : il est impossible de chercher des preuves de la non-altération du nerf par le curare en se basant sur la persistance de la variation négative dans le nerf; il est fort probable que, dans le nerf curarisé, la propriété de conduire la vibration nerveuse est abolie, sans qu'aucune atteinte ait e'ié portée au phénomène galvanique. Tous ces rapprochements nous sont personnels, mais dans notre appréciation nous nous basons sur des faits démontrés; il convient de citer dans cette étude les noms de Wedensky, Edes, Waller, Sanderson, L. Herma.xn, Morat et Toussaint, Rivière, etc. Wedensky employa en 1883 le téléphone pour rendre sensibles à l'oreille les courants d'action du nerf sciatique de grenouille et du muscle. Tandis que le muscle excité cesse bientôt de répondre en raison de sa fatigabilité, le nerf continue à résonner sans inter- ruption pendant des heures. Edes (1892) trouve que la variation négative du muscle tétanisé cesse au bout de 1-2 heures; mais que celle du nerf persiste encore au bout de o heures sans modifications. Waller (1885) s'est occupé spécialement de l'ordre de dispa- rition des elîels mécaniques et des effets électriques de la contraction dans la fatigue. C'est à lui que nous devons d'avoir bien mis ces points en relief. Il est certain que la contraction disparaît avant la variation négative dans un muscle fatigué, mais on n'est pas encore définitivement fixé sur la durée des phénomènes électriques dans un muscle fatigué. Suivant Schoxlein, la fatigue vient modifier assez vite le courant électrique du muscle. D'après Fleischer (1900), la grandeur du travail mécanique ne possède aucune influence sur la variation négative. Rivière, qui a bien étudié les rapports qui existent entre les phénomènes électriques de la contraction musculaire et le travail mécanique produit, trouve, au contraire, qu'en faisant travailler le muscle avec des poids différents, la force électro -motrice du courant d'action d'un muscle exécutant un certain travail extérieur augmente à mesure que ce travail devient plus grand (une conclusion sem- blable ne signifie point, dit l'auteur, que la quantité d'électricité apparaissant pendant la contraction s'accroisse de la même manière). L'influence de la fatigue isométrique sur la variation négative ne paraît pas encore complètement établie. L'intensité de la variation négative dans la contraction isomé- trique sans fatigue est déjà très discutée. D'après Meiss.ner et Cohn, la variation néga- tive d'un muscle excité et qu'on empêche de se raccourcir (procédé isométrique) est moindre que dans la contraction isotonique. Lamansky, Rivière affirment le contraire. D'après Schenck, la tension du muscle au repos, et à plus forte raison d'un muscle fatigué et tétanisé (qui présente déjà un affaiblissement de la variation négative) a pour effet de diminuer le courant d'action; mais la tension d'un muscle non fatigué et tétanisé, qui présente une variation négative notable, a pour effet d'augmenter le courant d'action. On peut supposer, ajoute Schexck, que la tension a pour effet de diminuer la variation néga- tive dans les deux cas, mais que, pour le muscle frais, cette diminution est compensée par une augmentation due à l'excitation; le muscle fatigué est en effet moins sensible à l'excitation que le muscle frais. Morat et Toussaint ont étudié l'influence de la fatigue sur les variations de l'état électrique des muscles pendant le tétanos artificiel. Pour mettre en évidence les varia- tions électriques, ils se sont servis du tracé de la patte induite, lis ont montré que, de même que les contractions intermittentes qui constituent le tétanos sont transformées en un travail continu, les oscillations concomitantes du courant musculaire peuvent être atténuées au point de fixer le courant musculaire en état de variation négative presque constante, et cela par le même procédé, c'est-à-dire en obtenant une fusion plus parfaite des secousses composantes du tétanos. Tout tétanos, provoqué par un nombre relativement peu fréquent d'excitations, s'il se prolonge un certain temps, pré- FATIGUE. 117 sentera trois phases, nullement distinctes dans son propre graphique, mais qui se tra- duisent dans le tracé de la patte induite par trois pliases bien nettes, correspondant à des états électriques différents du muscle inducteur : i'« phase : les secousses brèves du tétanos inducteur, que le graphique montre déjà fusionnées, s'accompagnent en réa- lité d'oscillations accentuées de la variation négative (tétanos induit); 2« phase : la fusion des secousses devient de plus en plus complète (chute graduelle du tétanos induit); 3" phase : les secousses composantes du tétanos s'allongent de plus en plus, les oscillations électriques s'atténuent au point de ne plus provoquer de réactions dans la patte galvanoscopique (cessation du tétanos induit). Nous passerons sous silence les autres particularités de l'état électrique du muscle qui sont modifiées par la fatigue, car leur exposé demanderait une revision de presque tous les points essentiels de l'électro-physiologie. Rappelons seulement que, si l'on relie le circuit du galvanomètre à la partie moyenne d'un muscle intact et à ses extrémités, on constate au moment de l'excitation deux phases, d'après Hermann : 1° une première phase dans laquelle le courant est dirigé dans le muscle du milieu vers les extrémités {courant atterminal) ; 2° une deuxième phase, dans laquelle le courant est dirigé des extrémités du muscle vers le milieu du muscle [courant abterminal). La seconde phase, qui est moins accentuée que la première, manque complètement dans la fatigue et au moment de la mort. 11 existe en outre, d'après Hermann, une espèce de courants qu'il nomme décrémentiels, qui sont dus à la différence d'intensité de l'onde d'excitation aux deux points d'application des conducteurs du circuit galvanométrique; cette diminution de l'intensité n'existe pas dans les nmscles tout à fait frais; mais ces courants se montrent dans le tétanos, sous l'influence de la fatigue et de toutes les causes qui dimi- nuent l'excitabilité du muscle. Ce « décrément » s'accentue de plus en plus avec les pro- grès de la fatigue, et il est la cause de la disparition de la phase abterminale. D'après Du Bois-Reymond, les courants décrémentiels n'existeraient pas dans le muscle à l'état frais, mais seulement dans les muscles fatigués ou mourants. Hermann confirma plus tard lui- même cette manière de voir. Le « décrément » est une conséquence de la fatigue ou de la mort. Bibliographie. — Du Bois-Reymond (A.^P., 1876, 364 et 369). — Edes (R. E.) (J. P., 1892, xur, 431-449). — Fleischer (F.). Ueber einen neuen Muskelindicator und ùber die négative Schwankung des Muskelstroms bel verschiedener Arbeitsleistiing des Muskels (A. g. P., 1900, Lxxxiv, 360). — Harless [Anz. cl. baier. Acad., xxxvii, 1833).— Morat et Toussaint. Influence de la fatigue sur les variations de l'état électrique des muscles {C. R., 1876, Lxxxui, 155-157). Variations de l'état électrique des muscles dans les différents modes de contraction (A. de P., 1877, 156). — Martius (F.). Historisch-kritische und experimentelle Studien zur Physiologie des Tetanus [A. P., 1883, 542-592). — Rivière. Variations électriques et travail mécanique du muscle [Annales d' Électrobiologie, 1898, 492). — Sanderson (J. B.). The elec- trical response to stinndation of muscle, and its relation to the mechanical response [J. P., 1893, xviii, 117-159). — Schenck (Fr.). Ueber den Einfluss der Spannung auf die « négative Schwankung » des Muskelstroms [A. g. P., 1896, 63). — Waller (A.) [Brit.med. Journ., 1885, 135-138). § 7. Influence de la fatigue musculaire sur la mort du muscle. — L'influence de la fatigue sur la survie des muscles était déjà connue par les physiologistes anciens. Jean Mùller signale dans son Manuel de Physiologie (1845) des expériences rapportées par Autenrieth : « Lorsque, prenant deux lambeaux égaux de muscle sur un animal qui vient d'être tué, on provoque de petites convulsions dans l'un, avec la pointe d'un cou- teau, tandis qu'on abandonne l'autre à lui-même, on voit le premier perdre d'autant plus tôt son irritabilité qu'il se meut davantage. Les hommes et les animaux qui sont morts à la suite d'un violent déploiement de forces, comme par exemple un cerf forcé à la chasse, se putréfient même plus rapidement, à ce qu'on prétend, que ceux dont la mort a été causée par la perte totale du sang. Un muscle enlevé à un animal encore irri- table se putréfie bien plus vite, lorsque avant la mort on a excité en lui de fréquentes contractions, qu'un autre tout semblable qu'on a laissé au repos. » Beaunis a vu la rigidité cadavérique commencer immédiatement après la mort sur des lapins soumis à des contractions musculaires intenses et répétées. D'après Brown- Séquard, plus l'irritabilité musculaire est prononcée au moment de la mort, plus la 118 FATIGUE. rigidité cadavérique met de temps à se montrer, et plus elle a de durée. Elle apparaît plus vite et dure moins longtemps chez les animaux surmenés. Dans ses belles études sur la rigidité cadavérique, Catherine Schipiloff (1889) observa une rigidité cadavérique précoce dans les muscles tétanisés par un courant électrique ou bien dans la mort survenue à la suite du tétanos strychnique. Nagel a représenté graphiquement la courbe de la rigidité cadavérique des muscles fatigués et des muscles non fatigués. De deux jambes d'une grenouille, la première était tétanisée, la seconde préservée par la section du nerf. Le muscle tétanisé se rigidifia seize heures avant l'autre ; la ligne d'ascension de la rigidification est plus escarpée pour le muscle tétanisé, mais la hauteur, c'est-à- dire le degré de raccourcissement, est moindre. Wundt avait vu qu'un muscle fortement chargé devient plus rapidement rigide qu'un muscle peu chargé. Schexck, recherchant si la fatigue n'exerçait pas une iniluence sur la force de raccourcissement dans la rigidité cadavérique, trouva une prédominance tantôt pour le muscle non fatigué, tantôt pour le muscle fatigué. Quel est le mécanisme de l'apparition hâtive de la rigidité dans les muscles fatigués? On admet généralement que ce phénomène résulte de l'action, sur le muscle, d'un sang pauvre en oxygène, riche en produits de désassimilation. A l'appui de cette hypothèse Ch. Righet fait l'expérience suivante : il coupe le sciatique d'un lapin et tétanise l'ani- mal, puis il le sacrifie. Il voit alors la patte dont le sciatique a été coupé devenir presque aussi vite rigide que l'autre, bien qu'elle ait échappé aux convulsions des autres membres. De nombreux faits plaident dans le même sens : l'augmentation de substances réduc- trices dans le muscle tétanisé, les effets désastreux de la contraction musculaire ana- érobie, et ce fait, observé par J. Ioteyko, que la contraction dans un milieu privé d'oxy- gène (hydrogène pur) est suivie d'une rigidification du muscle plus rapide que dans l'air atmosphérique. Toutefois l'expérience de Ch. Richet a donné un résultat opposé à Tissot; mais les conditions expérimentales n'étaient pas les mêmes (tétanos strychnique chez le chien auquel on fait la respiration artificielle pour prolonger le tétanos). Dans une expérience, la rigidité a commencé à être apparente dans le membre énervé (section du sciatique, du crural et de l'obturateur) au bout de deux heures et demie, tandis que dans l'autre elle était complète au bout de trois heures et quart. D'après le même expé- rimentateur, l'inanition a le même effet que le travail : l'apparition de la rigidité est rapide, et sa durée abrégée. Bibliographie. — Autenrieth. Physiologie, i, 63 (cité par J. Muller). — Beauxis. T. de Physiologie, 1888, i, 599. — Bierfreu.xd {A. g. P.,xlui, 195). — Latimer (Caroline W.). On the modification of rigor mortis resulting from 'grevions fatigue of the muscle in cold- blooded animais {Amer. Journ. of PhysioL, 1898, ii, 29-46). — Nagel (W. A.). Exp. Unters. ûber die Todtenstarre bei Kaltbliitern (A. g. P., 1894, lyui, 279-307). — Schenck (Fr.). Unters. ûber die Natur einiger Dauercontraetionen des Muskets {A. g. P., 1895, lxi, 494- 555). — Schipiloff (Catherine). Recherches sur la nature et les causes de la rigidité cada- vérique {Rev. méd. de la Suisse romande, 1889^. — Tissot (J.). Études des phénomènes de survie dans les muscles après la mort générale. Thèse de la Fac. des Se. de Paris, 1895. II. - INFLUENCE DE LA FATIGUE MUSCULAIRE SUR LA CIRCULATION ET LA RESPIRATION La circulation devient beaucoup plus intense dans un muscle en activité, fait établi par Cl. Bernard {Leçons sur les liquides de Vorganlsme, 1839, p. 325), Ludwig et ses élèves, Ghauveau etKAUFMANN, Sadler et Gaskell, élèves de Ludwig, virent la vitesse de l'écou- lement sanguin augmenter pendant le tétanos musculaire ; ils en conclurent que les vais- seaux qui traversent les muscles se dilatent pendant la contraction. Au contraire, HuMiLEwsKY affirme que les modifications circulatoires dans les muscles qui travaillent ne sont pas dues à des actions vaso-motrices, mais bien à des phénomènes mécaniques, provoqués par la contraction musculaire sur les vaisseaux qui traversent l'intimité du muscle ou qui sont en rapport immédiat avec lui. Kaufmann pense qu'il faut faire ici une distinction rigoureuse entre les effets d'une excitation artificielle et ceux d'une excitation volontaire; dans le premier cas, en excitant un nerf moteur, on excite en même temps les fibres sensilives. Ses expériences furent faites sur le muscle releveur FATIGUE. M» de la lèvre chez le cheval, qui intervient dans l'acte de la mastication, et dont la circu- lation de retour se fait par une seule veine, très accessible à l'expérimentation. Il con- stata un débit cinq fois plus considérable pendant l'activité que pendant le repos. Il admit que l'activité physiologique des muscles s'accompagne d'une énorme vaso- dilatation, et que celle-ci s'établit dès le début du fonctionnement et disparaît insensi- blement lors du retour des muscles à l'état de repos. Athanasiu et Carvallo ont étudié ces mêmes phénomènes à l'aide du pléthysmographe de Mosso. Ils ont vu que : 1» pen- dant la contraction permanente des muscles fléchisseurs des doigts, le volume du bras, c'est-à-dire la quantité de sang qui s'y trouve, diminue considérablement. La vaso-dilata- tion ne devient manifeste que lorsqu'on arrête la contraction; 2° le pouls s'accélère pen- dant la contraction, et reprend tout de suite son rythme normal, aussitôt que la con- traction a fini; 3° si, au lieu d'une contraction unique, on fait une série de contractions, le volume du bras diminue au commencement du travail, mais bientôt il gagne et dépasse le niveau normal; 4° le cœur est accéléré pendant la phase d'activité des muscles; o° si l'on travaille avec le bras opposé, en maintenant celui qui est enfermé dans le pléthysmographe au repos (Fr. Franck), on constate des modifications inverses. Le volume du bras en repos augmente légèrement pendant que l'autre travaille, puis il diminue graduellement lorsqu'on cesse les contractions. Ainsi le cœur accélère ses mouvements et lance dans le système artériel une quantité de sang plus considérable pour lutter contre la vaso-dilatation périphérique qui s'établit lors de l'activité musculaire; la pression se maintient donc élevée dans les gros troncs artériels malgré la vaso-dilatation et l'abaissement de pression dans les artères mus- culaires (KaufmannI. Cette compensation ne peut plus se faire dans la fatigue. Le même auteur a montré que la pression restait normale pendant l'allure du pas (cheval), mais qu'il y avait un abaissement notable de pression aortique et carotidienue, malgré l'accéléra- tion cardiaque, pendant l'allure franche. Dans l'activité de nombreux groupes muscu- laires, le cœur ne compense plus la vaso-dilatation énorme et générale. Cette impuis- sance cardiaque explique l'essoufflement. 11 est à noter que les sujets à cœur puissant maintiennent leur pression normale pendant un léger exercice, mais, pendant les allures vives, l'abaissement de pression est général. 11 est très intéressant de constater que l'entraînement progressif agit, non- seulement en augmentant la puissance à la résistance à la fatigue des muscles de la vie animale, mais surtout en adaptant graduellement la puissance de contraction du muscle cardiaque aux besoins circulatoires du système locomoteur. D'après Marey, le phénomène de l'accélération cardiaque, à la suite du travail, tient à l'abaissement de la pression sanguine. D'autre part, Oertel, Maxdiovitch et Rieder, ont vu chez l'homme, en mesurant la pression sanguine au moyen du sphygmo-manomètre de Basch, que la pression sanguine s'élevait après le travail. Humilewsky constata une augmentation de la pression caroti- dienue pendant le tétanos électrique du train postérieur. Athanasiu et Carvallo affirment que la pression baisse toujours de quelques millimètres dans le tétanos. Mais ces données ne sont pas applicables au travail volontaire. Chauveau réussit à mesurer la pression sanguine dans la carotide du cheval pendant l'acte volontaire de la mastication. La pression sanguine s'élève aussitôt que les muscles entrent en activité, en même temps que le cœur s'accélère et que la vitesse de l'écoulement du côté de la tète augmente. Nous pouvons conclure que, pour les mouvements volontaires, la pression centrale monte constamment dans le travail localisé; elle baisse légèrement dans le travail géné- ralisé. L'accélération du cœur est toujours la règle. Tangl etZuNTz (1898) ont fait des expériences sur des chiens que l'on faisait marcher ou courir sur une planche mobile; une des carotides était réunie par une canule à un manomètre qui indiquait la pression artérielle. La pression du sang, qui chez le chien assis égale en moyenne à 124 mm. de mercure s'élève à 128 mm. si le chien est debout, elle monte à 134 millimètres lorsque le chien marche ou lorsqu'il com- mence à courir, et à 131 millimètres lorsque le chien a déjà couru pendant plusieurs- minutes sur une pente inclinée en haut. Enfin, dans des cas où le chien était très fatigué par une course rapide, la pression sanguine avait monté jusqu'à 233 et même 242 mm 120 FATIGUE. ■de mercure. Ces expériences concordent avec celles de Binet et Vaschide, faites sur l'homme au moyen du sphygmo-manomètre de Mosso. Nous ne'pouvons que mentionner les travaux de Oertel, Christ, FileHiNE et Kionka, Hallion et Comte, Hill, Speck, Stâhelin. L'accord n'est pas complet entre tous ces auteurs, l'état de la pression sanguine étant le résultat de très nombreux facteurs. A. Binet et J. Courtier ont [fait des recherches sur l'influence du travail musculaire sur la circulation capillaire avec le pléthysmographe en caoutchouc deHALLiON et Comte. On peut faire deux catégories distinctes dans les expériences d'exercices musculaires; les unes produisant un pow/s sthénique ; les autres, un pouls asfhéniqite. Le pouls capillaire sthénique est fort et énergique, et indique un bon état du cœur; la ligne d'ascension et la ligne de descente sont brusques; le dicrolisme est placé très bas sur la ligne de descente, et il a une forme accentuée, rebondie. Le pouls capillaire asthénique est faible, lent; les lignes d'ascension et de descente sont longues; le sommet de la pulsation est éraoussé; le dicrotisme est remonté et a une forme amollie. Les exercices qui pro- duisent un pouls asthénique sont les exercices d'ensemble d'intensité modérée, dont la marche est le meilleur exemple. A la suite d'une marche d'une demi-heure, d'une heure, et plus encore, si on met la main dans l'appareil, on obtient un pouls bien dif- férent de celui qui s'inscrivait avant la marche; le pouls est plus rapide, ce qui tient à FiG. 14. — (D'après A. Binet et Courtier) Fig. 15. — (D'après A. Binet et Courtier) Pouls radial sthénique. Pouls radial asthénique. l'accélération du cœur et de la respiration. Ce qui est tout à fait caractéristique, c'est l'abaissement et l'accentuation du dicrotisme. Le second groupe d'exercices muscu- laires comprend des exercices locaux (pression au dynamomètre, efforts de position, faradisation, etc.), qui durent peu de temps et amènent à leur suite une fatigue pro- fonde. Le cœur, la respiration sont accélérés, mais beaucoup moins que dans les exer- cices de la première catégorie; ils amènent avec grande rapidité l'asthénie du pouls capillaire; chez quelques-uns une pression de 30 kilogrammes maintenue au dynamo- graphe pendant 10 à 20 secondes suffit à modifier la pulsation et à en amollir le dicro- tisme, ce qui est un signe de fatigue. Chez certains individus, le tracé capillaire est un réactif extrêmement délicat permettant de déceler la moindre trace de fatigue ; il y a élévation du dicrotisme avec atténuation, ce qui constitue l'asthénie de la pulsation, La fatigue produit une diminution du tonus vasculaire qui se traduit par un amollis- sement du dicrotisme. La première manifestation de la fatigue serait donc circulatoire (Voir fig. 14 et 15). L'accélération cardiaque accompagne constamment le travail musculaire. Chauveau et Kaukmann, Athanasiu et Carvallo ont montré qu'il n'y a pas de rapports de cause à eifet entre les variations de la pression sanguine qui accompagnent le travail muscu- laire et le phénomène de l'accélération cardiaque; ce dernier phénomène précède tou- jours le premier. La pression cardiaque baisse si l'accélération cardiaque ne suffit pas à compenser la vaso-dilatation périphérique ; au contraire elle augmente ou se maintient lorsque le jeu du cœur s'accroît considérablement. L'accélération respiratoire qui accompagne le travail musculaire n'est pas non plus la cause de l'accélération car- diaque; car, si l'on quadruple le nombre des respirations sans faire du travail muscu- laire, on arrive à 100 pulsations, mais pas davantage (Athanasiu et Carvallo). Toutefois, si l'on exécute des travaux musculaires de plus en plus intenses, on constate que le rythme du cœur augmente progressivement. Dans d'autres expériences les auteurs ont constaté l'indépendance entre le rythine cardiaque et la quantité d'oxygène inspiré, JoHANSsoN avait émis en 1894 l'hypothèse que l'accélération cardiaque qui accompagne le travail volontaire est principalement d'origine psychique; l'animal étant attaché FATIGUE. 121 chaque mouvement qu'il fait pour se défendre entraîne une élévation de la pression sanguine avec forte accélération du cœur. Si on lui fait faire des mouvements passifs, l'accélération est très peu manifeste. L'auteur pense que l'excitation sensitive réflexe n'est pas le véritable facteur de l'accélération cardiaque, mais qu'elle semble plutôt obéir à l'action du cerveau sur les centres d'innervation du cœur. L'excitation méca- nique directe du muscle ne donne pas lieu à une accélération cardiaque (Kleen). JoHANssoN considère que l'accélération cardiaque est d'origine chimique, et qu'elle tient à l'intoxication du centre cardiaque par certains poisons dérivés de la contraction mus- culaire. Il a pu constater en effet que le cœur s'accélère encore pendant le tétanos du train postérieur à moelle sectionnée; c'est donc le sang qui est porteur des excitations cardiaques. Ces résultats concordent avec les expériences de Mosso qui démontra le premier que le sang des animaux fatigué, injecté à d'autres animaux de la même espèce, donnait lieu à des accélérations cardiaque et respiratoire intenses. Elles concordent également avec les expériences de Gepi-ert et Zïntz, qui, en 1888, établirent par des expériences ingénieuses que l'accélération respiratoire produite par l'activité musculaire est d'origine chimique. C'est à eux que l'on doit la méthode d'expérimentation qu'a reprise ensuite Johansson. Ils produisirent l'activité musculaire sans exciter les centres respiratoires par la voie nerveuse; à cet effet ils sectionnaient la moelle lombaire et entretenaient la respiration artificielle. Dans ces conditions, le travail musculaire produit par la tétanisation des extrémités inférieures produisait une accélération respiratoire, tout comme à l'état normal (chien et lapin). L'accélération respiratoire qui accompagne le travail musculaire n'est donc pas d'origine nerveuse, mais elle est due à l'excitation chimique des centres respiratoires par le sang modifié. En est-il de même pour l'accélération cardiaque? Carvallo etATHANAsiu ont observé que le travail musculaire normal peut augmenter la fréquence cardiaque par le seul intermédiaire du système nerveux: en produisant l'anémie du bras par une bande de caoutchouc, on constate une accélération très notable du pouls en pressant un dyna- momètre. On est donc forcé d'admettre l'existence d'une action réflexe pour expliquer le mécanisme de cette accélération du cœur. Suivant ces auteurs, les pneumo-gastriques sont les voies essentielles par lesquelles se détermine le réflexe musculaire qui agit si rapidement et si puissamment sur le rythme du cœur. Ils appellent l'attention sur la différence qui sépare l'accélération cardiaque du travail volontaire et l'accélération cardiaque du travail artificiel. Dans le premier cas, l'accélération est soudaine, elle atteint rapidement son maximum d'intensité et se maintient à cette hauteur tant que dure l'acti- vité des muscles. Dans le second cas, elle apparaît relativement tard, et son intensité augmente proportionnellement avec la durée de l'activité musculaire. Enfin, dans le travail artificiel, l'accélération persiste beaucoup plus longtemps. Ces deux phénomènes ne sont pas du tout comparables. L'accélération cardiaque du travail normal est un phénomène essentiellement nerveux qui apparaît et disparaît avec rapidité; l'accéléra- tion cardiaque du travail artificiel est un phénomène d'ordre chimique, dont la persis- tance et l'accroissement s'expliquent par ce fait que les principes toxiques qui la pro- voquent augmentent et s'accumulent dans le sang au fur et à mesure que le travail continue. Le travail produit par l'excitation centrale est impuissant à déterminer la formation des substances toxiques qui agissent sur le cœur; les muscles qui travaillent envoient des excitations vers les centres nerveux supérieurs, qui, dans leur passage par le bulbe, inhibent le centre modérateur du cœur en augmentant ainsi la fréquence cardiaque. Ce phénomène, dont l'intensité semble être proportionnelle à la grandeur du travail, a pour but la régulation de la pression sanguine. Mais, dans le cas d'un tra- vail prolongé et spécialement de la fatigue, certains corps toxiques prennent naissance qui peuvent encore agir en accélérant le cœur (Athanasiu et Carvallo). Les muscles fatigués deviennent œdémateux; les vaisseaux sanguins dilatés laissent passer la lymphe en plus grande abondance. Dans ses recherches sur la physiologie de l'homme sur les Alpes, A. Mosso a étudié les phénomènes de la fatigue aux grandes altitudes. La fatigue rend le pouls irrégulier; la dilatation du cœur, constatée au moyen du phonendoscope de Biaxchi, s'observe déjà après une heure d'exercice (haltères). Deux causes inÛuencent la modification du cœur pendant la fatigue, dit Mosso; la cause mécanique, qui dépend de la pression du sang; 122 FATIGUE. l'autre, d'origine chimique, toxique, qui dépend des produits formés dans l'organisme , Bibliographie. — Athanasiu et Carvallo. Des modifications circulatoires qui se pro- duisent dans les membres en activité, étudiées à l'aide du phéthysmographe [B. B., 1898, 268-270). Le travail musculaire et le rythme du cœur {A. de P., 1898, 347-362, et 552-567). — BixET (A.) et Vaschide (N.). Influence du travail intellectuel, des émotions et du travail physique sur la pression du sang [Année PsychoL, m, 1897, 127). — Binet (à.) et Cour- tier (.1.). Les effets du travail musculaire sur la circulation capillaire {Année PsychoL, m, 1897, 30). — Christ (H.). JJeber den Einfluss der Muskelarbeit auf die Herzthàtigkcit {Deutsch. Arch. f. klin.Med., 1894, lui, 102-140). — Fileiine (W.) et Kionka (H.). Die Régu- lation der Athmung bei Muskelthdtigkeit [A. g. P., 1896, lxiii, 234-252). — Fleury (de). Quelques graphiques de la tension artérielle du pouls capillaire et de la force dynamomé- trique recueillis chez les épileptiques (B. B., 1899, 975). — Geppert et Zùntz (N.). Veber die Régulation der Athmung (A. g. 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On sait qu'à basse température les poisons sont moins actifs qu'à des températures élevées. Ch. Richet a montré que, pour une grenouille plongée dans de l'eau chloroformée ou alcoolisée, à 0° les effets toxiques sont presque nuls; à 32° ils sont immédiats. Ce fait peut être généralisé à tous les orga- nismes (Ch. Richet et Langlois, Saint-Hilaire). Or presque tous les auteurs constatent que l'action de la fatigue peut être assimilée à celle des poisons, et qu'elle augmente avec la température. ScHMULEwiTCH avait déjà remarqué en 1867 que la somme de travail que peut fournir un muscle de grenouille est plus grande à une température basse qu'à une température élevée. Cad et Heymans constatèrent que la contraction diminue d'intensité avec l'élé- vation de la température, et ils ont démontré la fâcheuse complication de la chaleur et de la fatigue. M. Pomimliax vit qu'un muscle de grenouille chauffé s'épuise bien plus vite qu'un muscle refroidi ; la fatigue survient d'autant plus vite que la température est plus élevée. Patrizi confirma ces faits sur les muscles du ver à soie. A des températures moyennes les contractions atteignent le maximum d'élévation, tandis qu'à des tempéra- tures inférieures à 18° la hauteur des contractions diminue; mais la fatigue tarde à se présenter. Après cinq minutes à 0° l'excitabilité se perd, mais le muscle recommence à travailler facilement, si, au bout de 5 et même de 10 minutes, on élève la température. Avec l'ergographe Patrizi constata sur rhomiue que l'élévation de la tempéi^ature FATIGUE. \n (immersion de l'avant-bras dans de l'eau chaude) était défavorable au travail mécanique. Le môme auteur a étudié les oscillations quotidiennes du travail musculaire, chez l'homme, en rapport avec la température du corps. Il a constaté une marche parallèle des courbes quotidiennes du travail musculaire et de la température. Le maximum d'énergie a été observé vers 2 heures et demie de l'après-midi (température 37°, 78); le minimum, le matin (37); une légère augmentation, le soir (37°,56) et une diminution, vers minuit (37"). La courbe quotidienne de l'énergie de l'homme est donc semblable à sa température. Nous voyons donc que la force musculaire croît quand augmente la température de l'organisme physiologique, qui est sous la dépendance d'un dégagement plus considé- rable d'énergie chimique. Et cependant, quand nous élevons artificiellement la tempé- rature dans de très grandes limites, quoique nous provoquions une accélération notable des mutations organiques, ce chimisaie intense produit des substances toxiques en nombre suffisant pour paralyser le mouvement. Dans ses recherches sur la marmotte, Raphaël Dubois a étudié l'influence de réchauf- fement sur la fatigue musculaire. Les courbes de la fatigue montrent que le muscle de la marmotte chaude se fatigue beaucoup plus vite que celui de la marmotte froide. Dans le muscle encore froid d'une marmotte en train de se réchauffer, l'excès de CO^ est déjà en grande partie éliminé, et l'oxygène arrive en abondance : c'est pourquoi, dans ces conditions, le muscle se fatigue difficilement. Le muscle chaud, produisant dans le même temps beaucoup de CO-, se fatigue plus rapidement. RoLLETT montra que l'allongement de la secousse, qui est la caractéristique et le premier symptôme de la fatigue, se produit bien plus tardivement dans les muscles des animaux à sang chaud que dans ceux des animaux à sang froid. Ce fait semblerait prouver que les muscles homéothermes se fatiguent plus lentement que les muscles poïkilothermes. Pour éviter l'allongement de la secousse dans une série de contractions des muscles de grenouille, il faut exciter à des intervalles bien plus éloignés que pour les muscles des animaux à sang chaud. Rollett pensa que cette différence était due à la qualité différente des muscles. D'après Schengk, ce phénomène peut tenir simple- ment à une différence de température. Pour s'en convaincre, il fit l'expérience suivante : Deux gastrocnémiens de grenouille séparés du corps sont tétanisés avec le même cou- rant; l'un d'eux est chauffé à 30°. Le muscle chauffé se fatigue plus vite que le muscle non chauffé. Mais Schengk expérimentait avec des muscles extraits du corps, tandis que Rollett employait des muscles à circulation intacte. Nous voyons ainsi que presque tous les auteurs s'accordaient à considérer l'élévation de température comme favorisant l'apparition de la fatigue. Ce point de la physiologie paraissait très bien éclairci quand parut le travail de Garvallo et Weiss, dont les résultats plaident dans un sens radicalement opposé. Ces auteurs ont expérimenté sur le gastrocnémien de la grenouille verte et ont recouru au procédé isotonique et au procédé isométrique (le résultat a été le même). On décharge un condensateur à travers le circuit primaire d'une bobine d'induction; dans ces conditions l'onde électrique ne donne lieu à aucune action chimique et n'introduit aucune erreur dans l'étude de la fatigue. La planchette portant la grenouille se trouvait dans une caisse de zinc où l'on pouvait maintenir la température voulue à l'aide d'eau dans laquelle la grenouille était plongée. Le myographe se trouvait en dehors de la caisse de zinc. La circulation était con- servée; le nerf était coupé pour éviter les mouvements volontaires de l'animal, et on excitait directement le muscle gastrocnémien. Voici les résultats de Weiss et Carvallo ; 1° A une température de 20° le muscle peut répondre presque indéfiniment à des excitations maximales se succédant à des intervalles de 6 secondes; c'est là une tem- pérature optimum, où la résistance à la fatigue est la plus grande. A partir de là la fatigue se produit d'autant plus rapidement que l'on s'éloigne de cette température; 2° quand le muscle est épuisé à 0°, il suffit de le chauffer à 20°, pour voir les secousses réapparaître avec une amplitude égale à celle qu'elles avaient au début. La rapidité avec laquelle ce phénomène se produit est remarquable ; 3° un muscle fatigué à des hautes températures ne reprend pas son énergie par un retour à 20°; 4° Les mêmes phéno- mènes s'observent sur les muscles anémiés; le maximum de résistance est encore à 20°, et la fatigue se produit d'autant plus rapidement qu'on s'éloigne plus de ce point. \U FATIGUE. Fatiguons un muscle sans circulation àO»; il suffit délever la température à 20" pour voir les secousses réparaître avec une amplitude égale à celle qu'elles auraient eue sans la fatigue préalable à 0». On peut aussi élever successivement la température du muscle de 0" à 5°, de 5° à 10°, de 10» à 15°, de lo» à 20°; on a à chaque élévation de température une nouvelle courbe de fatigue dont la grandeur diminue à mesure que l'on passe de 0° à 20°. Ces expériences ont conduit Weiss et Carvallo a émettre quelques considérations générales sur la nature de la fatigue musculaire. Deux hypothèses pouvent servir à expliquer ces phénomènes : 1° Hypothèse de l'intoxication. Les produits toxiques dus à la fatigue ne peuvent se détruire à basse température. Il en résulte un empoisonnement rapide du muscle. A 0" ces produits seraient très stables, iis s'accumuleraient facilement. L'élévation de la température les détruirait; 2° Hypothèse de Vusure. La contraction mus- culaire serait directement liée à la combustion d'un produit A. Ce produit existerait en quantité limitée, et à mesure qu'il se détruit, il se reproduirait aux dépens d'un corps B. Cette transformation ne se produirait qu'à une haute température (optimum 20°). Quand tout A est brûlé, le muscle est épuisé, et il faut une nouvelle transformation de B en A. Au-dessus de 20°, A et B se détruisent, la réparation est impossible. Ils s'appuient encore sur d'autres expériences pour éliminer l'hypothèse de poisons. On peut arriver à détruire A par un autre procédé que la contraction musculaire. En chaufTant un muscle pendant 10 minutes à 30°, puis le refroidissant brusquement à0°, on a un muscle qui présente tous les phénomènes du muscle fatigué à 0°. Il est abso- lument inexcilable; mais il suffit de le chauffer à 20° pour lui redonner son énergie primitive, comme si, dans le premier chauffage on avait détruit A (moins stable que B) et, dans le second, transformé B en A. Ch. Féré a étudié l'influence de la température extérieure sur le travail ergogra- phique. L'abaissement de la température du laboratoire provoque une diminution con- sidérable de travail, suivie d'une légère recrudescence peu durable, à laquelle succède un épuisement rapide. Au contraire, Lefèvre considère le froid comme activant d'une façon remarquable le travail chez les homéothermes. Un homme bien exercé peut, en quelques heures, fabriquer 700 ou 800 calories supplémentaires sous l'action du froid. L'auteur a conslalé sur lui-môme l'action dynamogène du froid. Bibliographie. — Carvallo (J.) et Weiss (G.). Influence de la température sur la disparition et la réapparition de la contraciion musculaire {Journ. de Physiol. et de PathoL, 1899, 990). Influence de la température sur la fatigue et la réparation du muscle {B. B., 8 juillet 1899). — Dubois (R.). Sur le rôle de la chaleur dans le fonctionnement du muscle {C. R., 1899, cxxix, 44). Nouvelles recherches sur la physiologie de la marmotte (Journal de Physiologie., septembre 1899). — Féré (Ch.). Influence de la température exté- rieure sur le travail (B. B., 1901, 17). — Gad et Heymans. Ueber den FAnfluss der Tempe- rutur auf die Leistungsfàhigkeit der Muskelsubstanz (A. P., Suppl., 1890, 59). — Lefèvre- Sur C augmentation de Vaptilude au travail sous Vinfluence du froid (B. B., 1901, 415). — Patrizi (M.). Action de la chaleur et du froid sur la fatigue des muscles chez l'homme {A. i. B., 1893, XIX, 103). Oscillations quotidiennes du travail musculaire en rapport avec la tempé- rature du corps {A. i. B., 1892, xvn, 134). Sur la contraction des muscles striés et sur les mouvements du « Bombyx mari » (A. i. B., xix, 1893, 177-194). — Schenck (F.). Kleinere Notizen ziir allgemeinen Muskelphysiologie. 10. Einftuss der Temperatur auf der Span- nungszunahme und die Mitskelermiidung [A. g. P., 1900, lxxix, 333). — Schmulevitch. Recherches sur l'influence de la chaleur sur le travail mécanique du muscle de la grenouille [C. R., 1867, 358). § 2. La fatigue aérobie et anaérobie. — Dans la fatigue l'oxgène fixé parles tissus n'est probablement pas en quantité suffisante pour la combustion totale; il en résulte que la fatigue réalise certaines conditions de la vie anaérobie, et il ne serait pas impossible que la viciation de la nutrition dans la fatigue relevât de cette cause. Il existe trois procédés pour réaliser les conditions delà vie anaérobie des muscles : l'anémie, la dépression atmosphérique et l'asphyxie. Chez les poïkilothermes l'excitabilité du muscle privé de sang persiste beaucoup plus longtemps que chez les homéothermes; ces derniers ont bien vite épuisé leur réserve d'oxygène. L'injection de sang oxygéné dans un membre séparé du corps y FATIGUE. 125 maintient l'irrilabilité pendant un certain temps; Ludwig et Alex. Schmidt ont réussi à conserver l'irritabiliié des muscles du chien longtemps après la mort, grâce à la circu- lation artificielle du sang défibriné. Si le muscle, dans lequel on continue la circulation artificielle, reste quelque temps au repos, il se restaure, et devient capable de soulever un poids à une hauteur plus grande. Le courant sanguin peut réparer les pertes que le muscle subit en travaillant. Mais, malgré la survie du muscle extrait du corps, la hauteur de ses contractions est moindre que pour le muscle recevant du sang. La somme de tra- vail mécanique du muscle anémié est moins considérable; il se fatigue plus vite; le phé- nomène de l'escalier est peu net, et souvent même fait défaut, ce qui démontre que la soustraction de l'oxygène est immédiatement suivie d'une diminution de l'excitabilité. On sait, depuis une ancienne expérience de Ranke, qu'une patte de grenouille, fati- guée jusqu'à épuisement complet par des excitations électriques, est rendue capable d'une nouvelle série de contractions par un simple lavage, c'est-à-dire par le passage d'eau salée par l'artère principale du membre. Le lavage agit mécaniquement, en entraî- nant au dehors les substances toxiques produites pendant le travail musculaire. Kronec- KER a montré qu'une substance pouvant céder son oxygène aux tissus (permanganate de potasse ou sang oxygéné) était encore plus apte à restaurer le muscle en état de fatigue. L'oxygène apporté au moyen du permanganate n'est pas cependant toujours efficace, tandis que l'oxygène des globules rouges l'est dans tous les cas. Dans une de ses expé- riences Kronecker obtint une courbe de la fatigue composée d'une série de lignes à con- vexités supérieures; chacune correspondait à la circulation artificielle de permanganate de potassse. Ces expériences montrent que l'action réparatrice du sang dans la fatigue musculaire est due à son oxygène et non aux substances nutritives qui y sont contenues. Nous verrons plus loin la confirmation de cette conclusion, qui semblait peut-être trop hardie à l'époque oii Kronecker instituait ses expériences (187i), mais qui aujourd'hui est pleinement démontrée (L Ioteyko, 1896, A. Broca et Ch. Richet, Verworn). D'autres procédés peuvent être utilisés pour montrer l'action de l'oxygène comme élément réparateur; dans l'asphyxie expérimentale, le cœur continue à battre, la circula- tion n'est donc pas empêchée, mais la respiration est arrêtée; par conséquent le sang charrié est presque dépourvu d'hémoglobine. Les troubles de l'excitabilité musculaire observés lors de l'asphyxie peuvent donc être attribués presque exclusivement au manque d'oxygène. A. Broca et Ch. Richet ont étudié la contraction anaérobie chez le chien, dont l'asphyxie était déterminée au moyen de l'oblitération momentanée de la trachée. Au moment où les mouvements respiratoires commencent à se ralentir sous l'influence de l'asphyxie, les contractions provoquées par le courant électrique s'affai- blissent pour disparaître en peu de temps. Dès qu'on désobstruait la trachée, on voyait revenir la contractilité, mais elle ne revenait jamais à son état primitif; le muscle qui avait donné une série de contractions anaérobies était épuisé pour longtemps. Il fallait attendre quelquefois trois heures pour que la réparation put s'effectuer. Ce qui fatigue surtout le muscle, disent les auteurs, c'est la contraction complètement et rigoureuse- ment anaérobie. L'asphyxie seule ne suffit pas à épuiser un muscle, parce que les muscles qui n'ont pas travaillé ont gardé leur excitabilité. Probablement, quand le muscle se contracte, il produit des substances toxiques, mais dans les conditions normales elles sont détruites aussitôt par l'oxygène, tandis que, pendant l'asphyxie, elles ne sont pas détruites, et peuvent alors se fixer sur les éléments musculaires qu'elles intoxiquent gravement (A. Broca et Ch. Richet). Ce qui doit attirer l'attention dans ces expériences, c'est la longue durée de l'épuisement après la contraction anaérobie. Même quand l'as- phyxie a cessé, lorsque le sang est redevenu oxygéné, il n'y a pas retour de la contractilité. Nous voyons les mêmes phénomènes se produire dans l'asphyxie du cœur. Le ralen- tissement observé pendant l'asphyxie exerce une action protectrice remarquable, et ce ralentissement est dû à l'action des pneumogastriques (Dastre et Morat). Si l'on sec- tionne les vagues, comme l'a fait Ch. Richet, le cœur s'accélère immédiatement, et alors l'asphyxie est bien plus rapide. Quand la quantité d'oxygène est en petite proportion, comme c'est le cas dans l'asphyxie, alors il faut que la consommation en soit réduite au minimum, et c'est pour cela que le cœur bat plus lentement. Si le cœur ne ralentit pas ses mouvements, l'asphyxie survient très vite, la contraction musculaire de'termine la production de certains poisons, qui ne peuvent être détruits que par l'oxygène (Ch. Richet). 126 FATIGUE. Si, au moment où l'oxygène a déterminé le ralentissement du cœur, on fait la respiration artificielle, l'animal revit immédiatement. Mais, si le cœur a accéléré ses mouvements par destruction des values, on a beau rétablir l'hématose par respiration artificielle, elle est absolumentimpuissante à ranimer le cœur. « Nous assistons, écrit Ch. Richet, à ce phé- nomène d'un cœur qui continue à battre, qui reçoit du sang oxygéné, puisque l'hématose a été rétablie, et qui cependant dans quelques secondes va mourir malgré la circulation du sang oxygéné. Tout se passe comme s'il était empoisonné d'une manière durable par des contractions fréquentes s'étant produites au sein d'un liquide peu oxygéné. Le poison qui s'est formé alors a intoxiqué définitivement les cellules ganglionnaires du cœur. C'est, en un mot, un effet de fatigue névro-musculaire. » La toxicité du sang asphyxique a d'ailleurs été directement démontrée dans les expé- riences d'OxTOLENGHi ; d'autre part, Mosso a prouvé que le sang d'un chien surmené ou tétanisé est toxique : injecté à un autre chien, il produit les symptômes de la fatigue. Les recherches ergographiques sont également fort intéressantes à cet égard. En produisant l'anémie par compression de l'artère humérale, Maggiora a vu la force musculaire décroître sensiblement. Avant l'anémie, il a pu produire 2,736 kilogram- mètres; après l'anémie 0,6oO kilogrammètres. Il est à noter que la courbe de Vanémie est une hyperbole. Mais l'aptitude à exécuter une première contraction maximum n'est pas perdue; lorsque l'anémie cesse, les contractions augmentent rapidement de hauteur. Le même auteur a fait des recherches sur la force musculaire après l'augmentation de la circulation. A cet effet, il s'est servi du massage. Déjà Zabloudowsky avait observé (1883) que le massage active d'une façon remarquable la réparation des muscles fatigués. L'auteur italien arrive à la même conclusion : on obtient du muscle qui travaille avec des périodes de quinze minutes de massage un effet utile quadruple de celui que donne le muscle auquel on accorde des périodes équivalentes de repos. Occupons-nous maintenant des phénomènes asphyxiques obtenus par l'introduction des animaux ou de leurs tissus dans une atmosphère d'un gaz inerte, impropre à entre- tenir la combustion, hydrogène ou azote. L'origine de ce procédé expérimental remonte à des temps très éloignés, puisque Humboldt [Versuche ùber die gereizte Miiskelund Nervenfaser, Berlin, 1797) avait déjà fait la remarque que le muscle reste plus long- temps excitable dans l'air que dans l'hydrogène, et dans l'oxygène plus que dans l'air. Ces résultats furent confirmés par les expériences très précises d'HERMANN (1868); cet auteur constata en outre, que le muscle excité dans l'hydrogène continue à dégager de l'anhydride carbonique, bien qu'il soit impossible d'extraire de l'oxygène d'un muscle détaché du corps, même à l'aide de la pompe à gaz. D'après Verworn, cette expérience ne prouve pas que le muscle sans circulation soit complètement dépourvu d'oxygène; il est très vraisemblable que ce gaz se trouve combiné au sarcoplasma musculaire et sert à l'oxydation des fibres musculaires au moment de leur contraction. Nous savons que les cellules des organismes supérieurs empruntent leur oxygène à l'hémoglobine, à laquelle ce gaz est faiblement lié. De même dans le sarcoplasma existerait une combi- naison semblable, mais avec cette différence, que l'oxygène ne pourrait en être extrait au moyen de la pompe à mercure, comme c'est le cas pour l'hémoglobine. Cela explique- rait comment certaines cellules privées de l'accès de l'air peuvent être le siège d'oxyda- tions intra-organiques jusqu'au moment où leur réserve d'oxygène est épuisée. D'après PflCger (l/eber die physiologische Verbvennung in den lebendigen Organismen {A. g. P., x, 1873), la contraction dans ces cas est due à l'oxygène intra-moléculaire. L'instabilité des matières albuminoïdes vivantes est due à l'oxygène intra-moléculaire, c'est-à-dire contenu dans la molécule albuminoïde. Ainsi donc un muscle vivant d'une existence anaérobie continue à dégager de l'anhydride carbonique et utilise ses réserves d'oxy- gène, ne pouvant en prendre à l'air ambiant. Au contraire, un muscle extrait du corps et placé à l'air absorbe de l'oxygène par le fait d'une respiration élémentaire de ses fibres (Tissot). Ces données préliminaires sont nécessaires pour nous rendre compte des diffé- rences qui séparent la fatigue aérobie de la fatigue anaérobie des muscles sans circula- tion. Pour apprécier cette diiférence avec netteté, il faut soustraire les muscles à la circulation; car alors les phénomènes caractéristiques peuvent être attribués en tota- lité à la présence et ou manque d'oxygène. FATIGUE. 127 Le processus de Ja fatigue aérobie (air) et de la fatigue anaérobie (hydrogènei des muscles extraits du corps présente ce seul fait digne d'intérêt, que le travail mécanique est sensiblement moindre dans la fatigue anaérobie. Nous avons vu plus haut que le fait de la soustraction du sang avait pour effet WjÊt/SÊ "è « de diminuer dans une forte mesure le travail mécanique. L'in- ^^^B^Ê "H. fluence combinée de l'anémie et du manque d'oxygène est encore ^^^^^K ® J bien plus pernicieuse. Mais c'est le mode de réparation qui va nous ^^^^^B .2 g fournir les éléments difTérenciels de la fatigue aérobie et de la ^^^^^^B - >» fatigue anaérobie. ^^^^^K ^^ Disons tout d'abord que déjà Edouard Weber (1846), Kilian ^^^^^B " 1 • (1847) et Valentin (1847), et, parmi les auteurs modernes, Ch. ^^^^^h i^ § RiCHET, avaient observé que la réparation de la fatigue pouvait se ^^^^^H = S ^ faire même dans un muscle extrait du corps. Ce phénomène, en ^^^^^| ï 1 ^ apparence paradoxal, n'avait cessé d'intriguer les physiologistes, ^^^^^| ^ "^ i et avait été considéré par certains d'entre eux comme contraire à la ^^^^^H ô'^ ■= ^ théorie toxique de la fatigue (Cybulski) et à la théorie toxique du ^^^E^| "t ^ m sommeil. Le sang n'est donc pas indispensable pour entraîner au ^^^K^M S ^ ,5 loin les produits de la désassimilation produits pendant le travail ^^^E^H = g- musculaire, puisque la restitution des forces contractiles peut se ^^^^^| £ 1 "^ faire même dans un muscle soustrait à la circulation. La substance ^^^^^1 ^ ^ .2 musculaire possède en elle les facteurs essentiels de la réparation ^^^B^B = a ^ (Yerworn). ^^^H ^|-^ Dans des expériences faites avec Ch. Richet, J. Ioteyko a ^^^l^| - ^^ nettement établi que la réparation de la fatigue des muscles ^^^B^Ê "^a^ extraits du corps est due à l'intervention de l'oxygène atmosphé- ^^^S^| ^ "S § rique (1896). C'est l'oxygène de l'air qui intervient ici comme élé- ^^H^| s =^1 ment réparateur grâce à un phénomène de respiration élémentaire ^^^■^H J | a des fibres musculaires. La preuve en est fournie par ce fait qu'un ^^^P^| ^ °^| muscle sans circulation, fatigué dans un milieu privé d'oxygène ^^^B^| ^'"t (hydrogène pur, ou eau bouillie et recouverte d'une couche d'huile) ^^S^l I i § ne se répare pas; la perte d'excitabilité est irrévocable dans ces ^^^^H o - I conditions. Ce fait a été démontré pour les muscles de la grenouille ^^^E^H ^ o "S et pour le muscle de la pince de l'écrevisse. La réparation de la ^^^B^H §-« ê fatigue d'un muscle anémié n'a pas lieu dans un milieu privé ^^BÊ^m "| ^ -a d'oxygène. L'oxygène est indispensable pour la réparation de la ^^BH ^r 1 S fatigue musculaire. Mais la réparation a lieu si on introduit un peu ^^^B^| - s I- d'oxygène sous la cloche à expériences; elle est due de ce fait aux ^^^E^| - l" § échanges gazeux s'efîectuant entre le muscle et l'oxygène ambiant; ^^Bfl 1 ~ 1 la réparation de la fatigue du muscle anémié est donc un phéno- ^^^^H p^ £. mène de respiration élémentaire. (J. Ioteyko). La fig. 16 démontre ^^^^| 'l t n ce phénomène. La réparation d'un muscle ane'mié placé à l'air ^^BH ^ ^J s'observe tant que persiste l'excitabilité musculaire; et même un ^^B^H ^^1 J muscle dont les capillaires ont été complètement lavés de sang se ^^H^l "1 £ ^ répare à l'air après une grande fatigue (J. Ioteyko). ^^^^H ^ l"! Il est permis de conclure de ces expériences que la vie stricte- ^^H^l i^ ° ment anaérobie ne donne pas au tissu musculaire l'énergie néces- ^^^^H " 1 1 saire pour réparer sa fatigue; l'intervention de l'oxygène devient ^^BH '^ "1 ^ nécessaire. On peut même établir une sorte de hiérarchie d'après la ^^^^H ti-î rapidité avec laquelle surviennent la fatigue et la lenteur de la ^^^^| g ^ -§ réparation. D'abord il y a le muscle normal (c'est-à-dire chez un ^^EH j 1 • g animal qui respire et dont le sang est oxygéné), muscle qui, placé ^^^^H _■ cl à l'air, se fatigue tardivement et se répare intégralement. En ^^B^| '^ "^ - second lieu le muscle d'un animal à moelle sectionnée : la respi- ^^^^H ^ ration pulmonaire est arrêtée, mais chez la grenouille elle est H^HI suppléée par la respiration cutanée. En troisième lieu, le muscle sans circulation, mais placé à l'air. En quatrième lieu, le muscle avec circulation, mais placé dans l'hydrogène (la réparation se fait). Enfin un muscle sans circulation et placé 128 FATIGUE. dans l'hydrogène, vivant d'une existence strictement anaérobie, ne se répare pas. Cette division ne correspond-elle pas à la quantité disponible d'oxygène? Graves pour le muscle doivent être les conséquences du travail accompli dans un milieu privé d'oxygène. Une des preuves, c'est la rigidité cadavérique hâtive constatée par J. loTEYKO sur un muscle anémié ayant fourni des contractions dans l'hydrogène jusqu'à extrême fatigue. Toutes ces expériences montrent que l'excitabilité musculaire est notablement diminuée dans un milieu pauvre en oxygène ou complètement dépourvu de ce gaz. Mais la contraction anaérobie épuise bien davantage le muscle. Nous savons qu'un muscle même normal renferme des toxines. Sans doute pendant la contrac- tion elles augmentent; mais, quand l'oxygène fait défaut, elles ne sont pas détruites, et amènent une paralysie précoce du muscle, sa mort à brève échéance. 11 semble donc que l'oxygène indispensable au retour de l'irritabilité agit principalement par son action antitoxique sur les produits de la fatigue. On peut établir des degrés dans Ja vie anaérobie; ils correspondent à des degrés dans la fatigue et la réparation. 1° Un muscle sans circulation, placé à l'air atmosphérique, répare sa fatigue; la réparation prouve que la fatigue n'était pas due à un épuisement des réserves (le sang n'ayant pas apporté les matériaux de reconstruction); 2° Un muscle sans circulation, placé dans l'hydrogène, ne répare pas sa fatigue. Nous savons que sa réserve nutritive n'est pas épuisée, et nous en concluons que c'est l'absence d'oxygène qui est la cause de cette non-réparation; 3° Un muscle avec circulation, placé dans l'hydrogène, répare sa fatigue. Le sang n'est pas indispensable à la réparation; mais, dans ce cas particulier, l'oxygène fait absolument défaut; la réparation s'effectue grâce à la circulation, qui entraîne au loin les substances toxiques engendrées par la fatigue. La réparation de la fatigue peut donc se faire sans l'intervention de l'oxygène, mais il faut que la circulation (sanguine ou artificielle) vienne laver le muscle de ses produits toxiques. Dans le cas contraire, quand la circulation est interrompue, l'oxydation devient indispensable. Normalement, ces deux processus entrent en jeu. Nous rentrons ainsi dans la loi générale, la défense de l'organisme à l'égard des poisons s'accomplissant grâce à deux processus : élimination et oxydation. La vie anaérobie du cœur présente des phénomènes qui ne sont pas sans analogie avec ceux qu'on a constatés pour le muscle strié ordinaire. Ainsi Oehrwall a observé la reprise du fonctionnement du cœur par l'introduction de l'oxygène ou de l'air atmo- sphérique dans le sérum ou même dans l'air ambiant. Au Congrès de Physiologie de Turin (1901), Locke démontra le fait sur le cœur des homéothermes. Verworn l'a établi aussi pour la réparation de la fatigue médullaire. Les changements de pression atmosphérique agissent aussi en modifiant les oxyda- lions intra-organiques. Les troubles connus sous le nom de « mal de montagne » et « mal des aéronautes » augmentent d'une façon marquée quand les sujets exécutent des mouvements. Ce phénomène a été vérifié expérimentalement par P. Regnard pour les cobayes, qui meurent rapidement dans un air raréfié, quand ils sont soumis à des mouve- ments forcés; tandis que les cobayes témoins résistent ou succombent seulement à des pressions beaui^oup plus basses. De même les alpinistes, quand ils sont transportés et n'accomplissent pas de travail musculaire, ne souffrent presque pas. La fatigue entre donc activement en jeu dans la production des troubles observés. Zenoni prit des tracés ergographiques dans l'air comprimé (une atmosphère) et remarqua une légère augmen- tation de force pour les contractions volontaires; la fatigue n'est pas retardée, mais les premières contractions surtout se maintiennent élevées. Pour les contractions provo- quées, la force musculaire reste "invariable à la pression d'une atmosphère. D'après Warren Lombard, quand la pression atmosphérique s'abaisse, il y a diminution du pou- voir de contraction; quand elle s'élève, l'effet inverse se produit. Dans son livre sur la physiologie de l'homme sur les Alpes, A. Mosso consacre un chapitre à la force muscu- laire aux grandes altitudes. Son frère Ugolino donna à Turin un ergogramme de 3,48 kilogrammètres. A Monte Hosa (4 560 mètres d'altitude), il ne donna que 2,828 kilo- grammètres. Le type de la courbe est resté à peu près le même. Les mêmes expériences furent répétées sur plusieurs personnes (on a éliminé l'action de la fatigue consécutive à FATIGUE. 1-29 Degrés dans la vie anaérobie du muscle (D'après J. Ioteyko). GRENOUILLE. RESPIRATION. o É- 1 g 1 S ■sa j CONCLUSION.S. PULMO- NAIRE. CDTANÉE. ÉLÉMEN- TAIRE. 1. Normale. . . Normale. Normale. Normale. Normale. Normale. Intégrale- 2. Moelle section- née (à l'air). . Absente. Normale. Normale. Normale. Normale. Non iatéijrale. 3. Moelle section- née et cœur en- levé (à l'air). , Absente. Absente. Normale. Absente. Diminuée. Non intégrale. Le lait de la réparation in- dique que la fatigue n'avait pas épuisé les réserves. 4. Moelle section- née (hydro- gèue) Absente. Absente. Absente. Normale. Diminuée. Non intégrale. La préseace de la circulation n'est pas in- dispensaljle à la réparation; mais l'oxygène fait défaut. La réparation s'ef- fectue grâce au courantsan- guin, qui en- traîne les sub- stances toxi- ques. 5. Moelle section- née et cœur en- levé (hydro- gène) Absente. Absente. Absente. Absente. Dimiuuée. Pas de réparation. Les réserves nu- tritives ne sont pas épuisées (voir 3). C'est donc l'absence d'oxygène qui est la cause de cette non-répa- ration. l'ascension). Ce qui frappe surtout, c'est la grande irrégularité des tracés pris à Monte Rosa. Une ascension de trois ou quatre heures est suffisante pour modifier la tonicité des muscles; ils se laissent plus facilement distendre; la contraction est plus lente et moins efficace. En résumé, en l'absence d'oxygène (asphyxie, anémie, dépression), la vie des tissus produit des substances nuisibles, qui, nées anaérobiquement, ont besoin d'oxygène pour être dissociées et pour perdre leur toxicité. Mais, si nous imposons aux êtres ou aux tissus dont nous avons déterminé l'existence anaérobie un surcroît de travail, pour les muscles en les excitant par l'électricité, pour le cœur en accélérant ses battements par section des vagues, l'intoxication devient bien plus grave : elle peut même aller jusqu'à la mort malgré le rétablissement de l'hématose. Or, dans la fatigue, il y a anaérobisme partiel, en ce sens que l'oxygène fixé par les tissus n'est pas en quantité suffisante pour la combustion totale : de là formation de produits toxiques, qui perdraient leur nocivité s'il y avait oxydation. Cette interprétation des phénomènes cadre bien avec la présence de substances réductrices dans le muscle tétanisé. Bibliographie. — Broc.v (A.) et Richet (Ch.). De la contraction musculaire anaérobie (A. de P., 1896, 829). — HErniA.xN (L.). Unters. z. Physiol. d. Muskeln und Nerven, Berlin, •1868 (A. g. P., L, 336). — Ioteyko (J) et Richet (Ch.). Réparation de la fatigue musculaire par la respiration élémentaire du muscle [B. B., 1896, 146). — Killvn. Versuche ilber die Restitution der Aervejierregbarkeit nach dem Tode. Giessen, 1847. — Maggiora (A.). Les DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 9 130 FATIGUE. lois de la fatigue étudiées dans les muscles de l'homme (A. i. B., 1890, xiii, 187). 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La fatigue dans les états pathologiques. — Alcool. — L'influence de l'alcool sur le travail musculaire a été étu- diée par un grand nombre d'auteurs, attirés par l'importance sociale du problème. Le premier travail expérimental est dû à Kraepelin et Dehio (1892) ; ces auteurs ont institué des expériences dynamométriques avant et après l'usage de l'alcool; l'excitabilité de Dehio se trouva diminuée pendant une demi-heure; le travail de Kraepelin augmenta tout d'abord, pour diminuer ensuite très rapidement. Sarlo et Bernardini constatèrent une légère augmentation de l'excitabilité musculaire observée au dynamomètre après l'uage des 70 grammes de rhum . C'est surtout depuis l'introduction de la méthode ergographique en physiologie que les recherches sur l'alcool acquirent un grand intérêt. Lombard Warren (1892) fut le premier à étudier l'influence de l'alcool sur le travail ergographique ; il trouva une aug- mentation de force après de petites doses, une diminution après des fortes doses. Il attribue l'action dynamogène à une influence de l'alcool sur les centres nerveux. Her- MANN Frey (1896) arriva aux conclusions suivantes : 1° L'usage d'une quantité modérée d'alcool exerce une influence indéniable sur l'excitabilité musculaire, mais il y a lieu de faire une distinction entre le muscle fatigué et le muscle non fatigué ; 2» Le travail du muscle non fatigué est diminué sous l'influence de l'alcool, et cette influence est due à une diminution de l'excitabilité du système nerveux périphérique; 3° Le travail du muscle fatigué est considérablement augmenté sous l'influence d'une dose modérée d'alcool. L'alcool possède donc des propriétés nutritives; 4° L'augmentation de force constatée après l'usage de l'alcool n'arrive pourtant jamais au degré d'énergie déployé par le muscle frais, car ici aussi la diminution d'excitabilité du système nerveux périphérique entre en jeu; 3° Cette action se manifeste déjà 1 à 2 minutes après l'ingestion de l'alcool et se maintient longtemps; 6° Dans tous les cas l'alcool a pour effet de diminuer la sen- sation de fatigue; le travail apparaît bien plus facile. Frey arrive à conclure que l'alcool a une double action : 1° Une action paralysante sur le système nerveux central (diminu- tion de la sensation de fatigue) et périphérique (moindre excitabilité du muscle) ; 2° Une action due à l'apport de matériaux nouveaux de combustion, utilisables par le muscle. La première action (paralysie du système nerveux) apparaît dans les résultats des recherches sur le muscle non fatigué; dans les recherches sur le muscle fatigué, cette action apparaît aussi, mais assez faiblement. Quant à l'apport de nouveaux matériaux de combustion, Frey tâche d'expliquer pourquoi cette seconde action de l'alcool se manifeste seulement quand le muscle est fatigué; selon cet auteur, le muscle frais a tout ce qu'il faut pour donner son maximum de travail, et ce maximum, il ne peut le dépasser, malgré un apport de matériaux nouveaux. Dans les expériences de Frey l'action excitante de l'alcool se manifeste surtout par une augmentation du nombre de soulèvements à l'ergographe. Ces travaux furent repris presque en même temps par Destrée en Belgique, Scheffer en Hollande et Heck en Allemagne. Destrée s'est posé la question de savoir si l'alcool est vraiment avantageux pour le travail musculaire et s'il amène un rendement plus considérable en kilogrammètres produits. Il a examiné les effets immédiats et tardifs de l'alcool. Voici ses conclusions : 1° L'alcool a un effet favorable sur le rendement en travail, que le muscle soit fatigué ou non; 2° Cet effet favorable est presque immédiat, mais très momentané; 3° Consécu- tivement, l'alcool a un effet paralysant très marqué. Le rendement musculaire, environ FATIGUE. 13t une demi-heure après administration d'alcool, arrive à un minimum que de nou- velles doses d'alcool relèvent difficilement; 4° I/efTet paralysant consécutif de l'alcool compense l'excitation momentanée, et, somme toute, le rendement de travail obtenu avec l'emploi de substances alcooliques est inférieur à celui que l'on obtient sans elles; 5" Les effets paralysants ne s'observent pas consécutivement à l'emploi du thé, du café, du kola. Ces expériences enlèvent donc à l'alcool toute valeur comme agent nutritif ou anti-déperditeur. L'augmentation d'excitabilité au début de l'action ne repose pas sur une illusion (abolition du sentiment de fatigue, d'après BaNGE), mais est réelle. Scheffer a constaté aussi par des expériences ergographiques que des doses modérées d'alcool produisent d'abord une augmentation de la capacité de travail musculaire, bientôt suivie d'une diminution, par rapport à l'état normal. Ces effets successifs sont attribués par l'auteur aux modifications corrélatives et de même sens de l'excitabilité du système nerveux. En effet, Waller, Gad, Werigo, Sawyer, Piotrowski, Scheffer, Ioteyko et Stefa- NOWSKA, ont trouvé une augmentation initiale, puis une diminution de l'excitabilité de l'appareil nerveux moteur périphérique (tronc nerveux et terminaisons nerveuses) sous l'influence de l'alcool. Scheffer s'est assuré que, si l'on élimine par le curare l'action de l'appareil nerveux terminal, l'influence de l'alcool ne se montre plus sur le travail musculaire (grenouille). L'alcool n'est donc pas un dynamogène pour le muscle. C'est un excitant du système nerveux moteur périphérique, dont l'excitabilité augmente sous son influence, mais pour diminuer toujours ensuite (Scheffer). Dans sa thèse inaugu- rale, faite sous l'inspiration de Fick, Gh. Heck conteste l'action excitante initiale de l'alcool; d'après lui, c'est un effet de suggestion. Il est pourtant impossible de faire intervenir la suggestion pour expliquer un phénomène qui se présente avec une netteté parfaite sur le gastrocnémien de grenouille. Sche.nck: admet aussi qu'en fln de compte l'alcool exerce une action déprimante. Dernièrement Ch. Féré a repris l'étude de l'alcool et son influence sur le travail ergographique. 11 a constaté une action excitante initiale, et il l'explique par l'action dynamogène qu'exerce l'alcool comme excitant sensoriel à son passage dans la cavité- buccale. Une dose d'alcool, lorsqu'elle est conservée dans la bouche pour être rejetée plus tard, est plus favorable au travail que lorsqu'elle est ingérée. Cette explication est trop exclusive, car les expériences faites sur le gastrocnémien de grenouille ont montré une action dynamogène de l'alcool en l'absence de toute excitation gustative. Mais il paraît certain que l'excitation sensorielle coexiste chez l'homme avec l'excitation d'autres appareils. L'excitation immt'diate de l'alcool ne relève donc ni de la sugges- tion ni d'une excitation exclusivement sensorielle (gustative ou olfactive). Chauveau démontre qu'on ne peut dans l'alimentation remplacer une ration de sucre par une ration d'alcool. Il donne chaque jour 500 grammes de viande et 250 grammes de sucre à un chien et lui fait fournir un travail déterminé. Au bout de 54 jours on constate une augmentation de poids du chien. Mais, si l'on remplace un tiers du sucre par une quantité équivalente d'alcool dilué, alors le poids du chien s'abaisse, et il n'est plus en état de fournir la même quantité de travail. De Boeck et Gunzbourg (1899) ont étudié l'influence de l'alcool sur les alcooliques à l'aide du dynamomètre. L'alcool augmente l'excitabilité du muscle fatigué, mais cette action s'épuise rapidement. Un repos de quelques minutes est plus utiïe pour le muscle que l'alcool. Si les sujets en expérience étaient antérieurement intoxiqués par l'alcool, l'alcool agissait comme stimulant. Dans de nouvelles recherches, faites avec Oseretzkowsky, Kraepelin (1001) trouve que des doses d'alcool de 15 à 50 grammes exercent une action excitante extrêmement fugace; l'augmentation de travail est due presque exclusivement à une augmentation du nombre de soulèvements. Pour Kraepelin, l'alcool est un stimulant du travail moteur, qui ne diminue que consécutivement; au contraire, le travail psychique (addition) diminue d'emblée, et sans le coup de fouet du début. Partridge trouve que l'action dynamogène initiale existe aussi bien pour le travail musculaire que pour le travail intellectuel. Casarini (1901) étudia l'influence de l'alcool sur le travail ergographique, brachial et crural; l'alcool à petites doses produit une augmentation de travail plus considérable pour le membre inférieur (ergographe crural de Patrizi) que pour le membre supérieur;. 132 FATIGUE. des fortes closes produisent une dépression qui est plus nette pour la courbe crurale que pour la courbe brachiale. En comparant les courbes artificielles (électricité) avec les courbes volontaires (aussi bien pour la jambe que pour le bras) on voit que l'influence de l'alcool, tant hyperkinétique que bypokinélique, est plus intense sur les centres nerveux que sur les appareils neuro-musculaires périphériques. De ces recherches se dégage un fait important, à savoir que l'action dynamogène de l'alcool est due à une influence centrale et non à une influence périphérique. Si Scheffer et Frey ont soutenu le contraire, c'est parce que l'alcool exerce une action directe sur le tronc nerveux et le muscle. Mais J. Ioteyeo et M. Stefanowska ont montré que l'action de l'alcool (de même que celle de l'éther et du chloroforme) présente une série de gra- dations, et que, dans l'intoxication générale, le système nerveux central est déjà com- plètement paralysé, alors que les parties périphériques des neurones S(mt encore indemnes. L'alcool ne peut donc agir sur les muscles et les nerfs périphériques dans les expériences sur l'homme, alors que la dose est compatible avec la vie. L'action exercée par l'alcool est par conséquent d'ordre central. Lombard M'arren d'une part, et Casarini de l'autre, ont bien montré que l'influence de l'alcool sur le travail ne se montrait que sur les tracés de la fatigue volontaire, et était presque nulle dans l'excitation artificielle. Mais ce qui est surtout significatif, c'est que l'augmentation de travail est due sur- tout à une augmentation du nombre de soulèvements (Frey, Kraepelin et Oseretzkowsky) et non à une augmentation de leur hauteur. Nous savons que le nombre est déterminé par l'état d'excitabilité des centres moteurs. En appliquant à ces données la terminologie de J. loTEYKO, nous dirons, que l'alcool, tout en augmentant le travail mécanique, II abaisse la valeur du quotient de fatigue -, par un mécanisme opposé à l'accumulation de la fatigue, qui diminue la somme de travail mécanique. L'accumulation de fatigue diminue la valeur du quotient, en amoindrissant surtout la valeur de H, tandis que l'alcool diminue la valeur de ce rapport en augmentant la valeur de N. Sucre. — Ugolino Mosso et L. Paoletti ont pris de 10 en 10 minutes leur courbe de fatigue après avoir ingéré des quantités variables de sucre. Les solutions moins concen- trées sont plus actives. Le sucre possède un fort pouvoir dynamogène; les petites doses et les moyennes (5-60 gr.) développent dans le muscle fatigué la plus grande énergie; avec les doses graduellement supérieures à 60 grammes, le travail diminue graduellement. Le maximum d'action apparaît presque immédiatement pour les petites doses, au bout de 30 à 40 minutes pour les doses moyennes. Les auteurs préconisent l'eau sucrée «omme liqueur sportive (vélocipédistes, alpinistes, soldats). Elle pourrait être également employée avec succès pour redonner une force nouvelle à l'utérus fatigué par le travail de l'accouchement. Le meilleur breuvage correspond à 60 ou 100 grammes de sucre pour un litre d'eau. Pour Vaughan Harley, la consommation de grandes quantités de sucre accroît le pouvoir musculaire de 26 à 33 p. 100, et, avec le retard de la fatigue, l'accroissement pour la journée peut atteindre 61 à 76 p. 100; l'addition du sucre au régime ordinaire peut accroître le pouvoir musculaire de 9 à 21 p. 100 et le travail total, avec retard de la fatigue de 6 à 39 p. 100; l'addition de 250 grammes de sucre au régime normal, accroît le travail quotidien : l'accroissement est de 6 à 28 p. 100 pour le travail de 30 contractions musculaires, et, pour la journée entière, de 9 à 36 p. 100; le sucre pris tard dans la soirée peut faire disparaître la chute diurne du pou- voir musculaire qui a lieu vers 9 heures du matin, et accroître la résistance à la fatigue. Suivant ScHUMBURG, le sucre, même à la dose de 30. grammes, augmente la force du muscle fatigué, et, par son action sur le système nerveux, efface le sentiment de la fatigue. C'est un vrai aliment. Caféine, cocaïne, thé, maté, guavana, tabac, condiments, bouillon, eau, albumine, etc. — Ugolino Mosso a étudié, par la méthode ergographique, l'action des principes actiis de la noix de kola sur la contraction musculaire. L'action de la poudre de kola sur les ^muscles (série de courbes, d'heure en heure ou toutes les deux heures) dure de 2 à 7 heures pour 5 grammes pris en une fois; le maximum d'effet est atteint dans la pre- mière heure après l'administration. La noix de kola quadruple le travail dans la première heure. L'action de la caféine est analogue à celle de la noix de kola, toutes proportions FATIGUE. 133 égales. Pourtant la noix de kola, privée de caféine, exerce encore une action sur l'élé- ment musculaire (confirmation de l'opinion de Hegkel). En revanche, le rouge de kola est presque inactif. La poudre de kola sans caféine et sans rouge de kola conserve encore son action sur la contraction musculaire, bien que celle-ci soit très inférieure à celle qui est obtenue avec la caféine. Les principes actifs contenus dans la noix de kola, autre que la caféine, sont Vamidon et le glycose. Le rouge de kola est complètement inactif. Les hydrates de carbone contenus dans la noix de kola unissent leurs effets à ceux de la caféine pour rendre les muscles plus résistants à la fatigue. D'après Hoch el Kraepelin, la caféine augmente la hauteur des soulèvements à l'ergographe sans influer sur leur nombre : elle exerce par conséquent une action excitante sur le sj^stème musculaire. L'essence de thé diminue le nombre des soulèvements, et n'inilue pas sur la hauteur totale des soulèvements; elle exerce une action dépressive sur les centres ner- veux. KocH confirm.a l'action dynamogène de la cocaïne et de la caféine; sous l'action de la cocaïne le travail augmente d'un tiers pour la journée entière. Oseretzkowsky trouve aussi que la caféine agit principalement en augmentant la hauteur des soulève- ments à l'ergographe. Suivant Ug. Mosso, la cocaïne accroît sensiblement la force musculaire, et son action est plus accentuée sur le muscle fatigué que sur le muscle frais; elle restaure après une longue marche. Benedicenti étudia l'action excitante de la caféine, du thé, du maté, de la guarana et delà coca. Quelques-unes de ces substances accroissent d'emblée l'énergie musculaire (coca), tandis que d'autres retardent la fatigue. Le tabac produit une légère dépression de la force musculaire (Vaughan Harley et W. Lombard). Houg» partage la même opinion. Mais Féré reconnaît au tabac une influence excitante primi- tive, soit au repos, soit dans la fatigue. L'action excitante est plus marquée dans la fatigue. Elle est suivie d'une dépression de l'activité motrice et intellectuelle. Le besoin des excitations sensorielles, qui augmente à mesure que la race s'affaiblit, amène un épuisement proportionnel à l'excitation primitive, et sa satisfaction contribue pour une part à précipiter la dégénérescence. Chez les sujets fatigués le bouillon produit une restauration immédiate (Ch. FÉR^î), à la manière des excitants sensoriels. Les condiments, qui agissent tantôt sur le goût, tantôt sur l'odorat, possèdent une action excitante manifeste (Ch. Féré). L'albumine, administrée à des doses équivalentes (au point de vue du nombre des calories) au sucre exerce dans le même temps une action bienfaisante sur les muscles fatigués (Frentzel). L'eau pure est parfois aussi excitante (Koch). Féré étudia l'action d'un nombre considé- rable de substances sur le travail ergographique. L'action de la théobromine paraît très variable. Le haschisch et l'opium excitent à petites doses et dépriment à des doses plus fortes. La digitaline et la spartéine sont des excitants de l'activité volontaire; l'augmen- tation de travail qu'elles provoquent est passagère et sur l'ensemble du travail leur action est déprimante. Sous l'influence de la pilocarpine , l'excitation cérébrale se fait en même temps que la sécrétion. Plus la sécrétion est abondante, plus le travail diminue rapidement et plus tôt arrive la fatigue. Citons enfin les expérences de Rossi qui, sur l'homme, constata une action hyperki- nétique pour l'alcool, l'atropine, la caféine, le camphre, l'éther sulfurique et la stry- chnine; une action hypokiiiétique pour le bromure de potassium, Thydrate de chloral, riiyoscyamine, la morphine, l'opium. Un grand nombre de ces expériences sont sujettes à caution; c'est le cas quand les auteurs se sont contentés d'expérimenter l'action des substances médicamenteuses sur eux-mêmes, sans contrôler leurs expériences sur d'autres sujets non prévenus. La suggestion est inévitable dans ces conditions, et la méthode ergographique cesse d'être une méthode objective de recherches. Xanthine, neurine, choline. — L'action curarisante de la neurine et de la choline a déjà été étudiée (Voir : Curarisants [Poisons]). L'influence des xanthines méthylées sur la fatigue musculaire a été étudiée par Lusi.\i en 1898, par Baldi en 1891, et par Paschkis et Pal eu 1887. D'après Lusini, on constate une action toxique à échelle croissante de la monométhylxanthine à la di et triméthylxanthine; ces substances font diminuer pro- gressivement la résistance à la fatigue. Vératrine. — Bezold, Rossbach, Mendelssohn, Waller, Weiss et Carvallo, Ioteyko ont i34 FATIGUE. trouvé que des excitations poussées jusqu'à la fatigue font disparaître les effets de la vératrine (de même que l'anémie et les variations de température). En général, les auteurs sont d'accord pour attribuer à la vératrine un effet excitant sur la fibre musculaire. Malgré cette influence, les signes de la fatigue apparaissent plus vite dans les muscles vératrinisés que dans les muscles normaux, c'est-à-dire que les contractions se font beaucoup plus petites et plus irrégulières, et le muscle devient plus rapidement inexcitable; la vératrine n'est pas capable de faire disparaître du muscle les effets de la fatigue lorsqu'ils se sont produits (Marfori). Liquides et extraits organiques. — J. Ioteyko a montré que le sérum normal de chien injecté à une grenouille produit une influence dynaraogène intense. Vito Copriati étudia l'influence du suc testiculaire de Brow.n Séquard et constata à l'ergographe une notable augmentation de force. On peut cependant objecter à ces expériences que l'entraînement du sujet eût suffi à produire le même efTet. Zoth et Pregl éliminèrent l'entraînement de leurs expériences et constatèrent un accroissement notable de la force du muscle fati- gué sous l'influence du suc testiculaire. Il reste sans effet sur le muscle non fatigué et n'augmente pas sa capacité au travail. Le type de la courbe n'est pas modifié. L'effet se prolonge après la cessation des injections. Le sentiment de la fatigue est amoindri, et sa diminution suit une marche parallèle à la diminution de la fatigue objective du sujet. MossÉ a constaté avec l'emploi du dynamomètre et de l'ergographe une augmenta- tion d'amplitude et de durée de la courbe du travail au début du traitement thyroïdien et une atténuation assez rapide de cette influence tonique. Cette augmentation de force est tout aussi nette avec l'emploi de l'iodothyrine qu'avec celui de la glande thyroïde fraîche. Or cette action tonique est provoquée aussi par des sucs organiques autres que le suc thyroïdien (extrait orchitique, surrénal, etc.). MossÉ s'appuie sur ce fait pour expliquer les effets de l'opothérapie : « Les sucs et extraits organothérapeutiques intro- duisent dans l'organisme, en même temps que la substance ou les substances spéci- fiques de la sécrétion interne qui les fournit, des principes communs à divers élé- ments des tissus (ferments, diastases, etc.). Ainsi s'explique ce fait que des sucs et extraits organiques différents puissent provoquer, en dehors de leur action spécifique particulière, certains effets communs. » Rien n'autorise, en effet, à reconnaître une action spécifique aux principes dynamogènes contenus dans les sucs organiques. Mais un fait reste acquis, c'est que toutes les substances dynamogènes, sucs organiques ou produits chimiques déterminés, restent sans effet sur l'excitabilité du muscle frais; leur influence dynamogène ne s'exerce que sur le muscle fatigué. Anhydride carbonique, oxyde de carbone. — D'après Sanzo, le muscle plongé dans une atmosphère d'anhydride carbonique perd au bout de plusieurs heures son excita- bilité. Au bout de deux heures, l'excitabilité indirecte est abolie, et, après un séjour de sept heures, le muscle est en rigidité cadavérique (grenouille). Ces expériences ont amené l'auteur à considérer avec Ranke l'anhydride carbonique comme un des fac- teurs de la fatigue musculaire. Plusieurs auteurs italiens ont donné les résultats de leurs recherches sur la respiration dans les tunnels et sur rintluence de l'oxyde de car- bone. L'influence de ce gaz sur la contraction musculaire (Weymeyer), sur la courbe de la fatigue du gastrocnémien (Audenino), sur la courbe de la fatigue ergographique (Ug. Mosso), est exactement celle qu'exercerait une atmosphère d'hydrogène. En règle générale il y a diminution du travail, pouvant être attribuée à une diminution des oxydations intra-organiques (asphyxie). Chez l'homme la diminution est suivie d'une augmentation après la sortie de la cage en fer renfermant un mélange de CO. La fatigue dans les états pathologiques. — Pantanetti a étudié divers cas d'hystérie, de neurasthénie et d'ictère. Ro^'coRo^'l et Diettrich Ont pris des courbes chez les aliénés, et ont noté une variabilité très grande de la force, dont le maximum est le matin. Colucci fit des études ergographiques chez les épileptiques. Casarini expé- rimenta sur des vieillards. Zenoni et Trêves ont constaté une longueur extraordinaire de la courbe de la fatigue chez les diabétiques. Trêves combat l'interprétation généralement admise, à savoir que, dans les différents états pathologiques, les impressions motrices cérébrales par la diminution de leur énergie, sont incapables, dès le commencement, de faire «xécuter au muscle tout l'effort dont il est capable : c'est pourquoi il resterait toujours FATIGUE. 135 un résidu qui serait précisément la cause de la durée indéfinie de la courbe. Ce phéno- mène serait dû à une cause tout autre. L'auteur remarqua une extensibilité très grande des muscles chez les diabétiques; une partie des contractions s'exécute chez eux à vide, avec rapide abaissement de Fergogramme. Si, en éloignant la vis d'appui de l'ergographe, il rétablissait une tension opportune (travail en surcharge), l'ergogramme recommençait. Ainsi la cause du tracé sans fin serait une élasticité imparfaite des muscles chez certains malades, et non un phénomène d'origine cérébrale. D'ailleurs le tracé sans fin s'observe aussi chez certaines personnes normales (Mosso). Trêves en tire la conclusion que le travail en surcharge peut servir à donner une idée de la marche de la fatigue mais qu'il n'est pas précis en ce qui concerne le travail mécanique. Abelous, Charrin et Langlois ont pris des tracés ergographiques des addisoniens chez lesquels on observe une fatigue, une asthénie motrice qui n'est nullement en rap- port avec les lésions trouvées d'habitude à l'autopsie. Cette étude présente un grand intérêt, vu que dans la maladie d'AoDisoN les capsules surrénales sont presque con- stamment le siège de divers troubles (tuberculose, cancer, etc.) et le rôle de ces cap- sules (Langlois, Abelous, Albanese) paraît être d'élaborer des substances capables de neutraliser les poisons fabriqués au cours du travail musculaire. Le tracé d'un addi- sonien fut comparé à celui d'un tuberculeux, les deux malades ayant des lésions pul- monaires au même degré. L'addisonien est devenu rapidement impuissant, tandis que le sujet témoin a fourni un travail bien plus considérable (Voy. Addison, i, 136). Les recherches ergographiques dans les maladies, peu nombreuses, n'ont encore révélé rien de particulier, mais elles peuvent dans l'avenir devenir un précieux élément de diagnostic. Bibliographie. — Aschaffenburg (G.). Praktische Arbeit unter Alkoholwirkung [Psy- chologische Arbeiten, 1896, i, 608). — Audenino (E.). Azione deW ossido di carbonio sui muscoli {La hespirazione nelle Gallerie, publié par Mosso (A.). Milan, 1900). — Baldi. Action de la xanthine, de Vallantoine et de V alloxanthine , comparée à celle de la caféine, par rapport spécialement à l'excitabilité musculaire [La Terapia moderna, 1891). — Benedi- CENTi (A.). Ergographische JJntersuchungen ilber Kaff'ee, Thee, Mate, Guarana und Coca [MoleschotVs Unters, zur Naturlehre, xvi, 1896, 170-186). — Bottazzi. Ueber die Wirkun, des Veratrins (A. P., 1901, 377-427). — Brown-Séquard. 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Il en résulte qu'on peut attribuer une cause double à la fatigue : d'une part, il y a consommation progressive des substances néces- saires à l'activité, qui ne peuvent se reformer assez rapidement pour suffire aux exigences du moment, et, d'autre part, il y a accumulation des produits de déchet (substances dites fatigantes), qui ne peuvent être éliminés ou neutralisés assez rapide- ment. Eu raison de cette différence fondamentale dans la genèse des phénomènes, Verworn propose de désigner sous le nom « d'épuisement » les phénomènes de para- lysie dus à la consommation des substances nécessaires à l'activité, et sous celui de « fatigue » les phénomènes paralytiques qui résultent de l'accumulation et de la toxi- cité des produits de déchet. Nous acceptons celte distinction, sans perdre de vue, tou- tefois, qu'il est très difficile dans la pratique de faire la part qui revient à chacune de ces deux causes dans la paralysie résultant d'un excès d'activité. La consommation des réserves n'est jamais absolue : un muscle cesse de se contracter bien avant l'épuisement complet des réserves. Ainsi, même un muscle extrait du corps se répare. En outre, quand la fatigue paraît complète, il suffit d'augmenter la force de l'excitant pour voir reparaître les contractions. Ce n'est donc pas tant la consommation des réserves que l'impossibilité d'en tirer parti, qui caractérise la fatigue. Et il parait certain que la stagnation des produits de la désassimilation en est la cause. D'ailleurs, il est d'observation courante, qu'après une grande fatigue il ne suffit pas de réparer les pertes par un excès d'alimentation ; il faut du temps pour permettre à l'œuvre de réparation de s'accomplir. Le travail poussé Jusqu'à la fatigue modifie profondément la composition des muscles. La fatigue amène la rigidité hâtive (champs de bataille). Les mauvais etfets du surmenage sur la chair des animaux ont été signalés par les vétérinaires. La chair sur- menée devient très vite flasque, humide: elle prend une odeur aigrelette, et peut deve- nir dangereuse. On a cité des épidémies de typhus survenues à la suite de la consom- mation de vian,de de bestiaux surmenés. Des constatations de même genre ont été faites pour le gibier forcé. L'accroissement des échanges gazeux pulmonaires et intra-musculaires pendant le travail trouvera place à l'article Mmcle. § 1. Changements de réaction. —En 1843, Do Bois-Reymond montra que le muscle, de neutre qu'il était, devient acide sous l'influence de la tétanisation ; cette acidité est plus faible quand la circulation est conservée, car dans ce cas l'acide est saturé par les alcalis du sang. D'après les recherches de Liebig cet acide est l'acide lactique. Ranke montra que les muscles soustraits à la circulation produisaient une quantité d'acide strictement définie pendant la tétanisation. Heidenhain et ses élèves ont montré que l'acidité du muscle peut être considérée comme une mesure de ses transformations énergétiques; l'acidité augmente quand le muscle est chargé d'un poids plus considérable. La tension active les transformations nutritives d'un muscle excité. L'acidification suit une marche parallèle au développement de chaleur d'un muscle en activité. La réaction peut donc servir à mesurer les phéno- mènes chimiques qui s'accomplissent dans un muscle actif (Heidenhalx). Cette étude fut reprise et complétée dans le laboratoire d'HEioENHAix par Gotschlich. Cet expérimenta- teur a établi que le muscle devient acide même quand il est soumis à des excitations subminimales qui ne produisent pas de contractions visibles. Danilewsky observa dans les mêmes conditions un dégagement de chaleur. D'autre part, les excitations supramaxi- males ne produisent pas une acidification plus intense que les excitations maximales et une tension musculaire continue développe de l'acidité, si bien que le muscle chargé devient acide en l'absence de toute contraction et de toute excitation. Nous voyons donc que la tension seule augmente les mutations organiques, fait en concordance avec les expériences de Krause, de Wu.ndt (qui trouvèrent un signe certain et positif de l'in- 138 FATIGUE. fluence de la tension sur la rigidité cadavérique; ils virent que les extenseurs se rigidifient avant les tléchisseurs). Heide.\hal\ avait déjà montré l'influence de la tension sur le muscle actif; Gotschlich le démontra pour le muscle inactif. La tension rythmée produit plus d'acide que la tension continue. Le procédé de Heidenhaix et de Gotschlich consiste à écraser le muscle dans la solution physiologique, à filtrer l'extrait et à rechercher sa réaction au moyen de l'alizariae sodée. Landau et Pacully montrèrent qu'un muscle qui est déchargé chaque fois qu'il atteint la hauteur de sa course se fatigue plus lentement et développe moins d'acide qu'un muscle qui reste chargé pen- dant la phase de la déeontraction. Ce rapport entre le développement de l'acidité musculaire et l'intensité du travail chi- mique apparaît aussi avec netteté dans le travail de Gleiss. Le muscle de crapaud, qui a une contraction plus lente que le muscle de grenouille, développe [régulièrement moins d'acide pendant son activité. L'auteur a pu constater, en outre, que le muscle de crapaud se fatiguait moins que le muscle de grenouille, et pouvait soulever des poids alors que ce dernier était déjà paralysé. La même différence existe entre les muscles pâles et les muscles rouges du lapin, du rat blanc et des chats. Le muscle rouge, à contraction lente, travaille plus économiquement et développe des produits de désassimilation en quantité moindre que le muscle pâle. Ces faits, qui sont en concordance parfaite avec les recherches myothermiques de Heidenhain et de Fick, ont été confirmés par Molesghott et Battistixi, qui ont vu que les muscles pâles du lapin développent beaucoup plus d'acide que les muscles rouges du chien. Dans d'autres recherches aucun parallélisme entre le degré d'acidité et le travail chimique n'a pu être démontré. 11 semblerait même que l'acidité n'est nullement en rapport avec le travail des muscles. Astasghewsky (1880) ayant expérimenté sur le lapin, a trouvé une diminution de l'acide libre des muscles tétanisés, et cela dans chaque expérience. Un résultat semblable a été obtenu par Warrex. L'acide lactique de'croît fortement dans les muscles fatigués, suivant Moxari. Comparaison entre les valeurs moyennes de potasse saturable par l'acide libre contenu dans 100 parties de muscles au repos et fatigués, selon les divers auteurs. ANIMAL. REPOS. FATIGUE. AUTEURS. Grenouille . . 0,047 0,182 0,360 0,199 0,209 0,192 0,123 0,000 0,097 0,026 0,144 0,383 0,296 0,145 0,136 0,176 0,067 0,112 Warren. MOLESCHOTT et Battistini. Astasghewsky. Warren. Molesghott et Battistini. Weyl et Zeitler. Molesghott et Battistini. Cobave Lapin (D'après le tableau de Moleschott et Battistini). Ce tableau nous montre doue que, contrairement à l'opinion de Du Bois-Reymo.\d, la réaction du muscle au repos est légèrement acide, et non alcaline ou neutre. Molesghott et Battistini employèrent la phénol-phtaléine comme réactif; voici le rap- port trouvé par eux entre l'acidité des muscles au repos et des muscles tétanisés : AU REPOS. TÉTAXISÉ.S. Chien lOU Hu Lapin 100 161 Cobaye 100 108 Pigeon 100 108 Grenouille 100 79 Ils n'ont pas constaté d'accumulation d'acide dans les muscles soustraits à la circula- FATIGUE. 139 tion. Le rapport moyen entre le repos et le travail est de 100 : 139. A quoi est dae cette acidité? C'est uniquement dans les recherches de Molesghott et Battistlxi qu'il a été tenu compte de l'acide carbonique, et non dans celles d'AsTAsoHEwsKY, qui épuisait les muscles avec de l'alcool et avec de l'eau bouillante, ni dans celles de Warren, qui, n'ayant en vue que l'acide lactique, faisait un extrait à froid avec de l'alcool, l'évaporait, épui- sait le résidu avec de l'éther, expulsait l'éther par distillation et titrait avec la potasse l^acide contenu dans le résidu de la solution éthérée, après l'avoir dissous dans l'eau; ni dans celles de Weyl et Zeitler, qui réduisaient en cendres les extraits obtenus avec l'eau en se proposant seulement la détermination de l'acide phosphorique. D'après MoleschotT et Battistim, à côté de l'acide phosphorique, dont l'augmentation pendant le tétanos est un fait démontré, c'est, avant tout, l'acide carbonique qui doit expliquer l'acidité des muscles. Astaschewsry ne nie pas cette réaction, bien qu'il ail trouvé plus grande la proportion de l'acide dans les muscles au repos qu'après le tétanos. L'acide carbonique peut avoir un rôle dans l'acidité des muscles, mais non pas un rôle exclusif; car Du Bois-Reymond a trouvé persistante la couleur rouge que les muscles tétanisés produi- saient sur le papier de tournesol. Les conclusions de Molesghott et Battistini sont que les muscles, même à l'état de repos, contiennent de l'acide libre; cet acide doit être sur- tout de l'acide lactique. Dans la majorité des cas, les muscles fatigués contiennent une plus grande quantité d'acide que les muscles au repos. Parmi les acides libres du muscle fatigué, ceux qui doivent prédominer sont : l'acide phosphorique (phosphate acide) et l'acide carbonique. La présence d'acide dans les muscles tétanisés a été encore constatée par Marcusk, Werther, Boehm, Rohmann, Landsbergr. Il est intéressant de constater que l'organe électrique de la torpille devient acide par l'activité tout comme le muscle, fait mis en lumière par Du Bois-Reymoxd (1859) et 0. FuNKE. Cette observation fut trouvée inexacte par Boll (1873), auquel vint s'adjoindre Krukenberg; le tétanos strychnique fut impuissant à modifier la réaction alcaline, qui est habituelle à l'organe électrique. Th. Weyl (1883), qui reprit cette étude, employa le tétanos strychnique et le tétanos électrique pour produire la fatigue. Dans ces expé- riences l'animal était à l'air; il supporta fort bien le manque d'eau. L'organe électrique excité devenait constamment acide, tandis que l'organe témoin conservait une réaction alcaline. L'auteur a constaté de plus que les animaux vivants présentaient parfois spon- tanément une réaction acide ; c'étaient des animaux fatigués; car ils étaient incapables de produire des décharges. 11 parait certain que la fatigue musculaire est accompagnée d'une augmentation d'acidité du muscle. Mais c'est aller beaucoup trop loin que d'attribuer la fatigue mus- culaire à l'accumulation d'un acide quelconque. Normalement, le sang alcalin neutra- lise à chaque instant l'acide formé. Et puis, comment expliquer que, plusieurs jours après la fatigue, les muscles restent encore douloureux et présentent une diminution de force dynamométrique et ergographique? Pourtant Lagrange explique la courbature de fatigue par une accumulation d'acide lactique. Un a constaté aussi un changement de réaction des urines à la suite de la fatigue musculaire. Klûpfel avait institué en 1868 des expériences sur les modifications que subit l'urine par le travail musculaire. Il déterminait l'acidité de l'urine produite dans les vingt-quatre heures au moyen d'une solution titrée de soude caustique. Il conclut que les urines produites pendant un jour de travail demandent une quantité de soude caustique bien supérieure pour être neutralisées. En 1872, Sawiciu fit des recherches dans le but de déterminer si la quantité totale d'acide contenue dans les urines d'un jour de travail est supérieure ou non à celle contenue dans les urines d'un jour de repos. Les expériences ont porté sur trois individus, qui se reposaient un jour et tra- vaillaient le jour suivant, en faisant des marches forcées et des exercices musculaires. 11 obtint des résultats contraires à ceux de Klupfel; la quantité et la qualité des aliments avait plus d'intluence sur la réaction de l'urine, que la fatigue ou le repos. Janowski fit deux séries d'expériences qui durèrent six jours chacune. Il détermina la teneur en acide des urines sécrétées pendant les vingt-quatre heures des troisième, quatrième, cinquième et sixième jours d'expériences. Pour se fatiguer il faisait de longues promenades. La quantité d'acide contenue dans les urines augmen- 440 FATIGUE. tait considérablement les jours pendant lesquels le sujet avait fait un grand travail musculaire. Un résultat semblable a été consigné par Fustier et par Gilberti et Alessi. La fatigue rend l'urine plus acide. Ces recherches furent reprises par Adugco en 1887 sur le chien qu'on faisait courir dans la roue tournante de Mosso. Au bout d'une heure on sonde le chien et on lui donne à boire une quantité d'eau correspondante au poids qu'il a perdu. On le remet dans la roue, et on le fait travailler jusqu'à l'épuisement complet des forces. La réaction était déterminée quantitativement au moyen d'une solu- tion titrée de soude caustique. La réaction limite était indiquée par une solution alcoolique d'acide rosalique, qui devenait jaune par les acides et rose-pourpre par les alcalis. On recueillait aussi les urines pendant les deux ou trois heures consécutives, puis le matin suivant. Ces urines ne contenaient jamais ni sucre ni albumine. Dans toutes les expériences, la réaction de l'urine, qui était acide avant la course, subissait une forte diminution d'acidité déjà après la première heure (10 kilomètres), ou même était déjà devenue alcaline. Dans la première heure de repos, l'urine tantôt maintenait son alcalinité, tantôt prenait une réaction acide ; pendant la seconde heure de repos elle se montrait constamment acide. L'alcalinité de l'urine du chien qui court est due à la présence de carbonates alcalins, comme le démontre nettement l'effervescence que produit l'addition d'acide chlorhydrique. Dans les urines des chiens au repos l'acide chlorhydrique ne produit pas d'elTervescence. En conséquence, ce sont les sub- stances qui donnent de l'acide carbonique comme dernier produit de leur transforma- tion qui sont spécialement brûlées dans la fatigue. D'après Mo.vari, l'urine est alcaline chez le chien fatigué, acide chez le chien reposé. Des résultats semblables furent également obtenus par Oddi et Tarulli. D'après Bexedicenti, qui a fait des analyses d'urines après des marches forcées, il y a tout d'abord une augmentation d'acidité ; ensuite on observe une véritable fermentation ammoniacale ; l'urine devient alcaline et se putréfie facilement. L'augmentation de l'acidité urinaire est encore bien plus grande qu'elle ne le paraît, car la sueur abon- dante tend à abaisser l'acidité de l'urine (Lassetzki). Giacosa avait constaté une augmen- tation d'acidité urinaire chez les cyclistes. Nous voyons donc, d'après les données contradictoires de ces divers auteurs, que Ja réaction de l'urine ne suit pas exactement l'intensité de l'effort, et qu'elle est une donnée très complexe, la résultante de facteurs variables. Bibliographie. — Ast.aschewsky. Ueber die Saurebildung und den Milchsàuregehalt des MmkeU (Z. p. C, 1880, iv, 397-406); {A. g. P., xsiv, 397). — Adugco. La réaction de Vnrine et ses rapports avec le travail musculaire (A. i. B., vui, 1887, 238-251). — Bexe- DiCENTi. Quelques examens d'urines de militaires après une marche {A. i. B., 1897, xxvn, 321-332). — Du Bois-Reymond (E.) A. P., 1837, 848; Moleschott's Untersuch., m, 33; Mùller's Archiv., 184.^. — Fustier. Essai sur la réaction des urines. D. Lyon, 1879. — Gleiss (W.). Ein Beitrag zitr Muskelchemie {A. g. P., 1887, xli, 69-73). — Giacosa. {Arch. pcr le Scienze mediche, 1895). — Gilberti (A.) et Alessi (G.). La reazione dell'urina normale e patologica [Accad. diMed. di Torino, 1886, 138). — Klupfel. 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Weiss (1871) observa une diminution du glycogène musculaire dans la létanisation poussée jusqu'à l'épuisement, diminution qui va de 2o à 50 p. 100. Voici ses chiffres (en grammes) dans trois expériences sur les muscles de six, douze et quinze membres postérieurs de grenouilles : Muscles de grenouille inactifs. — — — tétanisés 1 2 3 0,1413 0,252 o,in 0,107 0,138 0,039 Ainsi la proportion de glycogène musculaire diminue par le fait delà fatigue. D'autres analyses viennent aussi à l'appui de cette opinion. Les muscles les plus actifs d'ordi- naire sont aussi les plus pauvres en glycogène; cette proportion variera donc suivant le genre de vie de l'animal. Tandis que chez le poulet le glycogène s'accumule dans les muscles de l'aile, muscles inactifs, et disparaît presque des muscles des pattes; chez la chauve-souris, dont les muscles pectoraux sont si actifs, c'est l'inverse qu'on con- state (Grothe). D'autre part, après la section des muscles d'un membre, la proportion de glycogène augmente dans les muscles du côté delà section, comparativement à ceux du côté opposé, intact. (Ghandelon). Les faits constatés par Weiss furent confirmés par Manche, Werther, Boe'im, Krauss, Moritz, Kûltz. Dans ses expériences sur le masséter du cheval, Chauveau a obtenu les chiffres suivants : Poids du glj'cogéne i Pendant le repos. . . . 15 £'',774 Dans 1 000 grammes de masséter. i Après le travail lo g', 396 D'après les expériences de Morat et Dufourt, faites sur des chiens dont les muscles étaient tétanisés, il y a une diminution de 40 à 80 p. 100 de glycogène par le fait du tra- vail des muscles exsangues. Pour rendre évidente la consommation de glycogène, il faut supprimer le passage du sang dans les muscles; autrement la provision de glycogène est constamment renouvelée par suractivité de la fonction glycogénique du foie. Catherine ScHiPiLOFF a montré que même les contractions musculaires très faibles, à peine per- ceptibles, suffisaient pour amener une très forte diminution de glycogène. Toutes ces expériences montrent d'une façon certaine que les muscles possèdent une réserve toujours disponible de potentiel sous forme de glycogène. Mais nous igno- rons pourquoi le muscle cesse de se contracter avant que sa réserve de glycogène soit complètement détruite. Le rétablissement par le repos des fonctions d'un muscle fatigué et exsangue montre, en effet, que d'autres facteurs que l'épuisement des réserves sont la cause de la fatigue musculaire. Le fonctionnement des muscles est lié à une suractivité de la fonction glycogénique du foie (Chauveau); le taux de glycose augniente toujours dans le sang aitériel après un travail musculaire local, comme celui de la mastication. D'après Kultz, sur un chien en inanition on trouve encore du glycogène dans le foie au quinzième et même au ving- tième jour. Or, si l'on fait travailler un chien inanitié, et si l'on procède à l'analyse du foie immédiatement après le travail, on n'y trouve plus de glycogène, ou seulement des traces. Le glycose est l'aliment prochain et immédiat des combustions attachées à la produc- tion de la force musculaire (Chauveau). D'après les anciennes expériences de Ranke (1863), la télanisation des muscles com- plètement privés de sang augmente la proportion de sucre musculaire; l'augmentation atteint parfois 50 p. 100. D'après Monari (1890), le sucre tantôt augmente et tantôt diminue sous l'intluence de la fatigue. Benedicenti ne trouva jamais de traces de sucre dans les urines des soldats surmenés par de longues marches. § 3. Substances azotées. — Créatine. — Une expérience déjà ancienne de Liebig (1847) semble démontrer que l'activité musculaire poussée jusqu'à l'extrême fatigue augmente la proportion de créatine dans le muscle; cet auteur a constaté que les muscles 142 FATIGUE. d'un renard forcé à la chasse contenaient dix fois plus de créatine que ceux d'un renard privé. Sârokow a trouvé que le muscle le plus actif de l'organisme, le cœur, contient plus de créatine que les muscles périphériques. lia aussi observé que les muscles des animaux actifs contenaient plus de créatine que les muscles des animaux au repos; que les muscles tétanisés et fatigués étaient plus riches en créatine. Sczelkow vit que dans les mus- cles qui travaillent davantage il y a une plus grande quantité de créatine. Il trouva plus de créatine dans les extrémités postérieures que dans les extre'mités antérieures; en les paralysant les unes et les autres au moyen de la section de la moelle épinière et en téta- nisant ensuite les extrémités autérieures seules, il trouva dans ces dernières une plus grande quantité de créatine. Ces résultats furent contestés par Nawrocki, Voit, Basler et Meissner. Nawrocki trouva, tant dans les muscles antérieurs que dans les muscles postérieurs des grenouilles et des poulets, la même quantité de créatine. Voit, Hofmaiv, Halenke, trouvèrent toujours dans le cœur de l'homme une moindre quantité de créatine que dans les extrémités du même animal. Monari a observé la transformation de la créa- tine en créatinine dans le muscle fatigué. Il trouve dans le muscle au repos 0,334 p. 100 de créatine et 0,056 p. 100 de créatinine, alors que dans les muscles fatigués il y avait 0,493 p. 100 de créatinine. Le muscle fatigué contiendrait une moins forte proportion de créatine que le inuscle au repos; mais il s'y trouverait de la créatinine ou plutôt une nouvelle base créatinique, la xanthocréatinine . Cette base, que A. Gautier parvenait à extraire en 1883, fut trouvée par Monari dans les muscles fatigués et les urines des personnes lasses. Le même auteur constata deux fois sur cent la présence de la leucine dans les muscles fatigués. Ces expériences sont insuffisantes pour déterminer le rapport qui existe entre le travail et la formation de la créatine. La créatine, étant un produit de la déssasimilation musculaire, s'élimine constamment par la voie rénale sous forme de créatinine et d'urée. Sa toxicité est très faible; injectée dans les membres, elle n'amène pas la fatigue mus- culaire, et ne peut, de ce chef, être classée parmi les substances fatigantes. Créatinine. — • Le travail musculaire augmente dans d'assez fortes proportions la quantité de créatinine éliminée par les reins. Mosso a observé que l'urine des soldats soumis à une marche forcée contenait, pour une période de 12 heures, 0,74 gr. de créa- tinine, tandis que pendant 12 heures de repos le chiffre observé a été de 0,50 à 0,38. L'augmentation de la créatinine dans les urines pendant le travail est très marquée, d'après Groecho. Cet auteur fit des observations sur six militaires tenus à une diète ali- mentaire constante; il constata l'influence constante et marquée du travail musculaire sur les quantités de créatinine éliminée. D'autres données lui furent fournies par un voyageur qui franchit les Alpes à pied et se rendit jusqu'à Pavie oii il fut reçu à l'hôpital brisé de fatigue. Chez cet individu, la quantité de créatinine éliminée s'élevait à 18'',37 les premiers jours, et descendit à O5',87o le huitième jour. Oddi et Tarulli reprirent les expériences de Hofmanx et celles de Groecho, et donnèrent raison à ces deux auteurs. Le travail musculaire normal n'exerce aucune influence sur la formation et sur l'excrétion de la créatinine. C'est seulement dans le travail exagéré, lorsqu'il y a une certaine dyspnée, qu'on rencontre dans les urines une augmentation de cette substance. La créatinine conserve avec l'azote total un rapport presque constant et suit toutes ses variations. De fait, pour Voit, Meissner, Madroche, Hamann.Ib travail musculaire modéré n'exerce aucune influence sur l'élimination de la créatinine par l'urine. Moitessier a expérimenté sur lui-même et sur un ami : la créatinine était dosée par le procédé de Neu- bauer; il a trouvé une augmentation de la créatinine éliminée dans la proportion d'un huitième après des marches de 13 à 40 kilomètres. Ranke a vu que la créatinine injec- tée dans le sang exalte l'irritabilité des nerfs et produit des contractions spasmodiques. Landois considère la créatinine comme assez toxique. Urée et acide urique. — Il est rigoureusement démontré, par des expériences, soit an- ciennes, soit récentes, sur lesquelles il n'y a pas lieu d'insister ici, que l'azote de l'urine n'est pas modifié par le fait du repos ou du travail; la contraction musculaire n'est pas accompagnée d'une production d'urée (Kauffmann), et cette substance n'augmente pas non plus dans les urines par le fait du travail musculaire. En est-il de même dans la fatigue? La question a été vivement discutée. D'après Lehman.x, le travail musculaire intense produit une augmentation de l'élimi- FATIGUE. U3 nation de l'urée, fait contredit par Voit. Pour Ranke le tétanos musculaire est lié à une diminution des substances albuminoïdes. Suivant Bouchard, les exercices modérés font disparaître les sédiments uratiques des urines qui en renferment d'habitude, et les exercices violents en font apparaître dans celles qui n'en renfermaient pas d'ordinaire. MoiTESsiER trouva une augmentation d'acide urique et d'urée après des marches pro- longées. Oddi et Tarulli constatèrent une assez forte augmentation de l'urée après des marches fatigantes; mais cette augmentation ne correspond pas à une consommation d'albuminoïde capable de nous expliquer l'énorme quantité de force développée pen- dant le travail. Suivant Chibret, l'exercice musculaire agit sur l'excrétion de l'ure'e selon l'état d'en- trainement du sujet. Avec un entraînement suffisant, l'exercice musculaire, assez modéré pour ne pas amener de courbature, détermine une augmentation de l'urée. Cette augmentation disparaît et fait place à une diminution à mesure que l'entraîne- ment préalable est moindre ou que l'exercice augmente de façon à provoquer la cour- bature. En même temps, les variations des quantités d'urates sont en raison inverse de celle de l'urée. En sorte que l'entraînement réalise les conditions d'une oxydation plus complète de la matière azotée; en cas d'absence d'entraînement, le travail musculaire s'effectue avec gaspillage de la matière azotée. Du.xlop, Paton, Stogkmaxx et Maggadam constatèrent sur l'homme que le travail musculaire intense produit une augmentation de l'azote et du soufre urinaire. L'albumine désassimilée est d'origine musculaire. Mais, si l'individu est mal entraîné, alors il y a augmentation d'acide urique, de matières extractives et de phosphore. Suivant Garratt, l'urée est légèrement diminuée pendant l'exercice musculaire, pour augmenter ensuite fortement; sa valeur est doublée en douze heures. L'augmentation est suivie d'une légère diminution, après laquelle s'éta- blit l'état normal. Le même rapport existe pour l'acide urique. D'après les analyses de KuRAEw, faites sur la grenouille et le lapin, la tétanisation des muscles leur enlève des albuminoïdes en quantité plus grande quand ils sont pourvus de circulation que quand ils sont exsangues. Kasghkada.mow trouve une perte de Qs^SS'p. 100, d'azote musculaire sous l'intluence de la tétanisation. En appliquant les idées que Bouchard et A. Gautier ont rendues classiques, Lagrange propose une hypothèse qui attribue la courbature de la fatigue à une sorte d'intoxication de l'organisme par des produits de désassimilaliou, en particulier par l'acide lactique et les déchets azotés. Il a observé que les sédiments urinaires, composés en grande partie d'urates, apparaissent à la suite de travaux intenses; ils font défaut si le travail est peu intense et dure peu. Mais l'état du sujet a bien plus d'influence que la violence de l'exercice pour augmenter ou diminuer la quantité de sédiments rendus à la suite du travail. Plus on se rapproche de l'état d'entraînement, et moins abondants sont les dépôts de l'urine pour une même quantité de travail. A mesure qu'on acquiert par l'exercice plus de résistance à la fatigue, les urines perdent leur tendance à faire des dépôts. Si le même individu se livre chaque jour au même exercice nécessitant la même dépense de force, écrit Lagra.nge (p. 110), s'il entreprend, par exemple, de parcourir, en ramant pendant une heure, une distance donnée toujours la même, il arrive que son exercice, après lui avoir donné les premiers jours de fortes courbatures, ne produit plus, au bout d'une semaine, qu'un malaise insignifiant. Il arrive aussi que ses urines, après avoir donné lieu à des précipités très abondants au début, ne présentent plus en der- nier lieu qu'un imperceptible nuage. A mesure que les sédiments deviennent plus rares, la sensation de fatigue consécutive tend à diminuer, et le jour oii les urines gardent, après le travail, toute leur limpidité, l'exercice ne laisse plus à sa suite aucune espèce de malaise : la courbature ne se produit plus. Il y a donc un lien étroit, une relation constante entre la formation des sédiments uratiques et la production de la courbature. Cette remarquable corrélation se retrouve dans toutes les circonstances qui peuvent faire varier les effets du travail. Si l'on passe d'un exercice auquel le corps est fait, à un exercice exigeant l'action d'un groupe musculaire différent, on éprouve de nouveau les malaises de la courbature, elles urines recommencent à présenter des sédiments. Il en est de même quand, pour une raison quelconque (même d'ordre moral), l'orga- nisme est moins résistant à la fatique. Lagrange donne le résultat de l'examen d'un échantillon d'urine recueilli après une [très longue séance d'escrime, sur un sujet non 144 FATIGUE. entraîné, qui, depuis deux mois, s'était abstenu de tout exercice musculaire. Pour un litre d'urine, la quantité d'acide urique éliminé a été de 1 e^., 43. Chez le même sujet ayant exécuté le même travail, après entraînement préalable, et dont l'uriije n'a formé aucun dépôt, la quantité d'acide urique éliminé pour un litre de liquide a été Osi',60, chiffre qui ne s'écarte pas de la normale. L'exercice violent laisse donc à sa suite, chez les hommes non entraînés, une sur- charge urique du sang, une véritable uricémie, comparable, suivant Lagkange, à l'état qui précède un accès de goutte. Cette analogie est confirmée par l'observation ; chez les sujets prédisposés à la goutte, un exercice violent est souvent la cause déterminante d'un accès. TissiÉ constata une augcnentation du double de l'azote total, de l'urée et de l'acide urique le lendemain d'un record de 24 heures sur piste. Ammoniaque. — Pour savoirs! l'albumine est consommée dans le muscle en contraction, Slosse (1900) a fait le dosage de l'ammoniaque dans le sang et les muscles; la produc- tion d'ammoniaque est, en effet, le premier i-ésultat de l'attaque de la molécule d'albumine in vitro. Pour doser l'ammoniaque l'auteur s'est servi de la méthode de Nexcki et Zaleski. En moyenne le muscle renferme 17"""'si',92 d'ammoniaque par 100 grammes (muscles au repos); après convulsions strychniques, ce chiffre s'élève à •21'"'iis'",62 par 100 gram- mes; après convulsions électriques, à 23™'^"g'',20. Le dosage de l'ammoniaque dans le sang a donné les chiffres suivants : Sang artériel lmiiligr,9o p. 100 Sang veineux 2'"'"'?i',17 — La contraction musculaire serait donc liée à une production d'ammoniaque. § 4. Sels. — TissiÉ constata chez le coureur Stépha>e, pendant son record de 24 heures en piste, que les pertes en acide phosphorique le jour de la course s'élevaient : phosphates combinés aux alcalis, à 2sr,43 ; combinés aux alcalino-terreux, à 1er, 21 . acide phospho- rique total : 38',69. Le lendemain de la course : phosphates combinés aux alcalis, 4g'', 69; combinés aux alcalino-terreux, 2s'",31 ; total: 1 grammes. Les sulfates passaient de es^lS le premier jour, à isr,i2 le lendemain; enfln, tandis que le jour de la course la perte en chlorures atteignait 136%50, le lendemain elle diminuait du quart et arrivait seulement à 3^^,12. Suivant Garrat, il y a une augmentation de phosphates urinaires et de sulfates pendant l'exercice. L'élimination de chlorures est régulière. Une augmentation de l'élimination de phosphates par l'émonctoire rénal sous l'in- fluence du travail musculaire présente un grand intérêt, car elle est directement liée à la désassimilation des matières albuminoïdes. Cette augmentation a été constatée dans de nombreux travaux, notamment dans ceux d'Engelmanx (1871), Kllg et Olszawsky, Presyz. Weyl et Zeitler trouvèrent une augmentation de phosphates dans les muscles tétanisés; ne pouvant trouver une explication satisfaisante à ce phénomène, ils suppo- sèrent que le phosphore se formait au dépens de la nucléine, attendu que cette augmen- tation n'était pas due à la décomposition de la lécithine. Suivant la remarque de Macleod cette explication est inconciliable avec le fait de la faible teneur des muscles en nucléine (Whitfield ne trouve pas de trace de nucléo-albumine dans le muscle; Pekelharing en trouvaentrès petite quantité). La méthode employée n'était pas non plus exempte de tout reproche; pour extraire la lécithine. Wevl et Zeitler employèrent l'alcool et l'éther à froid, bien qu'il ait été démontré par Liebermann que, même à l'ébullition, ces dissolvants ne peuvent enlever toute la lécithine. Pour extraire les phosphates inorga- niques, ils traitèrent les muscles dépourvus de lécithine par l'eau bouillante pendant cinq minutes; or ce traitement a pour elfet de détruire la nucléine (ainsi que Kossel et MiEscHËR l'ont montré) et d'augmenter artiliciellement la quantité de phosphates. A côté de la nucléine, il existe encore dans le muscle d'autres substances phosphorées qui étaient encore inconnues au moment où Weyl et Zeitler publiaient leur travail, et dont la décomposition, au moment du travail, peut produire l'augmentation de phos- phore inorganique. Une de ces substances est la nudéone, découverte par Siegfried. Cet expérimentateur trouva, en effet, que l'extrait aqueux des muscles tétanisés contenait une moindre proportion d'azote provenant de la nucléone que l'extrait aqueux des mus- cles au repos. Macleod (1899) institua des expériences pour se rendre compte si dans le travail musculaire il y avait une dissociation du phosphore d'avec la molécule de FATIGUE. 145 nucléone, ainsi que cela se produisait pour l'azote. Les expériences furent faites sur des chiens, qui quatre jours auparavant, étaient nourris de viande de cheval. Ils étaient ensuite soumis à des marches dans une roue jusqu'à grande fatigue. Les chiens ténïoins étaient gardés au repos. Les animaux étaient tués par anémie; leurs muscles broyés dans une machine à viande. Voici les résultats des analyses : sous l'influence de la fatigue musculaire, le phosphore organique contenu dans Vextralt aqueux du muscle diminue dans de très larges limites. Cette diminution se fait en partie (oO p. 100) aux dépens du phos- phore de la nucléone, eu pallie aux dépens d'autres substances phosphorées qui se trouvent dans le muscle (acide inosique, etc). Dans les expériences où la fatigue a été très intense (6 heures de travail), le phosphore de la nucléine est très fortement diminué. Ces résul- tats concordent avec les faits observés par Siegfried, que la proportion de nucléone détruite est plus considérable dans un travail intense que dans un travail modéré. Proportionnel- lement à la diminution de phosphore organique total soluble dans l'extrait aqueux, Macleod a observé une augmentation de phosphore inorganique soluble. Le phosphore total soluble dans l'extrait aqueux ne varie pas à la suite du travail ; seul le rapport entre le phos- phore organique et le phosphore inorganique, qui était 1 : 3 pendant le repos, devient 1 : 5 et même 1 : 6 (quelquefois 1:13) pendant le travail. Nous avons vu que, sous l'influence de la fatigue musculaire, une partie du phosphate disparu était due à la décomposition du nucléone; or celte décomposition n'a lieu que lors d'un travail mus- culaire très intense. Le travail modéré libère aussi du phosphore, mais celui-ci provient d'une autre substance phosphorée qui se trouve dans le muscle, et qu'il a été impossible à Macleod de déterminer. Les expériences rapportées dans ce chapitre tendent à prouver que pendant la fatigue le muscle consomme des matériaux un peu différents de ceux qu'il utilise pendant la contraction sans fatigue. Ce n'est pas une contradiction avec les opinions de Chauveau, qui a établi que « le travail musculaire n'emprunte rien de l'énergie qu'il dépense aux matières albuminoïdes, mais que c'est à l'état d'hydrates de carbone que le muscle en travail consomme le potentiel qui est la source immédiate de son activité, et cette con- sommation n'esi pas autre chose qu'une combustion totale. Seul le travail d'usure donne lieu à des excréta azotés, et c'est la nécessité d'un travail de réparation pour nos tissus qui explique l'immense importance de l'azote alimentaire. » L'alimentation insuffisante ou un travail excessif se confondent, d'après Chauveau; ils ont pour effet d'entraîner une dépense d'albumine vivante qui se traduit par un excès dans l'excrétion azotée. Mosso croit aussi que le muscle ne consomme pas dans ses premières contractions les mêmes substances qu'il utilise quand il est fatigué; de même, dans le jeûne, nous consommons le premier jour des matériaux qui sont complètement différents de ceux que nous emprun- tons à nos tissus dans les derniers jours de l'inanition. Kronecker partage la même opinion. Si ce point de vue est exact, les produits de la désassimilation pendant la fatigue doivent différer non seulement au point de vue quantitatif, mais aussi au point de vue qualitatif de ceux qui sont fabriqués normalement par l'organisme. Parmi les produits de la désas- similation des matières albuminoïdes, il en existe de trèstoxiques (A.Gautier), et ce sont ces produits qui constituent l'origine des symptômes de la fatigue. On peut donc dire que, dans les conditions ordinaires, le muscle consomme des substances non azotées, et que c'est aux dépens de ces substances qu'il produit du travail mécanique et de la chaleur; la consommation d'albumines est insignifiante, et résulte d'une simple usure du tissu mus- culaire (Chauveau); les produits toxiques, issus des matières albuminoïdes, sont fabri- qués en petite quantité et sont aussitôt brûlés au moyen de l'oxygène du sang, détruits dans le foie et dans d'autres glandes de l'organisme et éliminés par le rein; dans les con- ditions anorm,ales d'exercice prolongé jusqu'à la fatigue, ou d'apport insuffisant de matériaux non azotés, le muscle, à défaut de ces substances, consomme des albuminoïdes et fournit des produits de déchets azotés, dont quelques-uns sont doués d'une très grande toxicité; ces substances s'accumulent dans l'organisme et agissent d'une façon paralysante sur les éléments excitables de l'organisme (Donders, Haughton, etc.). Il ne faudrait pourtant pas croire que la désassimilation des albuminoïdes commence au moment où toutes les réserves hydrocarbonées sont épuisées: nous avons vu que, même en faisant travailler un muscle sans circulation, on n'arrive pas à lui faire consommer tout son glycogène ; la DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 10 U6 FATIGUE. fatigue arrive auparavant. Il est donc fort probable que la consommation des albuminoïdes débute déjà au moment où le travail musculaire commence à fléchir. La réparation de la fatigue musculaire par l'oxygène nous fournit aussi un argument dans le même sens (J. Ioteyko); elle tend à faire supposer qu'il y a plutôt une consom- mation de matières albuminoïdes avec production de substances toxiques; car, s'il s'agis- sait de glycogène détruit, on ne comprendrait pas la restitution du glycogène dans le muscle privé de sang, tandis qu'on comprend très bien la destruction et la paralysie du muscle par des substances toxiques, dérivant des matières albuminoïdes. § 5. Matières extractives et réductrices. Teneur en eau du muscle fatigué. — Les muscles qui ont été soumis à un excès de travail ont subi de profondes modifications chimiques. Leur corruption est hâtive; ils renferment des substances nouvelles, dites extractives. Helmholtz avait montré en 1845 que les matières extractives, solubles dans l'alcool, augmentent dans le muscle qui travaille, tandis que les matières solubles dans l'eau diminuent. Si l'on suppose les matières extractives solubles dans l'alcool égales à 100 dans le muscle au repos, elles deviennent égales à 133 dans le muscle tétanisé. Ces faits furent confirmés par J. Raxke, aussi bien pour les muscles exsangues que pour les muscles avec circulation. La diminution des matières extractives solubles dans l'eau n'est pas relative (comparativement à l'augmentation des matières solubles dans l'alcool), mais elle est absolue. On sait que le travail musculaire est lié à une consommation d'oxygène. Suivant l'hypothèse de Traube {Virch. Arch., xxi, 399), la fibre musculaire possède la faculté d'enlever l'oxygène au sang et de s'unir avec lui en une combinaison lâche, pour le céder ensuite à d'autres substances, dissoutes dans le suc musculaire et douées d'une affinité plus grande pour l'oxygène. Grutzxer chercha à montrer ces réactions en fournissant au muscle pendant ou après son activité des substances qui cèdent facilement leur oxy- gène. 11 injecta de l'indigo dans la veine abdominale ou dans le cœur des grenouilles, et lia ensuite l'aorte; il tétanisa alors une cuisse par l'intermédiaire de la moelle, alors que la cuisse du côté opposé était gardée au repos par la section du nerf correspondant. Il s'attendait à trouver une décoloration de l'indigo sous l'influence de substances réduc- trices. Les résultats ne furent pas bien nets; parfois le muscle actif fut trouvé plus pâle que le muscle inactif, mais on observa aussi le contraire. Au contraire, avec l'acide pyrogallique, le filtrat du muscle actif était légèrement jaunâtre, tandis que le filtrat du muscle inactif possédait une coloration brune foncée. La différence apparaissait encore plus grande quand, au lieu d'acide pyrogallique pur, on employa un mélange d'acide pyrogallique avec des traces d'un sel d'oxyde de fer. L'auteur n'acquit pourtant pas la conviction que la modification de coloration était due à une action réductrice exercée par le muscle en activité, et il l'attribua à une quantité plus grande de lactates. Schôn- BEi.N avait trouvé, en 1861, que tous les nitrates solubles se réduisent en nitrites, non seu- lement par l'hydrogène, le zinc, le cadmium, mais aussi par des corps organiques tels que l'amidon, le sucre de canne, la glycérine, les globules du sang. La formation de nitrites est expliquée, selon Schônbein, par un processus d'oxydation. Cette découverte fut le point de départ des recherches de Gscheidlein (1874), qui voulut se rendre compte si, sous l'influence de processus d'oxydation aussi énergiques que ceux qui s'accomplissent pendant l'activité musculaire, il était possible d'obtenir une transformation de nitrates en nitrites. 11 injecta à des grenouilles sous la peau du dos ou dans la veine abdominale des solutions de nitrates alcalins d'intensité variable. Après l'injection un des sciatiques est sectionné ; la grenouille est tétanisée par l'inter- médiaire de la moelle, ou bien elle est strychnisée. Après un tétanos d'une durée de une à huit heures, les cuisses sont hachées, et les extraits filtrés. L'extrait des muscles tétanisés donna, en présence de l'amidon, de l'iode et d'une solution faible d'acide sulfu- rique une coloration bleuâtre déjà au bout d'une demi-heure à deux heures (indice de la formation de nitrites), tandis que la même coloration s'obtint avec l'extrait des muscles non tétanisés au bout de vingt-quatre à trente-six heures seulement. Ce fut le résultat constant de soixante expériences. Sans exception, l'extrait des muscles tétanisés se colora plus tôt que l'extrait des muscles non tétanisés. L'apparition hâtive de la réaction est d'autant plus surprenante que différents corps organiques possèdent la faculté de déco- lorer l'io de-amidon (Pettenkoi'Er, Blondlot, Béghamp). FATIGUE. 147 Il existe encore d'autres agents qui démontrent la formation de nitrites par le fait de l'activité musculaire; comme l'acide diamidobenzoïquo, considéré par Griess comme le réactif de l'acide nitrique. Les extraits des muscles télanisés deviennent plus forte- ment colorés en jaune par l'acide diamidobenzoïque que les extraits des muscles inac- tifs. La nitrification dans les muscles actifs est en outre démontrée par la différence de coloration entre l'extrait des muscles tétanisés et des muscles inactifs après qu'on ajoute de la brucine, dissoute dans l'acide chlorhydrique. La coloration rouge est proportion- nelle à la quantité d'acide nitrique qui se trouve dans le liquide. S'il y a eu formation de nitrites sous l'intluence de l'activité musculaire, l'acide azotique disparaîtra, la colo- ration rouge sous l'influence de la brucine et de l'acide sulfurique dans l'extrait du muscle inactif persistera un temps plus long, et la coloration jaune apparaîtra plus tard que dans l'extrait des muscles tétanisés. C'est ce qui s'observe en réalité. L'extrait des mus- cles inactifs est coloré en beau rouge sous l'influence de la brucine et de l'acide sulfu- rique, alors que l'extrait des muscles tétanisés est à peine rosâtre, et en peu de temps la coloration passe à l'orangé et au jaune. Toutes ces réactions montrent que l'extrait des muscles tétanisés renferme des nitrites (Gscheidlen), et que ceux-ci ont pris naissance pendant l'expérience. La nitrifi- cation n'est pas accélérée si on arrête la respiration cutanée de la grenouille par immer- sion de la patte dans un bain d'huile, et si on arrête la respiration pulmonaire par extir- pation ou ligature du poumon; elle n'est pas accélérée non plus si on plonge la grenouille entière dans une atmosphère d'azote ou d'hydrogène. Probablement les nitrites formés sont éliminés tels quels par l'animal. La conclusion de Gscheidlen est que, pendant l'ac- tivité musculaire, il y a formation de substances qui possèdent un pouvoir réducteur très énergique. On ne sait quelle est leur nature; on sait seulement que ces substances, faci- lement oxydables, sont solubles dans l'alcool; car, si l'on prend les extraits alcooliques des muscles tétanisés et inactifs, et si après l'évaporation de l'alcool et la dissolution dans l'eau on ajoute des nitrates, alors on constate que, dans la solution aqueuse de l'extrait alcoolique du muscle tétanisé, il y a formation de nitrites en peu de temps, tandis que la formation de nitrites dans le muscle inactif n'a lieu que sous l'influence de la putréfaction (Gscheidlen). Aucune des substances connues, qui se forment pendant l'activité musculaire, ne possède le pouvoir de transformer en réaction acide les nitrates en nitrites dans le cours de plusieurs heures, bien qu'un grand nombre de substances (acide lactique, sucre, glycogène), en réaction alcaline plus rapidement qu'en réaction acide, agissent d'une manière réductrice sur les nitrates dans le cours de plusieurs jours. Abelous, pour doser les matières réductinces, qui représentent les termes intermé- diaires de la désassimination des substances albuminoïdes, a employé le procédé d'ÉTARD et Gh. Righet, basé sur le pouvoir absorbant de ces substances réductrices pour l'oxygène {Trav. du labor. de Gh. Righet, h, 3o2). L'oxydation se fait par une liqueur de brome, et le dosage de l'excès de brome par une solution titrée de chlorure stanneux. Matières réductrices des muscles (lapin) pour 100 grammes. (D'après Abelous.) Muscles normaux 0fc"',1014 Muscles tétanisés Oe',1216 Différence Ofc-,0202 Muscles paralysés O^^OOCO Muscles normaux Ok%1152 Différence Ôë^ÔÎ92 Ces chiffres se rapportent aux muscles extraits du corps; nous observons une aug- mentation de matières réductrices dans les muscles qui ont travaillé, A l'état normal, le sang débarrasse les muscles de ces déchets de la contraction. Cependant le sang artériel renferme toujours plus de substances réductrices chez les animaux fatigués que chez les animaux au repos (Abelous). Ranke a vu que le muscle qui travaille est plus riche en eau, que la teneur en eau des muscles qui accomplissent le plus de travail est le plus considérable. La teneur en eau des muscles extraits du corps et télanisés ne varie pas; par conséquent, la richesse plus grande en eau du muscle avec circulation et tétanisé n'est pas due à la formation de l'eau dans le muscle même. L'augmentation de la quantité d'eau dans le muscle en activité correspond à une diminution de la quantité d'eau du sang. A la suite du tétanos 148 FATIGUE. le sang devient plus concentré, plus riche en matières solides. L'aufçmentation de la quantité d'eau dans le muscle repose sur un phénomène de diffusion entre le sang et la substance musculaire; le muscle est lavé d'une partie de ses substances solides pendant le tétanos; le sang des grenouilles tétanisées est plus riche de 1,3 p. 100 en substances solides, et plus pauvre en eau qu'avant le tétanos. Or, à la suite de l'activité musculaire, la pression osraotique croît dans les fibres musculaires et par conséquent le nombre de molécules dissoutes dans la substance musculaire doit croître aussi (Lokb). Le fait s'ac- corderait très bien avec la supposition que l'origine de l'énergie déployée parle muscle est un processus de dissociation. Elisabeth Cooke a déterminé, dans le laboratoire de LoEB, à Chicago, l'augmentation de pression osmotique dans le muscle : même un tra- vail relativement modéré fait croitre cette pression de 50 p. 100. Loeb en tire argument pour admettre que pendant l'activité musculaire le nombre de molécules contenues dans la solution subit un accroissement, que la pression osmotique dans le muscle augmente, qu'une certaine quantité d'eau introduite dans les fibres musculaires détermine une augmentation de volume du muscle et son hypertrophie fonctionnelle. Ganicke trouve aussi que le travail musculaire augmente la teneur du muscle en eau (jusqu'à 11 p. 100), et diminue sa teneur en matières fixes (1,5 p. 100). § 6. Toxicité. — Ces substances réductrices, élaborées au cours du travail muscu- laire, sont douées d'une très grande toxicité. La première expérience à cet égard est due à J. Ranke (1865) : une patte de grenouille, fatiguée jusqu'à épuisement complet par des excitations électriques, pouvait être rendue capable d'une nouvelle série de contractions par un simple lavage, c'est-à-dire par le passage d'eau salée par l'artère principale du membre. L'eau salée a agi manifestement en entraînant au dehors les substances toxiques. Kronecker a obtenu des résultats encore plus satisfaisants en injectant de l'hypermanganale de potasse ou du sang oxygéné. Une autre expérience de Ranke est encore plus démonstrative : il fit l'injection de l'extrait aqueux d'un muscle qui avait travaillé dans un muscle frais et vit diminuer son aptitude au travail. D'après Abelous, ces substances fabriquées au cours du travail musculaire exercent une action curarisante. Dans les conditions normales elles seraient détruites grâce à l'action antitoxique des capsules surrénales (Abelous et Laxglois). Leur action réductrice est encore démontrée selon Abelous par la transformation du ferricyanure de potassium en ferrocyanure, ce qui détermine avec le perchlorure de fer un précipité de bleu de Prusse. Si au préalable on oxyde ces substances avec du permanganate de potasse, la réaction du bleu de Prusse ne se produit pas, et ces substances ainsi oxydées ont perdu leur toxicité. L'action toxique de l'extrait des muscles tétanisés paraît donc bien établie. Quant aux substances toxiques, qui, nées pendant le travail musculaire, viennent agir sur les centres respiratoires et cardiaques en produisant l'accélération du cœur et de la respiration, leur présence ne laisse plus de doute depuis l'expérience de A. Mosso; cet expérimentateur trouva que le sang d'un chien surmené injecté à un autre animal de la même espèce produit les phénomènes de la fatigue : abattement, parésie, accélération respiratoire et cardiaque. Si l'on fait tomber sur un muscle rais une goutte de plasma exprimée d'un muscle fatigué, elle y produit une contraction locale, lente et prolongée (Schiff). Enfin, les effets toxiques des substances musculaires produites dans la fatigue ont été décelés même dans l'urine, fait qu'on pouvait prévoir déjà dans une certaine mesure par les déterminations de Bouchard du coefficient urotoxique des urines de la veille et du sommeil. Dans leur étude faite sur le coureur Stéphane pendant son record de 24 heures sur pisle, TissiÉ, Sabrazès et Denigès ont constaté que les urines possédaient une toxicité qui dépassait le coefficient de celles des fièvres infectieuses graves. L'injec- tion de 10 c. c. d'urine à la fin de la course tuait un lapin pesant 1 kilogramme, ce qui élevait le coefficient de la toxicité à 2,33, alors que celui des fièvres infectieuses graves est de 2 ou 2,50. Le lendemain ce coefficient descendait rapidement à 0,893, mais au contraire les déchets du jour de la course, qui atteignaient en 24 heures pour l'urée, 3^K^bO; l'acide urique, Osr,6o; l'azote total, lls'^01 ; augmentaient presque du double le lendemain. Stéphane n'avait bu que du lait. Les recherches faites postérieurement par Lapicque et Marette sur la toxicité urinaire, à la suite d'un exercice musculaire poussé jusqu'à la fatigue, ont amené ces expérimentateurs aux mêmes conclusions. Benedigenti FATIGUE. 149 a constaté que la toxicité des urines dans la fatigue était due aux matières non dialy- sables, et non pas aux sels minéraux, à l'urée, et aux matières colorantes (procédé de Roger qui consiste à appliquer la dialyse à l'étude de la toxicité urinaire). Ajoutons, que d'après Arloing, la toxicité de la sueur est presque nulle quand elle est provoquée par un bain chaud, l'étuve, etc., elle est très considérable pendant les exercices musculaires violents. Il est pourtant impossible d'édifier une théorie toxique de la fatigue. Il faudrait pou- voir isoler les substances toxiques et connaître leur mode de destruction. Bibliographie. — Abelous (J. E.). Toxicité du sang et des muscles des animaux fatigués (A. 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Ainsi on sait, par les expériences de Beaunis et de Wuxdt, que la contraction centrale ou réflexe exige pour se produire une intensité d'excitation supérieure à celle qui détermine une con- traction directe; les irritants faibles ne provoquent souvent pas de réflexe, mais, si celui-ci apparaît, il peut largement dépasser en énergie la secousse directe. Souvent, des excitations qui, isolées, ne détermineraient aucune secousse, provoquent un tétanos énergique quand elles se suivent à des intervalles très rapprochés. Cela démontre l'entrée en jeu des phénomènes d'addition latente qui se produisent dans les centres nerveux avec une facilité plus giande que dans le nerf moteur, et, dans ce cas, la con- traction revêt ordinairement un caractère tétanique. La secousse réflexe a un début retardé; elle dure beaucoup plus longtemps. Quant au tétanos central ou réflexe, il ne possède presque jamais la régularité typique du tétanos direct. 11 n'y a pas entre l'exci- tation et le tétanos, central ou réflexe, l'étroite relation qui existe entre l'excitation et le tétanos direct. L'indépendance relative de la contraction réflexe ou centrale vis-à-vis de l'excitant nous montre qu'il existe des difl'érences qualitatives entre la secousse réflexe et la secousse directe; ces différences qualitatives suffisent pour expliquer dans une certaine mesure les différences quantitatives, sans qu'il soit nécessaire d'admettre une fatiga- bilité plus grande des centres réflexes que de l'appareil périphérique. Les expériences de Waller ne sont pas plus concluantes. D'après cet auteur, l'acti- vité maximale des centres nerveux ne provoque pas l'activité maximale de l'appareil ter- minal; en d'autres ternies, la fatigue centrale limite la fatigue périphérique. Voici l'expé- rience de Waller : si l'on applique une série de secousses électriques au bulbe d'une gre- nouille jusqu'à ce que le gastrocnémien ne se contracte plus, on obtient une nouveUe série de contractions en irritant le sciatique, et une troisième série en irritant le muscle lui-même lorsque l'irritation du nerf a cessé d'agir. Celte expérience démontrerait que FATIGUE. 151 les centres sont plus fatigables que les terminaisons nerveuses, et celles-ci plus que le muscle. Nous avons montré plus haut que la soi-disant action curarisante de la fatigue était un produit artificiel dû à l'altération du tronc nerveux par le contact avec les électrodes. La latigabilité des appareils nerveux me'dullaires n'est aussi qu'apparente. Assurément, lorsque le gaslrocnémien ne se contracte plus par excitation de la moelle, il fournit une nouvelle série de contraclions à l'excitation du nerf. Mais si l'on admet que la moelle est devenue inexcitable par effet de la fatigue, comment expliquer alors qu'en excitant le nerf sciatique d'une grenouille dont la moelle vient d'être fatiguée, on obtient souvent non seulement la contraction directe, mais aussi la contraction rétlexe (J. Iote yko) ? La moelle ne serait-elle pas complètement épuisée lors du relâchement du tétanos d'ori- gine centrale? Certainement oui, mais la moelle, fatiguée par une intensité de courant a, répond à une intensité plus grande de courant b; autrement dit, le même courant, appliqué sur le nerf, a une intensité plus grande que quand il est appliqué directement à la moelle; ce qui explique et la présence de la contraction névro-directe et celle de la contraction névi'o-réflexe. Les résultats obtenus par Waller peuvent donc être expliqués par un manque de dosage du courant électrique. On se sert généralement de l'expression « exciter par le même courant », sans songer que les tissus animaux n'ont pas tous la même résistance électrique et que le courant se répartira de façon que sa densité soit en raison inverse de la résistance spécifique de chaque tissu. L'écartement des électrodes restant le même, et le voltage n'ayant subi aucune modification, l'intensité du courant électrique lancé dans la région intrapolaire, et avec elle l'intensité de l'influx nerveux mis en liberté par cette excitation, sera toute différente suivant que la région intrapolaire est constituée par un tronçon de moelle, de nerf ou de muscle. Or les muscles sont bien meilleurs conducteurs pour l'électricité que les nerfs. Quant à la conductibilité élec- trique de l'axe cérébro-spinal comparée à celle du nerf, les documents manquent plus ou moins complètement; aussi sommes-nous astreints à la plus grande réserve dans nos conclusions, mais il ne serait pas impossible que les centres nerveux fussent moins bons conducteurs, et par conséquent, excités par un courant d'intensité plus faible que ne le sont les nerfs. La méthode employée par J. Ioteyko répond à deux desiderata : i'^ Elle permet l'emploi de courants électriques d'intensité moyenne, ce qui évite la diffusion du courant électrique; 2° Elle élimine complètement la nécessité des mesures comparatives de l'intensité de l'excitant, en permettant d'irriter, non pas différentes régions du système nerveux, mais une seule région déterminée. Voici l'analyse de ces travaux : La résistance des centres nerveux médullaires à la fatigue étudiée au moyen de rélectrotonisation du nerf. — Le principe de cette méthode est le même que celui qu'appliqua Bernstein à l'étude de la fatigue du tronc nerveux et qui fut si ingénieusement modifié par W'edensky. Il y a lieu de considérer la moelle épinière à deux points de vue : 1» En tant qu'organe conducteur de la vibration nerveuse, et 2° en tant qu'organe du réflexe nerveux, c'est-à-dire traiiformateur de l'influx sensitif en influx moteur. La conductibilité de la moelle est directement mise en jeu quand nous l'exci- tons directement par les électrodes, tandis que les propriétés réflectrices de la moelle sont mises en évidence par la contraction réflexe. Nous analysons les processus qui se déroulent dans les centres nerveux médullaires en prenant pour mesure des processus internes le résultat de l'irritation névro-réflexe, c'est-à-dire la secousse musculaire con- sécutive à l'irritation du nerf sciatique du côté opposé. Or dans l'activité réflexe nous étudions la fatigue des neurones sensitifs aussi bien que celle des neurones moteurs. — Le point le plus important 'de la méthode de J. Ioteyko a trait au procédé employé pour obtenir la section physiologique du nerf sciatique, de manière que l'excitation qui lui vient des centres soit momentanément arrêtée pour ne pas produire de contraction, et que, à un moment donné, celle-ci puisse servir comme réactif de l'activité centrale. L'auteur s'est servi de Vélectrotonisation; pendant le passage du courant continu, l'anélectrotonus d'une portion du nerf arrête l'influx nerveux venu des centres par exci- tation directe ou réflexe de ces centres ; le gastrocnémien, dont le nerf n'a pas été élec- rotonisé, se té\,anise jusqu'à épuisement complet, l'autre reste au repos. Si mainte- 152 FATIGUF. nant, sans interrompre l'excitation de la moelle, on ouvre le courant continu, la trans- mission s'opère sans obstacle dans le nerf électrotonisé, et l'on voit son gaslrocnémien entrer en tétanos. 11 est donc e'vident que les centres nerveux médullaires sont au moins deux fois plus résistants à la falipue que les organes terminaux, parce qu'ils ont pu fournir un travail double. Dans toutes ces expériences, l'auteur s'est servi de gre- nouilles de forte taille (poids, 50 à 70 grammes}. Le cerveau était détruit, et l'hémor- rhagie de la moelle soigneusement arrêtée. Les deux nerfs scialiques étaient dénudés, et les cuisses entièrement réséquées au-dessous des nerfs et des vaisseaux fémoraux. La grenouille est alors portée sur un myographe double, et les tendons des deux gas- trocnéraiens sont reliés aux leviers correspondants (poids en charge, 20 grammes). Pour éviter le dessèchement du nerf, l'expérience n'a jamais été prolongée au delà de dix minutes. L'auteur a recherché une intensité de courant continu, qui laisse à peu près intacte l'excitabilité du nerf après l'ouverture du courant polarisant. Elle s'est assurée que : le passage pendant dix minutes, à travers une petite portion du nerf sciât iqiie de gre- nouille, d'un courant continu de 0,20 milliampère {électrodes impolarisahles) , changeant de sens toutes les minutes et s" affaiblissant au cours de l'expérience jusqu'à 0,i.^ milliampère, laisse intacte V excitabilité du nerf dans tout son parcours après l'ouverture du courant continu. Le temps de dix minutes est suffisant pour obtenir deux courbes de tétanos l'une à la suite de l'autre; il est préférable de ne pas prolonger l'expérience au delà de ces limites, pour être à l'abri des modifications ultérieures de l'excitabilité, si fréquentes avec l'em- ploi du courant continu. L'inexcitabilité persistante qu'on observe quelquefois après le passage du courant continu peut être décelée de la façon suivante : il faut interroger promptement dans les cas douteux l'excitabilité des deux nerfs : si la modification négative s'est produite, l'immobilité absolue du muscle attenant au nerf qui vient d'être électrotonisé con- stitue un contraste frappant avec les petites secousses que donne l'excitation du nerf du côté opposé, lequel, bien qu'ayant fourni déjà une courbe de tétanos, n'a partout pas perdu toute son excitabilité. L'auteur a eu également à lutter avec la modification posi- tive, c'est-à-dire avec l'augmentation d'excitabilité qui suit parfois de près l'ouverture du courant continu. Or, si l'excitabilité du nerf est exagérée, un courant nerveux, même extrêmement faible, venu de la moelle, impuissant à éveiller la contraction en temps ordinaire, est capable de déterminer un tétanos énergique dans ces conditions. On recon- naît la modification positive en modifiant l'expérience de façon à exciter la moelle, non par des courants tétanisants, mais par des ondes périodiques à intervalles assez éloi- gnés; on a alors l'inscription graphique de l'excitabilité sous forme de lignes verticales,- dont la hauteur mesure le degré de l'excitabilité. Or, si, après l'ouverture du courant continu, le travail du muscle est déterminé par une action centrale, l'excitabilité du nerf n'ayant pas été augmentée, nous obtenons une courbe régulière de la fatigue du muscle; les premières contractions possèdent l'amplitude la plus grande, et la fatigue s'établit graduellement. Mais, si le travail du muscle est obtenu artificiellement par suite d'une hyperexcitabilité du nerf, la courbe des contractions inscrites sur le cylindre possédera des caractères exactement opposés : elle sera l'indice fidèle de l'excitabilité grandissante du nerf : les contractions iront en augmentant de hauteur, et il faudra un certain temps pour qu'elles diminuent d'amplitude. Toutes ces questions de méthode et de technique ont un grand intérêt, car elles nous permettront de juger de la légitimité des résultats. Ajoutons que l'objection que Herzen a formulée relativement à la méthode de l'électrotonisation des troncs ner- veux ne peut s'appliquer à l'étude de la fatigue des centres nerveux. Ce physiologiste a fait remarquer que l'obstacle, destiné à enrayer la transmission, pourrait bien enrayer en même temps l'entrée en activité du nerf. Quand il s'agit du nerf, rien ne vient nous révéler en effet son entrée en activité ; quand nous excitons la moelle, nous avons la cer- titude qu'elle entre en activité, bien qu'un des nerfs sciatiques soit électrotonisé à sa partie moyenne; la preuve en est fournie par le tétanos du côté opposé, qui se produit malgré l'établissement de l'électrotonus sur l'autre nerf. La figure 17 nous montre la grande résistance médullaire à la fatigue. L'excitation tétanisante de la moelle est obtenue par voie névro -réflexe. Le tracé inférieur correspond FATIGUE. 153 aux contractions névro-directes; le tracé supérieur aux contractions névro-réflexes. On lit de gauche à droite de la figure : 1) tétanos d'essai des deux gastrocnémiens, névro- direct en bas, névro-réflexe en haut, tous les deux obtenus simultanément par excita- tion tétanisante d'un sciatique et tous les deux à peu près de même intensité; 2) repos dô trois minutes, pendant lesquelles on électrolonise le nerf avec un courant de 0,20 de miiliampère, en changeant le sens du courant (El sur la figure) et après avoir suspendu le courant tétanisant. L'électrotonus est complet au bout de trois minutes (tracé inter- rompu à cet endroit); 3) L'excitation du nerf A est reprise, le muscle donne immé- diatement une courbe de tétanos névro-direct d'une durée de quarante-cinq secondes, après quoi il se relâche; pendant tout ce temps, le nerf B électrotonisé ne communique pas son excitation au muscle qui reste au repos ; 4) Plusieurs secondes avant le relâ- chement complet du tétanos névro-direct, on ouvre le courant continu (0 sur la figure), Fie». 17. — (D'après J. Iotetko) Éloctrotonus employé pour produire la section physiologique du nerf. Excitation tétanisante de la moelle par l'intermédiaire du nerf sciatique d'un côté. Inscription simultané» de la contraction directe et de la contraction réfle.xe (de gauche à droite). tout en maintenant l'excitation tétanisante du nerf A; l'anélectrotonus disparaissant et avec lui l'obstacle à la transmission nerveuse, le nerf B donne une courbe de tétanos névro-réflexe d'une durée de soixante-quinze secondes, démontrant ainsi que la moelle n'était pas fatiguée à ce moment. Nous en concluons que les centres médullaires sont au moins deux fois plus résistants à la fatigue que les organes terminaux, parce qu'ils ont pu fournir dans les mêmes conditions un travail double. Le même résultat a été obtenu en excitant directement la moelle épinière au moyen d'ondes uniques. La résistance des centres nerveux médullaires à, la fatigue étudiée au moyen de l'éthérisation du nerf. — La méthode de l'électrotonisation a montré à J. loTEYKO que les centres nerveux spinaux sont au moins deux fois plus résistants à la fatigue que les organes terminaux, car ils peuvent fournir un travail double en réponse à la même excitation. Pour voir s'ils ne le sont pas davantage, l'auteur a cherché une méthode qui permette de prolonger l'expérience sans crainte d'une modification de l'excitabilité du nerf. La section physiologique du nerf peut être produite au moyen de l'éthérisation locale du nerf. En effet, l'avantage de cette méthode est que le retour de l'excitabilité après l'éthérisation ne passe jamais par une phase d'augmentation 154 FATIGUE. ainsi que J. Ioteyko et M. Stefanowska l'ont montré {Ann. de la Soc. des sciences de Bruxelles, 1901). La méthode avec l'éther ne diffère donc de la méthode avec l'anélectro- tonus que parla substitution d'un bourrelet imbibé d'anesthésique au courant continu. Voici une de ces expériences (3 mai 1899, voir fig. 18). Excitation névro-réflexe de la moelle par des courants tétanisants. — Le tracé infé- rieur est d'origine névro-directe; le tracé supérieur est d'origine névro-rétlexe. On lit de gauche à droite de la figure : 1° Contractions d'essai, les névro-directes plus intenses que les névro-réflexes; 2° un des nerfs est éthérisé (à partir de E) ; 3° plusieurs secondes à peine après le début de l'éthérisation, l'autre nerf est excité par des courants tétani- sants, et cette excitation est maintenue jusqu'à la fin de l'expérience; le nerf irrité donne une belle courbe de tétanos, tandis que l'excitation qui a traversé la moelle est FiG. 18. — (D'après J. Ioteyko) Section physiologique du uerf obtenue au moyen de l'éthérisation d'une portion de ce nerf. Excitation tétanisante de la moelle par l'intermédiaire du nerf sciatique d'un côté. Inscription simultanée de la contraction directe et de la contraction réflexe (de gauche à droite). arrêtée dans l'autre nerf au niveau du point éthérisé; à peine observons-nous un léger soulèvement de ce côté; 4) Avant même que le tétanos névro-direct ait pris fin, la déséthérisation est opérée (D sur la figure) : l'application de l'anesthésique a duré par conséquent environ vingt-deux secondes; la conductibilité ne revient pas immédia- tement (la tétanisation ne cesse d'agir), mais, dix secondes après T'enlèvenient de l'éther, nous obtenons un tétanos névro-rétlexe assez intense. L'excitation de la moelle ayant duré tout ce temps, nous concluons à sa grande résistance à la fatigue vis-à-vis des organes terminaux. Un résultat analogue a été obtenu en excitant directement la moelle avec des cou- rants tétanisants. Dans d'autres expériences, l'éthérisation a été maintenue bien plus longtemps, et dans tous les cas, un tétanos a été obtenu après que l'éther s'est dissipé. Pen- dant tout ce temps la moelle n'a cessé d'être excitée. .1. Ioteyko a pu se convaincre que la moelle pouvait être excitée pendant un temps au 7nûins quatre fois plus long que le muscle, sans FATIGUE. 155 qu'on piU déceler aucun signe de fatigue. L'auteur n'a pas poussé plus loin cette détermi- nation quantitative, et n'a pas assigné de limite au travail médullaire. La résistance des centres nerveux médullaires à la fatigue étudiée au moyen de la strychnisation de la moelle et de réthérisation du nerf. — Pour ne pas recourir à des excitants électriques trop énergiques, qui occasionneraient des dérivations sur la moelle épinière, on a généralement employé, pour augmenter l'inten- sité des phénomènes réflexes, des grenouilles empoisonnées par des doses minima de strychnine. Cette façon d'agir présente de nombreux inconvénients dans l'étude de la forme de la secousse isolée ou du tétanos d'origine réflexe. Ces inconvénients apparaissent encore plus nombreux quand on se propose d'étudier la somme de travail que peut fournir la moelle épinière, car l'état de surexcitation de la moelle strychnisée ne peut servir de mesure à l'activité déployée par elle dans les conditions normales. Malgré toutes ces objections, des recherches sur lafatigue de la moelle strychnisée s'imposaient en quelque sorte, car grâce à ce procédé l'emploi des courants électriques extrêmement faibles était rendu possible (après Téchec des excitations mécaniques et chimiques pour produire un tétanos réflexe durable). En employant des doses convenables de strychnine, on parvient à renverser la formule : l'irritabilité réflexe l'emporte alors sur l'irritabilité directe. En moyenne un dixième de milligramme de sulfate de strychnine a été trouvé suffisant par J. loTEYKO pour produire cette effet. Ces expériences ne diffèrent donc des précédentes que par la légère strychnisation de la moelle; le nerf est éthérisé suivant le procédé connu. Ces expériences ont montré que la moelle légèrement strychnisée (pas de con- vulsion) est en état de fournir un travail au moins cent fois plus considérable que le muscle. Dans ces expériences, la narcose du nerf était suspendue de temps en temps, et l'on se rendait compte du degré d'excitabilité propre de la moelle. Les résultats avec les grenouilles strychnisées plaident donc dans le même sens. Il est certain que ces données ne peuvent servir de terme de comparaison avec le travail que la moelle est capable d'exécuter dans les conditions normales. Mais il paraît certain que les appareils réflexes de la moefle sont pratiquement infatigables, si on les compare aux organes terminaux. Par les trois méthodes décrites plus haut cet expérimentateur a donc réussi à évaluer le travail intérieur des appareils réflexes de la moelle et à le représenter panm équiva- lent mécanique. La résistance si grande des centres nerveux médullaires peut être interprétée de deux façons différentes : 1° ou bien les éléments nerveux sont de vrais accumulateurs d'éner- gie, capables d'un long travail sans fatigue en raison de leurs réserves nutritives consi- dérables; 2° ou bien leur résistance à la fatigue est l'indice d'un chimisme très restreint, l'acte nerveux n'étant pas accompagné d'un dégagement important d'énergie empi'untée aux centres. — La question est loin d'être résolue. Remarquons pourtant que, si la grande résistance à la fatigue des centres nerveux médullaires était due à un métabo- lisme intense dans ces centres, ils seraient les premiers à ressentir les atteintes des toxines engendrées par un travail excessif, et l'intoxication produirait en peu de temps la paralysie des éléments nerveux. Or il n'en est rien; ce sont les terminaisons motrices éparses dans le muscle qui ressentent les premières les effets de la fatigue, et il paraît probable qu'elles sont intoxiquées par les poisons nés sur place et engendrés par la contraction musculaire. Il est intéressant de rapprocher de ces faits les expériences de G. Weiss sur l'influence des variations de température sur les périodes latentes du muscle, du nerf et de la moelle. Pour le muscle, la période latente s'allonge avec les températures basses, se raccourcit avec les températures élevées. La durée de cette période est liée à la rapidité avec laquelle se passent les actions chimiques. La vitesse de l'influx nerveux reste sensiblement la même aux diverses températures, ce qui concorde avec l'hypothèse de l'infatigabilité du nerf. Quant à la moelle épinière, Weiss a mesuré la période latente d'un réflexe, et, en opérant successivement à 20° et à 0», il a vu qu'elle doublait, c'est- à-dire que la variation était de 100 p. 100. Enfin il a fait la même expérience en refroi- dissant la moelle et les nerfs lombaires et excitant la partie supérieure de la moelle. Dans ces conditions, la période latente n'a présenté que des changements insignifiants, 156 FATIGUE. parallèles à ceux qu'a présentés le nerf. La moelle s'est comportée comme si des tubes nerveux venant des racines antérieures se prolongeaient jusqu'à la partie supérieure de la moelle sans passer par aucune cellule ni articulation des neurones. Ces expériences de G. Weiss viennent donc confirmer les résultats de J. Ioteyko sur l'infatigabilité relative des appareils réflexes de la moelle épinière. Résultat semblable a été obtenu par N. Uschinsky, qui s'est servi de la variation négative comme moj'en de déceler l'activité me'dullaire. Il est 'toutefois difficile de juger de ses résultats en se basant sur l'analyse d'une courte note publiée par l'auteur dans le Centralbl. f. Physio- logie (1899, 4-6). L'étude de la fatigabilité de la moelle épinière constitue un chapitre tout nouveau de la physiologie, et, tandis que la fatigue du muscle a été examinée sous tous ses aspects depuis l'inauguration de la méthode graphique, la fatigue des appareils nerveux médullaires n'avait même pas été abordée par les physiologistes anciens. En effet, les difficultés expérimentales rendaient impossible cette étude avant la connaissance exacte des phénomènes de fatigue propres aux muscles et aux nerfs. Le travail de J. Ioteyko a été suivi de recherches fort intéressantes de M. Verworn, qui, sans connaître les travaux de cet expérimentateur, aborda le même sujet en se servant de méthodes presque identiques : à savoir, de l'éthérisation du nerf et la strychni- sation de la moelle. Mais, dans les expériences de Vervvorx, la strychnisation de la moelle était poussée à l'extrême; l'auteur a donc obtenu des phénomènes paralytiques, dus non à la fatigue des appareils médullaires, mais à leur intoxication. Tout d'abord, Verworn a repris à nouveau l'étude de l'action périphérique et centrale de la strychnine. L'action périphérique curarisante de la strychnine existe aussi bien pour la Rana esculenta que pour la temporaria, mais elle est plus prononcée pour la première (Voir : Curarisants, poisons). Quant à la paralysie qu'on observe après des con- vulsions énergiques, elle ne peut être rapportée en totalité à l'action curarisante de la strychnine, car au moment où la paralysie est complète les appareils périphériques sont encore excitables (confirmation de faits observés par Poulsson). Cette paralysie n'est pas due. non plus à la fatigue résultant de l'activité médullaire; les grenouilles en effet, qui ont reçu en injection de doses plus fortes de strychnine se paralysent plus vite que celles qui ayant reçu des doses plus faibles, présentent une phase de convulsions plus prolongée. A quoi est due cette action de la strychnine sur les centres médullaires? Suivant Verworn, on n'a pas assez tenu compte de l'état du cœur dans l'intoxication strychnique. Or, chez les animaux qui ont été empoisonnés par des doses fortes de strychnine (Os'',Oi pour une grenouille et même davantage), on observe, peu de temps après la disparition des"réflexes, l'arrêt du cœur en diastole. A un examen plus minutieux, on observe le développement lent et graduel de la paralysie cardiaque, qui finalement mène à l'arrêt complet. Celle action de la strychnine sur le cœur est directe, elle persiste même après la section des vagues. Cet arrêt du cœur n'est pas dû aux convulsions, car les grenouilles, qui ont été empoisonnées par des doses plus faibles de strychnine et qui présentent un allongement du stade convulsif, ne présentent pas d'arrêt du cœur. La paralysie centrale n'est pas due à une action spécifique de la strych- nine sur la moelle. Mais il existe un parallélisme complet entre la paralysie médullaire et la paralysie cardiaque. Verworn fit aussi des expériences de contrôle : après la liga- ture du cœur, l'excitabilité réflexe disparaît au bout de 45 à 60 minutes chez les gre- nouilles non strychnisées. Ce temps correspond exactement au développement de la paralysie médullaire dans le strychnisme. Un autre fait vient plaider dans le même sens. Quand dans la paralysie strychnique le cœur est paralysé au point de ne plus pouvoir se contracter qu'une fois toutes les 10 ou 15 secondes, si l'on pratique la respiration artifi- cielle, alors le cœur se remet de nouveau à battre plus rapidement, et l'activité médul- laire réapparaît. L'auteur ne prétend pas expliquer le mécanisme de cette suractivivé cardiaque; il est possible qu'il est irrité mécaniquement par l'oxygène. Quoi qu'il en soit, le retour de la circulation a restauré l'activité médullaire. Il eu résulte que la para- lysie de la moelle constatée dans la strychnisation était due à son asphyxie. On pourrait dire aussi que, grâce à la suractivité circulatoire, la moelle est lavée de la strychnine; mais cette explication ne parait pas probable, car c'est le sang qui est le véhicule de la strychnine. Nous saisissons de cette façon l'explication de ce paradoxe, que sous l'influence FATIGUE. 157 de la strychnine l'excitabilité de la moelle est si considérablement accrue pour diminuer et se perdre consécutivement. La tableau symptomatologique de l'intoxication strychnique est en effet composé de deux processus : excitation et paralysie. Chacun de ces processus a une cause diffé- rente : l'énorme augmentation d'excitabilité tient à l'action spécifique de la strychnine sur la moelle épinière; la paralysie est due à l'asphyxie résultant de l'arrêt du cœur. La symplomatologie du strychnisme est due à l'interférence de ces deux actions. Si nous nous sommes étendus sur ces expériences si intéressantes de Verworn, c'est parce que l'expérimentateur allemand tâche d'appliquer ces données à la fatigue et à la réparation des appareils réflexes de la moelle. Pour amplifier les processus qui se déroulentdans ces appareils, il emploie la strychnine. La grenouille est fixée dans le décubitus dorsal sur une planchette de liège; l'artère d'un des membres postérieurs est liée, le sciatique est préparé jusqu'à l'articulation du genou et le gastrocnémien fixé au myographe. Pour exclure le gastrocnémien des convulsions strichniques, son nerf est éthe'risé. La grenouille est alors strychnisée (( centigramme en injection sous-cutanée). Nous voyons que la méthode employée jusqu'au dispositif des appareils graphiques est celle qu'inaugura J. Ioteyko dans ses recherches sur la fatigue des centres nerveux médullaires. L'unique différence, c'est que J. Ioteyko utilisa des doses extrêmement faibles de strychnine (1/10 de milligramme de sulfate de strychnine) incapables de pro- duire des convulsions, mais exaltant les propriétés réflectrices au point que la moindre excit:)tion était suivie d'un effet moteur considérable, tandis que Verworn employa la strychnine à la dose de 1 centigramme, dose convulsive et même souvent mortelle. Le cœur de la grenouille étant mis à nu, on peut suivre les progrès de la paralysie cardiaque. Cinq minutes après le début des convulsions, on remarque les premiers symptômes de faiblesse cardiaque. Quand les convulsions ont pris fin, on interrompt la narcose du nerf et on examine graphiquement l'état des réflexes en se servant de la contraction du gastrocnémien, exclu des convulsions par la narcose du nerf. On s'aper- çoit que l'excitabilité réflexe est fortement diminuée et qu'il faut un certain temps (plu- sieurs secondes) pour lui faire récupérer sa valeur primitive. Mais bientôt le cœur s'arrête. A ce moment, l'excitabilité réflexe disparaît définitivement pour ne plus reve- nir malgré le repos. Mais on assiste au retour de l'excitabilité médullaire si l'on pratique la respiration artificielle et si l'on provoque le rétablissement des fonctions du cœur. Ces expériences viennent donc confirmer les résultats antérieurement acquis par Verworn sur la réalité des deux processus qui se déroulent dans la moelle strychnisée. L'action de la strychnine ne peut donc être comparée à l'action des anesthésiques, qui excitent à faible dose et produisent des phénomènes paralytiques à dose plus consi- dérable. La paralysie strychnique est d'ordre asphyxique. L'unique action spécifique de la strychnine est l'énorme augmentation d'excitabilité qu'elle fait subir aux éléments médullaires. Après ces constatations, Verworn a abordé la question relative aux causes prochaines de la paralysie asphyxique de la moelle dans le strychnisme. Est-ce l'accumulation des substances de la métamorphose régressive qui se forment pendant l'activité médullaire, qui est la cause de la paralysie, ou bien est-ce le manque de certaines substances indispensables au maintien de l'activité ? Nous voyons que la même question se pose, qu'il s'agisse des centres nerveux ou qu'il s'agisse du muscle. Une grenouille étant para- lysée par une forte dose de strychnine, et le cœur étant arrêté, une canule est introduite dans l'aorte et la circulation artificielle est pratiquée au moyen de la solution physiolo- gique non oxygénée. Le cœur se remet immédiatement à battre. Au bout d'une minute l'excitabilité réflexe reparaît à son tour. Nous pouvons conclure que la paralysie était due, au moins en partie, à l'accumulation des substances nocives, car la restitution de l'excitabilité a pu se faire par le lavage avec une solution indifférente. C'est l'aticienne expérience de Ranke, sur la fatigue des muscles appliquée par Verworn au rétablisse- ment des fonctions de la moelle strychnisée. Pour éliminer l'action de l'oxygène atmosphérique, Verworn répéta la même expé- rience sous l'eau privée d'oxygène et obtint le même résultat. Les expériences avec le lavage delà moelle par une solution indifférente assurent la restauration des fonctions dans une certaine mesure, mais non dans sa totalité; l'excitabilité réflexe reparait, mais 158 FATIGUE. onn'observe jamais de crampes tétaniques. Comme, d'autre part, la fatigue du muscle est exclue par la narcose du nerf sciatique, on doit admettre la présence d'un facteur sup- plémentaire qu'il s'agit de rechercher. L'expérimentation montre, en effet, que la para- lysie est déterminée par l'intervention de deus facteurs : accumulation de substances nocives et manque de substances qui entretiennent l'irritabilité. Voici l'expérience de Verworn qui démontre ce phénomène : Nous avons vu que la restauration des fonctions médullaires au moyen de la circulation artificielle d'une solution indifférente n'était pas totale. Or, si au moment oij la circulation artificielle indifférente a produit son maximum d'effet, on injecte du sang défibriné, agité au préalable à l'air, l'excitabilité tétanique revient avec son intensité primitive : l'animal se restaure complètement, les crampes tétaniques atteignent leur maximum de force. Les expériences de contrôle montrent l'action nulle du lavage au moyen du sérum sanguin. C'est donc l'oxygène qui est l'élément réparateur. On peut donc dire que le lavage delà moelle au moyen d'une solution indifférente a entraîné au loin les substances nocives produites par le fonctionnement médullaire et a rendu la moelle capable d'un nou- veau travail. Toutefois, le lavage mécanique s'est montré inefficace pour assurer la res- tauration complète; le contact de l'oxygène avec les neurones a restitué à la moelle son excitabilité' totale. Ajoutons que Verworx n'attribue pas à l'anhydride carbonique un rôle important comme substance de déchet dans les phénomènes de paralysie médul- laire; le sang agité dans une atmosphère d'anhydride carbonique et injecté dans le sys- tème artériel d'une grenouille reste sans effet. La question reste donc ouverte, à savoir quelles sont ces substances fatigantes. En ce qui concerne la localisation de la para- lysie médullaire consécutive à la strychnisation, l'auteur allemand trouve que les éle'- ments sensitifs de la moelle sont paralysés avant les neurones moteurs des cornes antérieures. Dans les conditions normales, il y a équilibre entre le processus d'assimilation et de désassimilation. Cet équilibre est rompu quand la décomposition l'emporte sur la néo- formation. C'est précisément le cas quand l'activité devient très intense ou très soutenue. Les produits de la désassimilation se forment alors en quantité plus considérable et s'accumulent dans les organes, le lavage naturel par le sang ne suffisant pas à les entraîner au loin, et l'oxygène du sang ne suffisant pas à le détruire. L'accumulation de ces substances produit la paralysie médullaire avant que la réserve d'oxygène soit encore épuisée (Verworx) ; nous assistons donc à une véritable intoxication de la cellule médul- laire, avant qu'elle ait consommé tous ses matériaux de réserve. D'après cela, il peut y avoir pour la moelle, aussi bien que pour le muscle, deux causes différentes de fatigue, et en raison de cette différence fondamentale dans la genèse des phénomènes, Verwor.x propose de les distinguer par une dénomination différente et de désigner sous le nom de « fatigue » les phénomènes paralytiques qui résultent de l'accumulation et de la toxicité des produits de déchet, et sous celui d' « épuisement » les phénomènes de paralysie dus à la consommation des substances nécessaires à l'activité de la matière vivante. La fatigue et l'épuisement, bien que produisant le même résultat final (paralysie de l'irritabilité), agissent dilTéremment sur les deux phases de la nutrition cellulaire : l'épuisement mène à la paralysie de l'assimilation, la fatigue paralyse directement la désassimilation. Quant aux phénomènes de la réparation, le départ des substances de déchet ne suffit pas pour lui assurer toute son ampleur, ainsi que Vehworx l'a montré. L'animal a besoin d'une nouvelle quantité d'oxygène pour se remettre complètement. Tl est intéressant, à ce propos, de rappeler ici les expériences de Kronecker, de Ioteyko, de Ch. Righet, sur l'action réparatrice de l'oxygène dans la fatigue musculaire. L'analogie est comi)lète. Kronecker en particulier a constaté l'efficacité des injections oxygénées, alors que le lavage simple était resté sans résultat appréciable. Enfin, les faits mis en évidence par Verworn jettent une certaine clarté sur les phénomènes de rythme en biologie. En présence d'une quantité insuffisante d'oxygène, nous assistons à des variations continuelles d'excitabilité de la moelle épinière strychnisée; les phases d'excitabilité exaltée sont entrecoupées par des périodes d'inexcitabilité complète. Chaque décharge de la cellule nerveuse est suivie d'une chute rapide d'excitabilité, qui peut descendre à zéro. Ces fluctuations sont en rapport avec la quantité d'oxygèue disponible. Il se pourrait, ajoute Verwor.n, que la période réfractaire, c'est-à-dire la période d'inexcitabilité qui suit FATIGUE. 159 toute excitation rythmique, soit tributaire de la même cause. Cette explication serait en concordance avec la théorie de Pkluger sur la combustion inlra-organique. Il nous reste maintenant à formuler quelques critiques relativement aux interpréta- tions de Verworn. En premier lieu, ses expériences démontrent, selon nous, l'extrême résistance des centres nerveux à la fatigue. C'est là une conclusion contre laquelle se défendrait l'expérimenlateur allemand, car bien que dans son mémoire il n'ait pas fait la comparaison entre la résistance des centres nerveux à la fatigue et celle des organes périphériques (1900), il y fait allusion dans un travail d'ensemble sur le neurone, pré- senté au Congrès des naturalistes et des médecins à Aix-la-Chapelle (1900); il considère les centres de la moelle comme éminemment fatigables et leur attribue un métabolisme intense. Et pourtant voici ce qu'il dit dans son mémoire original [A. P., 1900, 155) ; Après la phase des convulsions, mais encore avant l'arrêt complet du cœur, on inter- rompt la narcose du nerf pour examiner l'état d'excitabilité de la moelle, en se servant comme réactif du gastrocnémien préservé des convulsions. On trouve que l'excitabilité réflexe est fortement diminuée à ce moment, et il faut attendre plusieurs secondes pour lui faire récupérer sa valeur primitive. Or, à notre avis, ces quelques secondes de repos ne pourraient en aucune façon amener la restauration, s'il y avait fatigue réelle; à n'en pas douter, ces quelques secondes ont été employées à dénarcotiser le nerf; c'est de lui que venait l'obstacle à la contraction réflexe. Si notre interprétation est exacte, les expériences de Verworx seraient la preuve d'une résistance médullaire encore beaucoup plus considérable qu'on ne pouvait le prévoir des expériences de J. Ioteyko. Les autres interprétations de Verworn sont aussi passibles d'une explication un peu différente. La paralysie médullaire des grenouilles strychnisées est due à l'asphyxie de la moelle; nous l'admettons sans conteste. Mais, suivant Verworn, la présence de la fatigue est pourtant prouvée par l'efficacité du lavage médullaire et la reconstitution des réflexes montre qu'il y avait accumulation des substances nocives, formées pendant les fortes décharges nerveuses. Bien que la possibilité d'une fatigue propre des neurones de la moelle est très admissible après une activité aussi épuisante, nous ne pouvons l'admettre sans contestation. En premier lieu, nous ignorons si le lavage avec une solu- tion indifférente n'a pas tout simplement entraîné au loin les restes de la solution de strychnine dans laquelle baignaient les éléments nerveux de la moelle; cela eût suffi pour lui rendre son excitabilité. Cette objection est très sérieuse; quand il s'agissait de l'action réparatrice d'une circulation activée, on pouvait à la rigueur écarter cette hypo- thèse, car, ainsi que Verworn l'a fait remarquer lui-même, c'est le sang qui est le véhi- cule du poison. Il n'en est pas de même avec une solution indifterente, qui n'apporte aucun élément actif aux cellules nerveuses et dont le rôle est de les débarrasser des pro- duits étrangers. Il ne faut pas aussi perdre de vue, que les grenouilles présentent gêné ralement des convulsions pendant la phase d'élimination de strychnine. La réapparition des crampes après l'injection d'oxygène pourrait tenir à cette cause. L'existence de ces substances paralysantes est donc très problématique. Mais ce qui l'est encore bien davantage, c'est la supposition, admise par Verworn sans conteste, que ces substances ont été produites in situ par l'activité médullaire. C'est là une expli- cation nullement justifiée. Il est impossible de perdre de vue que, sauf les muscles d'une patte, soustraite aux convulsions par narcose de son nerf, tous les muscles de l'organisme ont pris part aux terribles convulsions strychniques. Or nous ne connais- sons rien sur le métabolisme des centres nerveux; par contre, nos connaissances sont très étendues sur le métabolisme musculaire. Et il est plus prudent de chercher l'expli- cation d'un phénomène en nous basant sur des faits connus, que sur des faits inconnus. Il est hors de doute que les convulsions musculaires généralisées ont été accompagnées d'une production prodigieuse de substances de déchet. Il serait très intéressant de rechercher quel est leur rôle dans les symptômes de paralysie médullaire. Nous croyons donc qu'on peut admettre le principe de la grande résistance à la fatigue des centres nerveux médullaires. Sa cause prochaine reste à déterminer. Bibliographie. — Beaunis. Recherches expérimentales sur les conditions de l'activité cérébrale et sur la physiologie des nerfs (Paris, 1884). — Horsley (V.). A contribution towards the détermination of the energy developed by a nerve centre {Brain, xxr, 1898, 547- 379). — Ioteyko (J.). Rech. expér. sur la fatigue des centres nerveux par l'excitation élec- 160 FATIGUE. trique (B. B., 20 mai 1899. 384); Le travail des centres nerveux spinaux (C. R., 1900, cxxx, 667); De Vanélectrotonus complet {Archives d'Électricité médicale, 1900). — Luciaxi. Ueber mech. ErreQuny der motorischen Centren der Hirnrinde (C. W., 1883). — LÉvy (A. G.). An uttempt to estimate Fatigue of the cérébral cortex lohen caused by electrical excitation (J. P., XXVI, 1901, 210-228). — M. Verworn. Zur Kenntniss der physiologischen Wirkiingen der Strychnins (A. P., 1900, 383-414) ; Ermûdung, Erschôpfung und Erholung der nervôsen Centra des Riickenmarkes (A. P., 1900, 152-176); Dos Neuron in Anatomie und Physiologie (72 Versammlung deutscher Naturforscher und Aertzte in Aachen, 1900). — Weiss (G.). Influence des variations de température sur les périodes latentes du musde, du nerf et de la moelle (B. B., 1900, 31). — WuNDT (W.). Untersuchungen zur Mechanik der Nerven und Nerven- centren, 1871. CHAPITRE V La Fatigue des mouvements volontaires. Un grand nombre des questions relatives à la fatigue des mouvements volontaires a été traité dans le chapitre III (Fatigue musculaire). Ici nous n'envisagerons que les expé- riences où une action psychique a été plus pai'ticulièrement recherchée. I. Dynamogénie et fatigue. — Les expériences de Ch. Féré (1887) ont montré que toutes les excitations sensorielles (auditives, visuelles, olfactives, etc.) ou leurs représenta- tions mentales, et toutes les manifestations psychiques en général s'accompagnent d'une augmentation de l'énergie des centres nerveux, qui se traduit par des effets dynamo- gènes : chaque fois qu'un centre cérébral entre en action, il provoque une excitation de tout l'organisme par un processus encore indéterminé. Ce qui est particulièrement intéressant dans les expériences de Féré, c'est le parallé- lisme entre la gamme dynamique et la gamme de l'excitation. Ainsi, en ce qui concerne le sens de l'ouïe, l'intensité des sensations auditives, mesurée par leur équivalent dyna- mique, est en rapport avec l'amplitude et le nombre des vibrations. Lorsque l'excitation a dépassé une certaine intensité, la dynaraogénie cesse de s'accroître, et on observe un épuisement en rapport avec la décharge. La sincérité du résultat est confirmée par le tracé pléthysmographique qui accuse ces variations. Les modifications de l'afflux san- guin et de la force dynamométrique sont concordantes pour les excitations visuelles; d'après leur pouvoir dynamogène, les couleurs doivent être rangées dans le même ordre que les couleurs spectrales. On peut constater aussi une vraie gamme dynamogène par les saveurs fondamentales. Tous ces phénomènes sont bien plus marqués chez les hystériques que chez les individus sains. Et même les excitations des organes internes (pincement du col de l'utérus), insensibles à l'état normal, sont susceptibles de déter- miner une augmentation considérable de la force- de pression. Il en est de même de toutes les perceptions latentes (le seuil de la réaction étant au-dessous delà perception) (FÉRÉ). Féré a aussi constaté une énorme excitation, mesurée à l'ergographe, sous l'influence des excitations olfactives et gustatives (essence de citron, de girofle, d'orange, de cannelle). La saveur a toujours procuré une excitation plus forte que l'odeur. L'essence d'oranges (mandarines), agissant à la fois sur l'odorat et le goût, a donné un ergogramme de 96 kilogrammèlres avec un quotient de fatigue de 1,44; l'essence de girolle a donné un travail de 81 kilogrammèlres; l'essence de cannelle, 148 kilogrammèlres. L'action dyna- mogène des couleurs a été des plus évidentes. Le bouillon et l'alcool exercent une action dynamogène comme excitants sensoriels. Le môme expérimentateur a étudié aussi l'influence exercée par les excitations intercurrentes sur le travail ergographique. Lorsqu'on exécute un mouvement énergique de flexion des fléchisseurs des doigts de l'autre membre supérieur, on constate que le relèvement des courbes ergographiques se fait aussi rapidement. Si, lorsqu'on travaille à l'ergographe, on fait intervenir une excitation sensorielle, au moment de la fatigue on voit tout de suite les soulèvements se relever. Cela peut se produire plusieurs fois. Le travail supplémentaire augmente pen- dant un certain temps, le travail initial diminue et produit une fatigue plus intense que FATIGUE. 161 le travail lait dans les mêmes conditions de temps, mais sans aucune excitation intercur- rente. Tous les excitants sensoriels peuvent produire des relèvements de l'activité volon- taire (surtout l'essence de cannelle de Ceylan). A mesure que la fatigue s'accentue, la perception de l'excitation intercurrente est retardée. Sous l'influence des excitations pénibles on constate une diminution du travail et son augmentation quand l'excitation a cessé. Dans toutes ces expériences le rôle de la suggestion doit être considérable. L'influence dynamogène ou déprimante des divers agents phaimacodynamiques a été déjà traitée dans le chapitre sur la Falujue musculaire. La quantité d'oxygène absorbé a une influence considérable sur l'énergie du mouve- ment volontaire. Féuk a pris avec le dynamomètre de Hegnier l'énergie de la pression des doigts chez douze personnes avant et après l'inhalation de .30 litres d'oxygène: il a constaté une augmentation de l'énergie des mouvements volontaires. En revanche, il se produit une diminution de force musculaire très appréciable à partir de laOO mètres de latitude (expérience de l'aéronaute Jovis, rapportée par Fkré). Ch. Féré a constaté une augmentation de force dans l'air comprimé (dynamomètre); suivant Zenoni, à une pression de 1 atmosphère, la force ergographique subit une très légère augmentalion. A. Mosso a constaté que sur les Alpes la courbe ergographique est très irrégulière. En outre la quantité de travail mécanique est constamment diminuée. II. Influence réciproque exercée par deux centres volontaires en activité. Fatigue et incoordination motrice. — Nous avons vu l'influence dynamogène exercée par les excitations intercurrentes; le mouvement d'un membre ;nitre que celui qui tra- vaille produit le même efl'et, en évoquant dans son centre des représentations motrices. Déjà, en 1858, Feghner et Weber avaient vu queleseft'ets de l'exercice d'im côté du corps se transmettaient au membre situé symétriquement du côté opposé. Weber remarqua que, par l'usage unilatéral d'un membre, il se produit une augmentation de volume, de force et d'aptitude, non seulement dans le membre exercé, mais encore d^ins celui qui lui cor- respond de l'autre côté, et il attribua ce fait à la raison inconnue par laiiuelle la symétrie des parties est un fait congénital et entretenu par la nutrilion. Lombard Warren a rapporté quelques expériences ergographiques touchant l'action de l'exercice d'une main sur la force de l'autre, mais il n'a pas pu en tirer des con- clusions certaines. Il est très probable que l'absence de résultats dans les expériences de Lombard est due à l'emploi de l'ergograph? comme indicateur de l'état des forces après le travail, car l'épreuve ergographique est d'une durée trop longue fiour déceler une action fugitive. J. loTEYKO s'est servie de l'ergographe pour produire la fatigue, et la force de l'autre main a été mesurée par un dynamomètre. Cet expérimentateur a réussi à établir la distinction entre deux types scnsitivo-moteurs, en prenant pour mesure l'accomplissement d'un travail qui, déprimant pour certains sujets, est excitant pour les autres. Ce travail- limite est celui qu'on accomplit à l'ergographe de Mosso. Suivant les sujets, il détermine tantôt des phénomènes dynamogènes (idi (après les exercices militaires). 11 a évalué la distance minimum à laquelle les deux pointes du compas étaient senties comme distinctes (en millimètres). Voici son tableau ; RÉGION EXPLOKKK. APRÈS LK RUI'OS. APRÈS !.[■; TRAVAIL. DIFFKRK^■CE. 10.1 14,6 4,.'i Bout du nez 27 4,3 1.6 Lèvre iiifériciu'e l.'i 2,6 1,2 Pulpe du pouce. ...... 2,;j 3,n 0,7 Pulpe de lindex 2,0 2,7 0.7 164 FATIGUE. Nous voyons ainsi que l'exercice physique poussé jusqu'à la grande fatigue produit une diminution de la sensibilité cutanée. Ces expériences montrent que la méthode de la sensibilité cutanée, introduite par Griessbach dans l'étude de la fatigue intellectuelle, peut être fructueusement employée comme méthode de mesure, et nous pouvons en conclure que la dynamogénie est accompagnée d'hyperesthésie, taudis que l'inhibition est accompagnée d'anesthésie. V. La fatigue du cœur dans les exercices physiques. — L'état de résistance dans lequel l'entraînement place le corps s'appelle la forme. Or le muscle du cœur paraît être le premier à se mettre en forme, dit TissiÉ : il se fatigue au début de l'entraî- nement; ensuite il résiste tellement que la fatigue atteint les autres muscles de l'éco- nomie bien avant lui, ce qui donne l'illusion d'une puissance musculaire inépuisable, et provoque ainsi des dilatations ou des hypertrophies du cœur. La fatigue des muscles de locomotion et celle du cœur ne vont pas forcément de pair. Le surmenage des muscles de la vie de relation peut être très violent, et ne pas exister pour le cœur. Le danger de l'entraînement mal réglé est au cœur; le surmenage du cœur provient d'un effort pro- longé n'amenant jamais d'emblée l'essoufflement. Les jeunes gens qui n'ont pas atteint leur complet développement sont plus aptes que l'homme adulte à contracter des affec- tions dans les exercices qui demandent une longue durée d'efforts. Il en résulte que dans les affections du cœur tous les exercices doivent être mesurés avec une grande circon- spection. Bouchard permet de pousser l'exercice jusqu'au moment où le pouls accuse 160 pulsations à la minute. On a constaté l'hypertrophie du cœur chez un grand nombre d'athlètes, de gymnastes et de militaires. Le ccBur force est assez fréquent chez les che- vaux; chez le célèbre cheval Eclipse le cœur atteignait trois ou quatre fois le poids ordi- naire. Les coureurs de profession d'Afrique finissent presque tous par subir la dilatation passive du cœur; on les met généralement à la retraite vers l'âge de quarante ans (Lagrange). Il n'est pas rare non plus de constater l'hypertrophie sans lésions valvulaires ch^z les porteurs, commissionnaires {weakened heart) etchez les personnes consommantde grandes quantités de liquides (Bicrherz). La dilatation cardiaque consécutive aux ascensions a été constatée pour la première fois par Albutt (1870). Après des excursions alpestres de plu- sieurs jours il fut pris de palpitations et de dyspnée; à la percussion il constata une dila- tation de l'oreillette gauche. Après le repos, le cœur revient à ses dimensions normales. Dans son expédition physiologique sur le Mont Rosa, A. Mosso exécuta une série de recherches sur la fatigue du cœur, il employa trois méthodes. Le travail effectué fut mesuré au moyen de l'ergographie, au moyen d'haltères et enfin au moyen d'une marche fatigante. Les résultats furent les mêmes que ceux qu'il avait obtenus à Turin : «ous l'influence de la fatigue il y a accélération du pouls; de jeunes individus (soldats) tombaient en syncope après une marche avec un fardeau sur les épaules; la pression artérielle des doigts, mesurée par le sphygmo-manomètre, était sensiblement augmentée. Les respirations atteignaient 35 à la minute; la température du corps s'élevait de plu- sieurs dixièmes de degré, parfois d'un degré entier (fièvre de surmenage), mais redes- cendait très rapidement. L'accélération cardiaque n'est pas immédiate; elle s'établit un peu plus tard et disparaît quelque temps après la cessation du travail. La syncope cardiaque n'est pas rare. Mosso l'explique par la paralysie du centre cardiaque au moyen de toxines musculaires. L'affaiblissement de l'activité cardiaque produit l'anémie céré- brale. Mosso rapporte que presque tous les médecins suisses qu'il avait interrogés à ce sujet lui avaient déclaré que la grande majorité de montagnards mouraient par le cœur. — L'anémie cérébrale est la règle dans la fatigue selon Mosso (observations sur les pigeons voyageurs). VI. Fatigue et entraînement. — Nous avons déjà mentionné que l'accoutumance rend l'organisme plus résistant aux atteintes de la fatigue. L'accoutumance peut être considérée comme une adaptation de l'organisme à l'excitant. On peut obtenir l'adapta- tion à des solutions faibles de poisons, à de hautes températures, à une lumière intense, à un excès de travail physique et intellectuel, etc.; mais, pour que l'accoutumance se produise, il faut procéder à petites doses. En procédant brusquement on n'obtiendrait aucune adaptation, mais bien des phénomènes d'épuisement. On peut dire que les effets de toutes les excitations se meuvent entre deux limites extrêmes : d'une part, la fatigue, et, de l'autre, l'accoutumance. FATIGUE. 165 L'excitabilité est donc fortement modifiée par deux processus antagonistes : la fatigue et l'entraînement. L'entraînement se reconnaît par une augmentation de force, de vitesse ou de précision d'un exercice. Malgré l'enlraînement on n'évite jamais la courbatui'e musculaire au début de tout exercice. La mise en forme demande beaucoup de temps; il faut, selon TissiÉ, quatre, six mois, un an et môme plus pour l'acquérir. Il faut environ un mois ou deux à un sujet précédemment bien entraîné pour la retrouver au commencement d'un nouvel entraînement. D'autre part, la perle de la forme est très rapide, elle diminue dans l'espace de quinze jours à un mois, dès qu'on ne s'entraîne plus. Par contre, un sujet qui a été une fois en forjne la reconquiert très facilement et plus vite qu'un autre sujet qui ne l'a jamais possédée (observations de TissiÉ faites sur les vélocipédistes). « La forme, dit TissiÉ, rend l'iiomine plus sûr de lui-même, plus endurant, plus courageux et plus fort. Ayant conscience de son pouvoir de résistance, il lui est plus facile d'entreprendre une œuvre de longue durée. Il sait qu'il peut atteindre et fournir facilement chaque jour la somme d'efîoils nécessaires. Il agit donc avec méthode; sans précipitation, en homme « riche » qu'il est vraiment, parce que, dans la recherche niême de la forme, il apprend à savoir ce qu'il vaut et ce qu'il veut. » — Il ne faut jamais pousser la forme jusqu'à la grande fatigue, car l'inlégrilé de toutes les fonctions de l'économie doit être absolue quand on désire atteindre le dernier degré de la forme. Dans le cas contraire, quand l'exercice est poussé jusqu'à la grande fatigue, l'organisme ne se prête plus à un régime d'entraînement trop intense. L'impotence fonclionnelle s'annoncerait par des palpitations, de l'essoufUement, des vertiges, de la fièvre, etc. La qualité de l'entraînement se perd donc pendant le repos; au commencement, elle se perd très vite; ensuite sa marche est ralentie (Kraepelin). 11 existe aussi des différences individuelles. Il y a trois degrés dans la fatigue, selon sou intensité, dit TissiÉ : 1° la petite fatigue ou lassitude, qui tonifie et qu'on doit rechercher dans tout entraînement; 2° la fatigue qui irrite, excite et énerve; 3° la fatigue qui abat et qui dissocie le « moi », en provoquant des phénomènes somatiques et psychiques. On doit éviter absolument ces deux fatigues. L'entraînement peut aussi être défini ; laprise d'une habitude qui consiste à substituer peu à peu la moelle épinière au cerveau, le réflexe au mouvement voulu. L'entraînement consiste à substituer à l'action de la volonté, qui est sujette à la fatigue, l'action réflexe qui peut se continuer d'une manière à peu près indéfinie (Maurice de Fleury). Ainsi l'observation est en accord avec l'expérimentation pour établir que les centres psycho- moteurs sont plus faligables que les appareils réflexes de la moelle. L'expérience a montré que, dans la marche des troupes, un arrêt leur est préjudi- ciable, non pour le temps perdu, mais pour l'activité même des hommes. Le demi-repos qu'on accorde, en cours de route, ne fait que fatiguer davantage. L'entraînement peut aussi être étudié au dynamomètre et à l'ergographe (Dei.beuf, Ch. Henry, J. Ioteyko, Lombard, Mosso, Scheffer, Koch, Zoth et Pregl, Hogh, Kraepelin, Oseretzkowsky, etc.). Ces expériences ont montré trois catégories d'entraînement sui- vant l'échéance. En premier lieu, chez certaines personnes la courbe ergographique présente le phénomène de l'escalier, dénotant une augmentation d'excitabilité névro- musculaire par la répétition du mouvement. En second lieu, certaines personnes pré- sentent des effets d'entraînement post-ergographiques, qui ne se voient pas sur la courbe, vu l'état de fatigue des muscles fléchisseurs, mais qui peuvent être mis en évi- dence par des mesures de la force dynamométrique de la main du côté opposé; il y a dynamogénie post-ergographique, preuve de l'excitation centrale (J. Ioteyko). Il y a enfin l'entraînement qui se manifeste à longue échéance et qui consiste en une augmentation graduelle du travail mécanique, qui croît jusqu'à une certaine limite pour rester ensuite stationnaire. Pour voir ces effets de l'entraînement, il faut s'exercer quotidiennement. Lombard Warren ne constata d'abord nulle différence pendant les six premiers jours; ensuite il remarqua une augmentation considérable. Mosso rapporte que l'effet utile de son assistant Aducco, qui était de 3,531 kilogrammètres au commencement, atteignit le chiffre de 8,877 kilogrammètres au bout d'un mois d'exercice. Scheffer constata sur lui- même une augmentation de 60 p. 100 de force après deux mois d'exercice. Pour éliminer 166 FATIGUE. l'influence de l'entraînement dans les expériences ergographiques où on étudie l'action de telle ou telle substance, il faut alterner les expériences avec cette substance par des expériences comparalives. En se servant d'hallères pesant 5 kilogrammes, et auxquelles un dispositif simple permet d'ajouter successivement 24 poids supplémentaires, Ch. Heishy a vérifié quelques faits avancés par Delbeuf relativement à l'influence de l'entraînement, et il leur a donné une formule mathématique. Il a trouvé « qu'avant l'apparition de la fatigue et jusqu'à une certaine limite dépendant de l'état de chaque sujet, limite que l'exercice a poui' effet de reculer, des travaux exécutés avec une succession de poids gradués suivant des rap- ports rythmiques déterminent par rapport aux mêmes travaux exécutés avec toute autre succession de poids dans le même temps une moindre fatigue et parfois un entraî- nement notable ». Suivant Hoch et Kraepelin, l'exercice acquis en faisant tous les jours des expériences à l'ergographe augmente surtout le nombre de soulèvements, et, bien qu'au début on constate un léger accroissement de hauteur, celui-ci est négligeable. Si les sujets s'exercent, le nombre de soulèvements monte d'abord rapidement, puis plus lentement, et reste enfin stationnaire. Il y aurait un très grand intérêt à étudier la courbe de l'entraînement en fonction du temps, ainsi que la courbe de la perte des qualités de l'entraînement. Manca, en soulevant deux haltères de ii kilos rythmiquement une fois par jour, fournit 28 soulèvenients dans la première semaine, et 9o soulèvements dans la neuvième. HouGH a constaté que, quand les muscles sont entraînés, les différences journalières dans la courbe ergographique deviennent nulles ; les oscillations de la plupart des courbes sont dues soit à des erreurs, soit aux sensations désagréables dans le muscle. La douleur ne se produit que dans les muscles non entraînés; elle disparaît avec les progrès de l'entraînement. L'entraînement modifie aussi la courbe de la fatigue (Hough) : dans les muscles entraînés, la hauteur des soulèvements descend au commencement dé la courbe plus rapidement que vers la fin et demeure finalement à une hauteur fixe pendant longtemps. Dans les muscles non entraînés, la hauteur descend continuellement. L'entraînement reconnaît deux causes suivant Mosso : les muscles s'accoutument graduellement à un travail plus intense et modifiant leur structure en s'hypertrophiant. Les recherches actuelles de Mosso tendent à séparer ces deux facteurs; nous devenons plus forts, avant que le grossissement des muscles ne devienne apparent. Et, alors même que les muscles sont revenus à leur volume primitif par suite du repos prolongé, même pendant des mois, l'etfel utile de l'exercice subsiste encore. Il est probable qu'il s'agit d'une accoutumance aux poiso)is de la fatigue. VII. Le siège de la fatigue des mouvements volontaires. — Un grand nombre de physiologistes, et Mosso en particulier, ont démontré par l'expérimentation le bien fondé de ce fait d'observation courante, que la fatigue, quand elle est très prononcée, ne reste pas un processus local, mais qu'elle a de la tendance à la généralisation; ainsi, par exemple, après une marche prolongée, nous ressentons souvent un mal de tête intense, de la douleur dans les bras, des palpitations, de l'anhélation, etc. Mais ni les phénomènes généraux de la fatigue, ni les phénomènes locaux ne peuvent nous ren- seigner sur le siège de la fatigue, la théorie toxique de la fatigue pouvant expliquer iacilement les troubles à distance. Une opinion fortement accréditée parmi les physiologistes, c'est que les centres ner- veux sont plus fatigables que les muscles. En examinant les arguments mis en avant, on s'aperçoit qu'aucun d'eux ne repose sur des expériences directes, mais que tous visent des analogies lointaines. Cette opinion sur l'extrême fatigabilité des centres nerveux s'est formée d'une façon théorique. Les centres nerveux sont tellement fragiles et si sensibles à toute cause d'altération qu'on a cru qu'il en était de même à l'égard de la fatigue. Or, il se trouve que l'expérimeutation montre l'inverse : grande résistance des c.Mitres nerveux à la fatigue et extrême susceptibilité des appareils terminaux. Les expériences de A. Mosso, faites en alternant l'incitation volontaire avec l'excita- tion électrique des muscles, et en comparant entre eux les résultats ainsi obtenus, sont presque les seules sur lesquelles on s'appuie généralement pour renonnaître aux centres nerveux une résistance à la fatigue inférieure à celle que présentent les organes termi- FATIGUE. 167 naux. Pour éliminer l'action psychique dans les phénomènes de fatigue ergogiaphique chez l'homme, Mosso a excité directement le nerf médian ou le muscle au moyen d'une bobine d'induction. Le muscle suit la Tnême courbe s'il est excité par la volonté ou par l'électricité. Il existe néanmoins des ditl'érences notables dans le travail mécanique et la tension des muscles dans les deux cas. Fick avait déjà signalé en 1887 qu'avec l'excita- tion électrique tétanisante il n'était jamais possible d'obtenir un degré de tension du muscle aussi prononcé qu'avec l'excitation volontaire. Mosso conclut dans le même sens: avec la volonté on peut faire des efforts plus grands et soulever des poids très lourds; mais l'aptitude au travail s'épuise vile, et l'excitation nerveuse volontaire devient inefli- cace, tandis que l'excitation nerveuse artificielle agit encore. Lorsqu'on ne peut plus soulever un poids par la volonté, en excitant électriquement le nerf ou le muscle, on arrive à produire encore des soulèvements. De ces expériences Mosso tire argument pour affirmer que ce n'est pas le muscle qui est fatigué dans la contraction volontaire, attendu que celle-ci laisse encore dans le muscle un résidu de force, qui peut être uti- lisé par la contraction volontaire. Par conséquent, dit Mosso, le siège de la fatigue est situé dans les centres. Il est compréhensible que la nouveauté même du phénomène, décrit par Mosso, ait conduit l'illustre physiologiste italien à cette conclusion. Les mêmes expériences furent répétées par H. Waller, avec cette seule différence que le physiologiste anglais s'est servi d'un dynamographe au lieu d'un ergographe. H a confirmé en tout point les résultats de Fick et de Mosso, De même que Mosso, il a vu que, quand la volonté n'était plus efficace à soulever un poids, on obtenait encore une série de contractions artificielles. On peut disposer l'expérience de manière à obtenir plusieurs séries de contractions volontaires qui alternent avec des séries de contractions artificielles. A chaque nouvelle série, le muscle en apparence épuisé entre en conlraclioii. A l'exemple de Mosso, Wallek explique ce phénomène ainsi qu'il suit: quand le muscle cesse de répondre à l'excitation volontaire, c'est à cause de l'entrée en jeu de la fatigue centrale; le muscle directement excité iournil encore une certaine somme de travail. Pendant l'excitation artificielle du muscle, les centres nerveux se restaurent. Si, après l'épuisement électrique du muscle, on parvient encore à soulever volontairement le poids, c'est parce qu'on obtient avec la volonté une force de soulèvement plus considérable qu'avec l'excitation électrique. Telles sont les expériences qui ont servi de base à la théorie du siège central de la fatigue des mouvements volontaires. Comme on le voit, elles reposent sur la compa- raison faite entre les effets de la contraction volontaire et ceux do la contraction artificielle. Mais d'abord on peut se demander s'il est possible de produire artificiellement une activité comparable à celle qui a lieu dans le fonctionnement régulier de l'organisme. Ft même en supposant qu'il n'existe aucune ditférence qualitative entre ces deux modes d'activité, les différences quanlitutices sont sufisantes pour rendre toute comparaison impossible. Nous manquons absolument de critérium pour comparer Vintensité de l'elfort nerveux volontaire avec l'intlux nerveux mis en liberté par l'excitation électrique du muscle. Il y a plus. Tout porte à croire que l'infiux nerveux provo(iué artificiellement chez l'homme possède une intensité moindre que l'elfort nerveux volontaire. Suivant Mosso lui-môme, la ressemblance ne peut être complète; car les poids que peut soulever le muscle excité directement sont plus petits que ceux qu'il soulève par l'effort volontaire. Le tracé 8 de son livre sur la fatigue a été pris en faisant soulever un poids de 1 kilo- gramme. « Pour faire soulever a kilogrammes, il fallait un courant trop fort et trop dou- loureux, dont je n'ai pas voulu me servir, malgré le dévouement du docteur Maggiora. » On peut admettre que, si les excitations électriques sont sous-maximales par rapport aux excitations volontaires qui sont maximules, c'est parce que les courants électriques très forts occasionneraient une douleur trop vive pour pouvoir être supportée. Le courant électrique excite, en effet, les neris sensitifs au même titre que les nerfs moteurs. Cette explication très simple expliquerait pourquoi le muscle épuisé par l'excitatioa électrique s6 contracte encore fort bien sous l'empire de la volonté. Celle-ci est un exci- tant maximal par rapport à l'excitant électrique, qui ne peut être que sous-maximal pour l'homme. Beaucoup d'autres critiques ont été formulées par de nombreux auteurs: Kraei'Elin, V. HENRf et G.-E.Mlller. Elles sont tellement nombreuses qu'il nous est impossible de les \m FATIGUE. passer toutes en revue. Muller a attiré l'attention sur ce fait, qu'avec le courant électrique on n'exfite pas les mêmes muscles (|ueceux qui entrent en action dans le soulèvement d'un poids. Si, par exemple, nous appliquons le courant électrique sur les fléchisseurs, nous n'exerçons pas sur les muscles antagonistes la même action que celle qui est produite par la volonté; cette dernière consiste, d'après certains auteurs (Duchen.nk, Beaunis, Demeny), dans une contraction simultanée des muscles antagonistes, et, d'après d'autres auteurs (Heri.ng, Sheurington), dans un relâchement de ces muscles. On ne peut donc pas, dit MuLLER, conclure de ces ex[)ériences que la fatigue, dans les soulèvements volon- taires, est d'origine centrale et non périphérique. HouGH ne croit pas non plus que l'excitation alternée puisse servir à démontrer l'origine centrale de la fatigue. Mais c'e.sl à R. MCller (19ul) que nous devons la preuve décisive à cet égard. Cet expé- rimentateur a examiné les conditions physiologiques dans lesquelles s'effectue le travail ù l'ergographe de Mosso, et il a recomiu le rôle prédominant des muscles interosseux dans Ja courbe du travail volontaire. L'ergogramme se fait principalement aux dépens de ces muscles. Or, dans l'excitation artificielle, nous faisons travailler surtout les fléchisseurs. Il en résulte que des muscles différents travaillent dans la contraction volontaire et la contraction artificielle. Toule comparaison est donc impossible. Et si, après la fatigue volontaire, nous obtenons encore des contractions par l'excitation du nerf médian, c'est parce que nous avons excité des muscles qui jusqu'alors n'avaient pas pris une paît active au travail; ce qui contredit l'opinion de Mosso, que la fatigue est située dans les centres nerveux. 11 y a plus. En admettant le bien fondé des observations de Mulleb, nous devons forcément admettre que même la fatigue intellectuelle est plutôt un phéno- mène musculaire que cérébral. Nous savons, en elFet, que la dépression musculaire con- statée par Mosso après les grandes dépenses intellectuelles s'observe aussi bien dans les ergogrammes volontaires que dans les ergogrammes artificiels. Le phénomène paraissait assez difficile à expliquer jusqu'à présent. Mais nous croyons pouvoir donner son explication. S'il est impossible de faire la comparaison entre le travail volontaire et le travail provoqué, nous pouvons en revanche comparer entre elles les courbes volon- taires d'une part et les courbes artificielles de l'autre. Or ce n'est pas l'influence psychique qui est la cause de la diminution du liavail mécanique, car la diminution s'observe dans les deux cas (travail volontaire et artificiel); nous pouvons donc éliminer l'influence psychique et reconnaître une origine en grande partie musculaire à la fatigue intellec- tuelle. Au contraire, nous pouvons puiser dans les arguments de Mosso lui-même des preuves de l'origine périphérique de la fatigue. Il est intéressant de constater que, malgré les différences des conditions dans lesciuelles se prennent les tracés volontaires et les tracés artificiels, la courbe individuelle reste constante dans les deux cas. Si le type personnel de la fatigue (courbe) demeure identique quand il n'y a pas participation de la volonté, il faut en conclure que l'influence psychique n'exerce pas une action prépondérante, et que la fatigue peut encore être un phénomène périphérique. C'est avec juste raison que Mosso déduit de ces expériences que les phénomènes caractéristiques de la fatigue ont leur siège à la périphérie et dans le muscle, et qu'il faut transporter à lapéripliérie certains phénomènes de fatigue qu'on croyait d'origine centrale. A côté de ces expériences ergogiaphiques se placent d'autres observations physiolo- giques relatives à l'entraînement musculaire, et qu'il convient de citer ici. Ainsi, par exemple, Pu. Tissié, dans son livre sur la fatigue, nous dit « que les courbes prises par lui lors d'un record vélocipédique indiquent que le besoin de nourriture s'est fait sentir d'abord dans les muscles avant di; devenir conscient. On voit, en effet, la courbe des- cendre progressivement pendant 0 à 8 kilomètres, au bout desquels la nourriture a été réclamée. Le besoin a dû atteindre une certaine intensité pour devenir perceptible, alors qu'il a été révélé musculairement par un ralentissement de la vitesse dès qu'il a com- mencé à se manifester. Le besoin de réparation s'était donc fait sentir inconsciemment dans les muscles plusieurs minutes avant son arrivée aux centres psychiques. Ce tracé tendrait à admettre que le premier degré de fatigue est périphérique .^. (?) Comme preuve du siège périphérique de la fatigue, on peut encore citer les effets bienfaisants du massage, si bien étudiés par Zabloudowskv et par Maggiora. Selon ce FATIGUE. 169 dernier auteur, on oblient du muscle qui travaille à l'ergographe avec des périodes de quinze minutes de massage un etlet utile quadruple de celui que donne le muscle auquel on accorde des périodes équivalentes de repos. Il est vrai que le massage agit principa- lement par voie réilexe, en activant la circulation et en provoquant un rehaussemeut du tonus musculaire. Mais cette action retentit directement sur le muscle, le débarrasse des produits de déchet accumulés pendant le travail et le rend apte à fonctionner de nou- veau. Ainsi donc une cause qui empêche la fatigue périphérique de se produire rétablit l'action du système nerveux sur le muscle. Une preuve certaine du siège périphérique de la fatigue, c'est V allongement de la secousse, qui se produit avant la diminution de la hauteur. Le premier effet de la fatigue consiste donc en une modification de l'élasticité musculaire. On sait que les hystériques ont parfois des contractures qui durent des semaines et des mois. Le muscle est contracture sans qu'il y ait sensation de fatigue. Cette absence absolue de fatigue dans un muscle contracture est considérée par Ch. Righet comme une preuve du siège central de la fatigue. Il y a fatigue de la volilion. Si la volonté n'inter- vient pas, et si elle est remplacée par un irritant quelconque (mye'lite, encéphalite, strych- nisme de l'hystérie), alors nulle fatigue. On peut même soutenir, ajoute Ch. Richet, que les centres nerveux moteurs ne se fatiguent que s'ils sont mis en. jeu par la volonté. S'ils sont excités par d'autres agents, ils ne s'épuisent ni ne se fatiguent plus que la moelle et le muscle. Mais la contracture n'est pas une contraction musculaire ordinaire; elle présente un phénomène unique dans son genre. La température du muscle contracture ne s'élève pas. Brissaud et Rkg.nard ont montré, au moyen d'aiguilles thernio-élecliiques, que les muscles contractures ont la même température que les muscles sains, et même qu'ils sont plus froids de quelques dixièmes de degrés. D'autre part, il est bien établi qu'aucune élévation de température générale n'accompagne chez les hystériques les contractures, même les plus violentes. Or il serait tout à fait impossible de supposer, dit Ch. Richet, que les lois thermodynamiques ne s'exercent pas sur le muscle en contracture comme sur le muscle en contraction, et cependant le muscle contracté s'échauffe, le muscle con- tracture ne s'échauffe pas! Cette expérience prouve que réchauffement du muscle n'est pas directement lié à son raccourcissement. L'excitation du muscle produit deux phénomènes probablement distincts, et que l'état pathologique dissocie, d'une part réchauffement par combustions musculaires interstitielles, d'autre part le raccourcisse- ment du muscle par modification de son élasticité. Il peut donc y avoir contractions musculaires sans échauffement du muscle. Mais alors cette contraction permanente des muscles appelée contracture qui ne s'accompagne d'aucun effet thermique ni de combustions intersticielles, qui ne se fait que par le seul .jeu des forces élastiques, cette contraction ne peut donner lieu à des phénomènes de fatigue ! La fatigue est un phénomène d'origine essentiellement chimique. Voici, selon nous, la façon dont il faudrait interpréter cette absence d'échauffement qui caractérise la contracture. Et tout d'abord est-relà un phénomène tellement paradoxal qu'on ne retrouve rien de semblable dans d'autres circonstances? Faut-il s'adresser aux états pathologiques pour dissocier le phénomène mécanique de la contraction du phéno- mène thermique? Nous avons vu dans un chapitre précédent que, si nous excitons un muscle jusqu'à extrême fatigue, nous observons une diminution graduelle du travail mécanique et de la chaleur; mais la fatigue de chaleur précède la fatigue de con- traction, en sorte qu'un muscle fatigué ne dégage plus de chaleur, mais continue encore à donner des contractions très appréciables. Ainsi donc dans la fatigue nous pouvons avoir des contractions musculaires sans dégagement de chaleur. La chaleur diminue plus rapidement que le travail mécanique (Heideniiaix). La chaleur est l'expression du travail chimique; il est pourtant impossible d'admettre que les contractions du muscle fatigué ne s'accompagnent d'aucun travail chimique. Mais il est certain que le travail chimique dans un muscle fatigué est extrêmement faible, et par suite le résidu de chaleur dégagée peut être tellement insignifiant qu'il n'est plus révélé par les instrumenis thermiques de mesure. La comparaison entre un muscle fortement fatigué et un muscle contracture s'impose. Le muscle contracture se trouve dans un état tel qu'en raison de l'étendue extrêmement restreinte de son travail chimique, il ne produit pas de chaleur enregis- 170 FATIGUE. trable; il produit néanmoins du travail mécanique. Le muscle contracture présente une analogie complète avec un muscle qui se trouve dans un état d'extrême fatigue. La contrac- ture est un état de fatigue musculaire permanente. C'est là, croyons-nous, l'unique explication physiologique que l'on puisse donner de ce phénomène, dont la pathogénie nous échappe ; mais il paraît certain que la contracture, qui est une fatigue permanente de ceitains groupes musculaires, est entretenue par une excitation permanente. Quanta l'abolition du sentiment de la fatigue dans la contracture, cela pourrait être un phénomène psychique dont l'explication peut être recherchée dans la dissociation du « moi » des hystériques. Enfin, pour aiTirmer que la fatigue est d'origine centrale, on a invoqué aussi les observations cliniques concernant divers types de convulsions, et dont un exemple vient d'être rapporté par de Fleury; on a pu enregistrer 10 000 oscillations doubles à l'heure chez un malade qui avait de la trépidation réflexe du pied; ce phénomène, absolument soustrait à l'action du cerveau, pouvait continuer d'une manière indéfinie sans qu'il y eût aucun symptôme de fatigue. On peut répondre à des observations de ce genre que la fatigue est presque toujours relative, rarement absolue, et qu'elle dépend de facteurs extrêmement nombreux, tels que l'intensité de l'excitant, le nombre des contractions dans l'unité de temps, le poids à soulever, la température, etc. Maggiora n'a-t-il pas montré que le doigt médius pouvait travailler indéfiniment à l'ergographe et soulever un poids de plusieurs kilogrammes, à condition que le nombre des contractions n'excède pas dix à la minute? Dans ces conditions le muscle, aussi bien que le système nerveux psycho-moteur, devient infatigable. Aussi, seules, les expériences rigoureuse- ment physiologiques, qui tiennent compte de tous les facteurs, peuvent-elles résoudre la question relative au siège de la fatigue. Les expériences ponométiiques de Mosso plaident aussi, selon nous, en faveur du siège périphérique de la fatigue. Le ponomètre inscrit la courbe de l'effort nerveux nécessaire pour produire la contraction des muscles à l'ergographe. Avec cet appareil le muscle travaille seulement au commencement de la contraction, et on inscrit aussi, outre le travail utile, le mouvement successif que fait le muscle quand vient à lui manquer tout à coup le poids qu'il soulève (contractions à vide . Nous voyons que l'espace parcouru par le doigt, quand cesse le travail utile de la contraction, est moindre tout d'abord, et devient environ trois fois plus considérable quand le muscle est fatigué. L'excitation nerveuse, que l'on envoie à un muscle pour en produire la contraction, est beaucoup plus grande quand il est fatigué que lorsqu'il est reposé. Ces courbes ponométriques, confrontées avec les courbes ergographiques, déinoulrent que, tandis que le travail mécanique tend à diminuer dans la fatigue, l'elfort nerveux tend à s'accroître progressivement. Le muscle fatigué a besoin d'une excitation nerveuse plus intense pour se contracter (DoNDERs et Mansvelt). Mais, si on soulève le poids au ponomètre en excitant le nerf médian, alors la courbe ponométrique va en diminuant. La différence entre la courbe pononiétrique, ascendante quand il s'agit de la volonté, et cette même courbe, descen- dante quand le nerf est excité, est due à l'augmentation des excitations nerveuses que les centres envoient au muscle à mesure que les conditions matérielles de la contraction deviennent plus difficiles, par suite du progrès de la fatigue (A. Mosso). Kraepelin reproche à la théorie du siège central de la fatigue de ne pas être conforme aux lois de la vie psychique en général. Dans l'expérience ergographique nous voyons s'établir la fatigue en une minute; or, dans les cas de crises convulsives, les muscles peuvent être excités bien plus longtemps par les centres psycho-moteurs. La réparation après la fatigue ergographique a lieu aussi très rapidement. Aussi Kraepelin suppose que la fin de la courbe est due non pas à la fatigue des centres, mais à un phénomène d'inhi- bition des réflexes exercé sur le muscle par les poisons de la fatigue. L'épuisement de notre corps ne croît pas en proportion directe du travail elfecLué, dit A. Mosso, et, pour des travaux deux ou trois fois plus forts, notre fatigue ne sera pas double ou triple. Un travail elTeclué par un muscle déjà fatigué agit d'une manière plus nuisible sur ce muscle qu'un travail plus grand accompli dans des conditions normales. Supposons que trente contractions suffisent pour épuiser un muscle : deux heures seront alors nécessaires pour permettre au muscle de se rétablir. Mais, si l'on ne fait que quinze contractions, le temps de réparation pourra être diminué, non pas de moitié, mais du FATIGUE. 171 quart, et il suffira, dans le cas cité, d'une demi-heure. On voit que l'épuisement muscu- laire dans les quinze premières contractions est beaucoup plus faible que dans les sui- vantes et qu'il ne croît pas en proportion du travail effectué. Mosso a réuni sous le nom de la « loi de l'épuisement » ces effets de l'accumulation de la fatigue. L'organisme ne peut être assimilé à une locomotive qui brûle une quantité donnée de charbon pour chaque kilomètre de chemin parcouru; mais, quand le corps est fatigué, une faible quan- tité de travail produit des effets désastreux. Dans ces expériences l'accumulation de la fatigue a été mesurée au moyen du temps nécessaire à la réparation. Elle peut s'étudier encore d'une autre façon. Le temps de repos reste le même entre les courbes successives, mais il est insuffisant pour la réparation complète. Nous aurons donc des effets d'accumulation de fatigue d'une courbe à une autre (J. Ioteyko). Le travail mécanique diminue progressivement. L'accumulation de la fatigue est variable suivant les intervalles de repos. Ainsi, avec des intervalles fixesdehuit miimtes environ (rythme 2", poids 3 kilos), la décroissance du travail est très régulière; dans la deuxième courbe, le sujet ne récupère que les deux tiers de sa force primitive; dans la troisième courbe il ne récupère que la moitié. En travaillant avec des intervalles beaucoup plus courts (une à trois minutes entre les courbes, toutes autres conditions restant les mêmes) nous obtenons d'autres chiffres. Dans la deuxième courbe, la chute de travail est très brusque, le travail peut descendre au quart de sa valeur primitive ; puis, dans les courbes suivantes, le travail diminue chaque fois d'une valeur minime; quelquefois même on arrive à un certain équilibre dans les courbes assez avancées dans la série. Il semblerait que, dans ce stade de fatigue très avancée, il y a un résidu de force qui ne peut être épuisé. Ce phéno- mène est d'ailleurs confirmé par cet autre fait, que déjà un intervalle de plusieurs secondes de repos produit une réparation manifeste (J. Ioteyko). Très souvent le même phénomène se voit sur les courbes isolées; au commencement la descente de la hauteur des contractions est plus rapide ; ensuite, elle se ralentit considérablement et tend à rester stationnaire. VIII. Les types sensitivo-moteurs. — Il est reconnu que les centres psycho-mo- teurs, qui commandent le mouvement volontaire, occupent dans chaque hémisphère un territoire bien délimité, et qu'il existe un centre spécial pour le membre supérieur et le membre inférieur. Néanmoins nous manquons de moyen pour mettre directement en évidence l'état d'excitabilité d'un centre psycho-moteur après la fatigue du mouvement volontaire qu'il commande. Prenons comme exemple le mouvement tel qu'il s'exécute à l'ergographe. L'arrêt des fonctions est-il dû à la fatigue du muscle qui ne veut plus obéir au stimulus que lui envoient constamment les centres moteurs, ou bien est-ce le stimu- lus lui-même qui fait défaut? Dans ce dernier cas il faudrait admettre que c'est la volonté qui s'épuise, et que les centres psycho-moteurs se fatiguent bien avant que le muscle lui- même ne soit frappé. Tâchons d'explorer l'excitabilité des centres voisins de celui qui vient d'accomplir le travail ergographique, et cet examen nous permettra peut-être de reconnaître si son état de fatigue ou d'excitation ne s'est pas propagé aux autres centres sensitivo-moteurs. Si, après avoir exécuté à l'ergographe une certaine somme de travail jusqu'à l'épuise- ment complet des fléchisseurs du médius, on examine la force totale de flexion de la même main en serrant un dynamomètre, on constate que l'énergie dynamométrique a diminué environ d'un quart par rapport à ce qu'elle était avant le travail ergographique. xNous avons donc perte de 25 p. 100 de force musculaire par le fait de la fatigue ergogra- phique. Cette constatation à elle seule ne suffit évidemment pas pour permettre d'affir- mer que la perte de force est d'origine centrale, car la main qui a travaillé à l'ergo- graphe n'est peut-être pas indemne de toute altération locale. Mais nous pouvons prendre la force dynamométrique de la main gauche, qui est ■demeurée au repos; cet examen va nous montrer si l'exercice ergographique imposé à la main droite n'a pas retenti sur les centres psycho-moteurs du côté opposé. S'il y a eu retentissement, la force dynamométrique de la main gauche ne restera pas slalionnaire. mais elle subira soit une exaltation, soit une diminution, traduisant de cette manière un certain état central déterminé par l'accomplissement du travail ergographique. Cet exa- men, s'il est positif, pourra donc jeter quelque clarté sur la participation possible des centres psycho-moteurs aux phénomènes de fatigue ergographique. 172 FATIGUE. Les expériences de J. Ioteyko ont porté sur vingt étudiants de l'Université de Bruxelles. Les expériences étaient disposées en sorte qu'il fût possible d'évaluer la force dynamométrique de la main gauche à différents moments, suivant les différents degrés de fatigue accusée par la main droite, qui fournissait plusieurs courbes ergographiques. Celles-ci se succédaient à plusieurs minutes d'intervalle, temps insuffisant pour faire disparaître toute trace de fatigue antérieure. Ces expériences ont montré qu'au point de vue de la résistance à la fatigue on pou- vait admettre l'existence de deux types moteurs principaux, et d'un type intermédiaire : 1" Les sujets du premier type {type dijnamogène) sont ceux qui résistent le mieux à la fatigue. Chez eux, non seulement il n'y a aucune espèce de fatigue des centres nerveux volontaires après le travail ergographique; mais, au contraire, il y a une légère excitation de ces centres. L'excitation centrale se traduit par une augmentation de l'énergie djjnamométrique de la main qui n'a pas travaillé à l'ergographe. Même plusieurs courbes ergographiques sont incapables de déterminer la fatigue des centres nerveux. Il y a toujours un effet dynamogène. Cet effet dynamogène disparaît après plusieurs minutes de repos. 2° Chez les sujets appartenant au second type {type inhibiloive), le travail ergogra- phique ne détermine jamais de dynamogénie, et dès la première courbe leur énergie dynamométrique est en voie de décroissance. Il y a au plus perte de 20 p. 100 de la force dynamométrique de la main gauche par le fait du travail ergographique de la main droite. Cette perte d'un cinquième de force ne peut être attribuée à une autre cause qu'à une perte correspondante de l'énergie des centres nerveux. Il y a eu fatigue du centre moteur cérébral correspondant au mf^mbre qui a travaillé et propagation de cet état de fatigue aux centres voisins. Comme la diminution de force dynamométrique de la main droite excite à peine celle de la main gauche, il est légitime d'affirmer que la diminution d'énergie cérébrale est la même des deux côtés, et qu'il n'y a pas, à pro- prement parler, de localisation cérébrale de la fatigue. Cet état de dépression disparaît au bout de plusieurs minutes de repos. 3° Enfin le type intermédiaire comprend les sujets qui présentent une surexcitation motrice après la première courbe ergographique; mais après plusieurs courbes ils accusent toujours un état de dépression. 11 y a donc chez eux prédominance de la dépression. Nous voyons par cet exposé que le travail ergographique épuise totalement la force des fléchisseurs du médius, puisqu'il y a abolition complète du mouvement volontaire; mais il n'épuise pas la force des centres nerveux qui commandent le mouvement. La méthode ergo-dynamométrique permet de constater que l'état d'excitabilité du centre présidant à l'exercice ergographique s'est propagé au centre du côté opposé, et celui-ci n'a pas accusé de fatigue bien prononcée. Bien au contraire, chez certaines pei-sonnes, son excitabilité a augmenté, permettant de saisir, dans les centres psycho-moteurs, l'existence d'un phénomène, qu'on n'avait décrit jusqu'à présent que dans le muscle et la moelle épinière, phénomène connu sous le nom tVescalier {Treppe) ou « d'addition latente ». Certaines personnes se trouvent encore dans la phase de 1' « escalier psycho- moteur », alors que leurs muscles sont devenus complètement paralysés par la fatigue. Les autres, moins résistantes, accusent déjà au même moment un début de fatigue céré- brale. Le peu d'intensité de la fatigue centrale permet néanmoins la conclusion que le siège de la fatigue est situé à la périphérie. Mais en même temps on conçoit la possibi- lité de l'épuisement des cellules cérébrales pour des elTorls excessifs. La réparation des centres nerveux se fait plus vite que la réparation du muscle. Ainsi, par exemple, il faut au moins dix minutes de repos pour que le sujet regagne la totalité de ses forces après le travail ergographique; ce temps est limité par la réparation du muscle, car les centres volontaires se restaurent bien plus rapidement. La dépression, constatée chez plusieurs sujets après le travail eigographique, disparaît en effet déjà au bout de quatre à cinq minutes de repos. Il en est de même de l'excitation qui est la caractéristique du type « dynamogèue ». Et cette disparition des etfets dynamogènes ou inhibitoires du travail ergographique après un certain temps de repos et retour à l'état normal est môme un des témoignages les plus probants de la réalité des deux types moteurs. FATIGUE. 173 La réalité des types apparaît avec une évidence d'autant plus grande qu'il a été pos- sible à J. loTEVKO de saisir un rapport constant entre les manifestations motrices et sensitives. Parmi ses vingt sujets cet auteur en a choisi cinq, qui présentaient des types bien tranchés au point de vue des phénomènes post-ergographiques, et il a examiné leur sensibilité cutanée au moyen de l'esthésiomètre, avant et après l'accomplissement du travail ergographique. Ceux qui avaient présenté un accroissement d'énergie muscu- laire après le travail ergographique, ont accusé dans cette série d'expériences une exal- tation de la sensibilité cutanée; ceux qui avaient montré une diminution de l'énergie dynamométrique ont accusé un émoussement de la sensibilité cutanée après le travail ergographique. Ces données expérimentales sont en accord complet avec tout ce que nous savons sur la dynamogénie et l'inhibition. Nous savons que les excitations relativement faibles sont dynamogènes; les excitations très forles exercent un effet inhibitoire. Mais le côlé nouveau des expériences de J. Ioteyko, c'est l'établissement de la distinction entre deux types sensitivo-moteun et un type intermédiaire, en prenant pour mesure l'accomplissement d'un travail qui, déprimant pour certains sujets, est excitant pour les autres. Ce travail-limite est le travail qu'on accomplit ii l'ergographe de Mosso. Suivant les sujets, il détermine tantôt des phénomènes dynamogènes {type dynamogène) se tra- duisant par un accroissement de l'énergie musculaire et par une exaltation de la sensi- bilité générale, tantôt des effets inhibitoires {type inhibitoire) se traduisant par une diminution de l'énergie musculaire et par un émoussement de la sensibilité. Ces types doivent être considérés comme l'expression de l'état normal, attendu que les sujets d'expériences étaient choisis parmi les individus jeunes et robustes. La distinction des typ^^s sensitivo-moteurs repose sur des phénomènes qui se déroulent dans les centres sensitivo-moteurs et qui ont un retentissement à la périphéiie. Or, dans tous les cas, et indépendamment de ses eifets centraux, la fatigue à l'ergographe a tou- jours été totale, jusqu'à extinction complète de la force des fléchisseurs du médius. Tous ces phénomènes s'observent en travaillant avec le rythme de deux secondes et avec un poids de 3 kilos. Aars et Larguier, en reprenant la méthode ergo-dynamométrique de J. Ioteyko, ont confirmé ses résultats. IX. Le quotient de la fatigue. — Une courbe ergographique est composée de deux facteurs : la hauteur des soulèvements et leur nombre. Hoch et Kraepelin ont montré que ces deux facteurs sont indépendants l'un de l'autre. Ainsi, par exemple, il [leut arriver qu'une certaine cause amène un effet excitant, se traduisant par une augmentation de la hauteur totale des soulèvements; il ne s'ensuit pas nécessairement que le nombre de soulè- vements doive être plus grand : il peut rester le même; seulement chaque soulèvement sera plus fort. L'effet inverse peut également se produire : une cause augmente le nombre des soulèvements sans inlluer sur leur nombre. La caféine, par exemple, augmente, d'après Hocu et Kraepelin, la hauteur des soulèvements sans inlluer sur leur nombre, tandis que l'essence de thé diminue le nombre et n'influe pas sur la hauteur. Le travail mécanique d'nne courbe peut donc êlre influencé par les modifications de l'un ou de l'autre des deux facteurs ou des deux à la fois. En examinant de plus près les conditions dans les- quelles ces deux facteurs sont sujets avarier, ces auteurs arrivent à cette conclusion, que la fatigue des centres nerveux ou leur excitation modifient le nombre des soulèvements, tandis que la hauteur est influencée par l'état du muscle. Le nombre des soulèvements est une fonction du travail du système nerveux central; leur hauteur est fonction du travail du système musculaire. Les preuves expérimentales fournies par Hocu et Kraepelin à l'appui de cette manière de voir ptnivcnt être groupées sous plusieurs chefs : 1° les dis- positions psychiques au travail, variables suivant les heures de la journée, influent surtout sur le nombre des soulèvements; la chose est compréhensible, car ces variations affectent bien davantage le système nerveux central que les muscles; 2° les modifications de la force sous l'influence des repas retentissent avant tout sur les muscles; après les repas, à cause de la réplétion des vaisseaux abdominaux, il existe un léger degré d'anémie céré- brale qui nous rend inaptes aux travaux psychiques ; aussi le nombre de contractions diminue-t-il; mais en revanche, leur hauteur augmente. Maggiora arrive aussi à la con- clusion, que l'influence paralysante du jeûne, de même que l'action restauratrice des repas est localisée dans les muscles; 3" l'exercice acquis en faisant tous les jours des 174 FATIGUE. expériences à l'ergographe augmente surtout le nombre de soulèvements, et, bien qu'au début on constate un léger accroissement de hauteur, celui-ci est négligeable. Si les sujets s'exercent, le nombre des soulèvements monte, puis reste stalionnaire; 4° enfin, les auteurs se basent sur les expériences de Mosso, qui a constaté une dépression notable de la force à l'ergographe chez plusieurs de ses collègues, dont la fatigue psychique résultait des examens qu'ils avaient fait subir aux élèves de l'Université de Turin. Ce qui est très significatif, les tracés après la fatigue intellectuelle diffèrent surtout des tracés normaux par une diminution du nombre des soulèvements; la force du premier effort n'est pas diminuée, mais la descente est très brusque et après plusieurs contrac- tions la force descend à zéro. II Le nom de quotient de la fatigue - a été donné par J. Ioteyko au rapport numérique qui existe entre la hauteur totale (exprimée en centimètres) des soulèvements et leur nombre dans une courbe ergographique. Jusqu'à présent, toutes les évaluations, en ergo- graphie, étaient basées uniquement sur la somme de travail mécanique, c'est-à-dire sur des mesures quantitatives. Or le quotient de fatigue mesure la qualité du travail accom- pli. Comme le quotient respiratoire, qui est le rapport entre le CO- exhalé et le 0 absorbé, mais qui ne fournit aucune donnée sur les valeurs absolues de ces gaz, de même le (juotient de fatigue mesure le rapport entre l'effort musculaire et l'effort nerveux dans un ergogramme. Rien d'ailleurs ne s'oppose à ce qu'on évalue la quantité de travail concur- remment avec sa qualité. Ce rapport n'est autre que l'évaluation de la hauteur moyenne. Mais le nom de « quotient de fatigue » exprime un rapport d'ordre physiologique. S'il est vrai, ainsi que Hoch et Kraepeli.n l'affirment, que le nombre des soulèvements est l'expression du travail des centres, et que la hauteur totale est l'expression du travail du muscle, il devient possible de résoudre la question relative au siège de la fatigue en examinant les variations du quotient de la fatigue sous l'influence de la fatigue même. On sait que les effets de la fatigue s'accumulent si l'on entreprend un nouveau travail avant que la fatigue précédente ne se soit dissipée. Les expériences de J. Ioteyko ont consisté à faire alterner les courbes ergographiques avec de courts intervalles de repos, variant de une à dix minutes, mais réguliers dans la môme série de courbes. Chaque fois le sujet épuise totalement sa force à l'ergographe; après un court repos, pendant lequel il y a restauration partielle, il donne une seconde courbe, inférieure à la première au point de vue du rendement; après un nouveau repos il fournit une troisième courbe, qui est inférieure à la seconde au point de vue du rendement. Chez certains sujets le nombre des courbes fournies a été poussé jusqu'à cinq. Pour savoir aux dépens de quel facteur, hauteur ou nombre, se fait l'accumulation de la fatigue, voici le résultat général des expériences faites sur vingt sujets (élèves de l'Université de Bruxelles) : i" Si le temps de repos entre les courbes successives est insuffisant pour la restau- ration complète, le sujet fournit chaque fois un travail mécanique moindre. Cette dimi- nution du travail mécanique se fait aux dépens des deux facteurs constituants de la courbe, mais principalement aux dépens de la hauteur. A chaque nouvelle courbe, la valeur du quotient de la fatiijue diminue, ce qui signifie que la diminution de hauteur nesuit pas une marche parallèle à la diminution du nombre, mais que la diminution de hauteur est plus marquée. La décroissance du quotient de la fatigue a pu être observée chez tous les vingt sujets examinés sans distinction, et elle apparaît dans toutes les conditions de l'expérimentation, pourvu que les temps de repos soient insuffisants à assurer la restauration complète d'une courbe à une autre. Toutefois les résultats les plus constants et les plus nets s'observent avec des intervalles de cinq à sept minutes de repos entre les courbes successives. Il est possible qu'au point de vue de la résistance à la fatigue les sujets puissent être classés en plusieurs types, en prenant pour mesure les valeurs décroissantes de leur quotient de fatigue. 2» Si les intervalles de repos entre les courbes successives sont suffisants pour faire disparaître toute trace de fatigue précédente, il y a dans ce cas égalité entre les courbes au point de vue du travail mécanique. On constate alors qu'il y a égalité mathé- matique entre les quotients successifs de la fatigue. En effet, chaque individu possède un quotient de la fatigue qui lui est propre, de même qu'il possède sa courbe de la FATIGUE. 175 fatigue; mais les variations du quotient de la fatigue sont tellement considérables, sui- vant les jours et les heures de la journe'e, que, pour avoir un quotient comparable à lui- même, il faut fournir deux tracés ergographiques dans la même séance en prenant un repos suffisant entre les deux courbes. On voit alors qu'il existe une identité parfaite entre le travail mécanique des deux tracés, entre les deux quotients de la faligue et entre la forme des deux courbes, si bien que la seconde semble être la photographie de la première. Il y a là, à n'en pas douter, matière à l'établissement d'une loi psycho- mécanique de l'épuisement moteur à formule mathématique. Si, dans les courbes avancées dans la série, on obtient deux courbes égales comme travail, leurs quotients auront aussi la même valeur; le degré de fatigue a donc été le même. 3° Il arrive quelquefois qu'après un repos d'une durée suffisante pour assurer la res- tauration complète, la deuxième courbe présente une valeur légèrement supérieure au point de vue du rendement par rapport à la première (excitation et non fatigue). Dans ce cas on constate toujours une légère augmentation de la valeur du deuxième quotient ce qui revient à dire que le nombre de soulèvements s'est un peu accru. 4° Nous sommes donc en présence de trois cas possibles qu'il s'agit maintenant d'in- terpréter : a) si la restauration est complète, le quotient de la fatigue reste identique- ment le même dans les courbes successives; b) s'il y a accumulation de la fatigue, la valeur du quotient de la fatigue décroît progressivement; c) s'il y a excitation, la valeur du quotient de la fatigue augmente. Grâce aux mesures dynamométriques, il a été possible cà J. IoteyivO de défnontrer que le nombre des soulèvements est réellement fonction du travail des centres psycho- moteurs, ainsi que Hoch et Kraepelin l'avaient déjà antérieurement affirmé. Cette démons- tration permit d'expliquer toutes les variations du quotient de la fatigue. Cet auteur a examiné chez ne»/" sujets les rapports qui existent entre les variations du quotient delà fatigue et les variations de la force dynamomélrique. La corrélation de ces tests est remarquable. Chez sept sujets appartenant au type inhibitoire, nous voyons d'une part la force au dynamomètre de la main gauche diminuer dans la proportion d'un cinquième après plu- sieurs courbes ergographiques accomplies avec la main droite, preuve de l'entrée en jeu d'un certain degré de fatigue des centres nerveux volontaires; en même temps nous voyons diminuer dans une faible mesure le nombre des soulèvements dans Its tracés successifs. Il existe un parallélisme presque complet entre la décroissance de ces deux râleurs : pression dynamomètrique de la main qui n'a pas travaillé et nombre de soulè- vements à l'ergographe de l'autre main. Nous voyons de la façon la plus nette que le nombre des soulèvements est fonction du travail des centres nerveux moteurs, car à une dépression centrale (s'accusant au dynamomètre) correspond une diminution adéquate du nombre de soulèvements. Cihez deux sujets appartenant au type dynamogène, le dynamomètre aconslamment accusé une excitation post-ergographique des centres nerveux. Chez ces sujets le nombre des soulèvements du deuxième tracé (avec intervalle de cinq à dix miimles de repos) a toujours été supérieur au nombre des soulèvements du premier tracé, quoique la dimi- nution du travail mécanique dans le deuxième tracé ait été manifeste. Ainsi donc, la diminution du travail mécanique s'est faite ici exclusivement aux dépens de la hauteur, car le nombre de soulèvements du deuxième tracé s'était même accru. L'étude du type dynamogène nous montre donc aussi que le nombre de soulèvements est fonction du travail des centres nerveux, car à une dynamogénie centrale correspond une augmen- tation adéquate du nombre des soulèvements. .0° Grâce à ces données nous pouvons maintenant compléter l'étude des types sensitivo- rnoteurs et répondre à cette question : le siège de la fatigue des mouvements volontaires csl-il situé dans les centres ou à la périphérie? Il est certain que l'excitation post-ergographique des centres nerveux du <( type dyna- mogène » se manifeste par un accroissement de l'énergie dynamométrique, par une exagération de la sensibilité générale et par une augmentation du nombre des soulève- ments du second tracé ergographique par rapport au premier. La fatigue ergographique est donc ici exclusivement due à un épuisement d'ordre périphérique, sans participation aucune des centres nerveux volontaires. 176 FATIGUE. Eu ce qui concerne le « type inliibitoire », la dépression post-ergographique des centres nerveux se manifeste chez lui par une décroissance de l'énergie dynamométrique, par un émoussement de la sensibilité générale, et par une diminution du nombre des soulèvements du second tracé ergographique par rapport au premier. Les centres psycho- moteurs participent donc ici aux phénomènes de fatigue ergographique. Toutefois cette participation est extrêmement faible. La diminution de hauteur des tracés succes- sifs remporte toujours sur la diminution du nombre de soulèvements, et nous savons que la diminution de hauteur correspond à la fatigue du muscle. Malgré les différences qui existent entre les deux types sensitivo-moteurs, ils sont tous deux soumis à la loi de la décroissance du (jUGtient de fatigue de i. Ioteyko, for- mulée ainsi qu'il suit : Loi de la décroissance du quotient de fatigue. — Le quotient de la fatigue = ~, qui est le rapport entre la hauteur totale des soulèvements {exprimée en centimètres) et leur nombre dans une courbe ergographique, et qui dans des conditions identiques est mathé- matiquement constant pour chaque individu {quotient personnel), subit une décroissance progressive dans les courbes ergographiques qui se suivent à des intervalles de temps régu- liers et insuffisants pour assurer la restauration complète d'une courbe à une autre. La loi de la décroissance du quotient de la fatigue signifie que la fatigue des mouvements volontaires envahit en premier lieu les organes périphériques, car des deux facteurs consti- tuants du quotient de la fatigue, le premier {hauteur) est fonction du travail des muscles, le deuxième {nombre) est fonction du travail des centres nerveux volontaires. — Le travail des centres est fonction du temps (nombre de soulèvements). Cette loi se vérifie dans les différentes conditions de travail ergographique, en faisant varier les intervalles de repos entre les ergogrammes des première et dixième minutes; dans la même série, les intervalles doivent rester rigoureusement les mêmes. Mais les chiflres obtenus peuvent varier suivant le temps de repos accordé à l'appareil neuro-musculaire. Ainsi, avec des intervalles de huit minutes de repos, le travail descend aux deux tiers de sa valeur dans la deuxième courbe, et à la moitié de sa valeur dans la seconde. Le nombre des soulèvements est à peine diminué dans la deuxième courbe ; mais après la troisième couibe, il est diminué d'un cinquième. Cette perte d'un cinquième est caractérisque, car elle correspond à une perte adéquate de l'énergie des centres nerveux, constatée au dynamomètre sur la main au repos. Si nous intercalons des temps de repos beaucoup plus courts, trois minutes, deux, ou même une minute, le travail mécanique diminue beaucoup plus rapidement, entraînant une diminution de la hauteur et du nombre; mais, si le nombre diminue deux fois au bout de plusieurs courbes, la hauteur diminue quatre fois. Certaines courbes obtenues par I. ioTEY&o (voir : Le Siège de la Fatigue, Revue des Sciences, 30 mars 1902, p. 29b), sont très caractéristiques à cet égard. Pour que le nombre dimiiiue deux fois, il faut que la hauteur diminue quatre fois. Les variations du nombre et de la hauteur des contractions dans une courbe sont donc bien d'ordre physiologique. Il est presque inutile de relever l'objection de Trkvks, que la décroissance du quotient de fatigue est peut-être due à l'invariabilité du nombre de sou- lèvements. Nous venons de voir, en effet, que les deux facteurs de la courbe sont suscep- tibles de varier suivant l'état fonctionnel. Les mesures dynamométriques et esthésiomé- triques le prouvent suffisamment, étant l'expression de l'état des centres sensitivo- moteurs à un moment donné de l'elfort. Il n'est pas nécessaire de supposer que ces oscillations se passent dans quelque autre centre situé au-dessous de l'écorce ; il est plus rationnel d'admettre qu'ils ont pour siège les centres dont l'activité a été mise en jeu. Mais le quotient de fatigue, qui n'est que le rapport entre deux valeurs mobiles, ne peut certes être l'expression de toutes les modifications subies par l'ergogramme. 11 faut aussi prendre en considération la somme de travail mécanique, et les valeurs absolues de toutes les hauteurs et du nombre des contractions dans chaque courbe. Ainsi, le quo- tient de fatigue peut être diminué aussi bien par l'augmentation de N que par une dimi- nution de H. H peut être augmenté aussi bien par la diminution de N que par l'aug- mentation de H, Nous avons vu que l'accumulation de fatigue diminuait le quotient, FATIGUE. 177 surtout par une diminution de hauteur; la fatigue psychique, au contraire, produit une augmentation du quotient de fatigue en diminuant le nombre des soulèvements. L'alcool produit une diminution du quotient par augmentation du nombre. Il faut donc dans chaque cas bien spécifier: 1° si une cause quelconque a modifié la somme de travail; 2° si elle a modifié le quotient de fatigue; 3° quelles sont les valeurs absolues de lahau- leur totale et du nombre des soulèvements; 4'» quelles sont les valeurs respectives de hauteurs successives des soulèvements. Cette dernière mensuration est très nécessaire; car, bien que la hauteur soit dans une certaine mesure indépendante du nombre des soulèvements, et que chacun de ces deux facteurs puisse varier isolément, il n'y a pas anta- gonisme entre eux, et même quelquefois il existe une certaine dépendance. Ainsi, par exemple, sous l'intluence d'une certaine cause, la hauteur de chaque soulèvement peut rester la même ; mais, si le nombre augmente, la hauteur totale doit forcément augmenter. Enfin, à côté du quotient total il faut considérer les quotients partiels. Certaines variations de la courbe peuvent, en effet, échapper au quotient total; admettons qu'une cause amène une action excitante très fugace, suivie aussitôt d'une dépression : ces deux effets peuvent se contre-balancer dans la même courbe, au point que le quotient de fatigue n'en conservera aucune trace. Mais, si nous calculons les quotients partiels, c'est-à-dire le rapport entre la somme des hauteurs et leur nombre à un moment donné de l'expé- rience, nous connaîtrons alors les valeurs de l'effort moyen en fonction du temps. Nous arriverons ainsi à donner une expression mathématique à la courbe de la fatigue, à connaître ses particularités individuelles et ses variations. Le coefficient de résistance pourra alors être facilement calculé. On sait aujourd'hui d'une façon certaine que la forme de la courbe est due à deux variables : aux particularités individuelles, et aux différentes conditions dans lesquelles s'accomplit le travail. Les variations accidentelles n'entrent pas en ligne de compte pour un muscle entraîné. Prenant en considération le quo- tient total et les quotients partiels, on parviendra à déterminer aux dépens de quelle partie de la courbe s'effectue une modification, et si elle afïecte davantage les muscles ou les centres nerveux. Grâce à cette méthode, on peut rechercher si une action est centrale ou périphérique; d'autre part, il est extrêmement utile démultiplier les preuves à l'appui delà théorie qui fait dépendre la hauteur des contractions, plus particulièrement de l'état des muscles, et leur nombre du travail des centres nerveux. A côté des preuves fournies par Hoch et Krae- PELiN, loTEYKO, Berninzone, SB placent quelques nouveaux arguments donnés par Kraepe- LiN et OsERETZKowsKY. Résumous brièvement toutes les données relatives à ce sujet : 1° Les dispositions psychiques au travail, variables suivant les heures de la journée, influent surtout sur le noml)re de soulèvements (Hogh et Kraepeli.n) ; 2" Des modifications de force sous l'infiuence des repas retentissent avant tout sur les muscles; mais le léger état d'anémie cérébrale nous rend inaptes aux travaux psychiques; aussi la hauteur aug- mente-t-elle, quoique le nombre des soulèvements diminue(HocH et Kraepelin); 3° L'exercice acquis, en faisant tous les jours des expériences à l'ergographe, augmente surtout le nombre des soulèvements (Hoch et Kraepelln) ; 4° La fatigue intellectuelle diminue surtout le nombre des soulèvements; pour l'affirmer, Hoch et Kraepelin se basent sur les expé- riences de Mosso. En outre, Kraepelin et Oseretzkowsky viennent de confirmer ce fait dans des expériences où, le travail ergographique étant effectué après une heure d'addi- tions ou d'autres calculs, on constata une excitation due à une augmentation du nombre de soulèvements. Dans des exercices plus compliqués, on observa une décroissance du travail par diminution du nombre des soulèvements; 5° La caféine, qui a une action musculaire, augmente la hauteur des soulèvements; 6» L'essence de thé diminue le nombre (Hoch, Kraepelin) ; 7° L'accumulation de fatigue, obtenue par plusieurs ergo- grammes, diminue surtout la hauteur, et beaucoup moins le nombre (J. Iotevko) ; 8" Toutes les fois que le nombre des soulèvements est diminué dans un ergogramme,on constate une dépression centrale mesurable au dynamomètre et à l'esthésiomètre (J. Ioteyko); 9° Toutes les fois que le nombre des soulèvements est augmenté dans un ergogramme, on constate une dynamogénie centrale, mesurable sur la main opposée au dynamomètre et à l'esthésiomètre; 10° Une promenade d'une heure produit une diminution de hauteur et une augmentation de nombre (Kraepelin et Oseretzkowsry); la première de ces actions est due à l'infiuence nuisible exercée sur les muscles par les déchets de la DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. ^2 178 FATIGUE. contraction musculaire; ia deuxième action est due à l'excitation psycho-motrice, qui est très manifeste au bout d'une heure de promenade, et qui, d'ailleurs, a «Hé directement démontrée par Beettmann dans ses recherches sur le temps de la réaction qui diminue dans ces conditions. Ajoutons que ces expériences sont une belle démonstration d'une résistance plus grande à la fatigue des centres psycho-moteurs que du muscle, car ce dernier donne déjà des signes de fatigue alors que les centres présentent des signes de dynamogénie; M° L'alcool, entre Jo et 50 grammes, produit une excitation qui se traduitpar une augmentation du nombre des soulèvements (Kraepelin etOsKRETZKOWSRv). C'est là un des arguments les plus décisifs; car nous savons que l'action de Tabool a petites doses est exclusivement centrale, et, d'autre part, Kraepelin a montré directement que le temps de la réaction nerveuse subissait une diminution sous l'influence des petites FiG. 19. — (D'après J. Ioteyko; Deux courbes ergograpliiques Iburnies par Hubekt, éludiaut à rUiiiversité de Bruxelles. Charge ; 3 kilogr. Rythme : 2". Intervalle de 10 minutes entre les deux courbes, l.'acnnmiilaliou de fatigue est nette; elle est due surtout à la diminution de hauteur de la première partie du second tracé qui parait comme échancré. Le nombre des soulèvements n'a diminué que très légèrement. A part cette niodilication la forme du tracé n'a pas changé. Le quotient de fatigue du second tracé est diminui'. doses d'alcool; 12» Aars et Larguier des Bangels ont repris la méthode ergo-dyuamo- métrique de J. Ioteyko, et, après avoir confirmé les données de cet expérimentateur, à savoir que dans uu certain nombre d'expériences la force dynamométrique de la main gauche augmente après le travail ez'gographique, tandis qu'elle diminue dans d'autres expériences, ils ont reconnu que cette influence se trouvait en grande partie sous la dépen- dance du rythme suivant lequel le poids est soulevé. Après un travail ergographique avec la petite vitesse, il y a moins souvent diminution de la force qu'après un travail avec la grande vitesse. Le travail qui résulte du soulèvement d'un poids léger, répété un grand nombre de fois, épuise davantage les centres que le travail qui résulte du soulè- vement d'un poids lourd, répété un petit nombre de fois. C'est donc le nombre des soulèvements qui intervient comme facteur essentiel dans ia diminution de la force que subit la main gauche. Dans des expériences encore inédites J. Ioteyko arrive à la même conclusion. Il nous reste maintenant à établir quelques conclusions d'ordre général sur le rôle du système nerveux et sur celui des muscles dans les phénomènes de fatigue. Les études de J. Ioteyko sur le quotient de la fatigue et sur les types sensitivo-moteurs sont suffisam- ment démonstratives pour affirmer que le premier degré de fatigue est périphérique. Nous FATIGUE. 179 inférer justement que pt)ur dés efforts K o disons : premier degré, car tout porte à .'croire que pour des efforts excessifs il y a éga- lement fatigue des centres volontaires. Celte affirmation est d'ailleurs basée sur les faits suivants : 1« Le « type inhibitoire » accuse nettement un léger degré de dépression cérébrale nprès le travail ergographique. Nous pouvons en plus intenses que le travail ergographique les distinctions entre les types s'efface- raient, et que dans ces conditions la par- ticipation des centres nerveux aux phéno- mènes de fatigue serait la règle chez tous les sujets. •2" La seconde preuve est tirée de ce fait, qu'il est possible de constater direc- tement la participation croissante des centres nerveux aux phénomènes de fati- gue, en lisant les courbes ergographiques prises en état de fatigue; entre le premier et le second tracé la différence dans lo nombre des contractions est peu sensible ; elle s'accentue davantage enire le deuxième et le troisième tracé, au préjudice de ce dernier, ce qui démontre déjà un degrc plus accentué de fatigue centrale.'Le nom- bre est d'ailleurs plus fortement diminiir avec des intervalles de courte duré." qu'avec des intervalles de longue durée. 3° L'observation courante nous apprend quo la volonté s'épuise après un travail physique intense. Il est certain que ]e sur- menage des centres psycho-moteurs existe à côté du surmenage des muscles chez les personnes qui s'adonnent d'une façon con- tinue à des travaux physiques très intenses . La mort par excès de fatigue (coureur de Marathon, migrations des oiseaux, records vélocipédiques) relève d'une altération du système nerveux. Par contre, dans les conditions ordinaires la fatigue cérébrale est limitée par la fatigue périphérique. Voici l'explication la plus plausible du mécanisme physiologique de la fatigue de la motricité. Les muscles se contractent sous l'influence de leur excitant naturel, qui est le stimulus envoyé par les centres psycho-moteurs, autrement dit, l'elïort. Nous savons, d'après les données de la physiologie expérimentale, que la fatigue du muscle se trouve en rapport étroit avec l'intensité de l'excitant, et que le muscle, qui paraît fatigué pour une intensité don- née, se contracte encore énergiquement quand cette intensité vient à s'accroître. Dans les conditions ordinaires, l'ordre que le système nerveux envoie aux muscles pour en produTC la contraction n'est pas maximal. Il est facile de s'en convaincre. Quand le doigt retombe fatigué à la fin d'une courle ergographique, on peut toujours par un effort de volon'é produire quelques contrac- tions plus élevées; dans certains cas, on peut même produire une seconde courbe à la suite de la première. Ce phénomène a été diversement interprété, et cependant Tex- s s o s t*, £?g o o » © 1 ■?■? 180 FATIGUE. plication en est fort simple. La fia de la courbe dénote une fatigue réelle dans les condi- tions où l'on s'est placé; mais le « je veux » de l'expérimentateur ou du sujet lui-même a agi comme un nouvel exdtant. Une deuxième courbe s'en est suivie. Un phénomène de ce genre se produit dans tout effort volontaire prolongé. La fatigue du muscle survient bien avant que l'effort soit épuisé. Un accroissement de l'effort n'est autre chose qu'une augmentation d'intensité de l'excitant pour les muscles, qui devien- nent de nouveau aptes de fonctionner sous l'aiguillon de la volonté. Mosso a d'ailleurs montré expérimentalement avec le ponomètre que l'excitation nerveuse que l'on envoie à un muscle pour en produire la conlraclion est beaucoup plus grande quand il est fatigué que quand il est reposé. V effort croît avec la fatigue (H. Mosso). Ainsi donc, la fatigue ergographique a pour effet de produire une augmentation croissante de résis- tance dans les muscles (preuve du siège périphcriciue de la fatigue), et c'est pour vaincre cette résistance que les centres nerveux doivent envoyer à la périphérie un ordre ;t FiG. 21. — (D'après J. Iotbyko) Deur. courbes ergographiques fournies par M"'^ Barthels, étudiante à l'Université de Bruxelles. Charge: 3 kilogr. Rythme: 2". Intervalle de 10 minutes entre les courbes. La répa- ration est presque complète; la légère accumulation de fatigue du second tracé est due ici exclusivement à une diminution de hauteur, le nombre des soulèvements ayant un pou augmenté dans le second ergo- gramme. Cette augmentation du nombre est due à l'action excitante psycho-motrice du premier tracé. Va\ effet, le dynamomètre qui marquait 2G pour la main gaucho avant la première courbe, est monté à 34 immédiatement après la première courbe. Le quotient a subi une diminution, l'augmentation du nombre n'ayant pu compenser la diminution de hauteur. intensité croissante. La courbe ponométrique suit donc une marche qui est l'inverse de la courbe ergographique. Il est fort probable, ainsi que le pense TissiÉ, qu'un système nerveux débilité réagit moins efficacement contre la production des déchets qui envahissent les muscles. Nous savons, en eflet, que le système nerveux est le régulateur de la nutrition. Quand la fatigue est extrêmement prononcée, au point de diminuer l'intensité de la décharge des centres psycho-moteurs (c'est là la caractéristique de la fatigue centrale), alors nul doute que cette fonction régulatrice du système nerveux ne soit affaiblie ou déviée. Les effets désastreux de l'accumulation de la fatigue relèvent peut-être en partie de celte cause. Enfin, voici encore un dernier argument que nous empruntons aux partisans de la théorie de Mosso. Rien ne prouve aussi bien que les centres nerveux sont plus résistants à la fatigue que les muscles, que celte proposition de Pu. Tissié : Ou marche avec ses muscles, on arriic avec so7i cerveau. X. Modifications de l'ergographe. — Il ne nous appartient pas ici de discuter les critiques qu'on a faites à l'ergographe de Mosso (Binet et Vaschide, Hough, Kraepelin, SciiE.xcK, IvoitY FnA.\z,H. ML'LLEn,Z. Trêves), ni de décrire les nouveaux modèles d'ergo- FATIGUE. ISl gi-aphe. Nous ne consacrerons que quelques mois à l'ergographe de Trêves, construit sur une base nouvelle. Il est établi sur le principe de Weber, que la fatigue n'exerce pas la même action sur la force et sur le raccourcissement du muscle; un muscle fatigué, qui ne peut plus soulever un poids lourd, peut encore soulever un poids léger. Dans l'ergogi-aphe de Trêves le poids diminue graduellement de valeur, en glissant le long d'une barre d'acier qui est un levier de deuxième degré et qui se trouve placé au- dessous de la table ergograpbique. La seconde modification, non moins importante, consiste à graduer le poids en sorte qu'il reste constamment le poids maximum par rapport à l'état de force ou de fatigue momentanée. Sous l'inlluence de la fatigue dans le cours de l'expérience, le poids maximal diminue graduellement de valeur, suivant une ligne d'aspect hyperbolique. On place par exemple au 100 de la barre le poids maximum (par exemple : 8 kilogr.) que l'individu peut soulever; on enregistre un soulèvement. Au niveau du point d'union du dixième supérieur de ce soulèvement avec les 9/10 inférieurs, on trace une ligne horizontale. Le sujet commence la courbe. Peu à pou l'ampleur de l'excursion se réduit jusqu'à se maintenir d'une maniéie permanente au niveau marqué, avec tendance à passer rapidement au-dessous. On déplace alors le poids, le portant à 90; la résistance devient 1/10 moindre. L'excursion réacquiert l'ampleur normale; et l'on a ainsi, sans interruption, une courbe de travail maximal. Il faudra encore déplacer diverses fois le poids, jusqu'à ce qu'on trouve une position de celui-ci avec laquelle le travail rythmique se poursuivra à l'infini. Le tracé ergograpbique se présente donc comme une série de lignes verticales, toutes d'une hauteur à peu près égale, et il ne montre aucune caiacléristique saillante lorsqu'on varie d'individu ou de conditions d'expériences. Le véritable ergogramme dans l'appareil de Trêves n'est donc pas indiqué par le profil de tous les soulèvements, mais par la ligne suivant laquelle dim.inue la valeur du poids maximal. On peut travailler presque indéfiniment avec cet appareil, mais à condition que le poids reste toujours maximal; si le poids n'est pas maximal, on obtient une courbe décroissante du travail. La fatigue à l'ergographe à poids constant (de Mosso) se mesure donc par la décrois- sance des contractions; la fatigue à l'ergographe à poids variables (de Trêves) se mesure par la nécessité d'employer des poids de plus en plus légers, la hauteur des contractions restant constante. L'effort maximum utile qu'on peut à un moment donné obtenir d'un muscle est celui que détermine la réaction motrice rétlexe correspondant à la sensation de résistance suscitée par le poids qui, à ce moment, est maximal pour le muscle. Le principe du poids maximal prend donc une importance bien pliis grande dans le travail volontaire que dans le travail du muscle excité artificiellement; il ne présente pas seu- lement une des conditions mécaniques dans lesquelles le muscle doit être placé pour qu'il puisse donner le maximum de rendement; mais il constitue en même temps le régulateur automatique de l'excitation qui est nécessaire pour que, à un moment donné, le maximum de travail mécanique s'accomplisse avec la moindre intensité possible de travail nerveux. M"« Pompilian a montré que, pendant la contraction musculaire volon- taire ou réfiexe, la chaleur dégagée est d'autant plus grande que le poids soulevé est plus fort. Par contre, dans l'excitation neuro-muscuiaire la chaleur dégagée diminue quand le poids tenseur augmente. Dans le premier cas la chaleur dégagée augmente, non parce que le poids augmente, mais parce que le système nerveux envoie une excitation d'autant plus forte que la charge que les muscles ont à soulever est plus grande. {La contraction musculaire et les transformations d'cnergie. Paris, 1897.) (V. Ergographe.) Bibliographie. — Aars et Larguier (Année Psychologique, vu, 1900). — Bain (A.). Emotions et volonté. — Belmondo (E). Rech. exp. touchant l'influence du cerveau sur l'échange azoté (A. i. B., xxv, 1890, 481-488). — Binet (A.). Rech. sur les mouvements volontaires dans l'anesthlsie hystérique [Rev. phil., xsvin, 475,1889); La concurrence des états psycho- logiques [Rev.phil., 1890, 1;j8); Les altérations de la personnalité, Alcan. 1892. — Binet (A.) et Vasghide (N.). Réparation de la fatigue musculaire {Ann. PsychoL, 1898. iv, 29d-302). — BiiNET (A., et Féré (Ch.). 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La fatii^ue s'accumule progressivement dans l'organisme; de phé- nomène local elle devient phénomène géne'ral, et ce n'est que quand elle retentit sur l'ensemble de l'être vivant qu'elle arrive à la conscience. Un long travail intérieur pré- cède l'apparitio!! du sentiment de lassitude, laquelle est l'expression de la fatigue, de l'épuisement organique, devenu conscient à un moment donné. Les Grecs assimilaient la fatigue à la douleur. C'est pousser trop loin la généralisation du sentiment de la fatigue; toutefois, dit avec juste raison Léon Dumont, nous pouvons rapporter à la fatigue, à l'épuisement et à l'abattement qui en résulte, toutes les peines qui ont pour origine un effort soit volontaire, soit conscient, soit inconscient, en un mot toute-s les peines à caractère positif; la fatigue s'accumule graduellement pendant toute la durée de l'effort et du travail; dans un effort très considérable, elle se déclare d'une manière brusque qui la fait ressembler à une douleur aiguë. Le problème du sentiment de la fatigue se ramène à la question plus générale des 184 FATIGUE. rapports de la conscience avec les phénomènes moteurs. Elle peut être examinée à plu- sieurs points de vue : En premier lieu, au point de vue de ses rapports avec le sens du mouvement (sens kinesthésique). Le sens musculaire nous renseigne sur l'état de nos organes moteurs; l'introspection nous avertit constamment de l'état de mouvement ou de repos dans lequel sont nos organes. Nous avons la perception du mouvement à mesure qu'il s'exé- cute. Or, api^ès une répe'tition prolongée d'un certain mouvement, il se produit une sen- sation particulière, !ippe\ée semation de fatigue. D'après Waller, le sens du mouvement, celui de l'effort et celui de la fatigue, sont des degrés du même phénomène sensoriel. Il y a une cause commune à l'effort et à la fatigue; celle-ci ressemble, suivant le physio- logiste anglais, à une image consécutive, en sorte que de ce qui se passe à l'état de faligue nous pouvons inférer à ce qui passe à l'état d'action. Le sens musculaire est dimi- nué dans la fatigue suivant Mosso. Deuxièmement, nous pouvons examiner la sensation de fatigue au point de vue de son origine. Possède-t-elle une origine périphérique ou une origine centrale? Les mêmes considérations peuvent être invoquées ici comme pour le sens kinesthésique. Sur l'ori- gine du sens de l'effort il y a deux théories en présence; l'une, centrale (Bain, Ludwig, WuNDT, Jackson); l'autre, périphérique, qui est celle de la majorité des neurologistes con- temporains. Ces sensations désagréables de douleur, de tiraillements, de pesanteur, qu'on ressent dans un membre fatigué, sont-elles dues à une excitation particulière des terminaisons nerveuses sensitives dans les organes moteurs, ou bien devons-nous les attribuer à la fatigue de la volilion, à un épuisement de la décharge centrale. « Sou- vent, remarque Ribot, la localisation de ces sensations dans nos muscles est très précise; ainsi, après une longue marche, surtout en descendant, la sensation de fatigue est loca- lisée, au jugement des anatomistes, dans le janibier antérieur et le triceps crural. » L'observation journalière nous apprend, en effet, que cette localisation de la sensation de fatigue est des plus précises; on peut s'en assurer dans tout effort musculaire un peu énergique (les débuts de la gymnastique et de tous autres sports). Elle s'étudie fort bien à l'ergographe ; après les premières séances, les sujets, même en l'absence com- plète de notions anatomiques, accusent une douleur plus ou moins forte à la partie anté- rieure de l'avant-bras, correspondant aux fléchisseurs. La douleur disparaît sous l'influence de l'enlraînement musculaire. Dans son dernier travail sur la douleur, Ch. Richet disait tout récemment que la douleur musculaire qui suit la fatigue exagérée des muscles est due assurément à l'alté- ration, probablement chimique, des muscles par les produits de la désassimilation mus- culaire. II nous paraît certain que dans la fatigue l'élément nerveux sensitif et l'élément nerveux moteur intra-musculaire sont tous les deux altérés par les déchets de la con- traction. II en résulte de la douleur et de la paralysie motrice. Les partisans de l'origine centi'ale du sentiment de l'effort admettent la conscience de la décharge motrice au moment même où la décharge se fait, et avant que les contrac- tions musculaires se produisent : le sentiment de la décharge nerveuse serait antérieur au mouvement; les sentiments kinesthésiques sont postérieuis. Ce qui rend impossible la dis- tinction de ces deux espèces de sentiments, c'est la reviviscence des impressions kines- thésiques, autrement dit, des images motrices. L'impression kinesthésique, qui était primitivement une conséquence du mouvement, en devient un antécédent. « Jus- qu'ici, fait remarquer Rinet, aucun fait ne démontre péremptoirement l'existence d'un sentiment d'innervation coïncidant avec le courant de. sortie de l'intlux nerveux. » Rien ne vient démontrer, ajouterons-nous, que l'affaiblissement de l'impulsion motrice due à la fatigue cérébrale s'accompagne d'un sentiment spécial. Tous les faits s'accordent beaucoup mieux avec l'origine périphérique du sentiment de la fatigue. Nous venons de dire que rien ne vient démontrer que l'affaiblissement de l'impulsion motrice due à la fatigue cérébrale s'accompagne d'un sentiment spécial. A cette notion nous pouvons en ajouter une seconde. Tous les faits s'accordent pour montrer que l'impul- sion motrice envoyée des centres à la périphérie ne faiblit pas pendant tout le temps du travail, de l'effort et même de la faligue; nous ne reviserons pas à nouveau tous les arguments que nous avons exposés avec détails dans le paragraphe : lesiège de la fatigue (chapitre V). Nous n'en rappelerons qu'un seul, qui est très significatif: grâce à l'emploi FATIGUE. !85 du pononièire, Mosso a pu inscrire la courbe de l'effort nerveux pendant le travail ergographique, et il a constaté que V effort nerveux croit avec la fatigue, en sorte que la courbe ponométrique est l'inverse de la courbe erf];ograpluque. Nous pouvons conclure de tous ces travaux, que l'origine du sentiment de la fatigue est périphérique. Les centres nerveux ont la faculté presque inépuisable d'envoyer des ordres aux appareils périphériques, et les phénomènes appelés fatigue ne sont dus nul- lement à un arrêt de la fonction cérébrale : ils ont une origine périphérique. En premier lieu, ce sont les terminaisons motrices intra-musculaires qui subissent l'inlluence des toxines engendrées par le travail; à l'arrêt de leurs fonctions on réserve la dénomination de fatigue musculaire. L'arrêt des fonctions est un terme extrême de la faligue, qui est précédé par l'affaiblissement; et, môme avant tout début d'affaiblissement, on remarque une diminution d'élasticité du muscle, qui se traduit par un allongement de la secousse et par le pouls aslhénique. La diminution d'élasticité est le premier signe de fatigue, qui se montre encore avant la diminution d'amplitude de la contraction. A l'altération des terminaisons nerveuses motrices par les produits de la désassimilation musculaire (fatigue motrice) succède l'altération de l'élément nerveux sensitif musculaire; cette altération est le siège d'une sensation spéciale qui se porte au cerveau, et, en devenant consciente, devient l'origine du sentiment de la fatigue. Nous avons fait allusion dans notre introduction au rôle kinéto-phylactique (défensif du mouvementé qu'on peut assigner à la fatigue. Cette fonction peut s'effectuer grâce à la fatigabilité plus grande des terminaisons nerveuses intra-musculaires que des centres psycho-moteurs; avant que les centres nerveux aient eu le temps de se fatiguer, l'abo- lition des fonctions des terminaisons nerveuses périphériques arrête toute réaction. Le rôle défensif de la fatigue avait déjà été soutenu par plusieurs physiologistes, notamment par Waller et par Mosso. Maison se rend difficilement à l'idée d'une protection du muscle, protection qui serait assurée aux dépens du système nerveux. Au contraire, J. Ioteyko a fourni les bases expérimentales à une appréciation toute différente : le rôle biologique de la fatigue serait la défense du mouvement dans ce qu'il a de plus élevé et de plus complexe : la défense de la fonction psycho -motrice par paralysie périphérique. 11 est intéressant de constater que le sentiment de la fatigue peut être aboli sous l'influence de différentes substances pharmacodynamiques, telles que l'alcool, le sucre et l'extrait testiculairc. Le mécanisme d'action de ces substances doit être très différent pour chacune d'elles, mais nous manquons complètement de données à cet égard. Ainsi, par exemple, il est reconnu, depuis Mosso, que, lorsque la fatigue se produit àl'ergogra- phie, le poids paraît plus lourd. Or l'alcool donne l'illusion d'une grande puissance, et le poids apparaît plus léger (Frev, DestréeI. Loewy trouve que l'inhalation d'acide car- bonique, même à haute dose (o à G p. 100 dans l'air expiré), n'est accompagnée d'aucune sensation subjective; à partir de 6 p. 100 commence la dyspnée subjective, qui atteint son maximum d'intensité à 8 p. 100 de CO'. Ces résultats peuvent être comparés, selon l'au- teur, à l'accélération volontaire de la respiration; déjà au bout, de plusieurs minutes, se produit le sentiment de la fatigue, même si les mouvements respiratoires ne sont que doublés par rapport à la normale. Dans certains étals pathologiques le sentiment de la fatigue peut être exagéré et ne correspond nullement à une faiblesse organique (neurasthénie); dans d'autres alfections il peut faire complètement défaut (certains cas d'bystérie, de tabès, etc.). Le sentiment de la fatigue est précédé d'une période d'excitation. Celle-ci est suivie d'indifférence et d'abattement. On a vu des excursionnistes demander avec instance aux guides de les abandonner sur les glaciers (Tyndall, Mosso). Dans cet état la mort paraît désirable. Cette indifférence est la cause des accidents dans les Alpes. Dans cet état de dépression se trouve un grand nombre de soldats après la bataille. Le sentiment de fatigue disparaît par l'excitation. Ainsi les soldats s'affaissent après de grands efforts; mais la vue de l'ennemi leur redonne une nouvelle vigueur. La peur a agi comme un nouvel excitant. De même une armée vaincue court plus vite qu'une armée victorieuse. Mais, si le sentiment de la fatigue n'est plus écouté, on voit survenir un état de neurasthénie. La fatigue excessive produit des phénomènes psycho-pathologiques. La diminution de la mémoire est très fréquente dans les excursions des montagnes (Saussure, Mosso). Lors 186 FATIGUE. (le rentraînement intensif dans les sports, on a observé le dégoût, l'ennui, l'automatisme, les impulsions, le dédoublement de la personnalité, les hallucinations, les illusions, les phobies, la paramnésie, l'écholalie, les obsessions, etc. Nous avons déjà parlé des contractures hystériques. Elles se distinguent par l'absence complète du sentiment de fatigue. L'abolition du sentiment de la fatigue chez les hysté- riques est souvent accompagnée de l'abolition des sensations kinesthésiques ; quand ils ferment les yeux, ils n'ont plus la notion des mouvements passifs que l'observateur imprime à leur membre insensible. Quant aux mouvements volontaires, un certain nombre de sujets se serveiit de leur membre insensible les yeux fermés; chez les autres on observe une impuissance motrice presque complète. Il est certain qu'il existe un rap- port entre les anestliésies hystériques, l'abolition du sens kinesthésique et l'abolition du sentiment de la faligue; mais ce rapport n'a pas encore été mis en lumière. A côté des contractures des hystériques, qui ne s'accompagnent pas du sentiment de fatigue, bien qu'elles puissent durer plusieurs mois, existent chez les sujets hystériques d'autres manifestations motrices, qui, elles aussi, sont exemptes de toute fatigue. Lasègue avait observé, en 1864 une femme hystérique présentant le phénomène suivant : « Lors- qu'on place le bras, la malade ayant les yeux fermés, dans une position impossible à maintenir au delà de quelques secondes, le bras garde la situation qu'on lui a imposée; il se produit une sorte de catalepsie partielle, et l'expérimentateur se fatigue d'attendre avant que la malade soit fatiguée. » Chez une autre hystérique, la sensation de fatigue est émoussée à tel point qu'on peut, à la condition qu'elle ne voit pas, imposer aux membres supérieurs toutes les postures sans qu'elle accuse de fatigue, et sans qu'elle cherche, tant qu'on ne le lui demande pas, à modifier la position et à prendre un repos local. Charcot a constaté le môme fait à l'état de veille, et Bernukim a retrouvé dans deux cas de fièvre typhoïde un phénomène analogue. Féré et Binet ont rencontré cet état cata- leptiforme chez cinq hystériques sur seize. Voici la description qu'en ont donnée ces expé- rimentateurs. On s'adresse à un sujet hystérique qui présente de l'anesthésie de la peau et du sens musculaire; on lui bande les yeux. Le sujet, qui a perdu la conscience du mouvement passif, ne sent pas qu'on soulève son membre; il croit, par exemple, que sa main est toujours posée sur ses genoux, comme au début de l'expérience. Le membre soulevé ne retombe pas; il conserve l'attitude qu'on lui imprime, absolument comme si le sujet était en état de catalepsie. Le bras peut mettre une heure vingt minutes à relouiber. La conservation de l'attitude présente encore ce signe particulier qu'elle a lieu sans tremblement. A l'absence de tremblement se rattache l'absence de fatigue. Vers la fin de l'expérience le malade éprouve un sentiment de lassitude générale; parfois des battements de cœur, de la constriction à l'épigastre ; la face rougit et se couvre de sueur; mais dans certains cas il ne survient qu'une sensation de fatigue localisée dans le membre en expérience. Si l'on charge d'un poids de 1 ou 2 kilogrammes l'extrémité du bris tendu, le membre ne fléchit pas brusquement; par conséquent la tension musculaire augmente pour tenir le poids en équilibre. Le sujet interrogé à ce moment n'accuse aucune sensation nouvelle. Le membre ne supporte pas longtemps ce surcroît de travail; à la fin, le membre retombe, le sujet ouvre les yeux, on lui demande si son bras est fatigué; il s'étonne de cette demande, car il croit que son bras est resté sur son genou. Ce long travail neuro-musculaire ne se termine par aucun phénomène paralytique; le bras continue à obéir aux ordres de la volonté; au dynamomètre, le bras donne un chiffre qui est le chiffre normal. (Nous avons souligné les phrases qui nous paraissent le plus significatives.) S'il était possible de conclure de l'hys- térie à l'état normal, nous dirions que les phénomènes de \a plasticité cataleptique (nom que leur ont donné FÉuÉ et Binet) plaident en faveur de l'origine périphérique de la fatigue. Ainsi le bras retombe fatigué, et le sujet n'a aucune conscience de cet étal de fatigue. Bien plus, quand le bras retombe fatigué, la volonté a gardé toute son action, car le bras continue à obéir au stimulus central. Les hystériques ont donc perdu le senliment do la fatigue, sans perdre pour cela la possibilité d'une fatigue périphérique. La plasticité cataleptique est toujours accompagnée de l'anesthésie cutanée et de l'anesthésie du sens musculaire. A côté de ces anestliésies il y a lieu de placer l'anesthésie à la fatigue. Ces trois phénomènes sont d'ordre essentiellement pathologique. Mention- nons encore la curieuse expérience de P. Janet, qui vit qu'un ergogramme tracé par la main sensible d'une hystérique est plus court que l'ergogramme tracé par la main FATIGUE. 187 insensible; car dans le premier cas il y a eu fatigue, et dans le second la fatigue élait suppriniée par l'insensibilité du membre. Mais, en revanche, le second ergogramme épuise complètement la main insensible, et celle-ci met bien plus longtemps que l'autre main à restaurer sa force perdue. II. Influence de la fatigue sur le temps de la réaction nerveuse et sur les phénomènes de l'attention. — La fatigue psychique aussi bien que la fatigue physique produisent un ralentissement ou une atténuation de tous les phénomènes psychiques, mémoire, imagination, temps de la réaction nerveuse, attention. Parmi ces phénomènes, ceux qui se rapportent au temps de la réaction nerveuse et à l'attention ont été étudiés expérimentalement. L'influence de la fatigue intellectuelle sera traitée à part (voir Fatigue intellectuelle). Nous ne consacrerons ici qu'une courte mention aux éludes psy- choniétriques faites dans ce domaine. Los effets de la fatigue sur le temps dé la réaction nerveuse ont été étudiés par Cattell, Beetmann, Mosso, Féré, Welch, Scripture, Moore, et par beaucoup d'autres psychologues physiologistes. Sous l'influence de la fatigue le temps de la réaction nerveuse s'allonge. L'exercice et l'entraînement produisent un effet contraire. Pour les phénomènes psy- chiques, il y a donc, comme pour les phénomènes physiologiques, antagonisme entre la fatigue et l'entraînement. A la fm des longues séances de psychométrie on observe, selon Scripture, non seulement un allongement notable du temps de la réaction et des oscillations de l'attention, mais encore un état de somnolence. L'allongement du temps de la réaction nerveuse est due à l'atténuation de l'attention. BucooL\ a déclaré que l'équation personnelle peut être considérée comme le dynamo- mètre de l'attention. Mosso a constaté que dans les ascensions alpestres les accidents les plus graves survenaient après le passage des endroits les plus difficiles. L'attention, longtemps tenue en éveil, diminuait soudainement. Quand on essaye de fixer l'attention d'une manière continue sur le même objet ou sur le même fait, on constate qu'au bout de quelques instants la conscience des faits dimi- nue, puis augmente de nouveau; l'attention subit des oscillations. Ce phénomène des oscillations de l'attention est d'observation courante; il a été signalé pour la première fois par Wdndt et étudié depuis par un grand nombre d'expérimentateurs. Munsterberg rattache ces oscillations à des phénomènes de fatigue dans les muscles qui contribuent à l'accommodation des organes sensoriels. Lange, au contraire, et H. Egkener les rattachent à des phénomènes qui ont lieu dans les centres nerveux. Il est certain que l'attention ne peut se prolonger que si son objet change; le temps de la réaction diminue considé- rablement quand l'attention du sujet est bien fixée (Wundt, Tschisch, Munsterberg, Obersteiner, Bccgola, Lange, Cattell, Bartels, Bliss). Dans un travail fort intéressant Patrizi (1895) chercha à inscrire nn grand nombre de temps de réaction, se succédant rythmiquement (voir tracé p. 834, tome i du Dictionnaire). Le tracé qu'il donne permet de suivre les modifications de l'attention pendant une expérience prolongée. On voit que le temps physiologique va d'abord en s'abrégeant graduellement; puis il augmente quand l'attention, après avoir touché l'optimum, commence à se ralentir et à se fatiguer. Bibliographie. — Angell (.1.) Rowland et Addison (W.) Moore. Reaction time : a studij in attention and habit [The paychol. Rcview, ur, 1896, 243-258). — Benedikt. Phy- siologische Beicegungen vom klinischem Standpunktc, Milan, 1900. — Bernhelm. De la Suggestion, Paris, 1886. — Bertrand (H.). La Psychologie de l'effort et les doctrines con- temporaines. Alcan, 1889. — Bettman (S.). 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Deux méthodes se pi^ésentent pour résoudre la question de la fatigue intellectuelle et du surmenage scolaire qui s'y rattache : la méthode pathologique et la méthode expérimentale. De l'importante discussion sur le surmenage scolaire, tenue à l'Académie de méde- cine (1886-1887), il résulte que le rôle pathogène de la fatigue intellectuelle est considé- rable. 11 y a donc là un vaste champ d'études, qui consisterait à tenir parti de la défec- tuosité même de notre système scolaire, afin d'en montrer les erreurs. Cette source d'informations ne devrait pas être U'^gligée, et elle s'impose avant tout. Somme toute, la méthode pathologique se baserait sur des faits dûment démontrés pour prouver l'e'chec de notre système d'éducation scolaire, lequel peut être considéré comme une expérience mal réussie. La méthode expérimentale viendrait alors apporter des faits nouveaux, recueillis dans les laboratoires el les écoles, relativement à la réorganisation du système scolaire. Si l'on pouvait trouver un procédé de mensuration de l'activité intellectuelle en un temps donné, on arriverait à déterminer les modifications qu'elle subit dans diliérentes cir- constances, ainsi que les conditions dans lesquelles est obtenu le maximum de travail comme quantité et comme qualité. Les bases d'une hygiène du travail seraient ainsi édifiées. Mais, de l'exposé qui va suivre, on verra que rien de précis n'a encore été trouvé jusqu'à présent, malgré les très nombreuses recherches tentées. La fatigue chez l'enfant doit être inliniment plus grave que chez l'adulte, car, étant un processus essentiellement chimique, elle influe directement sur l'échange organique et. FATIGUE. 189 partant, sur la croissance. Le signe principal de la fatigue intellectuelle est la diminution progressive du travail, et la cause essentielle en est dans l'atténuation de l'attention. Au début de la fatigue, on est incapable d'exécuter des travaux qui demandent la plus grande concentration de l'attention; ensuite, l'exécution des travaux plus simples devient difficile. La fatigue ne doit pas être confondue avec l'eimui qui résulte de l'uniformité du travail, même quand celui-ci n'est pas fatigant. L'intensité du travail n'est pas modifiée pendant l'ennui, et il suffit de changer le genre de travail pour voir l'ennui disparaître. La fatigue intellectuelle dépend de la durée et du genre de travail, et aussi de l'indi- vidualité. On pourrait envisager plusieurs types de résistance, suivant la durée de la période d'entraînement qui précède l'apparition de la fatigue. Le travail intellectuel est soumis aux mêmes lois de fatigue et d'exercice, de répara- tion, de l'epos par le sommeil, que le travail physique. Un accroissement de l'excitant fait aussi reculer l'apparition du sentiment de fatigue. Nous allons passer en revue les principaux faits fournis par la méthode expérimen- tale en n'envisageant que le côté scientifique du problème. Influence de la fatigue intellectuelle sur le cœur, la circulation capillaire et la pression sanguine. — Dans son livre sur la Peur, Angelo Mosso s'occupe des effets cardiaques et circulatoires du travail intellectuel. La fatigue centrale rend le pouls petit : la tète s'échaufïe, les yeux s'injectent, les pieds se refroidissent. Il y a des personnes qui ressentent en même temps des bourdonnements d'oreilles. Cet excès de tonicité se rencontre même sur d'autres organes, par exemple sur la vessie. Le refroi- dissement des pieds, les crampes des mollets, l'échauflement de la tête ont une cause commune : le resserrement des vaisseaux périphériques, dont le sang afflue dans le cerveau. Cet antagonisme entre la circulation cérébrale et la circulation périphérique est loin d'être admis par tous les physiologistes. Un phénomène plus grave, ajoute Mosso, c'est l'apparition des palpitations du cœur. Un travail intellectuel exagéré peut amener même des irrégularités et de la tachycardie, et c'est là un phénomène que Mosso a observé sur lui-même. Subitement il sent une constriction au thorax avec tendance à l'évanouis- sement; le cœur bat plus vile, si vite même qu'on ne parvient pas à en compter les battements. Cela dure à peine une minute, puis les battements de cœur se ralentissent et tombent même au-dessous de la normale, de telle sorte qu'il existe à peine une pulsation cardiaque toutes les deux ou trois secondes; cette deuxième période dure à peine une demi-minute. Chez Charles Darwin, le travail intellectuel exagéré produisait facilement le vertige. Maurise Schiff éprouvait de légers tournoiements de tête. Mosso rapporte que Schiff, étant occupé de la réédition de son Traité sur la physiologie du système nerveux, était pris de vertige quand il voulait par exemple aller prendre un livre dans sa bibliothèque. Puis ces vertiges le prirent de temps à autre dans son laboratoire. Mais, le livre ayant été publié, les tournoiements de tète cessèrent. A côté de ces observations fort intéressantes se placent des expériences de laboratoire faites dans les conditions de précision voulue. \}n calcul mental de quelques secondes à trois ou quatre minutes a pour effet presque constant d'accélérer le cœur. Binet et Henri rapportent dans leur livre sur la Fatigue intellectuelle trois tableaux qui démontrent nettement ce phénomène; le premier tableau de Gley, le second de Bixet et Courtier, le troisième de Mac Dougal. On voit que l'accé- lération du cœui-, pi'oduite par un calcul mental difficile, peut être de cinq à vingt pulsa- tions p;ir minute. Le maximum d'accélération serait donc d'un quart; c'est bien peu de chose si l'on compare celte accélération à celle de la course. L'influence du travail intel- lectuel prolongé sur la vitesse du pouls a été étudiée par Bi.net et Courtier. Il en sera rendu compte en même temps que du pouls capillaire. Mentz a étudié la vitesse du cœur en mesurant la longueur de chaque pulsation; les graphiques qu'il donne montrent nettement que la durée des pulsations diminue déplus en plus pendant le travail intellectuel court (multiplication). Binet et V. Henri entrepris cette étude et ont fait sur eux-mêmes des expériences sur la variation de la vitesse du pouls pendant le travail intellectuel. L'accélération du cœur sous l'influence du travail intellectuel n'est pas expliquée jusqu'ici. La vitesse du cœur peut-être influencée par une action du système nerveux ou par un changement de pression du 190 FATIGUE. sang. Marey iang clans la main, ce n'est que deux à trois secondes après le début du travail intellectuel que ces effets se manifestent; le premier elfet est une élévation du tracé capillaire (Lehmann); suivant Bi.NET et Henri, l'élévation du tracé a manqué trois fois sur vingt expériences faites sur la même personne. Le second effet de la concentration de l'attention est une vaso- constriction rétlexe, qui apparaît quelques secondes après la concentration d'esprit. C'est un état de contraction des fibres musculaires qui existent dans les parois des arté- FATIGUE. 191 rioles, sous l'influence d'une excitation provenant des centres nerveux. La vasoconstric- tion rétlexe de la main se reconnaît sur les tracés par trois caractères principaux : il y a une descente du tracé, qui résulte de ce que le membre a diminué de volume; le graphique du pouls se rapetisse pendant la vaso-constriction au point de disparaître complètement chez certaines personnes. Quant à la forme du pouls, la vaso-constriction accentue parfois les caractères de la pulsation; en outre, le dicrotisme est placé plus bas sur la ligne de descente. Mais le plus fréquemment on constate un amollissement de la pulsation, toutes les aspérités du graphique ont une tendance à s'émousser. En résumé, un travail intellectuel court et intense produit successivement dans la circulation capillaire de la niain : 1° une courte élévation du tracé; •^''une vaso-constriction réllexe, qui s'exprime par une diminution de volume de la main et un rapetissement du pouls, avec parfois accentuation de sa forme, et plus souvent un amollissement de la pulsation (BiNET et Henri). En ce qui concerne le travail intellectuel intense, prolongé pendant plusieurs heures, les seules expériences qui aient été faites sont celles de Binet et Courtier. Le travail intellectuel était déterminé par la rédaction d'un travail original. Le pouls du travail intellectuel est petit, presque filiforme; le dicrotisme est tout à fait en haut; un travail encore plus prolongé fait disparaître complètement le dicrotisme. Enfin le pouls ne s'indifpie pour ainsi dire plus. Nous pouvons donc dire que : 1° Un effort intellectuel énergique et court produit une excitation des fonctions, vaso-constriction, accélération du cœur et de la respiration, suivies d'un ralentissement très léger de ces fonctions; 2" Un travail intellectuel d'une durée de plusieurs heures, avec l'immobilité relative du corps, produit le ralen- tissement du cœur et une diminution de la circulalion capillaire périphérique. 11 nous resterait à examiner l'intluence du travail intellectuel sur la ^^ression sanyiiine. On n'a étudié que le travail intellectuel de courte durée (calcul mental). Kiesow est arrivé à des résultats négatifs, tandis que Binet et Vaschide, en expérimentant avec le sphygmomanoniètre de Mosso, ont observé une augmentation de la pression du sang dans les mains. Le mécanisme de cette action n'est pas élucidé. Influence du travail intellectuel sur la température du corps et sur la production de chaleur. — On s'accorde généralement à soutenir que les effets de l'attention soutenue, le calcul mental ou simplement la lecture, déterminent une augmentation de chaleur centrale, mais cette augmentation est toujours très légère : Davy n'a observé qu'un demi-dixiéme de degié; Speck, qu'un dixième ou deux dixièmes. Des expériences complètes ont été faites par Gley sur lui-même en prenant sa tempé- rature rectale. Repus. 1 h. 30. . . 36°,32 7 11. 35. . . 36", 32 1 h. 40. . . 36°,32 1 h. «. . . 3 dans le recueil de Kr.epelix, touchant l'inlluence du travail intellectuel sur la vitesse des actes psy- chitjues. Ces expériences de laboratoire ont été faites sur dix personnes, et se rappor- taient à six processus psychiques différents, à savoir : 1» Compter les lettres (Vun texte imprimé en caractères latins. Le sujet devait compter aussi rapidement que possible les lettres d'un texte, et quand il arrivait à cent, faire un trait avec un crayon à l'endroit correspondant du texte, puis il continuait à compter les lettres du texte. Toutes les cinq minutes retentissait un coup de sonnette, et à ce moment le sujet devait faire dans le texte une marque avec le crayon. — 2" Addition des nombres d'un chiffre. — 3'^ Écriture sous dictée. L'auteur cherchait à déterminer la vitesse de l'écriture aussi rapide que pos- sible. Toutes les cinq minutes le sujet faisait une marque. On pouvait ainsi déterminer le nombre de lettres écrites toutes les cinq minutes (sans tenir compte des fautes com- mises). — 4" Lecture à haute voix. Le sujet lisait aussi rapidement que possible un texte facile. On notait le nombre de lettres lues toutes les cinq minutes. — 5" Mémoire des chiffres. Le sujet devait apprendre par cœur un certain nombre de chiffres; on détermi- nait la vitesse de ce travail. — 0" Mémoire des syllabes. Le sujet devait apprendre par cuHir un certain nombre de syllabes. Ces différentes expériences étaient faites pendant 198 FATIGUE. deux heures chacune sans aucune interruption; on notait la quantité de travail fait toutes les cinq minutes. D'après Oehrn, l'exercice acquis et la fatigue ont une influence oppo- sée. L'exercice tend à augmenter la vitesse du travail, la fatigue tend à la diminuer. A chaque moment de l'expérience la quantité de travail se trouve réglée par l'intensité de ces deux facteurs. On peut distinguer, pour un travail de deux heures, deux phases diffé- rentes; la première, c'est la phase où l'influence de l'exercice prédomine sur l'influence de la fatigue; pendant la deuxième phase, c'est la fatigue qui prédomine sur l'exercice. Les différences individuelles sont assez considérables; chez certains sujets le maximum se trouve en général plus près du commencement du travail; chez d'autres, il est situé plus près de la fin. Quant au moment précis du maximum pour un tel travail intellec- tuel chez les différents sujets, on constate qu'il y a des différences assez nettes; le maximum est atteint le plus rapidement pour la mémoire des syllahes; puis vient l'écri- ture, puis l'addition, la lecture, l'acte de compter les lettres, et en dernier lieu la mémoire des chiffres. MAXIMUM atteint après : Mémoire des syllabes 24 minutes. Écriture 26 — Additions 28 — Lecture 38 — Acte de compter les lettres une par une . 39 — — — — — — trois par trois. 59 — Mémoire des chiffres 60 — La fatigue commence à prédominer sur l'exercice au bout de vingt-quatre minutes, etc. Pour les autres détails de cet intéressant travail nous renvoyons au mémoire original (Oehr.x. Eœpcr. Studien ziir Individual Psychologie. Kraepelin's Psychologische Arbeitien, t, 189o, p. 92-152), ainsi qu'à l'analyse détaillée qu'en ont donnée Bixet et Henri (Lrt fatigue intellectuelle, p. 229-261). Nous relevons l'antagonisme qui existe entre l'exercice et la fatigue, et qui apparaît aussi bien pour les épreuves de vitesse que pour les épreuves de poids et de force. L'activité sous toutes' ses formes est soumise à cette loi. Or Oehrn avait déjà fait la remarque que, si après deux heures de travail on s'arrête et qu'on se repose quelques heures, la fatigue disparaît complètement, mais les elTets de l'exercice restent acquis. On le reconnaît dans un nouveau travail; la vitesse avec laquelle on recommence à travail- ler est supérieure à la vitesse de travail de la première séance. Ces questions ont été étudiées par Amberg (1896) sur deux sujets. Les travaux intel- lectuels ont été les additions et la mémoire des chiffres. La vitesse de travail augmente contiuuellement de jour en jour. L'exercice que l'on acquiert pendant une séance se conserve jusqu'au lendemain, et même plus longtemps; ses effets ne disparaissent qu'au bout d'un repos de cinquante à soixante-douze heures. En ce qui concerne l'iutluence produite par les pauses, l'auteur a constaté qu'un repos de cinq minutes après une demi-heure d'additions est plutôt favorable au travail, mais l'effet est très faible. Une pause de quinze minutes après une demi-heure de travail reste sans effet. La même pause après une heure de travail (additions) produit un effet favorable. Si l'on alterne un travail de cinq minutes avec des repos de même durée, on constate qu'au commence- ment l'influence du repos est défavorable au travail, tandis qu'elle devient favorable vers la fin. Ces expériences seraient à reprendre sur un nombre plus considérable de sujets. L'inlluence défavorable exercée dans certains cas parle repos est expliquée avec raison, selon Amberg, par la perle de l'entraînement. Nous avons insisté sur des phénomènes de même ordre en parlant de la fatigue physique. RivERS et Kraepeli.x ont étudié l'influence produite par un repos d'une demi-heure ou d'une heure entière. Le travail intellectuel a porté sur les additions. Dans la pre- mière série de rechei'ches un travail d'une demi-heure était entrecoupé par un repos de même durée. Le résultat le plus intétessant, c'est que, la première fois, après trente minutes de calcul, le repos de trente minutes suffit pour rétablir les .effets de la fatigue, mais après la seconde demi-heure de travail ce repos ne suffit déjà plus. Dans la deuxième série d'expériences le travail de trente minutes alternait avec une heure de repos. L'in- lluence du repos a été plus efficace. FATIGUE. 199 Bettmann a étudié comparativement les effets psychiques produits par un travail intellectuel (une heure d'additions) et ceux produits par une marche de deux heures. Pour déterminer les eftets psychiques il a choisi la durée des réactions de choix et des réactions verbales, la vitesse de la lecture, la vitesse des calculs et la vitesse avec laquelle on peut apprendre par cœur des séries de chiffres. Les réactions de choix deviennent plus longues sous l'inlluence du travail intellectuel qui a duré une heure; tout au con- traire, à la suite d'une marche de deux heures les réactions de choix sont devenues plus courtes (cet effet du travail musculaire est attribué par l'auteur non à une amélioration des processus psychiques, mais à l'état d'énervement musculaire qui amenait une incoor- dination dans les mouvements). Sous l'influence du travail intellectuel, la durée des réac- tions verbales augmente; un effet analogue est produit par le travail musculaire. La faculté d'apprendre par cœur est plus fortement diminuée par le travail musculaire que par le travail intellectuel. Les autres actes psychiques sont aussi ralentis par la fatigue intellectuelle et parla fatigue physique. Ce travail est intéressant à plusieurs égards ; il est une démonstration de cette donnée que Mosso a introduite dans la science, qu'il n'existe pas d'antagonisme entre la fatigue physique et la fatigue intellectuelle, mais qu'il y a retentissement de l'une sur l'autre. Ainsi le travail physique ne peut être considéré comme un repos après le travail intellectuel. Il montre, en outre, l'extrême sensibilité des différents processus psychiques qui se modifient rapidement déjà au bout d'une heure de travail intellectuel. C'est un résultat important pour la pédagogie. A côté de ces recherches de laboratoire se placent les expériences faites dans les écoles pour mesurer la fatigue des élèves après les différentes classes. Nous avons péjà mentionné la méthode de la sensibilité tactile et la méthode ergographique. Nous pas- serons maintenant en revue \a. méthode des dictées, lannéthode des calculs et \di méthode de la mémoire des chiffres. La méthode des dictées a été la première employée pour la mesure de la fatigue des élèves; c'est la méthode de Sikorsky (1879), qui faisait faire à Kieff des dictées à des élèves de différents âges, pendant un quart d'heure le matin, avant les classes, et puis à trois heures de l'après-midi, après les classes. (Les classes finissent en Russie à trois heures. )Quinze cents dictées ont été faites; l'auteur ne tenait pas compte des fautes dues à l'ignorance des élèves : il ne marquait que les fautes involontaires. L'âge des enfants de la l''^ classe est de neuf à dix ans, et celui des enfants de la 6^, de quinze à dix-sept ans. Tableau de Sikorsky. (Fautes des Dictées.) AVANT I, KS CI. A. S SES. APRÈS LES CLASSES. DIFFÉRENCK. l" classe 123,3 156,7 + 33,2 2« 121,5 145.3 + 23,8 3' — 72,4 102,8 4- 30,4 4" - 66,5 94,3 + 27,7 5» — 61,4 81 + 19,6 6" — 45.7 80 + 34,3 Le nombre de fautes est plus considérable dans la première classe que dans la sixième, mais il augmente notablement dans toutes les classes après le travail intel- lectuel. L'auteur classe les fautes en quatre groupes : i» Les erreurs phonétiques; 2° les erreurs graphiques; 3" les erreurs psychiques; 4" les erreurs indéterminées. Ce sont les erreurs phonétiques, comprenant surtout des omissions et des substitutions de lettres, qui prédominent; car les sons, dont les mouvements d'articulation sont très ressemblants, se trouvent souvent confondus. L'auteur attribue avec raison ce résultat à un émoussement de l'attention. HôppNER a repris le travail de Sikorsky, et l'a confirmé par des expériences nouvelles. Un travail approfondi sur la même question est celui de Friedrich (1896). Le résultat est 200 FATIGUE. le même. Si avant les classes on a fait 47 fautes dans toute la classe de 51 élèves, après une heure de classe on en a fait 70. On observe surtout une augmentation du nombre de fautes lorsque entre les classes il n'y avait pas de récréation. Après une heure de gymnastique, on remarque une augmentation du nombre des fautes plus considérable qu'après une heure de classe. La méthode des calculs a été employée pour la première fois par Burgerstein (1891), qui l'a appliquée à l'élude de la fatigue intellectuelle des élèves pendant une heure de travail. Il donnait à faire des additions et des multiplications. Ses expériences étaient faites sur 162 élèves de 4 classes (68 filles et 94 garçons). Pendant une heure, quatre périodes, de dix minutes chacune, étaient consacrées au calcul. Expérience de Burgerstein. (Calculs.) SÉRIE DE CAL JULS. NOMBRE mi CHIFFRES CALCULÉS. NOMBRE DK FAUTES. NOMBRE DE CORRECTIONS. I 28,267 32,477 35.i43 39.450 sni 1,203 2, on 2,360 370 Îi77 743 96S 11 111 Nous voyons, d'après ce tableau, que le nombre de chiffres calculés augmente du premier intervalle au quatrième, le nombre de fautes augmente aussi, mais dans une proportion différente : la vitesse des calculs augmente de 40 p. 100; le nombre de fautes devient trois fois plus grand. Les expériences de Burgerstei.n furent reprises par Laser en Allemagne et Holmes en Amérique, avec un résultat presque identique. Friedrich a fait aussi des expériimces avec la méthode des calculs; ceux-ci durèrent vingt minutes. Les fautes sont d'autant plus nombreuses qu'il y a eu plus de travail intellectuel. Une heure de gymnastique aug- mente le nombre des fautes. RicHTER (1895) a introduit un autre genre de calculs dans l'appréciation de la fatigue intellectuelle; il a fait ces expériences au lycée d'Iéna. Il a donné aux élèves des pro- blèmes d'algèbre et compté le nombre de fautes avant et après les classes. Le nombre des fautes augmente vers la fin de l'heure. Enfin, Ebbinghads introduisit une nouvelle méthode, qui consiste en l'emploi parallèle de trois méthodes : les calculs, la mémoire des chiffres et la méthode de combinaison (remplir les lacunes d'un texte incomplet). Ce travail a été fait sous la direction d'EBBixG- HAUs par une commission qui avait été chargée par le gouvernement allemand d'exa- miner si le système d'enseignement allemand, qui consiste à faire le malin cinq classes de suite et à laisser l'après-midi complètement libre, ne fatigue pas les élèves. La méthode des calculs a donné des résultats analogues à ceux qu'avaienl obtenus les auteurs précédents : le nombre des fautes augmente d'autant plus qu'il y a plus de travail intel- lectuel. La méthode de la mémoire des chiffres a donné un résultat inattendu : on com- met moins de fautes après les classes qu'avant, ce qui montre que l'entraînement joue un rôle très important dans les exercices de mémoire et que ses effets masquent les effets produits par la fatigue. La méthode de combinaison a donné des résultais très vagues. Thor.ndike (1900) a entrepris de mettre à l'épreuve tout un ensemble de tests capables de mesurer la fatigue. Sa conclusion entièrement négative es! que la fatigue intellec- tuelle ne se mesure pas, elle ne produit pas d'effets objectifs pouvant être observés méthodiquement. Et pourtant les sujets accusaient un grand sentiment de fatigue. Des douleurs vagues dans les membres, un dégoût pour le travail, un sentiment d'ennui, de l'assoupissement, des nausées. Mais ce sentiment de fatigue ne diminue pas la capacité de travail. L'auteur trouve qu'on a pris souvent, comme synonyme de fatigue, le désir de ne pas travailler. Or, dans tous les cas examinés, l'effet de l'exercice a contrebalancé FATIGUE. 201 l'effet de la fatigue. Des tests d'habileté mentale furent donnés à six cents élèves avant et après le travail de la journée. Pour éviter l'effet de l'exercice, aucun test n'a été donné deux fois au même groupe d'élèves. Le travail fait le soir n'a pas été moins grand et moins correct que le travail du matin. Bibliographie. — Amberg. Ueber der Einfluss der ArheUspausen aiif die geistifje Leistungsfâlugkeit {Krœpelin's Psycholog. Arbciten, i, 300-377, 1803). — Bettma.nn. Uebev die Becin/lussung einfachev psychischer Vorgânge dutxh kôvpetiiclte nnd geistige Arbeit {Krœpelin's Psychol. Arbeiten, i, 152-208, 1895). — Binet (A.) et Courtier (J.). 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Recherches sur l'influence de l'activité cérébrale sur l'excrétion de V acide phosphorique par le rein {Proceedings of the Connecticut médical Society, 1869). CHAPITRE Vni La Fatigrue sensorielle. La fatigue sensorielle ne peut être séparée de 1 étude appiofondie des divers appareils des sens. Aussi renvoyons-nous le lecteur aux articles correspondants (Voir : Audition, Vision, Olfaction, Rétine, etc.). CHAPITRE IX Phénomènes microscopiques de la Fatigue. I. Protoplasme, muscles, nerfs. — Si nous portons sur Pelomyxa des excitants électriques faibles, en peu de temps il se ramasse en boule. Mais, si l'excitation est prolongée, le corps protoplasmique commence à présenter une destruction granuleuse à partir de la périphérie. La destraction granuleuse est caractérisée par ce fait que la cellule finit par former un amas de granulations isolées. Si, par contre, nous faisons agir d'emblée un excitant chimique de forte intensité sur le corps de l'infusoire en extension, le stade d'excitation n'a plus le temps de se manifester. L'infusoire commence à présenter la destruction granuleuse dans la forme où l'a surpris l'excitant. Ici la mort est donc la conséquence immédiate de l'excitation (Verworn). Des modifications microscopiques ont été aussi constatées dans le muscle fatigué. Bernard (H. -M.) fatigua un certain nombre de mouches bleues (Musca vomitoria) en les pourchassant jusqu'au moment de l'épuisement complet. Tandis que chez les mouches laissées au repos les fibrilles présentaient une striation transversale très nette, avec des nuances dans la colorabilité, chez les mouches fatiguées on ne pouvait distinguer que la striation entre les segments musculaires; tout le contenu des segments était uniformé- ment clair, sans présenter aucune striation. En outre, les sarcosomes, c'est-à-dire les granulations sarcoplasmatiques placées entre les fibrilles musculaires, avaient considé- rablement augmenté de volume dans le muscle fatigué. Déjà, en 1849, Du Bois-Reyiiond avait observé la disparition de la striation dans les muscles tétanisés. Dans les muscles peu altérés, la striation persiste, mais est très irré- gulière. Enfin, dans le tétanos prolongé, le sarcoplasme dégénère en une masse raccor- nie. En 1870, Kronecker décrivit la dégénérescence cireuse dans les muscles de gre- nouilles qui avaient été fatiguées durant la vie. Popoff a observé la dégénérescence cireuse des muscles dans le tétanos strychnique. Roth (1881) produisit l'hyperfaligue des grenouilles et des lapins parles tétanos électrique et strychnique, de même que par les excitations isolées. Il observa la dégénérescence cireuse, lésion très fréquente dans les différentes aflections du système musculaire et dans les infections, avec vacuoles entre les fibrilles primitives et formations cornées dans le sarcoplasme. La striation est encore visible tant que le sarcoplasme se présente sous la forme de gros fragments; mais, quand la segmentation est poussée à son plus haut terme, il n'y a plus de traces d'une striation quelconque. Kronthal (1893) affirme qu'un nerf, pris en état d'excitation et fixé aussitôt dans l'acide osmique, présente un changement de structure. Le passage du courant galva- nique est sans action; mais sous l'influence du courant interrompu on observe une ondu- lation du cylindraxe. 204 FATIGUE. II. Modifications de la structure interne des cellules nerveuses (Méthode de Nissl). — Quand on prépare les centres nerveux au moyen de la méthode de Nissl, on constate dans la cellule nerveuse la présence d'une substance fortement colorée par les couleurs basiques d'aniline (bleu de méthylène, thionine, fuchsine), disposée sous forme de grumeaux semés dans les mailles du réliculum fibrillaire. Deux théories sont en présence pour expliquer la valeur de ces éléments chromophiles, ou corpuscules de Nissl; la première, c'est que la substance chromophileest un élément de réserve nutritive, accumulée dans les cellules nerveuses à l'état de repos, et destinée à être consommée pendant leur fonctionnement (Ramon y Cajal, van Gehuchten); la substance fondamen- tale serait l'élément conducteur de l'inllux nerveux. L'autre théorie attribue à la subs- tance chromophile la valeur de l'élément fonctionnel essentiel (hinétoplasme de Mari- NESCO) . En 1889, Korybutt-Daszriewicz constata des différences de colorabilité dans les noyaux des cellules de la moelle excitée par le courant électrique. En 1892, Vas exécuta des expériences qui furent ensuite reprises par un grand nombre d'auteurs. Il excita par un courant électrique le cordon du grand sympathique du lapin, à la distance de 3 centimètres au-dessous du ganglion cervical supérieur. Après excitation, le volume du corps cellulaire avait augmenté environ d'un tiers; la substance chromophile avait diminué ou même complètement disparu dans le voisinage des noyaux [chromolysf], tandis qu'elle s'était accumulée dans la couche périphérique du proloplasma cellulaire. Le noyau était aussi plus volumineux, et il avait émigré dans la zone périphérique du cytoplasme. L'auteur attribue ces phénomènes à l'état de fatigue de la cellule; car, si l'activité est modérée, les modifications cellulaires ne sont pas aussi accentuées. HoDGE étudia chez la grenouille et le chat la structure des ganglions spinaux, dont es fibres avaient été excitées par le courant induit. 11 constata une diminution du volume de la cellule, la vacuolisation et la diminution de la colorabilité du protoplasme. Le noyau était diminué de volume et devenu arrondi. Après un repos de six à di.x-huit heures le noyau et le corps cellulaire étaient revenus à l'état normal. Les cellules des ganglions spinaux, de l'écorce cérébelleuse et de l'écorce occipitale de l'hirondelle, du passereau, du pigeon et de l'abeille présentent le soir, après un jour entier de travail, des dimensions plus petites que le matin, et des modifications analogues à celles qui suivent l'e-xcitation électrique des ganglions spinaux. En 189i, NissL étudia l'iiilluence de l'excitation du bout central du nerf facial sur les cellules du noyau d'origine de ce nerf, et conclut que les cellules d'un même groupe, c'est-à-dire celles qui appartiennent à un même type anatomique, présentent trois stades chromatiques correspondant à trois stades différents d'activité : 1" Vétat pyknomorphe, qui correspond à l'état de repos, et qui est caractérisé par l'abondance de la substance chromophile, qui se présente en amas compacts, de telle sorte que la cellule se colore fortement par le bleu de méthylène; le volume de la cellule est augmenté; 2° Vétat apyknomorphc, qui correspond à l'éLat d'activité poussée jusqj'à la fatigue, et est carac- térisé par le peu d'abondance de ta substance chromophile, qui se trouve éparpillée dans le protoplasme cellulaire; le volume de la cellule est diminue; 3» Vétat parapykiio- morphe, stade intermédiaire. La structure des cellules nerveuses est la fonction de deux facteurs: de la différenciation physiologique et aussi de l'état fonctionnel. Le polymor- phisme des cellules nerveuses, soutenu par Nissl, Arnold, Szczawinska, trouverait donc là son explication. En 1894, Mann reprit les expériences de Vas; la chromolyse de fatigue est due à une véritable disparition sur place de la substance chromatique. L'auteur employa, en outre, l'excitant normal dans deux séries d'expériences. Dans l'une, les chiens étaient soumis à un travail musculaire intense; dans l'autre, il fit agir l'excitant lumineux sur un œil, le second œil étant bandé. Le résultai fut partout le même. Pendant le repos, la subs- tance chromophile augmente dans les cellules nerveuses, tandis que cette substance diminue pendant l'activité cellulaire. L'état d'activité est accompagné de la turgescence du corps de la cellule, ainsi que du noyau et des nucléoles, tandis (jue la fatigue de la cellule se caractérise par une rétraction de la cellule et par la formation d'une substance chromophile diffuse. J. Demoor confirma les résultats de Mann sur les cellules du centre psycho-optique. FATIGUE. 205 Eve (189o) employa l'électricité, la strychnine et les acides, comme modes d'excitation. Dans tous les cas il remarqua la diffusion de la substance cliromophile dans le corps cellulaire. Il conclut à la formation d'acides dans la cellule sous l'influence de l'activité, acides agissant sur la substance basophile comme dissolvants. LuGARO (1895; reprit l'expérience de Vas. L'activité de la cellule nerveuse est accom- pagnée de la turgescence du protoplasme cellulaire, du noyau et du nucléole; la fatigue détermine la diminution progressive du volume profoplasmique. Ces modifications se trouvent en relation étroite avec l'état de la substance cliromophile. Pl'gnat (1897) excita par l'électricité les ganglions spinaux des jeunes chats; Pick tît des expériences ana- logues sur la moelle des singes et des chats, et Luxenburg (1898) sur la moelle des chiens. GuERRiNi (1899), PuGNAT (1901) et Geeraekd (1901) eurent recours à l'excitant physiolo- gique en faisant courir les animaux dans des roues tournantes. Vax Dirme (19U1) excita la moelle épinière cervicale à l'aide de courants induits, et examina ensuite l'état de l'écorce cérébrale. De toutes ces recherches sur les modifications morphologiques des cellules nerveuses dans la fatigue se dégagent avec grande netteté quelques conclusions générales, concer- nant le cytoplasme et le noyau : Cytoplasme nerveux : i" diminution ou rétraction du corps cellulaire, succédant à une turgescence, caractéristique de l'activité normale; 2° chromolyse. Noyau : diminution du volume du noyau, succédant à la turgescence de l'état d'activité normale, sa déformation et des modifications dans sa partie chromatique. Vacuolisation du protoplasme et du noyau. Quelle signification physiologique faut-il attribuer à la chromolyse de fatigue? Les histologistes n'hésitent pas à soutenir que dans toute chromolyse il y a consommation de la substance chromophile, et la discussion ne porte que sur le mode d'utilisation de cette substance. Mais, pour que le rôle nutritif de la substance chromophile puisse être admi^ en phy- siologie, il faudrait encore d'autres confirmations expérimentables. La chromolyse peut être très bien expliquée sans qu'il soit nécessaire d'admettre la consommation d'une substance. Et voici quelques faits à l'appui : Nous ne nous arrêterons pas sur les critiques formulées, notamment par Held, quant à la valeur môme de la méthode de Nissl; les corpuscules de Nissl ne préexisteraient pas dans une cellule nerveuse vivante, mais ils seraient le produit d'une précipitation par l'emploi des réactifs. Nissl lui-même, dans ses travaux récents, considère les corpus- cules uniquement comme les équivalents des états fonctionnels de la cellule nerveuse. On a comparé la substance chromatique à la réserve de giycogéne dans le foie. L'utili- sation du glycogène s'accompagne en réalité de modifications anatomiques, comme l'ont constaté Barfurth, Afanasiew, Lahousse, Moszeik, L\ngeadori-, Langley, Cavazzani. Les cellules du foie qui renferment du glycogène sont très grandes et ont des contours nets. Les cellules hépatiques des animaux en inanition sont petites, anguleuses, avec petit noyau. On peut même produire ces modifications en excitant le plexus cœliaque. L'analogie paraît donc grande entre les phénomènes microscopiques de la fatigue hépatique et ceux de la fatigue cérébrale. Mais n'oublions pas que la fonction glycogé- nique du foie est bien connue, et que ce n'est pas au microscope qu'on a demandé la solu- tion du problème; tandis que l'activité chimique de la cellule nerveuse est presque inconnue, et qu'on veut recourir au microscope pour l'élucider. Or c'est Ici une base assez fragile. Martinotti et Tirelli viennent d'établir un fait important qui s'oppose à toute explication de ce genre. Us ont appliqué pour la première fois la méthode microphotographique à l'étude de la structure des ganglions intervertébraux des lapins morts d'inanition. I^a microphotographie, plus sensible que la rétine, ne limitant pas l'attention de l'observateur au fait plus apparent de la colorabilité moindre des éléments chromatiques, mais reproduisant sur les plaques la moindre résistance à la lumière, montre dans l'inanition la persistance des corpuscules de Nissl égaux comme disposition à ceux des cellules normales. La différence semble être due moins à l'usure ou à la dissolution des éléments chromophiles qu'à un défaut de colorabilité, qui a pour résultat de rendre plus transparent le champ du microscope. Et même ce défaut de colo- rabilité ne s'observe que sur un nombre très restreint de cellules. Les granulations de Nissl ne peuvent donc être comparées à une réserve nutritive, 206 FATIGUE. puisqu'elles persistent intactes, alors que l'inanition est complète. Or de nombreux auteurs avaient décrit une chromolyse d'inanition, tout comme une chromolyse de fatigue. Les granulations n'ont perdu que la propriété de se colorer fortement par les couleurs basiques d'aniline. Mais la perte de cette propriété n'est pas nécessairement liée à la consommation d'une substance quelconque; elle montre simplement que des modifi- cations chimiques sont survenues dans la cellule en chromolyse. Pour expliquer ces modifications chimiques on peut invoquer : 1° la consommation d'une substance nutritive in situ; 2" l'absence d'une substance nutritive qui n'est plus fournie assez abondamment par le sang; 3° l'intoxication par les déchets in situ; 4" l'intoxication par des déchets formés à distance. Et il est possible que plusieurs de ces causes se réunissent pour déterminer le phénomène de la chromolyse de fatigue. La diminution du volume cellulaire pourrait être expliquée par la sortie de l'eau. Eve con- clut à la formation d'acides pendant le fonctionnement de la cellule nerveuse. Delamare pense que la chromolyse de fatigue est due à l'intoxication, les animaux surmenés suc- combant à l'urémie. Pour élucider ces questions il ne suffit donc plus d'étudier la chro- molyse de fatigue isolément; mais il faut rechercher si [par l'activité le système nerveux ne s'est pas appauvri de quelques substances, si sa réaction n'est pas modifiée et si son pouvoir toxique n'est pas augmenté. III. Modifications de la cellule nerveuse observées par la méthode de GoLGi. — La dénomination de théorie mécanique des actes psychiques pourrait s'appliquer à toutes les théories qui invoquent la possibilité pour les neurones de modifier utile- ment leurs contacts suivant l'état d'excitation ou de fatigue. Cette théorie a été basée sur deux faits expérimentaux : l'apparition, dans certaines circonstances, le long des prolongements nerveux, de gonflements dits perles ou varico- sités (état monilifurme), ainsi que la disparition d'un élément anatomique* du neurone, connu sous le nom à\ippendices piriformes. Examinons tout d'abord la possibilité d'une théorie mécanique des actes psychiques basée sur l'apparition des perles (varicosités). L'état perlé des prolongements nerveux a été signalé par Dogiel et par Re.naut (bleu de méthylène) dans les cellules nerveuses de la rétine, par Golgi (1888) avec sa méthode dans la rage, et dans les affections chroniques, inflammatoires et infectieuses les plus diverses. Tous les auteurs ne voient dans ces changements qu'un commencement de dégénérescence du neurone, d'atrophie vari- queuse, due à l'action directe des substances toxiques ou à un défaut de nutrition. Mais, parallèlement à ces recherches, on a signalé la présence de varicosités dans des états pathologiques expérimentaux, comme l'embolisme et l'inanition (Monti, 189o); l'alcoolisme aigu et chronique (Berkley, 189o); la morphinisation, la chloroformisation et la chloralisation (J. Demoor, 1896); l'anesthésie par l'éther, l'électrisation violente du cerveau, l'électrocution, l'asphyxie parle gaz d'éclairage (Stefa.nowska, 1897). Ce dernier auteur fit la constatation importante, vérifiée depuis par d'autres expérimentateurs, que ni les plus fortes excitations, ni l'anesthésie complète n'altèrent jamais la totalité du territoire cérébral; mais qu'à côté des régions cellulaires, dont les prolongements sont fortement altérés par la formation de perles, on trouve toujours des territoires indemnes. La lésion ne s'étend qu'à un certain nombre de foyers. En poursuivant ses recherches, Stefanowska a pu généraliser ses observations à tout le cerveau. On peut classer les différents territoires cérébraux suivant leur degré d'altération, la plus faible résistance étant dévolue au bulbe et aux masses grises inférieures du cerveau, la plus grande résistance étant l'apanage du corps strié, et une place intermédiaire étant occupée par l'écorce cérébrale. Quelle signification faut-il attribuer à la formation de perles ou varicosités? Est-ce une réaction physiologique ou pathologique du protoplasme nerveux? La question a été vivement débattue. Seule l'expérimentation physiologique directe pouvait résoudre la question de l'amœboïsme nerveux basé sur l'apparition des perles. « L'opinion des savants, dit J. SouRY, qui dans l'état perlé des dendrites ont cru voir un état physiologique, est hau- tement désavouée par Micheline Stekaxowsra. Nous insistons sur ce point de fait et de doctrine, car on sait que les expériences de Stefanowska ont précisément été invoquées pour la création de toutes pièces de l'amœboïsme nerveux et de la théorie histologique FATIGUE. 207 du sommeil. » Par ses recherches « marquées au coin de la véritable méthode expéri- mentale )) (Sol'ry), MicHELiME Stefaxowska cst parveuue à dissocier dans le cerveau l'état physiologique de l'état pathologique, et à démontrer que seul ce dernier est accompagné de la formation de perles. Et, tout d'abord, les perles font défaut dans le cas de léger assoupissement par les vapeurs d'éther (souris); elles n'apparaissent que lors d'un séjour prolongé dans les [vapeurs et lorsque l'empoisonnemenl est voisin de la mort. Le sommeil anesthésique peut donc se produire sans le changement mécanique, considéré par les partisans de l'amœboïsme cérébral comme la cause du sommeil. Des phénomènes semblables se produisent dans la fatigue. L'électrisation du cerveiu produit des varicosités en abondance, mais la fatigue physiologique n'amène aucune altération. Stefaxowska a examiné le cerveau d'une souris plongée dans le sommeil naturel à la suite d'une grande fatigue (longue marche) et a trouvé qu'il était indemne de toute altération. La fatigue et le sommeil qui en résultent ne sont donc pas déter- minés par la formation de perles. Un troisième ordre de preuves recueilli par Stefanowska se rapporte à la durée de l'état perlé dans le cerveau. Il persiste bien plus longtemps que les symptômes de l'anesthésie. Les perles ne se dissipent jamais avant plusieurs jours, et persistent plus longtemps dans les casd'anesthésie prolongée. La lenteur de leur disparition est certaine- ment un fait des plus défavorables à la théorie de l'amœboïsme nerveux basé sur l'appa- rition des perles. Quatrièmement, Stefanowska trouve que la longueur des dendrites moniliformes ne varie pas par suite de la formation des perles; mais les filaments qui réunissent les perles sont plus fins que ceux des dendrites à l'état normal. On ne peut supposer en aucun cas que, dans l'éthérisation légère, la non-formation des perles puisse être due à un manque d'excitation de la part de l'agent anesthésique, car nous savons, au contraire, que l'excitation se produit surtout avec des faibles doses d'anes- thésiques. Ces expériences vraiment physiologiques ont tenu compte de tous ces facteurs, [/auteur admet que les perles sont dues à une décomposition du protoplasme nerveux sous l'inlluence des agents qui troublent la vie normale des cellules nerveuses. Les perles ne seraient que des gouttelettes de la substance liquide qui s'accumulent sur les prolongements cellulaires. Elle décrit quatre phases dans la formation des perles. En résumé, la formation des perles est un processus morbide relevant des troubles de la nutrition. Cette opinion a été adoptée par la majorité des neurologistes. Mais, si les perles ne peuvent être considérées comme une réaction physiologique du protoplasme nerveux, elles n'en constituent pas moins une réaction pathologique, et ne sont pas un produit artificiel dû à l'action des réactifs. Cette opinion, exprimée par Weil et Franck, est tout à fait inadmissible vis-à-vis des faits constatés par Stefanowska, à savoir, que la dégénérescence variqueuse est susceptible de réparation, et qu'elle se localise dans certaines régions du cerveau à l'exclusion d'autres, mettant en jeu des différences de résistance. Enfin le mode de distribution des perles dans un cerveau altéré est tout à fait caractéristique ; celles-ci sont toujours disposées en /'oyers (Stefanowska), ce qui permet de les distinguer des quelques varicosités qu'on peut trouver même à l'état normal. Les expériences de l'auteur, en montrant la dépendance de la formation des perles du degré d'intoxication de l'animal, en poursuivant la genèse des perles dans toutes leurs particularités, ont d'ailleurs tranché la question à ce sujet. Examinons maintenant la possibilité d'une théorie mécanique des actes psychiques, basée sur la disparition des appendices piriformes de Stefanowska, qui sont considérés depuis les travaux de cet auteur (1897-1902) comme étant les vraies terminaisons des cellules nerveuses. Stefanowska a montré que, quand on soumet les animaux soit à une excitation vio- lente par l'électricité, soit à l'anesthésie prolongée, soit à l'asphyxie, ces causes anor- males provoquent dans le cerveau des altérations rapides; on rencontre alors dans le cerveau des foyers d'altération, dans lesquels les cellules nerveuses présentent ce double caractère, que leurs prolongements sont remplis de perles, alors qu'ils sont dégarnis de leurs appendices piriformes (fig. 22 et 23). Mais à côté des régions altérées se trouvent toujours des régions du cerveau absolument normales, en sorte que le principe de la division du travail et de la résistance variable des diverses régions cére'brales se vérifie 208 FATIGUE. lion seulement quant à la formation des perles, mais aussi quant à la disparition des appendices piriformes. Il existe un certain rapport entre la gravite' des lésions et les symptômes morbides. Des altérations moins [)roiionicées correspondent à une anesthésie légère: dans l'anes- thésie violente ou prolongée il y a disparition de tous les appendices piriformes dans les foyers altérés. Le maximum de lésion correspond à la disparition complète des appendices avec formation de grosses varicosités sur les mêmes cellules. Bien que ces deux modifications se présentent le plus souvent simultanément, elles ne sont pas liées entre elles de cause à effet. Ainsi, dès 1897, Stefanowska a insisté sur ce fait, que la formation des perles n'est pas déterminée par la disparition des appendices piriformes. Ces deux phénomènes peuvent étre;;dissociés expérimentalement. Fait extrê- FiG. 22. — I D'après M. SrKKANowsK.v) Cellules ner- veuses du noyau caudé à l'état normal. Tous les dendrites ont le parcours régulier et sont garnis de nombreux appendices piriformes. Ces fins filaments terminés par une tète piriforme donnent aux con- tours des dendrites un aspect velouté. FiG. 23. — (D'après M. Stefanowska) Cellules ner- veuses de la couche optique fortement altérées par l'éther. Tous les dendrites sont couverts de grosses perles. On voit que les dendrites ne sont point tendus, ils sont au contraire relâchés et flexueux. mement important, il existe des conditions dans lesquelles on provoque la disparition complète des appendices piriformes, sans entraînerla formation de perles. La disparition des appendices correspond à des causes d'altération moins graves que la formation des perles. Par exemple, dans l'anesthésie légère (assoupissement), ces appendices disparaissent dans certains foyers, mais on n'y observe pas de perles. Stefanowska a décrit quatre phases dans la formation des perles : la première phase est marquée simplement par la disparition des appendices; dans les phases ultérieures, on observe la formation de gouttelettes, dont la coalescence constitue les perles. En graduant Pintluence pernicieuse de l'agent modificateur, on parvient à fixer les cellules dans ce premier stade, caracté- risé uniquement par la disparition des appendices piriformes. Jusqu'ici les faits décrits semblent donc favorables à l'hypothèse d'une mobilité physiologique des appendices piriformes, mobilité pouvant expliquer la rupture ou l'établissement des contacts entre les neurones dans le fonctionnement psychique. Mais les recherches ultérieures de Stefanowska ont apporté des preuves défavorables à une pareille conception. Si la fatigue produite par l'électrisation directe du cerveau fait dis- FATIGUE. 2(J9 paraître les appendices, au contraire, la fati;:,'ue physiologique, produite par une lou^aie marche et ayant amené le sommeil (souris), reste sans aucun effet sur la morphologie cérébrale. Les cellules nerveuses apparaissent garnies de leurs appendices comme à l'état normal. L'état de fatigue n'est donc pas déterminé par la disparition des appendices. Mais l'argument le plus défavorable est sans conteste la. lente réparation des appendices après l'anesthésie. Ils ne réapparaissent en totalité que plusieurs jours après la narcose. La solution du problème apparaît donc très complexe, et on peut dire, eu toute cer- titude, que la mobilité physiologique des appendices piriformes est loin d'être un fait démontré. Toutefois, si les contacts entre les neurones sont variables, ils ne peuvent l'être que par l'intermédiaire des appendices piriformes qui sont les vraies terminaison - des cellules nerveuses. Mais Stefanowska nous laisse entrevoir la possibilité de reprendre encore la question sur une nouvelle base. Quant à la rétine, les signes objectifs de l'activité rétinienne, devant servir de base à une énergétique de la rétine, peuvent être, à l'état de fatii^ue : 1° l'exagération d'un phénomène qui apparaît déjà à l'état d'activité modérée (réaction photomé- canique, consommation de la chromatine); 2° un renversement de la réaction (transfor- mation de la réaction alcaline en réaction acide); 3" aucune modification dans la réaction de l'état d'activité (persistance du phénomène électrique). Là aussi, comme dans le nerf, le phénomène électrique est le dernier à disparaître, étant doué de la plus grande résistance. Bibliographie. — Azoulay. 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D'ailleurs cette élude est singulièrement simplifiée par les chapitres qui précèdent Peter, un des premiers, attira l'attention sur les maladies de fatigue, et signala en FATIGUE. 511 1869 les accidents fébriles dus au surmenage; il les attribue à ce qu'il appelle Vatito- typhisation, qui est l'auto-intoxication d'aujourd'hui. En 1878,Carrieu montre l'influence de la fatigue dans la plupart des maladies. Elle leur imprime un caractère particulier de gravité. Bouley en 1878 démontre que la corruption de la viande est souvent un efTet de l'état de surmenage dans lequel se trouvent les animaux au moment de la mort. Four- NG)L (1879) consacre une étude aux lésions observées chez les animaux morts de surme- nage aigu. En 1880, Révilliod désigne sous le nom de ponose les maladies de fatigue. En 1888, Rendon publie une thèse sur les fièvres de sinmenctge, Dreyi-us-Brisac étudie les manifestations morbides du surmenage physique, et Dlteour publie sa thèse sur le même sujet. On peut encore citer les travaux de Lagrange, Lacassagne, Keim, Froentzel, Leyden, Eloy, Mathieu, Robin, Goustan, Bouchard, Charrin et Roger, Mari an. Il existe certaines conditions étiologiques qui favorisent l'action du surmenage phy- sique. Ainsi l'enfant et l'adolescent sont facilement atteints par le surmenage. Il existe une fatigue de croissance. Toutes les professions pénibles peuvent nous offrir des exemples de surmenage. Il s'observe spécialement chez les militaires, et aussi dans la classe ouvrière. La machine, dit Mosso, ne reconnaît d'autre limite à sa rapidité que la faiblesse de l'homme à la suivre; or la capacité d'action de la force humaine est en rai- son inverse du temps pendant lequel elle agit. Et cependant nous voyons s'engager la lutte fatale entre la machine, puissante, infatigable, et l'ouvrier chargé de la conduire, mais qui, lui, organisme vivant, est soumis aux lois de la fatigue et de l'épuisement! Les accidents du surmenage ont aussi été observés dans les exercices sportifs, et notamment dans l'usage de la bicyclette. Chez les neuro-arthritiques, la fatigue se mani- feste avec plus de violence et se dissipe plus lentement que chez les autres sujets. Chez les convalescents, une fatigue minime peut engendrer des troubles graves. Les blessés sont dans le même état (Ollier). Comme le dit Bouchard, le système nerveux débilité est un réactif particulièrement sensible pour tous les agents provocateurs de la fièvre. L'influence du milieu cosmique est considérable. Les températures extrêmes favorisent le surmenage; la fatigue se produit aussi plus facilement lorsque la pressioii barométrique s'abaisse, et lorsque l'air est saturé d'humidité. Le surmenage physique peut être cause efficiente de maladie, ou cause prédisposante. Les accidents dus au surmenage peuvent être divisés en suraigus, aigus (ou subaigus) et chroniques. Les accidents dus au surmenage neuro -musculaire suraigu sont d'ordre cardiaque {cœur forcé) et respiratoire {essoufflement, asphyxie mortelle). Les annales vétérinaires nous en fournissent des exemples. Après la mort, les animaux pourchassés présentent de la rigidité cadavérique hâtive, et la putréfaction est rapide. Hunter avait remarqué que le sang a perdu la faculté de se coaguler, et, d'après Arloing, chez les animaux surmenés, les capillaires sont largement dilatés. On a enregistré des cas de mort dus au surmenage sportif (Bertrand, Tissié). Parmi les accidents du surmenage subaigu, il faut citer avant tout les fièvres de sur- menage. Elles durent cinq à six jours, s'accompagnent d'une prostration extrême et disparaissent par le simple repos. Le faciès typhoïde ne manque presque jamais. Elles s'accompagnent de céphalalgie, de douleurs musculaires, de troubles digestifs, de dyspnée, avec élévation de la température à 39» et 39o,5. La fièvre est subcontinue. Peter a montré aussi que la fièvre de surmenage peut affecter la forme de fièvre à rechutes. L'albuminurie est rare. L'urée est diminuée; puis, au moment de la crise, il y a une diurèse abondante et une débâcle d'urée. Les uratessont en excès. D'après Lagrange, Gautrelet, Golosanti et Moscatelli, l'acide lactique, qui fait défaut dans l'urine normale, apparaît en abondance dans l'urine des surmenés. Bouchard a constaté ({ue l'urine des courbaturés est toxique. D'après Roger, l'urine et le sang des chiens surmenés sont plus toxiques qu'à l'état normal. Les observations de Tissié et Bergonié se prononcent dans le même sens. Il en résulte que, dans la fièvre'^de surmenage, il y a auto-intoxication. D'après Mosso, la fièvre de fatigue peut être comparée à la fièvre traumatique, étudiée par Billroth et plus tard par Volkmann. Des substances nuisibles sont produites dans la fatigue, et elles viennent agir sur le système nerveux en produisant la fièvre. La fièvre de surmenage, observée dans l'expédition de Mosso sur le Mont-Rose, pouvait atteindre 39», 5 ; mais, 21-2 FATIGUE. dans certains cas, elle ne pouvait se produire malgré un travail intense. Ainsi, la tempé- rature rectale du soldat Sarteur fut trouvée égale à 37°, 3, bien que pendant l'ascension il fût charg-é d'un poids de 20 kilogrammes. Plein d'admiration devant un mécanisme aussi parfait, Mosso écrivit sur la feuille d'observation le mot : Vebermensch. La genèse de la fièvre de surmenage est pourtant passible de deux interprélations. Dans ses leçons, Bouchard a admis deux grandes classes de fièvres : les fièvres toxiques (par troubles de la nutrition ou par infection) et les fièvres nerveuses. Dans le surmenage, en faveur de l'origine toxique, on peut invoquer les phénomènes de l'auto-intoxication; et la présence des substances Ihermogènes dans les muscles (Roger). Mais Bouchard pense que la fièvre de surmenage est soit d'origine nerveuse, soit d'origine musculaire. La fièvre musculaire serait celle où la chaleur exagérée résulte directement de la con- traction musculaire (■?). Pour les formes cliniques de la fièvre de surmenage, nous ren- voyons à l'article de Marfan ainsi qu'aux thèses parues sur iiette question. Parmi les manifestations du surmenage subaigu, mentionnons encore son influence sur la fonction glycogénique; Cl. Bernard a noté la disparition de cette fonction dans la fatigue. Salvioli a constaté que la fatigue diminue la quantité du suc gastrique, qui perd ses propriétés digestives; Golm a confirmé cette influence nocive de la fatigue sur la digestion. Manga a étudié l'influence de la fatigue musculaire sur la résistance des globules rouges du sang ; il n'a jamais constaté l'hémoglobinurie. La résistance des glo- bules rouges du sang est légèrement augmentée après le travail musculaire. L'auteur suppose que cette action est due aux produits régressifs qui se sont engendrés par le travail musculaire. D'après Ceni, le pouvoir bactéricide du sang diminue après une fatigue de courte durée; il augmente si les animaux (brebis et chiens) sont soumis à une fatigue prolongée. Le surmenage chronique aboutit inévitablement à un épuisement lent de l'organisme. Il peut créer de toutes pièces la neurasthénie, maladie nerveuse acquise. Disons quelques mots du surmenage physique comme cause prédisposante de maladie. Charrin et Roger ont étudié finlluence du surmenage sur l'infection. Ces auteurs surmenèrent des cobayes et des rats blancs en les faisant courir dans un cylindre rotatif. La fatigue générale, imposée aux animaux inoculés, soit avec le charbon bactérien, soit avec le charbon symptomatique, favorise considérablement le développement de ces infections; toujours les animaux surmenés sont morts avant ceux qu'on laissait au repos; souvent même ils ont succombé, alors que ces derniers résistaient. Le surmenage physique favorise donc l'invasion microbienne. La myosite infectieuse ne se développe, suivant Brunon, que chez les sujets prédisposés par le surmenage physique. V! ostéomyé- lite des adolescents relève souvent de la même cause. L^ infection purulente médicale (pyohéniie) survient souvent à la suite de fatigues exagérées (Jaccodd). D'après Peter, la plupart des endocardites infectieuses sont dues au surmenage. Le surmenage favorise le coup de chaleur et le coup de froid (Hérigourt), ainsi que le développement de certaines maladies des reins et des poumons. Tous les troubles imputables au surmenage revêtent un caractère particulier de gravité chez les débiles nerveux (TissiÉ). Il nous est impossible d'étudier ici les effets du surmenage intellectuel. Notons seu- lement l'opinion de Charcot, que le surmenage ne peut être réalisé que par un effort de volonté. Aussi ne l'observe-t-on pas chez les jeunes enfants. Il est fort probable que les accidents attribués au surmenage chez les jeunes enfants sont dus à d'autres causes. Toute cette importante étude n'est encore qu'à l'état d'ébauche. Bibliographie. — Bianchi et Regnault. Modifications des organes dans la course de 72 heures en bicyclette, étudiées par la phonendoscopie (C. R., cxxvii, 1898, 387). — Bou- chard. Du rôle de la débilité nerveuse dans la production de la fièvre (Cong. de méd. de Rome, 1894, et Sem. méd., 1894, 153); Sur les variations de la toxicité urinuire pendant la veille et le sommeil (C. R., en, 1886, 727); Sur les poisons qui existent normalement dans l'orga- nisme, et en particulier sur la toxicité urinaire (C. R., en, 669); Influence de l'abstinence, du travail musculaire et de l'air comprimé sur les variations de la toxicité urinaire (Ibid., H 27). — BoYER. Du cœur forcé dans l'infanterie de marine, Paris, 1890. — Bouveret. La neuras- thénie, épuisement nerveux, 1891. — Castex. Du malmenage vocal [Soc. fr. d'otologie et de laryng., l^"" mai 1894). — Ceci. Du pouvoir bactéricide du sang dans la fatigue musculaire {A. i. 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Nous étudierons les matières fécales : 1° Au point de vue physique; 2° Au point de vue chimique; 3° Au point de vue bactériologique; 4° Au point de vue physiologique. Nous compléterons enfin cet ensemble par l'étude de la toxicité. Cette division, en même temps qu'elle facilitera l'exposition, permettra de grouper un certain nombre de faits qui, sans être identiques, sont liés assez étroitement. 1" Les matières fécales au point de vue physique. — La couleur dépend surtout des pigments biliaires en partie réduits et provient également des pigments contenus dans les matières alimentaires. L'alimentation exclusivement carnée rend les excréments foncés; le régin)e herbacé, vert. Si la bile n'arrive pas dans l'intestin (obstruction du canal cholédoque ou fistule biliaire), les excréments sont décolorés et prennent une teinte grise. La consistance varie avec l'alimentation et dépend de la quantité d'eau; plus pro- noncée pour une nourriture composée uniquement de viande, plus fluide avec une ali- mentation végétale. Le sucre ingéré en quantité notable la rend plus fluide. La densité est plus faible que celle de l'eau. L'odeur repoussante des fèces est, en grande partie, due à des produits non déterminés, l'indol (C'H^Az) et le scatol (CH^Az) ne contribuant que pour une faible partie à l'odeur 214 FÈCES. infecte des fèces : il en est de même de l'hydrogène sulfuré et quelquefois aussi d'une trace d'hydrogène phosphore. 2° Les matières fécales au point de vue chimique. — Nous donnerons tout d'abord l'ensemble très résumé de la composition des matières fécales, et nous exposerons ensuite les travaux qui ont élucidé certains points particuliers de cette question. «) Composition moyenne. — On rencontre dans les fèces de l'homme, outre l'eau qui entre dans leur composition dans la proportion d'environ 75 p. 100: 1" Des substances alimentaires non digérées, fécule, corps gras, matières albuminoïdes, fibres musculaires; 2" Des substances réfractaires, cellulose, chlorophylle, fibres végétales, tissu élas- tique et corné, tendon ; 3° Des pigments, stercobiline, hématine, pigments biliaires, matières colorantes des aliments ; l» Des matières grasses émulsionnées ou non ; 5« Des produits de décompositions, acides gras, depuis l'acide acétique jusqu'à l'acide palrailique, et notamment l'acide butyrique et isobutyrique, de l'acide lactique, des phénols : phénol, crésol, de l'iadol, du scatol ; un principe immédiat, l'excrétine (voyez ces mots); de la cholestérine, de l'ammoniaque à l'état de carbonate; 6° Des sels et éléments minéraux, en général sous forme insoluble, phosphate, sulfate, carbonate de chaux, phosphate ammoniaco-magnésien, du fer sans doute à l'état de sulfure; 1° Des germes et un très grand nombre de microbes. Sa réaction est en général acide, mais elle peut être neutre ou même alcaline si des fermentations ammoniacales prennent naissance. Voici quelques chiffres donnant la composition des matières fécales pour l'homme adulte (Wehsarg, cité par SchCtzenberger, Dictionnaire de Wûrtz, Article « Excréments », p. 1397). Pour 100. Eau 73,3 / Matières organiques totales. 20,87 Parties solides. 26,7 j — minérales 1,09 ( Résidus aliuienlaircs .... 8,30 Les matières organiques fournissaient : Extrait aqueux rj3,40 — alcoolique 41,65 — éthérj 30,70 Voici d'autre part quelques chiffres d'analyses donnés par Rogers (1848), Grandeau et LeclercI et MuLLER (1884) se rapportant aux matières fécales de différents mammifères. PORC. MOUTON. CHÈVRK. CHEVAL. CHIEN. ROGIÎRS. ROGERS. ROGKRS. grandeau p:t leclerc MOL Viande. LER. Pain Eau 71,13 22,87 ^j6,47 43.53 77,2.') 22,7:1 69 21 63 37 77 23 Matériaux fixes comprenant p. 100 de ma- tières sèches : Matières organiques . . . — minérales .... 02,87 37,13 86,51 13,49 81,61) 12,40 88,76 11,24 67,88 32,12 90,2 9,8 Les matières fécales de l'enfant à à part les caractères. mamelle sont si spéciales que nous en donnons FECES. -215 Elles ont été étudiées par Wegscheider (1875), Uffelmann (1881), Michel (1897). Les selles de l'enfant au]sein et bien portant sont, au moment de l'émission, de cou- leur jaune d'œuf; abandonnées à l'air, elles prennent assez rapidement une coloration verdâtre due à l'oxydation de certains pigments biliaires. Le passage de la teinte jaune à la teinte grise ne s'observerait dans les mêmes conditions qu'avec des selles provenant de lait de vache (Ufkelmann). Leur réaction est faiblement acide : elles sont dépourvues d'odeur désagréable. A l'examen microscopique, on perçoit des gouttelettes graisseuses de diamètres variables : des cristaux d'acide gras en aiguilles isolées ou réunies en buisson : des débris, tantôt nombreux, tantôt assez rares, de l'épithélium intestinal : des leucocytes, qui ne manqueraient complètement dans aucune selle, de nombreux cristaux (aiguilles généralement réimies en étoiles) de sels de chaux à acides gras; delà cholestérine; de la bilirubine, des champignons (levures); des bactéries en microcoques ou en bâtonnets formant en certains endroits des agrégats assez épais, rares et isolés ailleurs. Enfin, on rencontre en plus ou moins grand nombre des particules claires, flocons ou grumeaux que l'on a presque toujours considérés comme formés de caséine coa- gulée, et qui seraient, suivant Ukfelmann, essentiellement constitués par des gouttelettes graisseuses réunies entre elles à l'aide d'une substance spéciale !(innomée). Quelques- uns de ces grumeaux plus durs n'offriraient pas la même structure et seraient formés par la réunion de sels de chaux en aiguilles (savons) et de bactéries : ces masses ont quelquefois l'apparence de fragments de fromage blanc. L'étude chimique des selles fournit à Uffelmann les principaux résultats que voici : Elles contiennent 84,90 p. 100 d'eau (Wegscheider avait indiqué précédemment 85,13 p. 100). Elles ne renferment que très peu de matières albuminoïdes (albumines et peptones). La graisse et les acides gras forment en moyenne 13,9 p. 100 : la cholestérine 0,3 à0,7 p. 100, et les sels minéraux, 10 p. 100 du poids des fèces sèches : 30 p. JOO du poids de ces sels sont représentés par la chaux. La bilirubine se laisse facilement caractériser dans les fèces (réaction de Gmelin avec l'acide nitrique nitreux); l'essai à la liqueur de Fehling indique l'absence de lactose; la leucine, la tyrosine et l'indol ne se rencontrent pas con- stamment. En réunissant ces différentes données, on voit que, sur 15 parties de substances solides provenant en moyenne de 100 parties de fèces, il y en a 1,5 d'inorganiques et 13,5 d'organiques, dont 2 à3 sont formées de graisse et d'acides gras; 0,2 d'albuminoïdes, 0,1 de cholestérine et le reste 8 à 8,5 parties de cellules épithéliales, de mucine, de bactéries et de matériaux biliaires. Ch. Michel donne, pour les moyennes de 10 analyses de selles desséchées à 100", les chiffres suivants qui se rapprochent beaucoup de ceux des auteurs précédents. Pour 100 de matières sèches : E-Ktivait ëthéi'é (graisses et acides gras). 20,63 Azote total 4,10 Sels minéraux 10,78 Chaux 3,32 Acide phosphorique 0,73 D'après ces analyses, on voit que 100 parties de fèces séchées à 100« contiennent : Matières organiques 89,22 Sels minéraux 10,78 6) Étude particulière d'un certain nombre de substances contenues dans les fèces de l'homme. — Nous étudierons successivement en détail les substances végétales, les fibres musculaires, en tant que toutes formées, c'est-à-dire ayant échappé à l'action des sucs digestifs et les principaux composés suivants : Cellulose. Bases xanthiques. Cendres. Fer. Magnésie. Chaux. Acide phosphorique. Substances végétales. — Le travail de Moeller (1897), qui donne tout d'abord les résul- tats auxquels sont arrivés ses prédécesseurs et une minutieuse bibliographie, montre 216 FÈCES. comme résultat piincipal que, dans les conditions habituelles d'ingestion de ces sub- stances chez l'homme sain, l'amidon des céréales, ainsi qu'un grand nombre d'aliments végétaux, sont entièrement résorbés. Par une alimentation presque exclusivement végé- tale, composée, soit de pain de froment ou de seigle, ou de pain de gruau tout entier, soit de riz, pommes de terre en morceaux ou en purée, soit de légumes préparés sous forme de purée, on ne retrouve pas en général d'amidon dans les fèces. Les recherches de Moeller, au nombre de trente-deux, toutes faites sur l'homme, se divisent de la façon suivante : vingt correspondent à une alimentation variée où peuvent entrer la viande et le fromage, mais où domine de beaucoup l'alimentation végétale : par exemple, 300 grammes de pommes de terre, 300 à 430 "grammes de pain blanc ou de seigle, 125 grammes de lentilles sèches. Sur ces vingt expériences, trois fois seulement l'amidon fut retrouvé dans les fèces; et, sur ces trois cas, une des selles examinées pro- venait d'une personne malade atteinte de diarrhée. Les douze autres recherches ont été faites au cours d'une alimentation exclusivement végétale, l'amidon fut retrouvé dans les fèces quatre fois en très petite quantité et s'iden- tifiait avec lamidon correspondant au légume ingéré. Quant aux enveloppes très épaisses et cellulosiques des céréales, des légumineuses, elles ne sont pas digérées en général; les membranes ligneuses et cuticulaires sont tout à fait inattaquées. Fibres musculaires. — Kermauner (1897) a recherché la substance musculaire dans les matières fécales de i'homme et a pu en déterminer la proportion grâce à une méthode de détermination dont son travail donne tous les détails, mais dont nous ne donnerons ici que le principe. On examine au microscope et sur une fraction comme la quantité de fibres muscu- laires correspondant par exemple à o grammes de matières fécales étendues d'un certain volume d'eau et traitées dune façon déterminée. On fait la même étude dans des conditions absolument identiques, après avoir ajouté ;; 5 grammes de matières fécales OS'.Oo de viande, traitée, elle aussi, dans des conditions bien déterminées pour en dissocier les fibres musculaires. Soit N le noiiilire de fibres dans le preniior cas. Soit N' — — — second cas. N — N' représente le nombre de fibres correspondant à 0^'"",0o de viande, de sorte que l'on aura, en désignant par x la quantité de viande cherchée en grammes : X0,05 N-N' La proportion p. 100, si on opère sur 5 grammes, sera N ,.. 100 N ^■ = T^ ^XO,05X-;r- = ^^ i Comme le fait remarquer l'auteur lui-même, ce n'est pas là une méthode de déter- mination absolue; mais, employée par le même expérimentateur, elle donne des résul- tats qui, d'après les expériences d'épreuve, sont comparables. Elle est donc pleinemeni justifiée. Voici maintenant les résultats de Kermauner (tableau p. 217) : D'autres recherches du même auteur ont eu pour but de déterminer dans des condi- tions d'alimentation ordinaire, la quantité de viande éliminée, en proportion de celle qui était ingérée. L'alimentation durait trois jours, de telle façon que la teneur en fibres musculaires des matières fécales représentât assez exactement la quantité de viande éliminée. Elle se composait par jour de : Viande : 206 grammes (soit en trois jours 798 grammes). Gâteau composé de 180 grammes de farine et de 85 grammes de pommes de terre (à l'état sec . Hiz : 80 grammes. Beurre : H7 grammes. Comme bois- son, 1 litre de bière. FECES. 217 VIANDE CALCULÉE QUANTITE DE VIANDE POIDS VIANDE CONTENUE POUR 100 DE FÈCES INT.KRI'F a DES l'ECICS HUMIDKS. DANS LES KKCE.S. humides. Adu/le de %(! ans. g'"- g'-- SI-- 100 124 1 0,8 120 126 0,9 0,7 180 74 0,3 0,3 — 30 0,3 1,1 70 66 0,9 1,4 180 96,0 1,0 1,06 190 115,5 2,7 2,4 Jambon. [ 1 V,an.le. Enfant de ■> ans. 0.77 ir3 ;;o 73 0,56 lo iS 33 0,43 1,33 la 00 77 1,1 1,4 i:; :;o 31,5 0,4 0,8 86 73 0,6 0,8 Enfant de S ans. 10 43 73 1,74 2,3 10 68 61 1,58 2,6 :;3 68 1,15 l,"î i:j 64 77 2:28 3 10 ;i0 45.5 3,29 7,2 i.j 53 59 1,86 3,2 10 U) 49 1,59 3,2 O.j 46 0,52 1,1 Oo 48 1,02 2,1 62 40 0,72 1,8 62 41,5 0,51 1.2 Voici les résultats d'ensemble pour les trois jours et pour les trois personnes, A, B, C, soumises ù ce traitement. L'auteur y a joint le poids des fèces humides, secs, les cendres et l'azote : SUJETS SOUMIS VIANDE ' VIANDE P. 100 FÈCES FÈCES CENDRES AZOTE. INGHRICE. ICLIMINKIJ. I) KI.IMINl:. IRMlDIiS. SICCS. eipéricni-ts. A 798 8.3 J.04 188 61,3 7,1 5,3 R 798 1.7 0,2 164 54.7 8,8 5.3 C 798 4 0.3 363 33,4 7.6 ' 1 D'une façon très générale, on peut dire que le résidu constitué par les fibres muscu- laires est d'environ 1,2 à 1 p. 100 de la viande introduite et représente 1 à 4 p. 100 des fèces humides. Cellulose. — Menicvnti et Praus.nitz (1804-), dans u'i travail capital sur l'alimentation 21! FECES. par différentes variétés de pain, ont déterminé, en même temps que toutes les données relatives à l'utilisation (substances organiques, cendres, azote), la quantité de cellulose contenue dans les matières fécales et la proportion éliminée par rapport à celle ingérée. Voici les résultats sur deux personnes ayant la même alimentatiqji : NUMÉROS des RECHERCHES. VARIÉTÉ DE PAIX. CELLULOSE POUR 100 DES FÈCES SOCS. CELLULOSE i NON UTILISEE. 1 2 3 4 0 6 7 8 9 10 11 Pain de froment et de seigle. • . . j A Fermentation : levure | B Pain de froment et de seigle . ■ . i A Fermentation : levain \ B Pain de seigle décortiqué j „ Pain de froment décortiqué | A Pain de seigle non décortiqué • • • ^ Pain de froment non décortiqué. . j ^ 1,4 5,9 9,93 4,64 H,i 12,4 11,9 14,7 14,5 12,71 M,31 63,12 30,10 69,99 36,40 45.20 55,90 55,41 39,74 63,90 47,35 46,64 Manx (1899) a confirmé ces résultats. Bases xanthiques. — Weintraud (1895) signale le premier la présence de l'acide urique et des bases xanthiques dans les fèces. Dans sa dernière publication (citée par Petren (1898), il fixe entre 100 et 500 milligrammes par jour chez l'homme la quantité de bases xan- thiques éliminées par jour. Petren (1898) fixe l'azote des bases xanthiques à 1,8 p. 100 de l'azote des fèces et à 0,15 p. 100 des fèces desséchés. La quantité de bases xanthiques éliminées dans différents états pathologiques, la goutte par exemple, n'a pas une inlluence très marquée. La quantité par jour oscille toujours entre 50 et 100 milligrammes, les limites extrêmes élant 38 et 117 milligrammes. Une alimentation exclusivement lactée donne lieu à l'éli- mination de bases xanthiques dans les mêmes proportions. C'est ainsi que, chez un malade en convalescence d'une maladie aiguë, l'élimination fut de 68 milligrammes, rentrant ainsi dans la moyenne ordinaire. Le même auteur (1899) montre que le lait, les matières albuminoides, la bile, le mucus biliaire dialyse, les nucléo-albumines ne donnent pas de bases xanthiques par l'hydrolyse avec l'acide sulfurique, et il conclut que les bases xanthiques ne viennent pas des aliments, mais qu'elles paraissent provenir de l'estomac ou peut-être encore du pancréas. Les chiffres trouvés plus haut ont été confirmés par Parker (1900). Pour les régimes suivants, les quantités éliminées par jour sont respectivement : Régime mixte 60 milligr. Régime carné ...... 70 milligr. Alimentation riche en thymus 75 milligr. Parker fait, en outre remarquer que c'est une proportion relativement petite de la quantité ingérée que l'on retrouve dans les fèces (100 grammes de thymus renferment 227 milligrammes de hases xanthiques et 75 milligrammes seulement se retrouvent dans les fèces). Chez le chien l'élimination est de 15 à 16 milligrammes par jour. (Petren, 1898.) MiCKO (1900, p. 437) a déterminé la quantité d'azote des composés xanthiques p. 100 de fèces secs; il a trouvé pour une alimentation très riche en matière albuminoide : 0,143, 0,055, 0,0885, 0,084. Hydrates de carbone et (jraisses. — Les hydrates de carbone et les graisses sont con- tenus dans les fèces, mais leurs variations dépendent tellement de l'alimentation qu,e, pour ne pas faire double emploi, nous les étudierons dans la partie consacrée à l'étude physiologique. FECES. 219 Matières minérales. — La proportion des cendres dans les fèces et leur composition ont été déterminées par un certain nombre d'auteurs, par Rubner (1879) sur l'homme, Grundzach (1893) sur l'homme, Blauberg (1897) sur l'enfant nourri à la mamelle et arti- ciellement, Muller (1884) sur le chien. La proportion très approximative des cendres est de 1 p. 100 des fèces humides, 5 p. 100 des lèces desséchés; ces nombres^ variant avec l'alimentation, comme nous le verrons plus loin. La composition centésimale est la suivante. Elle est donnée d'après Grundzach (1893), qui rapporte en même temps les analyses des deux auteurs ci-dessous désignés. KLKMENTS. FLKITMANX. PORTES. (JRUNDZACH. NaCl KCl K20 Na20 CaO MgO Fe-^Oa P20:i S03 SiO Sable o,:>.s 0,07 18,49 0,73 21,36 10,67 2,09 30,98 1,13 1,44 7, .39 4,33 6,10 3,07 26,46 •10,34 2,50 36,07 3,13 30 Cl. j 0,344 12 3,82 29,25 7,37 2,445 13,76 0,653 0,052 4,46 La composition des cendres des fèces du nouveau-né a été donnée par Blauberg (1897). Tous les résultats se rapportent à 100 de fèces secs. Les cinq premières analyses proviennent de selles d'enfants nourris à la mamelle; les trois autres, d'enfants nourris artiliciellement avec le lait de vache. ELEMENTS. Cendres (totales). . . Soluble HCl éteiulii . Insoluble . Soluble dans solution 5 p. 100 NaOH. . . Soluble dans l'eau . . Potasse JSoude Chaux Maenésie (PO'03Fe2 CI S03 P20;i •1,27 6,17 3,10 2,63 28,63 0,900 0,323 1,923 0,302 0,298 0,203 0,219 0,800 14,34 8,34 6 5,50 11,81 1,48 0,142 2,87 0,493 0,238 0,222 0,243 1,122 13,02 3,92 9,10 8,61 0,703 0,142 1,77 0,77 0,232 0,192 0,218 0,761 13,35 6,17 7,38 6.73 0,939 0,456 1,63 0,522 0,132 0,230 0,283 0,607 11,14 6,04 5,10 4,47 9,80 0,894 0,242 1,88 0,500 0,208 0,242 0,232 0,393 13,62 9,27 6,33 13,88 1,04 2,93 0,600 0,104 0,231 0,230 1,44 17,12 10,42 6,70 6 15 1,23 2,90 0,384 0,183 0,243 0,318 1.46 16,30 14,32 2,17 2,07 14,90 1,47 6,37 0,363 0,192 0,310 0,332 2.34 Fer. — Cet élément a fait l'objet d'études très nombreuses et très variées, en ce qui concerne surtout la détermination de ses proportions relatives dans les fèces. Meyer (A) cité par G. Y oit [Hermann' s Handbuch .-Physiologie desallyemeincn Stofl'wech- sels und derErnâhnmg,vi, 383), estime à 0,06 p. 100 la quantité de fer dans les matières fécales sèches chez l'homme, et la quantité de matières fécales sèches éliminées Jour- nellement d'environ 33 grammes; c'est environ 0S'',02 qui sont rejetés par jour par les fèces. Hamburger (1878) donne un chiffre très voisin pour le chien, Muller (F.) (1884, 353) (analyses prises d'après G. Voit) donne chez le chien les proportions de : 3,46; 4,22; 6,84 de Fe-0'^ p. 100 de cendres, d'animaux nourris avec 500 et et 1000 i^rammes de 220 FECES. viande et de 2,74 p. 100 de cendres chez des animaux pourvus d'une fistule ])iliaire Voit (F.) (1892) a étudié en détail l'absorption et l'élimination du fer. Chez le chien alimenté par de la viande, la proportion est de 0,21 à 0,22 p. 100 de la substance sèche, et de 1,26 à 1,28 p. 100 de cendres. L'élimination est de H à 13 milligrammes par vingt- quatre heures. L'addition à la nourriture de fer réduit dans la proportion de 0^%05 à 0f?%12 a fait doubler ce chiffre (p. 389 du mémoire). (V. Fer). Stockman.n et Grieg (1897), reprenant celte étude sur l'homme, fixaient la quantité de fer éliminé par jour de 3 à 11 milligrammes. Lai-icquk et Guillemonat (1897), grâce à une méthode de dosage simple et très exacte (due à Lapicqiie), ont pu fixer définitive- ment la quantité de fer éliminée en vingt-quatre heures. Les recherches étaient faites sur trois adultes hommes, au régime parisien ordinaire; elles durèrent de 3 à 11 jours. Chaque élimination de matières fécales donnait lieu à une analyse. Ces auteurs ont trouvé comme moyenne 0,02 et 0,03 de fer éliminé par vingt-quatre heures, confirmant ainsi le chiffre de Mkyer. Voici d'ailleurs le résumé de ces analyses : Moyenne des 13 jours consécutifs 23 à 2o milligrammes. MILLIGR. Sujet A. — Moyenne de 2 jours 27,1 \ — de 2 jours suivants . 26,3 — de 3 — - . 19,6 _ ,1e 2 — — . 18,3 — de 4 - - . 28,5 ) Sujet B. — Moyenne de 3 jours 27 à 28 Sujet C. — Moyenne de 3 jours 16, o La chaux, la magnésie, l'acide phosphorique ont fait l'objet d'un certain nombre d'études sur lesquelles nous reviendrons lors de l'étude physiologique des fèces. 3" Les matières fécales au point de vue microbiologique. — Les bactéries se rencontrent dans les matières fécales en très grand nombre. Leur étude a fait l'objet d'un nombre considérable de travaux, dans les détails desquels nous ne pouvons entrer ici : on trouvera dans les mémoires de Vigxal (1887) et de Hammerl (1897) l'indication biblio- graphique des travaux antérieurs à 1887 et publiés entre 1887 et 1897. Vignal a isolé dans les fèces de l'homme des espèces dont deux seulement se rapportent à des types sûrement déterminés, le Bacillm coli communis et le Bacillus mesentericus vidgaris; les autres sont des bacilles, un streptocoque, un coccus, Vignal a déterminé leur nombre. A cet effet un échantillon moyen de matières fécales est dilué dans l'eau, et un poids connu de l'eau est ensemencé sur plaque. Vignal a trouvé ainsi 214 800 colonies par mil- ligramme. Il ressort, dit-il, « ce fait incontestable, que ces micro-organismes contribuent, dansune mesure qu'il nous est impossible d'apprécier, mais qui doit être assez importante, à la dissolution dans le tube digestif des matières que nous absorbons par notre nour- riture ». Un assez grand nombre d'entre eux, en elfet, ont eu une action énergique sur les aliments soumis par Vignal à leur action. Des recherches d'HAMiiERL (1897), il découle, ce qui est une confirmation d'ailleurs des travaux antérieurs, que la présence du B. coli est constante dans les matières fécales de l'homme. On y rencontre aussi les espèces suivantes : Sarcina ventriculi, Micrococcus tetragenes mobilis ventriculi, Bacillus ventriculi, Micrococcus abiogenes, Bacillus entcridis spirogenes, Bacillus intestini mobilis, Micrococcus ovalis, Bacillus coprogencs fœtidus, Bacillus coprogencs parvus, Bacillus fœcalis subtiliformis. (On consultera d'ailleurs, pour tous les détails relatifs à ces espèces : Miquel et Cambier, Traite 'de bactériologie pure et appliquée, C. IVaud, Paris, 1902. Hammerl (1897) a déterminé le nombre de bactéries pour des régimes variés chez l'homme et le cbien (Voyez le tableau p. 221). Sans entrer dans le protocole des expériences que l'on retrouvera dans le texte, ce tableau présente l'ensemble des résultats donnant le nombre de colonies par milli- gramme de fèces. Gilbert et Dominici (1894) ont mis en évidence l'action du régime lacté comme facteur important de la diminution du nombre de bactéries dans les fèces de l'homme, du chien et du lapin. Au cours d'une alimentation ordinaire chez l'homme, le nombre de bactéries, étant de 67 000 par milligramme, est tombé après cinq jours à 2 250 ; chez le chien, de 21 000 à 1000. FECES. ^"l] CHEZ L'HOMME CHEZ LE CHIEN. \ NOMDRE DE COLONIES SUR \01IBRE DE C010SIE.S StR Ag ai'. r.éliitine. Agar. Gélatine. A Variée. 85 OUO 75 00(1 Farine de maïs. 430 000 246 000 B — 17 600 17 600 — 137 300 110 500 B — 29 000 20 000 Lait. 71320 — Végétariens. Végétale. 24 2;{0 9 6811 — 156 500 116 500 - ~ Aérobie : Aiiaérobie Aérobie : 212 460) Lait .stérilisé. 13 860 19 530 — — Aiiaérobie . 294 800P^*'"" — 441 000 300 000 Aoiobie : 96 300 — Aluiérobie . 124 100 — — 37 000 50 000 G Riz. Pain. 147 500 182700 Farine do maïs stérilisée. 5 000 000 4 200 000 D — 10 000 12 600 — 181000 147 400 B — 1 000 670 _ 300 000 300 000 A Variée. 127 000 98 000 E — 12 600 24 000 B — 1 400 1 200 4" Les matières fécales au point de vue physiologique. — Nous ne traiterons dans ce chapitre que des matièi-es fécales elles-mêmes, en laissant de côté tout ce qui est de leurs rapports avec les échanges nutritifs. Ce serait entrer dans cette question même, et ce n'est pas ici le lieu. Nous diviserons ce chapitre en deux parties : 1"^ Quantité et composition des fèces suivant l'alimentation ; 2" Substances sécrétées par l'intestin comme facteur important de la composition des matières fécales des fèces. 1° Quantité et composition suivant l'alimentation. — a) Chez l'homme. — En moyenne un adulte homme élimine journellement 130 à 150 grammes de matières fécales renfer- mant 35 à 40 grammes de substances sèches. Cette quantité est d'ailleurs extrêmement variable avec l'alimentation. Rubner (1879), chez l'homme, a étudié d'une façon complète les variations de quantité et de composition suivant l'alimentation. Le tableau suivant, p. 222, copié d'après Rubnkr (p. 181) résume ce long travail. Tous les chitFres sont rapportés à 24 heures. L'examen de ce tableau montre que la quantité de matières fécales sèches éliminées journellement varie entre 13 gr. et 116 gr. Ces différences dépendent bien plus de la qualité de l'aliment ingéré que de sa dessiccation. Les variations sont encore plus mar- quées si l'on considère la masse des matières fécales fraîches; elles peuvent osciller en effet entre 53 et 1 670 grammes. Les selles sont en très petite quantité après une [alimen- tation de viande et d'œufs; elles sont au contraire énormes, après le pain bis, les pommes de terre, les carottes et les choux. L'alimentation carnée pure, si elle est supportée, donne en général très peu de fèces, et les défécations sont très espacées : chez le chien, tous les cinq à six jours; l'utilisation est d'ailleurs parfaite. (C. Voit, Hennanns Handbuch, vi, 684.) L'alimentation végétale, au contraire, a comme conséquence, en général, une élimina- tion d'une grande quantité de matières fécales très riches en eau et évacuées très sou- vent, (Chez le bœuf douze fois par jour.) Voit fait le calcul très suggestif que 100 kilo- grammes de chien vivant nourri avec de la viande éliminent 30 grammes de matières fécales comptées à l'état sec; 100 kilogrammes de bœuf nourri avec du foin en éliminent 600 gr., soit vingt fois plus. On n'a pas cependant le même chiffre pour tous les aliments végétaux, comme le dit Voit. Quelques aliments empruntés au règne végétal et constituant une partie importante de la nourriture de toutes les branches de la société, comme par exemple le riz, la farine de différentes céréales employée dans des préparations spé- ciales; pain blanc, macaroni, nouilles, sont parfaitement utilisés, même aussi bien que les aliments carnés. Ce fait est d'ailleurs bien en rapport avec ce que nous savons sur la 222 FECES. NATURE DE L'ALIMENTATION. Pain blanc (6) Riz Macaroni (a) Viande (a). Nouilles. , Œuf. . . . Pain blanc (a) Vané (d'après Pettenkoffer et Voit) Viande [b) Macaroni (6) POIDS nELALDIENl principal ingéré. Lait et fromage (e). Maïs Graisse (c) Lait et fromage (/). Lait (a) Lait {b) Pommes de terre . Lait (d) Lait (c) Lait et fromage if/). Choux Pain bis Carotte Graisse («) - (6) d). 237 638 C9o 43o 880 948 689 172 693 1291 L 200 F 7o0 1050 218 438 030 078 100 073 209 517 831 360 133 SDBSTANCES SÈCHES des aliments 779 660 626 367 743 247 454 615 307 664 738 613 40U 313 263 S19 530 397 605 494 773 412 543 611 786 109 193 64 93 131 33 219 96 635 241 174 274 1670 815 1 092 299 373 300 FECES SECS. 28,9 27.2 27 17,2 36,3 13 23,3 34 17,2 38,1 23,3 49,3 41,3 27,4 24.8 22 3 93!8 50 40,6 66,8 73,8 115,8 46,3 56 82 • PERTE V. 100 des substances sèches. 3,7 4,3 4.7 4,9 5,2 5,3 5,6 3,7 6,7 6.7 8,4 9,4 9,4 10,2 11,3 14.9 13 20,7 8,3 9,2 9,4 NATURE l'alimentation. Pain (a) Viande («) Pain (6) Œuf Viande Riz Nouille Macaroni Lait Macaroni avec gluten Lait et fromage. . . Maïs Lait et fromage. . . Lait Pommes de terre . . Pain bis Lait Lait Lait et fromage. . . CENDRES dans les ALIMENTS. 9,9 18,6 17,2 17,8 13,2 23,8 25,5 21,8 15 32 27,3 26,8 26,7 17,8 64 28,3 22 4 29 ',9 44,1 CENDRES dans les I-ÈCES. 2,8 2,97 1,93 3,2 3,6 5,3 3,3 7 "'^ ■î,2 8 8,2 8,7 10,1 10,2 10,8 13,3 20 CENDRES dans la NOURRITURE sans NaCl. 3,9 10,4 8,5 2,6 28,2 11,5 PERTE p. 100 en cendres par les fèces. 23,4 15 17,3 10,9 21 2 15' 20,9 20.9 46,8 22 2 26', 1 30 30,7 48,8 15,8 36 48,2 44,3 55.7 PERTE p. 100 après la soustraction de NaCl. 186,2 77,5 18,4 42 220 /0,7 35,8 88,4 FECES. i>^23 présence des substances végétales dans les excréments (voir plus haut : Travaux de Moeller). Le maïs et les pois donnent des quantités intermédiaires de fèces. Le pain bis, les carottes, les pommes de terre, les choux sont enfin ceux qui en donnent le plus. Hydrates de carbone. ALIMENTS. HYDRATES DE CARBONE contenus dans les aliments. HYDRATES DE CARBONE contenus dans les tèces. PERTE P. 100. Paiu blanc . . ... . .... C70 493 462 391 358 259 674 418 563 226 221 234 718 6.59 247 282 4 6 6 9 4 11 10 18 14 14 10 5.5 72 38 .50 0,8 0,0 1,2 i,r, 1,6 l,(i 1,T 2,3 3,2 6,2 6,2 6.8 7,6 10,9 13,4 18,2 Riz Macaroni Nouille Aliments riches en graisses («) Exempte d'azote. ... ... . . Macaroni et crluten . Maïs Aliments riches en graisses (6) Choux . ....... Carottes ALIMENT PRINCIPAL. GRAISSE dans les ALIMENT.S. GRAISSE dans les MATIÈRES fécales. PERTE P. 100. Viande, lard 96 191,2 350,5 74,1 118,5 214,3 143,8 157,8 88 73,4 72 2 47* 43,6 160 119,9 93,1 79,9 213,5 138,6 133,6 23,4 20,7 17,2 13.2 44,6 3,3 5,2 5,8 5,3 2,5 8,2 5,1 4,2 2,5 8 7,4 6,7 3 5,7 24,6 3,8 10,4 4 4,4 17,4 7,8 12,7 lA 4,4 2,7 3.7 1,8 6,1 6,96 5,7 6,4 17,5 4,6 5,6 3,3 ■7,1 11,3 2,7 7,7 17 21,1 Riz. . . ... Œuf Viande, beurre Pommes de terre et beurre Aliments sans azote et beurre Choux et beurre Lait -. _ — {b) La quantité d'azote et de cendres, de principes immédiats (hydrates de carbone et de graisses) que l'on retrouve dans les fèces de l'homme suivant le mode d'alimentation FECES. a été également déterminée par Rub.ner (1879). Nous ne pouvons relever tous les détails de l'alimentation : on les retrouvera dans le mémoire; nous nous contenterons de réunir les tableaux de cet auteur, tels que nous les avons trouvés dans son travail. La perte p. 100 de ces éléments, donnant ainsi les valeurs de l'utilisation, a été conservée dans les tableaux ci-dessous, copiés textuellement sur ceux de Rubner; ces chiffres peuvent, en effet, être utiles à consulter simultanément avec les autres nombres à un moment donné. La quantité de ces substances par rapport aux matières fécales elles-mêmes se déterminera aisément par la comparaison avec le tableau delà page précédente, ou plus exactement, pour éviter toute erreur, en se rapportant dans le texte original au protocole de chaque expérience. Voir les résultats, p. 222-223. 11 restait à dresser le tableau des variations de l'azote. L'étude de cet élément si important a été reporté, pour éviter des répétitions, au chapitre : Substances sécrétées par l'intestin comme facteur important de la composition des matières fécales; démonstra- tion indirecte. b) Chez le chien. ~ La même étude méthodique et complète a été faite sur Je chien par MiJLLER (1884). Cet auteur a étudié successivement les matières fécales : 1" au cours du jeûne, puis des différents modes d'alimentation suivants, à savoir; 2" viande; 3° graisses; 4° sucre; 5» féculents; 6° pain. Tous les résultats sont réunissons forme de tableau que nous donnerons sans entrer dans les détails de l'expérimentation. i° Matières fécales pendant la période de jeûne. — Les matières fécales pendant l'inanition chez le chien se présentent sous l'apparence d'une masse noire et poisseuse, d'odeur fécal oïde à peine marquée. Les résultats ci-dessous, donnant le poids des fèces éliminées par jour, ont été rassem- blés par MiJLLER. Un certain nombre, en effet, lui ont été fournis par les élèves du labo- ratoire de Voit. (Bibliographie dans le mémoire.) MATIÈRES POIDS DU CHIEN. JEÛNE FÈCES SECS FÉCALES SÈCHES MOYENNE en jour ries poifls extrêmes. EN JOUR. TAR JOUR. par 100 kilogr. de poids corporel. kgr. gr. 37,1 28 4,84 13 34,9 6 5,4 iD 21,2 29 3,2 13 21,1 23 3,7 . 18 30,0 8 6 2,41 1,36 ♦* 20,7 29 2,37 11 22,4 / 2,78 12 7,2 38 2,35 32 20,4 10 3,06 15 7 5 0,66 — 6 30 0,87 15 2,6 13 0.15 ti 2" Matières fécales au cours d'uae alimentation carnée. — Les matières fécales sont solides, formées, poisseuses, noires, et dans le milieu brunes, d'odeur fade, mais non fécaloïde. La teneur en eau oscille entre 01 »t 73 p. 100, soit 66 p. 100 en moyenne. La réaction est en général acide, mais quelquefois, après l'ingestion de viande très divisée, elle peut être alcaline. Les variations sont réunies dans le tableau ci-contre, p. 22o. Ces nombres montrent que l'ingestion d'une petite quantité de viande a comme con- séquence une élimination de fèces plus grande que pendant une période de jeûne, mais la différence n'est pas très considérable. Un résultat très intéressant aussi, c'est que la quantité de matières fécales éliminées n'estpasproportionnelleà la quantité de viande ingérée. Aune alimentation par 500, 1 000, 1 jOO, 2 000 et 2 500 grammes de viande, pour laquelle les quantités de l'aliment sont entre elles comme 1, 2, 3, 4 et 5, correspond une quantité de fèces de : off"",! ; 9,2; 10,2; 11,1; 15,4, soit la proportion 1; 1,8; 2,0; 2,2; 3,0. FECES. 223 POIDS de DURÉE de la VIANDE MATliîRKS fécales ÉLÉMENTS solides pour 100 AZOTE p. 100 AZOTE dans les CENDRES dans les CENDRES p. 100 l'ERTK p. 100 de substances recherche ingérée. sèches des fèces dans les fèces fèces dans les sèches par l'animal. en jours. par .jour. frais. fèces. par iour. par jour. fèces. les fèces. kgr. gi-- gr. gi- g'-- 3i 9 1 100 7,5 36,3 — 0,4 — — _ 31 42 300 3,1 39,0 6,3 0,33 — — 1,94 34 6 800 7,6 33,76 6,3 0,30 — — 1,83 34 12 1000 9,96 33,96 6,5 0,63 — — 1,91 35 6 1000 8,55 32,12 6,5 0,56 — — 1,63 34 49 1500 9,6 34,64 6,3 0,62 — — 1,22 32 23 1500 8,76 33,01 — 0,60 — — 1,18 33 21 1 500 11,3 27,9 — 0,70 — — 1,37 31 10 1 300 12,8 37,3 4,19 0,80 4,38 34,27 1,56 34 34 1300 9,0 31,6 6,5 0,59 — — 1,13 31 20 1500 7,8 44,9 6.5 0,51 — — 1,00 33 16 1 300 10.9 32,7 6,5 0,70 3,61 33,12 1,37 31 13 1500 9,4 33,2 6,5 0,60 — — 1,18 35 13 1300 8,8 27,7 6,5 0,57 — — 1,11 31 9 1300 10,9 32,9 6,5 0,71 — — 1,40 34 4 1500 12,1 35,22 6,5 0,77 — — 1,30 34 7 1500 10,9 19,1 6,3 0,70 — — 1,.37 33 8 1500 10,7 33,1 — — 3,54 33,12 — 38 10 1800 10,3 34,31 6,5 0,67 — — 1,10 33 5 1800 10,0 38,6 — — — — — 31 8 2 000 12,3 28,6 6,5 0,80 — — 1.17 34 0 2 000 10,0 38,1 6,5 0,64 — — 0,94 37 4 2 200 26,3 — — 1,40 — — 1,80 34 2 2 500 15,4 37,2 _ _ -^ — _ 29 48 1000 11,2 34,86 _ 0,63 — — _ 26 9 1 200 8,2 40,00 — — — — — 26 5 1000 9,2 — — _ — — _ 20 6 1000 7,3 30,00 6,01 0,44 1,63 22,58 1,29 20 4 1625 11,6 30,00 — 0,69 — — 1,23 20 11 1 355 18,2 34,46 6,24 1,13 2,73 15,03 2,44 £ 20 2 2 000 53,7 18,88 6,92 3,72 7,73 14,44 3,47 :i 20 10 1200 13,7 23,20 6,20 0,85 — — 3,34 ^ 20 4 1600 18,5 30,05 6,20 1,15 2,18 11.78 2,11 U 20 5 1000 12,3 34,20 6,20 0,76 — — 2,82 lii n 22 600 5,0 37,22 3.63 0,28 1,10 20,00 1,37 3 20 300 4,1 6,5 0,27 " 2,64 De plus, même pour une égale quantité d'aliment ingéré, les limites sont très variables (Q'^S et i25'",8 pour 1500 grammes de viande), et pour des quantités très dif- férentes, 1 000 et 2000 grammes, la proportion peut être la même (9,95 et 10 grammes). C'est là une preuve que les fèces de l'alimentation carnée, comme de l'inanition, pro- viennent en grande partie « des résidus des sucs digestifs et, en outre, de la mucine, des cellules épithéliales détruites et des produits d'élimination de la paroi intestinale ». Ainsi donc, les résidus alimentaires constituent une très petite partie des fèces et les autres facteurs jouent un rôle beaucoup plus important que la quantité de viande ingé- rée elle-même. Nous reviendrons d'ailleurs en détail sur ce sujet. La proportion d'eau dans les fèces est variable : elle dépend du plus ou moins long séjour de ceux-ci dans l'intestin. Voici quelques chilfres correspondant à une alimentation par 1 500 grammes de viande: QUANTITÉ JOURNALIÈRE de fèces^secsjen grammes. 10,9 11,1 10,7 9,6 7,8 SUBSTANCES SÈCHES p. 100 de fèces frais. 19,7 27 35,1 36,5 DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 2-26 FÈCES. Pour ce qui est des malières grasses des fèces, chez un chien, nourri pendant treize jours et journellement avec 592e^b de viande, F. MCller a trouvé : p. 100 de fèces. 10 9,5 0,4 p. 100 de l'extrait éthéré. 40,2 d'acides gras libres. 38,1 de graisses neutres, cholestérine, etc. 21,7 acides gras combinés. Les cendres dans l'alimentation carnée chez le chien constituent une partie très importante des fèces secs : entre 20 et .34,27 p. 100. La composition centésimale en est la suivante : ALIMENTATION P A R 1 000 GRAMMES VIANDE. '.' VIANDE. 600 GRAMMES VIANDE. 1 300 GRAMMES VIANDE. Fistule biliaire. 1 600 GRAMMES VIANDE. Fistule biliaire. Sable 4,99 7,40 4,2! 3,46 31,57 20,89 10,55 2,72 0,44 7,04 4,62 7.37 4,22 23,29 26,41 15,52 5,53 0,08 8,11 16 6,84 27,90 26,27 13,28 4.50 1,50 0,71 3,99 4,50 2,74 2i,70 43,16 14,76 0,29 3,15 4 3,40 2,63 20,98 26,18 14,04 7,09 0,34 C02 S03 Fe203 CaO psQs MgO . Alcalis Chlore La quantité éliminée par jour par les fèces des quatre substances principales; MgO, CaO, Fe^O^, P'^O^ (6 séries de recherches) est : I II m IV V VI MgO CaO Fe203 P^Os 0,127 0,497 0,036 0,374 gr. 0,085 0,336 0,058 0,22 gr- 0,105 0,374 0,045 0,31 gr- 0,099 0,295 0,024 0,219 gr. 0,081 0,211 0,020 0,17 gr 0,084 0,201 0,025 0,175 3° Matières fécales au cours d'une alimentation contenant des graisses. — D'une façon générale, si l'on élève la proportion de graisse dans l'alimentation, les matières fécales deviennent d'une consistance moindre, la teneur en matières extraclives s'accroît, et la teneur en eau diminue. On aura par exemple : 1 500 gr. 1 500 1 500 inde + 30 gr. graisse. + 60 — + 2:i0 — TENEUR EN EAU des fèces. 64,9 53,0 lîXTRAIT ETHRRE, 13,7 19,4 50,9 FECES. Les résultats de F. MCller sont réunis dans le tableau suivant POIDS de l'animal. g" 1 NOURR VLVNDE. ITURE. GRAISSE. VÈ MATIÈRES LALES SKCH :s. GRAISSE dans 1^ MATIÈRES FÉCALES. AZOTE. Poids absolu. p. lOÛ des fèces frais. Après souslractioQ de la graisse. Poids absolu. p. 100 dqs tèces secs. 33 8 1500 30 10,3 30,4 8,9 1,42 13,83 0,38 33 3 1500 60 15,3 33,1 12,4 2,98 19,48 0,80 34 7 1500 100 13,1 34,0 9,6 3,53 27,11 0,62 34 20 500 100 9,83 34,7 6,11 3,74 37,98 0,4 30 10 — 100 10,1 34,7 6,8 3,23 33,23 _ 35 5 1500 150 16,4 34,4 10,7 5,74 33,03 0,69 35 10 1300 130 17,6 42,3 15.8 1,8 9,98 33 5 400 200 13,4 41,8 10,3 4,9 32 0,7 34 58 aOO 200 14,7 37,1 10,3 4,41 31,32 0,67 33 5 800 200 16,9 43 11,7 3,2 31) 0,7 32 4 800 200 13,9 43 9,7 i,l — 0,6 30 32 500 230 16,3 43 11.3 3 — — 59 7 1800 230 17,7 36,26 11,4 6,3 33,61 0,7 34 3 2000 250 10,40 29 8,4 2 18,88 _ 32 2 — 350 18,7 35,2 14,6 4.1 21,84 — 32 2 800 330 13,4 31,3 8.2 3,17 38,67 0.3 33 2 1800 330 64,7 9.9 42.7 22 — — Si l'on pratique aux animaux une fistule biliaire, l'élimination devient alors plus considérable, et 40 à 60 p. 100 de fèces peuvent être constitués par des substances grasses. Voici un tableau qui met ce fait en évidence : MATIÈRES GRAISSE PERTE DURÉE NOURRITURE. FÉCALES SÈCHES. DANS LES FÈCES. de _ _ , .. , . , ,-, , . de la Poids p. 100 Poids p. 100 AZOTE. p. 100 Avant RECHBRCHE viandj:. GRAI.SSE. absolu. des lôces frais. absolu. des fèces secs. par les fèces. 5 330 130 S 29,32 2 24,81 0,4 1,37 ropératioii . 3 200 230 10 37,3 3,3 3^ 0,4 1,32 3 l 600 30 33,03 28,72 17,36 49,35 1,6 34,72 Après 600 600 100 50 133.13 59,11 73,32 56,35 3,47 60,30 l'opération. 3 600 50 27.60 40,15 11,12 40,23 0,99 22,23 3 600 130 117,30 42,60 77.73 66,25 2,38 51,82 3 1200 150 214.33 41.80 56,27 26,23 9,51 a7,51 4° Matières fécales au cours d'une alimentation contenant du sucre. — Dans ces con- ditions, d'une façon générale, les matières fécales deviennent jaunes, ont une consistance de pommade et une réaction neutre. Si le sucre est ingéré en quantité trop grande, les matières fécales deviennent de plus en plus riches en eau, et finalement diarrhéiques. On n'y trouve, en général, pas de sacre ou seulement des traces. Le tableau suivant, dont les éléments ont été fournis à Muller par Bischoff et Voit^ présente toutes les données relatives à cette alimentation : 228 FECES. DURÉE NOURRITURE. M.\T1ÈRES FÉG.UES SÈCHES. 1| POIDS EN JOURS DE l'animal. POIDS p. 100 des reclierches. VIANDE. SLfRF. aljsolu. de.s toces frais. 20 3 3.3 0 150 10,2 14,95 28 (; 1 :iO 100-3a0 n.i 27,4 33 3 400 250 12.5 32,3 30 13 500 200 7.9 27,9 36 9 rm 100-300 8.6 32 40 2 — 370-500 5.2 25,61 34 3 2 000 200 26,5 26,15 34 3 2 000 100-200 27,9 10,93 .^" Matières fécales au cours d'une alimentation contenant des féculents. — Si les féculents sont donnés seuls, les niatièies fécales se présentent avec une couleur brune, d'une consistance analogue à colles de l'inanition. Si la viande constitue une partie de l'alimentation, elles prennent les caractères de cette dernière. La composition des fèces est alors la suivante : — MATIÈRES AZOTE II DURÉE NOURRITURE. l'KCALES SÈCHES. DANS LES FÈCES. 1 POIDS Il DI" I 'animal. de la Poids p. 100 Poids RECHKRCHE. VIANDE. A.MIDON. absolu. frais. absolu. 30 3 0 100-364 10,9 41,1 _ _ 30 11 176 l00-36i 14,7 31,1 0,64 — 34 9 800 100- iOO 10.2 — 0,51 5,00 33 5 2 000 200-300 22,5 40,0 0,99 — 30 21 500 200 7,6 32,4 0,29 3,79 30 13 500 200 8,6 34,6 0.33 3,79 31 5 1500 200 18,0 30,4 1,20 6,84 33 2 1800 450 14,2 40,0 — — 33 3 400 250 10,8 32,6 — — 33 26 500 250 14,1 40,2 0.60 — 36 6 500 250 11,8 28,2 0,45 3.79 35 5 800 250 13,8 23,7 0,69 5,00 34 9 800 100-400 10,2 29,4 0,51 5,00 32 2 800 450 16,5 41.7 — — 29 16 320 354 17,1 31,3 0,76 — 31 7 400 400 14,1 25,8 0.77 5.51 33 9 0 450 19,2 37,1 — — 34 2 0 500 16,2 17,2 0,70 4,38 34 2 0 700 18,7 24,4 0,82 4,36 40 5 0 700 100,1 — 4,38 4,38 40 0 0 450 22,4 40, S — — 1 Les cendres dans un cas ont été analysées. L'animal pesait .30 kilogrammes, ingérait SOO grammes de viande et 200 grammes d'amidon, il éliminait T^^G de fèces secs, renfer- mant 23, 76 p. 100, de cendres. , Dans 100 de cendres , . Par joui- INSJLUBLE dans HCl. I'e^( )\ CaO. MgO. P^O\ SO^. Alcalis. Cl. 21,8 0,39 10,6 0,19 22,3 0,10 9,8 0,17 25,4 0,41 0,09 1,1 0.02 0,2 0,004 FECES. -2^29 6" Matières fécales au cours d'une alimentation contenant du pain. — Alors que l'ali- mentalion carnée, chez le chien, donne une éhminatiou de très petites quantités de matières fécales, l'alimentation par le pain en donne au contraire une énorme : la couleur des fèces est alors brune. Ils sontsemi fluides, riches en gaz, contiennent beau- coup d'eau, 79 p. 100 en moyenne, et, comme le calcule Meyer (cité par Muller, p. 373), 32 p. 100 de plus que le pain ingéré (alors que pour la viande la proportion est de 38 p. 100 de moins). La réaction est franchement acide. Le tableau suivant donne les proportions de matières fécales au cours de l'alimenta- tion par le pain (pain noir). Tous résultats d'ailleurs rassemblés par Muller, et provenant du laboratoire de Voit. AZOTE POIDS DDRÉb: NOURRITURE. sèches. dans le i féocs. dans les fèces. || ■■ 1 - — — III -^^~^ m 1 de Poids p. 100 Poids p. 100 Poids P. 100 1 ranimai. reclierclie. Viande. Pam. absolu. des lèces frais. absolu. des leces secs. absolu. des fèces 1 secs. :ju 21 o9li 43,6 20,00 1,39 _ _ 30 21 — G29 41,5 20,30 1,36 — — _ 29 29 — 67,0 42,4 19,17 1,39 3,27 5,30 12,49 29 28 — 732 49,4 17,72 1,.36 3,18 3,03 10.18 28 13 — 680 48,2 23,02 — — — _ 34 6 _ 8.Ï7 76,1 20,17 2,22 — — _ 33 41 — 773 .ol,0 22,92 1,49 — — 33 3 — 800 68,7 24,51 2,00 — — — 32 6 — 900 67,7 20,02 1,98 — 4,53 6,69 30 19 — 800 39,7 22,71 1,74 2,90 _ 29 20 20 Kxtr. 800 ,Ï7,4 23.22 2,09 3,65 — 28 19 — 800 a9,o 25,01 l'73 — — _ 29 14 — 800 48,4 24,68 1,46 — — _ 29 14 a Kxti'. 800 .55,9 26 36 2,03 3,62 — — 29 12 "i KxU'. 800 50,0 26,24 1,68 — — — 29 19 — 800 59,5 28,86 1,61 — — — 29 la 100 800 36,0 23,90 2,45 3,84 — — 30 8 — 1000 70,1 20,90 2,45 3,50 7,10 10,13 30 6 100 1 000 66,0 22.02 2,10 3,20 9,93 13,07 30 6 300 1 000 75,0 22.37 2,33 3,12 14,20 18,93 22 3 — 1054 106,1 17,91 3,09 2,91 7,0;î 6,63 22 22 — 1019 108,4 18,49 3,16 2,91 8,40 7.73 22 4 — 1009 123,8 28,93 3,61 2,91 — — 22 4 300 1 000 71,7 18,80 2,08 2,91 5,97 8,33 22 0 .'iOO l 000 70,:; 16.40 2,06 2,91 8,25 11,70 c) Chez le cheval. — Nous reproduisons simplement le tableau dressé par Grande.vu et Leclerc, cités par Arloing (article Cheval de ce Dictionnaire, ni, 389). Ration d'entretien. li i a a r. ^ 1 H a il ^ i T. § i 1 w 3-1 il s 1 o Ingéré. . . Fèces. . . 4914,10 1475,14 213,6 190,6 4698, ,30 1284,81 63,28 0 599,25 313,68 2317,03 384,37 134,64 67,87 387,10 147,45 773,16 371,44 93,7 23,6 230 FÈCES. Ration de travail. 5 Q à il il M O 1 H 5 7. 1 1 a 1 Ingéré. . . 7;J03,81 .328,19 6975,62 96,61 892.81 3736,62 225 860,52 1160,18 137,73 Fèces. . . 2187,23 263.34 1923,89 0 475,50 546,81 85,30 226,25 590,02 36,20 2» Substances sécrétées par l'intestin comme facteur important de la com- position des matières fécales. — a) Démonstration directe. — Ce fait, que, au cours de ralimentalion, soit carnée, soit végétale, à condition que cette dernière ne soit pas trop grossière, les fèces contiennent une très petite proportion des aliments ingérés; qu'il y a sécrétion de substances azotées pendant l'inanition; qu'enfin une alimentation très pauvre en azote ne provoque pas moins l'émission de selles qui en renferment une propor- tion atteignant les moyennes ordinaires, a eu comme conséquence immédiate de faire admettre par tous les physiologistes antérieurs à Herm.vnn qu'une partie, et non la moindre, des matières fécales était constituée par des sécrétions digestives, et plus parti- culièrement par des substances provenant de la muqueuse intestinale : Voir dit (ffer- ïïianns Handbiich, vi, 33) : « Dans les fèces se trouvent non seulement les résidus des matières alimentaires, mais ils contiennent encore les résidus des sucs digestifs, du mucus, des épithéliums de l'intestin, et peut-être encore des produits éliminés directement par la surface de l'intes- tin (fer, phosphates, chaux). Il est difficile de déterminer ce qui revient aux résidus ali- mentaires et aux substances de la dernière catégorie, et cependant ce serait, dans un grand nombre de cas, de très haute importance. » RuBNEu (1879, p. 198 et 199) dit à son tour : « J'ai donné à un homme, pendant deux jours, une alimentation exempte d'azote, ou du moins pauvre en azote, composée d'amidon, de sucre, d'axonge : Hydrates do carlione. 585 Graisse.s 157,8 Cendres 2,9 « Dans ces conditions on a : Azote ingéré 1k'',36 Azote éliminé. . . . 18\39 « On peut donc dire que cet azote provient en grande partie du résidu des sucs digestifs, et non du résidu des aliments, n MùLLER (188i, p. 344) s'exprime de la même façon, presque avec les mêmes termes. A ces hypothèses étayées sur des arguments si probants, il manquait la sanction expérimentale. Elle a été fournie par Hermann (1890). Un chien de forte taille est anesthésié, puis laparotomisé, en prenant toutes les pré- cautions antiseptiques; l'intestin grêle est sectionné en deux endroits distants l'un de l'autre de 30 à 35 centimètres. La partie sectionnée est lavée entièrement avec de l'eau tiède, d'une température de 30 à 40». Les deux extrémités sont réunies par une suture de manière à obtenir un anneau creux formé par une anse d'intestin non privé de toutes ses relations vasculaires et nerveuses, et dans lequel peuvent même avoir lieu des mouvements péristaltiques. Les deux extrémités sectionnées, partie centrale et partie périphérique de l'intestin, sont naturellement réunies pour en établir la continuité. Après quoi, tout étant remis en place, on suture les bords de la section de la paroi abdomi- nale. Neuf opérations furent pratiquées sur le chien. Deux des animaux moururent de péritonite le quatrième Jour, quatre présentant des symptômes de péritonite furent FÈCES. 23t sacrifiés, mourant le sixième jour. (Il est toutefois possible, pense Hermaxn, que ces animaux aient été sacrifiés trop précipitamment, un des trois animaux qui ont survécu avait été aussi fort malade le sixième jour.) Pour ces quatre opérations évidemment défavorables, étant donné le peu de durée de survie, le contenu de l'anneau est consti- tué par un liquide brun; l'examen monlre un grand nombre de bactéries, mais pas trace naturellement de résidus alimentaires. Les trois autres animaux opérés ne présentèrent aucun trouble pathologique (sauf un, comme il vient d'être dit); ils furent sacrifiés respectivement 16, 20 et 26 jours après l'opération. L'abdomen sectionné, l'anneau intestinal ouvert se trouva être rempli d'une masse solide grise tirant sur le brun, d'aspect rappelant les matières fécales, moulées comme elles, et d'odeur caractéristique. La réaction de cette masse est faiblement alcaline : on y trouve un nombre considérable de coccus et de bactéries de différentes espèces, des cellules incolores; aucun élément organisé en particulier, aucun élément d'origine ali- mentaire, pas d'éléments biliaires; au contraire, de la mucine qui donne la réaction de MiLLON, enfin des gouttelettes graisseuses, des cristaux en forme d'aiguilles constitués par des acides gras, dans un cas aussi des masses cristallisées de carbonate de chaux. Dans le produit distillé on peut mettre en évidence la présence de l'indol. La composi- tion centésimale est la suivante : Eau 71,89 Composés organiques. . . . 25,69 Composés minéraux 2,62 Pour Hermann, ce n'est pas la partie sèche d'un exsudât, car la quantité serait trop grande, mais bien un produit résultant des sécrétions elles-mêmes. Hermann fait le calcul suivant sur l'animal pour lequel l'expérience s'est montrée le plus favorable. L'expérience ayant duré seize jours, 60 grammes ont été trouvés dans l'anneau intes- tinal, qui mesurait 45 centimètres de longueur. La longueur totale de l'intestin étant de 470 centimètres, la quantité de matières fécales prenant naissance par jour par ce processus (en supposant que tout l'intestin fonctionne d'une manière identique), sera : ^ X -;^ = 39 grammes. C'est à peu près le chiffre normal d'élimination pour un chien de ce poids. Hermann conclut que les substances provenant de l'intestin, et en particulier les sécré- tions, constituent la partie la plus importante des fèces. Tous les travaux entrepris postérieurement ont confirmé ces résultats d'une façon rigoureuse. Ehbeni'hal et Blitstein (1891), dans le laboratoire de Hermann, ont complété les recherches de cet auteur, et à cet effet ont fait les trois séries de recherches suivantes : 1" Chiens soumis au jeftne, auxquels on pratique une fistule biliaire; 2» Chiens chez lesquels on pratique l'opération de Hermann; 3" Chiens chez lesquels on pratique un anus artificiel. 1" L'animal jusqu'à sa mort a jeûné pendant neuf jours : son poids a passé de 7 9.30 à 4 290 grammes; il a éliminé 444''''',2 de matières fécales dans lesquelles on trouve des sucs de l'intestin et du pancréas, des épitliéliums, des bactéries, et aussi une masse noire qui se montre au microscope comme composée de détritus non déterminés, et enfin une quantité très grande de petites masses pigmentées. 2" L'opération de Hermann a été pratiquée sur 10 chiens de poids moyen ; 5 moururent des suites de l'opération. Sur les 5 autres, 1 fut tué au neuvième jour, 2 au quatorzième joui-, 1 au dix- huitième, et le dernier au vingtième jour. On a trouvé les matières contenues dans l'anneau en général plus ou moins liquides, sauf pour un des animaux (chien faisant l'objet de la recherche V, p. 83, du mémoire) pour lequel le contenu de l'anneau était de consistance semi-solide, l'absorption de la partie aqueuse n'ayant pas été encore tout à fait complète. L'auteur établit alors le tableau suivant, qui comprend deux des opéra- lions de Hermann et une de Ehrknthal : 232 FECES. QUANTITE POIDS DURÉE LONGUEUR LONGUEUR de MATIÈRES EXTRAIT DE MATIÈRES fécales sèches calculée par des de de l'intestin FÉCALE.S .SEC P. 100 jour d'après les longueurs respectives de l'intestin et de l'expérience. l'anneau. fraîches. 40 16 45 cm 41 0-' 60fc- 28,11 11,01 33 23 33 401 43 29,27 3,25 22,3 14 60 310 330 4,12 5,02 Les chiflres de 11,01, de 5,2o et de 3,02 s'obtiennent de la façon suivante : quantité de matière fécale divisée par le nombre de jours, multipliée par le rapport de la lon- gueur de l'intestin à la longueur de l'anneau, lequel chiffre enfin est multiplié par la quantité pour 100 de matières sèches dans les fèces (chiffres de l'extrait sec). Or, si l'on compare ces nombres à ceux fournis par des chiens nourris avec de la viande d'après les données de Mûller (1884) résumées plus haut, on trouve, en faisant la moyenne de 23 expériences, qu'un chien du poids moyen de 30^'\1, élimine 9s^67 de matières fécales sèches, et la moyenne des 3 chiffres ci-dessus montre qu'un chien du poids moyen de 32'"'', 38 élimine 7s'09 de matières fécales, d'où on conclut que 70 p. 100 environ proviennent du tube intestinal lui-même. Quant au contenu de l'anneau, il devrait être constitué par des sucs intestinaux, des épithéiiums, mais l'épithélium est converti rapidement en détritus par les bactéries, et produit finalement des fèces vert grisâtre, composées presque entièrement de microrganismes. 3« On sectionne une partie relativement basse de l'intestin grêle, la partie périphé- rique est fermée en cul-de-sac, la partie centrale est attirée vers la paroi abdominale, et on y établit un anus artificiel. On trouve alors dans la partie périphérique, comme dans les chiens de la deuxième série de recherches, les mêmes sucs des épithéiiums, des bac- téries et une substance jaune brun tirant sur le vert brun, formée d'épitheliums nom- breux et bien conservés. On a aussi dans cette expérience les produits de sécrétion du gros intestin; on trouve de nombreux détritus épithéliaux et des masses pigmentaires brunes. En dernière analyse, Ehrenthal suppose que cette exfoliation intensive est due à des fermentations putrides produites par des bactéries. Les recherches de Berenstkin (1893), entreprises dans le même laboratoire, ont une fois de plus confirmé ces résultats. L'opération de Herm.\n.\ montre quel facteur important se trouve être l'ensemble des produits des sécrétions digestives et des sécrétions intestinales dans la composition des matières fécales. C'est aussi une voie d'élimination de certaines substances à l'état physiologique pro- venant de l'usure des tissus. On sait, d'ailleurs, qu'un certain nombre de substances toxiques introduites dans l'organisme s'élimine au niveau de l'intestin. Fr. Voit (1892) a fait la démonstration pour le fer. Un animal est opéré par la méthode de Hermann, avec cette différence cependant que l'anse exclue est fermée à ses deux extré- mités en cul-de-sac : dans ces conditions l'anse intestinale contient une quantité de fer relativement très grande. Voit trouve pour une anse de 30 centimètres environ une quan- tité variant entre 0,005 et 0,009, quantité qui, rapportée à 24 heures, correspond à 0,7, à 2 milligrammes. Ces chiffres sont très élevés. Lapicque (1897) a repris ces expériences. Un chien de 13 kilogrammes subit l'opéra- tion de Herman.v. On le sacrifie six jours après. L'anneau de 18 centimètres de long ren- fermait 14Ç"',84 (2>'''',41 à l'état sec) d'une substance gris noirâtre, d'odeur fécaloïde intense, contenant 2™sr^0o de fer, soit 0",4 par vingt-quatre heures. Ce chiffre est de même ordre que ceux de Fr. Voit. b) Démonstration indirecte. — Nous avons vu comment Voit, Rubner, Muller, anté- rieurement à Hermaxn, considéraient les matières fécales, et comment indirectement ils FECES. 233 étaient arrivés aux mêmes conclusions que Herman.n. Parmi ces divers travaux, l'un est antérieur (celui de Rieuer (1884) à la démonstralion fondamentale de Hermanx et les autres sont postérieurs. Tsuboi (1897), Prausnitz (1897), Micko, Muller (P), Poda et Prausnitz (1900) imposent à leur tour cette conclusion que les matières fécales sont consti- tuées pour leur plus grande partie par des substances autres que celles provenant de J'alimenlation. C'est à ce titre que nous les avons groupées sous la rubrique : Démons- tration indirecte, dans cette partie de notre article intitulée : Substances sécrétées par Vintestin comme facteur important de la composition des matières fécales. RiEDRR (1884), sur un même cbiendu poids de 7 kilogrammes, fait trois séries d'expé- riences, une d'inanition pendant neuf jours, une correspondante à l'ingestion de 70 à 140 grammes d'amidon, une troisième enfin correspondant à l'ingestion de 200 grammes et oOO grammes de viande. L'azote est dosé dans les fèces. Voici les résultats : ALIMENTS FÉCE.S SECS. AZOTE I)AN^^ LES FÈCES. ■ — i:n grammk. l 0 1,32 7,12 0,094 n ( 70 Amidon. M 140 - 3,04 3,67 0,11 3,9.3 3,8:i 0,22 l 200 Viande. ( oOO — 2.18 7,39 0,16 3,30 7,39 0,24 Chez l'homme, avec une nourriture composée d'un gâteau d'amidon, de sucre et de graisse de porc, les résultats sont : A L I M E N T S EN GRAMMES. (Poids sec.) FÈCES. AZOTE DANS LES FÈCES. p. 100. KN GRAMMES. 485 138,6 147,2 13,4 13,4 13,4 4.08 3,69 3,83 0,34 8,88 0,78 Ces recherches montrent déjà que, par une alimentation exempte d'azote chez le chien, les fèces en renferment une quantité qui est loin d'être négligeable; il en est de même chez l'homme. TsuBoi (1897) répète l'expérience de Rieder sur un chien de 17-18 kilogrammes. L'animal ne prend aucune nourriture pendant dix jours; les huit jour.s suivants il est alimenté avec 70 grammes d'amidon, 50 grammes de graisse et 12 grammes de sucre (en tout 132 grammes); les six jours suivants enfin, avec 200 grammes d'amidon, 80 grammes de graisse et 2a grammes de sucre (en tout 305 grani'ues). Voici les résul- tats rapportés à vingt-quatre heures : NUiMÉROS des PÉRIODES. ALIMENTS SECS FÈCES. SECS. AZOTE. GRAISSE. AMIDON. CENDRES. 1 2 3 0 132 303 2,64 5,81 12,92 0,14 0,24 0,37 0,61 1,64 1,43 0 0,37 3,60 0,61 0,76 1,04 "lU FÈCES. TsDBOi fait alors Te calcul suivant : Dans la deuxième recherche, ie'-,64 + Of'',57 (graisse + amidon; de substances sèches proviennent de la nourriture, il faut en retrancher 0'f'',67 (graisse) que l'on rencontre dans les fèces à l'état d'inanition, soit is'^,64 + 0,57 — 0,67 = l«',o4 de substances sèches provenant de l'alimentation; le même calcul pour la troisième recherche' donne 1,43 + 3,60 — 0,67 = 45^.36. De sorte que, finalement, l'élimination en grammes et par jour sera obtenue en retranchant du poids des fèces secs ce qui provient de la nourriture. Période d'inanition. . — d'alimentation ,132 grammes aliments secs). 305 — — ). 2,64 — 0, = 2r%64 5,81 — 1,54 = 48%27 12,92 — 4,36 = 8s%56 El le calcul pour 100 de fèces donne alors : 26 p. 100 provenant des aliments, 74 p. 100 provenant de l'organisme, (pour la recherche 2); et 34 p. 100, et 66 p. 100 (pour la recherche 3). La plus grande partie est donc constituée par des résidus des échanges ; la plus petite, par des résidus alimentaires. Enfin la proportion pour 100 d'azote dans les fèces secs étant : 1° pendant l'inanition . . 2° — la période 2. 3° — — 3. 5,11 4,17 4,35 la constance de ce chiffre vient encore à l'appui de la conclusion précédente. Menicanti et Praus.mtz (1894), dans leur grand travail sur l'alimentation par diffé- rentes sortes de pain, mettent en évidence ce fait que la teneur en azote p. 100 est d'une constance remarquable, alors que la quantité de fèces est variable, et que la quantité pour 100 d'azote inutilisé (ou compté comme tel) peut passer du simple au double, preuve indirecte encore de ce fait que l'azote des matières fécales provient en grande partie d'une sécrétion intestinale. L'examen des tableaux de Rubner, en ce qui concerne l'azote, montre que, pour des variations extrêmement considérables de la teneur pour 100 des aliments (1,40 à 14,11 p. 100), ainsi que pour des variations en quantité absolue de l'azote fécal de 08^'',61 à 6'f'',33, les variations de la quantité pour 100 de l'azote des fèces sont relativement faibles (3,01 à 8,38), comme on peut le voir par les chiffres ci-dessous. ALIMENTS. .\LIMENTS SBCS. AZOTE DANS LBS ALI.MIWTS SUCS. FÈCES SECS. AZOTE. D.\ss i.KS Ki;ci:s skcs. p. 100. eu gramme. p. 100. cnçrammes. Viande. . . 367 247 377 678 595 743 626 765 641 552 819 352 14,11 8,36 4,88 3,91 1,63 1,63 2 1,74 1,73 1,54 1.40 1 .84 48,8 20,7 18,4 26,5 9,7 11,9 10,9 13,3 11,1 8,9 11,5 6,5 17,2 13 34,4 86,2 26,2 36,3 27,0 115,8 49,3 27,2 93,8 83,1 6,73 4,70 4.55 7,34 8.38 6,37 6,88 3,68 4,60 7,85 3,93 3,01 1,16 0,61 1,56 6,33 2,19 2,31 1,86 4,26 2,27 2,13 3,69 2,52 Œufs Lait ipar moitié) .... Pois (par moitié) .... Pain (par moitié . . . . Nouilles Macaroni Pain bis Mais Riz Pommes de terre. . . . Carottes Prausnitz (1897) établit pour une nourriture déterminée l'élimination de fèces qu'il désigne sous le nom de « fèces normau.'c », Cette nourriture se compose de : café ou thé sucré pris le matin; riz à midi et le soir; dans l'aftrès-midi, gâteaux préparés avec de la farine fine de froment, et comme boisson 1/2 à l litre de bière ; ou encore, toutes choses FECES, 235 restant les mêmes, le riz remplacé par 300 grammes de viande de bœuf. Cinq personnes (n"* 1, 2, 3, 4, 5) furent soumises à ce régime, viande ou riz, et les analyses donnèrent les résultats suivants : (On a adjoint à ce tableau sous le numéro 6 les fèces d'un végétarien nourri comme ci-dessus.) per80NNf:s NOURRITURE EXTRAIT SOUMISIiS l'RINtIPALK. AZOTE P. 100. ÉTHKRK. CENDRES. il l'alimentation. Riz. 8,83 12,43 15,37 1 Viande. 8,7o 15,96 14,74 2 ( Riz. ( Viande. 8,31 18,23 11,05 9,16 16,04 12,22 3 i Riz- ( Viande. 8,59 15,89 12,58 8,48 17,52 13,13 4 ( Ri/.. 8,25 .> 14,47 ( Viande. 8,16 » 15,20 5 i Riz. 8,70 » 16,09 ( Viande. 9,05 .) 15,14 6. . ^. 1 Végétarien. 8,78 8.65 18,64 16,39 12,01 MOYI. NNE 13,82 Une nourriture moins bien résorbée donne, en général, une teneur en azote plus faible (4,86 p. 100 pour un pain très grossier, alors que le chiffre d'utilisation ou compté comme tel, de cet élément est de 42,3 p. 100). Ainsi donc la eomposition des fèces n'est jamais comparable à la composition de la nourriture absorbée. Les aliments sont-ils résorbés incomplètement? ce sera bien plus la sécrétion d'une importante quantité de sucs intestinaux qui, venant s'ajouter au résidu des aliments, contribuera à la formation de fèces dont la teneur en azote sera supérieure à celle des aliments introduits. Une différence très prononcée entre l'alimentation végétale et animale au point de vue de leur utilisation dans le canal digestif n'existe pas, et celle-ci dépend absolument du mode de préparation des aliments végétaux. Et en effet, les aliments les mieux utili- sés sont végétaux. Lors, par exemple, d'une alimentation par le riz, par des farines de première qualité, on ne trouve pas d'amidon ou seulement des traces dans les fèces, (MoELLER, 1897) (voir plus haut p. 234), alors que pour une alimentation carnée une propor- tion très faible, mais non négligeable de fibres musculaires (Kermauner, 1897), se retrouve dans les fèces. Et Prausivitz conclut alors que les fèces humains se composent, non des résidus de l'alimentation, mais en grande partie des sécrétions intestinales. La quantité dépend de la variété de la nourriture; tels aliments demanderont pour leur digestion la sécrétion d'une quantité plus grande de sucs intestinaux, tels autres moins, et, finalement tradui- sant sa pensée en une phrase typique peut être trop absolue, il dit : « Es ercheint daher richtiger von mehr oder weniger Koth bildenden, als von schlecht oder gut ausnutzbaren Nahrungsinittehi zu sprechen (p. 334) », dont la traduction peut être la suivante : « C'est pourquoi il paraît plus juste de parler d'aliments formant plus ou moins de fèces que d'aliments bien ou mal utilisés. » Cette phrase avait été écrite pour la première fois en 1894 (Menicanti et Prausn'itz, 1894, p. 3S4). Dans l'introduction d'un travail d'ensemble entrepris avec la collaboration deMiCKO,PoDA et Miller (1900), Prausnitz l'énoncç à nouveau, et les nouvelles rechercbes de ces auteurs en donnent une fois de plus la démonstration expérimentale. (Cet impor- tant travail ne peut trouver qu'un court résumé ici; mais, au point de vue de l'utilisa- tion, il sera consulté avec grand intérêt.) C'est une substance albuminoïde désignée sous le nom de plasmon, retirée du lait aigre, qui sert d'aliment d'étude. Du premier tra- vail, dû à PoDA et à Prausnitz et du second, dû à Micko, il résulte que la résorption du plasmon est aussi complète que celle de la viande, sinon supérieure, et qu'aucun produit 236 FÈCES. de dédoublement de la caséine, en particulier de la paranucléine ne se rencontre dans les fèces. Le dernier travail de MCller, quoique non intimement lié à l'étude du plasmon, n'en est pas moins intéressant et confirmatif, car il montre que les résidus phosphores de la caséine ne se retrouvent pas dans les fèces, qu'il s'agisse de nourrissons alimentés par le lait maternel ou avec le lait de vache, ou d'adultes alimentés avec du lait de vache. Toxicité des matières fécales. — Les matières fécales sont toxiques. Bouchard, (1887), à qui l'on doit les principales données relatives à ce sujet, a montré que l'extrait alcoolique est beaucoup plus toxique que l'extrait aqueux. Dans un cas, en injection intra- veineuse chez le lapin, l'extrait alcoolique de 17 grammes de matières fécales de l'homme a tué l'animal en déterminant de grandes convulsions. L'extrait des matières fécales débarrassé des substances minérales est beaucoup moins toxique (huit fois moins environ). Arloing et Nicolas, cités par Mor.\t et Doyon (1900, 376), sont arrivés d'une façon géné- rale aux mêmes conclusions. Gley et Lambling (inédit) ont constaté chez le lapin, à la dose de 68'",2 par kilogr., en injection intraveineuse d'un extrait aqueux à 2 grammes d'eau pour i gramme de fèces de chien soumis à un régime de soupe, de pain et de graisse, les phénomènes suivants : constriction pupillaire, secousses convulsives, mouve- ments cloniques, attaque tonique, mort par arrêt de la respiration, le cœur battant encore. Délimitation des fèces. — La délimitation des fèces pour l'étude des variations de leur quantité et de leur composition suivant un régime donné, ou pour l'étude de l'utili- sation, est, on le conçoit aisément, d'une importance primordiale. Bidder et Schmidt, cités par Voit (Hermann's Handbuch, vi, 32), ont ftiit remarquer que les fèces noirâtres et pois- seux de l'alimentation carnée peuvent être facilement distingués des fèces volumineux fournis par le pain noir pour le chien. C. Voit (Hermann's Handbuch, 32) a conseillé l'emploi dos tendres. Dix-huit heures avant et dix-huit heures après la fin d'une série de recherches, ou donne à l'animal 60 grammes d'os tendres, et les fèces sont délimités entre deux portions d'excréments blanchâtres, grumeleux, et faciles à distinguer. Adamkiewickz (cité par Voit, 32) fait avaler aux animeaux une petite éponge, au com- mencement et à la fin d'une série de recherches. SALROwsKietMuNK (cités par Voit, 32) emploient quatre petits morceaux de liège qu'ils retrouvent dans les fèces. Chez l'homme, la délimitation des fèces est liée à des difficultés encore plus grandes. Ranre (cité par Voit, 31) conseille l'emploi d'airelles, dont les enveloppes dans les fèces sont reconnaissables à leur couleur rouge. RuBNER, dans toutes les recherches que nous avons mentionnées, a employé le lait, qui, s'il n'occasionne pas de diarrhée, fournit des fèces de couleur claire assez consistants. Vingt-quatre heures avant la recherche on fait absorber 2 litres de lait, la dernière por- tion 16 heures avant le commencement. Le dernier jour de la série, quinze heures avant la fin de celle-ci, le dernier repas est pris, et, six heures après la fin, deux litres de lait sont de nouveau ingérés. Cremer et iNeumayer (1897) emploient l'acide silicique humide. Analyse des Fèces. — Voir Dictionnaire de VVCrtz, 2'^ SuppUnient. Bibliographie. — 1848. — ■ Rogers. 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Ces cellules sont fournies parfois par le même individu, le plus souvent par deux individus de la même espèce ou d'espèce voisine, mais de sexe différent. Les cellules sexuelles sont semblables, chez certains organismes inférieurs; mais, chez la plupart des végétaux et des animaux, il existe des organes femelles qui produisent des œufs, de forme et de dimensions bien différentes des éléments mâles (pollen ou ^spermatozoïdes) qui sont élaborés par les anthères ou les testicules. Pour mettre quelque clarté dans cette étude fort complexe, nous commencerons par les êtres chez lesquels les éléments sexuels sont très apparents, et sur lesquels il est le plus facile d'expérimenter. Voici l'ordre que nous adopterons dans cet exposé, et les divers chapitres que nous consacrerons à cette étude : il consiste, en somme, à décrire les phénomènes tels qu'ils se présentent dans leur série naturelle et à déterminer ensuite les conditions variables de leur production. L La fécondation exirje le contact intime des œufs et du sperme ou pollen. a) Animaux; b) Végétaux. II. Les éléments mâle et femelle qui se réunissent pour former un Jeune être ont chacun la structure d'une cellule. III. Les éléments mâle et femelle représentent non point deux cellules complètes, mais deux cellules pourvues seulement de fractions de noyau. A. Végétaux. — Origine du grain de pollen et valeur cellulaire de l'élément fécondateur mâle. B. Animaux. — Origine et valeur cellulaire du spermatozoïde. IV. Valeur cellulaire de V ovule. A. Oosphère ou ovule des végétaux supérieurs. B. Ovule des animaux. V. Phénomènes qui précèdent et accompagnent V union de l'anthérozoïde ou spermatozoïde au noyau de l'ovule arrivé à maturation. A. Végétaux supérieurs. B. Animaux. — a) Ovulation; b) lieu de la fécondation; c) maturation de l'ovule; d) pénétration du spermatozoïde dans l'ovule; e) évolution des pronucléi; f) copulation des pronucléi. VI. Fécondation chez les organismes inférieurs. A. Copulation des Infusoires. B. Conjugaison et copulation des végétaux inférieurs. En modifiant les con- ditions de milieu, on détermine un seul et même élément à se repro- duire par voie agame ou sexuée. VII. Considérations théoriques. VIII. Théories de la fécondation. IX. Conclusion générale. I. La fécondation exige le contact intime des œufs et du sperme ou pol- len. — Animaux. — De tous temps on savait que, chez les animaux supérieurs, il fallait le concours de deux êtres de sexe différent pour la procréation d'un nouvel être. On con- naissait également le produit sexuel des femelles des Poissons, des Grenouilles, des Reptiles et des Oiseaux. L'observation la plus élémentaire avait également montré que, chez Içs Reptiles, les Oiseaux et chez les Mammifères, le jeune être ne prenait naissance qu'après l'union des sexes; le liquide séminal du mcàle avait besoin d'être répandu dans les organes génitaux femelles. En étudiant l'organisation des mâles et des femelles, on trouva de bonne heure, chez les Poissons, les Reptiles et les Oiseaux, les organes produc- teurs des (cufs ou ovaires caractérisant la femelle et les glandes séminales ou testicules, propres au mâle. On s'aperçut de l'existence d'ovaires chez les Mammifères, mais leurs fonctions restèrent problématiques, tant qu'on ne regarda qu'à l'œil nu. En effet, les œufs ou ovules des mammifères sont de taille si réduite que de Baer C1827) dut recourir aux verres grossissants pour les découvrir. Quant au sperme fourni par les testicules, on le crut constitué par un liquide, liqueur séminale, jusqu'au jour (1677) où L. Hasi et Leeuwenhoek l'étudièrent au micro- FÉCONDATION. 239 S( ope. Une goutte de sperme montre, dans ces conditions, une quantité innombrable (60 000 par millimètre cube) de filaments qui se meuvent et s'agitent en tous sens à la façon d'un tas de vers ou d'Infusoires qui grouillent. De là l'idée d'animalcules spennatlqiies. Quelle est la part que prend l'œuf d'une part, le ver sperraatique de l'autre, dans la fécondation? L'œuf renferme-t-il déjà l'embryon ou jeune être? Le ver spermatique ne fait-il que lui communiquer le mouvement vital? Ou le ver spermatique représente-t-il déjà le jeune individu qui ne se développerait que dans le milieu femelle? Les médecins et les philosophes émirent sur ce point les idées les plus fantaisistes, de sorte qu'au xxu]" siècle on ne comptait pas moins de trois cents théories de la génération. Il fallut des siècles de spéculations avant que l'on songeât à extraire les œufs des femelles d'animaux à fécondation externe et à les mettre en contact avec le sperme des mâles. D'après de Montgaudrv (Voir l'historique dans Gu. Robin, loc. cit., 392), Dom Pin'Chon', de l'abbaye de Réame, aurait le premier connu le procédé de pratiquer artificiellement la fécondation : en versant sur les œufs de poissons la laitance du mâle, il les aurait fécondés. Mais c'est Jacobi (1764) qui établit le fait expérimentalement : par la pression du ventre, il fît sortir de l'ouverture cloacale les œufs d'une truite qui était sur le point de frayer. Après les avoir reçus dans un vase, il prit la laitance du mâle et la fit couler sur les œufs. Le résultat fut positif, car les œufs se développèrent et produisirent de l'alevin. Ce n'est que vers 1777 que Spallanzani pratiqua méthodiquement la fécondation arti- ficielle sur les Batraciens et détermina rigoureusement les conditions de la fécondation sur les grenouilles, les crapauds, les salamandres, les vers à soie et le chien. Ces expé- riences sont le point de départ et la base de toutes nos connaissances sur la féconda- tion. Je ne puis les rapporter toutes; je me contenterai d'en citer les essentielles. Spallanzani sépara la femelle du crapaud mâle accouplé; il la mit solitaire dans un vase d'eau et la vit pondre deux cordons visqueux d'œufs. Il mit chacun des cordons dans un vase séparé. Puis il sacrifia le mâle et ouvrit les vésicules séminales, et, à l'aide d'un pinceau, il baigna de sperme l'un des cordons, c'est-à-dire les œufs. Au bout d'une semaine, il vit le cordon baigné dans la liqueur séminale laisser échapper nombre de têtards qui nagèrent librement dans l'eau : au contraire, les œufs non fécondés restèrent comme ils étaient dans le cordon, et bientôt commencèrent à se corrompre. Il habilla des grenouilles mâles avec des caleçons de taffetas ciré ; ces dernières ne con- tinuèrent pas moins à s'accoupler avec les femelles; mais aucun des œufs ne pouvant être humecté par le sperme, ils restèrent tous stériles. Recueillant les gouttes de liquide trans- parent qui se trouvent dans le caleçon des màles accouplés, Spallanzani put s'en servir pour opérer la fécondation artificielle des œufs pris dans les organes génitaux femelles. Pour que les ovules puissent être fécondés par le sperme, il faut qu'ils soient arrivés à un degré spécial d'évolution qu'on appelle maturité (Voir plus loin). Spallanzani, pre- nant les œufs de Batraciens dans l'ovaire, eut beau les arroser de sperme, il n'en vit pas sortir de têtards. Il ne fut pas plus heureux avec ceux qu'il recueillit dans la portion supérieure de l'oviducte; ils restèrent stériles. C'est la portion élargie de l'oviducte qui seule contient des œufs fécondables. Après avoir réussi à féconder les œufs de Batraciens, Spallanzani [loc. cit., t. m, 223) songea à opérer la fécondation artificielle sur des animaux à fécondation interne, c'est- à-dire dont les œufs sont fécondés dans le corps maternel. Il expérimenta sur le vers à soie et la chienne. Il isola des femelles de vers à soie sous une cloche de verre et « aussitôt que les femelles prisonnières commençaient à pondre leurs œufs, je les baignai, dit-il, avec la liqueur séminale du mâle. Ces œufs d'abord jaunes, commencèrent après quelques jours à bleuir et à tirer sur le violet et, au bout d'une semaine, j'en vis sortir les petits vers; tandis que les autres œufs, qui n'avaient pas été baignés avec la liqueur séminale, restèrent jaunes, devinrent humides et périrent ; j'ai eu dans deux expériences différentes cinquante-sept petits vers éclos des œufs fécondés artificiellement. » Après ce succès sur les vers à soie, Spallanzani résolut d'essayer la fécondation arti- ficielle sur la chienne. « La chienne que je choisis, dit-il (loc. cit., 225), était de la race des Barbets, d'une grandeur moyenne; elle avait mis bas d'autres fois et je soupçonnais qu'elle ne tarde- ^240 FECONDATION. raitpas d'entrer en folie; dès lors, Je l'enfermai dans une chambre où elle fut obligée de rester longtemps, et, pour être sûr des événements, je lui donnais moi-même à man- ger et à boire : je tins seul la clef de la porte qui l'enfermait. Au bout du treizième jour de cette clôture, la chienne donna des signes évidents qu'elle était en chaleur, ce qui paraissait par le f^ontlemeiit des parties extérieures de la génération et par un écoule- ment de sang qui en sortait; au vingt-troisième jour, elle paraissait désirer ardemment l'accouplement : ce fut alors que je tentai la fécondation artificielle de cette manière. J'avais alors un jeune chien de la même espèce; il me fournit, par une émission spon- tanée, dix-neuf grains de liqueur séminale que j'injectai sans délai dans la matrice de la chienne avec une petite seringue fort pointue, introduite dans l'utéius; et, comme la chaleur naturelle peut être une condition nécessaire au succès de la fécondation, j'eus la précaution de donner à la seringue la chaleur de la liqueur séminale du chien, qui est environ de 30 degrés de thermomètre Réaumur. Deux jours après cette injection, la chienne cessa d'être en chaleur, et, au bout de vingt jours, le ventre parut gonflé; aussi, au vingt-sixième jour, je lui rendis la liberté. Le ventre grossissait toujours, et, soixante- deux jours après l'injection de la liqueur séminale, la chienne mit bas trois petits fort vivaces, deux mâles et une femelle qui. par leur forme et leur couleur, ressemblaient non seulement à la mère, mais aussi au mâle qui avait fourni la liqueur séminale. Le succès de cette expérience me fît un plaisir que je n'ai jamais éprouvé dans aucune de mes recherches philosophiques. » « Spallanzani {Ioc. cit., 311) rapporte une expérience analogue faite par Pierre Rossi, de Pise, sur une autre chienne. Cette chienne reçut k quelques jouis d'intervalle trois injections de sperme; au bout de 62 jours, elle mit bas quatre petits « dont la cou- leur et la forme ressemblaient, non seulement à la mère, mais encore au chien qui avait fourni la liqueur séminale; c'est ainsi que l'intéressante découverte de l'abbé Spallanzani a été confirmée. » On a longtemps disputé, dit Spallaxzani [Ioc. cit., 203), et l'on dispute toujours pour savoir si la partie visible et grossière de la semence sert à la fécondation de l'homme et des animaux, ou si une partie très subtile, une vapeur qui s'en exhale et qu'on appelle aura spermatica, suffit pour cette opération. Pour résoudre ce problème, Spallanzani fit les expériences suivantes : il mit dans un verre de montre de la liqueur séminale de plusieurs crapauds et dans un autre verre semblable 20 à 30 œufs qui, par la visco- sité de la glu, s'attachèrent avec ténacité à la concavité du verre. Il plaça le second verre sur le premier, et ils restèrent ainsi pendant des heures. Les œufs ne se dévelop- pèrent point. La fécondation n'est donc point produite par la vapeur spermatique, mais par la partie sensible de la semence. Ces expériences sont décisives : le contact du sperme et des œufs est indispensable pour qu'il se développe un nouvel être. Mais quelle est l'influence exercée par le sperme? Comment peut-elle dès les premiers instants de contact se propager ainsi dans toute étendue de l'œuf, et bien loin de la partie qui doit devenir le siège du développe- ment du jeune être? En jetant le sperme sur un filtre suffisamment redoublé, on arrête les spermatozoïdes, et le liquide qui passe à travers le filtre n'est plus propre à féconder les œufs. Les sperma- tozoïdes sont donc nécessaires à la fécondation, conclurent Prévost et Dumas, dès 1824, Bien que Spallanzani fiit un génie, il partageait les erreurs de Haller et de Bonnet sur la nature de l'œuf et du spermatozoïde. On admettait alors que le germe, c'est-à- dire l'embryon, existait tout formé dans les œufs avant la fécondation. C'était la théorie de la préexistence des (/ermes. La liqueur séminale ne faisait que stimuler l'embryon ou fœtus, et lui communiquait une nouvelle vie. La liqueur spermatique n'était que le fluide stimulant, qui, en péné. trant le cœur du fœtus (têtard), le détermina à battre plus fréquemment et plus fort, et donna naissance à une augmentation très sensible des parties et à la vie qui suit la fécondation. Cette erreur continua à régner dans la première moitié du xix" siècle; elle était due à l'ignorance complète de la structure des êtres organisés. Je me borne à une seule citation. Après avoir rapporté les expériences de Spallanzani, Murât [Diction, des sciences méd., Art. Fécondation, 1815,473) ajoute : « Tous ces faits, tous ces résultats, conduisent évidem- FECONDATION. 2il ment à une meilleure tht'orie de la génération; ils ne permettent plus de douter de la préexistence des embryons dans les organes maternels, et prouvent que le mâle est borné dans la reproduction à des fonctions moins essentielles que la femelle. » Telles étaient les idées des ovistes. Mais, depuis que Leeuwenhoek avait découvert des cor- puscules figurés, vivants et mobiles dans le sperme, on prenait ces éléments pour des animalcules (spermatozoaires ou spermatozoïdes) formant le germe véritable, l'embryon ou fœtus. Cet être en miniature {Iwmuneulit.s de l'espèce humaine) aurait déjà possédé les organes de Tadulte, et la fécondation n'avait qu'un but, c'est de le transporter dans un milieu nutritif convenable, et de le greffer sur le terrain maternel. ,B. Végétaux. — Si, à l'exemple de Camerarius, botaniste du début du xviii'' siècle, on détruit les organes mâles avant que les anthères soient développées, les graines ne se forment point (ricin, maïs). Sur les végétaux dioïques (mûrier et mercuriale), Te-xpérience est tout aussi concluante. (Voir Sachs, loc. cit.) Comme l'ont montre' Kœlreuter et C. Si^reagel (fin du xviii" siècle), les grains de pol- len déposés sur le stigmate du pistil émettent un prolongement ou envoient une subs- tance spéciale qui se rend à l'ovaire. En quoi consiste ce principe émis par le grain de pollen? Est-ce une vapeur, un iluide, ou la matière même du pollen, qui va féconder l'ovaire? C'est par l'examen micros- copique qu'on arriva à prouver sa nature protoplasmique. L'italien Amici, le premier, en 1823, fit cette étude. Il soumit à un examen approfondi les stigmates du Portulaca; il découvrit un prolongement ou boyau i)ollinique sortant du grain de pollen; il vit cette masse grenue, ou fovilla, s'étendre et subir une sorte d'écoulement. Plus tard, en 1830, il put suivre le boyau pollinique Jusque dans l'ovaire, et il le vit se glisser à travers le micropyle ovulaire. Au Congrès de Padoue, tenu en 1842, Aiucr essaya de prouver que l'embryon ne prend pas naissance dans l'une des extrémités du boyau pollinique ; mais qu'il se développe dans une partie de l'œuf ou ovule qui existe déjà avant la fécondation et des matières fluides contenues dans le boyau pollinique fécondant. Il démontra ce fait, dès 1846, sur les Orchidées. 11 prouva de plus que le sac qui contient l'ovule renferme un corps qui entre en contact avec le boyau pollinique et forme la plantule ou embryon végétal. H. Les éléments mâle et femelle qui se réunissent pour former un jeune être ont chacun la structure d'une cellule. — Tant qu'on ignorait la forme élémentaire de la matière vivante, il fut impossible d'interpréter d'une façon rationnelle la nature des particules (œuf, spermatozoïdes ou pollen) qui se réunissent pour former un nouvel être. Vers 1839, Schwann établit que les animaux et les plantes sont, à l'origine, consti- tués par des unités composées chacune d'une masse protoplasmique. Cette masse pro- toplasmique, ou cellule, est formée d'un corps et d'un noyau. L'œuf fut dès lors reconnu aisément comme un type parfait de cellule. Quant au spermatozoïde, on étudia avec soin sa forme, sa structure et ses mouve- ments. La partie renllée, ou tête, présentait les caractères du noyau d'une cellule; la por- tion filiforme ou queue avait les propriétés d'un corps cellulaire muni de cils vibratiles. Si le spermatozoïde s'avance, revient en arrière, se heurte aux corpuscules voisins; s'il est capable de s'élever ou de s'abaisser, s'il s'agite et s'il progresse, c'est que sa queue exécute des mouvements ondulatoires à la façon des cils vibratiles d'une cellule épithé- liale. Mais, malgré ces mouvements qui semblent dus à une impulsion volontaire, le sper- matozoïde n'est qu'un élément protoplasmique et non un animalcule. Dès 1841, Kôlli- «ER établit ce t'ait, et regarda le spermatozoïde comme l'équivalent d'une cellule. On multiplia les expériences pour montrer que les spermatozoïdes non seulement sont animés de mouvements, mais qu'ils vont, avec une grande vitesse, au devant de l'ovule. CosTE fit cocher des poules, puis les sacrifia à des heures variables. Au bout de douze heures, il trouva des spermatozoïdes au pavillon de l'oviducte. La longueur des voies génitales qu'ils avaient parcourues étant de 70 centimètres environ, ils ont pro- gressé avec une vitesse d'un millimètre à la minute. IIe.nsen procéda de même sur la Icfpine, dont les voies génitales, longues de G centimètres, sont parcourues dans un espace de cinquante minutes. C'est donc avec une vitesse de plus de 1 millimètre à la minute que les spermatozoïdes de lapin remontent les voies génitales de la femelle, bien que C'elles-ci présentent une série d'obstacles, tels que des cils vibratiles, etc. DlCr. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 16 242 FECONDATION. Malgré le haut intérêt que présentèrent ces expériences, elles ne permirent pas, vu le volume ou le peu de transparence des œufs, de savoir ce que devient le spermatozoïde nu contact de l'œuf. Ce n'est qu'en 1873 qu'O. Hertwig trouva un objet d'étude propice dans les œufs d'oursins. Les ovules d'échinodermes sont assez petits et assez transparents pour être observés à l'état vivant. Il suffit de mélanger le produit des testicules aux ovules à l'époque de la reproduction pour assister, à l'aide du microscope, à la pénétration du spermatozoïde dans l'ovule. En ce qui concerne les animaux à fécondation interne, tels que les Mammifères, il faut procéder différemment. On fait couvrir des lapines, par exemple, et on les sacrifie de la douzième à la vingtième heure après le coït. Si l'on recueille les ovules dans le tiers supérieur de la trompe, on peut par l'examen à l'état frais reconnaître la présence de spermatozoïdes sur quelques-uns des ovules. Bien que l'examen à l'état frais présente de grandes difficultés, il permet cependant de con- stater la présence du sperme sur les ovules, mais il est malaisé de voir le spermatozoïde pénétrer dans l'intérieur de l'ovule et de savoir ce qu'il y devient. Aussi est-il nécessaire de fixer les ovules à des moments différents, de les inclure dans la paraffine, de les débiter en coupes sériées qu'on colore comme les éléments des tissus. Parce procédé, on peut reconstituer stade par stade la progression du spermato- zoïde dans l'ovule, suivre les modifications que subissent l'un et l'autre et déterminer la pari que prend chacun à la formation du nouvel être. On peut encore mettre un ou plusieurs ovules sur une lame de verre et y ajouter quel({ues gouttes de sperme. Quand le spermatozoïde dans ses mouvements arrive à toucher de sa grosse extré- mité ou tête l'enveloppe albumineuse ou muqueuse de l'ovule, la tête est prise. Le reste du corps du spermatozoïde continue à exécuter des mouvements, ce qui le fait pénétrer davantage dans lenveloppe muqueuse. Au point de contact avec le spermato- zoïde, le corps protoplasmique de l'ovule se gonfle et forme une saillie ou éminence conique qui semble attirer la tête du spermatozoïde. Après ce contact, la tête ne tarde pas à pâlir, et sa substance semble se confondre avec celle de l'éminence ovulaire. Cepen- dant, par une observation attentive, on peut apercevoir dans le corps ovulaire un corpus- cule qui correspond à la tête du spermatozoïde. Sa queue n'est plus distincte. Dans ces conditions, on voit (fig. 50 et 60) que la tête du spermatozoïde a pénétré dans l'ovule (quatre minutes après la fécondation artificielle de l'œuf d'échinoderme). Elle s'entoure d'une auréole claire, et, huit minutes après l'entrée de la tête, tout le reste du spermatozoïde a disparu par fonte ou atrophie. Ensuite la tête se rapproche du centre de l'ovule, où elle arrive douze ou seize minutes après la fécondation, et se rapproche du noyau de l'ovule. On voit apparaître pendant ce rapprochement des stries protoplas- miques autour du noyau de l'ovule et de la tête du spermatozoïde qui arrivent peu à peu au contact fhuit à vingt minutes après la pénétration de la tête du spermatozoïde de l'échinoderme). Enfin, noyau de l'ovule et tête du spermatozoïde se confondent en une masse unique, dite noyau de segmentation. C'est cette union ou copulation du noyau de l'ovule et de la tête du spermatozoïde qui constitue l'acte essentiel de la fécondation. En effet, à partir du moment où l'union de ces deux parties est complète, l'ovule se met à se diviser et à procéder à l'ébauche d'un être nouveau. III. Les éléments mâle et femelle représentent non point deux cellules complètes, mais deux cellules pourvues seulement de fractions de noyau. — Tant qu'on n'avait que des notions vagues sur la façon dont une cellule produisait d'autres cellules, ou qu'on ignorait l'origine des cellules, on considérait la fécondation comme provenant de l'union de deux cellules entières. Mais, vers 1875, on réussit à con- naître les phénomènes morphologiques qui précèdent, accompagnent et suivent la division des cellules. On vit que la substance colorable ou chromatique du noyau de la cellule en voie de division prend la forme d'un peloton qui se partage en long et en travers. Les tronçons qui résultent de cette division gagnent moitié par moitié les pôles supérieur et inférieur de la cellule-mère. Ensuite, les autres substances du noyau et de la cellule se répartissent également moitié par moitié autour de ces masses de chromatine : d'où la production de deux cellules-filles (Voir Cellule). Grâce au partage à parties égales du filament chromatique, il est possible de compter le nombre de tronçons chromatiques que possède la cellule-mère, et de savoir combien FECONDATION. 243 en reçoit chaque cellule-fille. Ce nombre est variable chez les diverses espèces animales et végétales; mais il est fixe pour une espèce donnée. On arrive ainsi à représenter eu chiffres la valeur d'une cellule. En appliquant le même procédé aux cellules qui donnent naissance cà l'ovule et aux spermatozoïdes, on a pu préciser la valeur de l'ovule et du spermatozoïde au point de vue de leur richesse chromatique. Pouf le dire tout de suite, l'ovule mûr et le sperma- tozoïde qui vont s'unir ont la signification non point de deux cellules entières, mais de deux fractions de cellules. Pour établir ce fait, il faut d'une part remonter à l'origine du grain de pollen ou du spermatozoïde et suivre, de l'autre, les phénomènes de maturation de l'ovule. A. Végétaux. — Origine du grain de pollen et valeur cellulaire de l'élément fécondateur mâle. — Les grains de pollen prennent naissance dans l'épaississement des étaminesqui porte le nom d'an. spermatide qui est en voie do prendre la forme d'un spermatozoïde. >so FECONDATION. distal prend la forme d'un anneau. Les enveloppes protoplasmiques paraissent pro- venir du corps cellulaire, qui semble couler, pour ainsi dire, le long du filament axial (fig. 42 et 43). En résumé, de par son origine, et malgré sa structure compliquée et la quasi spontanéité de ses mouvements, le spermatozoïde 7i'est qu'une cellule dont le notjau possède une fraction de chromatine en comparaiiion du noyau d'une cellule somatique. IV. Valeur cellulaire de l'ovule. — A. Oosphère ou ovule des végétaux supérieurs (Angiospermes). — L'org.me sexuel (nucelle) se développe dans la fleur aux dépens d"na FiG. 46. — Coupe passant par l'axe du nucelle de Lilium Martagon. — se, cellule-inère du sac em- bryonnaire qui a déjà pris un accroissement consi- dérable. 11 rcnterme un seul noyau dit primaire. — ti, tégument de l'ovule (d'après Guignard). Fig. 47. — Coupe analogue qui montre le déve- loppement ultérieur de la cellule-mère com- primant'le tissu enveloppant et les téguments interne {ti) et externe (o6 FECONDATION. premier globule polaire (fig. :j8). Je le répète à dessein, les neuf dixièmes des ovales de souris ne développent qu'un seul globule polaire; un dixième seulement de ces œufs forme un second globule polaire avant d'être fécondé. Dans ce dernier cas, le premier globule polaire se développe déjà dans le follicule de Graaf. Le globule polaire qui se sépare de l'ovule (fig. 58) et qui est refoulé sous la mem- brane ovulaire est donc une cellule entière, comprenant la moitié du noyau et une portion du corps cellulaire de l'ovule. C'est une cellule sœur de celle qui va être fécondée avec un nombre réduit de chromosomes. Pourrait-elle être fécondée aussi? c'est pos- sible, mais SoBOTTA ne l'a pas vu. d) Pénétration du spermatozoïde dans l'ovule. — Avant le coït, les conies utérines sont rétractées; tout de suite après le coït, elles sont gonllées de façon à représenter des tubes transparents dont la lumière est remplie d'une humeur trouble. En examinant ce liquide trouble à un fort grossissement, on y aperçoit des millions de spermatozoïdes dont les têtes sont placées les unes à côté des autres, tandis que leur queue exécute des mouve- ments qui rappellent les ondulations d'un fouet. Un petit nombre de ces spermatozoïdes arrivent dans le pavillon de la trompe et au voisinage de l'ovaire. Ceux qui rencontrent un ovule traversent les cellules épithéliales ou disque proligère qui entourent encore ce dernier. De six à dix heures après le coït, le spermatozoïde (|ui a rencontré un ovule pénètre dans ce dernier (fig. 08). A cet effet, la tête traverse la zone pellucide ou membrane ovulaire sans que l'ovule présente de saillie ou cône d'imprégnation à ce niveau. Une fois que la tête se trouve en plein protoplasma ovulaire, sa substance se tuméfie, et, après fixation, elle se colore d'une façon intense et uniforme, ce qui paraît indiquer qu'elle se compose uniquement de chromatine. Comme le protoplasma ovulaire qui entoure la tête du spermatozoïde se gonlle également, on observe alors en ce point une saillie ou proéminence à la périphérie de l'ovule. e) Évolution des promidéi. — La moitié de la vésicule germinative (après l'expulsion de l'autre moitié sous la forme de globule polaire) se présente à ce moment comme une couronne dense de chromatine avec quelques restes du fuseau achromatiquf^. La tête du spermatozoïde a une forme ovaiaire, et sa masse est encore moitié moindre de celle du noyau ovulaire (fig. 60), bien que ce dernier se soit réduit de moitié ou des trois quarts. Chacune de ces masses chromatiques (tète du spermatozoïde d'une part, moitié du noyau ovulaire de l'autre) se prépare alors à former un pronuclvns. Les deux masses chromatiques augmentent de volume et montrent chacune un réseau chromatique avec des épaississements; les mailles du réseau chromatique sont remplies d'un plasma transparent ou nucléoplasma (fig. 60). L'évolution ultérieure des pronucléi se caractérise par la confluence des grains de chromatine, qui finissent par constituer un corpuscule central ou nucléole, d'où partent des filaments allant rejoindre la membrane nucléaire flig. 61). A ce stade le pronucléus femelle continue à être plus volumineux que le mâle. Ensuite la chromatine se dissocie et se répartit sur le réseau nucléaire. Quand ces phénomènes ont eu lieu, la chromatine des deux pronucléi se dispose dans chacun d'eux en un long filament ou cordon chroma- tique. Celui-ci est achevé vingt-quatre heures après le coït, et succède au stade précédent au bout de une heure et demie ou deux heures (fig. 62). Dès 1870, VAN Beneden découvrit sur l'ovule fécondé de lapine l'existence des deux pronucléi : le pronucléus périphérique étant formé par la tête du spermatozoïde, et le central parle reste du noyau ovulaire. Plus tard (1880). Van Brnkuen et Julix virent les pronucléi dans l'ovule de la chauve-souris, où ils les représentèrent au stade où la chromatine s'était ramassée au centre des pronud'éi sous la forme d'un gros nucléole. Rein confirma, en 1883, l'existence des pronucléi sur l'ovule de lapine et de cobaye; Heape, en 1886, vit le même fait sur la taupe. Les phénomènes évolutifs que nous venons de décrire offrent un haut intérêt à divers égards. En comparant les figures 59 à 62, on voit des changements profonds survenir dans le volume et la structure des pronucléi. D'abord petits et denses, ils semblent s'hy- pertrophier. La chromatine se répartit en forme de blocs au milieu d'un réticulum nucléaire en même temps que des grains de chromatine se disposent tout contre la membrane nucléaire, dont les contours s'accentuent de plus en plus. Un pau plus tard, FECONDATION. le noyau, dont le volume a augmenté notablement (tig. 61), ne montre plus qu'an seul amas chromatique qui en occupe le centre. A partir de cet amas chromatique central, les filaments du réticulum rayonnent en stries divergentes vers la membrane nucléaire. C'est consécutivement à ces changements que la substance nucléaire prend la disposition d'un peloton chromatique (fig. 63). FiG. 56 à 64. 56, ovule de souris pris dans la trompe de Fallope, à noyau périphérique, et se disposant à la mitose pour la formation du premier globule polaire. — 57, ovule pris dans la trompe de Fallope; il présente un fuseau à grau'I axe tangentiel; le fuseau manque de pôle, c'est-k-dire que les filameuts ne convergent pas aux deux extrémités. Il n'existe ni centrosome, ni radiations polaires. Les chromosomes sont déjà divisés et disposés en deux rangées. — 58, ovule en voie de division (stade diaster) en vue de la formation du premier globule polaire. En bas et à droite, on voit la tête du spermatozoïde (pronucléus mâle) qui a pénétré dans l'ovule. — 59, ovule après l'expulsion du premier globule polaire montrant à gauche le pronucléus femelle et à droite le pronucléus mâle. — 60, ovule, doat les pronucléi se sont accrus et présentent un réticulum chromatique et un nucléoplasmi abondant. — 61, les deux pronucléi, dont la substance chro- matique s'est ramassée au centre sous la forme d'une masse rappelant uu nucléole. — 62, la substance chromatique des deux pronucléi accrus s'est disposée en un filament contourné et pelotonné dans lequel on distingue déjà des anses chromatiques. — 63, après l'accolement des deux pronucléi, on assista à la for- mation du fuseau achromatique et à l'arrangera int des anses chromatiques à l'équateur du fuseau. Ou remarquera, comme sur la figure 64, la préseuce d'une sphère directrice avec ua corpuscule central. — 64, stade diaster de la.première division de segmentation, c'est-à-dire de la division du noyau karyoga- mique (d'après Sobotta). Ainsi l'union des pronucléi est précédée par une série de changements morpholo- giques et microchimiques des plus manifestes : d'abord formé par une petite masse très réduite de chromatine représentée par la moitié ou le quart de la chromatine d'une cel- lule paternelle ou maternelle, chaque pronucléus s'accroît; sa chromatine se fras-mente; puis les frag.nents se ramassent à un moment donné en un corpuscule central, pendant DICT. DIO PHYSIOLOGIE. — TOME VI. ^ ' 2ri8 FECONDATION. que la masse du nucléoplasnia augmente. Enfin, l'amas chromatique se différencie en un filament dont les replis se disposent en un peloton sinueux dans la masse de l'hyalo-plasma. Il est certain que toutes les substances (hyaloplasma et chromatine) qui composej»t le noyau ont subi de l'accroissement, avant que les pronucléi se réunissent. >'ous savons, d'autre part, que les chromatines mâle et femelle conservent chacune leurs propriétés originelles, puisque l'évolution ultérieure nous montre que lejeuneêtre hérite des carac- tères et du père et de la mère. 11 me semble que, d'après l'ensemble de ces faits, il est légitime d'accorder à la chromatine le pouvoir de s'accroître par assimilation, tout en gardant ses propriétés originelles. L'union des chromatines mâle et femelle ne modifie les caractères ni de l'une ni de l'autre, car on les retrouve dans le nouvel individu. Il ne faudrait pas croire que les éléments sexuels soient seuls à être le siège de pareilles modifications de nutrition et d'accroissement. J'ai eu l'occasion d'en observer et d'en décrire d'analogues dans la zone hypertrophiée du cartilage, quand il est en voie de se transformer en tissu d'abord réticulé, puis osseux {loc. cit., p. 514, fig. 51 à S5) : pendant que le noyau s'hypertrophie, la chromatine se fragmente en sphérules qui finissent par former un amas central d'où partent des stries radiées. 11 suffit de rapprocher ces phénomènes, qui se passent d'une façon analogue dans des cellules d'espèces si éloignées, pour s'assurer qu'ils se produisent dans des conditions identiques : assimilation intense, élaboration d'un nouveau nucléoplasnia et hypertro- phie du noyau. Si la nature intime de ces changements nous échappe, nous en voyons le résultat, qui est le même dans l'un et l'autre cas; nous assistons, en etlet, à la pro- duction de substances nucléaires dont l'énergie évolutive se trouve notablement accrue. f) Copulation des pronucléi. — Les pronucléi ne durent"^que douze heures environ; dès que le filament chromatique s'est développé dans leur intérieur, ils se préparent à se réunir l'un à l'autre. Les phénomènes morphologiques de cette préparation sont les mêmes que ceux d'une division; mais le résultat est différent, puisqu'ils s'accolent pour former un noyau nouveau [Karyogamie). A cet effet, le peloton chromatique se contracte dans chacun des pronucléi qui se sont rapprochés jusqu'au contact. Alors le peloton se segmente en tronçons séparés qui repré sentent des anses allongées. Dans l'intervalle des deux pronucléi se développe le fuseau achromatique, à l'équateur duquel se rangent, de part et d'autre, les segments chroma- tiques du pronucléus mâle (sur l'un des côtés) et ceux du pronucléus femelle (sur le côté opposé) (fig. 63). Notons l'apparition d'une sphère directrice, et spécialement d'un cenlrosome à chacun des pôles du fuseau achromatique (fig. 63 et 64). La plaque équatoriale, qui n'est pas figurée sur nos dessins, suit de près; c'est l'aspec- le plus fréquent qu'on rencontre dans les coupes sur les ovules fécondés en voie de karyo- gamie, parce que le fuseau est très volumineux. Il est ditficile de compter les chromo- somes rangés à l'équateur; mais Sobotta estime qu'ils sont généralement au nombre de vingt-quatre et guère davantage. Ce chiffre semble montrer que le noyau karyogamique résulte bien delà réunion des deux pronucléi qui, nous l'avons vu, possèdent chacun douze chromosomes. Vient ensuite le stade de la plaque équatoriale, auquel succède le diaster; puis la sépa- ration finale des deux moitiés du noyau qui a lieu comme dans une division ordinaire, (fig. 64). Les chromosomes se dédoublent-ils dans la plaque équatoriale? C'est probable, mais Sobotta n'a pu le constater. Quand la première division du noyau karyogamique est achevée, l'ovule représente déjà le nouvel être à l'état bicellulaire; c'est l'état décrit sous le nom de deux sphères ou cellules de segmentation. Ces cellules continuent à se diviser et à former une colonie cellulaire dont les éle'ments contribueront au développement des organes de l'embryon. Comme le montrent les coupes des trompes de Fallope, les œufs fécondés sont déjà en voie de se diviser une première fois dans la partie moyenne de la trompe de Fal- lope. Dans la portion de la trompe voisine de l'utérus, le stade bicellulaire a déjà passé au stade multicellulaire (8 ou 16 cellules de segmentation). L'ovule fécondé et en voie de se diviser reste environ quatre jours dans la trompe de Fallope; chez la souris, cin- FÉCONDATION. 259 quante heures après le coït, l'ovule fécondé se trouve au stade bicellulaiie; au bout de soixante heures, il est pourvu de 8 cellules, et, soixante-douze heures après le coït, de 16 cellules. Ces faits concordent avec ceux qu'ont observés de nombreux expérimentateurs, parmi lesquels Prévost et Dumas, Coste, Barry, Bischofi', van Benfden ; ils montrent que l'ovule fécondé de lapine et de cobaye met trois jours environ à parcourir la trompe de Fallope. C'est à la fin du troisième jour que l'ovule en pleine segmentation pénètre dans l'utérus. Sur la chienne, ce séjour dans l'oviducte dure huit à dix jours; quatre ou cinq jours sur les ruminants domestiques. Sur le chevreuil qui est fécondé en juillet, les ovules séjourneraient dans la trompe jusqu'en décembre (BisciioFr et Ziegt.er). Tout ovule qui arrive au tiers interne de la trompe ou dans l'utérus sans avoir ren- contré de spermatozoïdes est en voie de dégénérescence. L'ovule émet son globule polaire sur l'ovaire ou sur le pavillon de la trompe, et il périt très vite si, à ce moment et à ce niveau, il n'est pas fécondé. Les phénomènes essentiels de la fécondation sont les mêmes chez tous les animaux pluricellulaires sur lesquels on a étudié l'union de l'ovule et du spermatozoïde. Les échinodermes (oursins et étoiles de mer), l'Ascaris du cheval {Ascaris megalocephala) sont particulièrement favorables à celte recherche. A côté des faits accessoires (sphère direc- trice, etc.), on retrouve toujours le point essentiel qui consiste dans l'union du pronucléus femelle avec le pronucléus mâle. Le nouvel individu résulte ainsi de l'union d'une portion du noyau ovulaire avec le noyau du spermatozoïde. Pour observer les phénomènes cellulaires chez les animaux inférieurs pendant cette karyogamie il suffit de féconder artificiellement les ovules d'échinodermes, de les fixer et colorer à chacun des stades évolutifs; on s'assure ainsi que la tète du spermatozoïde, ou pronucléus mâle, et le reste du noyau ovulaire (pronucléus femelle) mettent huit à vingt minutes pour gagner le centre de l'ovule et pour arriver au contact l'un de l'autre. A ce moment, la portion centrale du pronucléus mâle a pris une structure granuleuse ou finement réticulée. Ces granules se disposent en un cercle qui va s'accoler au pronu- cléus femelle et s'unissent à ce dernier. Avant cette union, le pronocléus femelle était homogène, sans granules, ni réseau bien nets. Dès que cette union s'est produite, le pro- nucléus femelle, devenu noyau de segmentation, montre un riche re'ticulum chromatique très colorable. Le pronucléus jmàle paraît ainsi avoir apporté au pronucléus femelle un surcroît de chromatine. Cette union ou copulation des deux pronucléus est suivie de près par la première division de l'œuf fécondé et le développement du jeune être. VI. Fécondation chez les organismes inférieurs (copulation, conjugaison). — Chez la plupart des animaux et des végétaux multicellulaires, le nouvel être prend ainsi naissance par l'union intime de l'ovule et du spermatozoïde. L'organe qui prépare l'ovule (ovaire) se trouve sur un individu (femelle) différent de celui qui élabore le sper- matozoïde (mâle). Parfois le même individu possède et des ovaires et des testicules, dont les produits sont capables de se féconder, ou bien le même individu joue alternativement le rôle de femelle ou de mâle. Dans ce dernier cas, les ovules et les spermatozoïdes n'arrivent pas simultanément à maturité. Quant à l'ovaire et au testicule, ce sont des organes dont l'origine est la même que celle des autres parties du corps. Dès les premières phases du développement embryon- naire, on voit chez certains invertébrés (certains vers, crustacés et insectes) des cellules qui se distinguent des autres cellules (cellules somatiques) et qui s'en isolent pour constituer l'organe de reproluction (ovaire ou testicule). Cette différenciation n'est pas aussi précoce chez la plupart des autres invertébrés: les cellules (épithélium germinatit) aux dépens desquelles prennent naissance les glandes génitales apparaissent bien plus tard et dérivent de la prolifération de l'épithélium qui revêt la cavité générale du corps (cavité pleuro-péritonéale). Quoi qu'il en soit de cette origine, les cellules qui forment les glandes génitales ne tardent pas à prendre une disposition autre et à présenter des caractères différents, selon qu'elles vont préparer des ovules ou des spermatozoïdes. Dans le cas de glande génitale femelle, ou ovaire, la cellule sexuelle, ou ovule, qui y est préparée, s'accroit notablement et acquiert le plus souvent de grandes dimensions. En tout cas, fovule est toujours la -260 FÉCONDATION. cellule la plus voluniiiieiise du corps des animaux pluricellulaires. Mais, malfiré sa taille et les dénominations multiples qu'on a imposées à chacune de ses parties, l'ovule n'est qu'une cellule qui est composée : i° d'un noyau, dit ici vésicule gcnninative ; 2° d'un corps cellulaire ou protoplasma appelée vUellus; 3° d'une membrane d'enveloppe ou viteliine. 11 est à noter, cependant, que, chez les organismes supérieurs, l'ovaire et le testicule seuls sont aptes à fournir des éléments cellulaires capables de se réunir et do donner naissance à un nouvel être. On exprime ce fait en parlant d'éléments sexuels hautement différenciés, sans que nous connaissions la nature de cette différenciation. 11 nous reste à étudier la fécondation chez des êtres unicellulaires ou multicellulaires, qui sont privés d'or^'anes sexuels, et chez lesquels les cellules somatiques sont capables de se différencier et de se transformer en éléments qui se réunissent et donnent naissance à un nouvel individu. Nous en décrirons quelques exemples chez les Infusoires et les Algues. A) Copulation des Infusoires. — On trouve dans l'eau douce, ainsi que dans l'eau de mer, des êtres appelés Infusoires. dont la taille varie entre un demi-millimètre et 2 ou 3 millimètres. Leur corps est formé d'une substance homogène, glutineuse et diaphane (protoplasma), qui est revêtue d'une cuticule résistante. Celle-ci est pourvue de cils vibratiles, servant d'organes de préhension et de mouvement. L'ensemble de l'organisme n'est qu'une cellule qui présente une ouverture buccale, et parfois un orifice anal. Cette cellule présente deux noyaux, un macronucléus et un micronucléus, ce dernier semblant correspondre au noyau cellulaire des êtres pluricellulaires. Les Infusoires se repro- duisent par voie asexuée; à cet effet, le corps de Tlnfusoire se divise transversalement ou parfois longitudinalement en deux moitiés; ensuite chaque moitié grandit et acquiert la taille et la forme de l'Infusoire primitif. Cette reproduction asexuée peut se répéter 200 ou 300 fois, et davantage, mais non point indéfiniment. Si on les empêche de se réunir à des individus d'une autre souche, les dernières générations restent de petite taille; elles s'atrophient et meurent, quelque soin qu'on prenne à leur fournir une ali- mentation riche et abondante : c'est Vépuiiement scnile; il s'annonce par la disparition des cils vibratiles et surtout du micronucléus. Dès que la nourriture commence à manquer ou bien que les individus appartiennent à une vieille génération, on les voit se rechercher et s'accoler deux à deux et bouche à bouche. Leur réunion devient très intime ; les cils disparaissent, le macronucléus se résoi^be; elles deux cuticules se fusionnent pour former une ligne unique. Les micro- nucléi s'accroissent et, en même temps, changent de structure. Le réticulum chromatique se convertit en filaments pelotonnés : c'est le stude du peloton lâche. La substance achro- matique forme un fuseau, sans corpuscule polaire. Les particules chromatiques se dis- posent à l'équateur sous la forme de granules, et non de segments ni d'anses; peut-être pourrait-on dire que ce sont des granules réunis en filaments ou en chapelet. Puis vient le stade de diastcr, suivi par l'étranglement et la division du micronucléus. Une seconde division succède à la première et donne naissance à quatre fragments de micronucléi dans chacun des Infusoires conjugués. Des quatre fragments, l'un (pronucléus mâle) s'approche de la cloison de séparation et passe dans l'Infusoire de l'autre côté pour s'unir à l'un des quatre fragments (stationnaire ou pronucléus femelle) de l'autre Infusoire. Ainsi deux fragments de micronucléi provenant de deux individus distincts se fusionnent réciproquement et produisent un micronucléus dans chacun d'eux. Quand ces phénomènes se sont passés, le macronucléus se reconstitue, les cils vibratiles se régé- nèrent, et les deux individus se séparent pour vivre d'une vie indépendante et produire chacun, par voie asexuée, de nombreuses générations d'Infusoires. Comme on le voit, la reproduction sexuée se fait chez l'Infusoire comme chez les ani- maux pluricellulaires, bien qu'il n'y ait pas d'organe sexuel. Le micronucléus de chaque Infusoire joue le rôle d'ovule et de spermatozoïde; et encore n'est ce qu'une portion du micronucléus, puisque les trois quarts de cet élément chromatique n'y prennent aucune part et sont éliminés sous la forme de globules polaires. Il y a échange d'un quart seu- lement du micronucléus, qui passe dans l'autre Infusoire et exerce sur l'autre une action fécondatiice. C'est une véritable kanjogamie de deux éléments homologues dépourvus de toute différence sexuelle. La fusion de ces deux pronucléi constitue le point culminant et nécessaire de cette évolution. Sans cette union, les noyaux demeurent stériles et ne FÉCONDATION. -261 tardent pas à pei'dre toute faculté évolutive. De l'union résulte un noyau 'de rajeunisse- ment, constitué surtout par deux fractions chromatiques fusionnées. Pour les détails, je renvoie aux beaux travaux de Maupas et au mémoire de H. Hoyer. Si l'on réfléchit à la copulation ou conjugaison des Infusoires, on ne peut s'empêcher de penser que les dernières générations produites par scissiparité possèdent un proto- plasma dépourvu d'énergie, puisqu'elles périssent dans un milieu nutritif. La réunion de deux Infusoires descendant d'une souche différente a pour effet de produire un échange de substance nucléaire, ce qui rend à l'infusoire son énergie première. Cet échange, et l'union consécutive de ces fractions nucléaires de source différente reproduisent dans toute sa simplicité le mécanisme de la fécondation chez les animaux et les végétaux supérieurs, si ce n'est que chez ces derniers les cellules sexuelles seules sont capables de s'unir pour donner naissance à un nouvel être. B) Conjugaison et copulation des végétaux inférieurs. — En modifiant les conditions de milieu, on détermine un seul et même élément à .se reproduire par voie agame ou sexuée. — Nombre de végétaux inférieurs ne sont formés que d'une association de cellules, à laquelle on donne le nom de thalle. Parmi les thallojohytes d'eau douce se trouvent les Algues, dont le protoplasma élabore la matière colorante verte, dite clilorophylle. Chez les Conjuguées, les filaments verts sont composés d'une file de cellules toutes semblables, quoique séparées les unes des autres par des cloisons. A un certain moment, on voit deux cellules en regard sur deux filaments voisins pousser chacune une saillie ou protubé- rance qui peu à peu s'allonge, arrive au contact de sa congénère et se fusionne avec elle. Il en résulte une cellule unique, ou spore reproductrice, qu'on appelle zygospore. Quand les deux moitiés qui font formée (gamètes) ont fait le même chemin, et présentent les mêmes caractères, on ne peut savoir si l'un des gamètes est màle, et l'autre femelle. Dans d'autres espèces de conjuguées un seul gamète fait tout le chemin pour aller s'unir à l'autre; le premier joue le rôle de gamète màle par rapport au gamète immobile ou femelle. Ce mode de reproduction par union de deux cellules a valu à ces algues le nom de conjuguées. Dans certaines conditions, les filaments sont stériles; il suffit alors, comme l'a montré Klebs, de les mettre dans une solution de sucre de canne à i p. 100, et de les exposer à la lumière, pour provoquer la formation de gamètes et la conjugaison. Quand les cellules produisent des spores libres, ou gamètes, semblables de tous points l'un à l'autre, et se réunissant deux par deux pour former une spore reproductrice ou zygote, on dit qu'il y a isogamie. Une algue inférieure, le Botrydium granulatum, nous en fournit un exemple. Cette algue iproduit des spores piriformes dont l'extrémité antérieure ou pointue présente deux cils. Si l'on met les spores dans une goutte d'eau, et qu'on les examine à un fort grossissement, on voit bientôt, parmi les spores qui se meuvent en tous sens, deux se rapprocher, accoler leurs extrémités antérieures et se réunir d'abord parle bout hyalin. Peu à peu elles s'accolent sur toute leur longueur, de sorte que la fusion s'étend d'une extrémité à l'autre du corps. Pendant que ces phénomènes se passent, les deux gamètes étroitement unis continuent à se mouvoir et à nager de-ci de-là dans la goutte d'eau. Il est facile de les distinguer des gamètes isolés; ces derniers, en effet, n'ont que deux cils, pendant que les gamètes conjugués {zygote) en présentent quatre. Cependant la zygote ne tarde pas à se fixer, à perdre ses cils et à s'entourer d'une membrane cellu- laire avant de se diviser pour donner naissance à un nouveau Botrydium. Je ne saurais trop insister sur ces faits de copulation des gamètes : ils prennent nais- sance dans des cellules somatiques; ils sont complètement semblables et également mobiles. Ils montrent le peu de fondement des théories sur la nature màle ou femelle du spermatozoïde ou de fovule, sur l'hermaphrodisme des éléments sexuels. Les algues nous fournissent d'autres éclaircissements sur la signification de la repro- duction sexuée, c'est-à-dire la fécondation comparée à-la reproduction asexuée. Je les emprunte encore àlvLEiis. Il existe des algues dont le thalle n'est pas cloisonné; les noyaux possèdent un protoplasma commun. On les appelle siphonées. Parmi les sipho- nées, le Protosiphon se reproduit tantôt par voie sexuée, tantôt asexuellement. Quelles sont les conditions qui déterminent l'un ou l'autre mode de reproduction? Si l'on met ces algues dans un bon milieu nutritif sulfates alcalins, 4 p. 100, et plios- 202 FÉCONDATION. phate 1 p. 100), il s'y développe des spores mobiles et munies chacune de deux cils, dont chacune va se fixer et reproduit un Protosiphon. En maintenant une culture ordinaire de Frotosiphon à une température de 26» ou 27^', on obtient le même résultat, c'est-à-dire une reproduction asexuée. 11 en va tout autrement si, après avoir fait une culture dans un milieu argileux, on la porte dans de l'eau ordinaire et qu'on l'expose à la lumière. Les cellules du Proto- siphon produisent des spores mobiles, ou gamètes à deux cils, qui nagent dans l'eau, se recherchent, s'accolent deux par deux et forment des zygospores à quatre cils. Celles-ci s'agitent quelque temps dans l'eau : à 8" et dans l'obscurité, pendant vingt-quatre heures; à 15° et dans l'obscurité, durant douze heures; à la lumière, pendant neuf à onze heures. Au bout de ce laps de temps, chaque zygospore se fixe, grandit et donne nais- sance à un Protosiphon. Autre exemple qui prouve qu'en variant les conditions de nutrition on provoque la formation soit de zoospores capables de germer et de reproduire le végétal par voie agame, soit de gamètes qui ont besoin de copuler avant de pouvoir donner naissance à un nouvel organisme. Dans l'eau douce on trouve des touffes vertes appelées Ulothrix zonata : les cellules de cette algue pl'oduisent de petites zoospores munies d'un point oculaire rouge et de deiurcWs. Ces zoospores se réunissent deux par deux; les deux gamètes copulent et forment une zygospore à quatre cils et à deux taches oculaires, qui germe. Mais les gamètes peuvent germer sans copulation : si on les met dans une solution sucrée à 0''^'',^ p. 100, les gamètes à deux cils se fixent et germent au bout d'un mois. En un mot, les gamètes ne copulent que quand les substances ou certaines [substances alimentaires leur font défaut. Lorsque la substance nucléaire diminue dans les gamètes, ceux-ci se réunissent, c'est-à-dire qu'ils éprouvent le besoin de copulation. L'intluence de la lumière n'est pas moins manifeste. Parmi les algues d'eau douce, il y a les Vanchéries, à filaments unicellulaires et ramifiés, et formant par leur réunion des tapis verts sur le sol humide. A un moment donné, un filament produit des zoospores mobiles (anthéridie), qui vont se réunir à une cellule voisine (oogone) pour former un œuf fécondé. Si on maintient les Vauchéries à l'obscurité, elles continuent à croître, mais les élé- ments sexuels ne se développent point; les filaments restent stériles. Sil'on metles Vauchéries sous une cloche, qu'on les expose à la lumière, mais qu'on les prive d'acide carbonique en mettant de la potasse sous la cloche, les Vauchéries non seulement restent stériles, mais elles meurent. Si l'on ajoute une solution sucrée (2 à 4 p. 100), les Vauchéries, malgré la présence d la potasse qui absorbe l'acide carbonique, produisent des éléments sexuels. Le sucre remplace les matériaux d'assimilation fournis normalement par l'air. Seulement ces phénomènes n'ont lieu qu'en pleine lumière : à l'obscurité, la solution sucrée est insuffi- sante pour déterminer le développement des éléments sexuels. Cependant, le concours d'une lumière faible et du sucre suffit pour les faire apparaître. Ajoutons encore que les rayons bleus et violets sont plus efficaces que les rayons rouges el jaunes. En variant les conditions de nutrition et de milieu, Klebs a ainsi provoqué uue reproduction soit sexuée, soit asexuée. Pour les animaux, il semble en être de même : les œufs de Branohipes et d'Apm ont besoin pour leur développement parthénogénétique d'un dessèchement suivi d'une réhydratalion. La perte d'une certaine quantité d'eau est suffisante à nombre d'o'ufs pour leur permettre de se développer sans s'unir à un élément mâle. C'est là le principe de lu. parthénogenèse expérimentale. On sait que J. Lœb d'abord, puis Morgan, Gi.vrd, Wilson, etc., ont réussi par ce procédé à provoquer le développement des œufs d'oursins sans fécondation préalable. Ils mettent les œufs non fécondés daus un mélange à parties égales d'une solution de sulfate de magnésium à 2 p. 100 et d'eau de mer. Après les y avoir laissés pendant deux heures, ils les transpor- tent dans l'eau de mer, et ils les-voient ensuite se segmenter et se développer en larves normales. Ces faits, sur lesquels on reviendra avec plus de détails à Parthénogenèse et à Osmose, sont des plus intéressants, puisqu'ils nous permettent de concevoir comment certains agents physiques ou chimiques semblent communiquer à la chroraatine femelle une excitation é(iuivalciite à celle qu'y détermine l'addition de la chromatine mâle. VII. Considérations historiques. — Pour Hippocrate, chaque sexe produisait une FÉCONDATION. 263 liqueur séminale; le inâle élabore un liquide plus fort, et la femelle un liquide plus faible. La liqueur séminale représentait un fluide qui découlait de toutes les parties du corps et que la moelle épinière transmettait aux organes génitaux. A la suite de la copu- lation, les semences mâle et femelle se rencontraient dans l'utérus et y donnaient naissance au jeune être ou embryon. Aristote, tout en attribuant l'origine de la liqueur séminale de la femme au sang des menstrues, supposa que la femelle ne fournissait que la matière, et que le mâle donnait la forme. Théophraste, disciple d'ÂRisTOTE (cité par Sachs, à qui j'emprunterai la plupart des indications relatives à la botanique), rapporte le fait connu des anciens, que le palmier mâle a des fleurs, mais que le palmier femelle seul produit des fruits. « On jtrétend, continue-t-il, que le fruit du palmier femelle n'atteint pas son complet développement lorsqu'on ne le saupoudre pas de la poussière de la fleur mâle; ce fait est étrange, mais il se rapproche du phénomène de la maturation de la figue. On pourrait presque con- clure de ce qui précède que la plante femelle ne suffit pas à amener le fœtus à un développement complet; mais ce phénomène ne doit pas être particulier aux plantes d'une seule ou de deux espèces végétales; il doit exister chez tous les végétaux ou chez un grand nombre d'espèces différentes. » Pline admet la sexualité végétale. Il décrit dans son Historùi Mundi les relations des dattiers mâles et femelles, et désigne le pollen comme étant l'agent de la fécon- dation. Il ajoute, en terminant, que toutes les personnes compétentes en matière d'his- toire naturelle croient à l'existence de deux sexes, non seulement chez les arbres, mais encore chez les plantes (Sachs, loc. cit., p. 391). Pour Galien, la semence femelle était produite par les ovaires {testes muiiebres), tout comme la semence mâle^était sécrétée par les testicules du mâle. Pendant des siècles, les médecins ont adopté les idées d'HippocRATE et de Galien, tandis que les scolastiques défendaient la théorie d'ARiSTOTE. Dès la Renaissance, on se remit à l'étude des organes de la reproduction; mais, sous l'empire de la tradition ou de la foi, les meilleurs esprits se laissèrent aller à des inter- prétations peu conformes à la nature des choses : Fabrice d'Aquapendente, examinant avec soin les œufs de la poule, y découvrit les cordons entortillés appelés chalazes. Il les prit pour le germe du poulet qui s'anime et se développe grâce cà l'esprit séminal {aura seminalis) qui se dégage du sperme du mâle. Pour Grew, les étamines (désignées sous le nom commun d'attiré) séparent du reste de la plante un excédent de sève, de manière à préparer et à faciliterja formation de la semence. Malpighi, dans son Anatomie des plantes, pense que les étamines et les pétales sont destinées à écarter de la fleur une partie de la sève, afin de permettre à la semence de prendre naissance dans une sève épurée. Les semences se développent par le fait de la nutrition. Gamerarius (1665-1721) fit, le premier, des expériences pour prouver la sexualité des plantes. Il enleva les fleurs mâles du ricin avant que les anthères se fussent développées. Les graines n'atteignirent jamais leur complet développement et présentèrent l'appa- rence de vessies vides. Il répéta la même expérience sur le mais. Sur les plantes dioïques, telles que le mûrier et la mercuriale, il fit des études qui lui donnèrent des résultats analogues. Pour Samuel Morlând (1702 et 170.3), la poussière du pollen {farina) contient en germe les plantes futures, et chacun de ces germes doit s'introduire dans l'appareil fructifère {ovum) afin de déterminer la fécondation. Pour Geoffroy (1714), les grains de pollen contiennent déjà les embryons; une fois parvenus dans les semences, ceux-ci s'y développent peu à peu. A la suite de Morland et Geoffroy, Needham, Jussieq, Linné, Gleichen et Hedwig pen- sèrent que le pollen éclatait sur le stigmate; son contenu, pénétrant dans le style, fini- rait par atteindre les ovules pour y subir un développement graduel qui les transforme peu à peu en embryons, ou pour contribuer, en quelque mesure, au développement de l'embryon lui-même. Ces vues procédaient directement de la théorie de l'évolution, qui jouissait de la faveur générale. . . 2tj4 FECONDATION. L'existence des animalcules spermatiques des animaux semblait leur prêter une autorité nouvelle. On découvrit, au cours des xvii'= et xviu'' siècles, une série de faits nouveaux en ce qui concerne la structure et l'évolution des organes génitaux; mais ces découvertes isolées ne purent être reliées par une théorie générale, et ne jetèrent que peu ou point de lumière sur la nature de la fécondation. « Les anatomistes, dit Buffon (toc. cit., p. 289), ont pris le mot reiif dans des accep- tions diverses, et ont entendu des choses diffe'rentes par ce nom. Lorsque IIarvey a pris pour devise Omnia ex ovo, il entendait par l'œuf des vivipares le sac qui renferme le fœtus et tous ses appendices; il croyait avoir vu se former cet œuf ou ce sac sous ses yeux après la copulation du mâle et de la femelle; il a même soutenu qu'il n'avait pas remarqué la moindre alte'ration à ce testicule, etc. Harvey, qui a disséqué tant de femelles de vivipares, n'a, dit-il, jamais aperçu d'altération aux testicules; il les regarde même comme de petites glandes qui sont tout à fait inutiles à la génération (Voyez Harvey, Exercit. 64 et 65). « Harvey assure que la semence du mâle n'entre pas dans la matrice de la femelle, et même qu'elle ne peut pas y entrer, et cependant Verheyen a trouvé une grande quantité de semence du mâle dans la matrice d'une vache disséquée seize heures après l'accou- plement (Voyez Vekheyen, Anat. Tr., v, cap. .3). Le célèbre Ruysch assure avoir dis- séqué la matrice d'une femme qui, ayant été surprise en adultère, fut assassinée sur- le-champ, et avoir trouvé non seulement dans la cavité de la matrice, mais aussi dans les deux trompes, une bonne quantité de la liqueur séminale du mâle (voyez Ruysch, Thés, anat., p. 90, Tah. VI, fig. 1). Vallisnieri assure que Kallope et d'autres anatomistes ont aussi trouvé, comme Ruysch, de la semence du mâle dans la matrice de plusieurs femmes. On ne peut donc guère douter, après le témoignage positif de ces grands ana- tomistes, que Harvey ne se soit trompé sur ce point important, surtout si l'on ajoute à ce témoignage celui de Leeuwenhock qui assure avoir trouvé de la semence du mâle dans la matrice d'un très grand nombre de femelles de toute espèce, qu'il a disséquées après l'accouplement. » Harvey a ouvert des biches peu de temps après l'accouplement et n'a pas trouvé de sperme dans l'utérus. Sur d'autres biches qu'il a examinées plus tard, il a vu les chan- gements de l'utérus et les membranes qui enveloppent l'embryon. U a conclu de ces fails que la fécondation résulte de l'action exercée par le sperme sur le corps de la femelle; la génération serait l'ouvrage de la matrice qui, excitée par le sperme, conçoit l'embryon par une sorte de contagion, à la manière du cerveau qui, à la suite d'une excitation, conçoit les idées. Régnier de Graaf décrit et ligure sur l'ovaire de la vache et de la brebis les sacs, vésicules, ou follicules, qui portent depuis son nom. Il a trouvé sur l'ovaire des vésicules pleines avant le coït, vides après la fécondation; d'autre part, il a vu dans les cornes de la matrice des œufs gros comme des grains de moutarde. Le nombre de ces œufs était le même que celui des vésicules vides. N'ayant pas étudié à la loupe le contenu des vésicules ou follicules, de Graaf n'a pas vu l'ovule; mais, devinant une relation intime entre les vésicules et les œufs des cornes de la matrice, il prend les vésicules de l'ovaire pour les œufs eux-mêmes qui se détacheraient sous l'induence de Vesprit ou awase dégageant du sperme. C'est cet esprit qui opérerait la fécondation. Vallisnieri, sans avoir pu constater la présence de l'œuf dans le corps jaune, est convaincu que Vesprit de la semence du mâle donne le mouvement au jeune être, ou germe, préexistant dans l'œuf. Selon lui, l'ovaire de la première femelle contenait, emboîtés les uns dans les autres, tous les produits qui devaient en descendre. Il a observé dans la brebis que le nombre des corps glanduleux des ovaires était égal à celui des fœtus; il l'a trouvé plus grand chez la truie; l'ovaire d'une chienne, qui avait fait cinq petits chiens, lui a présenté cinq corps jaunes oblitérés et vides. La découverte des spermatozoïdes par Louis Ham (1677), qui constata leur existence dans tout liquide séminal d'animal adulte et sain, fit .faire un grand pas aux connais- sances positives; malheureusement la théorie de la fécondation n'en profita guère. On en lit des animalcules, des ger.iies préforniés. Le spermatozoïde représentait FÉCONDATION. 265 l'aduUe en miniature; c'était Vhomunculus, pourvu déjà de tous les organes et n'ayant qu'à grandir pour arrivera reproduire l'espèce. Le terrain favorable pour son développe- ment était la femelle. En un mol, les générations futures existaient préformées dans le mâle. C'était la théorie des spennlstes en face de celle des ovistes, pour qui l'œuf conte- tenait l'embryon préformé. La croyance à la préexistence des germes aveuglait les esprits à tel point qu'on ne tint aucun compte des observations positives de G. Wolff, de Koelreuter, de Sprengel. G.-Fréd. Wolff démontra, le premier, que l'organisation de l'embryon ne précède pas la fécondation. Il examina les œufs non fécondés et montra qu'ils ne représentaient que des vésicules remplies d'un liquide aqueux. Mais G. F. Wolff ne songea qu'à réfuter la théorie de l'évolution : il considérait l'acte de la fécondation comme une des formes de la nutrition. Les fleurs résulteraient d'un affaiblissement général [regetatio lancjuescens). Le pollen ne ferait que communiquer au pistil des principes nutritifs en quantité suffisante. Koelreuter (1701-1766) fit des observations et des expériences, d'où il conclut que les grains de pollen, déposés sur le stigmate, donnent naissance à des matières fluides qui pénétraient dans les ovules. 11 déterminait même l'espace de temps qui s'écoule entre l'instant où le pollen est déposé à la place qu'il doit occuper et le moment où les substances nécessaires à la fécondation s'introduisent dans l'ovaire. Ce seraient les matières huileuses attachées aux grains polliniques qui constitueraient la substance génératiice. CoxRAD Sprengel (1793) se rangea^à la manière de voir de Koelreuter qui qualifia d'anormale la rupture des grains de pollen et qui considéra les matières exsudées par les grains de pollen comme la substance fécondatrice par excellence. Malgré ces observations positives, on continua jusqu'au xix^ siècle à discuter sur la préexistence des germes, et sur l'esprit séminal des animalcules spermatiques. Pour Adanson, l'embryon se trouve dans les graines des plantes qui n'ont pas été fécondées et dont le parenchyme ne fait .qu'un corps continu avec lui, de la même manière que le fœtus se trouve tout formé dans les œufs de la grenouille et dans ceux de la poule avant la fécondation. Elle s'opère donc dans les végétaux et les animaux par une vapeur, une espèce d'esprit vital auquel la matière prolifique sert simplement de véhicule. Cette matière qui sort des grains de poussières des étamines, lorsqu'ils crèvent, s'insinue dans les trachées qui se terminent à la surface des stigmates, descend au placenta, lorsqu'il y en a, passe de là aux cordons ombilicaux jusque dans la graine où elle donne la première impulsion, le premier mouvement, ou la vie végétale, à l'embryon qui est d'abord comme invisible. Needham, en 1774, supposait que chaque grain renfermait, dans une espèce de vapeur ou de liqueur prodigieusement subtile, un nombre innombrable de grains d'une petitesse extrême qu'il regarda à bon droit comme les agents de la fécondation. Chaque grain, lorsqu'il vient à être humecté, s'ouvre et darde les grains contenus, disséminés dans la vapeur ou la très petite atmosphère fécondante. Bonxet imagina, dans la poussière des étamines, ditl'érents ordres de fluides nourriciers et stimulants, renfermés dans différentes fioles emboîtées les unes dans les autres {Hypothèse de l'emboîtement des germes). Ce fluide serait de nature huileuse ou inflanimalfle et ne se mêlerait pas à l'eau. (> Le fluide subtil, destiné à conserver l'espèce de la plante, est un fluide très actif, car il est tout imprégné de feu', et l'on n'ignore pas que le feu est le plus grand agent de la nature. » Pour BuFF0N,il n'existe que de la liqueur et point d'œuf dans les vésicules de l'ovaire et dans la cavité du corps glanduleux (follicule de Graaf). Buffon regarde cette liqueur comme la vraie semence de la femelle; elle contiendrait des parties organiques en mouvement. Aux yeux de Buffon, la liqueur séminale de la femelle et du mâle est le superflu de la nourriture organique... Les vivipares n'ont pas d'œufs.... L'embryon est la première forme résultant du mélange intime et de la pénétration des deux liqueurs séminales, 1. La poussière des étamines brûle ù la bougie, comme une i-ésine pulvérisée. 266 FECONDATION. BuFFON a étudié les spermatozoïdes dont il a décrit et figuré de nombreuses formes ; mais, selon lui, cet élément figuré ne serait qu'un effet de la pourriture, un infusoire utile parce qu'il agitait le sperme dont il conservait la vitalité. Ainsi, à la fin du xvni^ et au début du xix'' siècle, de nombreuses théories conti- nuèrent à régner sur la fécondation; on peut cependant les ramener aux chefs suivants : 1» Mélange de deux semences. — Ce sont les idées d'HippocRATE, de Galien, qui admet- tent que pendant le coït la femme répand comme l'homme un liquide prolifique : le mélange de ces deux lluides produit le nouvel individu. Le système des molécules orga- niques de BuFFON est une variante de cette théorie. 2» Préexistence des germes dans l'ovaire. — L'ovaire de toutes les femelles contiendrait, depuis la création, les germes de tous les êtres à venir; l'œuf qui s'en détache serait déjà l'embryon en miniature qu'animerait le spermatozoïde (Fabrice d'Aquape.xdknte, de Graaf, Malpighi, Vallisinieri, Haller, Bonnet). 3° Préexistence des germes mâles ou animalcules spermatiques. — Les spermatozoïdes seraient des animalcules qui, introduits dans les voies génitales femelles^ s'y fixent, s'y greffent et s'y transforment en embryons, et en fœtus (Leeuwenhoek et Hartsoeckkr). Les phénomènes de la génération passaient pour le grand mystère de la nature. Voltaire avoue franchement qu'il n'y comprend rien, et, selon son habitude, il raille théorie et théoriciens. VIII. Théories de la fécondation. — Toutes les théories émises sur la fécon- dation, jusque dans la deuxième moitié du xix^^ siècle, sont insuffisantes ou ridicules. Aucune ne peut donner le moindre éclaircissement sur la ressemblance des enfants avec les parents. Cependant, dès le xvi^ siècle, un profond penseur, qui ne fut ni anatomiste ni physiologiste, avait compris ou plutôt posé le problème dans des termes très explicites. Montaigne souffrait de la pierre, et, se rappelant que son père l'avait eue également, voici les réflexions que ce rapprochement lui suggère : « iNous n'avons que faire d'aller trier d.es miracles et des difficultez estrangières ; il me semble que pariny les choses que nous veoyons ordinairement, il y a des estrangetez si incompréhensibles, qu'elles surpassent toute la difficulté des miracles. Quel monstre est-ce que cette goutte de semence, de quoy nous sommes produicts, porte en soy les impressions, non de la forme corporelle seulement, mais des pensements et des incli- nations de nos pères? cette goutte d'eau, où loge elle ce nombre iiifiny de formes? et comme porte elle se? ressemblances d'un progrez si téméraire et si desreglé, que l'arriere- fils respondra a son bisayeul, le nepveu a son oncle? En la famille des Lepidus, a Rome, il y en a eu trois, non de suitte, mais par intervalles, qui nasquirent un même œil cou- vert de cartilage : à Thebes, il y avait une race qui portoit dez le ventre de la mère la forme d'un fer de lance; et qui ne le portoit point, estoit tenu illégitime. Aristote dict qu'en certaine nation où. les femmes estoient communes, on assignoit les enfants a leurs pères par la ressemblance. Qui m'esclaircira de ce progrez, le le croiray d'autant d'aultres miracles qu'il voudra : poiirveu que, comme ils font, il ne me donne pas en payement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n'est la chose même. » MuRAT, dès 1813, a également montré l'insuffisance des théories alors en cours. « Dans le système de la préexistence des germes dans l'ovaire, on ne peut pas expli- quer, dit Mqrat, la formation des animaux mi-partis, ni la ressemblance des enfants avec les pères. Pour qu'un e nfant hérite des infirmités de son père, pour qu'il résulte un mulet de l'accoaplement d'un cheval avec une ûnesse, un mulâtre de l'union d'un blanc avec une négresse, il semble que le mâle devrait contribuer à la formation de l'ani- mal d'une manière plus intime que par une simple impulsion que le sperme communique à l'embryon que l'on suppose tout formé chez la femme. » Les notions que nous possédons aujourd'hui sur l'origine et la structure du sperma- tozoïde et de l'ovule peuvent-elles contribuer à donner une interprétation rationnelle des phénomènes de l'hérédité? Parmi les théories qui ont cours sur ce sujet, il convient de distingaer tout d'abori les hypothèses qu'il est impossible de vérifier et les propositions qui ne sont, pour ainsi dire, que la conclusion de faits observés et contrôlés par de nom- breux chercheurs. Comment r econnaître, par exemple, les gemmules que Darwin admet FECONDATION. 267 dans tout l'organisme et qui iraient se réunir et se localiser dans les organes génitaux pour être transmises au jeune être? Il en va de même des pangènca de Vries. Comment distinguer l'un de l'autre les plasmas nutritif et spécifique {idioplasma de Naegeli)? Quelle idée faut-il se faire des ides et des idantcs de Weismanx ou des 'jernmaires de Haake? La part que prennent dans l'acte de la fécondation les différentes parties de la cellule est loin d'être la même : le corps cellulaire, les sphères directrices et les centrosomes semblent accessoires, puisqu'on ne les trouve pas toujours. Quant à la substance nucléaire même de l'élément sexuel, sa masse ne correspond qu'à une fraction de celle qu'on trouve dans une cellule somatique. L'élément sexuel mâle n'est qu'une cellule dont la masse chromatique s'est réduite par division répétée de la cellule mère; l'ovule perd une portion de sa nucléine également par division du noyau. Il nous est impossible de distinguer dans la cellule abortive ou globule polaire une substance chromatique diffé- rente de celle de l'ovule fécondable. D'autre part, la chromatine mâle continue-t-elle à persister dans l'ovule fécondé à côté de la chromatine femelle, toutes deux restant juxtaposées, pour ainsi dire, avec des caractères fixes et invariables? Autrement dit, le noyau du spermatozoïde et celui de l'ovule continuent-ils à garder sur le nouvel être leurs propriétés originelles et leurs qualités distinctes? Dans cette hypothèse, la fécon- dation ne serait point une fusion de deux substances vivantes ; on aurait plutôt affaire à un mélange, un accolement ou une association, dont l'effet serait d'imprimer à la matière une nouvelle énergie afin d'assurer la continuité de l'espèce. Les êtres et les tissus dont la nutrition est intense n'ont pas besoin de fécondation; ils se multiplient par voie agame; et, quand ils sont multicellulaires, toutes les cellules somatiques peuvent reproduire un organisme entier. Ces faits nous permettent de conclure à la nature et à l'origine identique des cellules somatiques et sexuelles. Celles-ci ne représentent qu'une différenciation de celles-là; elles se produisent à la suite d'une adaptation provoquée par les conditions de milieu. « En considérant, par comparaison, les phénomènes offerts par les plantes, dit GuiGNARD (n, 287), on peut dire que toutes les cellules ou tout au moins la plupart des cellules du corps renferment à l'état latent toutes les propriétés héréditaires de l'espèce. Une parcelle du corps peut reproduire l'organisme tout entier. Un rameau de saule coupé et placé dans l'eau développe des racines aux dépens des cellules qui rem- plissent alors une fonction toute différente de celle qu'elles avaient dans le plan du corps primitif, ce qui prouve que la propriété leur appartenait. Inversement, une racine coupée peut donner naissance à des bourgeons, d'où proviendront plus tard les organes mâles et femelles; de sorte que les cellules sexuelles dérivent directement de la substance cellulaire d'une racine. De même, les cellules épidermiques d'une feuille de Bégonia peuvent, dans des conditions favorables, reproduire une plante entière, et l'on pourrait citer beaucoup d'autres exemples analogues. Chez les organismes animaux inférieurs, tels que les Cœlentérés, les Vers, les Tuniciers, etc., la faculté de reproduction est sem- blable ; de nouveaux individus naissent de bourgeons ou de parties séparées du corps de l'animal. » L'étude que nous avons faite des organismes unicellulaires ou des algues pluricellu- laires, mais dépourvues d'organes sexuels, est encore plus instructive à cet égard. Ici une seule et même cellule se transforme, selon les circonstances, soit en cellule végétative, soit en une cellule qui se reproduit par voie agame, soit en une cellule qui se conjugue avec une congénère. La nature du protoplasma est toujours la même; mais son énergie, et, par suite, ses manifestations, varient avec le milieu. A un moment donné, la vie finirait par s'y éteindre si deux éléfnents de la même espèce ne réussissaient à s'unir de façon à rajeunir ou à renforcer le mouvement vital. En quoi consiste ce rajeunissement? Nous l'ignorons. Les phénomènes qui se passent dans les cellules sexuelles des animaux et des végé- taux supérieurs sont de même ordre, et tout aussi inexplicables à l'heure actuelle. Ces éléments sexuels sont arrivés à maturité, c'est-à-dire qu'ils sont devenus capables d'entrer en action et de s'unir entre eux, quand ils ne possèdent plus qu'une fraction de la sub- stance nucléaire de la cellule dont ils descendent. Il nous faut donc considérer la maturation comme un appauvrissement de chromatine. 268 FECONDATION. Mais comment se fait-il que deux éléments ainsi appauvris puissent par leur union pro- duire un nouvel élément dont l'énergie évolutive est telle qu'à lui seul il donnera naissance à un organisme capable de refaire un être semblable aux parents? Le fait est là; mais il est, pour le moment, inexplicable. Ce jeune être qui résulte de l'union de deux masses égales ne possède pas, moitié par moitié, les qualités soit paternelles, soit maternelles. L'enfant n'est pas une moyenne. Souvent le fils ressemble davantage à \n mère, bien qu'il possède des organes génitaux masculins. De même la fllle ressemble plus au père. Quand l'enfant tient davantage de l'un de ses parents, nous pouvons admettre que l'énergie de la chromatine de l'un l'a emporté sur celle de l'autre. Peut-être apprendrons-nous un jour à connaître les qualités ou l'énergie différentes de l'une ou l'autre chromatine; mais aujourd'hui nous ne sommes pus en mesure de l'apprécier en considérant uniquement l'un ou l'autre élément sexuel (V. Hérédité). IX. Conclusion générale. — La fécondation est l'acte par lequel deux noyaux ou plutôt deux fractions de noyau réunissent leurs substances nucléaires. A la suite de cette union, il se produit dans l'intérieur du protoplasma femelle un nouveau noyau qui non seulement se divise comme un noyau ordinaire, mais encore produit des généra- tions de cellules susceptibles d'édifier un nouvel organisme. Ce jeune individu prend, en effet, peu à peu les formes et les caractères de l'espèce, et parcourt des phases évolutives analogues à celles par lesquelles ont passé ses parents. Pendant la réunion de ces deux moitiés chromatiques, il ne s'effectue pas entre elles une fusion complète; chacune d'elles semble conserver une partie des propriétés ori- ginelles, c'est-à-dire ses caractères propres qui se reflètent sur l'enfant, de façon à transmettre et imprimer au descendant l'influence prédominante de l'un de ses parents immédiats ou de l'un de ses ancêtres. En tout cas, chez les êtres unicellulaires et pluri- cellulaires, l'addition ou l'échange de chromatine confère et assure à la substance vivante une nouvelle énergie évolutive, un rajeunissement du protoplasma. Bibliographie. — 11 n'est pas possible de citer tous les travaux qui ont paru sur les cellules sexuelles, sur la réduction des chromosomes et les innombrables spéculations relatives à la fécondation. D'ailleurs dans son ensemble la question est du domaine de l'embryologie plus que du domaine de la physiologie. Pour qui veut connaître les prin- cipaux mémoires qui ont trait à ces questions, il lui suffira de se reporter aux publica- tions de GuiGNARD, Strasburger, H.ecker, Grégoire, Janssens et R.-de Sinéty, qui non seulement mettent le lecteur au courant de la science actuelle, mais donnent le tableau complet de toutes les recherches et de toutes les théories. Bo.N.NET. Idées sur la fécondation des plantes (observations et mémoires sur la physique, sur Vhistoire naturelle, etc., iv, part, i, 1774). — Bouin (P. et M.). Réduction chromatique chez les Myriapodes {Association des Anatomistes, 4*= session, 1.902). — Brauer (A.). Zur KennlnissderSpermatogenesevon Ascaris megalocephala[Arch.f. mikr. Anatomie, xlii, 1892). — BuFFON. Histoire naturelle (jénérale et particulière, ii, édit, 1749, 289. — Carnoy et Lebrun. La fécondation chez l'Ascaris megalocephala {Cellule, xni). — Fick (R.). Ueber Rei- fung und Befruchtung des Axolotl-Eies {Zeitschrift f. wiss. Zoologie, lvi, 1893. — Giakd : a) Développement des œufs d'Echinodennes sous l'influence d'actions kinétiques anormales {solutions salines et hybridation B. B., 1900, 442); b) A propos de la parthénogenèse arti- ficielle des œufs d'É'^hino dermes {Ibid., 761); c) Sur la pseudogamie osmotique, ionogamie, {Ibid., 1901, I); d) Pour l'histoire de la mérogonie {Ibid., 1901, 8~o). — Grew. Anatomy of Plants, 1682. — GaÉGoiRE (V.). Les Cincses polliniqucs chez les Liliacées {La Cellule, xvi, 1899, 248). — G'JiG.SARD (L.). L Nouvelles études sur la fécondation {Annales des Sciences naturdles. Botanique, xrv); If. Le développement du pollen et la réduction chromatique dans le Naiai major {Archives d'auat. microscopique, ii, 1899); IlL Les découvertes récentes sur la fézondition ch'.z les Végétaux angiospermes {Cinquantenaire de la Société de Biologie, 1899); IV. La double fécondation dans le Naias mijor {Journal di Botanique, juillet 1901, 203); V. La double féconiation chez les Renonculacées {Journal de Botanique, déc. 1901). — H.EGKEa (Valenh.v). Praxis und Théorie der Zellen und Bifruchtungslehre, léna, 1899. — -Hertwig (0.). Lie Zclle und die Gewebe, 1892.— Hoyer (H.). Veber dus Verhalten der Kerne bei der Conjugation des Infusors Colpidium colpoda {Arch. f. mikr. Anat., liv, 1899). — Janssens. La spermalogénèse chez les tritons {La Cellule, xix, 1901). — Klebs. Die FECONDATION. 269 Bcdiiirjuwjen der Foiipflanzung bci einhjen Al'jen iind Pilzen, Jeua, 1896. — Loeb (.1.). On (lie nature of the Proccss of Fertilizalion and the artificlal Production of normal Larvse [Ame- rican Journal of Phijsiolo(jy, m, 1899). — Maupas (E.). Le rajeunissement kari/ogamique chez les Ciliés {Archives de Zoologie expérimentale, 2« série, vu, 1889). — Meves (Fr.). Ueber die Entioichelung der munnlichen Geschlechtszellen von Salamandra maculosa [Arch. f. mikr. Anat., xlviii). — Retterer"(Ed.). Évolution du cartilage transitoire {Journal de VAnatomie et de la Physiologie, 1900). — SiNîrrv (R. de). Recherches sur la biologie et Vanatomie des Phasmes {La Cellule, xis, 1901). — Sobotta (J.). Die Defruchtung und Furchung des Etes der Maus {Arch. f. mih. Anat., xlv, 1893, 43). — Spallanzani. Opuscules de phy- sique animale et végétale, iir, traduits par J. Senebikr, 1787. — Strasburger (Ed.). Ueber Reduktionstheilung , Spindelbildung, Centrosomen und Cilienbild. im Pflanzenreich, léna, 1900. — Waldever. Bcfruchtung und Vererbung {Nat. Woch., 1898, ii° 11). — Wilson et Mattiiews. Maturation, fertilization and polarity in the Echinoderm egg {Journal of Mor- phoL, X, 1893). ÉD. REITERER. FER (Physiologie). — Sommaire : § I. Existence, apparition, et conditions de la présence du fer chez les êtres vivants, I à 11. — § II. Rôle du fer dans les combustions organiques en dehors de l'être vivant, 12 à 15. — § III. Rôle du fer dans les combustions organiques chez l'être vivant, 26 à 20. — § IV. Les composés organiques du fer, 21 à 24. — § V. Détermination quantitative du fer dans les tissus organiques, 23 à 31. — § VI. Du fer chez les végétaux, 32 à 34. — § VII. Cycle biologique du fer che: les animaux, 33 à 42. — § VIII. Statistique du fer dos tissus, 43 à .58. — § IX. Voies d'éli- mination du fer, 39 à 63. — § X. Absorption du fer,64 à "2. — § XI. Rôle thérapeutique du fer. 73 à 73. § I. — Existence, apparition et conditions de la présence du fer chez les êtres vivants. 1. Existence du fer chez les êtres vivants. — Le fer iiUervienl dans la composition chimique des êtres vivants : il en est un des éléments. Des 75 corps simples de la chimie, il en est à peine une vingtaine qui se rencontrent dans les organismes et, parmi eux, une douzaine environ peuvent être regardés comme des constituants essentiels. Le fer occupe l'une des dernières places de la liste. On veut dire par là qu'il est un des moins abondants ; qu'il ne participe à la constitution que d'un petit nombre de substances organiques, si essentielles que soient ces substances. Son caru de tout temps que les composés ferreux absorbaient l'oxygène de l'air pour passer à l'état ferrique. On peut même dire qu'on a vu, de tout temps, cette transfor- mation; car elle s'accompagne d'un changement de couleur caractéristique. Il y a pas- sage de la teinte vert pâle, qui est l'attribut des composés ferreux, à la nuance ocreuse ou rouge des composés ferriques. Le peroxyde de fer Fe-0\ 3H-0 se trouve donc régénéré et peut servir de nouveau à la combustion de la matière organique, et il se trouve régénéré, non seulement en partie, comme l'indique l'équation (2), mais en totalité. En effet, le carbonate ferreux, formé suivant cette équation, devient soluble dans l'eau chargée d'acide carbonique. Et c'est alors qu'il fixe l'oxygène et se dédouble en Fe^O^ SH^O et CO^ (3) 2 CO^Fe -h 0-f- 3H20 = FcSQ^, 3H20 + 2C02. L'acide carbonique est lui-même régénéré et remis en liberté; nous avons dit, en eiïet, qu'il ne se combine pas à l'oxyde ferrique qui est une base trop faible. 15. Jeu alternatif des oxydations et des désoxydations. Continuité des phénomènes. — On peut concevoir maintenant ce qui arrivera si le composé ferrugineux est mis alter- nativement en présence de la matière organique et de l'oxygène. Dans la. première phase, le fer cédera l'oxygène à la matière organique [équation (1)] ; dans la seconde Téquations (2) et (3)], il reprendra à l'atmosphère le comburant qu'il a cédé et se retrouvera à son point de départ. La même série d'opérations pourra recom- mencer une seconde fois, une troisième fois, indéfiniment. Elle se reproduira aussi longtemps que se reproduiront les alternatives de la mise en présence de la matière organique et de l'oxygène atmosphérique, c'est-à-dire, en définitive, du producteur et du consommateur, entre lesquels le fer lui-même ne remplira d'autre rôle que celui d'un honnête courtier. • ... Il n'est pas nécessaire de recourir à ces alternatives que nous avons simplement imaginées pour rendre plus facile l'analyse du phénomène. Le résultat sera le même, si les deux contractants, l'oxygène de l'air et la matière organique, restent continuelle- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 18 ^274 FER. ment en présence l'un de Tautre ; le jeu de bascule s'établira tout aussi bien, et la combustion de la matière organique se continuera indéfiniment jusqu'à épuisement. Le sel de fer remplira sans arrêt son rôle de transporteur d'oxygène. i- III. — Rôle du fer dans les combustions organiques chez l'être vivant. La question est de savoir maintenant si les cboses peuvent se passer au sein des organismes — au contact de la matière vivante, — comme nous venons de voir qu'elles ont lieu en dehors d'elle pour des matières mortes, >■ débris d'organismes, rentrés depuis sous l'empire des lois physiques ->. 16. Hypothèse des combustions lentes de Lavoisier. — Lavoisier avait admis cette identité d'action. Et, depuis cette époque, on rangeait parmi les réactions physiologiques la combustion lente, la combustion à froid, sans en connaître d'ailleurs d'exemples caté- goriques. L'illustre savant fît accepter l'idée que la chaleur animale et les énergies que le fonc- tionnement vital met en jeu tiraient leur origine des réactions chimiques de l'organisme, et que, d'autre part, les réactions productrices de chaleur, ou exothermiques, comme l'on dit aujourd'hui, consistaient en de simples combustions, des combustions lentes, ne différant que par l'éclat de celle qui s'accomplit, suivant une comparaison célèbre, « dans la lampe qui brûle et se consume ». Le développement de la chimie a montré que c'était là une image trop simplifiée de la réalité des choses, et que la plupart de ces phénomènes, s'ils équivalent, en fin décompte, à une combustion, en diffèrent profondément par le mécanisme et le mode d'exécution. Ce n'est pas à dire que tous les phénomènes d'oxydation de l'organisme soient dans ce cas. Il reste possible qu'il se 'produise dans l'économie un certain nombre de ces combustions lentes, comme Lavoisier les entendait, et comme les combustions opérées par l'intermédiaire du fer viennent de nous en fournir le modèle. 17. Recherche des combustions lentes par le fer. — Cette possibilité est-elle une réa- lité ? Y a-t-il vraiment dans l'organisme vivant des réactions conformes à ce type? C'est la question que se posèrent les successeurs de Lavoisier et, parmi eux, Liebig. C'est aussi la question qu'essaya de l'ésoudre Claude Bernard. Le célèbre physiologiste cher- cha, tout au moins, s'il se fait une oxydation de la matière vivante aux dépens de l'oxyde ferrique. 11 l'épondit affirmativement, par une expérience dont l'interprétation n'est pourtant pas aussi simple qu'on le pourrait croire. Claude Bernard injectait dans la veine jugulaire d'un chien un sel ferrique, et il constatait ce premier fait important, à savoir que ce sel n'était pas retenu par l'organisme. Il était rejeté par les urines; et il l'était sous la forme de sel ferreux, c'est-à-dire dépouillé d'une partie de son oxygène. Cette vérification partielle de la doctinne des combustions lentes ne pouvait préva- loir contre un échec retentissant que cette doctrine venait de subir dans le même temps. Il s'agit du sang, c'est-à-dire d'un tissu qui s'oxyde et se désoxyde continuellement. De plus ce tissu est le plus riche de tous en fer. Il ne pouvait pas y avoir de conditions plus favorables, en apparence, pour le jeu des oxydations dues à l'action du fer. Or, là, pré- cisément, il fut établi que les oxydations et désoxydations successives du sang ne résul- taient pas d'une oxydation et d'une désoxydation du fer, comme on aurait pu s'y attendre. Le mécanisme était tout autre. L'étude du sang a montré que le fer n'y existe pas sous sa forme saline, minérale, e.Kplicite. Le mécanisme des combustions lentes réalisées parle fer exige que le métal se présente à cet état. C'est un jeu de bascule des sels ferreux et ferriques. Or le fer n'existe pas dans le sang, sous cette forme explicite : il y est dissimulé. 11 ne peut donner lieu ;\ des composés alternativement ferreux et ferriques. L'oxydation et la désoxydation s'expliquent par un autre mécanisme i propriété de l'hémoglobine d'absorber l'oxygène et «le le céder). 18. Manières dont le fer est engagé dans les tissus. Fer organique, fer minéral. — Il y a donc lieu, d'après cet exemple, de considérer deux manières, pour le ter, d'être engagé dans les tissus vivants : 1» sous la forme saline, ou sous une forme équivalente, auquel cas il donne lieu aux phénomènes de combustion lente décrits précédemment; 2» sous une forme dissimulée, sous laquelle il ne donne plus lieu à ces phénomènes de ti^ans- port. On distingue, en un mot, dans les tissus, le fer minéral et le fer organique. FER. 275 C'est précisément, comme nous l'avons dit, ce qui arrive dans le cas du sang. 19. Fer dans le sang. Fer organique ou dissimulé. — Le fer est, en effet, dissimulé dans le sang sous une forme qui n'est pas comparable à la forme saline. Menghini, en 17o7, avait reconnu que le fer était localisé dans le sang, et spécialement dans la partie rouge de celui-ci. Cinquante ans plus tard, Vauquelin et Brande nièrent le fait. L'erreur de ces habiles expérimentateurs tenait à la supposition même qui avait dirigé leurs recherches. Ils avaient procédé avec le sang, comme ils l'eussent fait avec un composé minéral. Ils avaient recherché le fer sanguin, le fer hématique, comme s'il existaitti l'étatde sel ferreux ou ferrique, c'est-à-dire en appliquantles réactifs habituels des sels de fer au liquide lui-même, à cru pour ainsi parler, sans calcination préalable. L'insuccès de ces réactions signalétiques prouve seulement que le fer n'existe pas dans le sang sous la forme saline. Les recherches ultérieures établirent, en effet, qu'il existe dans la matière rouge des globules, à l'état de combinaison compliquée, qui le soustrait aux réactifs banals, qui le dissimule à ces agents. C'est l'hémoglobine, qui a été bien connue surtout après les travaux de Hoppe-Seyler en 1864. Liebig, en 1847, se trompait encore sur sa véritable nature : il croyait que c'était une combinaison de sel de fer (proto- carbonate) et de matière albuminoïde. Néanmoins le fait que la combinaison ferrugi- neuse du sang (hémoglobine) diffère totalement d'un sel ferreux ou ferrique, excluait l'idée que cette substance put agir comme ceux-ci pour fixer l'oxygène sur les corps. Fait remarquable, et qui montre bien que le fer conserve à travers toutes ses vicis- situdes quelque trait de sa propriété fondamentale de favoriser l'action de l'oxygène sur les substances, cette combinaison si particulière, et si différente des sels de fer, l'oxyhé- rnoglobine et l'hémoglobine se comportent presque comme eux. Si elle n'est point par elle-même un comburant énergique, l'hémoglobine est, suivant l'expression de Liebig, « un transporteur d'oxygène ». C'est là une vue très exacte que l'avenir devait confirmer. Que ce transport ne se produise point par le mécanisme qu'imaginait Liebig, mais par un autre, le résultat général n'en est pas moins très ana- logue au point de vue de la physiologie du sang. La matière colorante du sang, convoyée par les globules, fixe de l'oxygène au contact de l'air pulmonaire, et le déverse, à son pas- sage dans les capillaires, sur les tissus. Le globule du sang n'apporte pas autre chose aux éléments anatomiques, et ne leur distribue pas d'autre principe, contrairement à l'opinion qui avait prévalu jusqu'alors. 20. Existence dans le foie du fer minéral. Fonction martiale du foie. — Cet échec malheureux détourna de tenter de nouveaux efforts. La théorie des combustions lentes du type de celles qui sont réalisées par les sels de fer n'était donc pas confirmée dans le meil- leur exemple que l'on pût choisir. On ne chercha point si d'autres tissus ou d'autres organes ne présenteraient point de conditions plus favorables à la doctrine de Lavoisier. D'ailleurs, on n'en connaissait point d'autres qui renfermassent du fer, ou, ilu moins, ceux qui en fournissaient à l'analyse,, comme le foie et la rate, passaient pour le recevoir du sang sous la forme compliquée oîi il y existe (hémoglobine, hématine), ou sous une forme analogue, également impi^opre au jeu de bascule des oxydations et des désoxydations successives. Jusqu'à ces dernières années, on ne croyait donc pas qu'aucun organe réalisât les deux conditions qui doivent se trouver réunies pour l'accomplissement d'une combustion lenle par le fer, à savoir : 1° une source d'oxygène; 2° des combinaisons à acides faible^ analogues aux sels ferreux et aux sels ferriques. Nos études, exécutées en 1897 avec la collaboration de Floresgo, ont montré que le foie était un organe de ce genre. Elles ont révélé l'existence de ces conditions. Le foie contient du fer, et le fer y existe, pour une grande part, sous des formes qui sont préci- sément comparables aux composés ferreux et ferriques, tels que la ferrine hépatique. D'autre part, le foie est abondaniment irrigué par le sang qui charrie, à l'état de simple dissolution dans son plasma, et à l'état de combinaison lâche dans ses globules, l'oxy- gène comburant. Toutes les conditions nécessaires à la production de la combustion lente s'y trouvent rassemblées. On ne peut donc pas douter qu'elle s'y accomplisse. C'est là une fonction nouvelle qu'il faut assigner à l'organe hépatique. Nous l'avons dénommée fonction martiale (voir n° 40). La fonction martiale du foie consiste donc en un mécanisme d'oxydation lente où le fer sert de véhicule à l'oxygène comburant, confor- 276 FER. raémenl au type imaginé par Lavoisier pour la grande majorité des actions cliimiques de l'organisme vivant. § IV. — Les composés organiques du fer. 21. Distinction des composés du fer; fer minéral, fer organique, au point de vue de leurs propriétés chimiques et physiologiques. — On a vu (18), par l'e-xemple du. eang (hémoglobine) et du foie (ferriue), que les composés ferrugineux pouvaient se présenter sous deux états très différents quant à leurs propriétés chimiques, et nous ajouterions, quant à leurs propriétés physiologiques. % La première catégorie comprend les composés salins, sels ferriques ou ferreux à acide minéral ou organique : ils présentent les réactions des sels de fer, avec les ferro- cyanures et ferricyanures, sulfhydrate d'ammoniaque, etc. Il existe une seconde catégorie de composés du fer. Ce sont des combinaisons orga- niques dans lesquelles le fer est dissimulé. Il y est engagé d'une façon particulière qui le soustrait à l'action des réactifs chimiques, caractéristiques des sels : au cyanoferrure de potassium; au sulfhydrate d'ammoniaque agissant sur la solution ammoniacale (on sait que l'hydrate ferreux est soluble dans les sels ammoniacaux, dont il déplace l'ammo- niaque). On a opposé l'une à l'autre ces deux catégories. L'usage s'est introduit de les désigner par les noms de fer salin on fer minéral, pour la première catégorie ce dernier nom étant impropre, car elle contient des composés organiques; de fer organique, on fer dissimulé, pour la seconde. Ni l'une ni l'autre de ces catégories n'ont été suffisamment étudiées jusqu'ici. Leur étude approfofidie présenterait cependant un réel intérêt au point de vue physiologique. Des recherches préliminaires ont, en effet, paru établir entre ces deux espèces de composés ferrugineux une différence d'ordre physiologique (Socin, 1881). Les composés salins ferrugi- neux ne seraient pas absorbables par l'intestin chez les mammifères, ils seraient donc inutiles à l'alimentation. Les composés de fer organique ou dissimulé, au contraire, seraient absorbé?, et ils constitueraient le fer alimentaire. 22. Composés organiques du fer des deux catégories : albuminates; nucléinates; nucléo- albumines ferrugineuses; hématogéne. — La première classe {fer salin, fer minéral, fer non alimentaire) comprend des composés ferreux et ferriques divers : oxydes engagés de diverses manières et liés faiblement (rubigine, hémosidérine); sels ferriques à acides forts : sels ferreux à acide fort ou à acide faible, tels que carbonate ferreux, albumi- nates, acides-albuminates, nucléinates ferreux. La seconde classe (/er organique, fer dissimulé, fer alimentaire) comprend, en première ligne, l'hémoglobine. Puis viennent des composés que G. Bunge a contribué à faire con- naître : les nudéo-albumlnes ferrugineuses, qui constituent la partie la plus importante de ce groupe. Elles existent, en général, dans le noyau des cellules, dans la chromatine nucléaire. Elles sont peu abondantes dans le lait; elles sont très abondantes, au con- traire, dans le jaune d'œuf, d'où G. Bumge a extrait la principale, Yhématogènc. En principe, l'existence de composés de ce genre dans les noyaux cellulaires fait comprendre que toutes les substances empruntées au règne animal et végétal, les aliments, par con- séquent, en renferment une petite proportion. Cette petite proportion suffit d'ailleurs aux besoins des organismes (n° Hj. 23. Réactifs des deux classes de composés organiques du fer. Réactif de Bunge. — Un point encore obscur est relatif aux limites de ces deux classes de substances. 11 semble, dès à présent, que leur division a été trop nettement tranchée. Elle est fondée, au point de vue chimique, sur ce que la première donne les réactions des sels de fer, et (|ue la seconde ne les donne pas. Les composés de la forme saline (fer salin), tels que les acidalbuminates, nucléi- nate-i, etc.en solution légèrement alcaline, légèrement ammoniacale, précipitent rapide- ment par le sulfure d'ammonium. Si l'on acidifie par facide chlorhydrique, et que l'on ajoute ensuite du ferrocyanure de potassium, on obtient le précipité de bleu de Prusse. Enfin ces substances sont solubles dans le réactif de Bunge. Ce réactif n'est autre que r.icide chlorhydrique alcoolique : alcool à 9;j°. 90 volumes; HCl à 2o p. 100, 10 vol. FER. "in Dans la seconde classe, le fer est dissimulé dans une combinaison organique où il se trouve fortement lié. C'est le cas des nucléo-albumines ferrugineuses de Runge et de son hématogène. En solution légèrement alcaline ou ammoniacale, ces composés ne préci- pitent point par le sulfure d'ammonium. L'addition de ferrocyanure avec acidification par l'acide chlorhydrique ne donne point le précipité de bleu de Prusse. Ils ne se dissolvent point dans le réactif de Bunge; ou, s'ils s'y dissolvent, ils ne donnent point, ensuite, la réaction du ferrocyanure. En un mot, les réactions du groupe précédent sont négatives. 24. Existence d'une classe de composés ferrugineux intermédiaires. Ferratine de Mar- fori et Schmiedeberg. Ferrine de Dastre et Floresco. — Ces caractères ne sont pas abso- lus. Dans la plupart des cas, si la réaction n a pas lieu immédiatement, elle se produit ensuite plus ou moins lentement et plus ou moins complètement. On conçoit bien qu'il en soit ainsi. L'édifice organique dans lequel le fer est engagé et qui a résisté au premier moment, à l'acide chlorhydrique, en subit l'action prolongée et se désagrège progressi- vement en libérant le fer. L'effet est plus ou moins rapide suivant que le fer est lié plus ou moins fortement. Selon le degré de liaison du fer, on conçoit donc qu'il y ait une troisième catégorie de composés intermédiaires aux deux précédents. Le composé lui-même peut être moins stable et le fer y être moins fortement lié que dans l'hémoglobine ou dans l'hématogène. Ces corps ne donneront pas immédiatement les réactions du fer salin : ils les donneront plus ou moins lentement. On peut ranger dans cette catégorie la ferratine de Marfori et Schmiedeberg, que quelques auteurs rattachent cependant à la forme saline. On peut y comprendre encore la ferrine de Dastre et Floresco, et enfin les protéosates et pepto- nates de fer pharmaceutiques. La ferratine de Markori et Schmiedeberg est une combinaison d'albumine et d'oxyde de fer, encore appelée albuminate de fer ou ferro-albumine. Elle se présente comme une poudre jaune. Elle est soluble dans les solutions étendues d'alcalis et de carbonates alcalins. Elle est précipitée de ses solutions alcalines par les acides étendus; mais elle se redissout dans un excès d'acide. Elle donne, avec le sulfure d'ammonium, un précipité qui n'apparaît point au premier moment, mais qui se produit lentement. De même pour la réaction colorée avec le ferrocyanure. La ferratine est soluble dans l'acide chlorhy- drique alcoolique (réactif de Bunge). La ferrine de Dastre et Floresco est plus proche encore de ïétat salin du fer. C'est la substance principale qui donne au foie sa couleur plus ou moins foncée; c'est un pigment hépatique. On l'obtient de la manière suivante. On lave le foie au moyen de la solution physiologique injectée dans la veine-porte; on le hache; on le place dans le vide au- dessus de l'acide sulfurique. On achève la dessiccation à lOo", à l'étuve. On broie énergi- quement la poudre ainsi obtenue dans un mortier. Puis on met macérer k l'eau froide ou tiède, très légèrement alcalinisée par la soude ou le carbonate de soude. La liqueur prend ime coloration jaune rouge qui fonce de plus en plus par concentration. Le résidu d'évaporation séché est épuisé par le chloroforme. La poudre qui subsiste est une sub- stance albuminoïde riche en fer, ou un mélange de substances de ce genre. Ce mélange contient certainement, d'après son mode même de préparation, des nucléo-albumines, niicléo-albumines ferrugineuses. D'autre part, si l'on traite la poudre hépatique par le suc gastrique, les nucléo-albumines sont décomposées, et les nucléiues précipitées. La liqueur conserve, en partie, sa coloration. Filtrée, puis évaporée, elle donne un résidu coloré (pro- léoses et pigment). En somme, la ferrine brute est un mélange de nucléo-albumines fer- rugineuses et de protéoses ferrugineuses. Ce n'est pas un composé chimique défini. On l'obtient, et c'est le troisième et meilleur procédé, par digestion de la poudre de foie lavé, séchée, au moyen de la papaïne, en milieu neutre ; la liqueur évaporée donne le mélange coloré que nous avons appelé ferrine brute ; quant à la ferrine pure, débarrassée des nucléo-albumines et des peptones, et réduite aux prote'oses ferrugineuses {protéosates di fer), elle n'a pas été isolée. La ferratine de Marfori et Schmiedeberg, obtenue en partant de l'albumine, et nommée pour cela albumin%te de fer, est mieux définie sans l'être tout à fait. Les propriétés de la ferrine sont les suivantes : Elle est soluble en railiea neutre. Elle n'est pas précipitée par les acides; elle y reste dissoute, même dans une quantité faible, ta idis que la ferratine est précipitée par une 278 FER. petite quantité, et soluble seulement dans un grand excès. Enfin, les réactions avec le suif- hydrate d'ammoniaque et le ferrocyanure acidifié ne se produisent pas immédiatement (fer lié), mais n'ont pas besoin d'un long délai pour s'accomplir. On peut signaler une -autre ditïérence : la ferrine (après avoir été chauffée à 100°) jouit à un haut degré de la ^propriété anticoagulante pour le sang in vitro : la ferratine n'exerce pas d'action de ce genre. La plus importante des propriétés de ces substances intermédiaires — au point de vue qui nous occupe — c'est de permettre les combustions lentes. Elles se comportent à cet égard comme les composés de la première catégorie, composés salins. En résumé les composés biologiques du fer forment une série ininterrompue. La série commence àl'hémaline qui est la (combinaison) oi^ le fer est le plus fortement lié, se continue par les nucléo-albumines ferrugineuses, les nucléines ferrugineuses, les albuminates de fer, les ferratines, les feiTines ou protéosates de fer, les peptonates de fer; elle finit par les composés salins. La propriété de servir de convoyeur ou transpor- teur d'oxygène, et par conséquent d'agent des combustions lentes, est d'autant plus marquée que l'on descend davantage les degrés de cette échelle. C'est aux renseignements précédents, très incomplets et évidemment très insuffisants au point de vue chimique, que se réduisent nos connaissances sur les composés orga- niques du fer. § V. — Détermination quantitative du fer dans les tissus organiques. La détermination du fer peut être exécutée par les méthodes chimiques proprement dites : méthode volumétrique (de Margueritte), méthodes par pesées. 25. Méthodes chimiques. — Nous renvoyons aux traités d'analyse chimique (Fressfnius) pour les procédés de ce genre. Ces procédés ont été, le plus souvent, modifiés, pour s'adapter aux nécessités de la physiologie. Un des temps de l'opération commune à tous les procédés et qui demande Je plus de soin, c'est l'incinération préalable. Il faut éviter les pertes par volatilité (chlo- rures)^ la formation d'oxyde ferrique inattaquable. On utilisera, avec beaucoup d'avan- tage, la façon de faire indiquée plus bas (n° 28). On peut dire en, outre, que tous les procédés présentent un défaut commun. Ils sont faits pour déterminer avec précision de quantités de fer très appréciables, qui se chiffrent en grammes ou en fractions immédiates du gramme. — Les chimistes qui recherchent le fer dans les composés naturels, dans les minerais, par exemple, prennent pour point de ' départ le gramme. Ils ont, entre les mains, habituellement quelque fraction de gramme du corps à analyser. Les méthodes qu'ils emploient peuvent être regardées comme parfai- tes, si elles ne laissent pas échapper plus d'un millième dans la quantité dont ils dispo- sent. Et c'est, en effet, le cas pour les méthodes volumétriques ou pondérales en usage. D'après ce que nous avons dit des infimes proportions pondérales du fer dans les tissus vivants, on conçoit que ces méthodes chimiques conviennent mal aux besoins des biologistes. Il leur faut des balances, qui tarent le millième de milligramme, comme ils ont déjà des microscopes qui mesurent avec exactitude le millième de millimètre. L. Lapigque a imaginé une méthode d'analyse de ce genre, adaptée aux besoins de la physiologie. 26. Méthode colorimétrique du sulfocyanate ferrique. — Ce procédé est fondé sur la coloriniélrie du sulfocyanate ferrique. Il exige que l'on observe rigoureusement les pré- cautions prescrites. A cette condition, les résultats offrent toute sécurité. Cette méthode a été l'objet d'une étude préliminaire, critique et expérimentale; les résultats en ont été comparés, par l'auteur, à ceux que fournissent la méthode volu- métrique de Margueritte ou les méthodes par pesée. La sûreté des déterminations et la confiance qu'elles méritent ont été mises en évidence. Nous en reproduisons ici le détail. L'opération comprend les actes que voici : pesée de l'échantillon à analyser — prépa- ration de la liqueur colorimétrique — préparation de la solution d'analyse et de la solution type - comparaison de ces liqueurs au moyen du colorimètre. 27. Pesée de f échantillon à analyser. — On prend 10 grammes de tissu frais ou 2 grammes de poudre desséchée jusqu'à constance du poids. S'il s'agit d'un animal à FER. -279 sang rouge et ferrugineux (vertébrés), on aura eu soin d'hydrotoiiiser le tissu par un lavage à l'eau salée physiologique afiu d'enlever tout le sang et, par conse'quent, tout le fer du sang qui viendrait fausser la recherche. S'il n'est pas possible d'hydrotouiser préalablement le tissu et de le débarasser du sang qu'il contient, il faut tenir compte du fer ainsi introduit par le sang(n» 45). Ces poids (10 grammes) de tissu frais exsangue et (2 grammes) de tissu sec sont choisis {a posteriori) après tâtonnements; ce qu'il faut prendre, c'est une quantité de tissu qui contienne environ 1 milligramme de fer. C'est la quantité, en effet, qui convient le mieux pour les dosages. On suppose ici que le tissu auquel on a affaire est assez .riche pour contenir 1 milligramme de fer dans 10 grammes. S'il était trois ou ({uatre fois moins riche, d'après une expérience préliminaire, on prendrait trois ou quatre fois plus de matière, de manière à opérer toujours environ sur un milligramme de fer. Le chillre précédent convient au foie. Pour les autres tissus, l'expérience apprend qu'il faut en prélever une quantité plus considérable, cinq à six fois supérieure, au moins; par exem- ple : 40 à 50 grammes de tissu frais ou 8 à 10 grammes de tissu sec. 28. Préparation de la liqueur colorimétrique. — Cette quantité de iissu est incinérée par un procédé particulier. La calcination ne convient pas, parce qu'elle est longue, et très délicate, si l'on veut éviter de volatiliser le fer cà l'état de chlorure ou de l'insolubi- liser en calcinant trop fortement l'oyxde. On détruit la matière organique par l'acide azotique, au sein d'une petite quantité d'acide sulturique, dans le récipient même où se fait la pesée du tissu. Le tissu fiais ou sec est donc introduit dans un ballon de verre de Bohême de 12a centimètres cubes de capacité,, préalablement taré. On pèse par différence le tissu introduit. On ajoute de l'acide sulfurique pur, bien exempt de fer, — environ un centimètre cube d'acide par gramme de tissu frais, c'est-à-dire dans le cas présent 8 à 10 centimètres cubes, — et on laisse macérer à froid pendant environ quatre heures. Cette macération préalable n'est nécessaire ou simplement utile que pour ralentir la violence de l'action et les projections ultérieures qui pourraient se produire au moment où l'on chauffera. Si l'on opère sur le tissu sec au lieu du tissu frais, on peut s'en dispenser, et l'on procédera immédiatement aux opérations suivantes : Dans une hotte vitrée, d'où le fer est exclu ou dont la surface est protégée par une épaisse peinture, on place les ballons dans une position inclinée sur un support de cuivre au-dessus d'un bec de gaz; on conduit la chauffe avec précaution, ralentissant à propos la flamme de manière à éviter les projections. La matière organique se dissout. A la fin de ropéra;tion, on pousse la flamme de manière à éliminer l'eau et à amener l'acide sulfurique près de son point d'ébullition, ce dout on est averti par la disparition des épaisses vapeurs blanchâtres qui chargeaient l'atmosphère du ballon, maintenant transparente. On écarte alors le ballon du feu : on le laisse refroidir un peu et on y fait tomber, au moyen d'un flacon compte.-gouttes, de l'acide azotique pur exempt de fer, et on agite. Le contenu du ballon qui était npirâtre et ses parois qui étaient mouchetées d'éclaboussures noirâtres se décolorent et passent au rouge clair, en même temps qu'il se dégage des vapeurs nitreuses. On chauffe de nouveau et on recommence la même opération jusqu'à ce que les parois soient propres, et la liqueur claire et légèrement colorée en jaune verdâtre. Il est bien entendu que l'on rajoute au besoin de l'acide sulfurique au cours de l'opération, s'il diminuait trop par suite de la volatilisation. A la fin, au contraire, on poussera la chauffe s'il était en excès. Il faut s'arranger de manière que la quantité finale de liquide ne dépasse pas sensiblement 2 centimètres cubes. Le fer s'y trouve au fond sous l'apparence d'une fine poudre cristalline (sulfate ferrique), dont l'abondance^fournit à première vue, à l'observateur exercé, une première idée de la richesse en fer du tissu. Avec beaucoup de précautions, on ajoute ensuite de l'eau, environ 20 centimètres cubes; on fait bouillir jusqu'à dissolution complète du précipité cristallin. On laisse refroidir. On a alors une liqueur claire pâle, jaune verdâtre, prête pour la colorimétrie. 29. Solution d'analyse et solution type. — On a une petite fiole dont le long col porte deux traits de jauge correspondant à 20 centimètres cubes et 2;; conlimètres cubes. ^280 FER. On verse dans celte liole la liqueur précédente provenant de l'incinération azoto-sulfu- rique, et avecles rinçares successives d'eau distilie'e du ballon on amène le volume au trait 20 centimètres cubes. On ajoute à cette liqueur d'analyse (jusqu'au trait 25 centi- mètres cubes) ii centimètres cubes d'une solution à 10 p. 100 de sulfocyanate d'ammo- niaque. On agite. On obtient ainsi une solution rouge contenant tout le fer qui provient du tissu. C'est cette solution d'analijse qui devra être comparée à la solution type, dans le colo- rimètre Laurent. Le résultat de la comparaison fera connaître les richesses relatives des deux solutions; et, comme on connaît celle de la solution type, on aura la valeur absolue de l'autre. La solution type esl obtenue en dissolvant à chaud 0e'',500 de fil d'archal bien décapé dans de l'eau distillée additionnée d'acide sulfurique pur, en excès, et d'acide azotique. L'ébullition est continuée pendant une demi-heure. Après refroidissement, on étend à 1 litre ;99o centimètres cubes). De cette liqueur, 20 centimètres cubes contieiment i centigramme de fer. Si l'on ajoute à la liqueur 5 centimètres cubes de sulfocyanate d'ammoniaque à 10 p. 100, on a 1 litre d'une liqueur présentant une coloration rouge très intense. Ce n'est pas cette solution elle-même que l'on emploie. Celle-ci sert seulement de solution mère. On en prend une portion quelconque que l'on étend au dixième, et qui, par conséquent, contient, dans 20 centimètres cubes, 1 milligramme de fer. Elle est la véri- table solution type. On possède ainsi les deux solutions rouges à comparer : la solution d'analyse et la solution type. Sous même volume, la teinte est proportionnelle à la richesse en fer. Voilà le principe de l'analyse. La comparaison des teintes se fait dans le colorimètre Laurent avec des précautions particulières. (Voir thèse de L. Lapicque, p. 30 et suivantes). 30. Comparaison colorimétrique. — Pour éviter toute erreur relative aux: diffé- rences d'éclairage, on ne compare pas directement les deux liqueurs entre elles. On les compare toutes les deux à un même étalon de couleur fixe, placé d'un côté de l'appareil, tandis que les deux liqueurs sont successivement placées de l'autre côté, dans le godet. On fait mouvoir le manchon vide, c'est-à-dire varier l'épaisseur sous laquelle on examine la liqueur du godet, jusqu'à ce que sa teinte soit exactement celle de l'étalon. On lit cette épaisseur c' au demi-millimètre près, grâce au vernier de l'échelle. On lit, de même, l'épaisseur e correspondant à la solution type. La quantité de matière colorante, de substance active (c'est-à-dire la quantité de fer), sera la même dans l'épaisseur e de solution type et dans l'épaisseur e' de solution à analyser, si l'on admet, ce qui est la base du procédé colorimétrique, que l'égalité de teinte entraîne l'égalité de teneur en substance active. Soit p la quantité pondérale de fer contenue dans l'unité de volume (1 litre) de la solution type; p la quantité dans l'unité de volume de la solution à analyser. Le cylindre du colorimètre de base B, de hauteur e, de volume Bxe contiendra donc Bxexp de fer, pour la solution type; le même cylindre de base B, de hauteur c', contiendra Bxe'xp' pour la solution à analyser. A l'égalité de teinte ces deux quantités sont égales, Bxexp=:Bxe'xp\ D'oti p'=p ^ . Pour avoir la quantité de fer contenue dans un volume donné de la solution à analyser, il faut multiplier la quantité contenue dans le même volume de solution type par le rapport colorimétrique — . Appliquons cela au volume 20 centimètres cubes. Le poids de fer contenu dans 20 centimètres cubes de la liqueur à analyser (c'est précisément tout le fer de l'échantillon analysé qui pesait K grammes), c'est la quantité que l'on cherche x; le poids de fer contenu dans 20 centi- mètres cubes de la solution type, c'est 1 milligramme, comme nous l'avons vu. — On a donc : X quantité de fer dans le poids K grammes de tissu = — x 1 milligramme. Le rapport colorimétrique -; exprime donc, en milligrammes, le poids de fer conlenu dans r<'chanlillon à analyser qui pèse K grammes. En divisant par K on aura le nombre FER. 281 c l de milligrammes de fer dans un gramme de tissu : c'est le nombie - p, qui exprime le résultat de chaque analyse. Exemple. On traite un poids K de foie de bœuf de 7s^50, on trouve un rapport colo- '{X 0 o4 rimétrique '—- = 0,oi. La quantité de fer est de -V- c'est-à-dire O'^sr^ 07 par gramme de foie. 31. Conditions qui rendent la méthode rigoureuse et sensible. — La méthode n'est rigoureuse et sensible que sous certaines conditions. En principe, la relation qui lie la quantité de fer à l'intensité de la coloration du sulfocyanate n'est pas simple. Il n'y a point de proportionnalité entre ces deux grandeurs. Le coefficient d'extinction photo- métrique varie avec les conditions du milieu : sels, quantité d'eau, nature et quantité de l'acide, influence de l'acide phosphorique. Mais il y a des circonstances — et ce sont précisément celles dans lesquelles on applique le procédé — où la proportionnalité existe, où l'intensité de la coloration est en raison directe de la quantité de fer. En second lieu, la sensibilité est ordinairement très grossière dans les déterminations colorimétriques. Elle est ici beaucoup plus grande. En etFet, au lieu d'imposer à I'omI une détermination d'intensité, d'égalité d'intensité, ce à quoi l'œil est inhabile, on lui demande de déterminer une variation de teinte, ce à quoi l'œil est très apte. Et précisé- ment on opère avec une teinte sensible. La solution de sulfocyanate ferrique, à 1/1000'' de fer, que l'on emploie ici, a, sous l'épaisseur de 4 centimètres, une teinte orangée qui vire immédiatement du côté du rouge ou du côté du jaune, suivant que la proportion de fer augmente ou diminue. L'étalon de verre type est précisément choisi de cette teinte orangée, et il faut amener par dilution convenable la liqueur à analyser à cette teiute, afin de sensibiliser au maximum la détermination. § VI. — Du fer chez les végétaux. 32. Présence du fer dans les tissus végétaux. Règle d'Haùy. — Le fer se rencontre, en faibles proportions, dans les diverses parties des plantes. Letellier, Rammelsberg, Bous- siNGAULT ont signalé l'oxyde de fer à l'état de traces. On l'a trouvé en proportions appréciables (on le dosait en bloc avec la magnésie) dans le sarment de vigne, dans le topinambour, dans le bois de pin sylvestre. M. Petit (1893) a isolé, dans l'orge, du fer à l'état de composé organique analogue aux nucléines. On a cru, à la fin du xvni"- siècle, après les observations de Lé.mery, de Geoffroy et de Menghim, que spécialement les parties colorées des plantes étaient ferrugineuses et devaient leur richesse de teintes aux composés de fer. C'était une extension de l'obser- vation qui avait montré la présence du fer dans toutes les terres ocreuses, dans toutes les roches dont la teinte varie du brun foncé ou rouge clair. Hauv, le fondateur de la minérologie, avait exprimé cette idée dans le style de son temps : « Lorsque la nature prend le pinceau, c'est toujours lé fer qui garnit sa palette. » La verdure des feuillages et les plus délicates nuances de la fleur ou du fruit auraient du leur variété de tons aux combinaisons du fer. Le même principe, d'ailleurs, avait été étendu aux animaux et à toutes leurs matières colorantes : sang, bile, teintes du pelage et du plumage. C'était là une erreur. Elle fut bientôt réfutée en ce qui concerne les matières colorantes des cerises, des groseilles du safran, de l'orcanelte, de la garance. Pour la chlorophylle, le doute subsista plus longtemps. En 1877, A. Gautier a montré que cette matière vertu ne contenait point de fer. Toujours est-il que, laissant de côté cette liaison imaginaire entre le fer et la couleur, on peut dire que l'analyse révèle la présence du métal dans presque tous les tissus végétaux. La seule présence du fer dans les diverses parties de la plante pourrait n'avoir pas de signification. Elle pourrait, quoique très générale, tenir à une condition accessoire, l'abondance du métal dans tous les terrains de culture. Les combinaisons ferrugineuses sont tellement répandues dans les sols et les eaux, que Ton ne saurait s'étonner de les rencontrer dans presque tous les organes des plantes. On n'en pourrait pas conclure que le métal soit nécessaire à la constitution des plantes non plus qu'à l'entretien ou au développement de la vie végétale. Certains matériaux manifestement indifférents, ou ^282 FER. même nuisibles, s'ils existent abondamment dans un terrain, peuvent être absorbés par les racines, entraînés par le mouvement de la sève jusqu'tà l'extrémité des feuilles et se tixer dans divers organes. C'est ce qui arrive pour le cuivre dans les circonstances excep- tionnelles où ses composés saturent le sol. La présence habituelle d'un élément dans les tissus végétaux ne permet pas de conclure qu'il est constituant, c'est-à-dire nécessaire. 11 faut des épreuves directes, pour établir sa nécessité ou simplement son utilité biolo- gique. Ces épreuves directes consistent en des essais méthodiques et comparatifs de culture dans des milieux artificiellement privés ou pourvus de l'élément en question. C'est ainsi que l'on a procédé pour les combinaisons du fer — et c'est ainsi que l'on a réussi à faire apparaître l'utilité de ce métal, surtout chez les végétaux supérieurs. 33. Utilité du fer pour la production de la chlorophylle. — Si le fer n'entre pas dans la composition de la chlorophylle, il n'est pas inditférent cependant à la produc- tion de ce pigment dans les feuilles. C'est en 1845 que Gris a constaté une influence des composés du 1er sur la chlorophylle. Il en fit une application au traitement de la chlorose des plantes. Certaines plantes dont les feuilles avaient perdu leur couleur verte par suite d'une altération pathologique, reprenaient leur coloration et leur santé après avoir été arrosées avec une solution ferrugineuses (sulfate de fer). L'action peut être locale. Il suffit d'appliquer avec un pinceau la solution ferrugineuse sur quelques parties des feuilles étiolées, pour faire reparaître la teinte verte aux points touchés, tandis que les autres restent pâles, incolores. Dans les cellules du parenchyme étiolé, A. Gris, en 18o7, a cru voir qu'il n'y avait à peu près pas de granules de chlorophylle; et qu'au contraire, dans les régions de la feuille qui ont reverdi sous l'action du sulfate de fer, les cellules contenaient un grand nombre de grains de chlorophylle (A. Gris, 1857). On a interprété ces résultats (dont une partie est contestable), en disant que les composés du fer sont une sorte d'excita- tant favorable à la formation des chloroleucites, et jouent ainsi un certain rôle dans la • formation de la chlorophylle. Allant plus loin dans cette voie, Von SALxisTORiisTER a réussi à provoquer la chlorose chez des plantes en les cultivant dans un milieu exempt de fer et à la supprimer en rendant au terrain le fer qui lui manquait. Les expériences de GuRiFFiTHs et Delachardonny ont confirmé ces conclusions : celles de Mûntz, Grandeau, M'RiGUTSON, et Mauro, Gaillot ne leur ont pas été favorables. Dassonville aurait cultivé sans fer et même dans l'eau distillée les espèces suivantes : blé, seigle, maïs, pomme de terre, tomate, sarrazin, courge, moutarde, fève. Toutes ces plantes ont donné des feuilles très vertes. Griffon, a vu cependant que les feuilles étaient beaucoup plus vertes dans les cultures avec fer. L'effet avantageux du sulfate de fer ne serait donc pas constant et universel. D'après M. Bernard, il ne se produirait que dans les sols très fortement calcaires : il serait dû à une action du sel de fer sur le calcaire dont la proportion serait ainsi diminuée. D'autre part, les essais de Petit sur la culture de l'orge ont montré qu'il fallait distinguer les sels ferreux et les sels ferriques. Ces derniers, le sulfate de fer, par exemple, sont presque toxiques : les sels ferreux et les composés organiques ferrugineux, au contraire, sont utiles; absorbés ils provoquent un accroissement de l'assimilation de l'azote. 34. Utilité du fer chez les végétaux inférieurs. — Eu ce qui concerne les végétaux inférieurs, les mucédinées, en particulier, les expériences de Raulin ont manifesté l'influence du fer sur leur développement. Elles ont montré que si l'on venait à supprimer cet élément dans le milieu de culture de l'Aspergillus niger donnant le maxi- mum de récolle, on voyait la végétation languir et le rendement tomber immédiate- ment au tiers de sa valeur. Si l'on tient compte de la quantité de métal qui amène la récolte à sa valeur maxima, on constate que l'addition d'une partie de fer suffit à déterminer la production d'un poids de plante 900 fois plus grand. La suppression du fer dans le milieu de culture a d'ailleurs causé à la plante un mal irréparable. Si l'on essaye, en efTet, de remédier à l'alanguissement de la végétation, en restituant au milieu le fer qu'on en avait supprimé, la tentative reste vaine. Le végétal continue à dépérir. En résumé, l'expérimentation montre la nécessité ou tout au moins l'utilité du fer dans la vie végétale. Les divergences à cet égard tiennent sans doute à l'insuffisance des méthodes d'analyse du fer, rapprochée de cette autre circonstance sur laquelle nous FER. 283 avons insisté plus haut, à savoir que le fer intervient toujours en quantités très faibles, presque infinitésimales. L'utilité ou la nécessité de cet élément porte, sans doute, sur des quantités mille fois ou dix mille fois plus petites que celles où interviennent les autres éléments habituels. § V[I. — Cycle biologique du fer chez les animaux. 35. Le fer dans la médecine ancienne. — Nos connaissances sur le rôle biologique du fer ont eu leur point de départ dans l'emploi qui a été fait des préparations ferrugi- neuses en thérapeutique. La médecine ancienne avait une opinion vague sur la précellence du fer comme médicament ou comme réconfortant. Elle employait un petit nombre de préparations de ce métal. Le nombre s'en est multiplié considérablement par la suite. Une sorte de préjugé antique établissait un lien entre les qualités précieuses du fer pour les usages domestiques et pour la fabrication des armes d'une part et pour la santé et la vie d'autre part. Le fer a succédé au bronze qui était le métal usuel dans les temps héroïques : il était précieux au temps d'Homère : une boule de fer était le prix décerné au vainqueur dans les jeux funèbres institués en l'honneur de Patrocle. La croyance vague que le fer donne de la force au corps est un legs de ces premiers âges. 36. Propriétés astringentes locales des composés ferrugineux. — Plus tard, une méthode plus raisonnable chercha à fonder l'usage des substances sur leurs qualités plus ou moins évidentes. Or, l'un des caractères considérés comme les plus apparents des com- posés du fer, c'est leur propriété astringente, constrictive, resserrante. Celle-ci se manifeste lorsqu'on les applique sur la langue et se traduit par la saveur âpre que l'on connaît : elle se montre encore sur les autres tissus. De là, depuis le temps de DioscoRiDE, c'est-à-dire depuis le premier siècle de notre ère, l'usage des ferrugineux pour arrêter les suintements, les hémorragies, les flux et les écoulements, en lesser- rant, disait-on, les libres des tissus et les débarrassant des liquides en excès. Encore aujourd'hui, le perchlorure de ter et d'autres préparations sont employées, d'après cette idée, comme topiques locaux. 37. Propriétés générales attribuées autrefois aux préparations ferrugineuses. — Rôle désopilatif. — On croyait, en outre de cette action locale, à une action générale dont les successeurs de Paracelse se faisaient une idée plus ou moins obscure. Le fer, dit l'un deux est « un puissant apéritif et désopilatif. Il sert à la jaunisse, aux pâles couleurs des filles; à désopiler la rate et le mésentère. « La maladie épaissit les humeurs; elle obstrue les pores, les canaux des organes digestifs, biliaires et urinaires : le médi- cament ferrugineux fait l'inverse. En tant qu'apéritif il « incise » ; il atténue les humeurs trop épaisses; il ouvre, il désopile les voies encombrées et les rend libres. Ce sont là des explications sans aucune signification précise. 38. Efficacité dans la chlorose. — Cependant, avec le temps, les médecins crurent apercevoir ce qu'il y avait de significatif dans les propriétés du fer; et ils l'exprimèrent en disant qu'il était « la panacée de la cachexie ». Il faut entendre ce mot. La chlorose et l'anémie étaient, en effet, des cachexies pour les anciens; et ces affections sont celles dont le fer constitue, au regard de la médecine moderne, le remède héroïque et spéci- fique. Les médecins ne savaient pas encore la cause intime de ces maladies; ils ne connaissaient point leur lésion significative, qui est une altération du sang; ils ne pos- sédaient même pas le tableau complet des symptômes qui fait de la chlorose une mala- die caractérisée, puisque c'est seulement en 17o3 que Fr. IIofmanx en fit une espèce nosologique distincte; cependant ils étaient convaincus du soulagement que peut apporter à cet état morbide la médication ferrugineuse. Depuis les temps hippocratiques cette médication n'a pas cessé d'être en faveur. Elle compte des succès innombrables. Sous son influence, on voit fréquemment, en quelques semaines, les malaises dispa- raître, le cœur se régulariser, l'essouffiement cesser, l'appétit renaître, les nerfs se calmer et le teint se colorer. 39. Rôle dans quelques cachexies. — En outre de la chlorose, on a signalé d'autres formes d'anémie où réussissait encore le traitement martial. On en cite un exemple mémorable dans l'épidémie des mineurs d'Anzin, observée, il y a un siècle environ, par i>S4 FER. Halle. Le célèbre hygiéniste fat frappé de la pâleur de ces malades; et, à l'autopsie, de la flaccidité et de la teinte affaiblie du muscle cardiaque. Ces signes d'un appauvris- sement du sang lui furent, dit-on, un trait de lumière; il y vit une indication formelle de la médication ferrugineuse. Et, en effet, l'épidémie parait avoir été arrêtée rapidement. Ce sont des exemples de ce genre qui ont fondé l'inébranlable confiance des méde- cins dans la vertu souveraine du fer contre la chlorose et l'anémie. Devant ces résultats BoERHAAVE cutbousiasmé s'écriait : In ferro est allquid divinum. FouRcrioY, le chimiste, décorait le fer du nom de « remède héroïque ». Cruveilhier l'appelait « un médicament précieux, ami de nos organes ». Liebig, enfin, déclarait que « s'il était exclu de nos aliments, la vie serait impossible ». Heureusement il est impossible de l'en exclure : ceux-ci en contiennent toujours assez pour couvrir les oscillations physiologiques et pathologiques de l'organisme. La conviction de l'efficacité des ferrugineux est cependant bien loin d'être aussi affermie chez les physiologistes et chez les chimistes. Il y a, à cet égard, deux phases à distinguer. Au début, les progrès de la physiologie avaient paru corroborer l'obser- vation médicale et lui fournir une base et une explication. Plus tard s'est ouverte la période des difficultés. 40. Action physiologique apparente des ferrugineux; fixation dans le sang — La pre- mière période débute avec les recherches de Menghi.xi. Ce chimiste physiologiste recon- nut en 1757 que le fer, que l'on savait déjà exister dans l'économie, était localisé dans le sang, et particulièrement dans les globules rouges, de telle sorte que la couleur du sang se liait à la quantité du métal; « sang riche en fer est riche en couleur; sang pauvre en couleur est pauvre en fer ». Cette doctrine du fer sanguin fut universelle- ment adoptée. Elle est restée en vigueur jusqu'à ces dernières années. Elle se traduit, sous sa forme la plus absolue, de la manière suivante : « La seule partie du corps qui renferme du fer est le sang : la seule partie du sang qui renferme du fer est le globule rouge. » Dans la réalité tous les tissus renferment du fer en quantité plus ou moins appréciable, et, de plus, il y a chez l'homme et tous les vertébrés deux autres organes qui sont riches en fer (sanè le devoir au sang, bien entendu), le foie et la rate. Chez les invertébrés le foie est encore riche en fer, alors que le sang n'en contient que des traces. Cette notion de l'existence du fer dans le globule rouse servait à relier et à éclairer tous les faits acquis par l'observation empirique. — Certaines anémies sont dues à la diminution du nombre de globules. Il y a hypoglobulie. La numération des globules révèle le fléchissement de leur nombre : en même temps la colorimétrie sanguine, l'hématométrie, la spectrophotométrie font reconnaître la diminution de la matière colorante; l'analyse chimique décèle la diminution du fer. Les trois espèces de déter- minations concordent. — Dans la chlorose, il n'Qn est pas de même : il y a discordance entre les déterminations du nombre des globules et celles de la couleur du sang et de la teneur en métal. Il n'y a pas hypoglobulie simple : les globules ne sont pas seule- ment diminués de nombre, ils sont altérés dans leur composition. Cette affection est une anémie aggravée par une anomalie constitutionnelle des globules rouges qui sont altérés, malformés, imparfaitement développés, frappés dans leur vitalité comme dans leur composition. La matière colorante est moins fortement retenue : la résistance tinc- toriale globulaire, appréciée par le procédé de Hamburger, est diminuée. On a constaté, en outre, que l'introduction de sels de fer dans le sang raffermit aussitôt cette résistance et abaisse le degré isotonique. Ces premières notious expliquaient la cause initiale de la maladie, la localisaient avec précision, et faisaient comprendre l'efficacité du remède qui semblait s'adresser au globule rouge, y pénétrer à l'état de matière constituante, accroître la charge d'hémoglobine et relever sa vitalité et ses aptitudes fonctionnelles. 41. Action physiologique réelle des ferrugineux. Pas de fixation dans le sang. Distinc- tion. — C'est précisément cette explication de l'action médicalrice du fer qui est aujour- d'hui mise en doute. La physiologie actuelle n'admet pas, ne peut pas admettre que c'est bien le fer que l'on administre au malade qui va se fixer dans le sang, et réparer le déficit auquel on attribue la maladie. 11 ne s'agit pas, on le comprend bien, de mettre en doute l'utilité de la médication FER. 285 ferrugineuse. On peut admettre que cette efficacité est une vérité relative, une de ces vérités de fait dont l'expérience des siècles a enrichi la pratique rnédicale. Il y a bien quelques restrictions à faire : mais on admet le. fait en bloc. Le physiologiste conteste seulement l'explication si simple et si naturelle qui s'offrait à l'esprit du médecin. Quant aux restrictions sur la vertu curative du fer dans l'anémie et la chlorose, elles sont dues aux maîtres eux-mêmes de la médecine. Trousseau recoimaissait que le fer n'est pas infaillible. L'aveu que la chlorose n'est pas toujours facile à guérir a échappé à tous les véritables observateurs. Le fer, à lui seul, conduit rarement à une guérison parfaite. On lui associe presque toujours d'autres agents thérapeutiques ou hygiéniques dont le concours n'est pas indifférent, tels que les amers, les toniques stimulans, le quinquina et les lotions froides, l'hydrothérapie, les cures balnéaires, l'air des montagnes ou de la mer. Chez les malades pauvres à qui ces ressources accessoires sont interdites, les elïets du fer sont moins efficaces, moins durables; et sous toutes ses formes, il ne réussit souvent qu'à fatiguer leurs voies digestives. Malgré ces réserves, les physiologistes ne contestent point l'utilité générale de la médication ferrugineuse : ils en contestent l'explication. Ils déclarent que le fer admi- nistré ne va point dans le globule rouge remplacer le fer déficient. Il y a plus : la plupart des préparations médicinales du fer ne sont pas absorbées. L'organisme n'accepte pas ces composés martiaux. L'efficacité de ces médicaments que l'organisme refuse est donc un paradoxe apparent. Ce paradoxe peut cependant s'expliquer. G. Bunge (de Bâie) en a précisément proposé une explication très plausible. On y reviendra après avoir examiné les questions physiologiques de l'absorption du fer, de sa fixation dans les organes et de son élimination; c'est-à-dire, en d'autres termes, la question du Cycle biologique du fer. 42. Cycle biologique du fer. — Le fer a comme les autres éléments de l'organisme, un cycle biologique. Il n'est pas fixe, invariable. Comme tous les autres composants de la matière vivante, il est soumis à la grande loi de mutation. Il entre et il sort sans cesse. Il est puisé à l'extérieur par l'alimeatation; il est incorporé pour un temps à l'édifice vivant, dans la chromatine cellulaire ou dans le cytoplasma des éléments anatomiques des tissus les plus divers, particulièrement du sang, du foie, de la rate; puis il est rejeté hors de l'organisme par les voies d'émonction. Les trois stades de ce cycle que les études des nombreux physiologistes ont essayé de faire connaître avec précision ont donné lieu, en particulier chez les mammifères, à un nombre considérable de recherches. Celles-ci se rapportent donc aux points suivants : la détermination du métal dans les différents tissus; l'absorption du fer alimentaire ou médicamenteux; l'élimination par les divers émonctoires ; et enfin l'explication du rôle physiologique et thérapeutique de ce métal. § VIII. — Statistique du fer des tissus. 43. Quantité de fer de différents tissus chez les mammifères. Fer total. — Il existe un grand nombre de déterminations du fer dans les diverses parties de l'organisme, soit à l'état physiologique, soit à l'état pathologique. Les chiffres sont, en général, très discor- dants. Cette discordance peut correspondre à des variations réelles; elle peut aussi tenir à des défauts des procédés d'analyse, principalement dans les cas où il s'agit de faibles quantités. Il y aurait à décider la question pour chaque cas. Nous utiliserons les déter- minations les plus récentes, celles surtout de Lapicqle, qui a revisé un grand nombre des analyses de ses prédécesseurs. Ensemble de l'économie. Loi de Bunge. — Pour l'ensemble de l'économie, la quantité de fer varie en moyenne de 0,4 (dix-millièmes du poids sec) à 2 dix-millièmes. Exemples (Blnge) : Lapin, immédiatement après la naissance, 1-20 milligrammes do Fe par kilo^r. soit 1.2 dix-millièmes de jDoids sec. Chien âge de 10 heures, 112 milligrammes, soit 1.12. Bunge a observé une loi intéressante à cet égard : c'est que la quanlilé de fer décroit rapidement après la naissance. -286 FER. Exemples : Lapin âgé de lo jours. . . 0,44 ;dix-millièmcs du poids sec) au lieu de 1,2. Chien âgé de 3 jours. . . 0,96 au lieu de 1,12. Chien âgé de 4 jours. . . 0,75. Chat âgé de 4 jours. . . 0,69. Chat âgé de 19 jours. . . 0,47. Ce fait a été rapproché, par Bunge, d'un autre qui est relatif au lait. 44. Fer du lait. — Le lait contient très peu de fer, Bunge a incinéré le lait d'une chienne et trouvé que 100 parties de cendres ne contiennent que O»'",!'^ de sesquioxyde de (Fe-0'). Tel est le fait. En revanche, les autres éléments minéraux étaient 34,22 d'acide phosphorique P2O0; 27,24 de chaux; 16,90 de chlore; 14,98 de K2O; 8,80 de Na.O; 1,54 de MgO — Les cendres du jeune chien qui recevait cette nourriture avaient sensiblement la même composition, sauf pour le fer. Les chiffres étaient respectivement de 39,42; 29,52; 8,3o; 11,42; 10,64; 1,82, Pour le fer, la différence était considérable : 0,72 au lieu de 0,12. Ainsi, tandis que la richesse minérale du lait correspond à la composition miné- rale de l'organisme du jeune animal, sa teneur en fer est tout à fait insuffisante. Elle est six fois plus petite. L'animal qui prend une quantité de lait suffisante pour l'accroisse- ment des organes, au point de vue minéral, n'aurait pas assez pour les fournir du fer nécessaire. — Le lait est un aliment insuffisant au point de vue du fer, dans les premiers temps de la vie. Si l'on compare le lait aux autres aliments, on constate le même fait. Le lait est beaucoup plus pauvre en fer : il en contient de dix à quinze fois moins. Par exemple, le jaune d'œuf contient 40; la pomme de terre, 46; le blanc d'œuf, 26; le froment, 26; les pois, 24. Le lait de femme et le lait de vache ne contiennent que 3. (Ces nombres expriment les dix-millièmes de Fe^O'' du poids sec.) En résumé, le lait est, pour les enfants, un aliment insuffisant au point de vue du fer. Et le nouveau-né qui s'alimente par ce moyen exclusif, doit porter, et porte en effet, eu lui-même, la réserve de fer nécessaire à l'élaboration de ses organes. Cela résulte de la confrontation des deux faits qui viennent d'être indiqués : la décroissance rapide du fer après la naissance, V insuffisance du lait au point de vue de la teneur en fer. 45. Fer dans le sang. — Le tissu le plus riche en fer est le sang. On peut fixer sa teneur moyenne à 5/10 000. Un gramme de sang à l'état sec contient 0"""'g''-,5 de fer. Le fer du sang est fixé dans l'hémoglobine dont il est un élément constituant. La détermi- nation chimique du fer est un moyen de déterminer l'hémoglobine. Inversement, tout moyen de déterminer l'hémoglobine (colorimètre, spectro-photomètre, mesure du plus grand volume d'oxygène, etc.), devient un moyen indirect de fixer la quantité de fer (Voir Hémoglobine). On admettait autrefois que le fer se partageait entre les globules et le plasma. La généralité des physiologistes considère, aujourd'hui, comme nulle ou négligeable la quan- tité de fer du sérum. 46. Fer du foie chez les vertébrés. Théorie hématique. — Le foie joue par rapport au fer un rôle exceptionnellement important. Il a été publié un assez grand nombi'e de dosages de fer dans cet organe. Bien entendu, il s'agit ici du foie débarrassé de son sang, lavé à l'eau physiologique, et du fer fixé dans le tissu lui-même. Le résultat le plus général de ces analysf s est d'établir l'abondance du fer dans le foie. Cependant, celte vérité môme n't^dlt pas hors de doute. Lapicque, dans son travail de 1897, résumait la situation, en disant que les documents rassemblés jusqu'il ce momenl ne permettaient point de « reconnaître s'il y a pour une espèce donnée une moyenne normale. On ne pouvait môme pas lire si le toie est un organe riche ou pauvre en fer ». La question physiologique se c,oinpli(|uait de la question pathologique. On avait analysé des foies d'animaux mMuimifères sains et des foies d'hommes malades. C'est sur des résultats pathologiques que Quincre (1877 et 1880) a édi-fié sa tliéorie de la Sidérose. Et celle-ci, bien qu'elle lût incomplète, mal établie, mal fmdée même dans quelques cas, n'en était pas moins la première forme de la théorie hématique du fer du foie. En deux mots, voici cette théorii^ : Le foie est un organe puissamment irrigué par le sang riche en fer. Le foie tire son fer de celui du sang, qui se détruit dans cet organe. FER. 28- Le métal est abondant lorsque la destruction du sang, ou plutôt de l'hémoglobine, dans le foie, est elle-même abondante (rôle hématolytique du foie). Inversement, le sang peut se ravitailler de fer (rôle hématopoiétique du foie). Les mutations du fer du foie sont ainsi liées aux mutations du fer du sang. Le foie est une décharge du sang; en ce qui concerne le fer, il est un magasin pour le fer du sang qui se détruit; il en est une réserve pour le sang qui s'y forme. Nous discuterons tout à l'heure cette doctrine. Pour le moment, il suffit de rappeler qu'elle apparaît, pour la première fois, nettement dans la théorie de la Sidérose de QuiNCKE. On observe quelquefois une grande quantité de fer dans le foie. 11 y a Sidérose. Cela arrive dans un certain nombre de maladies. D'abord dans celles qui exagèrent la destruction du sang (anémie pernicieuse) : le foie reçoit alors plus de ter qu'il n'en livre : d'où accumulation, sidérose. Autre alternative : dans les maladies où la formation du sang dans le foie serait entravée, c'est-à-dire dans les maladies du, foie, en général, et, par exemple, dans le diabète, il y aurait encore accumulation, sidérose. Dans les conditions normales, l'apport et la dépense se balanceraient; dans les conditions patho- logiques l'équilibre serait détruit et l'accumulation résulterait de l'accroissement de l'apport ou de la diminution de la dépense. Ce que les successeurs de Quincre ont reproché à sa théorie, c'est non pas de n'être pas exacte, mais de manquer deibase statistique. On cite des anémies où la teneur en métal est faible (Stahel, 1881); des cas de diabète où elle n'est pas forte (Zaleski, 1886). Ce sont là des faits négatifs. Abstraction faite de toute théorie, il faut donc d'abord fixer les faits. 47. Teneur du foie en fer chez divers animaux. — Les statistiques mettent en lumière les résultats suivants que nous empruntons, pour la plupart, àLAincuuE; quelques-uns à Kruger, Zaleski, etc. a. Chiens. — Chiens, à la naissance, 4,3 (dis-millièmes du poids frais du foie non lavé). Ecarts extrêmes considérables, 1,6 à 7,4. Zaleski (7,4). Chiens, adultes, 1,3. Écarts extrêmes, 0,9 à 2,.'j. Influence de t5 jours de jeûne, nulle : — Chiffres variant de 0,95 à 1,43. Chiens dans les premiers jours : 2 jours. . . 1,6 10 jours. . . 1,3 13 jours. . . 1,1 7 .semaines . 0,5 3 mois . . . 0,6 Ij. Lapin. — Adidie. — 1 ^gramme de foie frais, débarrasse de sang, coalicnl 0'"»ii'si'040 de fer, soit en dix-millièmes 0,40. Vieux lapins, 2 ans, 2,30. Jeunes. — Les écarts extrêmes sont faibles : 0,33 à 0,45. Les premiers chiffres, élevés, indiquent une réserve du fer dans le foie. , , ■ ,. ,„ ( (dix-millièmes du poids frais de A la naissance. . . lcr=:16 ^ ,, , •, / \ ( 1 organe lave) (moyenne). A 8 jours 10 A 11 jours 2 A 21 jours 1.4 (en dix-mdlièmes de poids frais (Kruger) Bœufs. d. e. Chats. Porcs. f. Hérissons. g- h. Écureuils. Canards. t. Homme. - \ Adulte 0.6 , A la naissance, on trouve. . . 9,0 / Après 1 mois 1,0 \ A l m.iis 0.3 — Tvèa jeunes à la naissaucf — Foies non lavés. Teneur eu i'er . . . Foies non lavés. Teneur en fer ', ■ -"'^'''^■-^^' ' • ( (Lapicqok). — ■ (Zalkski) chiffre sensiblement constant), (variable, écarts notables). 2,0 (écart 3,2 à 1,2) 1,9 très élevée, 7 à 8 4^ à 5^ 8,00 3,3 (écart 2,7 à Fœtus à terme mort d'un accident pendant l'accouchement. Teneur du foie en fer 3,3 Id kl Autres chiffres (Guillemon.' en dis-millièmes du poids frais lavé. (Zaleski).. ' ' id. (Lapicque). 5,3; moyenne 10,20. -288 FER. Adulte. — Le fer hépatique subit des variations dans l'espèce humaine suivant le sexe. L'influence du sexe est difficile à apprécier dans chaque cas particulier, parce que les autopsies sont faites à la suite de maladies diverses qui ont pu agir sur la teneur du foie en fer. Mais les moyennes de grands nombres font apparaître la différence : Chez l'homme la moyenne est. . . . 2,3. Chez la femme Û,9, deux fois et demie moindre que chez l'homme. — Les variations pathologiques ont été surtout étudiées dans l'espèce humaine. Elles ne conduisent point à des résultats bien nets. — II faut signaler seulement des cas remar- quables où l'encaisse métallique du foie devient énorme : 120 (dix-millièmes). L'accu- mulation du fer se révèle alors à l'œil du médecin qui fait l'autopsie. II y a cirrhose pigmentaire (Haxot et Chauffard). Il y a dans le foie un pigment qui se présente en granulations jaune orangé [eisenhaltige Kôrncr). Ce pigment ne représente pas tout le fer du foie. Il en constitue seulement une forme : cette forme est devenue très abondante pour des raisons pathologiques. Ce corps pigmentaire est formé par un hydrate ferrique de la formule SFe-O^ 3H-0 [rubigine de Lapicque et Auscher). Ce pigment, d'ailleurs, n'est pas spécial au foie. Ses lieux d'élection sont la rate et les ganglions lymphatiques. Il ne passe que secondairement dans le foie. Une grande accumulation de fer ou d'hydrate ferrique dans le foie s'observe dans diverses maladies : diarrhée chronique, 5,8; anémie pernicieuse,. 7,8; 10,8; 37,8; typhus 11,6, diabète 72,0. (Quincke). Dans la maladie de Werlhof on a trouvé 24,9 (Hindenlaxg). Lapicque et Auscher ont trouvé 113 dans le diabète pigmentaire et 100,6 dans la tuberculose. 48. Fer dans la bile. — A l'occasion du foie, il est indiqué de parler de la bile et du fer qui y est contenu, bien que cette question doive trouver sa place à propos des voies d'élimination du fer, 59. La sécrétion biliaire, chez le chien, emporte une proportion de fer de 2""'"gi' o par 24 heures (Dastre, A. de P., 1891, Anselm). Cette proportion est à peu près indépendante du régime. C'est là une quantité minime. Le fait de l'excrétion du fer par la sécrétion hépatique a été généralisé (Dastre et Floresco). Ces auteurs ont recueilli par divers procédés la sécrétion du foie chez l'escar- got. Le fer y existe en quantité très appréciable. Les proportions y sont comparables à celles de la bile des vertébrés. L'analyse a fourni 0™'"'e'-,18 de fer pour 10 grammes de bile, liquide recueilli en hibernation pour 0i^'',400 de résidu sec, quantité supe'rieure à celle de la bile vésiculaire du chien. On ne peut affirmer cependant, que ce liquide, — étant donné la manière dont il est recueilli, — correspond bien à la sécrétion normale. Le fait certain, c'est la présence du fer en quantité sensible. ^ De cette nouvelle détermination, rapprochée de toutes les précédentes, ressort avec évidence le fait que la sécrétion hépatique, la bile, contient du fer et qu'e//e est une voie universelle d'élimination du fer chez tous les animaux. 49. État du fer dans le foie des vertébrés à l'état physiologique. Ferrine de Dastre et Floresco. — L'accumulation du fer dans le foie peut se faire sous diverses formes. A l'état normal le fer se présente dans le foie à l'état de pigment ou de. propigment; c'est dire que les composés ferrugineux du foie sont colorés (pigments) ou que étant incolores, ils sont susceptibles de se transformer en produits colorés par différents arti- fices (dessiccation à 105"; digestion papaïnique, digestion gastrique). La démonstration da ce fait est due à Dastre et Floresco {A. de P., 1898, 219). Expérience. — On prend deux lots identiques de 10 grammes de foie frais lavé. L'un servira à la détermination du fer, et l'autre à la préparation du pigment ferrugineux. Pour le premier lot, l'analyse par la méthode coloriraétrique donne imiiiis'.io pour les 10 grammes de foie frais — soit 1,10 pour la teneur du foie en dix-milièmes du poids frais. Le second lot est mis à digérer, dans un matras, avec 50 c. c. de la solution de papaïne à 1 p. 100, à l'étuve à 37». Après digestion achevée, la liqueur est colorée en rouge, et il y a un dépôt. (Ce dépôt, qui est hors de cause ici, contient un pigment hépa- FER. 289 tique, non ferrugineux, soluble dans le chloroforme, qui a reçu le nom de choléchrome), La liqueur colorée, filtrée, renferme le pigment aqueux, ferrugineux, soluble dans un alcali faible, et dans le milieu neutre salin de la digestion papainique. On l'analyse au point de vue du fer, après évaporation. On trouve précisément 1 miiiisrrio de fer. L'expérience répétée donne des nombres qui concordent toujours, sinon aussi par- faitement que dans ce cas, au moins d'une façon suffisante. La conclusion est que tout le fer du foie eut contenu dans ce que nous venons d'appeler le pigment aqueux. Une étude ultérieure montre que ce pigment aqueux est en réalité un mélange d'une petite partie de nuclèo -albumines ferrugineuses et d'une masse principale d'une substance appelée ferrine par Dastre et Floresgo — analogue à la ferratine de Marfori et SCHMIEDEBERG. La ferrine s'obtient par évaporation de la liqueur de digestion papainique du foie lavé. C'est une poudre rougeàlre. Soluble en milieu neutre; non précipitée par les acides; soluble même dans une petite quantité d'acide et non pas seulement dans un grand excès : réaction tardant plusieurs minutes avec le sulfure d'ammonium; de même, retard pour la réaction du bleu de Prusse avec le ferrocyanure de potassium; ajoutons que la ferrine (après avoir été' chauffée à 100") jouit à un haut degré de la propriété anticoagulante par le sang in vitro. La ferratine de Marfori et Schmiedeberg ne jouit pas de cette dernière propriété. C'est une poudre jaune, soluble dans les solutions étendues d'alcalis et de carbonates alcalins; précipitée de ses solutions alcalines par les acides étendus, mais solubles dans un excès d'acide; réaction lente avec le sulfure d'ammonium, plus lente que pour la ferrine; de même pour la réaction colorée avec le ferrocyanure, solubilité; dans l'acide chlorhydrique alcoolique (liqueur de Bunge, n° 97). En résumé, le foie est surtout fixé dans des pigments ou des pro-pigmenls. Ceux-ci sont solubles dans l'eau légèrement alcalinisée par la soude ou par le carbonate de soude et dans la liqueur neutre de digestion papainique, ce qui fournit deux moyens de les obtenir. Ils sont insolubles dans le chloroforme et dans l'alcool. Leur couleur varie dans la gamme du jaune au rouge. Ils sont toujours ferrugineux et contiennent à peu près tout le fer du foie. Ils sont constitués par un composé ferrugineux que nous appelons ferrine, mélangé d'une petite quantité de nucléo-albuminoïdes ferrugineux; La ferrine s'obtient intégralement par la digestion papainique du foie frais; c'est un composé organo-métallique très voisin de la ferratine de Marfori et Schmiedeberg, mais s'en distinguant en ce que le fer y est moins dissimulé que dans celle-ci. Les réactions avec le ferrocyanure de potassium et le sulfhydrate d'ammoniaque sont plus rapides à se produire. La ferrine est une combinaison encore plus voisine que la ferratine de la forme saline ou minérale; elle contient de l'hydrate ferrique combiné à un albuminoïde ayant les caractères des protéoses; il est vraisemblable que le fer peut y exister alterna- tivement à l'état ferreux et à l'état ferrique. Examinée au spectroscope, elle donne un spectre continu, sans bandes d'absorption, qui s'éteint seulement aux deux extrémités, rouge et violette. Ses traits distinctifs sont donc : la solubilité, la richesse en fer, le spectre continu. Il est à noter que ces résultats sont absolument généraux. On les i^etrouve chez tous les vertébrés, mammifères, oiseaux, reptiles, batraciens et poissons (Dastre et Floresgo). 50. État du fer dans le foie des vertébrés à l'état pathologique. — Il n'y a pas, en général, à distinguer l'état pathologique de l'état physiologique, sauf au point de vue quantitatif. Le fer s'accumule donc dans le foie à l'état de combinaisons organiques plus ou moins identiques à la ferrine normale. Ceci arrive, par exemple, lorsque l'hémoglobine passe en solution dans le sang, à l'état de nature. Dans celte circonstance, une certaine partie, quelquefois très faible s'élimine par les urines : la plus grande portion se détruit dans le foie. Elle s'y détruit vraisemblablement de la même manière que se détruit normalement la petite quantité d'hémoglobme qui donne lieu à la production régulière de la biliru- bine. On admet, en .effet, que la bilirubine de la bile tire son origine de l'hémoglobine (Fonction hématoly ligue du foie). Celle-ci se décompose en fournissant des composés fer- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 19 290 FER. rugineux et un piyment non ferrugineux, Vhématoporphyrine, que Nencri et Sieber (1888) ont démontré être isomère de la bilirubine. Les composés ferrugineux se déposeraient donc dans le foie à l'état de f'errine, état dans lequel on a vu qu'ils s'y présentaient liabituellement. La destruction de l'hémoglobine se fait d'une autre manière lorsque les globules du sang sont détruits in tolo, sans que l'hénioglobine se soit préalablement dissoute dans le plasma sanguin. Dans ce cas, il se fait un dépôt pignientaire, granuleux. Ce dépôt de granulations jaunâtres, aperçu dans certains cas par Quincke (1875-77), signalé par Zaleski (1887) sous le nom d'iiépatine, a été nettement constaté par Kunrel (1880) et rap- porté par lui à un hydrate ferrique. Lapicque avec Auscher a démontré, en effet, que c'était bien un hs^drate ferrique, et il en a exactement fixé les caractères. Ces deux obser- vateurs ont montré qu'il répond à la formule 2Fe-0^,3H-0 : qu'il peut se présenter à l'état colloïdal; qu'il contient une certaine quantité de matière organique que l'on n'en peut séparer. — A cause des confusions que présentent les désignations antérieures {hémosidérine, sidérinc, hépatine, etc.), il convient d'accepter le nom de rubigine proposé par les derniers auteurs. Il importe d'ajouter que le foie n'est qu'un des foyers accessoires de cette forma- tion de rubigine. Cet hydrate ferrique n'apparaît dans cet organe que dans le cas de destruction surabondante des globules, après qu'il s'est déposé déjà dans la rate (Nasse, 1889), et dans les ganglions lymphatiques les plus voisins du lieu de destruction'des éry- throcytes. En résumé, il y aurait deux procédés de destruction de l'hémoglobine, ainsi que l'ont indiqué Langhaus, Quincke et INasse. L'un des procédés aboutit à la ferratine et à la bilirubine, lorsque l'hémoglobine, après diffusion des globules rouges dans le plasma, est conduite au foie. L'autre procédé aboutit à la rubigine et encore à la bilirubine, dans le cas où l'hémoglobine restée dans les globules rouges est absorbée (phagocytose) parles globules blancs, dans la rate, dans les ganglions, et enfin dans le foie. 51. Conclusions relatives au fer du foie chez les mammifères. — Les faits précédem- ment exposés aboutissent aux conclusions suivantes : 1" Le foie des animaux, à la naissance, est riche en fer. Ce phénomène est constant et très marqué dans certaines espèces telles que le lapin. Il est irrégulier chez le chien. Il est irrégulier aussi chez l'homme (Lapicque). 2° Le fer du foie est en grande partie à l'état de f'errine (Dastre). Une autre proportion plus faible est à l'état de nucléo-albumine ferrui^ineuse. 3° La teneur du foie en fer va en diminuant pendant les premiers temps de la vie extra-utérine (Zalesk!, BuiNGe). C'est là un fait régulier et constant. Il est difficile d'aller au delà de ce résultat. Bunge l'a fait, cependant, en imaginant l'hypothèse d'une réserve de fer dans le foie, au moment de la naissance, au profit de l'organisme tout entier. Il manque quelque chose à la démonstration de cette théorie. Il est vrai que le fer disparaît du foie, dans les premiers temps de la vie, car la crois- sance de l'organe hépatique, très lente par rapport aux autres organes, n'emploie pas tout le fer déficient. Il est encore vérifié — pour l'un des tissus, le sang, sinon pour les autres, — que le fer disparu du foie se retrouve dans ces tissus. Le fer du foie est donc, presque sûrement, une réserve pour l'hématopoièse. Pendant la croissance, la masse du sang augmente et épuise la réserve hépatique; celle-ci tombe à son minimum. 4° La teneur en fer du foie passe à un certain moment, par un minimum (Lapjcque), voisin de 0,3. Ce minimum se produit au moment de la plus grande croissance : chez le veau, vers l'âge de trois mois; chez le chevreau, vers cinq semaines; chez le chien vers trois mois. 5« Les variations de la teneur du foie en fer sont lentes. La teneur en fer n'est pas un phénomène mobile et rapidement modifiable (sauf le cas de destruction du sang). Un jeûne de 15 jours ne le fait point varier (Lapicque). 6° Il y a dans l'espèce humaine une différence sexuelle marquée. Le foie de l'homme contient, en moyenne, deux fois et demie plus de fer que celui de la femme. On ne retrouve pas cette différence chez les autres mammifères (Lapicque). 7° L'hémoglobine dissoute dans le sang est, pour la plus grande partie, détruite par FER. -291 le foie qui en emmagasine le fer à l'étal de ferriiie (Dastre et Floresco) et de nucléo- albumines ferrugineuses. Le foie se charge en même temps d'un pigment indéterminé (Lapicque), probablement le choléchrome (Dastre) distinct de la matière ferrugineuse. 8° Lorsqu'une grande quantité de sang est détruite in toto dans le sang et dans les tissus, le foie se charge d'un hydrate ferrique lié à une petite quantité de matière orga- nique. Ce pigment, — eisenhaltlge Kôrner des auteurs allemands, hydrate ferrique de KuNKEL (1881); hémosidérine de composition inconstante de Neumann (1888); hepatine de Zaleski; Esenkôrner de H. Nasse, — est en réalité l'hydrate 2Fe-0*,3H-0, uni à une petite quantité' de matière organique et pouvant affecter la forme colloïdale {rubùjine, Lapicque et Auscher). Le résnltat des études précédentes sur les vertébrés avait été de montrer l'importance du fer dans le foie et de lier la présence et les mutations du fer hépatique à la vie du sang : on entend dire, du sang rouge, à hémoglobine ferrugineuse. Ce n'était qu'un premier pas dans la question. Si, en etl'et, le fer du foie était uniquement commandé par les mutations du sang rouge hémoglobique, on ne retrouverait point ce métal chez les invertébre's qui n'ont pas de sang rouge hémoglobinique et ferrugineux. Si, au contraire, on l'y retrouve, avec autant ou plus de constance et d'abondance, c'est que le fer hépatique n'est pas lié uniquement, ni peut-être même principalement à la vie du sang, aux mutations du fer hémoglobinique, qu'il a un rôle difïérent et plus général. C'est ce qui arrive, en effet. Ce fait nous conduit à la connaissance du rôle général du fer hépatique, à la notion de la fonction martiale du foie (Dastre et Floresco, A. de P., 1898). 52. Fer chez les invertébrés. Fer du foie. — Dastre et Floresco (1898) ont recherché le fer chez les invertébrés oîi l'organe hépatique est assez bien délimité et assez distinct pour pouvoir être isolé. C'est le cas des mollusques et des crustacés, par exemple. -^ Le sang de ces animaux, et des invertébrés en général, ne contient pas de fer : ce métal y est fréquemment remplacé par le cuivre (hémocyanine). Dans 10 grammes de sang (hémolymphe), de homard, on n'a pas pu déceler le fer en quantité sensible, tandis que le foie en contenait 0'"'"'«'",12 pour un gramme de tissu sec. Nous laissons de côté les cas isolés d'invertébrés à sang hémoglobinique. De plus, il n'y a point de rate, autre oigane qui, chez les vertébrés, peut être riche en fer. La i^echerche du fer chez les invertébrés a donné les résultats suivants, entièrement nouveaux. 1" Chez les crustacés (homard, langouste, écrevisse), l'organe hépatique est riche en fer, et il est seul à l'être. 2" Chez les céphalopodes (poulpe vulgaire, seiche, calmar), l'organe hépati([ue(hépato- pancréas) est riche en fer. 11 contient vingt-cinq fois plus de fer, à poids égal, que le reste du corps. Il est mieux spécialisé à cet égard que le foie des vertébrés supérieurs, puisqu'il est le seul organe chargé de fer, tandis que chez les mammifères le sang est le tissu ferrugineux par excellence et que la rate est fréquemment plus riche que le foie. Ici il n'y a pas de rate et le sang contient du cuivre; 3° Chez les lamellibranches (huîtres, coquilles Saint-Jacques, moules), l'état de chgses est analogue. Le foie contient constamment du fer. Il en contient cinq à six fois plus à poids égal et à l'état sec que le reste du corps, chez les huîtres; quatre à cinq fois plus chez les pectens; cinq fois chez les moules; 4» Chez les gastéropodes, résultats analogues. Pas d'autre organe réellement riche en fer que le foie. La quantité de fer du foie est entre cinq et six fois plus considérable que celle du corps, à poids égal ; 3° La proportion du fer du foie est indépendante du jeune et de l'alimentation, de la richesse en métal du milieu ambiant, de l'habitat terrestre ou marin, c'est-à-dire, en général, de toutes les circonstances extérieures et contingentes; 6» Elle paraît dépendre, au contraire, des conditions physiologiques : 1° en premier lieu, de la période génitale et de formation des œufs : mais ce point exige de nouvelles recherches ; 2° en second lieu, de la formation de la coquille chez l'escargot. Dastre et Flo- resco ont vu, en effet, que la coquille contient de fortes proportions de fer et les mêmes 292 FER. pigments qui existent dans le tissu hépatique; inversement le foie renferme, à la période de croissance, des quantités notables de métaux alcalino-terreux ; 3° enfin et surtout, le fer hépatique passe dans la sécrétion du foie. Chez l'escargot en hibernation, on peut obtenir la sécrétion hépatique pure. On s'assure qu'elle contient du fer en pro- portion au moins égale à celle du tissu hépatique, comme chez les mammifères. Elle contient aussi un pigment remarquable, plus ou moins analogue à la bilirubine des mammifères {hélicorubine). 53. Fonction martiale du foie. — On retrouve donc, chez les invertébrés, les mêmes fails que chez les mammifères. Ils sont généraux. Ils établissent brièvement que le foie des animaux (organe hépatique, hépato-pancréas) remplit une fonction spéciale relati- vement au fer de l'organisme. — C'est l'organe ferrugineux par excellence. Il fixe des quantités de fer considérables, par rapport à toutes les autres parties de l'économie. Cette teneur en fer est indépendante des circonstances extérieures; elle ne suit pas les variations de la richesse en fer du milieu ambiant; elle n'est pas influencée davantage par les variations les plus étendues du fer alimentaire (jeûne, hibernation). Elle l'est, au con- traire, par les conditions physiologiques qui la font varier entre des limites assez écartées. Le fer hépatique n'est donc pas un élément accidentel, dont l'existence dans le foie serait la simple conséquence de sa présence banale dans le milieu extérieur. Il résulte d'une intervention vitale et est destiné à exercer une action physiologique. Il subvient, en cas de besoins, aux dépenses et à la disette du reste de l'organisme. Enfin, il est destiné à s'éliminer partiellement par la sécrétion externe du foie (bile, liquide hépato- pancréatique). Ces faits établissent l'existence d'un mécanisme physiologique qui exige un nom approprié et réclame une étude spéciale. C'est ce que l'on a appelé la fonction martiale du foie (Dastre). 54. Superposition, chez les mammifères, à la fonction martiale, des fonctions hématoly- tiques et hématopoiétiques du foie. — Chez les mammifères, les fonctions hématiqnes du foie (hématolyse, hématopoièse) ont masqué longtemps la fonction martiale. Il y a entre le fer du foie et le fer du sang, chez ces animaux, des relations qui ont été transformées, par extension abusive, en lien de dépendance absolue. On a enseigné que le fer était dans le foie par le sang et pour le sanij. On a cru qu'il se produit dans le foie une destruction des globules (hématolyse) ou tout au moins un remaniement de leur matière colorante, l'hémoglobine, dont le terme définitif est le dépôt sur place du fer de la molécule hémoglobine et la formation des pigments de la bile aux dépens des éléments restants de cette molécule. Le dépôt hépatique est une réserve oîi l'organisme semble puiser pour constituer le fer circulant ou le reconstituer à la suite de grandes pertes (hémorrhagies profuses). On voit alors, en elfet, le dépôt hépatique subir une forte diminution. La provision de fer augmente, au contraire, dans toutes les circonstances où il peut arriver au foie un excès de la matière colorante sanguine (Quincke, 1880; Glœveke. 1883); lorsque, par exemple, un poison, un virus ou une substance étrangère ont détruit dans les vaisseaux mêmes une partie des globules sanguins; ou lorsqu'il y a eu introduction artificielle du sang ou de pigment sanguin étranger. Ce sont là des faits qui intéressent au plus haut degré la physiologie. Ils font aper- cevoir une relation entre le fonctionnement du foie et l'évolution du sang: ils établissent un lien qui rattache au pigment sanguin les pigments biliaires, et par ceux-ci, ultérieu- rement, les pigments urinaires. Ces utiles notions ont détourné de chercher au fer hépatique, ou tout au moins à une partie de ce fer, un autre rôle que celui qui s'offrait avec tar.t d'évidence, c'est-à-dire le rôle de témoin des mutations de l'hémoglobine et de réserve pour la reconstitution de ce pigment sanguin. Ce que l'on apprenait de la fonction hématique du foie dissimulait la fonction martiale proprement dite. L'étude des invertébrés a remis les choses au point. Elle a montré que le fer avait autre chose à faire dans le foie que d'alimenter l'hémoglobine, laquelle fait défaut chez ces animaux. Son rôle est plus général; il n'est pas seulement hématique. L'universalité du fer hépatique, l'identité de forme sous laquelle il se présente lui assignent une raison d'être universelle et une fonction commune. FER. -293 Le rôle fonctionnel du fer hépatique n'est donc pas douteux. La fonction martiale existe. On sait qu'elle ne consiste pas dans l'hématolyse et dans l'hématopoièse. Elle inter- vient dans le fonctionnement chimique du foie. Nous ne connaissons d'elle fermement que la nécessité de son existence et son intervention dans la chimie du foie. Pour la préciser plus exactement, nous n'avons plus qu'une hypothèse. D'après cette hypothèse que nous avons rendue vraisemblable; ce serait une fonction d'oxydation (voir n» 13 de cet article et article Foie). Elle consisterait en une combustion lente où le fer jouerait le rôle de tramporteur d'oxygène. 55. Fer dans la rate. — La rate des animaux, à la naissance, est toujours pauvre en fer (Lapicque). L'idée contraire, que la rate est riche en fer, est un préjugé courant. Elle repose sur des constatations pathologiques de Nasse (1873) trouvant des quantités considérables de fer dans la rate de vieux chevaux. Elle s'appuie aussi sur quelques analyses physio- logiques de rate de chien, par exemple sur celles de Picakd et Malassez (1874), qui ont donné des chiffres certainement exagérés. Nasse a trouvé des rates farcies de granulations ferrugineuses, qu'il considérait comme de l'oxyde ferrique (uni à de l'albumine et à de l'acide phosphorique) et qu'il regardait comme provenant de la destruction des globules rouges. Ces vues sont exactes, mais elles n'ont été justifiées entièrement que par la suite. La destruction des globules rouges en totalité, dans le sang, amène en effet le dépôt dans la rate de granulations d'hydrate ferrique 2Fe-03,3H-0 (rubigine de Lapicque). Les dépôts de ce genre ont été constatés fréquemment par des léactions microchimiques : les dosages sont plus rares- Nasse a signalé un cas où la proportion de fer était de op. 100 du poids sec. Rose.xstein (1877) a constaté une teneur de 4o dix-millièmes du poids frais. Ce sont là des cas exceptionnels, pathologiques. a. Précautions du dosage. — Les dosages à l'état physiologique exigent des précautions, Il fautévaluer le /'e/' propre de l'organe, débarrassé bien entendu du sang. Or, il est impos- sible de laver la rate de manière à éliminer le sang. Ne pouvant le chasser, il faut donc en tenir compte. D'ailleurs la situation est la même pour un organe quelconque, toutes les fois que le lavage en est impossible par suite des circonstances, parce qu'il y a des caillots, ou parce que l'on dispose de pièces anatomiques privées de leurs connexions vasculaires. Dans tous ces cas il faut défalquer le fer du sang. On l'évalue et on le retranche du fer total, fourni par l'analyse. Dans ce but, on fait macérer un certain poids, 5 à 10 grammes, de l'organe broyé avec du sable : on épuise l'organe avec de l'eau distillée, additionnée d'une goutte d'ammo- niaque. On a ainsi un certain volume que l'on mesure, de sang laqué; toute l'hémoiçlo- bine est en solution transparente. On peut évaluer le fer de ce sang par le dosage colo- rimétrique de l'hémoglobine. Dans un godet du colorimètre se trouve un disque étalon de verre coloré dont la valeur en hémoglobine a été ILxée une fois pour toutes (pour le sang d'un animal déterminé). On sait, par exemple, qu'une épaisseur e de sang dilué au d/oO« fournit la nuance du disque étalon. On a analysé ce sang au point de vue du fer et l'on sait que 1 gramme contient o milligrammes. On a tout ce qu'il faut pour connaître la quantité de fer du liquide de lavage, sans avoir besoin de supposer connue la composition de l'hémoglobine en i'er. On introduira un volume déterminé dans le colorimètre. On amènera l'égalilé de teintes avec le verre étalon. On mesurera la hauteur e' de la colonne colorée. On peut déduire de là, la quantité de fer du sang contenu dans l'organe et le défal- quer de la quantité totale fournie par l'analyse. Résultats : 1° Les analyses ont fourni les résultats suivants : Animaux adultes: Chez l'homme. . . 4.6 | (^^^^^^^.^^ igoO) en dix-millièmes du poids (Vais. ■J'g j (Stauel. 1881) Chez le chien . . . 3,0 Moyenne 3,9. Lapicque. à 8,0 Chez le bœuf ... 9,0 (Krugerj nombre assez fixe. 294 FER. •2" Ces nombres sont supérieurs à ceux que l'on trouve à la naissance et dans les pre- miers temps de la vie. A cette période les quantités du fer propre sont faibles ou nulles. Exemples. - Fœtus humains ^. 0,4 j ^^gg^^ Guillemonat) Jeunes chiens, moyenne .... 1,4 Chiens de 2 jours \ {{ 8 jours. . l',9 10 jours. . 2,2 (Lapicque) 13 jours. , 1,7 1 mois. . 1,5 Jeunes porcs. ... de 3 à 8 semaines : ,^ ^'g I (Lapicque) ^'^«"^' ; J'^^, j flVRUGER, 1890) Si l'on tient compte de ce que ces rates sont, le plus souvent, analysées avec leur sang, on voit que l'organe lui-même ne contient qu'une quantité de fer insignifiante. 3° 11 y a des espèces chez lesquelles le fer s'accumule dans la rate avec l'âge. Le che- val est du nombre (iNasse). Dans l'espèce humaine cet accroissement ne s'observe pas. Lapicque a trouvé, de 20 à 40 ans. . . 3^ de 40 àJ60 ans ... 2^ 4" Variations pathologiques. — Il y a de fortes teneurs en fer, d'origine pathologique; par exemple, chez les tuberculeux et chez les brightiques. En résumé les observations conduisent aux conclusions suivantes : •l" Faible teneur en fer de la rate au moment de la naissance. 2° Augmentation de cette teneur avec l'âge (irrégulièrement). 3° Augmentation dans certains états pathologiques, particulièrement quand il y a destruction des globules rouges en totalité. 56. Fer dans les autres tissus. — Il y a dans la science un certain nombre de déter- minations du fer dans d'autres organes. Les quantités trouvées oscillent de 0 à 2 dix- millièmes : Exemples. — Thyroïde (chien). , . tK9 à 2^ Amygdales (chien). . 1_^ Ce sont les chiffres généraux pour la totalité de l'organisme : 1 à 2 dix-millièmes du poids frais. 57. Fer chez les invertébrés. — On a dit plus haut que le fer existait chez les inver- tébrés et que k foie (organe hépatique, hépato-pancréas) de ces animaux possédait, en particuher, une faculté de fixation élective pour le fer (Dastre). Le reste du corps con- tient 23 fois moins de fer, à poids égal, que le foie, chez les céphalopodes (poulpe, seiche, calmar; b à 6 fois moins chez les huîtres, les coquilles de Saint-Jacques, les escargots; 5 fois moins chez les moules; quatre fois moins, chez le homard, que chez cet animal le muscle en contient cependant une quantité appréciable, les autres tissus, sauf les œufs, en contenant seulement des traces. Cette faculté de fixation élective que le foie possède pour le fer, il ne la possède pas pour d'autres métaux au même degré. Par exemple il ne la manifeste pas normalement pour le cuivre. Le sang de beaucoup d'invertébrés, mollusques et crustacés, est l'iche en cuivre (hémocyanine) d'après tous les auteurs. Nous avons constaté que le tissu hépa- tique n'en contient pas sensiblement. Le fer qui s'accumule dans le foie n'y est pas cependant immobilisé. Il se dépense et se renouvelle. Il se dépense par la sécrétion biliaire, qui l'entraîne au dehois, et par la constitution de la coquille qui en contient des quantités notables, comme nous l'indi- querons tout à l'heure. Il se renouvelle évidemment par l'apport sanguin. Il en résulte que le foie prend au sang du mollusque l'inliine quantité de fer que FER. 295 celui-ci charrie, quantité qui est inappréciable en effet dans les conditions normales, et qui ne devient appréciable dans le foie que par son accumulation même, et qu'au contraire le même foie refuse le cuivre qui existe dans ce sang en quantité notable. On voit par là (Dastre) que le foie se distingue des autres organes au point de vue du fer, comme le fer se distingue des autres métaux au point de vue du foie. 58. Conclusion générale. — ■ La signification de toute cette étude sur la statistique du fer dans l'économie est donc celle-ci : Le tissu hépatique a la faculté de fixer le fer cir- culant beaucoup plus énergiquement que les autres tissus. II possède à un degré plus éminent une propriété universelle, celle de retenir le fer, comme il possède déjà celle de retenir les hydrates de carbone pour former le glycogène. La cellule hépatique se distingue des autres éléments cellulaires par le degré de son avidité pour les composés ferrugineux charriés normalement par le sang. Les raisons de cette avidité nous échap- pent. C'est peut-être que la cellule hépatique contient plus abondamment que d'autres tissus une substance (nucléo-albumine, combinaison proléosique, etc.) capable de fixer les composés ferrugineux. § IX. — Voies d'élimination du fer. L'élimination du fer a été étudiée chez les mammifères. La sortie du métal se fait par trois voies principales : la voie rénale, — l'urine en emporte des quantités extrême- ment minimes ; — la voie hépatique, — la bile en enlève des proportions très faibles aussi ; — la voie intestinale, — les fèces forment la principale voie d'excrétion ; et, enfin, par les productions épidermiques caduques. 59. Élimination rénale. Fer de l'urine. — L'urine normale ne contient que des traces impondérables de fer. Contrairement à ce qui arrive généralement pour les substances minérales, les composés ferrugineux normaux ne sont point éliminés par le rein. La méthode habituelle de l'analyse des urines ne peut renseigner ni sur l'absorption, ni sur les mutations du fer. L'urine contient cependant du fer. Les cendres de l'urine donnent, en effet, toutes les réactions caractéristiques. Toutefois, additionnée de sulfhydrate d'ammoniaque, elle ne donne jamais de précipité, ni de coloration noire. C'est sans doute que la petite quantité du métal qui y existe s'y trouve à l'état dissimulé, à l'état de combinaison organique, vraisemblablement colorée. Un certain nombre d'auteurs n'admettent point la présence du fer dans l'urine (Maly), Socin (1891) trouve seulement des traces impondérables. Damaskin (1891) donne Qmiiiigr 5 ^ iiuiuigr^g pour la quantité de fer éliminé en vingt-quatre heures. Dans aucune des urines examinées par Lapigque, la proportion ne montait à 1/2 milligramme par litre. Cependant quelques auteurs ont donné des ehiffres plus élevés. Evv. Hamburger (1876) a indiqué 10 à 15 milligrammes par vingt-quatre heures dans l'espèce humaine; chez le chien (8 kilog.), il admet 3™'''«',6. Il a été probablement victime de l'erreur de dosage que comporte la méthode de Margueritte, du permanganate, lorsqu'on l'applique à des quantités trop faibles. Quelque faible que soit la quantité de fer au-dessous de 0""''''srj^ 4a méthode au permanganate donne toujours ce chiffre. Ivo Novi a donné aussi des chiffres trop élevés (21 à 4o dix-millièmes). Le fer de l'hémoglobine ne paraît pas dans les urines. S'il en existe une petite quantité dans le plasma, le rein ne l'élimine que d'une façon insensible. Mais on peut forcer la dose artificiellement, et chercher si l'urine en contient alors. C'est ce qu'a fait Jagobv (Strasbourg, 1887-1891). 11 a injecté dans les veines le fer à l'état de sel double alcalin soluble dans le sang (citrate de fer ammoniacal à "i p. 100). Il a vu que l'urine n'en entraînait qu'une portion extrêmement faible. Que devient ce fer? Évidemment il se fixe dans les tissus (foie), ou il s'élimine par ailleurs. 60. Élimination par la bile. — La bile élimine du fer. Elle en contient normale- ment à un étal inconnu (phosphate de fer?). On a analysé le liquide biliaire, en vue de fixer la composition. Les premières déter- minations ont donné des chiffres trop forts. De telle sorte que les physiologistes, depuis Lehmann (1853), ont eu une tendance à exagérer l'imporlance de l'excrétion du fer par i'96 F E R. la bile. Quelques-uns ont été amenés aussi à considérer, à tort, l'excrétion biliaire comme la voie principale d'élimination du fer de l'organisme. Hoppe-Seyler, dans des échantillons de bile humaine trouvait des proportions de fer variant du simple au décuple autour du chiffre de 6 milligrammes par 100 c. c. de bile. YouNG (1871) trouvait de 3 milligrammes à 10 milligrammes. Dastre, qui a repris ces déterminations en 1890, a trouvé 0"''"'g'",9 en moyenne pour 100 c. c. chez le chien {De l'élimination du fer par la bile. A. de P., janvier 1801, 130). Voici ses conclusions : 1° La proportion du fer de la bile est très variable. En moyenne elle est de 0'"'"'°'''9 pour 100 c. c. de bile. Mais il faut être prévenu que les écarts sont très notables et peuvent atteindre les proportions du simple au triple. Ces variations ne dépendent pas seulement de la quantité d'eau, car elles apparaissent même pour les résidus secs. C'est ainsi, par exemple, que la bile d'un certain jour avec un résidu sec de lOs"-,:; ne contenait que 2™'"'B^•22 de fer, tandis que celle d'un jour anté- rieur en contenait 3"'"'S'",20 avec un résidu de 8'?'', 17 seulement. 2" L'excrétion de fer par la bile présente d'assez grandes irrégularités; d'un jour à l'autre, les variations peuvent atteindre du simple au double, et davantage. 3" Ces irrégularités correspondant à une alimentation régulière et exactement rationnée, il faut en conclure que le fer he'patique ne dépend pas directement des condi- tions alimentaires, contrairement à l'opinion de divers auteurs (ho Novi). 4» La quantité moyenne de fer excrétée pendant les vingt-quatre heures, par un chien du poids de 25 kilogrammes, est de 2'"'i'*"%34, soit 0'"'"'°%09 par jour et par kilogramme d'animal. Ce dernier chiffre est notablement inférieur à ceux qui ont été précédemment donnés et qui sont réunis dans le tableau suivant : QUANTITÉ DE FER en milligrammes excrété en EXPÉRTMENTATECRS. 24 heures par kilog. d'animal (chien). KuNKEL (1876) 1 000 ù 1 500 Ivo Novi (1890) 0,380 E. W. Hamburger (1880^ maximum. 0,140 Dastre (1891). 0,090 Depuis lors un travail de Anselm (1892) a abaissé encore le chiffre à 0,038. 61. Élimination par l'intestin. — La voie principale de l'élimination du fer, c'est la muqueuse intestinale. La première question est de savoir quelle quantité de fer est, en moyenne, éliminée journellement par cette voie. La question a été examinée chez l'homme. A. Mayer (Dorpat, 18o0) a dosé le fer dans les matières fécales de l'homme. Il * trouvé 20 milligrammes par 24 heures. Stockmaxn et Grieg donnent un chiffre trop faible, 7 milligrammes en moyenne. Lapicquk a retiouvé le chiffre de Meyer. — On peut donc dire que la quantité de fer éliminé par le tube digestif de l'homme en 2i heures est d'environ 20 à 50 milligrammes. La question se pose alors de savoir quelle part, sur ces 20 à 30 milligrammes, revient au fer contenu dans les aliments et non absorbé {fer résiduel) et quelle part au fer excré- mentiliel, c'est-à-dire lejeté après absorption et assimilation organique. Il n'est pas douteux qu'une partie de ce fer est réellement excrémentitielle et pro- vient de la désassimilation physiologique. Expériences de Fritz Vorr. Le fer est excrété par la paroi intestinale. — La preuve en est fournie par l'expérience de Fritz Voit (1892). Cette expérience consiste à prati- quer l'anneau d'IlERMA.NN. On séquestre une anse intestinale et on rétablit la continuité de l'intestin, cette anse exclue. Après l'avoir lavée, on referme cette anse sur elle-même de manière que la con- FER. 597 tinuité du canal soit conservée, et que celle-ci forme une sorte de tore creux. Le tout est replacé dans la cavité abdominale. L'anse se remplit de la sécrétion intestinale; on peut l'étudier à l'exclusion de tout résidu alimentaire. Le chien est sacrifié du 20« au 22" jour. Fritz Voit a trouvé que la sécrétion intestinale pure est très riche en fer. Elle con- tient, en moyenne, 0, 16 de fer pour 100 du poids sec de la sécrétion. 1 gramme de sécré- tion sèche donnait Imiiugr g ^q fgp . quantité considérable. L'élimination par décimètre carré de surface intestinale varierait de 0™'"'R'",6 à Omiiiigr 9 en vingt-quatre heures. Le fait de l'élimination du fer par l'intestin est mis hors de doute. Mais les conditions de l'expérience sont trop particulières pour que les quantités observées ici puissent être transportées, sans autre précaution, à l'état physiologique normal. L'expérience de Voit a été vérifiée et doit être considérée comme exacte. Elle établit l'élimination intestinale du fer; mais elle n'a pas de signification quantitative. D'autres faits déposent en faveur de cette élimination intestinale du fer; 1° Les expériences classiques de Forster sur l'inanition minérale, révélant l'excrétion fécale, pour des périodes de 20 jours et 36 jours, d'un poids de fer notablement supérieur à celui qui avait été ingéré, fait observé aussi par Dietl (1875) par Gotlieu (1891) et par SociN. — Ces résultats ne doivent être acceptés que sous le bénéfice des observations déjà faites relativement aux analyses du fer. 2° BiicHHEiM et Mayer ayant injecté une solution de sel de fer dans la jugulaire d'un animal, trouvèrent, quelques heures plus tard, la muqueuse intestinale recouverte d'une sécrétion où l'oxyde de fer était abondant. — Cl. Bernard, injectant dans les veines d'un chien du lactate de fer et du ferrocyanure de potassium, retrouve le fer (coloration bleu de Prusse) à la surface de l'estomac. — Gotlieb confirme l'élimination du fer par la muqueuse gastrique. — Bunge déclare le suc gastrique riche en fer. 3" Récemment (1899) Guillemonat a constaté que le méconium du fœtus contient toujours du fer (environ 0™''"si-,o chez l'homme). Le fait de l'élimination excrémentitielle du fer par l'intestin étant mis hors de doute, il reste à savoir comment se fait cette excrétion. Est-ce par sécrétion, c'est-à-dire par entraînement avec les liquides sécrétés par la paroi intestinale? Est-ce par desqua- mation intestinale? Il est vraisemblable que les deux mécanismes interviennent. C. Schmidt (1852), cité par Bunge, a trouvé dans l'épithélium intestinal séché une quantité de fer comparable à celle de l'hémoglobine, ou même supérieure (4""'i'S'",6 par gramme). Indépendamment des productions épidermiques caduques, poils, ongles, qui sont considérés comme contenant un peu de fer, on voit, en résumé, que les composés de ce métal sont l'objet d'une élimination constante par les trois voies : du rein, qui en rejette extrêmement peu, — environ 1 milligramme, par jour, chez l'homme; — du foie, qui en rejette un peu plus, avec la bile, soit 5 milligrammes, par jour; — enfin de l'intestin qui, par sa sécrétion en entraîne au dehors, avec les fèces, une quantité beau- coup plus grande, que nous pouvons estimer à 25 milligrammes. — C'est donc une élimination quotidienne de 31 milligrammes de fer (ces nombres, particulièrement le dernier, étant seulement plus ou moins approximatifs). Cette élimination est indépen- dante de l'absorption alimentaire; elle est, en un mot, excrémentitielle. 62. Élimination par les leucocytes. — Il est bien entendu que cette excrétion normale peut se trouver augmentée dans certaines circonstances d'ordre plus ou moins patholo- gique, lorsque, par exemple, à la suite d'hémorragies internes ou de vastes destructions de sang, ou d'altérations qui libèrent l'hémoglobine, la quantité de fer usé s'élève consi- dérablement. Dans ce cas, les globules blancs, les leucocytes, interviendraient dans le transport. Ils phagocyteraient les éléments globulaires altérés du sang et les amène- raient ainsi à l'intestin. Ou encore, selon Samoiloff et Lipsk.y (1893), ils se chargeraient du composé ferrugineux à l'état solide, dans le foie ou les autres organes ferrugineux, pour le déverser dans l'intestin. Ce serait là une forme de charroi auxiliaire. 63. Élimination du fer chez les invertébrés. — Les faits précédents relatifs à l'existence du fer dans les organes ont été vérifiés chez les invertébrés (Dastre et Floresco, 1899). Ces physiologistes ont montré chez l'escargot, par exemple, l'élimination du fer par la bile. Celle-ci est aussi riche que celle des mammifères. 298 FER. De plus, les glandes du test en éliminent aussi une proportion notable qui se retrouve dans la coquille. Il est possible, à cet égard, de considérer la coquille comme une sorte d'annexé du foie. On y trouve le fer au même état que dans le foie. (Dasïre et Floresco, Recherches sur les matières colorantes de la bile et du foie, n° 114, p. 180.) On voit le fer augmenter en même temps, d'ailleurs, que les sels alcalins-terreux, dans le foie et dans la coquille; par exemple lorsque l'animal sort du sommeil hivernal, pour entrer dans la période d'activité ou d'accroissement. — On pourrait comparer cette élimination cochléaire du fer, chez les mollusques à coquille à l'élimination épithéliale des vertébrés (poils, ongles). § X. — Absorption du fer. Le fer, d'après ce qui précède, n'est pas un élément fixe, invariable. Son excrétion a pour contre-partie nécessaire une absorption qui rétablit l'équilibre et complète le cycle biolos"ique de cet élément. Il faut examiner, maintenant, celte absorption du fer venant de l'extérieur (aliment, médicament, composé introduit dans un but d'expérimen- tation) : il faut en indiquer les conditions, les circonstances et la valeur. 64. Indépendance du fer des organes vis-à-vis du fer des aliments. — Le premier point à signaler, c'est que l'abondance du fer dans Vorganisme et dans le foie en particu- lier, n'est pas en rapport rigoureux avtc son abondance dans le milieu extérieur ou dans le milieu alimentaire. Le fait a été mis en évidence chez les mammifères. La même constatation à été faite, plus nettement encore, chez les invertébrés. Les escargots, pendant l'hivernation, sont soumis à un jeûne absolu et prolongé : leur vie est très atténuée; le foie contient à peu près autant de fer qu'à l'automne, dans une période encore active, ou au printemps, alors que l'animal s'alimente depuis plus d'un mois. Le résultat s'est montré sensiblement le même lorsque l'on mêlait à l'alimentation différents sels de fer (sauf un cas où le fer était présenté sous forme de l'espèce de protéo- sate de fer, appelé ferrine) (Dastre et Floresco, loc. cit., 162). Le fer contenu dans les aliments, quoique soluble, paraît peu absorbé, en général. Cette indépendance relative du fer de l'alimentation et du fer fixé dans les organes est admise, comme une vérité démontrée, par les physiologistes. La démonstration n'en est cependant pas à l'abri de tout reproche. Elle a été donnée par E. W. Hamburger et confirmée par Bunge. Il résulterait des expériences de ces physiologistes, rapprochées de beaucoup d'autres faits d'observation, qu'il y a lieu de distinguer deux espèces de composés ferrugineux, pour lesquels la capacité absorbante de l'intestin ou des organes est très différente : les composés salins (sels de fer) seraient inassimilables; certains composés particulier, à fer dissimulé, seraient seuls absorbables. Les composés banals du fer (sels de fer) ne sont pas absorbés, quoique solubles, par la muqueuse intestinale et celle-ci ne livre passage qu'à des composés particuliers et rares, seuls absorbables (fer organique). La muqueuse intestinale serait donc rebelle à l'absorption des composés banals du fer, pour lesquels elle forme une barrière à peu près infranchissable; elle serait, au con- traire, pénétrable à certains composés, rares dans le milieu alimentaire et à peu près absents du milieu ambiant. C'est par suite de cette circonstance que le fer hépatique serait indépendant dans une très large mesure des contingences extérieures. 65. Non-absorption des composés du manganèse. — La non-absorption des sels de fer par le tube digestif ne peut pas être regardée comme une vérité entièrement démon- trée. Elle est seulement rendue vraisemblable par divers arguments. Parmi ces argu- ments nous signalerons d'abord la manière dont se composent les sels de manganèse qui ont de grandes analogies au point de vue chimique avec les sels de fer. a. Ingestion. — Robert (1883) et Cahn (1884) ont montré que les sels de manganèse introduits dans le tube digestif ne sont pas absorbés. Après l'administration prolongée de ces sels, on n'en trouve point de trace dans l'urine, ni dans aucun organe : la paroi intes- tinale elle-même n'en est pas imprégnée. Le tube digestif ne se laisse pas traverser par les sels de manganèse, tant que le revêtement épithélial est intact. 6. Injection. — Contre-partie : Cahn injecte dans les veines, chez le lapin, une solu- tion d'un sel de manganèse. Il en retrouve des quantités notables dans les urines et dans la cavité même de l'intestin. Le métal est donc excrété par les urines, faiblement : il l'est abondamment par l'intestin. FER. 299 On peut saisir son passage à travers la paroi de l'intestin. En efTet, si on lave le tube digestif et qu'on le débarrasse de tout le sang qu'il contient, la circulation artificielle de solution physiologique, on retrouve dans la paroi de l'intestin même une quantité notable de manganèse qui était précisément en train d'être éliminé. La précision des analyses du manganèse exclut toute possibilité d'erreur. Les choses se passent donc comme si la paroi intestinale était imperméable aux pré- parations du manganèse tendant à pénétrer du dehois au dedans; mais, au contraire, perméable à ces préparations du dedans au dehors. Ou, encore, on peut employer une autre formule qui ne sera qu'une manière d'énoncer les faits et de les fixer dans la mémoire. On peut dire que les choses se passent comme si la paroi de Vintestin jouissait, par rapport au manganèse, d'une sorte de faculté d'orientation qui lui permettrait de diriger le composé ferrugineux du dedans au dehors [élimination] et s'opposerait au jmssage du dehors au dedanfi [absorption). 66. Non-absorption des composés salins du fer (Fer minéral). — Il en serait de même pour le fer ou du moins pour les composés salins du fer, pour ce que l'on a appelé le fer minéral. Les médecins qui admettent comme une vérité empirique la vertu curative du fer dans la chlorose et dans diverses anémies et qui l'administrent à l'état de composés salins, croient fermement établi que les préparations ferrugineuses sont absorbées, puis- qu'elles sont efficaces. Expérience de Hambu'-ger. — Les physiologistes ont contesté que ces préparations fussent absorbées. Claude Bernard, le premier, avait appelé l'attention sur ce point. Mais ce sont les expériences de E. W. Hamburger (1878) qui parurent trancher la question. Le type de l'expérience est le suivant : dans une première période, un chien reçoit une ration fixe, analysée au point de vue du fer. On dose le fer dans les excréta. Dans une seconde période, on ajoute à la ration fixe du sulfate ferreux. On analyse de même les excréta. On constate une très légère augmentation de la quantité éliminée par les urines. Le reste a été trouvé presque intégralement dans les fèces et la bile. La conclusion brute, c'est que l'absorption existe, mais qu'elle est insignifiante. On objecte à cette expérience que les différences trouvées rentrent dans les limites des erreurs d'expérience et que, par conséquent, l'absorption n'est pas prouvée. L'expérience, interprétée, comporte donc deux conclusions: l'absorption est très faible ou n'existe pas. C'est entre ces deux alternatives qu'il faut décider. L'impression produite par les essais de Hamburger est en faveur de la seconde alternative; c'est que l'absortion du sulfate ferreux n'existe pas (Bunge). Voici les chiffres d'une de ces expériences : Chien de 8 kilogs. Dans la première période, de 12 jours, l'animal reçoit quotidienne- ment 300 grammes de viande contenant 15 milligrammes de fer : soit, en tout, 180 milli- grammes de fer. L'analyse en fait retrouver 176™'"'er,5; soit 18'"'"'ei-,o dans la bile, 38miiiigr 4 dans l'urine, 136™'"'er,3 dans les fèces. L^absorption normale est donc insi- gnifiante ou compensée (3™'"'^'",5 en 12 jours). Dans la seconde période, de 9 jours, on ajoute à la ration quotidienne de 300 grammes de viande, 49 milligrammes d'une solution de sulfate ferreux, soit en tout 441 milli- grammes. L'urine qui, dans la première période, éliminait par jour ymiUigr^g ^q (q^, élimine la même quantité pendant les 6 premiers jouis du régime ferrugineux, puis éli- mine o^i'^s^^e dans les trois suivants et encore .'5™'"''î%6, dans les trois jours qui succèdent à celte période. Il y aurait donc eu influence du régime du fer manifestée seulement au bout de 6 jours, prolongée au delà pendant trois jours, et se traduisant, en définitive, par l'élimination urinaire de 12 milligrammes sur 636 ingérés (à savoir 441 milligrammes sous forme de sulfate et 195 avec la viande). En dehors des expériences de Hamburger, qui sont un premier argument sérieux contre l'absorption des sels de fer, il y en a d'autres. Le second, c'est l'analogie des sels de fer avec les sels de manganèse, qui, eux, ne sont pas absorbés (Cahn). Le troisième c'est que l'absorption de quantités assez fortes de sels de fer ne provoque pas d'empoi- sonnement. Celui-ci ne manquerait point de se produire si les sels de fer étaient absorbés et passaient dans le sang. On sait, en etfet, qu'injectés dans les vaisseaux, ces sels provoquent des accidents toxiques. Ces accidents consistent en un abaissement considé- 300 FER. rable de la pression sanguine; des symptômes de néphrite; des ordres de la motricité volontaire dus à une paralysie d'origine centrale; des accidents divers du tube digestif analogues à ceux que déterminent l'arsenic et et l'antimoine (Meyer et Williams, 1880; KoBERT, 1883). Rien de pareil ne s'observe après l'administration des sels de fer par la voie gastrique. 67. Sort des sels de fer (fer minéral) dans l'intestin. — Que deviennent les sels de fer introduits par ingestion dans le tube digestif? Quels qu'ils soient, sels minéraux, sels à acides organiques, albuminates de fer, ils sont tous transformés par le suc gastrique en chlorure et perchlorure de fer. A cet égard, il importe peu sous quelle forme on administre le fer; le résultat est toujours le même, quelque préparation que l'on ait employée. Il ne pourrait être différent que si le sel de fer était, pendant son séjour dans l'estomac, protégé contre l'acide gastrique (par un enrobage de gomme, ou par un mélange d'autres substances). Une fois arrivés dans l'intestin, les chlorure et perchlorure de fer fournissent de l'oxyde ferrique et du carbonate ferreux. La réaction alcaline du contenu intestinal (carbonate de soude) transforme le percblorure en oxyde ferrique qui ne précipite pas et reste dissous à la faveur des substances organiques; le chlorure fournit du carbonate fer- reux soluble également dans l'acide carbonique elles matières organiques (Bunge). Ces composés solubles ne sont pas absorbés. Ce n'est pas l'insolubilité qui, ici, explique l'incapacité d'absorption. C'est quelque autre raison, mal démêlée, dans ce cas comme dans le cas des sels de manganèse. Ces combinaisons ferrugineuses ne restent pas à cet état d'oxyde et de carbonate fer- reux tout le long de l'intestin. Il s'y produit des actions réductrices en présence de combinaisons sulfurées; il s'y développe de l'hydrogène sulfuré : les composés du fer sont transformés en sulfures. C'est donc sous forme de sulfures que les sels minéraux du fer, les sels organiques, et même, d'après Bunge, les combinaisons d'albumine avec l'oxyde ferreux, sont éliminés avec les fèces. 68. Aliments ferrugineux de nature organique. — Mais, si ces sels de fer, ces composés ferrugineux ne sont pas absorbés, il faut que d'autres préparations ferrugineuses le soient, sans quoi l'organisme ne pourrait couvrir les pertes qu'il fait incessamment par les excrétions biliaire, urinaire et intestinale, ainsi que par la desquamation épidermique. // y a donc, nécessairement, des composés ferrugineux absorbables qui servent au ravitaille- ment du sang et des tissus et qui sont différents des composés salins (fer minéral). Cette conclusion est obligatoire, dans l'hypothèse où les sels de fer sont absolument inabsorbables. Mais il suffirait que ces composés fussent seulement un peu absorbés pour que la conclusion fût en défaut et pour que la perte du ter par excrétion fût couverte. Cette perte est très faible, en effet, par l'urine : elle est faible par la bile; et quant à la perte par l'intestin, on n'en sait pas la valeur, puisque dans le fer des fèces on n'a pas pu faire la part du métal excrété d'avec le métal résiduel, c'est-à-dire contenu dans les résidus alimentaires et non absorbé. C'est donc, ici encore, la question du peu ou rien qui se pose. Or elle n'est point résolue; et nous avons vu que les arguments d'HAMBURGER, de KoBERT et de Cahn rendaient seulement probable la non-résorpjtion absolue des sels de fer. Sous le bénéfice de cette réserve, nous accepterons donc l'incapacité alimentaire des préparations minérales du fer, et par compensation, la capacité alimentaire d'autres préparations, non minérales. Quelles sont ces préparations? quels sont ces aliments ferrugineux de nature organique? 69. Fer absorbable du jaune d'œuf. Hématogéne de Bunge. — Blxge a répondu à celte question. 11 a cherché sous quelle forme le fer était contenu dans le vitellus de l'u'uf d'oiseau et dans le lait du mammifère. Le vitellus ne contient pas d'hémoglobine; mais comme, pendant l'incubation, l'hémoglobine apparaît, sans que rien pénètre du dehors, il faut donc que le fer de rhémoglobine existe dans le jaune sous une forme qui se prête aux synthèses vitales. Bunge a constaté que celle combinaison du fer dans le jaune d'd'uf était une nucléo-albu- mine. Le fer est lié à une nucléine, et cette combinaison elle-même à l'albumine. La nucléo-albumine ferrugineuse du jaune d'œuf a reçu le nom à'hémutof/êne, qui indique un de ses rôles physiologiques, qui est de servir à la constitution du sang. FER. 301 Voici les moyens d'avoir la nucléo-albumine ferrugineuse et la nucléiiie et d'en vérifier les réactions : Le jaune d'œuf est épuisé par l'alcool et l'éther. L'extrait éthéré se montre exempt de fer. — Quant au résidu de l'extraction, c'est une masse blanche constituant à peu près le tiers en poids du jaune; il est formé de matières albuminoïdes. Ce résidu con- tient le fer, mais pas à l'étal de sel. Le réactif de Bunde (alcool chlorhydrique, qui enlève du fer à tous les sels minéraux ou orjifaniques et aux albuminates, n'en enlève point immédiatement à ce résidu. — Le résidu du traitement éthéré du vilellus se dissout facilement dans l'acide chlorhydrique étendu à 1 pour 1000. Dans cette solution, le fer est dissimulé. — L'acide tannique, l'acide salicylique ne donnent point de précipités colorés bleu ou rouge, mais seulement un précipité blanc. Le résidu insoluble dans l'éther, ou te vitellus lui-même, si on les fait digérer comme le faisait Miescher, dans le suc gastrique faiblement acidifié, s'y dissout en partie. Les albuminoïdes sont peptonisées et séparées des nucléines qui se précipitent. Le fer est contenu dans ces nucléines non digérées et insolubles. 11 y est combiné et même forte- ment, car l'alcool chlorhydrique est impuissant à l'enlever. L'acide chlorhydrique aqueux et plus ou moins concentré l'enlève plus ou moins vite. La nucléine ferrugineuse est soluble dans l'ammoniaque. — Si l'on essaye la réaction du ferrocyanure de potassium, elle ne réussit pas, au moins tout de suite. Il se fait un précipité blanc qui ne se colore en bleu que lentement. — Si l'on ajoute du ferricya- nure et de l'acide chlorhydrique, le précipité reste blanc. — C'est la preuve que le fer se sépare de la matière organique à l'état d'oxyde ferrique et non d'oxyde ferreux. Si l'on ajoute à la solution ammoniacale de la nucléine ferrugineuse une petite quan- tité de sulfhydrate d'ammoniaque, la réaction du sulfure de fer ne se produit pas, ou du moins ne se produit qu'au bout de plusieurs heures. D'abord, il n'y a rien; puis une teinte verle se montre; la coloration noire et opaque tarde jusqu'au lendemain. L'analyse élémentaire de cette nucléine a donné à Bunge les chiffres suivants : C. 42. 11; H. 6,08; Az. 14,73; S. 0,o5; PI. 5,19; Fe. 0,29; U. 31,05. — En somme, cette nucléine ferrugineuse qui contient 0,29 p. 100 de fer est presque aussi riche que l'hémoglobine de cheval et de chien qui en contiennent 0,33 p. 100. Les combinaisons ferrugineuses de ce genre sont abondantes dans la plupart des aliments d'origine animale ou végétale. 70. Absorption des nucléo-albumines ferrugineuses. ^ Ces composés seraient les sources du fer de l'organisme : ils constitueraient le fei- alimentaire. Us seraient absorbables. Deux sortes d'expériences directes sont favorables à cette vue, sans être absolument décisives. Elles ont été faites par Socln, sous la direction de Bunge. La première consiste à faire absorber à des chiens une grande quantité de jaunes d'œuf et à constater le passage du fer dans les urines. Dans une expérience, la quantité de fer des jaunes d'œuf fut OS'^,iSQl. Les excré- ments en entraînèrent O'^'"', 1534. L'urine qui, d'ordinaire, n'en contient que des traces inappréciables, en fournit 12 milligrammes. — D'autres expériences donnèrent des résultats paradoxaux (plus de fer recueilli que de fer ingéré). La seconde série d'épreuves a consisté à alimenter des animaux (souris) avec des rations exemptes de fer, ou contenant ce métal à dilférents états. Dans le cas où le métal était sous forme de nucléo-albumine ferrugineuse, la ration a permis à l'animal de vivre; dans les autres cas, les animaux ont succombé. La base de la ration était un gâteau fait avec des matériaux exempts de fer (albumine du sérum, graisse de lard, sucre, amidon, cellulose). Quelques souris étaient soumises à ce )égime. — A d'autres on ajoutait 1 gramme de fer pour 100 grammes du gâteau, et cela sous la forme de sel (perohlorure), d'hémoglobine, ou du jaune d'œuf. — Dans les trois premiers cas, les animaux moururent entre le 27'^' et le 32" jour. — Seuls les ani- maux ayant reçu l'hématogène du jaune d'œuf survécurent plus de trois mois. Une troisième série d'expériences, déposant dans le même sens, a été exécutée par Dastre et Floresco [loc. cit., p. 102 et 111) sur des invertébrés, sur des escargots. On a nourri ces animaux de diverses lations pauvres en fer ou exemptes de ce métal, de navets, de cellulose (papier filtre imbibé de sucre). On ajoutait à ces rations différents sels de fer, citrates, phosphates, tartrate ou de la ferratine et de la terrine. C'est seulement 302 FER. dans ces derniers cas qu'on a trouvé une légère augmentation du fer dans le foie. 71. Sort du fer absorbé. — C. Jacobi (1887-1891) a cherché ce que devenait le fer absorbé. A la vérité, il n'avait pas recours à l'absorption véritable, naturelle, c'est-à-dire à celle qui porte sur le/'e?'o/'gan/gi de l'ancienne pharmacopée. Néanmoins les médecins réellement observateurs n'avaient pas tardé à s'apercevoir FER. 303 du peu d'efficacité du safran de Mars, et à lui préférer d'autres composés du métal, comme le « vitriol de fer » (sulfate de fer), ou encore le métal lui-même, à cru, le fer métallique en poudre. Parmi les médecins célèbres du xyu^ siècle, Sydemhau à Londres et, au xvm", Stoll, à Vienne, préconisaient à la place de ta rouille, la w limalure » ou limaille de fer. On y a substitué, de nos jours, le « fer léduil ». L'avantage du métal sur l'oxyde tient, ainsi que le montra L. Lemrry, en 1715, à une raison d'ordre chimique : c'est que le fer, à un e'tat d'extrême division est facilement dissous et salifié par les sucs organiques, et particulièrement parle suc gastrique, tandis que la rouille est souvent réfrac- taire à toute attaque ettraverseinutilementréconomiesans produire ni subir de changement. Plus tard, ces préparations se sont multipliées. C'est par centaines qu'on pourrait les compter. Il serait oiseux de les énumérer : il suffit de comprendTe les idées qui ont pré- sidé à leur emploi. 74. Préparations médicinales modernes. — On a d'abord renoncé à la plupart des prépara- tions minérales à base d'oxyde ferrique à cause de leur insolubilité habituelle. Elles résistent plus ou moins à l'action du suc gastrique, ou donnent dans l'estomac du per- chlorure de fer qui, plus loin, dans l'intestin, sous l'influence de l'alcali intestinal (carbonate de soude), redonne un précipité d'oxyde ferrique. Celui-ci peut à la vérité se dissoudre à la faveur des substances organiques, mais peut aussi rester insoluble sous une forme colloïdale. — On n'a conservé qu'un petit nombre de composés de ce genre que l'on réussissait à maintenir en solution par quelque artifice; tel, par exemple, le pyrophosphate ferrique qui est rendu soluble par le citrate ammoniacal. On s'est donc adressé à une première catégorie de substances solubles, sels de fer à acide organique, sels nécessairement ferreux, puisque l'oxyde ferrique est trop faible pour saturer des acides qui, eux-mêmes, sont peu énergiques. Et c'est ainsi que l'on a introduit dans le thérapeutique les citrates, tartrates, malates, oxalates de fer. Lors de la décomposition de ces sels dans l'estomac, les acides organiques correspondants non cor- rosifs, sont mis en liberté; ils n'exercent pas d'action nocive sur la muqueuse. On a utilisé, en second lieu, une autre catégorie de substances qui, bien qu'insolubles primitivement, sont solubilisées par les sucs digestifs. Telles sont les préparations métal- liques, limaille de fer, fer réduit; les oxydes obtenus à froid; le carbonate ferreux. Enfin, dans cette liste de médicaments, on a donné la préférence à ceux qui oflensaient le moins cruellement le goût. Les ferrugineux offrent une saveur désagréable; une saveur styptique, c'est à dire à la fois âpre et astringente comme celle de l'alun, prolongée par un arrière-goût d'encre (atramentaire). Cet inconvénient est peu marqué dans le tartrate; il est entièrement dissimulé dans quelques autres sels de fer, si l'on a soin d'y ajouter du citrate d'ammoniaque. 75. Paradoxe thérapeutique. — La solubilité de ces composés n'est pas tout. Elle ne suffit pas à assurer l'absorption. Nous avons vu que l'opinion des physiologistes est que toutes les préparations ferrugineuses salines (fer minéral) ne sont pas absorbées, qu'elles ne pénètrent point dans l'organisme. Elles restent (et c'est certain pour la plus grande partie) confinées dans le tube digestif. Elles le parcourent en y subissant des mutations diverses; puis elles le quittent sans qu'une parcelle du fer qu'elles contiennent ait été retenue par l'organisme. On se trouve ainsi mis en présence d'un véritable paradoxe thérapeutique. Ce médicament que le physiologiste déclare n'être pas absorbé et rester étranger à l'orga- nisme, le médecin le déclare efficace, héroïque. Il cite les cures innombrables de chlo- rotiques et d'anémiques que la médication martiale a remis sur pied. Il invoque l'expé- rience de tous les temps et de tous les lieux. Ce paradoxe est encore renforcé par la considération des infimes quantités de fer dont les mutations provoqueraient les maladies, telles que la chlorose et l'anémie. Si essen- tiel que soit le fer à la constitution de l'organisme, il n'y intervient pourtant qu'en faible quantité. La totalité du sang, qui en contient plus que les autres parties, n'en renferme que 2*^'', 70 chez l'homme d'un poids moyen de 70 kilogs. La totalité de l'organisme en referme de 7 à 14 grammes au plus. La quantité, naturellement, est moindre chez l'ado- lescent et chez la jeune fille. Les oscillations que peut subir le fer du sang, chez l'anémique ou le chlorotique, portent donc sur des quantités extrêmement minimes. Les aliments dont on fait usage en contiennent plus qu'il ne faut pour couvrir les besoins. 304 FER. Et, de fait, on a constaté qu'une alimentation normale suffirait à réparer les perles de sang consécutives aux saignées répétées ou aux plus grandes hémorragies. Le médica- ment semble donc surabondant, surérogatoire, en même temps qu'incapable d'action. Tel est le paradoxe. Il réside dans l'utilité affirmée par la médecine de tous les temps et de tous les lieux dont seraient pour les malades chlorotiques ou anémiques ces composés martiaux que l'organisme n'accepte pas et dont l'alimentation lui offrirait d'ailleurs une quantité suffisante s'il les acceptait. Cette contradiction entre l'empirisme médical et l'expérimentation physiologique doit être résolue. Elle l'a été par la théorie qu'a proposée Bunge. 76. Théorie de Bunge de l'action des médicaments ferrugineux. a) Fer alimentaire. — Cette théorie repose sur le fait dont il a été plusieurs fois ques- tion plus haut (n°68); c'est à savoir que les composés salins du fer sont inabsorbables, et qu'en revanche il existe d'autres composés, fréquents dans nos aliments, qui, eux, sont absorbables et alimentaires. Ce sont les nucléo-albuminoïdes ferrugineux dont le type est l'hématogène du jaune d'œuf. Ceux-là se rencontrent dans les parties des tissus, dans les parties de l'élément anatomique où les propriétés vitales atteignent leur plus haute expression, dans le noyau de la cellule; et, pour préciser davantage, dans la chroma- tine du noyau. — Tel serait en somme l'aliment fer, indispensable à la vie animale. Les limites oîi s'arrêtent cette classe de substances ne sont pas suffisamment fixées. Il est vraisemblable que les composés organiques connus sous le nom de ferratines [Maufob] et Schmiedeberg), de ferrines ou protéosates de fer (Dastre), de peptonates de fer, sont aussi des formes plus ou moins absorbables et utilisables, c'est-à-dire des formes alimen- taires du fer. On conçoit donc que l'industrie pharmaceutique, négligeant désormais toutes les préparations martiales qui ont encombré, pendant des siècles, les antiques officines, s'applique maintenant à développer ces nouveaux produits, aliments et médicaments tout à la fois, qui semblent par là réaliser le vœu de la médecine curative et préventive. h) Destruction du fer alimentaire. — En second lieu, il faut noter que les préparations que la nature nous offre toutes formées dans l'alimentation régulière, ou que nous y intro- duisons dans un but curalif, sont exposées à des accidents divers, à des actions capables de les détruire. De là un déficit du fer alimentaire qui devient insuffisant pour remplacer le fer usé du sang et des tissus. Quelles sont ces causes de destruction? — C'est la production de sulfures alcalins et d'hydrogène sulfuré dans le tube digestif. — Ces composés détruisent petit à petit les nucléo-albuminoïdes ferrugineux, et plus rapidement encore les albuminates, protéosates et peptonates de fer et en précipitent le fer. — C'est ce qui arrive particulièrement chez les chlorotiques dont la digestion est généralement troublée. — Dans tous les troubles digestifs, lorsque le suc gastrique est impuissant à détruire les microrganisnies des aliments, ceux-ci s'établissent dans l'intestin, produisent des gaz hydrogénés, et de l'hydrogène naissant (fermentation butyrique). Ces gaz donnent lieu à des phénomènes de réduction très puissants, et en particulier à la formation de sulfure de fer aux dépens des composés alimentaires du fer. Cette suppression du fer alimentaire rend compte de l'appauvrissement du sang. Les états anémiques consécutifs aux dyspepsies s'expliqueraient ainsi par le déficit du fer alimentaire, précipité avant toute pénétration. c) Utilité des composés martiaux, même lorsqu'il ne sont pas absorbes. — Ou comprend, du même coup, l'utilité des médicaments martiaux alors même qu'ils ne sont pas absor- bables. — Ces composés, sels de fer, etc., sont, en effet, plus sensibles encore que les nucléo-albuniines ferrugineux et les substances similaires à l'action réductrice des sulfures alcalins et de l'hydrogène provenant des fermentations intestinales. Ils se détruisent les premiers; ils attirent sur eux tout l'effort destructeur, et ils l'épuisent. Si les médicaments ferrugineux, d'après les médecins, n'agissent qu'à dose massive, c'est qu'il « faut des quantités considérables de fer pour rendre inoffensifs tous les sulfures alca- linsdel'intestinetgarantircontreleurattaqueleferorganiquede nos aliments» (Lambling). En un mot, la théorie de Bunge consiste à admettre que les préparations ferrugineuses protègent le fer organique de nos aliments contre certaines actions décomposantes et lui permettent ainsi d'être absorbé. A. DASTRE. FER. 305 FER (Pharmacodynamie. Thérapeutique) (P. atomique: 06).— Le fer est un des métaux les plus répandus dans la nature; il s'y rencontre sous forme d'oxyde, de sulfure, de sulfate, de carbonate, de silicate, etc. Le fer se trouve dans la plupart des terrains, et très fréquemment dissous dans les eaux (eaux ferrugi- neuses). L'emploi des préparations ferrugineuses comme agents thérapeutiques date de la plus haute antiquité. Aussi le nombre des travaux sur l'action physiologique et thérapeu- tique de fer est-il très considérable. Sans entrer dans le détail analytique de ces nom- breuses publications, nous essayerons dans cet article de résumer les résultats acquis à la science d'une façon certaine. Le fer est un métal gris bleuâtre, à éclat métallique : sa saveur est métallique, sa densité de 7,4 à 7,9, son point de fusion varie suivant sa fonte : le fer pur fond à 1 500''. Associé à de petites .quantités de carbone, il constitue la fonte, qui fond à 1 2o0°. L'air humide attaque facilement le fer et le transforme en oxyde [rouille). Le fer décompose l'eau au rouge et donne un oxyde particulier Fe^O^, oxyde magnétique, ou oxyde salin. Un grand nombre de corps sinTples se combinent directement au fer : le chlore, l'iode et le brome l'attaquent à la température ordinaire. Il se combine aussi facilement au soufre à la température de fusion de ce métalloïde. Les acides, même très étendus, attaquent facilement le fer avec dégagement d'hydro- gène et production d'un sel de fer. L'acide nitrique concentré n'attaque pas le fer, qui devient passif: il suffit d'étendre l'acide d'eau, ou de toucher le fer avec un autre métal, cuivre, platine, pour qu'il y ait attaque du fer. Ce phénomène est désigné sous le nom de passivité du fer. Le fer donne avec l'oxygène plusieurs oxydes, dont les principaux sont : le protoxyde FeO ou oxyde ferreux, le sesquioxyde oxyde ferrique Fe^O^; l'oxyde magnétique ou salin Fe^O*. Au protoxyde de fer correspond une série de sels, dits sels ferreux ou au mini- mum. Au sesquioxyde, une autre série, dits sels ferriques ou au maximum. Les réactions chimiques de ces deux espèces de composés sont différentes : il en est de même dans une certaine mesure de leurs propriétés physiologiques. Caractères des sels de fer. — Les sels ferreux sont généralement blancs quand il sont anhydres, verts lorsqu'ils sont hydratés. Au contact de l'air ils s'oxydent et passent à l'état de sels ferriques basiques. Les oxydants, chlore élucide azotique pàv exemple, les font passer à l'état de sels ferriques; leur solution rougit le papier du tournesol. La potasse donne un précipité blanc qui passe au vert sale, puis au brun, par oxydation; l'ammoniaque donne un précipité soluble dans un excès de réactif. H-S ne précipite pas en liqueur acide. Le sulfhydrate d'ammoniaque donne un sulfure noir, insoluble dans les alcalis et les sulfures alcalins, solubles dans HCl et AzO'; le ferro- cyanure de potassium, un précipité blanc insoluble dans l'acide chlorhydrique, bleuissant à l'air; le ferricyanure de potassium, un précipité bleu, insoluble dans l'acide chlor- hydrique (bleu de TurnbuU). Le tanin, pas de précipité : le sulfocyanure de potassium, pas de coloration. Los sels ferreux sont réducteurs, décolorent le permanganate de potasse et réduisent le chlorure d'or en mettant l'or en liberté. Les sels ferriques sont généralement brun rougeâtre, difficiles à cristalliser. La potasse et l'ammoniaque donnent un précipité rouge brun d'hydrate de ses- quioxyde de fer, insoluble dans un excès de réactif. H-S donne dans la solution acide un trouble blanc dû à la formation du soufre : il y a en même temps réduction : le sel ferrique passe à l'état de sel ferreux. Le sulfhydrate d'ammoniaque donne un précipité noir de sulfure ferreux mélangé à du soufre. Le ferrocyanure de potassium donne un précipité bleu foncé (bleu de Prusse). Le ferricyanure de potassium, une coloration rouge brun, mais pas de précipité. Le tanin, un précipité noir bleuâtre. Le sulfocyanure de potassium, une coloration rouge sang intense. Action physiologique des composés du Fer. — L'action pharmacodyiianiique DICT. DE niYSIOLOGIE. — TOME VI. -^ 306 FER. du fer et des diverses préparations ferrugineuses diffère un peu suivant que l'on expé- rimente les sels ferreux et les sels ferriques. On doit aussi faire une distinction entre les préparations insolubles et les sels solubles; placer dans une catégorie spéciale cer- tains sels organiques, tels que les tartrates, citrates, albuminates de fer, qui, solubles en milieux neutres ou alcalins, sont dépourvus de causticité et peuvent être administrés par voie sous-cutanée ou intra-veineuse. Le perchlorure de fer doit être étudié à part, en raison de ses propriétés toutes particulières. Les diverses préparations de fer insolubles, telles que le fer, les divers oxydes de fer, le carbonate et le pbosphate de fer, etc., lorsqu'elles sont introduites dans le tube digestif, se transforment dans l'estomac en protochlorure de fer FeCl- par suite de l'ac- tion du suc gastrique acide (Rabuteau). QuÉvEN.NË a dressé le tableau des quantités de fer absorbé après administration de dO centigrammes des divers sels de fer soumis à l'action de 100 c. c. de suc gastrique : grammes. Fer réduit par l'hydrogène. . . 0,0512 Limaille de fer. ." 0,0357 Oxyde magnétique 0,0326 Bicarbonate de lei- 0,0250 Lactate de fer 0,0208 Les préparations ferrugineuses insolubles ne se dissolvent que dans un suc gastrique acide : il importe donc d'administrer ces préparations au moment de la sécrétion du suc gastrique, c'est-à-dire pendant les repas, et de s'assurer que la sécrétion gastrique est acide. Les sels de fer solubles (sels ferreux ou ferriques) donnent dans la bouche une sensation d'astringence et possèdent une saveur styptique particulière (saveur d'encre) qui est encore perceptible avec des solutions très étendues, à 1/2000. L'action locale astringente des sels de fer sur la peau et sur les muqueuses s'accom- pagnerait de phénomènes corrélatifs de turgescence et d'excitation sur la vascularisation de la muqueuse et des plans musculaires sous-jacents. L'absorption prolongée de sels de fer solubles, par la bouche, donne lieu à une coloration noire des dents et du rebord gingival, attribuée par Barruel à la formation de tanates de fer; par Bo.xnet, BacHHEm, ScHROFF, à la production d'un sulfure de fer; par Smith, à une combinaison du fer avec la substance de la dent. D'après Rabuteau, toutes les prépai^ations ferrugineuses se transforment dans l'estomac en protochlorure. Le protochlorure formé serait absorbé directement, au moins en partie, et se transformerait, au fur et à mesure de sa pénétration dans le sang, en albuminate de fer solubilisé par les bases alcalines du plasma. D'après Scherpf, une partie du protochlorure de fer, rencontrant des matières albu- minoïdes et des peptones dans le tube digestif, se transformerait, surtout dans la première portion de l'intestin grêle, en albuminate, qui seul serait résorbé. Les recherches de Mitscuerlich, Bucheeim, Dietl, semblent d'accord avec cette théorie. Plusieurs auteurs se sont demandé si le fer pénètre réellement dans l'organisme, et certains d'entre eux l'ont nié. Tiedemann et Guelin, ayant injecté dans l'estomac d'un chien cinq grammes de chlorure de fer, ont retrouvé cinq heures après dans le caecum de l'animal la presque totalité du fer injecté dans l'estomac. Claude Bernard, introdui- •sant du fer réduit ou du lactate ferreux dans l'estomac, n'en retrouve pas plus qu'à l'état normal dans le sang de la veine porte. Si l'on fait une injection d'un sel ferrique sous la peau, on n'en retrouve pas un excès dans le sang. Gélis et Bouchabdat, Hirtz et Hepp n'ont pu retrouver dans les urines le fer administré aux malades. Les résultats négatifs de ces expériences ne suffisent pas cependant à démontrer la non-absorption des préparations ferrugineuses. Les expériences de Wild sur l'absorption et l'élimination du fer pendant son passage à travers le tube intestinal prouvent que le fer diminue dans l'estomac et dans la première portion de l'intestin grêle, et qu'il devient ensuite de plus en plus abondant au fur et à mesure que l'on se raj)proche du rectum. HuFiiA.NN a démontré expérimentalement, par examen histochimique, que le fer est FER. 307 résorbé au niveau des villosités du duodénum par les leucocytes qui, par la voie des capillaires sanguins, le transportent dans le foie, la rate et la moelle osseuse. Avant son absorption, le fer, quelle que soit son origine, minérale ou organique, se transformerait dans le tube digestif en albuminate ou peptonate, et serait résorbé sous cette forme. HoNiGMANN a démontré cliniqueraent que les préparations ferrugineuses étaient résorbées au niveau du duodénum, chez une petite fille qui avait une fistule à la partie inférieure de l'iléon. Les voies d'éliminations principales sont les parois du côlon et les voies biliaires. Le fer, ainsi que du reste la plupart des métaux, s'élimine principalement par l'intestin. Il n'est donc pas étonnant que GÉus et Bouchardat, Hirtz et Hepp n'en aient pas retrouvé dans les urines ; de plus, la teneur du sang en fer est fl.xe ; nous n'avons pas à parler ici des fonctions régulatrices du foie, de la rate et de la moelle osseuse vis-à-vis de cet élément : il n'est donc pas étonnant que Cl, Bernard n'ait jamais pu observer l'augmen- tation du fer dans le sang (Voir plus haut, p. 288-294). Il est actuellement bien démontré que le fer pénètre dans l'organisme au niveau de l'intestin grêle, et qu'il s'élimine au niveau du gros intestin. Quel est maintenant le rôle du fer ainsi absorbé ? D'après Bunge et ses élèves, la faible quantité de fer contenu dans l'alimentation ordi- naire suffit amplement à constituer l'hémoglobine normale, et tout récemment un de ses élèves, E. Abderhalden, a encore cherché à démontrer expérimentalement sur les rats, cobayes, lapins, chats et chiens, que les animaux qui reçoivent une nourriture pauvre en fer de constitution, mais additionnée de fer minéral, ne sont pas en meilleure situa- tion pour former de l'hémoglobine que ceux qui ont une alimentation normale. Dans son Traité de chimie biologique, Bunge émettait l'hypothèse que le rôle des préparations ferrugineuses administrées aux anémiques consistait à s'emparer de l'hydro- gène sulfuré de l'intestin, et à préserver les combinaisons organiques ferrugineuses des aliments de la destruction par cet agent, ce qui permettait à l'organisme d'utiliser ces combinaisons. Cette opinion n'est pas partagée par les nombreux cliniciens qui prescrivent le fer et ses diverses préparations. Nous n'entrerons pas dans l'énumération des nombreuses hypothèses sur le rôle du fer émises par les divers auteurs. Nous donnerons simplement celle d'HoFMANN, qui, après avoir constaté expérimentalement la résorption du fer et son transport dans la moelle osseuse, considère cet agent comme le stimulant de la fonction hématopoiétique de la substance médullaire. D'après lui, l'ingestion d'hémoglobine ou de toute autre combi- naison organique de fer n'introduit pas dans l'économie plus de fer que les préparations ferrugineuses minérales. Nous sommes encore imparfaitement fixés sur l'action des ferrugineux sur l'organisme. Les expériences de Claude Bernard firent admettre, en France, que les ferrugineux agissaient principalement sur le tube digestif comme excitant, eupeptique ; telle est aussi l'opinion de Trousseau et Pidoux, reflet de l'opinion des médecins du xvin" siècle ; d'après Ferrein (1754), les propriétés des eaux ferrugineuses seraient les suivantes : Sunt tempérantes, diluentes, solvunt et aperiunt, vi stomachica donantur, vi cathartica, vi astringente, diureticœ sunt. Rabuteau admet que le fer active la nutrition : le protochlorure de fer donne des urines plus acides, qui ne se troublent pas par refroidissement. Munk a constaté, au contraire, que le protochlorure, à la dose de 2 centigrammes de fer, est sans action sur l'excrétion de l'azote. Bistrow a constaté que l'absorption du lactate de fer diminuait la sécrétion lactée. A côté de cette action tonique générale et excitante de la digestion, il est actuellement démontré, par les observations de nombreux expérimentateurs et cliniciens, que les préparations ferrugineuses permettent la réfection de l'hémoglobine, et que le fer introduit dans l'organisme joue un rôle actif dans cette réfection (Malassez, Hayem, QuiNGKE, Rabuteau, Sghmiedeberg, Mûller, Hofmann, etc.). Les pi'éparations ferrugineuses s'administrent le plus souvent par la voie gastrique. Les sels de fer des acides minéraux ont une réaction acide lorsqu'ils sont dissous, et, comme ils précipitent en milieu alcalin, on ne saurait les utiliser en injections hypoder- 308 FER. miques ou intra-veineuses. Ils possèdent, en outre, une action caustique. Certains sels ferrugineux organiques sont, au contraire, dépourvus de causticité, et soluliles en milieu neutre ou même alcalin ; tels sont, par exemple : le tartrate ferrico-potassique, le citrate de fer ammoniacal et les préparations albuminoïdes ferrugineuses, albuminate, pep- tonate, nucléale, etc. Dans ces dernières années, on s'est efforcé de substituer aux vieilles préparations martiales toute une série de combinaisons albuminoïdes ferrugineuses. Nous n'insisterons pas sur ces nombreuses préparations ni sur les travaux qu'elles ont inspirés, qui n'ont souvent pour but que d'industrialiser et monopoliser la fabrication et la vente de médicaments spéciaux. Il semble résulter de ces expériences que les préparations albuminoïdes de fer n'ont pas une action différente de celle des autres produits ferrugineux. On a proposé d'administrer les ferrugineux par injections sous-cutanées et même intra-veineuses dans le but de favoriser l'absorption du fer. On emploie de cette manière les sels organiques de fer non caustiques, tels que le tartrate, le citrate, le lactate, les divers albuminates. L'action physiologique du fer introduit directement sous la peau ou dans les veines est la même que celle des préparations ferrugineuses ingérées. Vachetta, qui a injecté dans le péritoine d'un chien 2 grammes d'albuminate citro- ammoniacal dissous dans 3 grammes d'eau, a constaté une tolérance parfaite, l'absorption du fer, une augmentation du nombre des globules rouges et surtout de l'hémoglobme. Caselli (de Reggio), qui a tenté la même expérience sur l'homme en injectant 30 grammes d'une solution de citrate de fer à 2 p. 100, a constaté aussitôt après l'injec- tion une légère élévation de la température. Au bout d'un mois, la proportion d'hémo- globine et le nombre de globules avaient augmenté. Le poids du malade s'était accru de 7 kilogrammes. Les injections sous-cutanées de fer ont été préconisées surtout en Italie. Losio a successivement expérimenté le lactate et même le sulfate. 11 injectait ces composés à la dose de 0,30 ou 1 et même 1,30 p. 100, et considérait le pyrophosphate citro-ammoniacal comme la préparation la plus active. Foa s'accorde aussi à reconnaître la grande acti- vité des injections sous-cutanées de sels de fer. D'autres cliniciens repoussent ce mode d'administration des préparations ferrugineuses comme inefficaces et douloureuses, ainsi que l'a constaté Hirschfeld, élève de Dujardln-Beauxietz. De l'ensemble de ces recherches, il résulte que le fer est absorbé, quelle que soit la forme initiale sous laquelle il est introduit dans l'organisme ; la voie gastrique semble devoir être choisie de préférence. Perchlorure de fer. — Le perchlorure de fer joue un rôle à part parmi les ferrugineux. Extrêmement soluble dans l'eau, il est le plus souvent employé dans les laboratoires sous forme de solution concentrée, dite perchlorure de fer officinal à 30" Baume, de den- sité 1,26. Cette solution renferme 74 parties d'eau et 26 parties de perchlorure de fer anhydre. C'est un liquide fortement styptique et astringent; il possède vis-à-vis du sang un pouvoir coagulant considérable. Une goutte de perchlorure de fer suffit à coaguler un verre de sang. On attribue cette action à la formation d'un albuminate de fer insoluble. Le perchlorure de fer agit localement comme un caustique énergique vis-à-vis des muqueuses et des tissus dénudés. L'escharre produite par le perchlorure de fer est dure et cornée, de couleur noirâtre : un excès de perchlorure de fer ramollit l'escharre. Le perchlorure de fer a été préconisé comme hémostatique local : il arrête bien les hémorrhagies en nappe des plaies superficielles, mais il convient de le diluer dans deux fois son volume d'eau pour atténuer son action caustique. Debierre a constaté que le per- chlorure de fer versé sur les vaisseaux arrête le sang en bloc dans ces vaisseaux; mais Rabuteau insiste sur ce fait que, dans l'intérieur des tissus, le perchlorure de fer se réduit au contact des matières organiques, tandis que le protochlorure de fer n'a aucun pouvoir coagulant : le perchlorure de fer n'est donc à l'intérieur qu'un coagulant momentané. Ch. Richet a observé [comm. verbale) qne le perchlorure de fer, injecté dans le péritoine des lapins, même à dose toxique, est au bout de quelques heures transformé complè- tement en protochlorure. FER. 309 RossBACH et RosENsiEi.v ont constaté, sur les vaisseaux du mésentère de la grenouille, que le perchlorure de fer agit en déterminant une vaso-constriction. L'action hémosta- tique du perchlorure de fer reconnaîtrait donc deux causes : son activité vaso-constric- trice et son action coagulante. Le perchlorure de fer pris à l'intérieur n'a aucun pouvoir hémostatique vis-à-vis des hémorragies des organes internes; ce qui s'explique d'après les observations de Rabuteau, puisqu'il se transforme en protochlorure. Beaucoup de médecins prescrivent cependant le perchlorure de fer à l'intérieur dans un but d'hémostase. Le perchlorure de fer est un hémostatique dangereux lorsqu'on l'emploie sur des plaies dans lesquelles se trouvent des vaisseaux largement ouverts (hémorragies de l'utérus) : il peut se produire des embolies. Husemanx cite un cas de mort survenue par embolie cérébrale à la suite d'un pansement au perchlorure de fer sur une plaie des lèvres. Le pansement au perchlorure de fer doit être banni du traitement de l'épistaxis pour les mêmes raisons. Pris à l'intérieur, le perchlorure de fer, en raison de son action caustique, peut provo- quer de la gastro-entérite, caractérisée par de la suffusion et des escharres : ces accidents peuvent occasionner la mort, surtout lorsqu'on administre le perchlorure de fer en solu- tion trop concentrée et par dose massive. Toxicité des sels de fer. — On a pendant longtemps nié que le fer fût un poison. Orfila, le premier, expérimentant sur des chiens, vit que le sulfate de fer, ingéré à la la dose de 8 grammes, tuait les chiens en quinze heures, et qu'il suffisait d'injecter 0^"-,6 de sulfate ferreux dans les veines pour causer la mort dans le collapsus. A l'autopsie, il constatait une congestion intestinale vive, des ecchymoses de l'estomac, et le sang coloré en noir. Franck, avec le citrate et le bromhydrate de fer, obtint des résultats analogues. 2ff%40 de bromure ferreux en injection intra-veiiieuse causent la mort. Hans Meyer et Francis William ont constaté la toxicité réelle du tartrate ferrico- sodique. Chez la grenouille, une dose de 5 à 10 milligrammes détermine de la parésie, bientôt suivie de paralysie généralisée, qui se termine par la mort. 40 milligrammes tuent un lapin de 1800 grammes; on observe d'abord de l'accélération des mouvements respi- ratoires, puis de la diarrhée, de la dyspnée, de la paralysie; et l'animal meurt dans les convulsions. On observe les mêmes phénomènes chez le chat avec des doses de 30 à 60 mil- ligrammes par kilogr., et chez le chien avec des doses de 20 cà 2.5 milligrammes par kilogr. Déranger Féraud et Porte ont vu que le perchlorure de fer provoque une intoxication, soit à dose massive par action sur le tube digestif, soit après absorption à la suite de phénomènes généraux : vomissements, diarrhée, congestion encéphalique, collapsus, délire, respiration anxieuse, tendance à la cyanose, refroidissement rapide du corps. Les méninges, les poumons, le foie, les reins sont fortement congestionnés; le sang est noir, les globules déchiquetés renferment plus de fer qu'à l'état normal. Claude Bernard au contraire a pu administrer 12 à 20 grammes de lactale de fer sans aucun accident, et Dragendorff met en doute la toxicité des préparations martiales. Gaglio a constaté qu'à la dose de 0«^"",50 par kilogr. les sels de fer, protoxyde de fer, lactate, tartrate, sulfate, empêchent la coagulation du sang; que 1 p. 100 de sels ferreux empêche in vitro le sang extrait de se coaguler. Suivant Gaglio, le fer entrerait en com- binaison avec le fibrinogène. Bouchard et Tapret fixentà 0,70 par kilogr. d'animal la toxi- cité du fer. Ch. Righet, étudiant l'action des sels de fer sur le ferment lactique, classe le fer, au point de vue de la toxicité, parmi les métaux toxiques à i/1000 de molécule. MiQUEL classe le sulfate de protoxyde de fer'^parmi les substances moyennement anti- septiques. Allyre Chassevanï a étudié l'action du perchlorure de fer sur la fej-menta- tion lactique. A faibles doses : 0™°'0001, soit OS'-, 112 par litre, le perchlorure de fer active la fermentation lactique : à la dose de 0"i°'-,00025, soit Oe'-,0280, le perchlorure de fer ralentit la fermentation; 0™°i-,004, soit Os^0448, empêche le ferment lactique de se développer; 0"^oi-,0560 arrête toute fermentation. A. CHASSEVANT. SIO FER. Bibliographie. — âbderhalden. Die Beziefum^ Fc zur Bhttbildung (Z.B., 1900, xsi, 483-5:^3); Assimilation des Fe {Ibid., 1900, xxi, 193-270). — Albanello. 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P., 1887, xxiii, 317. FERMENTS — FERMENTATIONS. — On donne le nom de fermentation à une réaction chimique dans laquelle des substances organiques, dites fer- mentescibles, subissent des transformations sous l'inlluence d'un agent appelé ferment, agissant par sa seule présence, et dont la quantité est hors de toutes proportions avec la quantité de substance en fermentation. La ri^action chimique qui se produit se fait le plus généralement avec un dégagement de chaleur qui, dans certains cas, est rendu manifeste par l'élévation de température du milieu en fermentation. Autrefois on admettait qu'il y avait deux sortes de ferments; les ferments figurés, ayant une constitution cellulaire, morphologique, spéciale, et les principes chimiques solubles, ou diastases. Des travaux récents semblent montrer que toute fermentation est due à la présence de diastases, et que les ferments figurés ne donnent lieu à des réactions chimiques que 314 FERMENTS — FERMENTATIONS. grâce aux diastases qu'ils sécrètent. On pourrait donc séparer complètement l'étude des organismes, et celle des substances ou ferments qu'ils produisent. Mais, pour nous con- former à l'usage, en partie justifiée par la communauté des méthodes, nous réunirons dans le même article d'une part (première partie) l'étude du ferment figuré et de son processus vital, qui aboutit à une fermentation, d'autre part (seconde partie) la formation et l'état naturel des ferments solubles, le mécanisme de l'action des ferments solubles. Historique. — Nous résumerons rapidement ici les différentes phases par lesquelles ont passé les connaissances humaines sur cette question, si obscure aujourd'hui encore, malgré les admirables travaux de nos contemporains. Les anciens avaient observé un certain nombre des phénomènes phj'siques qui accom- pagnent la fermentation alcoolique : le dégagement gazeux, le soulèvement de la masse enfermentalion. Les mots français levure et levain dérivent du verbe lever; die Hefe a pour origine heben ; ferment, fermentation, viennent de fervere, bouillir. Dans l'antiquité, la notion de fermentation n'avait pas un sens bien précis. Aristote confondait les phénomènes de la putréfaction avec ceux de la génération spontanée. Il prétendait qu'un être vivant pouvait naître de la corruption d'un autre être vivant parla chaleur. Le limon des fleuves en fermentant donnait naissance aux anguilles; la putré- faction de la terre et des plantes, sous l'action de la rosée, produisait les chenilles. Les alchimistes comparaient la germination du grain de blé à une fermentation, et, par suite, assimilaient la transmutation des métaux à une reproduction, à un phénomène subissant les mêmes lois. De même que le grain de blé avait le pouvoir de se reproduire en donnant naissance à d'autres grains identiques à lui-même, de même il devait exister un or vivant, possédant la propriété de fermenter, de se reproduire sans cesse. L'or mort que nous connaissons aurait été à cet état de la matière ce que le pain est au grain de blé, Geber et Avicenne (980-1037) assimilent la transmutation des métaux aune fermen- tation, et la pierre philosophale à un levain, Paracelse (1493-1541) compare l'homme à un composé chimique dont les altérations sont les maladies. Libavius, en 1594, distingue la digestion, la putréfaction et la fermentation, tandis qu'un certain nombre d'alchi- mistes contemporains les confondent. Pour lui, le ferment agit sur la matière fermen- tescible par sa chaleur propre : il doit être de même nature. Van Heluont (1577-1641) reconnaît la nature particulière du gaz qui se dégage dans la fermentation alcoolique {f/az vinorum), dans la digestion, dans la putréfaction; c'est le même gaz carbonique qui se produit dans l'action du vinaigre et des acides sur les carbonates, et il assimile tous ces phénomènes à une même cause de fermentation. Il va jusqu'à prétendre que toutes les fonctions de l'organisme, y compris la génération, proviennent d'un ferment. Sur la génération spontanée, il a exposé un certain nombre de théories qui rappellent les idées d'AnisTOTE et des anciens. « L'eau de fontaine la plus pure mise dans un vase imprégné de l'odeur d'un ferment se moisit et engendre des vers Les odeurs qui s'élèvent du fond des marais produisent des grenouilles, des limaces, des sangsues, des herbes et bien d'autres choses encore » « Creusez un trou dans une brique, mettez-y de l'herbe de basilic pilée ; appliquez une seconde brique sur la première de façon que le trou soit parfaitement couvert; exposez les deux briques au soleil, et, au bout de quelques jours, l'odeur de basilic agissant comme ferment changera l'herbe en véritable scorpion; » ou bien encore : « Il est vrai qu'un ferment pousse quelquefois son entreprenante audace jusqu'à former une âme vivante; ainsi s'engendrent des poux, des vers, des punaises, hôtes de notre misère, nés soit de l'intérieur même de notre substance, soit de nos excréments. Bouchez avec une chemise sale l'orifice d'un vase plein de froment; le ferment sorti de la chemise sale, modifié par l'odeur du grain, donne lieu à la transmutation du froment en rat. Au bout de vingt et un jours environ les rats sont adultes, et il en est de mâles et de femelles ; et ils peuvent reproduire l'espèce ». Pour Vax Helmont, ce sont encore des ferments qui provoquent la putréfaction; « ce sont donc des ferments qui attaquent la matière privée de vie, la désagrègent et la dis- posent à recevoir de nouveaux esprits. » Basile Valentin, en 1624, in Currus Triomphait:^ Antinionii, prétend que l'alcool préexiste dans la décoction d'orge germée; l'inllainmation intérieure, qui est commu- FERMENTS — FERMENTATIONS. 315 niquée au liquide par la levure de bière, purifie la masse, et la distillation peut seulement alors en séparer l'alcool. VAccademia del Cimento de Florence avait donné une impulsion particulière à l'étude des générations spontanées. Un membre de cette Académie, Redi, porta un coup terrible à cette théorie; il montra, en 16H8, que, si l'on empêche les mouches de venir se poser sur la viande, et cela en la préservant simplement au moyen d'un voile de gaze, les vers ne s'y produisent jamais. La viande en putréfaction ne donne donc pas naissance spon- tanément aux vers. Robert Royle (1626-1691) prétend que la chimie peut servir aux médecins pour se rendre compte d'un certain nombre de phénomènes pathologiques. « Celui qui com- prendra entièrement la nature des ferments et des fermentations sera en mesure d'ex- pliquer d'une manière satisfaisante bien des phénomènes pathologiques, les fièvres entre autres. » Leuwenhoeck (1632-1733) montre avec son microscope rudimentaire que la levure a une forme globulaire, sphérique ou ovoïde; il trouve dans la poussière d'une gouttière un animalcule très petit, doué de mouvements très rapides, qui perdait par dessiccation sa forme et sa motilité; il revenait à la vie et reprenait sa motilitè sous l'influence d'une goutte d'eau. Lefèvre (1669) attribuait les phénomènes de fermentations à un mouvement spécial produit par la combinaison d'une base et d'un acide. Lémery, en 1684, représente une fer- mentation comme une ébullition produite par des esprits cherchant à se faire issue pour sortir; ils se détachent de la matière et « dans ce détachement les esprits divisent, subtilisent et séparent les principes de sorte qu'ils rendent la matière d'une autre nature qu'elle était auparavant ». Boerhaave, en 1693, avait distingué trois sortes de fer- mentations : la spiritueuse, qui donne naissance à l'alcool ; l'acéteuse, au vinaigre; et la putride ou alcaline qui est la cause de toutes les putréfactions. Cette classification durei-a jusqu'à la fin du xviii'= siècle. Reciier, en 1682, montre le premier que seuls les liquides sucrés peuvent entrer en fermentation pour donner de l'alcool, que ce corps, loin d'exister préalablement dans le moût, est un produit de la fermentation et se développe sous l'inlluence de l'air. Il dis- tingue alors les effervescences qui se produisent seulement chez les minéraux; les fer- mentations propres aux liquides végétaux ; et les putréfactions que l'on rencontre surtout chez les animaux ; il divise les fermentations en fermentation alcoolique et fermentation acétique. « On distingue deux espèces de fermentations ; la fermentation propre et l'acétifica- tion. La première est particulière aux moûts sucrés. Les décoctions de certaines plantes, comme l'orge germée, peuvent aussi l'éprouver, mais après avoir subi une opération qui y développe le principe sucré. Elle a pour cause catharctique le fei-ment. Trop d'alcool l'arrête en précipitant le ferment. » Stahl, l'élève de Bêcher (1697), reprit des idées que Willis avait déjà développées en 1659. Le ferment serait doué d'un mouvement intime de décomposition. Il commu- niquerait ce mouvement aux corps en putréfaction, dont les particules élémentaires seraient mises eu liberté et se recombineraient, pour former alors les composés stables qui se trouvent être les produits de la putréfaction. La fermentation ne serait qu'un cas particulier de la putréfaction. Les substances organiques se décomposent, parce qu'elles ont une tendance naturelle à se décomposer. Ce phénomène ne se produit pas chez les êtres vivants, le principe vital s'opposant à leur décomposition. En 1700, Valdsmieri reprit les expériences de Redi et montra de la même façon que les vers qui prennent naissance dans l'intérieur des fruits ont pour origine les insectes qui se sont posés à la surface. SwAMUERDAM, cu 1737, étudiait la reproduction des insectes. Les animaux supérieurs ne naîtraient donc jamais d'une fermentation ou d'une putréfaction. Mais alors Boffon, s'appuyant sur les découvertes que le microscope venait de faire, admettait la génération spontanée des êtres microscopiques et même des vers, malgré Redi, Vallisnieri, Swammerdam. La putréfaction donne naissance à des êtres vivants. 0 Lorsque la mort fait cesser le feu de l'organisation, c'est-à-dire la puissance de ce moule, la décomposition du corps suit, et les molécules organiques, qui toutes survivent, 316 FERMENTS — FERMENTATIONS. se retrouvent en liberté dans la dissolution et la putréfaction des corps; passent dans d'autres corps aussitôt qu'elles sont pompées par la puissance de quelque autre moule; seulement il arrive une infinité de générations spontanées dans cet intermède où la puissance du moule est sans action, c'est-à-dire dans cet intervalle de temps pendant lequel les molécules organiques se trouvent en liberté dans la matière des corps morts et décomposés : ces molécules organiques toujours actives travaillent à réunir la matière putréfiée, elles s'en approprient quelques particules brutes et forment par leur réunion une multitude de petits corps organisés dont les uns, vers de terre et champi- gnons, paraissent être des animaux ou des végétaux assez grands, mais dont les autres en nombre indéfini ne se voient qu'au microscope. » Needham, en 174o, après de nombreuses remarques et observations microscopiques, ayant retrouvé chez les anguillules du blé niellé les mêmes propriétés que chez le Roti- fère des toits de Leuwenhoeck, prétendit, lui aussi, que les éléments organiques mis en liberté par la mort pouvaient vivre de nouveau d'une vie indépendante. Seule la vie de l'ensemble était détruite. Needham avait même montré que des matières putréfiées enfer- mées dans des flacons bien bouchés et chaulTés à l'ébullition pouvaient encore donner naissance à des êtres vivants produits évidemment dans ce cas par une génération spon- tanée. Spallanzani, en 1765, répéta les expériences de Needham, et il fit disparaître toute appa- rition d'infusoires en chauffant les vases de Needham, pendant un temps beaucoup plus long que ne l'avait fait celui-ci. Needham répondit en prétendant que, par une chauffe trop longue, on altérait l'air des vases, ou bien l'on faisait disparaître la force végéta- tive des liquides organiques. La question ne put être tranchée entre les deux adver- saires; car, si, d'une part, les expériences de Spallanzani étaient concluantes, Needham, d'autre part, pouvait paraître avoir raison, en objectant une altération de l'air des réci- pients. Ajoutons que Spallanzani découvrit aussi, dans le monde des infiniment petits, un organisme microscopique, le Tardigrade, qui, de même que l'anguillule et le rotifère, pouvait voir sa vie suspendue par une simple dessiccation et ranimée par l'humidité. Blake (1728-1799) est le premier qui étudia les gaz de la fermentation. Il montra que le sucre en fermentant produit seulement la mofette carbonique, identique à celle que dégage la craie traitée par un acide. Macbride, s'appuyant sur cette expérience, pré- tend que l'acide carbonique en se dégageant a détruit la cohésion qui rattachait les unes aux autres les particules d'un même corps, et il en déduit que c'est la présence de l'acide carbonique qui détermine cette cohésion. Lavoisier montra, enfin, que le glucose en fermentant sous l'action de la levure de bière donne de l'alcool et de l'acide carbonique. Il pèse le sucre qui va entrer en fer- mentation, il pèse le vase contenant le liquide sucré, avant et après fermentation; la perte de poids représente l'acide carbonique qui s'est dégagé. Il pèse enfin l'alcool, qui s'est formé dans la fermentation, et il montre que la somme des poids de l'acide carbo- nique et de l'alcool représente le poids du sucre qui a fermenté. C'est à la suite de cette admirable expérience qu'il en conclut que, « rien ne se perd, rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans celles de la nature... ^^ Lavoisier a montré, déplus, dans le même mémoire sur la fermentation alcoolique, que les éléments du sucre représentent séparément la somme des éléments de CO" et Farroni, en 1799, avait assimilé la levure à un composé chimique ordinaire, à du gluten. C'était l'opinion de Thénard, qui, en 1803, avait montré que la levure de bière se formait dans tous les jus sucrés abandonnés à eux-mêmes et entrant par suite en fermentation. Thénard avait montré en outre que la décoction de levure, c'est-à-dire de la levure portée à 100» avec de l'eau ne perdait pas son pouvoir ferment. La solution sucrée se transformait en alcool et en acide carbonique, ce qui semblait détruire toute idée de matière vivante. Kirghhoef, le 30 décembre 1814, lut un mémoire à l'Académie de Saint-Pétersbourg, où il décrivit l'observation qu'il avait faite de la présence dans l'orge germëe d'une matière albuminoïde pouvant linuéfier l'amidon en le transformant en glucose. Il trouve FERMENTS — FERMENTATIONS. 317 que k température la plus favorable est de 60°, et il assimile la substance active à du gluten. DuBRUNFAUT, en 1823, montre que l'empois d'amidon se saccharifie en présence de l'orge germée, pourvu qu'il y ait à la fois le concours de la chaleur et de l'humidité. En 1826, MiTSCHERLiCH observe que le liquide dans lequel s'est développée la levure de bière jouit de la propriété d'intervertir le saccharose. En 1831, Leuchs montre que la salive hydrate l'amidon et le transforme en glucose. Enfin, en 1832, Payen et Persoz iso- lent la première diastase en précipitant par l'alcool le liquide de macération du malt. Ils montrent que l'action de la diastase se fait à une température de 65 à To" et qu'elle perd la faculté d'agir alors qu'on l'a soumise à l'ébuUition. La diastase est trouvée non seulement dans l'orge germée, mais aussi dans l'avoine, le blé, le maïs en germination, la pomme de terre en végétation. C'est en 1835 que Cagniard-Latour, en France, et Kutzing et Schwann, en Allemagne, montrent que la levure de bière est formée d'éléments microscopiques, ovoïdes ou sphé- riques, qui peuvent être des êtres vivants; et Cagniard-Latour en les décrivant'les sup- pose : sitscepUblcs de se reproduire par bourgeonnement, et n'agissant probablement sur le sucre que par quelque effet de leur végétation et de leur vie. Gay-Lussac avait prétendu que la fermentation alcoolique ne pouvait avoir lieu qu'en présence d'oxygène, Schwann montra que l'air n'était nécessaire que pour apporter le germe initial producteur de levure. Ce germe serait un végétal qui se retrouve dans toutes les fermentations. Et, de même que Cagniard-Latour avait trouvé le bourgeonne- ment, Schwann montre qu'il y a relation entre le début, la marche et l'arrêt de la fer- mentation, d'une part, et la présence, la multiplication et l'arrêt de développement de la levure, d'autre part. En même temps d'autres diastases étaient isolées, qui complétaient la découverte du premier ferment soluble, la diastase de Payen. Robiquet et Boutron, en 1830, découvri- rent l'amygdaliue et la supposèrent capable de fournir l'essence d'amandes amères. Liebig et Wœhler, en 1837, confirmèrent cette supposition et expliquèrent que la trans- formation se faisait au moyen d'une matière albuminoïde contenue dans la graine, qu'ils nommèrent émidsine. De nouvelles théories sont alors proposées pour expliquer les phénomènes de fermen- tation si complexes et si nombreux que l'on observe. Hrlmholtz, en 1843, discutant les expériences de Schwann, admet deux causes de la fermentation des matières organi- ques. Dans certains cas, séparant un liquide organique, en voie de putréfaction d'un liquide analogue frais, par une membrane filtrante, il constate la contagion du liquide altéré au liquide neuf. Il admet alors que le principe actif est soluble dans l'eau; c'est une exhalaison putride, douée de propriétés inconnues. Dans d"autres cas, il n'y a pas conta- gion, c'est un produit insoluble, un germe vivant. Berzelius a admis que dans ce qu'on appelait des actions de contact \x\\q force entrait en jeu la force catalytique. « La force catalytique paraît, à proprement parler, consister en ce que des corps peuvent par leur simple présence et non par leur affinité, réveiller les affinités assoupies et déterminer les éléments d'un corps composé à se grouper de manière à procéder à une neutralisation électro-chimique plus complète ». Ces phéno- mènes de contact sont bien connus en chimie minérale; inflammation de l'hydrogène au contact de la mousse de platine, décomposition de l'eau oxygénée en présence de l'argent très divisé. Il en est de même en chimie organique, où l'on voit la transforma- tion de la fécule en sucre en présence de l'acide sulfurique, la transformation du sucre de fruit en alcool et acide carbonique, etc. La force catalytique interviendrait surtout dans la vie des plantes et des animaux. « Mille procédés catalytiques opérant entre les tissus et les liqueurs produiraient un grand nombre de combinaisons chimiques dont nous n'avons jamais pu expliquer la production et qui se forment au moyen d'une même matière brute, le sang pour les animaux, la sève pour les végétaux. Elle continuerait à agir même après que la vie aurait cessé, présidant aux réactions chimiques qu'on désigne sous les noms de fermentation et de putréfaction. » Dans la théorie de Liebig toute fermentation était une destruction provoquée par une autre destruction : l'amidon se convertit en sucre parce que la diastase se détruit et dans sa destruction entraîne la destruction de l'amidon. Un corps en action 318 FERMENTS — FERMENTATIONS. chimique peut « éveiller la même action dans un autre corps en contact avec lui si on le rend apte à subir l'altération cju'il éprouve lui-même ». Liebig reconnaît quatre circon- stances où son principe se manifeste ; 1" L'érémacausie, combustion lente des détritus organiques abandonnés à l'air; 2° La putréfaction, toujours à l'abri de l'air, la matière disparaissant par une combus- tion à l'air; 3° La pourriture sèche, à l'abri de l'air et du contact de l'eau ; 4° La fermentation, espèce de putréfaction qui s'accomplit sans dégagement d'aucune odeur, tout au moins d'aucune odeur désagréable. En 1850, les études sur la fermentation, les ferments et les maladies font un pas considérable. Rayer et Davaine montrent que, dans le sang de rate, il existe des orga- nismes extrêmement petits qu'ils décrivent ainsi : « On trouve dans le sang des petits corps filiformes ayant environ le double en longueur du globule sanguin. » Ces petits bâtonnets avaient été déjà entrevus par Brauell de Dorpat et Delafond à Alfort. En 18o7 et en 1858, Pasteur commence ses recherches sur la fermentation alcoolique, il refait les observations de Cagniard Latour et autres sur la constitution de la levure de bière, sur son bourgeonnement; il considère que la fermentation alcoolique est la consé- quence de la vie de ces éléments. Si la fermentation était une conséquence du dévelop- pement et de la multiplication des globules, il n'existerait pas de fermentation dans l'eau sucrée pure qui manque des autres conditions essentielles à la manifestation de l'activité vitale; cette eau ne renferme pas la matière azotée nécessaire à la production de la partie azotée des globules. La levure bien lavée au contact de l'eau sucrée pure s'altère-t-elle ou se détruit- elle comme le prétend Liebig? Pasteur montre qu'elle se développe, pourvu qu'on y ajoute une certaine proportion de matières azotées, de la décoction de levure par exemple. Mieux encore : après avoir remarqué que les sels ammoniacaux disparaissent en présence de la levure, il cultive cette levure en présence simplement de sucre pur, de tartrate d'ammoniaque et de cendres de levure, le tout en dissolution aqueuse. Dans ces conditions, la fermentation se produit admirablement; elle" n'a plus lieu du moment que l'on supprime un de ces trois éléments. Il obtient les mêmes résultats avec la levure lactique en faisant fermenter au moyen de ce produit de l'eau sucrée en présence d'un sel ammoniacal et d'un peu de carbonate et de phosphate de chaux. Les petits articles du ferment lactique sont vivants; ce sont eux qui tx'ansforment le sucre de lait en acide lactique. De même la fermentation butyrique et la fermentation acétique sont la consé- quence de la vie de deux microrganismes. La vie de tous ces ferments organisés est très différente de celle des organismes supé- rieurs : ils vivent sans oxygène libre et empruntent ce corps aux matières en fermen- tation. Le poids formidable de matière transformé par une quantité inlinitésiniale de microrganisme, la vie anaérobie, voilà ce qui caractérise, d'après Pasteur, une fermen- tation. La putréfaction est une conséquence de la vie de ferments organisés. D'oii provenaient ces innombrables microrganismes répandus partout, et semblant provoquer des actions d'une extraordinaire puissance ? Deux théories se trouvent en présence : avec Wyman, Richard Owen, Pouchet, Joly, Musset, etc., faut-il admettre la génération spontanée de ces êtres? Les microrganismes prennent-ils naissance de germes? Y a-t-il ou non génération spontanée? Pasteur reprenant un certain nombre d'expériences antérieures, montre que des raisins bien lavés, écrasés et mis en contact avec de l'air stérilisé par calcination, ne fermen- tent jamais. Un corps fermentescible mis en contact avec de l'air tamisé à travers un tampon d'ouate ou à travers le col sinueux d'un ballon, reste stérile; il ne se produit jamais de fermentation. Pouchet, Joly et Musset provoquent néanmoins l'apparition d'une moisissure dans une infusion de foin contenue dans un flacon, éhouillanté, renfermant de l'oxygène chi- miquement pur, l'infusion ayant été elle-même longtemps bouillie. Les mêmes auteurs montrent qu'à une hauteur de .3 20i> mètres (Maladetta), les fermentations se développent encore; des infusions préalablement stérilisées se peuplent de microzoaires et de microphytes. FERMENTS — FERMENTATIONS. 319 Pasteur n'obtient qu'un résultat inconstant dans une expérience identique faite sur le Montauvert. Si l'expérience de Pouchet semble convaincante, c'est par suite d'une erreur de technique ; le mercure employé apportant les germes. On sait que la théorie. de la généraliou spontanée a été définitivement renversée. Dans les conditions connues jusqu'à présent, il n'y a jamais production de ferments figurés, sans la présence préalable de germes ou de spores organisés. Alors, par une série d'admirables découvertes, est établie cette notion fondamentale que la maladie est due à des organismes parasitaires. Davaine, reprenant les bâtonnets qu'il avait trouvés dans le sang de rate, les inocule à des animaux et reproduit la maladie charbonneuse identique à celle qui s'était déve- loppée sur l'animal mort primitivement (1863). ViLLEMiN, en 1863, montre que la tuberculose est inoculable; qu'on peut la trans- mettre aux animaux par introduction dans leur organisme de crachats, de matière caséeuse. La découverte du microbe de la tuberculose n'est survenue que plus tard (KocH, 1877). Davaiae (1867) fait voir que la pourriture des fruits est parasitaire : elle est due au développement dans la pulpe de ces fruits du mycélium d'un champignon. Pour les oranges, les citrons, les poires, les pommes, le champignon serait le Penicilium glaucum. « La pourriture se communique d'un fruit malade à un fruit sain privé de son épiderme. ■» Davaine reconnaît aussi, d'une part, la nature parasitaire delà putréfaction, d'autre part, la contagiosité, enfin le rôle préservatif des épidémies. Dans un travail à jamais mémorable. Pasteur reconnaît l'origine parasitaire de la pébriue ou maladie des vers à soie ; la pébrine est due à des corpuscules qui ne sont autres que des ferments organisés. VoLKMANN soupçonne la nature parasitaire de l'érysipèle, et Nepveu, en 1870, signale la présence de bactéries dans le sang extrait d'une plaque éryslpélateuse ou de toute autre partie d'un individu atteint de cette affection, que l'érysipèle soit traumatique ou spontané. Les conséquences immédiates de toute cette partie de l'œuvre de Pasteur, de ses prédécesseurs et de ses collaborateurs sont la conservation des vins, de la bière, des matières putrescibles par la pasteurisation ou stérilisation à chaud. Une haute tempéra- ture amène la destruction de tous les germes et les matières fermentescibles chauffées conservées en vase clos ne s'altèrent plus. Une autre conséquence fondamentale de la nature parasitaire des maladies est la protection des blessures et des plaies chirurgicales par le pansement de J. Lister ou le pansement de A. Guérin; il y a, au moyen d'enveloppements ouatés, isolement parfait et séparation de la plaie d'avec le milieu extérieur, d'avec l'air pouvant apporter des bactéries pathogènes. Toute la chirurgie moderne, avec ses admirables développements, repose sur les principes de l'antisepsie et de l'asepsie. MuLLER, Pasteur, Van Tieghem avaient montré que la fermentation de l'urée était provoquée par des ferments organisés. Plus tard, Pasteur et Joubert prouvent que la transformation de l'urée est due à un ferment soluble. Musculus pensait que ce fer- ment était sécrété par le mucus vésical. Pasteur et Joubert établissent qu'il est produit par un microrganisme. Le virus du charbon est tué par l'oxygène comprimé en couches minces (1 centi- mètre d'épaisseur) (P. Bert), bien que le même auteur ait démontré que tous les êtres vivants sont tués par l'oxygène comprimé. Mais le sang des animaux qui succombaient à l'inoculation de sang charbonneux traité par l'oxygène sous pression n'était plus toxique pour de nouveaux chiens ou de nouveaux cobayes. P. Bert en concluait donc que dans le charbon, ou sang de rate, il y avait: i" Labactéridie qui s'engendre indéfiniment; 2" Une substance toxique qui ne s'engendre plus. Ainsi donc, d'une part, un ferment constitué par les bactéridies, d'autre part, une substance analogue aux diastases, qui l'ésisterait à l'oxygène, à l'acool absolu, et ne se reproduirait pas. Enfin Pasteur, Roux, Chamberland démontrent l'atténuation des virus, préparent des virus charbonneux, très atténués, qui ne tuent pas les animaux, mais qui leur confèrent néanmoins une résistance abàolue à l'attaque d'un virus plus nocif. Ces animaux sont immunisés. On a ainsi les virus vaccins dont cette première découverte n'a été que le 3-20 FERMENTS — FERMENTATIONS. prélude, puis on a étudié les produits solubles, sécrétés par les microbes, les antito- xines que les organismes opposent à Tintoxication bactérienne, et la sérothérapie. PREMIÈRE PARTIE Les Ferments organisés. Constitution chimique des ferments organisés. — Les premières recherches ont été faites sur la levure de bière, où l'on a vite reconnu la présence de l'azote; on a com- paré par suite cette levure à du gluten. Payen, en 1839, donna pour composition immédiate de la levure : Matière azotée 62,13 Enveloppe de cellulose. . . 29,37 Substances grasses 2,10 Matières miaérales 5,80 ScHLOssBERGER, en 1843, reprit les recherches de Payen et montra que les enveloppes des levures traitées par la potasse donnent naissance à une matière albuminoïde et que le résidu traité par un acide donne naissance à un sucre fermentescible. Il compara, au point de vue de leur constitution élémentaire, les levures, dites /ta? Phosphate de 230tasse on de soude. 2 Peptone sèche 20 à 25 Le liquide est bouilli pendant une heure et filtré, puis neutralisé par un peu de bicarbonate de soude. On obtient aussi des bouillons de poumon, de rate, de foie, de pancréas, mais les liquides obtenus sont toujours troubles, et il faut, pour les clarifier, les coaguler par un peu de blanc d'œuf. Enfin V. Kedrovsky a proposé, pour cultiver le bacille de la lèpre, de l'extrait de pla- centa que l'on a haché et additionné de 2 volumes d'eau distillée. Le liquide obtenu est rouge'; on le filtre au filtre Chauberland, et le résidu rouge transparent est ajouté au bouillon de culture. On peut se dispenser de préparer du bouillon de bœuf et se servir d'une solution de peptone ou bouillon de peptone que l'on prépare en employant la formule suivante : grammes. Eau 1 OflO Peptone 20 Sel marin 3 Cendre de bois. . 0,10 Ce bouillon peut être] additionné d'une très faible quantité de gélatine, 2 p. 100 environ, ce qui facilite le développement de certains ferments. Ces divess bouillons peuvent être : Glucoses par addition de 1 à 2 p. 100 de glucose. Lactoses par addition de 2 p. 100 de lactose. Glycérines par addition de 1 à 10 p. 100 de glycérine. Phéaiqués (bacille d'EBERTu). Tournesolés, etc. On se servait, avant l'emploi de l'agar-agar, de gélatine nutritive; ce produit, fondant à 23° ou 25", s'obtient en dissolvant dans un bouillon de viande ordinaire ou peptonée une proportion de gélatine variable suivant le climat ou la saison, 10 p. 100 en hiver et dans les pays froids; lo p. 100 en été et dans les pays chauds. On filtre le produit chaud- Pour mieux le clarifier, on peut l'additionner d'albumine d'œuf, et faire bouillir; l'albu- mine en se coagulant précipite les impuretés, et l'on filtre de nouveau. Les milieux de culture naturels d'origine végétale sont formés de tranches de racines et de tubercules, de fruits, du jus de certains organismes végétaux : jus de fruits, sucs divers. Ils constituent des milieux liquides que l'on obtient en soumettant à la presse un certain nombre de fruits, et le liquide que l'on obtient est filtré pour l'obtention d'un produit limpide. Ou opère de même pour la préparation des sucs de plantes herbacées, Parmi les milieux solides le plus important est la pomme de terre cuite ou crue. Roox et NocARD ont indiqué son emploi. Les tranches de pommes de terre, longues, étroites, et assez épaisses, sont placées dans des tubes à essai présentant au niveau de leur quart inférieur un étranglement qui empêche la pomme de terre de tomber au fond du tube à essai. On ferme avec un tampon d'ouatç, et on stérilise à l'autoclave. En laissant les tubes quelques heures debout à l'étuve, les liquides s'écoulent dans la partie inférieure du tube, et la pomme de terre présente une surface parfaitement sèche. On emploie de même des tranches de carotte, de navet, de fruits. Les noix de coco sont un milieu favorable. (P. Portier, inéd.) Pawlovsky et Sander, Nocard traitent la pomme de terre par de l'eau glycérinée pour faciliter la culture de certains microbes, du bacille de Koch en particulier. Les milieux de culture naturels d'origine animale sont : l'urine (Bastian, Pasteur) que l'on peut obtenir parfaitement limpide : le lait, que l'on ne doit pas chaulfer à une température supérieure à 11(1°, carie sucre de lait se caraméliserait : le petit-lait, que l'on prépare facilement en coagulant à l'ébullition du lait de vache par l'acide tartrique ou FERMENTS — FERMENTATIONS. 3-29 l'acide citrique. Le liquide est (illré sur linge, clarifié par du blanc d'œuf à l'ébullition, filtré sur papier. Les liquides séreux de l'organisme peuvent servir de milieu de culture. Ainsi H. ViNCEXT a trouvé comme liquides de choix, pour ensemencer les bacilles du pus, tous les liquides organiques humains : liquide céphalo-rachidien additionné de sang, sérum, liquide de pleurésie séro-fibrineuse, etc. Le sérum est souvent employé'. Koch cultive ainsi le bacille tuberculeux sur le sérum de sang de bœuf ou de mouton transformé par la chaleur en un terraiu solide. Le sérum gélatinisé par la chaleur peut servir' de milieu de culture. A l'Institut Pasteur on le prépare, d'après Nocard et Roux, de la façon suivante : On opère généralement sur de grands animaux (cheval, bœuf, mouton) dont la jugu- laire est facilement rendue visible eu faisant l'hémostase à la base du cou. On coupe les poils au niveau du point ou l'on veut pratiquer la ponction, la veine se distinguant faci- lement sous la forme d'un gros cordon saillant. On brûle fortement la peau au moyen d'un thermocautère. On fait pénétrer alors dans le vaisseau un trocart préalablement tlambé; on retire le dard intérieur, et on le remplace par l'extrémité effilée d'un tube de verre recourbé se terminant dans des flacons dont le col est fermé par un tampon d'ouate; le tube de verre traverse donc ce tampon ; introduite dans la canule du trocard, son extrémité la ferme complètement; le tout a été préalablement stérilisé. Le sang s'écoule alors dans le récipient à l'abri absolu de toutes les impuretés. On plonge le vase, une fois rempli de sang, dans un courant d'eau fraîche, où on le laisse séjourner pendant 24 à 48 heures. Le caillot est notablement rétracté; le sérum qui s'en est écoulé est aspiré dans des ballons pipettes stérilisés. On le gélatinisé ensuite, soit dans des tubes à essai, soit dans des boîtes de Pietri en les plaçant dans une étuve à 66°-68°. . Le sérum du sang des petits animaux peut aussi être employé dans certaines condi- tions. MosNY a utilisé le sérum sanguin du lapin pour la culture du pneumocoque. Nocard additionne le sérum de 1 p. 100 de peptone, 0,25 p. 100 de chlorure de sodium et de 0, 2o p. 100 de sucre de canne (tuberculose de la poule). Nocard et Roux mêlent au sérum pur, avant de le gélatiniser, une proportion de glycérine stérilisée à H.o", repré- sentant 6 à 8 p. 100. Cette glycérine peut avoir dissous auparavant une certaine pro- portion de peptone (20 p. 100). Ce produit se solidifie à ^o*^ ou 78" environ. J. Bosc emploie comme milieu de culture, pour les parasites du cancer et de la clavelée, pour la vaccine, pour la coccidie oviforme, le sang rendu incoagulable au moyen d'un e.xtrait de têtes de sangsues, lequel extrait, stérilisé entre 100° et 105° pendant vingt minutes, est mélangé ensuite au sang m vitro ou in vivo. L'albumine d'œuf ou plus simplement des tranches d'œuf cuit peuvent servir aussi. Il en est de même du jus de viande, ou myo-sérum, gélatinisé par la chaleur. Variations de forme des ferments organisés. — Selon le milieu dans lequel se trouve un microl>e, l'être croît et se développe en prenant des formes différentes. Le fait a été étudié sur un grand nombre d'organismes. Un des meilleurs types de variation dans la forme des microbes est celui que nous fournissent le Bacillus coli communis et le bacille d'EcERTH. Le Bacillus coli communiai est un bâtonnet court et] mince qu'EscHERicH avait nommé, lorsqu'il le découvrit, Bacterium selon qu'on le cultive dans de la gélatine à une température favorable, ou Bacillus dans un bon bouillon nutritif à 42". Les deux cultures sont alors tout à fait différentes. Dans la première, on obtient des bâtonnets courts et réguliers, analogues à ceux qui vivent naturellement dans l'intestin. Dans la seconde, on rencontre quelques bâtonnets' analogues aux premiers, puis, en plus grand nombre, des bâtonnets très allongés, quelquefois filamenteux. Ces derniers, au lieu de con- tenir un protopiasma homogène, laissent voir dans leur intérieur des détails de struc- ture assez compliquée; on y trouve des spores aux dilTérentes phases de leur développe- ment; des grains réfringents alternant avec des espaces clairs. Si l'on cultive le Bacillus coli sur de la pomme de terre, on peut obtenir une nouvelle forme du microbe; ce sont des bâtonnets réguliers, plus longs que les bâtonnets nor- maux, plus épais et moins mobiles; leur structure, assez complexe, se distingue bien en espaces clairs et grains réfringents. 330 FERMENTS — FERMENTATIONS. Le bacille (I'Eberth peut présenter les mêmes modifications de forme que le Bacillus coll. Dans la rate d'un malade atteint de fièvre typhoïde, ce sont des bâtonnets courts et réguliers. Dans un bouillon nutritif, à température favorable, les bâtonnets sont plus allongés et irréguliers. Si l'on élève la température à 41-43°, ils s'allongent encore et forment des filaments. Sur la pomme de terre, les modifications sont tout à fait analogues à celles du [Bacillus coli communis. Le Bacillus coli et le bacille d'EBERTH peuvent aussi présenter des modifications pro- fondes et durables. G. Roux et Rodet ont observé que le Bacillus coli, ayant vécu quelque temps dans les milieux artificiels, sous des influences plus ou moins altérantes, ne peut, quoi qu'on fasse, reprendre sa forme primitive de bâtonnets réguliers, et se présente en éléments très divers. Certains sont filamenteux, se colorent mal et sont très mobiles, tandis que d'autres sont courts et épais,". prennent bien la couleur et ne se meuvent que peu. On peut même aller plus loin, et douter de la séparation absolue entre le B. coli et le B. d'EBERTH. HuGouxExcQ et DoYON ont en etfet montré, qu'au point de vue chimique le B. coli et le bacille d'EBERTH possédaient des propriétés dénitrifiantes de même degré et de même natui-e. Ils dégagent tous deux l'azote des nitrates; dans des conditions identiques, le volume gazeux dégagé est le même. D'après G. Roux et Rodet, le bacille d'EBERTH ne serait qu'une modification naturelle du Bacillus coli; en effet, il est quel- quefois très difficile, même pour un œil exercé, de distinguer entre elles deux cultures de ces deux bacilles. La seule différence que l'on reconnaisse maintenant entre eux est leînonibre des cils vibratils, qui serait plus considérable dans le bacille d'EBERTH ; mais, ce nombre n'étant pas constant, peut-être cette différence disparaît-elle même dans cer- taines conditions. Nous retrouvons des variations analogues dans le Bacillus septicus gangrenas et le Bacillus anthracis. Dans le tissu cellulaire sous-cutané ou dans les muscles eux-mêmes, on peut observer le Bacillus septicus gangrense sous forme de bâtonnets courts et gros, tandis que dans le sang et dans les membranes séreuses il a la forme de filaments courbés de diverses manières. Il aflectera encore la première forme dans les bouillons de culture ordinaire, tandis que, dans des milieux spécialement préparés pour la fer- mentation butyrique, il se présentera sous forme de filaments. Le Bacillus anthracis, selon qu'il est cultivé dans un organisme animal ou dans un milieu inanimé, affecte des formes très différentes. Un animal atteint du charbon pré- sente dans son sang des bâtonnets réguliers égaux, dépourvus de spores, se multipliant par scissiparité. C'est le B. anthracis d'un milieu organisé. Si l'on cultive ce bacille dans un bouillon inerte, il prend la forme de filaments très longs, enchevêtrés, à l'intérieur desquels on peut souvent trouver des spores. Celles-ci sont d'autant plus nombreuses que le milieu est moins favorable au développement du bacille. Christmas a montré que, dans un bouillon contenant du jaune d'œuf et de l'albumine d'œuf, le bacille offre peu ou pas de spores; E. Roux a établi le même fait pour un bouillon additionné de per- manganate de potasse ou de phénol. Dans un milieu pauvre ou délétère le microbe affecte des formes différentes selon la température. Mais ces transformations ne sont pour ainsi dire que superficielles; car elles proviennent exclusivement des conditions extérieures dans lesquelles est placée la cellule. On remarque parfois de semblables changements de forme, lors même que les causes de diversités morphologiques ont complètement disparu. Si l'on a soumis le Bacillus anthracis à des conditions dysgénésiques pendant quelque temps et qu'on la replacé ensuite dans un milieu favorable, le bacille n'en continue pas moins à présenter des anomalies morphologiques de plus en plus profondes. De bâton- net qu'il était primitivement, il devient filament, long et mince, s'enchevêtrant, se pelotonnant de toutes manières; puis il présente des renflements étranglés de part en part; le filament s'incurve, s'épaissit sur certaines de ses parties : son contenu cesse d'être homogène et d'une couleur régulière, car la chromatine y est irrégulièrement distribuée; on trouve aussi, à l'intérieur des filaments, un grand nombre de petits grains très réfringents, qui sont des spores en voie de développement. En général, il y en a relativement peu qui arrivent à une maturité complète. Ces profondes modifications sont très visibles, particulièrement lorsqu'on a cultivé FERMENTS — FERMENTATIONS. 331 le bacille du charbon dans une atmosphère d'air^comprinié, vers 40-43«, et qu'on l'a remis ensuite dans des conditions normales de développement. De même, lorsque le bacille a vieilli dans un bouillon très riche, il présente des altérations encore plus profondes dans sa forme. Il peut de cette manière constituer des articles courts et gros, presque des grains arrondis. Ceux-ci sont entremêlés à des articles modifiés de telle sorte que le bacille est méconnaissable. Wasserzug assure que le bacille du charbon, s'il a traversé ■ plusieurs lois des liquides acides, perd la faculté d'allongement et ne se présente plus qu'en formes arrondies et courtes. On peut encore, en le soumettant à une température de 43" environ, supprimer com- plètement chez lui la sporulation. Phisalix obtient ce résultat en cultivant successive- ment le microbe dans des cultures de 43 à 43° et en le mettant en présence d'oxygène comprimé. Le bacille pullule alors en une série de générations asporogènes qui se repro- duisent par simple scission. Au contraire (Rodet et Paris), dans un bouillon très pauvre, la fonction sporogène du Bacillus anthracis est éminemment développée. Les changements de miheu, les influences extérieures les plus diverses, créent donc, sinon des espèces, du moins des races nouvelles, et tous les ferments organisés sont sou- mis à cette variabilité, à cette inconstance de la forme. WixoGRADSRY est parvenu à cultiver le ferment nitreux sous la double forme de monade et de zooglée; dans cette seconde race, le pouvoir ferment est très inférieur au premier. GuiGXARD etCHARRiN out réussi à cultiver le microbe du pus bleu sous un grand nombre de formes. Tout d'abord, dans un bouillon ordinaire, plutôt favorable, c'est un bâtonnet court et gros. Mais, si l'on ajoute au liquide un antiseptique tel que du thymol ou de l'acide borique, le bâtonnet s'allonge, et devient un filament flexueux et spirale, ou bien il exagère sa forme primitive, et devient un bâtonnet très court, presque une boule. Au point de vue de la fonction chromogène le nombre de races que l'on a pu obtenir de ce microbe a été constamment en croissant. Gessard a obtenu les races suivantes de bacilles pyocyaniques : 1" Une i-ace donnant naissance à de la pyocyanine avec fluorescence; 2° Une race donnant de la pyocyanine, sans fluorescence, mais accompagnée d'un pigment verdâtre; 3° Une race donnant la fluorescence seule ; 4° Enfin, une race ne produisant ni pyocyanine ni fluorescence, mais donnant naissance au pigment verdâtre. La première correspond à une culture sur bouillon ; la deuxième à un milieu de culture formé de gélatine et de peptone; la troisième à une culture sur albumine d'œuf. la quatrième, enfin, correspond à un milieu de culture quelconque additionné de glucose. En modifiant encore les conditions de la culture, le même auteur a pu obtenir : 1° Une race type à fluorescence et pyocyanine provenant d'un pansement et dont dérivent toutes les autres ; 2° Une race fluorescigène obtenue par action de la chaleur sur la race type ; 3° Une race fluorescigène obtenue par passage de la même dans le lapin; 4" Une race pyocyanogène obtenue par culture de la race type sur albumine; 5" Une race sans pigment obtenue par dégradation spontanée delà précédente; 6° Une race sans pigment obtenue par action de la chaleur sur la même ; 7" Une race sans pigment obtenue par son passage dans le lapin; 8° Une race sans pigment obtenue par action de la chaleur sur la race fluorescigène. Dans les autres classes de ferments on a observé les mêmes variations de forme, et les mêmes modifications, sous l'influence d'un développement progressif ou de conditions de milieu différentes, .F. Rav a isolé sur de la colle d'amidon un mucor formant un duvet blanc, soyeux, de 1 centimètre de haut, moucheté de gris brun par des têtes de spores. Cultivé sur gélatine, ce Mucor cnistaceu^i présente un thalle formant des filaments fins régulière- ment ramifiés en pennes dessinant des arborescences sur la gelée ti^ansparente. Sur ce thalle se dressent les tiges sporangifères à ramifications, en grappes ou en cimes; les sporanges d'un diamètre de 12 à 40 a ont une membrane transparente, au travers de laquelle on distingue les spores elliptiques de 6 à 8 ;ji. de long. Ces spores sont soute- 332 FERMENTS — FERMENTATIONS. nues par une columelle ovoïde, montant à mi-hauteur du sporange. Lorsque le sporange est mûr, la membrane externe se déchire suivant une ligne inclinée à 45" environ sur )e pied. Cette plante présente des incrustations de cristaux d'oxalate de chaux, en extrême abondance, sur la membrane du sporange. Le mucor de Ray peut aussi se repro- duire par spores, et les filaments du thalle et les filaments sporangifères présentent des chlamydospores : ce mode de reproduction est de beaucoup celui qui domine quand le champignon se développe en présence de glucose ou de lévulose. Le mucor, enfin, peut présenter, à l'abri de l'air, une segmentation presque totale de la plante en articles arrondis, destinés à se séparer les uns des autres. Ray Lankaster a observé 'chez les Clathrocystis roseo-persicina des variations de forme, au nombre de quatre, dans les différents stades de son développement. Non seulement on reconnaît que certains microbes voisins ne sont que des variétés d'une même origine, mais on fait des rapprochements entre des espèces de noms dis- tincts; par exemple, le Streptococcus erysipelatis, le Streptococciis 2Jyogenes, et le Strep- tococcus septicus puerperalis ne forment plus, pour la plupart des bactériologistes, qu'une seule espèce. On a rapproché de même les bacilles de la tuberculose humaine et de la tuberculose aviaire. J. NtcoLAS a réussi à transformer des bacilles de tuberculose humaine en bacilles de la forme aviaire. D'ailleurs nous ne pouvons insister davantage sur ces faits, qui sont du ressort de la bactériologie plutôt que de la physiologie générale. Il nous suffit d'avoir établi que les conditions extérieures (température, oxygène, alimentation), peuvent déterminer des transformations durables dans les organismes inférieurs et par conséquent dans les fermentations qu'ils provoquent. Produits sécrétés par les ferments organisés. — La composition d'un milieu dans lequel se développe un être organisé est, par le fait même du développement de cet être-ferment, profondément modifiée. Un certain nombre de substances sont produites, provenant de la décomposition ou de la transformation des aliments renfermés dans le milieu de culture. Les ferments organisés sécrètent tout d'abord des diastases pouvant agir sur les substances en présence desquelles ils se trouvent. Ces ferments sont le plus souvent des ferments hydratants, produisant des dédoublements de molécules complexes. Il en est un, peut-être, qui produit même de la lumière {luciférase de R. Dubois). Il se dégage des gaz, de l'acide carbonique, de l'hydrogène, quelquefois de l'hydro- gène sulfuré, de l'azote, etc. Les produits de dédoublement les plus importants sont surtout les acides et les alcools. Les acides gras, que l'on trouve surtout dans les milieux qui renferment des hydrates de carbone, sont l'acide acétique, l'acide lactique, l'acide butyrique, etc. Les ferments organisés produisent aussi, en dédoublant les sucres, des alcools très variés, dont le plus important est l'alcool éthylique ordinaire. Mais il y a aussi formation dans un grand nombre de cultures de petites quantités de phénol, de scatol, d'indol, etc. D'autres produits de sécrétion importants sont les toxines et les ptomaïnes, que l'on rencontre dans presque tous les milieux de fermentation. Les phénomènes toxiques observés dans les fièvres putrides, la septicémie, le typhus, avaient été attribués autrefois à la production du sulfhydrate d'ammoniaque au niveau des plaies (Bonnet), à des cyanures (Dumas), à des ferments (D'Arget), à des alcaloïdes. Panum, en 18oo, montra que les produits toxiques de la septicémie sont solubles dans l'eau et dans l'alcool, qu'ils ne sont pas détruits par la chaleur, qu'ils ne sont pas volatils. Ils sont donc des substances chimiques : ce ne sont pas des virus. Bkrgmann et Sghmiedeberg retirent de la levure putréfiée une substance soluble, cristallisée, azotée, toxique, la sepsine. D'autres auteurs 'confirment l'existence dans la septicémie d'un poison putride de nature chimique. Zuelzer extrait un principe azoté vénéneux de la chair en putréfaction. Selmi annonça qu'il se produit durant la putréfaction de véritables alcaloïdes organiques toxiques, analogues aux alcaloïdes végétaux. A. Gautier prouva que la fibrine ou l'albu- mine d'œuf donnent en se putréfiant des alcaloïdes fixes et volatils à sels cristallisables. A. Gautier et Étard isolèrent et classèrent un certain nombre de ces produits, que l'on FERMENTS »- FERMENTATIONS, 3r{3 désigne sous le nom général de ptomaïnes. Brieger surtout a poursuivi l'étude de ces corps. Les ptomaïnes sont donc des alcaloïdes qui se produisent en dehors de l'organisme, ^râce au dédoublement des matières albuminoïdes, animales ou végétales, sous l'action de ferments bactériens. Elles résultent' presque toujours d'une fermentation anaérobie (Voir Ptomaïnes). A côté de ces ptomaïnes variées viennent se placer un certain nombre de bases que l'on a pu isoler dans les urines de certains malades. L'eczémine de l'eczéma (Griffiths), la rubéoline de la rougeole (Griffiths), des ptomaïnes extraites par le même auteur des urines de malades atteints de la scarlatine, la grippe, la pneumonie, la coqueluche, etc., la typhotoxine extraite par Brieger des urines des typhiques. Enfin, les microbes sécrètent un certain nombre de produits qui exercent sur l'économie des désordres plus ou moins graves. Toussaint, en 1878, et GHAUVEAu,en 1879, avaient nette- ment indiqué l'action nuisible des produits bactériens. Mais l'expérience vraiment démonstrative est due à Pasteur, qui, en 1880, provoqua des symptômes morbides par l'injection d'un extrait de culture du choléra des poules, dépourvue des germes vivants ou morts, et ne contenant que les produits solubles de sécrétion. Charrin montra plus tard (1887) que l'injection à un lapin de cultures stérilisées du bacille pyocyanique détermine l'apparition de tous les troubles que produit ce virus vivant. Ghantemesse et WiDAL démontrèrent le même fait pour le bacille typhique; et Boux et Yersin pour le bacille diphtérique. La nature de ses produits est probablement très complexe et variable. Hankin a isolé une albumose toxique dans les cultures charbonneuses. Brieger et Fraenkel, Syd.xey Martin considèrent que ces substances toxiques sont des albuminoïdes plutôt que des ptomaïnes. Dzierzgowsky, de Rekowsky admettent leur nature] alcaloïdique; Roux et Yersin voient des diastases dans les toxines de la diphtérie; Sydney Martin a trouvé dans les toxines de la diphtérie une diastase digérant les protéides, en faisant de l'albumine. Wesbrook, en cultivant le vibrion du choléra dans des milieux complètement privés d'albumine, a montré que les toxines de ce microbe ne donnaient aucune des réactions qui permettraient de les classer parmi les albumoses, les peptones, les globulines ou les alcaloïdes. A. Gautier rapproche la tuberculine de Koch des nucléines, des diastases pancréa- tiques et salivaires, du venin des serpents, et il admet que certaines toxines sont de nature albuminoïde ou nucléo-albuminoïde, que d'autres, tout en étant des corps protéiques, se rapprochent des alcaloïdes (toxine du tétanos de Sydney Martin); d'autres enfin sont des corps que l'on doit classer à côté des produits de l'hydrolyse des matières albuminoïdes (toxine du gonocoque). La virulence d'un Ijacille pathogène peut varier avec la nature du bouillon sur lequel on le cultive. La toxicité des produits sécrétés par lui diminuerait avec la complexité des matières albuminoïdes qui lui serviraient d'aliment. Elle disparaîtrait en présence d'une alimentation hydrocarbonée exclusive (?). Charrin et Dissart ont ainsi déterminé la toxicité comparée des difîérents bouillons de culture du bacille pyocyanogène. Pour tuer 1 kilo de lapin il faut : c. c. Culture avec peptoae 43 ' ' — — asparaginc 60 — — glucose 100 Les conditions de milieu influencent donc beaucoup la production des toxines par les microbes pathogènes. G. Roux et Yersin, en variant l'atmosphère gazeuse autour du bacille diphtérique, ont pu régler la fabrication du poison. Guinochet arrive au même résultat en variant la composition chimique du milieu. Vaillard et Vincent ont observé que le bacille téta- nique est moins toxique quand on le cultive sur du maltose ou du glucose. Roux et Yersin, qui ont spécialement étudié le bacille diphtérique, ont remarqué que sa virulence, qui provient exclusivement de sa fonction toxinogène, diminue considé- rablement si on le laisse vieillir, ou bien si on le soumet à une température de 39". Mais 334 FERMENTS — F ERIVPENT ATIONS. cette modification de la fonction n"est pas héréditaire, car des individus venant de ceux que l'on a expérimentés et cultivés sur un bon bouillon nutritif ne tardent pas à reprendre entièrement leur fonction toxinogène. Cependant Roux et Yersin ont pu rendre héréditaire l'afTaiblissement de la fonction en soumettant le microbe à la dessiccation ou bien à l'action combinée de la clialeur et de l'air en abondance. Même, dans la bouche et le pharynx de malades diphtériques, le bacille possède des pouvoirs toxiques différents, c'est-à-dire que la fonction toxinogène est à tous les degrés, jusqu'à celui de la privation complète de cette fonction. Lœffler a décrit un bacille, qui se trouve dans la bouche de personnes saines, et qu'il nomme bacille pseudo-diphtérique, tout à fait analogue au précédent, sauf qu'il est dépourvu de toxicité; et l'idée est venue tout naturellement à Roux et Yersin de sup- poser que ce ne serait peut-être qu'une simple variation du bacille diphtérique propre- ment dit. Malheureusement ils n'ont pas encore réussi à faire acquérir au bacille inoffensif une fonction toxinogène. Selander a étudié le microbe du hog-choléra ou peste porcine. Ce bacille, lorsqu'il vient d'un organisme animal, présente une virulence maximum, qui décroit progres- sivement dans les cultures faites in vitro. Lorsqu'on l'a cultivé longtemps ainsi, la toxi- cité est presque nulle. Les toxines présentent deux propriétés communes, au moins quant aux produits sécrétés par les microbes pathogènes : 1" La propriété pyogène, c'est-à-dire la destruction des globules blancs; 2° La propriété pyrétogène, c'est-à-dire la production de fièvre. BucHNER a montré la sécrétion de substances pyogènes pour le bacille d'EsERTH, le ferment lactique, le Bacillus subtilù, le Staphylococcus pyogènes aureus, le bacille rouge de la pomme de terre, le Bacillus pyocyaneus, etc. Les substances pyrétogènes furent trouvées ou indiquées par Panum, Chaoveau, Brieger, Charrix, Rcffer, Rol'ssv. D'après Roger, le seul effet qui semblerait appartenir à tous ces produits microbiens serait le ralentissement des battements cardiaques. D'ailleurs chaque microbe produit des substances ayant des effets différents. Les produits sécrétés par le Bacillus coli communia sont des toxines (Roger) déter- minant un empoisounemen dans lequel on peut distinguer trois périodes : 1° Une période de parésie initiale (immobilité), à durée variable suivant la dose; 2" Une période d'hyperetcitabilité médullaire n'apparaissant pas, ou apparaissant à uu moment plus ou moins tardif suivant l'intensité de l'injection : secousses convulsives inégales, irréguliéres, continuelles (7 à 12 par minute); 3° Une période de paralysie terminale suivie de mort survenant si la dose injectée est suffisante. Le poison sécrété par le bacille du côlon agit sur la moelle, et accessoirement sur les muscles striés et le cœur (Roger). Parmi les substances toxiques contenues dans les milieux de culture du Bacillus sep- ticiis putridus de Roger, un certain nombre sont précipitées par l'alcool. Redissoutes dans l'eau, et injectées alors à une grenouille, elles déterminent des accidents cardiaques remar- quables. Elles produisent un ralentissement notable des battements du cœur avec aug- mentation de la durée des systoles. Les battements deviennent de ]j1us en plus espacés, séparés parfois par des diastoles d'une demi à une minute; les systoles sont très énergiques : le cœur s'arrête. Pendant toute la durée de l'empoisonnement le cœur est insensible aux excitations qui lui viennent du pneumogastrique, aussi bien qu'aux courants faradiques agissant directement sur la fibre cardiaque. On connaît les toxines du charbon (Hankin), la tuberculine de Koch, les toxines de la diphtérie 'Roux et Yersix», les toxines du tétanos de Brieger : télanine, tétanotoxine, spermotoxine et toxalbumine, la malléine de la morve de Nocard, les toxines du bacille d'ERERTH, les toxines du choléra, du bacille pyocyanique, du streptocoque, de la septicémie, du pneumobacille, etc. (Voir Toxines). Chacune d'elles exerce sur l'organisme une réaction différente. On a cherché à dédoubler les différents produits sécrétés et à attribuer à chacune d'elles l'action spéciale qui lui revient. C'est ainsi que le staphylocoque pyogène fabrique dans ses cultures des substances toxiques multiples amenant rapidement la mort. Précipités par f alcool, les bouillons donnent deux sortes de produits : un précipité soluble dans l'eau et une disso- FERMENTS — FERMENTATIONS. 335 lution. Leurs effets sont antagonistes surtout dans lenr action sur le système nerveux. Le produit injecté en totalité, ou le précipité alcoolique, redissous dans l'eau, détermine chez les animaux une véritable néphrite parenchymateuse, néphrite toxique (Rodet et Courmont). A côté des toxines enfin, nous devons placer les vaccins, les antitoxines, les immuni- sines ; quelques-unes de ces sublances existant dans les produits de sécrétion des microbes. (Voir Immunité, Phagocytose, Sérothérapie, Vaccin). Production de pigments. — Un grand nombre de microrganismes sécrètent des matières colorantes, et apparaissent nuancés de couleurs très variées, soit en totalité, soit seulement dans leurs spores. Il peut même y avoir plusieurs pigments sécrétés (Gessard). On connaît ainsi le bacille du pus bleu avec une matière colorante bleue et une matière fluorescente, le bacille du lait bleu, le Bacillus chlororaphis vert, d'autres bacilles de l'eau, verts, et dont la coloration est probablement due à la présence de chlorophylle (Van Tieghem); le Micrococcus prodigiosus est rouge et sécrète un pigment rouge; il en est de même d'un grand nombre de bactéries, des Beggiotoa par exemple. Flugge a indiqué l'existence d'un Micrococcus roseus. On connaît des bacilles violets, etc. D'autres sont simplement colorés dans leurs spores, lels sont VAsperglUua niger dont les spores sont noires, YAspergillus fumigatus, etc. La nature de ces pigments est en général peu connue. Deux cependant ont été obtenus bien cristallisés ; la pyocyanine et le pigment vert sécrété par le Bacillus chlororaphia. La pyocyanine a été découverte en 1859 par Fordos dans le pus bleu. Elle est soluble dans le chloroforme; et s'y dissout lorsqu'on agite une culture ou un peu de pus bleu avec ce dissolvant et un peu d'eau ammoniacale, pour obtenir un liquide qui laisse dépo- ser par évaporation des cristaux prismatiques bleus. La pyocyanine aurait pour formule C'^H''^\zO^, ce qui semblerait en faire un dérivé de l'aiithracène. C'est une base faible donnant avec l'acide chlorhydrique un chlorhy- drate rouge cristallisé, insoluble dans le chloroforme. Son chloroplatinate forme des aiguilles jaune d'or. A côté de la pyocyanine on trouve dans les mêmes cultures un pigment jaune, la pyoxanthine, que l'on obtient en traitant le pus bleu par l'eau acidulée et le chloroforme, ("e pigment encore bien cristallisé a été beaucoup moins étudié; il semble se rapprocher des bases alcaloidiques toxiques sécrétées par les microbes. Le Bacillus chlororaphis de Guignard et Sauvageau produit une substance d'un beau vert émeraude, cristallisant dans les cultures en fines aiguilles le plus souvent groupées. Elles sont insolubles dans l'eau bouillante, dans les dissolvants neutres, solubles dans l'alcool absolu bouillant. La sécrétion de matières colorantes dépend beaucoup du milieu dans lequel se trouve le ferment. Le Bel, en faisant pousser le Pénicillium" glaucum sur le méthylpropylcar- binol de synthèse, dans le but de le dédoubler en ses isomères actifs, a obtenu une modification rose de ce ferment. Galippe a étudié un microrganisme rencontré dans certains végétaux, et pouvant déve- lopper, suivant les milieux de culture où il se trouve, des colorations roses, dichroïques ou opalescentes. Sur bouillon gélatinisé et neutre, il donne une coloration rose pâle et fugace; mais la culture change bientôt en devenant blanche opaline. Sur bouillon gélati- nisé et neutralisé, il devient dichroïque jaune et vert; sur bouillon de touraillons, il devient et reste rose. Les spores de V Aspergillus fwnigatus ont une couleur variable suivant les milieux de culture employés (Grawitz, Koch, Lichtheim, Rénon). Verdàtres sur milieux acides (pommes de terre, moût de bière, pain humide, maltose de Sabouraud, jus de groseilles, moût de raisin blanc, urine stérilisée acide) en milieux alcalins ou neutres les spores sont noi- râtres ou noir de fumée, d'où vient leur nom (bouillon, gélose ordinaire, urine alcaline, gélose neutre peptonisée à 5 p^ 100, milieu très favorable). Le Bacillus pyocyaneus peut dans certaines conditions donner des cultures incolores. Charrin et Roger ont obtenu celte variété en cultivant le microbe dans de l'air raréfié ou dans de l'oxygène pur. Wasserzdg, pour arriver au même résultat, ajoute au bouillon un acide ou un antiseptique. Un grand Inombre de substances minérales et organiques empêchent ainsi la production de la pyocyanine : tels sont les sels de zinc, les laclate, 336 FERMENTS — FERMENTATIONS. tarlrate, phosphate, azotate et chlorate de potasse, le lactate de chaux, le sel marhi, l'alcool, la glycérine, les sucres, comme glucose, saccharose, lactose. Le tableau suivant résume l'action de quelques-unes de ces substances sur le bacille : DOSES P. 100 DOSES P. 100 empêchant empêchant la formation le développement de la pyocyaniue. du bacille pyocyanogène. Chlorate de potasse. . . 8 à 5 Azotate de potasse. . . .j à li,^ C à 6,;i Chlorure de sodium. . . 5 C,-J à 7 Alcool 3,3 Sucre interverti. .... 1,5 12 Borax 0,320 ïartrate d'auinioniaque. 0,30 10 à H Acide borique, 0,13 7 Phénol 0,09 1,4 Thymol 0,03 Sublimé 0,0083 0,11 Le même auteur prétend d'ailleurs qu'il suffit de faire vieillir une culture de BacUius pyocyaneus pour voir la propriété chromogène s'affaiblir graduellement, et même s'éteindre. Cette faculté manque pendant quelques générations seulement, puis elle reprend. Gessard a découvert que ce bacille est susceptible de produire deux matières colo- rantes : l'une bleue, l'autre jjverte. Une simple différence d'alimentation peut faire varier la [coloration de la culture. Lorsque le bouillon contient de l'albumine comme matière azotée, on obtient une coloration verte; si l'albumine est remplacée par de la peptone, la coloration est bleue; enfin, on obtient une teinte intermédiaire avec le bouil- lon de viande ordinaire. Gessard a pu obtenir des races produisant uniquement du pigment bleu; d'autres uniquement du pigment vert; d'autres, enfin, qui restaient incolores en toutes conditions. D'ailleurs, Phisalix et Charrin obtiennent une suppression durable de la fonction chromogène du microbe, en le soumettant pendant un certain temps à une température dysgénésique. L'abolition de la fonction chromogène a encore été obtenue par Schottelius sur le DacUUis prodiqiosus, par Rodet et Coursio.\t sur le Staphylococcus aureus. La fonction chromogénedu BaciUua prodigiosus est très variable. Wasserzug l'a cultivé quelque temps sur milieu solide et a pu séparer diverses variétés, inégalement colorées, et possédant chacune un pouvoir chromogène fort différent. Chaque variété donne des cultures dissemblables par l'intensité de leur coloration. De même, le bacille du lait bleu peut avec le temps perdre sa coloration. Certaines races peuvent, d'après Gessard, ne perdre leur faculté de production de couleur que pour un de leurs pigments, vert ou bleu, tandis que d'autres races sont absolument incoloi-es. Dans les liquides albumineux, la culture devient verte ; avec des acides, bleue; elle est d'une teinte intermédiaire dans le bouillon, et grise avec le lait neutre. Behr a observé une espèce de bacille du lait bleu devenu incolore dans des cultures sur gélatine et gélose, et qui était incapable de reprendre sa fonction chromogène même par culture sur du lait après passages sur d'autres milieux (pomme de terre). Heim a décrit aussi une race de bacille du lait bleu ne donnant plus de matière colorante. Le Sta- phylococcus pyogenes aureus donne, à l'état ordinaire, des cultures d'une teinte orangée bien déterminée. Lorsqu'on le laisse vieillir, ou qu'on le prive d'un milieu animal, peu à peu sa fonction chromogène s'atl'aiblit, et peut même disparaître. Gaillard a cultivé le Staphylococcus auveas dans l'obscurité; la culture était incolore. Rodet et Courmont sou- tiennent qu'il n'est qu'une variation du Staphylococcus albus, qui n'en diffère que par l'absence durable de pigment. Ils se fondent sur l'examen de pus contenant des Staphy- lococcus aureus mêlés à des Staphylococcus albus, et même à des êtres intermédiaires comme forme et comme pouvoir chromogène. Fr-enrel a produit des cultures incolores de DacUlus iadicm, en présence d'acide carbonique. La sécrétion d'une substance fluorescente est peut-être un peu différente de la FERMENTS — FERMENTATIONS. 337 fonction chromogène. La fonction iluorescigène, qui avait été signalée par Flugge pour deux espèces; le Bacillm flnoresccm Uquefaciens et le Bacillus fluorescens putridus, a été retrouvé depuis dans un grand nombre de microrganismes. Gessard l'a particulièreraeni étudiée dans le Bacillus pyocyaneus, et en a montré toutes les variations. D'après Lepierre, la fonction fluorescigène ne se manifeste que si les conditions générales du milieu nourricier (aliment hydro-carboné ou azoté, température, etc.) sont favorables, et il n'a pu retrouver sur un microbe fluorescent, d'origine toxique, l'influence des phosphates que Gessard avait étudiée sur le bacille du pus bleu. Action de l'air et de l'oxygène. — Le rôle exercé par l'air et l'oxygène est consi- dérable. Il varie suivant chaque espèce microbienne considérée : suivant les cas, il y a vie aérobie ou vie anaérohie. L'oxygène peut donc agir comme un toxique. En outre, l'air agit non seulement sur les microbes, mais aussi sur leurs germes. Le microbe du choléra des poules, exposé à l'air, perd sa virulence et sa vitalité. Il les garde à l'abri de l'oxj'gène (Pasteur). Le bacille du charbon à 42''-43°, au contact de l'air, a une virulence considerableme.it atténuée (Pasteur, Chamberland et Roux). Chauffé à 70" dans les mêmes conditions, il meurt rapidement. L'influence de l'air peut modifier profondément les propriétés d'un microbe; c'est ainsi que l'oxygène empêche le bacille pyocyanique de sécréter sa matière colorante (Wasserzug). Quand l'action de l'air est compliquée d'une certaine pression, les phénomènes sont beaucoup plus accentués. L'air comprimé ralentit, arrête ou supprime définitivement les phénomènes de putréfaction et d'oxydation consécutive, suivant la pression à laquelle on l'emploie (P. Bert). A la pression de 23 atmosphères d'air, il y a encore absorption d'une faible quantité d'oxygène. A 44 atmosphères, la viande, au bout d'un mois, a con- servé ses propriétés et n'a absorbé aucune trace d'oxygène; elle est simplement devenue légèrement acide. A cette pression même, si l'on a eu soin de mouiller la cloche, et si on laisse se dégager l'oxygène en excès en évitant toute rentrée d'air, les phénomènes de putréfaction n'apparaissent pas; les vibrions seraient donc tués. Les œufs, l'urine, le vin, ont donné à P. Bert les mêmes résultats. L'action de l'air comprimé n'est d'ailleurs pas immédiate : ce n'est qu'au bout de quel- ques heures que l'oxygène à haute pression exerce son action toxique sur les moisissures. Certes, en 1884, avait trouvé que la pression exerce une action retardatrice sur la putréfaction, et Regxard, en 1889, a pu conserver indéfiniment de l'urine, de l'albumine d'œuf, de la viande, sous des pressions de 600 atmosphères. L'oxygène comprimé arrête aussi la fermentation acétique ; le mycoderme du vinaigre est même tué dans ces conditions (P. Bert). Certains corpuscules reproducteurs, ceux du bacille du charbon, par exemple, résistent plus longtemps h l'action de l'oxygène comprimé que les autres. Mais, au bout de neuf mois de séjour dans de l'oxygène comprimé à 15 atmosphères, ils perdent complètement leurs propriétés virulentes (P. Bert). Chudiakow a recherché l'action de l'oxygène sur un certain nombre de bactéries aérobies à des pressions variées, et il a observé ainsi qu'il existe toujours une certaine pression barométrique, qu'on ne peut dépasser sans nuire au développement des ferments. Cette pression est : Bacillus subtills 3 à 4 atmosphères d'air. Aspergillus nif/er 2,o à 3 — Clostridium viseosuin .... 1 à 2 — Saccharomyces cerevisix ... 3 — Le Clostridium viscosum est tué après quatorze jours de contact avec de l'air sous la pression de 4 atmosphères. L'étude des variations de pression de l'oxygène montre donc qu'une certaine propor- tion de ce gaz est nécessaire, ou tout au moins favorable au développement des microrganismes. Au-dessous de cette quantité, il y a arrêt de développement, ou simple- ment développement moindre ; lorsque cette proportion est dépassée, la culture devient plus difficile : elle peut être arrêtée. niCT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 22 338 FERMENTS — FERMENTATIONS. Aérobies et Anaérobies. — Au poini de vue de l'action de l'oxygène et de l'air sur les ferments organisés, nous pouvons séparer nettement les microrganismes en deux groupes : les uns se développent au contact de l'oxygène, absorbent cet oxygène et s'en servent pour brûler les différents aliments et déterminer l'accroissement de leur protoplasme : ce sont les aérobies; les autres, au contraire, se développent en l'absence complète ou presque complète d'oxygène, décomposent purement et simplement les matériaux en présence desquels ils se trouvent, et cette décomposition atteint une quan- tité énorme de produits, tandis que le développement du ferment est très faible : ce sont les anaérobies. Pasteur, en 1861, montre, le premier, qu'il existe des êtres qui vivent en l'absence absolue d'oxygène libre. Il constate que le vibrion butyrique jouit de la propriété de se développer sans air et de posséder le pouvoir ferment. Expérimentant ensuite sur la levure de bière, il constate que celle-ci a deux manières de vivre essentiellement dis- tinctes. La levure de bière, en absorbant du gaz oxygène, se développe avec une remar- quable activité. La vie est singulièrement exaltée; mais le caractère ferment a disparu. C'est un organisme inférieur jouissant de toutes les propriétés des organismes vivants. Dans de l'eau sucrée, a l'abri de l'air, la levure de bière, au contraire, provoque une active fermentation. Son développement est alors très lent. De plus, la première manière d'être est celle qui met la levure dans les meilleures conditions pour pouvoir ensuite, en l'absence d'oxygène, développer une fermentation. La levure venant de se développer au contact de l'air jouit, en effet, d'un pouvoir ferment extrêmement intense lorsqu'elle se trouve ensuite transportée dans un milieu sucré privé d'air. Donc, d'après Pasteur, « à côté des êtres connus jusqu'à ce jour, et qui, sans excep- tion, ne peuvent respirer et se nourrir qu'en assimilant du gaz oxygène libre, il y aurait une classe d'êtres dont la respiration serait assez active pour qu'ils puissent vivre hors de l'influence de l'air en s'emparant de l'oxygène de certaines combinaisons, d'où résul- terait pour celles-ci une décomposition lente et progressive ■'. Les ferments pourraient donc vivre comme la généralité des êtres vivants, assimilant à leur manière le carbone, l'azote et les phosphates; et ils ont besoin d'oxygène. Mais ils n'ont pas besoin d'oxygène libre; car ils peuvent emprunter ce corps à des combi- naisons chimiques. Fermentation et putréfaction sont donc, d'après Pasteur, corrélatives d'une vie sans oxygène. Bbefeld a prétendu que la levure, en l'absence de toute trace d'oxygène libre, ne pouvait pas se développer. Traube a repris les expériences de Pasteur et montré que, même dans ce cas, la levure continuait à se développer, à condition, toutefois, qu'elle fût déjà en voie de développement. Cependant, d'après ce même auteur, la levure peut déterminer la fermentation du sucre en l'absence de toute trace d'oxygène, mais sans se développer. La levure née d'une culture anaérobie ne se développe pas dans un milieu abso- lument dépourvu d'oxygène (D. Cochin). Perdrix a indiqué la présence d'un bacille anaérobie dans les eaux des conduites de Paris; il l'a isolé et lui a donné le nom de bacille amylozyme. Le développement de ce microbe est arrêté par le contact de l'oxygène de l'air; il pousse, au contraire, très bien sur pomme de terre, dans le vide, l'hydrogène, l'azote, etc. Germiny, en 1871, soumit à une critique sévère les différents procédés employés pour réaliser des milieux rigoureusement privés d'oxygène, et il montra que l'on ne possédait jamais la certitude absolue d'avoir enlevé les dernières traces d'oxygène. Il établit que, dans un milieu aussi rigoureusement privé d'air que possible, la putré- faction commence, mais s'arrête rapidement, d'autant plus rapidement que l'appareil renferme moins d'oxygène. On empêche presque complètement cette putréfaction du début, si l'on a laissé le mélange assez longtemps, un mois environ, à la température de 0" en présence d'un milieu qui a absorbé l'oxygène. D'ailleurs il faut que l'absence d'oxygène soit absolue. MuNK, bien que l'auteur précédent maintienne ses affirmations, est arrivé à des conclusions absolument opposées, et il admet que le fait du développement plus rapide FERMENTS — FERMENTATIONS. 339 de la putréfaction et de la fermentation alcoolique au contact de l'air était dû à l'élimi- nation constante et rapide des produits gazeux. Quelle conclusion en peut-on tirer? La fermentation est- elle liée à l'organisation de la levure (PASTEaR)? ou est-elle un pliénomène entièrement indépendant de cette organi- sation (Traube) ? Il est important, en tout cas, de constater qu'il existe ^tous les termes du passage entre la vie aérobie et la vie complètement anaérobie. Le Pénicillium glaucum peut vivre en présence de faibles quantités d'oxygène, et dans ce cas il produit de ralcool;les quantités d'alcool ainsi obtenues sont d'autant plus considérables que la privation d'oxygène est plus grande. Il en est de même pour VAspergillus glaucus, qui peut même résister pendant quelque temps à l'absence presque complète d'oxygène. Il y a production d'alcool en même temps que la for(ne du végétal change. Le mycélium, au lieu d'être formé de tubes réguliers, se fragmente en articles de petites dimensions par des rétrécissements et des étranglements voisins. Le Mucor racemosuf< passe facilement de la vie aérobie à la vie anaérobie ; il suffit pour cela d'agiter le flacon de culture et de plonger le végétal dans l'intérieur du liquide, à la surface duquel il s'était développé jusqu'alors. Il donne alors naissance à une fermentation active, à un dégagement d'acide carbo- nique, d'abord abondant, |>uis qui va en se ralentissant. La plante change d'aspect; les tubes mycéliens, allongés et cylindriques, deviennent globuleux, formés d'articles courts, presque spbériques. En même temps qu'il y a changement de fonction, il y a changement de forme; le mucor, en se développant comme la levure, tend à prendre une structure qui le rend singulièrement semblable à cette levure. Gayon a montré que le Mucor circinelloides se développait très bien en vie anaérobie. On constaterait alors un ferment particulièrement énergique toujours accompagné de cette modification de forme, de cette sporulation caractéristique de l'état ferment. Gayon a comparé les quantités d'alcools formés dans les mêmes conditions par la levure de bière et par le Mucor circinelloides cultivés dans les mêmes milieux. MCCOR LEVORE eirciaeiloides. de bière. Moût de bière. . . . . 4,1 . ^,1 Moût de raisin. . . . 4," . 10 Glucose ordinaire. . . 3,9 5 — du sucre. . . 3,4 " 'J — interverti . . . 3 Lévulose 3,7 5 Enfin la levure elle-même se développe en présence d'oxygène. Schutzenberoek a montré que la levure de bière fraîche absorbe l'oxygène dissous dans rea,u avec une grande rapidité. L'activité de ce phénomène est la même dans l'obscurité, à la lumière dilfuse, et à la lumière directe. L'absorption est proportionnelle au poids de levure employée. Dans la vie aérobie, lorsque la levure se développe, l'accroissement du poids de levure est proportionnel au carré du temps (Duclaux., d'après les expériences de Hansen). Dans la vie anaérobie, au contraire, la levure se développe très rapidement dans les premiers moments, puis il y a ralentissement et arrêt presque brusque dans l'augmen- tation du poids de la levure, et la quantité de matière vivante à partir de ce point ne varie presque plus. Traube ne pense pas que la levure emprunte l'oxygène au sucre quand elle fermente et qu'elle se comporte comme anaérobie, car' le développement s'arrête bien avant que la majeure partie du sucre ait été décomposée ; ce serait alors aux matières albu- minoïdes que la levure emprunterait l'oxygène qui lui est nécessaire. Un grand nombre de microbes peuvent vivre également en vie aérobie et en vir anaérobie, Tels sont le rouget du porc, le ferment lactique, certains organismes patho- gènes, etc. L' Eurotiopsis gayoni peut vivre en aérobie comme VAspergillus; il déve- loppe alors sa végétation avec une certaine rapidité. En vie anaérobie, au contraire, avec le minimum d'oxygène, il donne de l'alcool et fonctionne comme levure (Labordej. La vie anaérobie n'est pas l'apanage exclusif des organismes, unicellulaires, puisque 340 FERMENTS — FERMENTATIONS. des grappes de raisin, des melons, des oranges, des prunes, des feuilles de rhubarbe, abandonnées dans une atmosphère d'acide carbonique, détruisent du glucose et donnent de l'alcool et de l'acide carbonique. Lechartxer et Bellamy out montré que des fruits, des raisins et des feuilles, privés d'oxygène, produisaient de l'alcool et de l'acide carbonique. MciNTz a montié que les plantes vivant dans l'azote produisaient de l'alcool, tandis que celles vivant comparativement dans l'air n'en fournissaient pas. La difficulté de l'étude des anaérobies consiste dans la nécessité de cultiver ces micror- ganismes dans des milieux rigoureusement privés d'oxygène. P.\sTEUR, JouBERT et Chamberland Cultivaient le vibrion septique dans un tube eu U renversé dont les deux branches inférieures étaient fermées à la lampe. La tige supé- rieure est effilée et fermée par un tampon de coton. Chacune des branches inférieures présente une (petite tubulure latérale qui se termine par une pointe très effilée. On détermine par la tubulure supérieure un vide pai-tiel et on fait pénétrer ainsi dans une des branches une certaine quantité de bouillon ensemencé; dans l'autre branche, du bouillon absolument stérile. On fait alors un vkU aussi parfait que possible au moyen d'une pompe à mercure ou à eau, et on élève légèrement la température dans les deux branches, de façon à déterminer, à la très basse pression où l'on opère, une ébuUition rapide du liquide qui chasse complètement l'air contenu dans l'appareil. Il faut éviter que des parcelles du milieu ensemencé ne passent dans l'autre branche. On ferme la tubulure supérieure à la lampe. On met à Tétuve; le liquide ensemencé donne une culture; le liquide non ensemencé doit rester stérile. Pour l'ensemencer à son tour, il suffit de faire passer quelques gouttes de la première branche dans la deuxième. On peut provoquer aussi le développement des anaérobies en présence d'un gaz inerte. Pour cela, si l'on se sert de l'appareil Pasteur, Jolbert et Chamberland, il faut faire ren- trer un grand nombre de fois le gaz inerte dans l'appareil, après avoir fait chaque fois un vide aussi parfait que possible. La culture des anaérobies sur milieu solide peut s? faire avec avantage de la façon suivante (Roux). Un tube de verre assez large est étiré de façon à présenter à la partie supérieure une dilatation, co:nme une sorte d'entonnoir terminé par un tube effilé qui le fait communiquer avec une ampoule longue du diamètre du tube initial comme l'enton- noir supérieur. Cette ampoule se termine à son extrémité inférieure par une pointe longue et effilée. Le tube est alors flambé, et l'on plonge la pointe inférieure dans de la gélatine nutritive bouillante et par' suite liquide; on aspire à la partie supérieure et l'on remplit ainsi fo/xjo/cfemt'nM'ampoule; on ferme alors les deux extrémités à la lampe, et l'on a ainsi un milieu purgé d'air. On ensemence ces ampoules par piqûres profondes de la masse après avoir cassé une extrémité du tube; on referme à la lampe après ense- mencement. Quand la culture doit dégager une certaine quantité de gaz, il est avantageux de se servir d'un simple tube à essai renfermant la gélose nutritive. On fait le vide dans l'appa reil après ensemencement, ou on remplace l'air par un gaz inerte. On peut aussi, pour cultiver les anaérobies en milieu solide, se servir de la propriété que présentent certaines bactéries, le BaciUus subtUls par exemple, qui absorbent l'oxy- gène libre avec la plus granie avidité (Houx). On ensemence ainsi une première couche de gélatine nutritive préalablement bouillie avec le microbe que l'on veut étudier; on recouvre cette gélatine d'une couche de gélose liquiflée que l'on fait solidifier p ir refroi- dissement. On verse alors sur ce bouciion de gélose une culture pure de Bac000". Chebret a étudié l'action de ce dernier produit sur le staphylocoque, qui est détruit en une minute à 1/100*^; en une heure, par une solution à l/lOOO'' ; en une heure et demie à 1/1dOO«, Il existe enfin un certain nombre de combinaisons organo-métalliques mercuriques jouissant de propriétés antiseptiques remarquables. Charrin et Desesquelle ont donné un tableau représentant la puissance antiseptique de quelques-uns de ces composés organo-mercuriques : DOSES TOXIQUES. DOSES SUPPRIM.'^NT la fonction chromogène du Bacille pyocyanogène. DOSES ARRÊTANT le développement du Bacille pyocyanogène. TT„ / Cl . . . "-\ci H„ / Cl 1 „„/.0H- .) „ /00C2H^i ) "^ \ 0 C6HS j „^ / Cl , '^ 1 /OCiOH' Hg < P P ■ 1 "?\ 0 CIO H- ( g>-- 0,0025 0,0200 0,0150 0.0150 0,0090 0.0100 0.00."33 0.00200 0.00300 0,00100 0,00773 0,01000 0,00900 0,00750 g'-- 0,00600 0,00375 0,01300 0,00973 0,01800 0,01000 0,01200 Action des carbures d'hydrogène. — Les carbures légers du pétrole, benzoline, essence, n'ont aucun pouvoir antiseptique. La benzine ne tue pas. les microrganismes; elle n'atténue même pas leur vitalité; mais elle arrête complètement leur développement (Chassevant). Action des alcools. — L'alcool ne détruit pas et n'atténue pas la virulence des spores des bacilles charbonneux (P. Bërt). L'aicool absolu n'a i^u'une action microbicide médiocre, variable avec le milieu; car ScHiLL et Fischer ont montré que le bacille de Koch n'est pas entièrement détruit par l'alcool absolu dans les crachats tuberculeux à volume égal, même au bout de vingt- quatre heures. Yersin a pu obtenir cependant la destruction en cinq minutes de tout FERMENTS — FERMENTATIONS. 351 élément vivant, en traitant dans les mêmes conditions des cultures pures de bacille tuber- culeux par leur volume d'alcool. Quelques auteurs, d'autre part, semblent admettre que l'alcool à 50 p. 100 serait beaucoup plus destructeur que l'alcool absolu. Certains bacilles sporulés résistent enfin parfaitement à l'action de l'alcool, quel que soit le degré de concentration; les spores du charbon, par exemple (Koch, Mlnervixi). L'alcool absolu, d'après Yb^rsin, tue le bacille tuberculeux après cinq minutes de contact. L'alcool métbylique en vapeur tue en vingt-quatre heures à la température ordinaire la presque-totalité des germes atmosphériques. MiQLîEL a comparé les différents alcools au point de vue de la proportion de ces élé- ments nécessaires pour empêcher le développement des ferments. Alcool ordinaire . . . . 1/10 — propyliquo . . . i/ii; — bulylique . . . . 1/2S — aniylique . . . 1/10 D'après Regnard, enfin, la loi de Rahoteau s'appliquerait à l'action des alcools sur la fermentation, et en particulier sur la fermentation de la levure de bière : « L'alcool est d'autant plus toxique qu'il contient un plus grand nombre d'atomes de carbone. » l-ORMULE pour u Alcool méthylique CH30H , . . . 20 — éthyl'ique C^H^OH. . l:i — propylique C-H^OH. . . . 10 — butylique C^HaOK . . 2, Fi — amylique CsH'iOH . . 1 — capro'ique C«Hi30H . . 0.2 — capi-ylique CSHi'OH. . . 0,1 FERMENTATION ARRETEE pour une teneur on alcool de : 100 — Aldéhyde formique. — Le formol jouit de propriétés remarquablement bactéricide (ÎRiLL.vr, Berlioz, Aronsohn, Stahl, Lehuann, Miquel, Gambier, Brochet, etc.), et l'action du formol a donné lieu à de nombreux travaux (Voir Formol). Anesthésique. — ^ Les anesthésiques, chloroforme ou éther à l'état de vapeur, s'opposent complètement au développement du bacille pyocyanogène. Au contraire, introduits dans le milieu de culture^ il en faut des doses considérables (5 p. 100) pour arrêter le développement de la bactérie; quelquefois même on ne fait que retarder son évolution. Une légère proporlion d'anesthésiques diminue de moitié la toxicité des bouillons et la quantité d'ammoniaque qui se forme, sans empêcher l'apparition de? matières colorantes (Gharrex et Dissart). Le chloroforme a aussi donné des résultats dilférents aux expérimentateurs qui l'ont essayé à l'état pur (Koch) ou à l'état d'eau chloroformée (Salkowski, Kischner). Il anête l'action du ferment nitrique sans le tuer ni l'affaiblir (Mïi.mtz). L'élher, d'après Miquel, arrête les fermentations putrides à moins de l/io", et, d'après Versin, il entraîne la mort du bacille de Koch au bout de cinq minutes. Corps gras. — • Manfredi a montré que l'iulluence des corps gras était manifeste sur l'atténuation de la virulence des espèces pathogènes. La présence des corps gras abaisse dans des proportions considérables la température à laquelle cette atténuation a lieu. Phénols. — Le phénol dissous dans l'eau ne produit rien sur le bacille du charbon à la dose de 1/100' , d'après Koch; mais il le tue en sept jours à 2 p. 100, en deux jours à 3 p. 100. N[GAT( et RiETSCH ont constaté, au contraire, qu'il tuait en dix minutes les spores du choléra. Boer a recherché l'action de ce même antiseptique sur un grand nombre de bacilles, et il a constaté que la dose qui arrête leur développement varie entre l/400« et l/7oO% et que la dose mortelle oscille entre 1/200" et ^/400^ La température agit d'ailleurs dans des proportions considérables sur le pouvoir antiseptique du phénol. Ghacveau et Arloing ont constaté que la toxicité du phénol était plus marquée à 35« qu'à 20». En solution dans l'alcool, il semble que son action soit atténuée, car Koch a observé qu'une solution au 1/20^ n'a pas d'action sur la bactéridie 352 FERMENTS — FERMENTATIONS. charbonneuse, et Miquel a observé le même fait pour le bacille subtil. Néanmoins, ScHiLL et Fischer ont tué le bacille de Koch en vingt-quatre heures avec une solution alcoolique de phénol à 3 p. lOO. Arloing, Cornevin et Thomas ont tué la bactéridie charbonneuse avec une solution à 2 p. 100. Sternberg a tué le pneumocoque en deux heures avec des solutions alcooliques à 2 p. 100. Van Ermengen a tué les spores du choléra en une demi-heure avec du phénol en solution alcoolique au 1/600^ Parmi les dérivés ou les composés analogues au phénol, Diaume a montré que le phénol trichloré exerçait une action beaucoup plus énergique sur les fermentations que le phénol lui- même. Produits organiques divers. — L'essence d'amandes amères arrête les fermentations à 1/300^ (Miquel). Le salol, le benzonaphtol, le naphlol à 0,25 p. 100, le phénol à 1 p. 100, le salicylate de .soude à 1 et 2 p. 100, n'empêchent pas le développement du Bacterium coli. Le salicylate de bismuth à 1 p. 100 l'arrête complètement. Essences. — Chamberland a recherché quelle était l'action d'un grand nombre d'es- sences, soit à l'état liquide, soit à l'état de vapeur, sur un microbe particulier, la bacté- ridie charbonneuse. A l'état de vapeur, quelques-unes permettent la culture, mais la plupart s'y opposent. Celles dont les vapeurs agissent le plus énergiquement sont celles de : Cannelle de Ceylan. Origan. Cannelle de Chine. Géranium de France. Vespetro. — d'Algérie. Angélique. A l'état de solutions, les résultats généraux sont les mêmes; mais les essences les plus actives sont celles de : Origan. Girofle. Santal citrin. Genièvre surfin. Cannelle de Ceylan. Artemisia. — de Chine. DucAMP, par la même méthode que Chamberland, a étudié l'action d'un certain nombre d'essences sur le bacille du choléra indien. Permet Empêche le le développement, développement. L'essence d'ail — de moutarde — d'origan — de cannelle de Chine . . . — de cannelle de Ceylan. . . — de vespetro — de santal A l'état de vapeur, les essences d'ail, de moutarde, de vespetro, d'origan, de cannelle de Chine, empêchent le développement du bacille du choléra indien et tuent les germes d'une culture jeune. Les essences d'ail et de moutarde tuent rapidement les gei-mes du choléra indien d'une culture âgée ; l'action est baaucoup plus lente avec les essences d'origan, de vespetro et de cannelle de Chine ; le bacille d'une culture càgée n'est tué qu'au bout d'une vingtaine de jours. Enfin les vapeurs d'essence de cannelle de Ceylan et de santal n'empêchent le développement ni d'une culture jeune, ni d'une culture vieille. 1 1 24 200 13200 1 1 13 200 2 200 1 1 13200 2200 l 1 13200 2 200 1 1 13 200 2200 1 1 2200 1200 1 1 1200 400 FERMENTS — FERMENTATIONS. 353 Cadéac et Meunier ont mesuré le temps au bout duquel le bacille typhique et le bacille de la morve étaient détruits après immersion dans quelques essences. Essence de cannelle ... 12 minutes 15 minutes. — de thym 30 — 1 heure. — d'absinthe .... 4 heures — — de santal .... 12 — — MiouEL a recherché le nombre de germes détruits en vingt-quatre heures par les essences à l'état de vapeur. Alimentation des ferments organisés : L'alimentation des ferments comprend l'étude et la recherche des trois sortes d'éléments nécessaires au développement et au bon fonctionnement de la plante tout entière. Nous avons donc à considérer : 1° les ali- ments minéraux; 2° les aliments hydrocarbonés; 3° les aliments azotés. Alimentation minérale. — Raulin est le premier qui ait systématiquement étudié les substances minérales nécessaires au développement d'un ferment, VAspergillus niger. Le liquide de Raulin renferme, par litre, comme éléments minéraux non azotés : Acide phosphorique . . . 0,25 — sulfurique . ... 0,17 — silicique 0,01 Potasse 0,25 Magnésie 0,13 Oxyde de zinc 0,025 Oxyde de fer 0,02 Ce milieu, au point de vue minéral, est nécessaire et suffisant au développement de VAspergillus, qui se développe admirablement, à condition que le liquide soit additionné des éléments hydro-carbonés et de l'ammoniaque nécessaires à la nutrition complète. La suppression de l'un quelconque de ces éléments réduit de beaucoup le développement de VAspergillus, et par suite le poids de plante développée. Si nous représentons par 100 le poids à'Aspergillus qui s'est développé à la surface du liquide, nous avons : POIDS do récohe. Liquide de Raulin, complet 100 Liquide de Raulin, moins l'acide silicique ... 71 — — — l'oxyde de fer . . . . 37 — — — l'ox de de zinc. ... 10 — — — la potasse 4 — — — l'acide sulfurique. . . 4 — — — la magnésie 1,10 — — — l'acide phosphorique. 0,53 Ces nombres montrent bien l'importance de l'acide phosphorique, de la magnésie, de la potasse, et même de l'acide sulfurique. Même les éléments qui semblent avoir moins d'importance, le [zinc, le fer, la silice, jouent cependant un rôle considérable, étant donnée la faible quantité de l'élément considéré. La quantité de zinc qui fait tomber une récolte à! A^pergillm de 2o grammes, au 1/10, c'est-à-dire à 2sr,5, est de 4 centigrammes, quantité qui renferme 32 milligrammes de zinc : ces 32 milligrammes déterminent donc la formation de ■liS',o de plante, soit 700 fois le poids du métal considéré. Raulin a pu obtenir même quelquefois 953 fois le poids du métal. Leschilïres représentent, d'après Duclaus, l'utilité spécifique de l'élément, et Raulin a déterminé ainsi les quantités masiina suivantes d'Aspergdla^ pouvant être formées avec l'unité de chaque élément : Zinc 953 Fer 837 Soufre 346 Silicium 32li Magnésium . . . 200 Phosphoi'e- . . . 157 Potasse 64 DICT. DE physiologie. — TOME VI. 23 354 FERMENTS — FERMENTATIONS. Le zinc présente donc une activité toute particulière quant au développement de VAspergillus. (On a récemment étudié cette action du zinc, et il paraît qu'il agit comme un agent antiseptique, nocif pour les bactéries toxiques à la vie de VAspergillus.) Chacun de ces éléments joue un rôle particulier. Ainsi la plupart d'entre eux, ajoutés à une solution qui en était primitivement dépourvue, et sur laquelle végétait péni- blement le champignon, déterminent immédiatement un développement abondant. Il n'en est pas de même pour le fer, dont l'absence a provoqué chez la plante des modifications physiologiques, et la production probable de substances toxiques, des sulfocyanures en particulier, de sorte que l'addition d'une proportion quelconque de métal ne pouvait plus alors produire une végétation active. Signalons encore l'absence de la chaux dans la constitution du liquide de Raulin : ce métal n'est donc pas parmi les éléments nécessaires à la vie et même à un actif développement de la plante. Mayer est parti d'un milieu de culture médiocrement favorable à la levure, et il l'a amélioré par l'introduction d'éléments variés. La solution initiale renfermait 15 "/o de sucre candi, qu'il additionnait d'un certain nombre de sels minéraux; l'ammoniaque four- nissant seul l'azote nécessaire. Il a pu montrer ainsi que le phosphate de potarse est pour ainsi dire indispensable au développement de la levure; il ne peut être remplacé par le phosphate de soude ou le phosphate d'ammoniaque; car la potasse est aussi indispen- sable que l'acide phosphorique. Il en est de même pour la magnésie et la chaux, et le mélange le plus favorable a été : 100 grammes de solution sucrée à 15 p. 100. O^'^ji de phosphate monopotassique. Os^Ol de — tricalcique. Os-'jOl de sulfate de magnésie. Enfin le soufre paraît, lui aussi, indispensable, et ce soufre ne saurait être emprunté à l'acide sulfurique. Il est contenu à l'état de traces extrêmement faibles dans le sucre employé, et nous trouvons là encore l'influence énorme de quantités infinitésimales de matières minérales sur le développement des ferments organisés. EpRONTa montré aussi l'influence extrêmement favorisante des phosphates sur le développement de la levure, et plus spécialement sur l'activité de la zymase produite. Quant aux gaz, ils jouent un rôle considérable dans la vie des cellules. Nous avons vu toute l'importance de l'oxygène pour la vitalité des ferments, et la division de ces êtres en aérobies et anaérobies. Avec les bactéries de la putréfaction l'oxygène disparaît; il est absorbé avec production d'acide carbonique. L'hydrogène n'est pas absorbé, et semble favoriser le développement des bactéries. L'oxyde de carbone en présence d'azote donne de l'acide carbonique. Le cyanogène tue les bactéries en se décomposant. Les éléments nécessaires à la vie de chaque ferment semblent donc variables de l'un à l'autre être. Le Micrococcus ohlongus, bactérie oxydante découverte par Boutroiix, bien que les substances salines qui lui sont nécessaires soient mal connues, semble avoir par- ticulièrement besoin de chaux. Le rôle enfin des substances minérales peut être montré, quand on recherche.l'action de très petites quantités de substances sur le développement d'un ferment. De très faibles proportions de sels minéraux augmentent beaucoup la fertilité d'un liquide, et agissent par suite directement sur la nutrition des microbes. TuENKMANN a rechcrché l'influence exercée sur le bacille de Kogbi par de très petites proportions de chlorure, de nitrite, de nitrate et de carbonate de sodium. Le bacille de Kogh était ensemencé dans 10 c. c. d'eau de puits pure, additionnée de 1, 2 ou 3 gouttes de la solution considérée. NOMBRE DE BACTÉRIES au bout au bout de 24 heures de S jours. Nombre de bactéries immédiatement après l'ensemencement 16,000 Dans 10 c. c. d'eau de puits pure 580 5 Dans 10 c. c. d'eau de puits additionnée de : 1 goutte solution de NaCl à 10 p. 100. . . 6,120 12,480 2 — — — — 9,240 19,560 3 — — — — 15,000 10,440 FERMENTS — FERMENTATIONS 353 NOMBRE DE BACTERIES au bout au bout de 24 heures. de 8 jours. 1,740 10,920 6.600 1,460 17,160 2,260 8,040 4,040 6,660 14,760 20.940 16,080 7,4i0 — 1 goutte d'azotate de sodium ;ï 10 p. 100. 1 goutte d'azotite de sodium à 10 p. 100. 1 goutte de carbonate de sodium .... 2 — — — 28,680 — 3 — — — 31,560 — Le sulfure de sodium agit aussi dans le même sens. Alimentation hydrocarbonée. — Les organismes élémentaires ont naturellement besoin d'une certaine proportion de carbone organique qu'il faut leur fournir sous la forme de substances diverses : sucres, amidons, alcools, etc. Nous nous rapportons de nouveau à l'étude de R.^ulin sur V Aspergillus niger. R.\ULiN a fourni à VAapeniillus niger deux sortes d'aliments hydrocarbonés, l'acide tartrique et le sucre. Le premier sert surtout à rendre le milieu légèrement acide; mais il est cependant lentement brûlé par la moisissure, surtout en l'absence d'autres aliments quand le sucre a disparu. Le saccharose est l'aliment de choix de V Aspergillus : il est d'abord dédoublé à l'aide d'une diastase sécrétée par la plante, et c'est sous la forme de sucre interverti qu'il est utilisé et qu'il contribue à la production du nouvel organisme. Il semble exister un rapport constant entre le poids de plante produite et le poids de sucre disparu; ce rapport est voisin de 1/3. Le lactose, la mannite, l'amidon sont pour ï Af;pergillus des aliments très inférieurs, capables d'entretenir la vie de la plante, lorsque celle-ci est en pleineèvégétation, mais au contraire presque incapables de déterminer un développement appréciable des germes. L'alcool empêche le développement de la spore, mais peut servir d'aliment au mycélium adulte, à moins qu'il n'atteigne une dose trop élevée, auquel cas il s'oppose au développement, et devient un antiseptique. Si l'on s'adresse aux alcools supérieurs, la dose toxique, c'est-à-dire antiseptique, apparaît plus rapidement. Tel corps qui sert d'ali- ment jusqu'à une certaine dose, s'oppose ensuite au développement. Si l'on dépasse cette limite, il devient donc un antiseptique. Le même fait que pour les alcools se rencontre pour les acides gras; les premiers termes, l'acide acétique, peuvent à doses faibles servir d'aliment à Y Aspergillus. Au con- traire, les acides d'un rang plus élevé, comme l'acide butyrique, ne peuvent pas servir d'aliment et s'opposent au développement de la plante. La dose antiseptique est de même beaucoup plus faible. La fermentation des sucres est d'ailleurs un problème des plus compliqués, car un grand nombre de facteurs interviennent, la formule, la constitution moléculaire, le genre de vie, la nature du milieu, etc. Le saccharose,pour pouvoir fermenter, doit d'abord être dédoublé en ses deux éléments, glucose et lévulose; l'inversion doit être faite au moyen d'un ferment soluble particulier sécrété par le microbe lui-même, la sucrase. Un grand nombre de saccharides peuvent ainsi fermenter après inversion, et. bien qu'un certain nombre de levures semblent ne pas sécréter de sucrase au premier abord, DuBOURG a pu njontrer qu'on pouvait toujours arriver à déterminer l'inversion des sucres, en cultivant la levure d'abord sur du glucose et du saccharose mélangés, puis sur du sac- charose seul. Dans Ja seconde partie de l'expérience, quelle que soit la levure employée, le saccharose sert d'aliment, et est dédoublé. Certains sucres, qui semblent au premier abord nuisibles aux micx^obes, sont pourtant susceptibles de fermenter dans des conditions identiques, et suivent la même loi. Le galactose, par exemple, a été déclaré infermentescible par Kiu.\.\i, Koch et Herzi'Eldt. BouRQUELOT avait constaté une sorte de phénomène d'entraînement, en le faisant fermenter en présence de glucose; mais les expériences de Dubourg semblent prouver qu'il y a simplement exaltation dans la cellule de la production du ferment soluble inversif, 356 FERMENTS — FERMENTATIONS. exaltation qui peut se produire, grâce à l'accoutumance donnée par le glucose; puis, cette accoutumance acquise, la cellule peut vivre avec le saccharide seul auquel elle s'est habituée. Le lactose semble résister davantage : mais il suffit, pour acclimater une levure à cette substance, de la cultiver, ainsi que l'a fait Dien^ert, d'abord en présence de galactose et de lactose, puis en présence de lactose seul. Dans ces conditions, l'interversion se produit. Enfin ToLLENS et Stoise ont montré que la fermentation du galactose pouvait avoir lieu en présence de matières azotées. Fischer et Thierfeld, puis F. Dienert, ont confirmé ce fait. Ce dernier auteur, reprenant les expériences de Bourquelot, a montré que la fermentation du galactose n'est possible que lorsque la levure s'est acclimatée à cet aliment. L'accli- matation peut disparaître, si l'on met la levure en présence d'un autre sucre. L'appa- rition et la disparition de cette accoutumance ne sont accompagnées d'aucun changement morphologique. Enfin certaines substances, l'acide borique et le toluène en particulier, s'opposent à l'acclimatation. Nous pouvons encore citer, parmi les transformations des matières ternaires avant leur assimilation, la transformation des'amidons en glucose sous l'influence d'une diastase. Le Bacillus anthracis transforme l'amidon en glucose, et le consomme sous cette forme; il en est de même pour le glycogène (Roger). L'muline donne du lévulose. Il y a donc, suivant les cas, sécrétion, par ce microbe, de diastase ou d'inulase. Les microbes déterminent parmi les isomères la fermentation de telle ou telle sub- stance de préférence à son isomère. C'est ainsi que Pasteur a pu dédoubler l'acide lactique inactif par compensation; l'acide droit est consommé beaucoup plus rapidement que le gauche. Le Bel a pu dédoubler aussi les alcools amyliques, le méthylpropylcarbinol et le propylglycol. Le Penicilliu7n 6«coior jaune et vert se développe en détruisant complètement l'alcool bulylique normal; n|ais il ne peut attaquer l'alcool isobutylique (Le Bel). Perier Frankland, puis Peré, ont étudié l'action des ferments sur les acides lactiques ; les uns attaquent plus facilement le droit; et d'autres, le gauche. Enfin, parmi les sucres en C®, un grand nombre ne sont pus fermentescibles; 3 seule- ment fermentent avec la plus grande facilité : le d. glucose, le d. mannose et le d. galactose. Nous pouvons multiplier les exemples de choix d'un aliment de préférence à nn autre. La levure de bière, mise en présence de dexlrine et de maltose ou de glucose, ne touche pas à la dextrine; seul, le maltose ou le glucose fermente (0. Sullivan, Gayon et Dubourg). Certains Mucors, au contraire, le Mucor alternans en particulier, hydratent la dextrine et l'amidon, et les transforment en produits directement fermen- tescibles (maltose) (Gayon et Dubourg). Le Bacillus orthobutylicus de Grimbert, mis en pré- sence d'un mélange de lévulose et de glucose, de sucre interverti par exemple, détermine tout d'abord la fermentation du glucose, de telle sorte que, lorsqu'on examine la solu- tion alors qu'elle ne renferme plus que les 2/5 du sucre initial, il n'y a plus que du lévulose. L'aliment employé de préférence varie avec la manière de vivre de la plante. En milieu anaérobie, par exemple, la levure ne fait pas fermenter tous les sucres ; seuls, sont attaqués ceux dont le nombre des atomes de carbone est 3 ou un multiple de 3, le glu- cose C*H^O', les hexoses C^H'-O^, le mannononose C^H'^O^. Au contraire, les sucres en CSC^,C',C^, en milieu aérobie, sont attaqués et peuvent servir d'aliments. Laurent a recherché quels étaient les aliments qui pouvaient convenir plus ou moins à la levure de bière affamée par un séjour de quelque temps en milieu faiblement nutritif. Le corps en expérience était mis en solution à la dose de i p. 100 dans de l'eau distillée avec : Sulfate de magnésie. . . . 1,000 Phosphate de potasse. . . , 0,075 Sulfate d'ammoniaque. . . 0,471 Les éléments hydrocarbonés qui ont pu servir à l'aUmentation de la levure ont été : FERMENTS FERMENTATIONS. 3S7 Les acétates alcalins. Le glycol. L'acide lactique et les lactates. L'acide succinique etlesuccinate d'ammoniaque. Le malonate et le pyrotartrate de potasse. La glycérine et les glycérates. Les acides malique, tartrique, fumarique, ci- trique, et les malates, tartratcs'et citrates. L'érythrite, la quercite et la mannite. Les sucres en C^ et en C'-. Le saccharate de potassium. L'amidon-empois^et l'amidon soluble. Le glycogène. La gomme arabique. L'érythrodextrine et la dextrine. L'acide mucique. La salicine, l'esculine, la coniférine, l'arbutine et la saponine. iiuvants n'ont pas pu en général être utilisés par la Au contrailre, les hydrocarbonés levure : Les alcools méthylique, éthylique, propylique, butylique et allylique. Les acides formique, propionique, butyrique, valérianique et oxalique; les formiates, pro- pionates, butyrates, valérianates et oxalates. Le stéarate et l'oléate de potassium. L'acide pyrotartrique et l'acide glycérique. L'éiher éthylique et l'acétate d'éthyle. Laborde a recherché quelle était la valeur nutritive des différents aliments hydro- carbonés vis-à-vis de VEurotiopsis gayoni. L'aldéhyde acétique, la paraldéhyde. Le phénol, l'hydroquinone, la phénoglucose. La quinone. La saligénine. Les benzoates et les salicylates. Le gallate et le tannate d'ammoniaque. Le tannin. ALIMENTS HYDROCARBONÉS. DURÉE DE LA CULTURE en jours. POIDS DES RÉCOLTES. RENDEMENT MOYEN p. 100. Amidon . ... 20 20 9 6 6 6 lo 8 6 12 20 12 12 2,o0 2,00 3,00 2.90 2,90 3,00 3,25 2,90 2,8.5 2,90 4.40 3,10 2,o0 2,60 i,2;j 1,00 3,33 4,83 4,83 5,60 2,16 4,14 3,56 4,83 3,66 1,55 2,10 2,16 Dextrine . . . Maltose . . . .... Mannite . . Alcool Glycérine Au contraire, le saccharose ne peut être utilisé. La glycérine joue un rôle favorable des plus manifestes dans le développement du bacille de Koch (Nocard et Roux). Cultivé sur sérum gélatine et glycérine, sur gélose nutritive glycérinée, dans des bouillons glycérines, voire même dans le liquide de Gohn glycérine, le bacille de Koch se développe incomparablement mieux que dans les mêmes milieux sans glycérine. Dans le liquide de Cohx, eu l'absence de glycérine, il n'y a pas de développement. Enfin, certains sels d'acides gras peuvent être l'unique aliment des ferments orga- nisés. Le tartrale de chaux sert d'aliment hydrocarboné à un ferment étudié par Pas- teur. Ce ferment se développe bien dans le milieu suivant : Eau distillée 2 litre 1/2. Tartrate neutre de chaux. . . 100 grammes. Phosphate d'ammoniaque. . . 1 gramme. — magnésie 1 — — potasse Os-'.S Sulfate_^ d'ammoniaque .... 0s%5 11 se produit dans ce cas de l'acide carbonique et de l'eau, de l'acide acétique et de l'acide propionique. 358 FERMENTS FERMENTATIONS. Naturellement, les aliments modifient souvent l'état physiologique d'une culture. Char- Kii\- et DissART ont de'terminé dans quelle mesure le bacille pyocyanogène s'accommode des différents aliments. Ceux-ci étaient introduits à des doses variables dans une solution saline répondant à la formule suivante : P0iKH2 P0iNa2H + 12H20. CaC12. . , . . . . MgSOi + 7H20. . . C03KH grammes. 0,100 0,100 O.OoO 0,030 0,1 :u Eau q. s. pour i litre. Les résultats obtenus pour les matières hydrocarbonées sont résumés dans le tableau suivant : NATURE DE l'aliment. DOSE POUR 50 c. c. de solution saline. CARACTÈRES PHYSIOLOGIQUES de la CULTURE DU B. PYOCYANOGÈNE. RÉACTION de la CULTURE. Glucose. Glycogène. Acide lactique. — acétique. 1 gramme. 0?%o0 Culturetrès nette, légèrement chromogène. Culture faible. Culture faible. Acide. Les cultures sur matières hydrocarbonées de ces ferments sont acides. Nous verrons plus loin que celles sur matières albuminoïdes sont alcalines. Alimentation azotée. — L'azote peut être pris au milieu e.\térieur sous les formes les plus diverses. Raulin fait assimiler l'azote à l'AspergMiis sous la forme de sels ammo- niacaux : azotate, sulfate, phosphate. Pour 1000 grammes d'eau, le liquide de Raultn renferme : Azotate d'ammoniaque. 2,666 Phosphate 0,400 Sulfate 0,166 Pasteur avait montré que l'ammoniaque peut servir d'aliment azoté à la levure de bière, et, après des essais encourageants, il parvint à déterminer la fermentation du sucre, avec reproduction de la levure, dans un milieu qui ne renfermait que des cendres de levure, du sucre candi et un sel ammoniacal, du tartrate droit, par exemple. La levure présente, au point de vue de son étude, des difficultés très considérables. DuGL.\ux a montré, dès 1865, qu'il fallait distinguer la levure végétale de la levure ferment. L'ammoniaque semble être favorable à la seconde, et s'opposer au développe- ment de la première. Duclaux le démontre de la façon suivante : il cultive de la levure dans des milieux différents, où l'azote est fourni, soit par de l'ammoniaque, soit par de l'eau de levure, et il mesure le poids de levure qui s'est formé, l'ammoniaque absorbée, le rapport entre le poids du sucre fermenté et le poids de levure. Sucre candi Tartrate droit d'ammoniaque Extrait de levure Poids initial de levure sèche (3 grammes à l'état frais) Poids de levure après fermentation Ammoniaque absorbée La levure a fait fermenter 0,2-30 0,10» 0,171 0,012 38 fois. 0,665 0,104 0,285 29 fois. 0,250 0.665 0,104 0,315 0,014 26 fois. Son poids de sucre. FERMENTS — FERMENTATIONS. 359 Tandis que l'expérience I est celle qui a été le plus vite, les deux autres vont à peu fwès du même pas, et, si l'on compare seulement ces deux-là, on voit que, en présence d'ammoniaque (Ëxp. III), il y a eu une fermentation peu différente de la fermentation sans ammoniaque (Exp. II). Nous pouvons ainsi, à ce point de vue, étudier ce qui se passe dans les fermentations du jus de raisin. L'ammoniaque qui se trouve dans les moûts des raisins disparaît pen- dant la fermentation, et sert, par conséquent, d'aliment de choix pour la levure, qui, en présence d'autres substances azotées, les choisit encore. Duclaux a trouvé pour les moûts et les vins d'Arbois des quantités d'ammoniaque qui montrent bien cette utilisation de l'ammoniaque comme aliment. CÉPAGES MOÛT VIN milligr. [par litre. [milligr. par litre. Enfarnie 120 0,o Plousiard 8,8 2,0 Trousseau 40,2 .■i,0 Nature 71,2 1,4 Pinot 72.1 0,0 Valet noir 20,8 :),2 Les matières albuminoïdes proprement dites sont souvent une source d'azote. Pasteur a montré que l'albumine, en présence de sucre, et délayée dans l'eau, ne saurait être un aliment pour la levure et ne permet pas la fermentation. Il en est de même, d'après Mayer, pour la caséine et la fibrine. Cependant, la caséine, d'après Boul- LANGER, se dédoublerait à la longue en donnant de la leucine, de la tyrosine, des sels ammonicaux. VAmylobacter butylicus fait fermenter l'albumine et la fibrine. Avec l'albumine, Duclaux a obtenu, au bout de 40 jours d'étuve, en partant de 10 grammes d'albumine sèche dissoute dans 600 centimètres d'eau de touraillons : grammes. Amuinioniaque ... 1 Acide butyrique. . . 0,38 Acide acétique. . . 0,12 Avec un peu d'acide succinique, mais sans trace d'alcool. Il restait encore un peu d'albumine non décomposée. Avec la fibrine il ne se produit pas d'acide succinique. Enfin, ni av^ec l'un, ni avec l'autre, il n'y a production d'alcool. Le Tyrothrix tenuis de Duclaux fait fermenter la caséine. Freudenreich a montré que la caséine était, au moins en partie, solubilisée par les ferments lactiques. Les résultats qu'il a obtenus sont résumés dans le tableau suivant. Les laits sont abandonnés nor- malement à eux-mêmes; on laisse la fermentation lactique pendant trois mois à l'étuve; on filtre à la bougie Chamberland ; on détermine ensuite la quantité d'azote qu'ils ren- ferment, et, par suite, la caséine solubilisée. AZOTE PAR LITRE. Il CASÉINE SOLUBILISÉE correspondante. Hoy. 0,32 1,79 1 1,52 / 1,91 Moyenne 0,44 1.33 1,11 Moy. 2 11,78 9 96 ' Moyenne 2% '''' 7,30 ) ( I Laits abandonnés \ II à la ) III fermentation lactique. ) IV ) Même \ V ) ferment. La quantité de caséine solubilisée est donc variable avec chaque fermentation; elle est considérablement augmentée — 4 fois plus en moyenne — dans les laits abandonnés à la fermentation lactique que dans les laits ne fermentant pas. Freudenreich a cherché aussi comment pouvait se décomposer par précipitation et séparation grossière l'azote total soluble. Par l'acide phospho-tungstique, il a pu obtenir, 360 FERMENTS — FERMENTATIONS. d'une part, un azote albuminoïde, d'autre part, un azote amidé formé par des produits de dislocation de la molécule albuminoïde. La moyenne de H expériences faites avec des bacilles ditîérents pendant des temps variables a été : p. 100. Azole total 1,58 Azote albuminoïde . . . 0,36 Azote amidé 1,20 Le Tyrothrix tennis de Duclaux a donné à Freude.nreich, au bout de 4 semaines, des résultats analogues, quoique beaucoup plus^^élevés. p. 100. Azote total 2,69 Azote albuminoïde . . . 1,18 Azote amidé 1,22 La bactéridie charbonneuse transforme en ammoniaque la matière azotée des bouillons, celle du sérum, et la caséine, en présence de l'oxygène de l'air. Cette transformation s'ar- rête pour un milieu déterminé quand la quantité d'ammoniaque atteint un chiffre déter- miné variable avec la matière , albuminoïde et avec la concentration (Perdrix). L'hématosérum et le myosérum sont d'excellents aliments azotés pour la levure de bière; il en est de même de ces liquides soumis à l'ébullition et filtrés. Les peptones sont les matières azotées qui sont le plus favorables aux ferments lactiques tant au point de vue de l'activité que de la puissance (Hlieppe, Scholl, Kayser). Ch. Richet a établi que l'addition des matières azotées solubles à du lait en présence des ferments lactiques augmente la limite d'acidité à laquelle la fermentation s'arrête. On a de même comparé aussi, au point de vue de l'alimentation azotée, l'eau de levure, les peptones, l'asparagine. Hayoouck, puis Kusserod, ont vu que l'asparagine jouissait des propriétés des sels ammoniacaux; elle active la fermentation alcoolique; les peptones au contraire facilitent le développement de la plante, et agissent par suite comme l'eau de levure. Hess a montré que l'eau de levure était le meilleur aliment : puis vient l'asparagine qui permet une fermentation un peu moins active. Avec la peptone enfin, la fermentation est très lente. L'activité du ferment, c'est-à-dire la plus grande quantité de sucre que fait disparaître un même poids de levure dans l'unité de temps est maximum avec l'asparagine. Le bacille pyocyanogène, mis en présence d'asparagine et de sucre, détruit l'asparagine et dédaigne le sucre (Charrin et Dissard). VOosipora guignardi, au contraire, préfère les corps hydrocarbonés. P. MiQUEL a déterminé la quantité d'azote transformé en ammoniaque par le bacille succinique cultivé sur asparagine après 4, 6, 9 jours de fermentation. ASPARAGINE EMPLOYÉE. AZOTE TOTAL de raspaiagine. AZOTE TRANSFORMÉ en KzW. AZOTE 1 TRANFORMÉ [ enAzH^p. 100 d'Az. total. Fermentation an- née le 4'' jour. . . . le 6' jour. . . . le 10" jour. . . . Gr. 1,273 1,146 1,175 Gr. 0,237 0,214 0,219 Gr. 0,143 0,178 0,201 60 83 91 Parmi les autres aliments azotés, Mayer a étudié la pepsine, qu'il a trouvée très favorable au développement de la fermentation alcoolique, la pancréatine, la ptyaline, la créatine, la créatinine, la guanine, la caféine, tous à peu près sans action; l'asparagine, qu'il a trouvée peu propre à servir d'aliment (?) ; l'urée, l'allantoïne un peu plus favorables à l'alimentation. Au contraire, d'autres auteurs ont vu que la guanine et l'acide urique sont favorables au développement de la levure, que le nitrate d'urée et l'amygdaline, au contraire, ne permettent que des fermentations très lentes. Rappelons enfin que l'azote des nitrates n'est pas assimilable (Mayer, Laurent). On a comparé aussi les uns avec les autres les divers aliments azotés. Laurent a étudié, de la même façon que pour les aliments hydrocarbonés, les différentes substances FERMENTS — FERMENTATIONS. 361 azotées que peut'assimiler la levure de bière, ou au contraire celles qui ne peuvent lui servir. Substances azotées non assimilables par la levure. Méthyl — éthyl — et propylamiae. Glycocolle. Hippurate de sodium. Formiamide et acétamide. Urée. Acide uriqiie. Aniline et clilorure d'aniline. Diphénylamine. Chlorhydrates de naphtylamine et de phénylhy- drazine. Tyrosine (?). Chlorhydrate de cocaïne, de morphine, de strychnine et de lévurine (?). Caféine. Sulfates de cinchonamine, d'atropine et de qui- nine (neutre). Nucléine. Labobde a recherché quelle était la valeur nutritive des divers éléments azotés sur VEurotiopsis gayoni en observant les mêmes règles que pour les aliments hydrocarbonés. Substances azotées assimilables par la levure. Leucine. Acide aspartique et asparagine. Acide fgiutamique et^ghitamine. Amygdaline. Atropine et colchicine. Gélatine. Albumine. Caséine. Peptone et caséine. MATIÈRES AZOTÉES. DURÉE des COLTtRE.S en jours. POIDS des RÉCOLTES. RENDEMENT par JOUR. ACIDITÉ du LIQUIDE par litre. Azote inorganique Azote organique. / Témoin 6 C M 10 12 12 16 8 8 9 9 9 9 10 12 14 14 gi-- 3,50 3,56 3,40 3,40 3,02 2,80 2,10 3,90 3,60 3,93 3,76 3,64 3,60 3,60 3,70 3,60 3,60 3,8 5,0 3,1 3,4 2,5 2,3 4,9 4,5 4,4 4,2 4,2 4,0 3,6 3,1 2,6 2,1 2,10 1,88 0,37 4,33 7,10 3,25 4,12 2,83 6.84 2 55 2^47 0,45 2,62 2,40 2,40 2,62 2,85 l Azotate d'ammoniaque j Azotate de soude ou de potasse. ^ Tartrate d'ammoniaque j Pho.sphate — f Sulfate — \ Chlorhydrate — / Eau de levure Asparagine \ Gluten ) Urée Gélatine Fibrine Peptone Albumine du sang 1 - de l'œuf Charrin et DissARD ont étudié l'influence de différents corps azotés sur la vie du bacille pyocyanogène. NATURE DE l'aLIMKNT. DOSE POUR 50 c. c. de solution saline. CARACTÈRES PHYSIOLOGIQUES DE LA CULTURE DU BaCILLE PYOCYANOGÈNE. RÉACTIONS DE LA CULTURE. Peptone. Asparagine. Urée. g'-. 1 0,50 1 1 0,50 0,25 Culture très abondante, peu chromogène. Culture très abondante, peu chromogène. Culture très abondante, très chromogène. Ne cultive pas. Culture légère transparente, non chromogène. Alcaline. 362 FERMENTS — FERMENTATIONS. On voit que l'aliment albuminoïde rend le milieu alcalin, alors que l'aliment hydro- carboné le rend acide. J. Nicolas et F. Arloing ont étudié lïnfluence de la constitution du milieu nutritif sur la végétabilité et la virulence du bacille diphtérique. Ils ont cultivé des bacilles diphtériques dans quatre milieux différents. 1« du bouillon de bœuf ordinaire renfermant 2''/o de peptone; 2° du bouillon de veau préparé suivant la formule de Massol, de Genève, c'esl-à-dire : un liquide de macéra- tion de viande de veau légèrement putréfié et bouilli, filtré, neutralisé et enfin alcalinisé par 0P%28 de Na OH par litre; 3° du bouillon de bœuf additionné de I/IO de sérum humain; 4° du bouillon de bœuf additionné de 1/10 de sérum de cheval. Les milieux les plus favorables à la végétabilité seraient par ordre croissant : Le bouillon ordinaire ; Le bouillon Massol; Le bouillon additionné de sérum humain; Le bouillon additionné de sérum de cheval. Au point de vue de la virulence, l'influence de ces différents milieux est moins mar- quée, et néanmoins ceux qui semblent le plus favorables sont le bouillon Massol et le bouillon additionné de sérum de cheval. Enfin, rappelons que l'azote de l'air peut servir d'aliment (Voy. Azote, i). Boussingault rechercha si l'azote de l'air pouvait être directement fixé par les végétaux, mais ses expériences ne furent pas concluantes. G. Wolf, au contraire, montra nettement cette absorption. Selmi reconnut que les champignons, en se développant sur une terre arable, augmentent la quantité d'azote qu'elle renferme. Lestini et Del Torre montrèrent que les moisissures, en se développant sur des produits organiques, augmentent la quantité d'azote que ceux-ci renferment. En tout cas, la fixation de l'azote atmosphérique est aujourd'hui définitivement démontrée. Hellriegel et Wilfarth, André et Berthelot ont prouvé que l'azote atmosphérique pouvait servir et servait d'aliments à certains micror- ganismes qui le fixent alors dans le sol. Action de la chaleur. — Des températures optima. — La température exerce sur les ferments organisés une action très puissante. Des températures extrêmement basses déterminent peut-être la mort de certains ferments. En tous cas, toujours elles arrêtent le développement de l'organisme, développement qui ne peut avoir lieu qu'au- dessus d'un certain niveau thermique, variable pour chaque microbe. On en connaît qui peuvent vivre et se développer à la température de la glace fondante ; d'autres, au contraire, exigent 23 ou 30». Lorsque la température s'élève, la végétation se fait de plus en plus facilement, et on arrive assez rapidement à un état particulièrement favorable : c'est la température optimum, au-dessus de laquelle le développement est gêné, ralenti et très rapidement arrêté. Même pour des cultures en pleine vigueur, une élévation légère, mais brusque, au-dessus de la température optimum amène la mort. Comme dans tous les phénomènes physiologiques, la température optimum est voisine de la température mortelle. Il y a néanmoins, entre les deux, un écart suffisant pour que l'on puisse observer un certain nombre de phénomènes consécutifs à l'action altérante d'une température trop élevée. C'est ainsi que l'on produit dans un microbe des modi- fications dans la résistance, donnant ensuite naissance à des générations ultérieures for- mant une race affaiblie, que l'on a prise parfois pour une espèce différente. Ainsi encore Boux et RoDET expliquent la différence faite entre le BarÀllus coli communis et le Bacille d'EBERTH. Quant à la recherche de la température optimum, Raulin a étudié la proportion d\As- pergillus niger obtenu en trois jours dans le même milieu et les mêmes conditions d'exis- tence, mais à diverses températures. Il a trouvé : degrés. grammes. A 19 0,3 d'Aspergillus. 22 0,6 — 27 1 ,2 — 29 2,0 — 32 3,5 — 34 4,2 — FERMENTS — FERMENTATIONS. 363 degrés. grammes. A 36 4,1 d'Asperr/illHS. 37 3,8 — 39 3 — 42-43 ... des traces. La température optimum est donc 34". Raulin a observé de plus que la température favorable pour le développement l'est aussi pour la fructification; en effet, une culture d'Aspergillus maintenue à une tempé- rature inférieure à 20» pendant quinze jours ne peut pas fructifier. Maintenue à 24°, elle brunit au bout de douze jours; après quinze jours, elle noircit, c'est-à-dire qu'il y a for- mation de spores noires. A 31°, il lui faut quatre jours pour noircir. A 34°, trois jours lui suffisent. A 38°, de nouveau, il lui faut quatre jours. Enfin, à 41°, le mycélium brunit très lentement. On peut aussi effectuer celte recherche] de la même façon que Marshall Ward a recherché le temps nécessaire au Bacilliis ramosiis pour doubler de longueur à des tem- pératures différentes. Ce temps, période de doublement, présente un minimum lorsque l'on effectue la culture à la température optimum. Celte période est variable suivant la température : à 8°,o, elle est exlrêmement lente; et on est presque à la limite mini- mum de culture. Elle devient : degrés. A 14 . . . 200 minutes. 16. . . 100 — 20. . . 70 — 30. . . 30 — A partir de cette t empéralure, la période de doublement ne change guère pendant quelques degrés : c'est la température optimum. A 39°, la période augmente brusque- ment, de telle sorte qu'à 40', elle devient de 120 minutes environ. A peine un peu plus haut, c'est la température mortelle, avec coagulation du protoplasma. La zone de température optimum est très différente d'une espèce à l'autre. Nous avons vu que la température optimum de VAspergillus niger était de 34°; celle de VAspei- gillus glaiiciis de Gayon est de 2o° environ. Enfin on connaît des bacilles vivant àO°, dont les températures optima sont 15°. C'est ainsi que Forster a étudié la bactérie qui rend la mer et la chair des poissons phosphorescentes; elle peut vivre à 0°. Les différents auteurs ne sont même souvent pas toujours d'accord sur la tempéra- ture optimum d'une même espèce. C'est ainsi que, pour la fermentation lactique, elle serait pour Hukppe de 35 à 42°; pour Liebig, de 30 à 35°; pour Mayer, de 30 à 40°; pour les différentes espèces étudiées par Kagoes, de 35 à 40°. Parmi les espèces vivant à des températures très élevées, Miquel a trouvé dans l'eau de Seine et l'eau d'égout un bacille poussant de 42 à 72°. Van Tieghem cite un strepto- coque vivant à 74°. Globig et Lydia Rabinowitch ont découvert successivement, dans les couches de terrains à fleur du sol, toute une série d'espèces vivant facilement à 60 et même à 70°. Il est remarquable que ces êtres aient été trouvés dans toutes sortes de terres et à toutes les latitudes. Températures mortelles. — Si l'on dépasse, même de très peu, la température opti- mum, les microbes souffrent et meurent vite. Ils meurent par coagulation dn proto- plasma. Déjà à 52°, par exemple, les filaments du Bacillus anthracis présentent des cha- pelets de granulations formées par du protoplasme coagulé; la vitalité de l'élément est considérablement diminuée. Marshall Ward a étudié ce qui se passe dans le BacUtusramosus lorsqu'on le chauffe à une température limite de la zone mortelle. Un filament de ce bacille est semé à l'état de spore dans de la gélatine d'abord à 22°: puis on le porte à 39°. Il croît alors avec une telle rapidité, qu'en un quart d'heure il parait doubler de longueur; mais, après cinq minutes pendant lesquelles il s'allonge ainsi, il se contracte tout à coup et meurt. La température mortelle est assez variable suivant les espèces, selon que l'on fait agir la chaleur sèche ou la chaleur humide. Déjà Leuwenhoek, en étudiant le rotifère deS toits, et Spallanzani, l'animal qu'il appela tardigrade, remarquèrent que ces êtres, qu 364 FERMENTS — FERMENTATIONS. meurent dès que l'eau où ils vivent est à une température de 45°, peuvent résister lors- qu'ils sont desséchés à 120°. Dovère a pu sans les tuer les soumettre à une température de 140°. A l'état humide, les levures meurent entre 60 et 65°; dans une chaleur sèche, les levures vivent jusque vers 100 et 120°. Il faut donc, lorsque l'on veut déterminer la température mortelle pour un organisme, distinguer absolument l'état de dessiccation plus ou moins gx'and de l'élément. Parmi les appareils et les procédés imaginés pour déterminer cette température mor- telle, nous citerons ceux de Miquel. MiQDEL et Lattraye, pour mesurer la résistance des microbes à la chaleur humide, emploient un appareil composé d'une marmite fermée remplie aux trois quarts d'une solution de chlorure de calcium dont le^point d'ébullition est connu. A l'intérieur de ce récipient se trouve un autoclave contenant une mince couche d'eau et un petit dia- phragme qui doit supporter les milieux ensemencés. Cet autoclave est privé d'air par un courant de vapeur prolongé. On connaît la température exacte par un thermomètre précis et par un manomètre à air libre. Un réfrigérant à reflux empêche la solution de chlorure de calcium de s'évaporer. Après un certain temps d'ébullition on retire les milieux ense- mencés et on les abandonne à l'étuve. On peut déterminer ainsi le temps que met le microbe à se développer, la nature de la culture, etc. Au contraire, pour déterminer la température mortelle d'un microbe, Miquel et Cam- BiÈR emploient un appareil qui se compose d'un vase cylindrique servant de bain-marie, dont la température est invariable, et dans lequel on immerge des ampoules de verre contenant les mici'obes à étudier, avec un peu d'eau distillée. Ces ampoules sont fixées à la tige du thermomètre qui marque la température du bain. Après les avoir laissé séjourner pendant un certain temps, on verse leur contenu séparément dans un milieu très nutritif permellant le rajeunissement rapide de la bactérie. Selon le temps d'im- mersion et la nature du microbe, la culture est stérile ou est altérée. Miouel, enfin, pour mesurer' la température mortelle des spores sons l'intluence de la chaleur sèche, les mélange à du sable fin et stérilisé, sèche le tout à une température de 35° et l'introduit dans un tube métallique sec et bien bouché. Le tube est fixé à un ther- momètre, et plongé avec lui dans un bain d'air de température constante. Après un certain temps d'exposition plus ou moins long, les spores sont versées sur un milieu très nutritif stérilisé. La température mortelle est fort variable. Sternberg a montré que, pour un certain nombre d'espèces asporogènes, elle oscillait entre 50° et 60°. D'après von Trah, une tem- pérature de 97° à 137*" arrête la putréfaction, mais ne détruit pas absolument tous les germes. Momont a montré que la bactéridie charbonneuse sans spores, contenue dans le sang desséché, qui peut rester vivante pendant plus de soixante jours à la température ordinaire, résiste à un chauffage de plus d'une heure et demie à 92°. La bactéridie cul- tivée sur bouillon résiste moins bien. D'aulre part, Duclaux, en chauffant, durant une minute, divers bacilles du fromage, a trouvé comme températures mortelles des nombres variant entre 80° et 110°. Certains microbes présentent, dans certains cas au moins, une résistance toute parti- culière; c'est le cas par exemple du bacille de la tuberculose, qui peut résister parfois à des températures assez élevées. Pour Yersin, qui a recherché quel était le temps qu'exigeait un milieu ensemencé pour se développer après avoir été porté pendaiit dix minutes à une température donnée, le point mortel serait 70° pour une culture sans spores. Avec ces milieux Chauffés à 5Î)° pendant 10 minutes, on obtient une culture après 15 jours. — 60" — — — — 37 jours. — 70" — — ne donnent pas de culture. ScHiLL et Fischer avaient pu inoculer la tuberculose à des cobayes par des crachats tuberculeux exposés quinze minutes à l'action de la vapeur d'eau à 100°. Vœlsch avait prétendu qu'après un chaufl'age à 100°, même répété, la semence tuberculeuse est affaiblie, mais non détruite. Uabinowitch, enfin, avait prétendu que la graisse protège le bacille tuberculeux. D'après A, Gottschein et H.Michaellis cependant, une ébullition de FERMENTS — FERMENTATIONS. 365 la graisse pendant cinq minutes tue le bacille, car toutes les injections faites avec ce bacille chaufTé restent négatives. Un point essentiel relatif cà cette action de la chaleur, c'est que la résistance à de hautes températures est beaucoup plus grande pour la' spore que pour le bacille adulte. C'est ainsi que l'on peut admettre, après expériences, que presque tous les bacilles meurent au-dessous de 100°, tandis que presque toutes leurs spores survivent à plu- sieurs minutes d'ébullition. Déjà Spallanzani avait étudié sur les spores de mucédinées l'inllueuce de la chaleur, et avait remarqué qu'elles peuvent subir l'ébullition dans l'eau ou la chaleur d'un brasier. Payen a vu YOidiiim aurantlacum, champignon de la mie de pain, résister à la température de 120«, et mourir à 142". Pasteur a fait germer facilement au bout de quarante-huit heures des spores de Pénicillium glaucum qui avaient supporté la tempé- rature de 108", 4; la germination avait encore lieu, quoique plus difficilement, après uu séjour d'une demi-heure à 120°. A 127''-i32'', toutes périssent. Quant au Mucor mucedo, Pasteur a montré que ses spores périssent à 100° lorsqu'elles sont immergées dans l'eau. MiouEL et Lattraye ont montré que, pour détruire les spores les plus résistantes, il fallait, en milieu humide. Une température de 102°, 3 soutenue pendant 2 heures. — — de 104", 8 — — 1 heure. — — de 107". 0 — — 30 minutes. — — de 109° — — 15 minutes. Les spores de la bactéridie charbonneuse sont tuées eu milieu humide à une tempé- rature de 100° maintenue pendant plus de cinq minutes; elles résistent pendant dix minutes à 9o° en milieu humide. A la température de 100° à l'abri de l'air, les germes ne sont pour ainsi dire jamais détruits. Roux les a retrouvés aussi vivants après cent soixante-cinq heures de chauffe; seule leur germination est retardée, et le retard est d'autant plus considérable que le temps de chauffe a été plus long. Des bacilles sporulés vieux, étudiés par Yersin dans les mêmes conditions que les bacilles non sporulés cités plus haut, ont donné après avoir été Chauffés à oo° pendant iO minutes : une culture après 10 jours. — 60° — — — 22 jours. — 70° — — ne donnent pas de cultures. Hoffmann, en soumettant des spores d'Ustilago carbo et d'Ustilago destruem à 120» à l'état sec, les voit résister, tandis que dans une atmosphère saturée d'humidité elles meurent entre 58° et 62°. La spore de VActinomyces résisterait, d'après Liermann, à une ébullition d'un quart de minute de durée, et à trois heures d'exposition à 145° en milieu sec; d'après Domec, elle résisterait à cinq minutes d'exposition en milieu humide à une température comprise entre 60° et 75°. D'après Bérard et Nicolas, les spores à' Actinomijces sont tuées par une exposition de quinze minutes à 80°, en milieu sec comme en milieu humide. Cramer pense que la résistance plus grande des spores de mucédinées à la chaleur provient de leur pauvreté relative en eau; en effet, tandis que le mycélium en contient à peu près 87 p. 100, la spore n'en a que 38 p. 100. Ducl\ux suppose que des analyses faites sur des spores de bacilles donneraient des résultats analogues. Influence de la réaction. — Un facteur important, qui fait varier beaucoup la tem- pérature mortelle pour le ferment, est la réaction même, alcaline ou acide, du milieu. La nature du liquide dans lequel on chauffe les microbes a une influence certaine sur le temps qu'ils résistent et sur la température qui leur est mortelle. Dès le début de ses expériences sur la génération spontanée, Pasteur avait remarqué qu'un liquide acide se stérilisait plus facilement par l'ébullition et plus vite qu'un liquide neutre. C'est ainsi que certains germes chauffés dans l'eau résistent deux heures à une température de 100°; dans l'eau de levure, il faut cinq heures pour les tuer; dans l'eau de foin, cinq heures; dans le bouillon Liebig, trois heures; dans le moût de raisin neutralisé, une demi-heure. De plus. Pasteur avait remarqué que le lait n'est pas stérilisé après une simple ébullition. 11 faut le chauffer jusqu'à 105°. Or il en est ainsi de tous les liquides alcalins, tandis 368 FERMENTS — FERMENTATIONS. Roux, en opérant sur le B. anthracis, a observé le même fait, et les conclusions de son travail ont été que les spores sont tuées beaucoup plus rapidement quand elles sont exposées à l'action simultanée de l'air et de la lumière. Ce phénomène est donc lié à un processus d'oxydation, et il (est important d'observer que les bouillons de cultiu-e oxydés sous l'influence de la lumière ne laissent plus germer les spores du B. anthracis, alors que sous sa forme filamentaire il se développe parfai- tement. Il y a donc lieu de déterminer, s'il est possible, l'action de telle ou telle radiation. Les résultats ont été assez souvent contradictoires. Arloing avait essayé de rechercher quelle est la partie du spectre qui agit. Aucune des sept couleurs spectrales n'a paru, dans ses expériences, arrêter le développement du B. anthracis. La lumière rouge semble cependant être celle qui lui est le plus favorable. Santori a montré que les rayons rouges et violets n'avaient aucune inlluence sur la vitalité des bactéries, tandis que la lumière blanche est offensive, surtout à l'état humide. Cette artion bactéricide est manifeste même à de basses températures. Enfin, l'action de la lumière électrique est beaucoup plus faible que celle de la lumière solaire. D'après Gessler, expérimentant sur le développement du bacille typhique, il n'y a pas de différence qualitative entre la luniière solaire et la lumière électrique; les rayons rouges n'agissent pas, et les autres couleurs ont une influence d'autant plus grande que l'indice de réfraction est plus grand. En 1879, Serrano Fatigati essaya l'influence des couleurs à peu près monochromaLiques sur ces mêmes infusoires. H trouva que la lumière violette active le développement des organismes inférieurs, que la couleur verte le retarde. La production de CO- est toujours plus grande dans la lumière violette que dans toutes les autres lumières, et moindre dans la lumière verte. Par suite, la respi- ration de ces êtres est plus active dans la lumière violette que dans la lumière blanche; moins active dans la lumière verte. Enfin, d'après Janowski, l'action bactéricide est due surtout aux rayons chimiques. Les bacilles se développent aussi bien sous l'influence d'une lumière tamisée par une solution de bichromate de potasse que dans l'obscurité. 11 existe encore d'autres méthodes pour rechercher quelle est l'influence des diffé- rentes couleurs. C'est d'abord le procédé d'ENGELMANN, puis l'étude des modifications chimiques apportées à la constitution du corps; enfin, l'influence exercée par les bacilles pathogènes. Engelmann a recherché l'action exercée par les différentes couleurs sur le Bacterium photometriciim, qui jouit de la propriété de se déplacer rapidement dans les préparations. Sur une goutte de liquide, il projette un spectre lumineux, et voit les bac- téries se porter en certains points de préférence ; elles arrivent à former des lignes d'éléments suivant certaines lignes du spectre. Elfvi.ng étudie les différences de compo- sition des mycéliums cultivés à la lumière et de ceux qui sont cultivés dans l'obscurité; il emploie des cultures sur bouillons peptonisés et bouillons sucrés. A la lumière, la quantité d'azote paraît plus considérable ; mais l'augmentation n'est pas constante. Ce même auteur observe que la respiration des hyphomycètes n'est pas altérée par l'action de la lumière. Rappelons enfin que certaines maladies infectieuses et certaines dermatoses sont influencées par la lumière : la variole, la rougeole ont leur évolution peut-être modifiée par une exposition à un jour spécial (Finsen, etc.). Pour la bibliographie, voir V. Rogovine {Influence de la lumière blanche et de la lumière colorée sur les êtres vivants. D. in., Paris, 1901 i. Action de l'électricité sur les ferments org^anisés. — Lehiel avait observé, en 1880, qu'en faisant passer le courant de deux éléments Bunsen dans une solution sucrée additionnée de phosphate d'ammoniaque, de jus de viande et de levure, ou empêchait toute formation de bactéries sans entraver le phénomène de la fermentation. CouN et B. Me.vdelsohn, pour étudier l'action du courant électrique sur les microbes, emploient une solution de : Phosphate de potasse 5 grammes. Tartrate neutre d'ammoniaque. ... 10 — Sulfate de magnésie 5 — Chlorure de calcium 0,5 — Ce liquide était placé dans un tube en U, au travers duquel on faisait passer un cou- FERMENTS — FERMENTATIONS. 369 rant électrique. Il y a, dans ces conditions, électrolyse du milieu. Il en résulte que, pour peu que le courant soit intense, on a au pôle positif une réaction fortement acide, tandis qu'au pôle négatif s'accumulent les bases et Tamnioniaque. Il y a par suite stéri- lité du milieu, et il peut y avoir mort des bactéries. L'action est particulièrement plus énergique au pôle positif, grâce à l'acidité du milieu. Ce fait a été retrouvé par Apostoli et Laquerrihire, qui étudièrent le phénomène surtout au point de vue des applications médicales; par Proghnovigk et Spaeth; par Kruger. Enfin, jusqu'à présent, il a été pour ainsi dire impossible de déterminer exac- tement l'action des courants continus sur les bactéries. On n'a fait que déterminer des modifications chimiques de milieu qui ont consécutivement réagi sur les ferments. Avec les courants alternatifs on n'a pas obtenu non plus de résultats extrêmement satisfaisants. Il est, en effet, bien peu probable qu'une culture placée à l'intérieur d'un solénoïde puisse subir grande influence de la part du courant qui le traverse. Ch. Richet a montré qu'en faisant passer dans un liquide fermentescible de très forts courants d'induction, capables de tuer les têtards qu'on mettait dans le liquide, on ne changeait rien aux évolutions des ferments organisés (ferment lactique, ferment ammoniacal, putréfaction). D'Arsomval et Chabrin ont étudié l'action exercée par les courants de haute fréquence sur les bactéries, en particuliersur le Bacille pyocyanoyène. La culture est placée à l'inté- rieur d'un solénoïde parcouru par un courant donnent 800 000 oscillations à la seconde. Au bout d'une heure, la couleur de la culture seule est légèrement changée. Si la durée de l'action est suffisante, il y a obstacle à la prolifération des germes, et même arrêt com- plet. L'action varie aussi en fonction de l'énergie électrique dépensée. Spilker et Gottstein ont cru observer dans de semblables conditions que les bacilles mouraient rapidement. Cependant Friedenthal, reprenant ces expériences, n'a obtenu aucun résultat. Opper- MANiN a montré que l'action de l'électricité se traduisait peut-être par l'action de l'ozone produit. Il est arrivé à détruire, à l'aide d'un courant d'ozone, les microbes contenue dans un liquide, tandis qu'il lui était impossible de le faire pour des microbes répandus sous forme de poussières sèches. Il en conclut que la quantité approximative de microbes contenus dans une eau n'a aucune influence sur la quantité d'ozone nécessaire pour la stériliser; tandis que, plus une eau est souillée, plus la quantité d'ozone doit être forte. Ces résultats ont été utilisés industriellenient par ïyndall, pour purifier les eaux du Vieux Rhin à Ondshoorn, près de Leyde. Après une action d'une demi-heure à peu près, l'eau est complètement stérilisée, ou plutôt il n'y reste que quelques bacilles, non patho- gènes, des genres les plus résistants, tels que B. subtUis. Production de lumière par les microbes. — Un grand nombre de phénomènes de phosphorescence sont dus à la présence de microrgauismes producteurs de lumière. C'est ainsi que la phosphorescence de la mer, la phosphorescence observée sur des débris de poisson ou de cliair musculaire, appartiennent à des phénomènes de fermenta- tion particulière, à des microbes photogènes. MiciiAELis montra que l'eau de mer phosphorescente gardait sa propriété même après filtration sur papier tin, mais non après tiltration sur papier d'imprimerie. La matière phosphorescente n'était donc pas dissoute, mais composée de particules très petites en suspension dans le liquide. Pflûger observa sur une tête de morue un mucus lumineux qui lui parut être formé au microscope de petits granules, tantôt isolés, tantôt associés à deux ou à plusieurs. La présence de l'oxygène était nécessaire à la production de la phosphorescence. Le phénomène lumineux disparaissait quand la matière organique entrait en putréfaction. Coiin donna au bacille hypothétique producteur de lumière le nom de Micrococcm phosphoreux. Lassar reconnut que la viande de porc présentait parfois desHueurs, et que l'apparition de ce phénomène était concomitante de la présence de microcoques. Pflûger et Lassar démontrèrent l'un et l'autre que la présence du sel était indispensable au développement du bacille phosphorescent. Lud-vvig put faire déve- lopper sur de la viande fraîche des microcoques recueillis sur de la chair de poisson lumineuse. Nuesch étudia la phosphorescence de la viande ordinaire, et appela le bacille, auquel il en attribua la cause, Bacterium lucens. Giaru a étudié un certain [nombre de bactéries phosphorescentes, et a montré que c'était à elles qu'est due la maladie photo- gène de certains Crustacés. Ou connaît encore le bacille indien phosphorescent de DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. -4 370 FERMENTS — FERMENTATIONS. Fischer, apporté des Indes par cet auteur, le Bacterium -phosplioiescens de Hermès, le bacille de Forster, le bacille indigène de Fischer trouvé dans le port de Kiel, etc. La nature de la lumière varie avec chaque microbe; le bacille de Fischer donne une lumière vert bleuâtre; le bacille de Hermès, une lumière vert émeraude; le bacille indien de Forster, une lumière presque bleue. C'est ce microbe que l'on rencontre dans la phos- phorescence en masse des mers des tropiques, appelée mer de lait par les marins. L'examen spectroscopique de la lumière émise par les bactéries a été fait par LuDwiG d'abord, qui a observé dans le Micrococcits Forsteri un spectre continu compre- nant la presque totalité des radiations lumineuses (tout au moins la partie gauche jusqu'à la raie b). Forster a obtenu avec le bacille indien un spectre s'étendant de l'orangé au violet moyen. La lumière produite jouit de propriétés chimiques assez marquées, puisque l'on a pu obtenir des épreuves photographiques (Forster). R. Dubois a pu obtenir la photographie de pièces de monnaie enveloppées dans du papier dans les mêmes conditions qu'avec les rayons Rœntgen, avec la lumière émise par des photobactériacées lumineuses. La température exerce naturellement, comme dans tous les phénomènes de la vie cellulaire, une influence prépondérante sur le dégagement de lumière par les microbes. La température optimum à laquelle se développe la phosphorescence varie pour chaque bacille lumineux. TEMPÉRATURE MINIMUM TEMPÉRATURE arrêtant la pliosphorescence. optimum. M. Forsteri (Ludwig) encore lumineux à 50" Bacille indien de Fischer lo" 20°-30°. Bacille phosphorescent (Hermès,. . . 6°-10°. Bacille indigène de Fischep. 5 à 10° De l'autre côté de l'échelle une faible élévation de chaleur fait perdre leur pouvoir photogène aux microbes phosphorescents. C'est ainsi que \e Micwcoccu^ Forsteri (Ludwig) s'éteint momentanément à 39'^, définitivement à 47 '^ ; le bacille de Fischer s'éteint à 40° ; le bacille de Forster, à 32°. Les milieux de culture sont assez variés; mais en général on les cultive de préférence sur de la gélatine en présence de sel. En effet, le phénomène de phosphorescence exige, pour la plupart des microbes connus, la présence d'une certaine proportion de sel, et pour tous la présence de l'oxygène. L. Tchougaïev en particulier a observé que les bac- téries phosphorescentes de la mer ne peuvent se développer que dans des milieux con- tenant au moins 3 à 4 p. 100 de sel marin, ou tout autre sel dont la solution serait isoto- nique de celle-ci. La concentration du glucose dans un milieu nutritif qui en renferme a aussi sur la vitalité des bactéries une influence considérable. Le mécanisme de la phosphorescence dépendrait, d'après R. Dubois, de l'existence d'une diastase particulière, la luciférase, pour l'étude de laquelle nous l'envoyons aux paragraphes suivants (p. 389i, et à l'article Lumière. Action des microrganismes les uns sur les autres. — Les ferments organisés peuvent réagir les uns sur les autres, soit parce qu'ils sécrètent des produits toxiques pour d'autres espèces, soit parce que, dans la lutte qu'ils soutiennent pour leur alimen- tation, les plus vigoureux résistent mieux, et consomment les aliments nécessaires. Le second mode d'action est de beaucoup le plus fréquent; c'est ainsi que VAspergilhis niger se développe seul sur le liquide de Raulin, parce que ce milieu lui est éminem- ment favorable, et que dans ces conditions il peut lutter victorieusement contre tous les autres microrganismes. Ceux-ci se développent mal, très lentement, et par suite dispa- raissent sous l'envahissement de l'hyphomycète. Un autre exemple très frappant de l'action exercée sur un mélange de deux ferments par la plus grande vitalité de l'un des deux sur l'autre, est l'influence exercée par le bacille pyocyanique sur la levure [de bière (d'Arsonval et Charrin). La fermentation alcoolique est 'arrêtée quand la température est de 37°; elle n'est pas influencée, ou à peine ralentie, quand la température est seulement de 10° (le bacille est cultivé sur bouillon et additionné d'une solution sucrée). „ Ce ne sont pas les produits sécrétés par le bacille pyocyanique qui arrêtent l'activité FERMENTS — FERMENTATIONS. 371 de la levure et empêchent le dédoublement du sucre en alcool et acide carbonique, ce sont les bacilles eux-mêmes. Au contraire, les produits solubles sécrétés par le bacille pyocyanique en l'absence de tout ferment pathogène organisé semblent activer le déve- loppement de la levure de bière, et par suite la fermentation. La levure sucrée, renfer- mant une culture stérilisée de bacille pyocyanique, fermente plus activement que la même levure pure. Le bacille pyocyanique entrave la fermentation pendant huit ou dix heures. Au bout de ce temps, la levure exerce très lentement son action. D'Arsonval et Charrin ont montré que la cause de cette reprise de la fermentation alcoolique tenait à ce fait, que le bacille est fortement aérobie, et que la levure, en absorbant l'oxygène, le met peu à peu dans un état d'infériorité qui permet à la levure de triompher. On peut arrêter de nou- veau la fermentation alcoolique en introduisant dans le milieu où se fait la culture une certaine quantité d'air. L'action d'arrêt de la levure n'a pas lieu quand le bacille est atténué, et lorsqu'il a cessé d'être pathogène, mais elle est indépendante des fonctions pigmentaires ou chro- mogènes. Les produits solubles sécrétés par un microbe sont souvent extrêmement toxiques pour d'autres. Il n'y a en effet pas de raisons pour que les cellules végétales résistent autrement que les cellules animales à l'action des toxines. Elles produisent là aussi des modifications profondes du protoplasma cellulaire, modifications qui sont relativement faciles à observer chez les Infusoires. Hafkine, en 1890, a découvert qu'un milieu nutritif pouvait, après avoir servi de bouillon de culture à certaines espèces, devenir toxique pour d'autres. Dans une eau naturelle pauvre en matière organique, il observait certains Infu- soires et autres microrganismes; dans une infusion artificielle, il plaçait au contraire quelques Paramécies. Les deux liquides étant mélangés, on voyait périr les organismes du deuxième milieu, tandis que ceux du premier survivaient. Les phénomènes qui accompagnaient la mort étaient la dégénérescence, l'hydratation du protoplasma, et le gonflement cellulaire. Cette action est indépendante de la concentration du liquide; par suite ce n'est pas une conséquence de phénomènes de plasmolyse, et c'est là nette- ment une action produite par des substances en dissolution sécrétées par des orga- nismes. On peut encore citer dans le même groupe de phénomènes l'action des toxines sécrétées par le Bacillus pyocyaneus, qui arrêtent le développement du bacille du charbon. Formule chimique d'une fermentation. — Il est presque indispensable, pour étudier une fermentation, de représenter par une formule chimique les transformations de la molécule de la substance en fermentation. Lavoisier le premier rechercha quelles pouvaient être les quantités de gaz carbo- nique, d'alcool et d'acide acétique, produites dans une fermentation alcoolique. 11 montra que le poids de ces substances représentait à très peu près le poids du sucre mis en œuvre. Bien que des erreurs se fussent introduites dans son interprétation, l'équation de Lavoisier conduisit Gay-Lussac et Thénard, puis Dumas et Boullay, à la véritable repré- sentation de la fermentation alcoolique, à ce que l'on est convenu d'appeler la formule de la fermentation. Pasteur a repris l'étude des proportions de substances que l'on obtient par la fer- mentation alcoolique. En 1860, il montra que l'on obtenait non seulement de l'alcool et de l'acide carbonique, mais encore une certaine proportion de glycérine, d'acide succinique, de cellulose, et de matières indéterminées. Pasteur essaya alors de chercher quelle était la formule vraie de la fermentation alcoolique répondant aux chiffres de ses analyses : 9e%998 de sucre candi ont donné : Alcool absolu 5,100 Acide carbonique 4,911 Glycérine 0,340 Acide succinique 0,065 Cellulose et malièi'es iudo terminées. 0,130 Total. . . 10,546 372 FERMENTS — FERMENTATIONS. Or ge^OOS de sucre candi, de formule C'-H-O'S représentent par tixation d'une molé- cule d'eau 108^524 de sucre fermenlescible C^H'-O*^. La difîe'rence entre ce chiffre théorique et le chilfre expérimental est donc de 0,022. Tandis que pour Gay-Lussac et Lavoisier la formule de la fermentation alcoolique était : C12H24012 = 4C2H60 + sCO^ pour Dumas et Boullay, elle était : (1) C12H22011 + H20 = ,vC2H60 + 8C02 Pour Pasteur, il faut en plus introduire l'équation de transformation du saccharose en acide succinique, glycérine et acide carbonique, soit approximativement : (2) 49C12H22011 + 109H2O = siCSHfO'" + iuC3HS03 + C0CO2 Acide succinique. Glycérine. On ne tient, dans ce cas, pas encore compte de la production de cellulose. Il faut, en outre, savoir dans quelles proportions les équations (1) et (2) sont reliées l'une l'autre. Or Pasteur a montré que 100 grammes de sucre en se détruisant donnent : Alcool S 1,10 Acide carbonique. . . 49,20 Glycérine 3,40 Acide succinique ... 0,65 Cellulose etc 1,30 Donc l'équation (2) donnera : Glycérine 3,607 Acide succinique . . . 0,760 Acide carbonique. . . 0.708 Pour 4s'', 50 de sucre candi. Dans 100 grammes de sucre il y a donc très sensiblement 9dS'",5 qui se dédoublent suivant l'équation (1) et 4s^",Iî suivant l'équation (2). La fermentation alcoolique totale est ainsi représentée par 21 fois C'-H--0'^ transformé en alcool et acide carbonique et 1 fois Q12H22Q11 tranformé en glycérine, acide succinique et acide carbonique. On peut rapprocher de la levure de bière VEurotiopsis Gayoni, qui, en culture anaéro- bie, donne aussi naissance à de l'alcool, de l'acide carbonique, de l'acide succinique, de la glycérine (Laborde), de la cellulose, et d'autres produits qui se fixent dans le tissu de la plante. Nous pouvons ainsi comparer VEurotiopsis et la levure. Eurotiopsis Gayoni. (Laborde). Alcool 46,4 Acide carbonique. . . 44.4 Acide succinique. ... 2,3 Glycérine 1,8 Poids de plantes. ... 4 à 5 Une plus grande quantité de substances fermentescibles est employée k produire les tissus vivants de la plante. La même formule va représenter la glycérine et l'acide succinique formés, mais il y aura un plus grand rapport entre l'équation (1) et l'équation (2). Il y a en effet 3 grammes de sucre seulement qui fermentent suivant (2) pour 97 fer- mentant suivant (1). Soit 32 fois C'^H^-O'^ transformé en alcool et acide carbonique pour 1 fois C'-H--0" transformé en glycérine, acide succinique et acide carbonique. Les formules générales représentant la fermentation du saccharose par la levure de bière et i'Eurotiopsis Gayoni seront donc, en négligeant complètement le poids déplante formé : pour la levure : 539 C12H22011 + 569 H2O = 2 0o8 C^HeQ + 12 C^HCG'. + 72 C^RSO^ + 4146 CO2. pour ÏEurotiopsis Gayoni : 539 C12H22011 + 559 H^O =2091 C2H60 + S C^HCOV + 4S Cm»0'' + 4 201 GO2. FERMENTS — FERMENTATIONS. 373 L'existence de ces deux formules montre donc bien la difTérence entre les deux fermentations. La production d'un ou plusieurs alcools dans une fermentation peut être accompagnée de la production d'un ou plusieurs acides gras. Tel est le cas du Bacillus orthobutyikus de Grimbert, qui donne naissance, en faisant fermenter le glucose, le saccharose et un cer- tain nombre d'autres sucres, à de l'alcool butylique normal avec un peu d'alcool isobu- tylique, à de l'acide butyrique normal, à de l'acide acétique, avec des traces d'acides lactique et formique, ù de l'acide carbonique et à de l'hydrogène. Le phénomène est donc très complexe, et Duclaux l'a suivi de très près dans la discus- sion de la formule établie de la façon suivante : La fermentation du glucose, par exemple, peut donner des quantités variables de pro- duits suivant le moment même où l'on considère la fermentation. Ainsi le rapport de l'hydrogène à l'acide carbonique dégagé sera : Du l" au 4» jour 1,16 Du 4= au 13" jour 0,34 Du 13° au 22" jour 0.28 La moyenne totale étant. , . 0,50 La quantité d'hydrogène diminue donc par rapport à la quantité d'acide carbonique. De même, si nous étudions les quantités de matières liquides obtenues, nous voyons que l'alcool butylique reste stationnaire on augmente, tandis que l'acide butyrique décroît, ainsi que l'acide acétique. Il s'est formé dans un cas par la fermentation de i gramme de sucre : ALCOOL BUTYLIQUE. ACIDE BUTYRIQUE. ACIDE ACÉTIQUE. Au bout de 1 jour — de 4 jours — de 16 _...;.. milligr. 93 295 329 milligr. 245 0 0 miUigr. 231 85 9i Si l'on [laisse la fermentation s"e(fectuer en présence de craie, la quantité d'acide diminue moins rapidement : ALCOOL BUTYLIQUE. ACIDE BUTYRIQUE. ACIDE ACÉTIQUE. Après 1 jour — 4 jours — 16 — — 8 mois milligr, 15 39 69 108 milligr. i64 423 405 275 milligr. 313 114 110 46 On voit donc que l'alcool butylique continue à se produire pendant toute la fermen- tation, tandis que la formation d'acides gras s'arrête ; et que même ces corps disparaissent. L'alcool butylique ne peut se former que d'après la formule suivante : 2C6H1206 = 2Cm90H + 2C02 + H20 («) 11 peut se former aussi une certaine proportion d'acide butyrique avec dégagement d'hydrogène parla fermentation du sucre : C6Hi206 = C3H^C02H + 2C02 + 4H (à) Enfin la formation d'acide acétique doit se produire, soit aux dépens du sucre, soit aux dépens de l'acide butyrique en présence des éléments de l'eau : C6H120 ' + 2H20 = 2CH3C02H + 2C02 + 4H (c) C3H 'C02H + 2H20 = 2CH3C02H + -iH (C) 374 FERMENTS FERMENTATIONS. Soit enfin, par suite d'une fermentation spéciale du sucre donnant naissance à de l'acide butyrique, de l'acide carbonique et de l'eau, ces deux derniers termes s'unissant pour former de l'acide acétique : 5C6H1206 = C3H'C02H + 2C02 + 4H ou : 5C6H1206 =5C3H'C02H + 14G02 + 16H|_4^6C02 + 4H (rf) |2CH3C02H + 4H20 | Ces formules représentent donc chacune un des phénomènes élémentaires de la fermen- tation; elles peuvent en se groupant différemment produire l'équation totale, etc. Chaque fermentation en particulier va répondre à une formule spéciale suivantj la quantité de sucre en expérience, la présence ou l'absence de craie, la durée de la fermentation, etc. Ainsi une solution à 3 p. 100 de glucose a fermenté en vingt jours en donnant pour i gramme de sucre : milligr. 20a 185 Alcool butylique. Acide butyrique. Acide acétique. ... 84 ce qui correspond à : 8CCHi206^4Cm90H + 3C3H'C02H + 2CH3C02H + I6CO2 + 2H20 + 20H comprenant par suite deux fois la formule de la formation de l'alcool butylique («), trois fois celle de la formation de l'acide butyrique (6), une fois celle delà formation de l'acide acétique (c). La formule totale F est donc : F = 2a + 3i + c. Dans un autre cas on a trouvé, dans la fermentation d'une solution à 2,4 p., 100 de glucose, pour 1 gramme de sucre : Alcool butylique Acide butyrique. Acide acétique, ce qui correspond à : 706111206 = 2C'^H90H + l^C-iWCOm + 2CH3C02H + IOCO2 + 4H20 + 4H comprenant une fois la formule de la formation de l'alcool butylique (a) et une fois celle de la formation des acides butyrique et acétique (d), F = a + d FiTZ a fait fermenter la glycérine, la mannite et le saccharose par le Bacilhis butylicus, voisin du B. orthobuty lieux, et obtenu les produits suivants : grammes. 0,110 0,3.51 0.09.5 100 GRAMMES DE GLYCÉRINE. 100 GRAMMES DE MANNITE. 100 GRAMMES DE SUCRE INTERVERTI. Alcool butvlique irramnie^. 8,1 n,4 3,4 35,4 0,4 0.01 grammes. 0,0 42,5 0.3 traces. Triméthylèneglycol Mais l'élude de la fermentation par ce bacille a été encore trop incomplète pour per- mettre l'établissement d'une formule. Nous allons encore trouver un exemple de variations dans les fermentations en étu- diant les phénomènes que détermine le Bacille amylozyme. Le bacille amylozyme de Perdrix fait fermenter le glucose en présence de carbonate de chaux, en donnant naissance à de l'hydrogène, de l'acide carbonique, de l'acide acé- tique et de l'acide butyrique. Les milieux de culture étaient formés de : Sucre fcrnieiitesciblo. . . 3 Peptone sèche 2 Eau 100 Carbonate de chaus. . . Q. s. FERMENTS FERMENTATIONS. 375: Perdrix a étudié dans ces conditions la marche de la fermentation; et les nombres qu'il a obtenus sont les suivants : 850 C. C. BOUILLON DE VE.\U A If'. 9.5 GLUCOSE P. 100 ADDITIONNÉ DE 10 GRAMMES CO^Ca PULVÉRULFNT. Volume des gaz dégagés. Acide carbonique provenant de la décomposition du carbonate de chaux. Hydrogène. Acide carbonique. 36 heures après rensemencemeiit. 48 — - — 3 jours — — (FermentatioQ achevée depuis deux jours.) c. c. 1 200 2 640 3 60O 5 340 c. e. .jIO 1480 2410 4 080 120 365 625 iOlO CO2 30 H CO2 64 ~^36 H 60 CO2 ~40 H _o6 ~ ii La simple observation de ce tableau montre que la fermentation n'est pas régulièi'e. Au début, la production d'hydrogène est plus abondante qu'à la fin. Le rapport du volume de l'hydrogène et de l'acide carbonique va constamment en diminuant : Au bout de 36 heures. — 48 heures. — 3 jours. . — 9 jours. . (Fermentation terminée depuis 2 jours.) Les variations dans la production des acides gras sont aussi assez considérables. Perdrix a trouvé, dans le ballon déjà étudié plus haut, et renfermant 16sr,6 de glucose : grammes. Acide acétique. . . 1,175 — butyrique . . 6,685 Ce qui donne pour l'ensemble de la fermentation : grammes. Hydrogène 0,47 Acide carbonique. . . 8,04 — acétique . . — butyrique . répondant à une formule : (a) 46C6H1206 + 18H20 = 225H + 9400^ + 15C3Hi02 + 38G^H'^Oi. Or Perdrix a mesuré aussi les quantités de substances produites dans une culture arrêtée au troisième jour, et il a trouvé : 1,775 6,685 pour 165%6 de glucose employé. CULTURE ARRÈTKE AU 3' JOUR. CULTURE TERMINÉE. DIFFÉRENCE. Hydrogène Acide carbonique. . . . — acétique — butyrique gr. 0,32 \ correspondant 4,73 à 9SS6 1,77 ( de sucre 3,71 ) employé. o'a] ) correspondant An-} àl6s%6 l^Ill de sucre. gr. litres. On voit donc que, dans la dernière partie de la fermentation, il n'y a plus production d'acide acétique, et que, dans ce cas, il y a volumes égaux d'hydrogène et d'acide carbo- nique produits. 376 FERMENTS — FERMENTATIONS. La formule de cette dernière partie de la réaction devient donc : (b) C6H1206 = 4H + 2C02 + CiH802,'' équation de la fermentaLion Ijutyrique. Au contraire, pour une fermentation d"une durée de trois jours, Perdrix était arrive' à l'expression : (c) o3C6Hi20« + 42H20 = 312H + 114C02 + SOC^H^Oa + 36C4H802. Si l'on retranche des expressions (a) et (c) la formule (6) de la fermentation butyrique, on voit que [a] la renferme trente-huit fois et (c) trente-six fois. Étudions d'abord les transformations de (a) : («) 38[C6H»206 = 4H -1- 2C02 + C^H802] 8C6H1206 + 18H20 = 72H + 18C02 + 15C2HiO'^. Mais, dans la deuxième formule, on peut remplacer le glucose en fermentation par les produits mêmes de la fermentation butyrique : 8[C'>H802 + 2C02 + 4H] + 18H20 = 72H + 18C02 + 15C2Hi02 C6H1206 La fermentation totale peut donc être représentée par 46C6H1206 + 18H20 = 38 [C*H802 + 2C02 + 4H] -fl 8 [C^H802 + 2C02 + 4H] + ISHSQ [ ■^ ; I ) h 18C02-l-'/2H j Dans la fermentation arrêtée au bout de trois jours la formule va devenir : , , ( 36[C6Hi206 = 4H-f2C02-i-C4H802] ^^' ( 17C6H1206 + 42H20=:168H + 42C02 + 30C2HiO2 et en remplaçant 17 C«H'20« par sa valeur en acide butyrique il vient : ,,, l 36[C6Hi206 = 4H + 2C02-t-.CiH802] ^"^ I 17[4H -f- 2C02 + CiH802] + 42H20 = 16SH + 42C02 + 30C2HiO2 et la fermentation au bout de trois jours devient donc : 53C';Hi20« + 42H20 = 36 rC^H802 + 2C02 + 4H] + |t7 [C>H802 + 2C02 + 4H] + iiU^ç^ \ I 30C2HiO2 + 42CO2+ 168H| La fermentation du saccharose sous linfluence du bacille amylozyme varie aussi avec la durée de la fermentation, ainsi que le montrent les chiffres suivants : FERMExNTATION ARRÊTÉE AU BOUT de 5 jours. fermp:ntation terminée (11 jours). DIFFÉRENCE. Quantité de sucre ayant fermenté. Hydrogène. .... grammes. 1,18 0,031 0,610 0,139 0,526 prainnips. 2,44 0,059 1,24 0,142 1,180 grammes. 1,26 0,0285 0,630 0,003 0,654 Acide carbonique — acétique. ... . . . . — butyrique Ainsi la fermentation totale du saccharose est représentée par : 30C12H22O11 + 34H2O = 240H + 116C02 + 10C2H^O2 + mC^R^O. La fermentation pendant les cinq premiers jours correspond à l'équation : 39Ci2H2^0'i + 59H20 = 344H + 152G02 + 26C2H102 -|- 68CIH8O2. Et enfin les chiffres correspondant à la dernière période répondent à l'équation : C12H220" + H20 = 8H + 4C02 + 2C*H802.' FERMENTS — FERMENTATIONS. 377 Nous pourrions appliquer à ces formules les mêmes considéralious que plus haut, ce qui nous montrerait le bacille amylozyme déterminant la fermentation butyrique du sucre; sur cette fermentation vient se greffer consécutivement l'hydratation de l'acide formé, et sa transformation en acides acétique, carbonique et hydrogène. Nous trouverions des résultats identiques en étudiant les quelques fermentations où une telle discussion a pu être faite, c'est-<à-dire le Bacillus ethaceticus (Frankland), le ferment mannitique (Gayon et Ddbourg), le pneumo-bacille de Friedlander, etc. DEUXIÈME PARTIE Les Ferments solubles. On a donné le nom de ferments solubles, diastases (Pasteur, 1876), zymases (Bkchamp, 1860), enzymes (KuhiNE, 1878), à des substances inanimées, capables de produire des actions identiques aux phénomènes de fermentations provoqués par les ferments orga- nisés. Il est extrêmement probable, d'ailleurs, que les ferments organisés ne déterminent toutes les transformations qu'ils produisent que par la sécrétion de ferments solubles. Les propriétés générales des diastases sont en grand nombre; mais il est 'néanmoins extrêmement difficile de les définir, car ces propriétés sont ou trop mal définies, ou communes à un grand nombre d'autres matières chimiques. La composition chimique en est mal connue, pour ne pas dire inconnue, car on n'a jamais obtenu que des précipités très impurs, jouissant de propriétés diastasiques; mais rien n'autorisait à affirmer la proportion de ferment pur qu'ils renfermaient. Les diastases très impures ainsi obtenues contiennent du cai'bone, de l'oxygène, de l'hydrogène et de l'azote, quelquefois du chlore, du soufre, du phosphore, avec une certaine proportion de cendres. Dans un tel ensemble, il est impossible de dire ce qui revient aux ferments solubles, et ce qui revient aux impuretés qui les entourent. Si une définition reposant sur la constitution chimique des diastases était possible, il faudrait l'adopter; mais on ne peut y songer actuellement. D'autre part, l'action dias- tasique est une propriété parfaitement définie et sur laquelle on pourrait s'appuyer pour donner une définition : les diastases sont des substances qui ont pour propriété de déter- miner, sans se détruire, des fermentations dans les milieux organiques où elles sont placées, la quantité de substance en fermentation étant, pour ainsi dire, illimitée et hors de proportion avec la quantité de ferment soluble employé. Mais un grand nombre de substances chimiques bien définies ont des propriétés identiques, par exemple, l'action des acides très dilués sur l'amidon, sur les graisses, etc., est comparable à ce point de vue à l'action des ferments solubles. On pourrait, pour compléter l'énoncé des caractères qui limitent la classe des dias- tases, faire entrer en ligne de compte l'action de la chaleur qui les détruit, l'efTet des antiseptiques qui n'empêchent pas leur action, l'inlluence de certains poisons qui l'arrêten' au contraire'; cependant ces propriétés ont été encore retrouvées dans un certain nombre d ! produits artificiels qui ont paru être doués de propriétés identiques à celles d'un ferment soluble. C'est ainsi que les métaux, à un état de division extrême, semblent avoir des pro- priétés fermentescibles. Une très petite quantité de platine en solution colloïdale est une véritable oxydase et détermine facilement la décomposition de l'eau oxygénée (1 gramme de platine dans .300 000 litres d'eau). Il existe pour le platine colloïdal, comme pour les oxydases ordinaires, une température optimum. Le platine colloïdal rougit l'aloïne et bleuit le gaïac. Son pouvoir est augmenté par suite de l'addition de faibles proportions d'alcalis, tandis qu'il est diminué lorsque les proportions sont fortes. Enfin, on a remarqué de grandes analogies entre le platine colloïdal et les diastases, quant à la manière dont ces deux corps se comportent en face de certains poisons tels que l'acide cyanhydrique. Il reste, pour définir un ferment soluble, la ressource de s'appuyer sur l'origine même de ces ferments, en même temps que sur la totalité' des propriétés que nous venons d'indiquer. Ils sont produits par les organismes vivants, animaux ou végétaux, pour déterminer des transformations chimiques utiles à la nutrition ou à la défense de 378 FERMENTS FERMENTATIONS. ces organismes; ils agissent en particulier sur les aliments afin de les rendre assimi- lables, ou même afin de les transformer dans l'intérieur de la cellule pour donner nais- sance à un dégagement d'énergie, de chaleur, etc. La définition totale d'un ferment soluble sera donc pour nous : Un corps de nature indéterminée, probablement organique, sécrété par les êtres vivants et susceptible de déter- miner la transformation de substances organiques dont la quantité est presque infinie par rapport à la masse de ferment. Ces transformations ou fermentations sont influencées par la chaleur, par les agents physiques 'et par quelques poisons; elles ne sont pas n&anmoins arrê- tées par les antiseptiques. Les noms sous lesquels on désigne chaque ferment ont été, tout d'abord, pris un peu au gré de l'auteur qui l'avait isolé. Ainsi ont été donnés les noms de diastase, invertine, émulsine, papdine. Actuellement, avec Duclaux, on donne aux ferments solubles le nom du corps sur lequel agit tel ou tel ferment, et on termine par la désinence ase. Ainsi amy- lase est le corps qui agit sur l'amidon, swcrase sur le sucre, casértse sur la caséine] : il faut garder néanmoins les noms consacrés par l'usage, tels que pepsine ou ptyaline. Composition chimique des ferments solubles. — Quel que soit le mode de pré- paration employé pour isoler les ferments solubles, on n'a jamais obtenu que des pré- cipités dont rien ne pouvait déterminer l'état de pureté, et cela seulement encore pour un très petit nombre de ferments. On a néanmoins analysé ces précipités, et un certain nombre d'auteurs ont indiqué les résultats de ces analyses. On a beaucoup cherché à déterminer la nature même de la substance organique, sans arriver, d'ailleurs, à autre chose qu'à émettre des hypothèses peu probables. La nature des cendres avait été laissée complètement de côté, jusqu'à ce que Bertrand ait constaté la présence du manganèse dans les cendres de la laccase. Il a montré que la fonction oxydase semblait liée à la présence de ce corps. D'autre part, les diastases coa- gulantes exigent, pour agir, la présence d'un alcalino-terreux. Le fer semble jouer, dans le sang, un rôle fondamental dans les phénomènes chimiques qui s'y passent. Il y a donc lieu de croire, étant données surtout les propriétés que possèdent les métaux dans cer- tains cas, que le phénomène de fermentation diastasique est intimement lié à la présence des métaux. Composition élémentaire des ferments solubles. NOM des FIÎKMENTS. 5 m < z c c H O N < K O «5 ai o 'il eu « ai a O AUTEURS. Amylaso.. . ,, ,, 7 ;i 8 „ „ „ DUBRUNFAUT. — 40,24 6,78 4,70 0,70 l,4;;i ), 4,60 Jkgoroff. — 4o,68 6,90 4,57 » » 6,08 Krauch. — 44,33 6,38 8,92 » 1,12 » 4,79 LiNTNER. — 46,80 7.44 9,98 ., .. » 1,14 SZILAGYI. — 45,. 57 6,49 5,14 > » >. 3,16 ZULKOWSKI. — 45,80 6,90 3,96 » » 2,10 — 46,20 'h 8, 00 7,60 7,50 4,54 6,01 » " 4,20 4,10 ^^'RO^^LF.\VSKI. — 50,10 7,20 8,13 >, ), 1,20 Siicrase . . . » >, 4,30 „ „ „ ), M AVER. — 40,.50 6,63 9,41 » „ „ » DONATH. — 43,90 8,84 6,00 0,65 » >, » Barth. Emulsine. . 48,80 7,10 14,20 1,3 ,, „ >, SCHMIDT. — 43,06 7,20 11,52 1,25 „ „ » I^ucKi.AND Bull. Pepsine . .. 50,37 50,71 6.88 7,17 14,5.-; 15,0 1,35 1,24 0,98 0,89 1,16 1,01 " M"'-ScnOUMOFF. M"'" SCHOUMOFF. Papaine.. . 52,36 7,37 16,94 >, » >, 2,60 WURTZ. 52,19 7,12 16,40 >' " 4 22 WURTZ. FERMENTS — FERMENTATIONS. 379 Classification des diastases. — La classification des diastases ne pouvant reposer sur leur constitution chimique, puisqu'elle est inconnue, on doit s'appuyer pour l'éta- blir uniquement sur les réactions auxquelles ces corps donnent naissance. D'autre part, aux diastases viennent s'ajouter presque nécessairement les toxines, les agglutinines, etc., tous corps dont la fonction est encore si mal déterminée qu'elle rend presque impossible une méthode exacte qui puisse guider dans le groupement. Un troisième ordre de faits vient aussi troubler le cas le plus simple où l'action chi- mique produite semble nettement déterminée. C'est la réversibilité d'un grand nombre de phénomènes diastasiques. Les réactions produites par la maltase, la lipase, seraient dans ce cas. D'autres fermentations sont donc susceptibles d'avoir les mêmes propriétés. Parmi tous les auteurs qui ont cherché à classifier les diastases, nous n'en citerons que deux. BouRQUELOT, OU s'appuyaut uniquement sur la nature des corps sur lesquels agissent les diastases, a proposé la classification suivante : 1° Ferments solubles agissant sur les hydrates de carbone : a) Invertine, maltase, lactase, tréhalase, agissant sur les sucres; b) Diastase, inukise, pectase, cytase, agissant sur les amidons. 2° Ferments solubles dédoublant les glucosides : émulsine, myrosine, rhamnase et érythrozyme. 3° Ferments protéoly tiques exerçant leurs actions sur les matières albuminoïdes : pepsine, papaïne, trypsine, présure, plasmase. 4° Ferment de l'urée : iiréase. 3° Ferments saponifiant les matières grasses : lipases, 6° Ferments solubles pathogènes. DucLAUX classe les diastases de la façon suivante, d'abord d'après les actions qu'elles produisent, et en second lieu d'après les matières sur lesquelles elles agissent : 1° Diastases de coagulation, et de décoagulation provoquant des changements d'état phy- sique, et ne paraissant pas influencer notablement la structure chimique de la molé- cule. Rentrent dans ce groupe les diastases suivantes : o) Ferments agissant sur les matières albuminoïdes : a) Coagulants : Présure, déterminant la coagulation de la caséine du lait. Plasmase — — de la fibrine du sang. P) Décoagulants : Caséase, dissolvant la caséine en rendant ses solutions limpides; antagoniste de la présure. Fibrinase, s'opposant à la coagulation de la fibrine; antagoniste de la plasmase. „ ^' . I déterminant la liquéfaction et la solubilisation des matières albu- Pepsme ■ i ^ ' mmoides. Papaine ] 6) Ferments agissant sur les matières ternaires et les hydrates de carbone, ferments mal connus et en petit nombre. Pectase, ou ferment déterminant la coagulation et la gélification des sucs de certains fruits. Cytase, déterminant la liquéfaction des parois cellulosiques des cellides végétales. 2° Diastases d'hydratation et de déshydratation provoquant des dédoublements par fixa- tion sur la molécule scindée en deux parties des éléments de l'eau dissociée en ses ions, hydrogène et hydroxyle. Les diastases de déshydratation paraissaient bien peu nombreuses quand on a démontré la réversibilité de deux ferments solubles hydratants, la lipase et la maltase. Ce fait semble montrer que, comme dans le cas précédent, il y a possiblité de deux actions diastasiques de signes contraires : a) Ferments agissant sur les matières albuminoïdes : Lapepsine, la trypsine et la. papaïne du groupe précédent rentrent dans celte famille. Uréase agissant sur l'urée et la transformant en carbonate d'ammoniaque. b) Ferments agissant sur les matières hydrocarhonées : a) Sur les matières amylacées : 380 FERMENTS — FERMENTATIONS. Am.^/ase, transformation de l'amidon en maltose-,mMtese, transformation de l'inu- line en lévulose. p) Sur les sucres : Sucrase du saccharose, ou hwertine, transformation du saccharose en glucose et en lévulose. Sucrase du maltose, ou maltase, transformation du maltose en deux molécules de dextrose. Sucrase du tréhalose, ou ;;é/(fl/flse, transformation du tréhalose en deux molécules de dextrose. Sucrase du lactose, oullactase, transformation du lactose en dextrose et en galac- tose. y) Sur les tri- et les polysaccharides, S) Sur les g-lucosides : Elles sont d'une très grande importance, par suite du nombre considérable de corps sur lesquels agit chacune d'entre elles : Émulsine, dédoublement de l'amygdaline, de la salicine, de l'hélicine, de l'arbutine, de l'esculine, de la coniférine, de la populine, etc. Myrosine, dédoublement de la sinigrine, de la sinalbine; etc. Rhamnase, dédoublement de la rhamnétine, et probablement aussi des autres dérivés du rhamnose frhamnotides). £i Sur les glycérides : Lipase, saponifiant les graisses et jouissant de la propriété de permettre au con- traire leurs synthèses: ' S" Diastases d'oxydation et de réduction qui fixent sur un corps une certaine quantité d'oxygène, empruntée soit à l'air, soit à des corps oxygénés. Dans ce dernier cas, l'action oxydante est accompagnée d'une action réductrice. a) Diastases oxydantes : Laccase, oxydation d'un grand nombre de corps par l'oxygène de l'air. Tyrosinase, oxydation de la tyrosine. lij Diastases réductrices ou hydrogénantes : Philothion, transformation du soufre en hydrogène sulfuré. 4" Diastases de décomposition efde recomposition provoquant de simples dédoublements d'une molécule, et la combinaison de deux molécules indépendantes sans l'intervention de l'eau. Le type de ce groupe, et presque le seul connu, est la zymase, dédoublement du glucose en alcool et en acide carbonique. Dans cette classitication ne rentrent ni les agglutinines, ni les lysines, ni les immuni- sities, présidant à des phénomènes complexes, généralement d'ordre pathologique, et plus mal connues encore, si possible, que les diastases. Diastases à phénomènes de décomposition et de recomposition. — Ce sont de beaucoup les phénomènes les plus simples : le ferment soluble semble n'agir que par sa seule présence, pour déterminer la destruction d'une molécule, et son ^dédoublement en deux corps de constitution plus simple. Le phénomène inverse se produirait, si deux corps rais en présence pouvaient, par simple addition, donner naissance à un troisième. Ces diastases longtemps inconnues ont actuellement un représentant d'une importance fondamentale, la zymase de Buchner. Elle existe dans la levure de bière, et c'est par suite de sa présence que se produit le dédoublement du glucose en alcool et en acide carbonique. C^H'-0*=:2C0- + sC-H^O. Elle avait été déjà entrevue et discutée par Traube, Clauoe Bernard, Berthelot. Traitbe, en 1838, formula nettement l'hypothèse de son existence, et Claude Bernard chercha à démontrer par des expériences publiées pos? mortem l'existence de cet enzyme. Pasteur repoussa au contraire toute intervention diastasique dans la fermentation alcoo- lique. II n'admettait que la seule intervention cellulaire. La diastase alcoolique existait pourtant. Buchner l'a isolée en mettant en liberté le contenu cellulaire des levures, par broyage et rupture des membranes. Le suc de levure, filtré ou non à travers une paroi poreuse, détermine dans une solution sucrée un rapide dégagement d'acide carbo- nique avec production d'alcool. Lorsque le suc est très actif, il contient une matière albuminoïde, incapable de traverser les bougies Chamberland, et qui coagule à 41°. Cette FERMENTS — FERMENTATIONS. 381 matière disparaît dans le suc à l'état de repos, sous l'influence du ferment protéolytique qui y est contenu (Wroblewsri). Diastases a phénomènes d'oxydation. — Les oxydases sont des diastases permet- tant la fixation d'oxygène sur des corps, qui, sans leur intervention, ne s'oxyderaient que très lentement, ou pas du tout. ScHôNBËiN avait réuni en un seul groupe tous les phénomènes dans lesquels on observe le bleuissement de la teinture de gaïac sous l'intluence des corps les plus divers, soit en piésence de l'air, soit en présence de l'eau oxygénée. ScHMiEDEBERG, puis ScHMiEDEBERG et BuNGE, avaient recherché l'action in vitro du sang artérialisé sur des substances réductrices (alcool benzylique et aldéhyde salicylique) et étudié les phénomènes qui se passent lorsque l'on fait circuler du sang tenant ces sub- stances en solution dans certains organes. En 1882, Traube avait signalé dans certains tissus animaux la présence d'une globuline possédant les propriétés d'un ferment oxydant. Jaquet montra que le sang seul ne détermine qu'une action oxydante insignifiante. Certains organes, au contraire, jouissent de propriétés manifestement oxydantes, le rein, surtout le poumon. Il démontra que ces propriétés étaient dues à une diastase contenue dans les tissus et dans les extraits de tissus; elle était détruite par la chaleur, et pos- sédait la propriété de fixer l'oxygène de l'air sur des corps réducteurs. Bertrand, reprenant les expériences de Hikorokuro Yoshida, a démontré que les phénomènes d'oxydation, de noircissement et de coagulation de la laque, sont dus à une oxydase, ainsi qu'un grand nombre de phénomènes du règne végétal. Enfin signalons quelques ferments solubles oxydants qui paraissent s'écarter un peu des vraies oxydases. RoHUANN et Spitzer, puis Rey-Pailhade, ont prouvé l'existence, dans le règne végétal et le règne animal, de ferments oxydants produisant de l'indo phénol bleu dans une solution sodique très étendue de naphtol et de paraphénylènediamine. Il ditTère de la laccase en ce qu'il ne bleuit pas la teinture de gaïae. Laccase et ferment de Rohmann-Spitzer existent donc simultanément dans les cellules végétales. A côté des oxydases véritables, Abelous et Biarnès ont montré l'existence d'une glo- buline oxydase jouissant cà peu près des propriétés des ferments oxydants. Les ferments solubles hydrolysants, diastase. pancréatine, émulsine, semblent posséder les propriétés des ferments oxydants indirects. Sghô.nbein admettait que cette propriété leur était spéciale. Jagobson a montré que c'est grâce à la présence d'une certaine propor- tion de ferment oxydant que l'on observe la décomposition de l'eau oxygénée dans l'action des ferments hydrolysants. Les produits qui peuvent servir plus spécialement à la recherche des ferments oxy-" dants sont, d'après Bourquelot : 1° La teinture de gaïac : formation d'une coloration bleue (Schunbein). 2° Le gaïacol : coloration rouge grenat (Bourquelot). 3° La paraphénylène-diamine en présence d'à naphtol et de carbonate de soude (Rohmann et Spitzer). Un grand nombre de substances donnent des réactions analogues. Bourquelot a classé les matières oxydantes en quatre groupes : 1° L'ozone, que l'on peut trouver dans les macérations d'un certain nombre de pro- duits organiques. 2° Les ozonides {Ozontrager de Sghonbeln) oxydant au moyen d'une certaine propor- tion de l'oxygène qu'elles contiennent (la quinone rentre dans ce groupe). Une fois cet oxygène employé, le phénomène s'arrête. 3° Les véritables oxydases, qui déterminent une activité chimique remarquable de l'oxy- gène de l'air. Cet oxygène est alors capable de se fixer sur telle ou telle substance ajoutée à la solution de ferment. 4° Les fermenta oxydants indirects, qui décomposent l'eau oygénée. L'oxygène qui se dégage alors est susceptible de se fixer sur un produit oxydable. Ces ferments ont été' désignés sous le nom de peroxydases par Linossier. Cette dénomination n'est pas heureuse, car elle semble indiquer une diastase agissant sur les peroxydes. Nous nous en tiendrons donc à la nomenclature de Bourquelot. (Voy. Oxydases.) 382 FERMENTS — FERMENTATIONS. Phénomènes de réduction. — En opposition aux ferments solubles oxydants, viennent se placer des ferments solubles réducteurs, dont le type, et le seul vraiment bien établi, est le philothion ou diastase hydrogénante. De Rey-Pailhade a montré l'existence du philothion dans les g'erraes d'un grand nombre de plantes, dans tous les tissus animaux, dans la levure de bière. Le pbilothion est, dans toutes les cellules vivantes où il existe, un produit de leur fonctionnement. Le philothion, qui serait de nature albuminoïde, d'après Rey-Pailhade, aurait pour constitution RH, dans lequel R serait faiblement lié à 1 H. Il serait comparable à S- H. Tous deux, en effet, se détruisent lentement sous l'influence de l'oxygène libre, réduisent par hydrogénation le carmin d'indigo, et sont précipités par un grand nombre de sels métalliques. Le philothion fixe de l'hydrogène sur l'oxygène, sur le soufre, sur le phosphore et sur diverses matières colorantes. C'est un corps qui fait concevoir les phénomènes de réduction de l'organisme comme des phénomènes diastasiques; c'est une diastase réductrice. Phénomènes d'hydratation. — La fixation d'une ou de plusieurs molécules d'eau produit dans une molécule chimique soit l'introduction de fonctions nouvelles, soit un de'doublement. C'est à ce dernier cas qu'appartient la totalité des phénomènes d'hydra- tation des matières ternaires. Il y a dédoublement dans l'action des ferments solubles sur les amidons, les sucres, les glucosides, les graisses. Au contraire, parmi les matières azotées, nous voyons la transformation de l'urée en carbonate d'ammoniaque, sous l'inlluence de l'uréase; il y a là modification de fonction. a) Dédoublement des matières amylacées par hydratation. — L'hydratation des amidons est un phénomène complexe, considéré autrefois comme une simple liquéfaction de l'amidon, suivie de sa transformation en dextrine, en maltose, en glucose. lia fallu dis- socier chacune de ces actions, et actuellement on définit les amylases des ferments solubles liquéfiant l'amidon. On les rencontre le plus souvent associés à des dextri- nases transformant les dextrines en maltose, et à des maltases transfoi-mant le maltose en glucose : le mot d'amylase désigne, par suite, cet ensemble. L'amylase formant ainsi un tel mélange a été la première diastase isolée. Entrevue par KiRCHOFF en 1814, son action a été étudiée par DuBRU.\i-AUT[en 1823. Elle a été isolée par Payen et Persoz en 18.33. Les transformations que subissent les molécules d'amidon consistent en une dégra- dation méthodique, dégradation par laquelle on arrive par )iydratations successives à des molécules beaucoup plus simples. La réaction est facile à suivre au moyen de l'eau jodée qui colore l'amidon en bleu. Parmi les dextrines, les unes se colorent en rouge, et les autres ne se colorent pas. Brùgke a désigné les premières sous les noms d'Èrythro- dextrine, et les secondes sous le nom d'Achroodextrine. L'amidon transformé par ébullition avec l'eau en un empois mucilagineux est soumis à l'action d'un extrait de malt. Il se liquéfie alors, colore l'eau iodée en violet, et commence à réduire la liqueur de Fehli.ng. Il s'est dédoublé en érythrodextrine et maltose. (C12H20O10)u + H2O = (C12H2OOl0j(n-l)4. C12H220il. Amidon. Ire Érythrodextrine. Maltose. L'érythrodextrine à son tour va se] dédoubler en une deuxième dextrine plus simple, et mettre en liberté une deuxième molécule de maltose. Le dernier dédoublement trans- formera enfin la dernière achroodextrine en deux molécules de maltose. (C12H20O10)2 + 2H20 = 2C12H220I1. dernière Achroodextrine. Maltose. Souvent la transformation va plus loin, et le maltose se dédouble à son tour en deux molécules de glucose : C'-H^iQ" + H^O = 2C«Hi20«. L'inuline, variété d'amidon que l'on rencontre dans les tubercules de topinambour, l'aunée, les liliacées, est dédoublée par hydratation en lévulose, au moyen d'un ferment spécial : l'inulase. (C6H»0OS)6 H20 + sH^O = 6C6Hi20'i. FERMENTS — FERMENTATIONS. 383 Cette transformation a e'té observée pour la première fois par Greex dans les tuber- cules de topinambour germant; le ferment ainsi isolé, auquel il donna le nom d'inulase, transformerait directement l'inuline sans passer par aucun intermédiaire. D'une action beaucoup moins bien définie sont les diastases cyto-hydrolytiques, déterminant la liquéfaction et la digestion de la cellulose. Les cytases produisent proba- blement un certain nombre de sucres; mais ces ferments sont en général mal définis. C'est à des cytases qu'est due la digestion des albumens cornés de certaines graines. Citons parmi elles la semence de dattier et du Livlwjfitouia, ou encore le ferment étudié par Browin et Morris, dans le scutellum de l'orge en germination. C'est De Bary, en 1886, qui a publié les premières et importantes observations au sujet des ferments cyto-hydrolytiques. 11 étudie deux champignons : le Sclcrotinia Aclerotiorum et Sclerotinia trifoliorum, cultivés sur de la pulpe de carotte ou de navet. Les tissus se ramollissent peu à peu, et, en les pressant, on obtient un suc capable de dissoudre la cellulose. Marshall Ward, en étudiant le développement d'un Bothrytis, explique par la présence d"un ferment cytohydrolytique les dégâts qu'il produit dans le lis dont il constitue une maladie. Le mycélium pénètre à l'intérieur des tissus du lis et sécrète un liquide qui désagrège ces tissus, et les digère. Lorsqu'on fait macérer des parties de mycélium dans l'eau, et que l'on y plonge des feuillets de parenchyme, celui-ci se gonfle pour se dissoudre ensuite. Harris pense que la destruction que les champignons opèrent de certaines fibres ligneuses est due à un ferment soluble analogue. Plus tard, DucLAUx le trouva dans VAspergilliis niger et le Pénicillium, glaucum, et Atkinson, dans VAspergillus orizse. La mieux déterminée des cytases, et comme action et surtout comme produits de la fermentation, est la séminase de Bourqueloï et Hérissey. Elle hydrolyse les hydrates de carbone que l'on rencontre dans les albumens cornés de certaines graines (caroubier, casse, etc.). Il y a alors formation de mannose et de galactose par dédou- blement de la cellulose. b) Dédoublement des sucres par hydratation. — La transformation du saccharose et son dédoublement en glucose et en lévulose sont produits par un ferment soluble entrevu par Dœbereiner et Mitsgherlich, étudié par Berthelot en 1860, qui lui donna le nom de ferment glucosique. Il a été désigné depuis lors sous des noms bien différents. C'est la zymase ou zythozymase de Béchamp, Vbivertine de Donath, la siicrase de Duclaux. La transformation ([u'elle produit est représentée par la formule : Ci2H"0ii + H20 = C6H1206 + C6H1206. Le maltose subit une transformation identique par l'action d'une diastase spéciale, la maltase, trouvée par Bourquelot, que l'on rencontre généralement associée à un très grand nombre d'autres ferments. C'est ainsi qu'elle vient compléter l'action de l'amylase et des dextrinases dans la saccharification de l'amidon. Le maltose est dédoublé en deux molécules de glucose. C12H22011 + H20 =.2C0Hi2Ofi. BoDRQUELOT désigne sous le nom de tréhalase un ferment soluble qu'il a observé dans Aspergillus niger. Pénicillium glaucum, dans le malt et plusieurs sortes de champi- gnons, enfui dans l'intestin grêle. Le dédoublement du tréhalose est identique au dédou- blement du maltose; il se produit d'après la même formule et avec le même résultat: transformation en deux molécules de glucose. Fischer, d'autre part, a découvert la lactase, ferment capable de transformer le sucre de lait, La lactase dédouble le lactose en glucose et en galactose : C12H22011 + H20 = C6H1206,+ C6H1206. Lactose. Glucose Galactose. Les polysaccharides, raffinose, mélézitose, etc. sont dédoublés par des ferments spéciaux qui produisent leur détriplement d'une façon comparable à l'action des ferments dédoublant le saccharose et ses isomères. La maltase présente un caractère fondamental, qui d'abord a paru lui être parti- 38i FERMENTS — FERMENTATIONS. culier, mais qui s'est généralisé à des ferments ayant des actions analogues. L'action de la maltase est réversible, ainsi que l'a montré A. Croft Hill. (Voy. Sucres.) c) Dédoublement des glucosides par hydratation. — Les glucosides sont des composés naturels assez nombreux, provenant de la combinaison du glucose avec tels ou tels produits organiques de nature variée. Les glucosides sont dédoublés par des ferments solubles, dont les seuls connus sont l'émulsine, la myrosine, la rhamnase et l'érythrosine. Vémulsine a été trouvée par Liebig et Wœhler, en 1837 ; ils remarquèrent qu'elle provoquait la décomposition de l'amygdaline pour donner de l'essence d'amandes amères, en présence de l'eau. Ils observèrent en même temps la formation de glucose et d'acide cyanhydrique. On rencontre l'émulsine dans les amandes amères et douces, dans les feuilles de laurier cerise, en même temps que la lauro-cérasine, analogue à l'amygdaline. Partout, elle est accompagnée d'un glucoside capable de donner avec elle en présence de l'eau, enire autres produits, de l'essence d'amandes amères. Seulement ces deux corps sont toujours dans la plante localisés dans des cellules distinctes et séparées, de sorte que la réaction ne peut se faire que sous l'iutluence d'une action mécanique ou d'une dissolution. (V. Émulsine. v, 343.) Les principales réactions d'hydratation auxquelles l'émulsine donne naissance sont : le dédoublement des principes suivants : Salicine CisH'sO" + H20 = C'-Hi^Oc + C'H802. Glucose. SaligénLne. Hélicine CSHieO" + H20 = CeH'^OG + C-H«02. Ghicise. Aldéhyde salicylique. Esculine Ci^^HieO» + H^O = CCHi^Oe + CSHeO^-. Glucose. Esculétine. Arbutine Ci^RieO' + H'^O = C«H120g + C6H602. Glucose. Hydroquinone. Coniférine. . . . C'GH^iQs + H-^O = CGHi^Oe + CioRiîO^. Glucose. Alcool conifërylique. Populine CSOHSOQs + 2H20 = CSHi^oe + G7HG02 -t- C'HSQ^. Glucose. Aldéhyde Salicine. benzoïque. Amygdaline. . . C^ohstazO'i + 2H20 = 2C«Hi206 + C'H60 + CAzH. Glucose. Aldéhyde Acide. benzoïque. cyanhydrique. On doit ajouter encore à ces réactions le dédoublement du lactose en glucose -et galactose (Fischer), ce qui a même permis d'émettre l'hypothèse de l'identité de la lactase et de l'émulsine. L'émulsine, d'ailleurs, agit très |différemment sur les divers glucosides : c'est ainsi que les quantités p. 100 de glucoside dédoublés ont été pour l'émulsine de l'As/jer- gillus niger : AU BOUT DK 22 HEURES A 31». 21 HIÎLRIiS A 30". 21 HEURES A 31°. Arbutine. 100 84,8 63,7 60,6 60,2 40,5 82 62 49,1 45,2 33,8 30,5 88,7 gy g Quantité .52:1 P-/00 50,9 , *i^, r-, ,) ^'lucoside 3-^'" dédoublé. Esculine. . . . Amygdaline Hélicine. Coniférine De même l'émulsine des amandes ol{ 0,025 p. 100 sur 0,20 de glucoside) : it de la façon suivante (solution d'émulsine à FERMENTS FERMENTATIONS. 38^ Amygdalin Hélicine. . Salicine. . Esculine. . Coniférine, Arbuline. , 21 HIÎCBES A 15 03,3 88,-; 60, f. 50,2 50 Dédoublement"; faible. Dédoublement] Dédoublement ti-cs faible. très faible. 81 37,3 t5 HEURr.s \ 18 C6,(3 1 Dédoul>lementi faible. Dédoublement très faible. 08,5 73.7 8 i, i 80,8 38,8 Dédoubleiuen {.. 100. Dëdoublemcnl] très faible. | L'action de l'amygdaliiie est donc fi'ès variable suivant l'origine du ferment. Aussi y a-t-il peut-être lieu de supposer des ferments différents. La myrosine, découverte par Bussv, donne naissance à l'essence de moutarde, ou iso- sulfocyanate d'allyle, en réagissant sur le myrouate de potasse, appelé quelquefois sini- grlne. La réaction produit secondairemeut du glucose et du bisulfate de potasse. C'OHisAzKS^O'o Myronate de pota^so. C6H120G + C3H->AzCS + SO'KH Glurose. I^iosulfocyanate Eu présence de la sinalbine, ou essence de moutarde blanche, il y a encore décompo- sition et formation de glucose, d'un corps à propriétés voisines de l'essence de mou- tarde, l'isosulfocyanale d'ortlioxybenzyle, et de sulfate acide de sinapine. C-30HUAz2S20ic Sinalbine. CBH120C Glucose. + C'H'OAzCS + SOiHCitiH2iAzO • Isosulfocyanate Sulfate acide de d'ortlioxybenzyle. sin;i|)ine. Elle dédouble encore un grand nombre de produits peu connus, et met ainsi en liberté les essences de Cochlearia officinalU, ou isosulfocyanate d'isobutyle, de racine de Reseda odorata ou isosulfocyanate de phényléthyle, puis des nitriles, dans les essences de cresson, celui de l'acide phénylpropionique dans] le cresson de fontaine, celui de l'acide a-toluique dans le cresson alénois, etc. La. vhamnase, qui existe dans les Hhamnii^, dédouble un glucoside qu'ils renferment, la xanthorhamnine, en rhamnétine et isodulcite. HlOQl'^ + :hH20 = = C' ■2H1 00 o _L :>C6H iO Xanthorh imr ine. RI amn •tine Isodul :itc. Enfin, Vérijthvosine serait, d'après Schunk, le ferment soluble dédoublant le rubian, glucoside de la garance, en glucose et alizarine. Dédoublement du glucose. — Le glucose est détruit dans un certain nombre de circonstances. Dans le sang, par exemple, il y a glycolyse, et disparition du glucose lorsque le sang est sorti des vaisseaux de l'animal. Le ferment glycolytique du sang a été indiqué par Claudr Bernard; R. Lépine en a étudié complètement l'évolution et les pro- priétés. Il existerait dans un assez grand nombre de tissus, notamment dans le globule blanc, et serait mis en liberté par la destruction du leucocyte. Kraus et Seege.x ont admis la production d'acide carbonique pendant la glycolyse, Seegen signale en outre la formation d'acide lactique, soupçonnée autrefois par Claude Bernard. Arnaud, n'admettant pas la destruction du glucose dans le sang circulant, croit à une désbydi^alation du glucose et transformation de celui-ci en glycogène. Le ferment agirait, pour Si-itzer, par oxydation, puisqu'il y a, d'après Seegen et Kraus, dé- gagement d'acide carbonique; mais Nasse fait observer la rareté des oxydations directes dans les tissus, et il considère la glycolyse comme ua phénomène d'oxydation indirecte aux dépens de l'eau, ce qui corrélativement amènerait une action complémentaire d'hydra- tation. D'après A. Gautier, d'ailleurs, le sang est presque l'unique siège des phénomènes d'oxydation, grâce à la grande quantité d'oxygène disponible qu'il contient, sous forme d'oxyhémoglobine. Dans les autres tissus les réactions d'hydratation sont générales. En définitive, le ferment glycolytique agirait probablement comme convoyeur dea DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 25 386 FERMENTS — FERMENTATIONS. éléments de l'eau, dissociant cette dernière (?) et fixant l'oxygène sur le glucose, puis refor- merait de l'eau avec l'hydrogène restant et l'oxyliémoglobine; puis le cycle recommen- cerait. (Voy. Sang.) Dédoublement des graisses par hydratation. — Claude Bernard a montré que le suc pancréatique agissant sur une huile rendait le milieu acide par suite de la mise en liberté d'acide gras. Berthelot confirma la découverte de Claude Bernard. Hanriot a trouvé que le sérum sanguin possède la propriété de dédoubler la monobutyrine et les graisses. 11 a donné le nom de Upases aux diastases qui ont pour action l'hydratation et le dédoublement des graisses. (Voy. Graisses et Lipases.) La réaction peut être représentée, en désignant par AOH un acide gras quelconque, par la formule suivante ; CH^OA CH20H I I CHOA + 3H^0 =: CHOH + 3A0H I I CH20A CH20H Fixation de Teau sur l'urée ; changement de nature chimique. — L'urée est hydratée par un ferment soluble, ïuréase, découverte par Musculus dans l'urine, par Pasteur et Van Tieghem dans les produits de sécrétion des Torula et autres ferments organisés qui transforment l'urée en carbonate d'ammoniaque. (Voy. Foie, Urine, Urée.) Cette transformation se fait en fixant deux molécules d'eau sur les deux groupements amidés de l'urée. ^^\AzH2 +_2H20 = C03:AzHi)2. Un certain nombre d'autres amides peuvent être de même hydratés par des ferments analogues. Ferments hydratant les matières albuminoïdes. — Ces ferments possèdent la proprie'lé d'hydrater et de simplifier profondément la molécule d'albumine. Lespepsme.s sont des diastases hydrolysant les matières albuminoïdes en milieu acide avec production ultime de peptones. Les trypsines sont des diastases hydrolysant les matières albumi- noïdes en milieu neutre ou alcalin avec formation ultime de leucine et de tyrosine. Il y a plusieurs tr3'psines, et plusieurs pepsines, dont l'action dilFère avec leur origine même. La popaine extraite du Carica papaya (Wurtz) dissout aussi la fibrine en milieu neutre ou alcalin avec production de leucine et de tyrosine. Bourquelot et Hérjssey ont trouvé dans les champignons Amanita muscaria et Polyponis sulfiireufi un ferment protéo-hydrolytique, ressemblant à la trypsine. Ce ferment est capable de digérer la i-aséine du lait en donnant naissance à de la tyrosine. Etant données les incertitudes qui régnent encore sur la constitution même de la matière albuminoïde, il est extrêmement difficile de définir chimiquement l'action des ferments protéolytiques. C'est une action d'hydratation; car il y a fixation des éléments de l'eau avec scission de la molécule, en différents points encore mal déterminés. Les produits ultimes de ce dédoublement sont les peptones, les leucines, les tyrosines, ou autres acides amidés. DucLAi;x place ces trois diastases parmi les ferments solubles décoagulants par suite de leur action liquéfiante sur les ditférents albuminoïdes coagulés; les peptones produites se dissolvent dans l'eau. Diastases de coagulation et de décoagulation. — Les unes appartiennent au règne végétal : ce sont les pectases et les cytase^, qui déterminent, d'une part, la coagu- lation de certaines celluloses, d'autre part, la liquéfaction des membranes cellulosiques de certaines cellules. Les autres diastases analogues, du règne animal, déterminent soit la coagulation des matières albuminoïdes, soit la liquéfticlion des albumines coagulées. Les diastases décoagulantes agissent généralement par hydratation ; c'est ainsi que les cytases dissolvent la cellulose par un phénomène d'hydratation (Bourquelot). La pepsine, la trypsine, la papaïne dissolvent les albumines coagulées, et la fibrine, par hydrolyse et formation de peptones. FERMENTS — FERMENTATIONS. 387 Phénomènes de coagulation. Coagulation des hydrates de carbone. — Frémy a prétendu que les carottes, navets et autres racines similaires, ainsi que les fruits verts, contiennent un ferment soluble, la pectasc. En 188;j, Wessxer l'a retirée de la gomme arabique, ce que Reinitzeb n'a pu confirmer. Bertrand et Mallèvre ont recherché le mécanisme de la coa- gulation par les pectases, et ils ont admis que la cellulose précipitait, grâce à la présence du calcium, par la formation d'une combinaison insoluble. Cependant il n'y a pas absolue nécessité de la présencs de ce métal, et la pectase agit seulement en milieu acide, ce qui semble détruire l'hypothèse de Bertrand et Mallèvre. Coagulation des matières albuminoïdes. — cl] Caséine. — Liebig expliquait la coagulation du lait par la présure en admettant que le sucre de lait se convertit en acide lactique. Selmi en 1840, Schmidt en 1871, Heinz et Hammarsten en 1872, ont montré que la coagu- lation du lait pouvait se faire en milieu neutre. (Voy. Estomac, v, 674.) La caséine est coagulée sous l'action d'un certain nombre de ferments solubles dési- gnés sous le nom de présures, et que l'on peut classer en trois groupes différents suivant leur origine et leurs propriétés a) La présure extraite des glandes gastriques de la plupart des animaux et même quelquefois rencontrée dans l'intestin grêle. b) Les ferments coagulants, extraits d'un certain nombre de plantes, telles que le Galium verum ou Caille-lait, le Pingiiecula vulgaris ou Grassette, le Carica Papaya (Baoinsky), les semences de certaines Solanées; Datura stramonium (Green), Withania coagulans, etc. c) La présure que sécrètent Tes microbes qui attaquent la caséine du lait (Duclaux). D'après Arthus, la coagulation de la caséine proviendrait d'un dédoublement de la matière albuminoïde en deux substances, dont l'une resterait en dissolution, et dont l'autre se combinerait à la chaux ou à une base alcalino-terreuse pour former un pro- duit insoluble qui est le caséum. En effet, le lait décalcifié ne coagule pas en présence de présure, et il coagule, au contraire, par addition d'une certaine proportion d'un sel alcalino-terreux. Le caséum renferme toujours, en outre, de la chaux, et il reste tou- jours en dissolution après la coagulation une certaine proportion de matière albuminoïde. Pour Duclaux, la caséine existerait dans le lait sous deux états : il y aurait de la caséine en solution et de la caséine en suspension. Cette dernière pourrait être préci- pitée et agglomérée sous de très faibles influences : certains sels, surtout les sels de chaux, déterminent la précipitation de cette caséine « par une très légère modification de ses liens d'adhérence physique avec le liquide ambiant ». La présure jouit de la même propriété : il y a donc superposition d'actions et non communauté d'action; au contraire, les sels alcalins solubilisent la caséine et empêchent les actions de coagulation; c'est ce qui se passe dans un lait décalcifié parle fluorure ou Toxalate de potasse. [î) Plasma. — Le fibrin- ferment, onplasmase, détermine la précipitation de la fibrine et la coagulation du sang. (Voy. Coagulation et Fibrine.) Les mèmei théories que pour le lait se retrouvent pour expliquer les phénomènes de coagulation du sang. Pour Arthus et ses prédécesseurs, la matière fibrinogène se dédoublerait sous l'action de la plasmase en deux substances albuminoïdes, dont l'une resterait en dissolution, tandis que l'autre se précipiterait à l'état de sel calcique. Mais Hammarsten et Pekelharing ont montré que la chaux n'est pas absolument nécessaire. Pour Duclaux la coagulation de la fibrine ne serait que le passage à l'état visible d'une des matières albuminoïdes du sang qui s'y trouverait, non à l'état de solution, mais à l'état de suspension. Les sels de chaux faciliteraient beaucoup cette coagulation, tandis que les sels alcalins, les alcalis, le fluorure de potassium, s'opposent à cette action. H y a donc, dans un sang décalcifié par un de ces produits, retard de la coagulation; il y a, au contraire, accélération du phénomène en présence des sels de chaux. y) Autres dlastases coagulantes. — Ou doit encore citer, parmi les diastases coagulant les mitières albuminoïdes, la vésiculase, de Camus et Gley, qui coagule le sperme de cobaye ou plus exactement le contenu des vésicules séminales. Cette coagulation se produit lorsqu'on met en présence simplement le liquide vésiculaire avec une goutte du liquide prostatique. 11 y a formation, au bout de quelque temps, d'un caillot avec exsudât de sérum. Cette coagulation ne se produit pas par l'action de la présure, du flbrin-ferment ou 388 FERMENTS — FERMENTATIONS. des autres principes coagulants. Il y a donc là encore une diastase spécifique. Camus et Gley ont de plus montré que celte vésiculase se conserve fort longtemps en milieu aseptique et peut sans inconvénient être desséchée. Elle retrouve toutes ses propriétés lorsqu'on la redissout dans l'eau distillée. Les phénomènes d'agglutination des microbes rentrent encore dans le cadre des phéno- mènes de coagulation, la matière coagulable étant représentée par les microbes, voire par leurs cadavres ou même par le liquide de macération; la diastase coagulante serait contenue dans le sérum d'un animal immunisé. Dissolution des matières albuminoïdes coagulées. — La coagulation de la myosine dans le muscle rigide, et probablement les coagulations qui rigidifient le cerveau, le foie, et le rein après la mort sont dues probablement à la présui^e et au fibrin-ferment déterminant la coagulation, soit de la caséine, soit de la fibrine. A ces deux ferments correspondent deux diaslases décoagulantes : les caséases et les thrombases. Les caséases dissolvent et liquéfient le coagulum de caséine provenant de l'action de la caséine sur le lait. Surtout sécrétées par les microbes, ce sont elles qui déterminent la liquéfaction des fromages avancés, la caséase des moisissures, du Penicillum du fromage de Brie, qui exerce son action sur la caséine coagulée des fromages de Brie et de Gruyère. La caséase de certains bacilles [Tyrothrix tennis de Dugl.\us) se trouve sécrétée en même temps qu'une certaine quantité de présure : quand on ajoute ce mélange de dias- tases à du lait, il y a donc d'abord coagulation de la caséine, puis sa liquéfaction, par addition d'une nouvelle quantité de liquide diastasique ou simplement en laissant l'action du produit se prolonger un certain temps. Les throynbases exercent leurs actions sur les coagulums sanguins; elles dissolvent la fibrine coagulée, ou plus exactement elles s'opposent à la coagulation du sang. Ce sont des corps anticoagulants, ou retardant tout au moins dans de très fortes proportions le moment de la coagulation. Haygraft a démontré, en 1884, que l'extrait de sangsue {sécré- lion buccale), préparé en faisant macérer des têtes de sangsues dans l'alcool, s'oppose à la coagulation du sang in vitro. Cette action qui s'applique à tous les sangs de mammifères, se produit in vitro. Le sérum du sang des anguilles, des murènes, possède les mêmes propriétés. Mosso a montré que le sérum des animaux auxquels a été injecté ce sérum toxique est aussi anticoagulant. On peut encore citer comme substances anticoagulantes : L'histone de Kossel et de Lilienkeld, extraite soit des globules rouges du sang des oiseaux, soit des leucocytes, du thymus, etc. La cytoglohine de H.Schmnjt, extraite des globules rouges du foie, de la rate, etc. (elle se confond peut-être avec Thistone). La peptone, qui possède ua pouvoir anticoagulant très énergique, ainsi que l'ont montré les premiers SchmidtMuhlheim en Allemagne et Albertoni en Italie. (Voy. Peptone.) Enfin un cerlaiiinombre à'extraits d'organes, tels que muscle d'écrevisse,foie de chien, etc., jouissent de propriétés anticoagulantes (Heidenhaix, Co.ntejeax, Delezen.ne). La diastase de Li.ndner est un ferment soluble sécrété par certaines levures (Lindner, Boullanger) qui liquéfie la gélatine. Fermi a retrouvé le même produit dans les milieux de culture d'un certain nombre de bacilles. Réversibilité de l'action des diastases. — A. Croft Hill a montré que l'un pouvait effectuer la synthèse du maltose en faisant agir la maltase sur une solution aqueuse concentrée de glucose. Il s'est servi d'une maltase de levure qu'il extrayait d'une levure de fermentation basse par broyage dans un mortier avec un peu d'eau distillée. Lorsqu'on fait agir cette maltase sur une solution concentrée, à 40 p. tOO. de glucose, il y a formation de mallose. Emmerli.ng a repris les expériences de A. Croft Hill. La maltasi'. en agissant sur une solution concentrée de glucose, donnerait naissance non à du maltose, comme le croyait Hill, mais à de l'isomallose, car l'osazone obtenu en traitant le produit par de la phénylhydrazine fond à IbO". Emmerli.m; a pu produire aussi la synthèse de l'amygda- line en mettant en présence de la maltase le glucose et le glucoside du nitrile amygda- lique pendant trois mois à la température de 35°. Il n'avait, au contraire, rien obtenu en soumettant à l'action de la diastase un mélange de glucose, d'aldéhyde benzoïque et d'acide cyanhydriquè. FERMENTS FERMENTATIONS. 389 Hanriot a démontré la réversibilité des actions lipasiques. Mettant en présence de la glycérine, de l'acide isobutyrique et du sérum, il a pu con- stater que l'acide butyrique se combine à la glycérine en présence de lipase dans des conditions d'acidité, de temps et de température où la combinaison directe serait presque nulle. 1 DURÉE DE L'EXPÉRIENCE. TEMPÉRATORE 37°. 1/2 heure. 1 heure. 1 heure 1/2. Acidité du s-Tum , Glycérine o grammes . — du mëhinge. | Acide isobutyrique . 2 — (Eau ...."... . 125 - Total. . . — du mélange précédent après addition de sérum. . . Différence Différence p. 100. . . 2 49 34 l.j 30 15 46 ôl 30 21 44 48 53 24 29 .54 On voit d'après ce tableau que oO p. 100 de l'acide butyrique ont disparu en une heure et demie. On peut observer aussi que dans celte réaction les quantités d'éther formé vont en décroissant. Dans la première demi-heure. — deuxième — — troisième — Quantités d'acide combinées. 30 p. 100. 14 — 10 — F.a courbe tend donc vers un point d'arrêt, limite entre les deux actions, saponifiante et synthétique, de la lipase. Rappelons enfin que les produits d'une fermentation exercent presque toujours sur la ?iiarche de cette fermentation une action inhibitrice qui semble indiquer au moins une tendance à la réversibilité. Production de phénomènes physiques par les diastases. — R. Dubois a admis que la production de lumière par certains animaux, les Élatérides lumineux et les Pho- lades, était le résultat de l'action d'une diastase, la Imiférme, sur un produit spécial, la luciférine. Cette luciférase serait insoluble dans l'alcool, tandis que la luciférine y serait soluble. Le corps des animaux lumineux épuisé par l'alcool donnerait la solution de luciférine : le résidu traité par l'eau donnerait la luciférase. La réunion des deux solutions produirait le phénomène lumineux; il n'a pas lieu en présence de corps réducteurs, ou si la luciférase a été portée à l'ébullition ou additionnée d'une forte proportion d'alcool. (Voy. Lumière.) Phénomènes physiques accompagnant les fermentations par les diastases. — Les fermentations sont-elles accompagnées de phénomènes physiques? Il faut nécessairement admettre les changements que comportent les variations de structure chimique dans les substances en dissolution dans les liquides. C. Ch.\brié a montré que les ferments solubles, en changeant le nombre des mole cules du milieu dans lequel ils sont sécrétés, font varier la pression osmotique de ce milieu. Le Baclerhim coli augmente la pression osmotique du bouillon, et l'abaissement du point de congélation proportionnel à l'accroissement de la pression osmotique croît avec l'âge de la culture. On a recherché si la coagulation du sang était accompagnée d'une certaine élévation 390 FERMENTS — FERMENTATIONS. de température. Valentin, Schiff, Lépine, Fredericq, crurent constater en effet ce dégage- ment de chaleur. Jolyet et Sigalas ont montré que la vitesse de refroidissement du sang abandonné à la coagulation est toujours plus faible que celle du sang oxalaté : Mais cela ne démontre point qu'il se fait un dégagement de chaleur. Si, en effet, on prend deux quantités équivalentes de sang oxalaté maintenu à la température ambiante, et que l'on ajoute dans l'un une certaine proportion de chlorure de calcium, on voit la coagulation se produire rapidement, sans qu'un thermomètre très sensible indique quelque variation thermique. Le retard dans la vitesse de refroidissement du sang coagulé tient donc aux états physiques différents dans lesquels se trouvent le liquide et le caillot; et la coagulation du sang n'est accompagnée d'aucun phénomène thermique. Chanoz et DoYON ont montré qu'il n'y avait aucun dégagement de chaleur dans la coagulation du lait par la présure, ou du moins que le phénomène thermique était extrêmement faible (inférieur à 1/30 de degré.) On a recherché si l'action des diastases pouvait être accompagnée de phénomènes électriques. Chanoz et Doyon ont admis que la coagulation du sang ne pouvait pro- voquer un phénomène électrique supérieur à 1/4000 de volt; la coagulation du lait, un phénomène électrique supérieur à t/.3000 de volt, qu'il était donc impossible d'affirmer leur existence. État naturel des diastases. — Les diastases sont sécrétées par tous les êtres vivants, de tout ordre et de toute nature. C'est grâce à elles qu'il y a élaboration des produits nutritifs et possibilité de leur assimilation par les organismes. i° Sécrétion des diastases par les microbes. — L'Asperyillus niger sécrète des sub- stances jouissant de propriétés diastasiques et inhibitrices énergiques (Bourquelot et Hérissey). Si l'on lave avec soin un mycélium d'Aspergillus avec de l'eau distillée, et qu'on le mette en contact avec une nouvelle quantité d'eau pure pendant deux ou trois jours, on obtient une solution très étendue (résidu sec, 0,20 p. 100) très légèrement acide, ne précipitant pas par les acides acétique et azotique, l'azotate de baryte, le sublimé, l'acétate de plomb, le tanin, l'alcool, ne se troublant pas par la chaleur. Seuls, l'azotate d'argent et le sous-acétate de plomb produisent un léger louche. Ce liquide hydrolyse rapidement le saccharose, le maltose, l'inuline, le tréhalose, l'empois d'amidon en quantités relativement faibles. Ajoutée à une fermentation alcoolique commencée, la liqueur d'Aspergilliis ralentit la fermentation, et peut même l'arrêter complètement. Cette action inhibitrice n'est pas détruite par une ébullition à 100°. Le rôle des ferments solubles sécrétés par les microbes est fondamental. C'est grâce à eux que le ferment organisé exerce son action, et qu'il détermine les modifica- tions profondes qu'il lait subir aux matières qu'il assimile, ou sur lesquelles il exerce son action. Il s'ensuit que les diastases doivent être modifiées suivant la nature même du milieu de culture. Vigxal, par exemple, a pu montrer ainsi certaines modifications apportées dans les sécrétions diastasiques. Ainsi le bacille de la pomme de terre, Bacillus mesentericus vulgatus, donne naissance à l'amylase, ou bien à la présure, ou bien à la caséase, suivant la nature des milieux nutritifs dans lesquels on le place. Ces diastases ont, d'ailleurs, les effets les plus divers, et leur nature est inconnue. On peut en rapprocher peut-être les toxines, les antitoxines, etc., que nous avons étudiées dans le chapitre précédent, et peut-être encore des produits dénature tout à fait spéciale, puisque H. Roger a montré que, parmi les matières solubles sécrétées par les microbes, il en est qui favorisent leur développement. De même Wildiers a vu que la levure a besoin pour se développer de la présence d'un corps spécial de nature inconnue, le Bios, dont le rôle est fondamental et absolument indéterminé (?). Les diastases sécrétées par les ferments organisés agissent sur presque toutes les substances organiques. Un grand nombre de ferments organisés sécrètent des diastases agissant sur l'amidon. L'Aspergilius niger, VEurotlopsis gayoni sécrètent de l'amylase, de la dexlrinase, et rendent ainsi assimilables l'amidon et la dextrine,etc. La saccharificationet la fermentation de l'empois d'amidon sont produites par un cer- FERMENTS — FERMENTATIONS. 391 tain nombre de moisissures ; le Pénicillium glaucum (Duglaux), VAspergillus orizœ (Ahlburg, Atkinson), les Mucor alternans, circinelloïdes, spinosiis (Gayox), VAmylomyces Rouxii (Calmette, Sanguineti), VAspergillus Wentii et par des microbes tels que le bacille de KoGH, etc. BouRQUELOT a moiitré l'existence de l'inulase dans VAspergillus nigcr et le Péni- cillium glaucum. Parmi les ferments dédoublant les sucres, VAspergillus niger les sécrète presque tous, la maltase, l'invertine, la tréhalase. Il eu est de même de VEiirotiopsis gayoni qui sécrète de la maltase, de la lactase, de la tréhalase et de l'émulsine. La formation de ces diastases dépend de l'état végétatif du ferment. C'est ainsi que certains champignons sécrètent de la sucrase au moment de la formation de leurs coni- dies (Wasserzcg). Enfiu Roux a pu isoler une levure faisant fermenter le glucose, mais restant sans action sur le sucre de canne, par suite de l'absence de sécrétion de ferment inversif. D'autre part, Gayon a établi que les levures de Mucor circinelloïdes et M spinosus ne peuvent déterminer la fermentation du saccharose, parce qu'elles ne sécrètent pas de ferment inversif dans l'état de bourgeonnement cellulaire où elles se trouvent. Le dédoublement même du glucose est produit par une diastase; la zymase de BucHiNER. CocHiN avait cru montrer la non-existence du ferment alcoolique en cultivant la levure dans différents milieux non fermentescibles, et iiUrant le liquide; il n'avait trouvé dans aucun d'eux la diastase pouvant déterminer la transformation du glu cose. Bt'CUNER a établi que la zymase se trouvait incluse dans le protoplasma cellulaire, et que pour l'obtenir il fallait briser la cellule et mettre en liberté le plasma cellulaire. Les ferments saponifiant les graisses, ou lipases, sont produits par quelques microbes. C'est ainsi que Carriïire a trouvé dans les cultures de bacille de Kogh un ferment décomposant la monobutyrine, qu'il considère comme analogue ou identique à la lipase de Hanriot. L'existence de cette lipase est peut-être liée à la présence de la capsule graisseuse (?) qui entoure le bacille de Kogh. Le rôle fondamental des matières azotées dans la nutrition des ferments organisés entraîne la production de ferments corrélatifs à l'assimilation de l'azote. En cultivant le bacille pyocyanique dans un milieu artificiel dont les matières azotées étaient repré- sentées par de l'asparagine, Arnaud et Charrin ont pu révéler la formation d'une diastase dédoublant l'asparagine. Le Micrococcus ure% sécrète un ferment soluble agissant sur la carbamide à la manière des hydratants énergiques, et la transformant rapidement en carbonate d'ammoniaque (Musculus, Pasteur et Joubert). Les albuminoïdes sont, en général, profondément modifiés par les ferments solubles d'origine microbienne. 11 y a sécrétion de trypsine,de caséase,etc. Un des plus intéres- sants peut-être de ces ferments semble être celui qui liquéfie la gélatine des milieux de culture. Enfin la levure de bière, le bacille de Kogh, le bacille d'EsERTH, et les autres ferments organisés, entre autres les ferments de la putréfaction, sécrètent des trypsines hydro- lysant les albuminoïdes en milieu alcalin, avec formation des mêmes acides amidés (Hahn). Les ferments oxydants, laccase et oxydase, existent dans les végétaux inférieurs. La laccase se rencontre dans les champignons (Bourquelot et Bertrand). Le noircissement ou le bleuisssement à l'air de certains champignons {Boletus cyanescens, Russula nigricans) est dû à la fixation d'oxygène au moyen d'une laccase oxydante. La levure de bière, mélangée à de l'eau où à de l'alcool, possède la propriété d'absorber l'oxygène dissous dans les liquides au milieu desquels' baignent les cellules; elles décomposent énergiquement l'eau oxygénée; mélangées h du soufre, elles donnent à froid de l'hydro- gène sulfuré. La faculté de sécréter des ferments solubles est pour les microbes une fonction émi- nemment variable. Grotexfeld a pu faire perdre à plusieurs microbes le pouvoir qu'ils avaient de faire fermenter le lactose. La fermentation des sucres déterminée par le Bac- ferium coli est de même sujette à variations. Roux et Rodet cultivèrent du Bacillus coli en deux échantillons, et remarquèrent qu'ils s'étaient modifiés de telle sorte que l'un avait complètement perdu la faculté de faire fermenter le lactose, tandis que le second. 392 FERMENTS — FERMENTATIONS. après l'avoir perdue, l'avait retrouvée à difierentes reprises. Malvoz, reprenant la même culture à 4*2" sur un bouillon phéni([ué, a diminué de beaucoup la fonction ferment du Bacillus coli communis. Enfin plusieurs auteurs ont trouvé de cette espèce des échantillons très dill'érents, les uns ne coagulant pas le lait, d'autres n'ayant même aucune action sur le sucre de lait. La fonction ferment du Bacillus coli, lorsqu'elle ne varie pas en intensité, varie encore par les produits qu'elle donne. L'acide lactique que le bacille produit ordinairement est lévogyre. Nencki, Van Ermengen et Van Laer ont successivement trouvé des échan- tillons produisant de l'acide lactique inactif. Le même bacille est aussi très susceptible de variations dans sa fonction toxinogène, «i voisine de la fonction diastasique ; il suffit, pour que la puissance toxique s'affaiblisse graduellement jusqu'à disparaître, que le bacille soit conservé quelque temps dans le labo- ratoire, ou qu'on l'ait placé dans des milieux défavorables. Quant au bacille d'EBERXH, il présente, là encoi^e, de grands rapports avec le Bacillus coli. Son pouvoir ferment est moins actif, et la fermentation produite par le bacille d'EBERXH ne donne presque jamais de dégagement gazeux. Blachstein a étudié spécia- lement les variations de puissance chimique du bacille d'EsERTH, qui sont aussi évidentes que celles du Bacillus coli, nouveau point de rapport que Roux et Rodet ont fait valoir à l'appui de leur thèse pour identifier les deux espèces en une seule, qui varierait suivant diverses conditions. La seule difîérence vraie que l'on trouve encore à opposer à cette hypothèse est l'inaction du bacille d'EBERiti sur le lactose. Enfin les cultures de Bacillus coli dégagent en général une odeur désagréable, dont sont dépourvues celles du bacille d'EsERTH. Mais ici encore rien n'est tranché; il y a toute une gamme de transition; le bacille d'ËBERiH exhalant parfois une faible odeur, tandis que le Bacillus coli communis est presque inodore. Roux et Rodet considèrent donc le bacille d'EBERiH comme une déchéance, une forme très affaiblie du Bacillus coli communis, celui-ci n'étant déjà pas le type possédant au maximum la fonction ferment. Ce serait le Bacillus laclis, puis viendraient toutes les formes de Bacillus coli, et enfin, tout au bas de l'échelle. Je Bacillus typhosus. Le pouvoir liquéfiant du bacille cholérique, quoique étant un des plus exempts de variations, est soumis, lui aussi, à de sensibles changements d'intensité. Gamaléia, en le cultivant dans des milieux de concentrations diverses et graduées, a pu donner naissance à des races différant complètement par l'intensité de cette fonction, c'est-à-dire par l'intensité de production du ferment liquéfiant. 2° Sécrétions de diastases par les animaux. — Les diastases sécrétées par les animaux se rencontrent : 1" dans le sang ; 2'^ dans les glandes de l'appareil digestif; 3° dans toutes les cellules même de l'organisme. Le protoplasma sécrète des diastases qui président aux fonctions de nutrition et de défense des cellules. La dissolution des amidons est effectuée par la plupart des animaux de manière à rendre ces substances assimilables en les transformant en glucose. Lesamylases salivaires (Leuchs, 1833; Miahle, 1845) déterminent cette dissolution; elles sont quelquefois dési- gnées sous le nom de ptyalines. Les amylases pancréatiques (Bouchardat et Sandras, 18i.")) liquéfient l'amidon et le saccharifient chez les vertébrés. Ces amylases ont une action d'une énergie variable suivant l'animal auquel on s'adresse ainsi. Le pancréas du porc est plus riche en ferments amylolytiques que ceux du bœuf et du mouton, et celui du bœuf plus que celui du mouton. Chez d'autres animaux, les amylases sont sécrétées, comme chez les Céphalo- podes, par le foie (Krukenberg, Fredericq). Le ferment glycosique du foie a été très discuté ; son existence a été admise par Claude Bernard, Wittich, Epstein; mais elle a été contestée par Dastre en 1888. Pour Kaufmanin, il existerait dans la bile. Le sang (Magendie et Claude Bernard), le foie (Dubourg). l'urine (Béchamp) renferment des diastases transformant l'amidon en glucose. Us possèdent donc un mélange d'amylase et de maltase. R. Lépine a admis dans le sang la présence d'un ferment glycolytique capable de provoquer la glycolyse. Arthds a montré que la destruction du sucre dans le sang est bien provoquée par un ferment soluble. Ce ferment soluble n'existerait pas dans le sang in vivo, mais se formerait aux dépens des éléments figurés, dans le sang extrait des vaisseaux. Le mode de formation du FERMENTS — FERMENTATIONS. 393 ferment glycolylique serait donc comparable à celui du fibrin-ferment. La glycùiyse serait donc un phénomène cadavérique comparable à la coagulation de la fibrine. La Iréhalase existerait dans quelques liquides de l'organisme : ainsi le sang et l'urine en renferment une certaine quantité (Duboorg, M. Bial, Tebb). E. Weinland a trouvé la lactase dans la muqueuse intestinale du cheval et du bœuf, et dans leur pancréas, alors qu'il avait été impossible de la découvrir dans ce dernier organe. La lactase y existe surtout après une alimentation lactée. Rohmann et Lappe, puis Portier, ont montré l'existence d'une lactase dans l'intestin grêle du veau et du chien. Portier a en particulier prouvé l'extrême abondance de ce ferment soluble dans le suc intestinal des jeunes chiens. II en existe beaucoup moins chez les chiens adultes, et le ferment a presque complètement disparu chez les vieux chiens. Les diastases agissant sur les matières azotées sont non moins abondantes. Ch. RicHET a montré la fonction uréopoïétique du foie et l'existence d'une diaslase concomitante. Parmi les ferments protéolytiques, la pepsine stomacale est sécrétée par les glandes à pepsine de la muqueuse gastrique de l'homme et des vertébrés supérieurs. Il existe pro- bablement diverses sortes de pepsine. La pepsine des poissons est remarquable par son activité (Gh. Richkt). Elle semble être nettement distincte des pepsines des mammifères par sa température optimum, 20° par exemple, pour la pepsine du brochet (Hoppe-Seyler). On trouve aussi des pepsines dans les organismes les plus inférieurs (Metchnikofe, Kru- kenberg). Enfin, tlans les digestions intra-cellulaires, digestions d'animaux en inanition faisant de l'autophagie, il y a sécrétion de pepsine. On en a donc trouvé dans un grand nombre d'organes (Brugke, Kuhne, Cohnheim). (V. Estomac.) Les trypsines sont en général sécrétées par le pancréas, et on les trouve par suite dans le suc pancréatique ou dans les macérations de cet organe (Claude Bernard, Dani- levsky, Pachutine). Là encore, il y a différence d'activité entre les sécrétions des diffé- rents animaux. Ainsi le pancréas du chien sécrète un suc dont l'activité protéolytique est un peu inférieure à celle du porc (Floresco). La trypsine des invertébrés (mollusques, etc.) est sécrétée par l'hépato-pancréas. Il n'y a pas localisation de l'action des ferments digestifs, puisque le même organe sécrète les dilférents ferments (Krurenberg). La caséase se rencontre dans l'estomac de tous les mammifères adultes (Arthus). La caséase du pancréas (Duclaux) se trouve dans le suc pancréatique et dans les macé- rations de l'organe. Enfin les ferments coagulants proprement dits, et anticoagulants, se trouvent soit dans le sang, soit dans le foie. Le foie sécrète certaines substances anticoagulantes. (V. Foie.) Heidenhain, puis Contejean, ont montré que les extraits de divers organes, tels que muscles d'écrevisses, corps d'anodontes, intestin et foie de chien, etc., introduits dans l'organisme, rendent le sang incoagulable. Ces substances ajoutées au sang in vitro activent, au contraire la coagulation. Mosso a observé que le sang ou le sérum des Murénides, Anguilles, Murènes, Congres, détermine la mort à des doses très faibles. « Le sang des animaux tués par l'ichtyotoxine ne se coagule pas (Mosso). » Delezenne a montré que le sérum d'anguille in vitro rendait plus rapide la coagulation du sang. Enfin, on sait que les peptones ont une action identique (Fano). Le foie des crustacés, écrevisse ou homard, donne par un traitement convenable un extrait qui jouit de propriétés anticoagulantes in vitro (Abelous et Billard) ; le liquide qui exsude du foie de ces animaux, alors qu'il est retiré du corps et abandonné quelques instants à lui-même, jouit des mêmes actions anticoagulantes. Il y a probablement formation de plasmase dans l'infection pesteuse, puisqu'on y observe la coagulation de la fibrine du sang. Cette coagulation se fait rarement d'une manière globale; la fibrine se coagule plutôt en fins filaments (Nepveu). Le sang et les tissus renferment des oxydases qui permettent l'oxydation de l'alcool benzylique et de l'aldéhyde salicylique (Schmiedeberg). Jaquet a montré que le poumon était particulièrement riche en oxydases. Salkowsiîi avait observé l'oxydation de l'aldé- hyde salicylique par le sang. Abelous et Biarnès confirmèrent et complétèrent les résul- tats de Salkowski en montrant que le sang de tous les mammifères ne présente pas le même pouvoir oxydant. Le sang des animaux jeunes semble présenter ce pouvoir à 394 FERMENTS — FERMENTATIONS. un degré bien plus considérable que celui des animaux d'un certain âge. Les quantités d'acide salicyiique formées aux dépens de l'aldéhyde salicylique, en présence d'une même quantité de sang, et dans les mêmes conditions, sont : grammes. Pour le sang de veau. . . . 0,1'74 — — de bouc . . . 0,174 — — d'agneau . . . 0,0867 — — de porc. . . . 0,0606 — — de cheval. . . traces. — — de bœuf . . . néant. — — de mouton}. . néant. Abelous et BiARNÈs ont aussi recberché le pouvoir oxydant d'un certain nombre d'organes; ils ont constaté que quelques uns d'entre eux présentaient, à des degrés variables, la propriété de transformer l'aldéhyde salicylique en acide. Ce pouvoir ne disparaît pas, même lorsque les éléments anatomiques sont détruits. Mais il disparaît quand on porte l'organe à 100°. Les résultats d'ABELOUs et Biarnès peuvent être résumées à ce point de vue dans le tableau suivant : QUANTITÉ d'acide SALICYLIQUE fourni pour 100 grammes d'organes dans des conditions identiques. Veau. Bœuf. grammes. grammes. Muscles 0 0 Cerveau 0 0 Pancréas 0 0 Testicule 0,023 0,025 Capsules surrénales . . . 0,060 0,021 Thymus 0,061 » Rein 0,062 0,021 Corps thyroïde 0,098 0,009 Foie 0,139 0,126 Poumon 0,146 0,046 Rate 0,252 0,078 Abelous et B[ar.\ès ont démontré l'existence d'une oxydase dans l'hémolymphe, le foie, les branchies, les muscles, les organes génitaux de l'écrevisse. Il existe enfin un ferment oxydant dans la salive, dans la sécrétion nasale et les larmes (Paul Carnot). (V. Oxydases.) .3° Sécrétion des diastases par les végétaux. — La sécrétion, ou tout au moins la for- malion d'un milieu favorable aux actions diasLasiques, parait aussi évidente dans le règne végétal. Les diastases, là aussi, sont sécrétées par des cellules spéciales, souvent par des épithé- liums glandulaires, et la plante ne semble produire les diastases qu'au fur et à mesure de ses besoins. Souvent même, il y a séparation absolue entre les cellules diastasigènes et les cellules renfermant la substance sur laquelle elles peuvent agir. Il y a donc localisation des ferments solubles dans le temps et dans l'espace. Ces faits sont surtout bien connus pour les ferments agissant sur les amidons et les glucosides. La diastase ou amylase de l'orge germée (Kirchhoff, 1814: Dubrunfaut, 1823; Payen et Persoz, 1833) se rencontre dans la plupart des végétaux. Brown et Morris ont montré que dans l'orge en germination la diastase est sécrétée par l'épiderme du scutellum. Cet épiderme, qui sépare la plantule de l'endosperme nutritif, attaque ce dernier et le digère au profit de l'embryon qui vit ainsi en parasite sur le reste de la graine. Celte digestion s'effectue en deux temps : dans le premier temps, il y a dissolution de l'enveloppe cellulosique des cellules de l'endosperme, par suite de la sécrétion de cytases : dans le second temps, il y a dissolution et saccîiarification de l'amidon, par suite delà sécrétion d'amylase. On trouve aussi de l'amylase dans les feuilles des plantes. Em. Bourquelot et H. Hkrissby ont déterminé l'individualité de la séminase, ferment qui se produit pendant la germination des graines de légumineuses à albumen corné. La séminase est différente de la diastase et n'existe pas dans la salive. On la trouve dans les graines de luzerne, d'orge, de fenugrec. FERMENTS — FERMENTATIONS. 39o [.a maltase vient compléter l'action des diastases dans la saccharification du sucre. RossMANN et Kraugh l'ont signalée dans les feuilles et les bourgeons; Browm et Morris, dans l'embryon des plantes; Green, dans les graines. La sucrase se rencontre dans les plantes qui accumulent comme provision de réserve du saccharose . Aussi la trouve-t-on dans la canne à sucre et la betterave. Parmi les ferments des glucosides, l'émulsine se rencontre dans les graines des amandes amères, dans les feuilles du laurier-cerise, dans le manioc. I/émulsine se rencontre dans des cellules spéciales; c'est ainsi que, dans la feuille du laurier-cerise, l'émulsine existe dans les cellules de la gaine endodermique des faisceaux. Guignard, qui a démontré ce fait, a prouvé aussi quel'amygdaline que l'on y rencontre était contenue dans des cellules très différentes du parenchyme des feuilles. Il y a Là localisation dans l'espace de prin- cipes pouvant réagir l'un sur l'autre. Enfin, l'émulsine peut encore se rencontrer dans certains champignons vivant sur le bois ou parasites des arbres; tels sont le Polyporus sulfiireus, le Poiyporus fomentarius, V Armillaria mellea, etc. On rencontre la myrosine dans les Crucifères, les Résédacées, les Tropéolées, les Capparidées. Partout ce ferment est contenu dans des cellules particulières faciles à reconnaître d'après la propriété qu'elles possèdent de se colorer vivement en violet sous l'influence de l'acide chiorhydrique pur. Guignard a montré que les cellules renfermant de la myrosine étaient principalement situées dans le parenchyme cortical et libérien de la racine, dans le péricycle de la tige et la région correspondante des feuilles, enfin dans le parenchyme de la graine. On rencontre dans les plantes des ferments digestifs : Wurtz a isolé la papaïne du suc du Carica Papaïa. Certaines plantes, les Drosera (D. rotundifolia), les Dionœa (D. muscipula), les Népenthes, toutes plantes insectivores, sécrètent des diastases digérant les albuminoïdes en milieu acide (Darwin, Hansex). Certains champignons : plasmodes de myxomycètes (Krukenberg, Engelmann, Metchnikoff, Le Dantec) produisent des liquides acides pepsinifères dissolvant les matières albuminoïdes. La graine de vesce renfermerait un ferment capable de digérer la fibrine, même à froid (Gorup-Besanez). Des ferments analogues, d'après les mêmes auteurs, se retrouvei^aient dans les graines de chanvre {Cannabis sativa) et de lin [Liniim usitatissimian) , dans l'orge germée, etc. La formation d'un milieu favorable à l'action de ces ferments digestifs semble êti'e complètement sous la dépendance des influences extérieures. Gorup-Besanez et Will, en étudiant le suc de Népenthes phyllamphora et N. gracilis, ont constaté une différence considérable suivant que le liquide avait été sécrété dans des urnes excitées par des insectes ou des urnes où cette excitation avait manqué. Le suc des urnes excitées est légèrement acide et dissout rapidement les albuminoïdes; le suc des urnes non excitées est neutre et n'agit sur la fibrine ou l'albumine cuite qu'après addition d'un acide. Les diastases oxydantes et réductrices végétales sont nombreuses. Les oxydases végétales, oxydases du noircissement du cidre (Lixdet), de la coagu- lation de la laque (Bertrand), la tyrosinase, de Bertrand, déterminent la fixation de l'oxygène sur les corps en présence desquels ils se trouvent (Latex du Rhus succidanea ou arbre à laque). La laccase se rencontre dans un grand nombre de végétaux (Bertrand). Il serait superflu de les énumérer tous; il y en a probablement partout où la cellule respire. Le philothion se rencontre dans le règne végétal; il se développe dans la graine pendant le premier acte de la germination, et il se consomme dans les phénomènes ultérieurs; cette apparition, suivie d'une disparition, son action sur l'oxygène, tout concourt à prouver qu'il joue un rôle fpndamental dans la germination de la plante. Proenzymes et prodiastases. — Les diastases ne paraissent pas exister sous leur forme active dans les tissus glandulaires qui les sécrètent. Elles semblent exister sous une forme primitive, dénuée de toute activité fermentative, et ne se transforment en ferments véritables que sous l'action d'un milieu favorable. La première diastase sur laquelle une telle origine ait été entrevue est la pepsine. Langley, après avoir montré que le produit de la macération de la muqueuse de l'estomac de porc dans l'acide chiorhydrique étendu, ne résiste pas à une température de .37° maintenue une minute, après neutralisation et avec excès de soude, a étudié ce 396 FERMENTS — FERMENTATIONS. même phénomène siii- la muqueuse elle-même. La muqueuse [ou des extraits aqueux peuvent être pendant longtemps maintenus à 37° en présence d'un excès de soude sans perdre de leur activité, lorsqu'on les remet en milieu acide. La pepsine ne se trouverait donc pas au même état dans le tissu de la muqueuse et dans la macération de cette muqueuse. La muqueuse donnerait naissance à de la propepsine se transformant ultérieurement en pepsine. Podwyssotsky a montra, d'autre part, qu'en soumettant des extraits glycérines de muqueuse stomacale à l'action de l'acide chlorhydrique pendant des temps différents, on fait varier dans des proportions considérables la puissance digeslive de l'extrait. (Voy. Estomac, v, 639.) Les mêmes faits se retrouvent à propos de l'élude de la présure. Hammarsten a reconnu que toutes les muqueuses gastriques renferment une substance soluble dans l'eau ne coagulant pas la caséine, substance qui n'est donc pas du lah, mais qui, sous l'influence de l'acide chlorhydrique à 1 p. 100 ou de l'acide lactique, donne rapidement du ferment. Boas a admis l'existence de la proprésure comme conséquence d'une diffé- rence de résistance aux alcalis. Zacher. prenant un extrait glycérine de muqueuse de porc, constate que cet extrait coagule le lait avec des vitesses variables, suivant que l'extrait a été laissé préalablement pendant 2 heures en contact avec de l'acide chlorhydrique, ou qu'on le fait agir immédiatement sur le lait. Il s'est donc formé, dans le deuxième cas, de la présure; il y avait, dans l'extrait, de la proprésure. On a différencié de même une proplasmase du fibrin-ferment (Sghmidt). Le globule blanc renfermerait, non la plasmase, mais un corps susceptible d'en fournir. Le suc pancréatique semble aussi doué d'une activité beaucoup plus grande lorsque la macération de l'organe a été effectuée k une température très légèrement supérieure à 38°. Green, enfin, a fait voir que l'action de certaines radiations lumineuses avait pour effet d'augmenter beaucoup la puissance diastasique d'une infusion d'orge germée, et il en a conclu que l'amylase existait en un état primitif, et différent, dans le grain d'orge, l'enzyme se produisant sous l'influence de certains rayons lumineux. Préparations des diastases. — H ne s'agit pas ici de l'isolement ou de la préparation d'une diastase pure; il nous suffira d'indiquer les méthodes généralement employées pour préparer des liquides ou des solide; jouissant de propriétés diastasiques. On peut obtenir les diastases en solution, soit dans le milieu de culture d'un microbe, soit dans le liquide de macération d'un organe, soit encore dans le sérum provenant de l'éclatement des cellules par un moyen mécanique quelconque, avec ou sans addition d'eau. On peut les précipiter au moyen d'un certain nomlDre de réactifs, soit par l'alcool, dans lequel la plupart des diastases sont insolubles, soit par entraînement des diastases au moyen de précipités spéciaux, tels que le phosphate de chaux (Cohnheim), la cholestérine (Brucke), la cellulose nitrique (Danilewski). Enfin, pour un grand nombre de diastases, on étudie simplement les propriétés dias- tasiques des liquides naturels tels qu'ils les possèdent. Tel est le cas des diastases que renferme le sérum sanguin. Lois générales de Taction des diastases. — L'étude de l'action des diastases comprend : 1° une étude physiologique qualitative, qui comprend l'analyse des condi- tions physiologiques qui entourent les phénomènes provoqués par un ferment soluble; 2" une étude chimique quantitative, dans laquelle on détermine la nature des réac- tions qui se passent dans la fermentation, la formule qui y correspond et les conditions physiques et mécaniques qui accompagnent le phénomène. La physiologie des ferments peut, selon Dastre, être représentée par le schéma suivant : 1" Formation intra-cellulaire d'un zymogéne, proferment, proenzyme, contenant de la diastase. 2" Transformation du proferment en ferment, par l'action de substances spéciales ou de conditions de milieu, agents zymoplastiques. 3° Le ferment constitué, les milieux différents réagissent sur son activité, et l'on a : a) Agents zymo-excitateurs, provoquant ou exaltant l'activité du ferment. b) Agents zymo-frénateurs, ou zymo-inhibiteurs d'ARTnus, entravant ou arrêtant son action. FERMENTS — FERMENTATIONS. 397 c) Agetjts zymolyliques, détruisant le ferment. Les lois mathématiques qui reijrésentent l'action des diastases sont des plus difficiles à établir. L'interversion du sucre est le phénomène de choix pour l'étudier, étant donnés, d'une part, les corps bien définis qui constituent les chaînons de la réaction, et, d'autre part, la facilité de leurs dosages. Barïh a montré (1878) que l'action de l'invertine était jusqu'à une certaine limite proportionnelle au temps; l'inversion serait en outre à peu près proportionnelle à la quantité de ferment. L'activité dépend de la concentration de la solution sucrée. Avec 0S'',00o d'invertine, au bout d'une demi-heure, Barth a obtenu : PouL' une solution à 0,3 p. 100 d e sucre. . . 0,020 de sucre interverti. 1 — . . . 0,04.3 — — r> — . 0.100 — — ■10 _ . 0,104 _ — 20 _ 0,083 _ — 0' Sullivan et Thompson ont recherché la rapidité de l'action de la sucrase sur le sucre de canne, en déterminant pour chaque température, au bout de temps variables, la quan- tité de saccharose interverti. Ils ont défini ainsi une courbe, la courbe d'inversion, qui représente une logarithmique. Ils en ont conclu que l'action de la diastase est pro- portionnelle à la quantité de sucre présent dans la liqueur; mais Duclaux, opérant sur la sucrase, et Dubourg, sur une diastase de l'urine, ont montré, au contraire, que l'action de la diastase était constante et indépendante de la quantité de sucre mis en expérience; La conclusion de 0' Sullivan et Thompson est donc sans doute erronée. Le ralentissement de la vitesse de la réaction ne dépend donc pas de la diminution de la quantité de sucre en expérience, mais d'une action inhibitrice provenant du milieu même en fermentation. Cette action inhibitrice est due à la présence des produits de la réaction. Ces produits ralentissent, puis arrêtent complètement, en général, la fermenta- tion, alors qu'il s'en est produit une certaine quantité. Il y a donc là équilibre chimique, l'action ne pouvant avoir lieu au delà d'une certaine limite. Si cette limite est dépassée, c'est la réaction inverse qui se produit; l'action des ferments solubles correspondrait donc à des phénomènes réversibles. C'est ce que nous avons vu plus haut. L'action inhibitrice des produits de la [fermentation ne serait pas, d'après Duclaux, variable proportionnellement à la quantité même de ces produits, mais au rapport exis- tant entre cette quantité et le poids total de sucre. Par suite, soit S la iiuantité de saccharose tenu en dissolution dans l'unité de volume; X la quantité de sucre interverti au bout du temps t. Au début de la fermentation, alors qu'il n'y a pas de produits retardateurs, la quantité de sucre interverti est proportionnelle au temps. dx = Kdt. K représente par suite la quantité de sucre interverti dans l'unité de temps. Dans de telles conditions, c'est la constante d'inversion. C'est cette quantité qui diminue en fonc- tion du rapport . K est donc diminué d'une quantité K ^ , et l'expression devient : dx^Kli-:.] dl. ou : -0-s) dx K .ç, ou, en intégrant : K_l S Cette formule n'est vraie que pour une même fermentation. En etîet, d'une fermenta- lion à l'autre on doit, pour pouvoir appliquer la formule, faire intervenir un coefficient n variable avec les conditions mêmes de température, de milieu de culture, etc. La formule dans ce cas devient : K?( 1 , S 398 FERMENTS — FERMENTATIONS. Victor Henri a repris cette étude, et de ses expériences il a conclu à une modifica- tion profonde dans les termes de la formule, qui reste néanmoins logarithmique. Pour V. Henri, l'étude de l'action de l'invertine, de l'émulsine et de l'amylase donne les résultats expérimentaux suivants : l" La vitesse d'inversion du saccharose (nombre de grammes invertis) par minute est variable avec la concentration du saccharose, toutes choses égales d'ailleurs. Elle croît d'abord jusqu'à une concentration décinormale, et, à partir de ce point, reste alors indé- pendante; il en est de même pour l'action de l'émulsine sur la salicine et de l'amylase sur l'amidon et la dextrine. 2° La vitesse de la réaction est proportionnelle à la quantité de ferment. 3° L'addition du sucre interverti ralentit la vitesse de l'hydrolyse du saccharose, et ce ralentissement est surtout dû au lévulose. Il en est de même pour la transformation de la salicine et de l'amidon, dont la vitesse est ralentie par l'addition des produits sur les fermentations. 4° La vitesse de l'inversion du saccharose par l'invertine est plus rapide que celle qui est provoquée par les acides. La vitesse d'inversion de la salicine par l'émulsine est, au contraire, plus lente que celle produite par les acides. Enfin la vitesse de l'hydrolyse par l'amylase est très voisine de celle que produisent les acides. K augmenterait donc d'une façon régulière, et l'expression ^ doit être remplacée par d'où : ^ = K,(.+ =|):S_x,, et, en intégrant : K, (1 + £) = iLo, ^ S (-i> s, dans les expériences de l'auteur, est très voisin de 1, de telle sorte que ;i£=K,(.+|),s-., ou .k.=1l„,|±- formule qui définit l'action de la sucrase en fonction de la quantité de sucre mise en expérience, et de la quantité de sucre inverti, du temps et d'une constante d'inversion. Cette constante varierait avec la concentration en saccharose. Le produit KiS augmente avec S pour les concentrations faibles, inférieures à o p. 100, reste constant de 5 à 23 p. 100, diminue pour les concentrations fortes, supérieures à 23 p. 100. BoDENSTEiN, en étudiant les résultais d'HENRi sur l'invertine, proposa une interpré- tation d'après laquelle l'activité du ferment est ralentie par le saccharose et le sucre interverti, l'action inhibitrice du saccharose étant la plus forte. Soit a la quantité totale de saccharose; x celle de sucre inverti; {a — x) sera la quantité de saccharose non encore transformée, et les deux actions inhibitrices seront m [a — n) pour le saccharose et nx pour le glucose, m et x étant deux constantes. L'activité du ferment est donc diminuée dans la proportion m (a — n) + nx. De telle sorte qu'à un moment donné cette activité' est représentée par F m {a — ?() + nx' La vitesse de la réaction est, d'autre part, proportionnelle à la quantité de saccharose (a — x). De telle sorte que l'expression de cette vitesse est : FERMENTS— FERMENTATIONS. 399 D'où il vient -^ a (m — n a \ Kl = - X 11 log. . Cette formule convient pour des solutions variant entre les concentrations en saccha- rose deminorinale et décinormale, mais ne convient pas pour des dilutions plus faibles. V. Henri a alors admis que la diastase se combinait en partie au corps à transformer, en partie aux produits de la fermentation, et restait libre enfin pour une certaine proportion. Soit la quantité de diastases, a la quantité de saccharose initiale, n la quantité de glucose transformé, [a — n) la quantité de saccharose encore intact. Soit a la quantité de ferment qui se combine avec le saccharose, [i celle qui se fixe sur les produits de la fermentation, y celle qui reste libre. Ces combinaisons se faisant d'après la loi de l'action des masses, on a par suite / cp = a + p + Y \ 1 , ^ 1 — a = « — n]y J m 1 1 d'où : ix=^m{a — x) ^ ^=zax Y cp = m (a — .t) Y + w JJ Y + Y et. T = m ia — x) + H a; + 1 On peut alors admettre que c'est : 1" Soit la fraction non combinée y du ferment qui agit; la vitesse est alors propor- tionnelle à (rt — x) et a Y et dx K 9 {a — x) dt m [a — x) + 11 X ■{- \' 2° Soit, au contraire, la fraction a combinée au saccharose non encore interverti. La vitesse de la réaction est donc proportionnelle à la quantité de cette combinaison a. Ce qui conduit encore à la même expression : dx K cp) {a — n) dt m [a — n) + )i x + l' ' V. Henri a alors constaté l'exactitude de cette formule en l'appliquant au dédoublement du saccharose par l'invertine, de la salicine par l'éraulsine. Les constantes m et n sont caractéristiques du ferment, des conditions de te mpérature et de milieux. K reste constant pendant toute la durée de la réaction. De telles considérations ne s'appliquent qu'cà des ferments solubles agissant sur des produits en dissolution et présentant ainsi en tous les points de la masse un contact parfaitement intime. Lorsque la diastase agit sur des matières solides, son action ne s'exerce que sur des surfaces. Si donc l'on augmente la quantité de diastase par unité de volume, il faut seulement, dans l'action exercée, considérer l'augmentation de la quantité de diastase par surface. C'est ainsi que Doclaux admet que la loi de l'action de la trypsine sur l'albumine cuite et coagulée répond théoriquement à la formule suivante : i -r' l et /' étant respectivement les longueurs d'albumine dissoute dans le même temps par des solutions de diastases dont les concentrations sont respectivement 1 et 1 x n. La formule peut encore s'écrire : f^ — !i: ^3 — r Les cubes des longueurs d'albumine dissoutes dans le même temps sont proportionnels aux carrés des concentrations des substances diastasiques. 400 FERMENTS — FERMENTATIONS. Influence des agents chimiques. — Action de l'air et de l'oxygène. — Cette action est variable suivant qu'on l'étudié à la pression ordinaire ou à de hautes pressions. P.Bert a montré que l'oxygène à haute pression agit sur les ferments organisés aussi bien que sur les animaux, tandis qu'il est sans influence sur les ferments solubles : la diastase, loin d'être altérée par l'oxygène à haute pression, y conserve presque indéfi- niment son pouvoir, tandis qu'elle le perd à l'air libre ou dans l'eau, dès le deuxième ou le troisième jour. L'air exerce une influence remarquable sur la coagulation de la caséine par les dia- stases du Bacillus septicus putidus et de la bactéridie charbonneuse (Roger). Dans les deux cas, lorsqu'on cultive ces microbes sur du lait dans des tubes à essai, il y a coagu- lation. Dans des ballons d'ERLËN'MEYER (ballons triangulaires à fond plat), comme il s'agit de couches minces très aérées, il n'y a pas coagulation, mais transformation du lait en un liquide brun chocolat fétide renfermant une substance visqueuse très diffici- lement filtrable sur papier. On peut observer, suivant l'apport variable d'air, tous les types intermédiaires entre ces deux extrêmes. On peut encore déterminer une coagulation plus complète en cultivant le Bacillus septiciis putidus sur du lait sous une couche d'huile. On a ainsi une coagulation presque totale au bout de quarante-huit heures, ce que montrent les chiffres suivants d'une expé. rience de Roger : POIDS de matières coagulées p. 100 c. c. de lait dans des cultures âgées de 48 heures. grammes. Cultures à l'air libre. Grand ballon cI'Erlenmeyer. 0,868 _ _ Petit - — . 1,662 _ _ Tubes :^,859 Cultures sous huile 4,028 Lait pur (dosage de caséine) 4,188 Si l'on s'adresse à des cultures plus vieilles, on observe une diminution considérable dans ces chiffres. Il y a dissolution alors de la caséine coagulée : roiDS de matières coagulées p. 100 c. c. de lait daus des cultures âgées de 1 mois. Cultures à l'aii' liijro. Grand ballun d'P^RLF.NMEVER. 0,788 — — Petit — — 0,981 _ _ Tubes 2,138 Cultures sous huile 2.872 Pour une teneur en caséine de lait pur 4,188 Avec la bactéridie charbonneuse, les faits sont identiques, mais moins nets. Il y a sécrétion de diastase, quelle que soit la forme du vase; mais, quand il y a accès d'air, il y a évidemment destruction de la caséine. L'acide acétique n'en décèle plus au bout de quarante-huit heures, quelquefois même au bout de vingt-quatre heures. Action de l'eau. — L'action de l'eau se ramène en général à la simple action de la dilution. La dilution retarde la coagulation du plasma oxalaté ; mais, si ce plasma renferme une certaine proportion de leucocytes, surtout si l'on a affaire à du sang ordinaire non oxalaté, il y a mise en liberté de ferment par destruction du globule, et par suite con- centra/ion. Ce phénomène a lieu jusqu'à une certaine limite, au delà de laquelle une addition d'eau dilue réellement la solution de plasmase et retarde la coagulation. Action des acides. — Kieldahl a montré que des doses faibles d'acides déterminent sur la sucrase une action variable suivant la teneur en acidité du milieu. Il y a tout d'abord accélération dans l'inversion; puis, après avoir passé par un maxi- mum, la quantité de substance intervertie diminue, pour augmenter enfin une dernière FERMENTS FERMENTATIONS. 401 fois quand la proportion d'acide devient assez grande. Ce dernier phénomène est dû à l'action même de l'acide. D'après ce qui précède, il y aurait par conséquent un opti- mum favorisant l'action des diastases, Fernbach a recherché quelle est la dose optimum de certains acides sur la sucrase. Ces doses sont, en millionièmes : cide siilfuriquc. . -2.0 — oxalique. . . . 50 — 100 — tarti'iqiie. . . 1 000 — acétique. . . 2 000 — succinique. . 2 000 — lactique. . . .y 000 Leyser, puis Kjeldahl, ont démontré le même fait pour l'amylase. Baswitz a fait voir que la sacharification par la diastase est activée même par l'acide carbonique : la quantité de sucre fourni dans ces conditions est plus considérable qu'elle ne le serait en l'absence de l'acide carbonique. L'acide salicylique se montrerait particulièrement actif, d'après Brown et Héron. Mais l'action des acides a été particulièrement intéressante à étudier sur la pepsine, les oxydases et la lipase. La pepsine agit en milieu acide, et on a cherché quelles étaient les doses les plus favorisantes pour un certain nombre d'acides. A. Petit, entre autres, a montré que les doses optima pour la pepsine varient de 3 à 6 millièmes pour les acides minéraux; elles peuvent atteindre 4 centièmes pour les acides organiques. La lipase, mettant en liberté des acides par saponification, est, par cela même, modifiée d'une façon particulièrement nette. En laissant constant le temps de réaction (trente minutes) avec les mêmes propor- tions de glycérine et d'eau, Hanriot a pu rechercher faction de proportions variables d'acide isobutyrique sur l'aclion synthétique de la lipase. Acidité totale 22 29 :s6 43 50 57 64 | 72 1 19 86 93 — disparue 8,4 11,6 11,8 15 11,2 14,4 12,6 15,8 6 85 4 — disparue p. 100. . . 40 39 2 34 22 25 20 1 22 j 8 6 4 La lipase n'a donc d'action synthétique que dans des limites bien déterminées; de plus, la quantité p. 100 d'acide combiné dans un temps déterminé diminue à mesure que la quantité d'acide augmente. Ces deux faits sont la conséquence de l'action inbibitrice des acides libres sur le ferment lipasique. M. Hanriot a recherché l'action de l'acide acétique sur la lipase, et il a constaté qu'une acidité croissante arrête l'activité de la lipase. Nombre de gouttes d'acide acétique au 1/10'. I 0 15 1 10 I 15 1 20 1 23 1 30 1 35 1 40 Activité lipasique correspondante 1 14 | 13,2 \ 11,3 | 10,9 | 6,7 | 5,5 | 1 | 0 | 0 Il on a conclu que la lipase s'unissait avec l'acide en formant une combinaison inac- tive. Si l'on attend un certain temps, on voit l'activité lipasique reparaître, et cela au bout d'un temps d'autant plus long que la dose d'acide a été plus forte. D'autres acides ont été aussi étudiés vis-à-vis de leur action sur la lipase (Hanriot). Le tableau suivant donne l'activité du ferment immédiatement après neutralisation, et un certain temps après cette neutralisation. ACTIVITÉ. SO*H^ AzO'II H Cl C^H^O* Cli-^O^ C^H^O-' C*H80* Immédiatement. . Après 2 h. 45. . . — 3 h. 45. . . 1 1 0 2 1 1 1 7 9 >,) 12 6,5 15 15 6 27 25 li 19 18 M. Hanriot en a conclu qu'un ferment atténué par une action chimique peut se régé- nérer, et revenir à son activité première, de sorte que l'action de la hpase sur les acides DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI, 402 FERMENTS — FERMENTATIONS. et les étliers semble être une combinaison chimique régie par les lois de la disso- ciation. LiNOSsiER a recherché l'action des acides sur les oxydases indirectes; les oxydases étudiées étaient les macérations aqueuses ou glycérinées de certains organes, et leur activité était mesurée par le volume d'oxygène dégagé. Volume d'oxygène dégagé en des milieux d acidité différente. -À o Z O H < OXYGÈNE CORRESPOND. Dégage p. 100. o 3 3 Q n Thyroïde Aqueuse. 14 88,63 13 12 5 0 0 0 (Mouton). Glycérinée. 14,6 92,40 12 10 3.8 0 0 (1 Pancréas Aqueuse. 12,2 84,12 12,2 T 1 0 0 0 (Veau). Glycérinée. 13 45,58 12 10 6 0 0 0 Foie Aqueuse. 12,6 96,92 12 10 8 6 3 0 (Porc). Glycérinée. 15 97,40 14 12 1 3 2,4 0 Ovaire (Brebis). Aqueuse. 3,6 24,30 0 0 0 0 0 0 L'oxydation du phénol et de la résorcine par les oxydases des champignons est empê- chée en milieu acide (acide acétique). En solution neutre, elle est très lente ; en milieu légèrement alcalin, à 1, 2, 3 ou 4 p. 100 de carbonate de soude, il y a rapidement oxydation, et une solution de phénol dans ces conditions vire au rouge, puis au noir; une solution de résorcine vire au rouge avec fluorescence verte (Bourquelot). L'addition d'un acide peut favoriser ou entraver l'oxydation par le ferment oxydant des champi- gnons (Bourquelot). L'aniline, corps réducteur, mis en contact avec des quantités crois- santes d'acide acétique en solution neutre s'oxyde et les proportions qui conviennent le mieux à l'action du ferment sont 1, 2, 4, 10 p. 100 d'acide acétique. La quantité qui paraît optimum est 4 p. 100. A 2 p. 100, la réaction est ti'ès lente, de même qu'en l'absence de tout acide; à 5 p. 100, il n'y a plus aucune oxydation. Signalons enfin l'action de l'acide carbonique sur la plasmase. Mathieu et Urbain (1874) avaient cherché à prouver que l'agent de la coagulation spontanée du sang était l'acide carbonique, et que l'obstacle à cette coagulation in vivo résidait dans les globules sanguins, fixant non seulement l'oxygène du sang, mais encore l'acide carbonique, Glénaru a montré que l'acide carbonique ne jouait aucun rôle; car du sang conservé dans la jugulaire d'un cheval ne se coagule pas quand on le sature d'acide carbonique. Al. Schmidt a supposé que l'acide carbonique retarde la coagulation du sang. L'acide carbonique exerce, au contraire, une action inverse sur la coagulation du plasma oxalaté; il y a accélération. Action des alcalis. — Fernbach a montré sur la sucrase d'As2)ergiUus que la neutrali- sation semble arrêter très rapidement l'action diastasique; puis le ferment lui-même semble se détruire. Les acides et les alcalis gênent l'action de la trypsine. La digestion Irypsique ne peut commencer que dans un milieu très faiblement acide (renfermant, d'après Kuhne, 5/10 OOO'' d'un acide minéral, l'acide chlorhydrique, par exemple); elle croit progressivement, devient optimum pour une proportion de 2 à 4 millièmes jusqu'à 1 p. 100 de carbonate de soude; elle décroît ensuite pour être à la fin arrêtée complètement. Ebstein et MiiLLER, en 1875, ont étudié l'action des acides et des alcalis sur le ferment inversif du foie. Les alcalis retardent la transformation du glycogèiie; les acides l'ar- rêtent complètement, et en solution très étendue la retardent encore (acides chlorhydrique, sulfurique, acétique et lactique). FERMENTS FERMENTATIONS. 403 La réaction du milieu a une grande influence sur la vitesse de coagulation du sang (Dastre et Floresco). C'est ainsi que le plasma peptoné, légèrementalcalin, reste indéfiniment liquide, tandis qu'il coagule en deux heures à 40°, alors qu'il est neutralisé. Il en est de même pour les plasmas renfermant 1 p. 1 000 d'oxalate de potasse, pour le plasma de peptone hépatique. LÉPiNOis a étudié l'action des alcalis sur les fermentations diastasiques provoquées par les oxydases indirectes. Les quantités d'oxygène dégagées en des milieux d'alcali- nité variable sont résumées dans le tableau suivant: y. == o Z < < ce ■a Il p -a 6 2 5 d '.5 ■2 ^ S ^ X < d o O C 6 rj •J -j ^ = ^ Ol « "'' te o ?, Thyroïde Aqueuse. 14 88,63 13 11.6 0 n 0 0 0 0 (Mouton'. Glycérinée. 14,6 02.40 9 7,6 2 0 0 0 0 0 Pancréas Aqueuse. 12,2 84,12 12,6 9.4 1 (1 0 0 0 0 (Veau). Glycérinée. 1.3 o:i,58 10,2 10,2 9 5 1,6 0 0 0 Foie Aqueuse. 12.6 06.92 12,4 12,3 12,2 12,3 12,2 12 0 0 (Porc). Glycérinée. 15 97,40 15 >' " i;; 14 9 1,6 Ovaire (Brebis). Aqueuse. ,3,6 24,30 2 0 0 0 0 0 0 0 Action des sels. — Les sels acides ou alcalins exercent naturellement la même action que les acides ou les bases. Certains sels n'ont aucune action sur la maltase; d'autres, au contraire, retardent son action ; d'autres enfin arrêtent complètement la fermentation. C'est ainsi que DuBOURG a montré qu'en solution au 1/100, les chlorures de sodium, de potassium, d'ammonium, de calcium, les sulfates de soude, de magnésie, d'ammoniaque, de peroxyde de fer, l'hyposulflte de soude, l'iodure de potassium, l'émétique, les phosphates de soude, de potasse et d'ammoniaque et les tartrates des mêmes bases n'ont aucune action. Au contraire, à la même dose, le chlorure, le sulfate et l'acétate de zinc, le sulfate ferreux, le sulfate de cuivre, les trois aluns, les acétates de plomb et de mercure, etc., arrêtent complètement l'action de la diastase. L'action des sels est particulièrement remarquable sur les phénomènes de coagulation du sang. Hewson, en 1770, utilisa le premier l'influence des sels, du sel marin en parti- culier, sur la coagulation du sang, pour séparer globules et plasma. D'après A. Gautier, le sel marin ajouté à la dose de 3 p. 100 au sang de bœuf maintenu à 8» en empêche la coagulation. Le plasma que l'on en sépare peut être coagulé à volonté par simple addition d'eau. Le pyrophosphate de potasse possède un très faible pouvoir anticoagulant Dastrk et Floresco). Les citrates de soude et de magnésie, à la dose de 4 p. 1000, retardent la coagulation pendant sept à vingt minutes. Les tartrates de soude, de potasse et d'ammo- niaque, n'exercent presque aucune action sur la coagulation du sang. Les tartrates de soude l'accélèrent peut-être. Les sels de fer empêchent en général la coagulation du sang (Dastre et Floresco). Parmi les sels acides minéraux, le pyrophosphate de fer, en solution dans le citrate d'ammoniaque à la dose de 40 p. 100, maintient le sang liquide m vitro. Le tartrate de fer, employé en solution à la proportion de 4 p. l 000 de sang, empêche la coagulation in vitro après quarante-huit heures : à la dose de 0S'",8 p. 100, pendant vingt-cinq minutes; à la dose de 0'''',4 p. 100, pendant dix minutes. Le tartrate de fer ammoniacal employé in vitro possède des propriétés encore plus anticoagulantes; à la dose de 08%8 p. 1 000, le sang reste encore liquide quatorze heures; in vivo, à la dose de 0^''',l par kilog,, le sang reste liquide pendant plusieurs heures. Le peptonate de fer présente des propriétés anticoagulantes variables avec la qualité du produit. Un centi- 404 FERMENTS — FERMENTATIONS. mètre cube de peptonate de fer laissant 0,154 d'extrait sec empêche la coagulation de 20 centimètres cubes d'un sang de chien formant normalement caillot en une minute; le sang traité était encor.3 liquide quarante-huit heures après; in vivo, l'action est analogue. La ferrine de Dastke et Floresco, sorte de protéosate ferrique, empêche à très faibles doses la coagulation du sang in vitro. Delezenne a montré que le produit de l'action d'une solution de peptone sur le foie, ou peptone hépatique, produit riche en fer, est un anticoagulant remarquable. Les décalcifiants, oxalates et fluorures alcalins (Arthus et Pages, 1890), s'opposent à la coagulation du sang par précipitation de la chaux. La chaux semble en effet abso- lument nécessaire à la fibrine, et cette question de la présence du calcium dans la fibrine est encore à l'étude. (Voir, pour plus de détails, les articles Coagulation, Fibrine, Sang.) On a recherché l'action des sels sur la coagulation de la caséine. Lorcher a montré que tous les sels, même ceux de sodium et de potassium, agissent sur la coagulation de la caséine par la présure. Le potassium a une action plus retardatrice que le sodium, surtout aux fortes doses. Les alcalino-terreux sont accélérateurs. Le poids moléculaire n'exerce pas d'influence bien nette. De faibles proportions de sels ne s'opposent pas à la digestion peptique en milieu chlorhydrique. Ainsi, du chlorure de sodium à 1,4 ou 2 p. 100, du chlorhydrate d'ammo- niaque à cette même dose ne gênent pas la fermentation; mais un excès de ces substances retarde ou même arrête la digestion (Dastre). A 3 p, 100, il y a déjà ralentissement par le chlorure de sodium ou le chlorhydrate d'ammoniaque; à lo p. 100 pour le chlorure de sodium, et à 2 p. 100 pour le chlorhydrate d'ammoniaque, la digestion est tout à fait entravée. Petit a montré que l'acétale et le phosphate de soude, le tarlrate de potasse et de soude, le salicylate de soude, le bichlorure de mercure, retardent et empêchent la digestion gastrique. Il y a donc toute une série d'actions secondaires exercées par les sels sur les actions diastasiques, peut-être même sur lesdiastases elles-mêmes, quelquefois sur les produits de la fermentation. Action des alcools. — Les diastases sont légèrement solubles, et d'une façon variable, dans l'alcool. En 1868, Losch a observé que le liquide provenant de la filtration de laptya- line par l'alcool agissait encore sur l'amidon. K.ieldahl, en 1879, a montré que, dans une liqueur alcoolique à 9", 3 p. 100, le pouvoir amylolytique existait encore, bien qu'il fût réduit de moitié. La pepsine est aussi soluble dans Feau alcoolisée à y p. 100 que dans l'eau acidulée et dans la glycérine (Petit). Elle n'est pas complètement insoluble dans l'alcool à 95° (Bardet). De Jager a constaté que la ptyaline précipitée par l'alcool absolu laisse un liquide qui jouit encore de propriétés amylolyliques. D'après Danilewski l'amylase pancréatique est soluble dans l'alcool à 40°, insoluble dans l'alcool absolu. La trypsine pancréatique y serait insoluble. D'après Dastre la trypsine est, au contraire, sensiblement soluble dans l'alcool à 44°, et un tel milieu n'empêche pas son action fer- mentescible. Guignard a indiqué le même fait pour la myrosine, soluble et active encore dans l'alcool à 60°. L'émulsine, au contraire, est paralysée dans une solution alcoolique à 8° (Bouchardat). D'après Dastre, l'action de l'alcool sur les diastases irait en croissant dans l'ordre suivant : ptyaline, pepsine, amylase (pancréatique), trypsine, myrosine, ferment de la gaultérine, de Schneegans et Geroch. Dastre a poursuivi cette étude sur les ferments digestifs pris à l'état sec. La pepsine est, dans ces conditions, entièrement insoluble dans l'alcool. Les ferments pancréatiques traités par l'alcool à différents degrés ont donné à cet auteur les résultats suivants : la trypsine est soluble et active en milieu alcoolisé. La digestion trypsique peut se faire jusqu'à 15° d'alcool, avec le suc pancréatique du porc; et jusqu'cà 22° pour celui du chien. La trypsine exerce encore son action dans des extraits alcooliques allant jusqu'à 40 p. 100. A partir de ce point, son activité se ralentit, de 40 à 5o p. 100, où il n'y a presque plus de ferment dissous. L'amylase pancréatique est encore soluble jusqu'à 65 p. 100 d'alcool, et la digestion amylolytique peut s'accomplir en milieu alcoolique jusqu'à 20° pour le porc. Les ferments du sang sont extrêmement sensibles à l'action de l'alcool; il y a insolubilité totale pour le fibrin-ferment, la diastase du sang, la protéase du sang. On voit donc que l'activité des ferments digestifs diminue beaucoup plus vite que leur FERMENTS — FERMENTATIONS. 405 solubilité; l'une cesse complètement de 15 p. 100 trypsine) à 22 p. 100 (amylase), tandis que l'autre persiste jusqu'à bO et 65 p. 100. LiNossip.R a poursuivi l'étude de l'action des alcools éthylique, propylique, butylique et amylique sur la pepsine, la trypsine, la présure, la sucrase. Tous retardent l'action du ferment, et cette action grandit en raison directe du poids moléculaire des alcools. En représentant par 100 l'action de la pepsine pure, celle de la pepsine en présence de ces différents alcools (à 2 p. 100) peut être représentée par les nombres suivants. Pepsine pure 100 Alcool éthylique. ... 87 — propylique ... 7'J — butylique. ... 51 — amylique. ... 10 Li.NossiER, pour étudier cette action, faisait réagir un suc gastrique artificiel addi- tionné de 2 p. 100 d'alcool sur de petits cylindres d'albumine; la longueur d'albumine dissoute mesurait l'intensité des actions diastasiques. L'action de la trypsine élait étudiée de la même façon : or, dans ces conditions, les longueurs d'albumine dissoute étaient : LONGUEURS EN MILLIMÈTRES d'albumine dissoute. Pepsine. Trypsine. Sans alcool 8,3 8,2 Alcool éthylique .... 7,8 7,6 — propylique ... 7,2 6,8 — butylique .... .5,9 5,9 — amylique .... 2,6 5,4 LmossiER n'a pas donné de nombres exacts pour l'action de la présure : il a constaté un retard dans la coagulation du lait d'autant plus marqué que le poids moléculaire de l'alcool ajouté était plus considérable. Enfin l'action inhibitrice des alcools sur la sucrase peut être représentée par les nombres suivants : QUANTITÉ DE SUCRE INTERVERTI au bout do 2 lie ures à 45°. Avec 2 p. 100 Avec 4 p. lOC d'alcool. d'alcool. Sucrase pure , . . . . 2,12 2,70 Alcool méthylique . 1,82 1,72 — éthylique . . . . 1,75 1,65 — propylique . . . 1,70 0,90 butylique . . 1,50 0,75 — amylique . . . . 1,75 1.22 Bien que les cbilïres trouvés pour l'alcool amylique soient un peu en désaccord avec la théorie, cela ne prouve nullement la fausseté de cette loi; l'alcool amylique est, en effet, peu soluble dans l'eau, et la proportion dissoute était loin d'atteindre 2 p. 100 dans ces expériences. Les derniers chiffres ne sont donc pas quantitativement comparables aux autres; ils indiquent seulement pour l'alcool amylique une très grande action inhi- bitrice. E. Laborde, au contraire, a cru voir que la digestion gastrique était activée par l'alcool méthylique (dans une très faible mesure), et par l'alcool isobutylique ; retardée par les alcools éthylique et propylique; la digestion pancréatique était activée par les alcools méthylique et isobutylique; retardée par les alcools éthylique et propylique. E. Laborde a dosé séparément albumose et peptone produites pour 100 d'albumine; au bout de quatre heures pour la pepsine, et de trois pour la trypsine. (E. Laborde ne donne pas les chiffres qu'il a obtenus avec les ferments sans addition d'alcool.) 406 FERMENTS FERMENTATIONS. DIGESTION DIGESTION PEPSIQUE. PANCRÉATIQUE. Albumose. Peptone. Albumose. Peptone. Alcool méthylique à 20 p. 100 .. . 9,90 42,90 6,92 66,03 — — H 3 — . . . 10,30 43,05 6,49 56,63 — éthylique à 20 - . . . 9,36 38,60 3,62 .31,38 — — ;i 3 — . . . 9,84 39,30 7,64 40,06 — isobulylique ù 20 — . . . 13,46 .j4,34 5,68 46,62 _ — a ;j — ... 13,30 32 6,80 55,43 — propylique à 20 — , . . 10,80 43,10 7,02 24,48 — à 0 — . . . 10,90 43.80 7,93 29.34 Action des anesthésiques. — Les anesfhésiques n'ont, en général, pas d'action sur les ferments solubles. MuNTz s'était attaché à rechercher un moyen de distinguer les fermentations produites par des ferments organisés de celles qui avaient pour origine les ferments solubles. Il avait montré que le chloroforme empêche toute fermentation concomitante avec la vie, et était sans influence sur les fermentations dépendant des diastases. Le lait, Turine, une solution de sucre de canne en présence de craie et de fromage ne fermentent pas en présence de chloroforme; la chair et la gélatine, l'empois d'amidon ne s'allèrent pas dans ces conditions. La fermentation alcoolique des sucres en présence de levure de bière est arrêtée par du chloroforme. Les fermentations chimiques ne sont pas entravées par le chloroforme (A. Mcntz). L'orge germée, les amandes amères, l'empois d'amidon en contact avec de la salive, la farine de graines de moutarde, le sucre de canne mélangé à la liqueur de levure (inver- tine) fermentent en présence de l'anesthésique dans des conditions rigoureusement identiques à ce qui se passe en l'absence de tout élément anormal. Les ferments oxydants conservent leurs propriétés dans les solutions chloroformées pendant plus de trois mois (Boubquelot), dans les solutions glycérinées pendant plus d'une année (Schaer, Bourqlelot). Même exposé à la lumière diffuse et dans un vase incom- plètement rempli, le ferment du Lactarius velidiniis ne s'altère pas eu solution glycérinée. Action des antiseptiques. — Les antiseptiques, le formol en particulier, retardent la coagulation de la caséine par la présure (Porte vi.\,Freudenreich); même la présure main- tenue longtemps au contact du formol devient inactive. Ce même corps a une action particulière sur la sucrase dont l'activité spécifique est amoindrie, puis supprimée (Lœw, PoRTEVINj. Le phénol, au contraire, jusqu'à des solutions concentrées au 1/10"^, n'exerce aucune influence sur l'action du ferment inversif du foie. A cette concentration il empêche la transformation du glycogène en glucose probablement en coagulant les matières albii- minoïde (Ebstein et Mi llilr). L'action des antiseptiques ne présente donc aucun caractère général. Elle ne dépend que de la façon dont l'antiseptique agit sur les produits en fermentation. Il semble néanmoins que dans certains cas ils peuvent attaquer et détruire la diastase. Influence des agents physiques. — Action de la chaleur. — L'influence de la température sur les phénomènes diastasiques est aus.si considérable que sur les phéno- mènes de fermentation microbienne. Là encore on retrouve deux périodes : i° Une zone pendant laquelle l'action diastasique, de nulle qu'elle était à de très basses températures, va en croissant de plus en plus rapidement pour atteindre un maximum : la température optimum ; 2° A partir de la température optimum il y a, au contraire, décroissance dans l'acti- vité diastasique jusqu'à une température particulière où le ferment est détruit, et où l'action s'arrête : c'est la température mortelle. La détermination de ces deux points n'est pas très facile; car ils sont non seulement variables d'une diastase à l'autre, mais variables pour des diastases ayant le même FERMENTS FERMENTATIONS. 40^ effet (toutefois d'origine différente]. Même pour une diastase identique, ils varient avec la réaction du milieu, avec la durée de réchauffement, etc. En général, cependant, la température optimum varie entre 40° et 50°; la tempéra- ture mortelle, autour de 60". L'influence de la température sur la fermentation de l'amidon par la maltase est extrêmement sensible. D"après 0. Sullivan, les proportions de mallose et de dextrine obtenues en dix minutes seraient suivant les températures : Au-dessous de 63°. De 64° à 68». De 68» à 70°. p. 100. p. 100. p. 100 Maltose . . . 67,83 34,54 n,4 Dextrine. . . 32,15 63,46 82,6 Au-dessus, la maltase est détruite; ces résultats sont représentés par les équations suivantes (0. Sullivan) : Au-dessous de 65°. . . (CeH'OOS'js + H^O = Ci2H220ii -|- CSHioQs. De 64° à 68° 2(C6Hi0Oo)3 + pisQ z=:Ci2H220ii + 4C6H10O5. De 68° à 70° 4(CeHi0O5)3 + nao =3 C12H22OH + lOCeRioO^ C.-O. Sullivan, Brown et Heron, Kjehldahl ont étudié l'action de la chaleur sur l'amylase pour des températures comprises entre GO" et sa température de destruction. Ils ont constaté que l'amylase, une fois portée à une certaine température, ne peut plus produire une quantité de sucre supérieure à celle qu'elle produit aux températures mêmes où elle a été portée, et cela, quelles que soient les conditions de milieu et de température dans lesquelles on la place. BouRQUELOT a démontré que la ptyaline salivaire s'affaiblit aussi quand on la porte à une température égale ou supérieure à 37». Le même auteur a aussi prouvé que l'amy- lase chauffée ne peut pas pousser la dégradation de la molécule amidon aussi loin que l'amylase non affaiblie. La présence ou l'absence d'oxygène n'influent pas sensiblement sur l'aflaiblissement de la diastase. Brown et Heron d'abord, puis Bourquelot, ont cherché en outre à faire admettre la l'existence de plusieurs diastases dans l'amylase de l'orge germée, chacune d'elles étant détruite à des températures de plus en plus élevées. Brown et Morris, enfin, ont démontré que la température à partir de laquelle la diastase commence à s'atténuer, 45" environ, était aussi celle à partir de laquelle le liquide diastasifère commence à se coaguler. Pozerski a étudié l'influence de la température sur l'invertine de la levure de bière. Ce ferment soluble, porté à une température supérieure à 23", puis mis en présence de 50 c. c. de saccharose à 3 p. 100, à la température de 25°, a donné les résultats suivants : nlANTlTÉ INTERVERTIE AU BODT DE INVERTINE AYANT ÉTÉ PORTÉE A 25» 35» 42» 50» 56» 30 minutes 1 heui-e 1 h. 30 m 2 heures '■2 h. 30 m grammes. 0,192 0,409 0,721 1,000 1,928 'o.270 0,540 1,080 1,227 2,270 ^0,317 0,673 1,800 1,542 2,480 grammes. 0,270 0,300 1,123 1,459 1,384 grammes. 0,1 SG 0,257 0,900 1,148 0.257 II L'intensité du ferment est donc augmentée quand on l'a porté à un moment donné pendant quelques instants à des températures variant entre 23" et 40°. La température optimum paraît être voisine de 40°; l'intensité de l'activité diastasique décroît à partir de ce point; la diastase est alors atténuée. Une diastase, soumise pendant quelques instants à des températures croissantes, reçoit d'abord une influence excitatrice, puis une influence inhibitrice. Le même auteur a cherché aussi quelle pouvait être l'action sur l'invertine d'une température de 40° supportée pendant des temps variables, et il a 408 FERMENTS — FERMENTATIONS. montré que, quelle que soit la durée de la chaufTe, l'intensité du ferment reste la même. L'action de la chaleur sur l'invertine est donc instantanée, et n'est pas modifiée par une prolongation de séjour à l'étuve. De même que sur les ferments hydrolysants et sur les sucres, la température a une influence considérable sur la lipase. L'activité de la lipase présente un optimum vers 50° et cesse entre 63° et 70° (Hanriot et Camus). 11 y a aussi des variations importantes dans la vitesse de coagulation desalbuminoïdes avec la température. La température optimum de coagulation du plasma oxalaté après addition de sel de calcium, est, d'après Arthus, de 40" à 50°. A 5o° il y a encore coagu- lation; à 58°, il n'y a plus coagulation, le fibrinogène étant modifié à cette température. Enfin, la nature même d'une diastase fait varier dans de grandes proportions la tem- pérature optimum. Les pepsines sont dans ce cas. Elles ont en effet, suivant leur ori- gine, des variations considérables dans la valeur de leur température optimum : Pepsine d'animaux à sang chaud. 35, 50° ' WiTTICH. 36° Mages. 40° Hammarsten. 50° Petit, etc. 20° Hoppe-Seyler. Pepsine d'animaux à sang-froid (brochet). Les pepsines des vertébrés supérieurs agissent à une température tiède; leur action est arrêtée par un froid de 0°, et même moindre, où une élévation de température trop élevée. Elles agissent encore néanmoins à 80° (Petit). Les pepsines des animaux à sang froid ont encore, au contraire, une certaine activité à 0°. Les basses températures semblent d'ailleurs simplement s'opposer à la fermenta- tion elle-même, et ne pas toucher au ferment. PozERSKi, en étudiant l'action de la très basse température produite par l'évaporation de l'air liquide, a constaté qu'il n'y avait aucun changement dans l'activité des ferments solubles qui ont pu être ainsi traités; c'est-à-dire, la présure, la diastase salivaire, la sucrasp, l'amylase, l'inulase, la trypsine et la pepsine. Action de la lumière. — Dow.nes etBLOUNTont de'montréque les sucrases sont détruites avec une très grande rapidité à la lumière solaire; mais il faut pour cela l'intervention de l'oxygène; dans le vide, l'action destructrice. D'autre part, Green a montré que l'ac- tion de la lumière (rayons rouges) augmente l'activité diastasique des solutions de salive, ce qui a permis à ce dernier d'admettre une prodiastase que la lumière dédou- blerait. Action de l'électricité. — Smirnow a étudié l'action des courants continus sur les toxines, et il a obtenu ainsi une atténuation de l'activité physiologique de ces substances, Krucer est arrivé aux mêmes résultats. D'Arsonval et Charrin ont recherché l'action des forces électriques sur les toxines bactériennes. En faisant agir le courant continu avec élec- trolyse sur la toxine diphtérique et sur la toxine pyocyanique, ils ont vu que ces deux produits ont leur virulence profondément atténuée. Si l'on a fait agir sur ces mêmes toxines des courants contiims intermittents à haute fréquence, on observe, là aussi, une atténuation, et, dans ce cas, le phénomène a aussi bien lieu au pôle positif qu'au pôle négatif. L'action atténuatrice n'est pas en rapport avec la quantité d'électricité qui traverse les toxines. Les toxines ainsi atténuées par cette méthode deviendraient, d'après ces auteurs, vaccinantes. Deux animaux témoins morts sur trois, pour deux animaux immunisés morts sur quatre, dans le cas de toxine diphté- ritique électrolysée par le courant continu; deux témoins morts sur deux, pour trois immunisés survivants sur trois dans le cas de toxine pyocyanique. D'après Marmier, enfin, les courants continus ou alternatifs de basse fréquence détruisent les toxines bac- tériennes par la production d'hypochlorites et de chlore au sein de ces toxines, tandis que les courants de haute fréquence ne détermineraient aucun changement. Dosage des diastases. — Les méthodes de dosage des diastases reposent uniquement sur le fait delà mesure de leur activité; on détermine quelle est dans l'unité de temps la quantité de matières dédoublées. C'est ainsi que, pour la lipase, Hanriot mesure l'acidité du milieu où se trouvent en contact la monobutyrine et le sérum sanguin. On déter- mine l'activité d'une pepsine en mesurant quelle est la quantité de matières albumi- noïdes peptonisées dans l'unité de temps (Mette, Brucke, Petit, etc.). Il en est de même FERMENTS — FERMENTATIONS. 409 pour l'activité d'une trypsine. Enfin, pour déterminer l'activité d'une présure, on mesu- rera quelle est la vitesse avec laquelle il y a coagulation d'une certaine quantité de lait. Rôle des ferments en pathologie. — Depuis l'époque où Davaine montra que la cause du charbon était le bâtonnet que l'on trouvait dans le sang- des animaux infectés, le rôle des microbes en pathologie n'a fait que s'étendre. Il est devenu prépondérant, presque unique. En dehors des intoxications, des malformations et des traumatismes, il est peu de maladies qui ne soient microbiennes. Or les microbes n'agissent sans doute que par les ferments solubles qu'ils produisent. Ces diastases sécrétées par les microbes sont voisines des toxines, et aucune notion chimique précise ne peut nous les faire dis- tinguer, puisque nous ignorons à peu près tout sur leur composition. On a donc pu rapprocher de l'action des diastases l'action de certaines toxines ; la toxine tétanique (Courmont et Doyon), les toxines du venin de vipère (Phisalix et Bertrand), etc. Ces toxines, injectées dans le sang, déterminent la formation de substances anlitoxiques, et d'immunisines. Le venin de vipère, par exemple, peut être considéra- blement atténué par la chaleur, mais il provoque encore la formation dans le sang de l'animal auquel il se trouve mélangé de l'antito.xine du venin de vipère complet. Nous avons là le mécanisme des immunisations contre les venins et les toxines, tra- vaux qui ont élé repris par Calmettk, Phisalix et Bertrand, etc., et pour l'étude desquels nous renvoyons aux articles Immunisation, Sérothérapie, Toxines. Bibliographie. — La bibliographie de l'article Ferments et Fermentations est telle- ment vaste qu'on ne peut songer à la donner ici. Nous n'indiquerons donc que les ouvrages généraux, d'autant plus que. pour les détails, on devra se reporter à d'autres articles du Dictionnaire, mentionnés passim. On trouvera des résumés analytiques dans les deux recueils suivants : Juhresbericht ûbtr die Fortschritte in dcr LeJire von der Gàhmngsorganismen, de A. Koch; et le Jahres- bericht âber die Fortschritte in der Lehre von den pathogenen Mikroorganismen, iimfassend Pihe und Protozoen, de Baumciarten et Tangl. Les Aimalcs de l'Institut Pasteur d'une part, et d'autre part le Ccntralblatt fur Bakteriologie,Parasitenkunde und Infections-Krankheiten. i° Abtheilitng : Medizin,Hygien, Bakteriologie und tierische Parasitenkunde. 2'' Abtheilung : Allgemeine landwirtschaftliche technologische Bakteriologie, Garungsphysiologie, P/lanzen- pathologie und P flan zen schutz, contiennent, outre de nombreuses analyses, des travaux originaux extrêmement imporlants qu'il faudrait citer en presque totalité. Voici seulement quelques indications générales. Arloing (S.). Les virus, i vol. in-8°, Paris, F. Alcan, 1891, 380 p. — Arthus et Huber. Ferments solubles et ferments figurés {A. d. P., 1892, 6ol-663). — Béchamp. Les Microzymas, \ vol. in-8°, Paris, J.-B. Bailliére, 1883. — Bourquelot (S.). Les Fermentations, 1 vol. in-S", Paris, Soc. d'édit. scientif., 1893, 202 p. — Bughner. Ueber zellenfreie Gahrung [OEsterr. Chem. Zeit., Wien, 1898, i, 229-232). — Charrin (A.). Les défenses naturelles de l'organisme, 1 vol. in-8'', Paris, Masson, 1898. — Chauveau (A.). Étude des ferments et des virus {Ass. franc. pour l'avancement des sciences, 1881, Paris, 1882, x, 11-31). — Duclaux (E.). Ferments et maladies, 1 vol. in-8'', Paris, Masson, 1882. — Dl'claux (E.). Traité de microbiologie, 4 vol. in-8», Paris, Masson, 1901. — Gayox. De la fermentation alcoolique avec le Mucor circinel- loides {A. Chim. et Phys., 1878, xiv, 258-288). — Gree.x (J. B.). The soluble ferments and fermentation, in-S», Cambridge, 1899. — Grùtzner (P.). Ueber Bildung und Ausscheidung von Fermenten {A. g. P., 1877, xvi, 105-123; 1879, xx, 395-420). — Hiller (A.). Die Lehre von der Fàulniss, 1 vol. in-8°, Hirschwald, 1879. — Hoffmann (H.). Ueber das Schicksal einiger Fermente im Organismus {A. g. P., 1887, xli, 148-176). — Jacobson (J.). Untersii- chungen âber lôsliche Fermente (Z. p. C, 1891, xvi, 340-369). — Jôrgensen. Die Mikro- organismen der Gurungsindustrie, in-B", Berlin, 1886 (trad. franc., in-S*^, Paris, 1895). — Kayser. Les levures {Encyclopédie Léauté). 1 vol.in-12°, Paris, Masson et Gauthier-Villars, 200 p. — Kuhne (W.). Erfahrungen und Bemerkungen iiber Enzyme und Fermente {Uaters. a.d.physiol. Institut, d. Univers. Heidelberg, 1877, i, 291-324). — Lister (J.). A contri- bution to the germ theory of putréfaction and other fermentative changes and to the natural history of torulse andbacteria {Trans. Boy. Soc. of Edinburgh, 1875, xxvn).— Metchnikoff (E.). Les poisons cellulaires (cytotoxines) {Rcv. gén. des sciences, 1901, xnr, 7-15). —Metchni- koff (E.). L'immunité dans les maladies infectieuses, l vol. in-8", Paris, Masson, 1901. 410 FIBRINE. — Nâgelt. Ueber die chemische Zuzammensetzung dcr Hefc (J. f. pract. Chcmie, xvii, 1878, 403-428) — Nasse (0.)- Vntersuchungen iiber die ungefôrmten Fermente [A. g. P., 1873, xi, 138-166). — Pasteur (L.). Mémoire sur la fermentation alcoolique (A. Chim. et Phys., 1800, (3), Lviu, tir. à part, Mallet-Bachelier, 106 p.). — Pasteur (L.). Examen critique d'un écrit posthume de Claude Bernard sw la fermentation, Paris, Gaulhier-Villars, 1879, 156 p. — Pasteur (L.). Mémoire sur la fermentation appelée lactique (A. C, (3), lii, 1857, tir. à part. Mallet-Bachelier, 15 p., 1857). — Pasteur (L.). Études sur la maladie des vers à soie, 2 vol. in-8<', Paris, Gauthier- Villars, 1870. — Pugliese (A.). Ueber den Einfluss dcr Envdrmung auf diastatische Fermente (A. g. P., 1897, lxix, 115-131). — Roger (G. H.). Les maladies infectieuses, 2 vol. in-8", Paris, Masson, 1902. — Schutzenberger (P.). Les Fermentations, Paris, Alcan, 1896. — Schwienlng. Ueber fermentative Processe in den Organen (A. A. P., 1894, cxxxvi, 444-481). — Tammen. Die Reactionen der ungefôrmten Fermente (Z. p. C, 1891, XVI, 271-328). — Trouessart. Les microbes, les ferments et les moisissures, i vol., Paris, 1886, Alcan. — Woodhead (German Suis). Bacteria and their products. 1 vol. in-12", Londou, Walter Scott, 1891. — Wroblewski. Gâhrung ohne Hefczellen (C. P., 1898, xii, 697-701; et 1899, xiii, 284-298). AUG. PERRET. FERRICYANURES. — Voyez Cyanures. FERROCYANURES. — Voyez Cyanures. FEUILLES. — Voyez Chlorophylle, m, 639, et Respiration. FIBRINE. — Synonymie (d'après Robin et Verdeil, Chimie anatomique, m, 109, 1833) : Fibre du sang (Malpighi). Matière fibreuse du sang (Rouelle, Bucquet). Lymphe coagulante ou coagulable, gluten (Sénac, Hu.xter). Partie fibreuse du sang, fibrine (Fourcroy). Le mot fibrine se rencontre pour la première fois dans Extrait des Obser- vations, etc., par Chaptal, lu à la première classe de l'Institut, le 6 nivôse an V, par Four- croy (A. Chim., Paris, 1795, xxi, 290). On trouve ensuite le mot tibrine dans : Fourcroy, St/st. des conn. chim., an IX, ix, 157. Définition. — Substance albuminoïde provenant delà transformation du fibrinogène du sang, delà lymphe, du chyle et des liquides de transsudation, constituant ordinaire- ment des tractus fibreux, incolores, extensibles, élastiques, lévogyres, décomposant l'eau oxygénée en produisant une vive effervescence, insoluble dans l'eau distillée, difficile- ment attaquée à froid par les solutions salines diluées, passant plus facilement en solu- tion à 40°, en se transformant en une ou plusieurs globulines solubles, fournissant éga- lement sous l'influence des ferments digestifs ou de la putréfaction, comme premiers produits de transformation, deux globulines solubles. La fibrine est altérée, coagulée par la chaleur, et ne se dissout plus alors dans les solutions salines; elle a perdu la pro- priété de df'composer l'eau oxygénée. Elle est aussi coagulée et dénaturée par l'action de l'alcool, du formol (Benedicenti, A. P., 1897, 219). Préparation. — On reçoit à l'abattoir le sang de porc (ou d'un autre animal), au moment de la saignée, dans un grand cylindre, et on le bat au moyen d'un balai de b aguettes. Les flocons et les filaments de fibrine sont recueillis, lavés et malaxés sous un courant d'eau, jusqu'à ce qu'ils aient perdu leur teinte rosée. On peut les laver à froid avec une solution saline diluée, pour leur enlever la paraglobuline qu'ils pourraient con- tenir. Ils renferment toujours une assez grande quantité de leucocytes, emprisonnés mécaniquement. On peut laver à l'alcool et à l'éther, pour enlever la lécithine, les graisses, etc., de ces leucocytes. Pour avoir de la fibrine tout à fait pure, il faudrait prendre du plasma sanguin, débarrassé autant que possible des globules blancs par l'appareil à force centrifuge, ou par filtration, ou, mieux encore, une solution pure de fibrinogène, et la traiter par du ferment de la fibrine, puis recueillir la fibrine, la laver à l'eau, à la solution de chlorure de sodium, à l'éther, etc. H ammarsten recommande de se servir de sang de cheval. On recueille le sang de cheval dans une quantité de solution saturée de chlorure de sodium, telle que le plasma en con- FIBRINE. 411 tienne environ 4 p. 100. On attend le dépôt des globules rouges; on recueille le plasma surnageant; on le débarrasse des leucocytes par filtration, et on le dilue avec de l'eau à + 40° : par le battage de ce mélange, on obtient de la fibrine d'aspect tout à fait normal (H.VMMARSTEN, A. Q. P., XXX, 439, 1883). C'est avec de la fibrine pure préparée de cette façon, qu'il conviendrait de répéter les expériences de dissolution et de digestion de la fibrine qui ont fourni des résultats si divergents entre les mains de différents physiologistes. On peut trouver de la fibrine à l'état pathologique dans l'épaisseur des tissus, ou ù la surface des muqueuses, des séreuses, etc. Dosage. — Procédé de Hoppe-Seyler {Traité d'Anal, chim. appl. à la Physiologie, trad., 1877, 434). 30 à 40 centimètres cubes de sang sont reçus directement dans un petit gobelet cylin- drique, que l'on recouvre immédiatement d'une chape en caoutchouc, destinée à éviter l'évaporation jusqu'au moment de la pesée. A travers la cha[)e passe une baguette de baleine, au moyen de laquelle on défibrine le sang par le battage. On prolonge le battage pendant au moins dix minutes, puis on pèse tout l'appareil. Le poids du sang se déduit par différence, connaissant le poids de l'appareil vide. On dilue le sang avec de l'eau, en ayant soin de recueillir tous les flocons de fibrine. On les lave à l'eau jusqu'à décoloration, puis on les porte sur un petit filtre taré; on lave sur ce filtre, à l'alcool et càréther,on dessèche à rétuveà+ HO" pendant plusieurs heures, et l'on pèse entre deux verres de montre après refroidissement dans le dessiccateur. On a à défalquer du poids trouvé, celui des cendres, que l'on détermine par incinéra- tion du filtre et de la fibrine dans un petit creuset. Procédé de Dastre {A. de P., 1893, 670). On reçoit le sang dans un tlacon taré contenant une douzaine de baguettes d'ébonite de 2 à 3 centimètres de long et de 3 à 7 millimètres de diamètre ; on bouche et l'on agite fortement pendant une dizaine de minutes. On filtre ensuite le sang sur une étamine très fine et on détache facilement la fibrine fixée aux baguettes d'ébonite. On fait un nouet avec ce linge, et on lave sous un courant d'eau pendant vingt-quatre heures. Le reste comme dans le procédé de Hoppe-Seyler. Dastre insiste sur le fait que la fibrine est partiellement soluble dans le sang qui lui a donné naissance. Si on la laisse en contact avec ce sang, la perte par fibrinolyse pourra atteindre 3 à 6 p. 100 {A. de P., 1893, 661). Dastre a décrit également(A. de P., 1895, o8u) un appareil permettant de préparer et de recueillir la fibrine du sang aseptiquement. Procédé de Halliburton {Textbook of chemical Physiology, 1891, 234) pour l'estimation comparative de la fibrine. Pour estimer comparativement la fibrine contenue dans deux liquides, deux échantillons de fluide péricardique par exemple, la fibrine est recueillie et colorée au moyen de carmin, puis dissoute à 40° dans la même quantité de suc gas- trique. Le carmin passe en solution. Le liquide le plus coloré correspond à la plus grande quantité de fibrine. La proportion relative de fibrine des deux liquides s'obtient en cher- chant combien il faut ajouter d'eau au plus coloré des deux pour qu'il ait la même teinte que l'autre. Résultats des dosages de fibrine. — On a publié dans la première moitié du xix'^ siècle un grand nombre de dosages de fibrine : malheureusement beaucoup de ces dosages n'ont pas été exécutés d'après des méthodes suffisamment exactes. On trouvera dans le Traité de Chimie anatomiqiie de Robin et Verdeil (ni, 200 et suiv., 18o3), un grand nombre de chiffres de dosages de fibrine, empruntés aux travaux de Marchand et Colberg {Arch. Millier, 1838, 129); Nasse (art. Chylus dans Handio, derPhysiol. de R. Wagner, 1842, i, 43 et 234); Poggiale et Marcheil (A. C.);de Millon et Reiset(1849, 564); Clément (C. JR. 1851, xxxi, 289); FvtiK^{Be sanguine venae lienalis, 1851; Lehmann {Journ.f.prakt. ChemieJSai, 111,203); Poggiale {C.R. 1847, xxv, 198); Andral et Gavarret(C. R. 1840, ii, 196, 1842; xiv, 603 et 617, 1844; xix, 1043) ; Becquerel etRoDiER,etc. Le sang veineux de l'homme ou de la femme contient en moyenne 2,20 à 2,30 p. 1000 de fibrine (Andral, Becquerel et Rodier). Les chiffres extrêmes seraient 1,90 à 2,80 p. 1000. Il y aurait un peu plus de fibrine dans le sang artériel que dans le sang veineux; celui de la veine porte serait pauvre en fibrine; celui des veines sus-hépatiques en contiendrait fort peu. D'après Lehmann, il n'en contiendrait pas du tout, ou seule- 412 FIBRINE. ment des traces. II en serait de même du sang de la veine rénale, d'après Cl. Bernard. Paulesco [Arch. de Physiol., 1897, ix, 21) a constaté que la diminution de la coagula- bilité du sang des veines sus-hépatiques, signalée par Lehmann, ne se montrait que pen- dant la digestion, et qu'elle ne correspondait pas à une diminution dans le taux des glo- bulines du sang. La quantité de fibrine serait la même dans les deux sexes; mais pendant la gros- sesse elle s'élèverait jusqu'à 3,50 (Becquerel et Rodier). C'est surtout dans les trois derniers mois que la quantité va en augmentant, d'après Andral et Gavarret. La fibrine apparaît vers le quinzième jour de la vie intra-utérine chez les fœtus des grands mam- mifères. Le sang des nouveau-nés contient moins de fibrine que celui des adultes. La quantité subit particulièrement une augmentation vers l'âge de la puberté. Dans le sang du cor- don placentaire, Poggiale a trouvé 1,90 p. 1000. Il y aurait plus de fibrine chez l'homme à jeun que chez celui qui se trouve dans les conditions normales d'alimentation ; plus de librine aussi pendant la diète animale que durant le régime végétal, etc. Cependant il y a généralement plus de fibrine dans le sang des herbivores (3 à 5 p. t 000) que dans celui des carnivores (2 p. 1000). Chez l'homme, la quantité de fibrine n'est nullement en rapport avec la vigueur de la constitution. La quantité peut augmenter notablement (5, 6 et 7 p. 1000) dans les maladies inflaminaloires aiguës : rhumatisme articulaire aigu, pneumonie, pleurésie, péritonite, érisypèle, etc. Dans la lymphe et le chyle de l'homme, il y aurait 3 à 4 p, 1 000 de fibrine. On trouvera également, dans le Traité de Robin et Verdeil [m, 212), des indica- tions nombreuses sur la rapidité variable avec laquelle le sang se coagule dans diverses circonstances et chez divers animaux. Solubilité de la fibrine dans les solutions salines. — Un grand nombre d'expé- rimentateurs ont étudié l'action des solutions salines sur la fibrine. Malheureusement ces recherches ont toutes, ou presque toutes, été faites avec la fibrine impure ordinaire, chargée de leucocytes et de plaquettes. Les résultats sont peu concordants. Il serait intéressant de reprendre ces recherches avec de la fibrine pure, préparée d'après le pro- cédé de Hammarsten. De Haen (cité par Fermi) avait constaté la solubilité de la fibrine dans les solutions de salpêtre. Scheidemantel (cité par Fermi) la vit se dissoudre dans le sulfate de sodium ; Arnold (cité par Fermi) obtint le même résultat en employant le chlorhydrate d'ammoniaque. ScHERER (A. Chiin. et Phys., xl, 18, cité par Fermi) observa que la fibrine du sang vei- neux est soluble dans le nitrate de potassium, que la fibrine artérielle est insoluble. Il admit aussi que la fibrine du sang de bœuf est difficilement soluble. G. ZiMMERMANN {A7'ch. f. pltydol. HeilkuncU,\', 349, 18i6, et vi,o3, 1847) essaya la disso- lution de la fibrine dans une solution de salpêtre à 6 p. 100, et constata que celle du bceuf et du veau est insoluble dans ce liquide, que la fibrine artérielle du cheval est moins soluble que la fibrine veineuse, que la solution s'obtient difficilement avec de la fibrine artérielle de l'homme, etc. Il constata aussi que la dissolution de fibrine a les mêmes propriétés que celle d'albumine. Cl. Fermi (Z. fî., 1891, x, 229) arriva à des conclusions analogues. Denis {Essaisur l' Application delà Chimie à l'Étude de la Physiologie du Sanf/. Paris, 1838- 1856-1859 et Mémoire sur le Sang) distingua trois variétés de fibrine provenant du sang de l'homme : 1° la fibrine concrète modifiée ou fibrine ordinaire du sang artériel de l'homme, insoluble dans les solutions salines; 2" la fibrine concrète pure ou fibrine du sang veineux de l'homme, intégralement soluble dans lessolutionsde chlorure de sodium; 3" ta fibrine concrète globuline, qui, dans la solution de chlorure de sodium à 10 p. 100, gontle et forme une masse visqueuse. Glof Hammarsten {A. g. P., sxx, 437, 1883) a constaté des différences analogues. D'après lui, la fibrine concrète globuline doit ses propriétés à ce qu'elle est mélangée d'une très grande quantité de leucocytes. Olof Hammarsten {Nova Acta Regiœ Soc. scien. Upsal., sér. m., vol. x, 1, 1876) admi que la fibrine peut, dans certains cas, rester dissoute au moment de sa formation, grâce à sa solubilité dans les solutions salines. Si l'on ajoute, dit-il, à une solution pure de FIBRINE. 413 fibrinogène suffisamment de NaCl, pour que la coagulation spontanée ne se produise pas, et si l'on attend deux ou trois jours, on obtiendra, par addition d'un égal volume d'une solution saturée de NaCI, un précipité formé de gros flocons, qui, au contact de l'air ou de l'eau, se transforment facilement en fibrine. L'expérience est encore plus démonstrative, si, au bout des deux jours, on mélange la solution de fibrine avec un grand.volume d'eau : il se précipite un corps albuminoïde qui a tous les caractères de la fibrine. La substance qui était en dissolution a tous les caractères de la fibrine soluble de Denis, Heynsius, Van der Horst et Eichwald. Plôsz {A. g., P. vu, 382, 1873; ix, 442, 1874. Voir aussi Kistiakowsky) constata que la fibrine digérée à 30» à 40° avec des solutions salines se dissout en grande partie et assez rapidement, tandis qu'à froid l'extraction de la fibrine par de grandes quantités toujours renouvelées de solutions salines lui enlève de la paraglobuline, mais ne dissout pas la fibrine. Plôsz en avait conclu que la fibrine contient une substan«e (un ferment par exemple) qui la dissout, et que les lavages au moyen de la solution saline éloignent. Son action dissolvante ne s'exerce que si on laisse la fibrine au contact d'une seule et même portion de solution saline. Hammarsten (A. g. P., xxx, 4ol, 1883) et Hermann confir- mèrent le fait, mais en tentèrent d'autres explications. A. Gautier (C. R., 1874, 227) décrivit la dissolution de la fibrine dans la solution de chlorure de sodium à 10 p. 100. La solution ainsi obtenue offre les réactions des albu- minoïdes ; elle est précipitée par MgSO* et par l'acide acétique dilué, se coagule par les acides minéraux, par la chaleur, etc. La solution dialysée et évaporée dans le vide fournit un résidu dont la solution se coagule par la chaleur à + 61°, et qui, additionnée d'acides minéraux, se précipite par le sublimé corrosif. R. Deutsghmann (A. g. P., xi, 509, 1875) trouva qu'il faut une demi-heure pour dissoudre la fibrine du rat dans une solution de soude à 5. p. iOOO, trois quarts d'heure à une heure pour celle du cochon d'Inde, du poulet, du mouton, du canard, du pigeon et de l'oie, et plusieurs heures pour celles du chien, du chat, du' porc et de l'homme. Robin et Verdeil {Chimie anat., 18o3, m, 235), Wurtz et Hoppe-Seyler (Z. p. C, 417), ainsi que Salrowski (Z. B., 1889, xxv, 92), attribuaient la dissolution de la fibrine dans les solutions salines à la putréfaction. Hoppe-Seyler reconnut dans ces solutions la présence d'une globuline se coagulant à une température supérieure à + 60°, précipitable par la saturation au moyen de NaCl, ou par la dilution au moyen d'eau distillée. Dastre (A. d. P., 1894, 919) démontra, au contraire, la dissolution de la fibrine dans les solutions salines en prenant toutes les précautions pour exclure les germes de putré- faction, ainsi que l'action dissolvante des ferments digestifs. Halliburton (J. P, .vu, 1887, loO, et Textbook ofchein. Phytiiology, 1891, 232) montra que la température de coagulation de la globuline obtenue par dissolution delà fibrine varie considérablement, suivant la nature et le degré de concentration de la solution saline employée : coagulation à 60°-65° pour la solution dans le chlorure de sodium à 10 p. 100; coagulation à 75° pour la solution dans le sulfate de magnésium à 5 p. 100. La solution de fibrine dans le chlorure de sodium ou dans le sulfate de magnésium, privée de sels par dialyse, puis additionnée d'un peu de sel pour redis- soudre la globuline qui commence à se précipiter, fournit un liquide qui se coagule par la chaleur entre 73° et 75°. Green (/. P., VIII, 1887) montra que la fibrine de mouton ou de bœuf est soluble dans une solution de chlorure de sodium à 5 ou 10 p. 100, en dehors de tout phénomène de putréfaction (exclue par la basse température, voisine de 0°, et par la concentration des solutions employées). Il faut un temps fort long, une trentaine de jours, et un renouvellement journalier du dissolvant, pour obtenir la dissolution con- plèle. La fibrine se dissout aussi, quoique plus lentement, dans la solution de NaCI à 0,6 p. 100; elle est également soluble dans une solution saturée de sulfate de calcium. La solution de fibrine dans le chlorure de sodium contient deux globulines; l'une est soluble dans les solutions diluées (1 p. 100) de chlorure de sodium, et se coagule par la chaleur à + 56°, ne se précipite pas par les acides faibles, est précipitée par le ferro- cyanure de potassium en présence d'une goutte d'acide acétique dilué et se transforme 414 FIBRINE. facilement en syntonine et albuminate alcalin. L'autre globuline est peu soluble dans la solution de NaCl à 1 p. 100, se coagule vers oO" à 60", est précipitée par moins de 0,4, p. 100 de HCI, se précipite par le ferro-cyanure de potassium à condition que la réaction soit fortement acide, se transforme facilement en albuminate alcalin, mais non en syntonine. Ces globulines sont intégralement précipitées par MgSO*^, incomplètement par NaCl. Le ferment de la fibrine ne transforme pas ces globulines en fibrine. LiMBOURG {Z. p. C, XIII, 1889, 4.j0) admet comme Green que les produits de la disso- lution de la fibrine dans les solutions salines constituent un mélange de deux globu- lines; fune se coagulant vers 35°, l'autre entre 70° et 75°. Arthus (A. de P., 1893, 392) constate que la fibrine se dissout lentement de 10° à 15°, rapidement et abondamment à 40° dans le fluorure de sodium en solution aqueuse à 1 p. 100. Cette solution a une action antiseptique marquée, ce qui exclut toute interven- tion de phénomènes de putréfaction. Arthus a constaté également que les solutions de fibrine, chauffées graduellement, fournissent un premier coagulum (le plus abondant) vers 55°; puis un second entre 70° et 75°. Il admet que la fibrine se dissout comme telle dans les solutions saline s, et qu'elle se dédouble à 55° en une globuline qui se précipite, et en une seconde globuline qui se coagule à une température plus élevée (70° à 75°). Le phénomène serait comparable au dédouble- ment par la chaleur du fibrinogène admis par Hammarstex. La solution de fibrine contient en outre des peptones et des propeptones. On sait depuis longtemps que l'ébuUition rend la fibrine opaque, cassante, difficile à attaquer par les sucs digestifs, insoluble dans les solutions salines diluées, et incapable de décomposer l'eau oxygénée. D'après Arthus, celte coagulation par la chaleur de la fibrine se fait en deux stades. Chauffée à 50°, la fibrine se dédoublerait en deux sub- stances : l'une coagulée, devenue insoluble dans le fluorure de sodium à 1 p. 100; l'autre, qui conserverait sa solubilité dans les solutions salines. Chauffée à 75°, la fibrine serait définitivement coagulée, et deviendrait totalement insoluble dans le fluorure de sodium. Arthus range la fibrine dans le groupe des globulines, parce que, dit-il, la dissolution de la fibrine dans les solutions salines a toutes les propriétés des globulines. On peut lui objecter que le liquide que l'on obtient par macération de la fibrine dans une solution saline ne peut être assimilé à une vraie dissolution : cette prétendue dissolution est incapable de régénérer la fibrine dont on était parti. Les globulines qui s'y trouvent en solution ont dans les solutions salines une solubilité très différente de celle de la fibrine- Dastre {A. d. P., 1894, 919; C. P., 1894, viii, 819; C. R., 1895, ex, 589; A. d. P., 1894,464 et 918) considère au contraire le phénoniène de la dissolution graduelle de la fibrine dans les solutions salines, comme amenant une altération progressive de la sub- stance, très voisine de celle que produit l'action des ferments digestifs. Il appelle l'atten- tion sur l'identité des produits de du/efition de la fibrine dans les solution s salines et de ceux de la digestion proprement dite de cette substance. Dastre a constaté également que la fibrine se dissout à la longue dans les solutions diluées des sels neutres (de sodium, d'ammonium, etc.) à un degré de concentration ana- logue à celui que ces sels présentent dans les liquides de l'organisme. On retrouve dans la dissolution une globuline se coagulant vers \i^° {t-fihroglohuline), une globuline se coa- gulant à + 75° {{t-fibroglobuline), des protéoses et des traces de peptone. D'après Rulot (Recherches inédites qui paraîtront dans les Mémoires de V Académie R. de Belgique), la dissolution de la fibrine dans les solutions salines serait un phéno- mène de digestion enzymatique (comparable à la digestion chloroformique de Denys). Les ferments peptonisants proviendraient de la désagrégation des globules blancs empri- sonnés dans le caillot de fibrine. La dissolution ne s'obtiendrait plus si l'on opère sur de la fibrine pure, exempte de leucocytes. La fibrine, bouillie avec une solution, même très étendue, de choline (1 à 2 p. 100), se gonfle fortement et finit par se dissoudre; la solution peut être filtrée. Elle se précipite de cette solution par l'addition d'une quantité considérable de chlorure de sodium et parles acides; mais un excès d'acide redissout le précipité [Bull. Soc. chim., de Paris, 1875,11,227). Hammarsten attribue la dissolution de la fibrine en partie à l'action de la choline, ou neurine, qui provient de la désagrégation des leucocytes. FIBRINE. 415 La fibrine se dissout e'galenient dans les solutions d'urée (Ph. Limbourg, Z, p. C, 18S9, XIII, 450). Action des sucs digestifs sur la fibrine. — Schwann, BrCcke et Meissner avaient noté que la dissolution de la fibrine crue dans le suc gastrique fournit un liquide qui, après séparation du précipité de neutralisation, donne à l'ébullition des flocons abon- dants d'une substance albuminoïde coagulée. Otto (Z, p. C, viii, 129, 1884) constata que la dissolution de la fibrine dans le suc pancréatique en présence d'éther (pour exclure la putréfaction) donne naissance à de la globuline, outre de la propeptone, de la peptone et de l'antipeptone. Cette globuline présente les mêmes caractères de solubilité et de coagulabilité par la chaleur que la para- globuline. Son pouvoir rotatoire spécifique, — 48°, 1, se rapproche de celui de la para- globuline ( — 47°, 8, d'après L. Frederico). K. Hasebroek (Z. p. C, XI, 348, 1887) reprit ces expériences en se servant de fibrine fraîche lavée au préalable avec une solution de chlorure amnionique à 12 p. 100 (afin d'en- lever la globuline qui aurait pu adhérer à la fibrine). Il constata que l'action du suc gas- trique, aussi bien que celle du suc pancréatique, provoquait comme premier stade de la digestion, la formation, aux dépens de la fibrine, de deux globulines, dont les points de coagulation respectifs (+ 52° à 04" et + 72° à 75°) correspondaient à ceux du fibrinogène et de la paraglobuline. Cependant les globulines en question ne peuvent régénérer la fibrine quand on les soumet à l'action du ferment de la fibrine. La fibrine cuite ne donne pas les mêmes produits. Les stades ultérieurs de la digestion gastrique de la fibrine sont : syntonine ou albu- mine acide, propeptone ou albumose, et peptone (J. MOhlenfeld, A. y. P., v, 381, 1872). Herrmann (Z. p. C, XI, 508, 1887) est arrivé, indépendamment de Hasebroek, au même résultat en ce qui concerne l'action de la trypsine. Il cherche eu outre à identifier les deux globulines au moyen de leur pouvoir rotatoire spécifique. Neumeister (Z. B., xxrii, 339, 1887) avait admis que la globuline qui se trouve dans les produits de la digestion pancréatique provient uniquement de la dissolution ordinaire dans la solution saline de la globuline adhérant mécaniquement à la fibrine. M. Arthus et A. Huber (A. d. P., 1893, 434) admettent que les globulines retrouvées dans les produits de digestion de la fibrine proviennent d'une simple dissolution phy- sique de la fibrine dans les solutions de protéose ou propeptone et non d'une action des ferments digestifs. Nous avons vu que Dastue identifie la dissolution de la fibrine dans les solutions salines à l'action des sucs digestifs. Hammarsten a montré que le résidu delà fibrine insoluble dans le suc gastrique, et connu sous le nom de dyspeptone, ne lui appartient pas en propre, mais provient des leu- cocytes emprisonnésdans la trame fibrineuse. Si l'on prépare de la fibrine pure au moyen de plasma filtré, la dissolution dans le suc gastrique se fait intégralement, sans résidu insoluble. D'après Denys (C. P., 1889, m, 320, aussi dans la Cellule, V et VI, 1889), l'eau chloro- formée ou additionnée d'alcool ou de phénol, agirait comme les sucs digestifs, pour dissoudre et transformer la fibrine du sang. Denys admet qu'il se forme, dans ce cas, sous l'influence du chloroforme, de l'alcool ou du phénol, un ferment analogue aux fer- ments digestifs. Les acides empêchent son action. Ajoutons que la plupart des expériences classiques sur la digestion des matières albu- minoïdes par le suc gsstrique et par le suc pancréatique ont été exécutées jau moyen de fibrine (impure). Les a/6î(moses, étudiées par Kijhne, Hofmeister,Pigk, etc., sont des fibrinoses. De même la peptone de Witte est un produit de digestion obtenue au moyen de fibrine. La digestion de la fibrine fournirait, d'après Salkowski et Reach (A. A. P., 1899, CLviu, 288), au moins 3,8 p. 100 de tyrosine. Solubilité dans l^acide chlorhydrique. — G. Fermi {Z.B., xxvrii, 1891, 229) a cons- taté que la fibrine de porc se dissout en quelques heures dans l'acide chlorhydrique pur à 5 p. 1000. La dissolution n'est guère plus rapide dans du suc gastrique artificiel (pep- sine et HGl o p. 1000). La fibrine de bœuf demande plusieurs jours pour se dissoudre dans l'acide chloihydrique à 5 p. 1000. La fibrine dissoute est une substance albuminoïde qui se précipite par neutralisation. 416 FIBRINE. La fibrine du mouton et celle du cheval se classent entre celle du bœuf et celle du porc, au point de vue de la rapidité de leur dissolution. La fibrine cuite est peu attaquée. La dissolution dans l'acide chlorhydrique dilué ne peut être attribuée à l'action de petites quantités de pepsine qui seraient restées adhé- rentes à la librine, car le séjour de la fibrine dans une solution de soude à 10 p. 100, prolongé pendant dix heures, ne lui enlève pas sa solubilité dans HGl, tandis que la pep- sine ne peut résister à ce traitement. Action de l'eau oxygénée sur la fibrine. — Thénard {Traité de Chimie élémentaire, 1, o28, 6'^ éd., 18Ui a montré que la librine décompose l'eau oxygénée en H-0 et 0, en produisant une vive effervescence due au dégagement de l'oxygène. Une température de + 70° supprime cette propriété. D'après Béchamp, le résidu insoluble du traitement de la fibrine par l'acide chlorhy- drique jouirait de la même propriété, mais la perdrait par l'ébullition (€. R., XCIV, 1276-1281). Ce résidu insoluble est formé en partie de Microzymas, auxquels la fibrine devrait de décomposer l'eau oxygénée (C. R., LXIX, 713 et C. R., XCIV, 1653). Thénard croyait que la fibrine ne subit aucun changement par son contact avec l'eau oxygénée. Béchamp a vu que 30 grammes de fibrine, après avoir épuisé leur action sur l'eau oxygénée, avaient cédé au liquide O^r.lG de substance organique : la fibrine avait perdu la propriété de fluidifier l'amidon et de décomposer H^O- (C. R. , XCIV, 925). P. lîERT et Regnard (B. B., 1882, 738) constatent que la fibrine, rendue inactive par son contact avec feau oxygénée, recouvre par des lavages à l'eau la propriété de décom- poser l'eau oxygénée. On peut répéter l'expérience plusieurs fois avec le même échan- tillon, mais finalement il perd son activité. Si l'on mélange de la fibrine et de l'eau oxygénée, la décomposition s'arrête alors qu'il reste encore de l'eau oxygénée dans le liquide. Dans ce cas, la décomposition de l'eau oxygénée reprend dès que l'on ajoute de nouvelles quantités de fibrine. La biréfringence de la fibrine disparaît par l'ébullition (Hermann). Les filaments de fibrine conserveraient leur biréfringence après l'ébullition dans l'eau, à condition d'être bouillies à l'état d'extension. — 0. Nasse, lur Anat. u. Phys. der querrj. Mui^kelsiibst., Leipzig, 1882. Vogel. {Biol. CentralbL, 1882, 2, n» 10). Dastre (A. P., 1893, 791) a constaté également la biréfringence de la fibrine. Composition centésimale de la fibrine. — Le tableau suivant donne en partie, d'après Schmiedeberg {A. P., 1897, xxxix, 1), la composition de la fibrine d'après les analyses les plus dignes de confiance. PROVENANCE. AUTEURS. -_,.,. , , (Hammarsten (A. q. FibrmcduplasH.a. .( p_^^^,,^^^^\^4^^ Fibrinogène coagulé i'Hammarsten {A. g. par la chaleur. . . | P., xxii, 493, 1880). Dumas et Cahours [A. C. P., (3), 1842, IV, 383). . . . . . Fibrine du sang d( divers mammifères Fibrine de bœuf ('soufre) Fibi-ine de sang de bœuf Fibrine de sang de bœuf RÙHLING [A. C. P., 1846, Lviii, 301). . KiSTIAKOWSKY (A. g. P., 1874, IX, 442). Maly {A. g. P., 1874, 586 et o88'i. . C II Az S 52,68 6,82 16,91 1,10 .52,46 6,83 16,93 1,24 52,68 6,!)8 16,63 1,32 32,32 7,07 16,23 1,35 52,67 6,98 17,21 FORMULES CALCULEES l'AR SCHMIEDEBERG. C108H162Az3ÙSO^'. C108H162Az30SO3'^ + H2O. CiiiHiG8Az30SO3-. + VsH'^O- CiiiHi68AzaoS03:^+l l/oH20. C108H162Az30SO31-. La fibrine laisse à la calcination un minime résidu de cendres, dans lesquelles Vir- cHOw, BaûcKE et d'autres ont signalé la présence constante de composés de calcium. Arthus considérait le calcium comme faisant partie intégrante de la molécule de la fibrine, et avait même admis que le calcium pouvait être remplacé par le strontium. Hammarsten a montré ([u'il s'agissait d'impuretés étrangères à la molécule de fibrine. FIBRINE. 417 Un grand nombre d'autres analyses de fibrine ont été faites avec des produits insuflj- samment purifiés, notamment par Muloer (1838), Scherer (1841), Schlossberger (18iG). Sghmiedeberg admet pour la paraglobuline la formule C"'Hi*-âz'"SO''\ Il constate que la formule de la fibrine du plasma est peu ditlërcnte de celle de la fibrine du sauQ. Cette dernière substance a une composition intermédiaire entre celle de \a fibrine du plasma {fibrinogéne pur coagulé) et celle de la paraglobuline, ce qui correspondrait à l'ancienne théorie de Schmidt, d'après laquelle la fibrine se formerait par l'union da fibrinogéne et de \aglobuline [loc. cit., 14). 2 (0io8Hi62Az30SO34) + C*i^Hi82Az30SO3s + i/2H2O=J(C»'iHi68Az'0SO35 + l/2H2O) Fibrine du plasma. Paraglobuline. Fibriue du sang de Dumas et Cahours. H.\MM.\RSTEN (Z. p. C, 1899, xxvni,98) admet à présent que lors de la coagulation par le ferment de la fibrine, le fibrinogéne se transforme intégralement en fibrine, mais qu'une partie de cette fibrine reste en solution. Cette partie qui reste en solution, et qui se coagule par la chaleur à + 64'^ représente l'ancienne globuline de fibrine du même auteur. FERMENT DE LA FIBRINE. — THROMBINE DE SCHMIDT. THROMBASE DE DASTRE En 1836, A. Buchaxan découvrit que le liquide de l'hydrocèle, qui ne se coagule pas spontanément, peut fournir un abondant dépôt de fibrine si on l'additionne soit de sang, soit des filaments fibrineux provenant du lavage à l'eau d'un caillot sanguin. Il admit que la coagulation s'opère alors par solidification d'une substance albuminoïde primiti- vement dissoute, sous l'influence d'une seconde substance fournie parle caillot de fibrine. Il montra que cette seconde substance émane des globules blancs, et compara son action à celle de la présure dans lacaséification du lait (1845). Le caillot pouvait être conservé sous l'alcool sans perdre son activité. Buchanan trouva que différents tissus de l'économie jouissent également de la propriété de provoquer la coagulation. Ces travaux de Bucha- nan avaient été peu i^emarqués et étaient oubliés, lorsque Alex. Schmidt annonça la décou- verte du ferment de la fibrine (1871). A. Schmidt reconnut que la transformation du fibrinogéne en fibrine est un phénomène de fermentation, et que le ferment qui provoque la coagulation du sang dérive des globules blancs. La plupart des auteurs qui se sont occupés de cette question, ont admis avec Schmidt que le ferment dérive des éléments figurés du sang autres que les globules rouges (leucocytes ou plaquettes). Mais un grand nombre font jouer un rôle important ou même exclusif aux plaquettes. Nous renvoyons pour la discussion de celte question aux articles Coagulation, Leucocyte, Sang. Préparation. — Procédé d' A. ScniiiDT (1871). Le sérum de sang de bœuf, par exemple, est mélangé avec quinze à vingt fois son volume d'alcool; le précipité qui se forme com- prend le ferment et les albuminoïdes du sérum'; on le conserve sous l'alcool pendant plu- sieurs mois, ce qui permet la coagulation des albuminoïdes. Le précipité est recueilli, lavé à l'alcool absolu, desséché au dessiccateur à l'acide sulfurique, et pulvérisé. En traitant cette poudre par l'eau, on obtient une solution fort active de ferment, qui provoque la coagulation du liquide péricardique et de tous les liquides qui contiennent du fibrinogéne. Procédé de Gamgee {J.P., 1879-80, ii, 149). On mélange le sang de la saignée avec huit à dix volumes d'eau, en ayant soin de brasserie mélange pendant une dizaines de minutes. La coagulation s'effectue fort lentement. Le coagulum gélatineux qui se sépare après plusieurs heures est reçu dans un linge de toile, et exprimé et lavé sous un courant d'eau. Au bout de peu de minutes, on recueille une masse fibreuse coi'respondant à ce que Bug:janan a appelé le caillot lavé {washed blood dot). Ce caillot lavé traité directement, ou après dessiccation à l'exsiccateur, par une solution de chlorure de sodium (8 p. 100), fournit une solution qui provoque la coagulation. Procédé de S. Lea et J. H. (iREEX (1884). De la fibrine ordinaire obtenue en battant le sang dilué est traitée par la solution de chlorure de sodium à 8 p. 100, et fournit une solution aussi active que celle de Gamgee. Procédé de Hammarstex (A. g. P., xviu, 89, 1878). On sature le sérum de bœuf par MgSO^ pour précipiter les globulines, on dilue le filtrat avec de l'eau, et on ajoute, tout en remuant, une lessive de soude très diluée, jusqu'à ce qu'on obtienne un précipité flocon- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 27 418 FIBRINE. neux assez abondant de MgO-H^. Ce précipité est lavé, puis dissous dans de l'acide acé- tique, jusqu'à réaction neutre, et purifié de sels par dialyse. La solution est riche en ferment ne contenant pas de globuline. Pour obtenir un ferment très pauvre en chaux (0,0004 à 0,0007 p. 1000 CaO), Hammarstkn recommande de traiter au préalable le sérum par un oxalate avant de le coaguler par l'alcool. Procédé de Pekelharing (1891-95). On précipite par l'acide acétique la solution de ferment de Hammarsten, ou' mieux on dialyse le plasma saturé de MgSO'* et privé de globulines, puis on précipite par l'acide acétique. On peut aussi s'adresser directement au sérum, le diluer avec de l'eau et ajouter une petite quantité d'acide acétique de manière à redissoudre la plus grande partie de la paraglobuline qui avait été précipitée. On purifie le ferment en le dissolvant dans de l'eau alcalinisée et en le précipitant par l'acide acétique dilué. On répète plusieurs fois de suite la dissolution et la précipitation. Propriétés et nature du ferment. — A. Schmidt avait constaté que le ferment de la fibrine présente les propriétés générales communes à tous les ferments solubles, notamment qu'il perd son activité quand on le chauffe à l'ébullition en solution aqueuse, tandis qu'à sec il supporte la température de + 100°. A. Gamgek trouva qu'une tempéra- ture de 56° à o8° suffit déjà pour l'altérer quand il est humide. Il constata aussi que la solu- tion de ferment contient une globuline et perd son activité par toutes les circonstances qui précipitent ou altèrent cette globuline : dialyse, saturation par MgSO^. Schmidt avait obseivé une diminution d'activité du ferment de la fibrine par dialyse, tandis que Ham- marsten n'avait pas constaté d'affaiblissement du ferment dans les mêmes circonstances. S. Lea et R. J, Green (1884) fixèrent avec Schmidt la température à laquelle le ferment perd son activité aux environs de + 70°. Dans un premier travail. W. D. Halliburton (1898) admit que le ferment de la fibrine est une globuline, identique avec la substance appelée par lui globuline cellulaire des cellules lymphatiques. 11 constata que les protéides (globulines) extraites des cellules lymphatiques possèdent à un degré marqué la pro- priété d'agir comme ferment de la fibrine dans les solutions de fibrinogène. Ultérieure- ment, il se rallia aux vues de Pekelharing, et admit avec ce dernier que le ferment de la fibrine est une nucléo-protéide (1895). Pekelharing (1802) formule de la façon suivante le résultat de ses expériences sur le ferment de la fibrine et son mode d'action : « Le ferment (jui transforme le fibrinogène du plasma sanguin en fibrine se forme par la combinaison d'une nucléo-protéide (prothrombine de Schmidt) fournie par la mort des éléments organisés incolores du sang, avec la chaux (ou le calcium) qui se trouve en dis- solution dans le plasma sanguin. « Des nucléo-protéides d'autre origine, provenant des cellules du thymus, du testicule, de la glande mammaire (caséine), sont également capables de se combiner à la chaux et de fonctionner comme ferment de la fibrine. « Après avoir cédé au fibrinogène la chaux nécessaire à la formation de la fibrine, le ferment peut se régénérer, s'il y a dans la solution des sels de chaux disponibles, aux- quels la nucléo-protéide peut enlever de la chaux. Mais cette régénération est limitée, attendu que la nucléo-protinde dissoute se décompose facilement. « Le ferment devient inactif par la chaleur, à la température à laquelle la nucléo-albu- mine se coagule. Cette température de coagulation est de + 65° environ pour la nucléo- albumine des leucocytes, mais elle est infiuencée par la durée plus ou moins prolongée de réchauffement, et par la présence de substances étrangères, notamment de sels. La tempé- rature de coagulation des nucléo-protéides des tissus et de la caséine parait plus élevée. « En dehors de l'organisme, les différentes nucléo-protéides se décomposent facilement, particulièrement en présence d'alcali libre, et par une température de +60° en fournis- sant, d'une part, de la nucléine ou ses produits de dédoublement, de l'autre de l'albumose. « L'organisme vivant possède, à des degrés divers suivant l'espèce animale, la propriété de décomposer de la même façon la nucléo-protéide ou le ferment de la fibrine, lorsque ces corps ont pris naissance dans le san^, ou lorsqu'on les y a introduits du dehors. L'albumose qui devient libre en ce cas peut être éliminée par la voie rénale. « Mais, si la quantité de nucléo-protéide ou de ferment dépasse une certaine limite dans le sang circulant, de telle sorte que les forces de l'organisme ne suffisent pas à décom- FIBRINE. 419 poser la nucléoprotéide, en ce cas celte substance, en supposant qu'elle ne soit pas déjà combinée à la chaux, pourra absorber ila chaux du plasma et provoquer la trans- formation du fibrinogène du plasma en fibrine, et, comme conséquence, amener la for- mation de coagulations à l'intérieur d'un nombre plus ou moins grand de vaisseaux. « La nucléo-protéide du sang paraît être identique avec le fibrinogène A de Wooldridge. ,;'esi-à-dire avec le précipité granuleux qui se forme dans le plasma de peptone, lorsqu'on le refroidit à 0". La nucléo-protéide extraite des tissus est sans doute voisine du fibrinogène des tissus de Wooldridge, et de la nucléo-histone de Lilienfeld et Kossel. SciiMiDT a abandonné l'idée que la fibrine résulterait de l'action du fibrinogène surlaparaglobuline.La préglobuline, provenant de lacytoglobine cellulaire, se décompo- serait et fournirait de la paraglobuline; la paraglobuline se transformerait en fibrino- gène qui lui-même deviendrait fibrine. La thrombine jouerait un double rôle. Elle pro- voquerait d'abord la formation du fibrinogène aux dépens de la paraglobuline ; puis transformerait le fibrinogène en fibrine. Le plasma ne contiendrait pas de préglobuline, mais seulement de la paraglobuline. Quant au fibrinogèue, Schmidt semble admettre qu'il ne préexiste pas dans le plasma sanguin, mais qu'il se forme aux dépens de la paraglobuline au moment même de la coa- gulation du sang, sous l'influence de la thrombine. Gela nous paraît bien hypothéthique. Al. Schmidt, dans ses dernières publications, admet également que le ferment de la fibrine se forme aux dépens d'un proferment inactif contenu dans le plasma, et auquel il donne le nom de jyrothrombine. La prothrombine du plasma se transformerait en ferment, ou thrombine, sous l'influence de substances de nature inconnue, provenant des globules blancs, les substances zijmoplastiques. Lilienfeld (1893) range le phosphate de potassium (KH-PO*) parmi les substances zymoplastiques. Ajoutons que la théorie de Pekelharing a été combattue par Lilie.xfeld et par Hammarsten. Lilienfeld (189j) admet avec Wool- dridge que le ferment de la fibrine ne joue pas de rôle actif dans la coagulation physio- logique du sang. Le ferment de la fibrine serait non un antécédent de la coagulation, mais un produit secondaire de la coagulation, qui ne se retrouverait qu'à la fin de la réaction. Hamuarstem (1896, 1899) ne peut admettre que la fibrine résulte de la combinaison du fibrinogène avec la chaux. La fibrine peut en effet se préparer au moyen de liquides d'où la chaux a été précipitée par un oxalate. Dans certains cas, les échantillons de fibrine obtenus sont si pauvres en chaux (0,007 p. 100 GaO), que si le calcium faisait partie intégrante de la molécule de fibrine, cela conduirait à assigner à la fibrine un poids moléculaire extravagant (dépassant 800 000). Pour Hammarsten, les sels de chaux que l'on trouve dans les cendres de la fibrine représentent de simples impuretés (con- trairement à l'opinion d'ARTUus). — ■ Voir les travaux d'ARTHus cités plus haut. Hammarsten hésite aussi à identifier le ferment de la fibrine avec la nucléoprotéide de Pekelharing. Il est tenté d'admettre que le ferment représente une impureté mélangée à la nucléoprotéide, qui elle-même serait inactive. Quant au mode d'action des ferments coagulants (présure ou ferment de la fibrine), FicK (1889, 1891) a appelé l'attention sur la rapidité pour ainsi dire foudroyante avec laquelle les ferments coagulants, notamment la présure, provoquent la solidification de masses énormes d'albuminoides primitivement dissous. Il lui parait difficile d'admettre que, dans ces cas, chaque molécule de corps fermentescible ait pu subir le contact direct d'une molécule de ferment, d'autant plus que la solidification du corps fermentescible doit emprisonner la molécule de ferment et empêcher son action ultérieure. Fick a émis l'idée que la coagulatiou, déterminée dans une partie du liquide par la présence et le contact direct du ferment, peut ensuite se propager de proche en proche à travers la substance fermentescible sans contact direct du ferment. Walther (1891) a démontré l'inexactitude de cette hypothèse. On prend un vase en U, présentant inférieureinent un canal étroit faisant communiquer les deux branches de l'U. Dans l'une des branches on place la solution coagulable : lait ou solution du fibrinogène, dans l'autre la solution de ferment, présure ou ferment de la fibrine, en ayant soin de ne pas mélanger les liquides. Si l'on empêche ainsi la difTusion du ferment dans le liquide coagulable, celui-ci ne se solidifie que dans la zone qui est directement en contact avec le ferment. 420 FIBRINE. Le ferment de la fibrine ne préexiste pas dans le sang circulant. Il ne paraît pas exister non plus dans le plasma de peptone, ni dans celui d'extrait de san^'sue (contesté par Dastre). Le moyen de vérifier l'existence du ferment dans un liquide consiste à en préparer le ferment par le"procédé de Schmidt, et d'essayer l'activité de la préparation au moyen d'mi liquide proplastique, notamment au moyen du plasma au sulfate de magnésium convenablement dilué. Le plasma de sang lluoré à 3 p. 100 (sang dans lequel on a suspendu la coagulation en le recevant directement dans une solution de lluorure de sodium) est, d'après Arthus, le meilleur réactif du ferment de la librine. Ce plasma ne contient ni chaux, ni nucléo- protéide : il ne se coagule que si on y ajoute le ferment, tandis que le plasma de sang oxalaté ou citrate contient le proferment (nucléoprotéide) ; il suffit d'ajouter un sel de chaux au plasma oxalaté pour y provoquer la coagulation (Journ. Physiol. et Path. gén., n, 887). Bibliographie. — Plusieurs indications bibliographiques ont été données au cours de l'article. (Voir aussi la lisle bibliographique des articles Coagulation, Foie, Peptone et Sang.) — Buchana^ (Andrew). On the coagulation of the blood and other fibrinifcrous liquida {London Med. Gaz., 9 avril 1836, et 1845, i, [New ser.), 617, réimprimé par Gamgee dans J. P., 1879-1880, n, 158-163). — Schmidt (Alex.). Neue Untersuchungea ùber Faserstoffge- rinnung [A. g. P., vi, 413-538); — Uebev die Beziehung der Faserstoffgerinnung zu dcn horperlicken Elemente des Blutes. II. Ueber die Abstammung des Fibrinfermeîits, etc. [Ibid., 1875, XI, 515-577,1 pi.); — Ueber die Beziehimg des Kochsalzes zu einigen thierischen Fer- mentât ionsprocessen [Ibid., 1876, XIII, 93-146). — Die Lehre von den fermentativen Gcrinmmgserscheimingen in den eiiceissartigen thierischen Kôrperfliissigkeiten., Dorpat, C. Mathiesen, 1876, in-8, 1-62; — Zur Blutkhre, Leipzig, Vogel, 1892. — Weitere Beitrrïge zur Blutlehre, 1895. — Rollett (A.). Physiologie des Blutes und der Blutgerinnung, dans H. H. d. Physiol., 1880, iv, in-8. — Birr (Ludwig). Bas Fibrinferment in lebenden Orga- nismen {Biss. Inaug., Dorpat, 1880). — Wooldridge (Léonard). Die Gerinnung des Blutes, her. V. M. v. Frey, Leipzig. 1891. — Sheridan Lea et V. R. Green. Some notes oti the p)rinferment [J. P., 1884, iv, 388-386). — Halliburton. On the nature of fibrinferment [Ibid., 1888, IX, 229-286). — Halliburton etBaoDiE. J. P., xvu et xviii. — Bonne (George). JJeber das Fibrinferment und seine Beziehimg zum Organismus, Wurzburg, 1889, 1-128. — FicK (A.). Ueber die Wirkungsarl der Gerinnung s fer mente [A. g. P., 1889, xlv, 293-296). — Zu P. Walther's Abhandlung [Ibid., 1891, xlix, 110, 111). — Walther(P.). Ueber Fick's Théorie der Labivirkung und Blutgerinnung (Ibid,, 1891, xlviii, 529-536). — Latschenber- ger (J.). Ueber die Wirkungsweise der Gerinnungsfermente (C. P., 1890, iv, 3-10). — Hay- craft (John Berry). An account of some experiments which show that fibrinferment is absent from circulating blood [Journ. of Anat. and Physiol., 1890, xxii, 172-190). — Lea (A. S.) et DiCKiNsoN (W. L.). Notes on the of action of rennin and fibrinferment [J. P., 1890, xi, 307-311). — Hammerschlag (Alb.). Ueber die Beziehung des Fibrinfermentes zur Entstehimg des F. [A. P. P., 1890, xxvii, 414-418). — Pekelharing (G. A.). 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Recherches sur la coagulation du sang [D. in., Paris, 1890). — La coagulation du sang et les sels de chaux [A. P., 1896, xxviii, 47-67). — R. M. Horne. The action of calcium, strontium and barium salts in prevcnting coagulation of the blood [J. P., 1896, XIX, 356-371). — J. Athanasiu et J. Carvallo. Remarques sur le ferment de la fibrine, etc. [A. de P., 1897, ix, 375, 384). — Dastre, Fibrine de battage et fibrine de caillot [B. B., 1892, 554); La digestion saline de la fibrine [A. d. P., 1894, vi, 919-929). — Fibrinolyse; digestion de la fibrine fraîche par les solutions salines faibles (Ibid., 1895, vu, FIBRINOGENE. 421 408-414). — ÛASTRE et Floresco, De la méthode des plasma à Vctat liquide ou en poudre pour l'étude du fibrin ferment (B. B., 1898, 22. — Maillard. Sur une fibrine cristallisée (C. fi., 1890, cxxviii, 373-37.T). — Koghel. Fine neue Méthode der Fibrinfdrbung (Centr. f. allij. Path. u. path. Anat., 1899, x, 749-7o7), — Kossler et Pfeiffer. Eineneue Méthode der quantitativen Fibrinbestimmung. [C. f. allg. Med., 1896, xvii, 8-14). — Pigk. Zur Kenntniss der peplischen Spaltungsprodukte des Fibrins (Z. p. C, 1899, xxviii, 219-287). — Mathews. The origin of Fibrinogen {Am. Journ. PhysioL, 1899, m, S3-8.=)). — Reye. lleber Nachweis und Bestimnung des Fibrinogens. {Diss., Strasbourg, 1898). — Camus (L.). Uecherches sur la fibrinohjse {C. fi., 1901, cxxxii, 215-218). LÉON FREDERIGQ. FIBRINOGENE. — {Pro parte, Plasmine de Denis, 18:j9) (? identique avec la Thrombosine de Lilienfeld, 189o). Générateur de la fibrine, existant, chez tous les Vertébrés, à l'état de dissolution dans le plasma dn sang, de la lymphe, du chyle et de beaucoup de liquides de transsudation. Le fibrinogène est une globuline, constituée par des grumeaux ou des flocons incolores, insolubles dans l'eau distillée et les solutions salines saturées, soluble dans les solutions salines diluées, coagulée par la chaleur vers + 56°, se coagulant spontanément en four- nissant de la fibrine sous l'influence du ferment de la fibrine. D'après Hammarsten, la coagulation spontanée du fibrinogène, ainsi que la coagulation par la chaleur à + 56°, donne naissance, à côté du produit insoluble (fibrine ou fibrinogène coagulé), à une glo- buline qui reste en solution et qui se coagule par la chaleur à + 64°. Le fibrinogène semble donc dans les deux cas se dédoubler en deux produits; l'un soluble, l'autre inso- luble (Hammarsten. A. g. P., xxii, 480). Dans un travail récent (Z. p. Ch., xxviii, 98, 1899), Hammarsten a donné une nouvelle interprétation du fait précédent. Le fibiinogène serait transformé intégralement en fibrine par le ferment coagulant; mais une partie de cette fibrine resterait en solution. Ham- marsten fait remarquer que la température de + 64", à laquelle la globuline de fibrine se coagule, est précisément celle à laquelle la fibrine elle-même se coagule par la chaleur Son pouvoir rotaloire serait a [D] = — 43° d'après Hermanin (Z. p. C, xi, 508). Cette détermination n'est qu'approximative. Mittelbach (Z. p. C, xix, 289), expérimentant avec une solution pure de fibrinogène de cheval, trouva en moyenne a [D] = — 32°, 5. Cramer (Z. p. C, xxiii, 74-86, 1897), trouva une valeur analogue pour le fibrinogène de cheval et seulement — 36°, 8 pour celui du bœuf. La composition centésimale est, d'après Hammarsten (A. g. P., xxii, 430): C : 52,93; H : 6,9; (Az : 16, 66; S : 1,25 ;0 : 22 26. Cramer a trouvé des valeurs analogues (Z.p. C, xsui, 74, 1897). Le fibrinogène est un peu plus riche en charbon, hydrogène et oxygène que la fibrine, U ne' contient pas de calcium, d'après Hammarsten. Les traces de calcium qu'on y trouve doivent être regardées comme des impuretés (Z. p. C, xxii, 333, 1896 et xxviii, 98, 1899). L'expérience suivante semble prouver que le fibrinogène doit être considéré comme préexistant dans le plasma sanguin, alors que le liquide est encore contenu dans les vais- seaux. J'extrais la veine jugulaire du cheval, je la lie aux deux bouts et je la suspends verticalement, de manière à permettre aux globules de s'accumuler dans sa moitié infé- rieure. .J'isole au moyen d'une ligature la portion supérieure de la veine ne contenant que du plasma transparent, je l'introduis dans un tube de verre que je plonge dans un bain d'eau chaude. La veine peut être chauffée jusqu'à -f 35°, 3 sans que le plasma se trouble et sans qu'il prerde la propriété de se coaguler spontanément au sortir de la veine. Dès que l'on atteint -f- 56°, le liquide se trouble par la formation d'un précipité flocon- neux de fibrinogène : il perd du môme coup la faculté de se coaguler spontanément. (Léon Fredericq, Bull. Acad. de Belg., et Rech. sur la constit. du plasma sanguin, 1878, Gand.) Hewson avait, paraît-il, au siècle dernier, fait une expérience analogue (Hewscn Works, edited by Gulliver, dlô par Schafer, J. P.). Origine du fibrinogène du sang. — D'après Mathews [Amer. Journ. PhysioL, m, 33-85, 1899), après défibrination totale, le fibrinogène se régénère en 2-3 jours. Il se for- merait principalement dans la paroi intestinale. Le sang de la veine mésentérique est plus riche en fibrinogène que le sang artériel. 422 FIBROINE. Préparation. — Procédé de Hammarsten. On extrait généralement le fibrinogène du plasma du sang de cheval. Le sang de cheval est reçu au moment de la saignée dans un vase contenant de la solution sature'e de sulfate de magnésium jusqu'au quart de sa hauteur, ou contenant une quantité de solution saturée de NaCl, telle que le plasma sanguin en renferme après mélange 4 p. 100 (Gautier). On sépare le plasma surnageant par repos et décantation, ou au moyen de l'appareil à force centrifuge. On le débarrasse, par fillration, des globules blancs qu'il contient en grand nombre. On mélange le plasma avec un égal volume d'une solution saturée de NaCl, ce qui le précipite, mais laisse la paraglobuline en solution. On lave le précipité an moyen d'une solution à moitié saturée de NaCl, puis on le redissout dans une solution de NaCl (6 à 8 p. 100), et l'on reprécipite. On obtient finalement une solution pouvant contenir plus de 1 p. 100 de fibrinogène. W. Reye {Diss. Strasbourg, 1898) a constaté que, si l'on ajoute du sulfate ammonique à une solution de fibrinogène, cette substance commence à se précipiter lorsque le liquide contient 1,7 à 1,9 p. 100 du sel, et que la précipitation est complète avec 2,3 à 2,8 p. 100 du sel. Il a proposé de préparer le fibrinogène en mélangeant 10 volumes de plasma avec un volume d'une solution saturée de sulfate ammonique. Ces opérations doivent être exécutées assez rapidement; car le fibrinogène s'altère facilement et perd sa solubilité par un contact prolongé avec les solutions salines. L'ancien procédé de préparation d'ALEx. Schmidt (1861-62), consistant à diluer le plasma avec quinze fois son volume d'eau froide et à précipiter la paraglobuline par un courant de GO-, à filtrer, à diluer davantage et à précipiter ensuite le fibrimogène par un nouveau courant de CO^, fournit un produit peu abondant et impur. La fibrine cristallisée décrite par Maillard {Bull. Soc. chim., Paris, n°o, 239, xxi-xxii) dans le sérum antidipbtéritique, ne serait autre chose qu'un mélange de sels de calcium des acides gras, d'après S. Dziergowski (Z. p. C, xxviii, 65-72, 1899). Dosage. — Procédé de Léon Fredericq. Une quantité pesée ou mesurée de plasma est mélangée avec le quart de son volume d'une solution saturée de sulfate de magnésium, renfermée dans un tube, et soumise pen- dant quelques minutes au bain d'eau à la température de + Q0°, légèrement supé- rieure à celle de coagulation du fibrinogène. On recueille les grumeaux de fibrinogène sur un petit filtre taré, on lave à l'eau, l'alcool et l'éther, on dessèche à l'étuve à + 110°, et l'on pèse en observant les précautions usitées dans les dosages de substances albumi- noïdes. Ce procédé donne pour le plasma sanguin un poids de fibrinogène supérieur au poidsde fibrine que le même plasma peut fournir(HAMMARSTEx, 1876; Léon Fredericq, 1877; M, Arthus (A. d. P., 1895, 552). On a fait à ce procédé l'objection que, d'après Hammars- ten, le fibrinogène se dédoublait à + 56° en une substance insoluble (le fibrinogène coagulé) et une petite quantité d'une seconde globuline coagulable par la chaleur à + 65°. Hayem considère également ce procédé comme inexact [B. B., 1893, xlvi, .309). La thrombosine de Lilienfeld serait un antécédent non du fibrinogène, mais du fibri- nogène typique d'après Cramer (1897) et Hammarsten. ' Frederikse (Z. p. C, 1894, xix, 143) a constaté que la présence de paraglobuline n'augmente pas le poids de fibrine fourni par une quantité donnée de fibrinogène {contra Alex. Schmidt). Bibliographie. Voir la bibliographie des articles Coagulation et Fibrine. LÉON FREDERICQ. FIBROINE. — Partie essentielle de la soie. Par sa composition centésimale (G— 48. Az=16 à 18), elle rapproche de la gélatine. La soie en contient 63 p. 100. On la prépare en dissolvant les graisses par le savon et l'éther, et les sels par l'eau. Le résidu, fibroïne pure, se dissout dans HGI et est prénipité par la potasse et l'alcool. H ne con- tient pas de soufre. C'est la séricoïnc de Weyl. En chauffant la fibroïne avec SO'-^H- à 25 p. 100, E. Fischer et A. Skita {Ueber das Fibroin und dcn Leimder Seide, Z. p. C, 1902, XXXV, 221-226) ont obtenu des acides diamides, et de l'arginine. La fibi^oïne peut donner aussi un corps que Fischer a isolé à l'état de pureté, la serine, (C^H'^O^Az) : 100 grammes de fibroïne donnent lt^%0 de serine, 10 de tyrosine; 21 d'alanine et 30 de glycocoUe. FIÈVRE. 423 FIÈVRE. — La fièvre est caractérisée par uue exagération des processus protéo- lytiques et une perturbation de l'appareil -régulateur thermique entraînant presque toujours une élévation de la température. Cette définition suffit pour nous permettre de distinguer très nettement l'hyper- thermie pure et simple de l'hyperthermie fébrile. Il va de soi que l'élévation de la température représente le symptôme le plus fréquent, le plus marqué, de la fièvre; mais nous ne pouvons négliger actuellement les pijrexies apyrétiques dans lesquelles on ren- contre l'ensemble des symptômes habituels de la fièvi-e, moins l'élévation thermique. Quant au plan même de cet article, il nous a paru suffisant, dans un Dictionnaire de physiologie, d'exposer les faits acquis sur les modifications apportées dans l'organismp par le syndrome fébrile. En dehors d'un seul point, qui nous paraît aujourd'hui nettement établi, l'activité exagérée du processus protéoUjtique, il n'existe aucune loi géné- rale applicable à la fièvre. Si Bouillaud pouvait avec raison dire à ses élèves : « Pour le médecin, il n'y a pas de pneumonie ; il y a des pneumoniques » ; il est encore plus juste de dire qu'il n'y a pas une fièvre, mais des fièvres, ayant des origines multiples, et évoluant différemment suivant leur étiologie et suivant les réactions de l'organisme attaqué. Nous croyons devoir, au commencement même de cette étude, citer les paroles suivantes de Bouchard. Elles justifieront, nous l'espérons, les nombreuses obscurités, les contradictions mêmes, que l'on trouvera dans les pages qui suivent : « La fièvre est un phénomène si complexe que l'on ne sait pas toujours si tel de ses éléments appartient en propre à l'état fébrile, ou n'est pas plutôt un accident spécial à la maladiR qui engendre la fièvre. Cette incertitude et cette complexcité font la difficulté d'un problème qui se pose chaque jour, et que nous ne savons pas encore résoudre complètemenl. » [Les Doctrines de la fièvre. Semaine méd., 1893, 117.) « Dans l'examen des doctrines pyré- togènes, on se heurte à chaque instant à des contradictions, et je me vois réduit à cet aveu humiliant pour un professeur de pathologie générale : je ne sais pas ce que c'est que la fièvre. » {Leçons sur les auto-intoxications, 1887.) S \. — HISTORIQUE. APERÇU GÉNÉRAL Auteurs anciens. — Les anciens, n'ayant ni thermomètre, ni calorimètre, ni sphygmographe, n'ont pu étudier d'une façon véritablement scientifique les modifications de la température et celle concomitante du pouls. Ignorant, d'autre part, les phéno- mènes intimes de la nutrition, les causes de la chaleur et la régulation de celle-ci, ils ne pouvaient pénétrer dans le mécanisme des phénomènes. Cependant, au point de vue clinique ils font quantité d'observations importantes et intéressantes. Ils reconnaissent grosso modo les intensités difTérentes de la fièvre, et ses perturbations générales. La plu- part de ces notions cliniques se retrouvent déjcà dans l'encyclopédie hippocratique. Hippocrate. — Les ouvrages de l'encyclopédie hippocratique les plus riches en rensei- gnements sur les fièvres sont : d'abord, les Épidémies, puis le Traite des maladies aigtiSs, les Coaques, les Prorrhétiqiies, les Aphorismes, etc. 1" Idées pathogéniques. A l'époque où vivait Hippocrate, deux grandes théories se disputaient les esprits : 1° la théorie, purement médicale, des quatre humeurs, qui semble la plus ancienne et la plus répandue; 2° la théorie des quatre éléments d'EMPÉDOCLE, d'après laquelle la fièvre résultait d'une altération d'un de ces quatre éléments, le pneuma. On retrouve ces deux théories dans l'encyclopédie hippocratique. Dans le livre des Airs, l'auteur, attribue toutes les fièvres à l'air qui est renfermé dans le corps, mais dans les autres traités il n'est parlé que des altérations des humeurs : en premier lieu, de la bile, puis aussi de la pituite (mais beaucoup iiioins), du sang, ou à réchauf- fement de ces trois humeurs. — 2" Fièvres symptomaticiues et fièvres primitives. Bien qu'HippocRATE ne se soit pas prononcé d'une façon formelle, il est facile de voir qu'il considère la fièvre, tantôt comme un symptôme, tantôt comme une maladie. Ainsi, pour les maladies locales, pour des lésions chirurgicales, telles que plaies, fractures (de tête), il dit qu'elles peuvent s'accompagner de fièvre. Dans le traité des Airs, il dit que la fièvre est très commune, et qu'elle accompagne d'habitude l'inflammation. A côté de cela, il décrit comme une maladie la fièvre phrénétique, la léthargie (fièvre adynamique), les i24 FIEVRE. (lèvres intermittentes, etc. — 3" Type de la courbe. Dans le livre de la Nature de l'homme, on dislingue ies fièvres continues et les fièvres intermittentes (quotidienne, tierce, quarte, etc.) — 4° AspecA clinique. Hippocrate distingue comme aspects syniptomatiques des formes ataxiques (phrénésie), adynamiques (létliarj^'ie), inflammatoires, des fièvres putrides, des fièvres pestilentielles, bilieuses, catarrliales (pituitaire). 11 sait que certaines fièvres sont caractérisées par une hypertherniie très marquée (fièvres brûlantes); mais, chose intéressante, il signale des fièvres à température centrale très exagérée et dans lesquelles la peau ne paraît pas très chaude, si l'on s'en tient à un examen sommaire. Les difïe'rents troubles respiratoires, circulatoires (pouls), stomacaux, buccaux, langue saburrale (soif), intestinaux (constipation ou diarrhée), urinaires (polyurie dans ceitains cas, urines rouges, chargées ou blanches), etc., sont déjà bien connus, ainsi que l'aspect variable que peut présenter la peau (chaleur variable, chaleur mordicante, peau pâle ou rouge, fièvres rouges, sueurs variables, chaudes ou froides, ou, au contraire, sécheresse absolue). Il note la courbature, la céphalalgie, l'excitation légère avec une certaine dépression; dans les formes graves, il décrit bien le délire ataxique, le subdéli- rium, le coma. — 5° Marche. Il sait que les fièvres peuvent avoir une marche aiguë ou chronique. — 6° Pronostic. Les Prorrhétiques, les Prénotions de Cos, les Aphorismes indiquent toute une série de symptômes tels qu'état de la langue, état des forces, délire, coma, hoquet, vomissements, qui permettent de provoir l'issue fatale. — 7° Thérapeutique. Hippocrate varie le traitement suivant la nature de la fièvre. S'il n'a pas de médica- ments antifébriles, il reconnaît comme moyens efficaces pour abaisser l'hyperthermie : 1° la saignée ; 2° les boissons froides et les bains froids ; 3" les purgatifs et les lavements ; 4° les sudorifiques. Successeurs immédiats d'Hippocrate. — Leurs œuvres ont été perdues ; mais Celse, Galien, Cœl'.us Aurelianus, Oribase, -Etius, permettent de combler ces lacunes. Proxa- GORAS admettait que toute fièvre provient de la putridité des humeurs. Il distinguait des fièvres phrénétiques, léthargiques, entériques, ictériques, gastriques, etc. Hérophile admet que la fièvre résulte d'une altération des humeurs. Érasistrate admet : 1" que la fièvre se relie à la phlegmasie; 2° qu'elle résulte comme celle-ci d'une collision de l'air avec le sang, c'est-à-dire qu'elle reconnaissait une cause hématique. C'est là une première ébauche de cette théorie fameuse qui naîtra sous tant de formes et de noms différents. Suivant lui, les artères renferment de l'air, et les veines du sang, ces deux ordres de vaisseaux se touchant par leur extrémité. Si le sang va des veines dans les artères, la maladie commence; si le sang s'oppose seulement à l'écoulement du pneuma, c'est la fièvre; s'il pénètre dans les vaisseaux, c'est l'inflammation. Asclépiade attribuait la fièvre à une obstruction des pores par des atomes plus sub- tils que ceux qui forment le corps humain; il luttait contre la fièvre à l'aide des mou- vements communiqués (litière et siège suspendus, secoués d'une façon plus ou moins rythmique), par les lotions et les bains, dont il faisait un grand emploi, parles frictions huileuses et le massage; il admettait que la lumière a le plus souvent une action cal- mante et anlifébrile. Celse distingue nettement : 1" les maladies générales; 2" les phlegmasies locales, qui, du reste, peuvent s'accompagner d'une fièvre secondaire; il décrit les types continus, quotidiens, tierces, quartes, éphémères, les fièvres, qu'il appelle lentes, le causus, la phrénésie, la léthargie, les fièvres pestilentielles. Arétée, le pneu- matiste, incrimine naturellement le pneuma ou air vital; mais il s'est occupé presque exclusivement du causns ou fièvre ardente, dont il trace un tableau image'. 11 insiste sur les yeux brillants et rouges, la face colorée, la langue sèche et rugueuse, la cha- leur brûlante à l'intérieur, les extrémités froides, l'agitation, l'insomnie, les pulsations fortes, les sueurs énervantes et le délire. Notons que tous ces auteurs, depuis le fameux Traité du pouls d'HÉROPUJLE, ne consul- taient plus seulement la température, comme Hippocrate et ses successeurs directs, mais encore les modifications de la circulation locale, et qu'ils distinguaient déjà un pouls bondissant, faible, irre'gulier, petit et dur, etc. Les méthodistes, qui faisaient dépendre la maladie d'un resserrement ou d'une dila- tation anormale des pores de l'organisme, admettent que la fièvre résulte d'un resserre- ment des pores de l'organisme : le corps deviendrait meilleur conducteur de la chaleur interne, et celle-ci arriverait plus facilement à la main de l'observateur, en même temps FIEVRE. 42;i qu'il s'en déperdrait moins. C'est la promié-re fois que l'on voit intervenir la déperdition de la chaleur au niveau de la surface cutanée. Galien perfectionne l'étude du pouls, qu'il complique, du reste, de divisions et d'hypo- thèses inutiles; il en fait le grand critérium du diagnostic, de sorte qu'après lui l'élude du pouls va tenir la place principale dans l'étude des fièvres. Il sépare nettement les fièvres primitives des fièvres secondaires ou phlegmasies locales; les premières ne sont qu'un symptôme de l'inllammation de la partie malade; aussi doit-on appeler la maladie du nom de cette inflammation. H distingue les fièvres en éphémères, hectiques et putrides. II y a fièvre hectique quand la cause de la fièvre réside dans le cœur; fièvre éphémère, quand les esprits vitaux sont envahis; fièvre putride, quand les humeurs résultent des fièvres continues (qui peuvent être rémittentes) et des fièvres intermittentes (quotidiennes, tierces, quartes, etc.). La fièvre intermittente quotidienne est due à la corruption de la pituite; la tierce, à la corruption de la bile; la fièvre quarte, à celle de l'atrabile. La fièvre sans rémission est la syncope; avec rémission, elle s'appelle syneches. Oribase n'est qu'un compilateur; mais sa compilation offre des passages bien inté- ressants empruntés à des auteurs antérieurs et qui sans lui auraient été perdus. Tel est ce passage tiré de Rufus, où il est insisté sur les effets bienfaisants que peut produire la fièvre en faisant disparaître des catarrhes, des suppurations, des maladies cutanées ou nerveuses; la pratique des bains, des boissons froides, des lavements, du massage, des lotions huileuses y est exposée en détails. Arabes. — C'est l'énorme ouvrage, connu sous le nom du caiion (Z'Avicen.ne, qui nous fournit les notions des plus originales et les^plus étendues pour cette période. La fièvre est considérée comme une chaleur anormale (étrange) allumée dans le cœur et se propageant delà dans le reste de l'organisme par le pneuma (artères), le sang (veines). Cette chaleur, par son caractère morbide, bien diflérent, à ce point de vue, de la chaleur amenée par la fatigue, perturbe les fonctions de l'organisme. Il faut distinguer, à l'exemple des Grecs, les fièvres essentielles, des fièvres symptomatiques de lésions locales. Quant à la classification, Aviceisne trouve oiseuses les discussions auxquelles on s'était livré avant lui sur ce sujet. Aussi se borne-t-il à accepter la division proposée par Galien (fièvres dues au pneuma, au cœur, aux humeurs). Mais cependant il n'est pas un simple copiste. Ainsi il ajoute aux causes humorales relevées par (Malien (bile, pituite, atrabile), la putréfaction du sang. C'est à l'altération de ce liquide qu'il rattache les formes inflam- matoires et typhoïdes. D'autre part, Avicexne insiste beaucoup sur les idées de fermen- tation et de putréfaction, qu'ARÉTÉE avait déjà esquissées, ainsi que Galien. Il compare certaines maladies générales à un véritable empoisonnement. La métastase est le plus souvent invoquée comme facteur pathogénique ; mais AvigEiNNe, bon observateur et clinicien expert, a ajouté beaucoup au fond commun (voyez notamment ce qu'il dit de la peste et de la phrénésie). Enfin il a beaucoup insisté sur la notion d'épidémie et de contagion dont on trouve, du reste, déjà des éléments importants dans les auteurs grecs. Parmi les agents morbides des fièvres putrides, il signale les eaux corrompues, dont Hippocrate avait déjà brièvement parlé. Moyen âge et Renaissance. — Les auteurs de moyen âge, tels que Gordon [Lilium medicum) et Valescus de Tarenta {Philoniuni) , ne font qu'exposer avec beaucoup d'érudi- tion les idées de l'époque des Grecs et des Arabes; il en est de même des auteurs du XVI'' siècle. Fernel, Prosper Alpincs, Mercuriali, MAsa,\RiA, ne font preuve à ce sujet d'aucune originalité. Il en est de même de Forestus, qui consacre six livres de son remarquable recueil d'observations à l'étude des fièvres; mais les histoires de malades qu'il rapporte illustrent très bien les idées de l'époque. latro chimistes. — Paracelse, qui fut un précurseur du iatrochimisme de Sylvius de LA BoË et de Willis, invoque tantôt les troubles de l'archée, tantôt les humeurs; si la bile devient toxique, c'est parce qu'elle s'est chargée de produits excrémentitiels qui lui communiquent leurs venins. Sylvius de la Boë admet un excès d'âcreté, ou d'acidité des humeurs, ce qui les rend corrosives et engendre la fièvre; c'est tantôt la pituite, tantôt la bile qu'il incrimine. Willis, le rival de Sylvius, soutient que la fièvre ne peut résulter que d'une efferves- cence du sang, et non des autres humeurs, qui sont sécrétées par lui. Cette elfervescence résulte de la combinaison tumultueuse des cinq grands principes du sang, c'est-à-dire : 426 FIÈVRE. le soufre, l'esprit, le sel, la terre et l'eau; il admet que les angines et les pneumonies qui s'accompagnent de fièvres putrides graves sont le résultat de ces fièvres, et non leur cause productrice, comme on l'admettait généralement. Il y aurait donc une véritable fièvre pneumonique à détermination locale sur le poumon. latromécaniciens. — f.a découverte de la circulation par Harvey avait appelé l'atten- tion des médecins sur le sang. Aussi, à partir de 16.J0, voit-on les iatrochimistes récents, mais surtout la nouvelle secte médicale des iatromécaniciens, tenir le plus grand compte du sang, de telle sorte qu'ils reconnaissent surtout à la fièvre une cause héraatique. C'est au ralentissement, à la congestion, à l'arrêt et à la coagulation du sang qu'ils attri- buent l'éclosion de la fièvre; la fièvre résulterait de la viscosité anormale du sang, qui tend à en ralentir ou même en arrêter le cours. Pour expliquer la fièvre, ils insistent sur les frottements et les chocs qui résultent du passage dans les vaisseaux d'un sang plus épais ou des coagulations (Baglivi). Boerhave fait jouer un grand rôle au choc des globules rouges sur les parois, mais il parle aussi de fermentation, d'acidité, c'est-à-dire qu'il fait des emprunts aux iatrochimistes. Au commencement du xix« siècle s'affirme la tendance à placer dans une altération pathologique des tissus ou des humeurs les causes de la fièvre. Si Pixel hésite à donner une définition de la fièvre, Prost est plus audacieux : « La fièvre est un trouble de la circulation artérielle causée par l'excitation directe ou sympathique du système à sang rouge. » Elle est inflammatoire et angéioténique quand les artères sont affectées. Elle peut aussi résulter de l'altération des muqueuses. Les fièvres dépendent d'une altération matérielle des organes. C'est cette idée qui fait décrire à Bordeu les fièvres stomacales, abdominales, hépatiques, etc. Broussais identifie fièvre et mouvement fébrile; toutes les fièvres essentielles ne sont que des mouvements fébriles sympathiques de la gastro- entérite, et tout mouvement fébrile est dû à une inflammation. L'école organicienne, avec BouiLLAUD, rattache de même la fièvre à l'infiammalion du tissu vasculaire. Nous arrivons ainsi à l'époque véritablement expérimentale, où les théories cherchent à s'appuyer sur des faits, et nous résumerons quelques-unes de ces théories célèbres. Théories modernes. — Théorie de Tralre. — Pour Traure, rélévation de tempé- rature dans la fièvre résulte essentiellement de la diminution des pertes de chaleur, par suite de la vaso-constriction périphérique entraînant une diminution dans la radiation thermique et dans l'évaporation. « Par suite de l'influence que la cause fébrifère exerce sur le système nerveux vaso-moteur, et que je considère comme irritante, les muscles des vaisseaux, qui sont surtout développés dans les artérioles et les plus fins ramuscules artériels, entrent violemment en contraction. Le rétrécissement de la lumière des artères qui en résulte doit avoir un double effet. Il y a diminution de la quantité de sang que les capillaires reçoivent en un temps donné du système aortique, et en même temps de la pression qui s'exerce sur la face interne de ces petits vaisseaux. Dans les premiers moments, il en résulte, indépendamment de l'apport moins grand d'oxygène aux tissus, un refroidissement du sang par le transport et le rayonnement à la surface du corps; on second lieu, une diminution de l'élimination de la liqueur du sang, c'est-à- dire de ce liquide qui, sous l'influence de la pression latérale des capillaires, est exprimé à travers les parois de ces vaisseaux, et qui apporte à chaque tissu les conditions néces- saires à sa vie. La diminution de l'alflux de l'eau aux cellules épithéliales de la peau et de la muqueuse pulmonaire est suivie nécessairement d'une diminution de l'évaporation par ces deux surfaces, d'oîi une nouvelle cause restrictive du refroidissement du corps. » Cette hypothèse est confirmée par les faits que nous fournit l'étude du frisson fébrile. Pendant le stade de froid, la turgescence de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané diminue; les mains, les pieds, le nez sont plus froids qu'à l'état nomal; les petites artères, accessibles à l'observation, sont rétrécies. Évidemment, le rétrécissement des artères n'a pas, pendant le frisson, la même cause que dans le cas où nous nous exposons à une basse température, car le sang d'un fébricitant est encore plus chaud dans le frisson qu'à l'état normal, et l'influence d'un milieu qui atteint à peine la température du sang artériel suffit déjà à dilater les artères de la périphérie. On ne peut faire ici que deux suppositions : ou bien la cause fébrifère agit d'une façon en quelque sorte paralysante sur le cœur, et détermine, par la diminution de l'afflux du sang dans le système aortique, une réaction de tous les vaisseaux, et aussi FIÈVRE. 427 des artères de la surface; ou bien, elle produit, par l'excitation du système nerveux vaso-moteur une contraction des artères de petit calibre et des capillaires. La première hypothèse a contre elle la ditîérence de coloration que présente un homme, suivant qu'il est en proie au plus fort frisson ou qu'il est évanoui; puis, et sur- tout, le degré d'expansion qu'offre l'artère radiale dans la 'pression fébrile. Reste donc seulement la supposition que la cause fébrifère agit d'une façon excitante sur le système nerveux vaso-moteur. Théorie de Liebermeister. — La dépense de chaleur chez le fébricitant peut être identique à celle de l'homme sain, quoiqu'elle soit souvent augmentée ; mais la différence réside surtout dans une altération de l'appareil régulateur thermique. L'homme sain règle son équilibre thermique vers 37»; le fébricitant vers 39" ou 40". Plongez un homme sain dans un bain chaud, il maintiendra sa température à 37», ou du moins la ramènera rapidement à ce niveau; mettez un fébricitant ayant 39° dans un bain chaud ou dans un bain froid, il reviendra plus ou moins rapidement après le bain à sa température initiale. Théorie de Senator. — La flèvre est due : 1° à une exagération de production de la chaleur tenant à une augmentation dans la combustion des matières albuminoïdes, la combustion des substances ternaires ne variant pas (d'où accumulation de graisses dans l'économie) ; 2° à une rétention de chaleur passagère par contraction alternative des artérioles cutanées. Senator insiste beaucoup sur les variations de l'état des vaisseaux. Théorie de Claude Bernard. — « La fièvre n'est que l'exagération des phénomènes physiologiques de combustion, par l'excitation des nerfs qui régissent cet ordre de phé- nomènes. » Cl. Bernard se prononce résolument contre la théorie de la rétention de calo- rique : «Nous admettons que la chaleur développée et dégagée pendant toute la durée de la fièvre est supérieure à celle que fournirait pendantle même temps le même animal soumis aux mêmes conditions, la fièvre exceptée. » Les idées de Cl. Bernard sur le rôle du système nerveux dans la fièvre sont cependant assez confuses. C'est ainsi qu'il conçoit l'élévation thermique comme provenant : tantôt d'une paralysie des nerfs du grand sympathique, ces nerfs étant pour lui vaso-constricteurs et frigorifiques; tantôt comme une excitation des nerfs calorifiques ou vaso-dilatateurs. En ce qui concerne la cause même de la fièvre, relevons cette opinion, qui semble erronée, que la fièvre est un réflexe vasculaire ; elle éclate quand on enfonce un clou dans le sabot d'un cheval. Or l'irri- tation pathogéniquede la flèvre est transmise par les nerfs, puisqu'il suffit de sectionner les nerfs de la patte pour empêcher l'apparition de la fièvre. Le fait expérimental était mal observé, ainsi qu'il fut prouvé plus tard. Les conclusions de Cl. Bernard peuvent se résumer ainsi : l" La physiologie nous montre dans la fièvre des troubles de nutrition, caractérisés par une dénutrition constante, par suite d'une cessation d'action des nerfs vaso-constric- teurs ou frigorifiques, et d'une suractivité constante des nerfs vaso-dilatateurs ou calo- rifiques. 2" La pathologie nous montre, dans cet excès même de chaleur produite, un empêche- ment à l'assimilation ou à la synthèse nutritive, et une source de dangers dont la mort peut être le résultat plus ou moins rapide. S'^ C'est contre cette persistance de l'état de dénutrition ou de calorification due à la suractivité des vaso-dilatateurs que la thérapeutique doit chercher à réagir, soit en trouvant un moyen de mettre en jeu le système nerveux vaso-constricteur, de manière à ramener le froid dans le milieu intérieur, soit en substituant à l'action nerveuse physio- logique des équivalents physiques, tels que les réfrigérations artificielles extérieures ou intérieures du milieu sanguin. Il est juste de reconnaître que Claude Bernard, qui a émis ces opinions dans ses premiers écrits, ne semble pas y avoir attaché d'importance fondamentale, et n'a pas essayé plus tard de les développer. Théorie de Marey. — Lorsqu'on touche la main d'un fébricitant, on la trouve brûlante, et Ton n'hésiterait pas, d'après le témoignage des sens, à déclarer qu'elle est beaucoup plus chaude qu'à l'état normal. Mais, pour plus de rigueur dans l'expérimentation, on emploie le thermomètre afin d'évaluer l'accroissement de chaleur : l'instrument signale quelques degrés de plus qu'à l'état normal. Mais, dans les fièvres les plus intenses, on trouve seulement 3 ou 4 degrés d'augmentation de la température. 4^2S FIEVRE. Cette discordance entre les enseignements fournis par le toucher et les indications du thermomètre tient en grande partie à ce que la main et l'instrument ne sont pas appli- qués aux mêmes régions du corps. On explore par le toucher les régions superficielles, la main, les téguments des membres et de la face du malade, tandis qu'on applique le thermomètre tantôt sur l'aisselle, tantôt dans les cavités naturelles où la températui'e présente une fixité bien plus grande. L'élévation de la température sous l'influence de la fièvre consiste bien plutôt en un nivellement de la température dans les différents points de l'économie, qu'en un échauf- fement absolu. 11 se produit, sous l'influence de la fièvre, un effet analogue à celui dont a parlé Hunter, dans ses expériences sur le rôle de l'inflammation pour la production de la chaleur, effet tout physiologique, qui se rattachait à la rapidité plus grande du mouvement du sang. La chaleur fébrile est assimilable à celle qu'on produit dans un organe par la section des nerfs du grand sympathique; seulement, le phénomène de dilatation des vaisseaux étant pour ainsi dire généralisé dans toute l'économie, réchauffement qui en résulte se généralise également pour toutes les régions superfi- cielles du corps. Mais le thermomètre, lorsqu'on le plonge dans les cavités profondes, accuse une élévation réelle de température, qui, toute faible qu'elle est, n'en mérite pas moins d'attirer l'attention. La masse du sang s'est donc échauffée de quelques degrés. Peut-on expliquer le phénomène par la plus grande rapidité du cours du sang"? Claude Bernard a prouvé par une expérience célèbre que la section du grand sympa- Ihique^n'échaulfe pas seulement l'oreille du lapin par un renouvellement plus rapide du sang qui le traverse, mais qu'elle amène aussi la production d'une quantité de chaleur un peu plus grande qu'à l'état normal. Il est donc naturel d'admettre que, chez le fébricitant, la rapidité du mouvement circulatoire produira non seulement le nivellement dans la tem- pérature, mais aussi un accroissement dans la production de chaleur. Quelque léger que soit cet accroissement dans la production de chaleur sous l'influence de la fièvre, on comprendra qu'il puisse élever la température centrale d'une manière appréciable, si l'on tient compte des obstacles qu'on apporte à la déperdition du calorique chez les fébricitants, La rapidité de la circulation périphérique refroidirait probablement bien vite l'homme qui a la fièvre, si une plus grande sensibilité au froid ne portait le malade à se couvrir de vêtements; de plus, les idées qui dirigent la thérapeutique des fièvres font qu'en général on dépasse les exigences du malade, et que, lors même qu'il désire un peu de fraîcheur, on lui impose un supplément de couvertures, sans compter les bois- sons chaudes et l'atmosphère chaude de la pièce dans laquelle on le tient enfermé. Ajoutons que la peau du fébricitant est sèche, de sorte qu'il n'a plus, dans la sécrétion et l'évaporation de la sueur, les moyens habituels dont l'homme normal dispose pour perdre du calorique dans les milieux à température élevée. En résumé : l'augmentation de la chaleur dans la fièvre porte principalement sur la périphérie du corps. Ce qui prouve qu'elle consiste surtout en un nivellement de la température, sous l'inlluence du mouvement plus rapide du sang. Toutefois il existe aussi dans la fièvre une légère augmentation de la chaleur centrale, ce qui peut s'expliquer par une augmentation légère de la production de chaleur quand la circula- tion s'accélère, mais ce qui peut tenir en grande partie à la suppression presque complète des causes de refroidissement chez les malades. Théorie de Murri. — La fièvre n'est pas produite par une rétention de calorique, mais par une augmentation de la therraogénèse. C'est là la caractéristique de la théorie du médecin italien. L'élévation thermique est le résultat d'une action thermique, action directe de la substance pyrélogène sur les cellules de l'organisme, indépendamment du système nerveux. On retrouve cette idée dans Vulpian : « Nous devons admettre, dit-il, que les causes morbides Jagents pyrétogènes) peuvent agir aussi sur cette substance organisée, y modifier les processus nutritifs et thermogènes, d'une façon tout à fait directe, et, par conséquent, sans l'intermédiaire obligé du système nerveux » {Leçons sur les vaso-moteurs, p. 263). Les expériences sur lesquelles s'appuie Morri sont discutables : élévation de température sur un chien à moelle sectionnée à la suite d'injection putride ; refroidissement plus lent d'un chien tué pendant l'hyperthermie par infection, comparé avec un chien hyperthermique par la mise à l'étuve, et tué en même temps que le premier. Nous avons exposé très sommairement les principales théories émises dans la FIEVRE. 4^29 seconde moitié duxix'^ siècle sur la fièvre et son mécanisme. On trouvera plus loin, dans le chapitre traitant des causes mêmes de la fièvre, les idées plus récentes émises à ce sujet, notamment le rôle des centres régulateurs theriniques. S II. PHENOMENES THERMIQUES DE LA FIÈVRE Oscillations de la température. ^ On doit admettre que, chez l'homme sain, les oscillations thermiques peuvent s'effectuer entre 30" et 38'^, soit une divergence de deux degrés. Mais ce sont là des chiffres extrêmes et qui ne sont pas observés dans un court espace de temps sur le même individu. Dans les conditions normales, la variation nyctémérienne est de 1 degré environ : 36", o à 4 heures du matin, 37°, 5 vers cinq heures du soir. Dans la fièvre, ces oscillations peuvent atteindre des amplitudes considérables; ou trouve, par exemple, dans la même journée, des différences de 4 et même K degrés. En laissant de côté, pour le moment du moins, les variations de température chez les hystériques, variations qui défient toute analyse, il est intéressant de noter la rapidité avec laquelle la température s'élève dans l'organisme fébricitant. Le type fébrile le plus caractéristique est certainement celui de la fièvre intermit- tente. LoRAiN a étudié la marche d'un accès en prenant simultanément le pouls et la tempé- rature des différentes parties du corps : rectum, aisselle et bouche. La première tempé- rature fut prise à 7 heures du matin, avant l'accès, pendant l'état normal : 37°, 4 (rectale) (chiffre qui indique certainement un état fébrile débutant'. La période de frisson éclata immédiatement_^après, à 8 h. 30; en moins d'une heure et demie, elle atteignait 39° et, à 10 heures, 40°, 8. A cette température correspond un stade de chaleur, qui persiste pendant deux heures; puis la température accuse une légère tendance à baisser : 40°, 7, à midi. Le stade de sueur qui survient ensuite s'accompagne d'une descente lente de la courbe, et, à 6 heures du soir, dernière lecture, elle était descendue à 38°, 4. La marche des trois courbes thermiques suit ici une marche presque parallèle. RECTUM. AISSELLE. BOUCHE. heures. , Siade de froid •| 8.30 :i7 3'.} 36,2 39 3G,1 37,8 — de clialeur . . . 1(. \-2 40,8 40,7 40,3 39,3 40.2 4(1 — de sueur .... 1 1 38.8 38. i 38 37,2 38 3C,6 La courbe de la température axillaire indique une descente assez rapide, pendant le stade de sueur, ce qui s'explique par le froid périphérique produit par l'évaporation cutanée. Après l'accès, et dans l'intervalle des crises, la température rectale restait inférieure à 37°. Étant donnée l'absence de toute médication antithermiqne, Lorai.v insiste sur « celte sorte de réaction en dessous qui se produit dans le cours des maladies aiguës fébriles ». Dans les fièvres intermittentes, la poussée thermique peut encore être plus rapide. Dans un autre cas de Lorain {loc. cit., p. 18), où la lecture du thermomètre était faite tous les quarts d'heure, on voit la température monter de 3° en moins d'une heure, passant de 37°, 8 à 40",1 en une demi-heure. Quant à la corrélation entre la température centrale (rectum) et la température périphérique, elle se montre ici assez accusée. Au début de l'accès, l'écart est faible (37°, 8, rect. : 37°, 4, axilL). Pendant le stade de froid, la marche est rigoureusement 430 FIÈVRE. parallèle, mais, aussitôt qu'apparaît le stade de chaleur, l'écart s'accentue; au moment de l'acmé, on note 41,5; 40,7, et, pendant le stade de sueur, l'écart augmente encore et dépasse même un degré. Mais, si les deux observations que nous venons de rapporter peuvent être considérées comme typiques des accès de fièvres intermittentes, ou note parfois des courbes absolu- ment aberrantes. Par exemple, un antagonisme complet existe entre les courbes des températures rectale et buccale. Les températures buccale et axillaire montent dans le même moment que descend la température rectale; puis l'inverse se produit après l'accès. C'est là une forme qui se présente surtout avec un type algide très accentué, l'écart maximum étant de 6 degrés (38'' rect., 31°, S bouche). Variations thermiques suivant les fièvres. Stades fébriles. — Au point de vue des variations de la température on a distingué plusieurs sortes de fièvres : les fièvres légères, les fièvres modérées, les fièvres fortes. Les fièvres légères sont celles où la température ne dépasse pas 38°, 38'>,2; les fièvres modérées sont celles qui atteignent 39°; enfin, les fièvres sont fortes lorsqu'elles s'élèvent à 40°. A partir de 40°, 41° et au- dessus, on a les fièvres hyperthermiques. Dans le cours de ces différentes formes de fièvres, on a constaté des oscillations régu- lières de la température. En dehors de la fièvre, chez les individus sains, la température est toujours plus basse à quatre heures du matin et plus élevée à quatre heures du soir. Dans les fièvres, c'est vers cinq heures du matin que le thermomètre descend le plus bas, et vers six heures du soir qu'il monte le plus haut. Toutefois cette régulation subit de nombreuses variations dans le cours des affections fébriles, sous les influences les plus diverses : absorption de médicaments, changements de falimentation. Si l'on envisage l'évolution générale de ces fièvres, on les distingue en typiques, ou régulières, et atypiques, ou irréguliéres. Les fièvres dont l'évolution est toujours semblable sont elles-mêmes divisées en fièvres éphémères, fièvres continues, fièvres intermittentes. On appelle fièvres éphémères les fièvres de courte durée, comme vingt-quatre heures ou deux jours. Ces fièvres éphémères ont un début brusque ; la température atteint son maximum après quelques heures. Puis, dans la même journée, ou le lende- main, il se fait un retour à l'état normal. Les fièvres continues sont des fièvres qui, ayant atteint le fastigium, persistent à ce degré pendant assez longtemps, ainsi que cela se voit dans la pneumonie. Brusquement, le malade a une température élevée; pendant que les signes locaux se manifestent, la température reste la même; cela pendant cinq, sept, huit jours; puis, brusquement aussi, il se fait une défervescence. Les fièvres intermittentes ont des caractères différents; elles peuvent apparaître et disparaître brusquement. La température luonte tout à coup; le lendemain elle redes- cend; le malade, pendant toute la journée, n'a pas de fièvre; le surlendemain, la température remonte; puis le lendemain le thermomètre indique l'état normal, et ainsi de suite. Quelquefois la fièvre est tierce, quand il y a un jour d'intervalle sans fièvre : entre deux jours de fièvre. D'autres fois, le sujet reste deux jours sans fièvre : c'est la fièvre quarte, avec deux jours d'apyrexie. C'est seulement le quatrième jour que se produit le nouvel accès. Enfin, il y a des combinaisons de fièvres intermittentes; on a ainsi les doubles tierces, les doubles quartes. 11 existe d'autres fièvres où la température n'est pas possible à prévoir; elle est essen- tiellement variable, tant comme durée que comme intensité : c'est ce qui se produit dans la pneumonie, la septicémie. L'individu peut avoir un frisson violent, une poussée de fièvre intense; puis tout renti-e dans l'ordre jusqu'à ce qu'une nouvelle poussée se produise. Il y a, sans doute, dans ces cas, accumulation des éléments toxiques qui sont tout d'un coup jetés dans la circulation et qui produisent la poussée fébrile. WuNDERLiCH distingue une série de stades dans l'accès fébrile. Le premier stade, pyrogénétique, comprend la période d'ascension ou d'augmentation, de dur'ée essentiellement vai'iable. Quand l'élévation thermique se fait lentement, en plusiern-s jours, avec une courbe oscillante, comportant une certaine rémissiou le matin, le frisson peut manquer. Quand, au contraire, la température monte brusquement en FIEVRE. i:M une heure ou deux ; il est rare que ce symptôme fasse défaut; c'est alors que la sensa- tion de froid à la périphérie est très intense. Dans le second stade, ou fasligium, la courbe thermique atteint son maximum; ici encore la. durée est très variable, de quelques heures souvent, de quelques minutes même; dans les accès palustres elle peut persister plusieurs jours, et aussi dans les types dits continus : fièvre typhoïde, etc. Il va de soi qu'il s'agit très rarement d'une courbe thermique en plateau vrai. Le plus souvent, une rémission plus ou moins marquée se fait le matin, la température maximum s'observant alors dans la soirée. Sous le nom de stade amphibole, Wunderlich décrit, une troisième période, caracté- risée par une irrégularité complète dans la courbe thermique, et qui se présente quand la maladie se prolonge un certain temps; ces oscillations indiquant un retour offensif de l'infection. Quand la maladie se termine par la guérison, la température s'abaisg^. Mais tantôt il se produit une défei'vescence brusque, le thermomètre revenant en vingt-quatre heures au chiffre normal, et même au-dessous : tantôt la chute se fait en lysis, par oscillations graduellement descendantes, la température du matin étant normale, alors que l'altéra- tion thermique porte uniquement sur la température du soir. Dans les cas où la mort survient, on distingue chez l'homme un stade proonjanique, et un stade organique. Le premier étant essentiellement hyperthermique, mais avec des oscillations considérables; quelquefois même la dernière ascension est précédée d'une rémission trompeuse de quelques heures, et même de quelques jours. Quaut au stade organique, s'il est souvent algide, on doit signaler également des cas où l'élévation tliermique se manifeste, non seulement jusqu'à la mort, mais même après l'arrê t du cœur. Chez les animaux qui succombent aux infections expérimentales, le stade proorçja- niqiie est presque toujours caractérisé par une hypothermie graduelle, la température baissant successivement jusqu'à 30». On peut, en général, admettre que, chez eux, l'état général se maintient tant que la fièvre dure, et que l'aggravation des symptômes concorde avec la chute de la température. Pour expliquer cette différence, Roger admet que l'organisme de l'animal en expérience résiste plus longtemps à l'infection, et qu'il peut atteindre ainsi le stade de collapsus algide, qui ne se présente que très rarement chez l'homme, parce que ce dernier meurt par son système nerveux, plus sensible, avant de pouvoir parcourir le cycle complet. Le frisson fébrile. — Le frisson est ca,ractérisé par la sensation de froid, le spasme des vaisseaux cutaués et le tremblement musculaire. Le frisson peut avoir une étiologie très variable, et on distingue le frisson psychique provoqué par un état mental parti- culier, le frissou réflexe par impression du froid sur la surface cutanée, le frisson d'origine central par refroidissement des centres, et le frisson fébrile. (V. Frisson.) Nous ne nous occuperons ici que du frisson fébrile, l'étiologie de ce frisson étant en réalité différente du frisson physiologique. Le frisson fébrile n'est pas, comme le frisson physiologique (réflexe ou central), un effort contre le refroidissement. Il se produit quand la température centrale est élevée, et la température périphérique n'est généralement pas au-dessous du niveau normal quand il éclate. Gavarret a très bien décrit la marche de la température au moment du frisson. Avant son apparition, les températures axillaire et rectale montent lentement; quand l'horripilation apparaît, la température rectale monte rapidement; la température axillaire tombe plus rapidement encore, l'écart entre les deux pouvant atteindre jusqu'à 10». Quand la température centrale est très élevée, le frisson cesse et la température cutanée remonte; puis les deux températures commencent abaisser parallèlement. Plusieurs théories ont été émises pour expliquer le frisson fébrile. L'une est défendue par Cohnheim, Marey, Picot. Pour Cohnheim, la cause initiale réside dans la contraction des petits vaisseaux cutanés provoquée par l'élévation brusque de la température du sang; cette contraction entraîne une diminution dans la i^adiation ther- mique, et c'est cette diminution même qui provoque en nous la sensation fausse de froid. Cette théorie repose sur une hypothèse qui est loin d'être établie : l'élévation de la température du sang, provoquant la contraction des capillaires cutanés. Marey admet également la vaso-constriction des capillaires périphériques, la sensation de froid résultant du refroidissement de la surface cutanée. 432 F I E V R E. Une seconde théorie, complèLement opposée, fut exposée par Billroth, et soutenue par LoRAi.\. Le frisson n'est pas dû à l'abaissement de la température cutanée, mais à l'élévation brusque de la température centrale, de sorte que la dilFérence thermique entre le milieu ambiant et le milieu organique s'accentue rapidement. Ughetti reprend la théorie de LoRAiN;il pose en principe qu'un changement de 1° dans notre température interne provoque les mêmes réactions qu'un changement de 20" dans le milieu ambiant; par suite, que, si dans la fièvre la température s'élève brusque- ment de 37", 0 à 38°, y, c'est comme si le milieu ambiant passait de 20^ à 0". Pour Ughetti, le frisson se rattache essentiellement à la poussée brusque de la température, et non à une action des agents psychogènes. 11 invoque en faveur de cette opinion les observations de Fileane et d'HALLOPEAu, qui, utilisant chez des fébricitants les antipyré- tiques, observent que le frisson reparait chaque fois que, l'effet antithermique dispa- raissant, la température remonte brusquement. Le rôle étiologique des agents toxiques dans l'apparition du frisson, s'il est nié par Ughetti, était admis déjà par Picot. Billroth e,t les auteurs classiques. Pour Bouchard aussi, les poisons sont la cause essentielle et primitive du frisson. Le frisson fébrile, dit Bouchard, est le résultat d'une toxine spéciale qui agit sur les centres; cette matière peut être distincte de celle qui produit la fièvre : la première agirait sur les centres vaso- moteurs, la seconde sur le centre thermogène. La toxine produit le spasme vasculaire ; l'anémie cutanée entraîne le refroidissement et la sensation de froid, et, comme consé- quence, une incitation des centres moteurs, d'où le tremblement. Variations calorimétriques. — Calorimétrie directe. — Les premières recherches de calorimétrie directe sur rhonime fébricitant sont dues à Lieuermeister, qui employait la méthode des bains (voir Calorimétrie, it, 999;. Un exemple peut être cité. En introduisant un fiévreux de 39 kilogrammes dans le bain, on constate que la quantité de calories cédées à l'eau est de 172 000; en prenant 0,83 pour coefficient calorique du corps humain, on devrait trouver un abaissement de tempé- rature de 172.000 .. . Or cet abaissement n'est que de 2'M. L'écart a été comblé par une augmentation de production égale à 830x39x3,2—103,750. Liebermeister emploie des bains à diverses températures et obtient des résultats très difîérents suivant la température de l'eau. La différence entre la quantité de chaleur dégagée par l'homme sain et l'homme malade^ suivant la température du bain, s'atténue à mesure que les bains deviennent plus froids. D'après les résultats de ses expériences, Liebermeister admet qu'un fébricitant, pour conserver sa température, doit augmenter sa production de chaleur : Pour 1° do. . . C 1 .. Il 2° de. . . 12 _ 3° de. . . 18 _ 4- de. . , 24 — Ainsi, d'après Liebermeister, l'augmentation dans la production de chaleur chez le fiévreux suivrait exactement une progression arithmétique. Leyden utilise le procédé de la calorimétrie partielle. Une première série de recherches faites, — la jambe étant mise nue dans l'appareil, — sur l'homme sain, sur un phtisique, sur un typhique et sur des malades atteints de febris recurrens, prouve que la perte de chaleur est bien plus forte dans la fièvre qu'à l'état sain: à 40", cette perte peut être près du double de la quantité normale. La quantité perdue n'est pas proportionnelle à la température fébrile. C'est à la fin de l'accès, et non lors du summum de la fièvre, que cette quantité est le plus considérable. Une seconde série d'expériences a été faite sur le membre recouvert, de sorte que les pertes répondent à des conditions normales. Pour l'homme sain, le calcul montre qu'en une heure la perte est de 0,12 calories, soit pour tout le corps, en 24 heures, 2 240 000 ca- lories, soit 4i,3 calories par pouce carré de la surface. Dans la fièvre la plus intense, la FIEVRE. 433 perle de calorique s'élève, au point de devenir double de l'état normal; la perte est surtout considérable dans le stade critique; la quantité de calorique perdue s'élève à 3 fois la normale. RosENTHAL a Gxécuté de longues et patientes recherches calorimétriques avec le calo- rimètre à air placé dans une ambiance constante. Plus que tout autre physiologiste, il défend la théorie de la rétention du calorique, au moins pendant le stade d'élévation thermique. Dans une série de trente et une recherches faites sur un même lapin, il trouve, comme moyenne de 14 jours apyrétiques, un chiffre de 2764 calories, et pour 10 jours de fièvre 2 729; enfin, dans 7 jours intercalaires, c'est-à-dire pendant lesquels la fièvre était latente, 2 508. D'après ces chiffres il n'y aurait pas de différences sensibles entre les jours d'apyrexie et de pyrexie franche, alors que pendant la période d'incuba- tion la rétention de calorique serait évidente (?). Chez l'homme, Rosenthal n'a pu faire que des mensurations calorimétriques locales (sur le bras). 11 reconnaît lui-même l'insuffisance de cette méthode. En outre, il est presque impossible d'étudier le début de la fièvre, à moins d'avoir des paludéens, ce qui n'était pas le cas. Chez un sujet, oîi il put cependant faire une détermination calorimé- trique locale pendant le stade d'élévation, il trouva 0,81 calories alors que, pendant la défervescence, il constata 1,10 calories. Malgré ces difficultés, il maintient ses conclusions primitives : pendant le stade d'ascension, l'émission de calorique est plus faible que pendant le stade d'acmé, et surtout que pendant le stade de défervescence. May, avec le calorimètre de Rubner, expérimentant sur des lapins, admet que pen- dant le premier stade l'émission de calorique oscille autour de la normale, soit en plus, soit en moins; mais dès le second jour l'augmentation est manifeste : elle peut atteindre 31 p. 100 par kilogramme. Les recherches de Isaag Ott, poursuivies avec un calorimètre à air, soit sur des ani- maux rendus fébricitants par injections d'albumoses ou de pus, soit sur des hommes atteints de paludisme, aboutissent aux conclusions déjà connues : la température n'est pas en fonction directe de la thermogénèse. Dans le premier stade, la première est souvent diminuée par rapport à la normale, alors qu'elle est augmentée pendant les stades suivants. Krehl et Matthes utilisent le calorimètre de Rubner. Ils produisent l'hyperthermie à l'aide d'injections de substances diverses : solution d'azotate d'argent à 3 p. 100; deutéro- albumoses obtenues par des procédés divers de digestion pepsique, cultures du Bacte- rium œil, de pneumo-bacilles, ou d'un Protooon de Pfeiffer; etc. Pendant la période d'ascension thermique, on note parfois une diminution dans la perte de chaleur, mais c'est là un fait exceptionnel, et, en règle générale, il y a une légère augmen- tation; 10 p. 100 en moyenne, mais sans qu'il y ait parallélisme entre la tempéra- ture et la thermogénèse. Pendant le second stade, l'augmentation, presque constante, est en moyenne dans le rapport de H 9 à 100; ce rapport pouvant s'élever jusqu'à 16 p. 100. Kaufmamn, expérimentant sur un chien soumis à l'inanition et rendu fébricitant par injection de pus putréfié dans le péritoine, trouve une augmentation dans la radiation calorique pendant les jours de fièvre, sans qu'il y ait un rapport exact entre les courbes thermométriques et calorimétriques. Pendant le premier jour de la fièvre, la tempéra- ture rectale atteignait40°,l, soit l^jO au-dessus de la normale, et l'animal avait produit une augmentation de 45 p. 100, en calories, alors que, le deuxième jour, avec 40°, 6, soit 2» au-dessus de la normale, l'excès n'était plus, en calories, que de 24,6 p. 100. La perte de chaleur se fait par trois voies : conduction, radiation, évaporation. S'il est bien difficile de faire la part des deux premiers facteurs, il est plus facile de recon- naître celle du troisième, et les auteurs donnent les chiffres moyens suivants : chiffres qui concordent avec ceux de Nebelthau. p. 100 de chaleur perdue par évaporation. Lapin normal. ..... 16,6 — fébricitant. ... 17,2 Cobaye normal 15,6 — fébricitant. . . . 15,3 DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. -8 43 i FIEVRE. Mais ce sont là des moyennes, et, si l'on étudie les maxima et les minima, on trouve des e'carts considérables. MAXIMUM. MINIMUM. Lapin normal 24,3 8,8 — fébricitant 23,3 11,8 Cobaye normal 23,5 9,9 — fébricitant. , . . 24,1 10,9 D'où l'on peut conclure que dans Ja fièvre la ijroportion de la radiation thermique pa» évaporation est la même que dans l'état normal. On voit que le rapport entre la chaleur perdue par évaporation et celle qui est perdue par radiation ne varie pas sous l'inlluence de l'état fébrile. Cette constance dans la répartition des différentes pertes de calorique pendant la période fébrile constitue un fait très important, et qui est peut-être caractéristique de l'état pathologique. Si l'on compare, en effet, cette constance avec l'augmentation rela- tive formidable que l'on trouve chez l'individu sain, luttant contre l'élévation thermique, on est frappé de la différence : Iîub.xer, sur un individu travaillant, calcule que la perte par évaporation d'eau peut atteindre 87 p. 100. Wolpert arrive aux mêmes conclusions. Malheureusement nous n'avons pas de données précises sur l'élimination d'eau chez les malades fébricitants. La question des modifications d'équilibre entre la production et la perte de chaleur doit être envisagée suivant les diverses périodes de l'accès fébrile. Pendant le premier stade, correspondant à l'élévation plus ou moins rapide de la température, la plupart des auteurs s'accordent à reconnaître qu'il y a plutôt rétention de calorique (Rosenthal, Nebelthau, Krehl et Matthes). La vaso-constriction, qui domine à ce moment, entraîne une diminution dans la radiation et dans la (conduction à la surface du corps. J. Rosenthal provoque la fièvre chez des lapins par l'inoculation de crachats tuberculeux, de pus cancéreux, de pyocyanine, et, chaque fois, il note, pendant le stade d'ascension, une diminution dans l'émission du calorique, enregistrée avec le calorimètre à air. D'Arsoxval et Charrin, en injectant de la tuberculine à des lapins ou à des cobayes tuberculeu.K, obtiennent des liyperthermies très marquées avec une diminution dans la radiation calorique. Déjà, en 1881, d'Arsonval, en provoquant un état fébrile par injec- tion d'ammoniaque ou d'une culture charbonneuse, constatait que la radiation se modifiait peu, alors que la température s'élevait très rapidement. Mais, dans le second stade de la fièvre, alors que la température a atteint son maxi- mum, la plupart des auteurs qui avaient admis la théorie de Traube, c'est-à-dire la rétention de calorique pendant le premier stade, reconnaissent que, pendant cette période seconde, l'émission de calorique, et, par suite, la production de chaleur dépassent le chiffre normal. Tout concourt alors à cette perte de calorique : la radiation, la conduction de la peau, et surtout l'évaporalion aqueuse. Nebelthau estime l'augmentation dans la perte de calorique par évaporation à IG ou 17 p. 100 : RuB.xER, Wolpert, Zu.ntz attribuent à ce dernier facteur le rôle le plus impor- tant; la radiation n'apportant qu'un faible appoint dans la lutte contre l'hyperthermie. Les recherches de Langlois, faites avec le calorimètre à air de Ch. Righet, ont porté presque exclusivement sur des enfants en pleine période fébrile (broncho-pneumonie). Or il a pu constater que, dans ces conditions, il existe d'une façon générale une corréla- tion directe entre la thermogénèse et la température; l'augmentation étant de 10 p. 100 avec 38°o; de 12 p. 100 à 39°o, et, enfin, de 15 d. 100 à 40^0. Toutefois on peut observer des faits très divergents. Ainsi, chez un enfant atteint de broncho-pneumonie et en incubation de rougeole, le maximum de radiation est atteint avec 3909; et, bien que la température continue à monter pour atteindre 40°3, la radiation diminue les jours sui- vants. D'autres enfants, avec des températures nettement fébriles de 39", fournissent des quantités de calories inférieures au chiffre normal d'enfants bien portants de même poids, et c'est souvent pendant la défervescence que le chiffre de calories s'élève. Toute cette question se rattache nécessairement à l'état des vaisseaux. Heidenhain avait montré que les vaso-moteurs se comportaient différemment chez le sujet sain et le sujet malade. L'excitation d'un nerf périphérique sur un sujet normal provoque facilement une dila- FIÈVRE. 43i talion des vaisseaux et un abaissement de température; tandis que, sur l'animal fébri- citant, cette excitation ne provoque ni dilatation, ni abaissement thermique. Senator a é-^alement vu que l'injection de cultures de l'érysipèle du porc à des lapins détermine une vaso-constriction des vaisseaux de l'oreille, très intense, que les excitations locales ne pouvaient effacer. Maragliano a signalé dans certaines formes aiguës fébriles chez l'homme une vaso-constriction qui précède l'élévation de la température. Krehl et Matthes insistent sur les oscillations rapides dans l'état de la surface radiante, qui peuvent se faire pendant la période de fastigium. Pendant le troisième stade, celui de la défervescence, l'émission de chaleur est géné- ralement accrue. Le stade de sueui critique, la vaso-dilatation, que l'on constate pendant cette période, sont autant de signes certains que la déperdition est considérable, et qu'elle peut suffire pour expliquer ia chute de la température centrale. Malheureuse- ment nous n'avons ni données précises, ni recherches calorimétriques directes four- nissant des chiffres exacts sur la radiation pendant cette période. Sur les animaux, cette chute de la température paraît due principalement à une diminution dans les processus chimiques; mais il faut tenir compte ici des ditférences considérables que présentent la surface nue de l'homme et celle couverte de poils des animaux. RosENTiiAL déclare n'avoir pu convenablement observer ce stade chez les animaux; mais, quand il réussissait à provoquer un abaissement thermique notable par les anti- pyrétiques, il constatait une très forte augmentation dans l'émission de chaleur. Pour résumer cette série d'observations, on peut, en totalisant les résultats obtenus, dire que, pendant le premier stade, ou stade d'ascension, l'émission de calorique est souvent inférieure au chiffre normal; que, pendant la période d'état, cette émission est augmentée, sans qu'il y ait corrélation exacte entre la température et l'augmentation d'émission; que, pendant la période de défervescence, l'émission atteint son maximum. Calorimètrie indirecte. Ghimisme respiratoire. — On a cherché depuis longtemps les variations de l'élimination de l'acide carbonique et de l'absorption d'oxy- gène .dans les cas pathologiques. Lehmainn, en 1859, déclarait que jamais, dans aucune maladie, on ne trouvait d'aug- mentation dans l'acide carbonique exhalé; mais, onze ans plus tard, Leyden apportait une conclusion toute opposée; il trouvait une augmentation constante du CO^ dans la fièvre, et il affirmait que cette augmentation pouvait atteindre 50 p. 100. A la même époque, Silujanoff, rendant fébricitants des chiens par injection de substances putrides, constatait que l'excrétion de CO- marchait parallèlement à la température. LiRBERMEisTER, daus ses observations sur un malade atteint de fièvre intermittente, a trouvé que la proportion d'acide carbonique dans l'air expiré avait diminué. Cette diminution de 10 p. 100 environ est due à la plus grande fréquence des mouvements respiratoires; la quantité absolue est au contraire augmentée de' 20 à 50 p. 100. Citons une de ses observations faites sur un homme de 62 kilogr. atteint de fièvre tierce. Les chiffres indiquent l'acide carbonique en grammes (chifl'res absolus). HEURES. PÉRIODE DE CHALEUK. APYREXIE. PÉRIODE DE SDEUR. APYREXIE. 1). m 0,30' 1,00' 1,30' 2,00' Totaux. . . 20,7 19,2 19.0 18.7 13,8 15.0 14,6 14,7 19,0 17,8 18,8 17,3 16,1 17,0 16,0 - 16,0 77,(1 58.1 73,5 65,0 Pendant la durée de l'observation faite dans la période de chaleur (2 heures), la tem- pérature s'était élevée de 39 à 40", 5. Dans la troisième observation, stade de sueur, elle avait baissé de 40 à 3S°'ô dans le 436 FIEVRE. même laps de temps (2 heures). L'excrétion de l'acide carbonique dans la première observation a donc augmenté de 31 p. 100 sur la seconde observation. Cette augmentation n'est plus que de 20 p. 100 dans les deux autres. LiEBERMEisTER avait sigualé ce fait que l'augmentation d'élimination de l'acide carbo- nique précède l'augmentation de la température. 11 l'expliquait de la manière suivante : Texcrétion exagérée de CO^ correspond bien au moment où les combustions augmentent; au contraire la chaleur périphérique est forcément en retard; car il faut un certain temps pour que la masse du corps arrive à s'échaulfer. Traube et Senator n'ont pas admis cette augmentation, et SENATOR.pour expliquer les résultats de Liebermeister, émet l'hypothèse suivante : l'excès de Cu- observé serait dû essentiellement à l'activité plus grande de la ventilation pulmonaire qui balaierait ainsi le sang veineux ; hypothèse étrange, et contraire à tout ce que nous connaissons sur les lois qui président à la ventilation pulmonaire et à l'hématose. Il est vrai qu'il propose une autre théorie aussi problématique. L'acide carbonique serait exhalé en plus grande quantité, par suite d'une acidité plus grande du sang. Rien ne venait appuyer cette opinion à cette époque, et, si, depuis lors, il paraît évident que l'alcalinité du sang (terme plus convenable que l'acidité) est, en effet, diminuée dans les maladies fébriles, cette diminution, très faible, ne saurait expliquer la quantité et la persistance de l'acide carbonique exhalé. Regnard confirme les recherches de Liebermeister. Dans une première série expéri- mentale, il provoque l'hyperthermie en plaçant les cobayes dans une atmosphère sur- chauffée, et obtient ainsi des températures de 41". La courbe construite avec les six expériences citées montre que l'absorption de l'oxygène marche avec la température, suivant une courbe parabolique, que l'acide car- bonique éliminé croit progressivement jusqu'à 38°, mais qu'à partir de ce chiffre l'éli- mination s'abaisse plutôt, de sorte que le quotient respiratoire -j— devient très faible. 11 faut donc admettre qu'une partie de l'oxygène absorbé se combine, dans les tempé- ratures fébriles, autrement que pour faire avec le carbone de l'acide carbonique. Les recherches de Kalmin sur les lapins recevant des cultures diphtéritiques ou pyocya- niques, de Preotchensry sur des chiens, conduisent à des conclusions identiques. L'hyper- thermie peut augmenter l'élimination de CO^ de 60 p. 100; mais, pendant la période qui suit l'injection, et avant l'élévation thermique, on observe plutôt une diminution des échanges. Dans l'expérience de Kaufkmman déjà citée, à propos de la thermogénèse, on retrouve la confirmation de l'exagération des combustions organiques dans la fièvre. Il y a une relation évidente entre l'augmentation de la thermogénèse et les échanges respiratoires. Ces deux quantités croissent et décroissent ensemble. 11 existe surtout un parallélisme et une proportionnalité remarquables entre l'augmentation de l'absorption de l'oxygène et celle de la production de chaleur. Ainsi l'absorption de l'oxygène a augmenté de 47 et 26 p. 100; la thermogénèse a augmenté respectivement de 56 et 24. 6 p. 100, c'est-à-dire sensiblement dans les mêmes proportions. Ce parallélisme si remarquable entre l'exagération des échanges respiratoires et celle de la thermogénèse pendant la fièvre, constitue un argument nouveau et puissant en faveur de la doctrine de Chauveau, d'après laquelle la chaleur produite par l'animal dérive d'un processus chiini(iue d'oxydation ou d'une simple combustion plus ou moins complète des principes immédiats de l'organisme. Il prouve également que pendant !a fièvre les phénomènes intimes de la nutrition, comme la thermogénèse, ne sont pas modifiés dans leur nature, mais tout simplement exagérés. FIÈVRE. 437 Nutrition et thermogénése comparées à l'état normal et à, l'état de ûévre chez le chiei en abstinence. Table.\u I. JOURS ÉTAT TEMPÉRATURE ÉCHANGE.S RESPIRATOIRES CHALECR dos de ^^ ALBL'MIKË PRODUITE "^ du local. de l'animal. COe OXYGi':NE QUOTIENT détruite. au expériences. I. ANIM.M,. sreetuiii) produit. absorbé respjraloire. calorinit'tre. cal. 1. . . . Normal. 20",.". 38°,6 3,37 4,47 0,7.-; 0,498 21 2. . . . Fièvre. 21°,.',; 41°,1 4,75 (3,56 0.72 0,837 30,4 3. . . . Fèvre . 2i°,rj 40°, 6 4,36 5,67 0,76 0,889 26 4. . . . Normal. 21° 38°, 7 3,40 4,49 0,75 0,556 21 TaBLE.V'J II. AUGMENTATION P. 100 sors l'influence de la fièvre. l" jour de lièvre. 2« jour de fièvre. Exhalation d'acide carbonique Absorption d'oxygène . . .... . . i,. 100. 49 47 68 45 p. 100. 29 26 78 24, G Production de chaleur T.\BLE.\U III. JOURS DE l'expérience et état de l'auimai. CHALEUR PRODUITE PAR LA formation DU SUCRE aux dépens CHALEUR totale produite dans le foie._ CHALEUR totale produite par l'animal. RAPPORT DE LA CHALEUR produite dans le foie à la chaleur totale produite par l'animal. de l'albumine détruite. de la graisse brûlée. 1 Normal 2 Fièvre 3 Fièvre 4 Normal c-vl. 2^8 1,8 6,6 9,5 8,0 6,5 cal. 8,2 12,2 10,8 8,3 cal. 21 30,5 26 21 cal. 0,39 0,40 0,41 0, 39 Sternberg, expérimentant sur des lapins, dans le laboratoire de Rosenth.al, constate également que augmentation de l'excrétion de CO-suit une marche parallèle à l'accrois- sement de la température. CoLASANTi, dans ses recherches relatives à l'influence de la température extérieure sur les échanges organiques, ayant eu l'occasion de rencontrer un cobaye fébricitant, trouve chez cet animal, pour l'état normal, 948 d'O absorbé et 872 de CO^ éliminé par kil. et par heure, et pendant la fièvre 1 243 — — 1 202 — — Le quotient respiratoire passe donc de 0,92 à 0,96. FiNRLER, dans le laboratoire de Pfluger, poursuit les mêmes recherches.il opère sur des cobayes, et arrive à des résultats très variables. S'il constate une élévation du taux de CO^, il ne peut établir aucune relation entre cette élévation thermique, la tempéra- ture et les oxydations. Il fait remarquer qu'il est possible qu'au début de la fièvre 438 FIEVRE. l'augmentalion des oxydations soit plus énergique que pendant la période de fièvre continue. A. LiLiENFELD, daus le laboratoire de Zuxtz, étudie les échanges respiratoires sur un chien trachéotomisé, la fièvre étant produite par une injection de macération de foin. Une demi-heure après l'injection, la température s'élevait à un demi-degré. Un quart d'heure après l'injection, les échanges gazeux augmentaient. L'absorption d'O suit la même marche que l'élimination de CO^, de sorte que le quotient respiratoire ne se modifie pas. L'activité des échanges augmente de 75 p. 100. L'augmentation des échanges se produit et se maintient, même si l'on a élevé la température de l'animal par un bain chaud, avant la fièvre. Chez un animal fébricitant, la différence enlre sa chaleur propre et celle de l'eau chaude est beaucoup plus grande que chez un animal normal, si la température du corps reste constante. O. CO^. QUOTIENT RESPIRATOIRE. TEMPÉRATURE do l'aulmal. DIFFÉRENCE des températures du bain et de l'animal. Avant la fièvre 1/4 d'heure après l'injection. 2 heures .526 889 902 720 390 385 423 654 G69 523 0,74 n.73 0.73 0,74 0.74 0,73 39,16 39,20 39,20 39,20 38,20 39,10 1,6 1,7 3,6 4,6 2,9 Moyenne Les recherches de Kraus ont porté sur des malades atteints de pneumonie, de fièvre typhoïde, d'érysipèle. Dès le début de la fièvre les échanges gazeux étaient nettement augmentés, l'accroissement atteignant en moyenne 20 p. 100. Dans deux cas seulement de fièvre typhoïde prolongée, avec une alimentation très mauvaise, les échanges ne s'éle- vèrent pas. Chez l'un des sujets les combustions furent égales à celles qu'on avait observées chez le même individu à l'état normal. Chez l'autre l'absorption d'oxygène fut à peine supérieure à celle de la convalescence, malgré une hypertherniie très marquée. Lœwy, employant, comme Kraus la méthode Zuntz-Geppert, trouve jusqu'à 50 p. 100 d'augmentation dans les échanges; mais aussi, dans quelques cas d'hyper- thermies intenses, une augmentation très faible. En pleine période d'acmé, et sur- tout au début de la descente thermique, la consommation d'oxygène fut parfois trouvée normale. Utilisant la réaction fébrile de la tuberculine chez les phthisiques, Lœwy, Kraus, arrivent à des résultats concordants : huit fois, sur douze sujets, ils trouvent une aug- mentation de 8 à 22 p. 100 de l'oxygène brûlé, l'élimination de CO^ étant également augmentée. Dans d'autres cas, malgré l'élévation de température, les échanges n'étaient pas modifiés. En fait, d'après Kraus et Lœwy, s'il y a généralement exagération des processus chi- miques, il n'y a pas parallélisme entre la courbe thermique et celle de l'activité des échanges. L'exagération se manifeste surtout dans la période initiale de la fièvre, et chez les sujets à ventilation pulmonaire intense. Kraus et Lœwy ont tous deux une ten- dance à admettre que l'augmentation constatée est due à une exagération de l'activitt' musculaire : mouvements respiratoires plus fréquents, frisson ou simple exagération du tonus musculaire. L'étude du quotient respiratoire permet de juger la qualité des combustions orga- niques. Nous devons citer les travaux de Regnard, Finkler, Lilienfeld, Kraus, A. Robi.n et BliNET. P. Regnard étudie les modifications des échanges gazeux dans les fièvres de différents types, et il établit que : 1'^ Dans les fièvres franches et les inflammations aiguës, la consommation d'oxygène FÏÈVRE. ^39 est augmentée, et l'exhalation de l'acide carbonique également, mais dans des pro- QQ2 portions moindres. Le quotient respiratoire -j-r varie entre 0,.") et 0,6; au lien de 0,8, chiffre physiologique. 2° Dans les fièvres lentes hectiques, les combustions sont encore augmentées; mais, dans les fièvres franches, l'exhalation de CO- est moindre encore par rapport à l'oxy- gène. G02 .. 3° Dans les cachexies, il existe une diminution dans l'absorption de l'oxygène et dans l'exhalation de l'acide carbonique, sans modification du quotient respiratoire. CO- — = 0,7 et 0,9. A. Robin et Bixet ont fait porter leurs recherches sur des typhiques : leurs conclusions ne sont applicables qu'à cette maladie, et ne sauraient être généralisées sans danger aux autres affections hyperthermisantes. 1° Dans la fièvre typhoïde commune, pendant la période d'état, les proportions centésimales d'O- consommé et de CO- produit sont légè- rement au-dessous de la normale. Le quotient respiratoire varie peu, mais l'oxygène absorbé par les tissus croît sensiblement. Quand vient la convalescence, l'O- consommé est utilisé presque tout entier pour la formation de CO^, d'où relèvement du quotient. 2° Dans la forme grave, suivie de guérison, les proportions centésimales de CO- et de 0- sont plus faibles que dans la forme bénigne; au contraire, l'absorption de l'O- par les tissus augmente. Le quotient respiratoire baisse. Au moment de la convalescence, les échanges se règlent et s'exagèrent; 0- et CO- augmentent tous deux, et le quotient se relève. 3" Dans la fièvre typhoïde à issue fatale, il faut considérer deux périodes; celle dans laquelle l'organisme lutte encore avec quelques avantages, et celle oïi l'orga- nisme est en déroute. La première période elle-même comprend deux phases; l'une (a) correspondant à la pleine activité de la lutte; l'autre (6) dans laquelle l'organisme pré- sente des signes de défaillance, a) Dans la première phase de la période de lutte en pleine activité, la ventilation s'accroît; CO- et 0- croissent aussi bien dans leurs propor- tions centésimales que par rapport au kilogramme-minute. L'activité chimique augmente donc comme l'activité mécanique, b) Dans la deuxième phase, quand apparaissent les premiers signes de défaillance, la proportion centésimale d'O- et de CO^ faiblit, l'absorp- tion totale de 0- est moins considérable; seules, la ventilation et une production totale plus grande de Consignaient les derniers actes de la résistance organique. Le quotient s'élève bien, ce qui semble correspondre à des oxydations plus actives; mais, en réalité, il no monte que parce que l'absorption de 0- a faibli, et c'est cet affaiblissement, com- paré à l'augmentation de la ventilation et de l'excrétion de C0^ qui caractérise ce der- nier effort d'une activité déjà vaincue, c) A Ja période de défaite, les échanges tombent à des chiffres très bas; « le chimisme n'indique plus aucune trace de lutte, puisque la ventilation elle-même a faibli ». Donc « l'activité des échanges respiratoires est en raison inverse de la gravité de la maladie; plus la fièvre typhoïde est grave, moins les échanges sont élevés ». Quant aux rapports qui peuvent exister entre la température et les échanges, A. Robin et Binet déclarent que, dans la fièvre typhoïde, à des températures élevées corres- pondent des oxydations respiratoires abaissées; mais ils reconnaissent qu'il y a des excep- tions, puisque les échanges respiratoires sont moindres avec des températures moyennes qu'avec des températures maximales. Kraus n'avait pas trouvé que le quotient respiratoire fût influencé par la fièvre; il serait généralement assez abaissé, mais sans tomber cependant beaucoup au-dessous de la normale. Lœwy donne des chiffres faibles, mais qui ne descendent pas au-dessous de 0,65. Avec Riethus nous retrouvons des chiffres concordant avec ceux de Regnard. Dans plusieurs cas le quotient descend au-dessous de 0,6, et même, chez des chiens rendus fébricitants par injection d'azotate d'argent dans la plèvre, il baisse à 0,5. L'abais- sement du quotient respiratoire s'expliquerait par une oxydation incomplète des sub- 440 FIEVRE, stances organiques, entraînant dans l'organisme une accumulation de substances incom- plètement oxydées (Regnard). L'étude des produits éliminés par l'urine montrera combien cette vue paraît justifiée. § III. - PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA FIÈVRE Destruction des albuminoïdes. — La lièvre est caractérisée essentiellement par une ex.'igération des processus protéolytiques; c'est-à-dire que la destruction des matières albuminoïdes chez les sujets fébricitants est plus active que chez les sujets apyrétiques, soumis au même régime alimentaire. On conçoit qu'il est nécessaire d'ajouter cette dernière phrase, car les fébricitants sont généralement dans un état de régime particulier, le plus souvent voisin de l'état d'inanition : et qu'on ne saurait donc comparer, au point de vue du déchet protéolytique, un individu recevant une ration d'hydrates de carbone et de graisses, qui lui permet de ménager ses réserves protéiques, avec un malade réduit aux seules réserves protéiques de ses tissus. Ce qu'on peut établir d'une façon générale, c'est qu'on trouve dans l'urine des fébri- citants plus d'azote que ne le comportent leur nourriture et leur état nutritif. Les auteurs qui se sont les premiers occupés de celte question ont envisagé presque exclusivement l'urée, et, dès 182, pour les muscles. Les différences seraient de même ordre que celles indiquées par Cl. Bernard, mais beaucoup plus fortes, puisque les chiffres de Cl. Bernard, obtenus autrement il est vrai, en prenant la température dans les vaisseaux, indiquent une différence entre la veine porte et la veine hépatique de 0°4 au plus, et entre la veine porte et l'aorte, de 0°4 également. 'D'Arsonval et Chariun insistent encore sur l'élévation notable de la température de la moelle osseuse. Ito (Z.B., 1899, xxvin, H 5), au laboratoire de Kronecker, constate, chez le lapin rendu hyperthermique par piqûre du cerveau, que le duodénum est plus chaud que le rectum; FIEVRE. Uo il en conclut que le duode'num et son voisin le pancréas, <' la glande la plus énergique de l'économie », développent, consécutivement à l'excitation des corps opto-striés, plus de chaleur que les autres organes. LÉPhNE confirme l'observation d'iTo en la précisant. Dans une première note, il signale même ce fait curieux, que la différence en plus de la température pancréatique n'existerait que chez les chiens rendus hyperthermiques par pi(iûre cérébrale, alors qu'on ne la retrouverait pas chez les chiens fébricitants par injection de toxine typhique. Mais dans une deuxième note il déclare avoir retrouvé beaucoup plus souvent l'excès thermique du pancréas après infection expérimentale. Krehl et Kratsch ont, avec la méthode des aiguilles thermo-électriques, mesuré la différence thermique entre le foie et le sang de l'aorte, prenant à dessein l'aorte, c'est- à-dire l'endroit oîi le sang de tout l'organisme est réuni. Chez les lapins normaux à jeun, l'excès hépatique oscillait entre 0"4 et O^S ; chez les lapins fébricitants (injection de pneumocoque) l'excès pouvait dépasser 2 degrés et oscillait entre 0»8 et 2°. D'ailleurs, tout en reconnaissant le rôle prépondérant du foie, Krehl arrive à cette conclusion que l'exagération des processus fébriles a lieu dans les muscles, le foie, la rate, le rein et également dans tous les organes. Aronsohn et Sachs accordent aux glandes de l'intestin un rôle secondaire; les muscles jouant le rôle prépondérant. Us provoquent l'hyperthermie chez le lapin par piqûre du cerveau, et constatent que l'augmentation de température est de 2°.o dans le rectum, de 3°8 dans les muscles, et que l'élévation thermique musculaire précède celle du rectum. Chez un animal fébricitaut, le curare fait tomber la température beaucoup plus rapide- ment que chez un animal normal. Par fractions de dix minutes, la chute thermique est trois fois plus rapide. Kauf.mann, calculant d'après les méthodes de Chauveau le rapport de la chaleur pro- duite dans le foie à la chaleur totale produite par l'animal, trouve que, si chez l'animal normal le foie contribue pour 39 p. 100 à la therrnogénèse générale, dans la fièvre cette contribution s'élève à 41 p. 100. § IV. - TROUBLES DE LA RESPIRATION ET DE LA CIRCULATION Rythme respiratoire dans les fièvres. — Les modifications apportées au rythme respiratoire par l'état fébrile sont fréquentes et importantes. Il y a lieu de faire immé- diatement une distinction entre deux modes respiratoires parfois confondus : la polypnée et la dyspnée. La polypnée thermique est caractérisée par un rythme respiratoire d'une rapidité extrême, pouvant atteindre jusqu'à 360 par minute; mais ce phénomène n'est pas un phénomène morbide. C'est un mécanisme de défense, qui entre enjeu, chez les animaux en parfaite santé, quand ils sont exposés à des températures trop élevées. GoLDSTEiN le premier signala l'accélération du rythme respiratoire chez les chiens dont il chauffait le sang carotidien, et il attribuait cette « dyspnée thermique », suivant son expression, à un échaiiffement direct des centres respiratoires bulbaires. Sihler, tout en admettant réchauffement possible des centres, montra qu'il y avait également dyspnée thermique par excitation périphérique, les terminaisons nerveuses cutanées jouant un rôle important. Walgh attribuait, de son côté, la dyspnée aux effets de l'air chaud ins- piré. Chez des lapins placés dans des caisses très chaudes et par suite en pleine poly- pnée, on voyait le rythme respiratoire tomber brusquement quand on les retirait de leur cage chaude. Ch. Richet, dans une étude très complète de ce phénomène, pour lequel il a substitué le terme de polypnée h celui de dijfipnée, a nettement différencié la polyp- née d'origine centrale de la polypnée d'origine réflexe (voir Chaleur, III, 175), et a montré ses relations avec la régulation thermique. Langlois a montré que la polypnée ther- mique de Ch. Richet se rencontrait également avec toutes ses lois chez certains animaux à sang froid, tels que les sauriens du Sahara : ourane et varan. La polypnée thermique ne paraît donc pas devoir être rangée parmi les symptômes respiratoires de la fièvre. Mais il n'en est pas de même de la dyspnée. La dyspnée peut affecter toutes les formes : accélération du type respiratoire normal, ans jamais atteindre le type polypnéique vrai; altération dans le rythme, soit qu'il 446 FIEVRE. s'agisse de l'établissement de périodes, les mouvements respiratoires restant à peu près de même force : type périodique vrai, soit que ces mouvements varient en intensité pen- dant les périodes, suivant une progression plus ou moins régulière : type Cheyne-Stokes. L'accélération simple du rythme peut trouver, dans quelques cas, son explication dans l'augmentation des échanges gazeux. La respiration dyspnéique peut avoir des origines diverses : mécanique (pleurésie avec épanchement, hydropneumothorax, météorisme , congestion, splénisation du poumon) ou toxique, par action sur les centres nerveux pré- sidant aux mouvements respiratoires. Klippel, étudiant spécialement la polypnée dans les maladies fébriles, arrive à cette conclusion que le nombre pathologique des respirations est habituellement supérieur à celui des pulsations, par comparaison naturellement avec le rapport physiologique. On pourrait exprimer brièvement cette opinion en disant que, dans la fièvre, le rapport — tend vers l'unité, et le fait est surtout évident quand les causes pathogéniques inté- ressent plus particulièrement la sphère pulmonaire. Klippel insiste encore sur un autre symptôme. La polypnée ne suit pas la même marche que la température. L'hyper- thermie a disparu, alors que,la polypnée et la tachycardie persistent encore plusieursljours. C'est le cœur qui ensuite tend à revenir, avant l'appareil respiratoire, au type normal. Rapports entre la température et le pouls. — Sans poser de chiffres absolus, on peut admettre que, sauf exceptions, la chaleur et le pouls suivent des courbes paral- lèles. WoLFF et ViERORDT avaient émis la loi suivante : « Le pouls marche parallèlement à la température ; les courbes du pouls changent avec la température, et on peut, d'après la température, mesurer la forme de la courbe du pouls, comme, d'après celle-ci, mesurer la hauteur de la température. » Ce parallélisme est loin d'être aussi absolu que le veulent les auteurs allemands, et Liebermeister est plus exact en disant que ce parallélisme est une loi générale, mais une loi qui comporte de nombreuses exceptions. Sur 280 observations, il a pu établir les conditions de ce parallélisme ordinaire. legrés. Puis. Degrés. Puis. 37,0 — 78 40,0 — .108 37,5 — 84 40,5 — 109 38,0 — 91 41,0 — 110 38,5 — 94 41,5 — 118 39,0 — 99 42,0 — 137 39,5 — 102 Liebermeister a même donné une formule qui permet de calculer approximativement la température quand on connaît le nombre des pulsations : Pouls = 80 + 8 (T — 37). Température = ^\ "' 8 Ces chiffres ne correspondent pas tout à fait à ceux que donne Lorain; on peut admettre, dit-il, que, si 37°, o représentent la température rectale à l'état de santé, et 70 le nombre des pulsations dans les mêmes conditions, chaque élévation de température de i degré se traduira par une augmentation de 25 pulsations. On obtient ainsi les deux séries ; Température. . . 37°5 38"5 39°5 iQ°:j ^["5 Pulsations. ... 70 95 120 145 160 Ainsi, pour l'auteur allemand, à une élévation de température de 1° correspond une augmentation de 8 contractions cardiaques en excès par minute, tandis que pour Loraix il faut en compter 2o. Jurgensen signale chez les vieux pneumoniques des températures de 39°, avec un pouls tombant au-dessous de 40. Dans beaucoup de maladies infectieuses la dissociation des deux phénomènes est très marquée. L'accélération du cœur a pour cause deux facteurs : 1° l'élévation de température générale; 2° l'action des toxines. Dans l'hyperthermie expérimentale, par rétention de calorique, le cœur s'accélère; FIÈVRE. 447 il en est de même quand on chauffe directement le cœur par une injection de liquides chauds (Atiianasiu et Carvallo). Les toxines peuvent exercer leur action par deux mécanismes différents, en provo- quant soit l'excitation du système accélérateur, soit l'inhibition du système modérateur vao-o-spinal. Quant aux causes mécaniques, c'est-à-dire aux modifications dans la résis- tance opposée au cours du sang dans les artérioles, c'est un facteur bien hypotliétique. Si, en effet, la vaso-diiatation qui se produit pendant le stade chaleur pouvait expliquer à la rigueur l'accélération du rythme, suivant la loi de l'uniformité du travail du cœur, on devrait, en vertu de la même loi, observer pendant le stade du frisson un ralentissement ou de la vaso-constriction. La meilleure preuve que le rythme cardiaque est surtout sou- mis à l'action des toxines microbiennes ou des toxines produites par l'organisme, c'est la dissociation si fréquente entre les courbes thermique et cardiaque. Dans la fièvre typhoïde, dans la pneumonie franche, on observe fréquemment une discordance notable entre les deux symptômes, c'est-à-dire de fortes oscillations thermométriques avec un rythme cardiaque stationnaire. Dans la méningite, c'est moins l'action chimique géné- rale des toxines que l'action, localisée sur le système nerveux central, des agents infectieux qui explique cette dissociation. Quand les lésions portent sur la région bulbaire, voisine de l'origine des pneumogastriques, l'excitation de ces noyaux provoque une action inhi- bitrice permanente de ces nerfs sur le cœur, et, tandis que la température s'élève au delà de 41°, le pouls se maintient à 80, quelquefois même au-dessous (Jaccoud). Troubles de l'appareil circulatoire dans la fièvre. — Dicrotisme. — Chez les fébricitants, surtout daus la fièvre typhoïde et dans le rhumatisme articulaire aigu, le dicro- tisme est si fréquent, que l'on avait été (enté de considérer comme identiques les termes de pouls fébrile et de pouls dicrote. On a même cru qu'on pouvait évaluer l'intensité de la fièvre d'après le degré du dicrotisme. Riegel a combattu cette idée, en montrant combien de facteurs peuvent intervenir dans la formation de cette ondulation secondaire. En réalité, le dicrotisme se rattache surtout à la diminution de la tension vasculaire, et toutes les opinions sur la gravité pronostique du dicrotisme élevé (Boud.laud) reviennent à dire qu'il y a lieu de craindre dans ce cas une hypotension progressive. Bruits de souffles cardiaques. — On a signalé très fréquemment des souffles cardiaques dans la plupart des maladies fébriles ; fièvre typhoïde, rhumatisme articulaire aigu, fièvres éruptives. Toutefois ils sont loin d'être constants, et ou peut dire simplement que l'état fébrile constitue une condition favorable à leur production. Ces souffies se rattache- raient, pour quelques auteurs (Tripier), à la diminution de la densité du sang, qui est fréquente dans les maladies fébriles. Troubles vaso-moteurs. — La première expérience démontrant les modifications des vaso-moteurs dans la fièvre est due à Schiff. Dès 1856, à l'époque même de la décou- verte de ces nerfs, sur un chien il coupe les principaux nerfs d'un membre, constate après la cicatrisation que la température du membre opéré est supérieure à celle du membre sain, mais que la différence est renversée quand on provoque une poussée fébrile par injection de liquide septique ou irritation d'une séreuse. Schiff explique ces résultats par une action vaso-dilatatrice produite par la fièvre, action qui ne peut se produire sur les vaisseaux du membre énervé. Toutefois il proteste contre l'opinion qui lui a été attribuée par quelques auteurs, d'une théorie nécrotique de la fièvre, faisant dériver les phénomènes de la calorification pendant la fièvre, des nerfs et surtout des nerfs vaso-dilatateurs. « 11 m'a toujours paru impossible d'expliquer la température fébrile au moyen d'une action positive ou négative des nerfs, et j'ai toujours été con- vaincu que sa cause doit être de nature chimique. (Recueil des mémoires de Schiff, I, 227.) » Mais Vulpian, répétant l'expérience de Schiff, arrive à des résultats opposés. Le membre énervé reste plus chaud que le membre intact, môme quand la température rectale atteint 41°4, et Vulpiax explique ce fait en admettant que la fièvre provoque bien une certaine dilatation des vaisseaux, mais que cette vaso-dilatation reste inférieure à la dilatation paralytique de l'autre membre; par suite, le sang plus chaud qui du cœur est lancé dans l'aorte, chez un animal fébricitant, passe en plus grande abondance par les vaisseaux des orteils qui correspondent aux nerfs sectionnés que dans ceux de l'autre membre (Vulpian, Leçons sur les vaso-moteurs, II, 263). U8 FIEVRE. ScHiFK, dans tous les cas, ne voyait dans la vaso-motricité qu'un phénomène consé- cutif à l'hypertherMiîie ; au contraire, pour Marey et Traube, les vaso-moteurs jouent le rôle important dans les modifications thermiques fébriles. Pour Traube ce rôle est presque essentiel : la température s'élève parce que la vaso-constriction périphérique amène la diminution de la radiation calorique. C'est la théorie pure de la rétention de calo- rique. Pour Marey, la constriction n'est qu'un phénomène secondaire, consécutif à la dila- tation primitive. C'est du moins ce qui paraît ressortir de son premier mémoire de 1833, (p. 338). Dans la fièvre, il y a d'abord une dilatation périphérique, amenant un réchauf- fement de la superficie cutanée; puis la température ambiante plus froide, en agissant sur la peau à température plus élevée, détermine par voie secondaire la constriction des vaisseaux. Cette théorie a été reprise en 1873 par Baumler, alors que Marey lui-même semble devoir l'abandonner, puisqu'on 1883 {Siw la circulation du sang) il s'étonne que la doctrine vasculaire de la fièvre soit attribuée à Traube, alors que son mémoire est antérieur de quelque mois au travail du médecin allemand. Les conceptions de Traube-Marey reposaient sur l'observation du stade frisson, mais non sur la constatation directe de l'état des artérioles. Senator observe directement l'état des vaisseaux de l'oreille chez les animaux fébricitants, et il constate que, dans l'acmé de la fièvre, les vaisseaux de la peau se trouvent tantôt dans un état de dilatation paraly- tique, tantôt dans un état de constriction tétanique, et que ces deux états alternent. Maragliano, avec le pléthysmographe de Mosso, étudiant les phénomènes circulatoires fébriles sur l'homme, trouve que les vaisseaux cutanés commencent à se resserrer, alors que la température n'est pas augmentée; à mesure que la constriction s'accentue, la température commence à croître; lorsque la constriction a atteint son maximum, la température atteint également le sien; puis, quand la température s'abaisse, cet abais- sement est précédé d'une dilatation des vaisseaux; et, quand la dilatation des vaisseaux cutanés a atteint son point culminant, le chiffre thermique revient au niveau normal. Le frisson n'apparaît que lorsque la constriction des vaisseaux est dé|à commencée; les expériences de Maragliano expliquent alors les cas de Sidney Ringer, dans lesquels l'appa- rition du frisson n'a lieu que longtemps après le début de l'ascension thermique. Les réflexes vasculaires cutanés, que l'on observe à l'état physiologi({ue (exp. de Brown-Séquard et Tholozan !, sont loin d'être constants, et il est difficile, en les étudiant par les méthodes pléthysmographiques les plus sensibles, d'en déduire des conclusions fermes. C'est ainsi que Maragliano et Lussana, ayant tout d'abord étudié ces réflexes chez l'homme sain, sont amenés <à dire : que les excitations cutanées ne déterminent pas toujours des mouvements réflexes dans les vaisseaux, et que ces réactions, quand elles se produisent, sont tantôt vaso-constrictives, tantôt vaso-dilatatrices. Chez les fébricitants, même incertitude, car les réactions vaso-constrictives dominent, et sont souvent précé- dées d'une réaction dilatatrice très fugace. Le seul fait notable est que, chez le mêftie individu, les réactions vasculaires paraissent plus énergiques, plus promptes et plus durables dans la lièvre que dans l'apyrexie. Mais, ajoutent les auteurs, « quelquefois on peut observer le fait contraire ». La circulation capillaire est exagérée pendant la période d'hyperthermie franche. HalliOiN et Laignel-Lavastine démontrent le fait par une expérience très simple. Ils appuient la pulpe du pouce sur la face dorsale du premier espace interosseux du sujet pendant trois se-'ondes, et notent le temps pendant lequel la place pressée reste anémiée ; or la tache blanche disparaît vite dans les maladies fébriles, sauf si le cœur est profon- dément touché, ou si les artères sont sclérosées. Senator s'est proposé de rechercher quel est l'état des vaisseaux dans le frisson, si c'est une dilatation paralytique, ou une contraction permanente des petites artères (Franck), ou une contraction périodique changeant suivant le temps et le lieu. Pour cela, il compare l'état des vaisseaux de l'oreille chez un lapin albinos à l'état de santé et à l'état fébrile. Voici le résultat de ses observations : 1° Immédiatement après l'injection de la matière pyrogénétique sous la peau du dos, il se produit une forte contraction de tous les vaisseaux de l'oreille, et, par suite, une décoloration et un refroidissement de l'oreille, auxquels succèdent bientôt un ou plu- sieurs mouvements de dilatation. Mais cette contraction a aussi lieu après une émotion quelconque, par exemple, après la peur, et n'a rien de spécial. FIEVRE. ii9 2» Longtemps après l'injection, quand la température du rectum s'élève de l» à [°o au-dessus de la normale, et que le corps de l'animal est échauffé, on voit les vaisseaux de l'oreille demeurer souvent resserrés pendant des heures entières, et plus contractés qu'ils ne le sont jamais à l'état normal; mais, de temps en temps, tantôt sans cause, tantôt sous une influence extérieure, ainsi que par la peur ou après une excitation mécanique, on voit survenir des alternatives de resserrement et de dilatation de durée considérable. 30 Après plusieurs jours de fièvre, et chez les animaux très fatigués, les dilatations deviennent fort rares, courtes et peu marquées. 40 Pendant la dilatation des vaisseaux, on peut sentir sur le tronc aortique des puisa- lions très accusées, ce qui n'avait pas lieu auparavant. 50 Les deux oreilles ne se comportent pas toujours de la même manière. De ces faits résulte cette notion, que l'auteur considère comme nouvelle, que la fièvre ne donne lieu ni à une paralysie, ni à un tétanos permanent des vaisseaux. Il faut con- clure, avec Heidenhain, qu'il y a des circonstances pathologiques où l'excitabilité des ^vaisseaux, notamment celle des vaisseaux de la peau, est très surexcitée. Variation de la tension artérielle. — A priori il semble naturel de présumer que le mouvement fébrile, dont l'un des principaux caractères est une accélération parfois considérable . Koch confirme le fait en montrant que l'optimum est vers 35°. De Simone constate qu'une température,,de 39 à 40" arrête le développement du microbe de l'érysipèle. Koch montre que le bacille de la tuberculose se développe au maximum vers 37-38°, et qu'au-dessus les cultures sont moins vivantes, s'arrêtant à 42°." Heidenreigh observe que les spirilles de la fièvre récurrente perdent rapidement leur motilité vers 39°. Bumm atténue les cultures de gonocoques en les maintenant à 39°, et Finger leur fait perdre toute virulence en les portant à 40° pendant 12 heures. Le diplocoque de FRiEDLANDER'est arrêté dans son développement à 41°, o (Pipping). Le pneumocoque de Fraenrel se comporte de même (Klemperer). Bard et P. AU13ERT déclarent que les matières fécales des fébricitants ne renferment plus que le coli-bacille, toutes les autres bactéries ayant été détruites par la chaleur. Les recherches de Muller sur la résistance du bacille typhique sont particulièrement intéressantes, puisque la question de la médication antithermique a surtout été soulevée à propos de la fièvre typhoïde. Dans les cultures, le bacille résiste bien jusqu'à 42°, et c'est seulement à 44° qu'il tend à disparaître. Toutefois Muller signale ce fait intéressant que le développement des générations successives du bacille typhique est considéra- blement retardé entre 37° et 40° : il estime à 16 p. 100 ce retard, soit 32 minutes à 40° et 37 minutes à 37°. Unverricht, commentant les résultats de Muller, insiste sur l'importance de cette dernière observation. Dans l'arsenal thérapeutique, il n'existe, dit-il, aucun moyen qui permette d'aider l'organisme, dans sa lutte contre l'infection, d'une façon aussi générale, et dans une telle proportion de 16 p. 100. Toutes ces études ont lieu sur les microbes en bouillon de culture : il est évident que tout autres sont les conditions de ces mêmes agents pathogènes dans l'organisme. Les recherches que nous allons rapporter ont été entreprises sur des animaux hyperthermisants, les uns par suite de leur séjour à l'étuve — ce ne sont donc pas des fébricitants vrais — les autres ayant une température au-dessus de la normale, soit à la suite d'une infection expérimentale, soit par piqûre des centres cérébraux. Filehne a étudié l'infection érysipélateuse chez des animaux chauffés artificiellement. Il a vu que le mal arrivait beaucoup plus vite, mais qu'il se cantonnait bien davantage que normalement. Il n'envahissait par exemple que la moitié de l'oreille, et le microbe dispa- raissait, au bout du troisième jour, du sang du lapin. Chez les lapins non chauffés,'le mal n'atteignait son complet développement qu'au bout de quatre à cinq jours; mais toute l'oreille était prise et devenait le siège d'un fort œdème, et le microbe ne disparaissait ^72 FIEVRE. qu'au bout de dix à douze jours. Chez des lapius qu'il avait maintenus dans un milieu refroidi (étuve à glace), FiLEHNEne vit aucun microbe se développer au bout de trois jours; mais, quand il eut retiré les animaux (lapins) de l'étuve à glace, ils furent pris d'un •érysipèle très grave. Les expériences de Cheinisse parlent dans le même sens; il injectait des cultures de staphylocoque ; puis il abaissait la température des animaux par des badi- geonnages au gaïacol. Or ces animaux ainsi refroidis eurent une affection beaucoup plus grave que les animaux témoins ayant subi l'injection de staphylocoque, et n'ayant pas été badigeonnés au gaïacol. On peut, il est vrai, dire qu'en diminuant la température des animaux on diminue leur vitalité par l'empoisonnement avecle gaïacol; mais Cheinisse a réfuté cette objection en portant les animaux ainsi badigeonnés dans des étuves chaudes. Dès lors ces animaux badigeonnés se comportaient comme des animaux témoins. Rovighi, qui a étudié l'influence de la température sur des animaux infectés avec de la salive, a vu également que les animaux récliauffés résistaient mieux que les autres, tandis qu'au contraire les animaux refroidis avaient des affections beaucoup plus graves. Les expé- riences de Walther avec le pneumoccoque de Frànkel parlent dans le même sens; les animaux chauffés ont résisté beaucoup plus longtemps, et d'autre part Wagner a injecté le bacille charbonneux à des poules qu'il plongeait ensuite dans l'eau froide pour les refroidir. Or ces poules avaient des infections beaucoup plus graves que celles qui n'avaient pas été refroidies. Dans la clinique de Senator, Lœwy et Righter ont fait des recherches qui ont donné des résultats semblables aux précédents en pratiquante piqiire du cerveau suivant la méthode de Ch. Richet, Sachs et Aronsohn, qui donne pendant des semaines une température de 42°. On pouvait, chez ces animaux ainsi piqués, observer que l'infection par le choléra des poules, par la pneumonie, par la diphtérie, subissait un prolongement de durée plus ou moins notable. Les animaux inoculés avec le rouget des porcs étaient plus longtemps malades et arrivaient parfois à guérir. Cet auteurs font du reste remarquer avec raison que l'hyperthermie n'entre pas en jeu seule dans ces guérisons, et que la phagocytose doit être fréquemment invoquée : ils en concluent néan- moins que l'élévation de température peut être considérée comme un moyen de défense que la thérapeutique ferait bien d'invoquer. Sirotinin a injecté aussi deux lapins avec des bacilles typhiques, et il a vu chez celui dont la température était très élevée, que la guérison était survenue, tandis que chez l'autre, où la température avait baissé, la mort survint. Welch a vu également que la guérison survenait surtout chez les animaux qui ont beaucoup de fièvre immédiatement après l'injection. Krieger n'a pas trouvé d'hyper- toxine dans une culture maintenue pendant 24 heures à 39°. Hildebrandt provoque la fièvre avec des ferments hydrolysants, tels que Tinvertine- émulsine; l'animal qui avait une température de 41° résistait, alors que les témoins mouraient en quelques semaines. Kast étudie le problème par une autre'voie : il se propose de chercher quelle est l'influence exercée par l'hyperthermie sur les substances protectrices du sérum sanguin. Laissant de côté les alexines, auxquelles on attribue l'action bactéricide commune du sérum, il étudie plus spécialement les substances spécifiques. Kast utilise la méthode de Pkkiffer etKoLLE : il prend du sérum de chèvres immunisées contre la fièvre typhoïde, et l'injecte à des animaux infectés par des cultures virulentes. Les animaux soumis à une hyperthermie de 40° à 41° furent sauvés par une dose de sérum qui se montrait inactive pour les animaux injectés, mais laissés à la température ordinaire. Bemasch a trouvé que les variations de la température n'entraînaient pas de modifica- tions dans la courbe agglutinante, et que les antipyrétiques étaient aussi sans action. Hydrothérapie. — La balnéation dans les cas d'hyperthermies graves est recom- mandée par la presque unanimité des auteurs, même par ceux qui rejettent radicale- ment les antithermiques. Elle constitue, pour Brand, le traitement par excellence de la fièvre typhoïde. La manière de donner l'eau froide varie avec chaque école : i° Le premier et le plus simple de tous ces moyens consiste à prendre une grosse •éponge plongée dans de l'eau à 12° ou 15°, le malade étant au lit, et à faire des lotions par tout le corps. On essuie le malade, et on l'enveloppe ensuite dans une couverture bien sèche. Ce procédé est peu employé; 2° La méthode de Trousseau est également abandonnée; elle consiste à placer le malade dans une baignoire et à l'asperger avec de l'eau froide; FIÈVRE. i73 3° Le procédé du drap mouillé est très usité. Un drap est plongé dans de l'eau à 10°; on l'exprime et on en enveloppe le malade, qui y séjourne pendant 10 mi- nutes ; 4° La méthode de Brand, consiste à donner des bains à la température de 20° et, dans ks états graves, à celle de 18°, dont la durée est de 15 minutes. Chaque fois que la tempe'- rature du malade dépasse 39°, on en donne un toutes les trois heures. Il est donc indis- pensable de prendre toutes les trois heures les températures rectale ou vaginale. Dès après le bain, quand le malade est recouché, on reprend la température pour déterminer l'influence exercée sur la thermogénèse; 0° Enfin, les bains tièdes, méthode très employée autrefois, et qui est reprise par Bouchard. Le malade est placé dans un bain dont la température est de 2° inférieure à sa température propre; on l'y laisse séjourner quelques instants, puis on abaisse pro- gressivement la température du bain à 30°. On donne 8 bains analogues par jour. Comment agit le bain froid dans les pyrexies"? La soustraction de calorique ne paraît pas être le mécanisme utile du bain froid. On sait, en effet, que le bain froid pro- voque une réaction de défense de l'organisme telle que les échanges sont considérable- ment augmentés. Kernig, dès 1860, avait montré qu'un bain à 28° double l'activité des échanges chez l'homme sain, Liebermeister a prouvé qu'il en était de même chez le fébricitaul. Tous les travaux à cet égard concordent (Gildemelster, Lehmann, Rœngh, ZuNTz, Lefevre). L'influence du bain froid sur la courbe thermique est très variable. D'après Liebermeister, la température pendant le bain (28°) reste stationnaire, ou même s'élève •encore, mais elle baisse ensuite graduellement à la sortie du bain. Aubert, Ségalas n'obtiennent pas des courbes analogues. La température rectale, qui s'élève en effet chez l'homme sain de quelques dixièmes de degrés pendant le bain, baisse au contraire graduellement et lentement chez le fébricitant (typhoïque ou pneumonique), la courbe descendante se continuant après le bain. Quant à la courbe axillaire, elle est identique chez le sujet sain et chez le fébricitant; chute brusque pendant le bain, ascension rapide à la sortie. D'après Fiedler et Hartenstein, une demi-heure après le bain, et pendant trois quarts d'heure, la température de l'aisselle était plus élevée que celle du rectum, fait contredit par Ségalas. Cet abaissement thermique central consécutif au Jbain est obtenu, d'après Liebermeister, par une diminution dans les combustious -organiques : l'analyse des échanges gazeux indique en effet une diminution dans l'éli- mination de l'acide carbonique. La destruction des aibuminoïdes, le processus le plus essentiel de la fièvre, est-elle modifiée par les bains froids? Sassetzki conclut à une diminution dans l'urée excrétée, malgré l'augmentation des urines. Bauer etKuNSKE trouvent, en apparence du moins, des résultats 'opposés : ils donnent des bains froids à leurs fébricitants tous les deux jours, •et c'est le jour du bain que l'élimination azotée atteint son maximum; mais Schleich a montré que l'élimination de l'urée ne correspondait pas au moment de la destruction ■de la matière protéique, qu'il y avait un retard pouvant atteindre 24 heures, et qu'en fait les expériences de Bauer et Kunske pouvaient être interprétées en faveur de la •diminution de la protéolyse sous l'influence du bain froid. Le bain froid agit sur le système nerveux par voie réflexe cutanée; le tonus artériel est augmenté (Wkntermtz), le rythme cardiaque régularisé; le dicrotisme disparaît. La diurèse est considérablement augmentée, et c'est peut-être là le facteur essentiel. Chez le ttyphoisant, la quantité d'urine peut passer de oOO grammes à 6 litres en 24 heures après Je bain froid, et les expériences de Roques et Weil montrent que non seulement la sécrétion urinaire n'est pas plus abondante, mais que la toxicité de l'urine s'élève, ce •qui prouve qu'il y a élimination de toxines. Alimentation des fébricitants. — « Quand la maladie est dans sa force, la diète -la plus sévère est de rigueur (Hippocrate). » « L'inanition est la cause de mort qui marche de front et en silence avec toute mala- 'die dans laquelle l'alimentation n'est pas à l'état normal. Elle arrive à son terme, quel- quefois plus tôt, quelquefois plus tard, que la maladie qu'elle accompagne, et peut ainsi ili FIÈVRE. Ces deux citations résument les discussions innomljrables qui ont lieu en méde- cine sur cette question : la diététique dans les maladies fébriles. La destruction exagérée des albuminoïdes étant aujourd'hui admise sans conteste, le problème doit se poser ainsi : Une alimentation azotée peut-elle contrebalancer la destruction exagérée de l'azote perdu? Une alimentation non azotée peut-elle diminuer l'élimination de l'azote? HuppERT et RiKSELL, cu 1869, répondent par la négative à la première question. Obser- vant un typhique, ils n'arrivent jamais à compenser par une nourriture azotée le déchet protéique. L'élimination de l'urée croissant à mesure que l'on élevait la ration azotée, Immer- MA>'S, en 1879, aboutit aux mêmes conclusions : chez les fébricitants, l'apport d'albumi- noïdes favorise la prote'olyse. Au contraire, Bauer etKuNSKLE arrivent à des résultats opposés. Ils prescrivent alter- nativement à un typhique un régime sans azote, puis un régime riche en albuminoïdes : soupe, œuf, lait, et constatent que le second régime protège les tissus protéiques du corps. Il y a bien augmentation réelle de l'azote éliminé; mais, si l'on tient compte de l'azote ingéré, on remarque que la désassimilation protéique est certainement diminuée. Pn^piNG. étudiant la même question chez les enfants scarlatineux, conclut que souvent l'alimentation azotée peut contrebalancer, ou du moins atténuer la destruction des sub- stances protéiques. Germain Sée se prononce nettement pour l'alimentation azotée des fébricitants, et MuNK et EwALD, résumant le travaux antérieurs, concluent dans leur traité de diété- tique : « L'administration des albuminoïdes aux fébricitants peut déterminer une épargne de cette substance, alors même que la perte totale en azote s'élève, par suite d'une aug- mentation d'azote dans la ration. » En admettant même que l'alimentation protéique est utile au point de vue de la compensation de la perte azotée, un certain nombre de cliniciens s'élèvent contre l'ali- mentation azotée. Ils supposent, en effet, que les produits de dédoublement des albumi- noïdes peuvent, par suite de l'état du tube digestif, devenir vraiment toxiques : atonie du tube digestif; diminution de l'acide chlorhydrique; absorption plus lente despeptones' (Sanetzky et Uffelma.xn) ; affaiblissement probable du rôle antitoxique du foie. Pour éviter les auto-intoxications, on a essayé de substituer, en partie du moins, aux matières protéiques des hydrates de carbone. Les travaux de May sur les animaux fébri- citants tendent à montrer qu'il y a en eff'et épargne très caraclérisée de l'azote par l'in- gestion d'hydrates de carbone. En d'autres termes, l'organisme des fébricitants se comporte à ce point de vue comme celui des sujets sains; May va plus loin, il admettrait volontiers que la destruc- tion des albuminoïdes chez le fébricitant en inanition résulte du besoin en hydrates de carbone de l'organisme. Rappelons que, pour V. Noordex, la destruction des albuminoïdes est due à deux causes; l'une, c'est l'action immédiate des poisons pyrétogènes sur le protoplasma; l'autre, c'est à l'inanition plus ou moins relative du malade; l'ingestion d'hydrates de carbone peut agir sur la seconde cause, non sur la première. Vaquez, récemment, a défendu très énergiquement l'alimentation azotée, même chez les typhiques. Les pyrexies apyrétiques. — Une étude sur la fièvre doit comporter nécessaire- ment un exposé sommaire des travaux sur les pyrexies apyrétiques. Terme paradoxal évidemment, mais qui est aujourd'hui adopté par les cliniciens, bien que Lépine propose avec plus de raison de leur substituer celui de pyrexie athermique. Certaines affections, s'accompagnant généralement d'une élévation thermique notable, peuvent dans certains cas évoluer avec tous leurs syndromes ordinaires, la température seule ne s'élevant pas, ou même restant au-dessous de la normale : scarlatine (Fiessinger), fièvre typhoïde (Vallin, Gerloczy, Wendland, Teissier), grippe (Potain), etc. Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici de fièvre algide avec collapsus. FIEVRE. 47o Plusieurs explications ont été fournies. On a invoqué une réaction anormale des centres régulateurs thermiques. Reichert disait qu'il y a exagération d'action des centres thermolytiques sur les centre therniogéniques; mais cette réaction ne paraît devoir se produire que parce que les poisons pyrétogènes sont autres dans ce cas. Pour Charrin et Carnot, il y aurait dans l'organisme prédominance des substances hypother- misantes. Ils citent les effets différents obtenus avec les urines de deux lyphoïsants; l'un avec hyperthermie, l'autre restant au-dessous de 38°. La phase d'hypothermie observée chez les lapins injectés avec les urines était beaucoup plus forte chez le sujet athermique. J. Teissier, sans nier une byperproduction de substances hypothermisantes, penche plutôt à admettre une rétention de ces substances par suite de l'imperméabilité plus ou moins complète du rein. Les antipyrétiques. — Le nombre des substances utilisées en clinique pour combattre l'élévation de température est considérable, et il serait impossible de les étudier spécialement. Les antipyrétiques agissent par plusieurs procédés, il en est qui s'attaquent à la cause même de l'accès fébrile. Ce sont les médicaments spécifiques, comme la quinine pour la malaria, l'acide salicylique^fpour le rhumatisme et peut-être aussi contre le pneumocoque. Rien ne démontre mieux les effets de ces médicaments que les effets variables de la quinine dans les fièvres intei^mittentes. Donnée pendant l'accès, même par la voie sous-cutanée, la quinine, à moins d'employer des doses énormes, toxiques même, influe peu sur la température, alors qu'une dose beaucoup plus faible, administrée avant l'accès, prévient ou modère tout au moins la poussée fébrile. Dans ce dernier cas, la quinine a agi directement sur les infusoires, en arrêtant leur vita- lité et la production des substances pyrétogènes. Dans le second cas, elle s'est montrée incapable d'agir, soit sur les toxines produites, soit sur les centres nerveux intoxiqués. Peut-être la kairine et les corps analogues de la série quinolique sont-ils, sinon des spécifiques, au moins des agents bactéricides généraux du sang. Daus tous les cas, ces substances ne sauraient posséder des propriétés antiseptiques qu'à des doses oi:i elles deviennent toxiques pour le sujet traité. La plupart des antipyrétiques introduits par les chimistes sont des poisons du sang (transformation de l'hémoglobine en méthémo- globine, diminution de la capacité respiratoire, altération morphologique des globules) et aussi du protoplasma des cellules. C'est en diminuant les échanges, et par suite la réaction de l'organisme, qu'ils provoquent la chute de la température. Sous la direction de Krehl, un certain nombre de travaux importants ont été publiés en 1899, sur l'influence des antithermiques sur les échanges. Liepelt arrive à cette con- clusion que la quinine à dose moyenne ne modifie ni la température ni les oxy- dations, mais qu'à doses plus élevées elle peut provoquer des perturbations graves dans la thermogénèse. Stuhlin'ger soutient qu'il n'y a diminution de la chaleur produite que par suite d'une véritable paralysie neuro-musculaire. Enfin, un groupe important de substances ayant pour type l'antipyrine a pu être dé- signé sous le terme général de médicaments antipyrétiques analgésiques. En diminuant l'élément douleur, on conçoit que ces substances atténuent l'excitabilité exagérée des centres nerveux, et par suite provoquent une chute thermique. Mais il faut sans doute faire intervenir également ici un autre mécanisme. Même quand la douleur n'entre pas en jeu, que le système nerveux, en apparence du moins, n'est pas dans un état d'byper- excitation, l'antipyrine paraît agir sur les centres régulateurs, sur les centres thermo- taxiques. Les expériences de P,-J. Martin, de Girard, de Gottlieb, parlent dans ce sens. Après l'administration de 1 gramme d'anlipyrine à des lapins, la piqûre du corps strié ne produit plus d'hyperthermie. Une expérience de Gottlieb tend à établir le méca- nisme de ce pouvoir régulateur de l'antipyrine sur les centres cérébraux. Sur un animal normal l'antipyrine augmente la déperdition de calorique de 10 à 20 p. -100: sur un lapin rendu hyperthermique par piqûre cérébrale, cette augmentation peut atteindre 55 p. 100. Bibliographie. — Fièvre en général. — Lassar. Uebcr das Fieher der Kaltbluter (A. P., 1873, 033). — Herz(M.). Ueber das Fieber der Elementdrorganismen {Wien. med. Presse, 1892, xxxiii, 202S-2029). — Feil (A.). Fiebervevsuche an Kaltblûtern {D. léna, 1895). — Krehl et Sœlbeer. Warmedkonomie und Gaswechsel poikilolhenner Wirbelthiere unter dem Einfliisse baoterieller Infectionen [A. P., xl, 1897, 273). 476 FIÈVRE. Les pyrexies apyrétiques. — Vallin. De la forme ambulatoire ou apyrétique de la fièvre typhoïde [Arch. de méd., nov. 1873). — Frantzel. Ueber schwere und afebril Erkrankungen an lleotyphus {Zeitsch. f. klin. Med., ii, 2), — Wendland. Zur Kenntniss des tuberkulosen Verlauf des Typhus abdom. (D. Berlin, 1891). — Potain. 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Cette région s'appelle la caduque sérotine ou membrane inter-utéro-placentaire. : Au commencement du troisième mois, les villosités continuent à se ramifier, se déve- loppent en touffes arborescentes (chorion touffu, frondosum) au contact de la sérotine qui .. ■ va former le placenta maternel, tandis qu'elles constituent elles- mêmes à ce niveau le placenta fœtal; par contre, sur le reste du chorion qui est enveloppé par la caduque réfléchie, elles ont pour la plupart cessé d'être vasculai- res (chorion lisse, tere)(fig. 76). On pourrait donc, d'après Preyer, distinguer : 1" la cir- culation choriale commençant avec la formation des vaisseaux ombilicaux (fin de la troisième ou commencement de la qua- trième semaine); 2° la circula- tion placentaire commençant avec la formation du placenta (troisième mois). Ce qui vient d'être dit se rapporte à la circulation d'ap- port; nous n'avons pas à suivre dans tous ses détails le déve- loppement du système vascu- laire de distribution. Nous devons cependant indiquer sommairement comment il naît aux dépens du système de dis- tribution de la première circu- lation et se substitue à ce dernier. On a vu que le système artériel comprend primitivement deux aortes émanées du bulbe artériel, qui parcourent toute la longueur du corps et fournissent avec les artères omphalo-mésentériques de nombreuses branches pour toutes les parties du corps de l'embryon. On assiste d'abord à la formation, au niveau des arcs branchiaux, d'anastomoses qui unissent la branche ventrale, ou artère vertébrale ascendante, à la branche dorsale, ou vertébrale descendante des aortes primitives (fig. 77 et 78). Ce sont les arcs aortiques, au nombre de cinq, d'après Rathke, de six, d'après Boas et autres; les crosses des aortes primitives sont considérées comme les premiers arcs, droit et gauche, en comptant de haut en bas. C'est de cet ensemble d'arcs que naissent les gros troncs artéi'iels définitifs, ainsi que les artères de la tête et des membres supérieurs (fig. 79). Les premiers, deuxième et cinquième arcs disparaissent. Les artères vertébrales ascendante et descendante donnent naissance aux carotides externe et interne, tandis que le troisième arc, persistant de chaque côté, prolonge la carotide interne vers l'externe. Le quatrième arc donne adroite Fig. 76. — dv. Caduque vraie. — ds. Caduque sérotine ou mem- brane inter-utéro-placentaire. — di\ Caduque réfléchie. — ch, Chorion. — «m, Amnios. — y. Vésicule ombilicale et son pédicule. — al, Allantoïde. — u, Vaisseaux ombilicaux. — c, Orifices des , trompes. FŒTUS. 511 le tronc brachio-céphalique, à gauche la crosse de l'aorte avec la carotide commune et la sous-clavière gauche. Le sixième arc disparait dans presque toute son étendue, ainsi que la portion descendante de l'aorte droite; mais, dans sa portion interne, il forme la branche droite de l'artère pulmonaire; à gauche, le sixième arc donne la branche gauche de l'artère pulmonaire, et le canal artériel ou canal de Botal, qui établit une large com- munication entre l'artère pulmonaire et l'aorte descendante. Enfin l'extrémité supé- rieure du bulbe aortique s'est divisée de telle sorte que son segment antérieur forme le tronc de l'artère pulmonaire, tandis que le segment postérieur appartiendi^a au système aortique. Tout à fait au début de la période qui correspond à la circulation allantoï- FiG. 77. — Systèmes artériel et veineux primitifs. — o, o, Veines omphalo- mesentériques. — C, Cœur. — A, A, Aortes dorsales. — 1, Arcs aortiques; 2, Veine cardinale antérieure ; 3, Veine cardinale postérieure. — 4, Aorte des- cendante. — 5, Artères omphalo-mé- sentériques. — 6, Aorte caudale. — 7, 7, Artères ombilicales. — 8, 8, Canaux de CuviER (d'après Debierre). Fict. 78. — Schéma de l'appareil cardio-aortique de l'embryon. Les 6 arcs aortiques sont complets, le cœur se dé- double en une oreillette (O) et un ventricule (V). — Car, Détroit (étranglement) auriculo-ventriculaire. — Cbv, Détroit (étranglement) bulbo-ventriculaire (entre le bulbe artériel et le ventricule). — Ap, Artère pulmonaire. — Arfrf, Aortes descendantes droite et gauche. — a, Aorte abdominale. — Xom, Artère omphalo-mésentérique (d'après Debierre). dienne, les deux aortes descendantes se sont fusionnées sur la ligne médiane au-dessous du cœur en un canal impair et médian, puis la portion de l'aorte descendante droite qui s'étend jusqu'au point de fusion des deux aortes primitives disparait, comme il a été dit, avec les cinquième et sixième aortiques droits. Les extrémités inférieures, non fusion- nées, des aortes sont devenues les artères ombilicales. Chez l'embryon humain, la fusion des deux aortes se produit du dix-neuvième au vingt et unième jour, alors que l'embryon mesure une longueur de trois k quatre millimètres; chez l'embryon de lapin vers la deux cent vingt-quatrième heure. Par suite de la soudure des deux aortes, les artères vitellines, qui naissaient isolément de chacun de ces vaisseaux, proviennent maintenant du même canal. Dans la suite l'artère viteiline gauche, comme nous l'avons déjà vu, s'atrophie et disparaît; le tronc persistant de l'artère droite fournira la mésentérique supérieure. ■512 FŒTUS. Les artères du bassin et des membres inférieurs, artères iliaque primitive, interne et externe, doivent être considérées comme des expansions des artères ombilicales; mais- plus tard l'artère ombilicale ne représente plus qu'une branche de l'artère hypo- gaslrique et s'y implante, non loin du point où celle-ci se détache de l'iliaque- primitive. Le développement du système veineux marche de pair avec celui du système arté- riel. Quand la deuxième circulation commence à se constituer, le cœur se continue dans- sa portion auriculaire avec une sorte de continent appelé le sinus veineux, que forment par leur réunion six troncs, les canaux de Cuvier, les veines omphalo-mésenlériques et les veines ombilicales. Tous les gros troncs veineux, à l'exception de la veine cave inférieure, dérivent du système veineux du début. La disposition symétrique des canaux de Cuvier et des veines, cardinales persiste toute la vie chez les poissons. Chez les reptiles, les oiseaux et un cer- Carcrids Gxt. 1 Xaroude'm'f. rrCS5Bca!'aorfE rolong. cela Cdrolide inf. vers l'ext.- ■Carotide prim'it. -Sous-cUv.elverfêbr. Canal artèrie! -br.o". c?.orte û 7 L .aorte àesc FiG. 79. — Schéma de la transformation des arcs aorliques chez l'homme. A droite, on voit le réseair. vasculaire d'un arc aortique traversant les arcs branchiaux (d'après Debierke). tain nombre des mammifères, les deux veines caves supérieures dérivent des canaux de Cuvier. Chez les mammifères, le canal de Cuvier gauche perd de bonne heure ses- connexions avec les veines cardinales correspondantes; ce qui en reste forme la grande veine coronaire. Mais la disparition de la veine cave supérieure gauche etl précédée de la formation d'une anastomose entre les deux veines cardinales supérieures ou veines jugulaires. Cette anastomose, c'est le tronc brachio-veineux céphalique gauche. Le tronc brachio-céphalique droit est formé par la portion de la veine jugulaire droite comprise entre l'anastomose et la veine sous-clavière droite, branche de la veine cardinale supé- Le canal de Cuvier droit, c'est-à-dire la veine cave supérieure, reçoit la veine cardinale inférieure droite : la moitié supérieure de cette dernière persiste et se détache da segment inférieur pour former la grande veine azygos. Le segment moyen de la veine cardinale gauche inférieure persistant après la disparition de la veine cave supérieure gauche constituera la petite azygos, qu'une anastomose réunira à la grande. Ainsi les veines cardinales inférieures, qui constituaient primitivement, comme elles le font toute la vie chez les poissons, les veines de toute la partie inférieure du tronc de l'embryon, s'atrophient partiellement; elles sont alors remplacées par une veine de FŒTUS. 513 nouvelle formation, la veine cave inférieure. Celle-ci s'est formée de deux tronçons: l'un, supérieur, qui se développe de haut en bas, à partir du sinus veineux du cœur : l'autre, inférieur, constitué par la portion sous-rénale persistante de la veine cardinale droite. Le ^jremier tronçon, en descendant, vient rejoindre le second au niveau de l'embouchure des veines rénales. Le sinus veineux disparaît peu à peu (embryon humain de 10 millimètres) en parti- -cipant à la constitution de l'oreillette droite. La veine cave supérieure, la veine cave inférieure et la veine coronaire s'ouvrent alors, par autant d'orifices distincts, dans l'oreillette. L'oreillette gauche ne reçoit de même à l'origine qu'un seul conduit assez grêle, le tronc commun des quatre veines pulmonaires : dans la suite du développement, ce tronc est absorbé par la paroi auriculaire, de la même façon que le sinus veineux par l'oreillette droite, et les quatre veines pulmonaires déboucheront alors, par groupes de deux, directement dans la cavité de l'oreillette. d. Cours du sang pendant la deuxième circulation. — Les caractères particuliers de la circulation placentaire sont : 1° la communi- cation des deux oreillettes par le trou de Botal; 2° la communication de l'artère pul- monaire avec l'aorte descendante par le canal artériel; 3" l'état rudimentaire de la circu- lation pulmonaire; enfin 4° le mélange du sang artériel et du sang veineux. Pas plus pendant la circulation placentaire que pen- dant la circulation vitelline, il n'y a de com- munication directe entre les vaisseaux ma- ternels et des vaisseaux du fœtus. Du placenta le sang chargé de substances nutritives et d'oxygène est amené au corps du fœtus par la veine ombilicale persistante; arrivé au niveau du foie, il peut suivre deux voies distinctes : la voie de la veine porte ou celle du canal veineux d'ARANxius, c'est-à- dire qu'une partie du sang passe directement -dans la veine cave inférieure, tandis que l'autre va se distribuer dans le foie par les veines hépatiques afférentes en se mélangeant au sang que la veine porte ramène de l'in- 'testin et de la rate. Tout ce sang, en définitive, aboiitit à la veine cave inférieure au-dessus du foie. Là il •se mélange avec le sang veineux qui vient de la moitié inférieure du corps du fœtus, rein, membres inférieurs, organes pelviens, et est conduit à l'oreillette droite. Mais, au ■lieu de tomber dans le ventricule droit, il est transporté presque en totalité vers la cloison interauriculaire et le trou de Bot.vl, d'où il pénètre dans l'oreillette gauche, puis ■dans le ventricule gauche qui le lance dans l'aorte. Dans l'oreillettejgauche, il s'est mêlé à une très petite quantité de sang veineux venu des poumons. Le sang exclusivement veineux transporté par la veine cave supérieure passe, lui, directement de l'oreillette droite dans le ventricule droit en raison de l'existence de la valvule d'EusTACHi qui cloisonne en quelque sorte l'oreillette en deux compartiments distincts (fig. 80). Le tubercule décrit par Lower sur le cœur des animaux entre les ori- fices des deux veines caves, et qui servirait à séparer l'un de l'autre les deux courants veineux, semble n'avoir que peu d'importance chez le fœtus humain. Une très faible jiartie du sang, chassée par le ventricule droit, va aux poumons par les branches encore peu développées de l'artère pulmonaire; la presque-totalité de ce sang est lancée par l'intermédiaire de l'artère pulmonaire et du canal artériel dans la crosse aortique. La séparation entre les deux courants veineux dans l'oreillette droite n'est sans doute pas absolue : mais, en résumé, le sangqui vient delà veine cave inférieure va directementdans DICT. DE PHYSIOLOGIE TO.ME VI. 33 FiG. 80. — Cœur d'un fœtus à terme vu par sa face postérieure. La paroi postérieure de Toreillette a été enlevée, et la veine cave infé- rieure déjetée à gauche pour montrer le trou ovale avec sa valvule (d'après Tourneux). 1, Valvule du trou ovale. — 2, Valvule d'Eos- TACHi. — 3, Grande veine coronaire avec' la valvule de Thebesius. — 4, Veine cave infé- rieure. — 5, Veine cave supérieure. — 6, 6. Veines pulmonaires droites. — 7, .-Vuricule droite. — 8, Ventricule droit. — 9, Ventricule gauche. — 10, Aorte (d'après Tourneux'. 514 FŒTUS. l'oreillette gauche par le trou de Botal pour être lancé dans l'aorte par le ventricule gauche, tandis que le sang de la veine cave supérieure est envoyé dans cette même artère par le ventricule droit à travers le canal artériel. Cependant, les deux courants ne se confondent pas même dans l'aorte. Comme les artères destinées à la tête et aux membres supérieurs ont leur^origine au-dessus du point d'abouchement du canal artériel, le sang purement veineux qui vient de la veine cave supérieure est chassé principalement dans l'aorte descendante par le ventricule droit descendante Art. crur ^ffâuche Placenta FiG. 81. — Schéma de la circulation fœtale, d'après Preyer. (fig. 81). Par contre, le sang qui arrive au cœur par la veine cave inférieure, et qui renferme, avons-nous dit, une fortejproportion de sang placentaire, c'est-à-dire héma- tose, est en grande partie lancé par le ventricule gauche dans les vaisseaux qui naissent de la crosse aortique, c'est-à-dire dans le tronc brachio-céphalique, carotide primitive et sous-clavière gauche : une faible quantité de ce sang se mêle au-dessous de l'abou- chement du canal artériel avec celui qui est envoyé par le ventricule droit aux parties inférieures du corps. C'est donc du sang très mélangé, provenant pour la plus grande partie du ventricule ■droit, et en faible partie du ventricule gauche, qui parcourt les difl'érentes branches de FŒTUS. 515 l'aorte descendante et les or|:;anes auxquels elles se distribuent. Sur l'aorte vient se grefTer aussi la voie collatérale repre'sentée par les artères ombilicales qui conduisent ce même sang au placenta : il est à remarquer que le liquide qui retourne ainsi vers l'organe de nutrition et d'hématose est, il est vrai, très veineux: mais il l'est au même degré, et pas davantage, que celui de l'aorte descendante, lequel sert cependant à nourrir une grande partie des organes du fœtus : de même, il renferme encore une petite quantité de sang artérialisé qui retourne au placenta, sans profit pour le fœtus. Ainsi la circulation fœtale est disposée de telle sorte que le sang le plus veineux est envoyé par le ventricule droit à la plupart des organes du corps et au placenta, tandis que le sang le plus artérialisé, mais toutefois encore mélangé, est lancé par le ventri- cule gauclie dans les organes céphaliques qui paraissent avoir besoin pour leur dévelop- pement de plus d'oxygène et de matériaux nutritifs. Comme l'a fait remarquer Harvey, chez le fœtus, contrairement à ce qui est chez l'adulte, les deux ventricules sont utilisés par la circulation générale. On peut ajouter cependant que, chez le fœtus aussi, c'est le ventricule droit qui est plus spécialement chargé d'envoyer le sang le plus veineux vers l'organe de l'hématose. Au point de vue de la qualité du sang qu'ils reçoivent, on peut diviser les organes en quatre catégories : fie foie; 2" le cœur, la tête et les extrémités supérieures; 3° les extrémités inférieures, les organes abdominaux ; 4° le ))Oumon. De tous les organes, le foie est en effet celui qui reçoit le sang le plus pur, puisqu'il lui vient directement du pla- centa; cependant, il s'y ajoute aussi du sang exclusivement veineux de l'intestin, de la rate, du pancréas et du sang de l'artère hépatique, qui est déjà très mélangé. Le foie se trouve donc vis-à-vis des matériaux de nutrition dans les mêmes relations chez le fœtus qu'après la naissance, c'est-à-dire que le sang qui revient des surfaces d'absorp- tion, le traverse eu grande partie, comme le traversera après la naissance celui qui vient de la cavité digestive. Après le foie, les organes qui reçoivent le sang le plus arté- rialisé sont la tête et les membres thoraciques ; en troisième ligne, il faut placer les viscères de l'abdomen et les membres inférieurs. On s'explique ainsi que le développe- ment de l'extrémité céphalique soit plus précoce que celui de l'extrémité caudale. Plus tard les rapports changent, et la partie inférieure du corps est desservie plus favorable- ment; le trou ovale devient de plus en plus étroit, ce qui permet à des quantités ton jours plus grandes du sang de la veine cave inférieure, c'est-à-dire de sang plus artéria- lisé, de passer dans le ventricule droit et de là dans l'aorte descendante. Au point de vue de la nature du sang charrié parles principaux vaisseaux et du rôle de ces derniers, on peut dresser le tableau suivant, emprunté en partie à Preyer. 1" La veine ombilicale amène directement le sang artériel au foie et par le canal d'ARANTius à la veine cave inférieure. 2" Les artères ombilicales ramènent dans le placenta du sang veineux avec un peu de sang artériel. 3° Le trou ovale est ouvert pour l'afflux du sang (artérioso-veineux) de la veine cave inférieure dans l'oreillette gauche. 4'^ Le canal artériel porte du sang veineux avec un peu de sang artériel du ventricule droit dans l'aorte. a° L'artère pulmonaire conduit ce même sang, mais en très faible quantité, du ven- tricule droit dans le poumon. 6° Les veines pulmonaires>amènent à l'oreillette gauche du sang exclusivement vei- neux, mais en très petite quantité. 7° L'aorte descendante transporte le sang'des deux ventricules du cœur, le plus vei- neux et le plus abondant venu du ventricule droit par le canal artériel, le plus artériel venu du ventricule gauche. 8° L'aorte ascendante porte du sang fortement artérialisé, mais mélangé encore à du sang veineux, vers la tête et les extrémités supérieures. 0° La veine cave inférieure porte dans les deux oreillettes, mais surtout dans l'oreil- lette gauche, le sang veineux de la partie inférieure du corps de l'embryon et le sang arté- riel du placenta. 10° La veine cave supérieure ramène du sang exclusivement veineux dans l'oreillette droite et le v-entricule droit. 516 FŒTUS. Remarquons pour terminer que, si l'on décrit d'habitude deux formes de circulation ■chez le fœtus, il ne faudrait pas croire que la seconde se substitue brusquement à la première : la transformation se fait d'une façon 'graduelle, et la circulation omphalo- mésentérique persiste pendant quelque temps, parallèlement à la circulation chorio-pla- centaire, ce qui est évidemment une garantie pour l'embryon. En outre, chez l'embryon humain, il semble que, contrairement au schéma classique, la circulation choriale soit plus avancée dans sou développement, dès les premiers stades,' que la circulation de la vésicule ombilicale. C'est ce qui ressort du moins de la descrip- tion donnée par Éternod de l'embryon de l'"°i,3, dont il a déjà été question. Du cœur encore double partaient deux aortes qui devenaient plus loin artères chorio-placentaires ou ombilicales; un tronc veineux chorio-placentaire unique, future veine ombilicale, pro- duit de la fusion des veines de retour, longeait la marge du champ embryonnaire pour aller au cœur. Il y avait ainsi un cercle sanguin complet qui, parti du cœur de l'embryon, passait dans le pédicule abdominal pour se capillariser au chorion et au futur placenta, traversait de nouveau le pédicule ombilical pour revenir au cœur : une partie des villosités choriales étaient déjà canalisées et perméables. Dans la partie caudale de la vésicule vitelline se trouvait un vaisseau que Éternod propose d'appeler anse veineuse viteiiine : cette anse s'abouchait par ses deux branches dans chacune des veines chorio- placentaires et représentait le premier vaisseau de retour de la circulation de la vési- cule vitelline. Elle serait probablement destinée, d'après Éternod, à s'effacer pour faire place aux veines vitellines classiques. A partir de la rupture de l'œuf, quand la respiration pulmonaire commence, la cir- culation et la distribution du sang deviennent ce que nous les trouvons chez l'adulte; mais l'étude de l'oblitération du canal artériel, du trou de Botal, et des vaisseaux ombi- licaux appartient à la physiologie du nouveau-né. c) Pression et vitesse du sang. — D'après les recherches de Cohnstein et Zuxtz, la pres- sion moyenne dans l'artère ombilicale des fœtus de mouton non à terme semble aug- menter avec l'âge, comme le montre le tableau suivant, où nous mettons imme'diatement 6n regard le chilfre de la pression dans la veine ombilicale. 1 PRESSION PRESSION DIFFÉRENCE ARTÉRIELLE VEINEUSE DE PRESSION DU FŒTUS. en millimètres. en millimètres. en millimètres. gr- 1536 39,3 16,4 22 9 1320 50,.5 34,0 16,.5 1290 43,2 29,0 14,2 1364 51,1 21.0 3.,. 1 Chez un fœtus à maturité, de 3 600 grammes, la pression dans l'artère ombilicale était de 83,7, la pression dans la veine de 32,6 millimètres. La saignée a produit un abaissement momentané de la pression, qui est revenue cependant rapidement, au bout de quelques minutes, au niveau primitif; comme l'adulte, le fœtus est donc capable de maintenir sa pression à son degré normal, après une perte modérée de sang. Alors que la pression artérielle atteint chez le fœtus la moitié à peine du chiffre que l'on trouve après la naissance, la pression veineuse est, par contre, beaucoup plus élevée chez lui. Le chiffre le plus bas observé dans la veine ombilicale a été de 16,4 millimètres; or Jacobson a évalué la pression dans la veine crurale du mouton adulte à 11,4 millimètres, et dans la veine cave elle doit être sensiblement moindre. Si la tension veineuse est plus élevée chez le fœtus, c'est à cause de l'absence d'aspiration thoracique. D'autre part, la faible ditTérence entre la pression artérielle et la pression veineuse implique une faible force impulsive imprimée au courant sanguin, et l'on pourrait comparer sous ce rapport la circulation du fœtus à celle d'un animal adulte auquel on aurait pratiqué une section haute de la moelle. On verra plus loin les déductions que Con.vsTEiN et ZuNTz ont tirées de cette notion au point de vue des échanges nutritifs et de la sécrétion rénale. FŒTUS. 517 RiBEMONT {Arch. de Tocol., 1879, vi, 579), dans des expériences faites de 10 à 15 secondes après la naissance, a trouvé chez l'enfant nouveau-né des chiffres qui se rapprochent de ceux qu'ont obtenus Cohnstein et Zuxtz chez le fœtus de mouton. La pression moyenne était de 63,7 millimètres dans l'artère ombilicale, 33,6 millimètres dans la veine. Schug- JUNG avait trouvé également chez le nouveau-né, dans les premières minutes qui suivent la naissance, 40 à 60 millimètres dans la veine ombilicale, 85 à 100 millimètres pendant les contractions utérines. Cohnstein et Zuntz s'élèvent contre l'opinion régnante qui veut que la pression aor- tique baisse au moment de la naissance, dès que la respiration pulmonaire commence. Il est vrai que l'aspiration du sang veis le poumon doit tendre à produire un abaisse- ment de la pression, mais si, en même temps, il arrive dans le système circulatoire une quantité supplémentaire de sang, les deux effets 'peuvent se compenser, et c'est ce qui arrive. La masse de sang qui doit remplir l'appareil vasculaire du poumon distendu par les premières inspirations est moindre que celle que le placenta peut fournir en ce moment au fœtus. Héger et Spehl ont, en effet, évalué la quantité de sang contenu dans le poumon, chez le lapin, au 1/12 ou 1/13 de la masse totale de sang; mais l'apport de sang placentaire est, d'après Cohnstein et Zuntz, équivalent à ce chiffre, et chez le fœtus humain il peut même y avoir, lorsque la déplétion du placenta est complète, un accrois- sement d'environ 1/3 de la masse totale du sang. De là aussi l'avantage de la ligature tardive du cordon, question qui ne doitpas nous occuper. Signalons seulement que, dans les expériences de Ribemont, la pression artérielle, observée immédiatement après l'expul- sion du nouveau-né, ne se modifia pas quand le fœtus restait en communication avec le placenta, tandis qu'après la ligature prématurée du cordon elle baissasensiblement, de 64,8 millimètres à 48 millimètres, sur une moyenne de huit expériences. Dans ce der- nier cas, en effet, l'enfant est obligé d'emprunter à sa circulation générale la masse de sang qui doit remplir ses vaisseaux pulmonaires. La disparition du pouls dans les artères ombilicales ne doit donc pas être attribuée à l'abaissement de la pression aortique, mais bien à la contraction des fibres circulaires de la paroi vasculaire, contraction qui se propage dans le cordon jusqu'à l'ombilic, et qui est [telle qu'une pression _de 100 millimètres Hg ne peut faire pénétrer une goutte de liquide dans le vaisseau. Les mesures de la vitesse du sang ont donné à Cohnstein et Zuntz des résultats moins concordants que celles qui concernent la pression : POIDS DE l'animal. VAISSEAU. VITESSE EN CENTIMÈTRES PAR SECONDE. Mojenn'. Maxima. Miaima. 3 600 1 320 1 320 1290 Arlèiv. Veine. Artère. Artère. 0,36i 0,079i 0,0781 0,319 0,143 0,623 0,0555 0,172 En comparant ces chiffres avec les chiffres classiques de Dûgiel, on trouve que dans l'artère ombilicale la vitesse est beaucoup moins grande que dans les vaisseaux de même calibre de l'animal adulte. Le résultat était à prévoir après que les déterminations de la pression avaient montré que la différence de tension qui pousse le sang à travers les capillaires du placenta est beaucoup moindre que celle qui existe chez le mammifère adulte entre le système artériel et le système veineux. Quant aux grandes variations de la vitesse consignées dans le tableau ci-dessus, il faut remarquer qu'elles se montrent aussi chez l'adulte. d) Développement sans circulation. — Chez des poissons marins, Fundulus, Loeb (A. g. P., 1893, Liv, 525) a vu, après suppression de l'activité du cœur, le développement de l'embryon continuer pendant quatre à six jours environ, près de la moitié de la durée de la vie embryonnaire. La durée du développement de l'embryon de Futiduliis est d'environ douze à quatorze 518 FŒTUS. jours. Le cœur commence à battre soixante à soixante-dix heures après la fécondation. Si l'on prend des embryons âgés de quatre à six jours, et si on les met dans de l'eau de mer additionnée de i^^o de chlorure de potassium, dans l'espace d'une heure au maxi- mum, le cœur s'arrête, et l'animal meurt. Mais, si l'on dépose dans la même solution des œufs fécondés depuis une demi-heure environ, ces œufs se développent tout à fait nor- malement, et les embryons restent en vie cinq à six jours. Dans certains cas, on peut observer cependant, au troisième et au quatrième jour, des pulsations excessivement faibles et lentes du sinus veineux, mais l'activité du cœur ne s'établit pas chez tous les embryons, et, quand elle se manifeste, elle ne dure pas long- temps. Dans aucun cas, les mouvements du cœur ne purent entretenir la circulation, ce dont il fut facile de s'assurer sur les vaisseaux du sac vitellin. Le système circulatoire ne s'en développa pas moins, et cela d'une façon complète, par conséquent sans circulation, sans pression intra-vasculaire; on trouvait aussi dans les gros vaisseaux des amas de globules rouges. La seule différence présentée par ces vaisseaux était l'irrégularité de leur lumière. Dans la crainte qu'un vestige de circulation n'eût pu échapper à l'examen, Loeb employa ensuite des solutions plus concentrées, jusqu'à 5 grammes de KCl p. 100; il ne se mani- festa plus le moindre indice d'activité cardiaque; et, bien que des embryons âgés de quatre jours meurent en deux minutes dans une solution de KCl à 3 p. 100, le développement normal des œufs récemment fécondés se poursuivit de trois à six jours dans la solution à o p. 100. Le cœur se développa, ainsi que le système vasculaire typique de l'embryon et celui du sac vitellin. L'évolution de l'embryon était cependant notablement ralentie, et Fou ne put s'assurer que de l'état des gros vaisseaux et de leurs principales ramifica- tions;-les irrégularités dans la lumière des vaisseaux furent aussi très prononcées; néanmoins ces expériences montrent que le bourgeonnement et l'accroissement des vaisseaux sont indépendants de la pression sanguine. Tous les autres organes du poisson, le cerveau, l'œil, l'oreille, les vertèbres primitives, se développèrent normalement. Une particularité, cependant, esta signaler; le sac vitellin de Fundiilus a un aspect tigré dû à des chromatophores qui se déplacent et viennent s'ap- pliquer à la surface des vaisseaux sanguins dont ils ne peuvent plus ensuite se détacher : ils perdent leurs mouvements amiboïdes pour former une sorte de gaine aux parois vasculaires. Dans les animaux chez lesquels la circulation ne s'établit pas, les chroma- tophores se développent comme les vaisseaux, mais ils en restent indépendants et isolés, comme si, dans les conditions normales de la circulation, les vaisseaux exerçaient sur ces éléments une attraction chimiotactique qui les force à s'étaler à leur surface. Un autre point intéressant pour la physiologie du myocarde, c'est la toxicité plus grande duKCl à mesure que l'embryon avance en âge. Alors qu'un embryon âgé de quatre à six jours meurt au bout d'une heure dans une solution à 1,5 p. 100, un embryon du même âge, qui se trouve dès le début du développement dans cette même solution, peut continuer à vivre, et son cœur manifester des traces d'activité. Il est possible que KCl soit d'autant plus toxique pour le cœur que cet organe fournit plus de travail dans l'unité de temps, et que certains processus chimiques y deviennent plus intenses. Dans une solution de 0,3 p. 100, l'embryon peut vivre aussi longtemps que le cœur n'a pas besoin de fournir beaucoup de travail; mais, dès que l'organe est obligé de fonctionner plus activement, vers l'époque de la maturité, il meurt. Peut-être la toxicité de KCl est-elle due au développement des cellules nerveuses intra-cardiaques spécialement sensibles à l'action des sels de potassium (Ch. Richet). CHAPITRE II Sang. Prévost et Dumas, dans leurs observations sur la formation du sang chez les poulets, avaient trouvé, après Hewson toutefois, que pendant les pi^emiers jours de l'incubation les globules i^ouges du sang différaient par leur forme et leur volume de ceux de l'animai adulte. Prévost, ayant ensuite e'iendu ces recherches aux animaux vivipares, s'est assuré FŒTUS. 519 que, chez un fœtus de chèvre de 4 à 5 pouces, les globules ont un volume double de celui de la chèvre adulte : non seulement il en avait conclu à l'indépendance des circu- lations maternelle et fœtale, mais il ajoutait « que celte différence ne se conçoit bien qu'en supposant que l'embryon opère lui-même et pour son compte la sanguification, en employant des mate'riaux [fournis par la mère » [Ann. des Se. nat., iv, 1824, p. 99), Hématopoïèse embryonnaire. Lieux et mode de développement des premiers éléments. — Le mode de développement des éléments figurés du 'sang est aujourd'hui assez bien connu dans ses grandes lignes, mais beaucoup de faits particuliers restent encore à étudier. Un premier point sur lequel tous les auteurs 'sont d'accord, c'est que les globules rouges et les vaisseaux primitifs ont la même origine blastodermique. C'est en dehors de l'ébauche embryonnaire dans la région postérieure de l'aire opaque qu'apparaissent les premiers vaisseaux sanguins des mammifères, au huitième jour chez l'embryon du lapin. Mais, pour les uns, l'origine des germes vasculaires est mésodermique; pour les autres, elle est endodermique. La plupart des auteurs qui ont étudié les mammifères, les oiseaux, les téléostéens (Henneguy, 1888; Van der Stricht, Bull, de l'Acad. roij. de Belg., 1896, 3.36; B. B., 1895, 181; Laguesse, Joiirn. deJ'An., 1890; Swann et Brachet) ont sou- tenu la première opinion. Ceux qui ont étudié les amphibiens, les sélaciens ont soutenu la seconde (Ruckert, Brachet, Arch. d'anat. microsc, 1898, 2ol). Cependant Mathias Duval, ViALLETON, Renaut [Traité d'IiistoL, i, 785) admettent que chez le poulet aussi les premiers germes des vaisseaux et du sang sont une formation endodermique, et pour Mathias Duval il en est de même chez les mammifères {Rev. scient., 1896, 2, 518). S'il est vrai que l'une de ces opinions soit exacte pour certains groupes, la seconde pour d'autres, il y aurait encore à se demander laquelle des deux origines est primitive dans la série. ZiEGLER incline à croire que c'est l'origine mésodermique, se basant sur ce que, chez les invertébrés, sang et vaisseaux proviennent du feuillet moyen. Quoi qu'il en soit, les premiers germes vasculaires qui font leur apparition dans l'aire opaque sont formés par des amas de cellules qui se réunissent entre eux pour former un réseau. Des éléments qui entrent dans la composition de ce réseau, les plus super- ficiels s'aplatissent et deviennent cellules endothéliales, les plus profonds se transforment progressivement en hématies embryonnaires nucléées ou érythroblastes; ceux-ci sont particulièrement abondants aux points de rencontre de plusieurs cordons vasculaires, et y forment des amas appelés îlots sanguins de Wolff. Bientôt des fissures apparaissent à l'intérieur de la masse cellulaire des cordons pour donner naissance à la cavité vascu- laire, tandis que les érythroblastes s'isolent les uns des autres et deviennent libres dans une faible quantité de liquide albumineux qui se produit entre eux. Cependant, chez le Triton, ce sont les éléments figurés du sang qui se forment d'abord dans les îlots sanguins aux dépens des cellules endodermiques, et s'entourent plus tard d'une paroi endothéliale (Brachet). La production des globules rouges primordiaux a donc lieu en dehors du coi'ps de l'embryon (stade extra-embryonnaire). Mais des vaisseaux se forment bientôt dans le corps même de l'embryon; le cœur lui-même représente, tout à son début, comme il a été dit plus haut, un simple tube endothélial. Toutefois lors de sa formation les cellules qui vont le constituer ne produisent pas de globules sanguins, de sorte que le cœur ne renferme d'abord qu'un liquide transparent sans éléments figurés; ceux-ci lui arrivent dès que s'établit la première circulation des réseaux vasculaires périphériques où ils ont pris naissance. Alors les globules rouges, entraînés dans le courant sanguin, se multiplient par division, et cette genèse de nouveaux éléments a pour siège toutes les ramitications vasculaires indistinctement. Cependant, l'hématopoïèse, qui est ainsi devenue intra-embryonnaire, se localise bientôt dans des territoires spéciaux, surtout dans le foie, puis dans la rate et la moelle des os. L'importance du rôle du foie avait déjà été reconnue par Prévost et Dumas. En 1843, Fahrner décrit le premier la [multiplication des corpuscules sanguins dans cet organe. Puis KoELLiKER, Drummond, Milne-Edwards se rallient à cette manière de voir. Neumann, surtout, étudie à ce point de vue le foie de l'embi^-on humain à partir du troisième mois de la vie intra-utérine, et y constate la présence d'un grand nombre de cellules nucléées faisant défaut dans d'autres territoires vasculaires. Ces éléments naissent eux- 520 FŒTUS. mêmes dans l'intérieur de grandes cellules formées probablement aux dépens d'amas protoplasmatiques qui doivent être considérés comme des prolongements nucléés de lar paroi des vaisseaux sanguins. Foa et Salvioli, puis Kuborn, suivent de plus près le pro- cessus qui conduit à la formation des hématies embryonnaires. Nous reproduisons ici, d'après Mathias Duval {loc. cit.), la description donnée par Kuborx. Dans une première ■phase, sur l'embryon de mouton dont la longueur est inférieure à 3 centimètres, on voit les noyaux de ces bourgeons vasculaires, appelés encore cellules géantes, donner par gemmation une série de noyaux plus petits, sphériques, autour de chacun desquels se condense une couche de protoplasme; il se forme ainsi autant de petites cellules hya- lines qui s'individualisent, puis s'imprègnent d'hémoglobine, et apparaissent comme autant de jeunes globules rouges nucléés. Gomme le bourgeon vasculaire s'est en même temps creusé à ce niveau, et que sa cavité s'est mise en communication avec celle du capillaire dont il émane, ces jeunes globules rouges se trouvent dans cette cavité, c'est- à-dire mêlés aux éléments du sang. On voit donc que l'élaboration hémoglobique a donné naissance à des hématies nucléées encore semblables aux hématies embryonnaires, c'est- à-dire que les choses se sont passées dans le foie à peu près comme dans l'aire vascu- laire, lors de la transformation des ilôts de Wolff. Mais ce n'est là qu'un stade de transition relativement court; dans une deuxième phase, après que l'embryon a atteint 3 centimètres, les noyaux des bourgeons vasculaires ne subissent plus de gemmation. Et cependant on voit encore s'isoler au milieu du protoplasma de ces bourgeons des corpuscules sphériques imprégnés d'hémoglobine^ D'abord peu distincts du protoplasma ofx ils prennent naissance, ces corpuscules se délinntent de plus en plus nettement, puis s'isolent et acquièrent leur indépendance, et tombent dans la cavité vasculaire à l'état d'hématies non nucléées, caractéristiques du- sang adulte; celles-ci doivent donc leur origine à un processus d'élaboration intra- cellulaire. En résumé, d'après un premier groupe d'histologistes qui décrivent le même phéno- mène avec quelques variantes, l'hématopoïèse dans le foie est sous la dépendance d'éléments spéciaux, dits bourgeons ou îlots vaso-formatifs, cellules géantes, mégacaryo- cytes, et le processus pourrait être considéré comme analogue à celui que Ranvier a^^ observé dans les cellules vaso-formatives des taches laiteuses de l'épiploon. D'ailleurs,, d'après Rexaut, sur une multitude de points, des centres de sanguification, semblables àj ceux du foie, s'établissent par suite de la poussée vaso-formative qui s'effectue au sein du tissu connectif et de ses dérivés, dès les premiers mois de la vie intra-utérine. La portion- de l'épiploon, par exemple, située entre la grande courbure de l'estomac et la rate, est un de ces centres, d'après Melissenos, dont les recherches ont porté sur l'embryon de chat {Anat. Anzeig., 1899, 430). D'autres histologistes dénient au contraire aux cellules géantes du foie toute parti- cipation à la formation des nouveaux globules sanguins. Les premiers érythroblastes di> foie dérivent de jeunes globules rouges nucléés existant déjà dans le sang en circulation; en d'autres termes, la formation d'érythroblastes nouveaux se fait par division mito- sique d'éléments préexistants de même nature. Van mer Stricht s'est fait le défenseur de cette opinion {Arch. de Biol., 1891, xi, 19)'. C'est le réseau capillaire intra-trabéculaire, futur réseau intra-lobulaire, qui sert de substratum à la multiplicalion des globules rouges. Dans ce réseau, qui peut s'appeler réseau capillaire hématopoiétique, les éry- throblastes sont fixés, restent sur place, séparés du parenchyme hépatique par une paroi endothéliale : les globules nouvellement formés, situés au voisinage de l'axe du- vaisseau, sont entraînés par le courant; mais, en définitive, aucun élément cellulaire étranger au sang n'intervient dans leur formation. Il est vrai, dit Vax der Stricht, que les cellules géantes apparaissent dans le foie au moment où cet organe commence à coopérer d'une façon active à la production de& globules rouges; mais ils n'auraient à jouer qu'un rôle destructeur à l'égard des noyaux érythroblastiques devenus libres. La preuve, c'est que l'apparition des cellules géantes- chez les embryons des mammifères correspond à celle dans le sang de globules rouges 1. On trouvera dans le mémoire de Van der Stricht une bibliographie très complète de la» question, jusqu'en 1891. FŒTUS. o^2t parfaits sans noyaux. Une autre prouve, c'est que, d'après Bizzozero, les cellules géantes font défaut dans les organes hématopoïétiques de tous les vertébre's dont les globules rouges conservent leurs noyaux. Les cellules géantes devraient leur origine aux leuco- blastes. Pour Brachet également, chez les amphibiens urodèles, l'îlot sanguin primitif qui se développe dans une région bien déterminée de l'hypoblaste vitellin caudalement à l'ébauche du foie, est, dans ce groupe, le seul lieu de formation des cellules sanguines. Les organes dits hématopoïétiques ne mériteraient donc ce nom que parce qu'ils sont lo siège d'une prolifération active d'éléments sanguins préexistants. Une troisième opinion, qui peut être rapprochée de la précédente, est celle qui admet que les cellules qui, dans les organes de sanguification donnent naissance aux globules rouges, y sont arrivés par migration. Ainsi, d'après Saxer [Anat. Anzeig., 1895, X6îi), \n forme primordiale des globules rouges comme des globules blancs est représentée par des éléments mobiles ou cellules migratrices, distinctes des éléments du tissu coujonctif, mais ayant probablement la même origine que les vaisseaux sanguins. Ces cellules peuvent, par division directe ou par mitose, se transformer en cellules géantes. Les cellules migratrices primitives, de même que les éléments uninucléés qui provien- nent à leur tour des cellules géantes, se divisent continuellement par voie de caryocinèse et forment les globules rouges. Le début de cette transformation se manifeste par la coloration hémoglobique du corps cellulaire^hyalin, par un état granuleux plus marqutV du noyau, par la perte de la molilité propre de l'élément; le processus se poursuit par une augmentation sensible du volume de la cellule et par un rapetissement du noyau. Les cellules migratrices comme les cellules géantes, grâce à leur motilité, arrivent dans toutes les régions du corps par la voie du tissu cellulaire lâche et des espaces lympha- tiques, en partie aussi par la voie de la circulation : la transformation des cellules migratrices en cellules géantes semble d'ailleurs pouvoir se faire partout. Elles s'accu- mulent particulièrement dans les organes hématopoiétiques de l'embryon, surtout dans la vésicule ombilicale et le foie; en pénétrant entre les éléments épithéliaux, elles for- ment des espaces sanguins qui entrent ensuite en relation avec les capillaires en voie d'accroissement. D'autres foyers de sanguification semblables se trouvent dans le tissu cellulaire sous-cutané et profond, dans les rudiments des ganglions lymphatiques, etc. Les organes dont la fonction hématopoïétique ne paraît pas douteuse sont la rate et la moelle osseuse; cependant, l'une et l'autre n'y participeraient chez l'embryon humain qu'à partir de la fin du troisième mois, d'après Engel {Avch. f. mikrosk. Aiiat., 1898, LUI, 5.3). L'hématopoïèse dans la rate a été bien étudiée par Laguesse chez les- poissons. Éléments figurés primodiaux. — D'après les descriptions de Lowit, de Denys, de Van DER Stricht, on peut assigner aux globules rouges jeunes ou érythroblastes les caractères suivants. Le protoplasma de ces éléments, d'abord complètement incolore, forme une couche mince autour du noyau et se charge graduellement d'hémoglobine; le noyau volumineux est arrondi, et sa substance chromatique, très abondante, est disposée en réseau à l'état de repos; le corps cellulaire est limité par une membrane bien nette, d'après Denys. Les érythroblastes se multiplient très activement, non pas par division directe, comme on l'a cru longtemps, mais par caryocinèse; à leur premier stade, ils cor- respondent aux éléments que Koelliker a décrits depuis longtemps dans le foie embryon- naire sous le nom de globules sanguins nucléés incolores. D'après Engel (loc. cit., et Arch. f. 7nikrosk. Anat., 1895, xliv), les globules des premières périodes embryonnaires, qu'il désigne sous le nom de métrocytes, sont des élé- ments sphériques, deux à trois fois plus grands que l'hématie normale, avec un noyau relativement petit, avec un protoplasma qui se colore fortement par les substances aci- des, comme les globules rouges. Ces éléments, qui sont donc déjà chargés d'hémoglobiner disparaissent assez rapidement, et on trouve à leur place des métrocytes de deuxième génération qui ne se distinguent de ceux de la première que par un noyau plus petit où l'on ne constat? plus de mitose. Ces premières phases ont été étudiées par Engel chez la souris et le poulet. Chez l'homme, où ses observations ont porté sur des embryons de deux à six mois, il a trouvé également des métrocytes de deuxième génération jusque vers le troisième mois. 522 FŒTUS. Tant que le sang est un foyer d'hématopoïèse, les métrocytes semblent pouvoir se diviser en un macrocyte, c'est-à-dire en^un globule rouge volumineux sans noyau, et en normoblaste, c'est-à-dire en un globule rouge nucléé, d'oii dérivera l'hématie normale sans noyau. Vers la fin du troisième mois de la vie intra-utérine on ne trouve plus, soit dans le sang, soit dans les organes hématopoïétiques, ni métrocytes, ni macrocytes. A côté des éléments précédents qui, traités par le mélange (I'Ehrlich, sont orangéo- philes, comme l'hématie adulte, on en trouve d'autres qui sont fuchsinophiles, les uns avec noyau (normoblastes fuchsinophiles), les autres sans noyau. Les normoblastes fuch- sinophiles ont un noyau plus volumineux que celui des orangéophiles, et dans les organes hématopoïétiques ils sont souvent polynucléés. Dans le foie, la rate, la moelle des os, ils prédominent, et de beaucoup, sur les normo- blastes orangéophiles, et, comme ils ne sont pas aptes à la formation d'hématies normales non nucléées, il faut en conclure que les globules nucléés hémoglobinifères ont encore une autre destination que celle de produire des érythrocytes. On verra plus loin ce qu'ils deviennent, d'après Engel. Toujours est-il que, d'après cet auteur, le |foie contribuerait moins à la production des globules rouges qu'à celle des globules blancs. Avec les progrès du développement, le nombre de globules rouges nucléés diminue chez les mammifères, tandis que celui des globules sans noyau augmente. On admet généralement que les seconds dérivent des premiers. Comment se produit celte trans- formation? Quelques auteurs (Boettcher, Stricker, etc.), ont soutenu que l'absence du noyau dans l'hématie définitive n'est qu'apparente; mais celte opinion a trouvé peu de créance. Pour les uns, le noyau est expulsé. Rindfleisch, Fellner, Melissenos ont observé directement cette expulsion. Le noyau qui a quitté le corpuscule sanguin serait détruit alors, soit dans le sang lui-même, soit dans certains éléments cellulaires, par exemple dans les cellules géantes du foie (Van der Stricht). Pour d'autres, le no3'au disparaît par fusion au sein du protoplasma. On a même soutenu (Giglio-Tos, Sakharoff, MACALLaii, cités par Bogdonokf, Physiolog. russe, i, 1898, 41) que l'hémoglobine se forme aux dépens de la substance chromatique du noyau; la transformation ne serait que partielle chez les animaux dont les hématies restent nucléées chez l'adulte, mais totale chez les mam- mifères. Pour Engel, il est vrai qu'une grande partie des noyaux des érythroblastes subissent la caryolyse; d'autres, cependant, abandonnent la cellule, entourés d'une bordure de pro- toplasma non chargée d'hémoglobine, pour continuer leur évolution, de telle sorte qu'aux dépens des globules rouges nucléés, il se produit à la fois une hématie sans noyau et un leucocyte. De même aussi, le protoplasma hémoglobique du normoblaste pourrait subir, laplasmolyse, et le noyau devenu libre se développer également en un lymphocyte. Le globule rouge privé de son noyau peut présenter dès cet instant tous les carac- tères d'un globule rouge parfait. Le plus souvent cependant il doit encore se charger d'un^ partie ou même de la totalité' de son hémoglobine (Vax der Stricht). Les globules blancs apparaissent plus tard que les globules rouges, au neuvième jour, chez l'embryon de lapin (Tourneux). L'élément dont ils dérivent a été désigné sous le nom de leucoblaste. Lôwit, qui a créé cette dénomination, puis Denys, Van der Stricht ont décrit un certain nombre de caractères qui permettent de les distinguer des érythro- blastes. Contrairement à ces derniers, le leucoblaste présente un noyau assez petit qui n'est pas toujours arrondi, mais ovalaire ou en bissac, et situé le plus souvent excentri- quement; la substance chromatique, beaucoup moins abondante que dans le noyau des érythroblastes, est disposée en amas d'après Luwit, en réseau d'après Van der Stricht. Le protoplasma, relativement abondant et finement granuleux, est doué de mouvements amiboïdes. Tandis que l'érythroblaste présente, comme nous l'avons vu, une membrane bien nelte, dans le leucoblaste on n'observe à la périphérie du corps cellulaire qu'une simple condensation du proloplasma. Lôwit avait admis que la division des leucoblastes était directe; d'après Flemming, Denys, Van der Stricht, elle se fait également par caryo- cinèse. La genèse des globules blancs est aussi discutée que celle des globXiles rouges. Pour les uns, érythroblastes et leucoblastes doivent leur origine à une cellule mère dont les produits de division évoluent chacun de son côté, soit dans le sens de l'érythrocyte, soit dans le sens du globule blanc. Pour d'autres, les leucoblastes auraient une origine dis- FŒTUS. 523 tincte : d'après M. Duval, les premiers globules blancs proviennent d'éléments mésoder- niiques amiboïdes, de cellules migratrices situées en dehors des capillaires embryon- naires, dans lesquels elles pénètrent en traversant leur paroi {loc. cit.). Les globules blancs sont nombreux dans le foie aux premiers stades de développement, et plus nombreux que dans le sang en circulation (Lowit). Le foie jouerait donc un rôle dans la genèse de ces éléments, mais déjà, chez un embryon de lapin de lo millimètres, ils ne sont pas plus abondants dans le foie que dans le sang. Van der Stricht admet éga- lement que le foie exerce une influence sur la multiplication des leucoblastes. On a vu plus haut la part importante qu'ENOEL attribue à cet organe dans la production des glo- bules blancs. Pour Saxer, les foyers de formation sont, en première ligne, le thymus, les rudiments des ganglions lymphatiques et le tissu cellulaire en général. Quant aux rapports géné- tiques des diverses variétés de leucocytes, il est encore plus difficile d'en dire quelque chose de précis. Volume et nombre des globules rouges. — Hewson (1773) avait déjà remarqué que chez le poulet observé au sixième jour de l'incubation les globules rouges sont plus gros que chez l'adulte et que le sang d'un embryon de vipère comparé à celui de la mère offrait des différences de même ordre. Puis Dumas et Prévost, R. Wagner (1838), Gulliver (1846), Davy (1847) ont étendu ces recherches à un grand nombre de vertébrés, et BiscHOFF à l'embryon humain (Voir Milne-Edwards. Leçons sur la physiol. et l'anat., comp., I, 178). On trouve dans le mémoire d'E.xGEL [loc. cit.) les données suivantes, relatives aux dimensions des éléments figurés du sang. Chez l'embryon humain de 8 centimètres, âgé d'environ trois mois, les métrocytes (dont il reste 4 à 6, pour 100 globules non nucléés) ont de 12 à 20 li. avec un noyau de 3,5 à 6 [a; les petites cellules orangéophiles ont de 5 à 9 [A avec un noyau de même dimension que les métrocytes; les fuchsinophiles nucléés ont de 7 à 8 ;j. avec un noyau de 5 à 6 [x. Le plus grand diamètre des glo- bules non nucléés était, chez l'embryon de 6 centimètres, de 14 à 18 ;jL;.chez celui de 12 centimètres, de 12 à 14 [x; chez celui de 16 à 19 centimètres, de 10 jx; mais la majo- rité des hématies non nucléées avait de 7 à 8 ;j.. Hayem a noté que, même au moment de la naissance, les globules rouges sont, sous le rapport de leurs dimensions, beaucoup plus inégaux que chez l'adulte, ce qui du reste avait déjà été observé par Bischoff; les plus grands dépassent les grands globules de l'adulte, de môme que les plus petits sont plus petits que chez ce dernier. Leur diamètre varie entre 3,1 et 10 jx (Périer, C. R., 1877, 1404) entre 3,25 et 10,2o (Hayeu, I6ù/., 1877, Lxxxiv, 1166). Lorsque les enfants viennent au monde avant terme, les grands éléments sont tellement prédominants que la valeur globulaire est très supérieure à la normale (Voir aussi Duperie. Th. P., 1878). On a déjà dit plus haut que, chez les mammifères, le nombre des globules nucléés diminue progressivement en même temps que celui des non nucléés augmente. D'après Landois (r. P.), chez l'embryon humain, il n'existe encore à la quatrième semaine que des éléments nucléés; vers la fin du deuxième mois, on voit apparaître les premiers globules dépourvus de noyaux; au troisième mois, le nombre des nucléés ne représente plus que le quart ou le huitième de la totalité. Si nous nous en rapportons aux numérations d'ENGEL, il y a, chez l'embryon humain de 6 centimètres, 12 globules rouges sans noyau pour 1 globule nucléé ; chez celui de 12 centimètres, 55 p. 1; de 16 centimètres, 150 p. 1; de 19 centimètres, 176 p. 1; de 23 centimètres, 120 p. 1; de 27 centimètres, 200 p. 1. En comparant les chiffres chez les embryons de 19 et de 23 centimètres, on voit qu'il subsiste chez le second relativement plus de globules à noyaux que chez le premier, parce qu'il peut y avoir des variations individuelles, indépendantes des diflérences d'âge. Dans le sang du foie, il y avait encore, dans les premiers stades, un nombre consi- dérable de globules nucléés : leur rapport à celui des globules sans noyaux était de 1 : 1/2 chez l'embryon de 6 centimètres; de 1 : 1 chez celui de 12 centimètres; de 1 : 3 chez celui de 16 centimètres; de 1 : 5 chez celui de 19 centimètres. Dans les derniers mois de la gestation, on ne trouve plus chez le fœtus humain des globules rouges à noyau. Ils disparaissent cependant un peu plus tard, dit Hayem, qu'on 524 FŒTUS. ne le croit généralemenl : il en subsiste encore quelques-uns chez les fœtus de 6 mois et de 6 mois 1/2. D'après les chilTres d'ENGEL, la proportion vers cet âge serait même assez élevée, puisque chez le fœtus de 27 centimètres on compte i globule nucléé pour 200 non nucléés. Au 19'' jour, chez l'embryon de lapin, il y a encore autant de globules nucléés que de globules sans noyaux (Mathias Duval, Le placenta des rongeurs). Les mammi- fères de laboratoire, chien, lapin, cochon d'Inde, diffèrent de l'homme en ce que, chez eux, on trouve encore normalement quelques globules rouges à noyau, même pendant les premiers jours de la vie (Hayem). En ce qui concerne le chiffre absolu des globules rouges, les numérations des auteurs concordent à peu près sur ce point, que la richesse globulaire augmente avec l'âge du fœtus. Chez l'embryon de 23 centimètres dont le cœur battait encore, E.ngel a compté 3 300 000 globules par millimètre cube, chiffre qui représente à peu près les deux tiers du chilîre normal chez le nouveau-né. Bethe {Diss. Strasbourg, 1891) donne les chiffres suivants : Fœtus de 4 mois 1/2. . . 3 440 000 globules — 5 — ... 3600000 — — '6 — 3/4. . . 4 483 000 — Chez deux fœtus de sept mois. Cadet (cité par Hayem) trouve : NOMBRE NOMBRE VALEUR de globules rouges. d'hématoblastes. globulaire. 4 774 000 146 000 1,43 4 2G2 000 205 000 1,34 On voit qu'à sept mois, ajoute Haye.m, le nombre des globules rouges paraît moins- élevé qu'à terme, tandis que celui des hématoblastes est le même que dans les naissances normales. Ce qui frappe le plus, c'est l'élévation de la valeur globulaire, plus grande que chez l'adulte, 1,45 au lieu de 1. On doit à CoHNSTEi.N' et Zu.ntz. [A. g. P., xxxiv, 1884) de nombreuses numérations sur des embryons de lapin, de cochon d'Inde, de mouton, de chien. De ces observations qui ont été faites soit sur des embryons de même âge et de la même portée, soit sur des embryons d'âge différent provenant de la même mère, il résulte que le nombre des globules est très faible dans les premières périodes de la vie intra-utérine et qu'il s'élève progressivement avec l'âge. L'augmentation est déjà très sensible chez des fœtus de la même portée extraits à cinq ou six jours d'intervalle, tandis que, chez deux petits extraits en même temps, il n'y a que des différences insignifiantes. D'autre part, le nombre des globules rouges n'atteint pas celui de la mère; l'écart est d'autant plus grand que l'embryon est plus jeune. Ainsi, pour 1 globule de la mère, il y a chez l'embryon de 0,0895 à 0,96 globules. INous reproduisons quelques-uns des chiffres du tableau inséré dans le mémoire de COHNSTEIN et ZUNTZ : .SUJETS D'OBSERVATION. NOMBRE DE GLOBULES l'AR MM^. NOMBRE DE GLOBULES DU KŒTDS POUR 1 GLOBULE de la mère. 4 200 000 a) Fœtus (0,59 gr. ; 1 = 14 mm.). 376 000 ( "'^ 4 733 333 \ 420 000 1 456 000 \ 0.0965 487 000 464 OUO a) Fœtus (1,281 gi-. ; 1 = 3 cm.). b) Fœtus (1,396 gr.) c) Fœtus i 1,413 gr.: 1=3,5 cm.}. (i) Fœtus (1,474 gr.j 6. Lapiue (mère) . . . 5 000 000 „,„, 1905 000 j ^'^^^ fl) Fœtus (16,72 gr. :1 ~9 cm). . 1 11 FŒTUS. 525 SUJETS D-OBSERVATION. NOMBRE DE GLOBULES PAR MM^. NOMBRE DE GLOBULES DO FŒTUS PODR 1 GLOBULE (le la mère. 5 200 000 2 800 000 0,48 a) Fœtus (25 gr.) 15 Lapine (mère) 4 650 000 a) Fœtus (45,86 gr. ; 1 = 13,5 cm.j 16 Cobaye (mère). . . 4 000 S 4 240 000 1 3 521760 0,83 3 498 000 0,825 5 300 000 ^ „ ^.... 4 000 000 l'ij'^^ 4 075 000 ) ^'^^^ ' 8.305 555 i ..„ 7 150 000 ! ^'^'^ . .1 a) Fœtus (25,59 gr.; 11 cm.). . . b) Fœtus (.34,18 gr.; 11 cm.). . . a) Fœtus (115,74 gr.; 18 cm.) . . b) Fœtus (in,68gT.;18cm.) . . 18. Brebis (mère) a) Fœtus (25 cm.) 22 Brebis (mère) 9 360 000 ûg^ 7 850 000 8 900 000 ^ a) Fœtus (1121 gr. ; 34 cm.) . . 23. Brebis (mère) a) Fœtus (3 600 gr.; 60cm.). . . 8 550 000 I ^1 TiETZE, chez une lapine pleine, a compté ."i 307 200 globules et, chez les trois fœtus qu'elle portait, 2 733 000 : 2 7G0O0O : 2 790 000 ( V^irc/iow ei Hinch's 3b., 1887, I, 53). Chez la même espèce animale, sur des fœtus de 4,3 à 11 centimètres de long, Tsckistovitsch et YouREwiTscH [Ann. de Vinst. Pasteur, 1901) ont trouvé que le nombre des globules rouges oscillait entre 2 313 000 et 4 391 000 par millimètre cube. Il y avait dans le nombre de 484 à 2 011 globules rouges nucléés.Dans ses numérations faites sur des souris et des cobayes, Bethe trouve également, comme Cohnstein et Zuntz, que le nombre des glo- bules rouges augmente progressivement pendant la vie intra-utérine. Chez le poulet aussi, d'après âscarelli {Hermann's Jb., 1894), le chiffre de ces élé- ments s'élève régulièrement pendant l'incubation, pour passer de 1 132 000 à 4 100 000; on observe une diminution au dix-neuvième jour, au moment où la respiration allan- toïdienno cesse et où la respiration pulmonaire commence. On sait, comme l'avaient déjà montré les recherches de Denis, d'ANDRAL et Gavarret, de Delafond, de Poggl\le, confirmées plus tard par celles de Lépine, de Leichten- STERN, etc., que le sang du nouveau-né chez l'homme et chez diverses espèces animales est plus concentré que celui de la mère. « Le nombre des globules rouges est aussi élevé au moment de la naissance que chez les adultes les plus vigoureux et, par suite, toujours notablement supérieur à celui des globules du sang de la mère (Hayem). » La moyenne chez 17 enfants a été de 5 368 000 globules par millimètre cube avec un maximum de 6 262 000 et un minimum de 4 340 000. Cette augmentation du nombre des globules rouges tient, au moins en partie, à ce qu'une grande quantité de sang placentaire est transfusée en quelque sorte au fœtus, au moment de la naissance, et qu'à la suite de cette tranfusion l'excès de liquide est bientôt éliminé du système circulatoire, tandis que les éléments figurés du sang y sont retenus. Mais cette question, comme celle de l'influence plus ou moins tardive de la ligature du cordon, concerne la physiologie du nouveau-né et non celle du fœtus. Nous avons toutefois à nous demander ici si la concentration plus grande du sang observée chez le nouveau-né débute déjà vers la fin de la vie intra-utérine, ou si elle ne dépend que des circonstances inhérentes à l'expulsion du fœtus et des modifications que subit son organisme aussitôt après la naissance. D'après Cohnstein et Zuntz, c'est cette deuxième opinion qu'il faudrait admettre, puisque, même chez le fœtus arrivé à matu- rité, la richesse globulaire est encore sensiblement au-dessous de celle de la mère. 526 FŒTUS. En outre, pour déterminer l'influence que peuvent avoir, sur la richesse du sang en globules, les phénomènes qui accompagnent et suivent la naissance, ces physiologistes ont pratique' des numérations comparatives, d'une part, sur des fœtus extraits de l'utérus et examinés immédiatement; d'autre part, sur des fœtus qu'on a laissé respirer plus ou moins longtemps. Il résulte de ces expériences que chez les fœtus qui ont respiré le nombre de globules est plus grand que chez ceux qui n'ont pas respiré, que le sang est plus concentré après la section tardive du cordon qu'après la section précoce, qu'il est plus concentré chez les lapins nouveau-nés, âgés de 5 heures, que chez les petits de la même portée dont le cordon a été sectionné tardivement et qu'on a sacrifiés tout aussitôt après cette section, mais que toutefois, si, 5 heures après la naissance, le nombre des globules rouges du nouveau-né peut atteindre celui de la mère, il ne le dépasse pas. Ce n'est que plus tard, entre la cinquième et la dix-huitième heure, que le sang du nouveau- né peut être plus concentré que celui de la mère, à la condition que le fœtus soit arrivé à complète maturité, lors de son expulsion. Cependant, si ces conclusions de Cohnstein et Zuntz sont exactes en ce qui concerne le fœtus de lapin, il ne semble pas qu'elles doivent s'étendre à tous les autres mammi- fères; on peut remarquer d'abord, d'après les quelques numérations données plus haut, que, chez le fœtus humain, déjà dès le sixième ou le septième mois, le chiffre des globules ne s'éloigne pas beaucoup du chiffre normal de l'adulte. Denis, en comparant le sang veineux de la mère avec le sang de l'artère ombilicale'du fœtus à terme, a trouvé, pour le premier, 219 pour i 000 de matières fixes, avec 139,9 p. 1000 de globules rouges, et, dans le second, 298,5 p, 1000 de résidu fixe avec 222 p. 1000 de globules rouges. Pog- GiALE conclut aussi, de ses analyses, que le sang du nouveau -né est très riche en glo- bules. D'après Bidone et Gardini, chez le fœtus humain à terme, le nombre des globules rouges est de 6 oOO 000 par millimètre cube, beaucoup plus élevé que chez la mère, et déjà à la fin de la grossesse la différence des hématies peut être de 2 millions 1/2 en faveur du fœtus {Central, f. inn. Med.., xx, 1099). Sur des fœtus de cobaye arrivés presque à ma- turité, TscHisTOWiTSCH et YouREwiTSCH (loG. cU.) out trouvé de 4 560^000 à 6 230 000 glo- bules, sur lesquels 100 à 906 éléments nucléés. Mais ce sont surtout les déterminations d'hémoglobine qui tendent pour la plupart à faire admettre qu'en règle générale le sang lœtal, au terme de la gestation, est plus concentré que celui de la mère. Quantité d'hémoglobine. — Qulxquaud {Chimie pathol., 1880, 249) a recueilli le sang de l'artère ombilicale pendant les dix premières secondes] qui suivent l'expulsion de l'enfant, avant que celui-ci ait respiré, et le sang de la veine ombilicale immédiatement après l'expulsion, et il a trouvé que l'un et l'autre sont plus riches en hémoglobine que celui de la mère, que celui de l'artère est plus riche que celui de la veine. Le sang de la veine ombilicale en renfermait jusqu'à 11,97; 10,!jO; 10,9 p. 100; celui de l'artère ombilicale jusqu'à 12,5; 13; 11,9; 11,45 p. 100. Les chiffres suivants se rapportent aux observations dans lesquelles le sang de l'artère et celui de la veine avaient été fournis par le même fœtus et comparés à celui de la mère. , t:, , ( \ eine . 1. Fœtus. . , ( Artère. Mère TT T-i . l Veine . IL Fœtus. . ., Artère. Mère, HÉMOGLOBINE. MATIÈRES SOLIDES du sérum. 9,.^7 8,1 10,6 5,6 7,91 8,0 9,89 8,5 11,20 6,8 9,10 8,5 On remarquera, soit dit en passant, que, si le sang de l'artère ombilicale est plus riche en hémoglobine que celui de la veine, il serait par contre, d'après Quixquaud, moins riche en matières solides du sérum. CoNVERT a donné pour le sang du placenta des chiffres supérieurs encore à ceux de Ql'ixquaud; dans un cas, où la mère était anémique et l'enfant faible, la proportion d'hémoglobine s'élevait chez ce dernier à 14 p, 100; dans un deuxième cas, oîi la mère et l'enfant étaient bien portants, jusqu'à 17,6 p. 100. HoEssLiN évalue la quantité d'hémoglobine, dans le bout placentaire du cordon, à 11,93 p. 100; dans le bout fœtal, à 12,89 p. 100, avec un maximum de 13,82 p. 100. FŒTUS. 527 WisKEMANN trouve dans le san^ de l'artère ombilicale plus d'hémoglobine que dans celui de la mère. La quantité de matière colorante contenue dans le sang d'un placenta encore chaud fut de 12,20 p. 100 dans une détermination de Preyer, tandis que le même observateur n'en trouva chez les femmes enceintes que 8 p. 100; 10,60 comme moyenne de neuf cas, H,67 comme maximum et 13,33 comme cas exceptionnel. Il faut encore citer, parmi les auteurs qui sont arrivés à des résultats semblables, Cattaneo [Th.Bàle, t891), Bidone et Gardini [loc. cit.,) Par contre, d'après Sgherenziss, l'hémoglobine du sang fœtal serait à celle de l'adulte comme 70,8 : 100 (Maly's Jb.y xviii, 85, 1889). Enfui, Kroger {A. P., cvi, 1886) a trouvé dans le bout placentaire de la veine ombi- licale, avant la première respiration, 10, o2 p. 100 d'hémoglobine, c'est-à-dire une quantité à peu près équivalente à celle de la femme enceinte, si l'on admet pour celle- ci le chiffre de Becquerel et Rodier, à savoir 10,36 p. 100. L'ensemble de ces données aboutit donc à la conclusion qu'à la fin de la gestation, la richesse du sang fœtal en hémoglobine est ou égale [ou plus généralement supérieure à celle du sang maternel ; il faut ajouter aussi qu'elle est moindre que celle du sang du nouveau- né, examiné quelque temps après la naissance. Les chiffres précédents s'appliquent au fœtus humain, arrivé à maturité; chez les animaux, Cohnstein et Zuntz sont arrivés à des résultats qui concordent avec ceux que leur avait donnés la numération des globules rouges. Antérieurement déjà, Zuntz, chez deux fœtus de lapin, n'avait trouvé que 3,6 p. 100 d'hémoglobine, quantité bien inférieure par conséquent à celle de l'animal adulte {A. g. P., xtv, 622). Dans les expériences que ce physiologiste a entreprises plus tard en collaboration avec Cohxstein, et qui ont porté, comme nous l'avons dit, sur diverses espèces animales, la teneur du sang en hémoglobine s'est toujours trouvée moindre chez le fœtus que chez la mère, sauf dans un cas où, chez une brebis à terme, la différence a été en faveur du fœtus. Dans tous les autres cas, le sang du fœtus était plus pauvre en hémoglobine, comme il l'était aussi en globules rouges. Le nombre des hématies et la ricbesse en matière colorante se modifient d'ailleurs dans le même sens avec les progrès du déve- loppement, c'est-à-dire qu'ils augmentent l'un et l'autre. Cependant, ces modifications ne sont pas proportionnelles, parce que la constitution des globules muges varie avec l'âge. En effet, dans les premiers stades embryonnaires, les hématies sont en majorité nucléées, et renferment par conséquent, à côté de l'hémoglobine, une forte proportion d'autres substances; mais, par contre, le diamètre de chaque corpuscule est plus grand chez le fœtus. De la combinaison de ces influences antagonistes il résulte que, chez le fœtus, on trouve 0,0197, et, chez la inère, 0,01ol milligrammes d'hémoglobine pour un million de globules, c'est-à-dire que chaque globule contient chez le fœtus un quart d'hémoglobine en plus que chez la mère. Les premières respirations provoquent une nouvelle et brusque augmentation de la quantité d'hémoglobine, qui marche parallèlement à celle des hématies, et qui progresse encore dans les premiers stades de la vie intra-utérine, et c'est alors seulement, d'après Cohnstein et Zuntz, que la quantité d'hémoglobine du nouveau-né dépasserait, en règle générale, celle de la mère. Les observations de ces deux auteurs se rapportent surtout à des fœtus de lapin, de mouton, de cochon d'Inde; une seule détermination a été faite sur deux fœtus de chien de la même portée; l'un, du poids de 115 grammes, mort au moment de son extraction, contenait 9,05 p. 100 d'hémoglobine; l'autre, de 117 grammes, auquel on avait sectionné tardivement le cordon, et qui avait respiré cinq heures, en contenait 12,78 p. 100, alors que le sang de la mère en renfermait 12,32 p. 100. WiNTERNiTz (Z. p. C, xxii, 449) a repris ces expériences sur des fœtus de chien presque à terme, dont on pratiquait l'extraction peu avant le moment présumé de la naissance, et dont on liait immédiatement le cordon : le plus souvent, le sang était exa- miné avant que le fœtus eût respiré. Dans tous les cas, on trouva une richesse en hémo- globine sensiblement supérieure à celle de la mère, quoique inférieure à celle du nou- veau-né. Ainsi, par exemple, chez la mère, le sang renfermait 10,19 p. 100 d'hémoglobine; chez le fœtus, 17,36; 14,11 ; 13,97; 12,71 p. 100. Dans un autre cas, chez la mère, 11,88; 5^28 FŒTUS. chez trois fœtus, lo,69; 13,59; 12,35 p. 100. Panum avait même trouvé que la proportion d'hémoglobine, chez le chien nouveau-né, est à celle du sang de la mère comme 96 ou iOO est à bO {A. P., 1864, xxix, 481). Chez le chat, les résultats obtenus par Wi.nterxitz furent les mêmes que chez le chien ; mais il s'agit d'animaux exaaiinés quelques heures après la naissance. Par contre, même chez des lapins nouveau-nés, âgés de douze heures, le sang n'était pas sensiblement plus riche en hémoglobine que celui de la mère. En résumé, il est certain que, chez le fœtus, la quantité d'hémoglobine, comme aussi le nombre de globules rouges, augmente progressivement et arrive à son maximum à la tîn de la vie intra-utérine; il y a lieu d'admettre également qu'à celte dernière période sa proportion atteint et dépasse, dans certaines espèces animales, celles qu'on trouve dans le sang de la mère. On s'explique d'ailleurs l'enrichissement graduel du sang en hémoglobine et en héma- ties parce que, chez le fœtus, la formation d'éléments nouveaux l'emporte sur les phéno- mènes de destruction. Naunyn a fait encore intervenir une autre condition; il part de ce fait que, chez les dyspnéiques, c'est-à-dire chez les sujets dont les échanges respiratoires sont défectueux, on constaterait un excès d'hémoglobine dû à ce que la matière colorante fonctionnerait moins activement; il en serait de même chez le fœtus, parce que chez lui aussi les échanges sont peu intenses; mais cette interprétation repose sur des données discutables. Chez l'embryon de poulet la proportion d'hémoglobine augmente aussi avec l'âge (Ijebermann, a. g. P., 1888, xuu, 139). Elle est au onzième jour, par rapport au poids du corps, comme 1 : 728, au vingt et unième jour comme 1 : 421 ; au huitième jour après l'éclosion comme 1 : 211. Liebermann estime, d'après les chiffres fournis par les auteurs, qu'elle est chez l'oiseau adulte comme 1 : 140, En ce qui concerne les caractères de l'hémoglobine fœtale et de ses dérivés, il n'a rien £té signalé de particulier. Notons seulement que, d'après Ascarelli, on n'obtiendrait des cristaux d'hémine chez le poulet qu'à partir du treizième jour de l'incubation. On trou- vera plus loin, au chapitre relatif à la respiration, ce que l'on sait sur la capacité res- piratoire du sang fœtal. La résistance des globules rouges est plus grande chez le fœtus que chez la mère; en eflfet, chez le fœtus de vache, l'he'moglobine ne commence à se déposer dans une solu- tion de ClNa qu'à un titre infe'rieur (3,34 p. 1000), à celui quiest nécessaire pour le sang de .la mère (5,46 p. 1000) (Zanier, A. i. B., 1896, xxv, 58). L. Camus et Gley ont trouvé également que les globules des lapins nouveau-nés sont beaucoup plus résistants à l'action globu- licide du sérum d'anguille que ceux de l'adulte [C, R., 1897, 231, et Ann.de l'Inst. Pasteur, xin, 779, 1899). Globules blancs. — Engel n'a trouvé chez le fœtus humain de 6 centimètres que peu de globules blancs : 1 par 500 à 1000 érythrocytes ; les formes semblables aux lympho- cytes sont les plus précoces et les plus nombreuses. Chez le fœtus de 23 centimètres, il a compté 40000 globules blancs par millimètre cube, soit environ 1 pour 83 globules rouges; le rapport des leucocytes avec granulations étant aux éléments sans granulations comme 2:5. Chez le fœtus de 27 centimètres, il y avait 1 globule blanc pour 90 érythrocytes (5 lymphocytes pour 4 polynucléaires). Chez 3 fœtus âgés de 4 mois 1 /2 à 5 mois 3/4, Bethe a trouvé respectivement 29 880; 17 030; 25 270 leucocytes, par millimètre cube. Cependant Hayem, pour deux fœtus un peu plus âgés, tous deux de 7 mois, donne des chiffres beaucoup moins élevés ; 6 200 et 9 000 globules blancs par millimètre cube, tandis i^ue dans les quarante-huit heures qui suivent la naissance, on en compte 18 000. Kruger (A. A. P., cvi, 1886) a trouvé, comme moyenne de deux examens pratiqués immédiatement au moment de la naissance : 15 387 leucocytes par millimètre cube, 10 700 dans l'un des cas, et dans l'autre, oii la numération des globules rouges avait été faite également 20 007 pour 6 120 000 érythrocytes, soit 1 : 304. TscHisToviTscH et YouREviTscH Ont étudié, chez les fœtus de lapin et de cobaye, les caractères et la répartition des diverses variétés de leucocytes. Ils en distinguent quatre espèces : 1» les polynucléaires à granulations pseudo-éosinophiles, dont les noyaux sont nombreux et polymorphes. Par l'aspect de leurs granulations, ils occupent une place intermédiaire entre les neutrophiles et les éosinophiles de l'homme : ces granulations FŒTUS. 529 sont plus nombreuses et plus grandes que celles des premiers, plus petites que celles dès seconds. Quelques-uns possèdent de grosses granulations et ressemblent tout à fuit à de véritables éosinophiles. 2° Une deuxième variété de polynucléaires ont leurs noyaux mul- tiples ou polymorphes comme les précédents, maisavecun protoplasmatout à fait trans- parent, incolore ou légèrement coloré en rose. Ce sont des formes de passage au troi- sième groupe. S*» Le troisième groupe est constitué par de grands leucocytes mononucléaires à grand noyau ovale et à protoplasma non granuleux. 4° Enfin, viennent les lymphocytes, petits leucocytes à noyau rond, facilement colorable, et à protoplasma faiblement ac- cusé sous forme d'une couronne. Chez des fœtus de lapin de 4,o à il centimètres, pesant de 24 à 40 grammes, on trouve 202 à 1 64!j globules blancs par millimètre cube, soit : p. 100 1° Polynucléaires pseudo-éosinophiles avec quelques éosinophiles. 41,3 à 62,7 2" Leucocytes à forme de passage 2,9 à 12 3» Grands mononucléaires 11,8 à 28 4" Lymphocytes 4,26 à o Chez des fœtus de cobaye arrivés presque à terme, de 8,2 à 11 centimètres, et pesant de 17,2 à 40, S, les deux auteurs russes ont trouvé de ail à 1 587 globules blancs parmilli- mètre cube. Mais, tandis que le sang des fœtus de lapin contient en majorité des poly- nucléaires pseudo-éosinophiles, celui des fœtus de cobaye ne présente que très peu de leucocytes à protoplasma granuleux : ce sont les lymphocytes qui sont les plus nombreux : p. 100 1<"- groupe ... 0,7 à 9,9 2* groupe ... Où 6,7 3e groupe ... 9,9 à 42,5 4' groupe . . . 53,2 à 88,2 L'hyperleucocytose provoquée chez les femelles pleines, lapines ou cobayes, par l'infection microbienne ou par des toxines, n'a pas été suivie de modifications correspon- dantes dans le nombre des leucocytes du sang fœtal. La maladie de la mère n'a pas réagi non plus sur le nombre respectif des différentes variétés de leucocytes du sang du fœtus. Il est vrai que les fœtus des lapines infectées donnaient un pourcentage plus considé- rable de polynucléaires pseudo-éosinophiles et de lymphocytes que les fœtus normaux; mais la différence était très peu marquée. Le nombre de globules rouges et celui des érythrocytes nucléés ne différait pas non plus de celui des fœtus normaux. On pourrait expliquer l'absence de réaction de la part du fœtus en admettant que les agents d'infection ne passent pas dans son sang. Une explication qui paraît plus plau- sible, d'après Tschistowitsch et Yourewitsch, c'est que la réaction de défense fait encore défaut dans le sang du fœtus. Le petit nombre de leucocytes qu'on y trouve doit faire penser que, pendant la vie intra-utérine, la défense phagocytaire est peu développée et confiée à l'organisme maternel : celte propriété se manifesterait surtout au moment de la naissance. Enen'et,le nombre de leucocytes augmente dès le premier jour de la nais- sance et atteint au troisième jour le chiffre de .3 399 par millimètre cube; l'augmentation porte surtout sur les polynucléaires pseudo-éosinophiles. Quantité de sang. — Chez des chiens nouveau-nés, Panu.m a trouvé que la pro- portion de sang était de 6à 7 p. 100 du poids du corps, plus exactement 0,061 à 0,072 : chez des chiens de 7 à 8 semaines, de 0,072 à 0,088. Zuntz, le premier, a évalué chez un fœtus de lapin, avant la naissance, la quantité de sang, et a trouvé qu'elle s'élevait à 12,9 p. 100 du poids du corps, sur lesquels 9,04 p. 100 proviennent de l'organisme fœtal lui-même et 3,86 du placenta et des vaisseaux du cordon. Dans les expériences de Cohnstein et Zuntz {loc. cit.), les résultats varièrent dans des limites assez larges. Chez le lapin, on trouva comme minimum —, comme maximum 31 •j-^ du poids du corps; chez le cobaye, le chien, le mouton, les écarts furent moins 1 1 grands : - à — du poids du corps. Ces chiffres s'appliquent à la proportion de sang contenue dans le corps du fœtus. Si DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 34 530 FŒTUS. l'on tient compte aussi de celle que renferme le placenta, on constate que la masse totale de sang diminue proportionnellement au poids du corps, à mesure que le dévelop- pement avance. D'autre part, la répartition du sang entre le fœtus et le placenta varie avec la durée de la gestation. On peut distinguer, sous ce rapport, trois périodes : dans la première, tout à fait au début de la vie intra-utérine, il y a dans le placenta une pro- portion bien plus forte de sang que dans le fœtus lui-même; dans une deuxième période, la ditférence tend à disparaître; dans une troisième période, le fœtus renferme plus de sang que le placenta. Quelques chiffres, empruntés au tableau de Cohnstein et Zuntz, permettront de s'en rendre compte : les déterminations ont été faites chez le lapin. POIDS POIDS VOLUME ou SANG VOLUME du du DD PLACENTA par rapport au poids du corps dans le fœtus et le placenta : p. 100 DU S dans le AN a dans le OBSERVATIONS. Respiration. Moment de la section du cordon. FŒTUS. PLACRNTA. du fœtus. du poids du fœtus. fœtus. placenta. gr. gr. p. 100. p. 100. 0,59 2.01 1 : 0,293 22,2 3,36 18,64 Mort. 1,281 1.719 1 : 0,745 19,1 4,3 14,8 Mort. 1,413 2,366 1 : 0,55 17,03 5,23 11,8 Mort. 6,01 4,72 1 : 1,27 14,38 5,78 8.6 Apnéique. 11,38 3,27 1 :3,4 13.7 6.0 1,1 Respire : section hâtive du cordon. 21, .'5 4,4 1 : 4,9 7,44 4,04 3,4 Id. 4n.S9 3,75 1 : 10,9 6,6 5,7 0,9 Respire : section tardive du cordon. 43,69 3,5 1 : 12,3 6,93 5,6 1,27 Respire : section hâtive. 4o,86 2,45 1 : 18,7 8,37 7.36 1,81 Respire : section tardive. Ainsi, tandis que, chez le fœtus de lapin arrivé à maturité, on trouve proportionnel- lement au poids du corps une quantité totale de sang équivalente à celle de l'adulte, soit environ 7 à 8 p. 100, au contraire, chez les lapins de 0,6 à 1,4 gramme, elle s'élève à 19,1 et 22 p. 100. Seulement cette masse de sang doit traverser non seulement le corps du fœtus, mais encore le placenta, d'autant plus volumineux que le fœtus est plus petit; et celui-ci n'en renferme, au début, dans son corps que 3,5 à 4 p. 100; c'est-à-dire que dans les premiers stades du développement la proportion de son sang est moindre, par rapport au poids du corps, que chez l'animal adulte, à cause de la répartition inégale du liquide entre le fœtus et le placenta. TiETZE {Virchoio et Hirsch's Jb., 1887, i, 86) a évalué aussi la quantité de sang chez des fœtus humains d'environ 52b k 1 380 grammes. Il a trouvé 6,0; 7,7; 13,6; 7,2; 9,0 cen- timètres cubes pour iOO grammes du poids du corps, c'est-à-dire 1/15 à 1/10 du poids du corps, si l'on attribue au sang fœtal un poids spécifique de 1,050. Sur le fœtus humain à terme, chez lequel on pratique immédiatement la ligature du cordon, la proportion de sang est de 1/14 à 1/16 du poids du corps, d'après Schucking; dans les cas de ligature tardive, la proportion est comme 1 : 7; 1 : 10; 1 : 11. Chez les fœtus de lapin du poids de 5,6; 7,4, 7,6 grammes, Tietze a trouvé une quantité de sang équivalente à 1/16 ou à 1/14 du poids du corps. Propriétés physiques et chimiques du sang. — La densité du sang chez le fœtus humain à terme est de 1059,2, très voisine par conséquent de celle de l'adulte; celle du sérum est de 1022,9 (Scherexziss, cité par Schwinge, A. g. P., 1898, lxxiu, 299). ■Denis l'a évaluée dans le sang total des artères ombilicales à 1 070 et même I 075, et Panum dans le sang de jeunes chiens, immédiatement après la naissance, à 1053,69, jusqu'à 1 060,4. Chez des fœtus de lapin, Tietze a trouvé pour le poids spécifique du sang 1045 à 1046. Chez un fœtus humain de 23 centimètres, l'alcalinité du sang, estimée d'après la mé- thode de LôwY-ZuNTz, était de 426,4 milligrammes NaOH p. 100, chiffre qui est à la limite inférieure des chiffres normau.x. chez l'adulte, compris entre 426 et 553 milligrammes •(Engel). FŒTUS. 531 Denis a trouvé, dans le sang de l'artèi^e ombilicale du nouveau-né, 29, 80 p. 100 de résidu sec : Poggiale, 24,60; 23,62; 27,63 p. 100 dans le bout fœtal du cordon et 24,83; 23, 7o; 28,04 p. 100 dans le bout placentaire (C. R., 1847, xxv, 198). Kri'ger (loc. cit.)^ qui a examiné le sang fourni par l'extrémité placentaire du cor- don avant la première respiration, n'a pas obtenu des chiffres aussi élevés que Poggiale. Dans une moyenne de dix cas, il a déterminé un résidu sec de 21,068 p. 100, soit 78,932 p. 100 d'eau. La richesse du sang en matériaux solides serait donc de peu supé- rieure à ce qu'elle est chez la mère, si l'on admet pour celle-ci le chiffre de Becquerel et RoDiER, soit 80,16 p. 100 d'eau. D'après Sfameni (A. i.B., 1900, xxxiv, 216), le sang fœtal contient en moyenne une quan- tité plus grande d'eau que le sang de l'adulte. Chez ce dernier on trouve 77,28 p. 100; chez le fœtus 78,5248 p. 100. On voit que ce dernier chiffre concorde avec celui de Kruger, et que, si les deux auteurs arrivent à des conclusions différentes en ce qui con- cerne la richesse comparée du sang en matériaux solides chez le fœtus et chez l'adulte, cela tient à ce qu'ils n'adoptent pas pour ce dernier une même moyenne. Scherenziss, de son côté, avait trouvé la richesse en eau égale chez le fœtus et chez l'adulte. Sfameni objecte que Scherenziss n'a fait que trois expériences, et que dans deux cas sur trois les fœtus étaient du sexe masculin. Le sexe aurait une notable influence; les fœtus du sexe masculin renferment en moyenne 2 p. 100 d'eau en moins que les féminins. Rap- pelons aussi que, d'après Quinquaud, le sèrunvde la veine ombilicale serait notablement plus riche en matériaux solides que celui de l'artère. La proportion de substances organiques dans le sang du fœtus masculin est de 21,8797 p. 100; dans le sang des fœtus féminins de 20,1354 p. 100 (Sfameni). La quantité d'albumine et de matières grasses semble être à peu près la mième chez le nouveau-né et chez l'adulte, d'après Poggiale. Moriggia a démontré la pauvreté en glucose du sang des embryons de chien, de chat, de bœuf, spécialement dans les premiers stades du développement. Dans le sang du fœtus humain recueilli au moment de la naissance, Cavazzani a cherché plusieurs fois à doser la glucose, mais il n'en a trouvé que des traces [A. i. B., 189o, xxiii, 140). La présence de l'urée dans le sang du fœtus a été signalée par Stas (I80O) et par Picard (1856). Des recherches de Jolyet et Lefour {Gaz. hebd. des Sc.méd., Bordeaux, 1892, 407), il résulte que cette substance se trouve dans le sang fœtal dans la proportion de 0,285 p. 1000. Cette valeur est déduite de neuf observations dans lesquelles on a obtenu des données très divergentes, puisque l'écart est compris entre un minimum de 0,056 et un maximum de 1 p. 1000. Cavazzani et Levi [A. i. B., 1895, xxiii, 133) ont trouvé une moyenne de 0,215 p. 1000, un peu inférieure à celle de Jolyet et Lefour, avec des oscillations très sensibles entre 0,091 et 0,511. Il n'existe pas, d'après les mêmes auteurs, de rapport fixe de la quantité d'urée ni avec le développement du fœtus, ni avec son sexe, ni avec l'âge de la mère, ni avec la richesse en urée du sang maternel qui, recueilli directement de l'utérus après la délivrance, peut renfermer une proportion de cette substance double de celle que l'on rencontre chez le fœtus. Le sang du fœtus est notablement moins riche en fibrine que celui de la mère ; la proportion serait de 2 : 7, d'après Scherenziss {Maly's Jb., 1889, xviii, 85), Poggiale a trouvé dans le sang placentaire fourni par le cordon 0,190, et Kruger 0,1209 p. 100, alors que Nasse donne pour la mère 0,382. Sfameni a signalé la présence de nucléone ou acide phosphocarnique dans le sang fœtal et dans le placenta. La quantité de nucléone qui se trouve dans le premier est en quantité presque double, 0,2106 p. 100, de celle qui se trouve dans le second. Le fœtus de poids plus grand possède un sang plus pauvre en nucléone; les fœtus nés prématu- rément en renferment plus que ceux qui sont nés à terme [A. i. B., 1901, xxxv, 389). On a fait aussi quelques recherches sur la présence des ferments dans le sang fœtal. BiAL a constaté que le sang du nouveau-né humain, comme celui des fœtus de bovidé ou de truie, a une action faible ou nulle sur l'amidon (A. g. P., 1893, lui, 164). Cavazzani a vu aussi que le sang du nouveau-né ne contient pas de ferment amylolytique, alors que le sang de la mère en contient toujours une certaine quantité. La diastase du sang maternel trouve donc dans le placenta une barrière qu'elle ne peut franchir [A. L B., 1895, xxni, 140). Par contre, lalipase, bien que moins diffusible que l'amylase, existerait 532 FŒTUS. toujours dans le sang du fœtus : Hanriot et Ci.erc ont pu l'y caractériser dès l'âge de cinq mois, chez le fœtus le plus jeune qu'ils aient pu observer. Cependant, chez l'enfant né à terme, le pouvoir lipasique est moindre que chez la mère IB. B., 1901, 1189). Mais- l'existence même de la lipase dans le sang est encore sujette à contestation. Bierry a trouvé le sang des fœtus d'ovidés et de bovidés très riche en maltase IB. B., 1900, 1080). Les substances minérales sont, d'après Sfameni, en proportion un peu moindre chez le fœtus, 0,7453 p. 100, que chez l'adulte, 0,789 p. 100; chez le fœtus féminin elles sont représentées par un chiffre légèrement supérieur, 0,7401 p. 100, à celui du fœtus mas- culin, 0,7081. Le même auteur a trouvé chez le fœtus féminin 0,6202 p. 100 de sels solubles, et 0,1199 de sels insolubles; chez le fa'tus masculin 0, 3996 p. 100 des premiers et 0,1085 des seconds. D'après ScHERENziss [loc. cit.), le sang fœtal est au contraire plus riche en sels que celui de l'adulte; en particulier.il y a plus de sels insolubles dans le sang total. Le sérum contient aussi plus de sels insolubles et de chlorures que celui de l'adulte. Le sang fœ- tal est encore plus riche en Na, par contre sensiblement plus pauvre en K que celui de l'adulte, ce qui concorde avec les expériences de Bonge, d'après lesquelles l'embryon de mammifère est plus riche en GlNa que l'animal nouveau-né, qui devient de plus en plus pauvre en CINa à mesure qu'il avance en âge. La somme du K et du Na non combinée au chlore est plus petite dans le sang fœtal que dans celui de l'adulte. Veit [Zeitschr. f. Gebùrtsh., 1900, XLii, 316) a trouvé que, pour le sang des fœtus à la naissance, l'abaisse- ment du point de congélation A = 0,579; pour le sang maternel A = — 0,551. Le sauig fœtal est donc isotonique à une solution de CINa à 0,955 p. 100 le sang maternel à une solution de 0,909 p. 100 et la tension osniotique du premier est supérieure cà celle du second. La teneur en fer du sang de fœtus à terme est de 0,038 à 0,0528 p. 100 en moyenne, de 0,0422 p. 100, d'après Kruger. Niclou.x; (B. B., 1902, 583) trouve également que la quantité de fer dans le sang du nouveau-né à terme oscille autour de 0,045 p. 100; chez le nouveau-né avant terme, autour de 0,047 p. 100; chez les fœtus morts et macérés, la quantité de fer devient moitié de la proportion normale. Coagulation. — La coagulation du sang fœtal est lente et incomplète. Si l'on envisage dans son ensemble le phénomène de la coagulation chez les vertébrés adultes, on est immédiatement frappé de cette particularité que, très rapide chez les mammifères, animaux dont les globules rouges sont dépourvus de noyaux, la prise en caillots se fait au contraire avec une extrême lenteur chez tous les vertébrés à globules nucléés. Ce fait trouve son application dans la physiologie de l'embryon. Delezexne a observé, en effet, que chez les embryons de mammifères au stade de développement qui correspond à l'existence exclusive d'hématies nucléées dans le sang, la coagulation suit le même processus que chez les vertébrés adultes dont les globules rouges sont pourvus de noyaux. (B. B., 1897, 307). Cependant il est à remarquer que chez les vertébrés ovipares, dont les globules rouges restent nucléés pendant toute la vie embryonnaire, le pouvoir de coaguler se modifie aussi avec l'âge de l'embryon, puisqu'il ne se manifeste qu'au quinzième jour de l'incubation d'après Boll, au douzième jour d'après Ascarelli qui a vu un véritable caillot ne se former même que vers le seizième et le dix-septième jour. Mais il resterait à déterminer si cette propriété est acquise par le sang lui-même ou si ce ne sont pas plutôt les tissus qui, à une certaine phase du développement, deviennent aptes à provoquer la coagulation d'après le mécanisme étudié par Delezenne, chez les ovipares adultes. Les renseignements précis sur la rapidité et les caractères de la coagulation chez l'embryon ne sont pas nombreux. Chez le fœtus humain, le sang présente, au moment de la naissance, d'après Kruger, une grande tendance à la coagulation, mais celle-ci s'opère lentement, c'est-à-dire qu'elle commence tôt et dure longtemps. Elle débute au bout de 30 à 70 secondes, en moyenne au bout de 45 secondes, et dure de 13', 25" à 26',20", en moyenne 18', 1". On a déjà vu plus haut que la fibrine est relativement peu abondante dans le sang fœtal. Mais, d'après Kriger, la lenteur de la coagulation dépend d'une résistance plus- grande, d'une altérabilité moindre des globules blancs qui fournissent, comme on sait,. le librin-ferment. ' . FŒTUS. 533 Pour compléter ce chapitre sur la composition du sang fœtal, nous reproduisons le ta- bleau donnant d'après Kruger la proportion de quelques-uns des éléments qu'il renferme, comparativement à celle qu'on trouve cbez la femme normale ou enceinte. Les chiffres qui se rapportent à cette dernière ont été empruntés pour la plupart à Becquerel et RoDiER, Nasse, etc. Nous laissons de côté ce qui dans ce tableau concerne le nouveau-né : Fer Hémoglobine Fibrine Hématies par millimèlre cube .... Leucocytes Rapport des leucocytes aux hématies. FEMME ADULTE. U,0502 11,95 ou 15,21 0,23(3 4 584 708 Variable. Variable. ENCEINTE OU en travail. p. 100. 0,0435 10,36 ou 13,1^ 0,382 3 574 500 13240 1 : 270 FŒTUS AD MOMENT la naissance. 0,0442 10,52 ou 13,39' 0,1209 6120 000 15 387 1 : 304 2 1. La quantité d'hémoglobine a été évaluée d'après sa teneur en fer : les deux chiâres donnés dans le tableau se rapportent aux résultats du calcul, suivant que l'on a adopté pour la proportion centésimale de fer le chiffre usuel ou celui de Zinoffsky. 2. Le chitfre des globules rouges dans la deuxième colonne est le résultat de deux numérations faites par KRiiGKR sur deux femmes en travail; celui des globules rouges du fœtus, le résultat d'une seule numé- ration; celui des globules blancs, la moyenne de deux numérations. Le tableau suivant est dû à Schere.vziss POIDS SPÉCIFIQUE - RÉSIDU SEC DANS HÉMOGLOBINE. 1 DU SANG. DC SÉRUM. 100 GRAMMES de sang détibriné. 100 GRAMMES de sérum. 100 GRAMMES d'hématies. CHEZ l'adulte. CHEZ le fœtus.. 1059,2 1022,9 22,366 7,07i 16,133 1,25 0,96 1 FIBRINE p. 100. SELS INSOLUBLES CHLORE. K p. 100 DE SANG. Na p. 100 DE SANG. SANG. SÉRUM. SANG. SÉRUM. 0,1191 0,3567 0,1439 0,3151 0,3859 0,0831 0,2241 1. Ces chiff'rj d'après les coeft S représentent la richesse relative en matière colorante exprimée en oxyhémoglobine, cients d'extinction. Toxicité du sang. — P.\ga.\o (A. i. B., 1897, xxvii, 446) a étudié la toxicité du sang foetal. Le sang des embryons de chien, depuis le milieu de la vie intra-utérine jusqu'à la maturité, n'a pas d'action globulicide ni spermaticide. Son action toxique à l'égard du lapin est beaucoup moindre que celle du sang maternel. Le pouvoir globulicide se manifeste quelques heures après la naissance, et augmente rapidement, de sorte qu'au bout de huit jours environ il est peut-être supérieur à celui du sang maternel. Malgré cela, un mois après la naissance, la toxicité du sang du chien à l'égard des lapins est encore inférieure à celle des animaux adultes, parce que le pouvoir globulicide et le pouvoir toxique sont, d'après Pagano, choses distinctes. Ainsi les substances qui confèrent au sang quelques-unes de ses propriétés toxiques ne passeraient pas du sang maternel au sang fœtal ou n'y passent qu'en faible quantité, et d'un autre côté, l'organisme &etal n'élaborerait pas ces poisons par lui-même. Cependant Haldane et Landstelner, comme on le verra dans un autre chapitre, ont trouvé au sérum fœtal un certain pouvoir hématolytique, quoique plus faible que celui du sérum maternel. 534 FŒTUS CHAPTTUEIII Respiration, i ° Fœtus de mammifère. Historique. — La respiration du fœtus a été entrevue par Mayow (1674) bien longtemps avant la découverte de l'oxygène. Mayow affirmait, en effet,^ que le placenta a chez le fœtus les fonctions du poumon, en ce qu'il laisse arriver par le cordon ombilical non seulement les matériaux de nutrition, mais encore l'esprit nitro- aérien, et il comparait avec sagacité l'état apnéique du fœtus à celui d'un chien qu'il avait amené à l'état d'apnée par la transfusion de sang artériel. Ces vues ont été déve- loppées par RoY (1759) (cité par Pembrey, in Text Book of Physlol. de Schafeb, i, 731) dans ce passage curieux : « Le sang maternel qui arrive aux cotylédons et qui baigne les villosités communique par leur intermédiaire au sang du fœtus l'air dont il est lui-même imprégné, de même que l'eau qui circule autour des rayons charnus des ouïes des poissons leur apporte l'air qu'elle contient. » Le premier qui a indiqué d'une façon précise que c'est de' l'oxygène qui va constamment du placenta au fœtus et que celui-ci asphyxie s'il ne peut recevoir l'oxy- gène du sang, fut Girtanner, en 1794 (Preyer). Mais Vésale déjà avait obtenu par une expérience simple la preuve de la respiration placentaire, en enlevant à une chienne ou à une truie à la fin de la gestation un fœtus dans ses enveloppes intactes et en voyant le fœtus faire des mouvements respiratoires par lesquels il aspirait l'eau de l'amnios. Donc, conclut-il, l'embryon séparé de la mère et maintenu dans l'œuf à l'abri de l'air a besoin d'air. Vésale fit même la contre- épreuve en ce qu'il observa un second fœtus qui, resté en relation avec le placenta dans le corps de la mère, n'avait pas fait la moindre tentative de respiration, mais com- mença à respirer dès qu'il fut mis à nu et que la circulation placentaire eut été en 'même temps interrompue. Par contre, Robert Whytt (1731) avait déclaré que l'embryon reçoit le pabuliim vitae par le cordon et que le besoin de respirer n'existe pas chez lui, parce qu'il y est conti- nuellement satisfait. Ce raisonnement a été reproduit à peu près sous la même forme par des physiologistes éminents, tels que Muller, Bischoff, Longet. C'est une concep- tion trop étroite et incomplète des phénomènes de la respiration qui leur a fait nier l'existence de celte fonction chez le fœtus, Muller cependant [De respiratione fœtus, 1823) avait d'abord admis une respiration placentaire, mais très rudimentaire; elle serait semblable à celle du poisson, qui est elle-même à celle de l'homme comme 1 : 30 000. Mais plus tard, dans son Traité de Physiologie (1835), il déclare que le passage direct des sucs nutritifs de la mère au fœtus rend la respiration inutile. C'était déjà là l'argument de R. Whytt : nous allons le retrouver avec plus de développement dans Bischoff. Pour Bischoff, le fœtus se comporte comme un organe maternel : c'est la mère qui respire pour lui. A l'absence de respiration correspond aussi l'absence de chaleur propre du fœtus. Bischoff rappelait à ce sujet les expériences anciennes de Schutz et d'AuTENRiETH, qui avaient trouvé la température des fœtus de lapin, mesurée immédiatement après leur extraction, inférieure de 3° R. à celle de la mère. D'autre part, si l'oblitération, la compres- sion du cordon tuent rapidement le fœtus, ce n'est pas par asphyxie, mais parce qu'il en résulte une pléthore sanguine du fœtus très suffisante pour interrompre le fonctionne- ment du cœur et du cerveau. Longet (r. P., m), après avoir reproduit cet argument,conclut que la fonction respiratoire n'existe pas chez l'embryon, et il ajoute : « Les physiologistes qui ont tant agité cette ques- tion auraient dû, avant de chercher dans le fœtus des organes respiratoires, constater l'existence d'une respiration et la nécessité de cette fonction. On ne peut douter qu'ils ne se soient laissé guider par de fausses analogies entre les organes des embryons d'oiseaux et les organes des embryons de mammifères. S'ils avaient réfléchi aux conditions d'exis- FŒTUS. 535 tence de ces derniers, ils auraient reconnu que chez eux l'absorption de liquides puisés dans un sang qui a déjà respiré rend une nouvelle respiration inutile... Le fœtus, pour, me servir de l'expression de Bisghoff, se comporte à cet égard à peu près comme un oi'gane de la mère : les organes de la mère ne respirent point eux-mêmes, et néanmoins ils ont besoin d'un sang qui ait respiré; de même l'embryon, sorte d'organe maternel, ne respire pas lui-même, mais il a besoin du sang artériel de la mère, du sang qui a, respiré. » Mais, en reprenant le raisonnement de Bisghoff et de Longet, il faudrait précisément en conclure que le fœtus respire. Nous savons maintenant que les organes de la mère respirent chacun pour son compte, et il devra en être de même pour le fœtus. D'ailleurs l'assimilation du fœtus avec un organe maternel n'est pas exact : il représente un orga- nisme greffé sur l'organisme maternel avec sa circulation propre et indépendante, de, telle sorte que le sang de la mère qui constitue à chacun de ses organes un milieu inté- rieur est à l'égard du fœtus un milieu extérieur. A l'inverse des auteurs précédents. Litzmann, à la même époque [Wagner's Handwôr- terbuch, 1840), considère déjà le placenta comme un vrai organe respiratoire. Celui-ci ne se comporte pas, dit-il, comme un organe de la mère, en ce sens qu'il ne consomme pas l'oxygène pour sa nutrition, mais qu'il transmet ce gaz au fœtus par la veine ombilicale. Cependant Pflùger, en 1868 [A. g. P., I, 01), pouvait dire encore qu'on n'avait aucune preuve certaine de la respiration du fœtus. 11 conclut toutefois à l'existence d'échanges gazeux entre la mère et le fœtus, particulièrement d'après la coloration plus foncée que prend le sang des vaisseaux ombilicaux, quand on supprime les échanges placentaires, et plus tard il proteste avec raison (A. g. P., 1875, x, 174) qu'on lui ait fait dire que le fœtus ne respire pas : il a affirmé seulement que sa respiration est très faible, comparati- vement à celle de l'adulte. Preuves de la respiration placentaire. — L'hématose du fœtus est prouvée par trois ordres de faits : 1" la différence de coloration entre le sang de l'artère et celui de la veine ombilicale; 2'' l'examen spectroscopique du sang des vaisseaux ombilicaux; 3° l'analyse comparative du sang de ces vaisseaux. Emmkrt, Autenrieth, Schutz, Haller, OsiàiNDER, BicHAT, Magendie, Schwartz avaient trouvé que la couleur du sang était la même dans les artères et dans la veine ombili- cale. Cependant déjà ScHEHL, en 1798, d'après des expériences sur les animaux, avait dit: « Le sang artériel du fœtus qui a été soumis à l'action du placenta et qui retourne par la veine ombilicale est d'un rouge un peu plus vif (tant soit peu) que le sang veineux des artères ombilicales. » Toutefois, comparé avec le sang des adultes, il ne paraissait pas plus rouge que leur sang veineux. D'autres observateurs ont signalé également une faible différence : Bohx chez le chien, JoERG chez le cochon et le cheval, Hérissant, Diest, Hobocken, Girtanner, Baudelocque, Carus et Bisghoff chez l'homme. J. Muller l'avait également constatée une fois cliez le mouton, mais il ne l'a plus rencontrée ensuite chez le lapin, le cochon d'Inde, le chat. Pfluger a noté que la couleur du sang de la veine ombilicale est rouge brun dans les conditions normales, mais qu'il devient noir dans l'asphyxie. Le fait a été défmitivement établi par Zweifel [Arch. f. Gynœk., 1870, ix, 291). Sur des fœtus de lapin extraits avec le plus grand soin de la cavité abdominale, de façon à éviter les troubles de la circulation utéro-placentaire, et placés ensuite dans un bain chaud d'eau salée, cet observateur a vu très distinctement le sang de la veine ombilicale rouge, celui de l'artère noir, tant que la mère respirait librement. Quand on asphyxiait la mère, la différence commençait à s'effacer au bout de trois minutes, et après 3'25" elle avait complètement disparu : elle se rétablissait ensuite si l'on permettait de nouveau à la mère de respirer librement. La différence de couleur du sang dans la veine et dans les artères ombilicales n'est cependant pas, dit Preyer, habituellement aussi grande que celle qui existe entre le sang des veines et celui des artères pulmonaires après la naissance. Preyer a pu voir toutefois, en opérant assez vite, un premier fœtus de cobaye recevoir du placenta mis à nu un sang rouge vif et rendre au placenta par les artères ombilicales un sang rouge sombre et faire en même temps des mouvements respiratoires irréguliers. Chez un autre 536 FŒTUS. fœtus de cobaye, il a observé la coloralion rouge vif jusque dans le canal d'ARANTius, tandis que le c. inférieure à celle du sang maternel. La différence devra diminuer dans la mesure où la vitesse de la circulation du sang fœtal dans le placenta diminue ou dans la mesure où' celle du sang maternel augmente. 11 est facile de prouver expérimentalement l'exactitude de ces déductions. Gohnstein et Zuntz, en oblitérant incomplètement les artères ombili- cales pour ralentir la circulation fœtale, ont vu constamment la veine ombilicale prendre une coloration d'un rouge plus vif. Un certain degré de compression du cordon, quelque- fois même de la veine ombilicale seule, peut produire ce changement de coloration. On arrive à un résultat semblable en comprimant la région occipitale du fœtus, ce qui amène un ralentissement du cœur par excitation des pneumogastriques. Cohxstein et Zuntz ont même observé une fois au début de l'asphyxie, chez un cobaye, que la coloration de la veine ombilicale devenait plus claire, à cause du ralentissement du cœur. On trouvera plus loin une application de ces faits. On verra aussi que si, dans les conditions normales, l'O passe du sang maternel au sang fœtal, dans certains cas il suit au contraire le chemin inverse. D'après les analyses de Cohnsteix et ZuiNtz, la richesse du sang en CO^ s'est trouvée remarquablement égale pour le sang maternel et pour le sang fœtal. Il faut en conclure que grâce à la diffusion il s'établit entre les deux sangs un équilibre parfait des alcalis qui fixent C0-. Signalons encore ici que, dans le sang fœtal s'écoulant immédiatement après la naissance du bout placentaire du cordon sectionné, Nicloux a trouvé en moyenne 0'=%11 d'oxyde de carbone (B. B., 1901, 611). Ce gaz n'est sans doute pas élaboré par l'organisme, mais provient probablement de l'air atmosphérique par l'intermédiaire de la mère, quoique les expériences publiées jusqu'à présent par Nicloux n'aient pas encore tranché la question. Intensité des échanges respiratoires. — C'est une question encore discutée de savoir quelle est l'intensité des échanges chez le fœtus, si elle est inférieure à celle de l'adulte, comme l'admettent la plupart des physiologistes, ou si elle lui est égale et même supérieure, comme le soutiennent quelques auteurs. Nous reviendrons sur cette discussion à propos de la nutrition en général, nous bornant pour le moment à exposer les faits qui ont trait aux échanges respiratoires. Jusque dans ces derniers temps les seules données nume'riques que l'on possédât à cet égard étaient celles de Cohnstein et Zuntz, dont nous avons reproduit les principales. Les deux physiologistes ont d'ailleurs pris soin de résumer dans un travail spécial les conclusions auxquelles ils étaient arrivés (C. P., iv,, 1885, 571). Ils y font valoir ; 1° que chez le fœtus le sang, d'après leurs recherches, est à la fois moins concentré, c'est-à-dire moins riche en hémoglobine, et en quantité moindre que chez l'adulte; par conséquent un apport plus grand d'O ne serait possible que si la vitesse du sang était supérieure à celle de l'adulte ; mais ils l'ont trouvée notablement inférieure. En outre, ils ont constaté, comme on a vu plus haut, que dans l'hématose placentaire la quantité d'O p. 100 absorbée est la moitié de celle qui chez l'adulte est absorbée dans le poumon. Pour mesurer la consommation totale d'O, ils ont fait d'ailleurs le calcul sui- vant (A. g. P., xxxiv). Il passe dans le placenta, d'après leurs déterminations, O'^Sôde sang par seconde, chiffre maximum. Comme la masse totale du sang du fœtus considéré, pesant environ 1 300 grammes, est le 1/8 du poids du corps, soit 165 grammes, il fau- dra donc un peu plus de quatre minutes pour que toute la masse de ce sang ait traversé le placenta. Lorsque 100 centimètres cubes de sang ont passé par le placenta, ce qui demande 2 minutes 2/3, le fœtus a absorbé 4 centimètres cubes d'O, puisque telle est la différence p. 100 entre le sang de l'artère et celui de^la veine ombilicale. Par minute il aurait donc absorbé l'^^o c'est-à-dire par kilogramme de son poids, l'^'^,16. Le mouton adulte a besoin en moyenne, d'après les estimations de Reiset, de 5'^<',8 par kilogramme et par minute. La consommation d'O est donc environ 4 fois moindre chez le fœtus que chez la mère. Si l'on prend comme mesure de la vitesse du sang non plus la valeur maximum, mais la valeur minimum qui a été trouvée, la consommation d'O du fœtus serait encore beaucoup moindre, soit 0"=,3 par kilogramme et par minute. La consommation d'O chez. un fœtus de 3 600 grammes arrivé à maturité tient le milieu entre ces deux extrêmes : elle était, d'après un calcul semblable, de i':'',75 par minute, de 0''<',49 par ;kilogramnie et par minute, c'est-à-dire le 1/12 environ de ce qu'elle est chez l'adulte. , MO FŒTUS. Ch. Bohr [Skand. Arch. f. Physiol., x, 1900, 413) a opposé récemment aux expériences de CoHNSTEiN et de Zuntz un certain nombre d'objections, en insistant sur les causes •d'incertitude que diverses difficultés opératoires ont introduites dans les résultats obtenus. En outre, pour Ch. Bohr, il n'est pas certain que l'analyse comparative du sang de l'artère ■et de la veine ombilicale puisse renseigner sur la totalité des échanges respiratoires du fœtus. Peut-être l'artère ombilicale transporte-t-elle au placenta des substances réduc- trices qui s'y combinent avec l'O du sang maternel, tandis que CO- formé passe partiellement ou en totalité dans^le sang de la mère : alors les échanges qui ont lieu ■dans le corps de l'embryon ne représenteraient qu'une fraction de l'échange total. Ch. Bohr a donc employé une autre méthode, plus sûre, d'après lui, pour évaluer la totalité des échanges gazeux du fœtus. Il recherche comment se modifient les échanges chez la mère après la ligature ou le pincement du cordon ombilical. En effet, les échanges gazeux du fœtus, qui étaient précédemment mesurés en même temps que ceux de la mère, sont maintenant exclus de ces nouvelles déterminations. Une femelle de cobaye, pleine, est anesthésiée : on lui fait la trachéotomie, puis la laparotomie : on plonge Ja partie postérieure du corps de l'animal dans un bain de la solution salée physio- logique 4 39°. On ouvre l'utérus au thermocautère en un point où il n'y a pas d'insertion placentaire, et on arrive facilement à faire tomber dans le bain un embryon enveloppé dans ses membranes et les bords de la plaie abdominale sont rapprochés par une ipince à pression. On fait alors une série de déterminations des échanges gazeux de la mère, dont chacune dure en général dix minutes. A un moment donné on lie le cordon pendant qu'on continue à mesurer les échanges respiratoires sans qu'on ait besoin de toucher à la mère. Les modifications de la respiration produites par l'exclusion des échanges gazeux du fœtus seront faciles à reconnaître si, auparavant, les échanges «•espiratoires de la mère étaient sensiblement constants. Dans quelques cas, au lieu de lier, on a comprimé le cordon avec une pince à pression, et l'enlèvement de la pince .permettait ainsi une expérience de contrôle : enfin on déterminait le poids de l'embryon en même temps que celui du placenta et de ses membranes. Voici le détail d'une de ces expériences : Cobaye du poids de 1 096 grammes. Opération terminée à une heure. Trois embryons qui pèsent 107,5 : le poids moyen d'un embryon est donc 35,8. Température du bain 39,2. Pendant la détermination n° 4 des échanges respiratoires, les cordons ombilicaux sont comprimés ; après la détermination n° 7 ils sont liés. DURÉE PENDANT NUMÉRO. DEBUT de l'expérience. de i'expéiiencf. en minutes. 10 MI CO éliminé [en ce. \UTES. 0 ab.sorbé en ce. CO- O^ OBSERVATIONS 1 h 1,40 10 88 113 0,78 2 1.51 10 88 114 0.77 :î 2,2 10 80 113 0,77 4 2,17 8 76 102 0,74 Compression à 2 h. 16. .') 2,27 10 84 110 0,76 On cesse à la compression à 2h.26. (> 2,39 10 85 110 0,77 7 2,50 10 84 113 0,74 8 3,3 10 73 101 0.72 Ligature à 3 h. 2. •9 3,15 10 72 104 0,09 Après la' compression du cordon, l'élimination de CO- a diminué de 10 centimètres cubes, l'absorption d'O de H centimètres cubes; quand la compression a cessé, les échanges sont revenus à leur grandeur primitive; puis ils diminuent de nouveau en dix minutes de 11 centimètres cubes de 00^ et de 12 centimètres cubes d'O, après que le cordon a été lié. La part de l'embryon dans les échanges était donc en moyenne pendant dix minutes ■de 10", 5 de CO» et de 11", 5 d'O. FCETUS. o4t Par kilogramme et par heure l'élimination de CO^ est, chez l'embryon, de a86 centi- mètres rubes; et, chez la mère, de 452. Ch. Bohr a résumé dans le tableau suivant les chiffres qui expriment l'élimination- comparée de CO- chez la mère et chez l'embryon : POIDS^DE LEMBRYON. CO^ PAR KILOGR. KT PAR IIKURE EN CC. MÈRK. EMBRYON. 16 490 7o6 24 483 250 36 4o2 o86 39 408 462 62 478 48S Moyenne . . . 462 509 Les échanges gazeux sont donc un peu plus élevés chez le fœtus que chez la mère, ou' du moins, comme l'écart entre les moyennes n'est pas très important, on peut dire qu'ils- sont de grandeur à peu près égale chez l'un et chez l'autre. Excitabilité des centres respiratoires et respirations prématurées. — Les centres respiratoires sont au repos pendant la vie intra-utérine. Ahlfeld soutient cependant que le fœtus exécute déjà dans l'utérus des mouvements respiratoires super- ficiels. Il est arrivé à cette opinion par l'observation de mouvements rythmiques ondu- latoires, perçus au niveau de la région abdominale de la plupart des femmes à terme, se produisant environ soixante fois par minute et se traduisant par des graphiques analogues aux courbes respiratoires du nouveau-né. La première respiration ne serait donc qu'une première respiration profonde. Runge [Ai'ch. f. Gynaek., 1894, xi.vi, 512) a observé des mouvements semblables à ceux que décrit Ahlfeld, mais il n'ose se prononcer sur leur signification. Dans ses expériences sur les animaux il n'a jamais rien observé de semblable. . En réalité les mouvements respiratoires prématurés doivent être considérés comme des phénomènes anormaux. Le fœtus est pendant la vie intra-utérine en élat d'apnée. Mais cette apnée ne reconnaît pas la même cause que l'état que l'on décrit sous ce nom -ebez l'adulte. Elle paraît dépendre de la faible excitabilité du centre respiratoire plutôt que de la composition gazeuse du sang du fœtus. Cohnstein et ZuNTzfonten effet remar- quer avec raison que la même composition du sang qui n'est pas capable d'interrompre- l'apnée du fœtus provoquerait des mouvements respiratoires énergiques chez l'animal adulte. L'apnée est ''due, comme on'sait, à une augmentation de la quantité d'O du sangd'après les uns, à une diminution de la quantité et de la tension de CO-, d'après les antres*. Mais ni l'une ni l'autre de ces deux causes ne peuvent être invoquées pour expliquer l'apnée intra-utérine : car, d'une part, le sang du fœtus est relativement pauvre en 0; d'autre part, les analyses de Cohnstelx et Zuntz ont montré qu'il est aussi riche en CO- que celui de la mère. Il faut donc admettre que les centres respiratoires du fœtus sont moins excitables que ceux de la mère. On n'a pas encore une idée exacte de cette différence d'excitabilité, si l'on se borne à comparer le sang de la veine ombilicale à celui du sang artériel d'un animal qui respire à l'air : il faut considérer aussi que le bulbe rachidien du fœtus ne reçoit le sang arté- rialisé de la veine ombilicale qu'après son mélange avec le sang veineux des extrémités inférieures et des viscères abdominaux. Bien que l'encéphale reçoive du sang plus arté- rialisé que les autres organes, ce sang est, comme nous l'avons déjà dit, fortement mélangé. .CoHxsTEiN et ZuNTz se sont assurés directement que le sang de la carotide du fœtus, ce- qui était à prévoir, est plus foncé que celui de la veine ombilicale. 1, Voir Fredericq, Bull, de l'Acud. roy. de Belg., 1900, 464-482. 542 FŒTUS. Il est vrai qu'outre CO- il y a d'autres substances excitantes pour le centre respira- toire; ce sont celles qui se forment pendant le travail musculaire. Mais l'organisme du fœtus ne les produit qu'en très faible quantité. Deux conditions qui contribuent à déprimer l'excitabilité des centres respiratoires sont la pauvreté relative du sang en 0 et la lenteur de la circulation chez le fœtus. L'une et l'autre sont, il est vrai, chez Tadulte des excitants des centres respiratoires, mais elles n'agissent alors que temporairement. Cohnstein et Zuntz admettent que, quand ces influences s'exercent d'une manière permanente, comme chez le fœtus, elles contribuent à maintenir à un niveau assez bas l'excitabilité des centres. Ils rappellent que d'après P. Bert, d'après Fraenkel et Geppert, pour une pression de 1/3 d'atmosphère, il ne se produit pas, en règle générale, de dyspnée sensible et l'animal paraît plutôt somnolent. D'un autre côté, ils reproduisent chez l'adulte les conditions de la circulation fœtale en mettant une artère en communication avec une veine pour abaisser la pression artérielle, élever la pression veineuse, et ils observent alors dans certains cas une diminution pro- gressive de l'amplitude respiratoire. Cohnstein et Zuntz ont d'ailleurs montré qu'immédiatement après la naissance l'ex- citabilité des centres respiratoires est encore beaucoup moins marquée qu'elle ne l'est plus tard. Ils se servent, comme excitant, de CO- mélangé à l'air inspiré, et la mesui^e de l'excitabilité est fournie par l'intensité de la ventilation pulmonaire. Or l'addition de CO- produit un renforcement beaucoup moins marqué de l'amplitude respiratoire, au moment de la naissance que dans les jours suivants. Cependant l'excitabilité des centres respiratoires peut être réveillée dans certaines circonstances et le fœtus exécuter des mouvements respiratoires prématurés, soit qu'ils aient lieu dans l'utérus ou hors de l'utérus dans les eaux de l'amnios. Vésale, Winslow avaient c^éjà observé ces mouvements. Nasse, ayant comprimé l'aorte d'une chienne à la fin de la gestation, vit le fœtus respirer avec effort, quoiqu'il fût laissé dans la cavité amniotique. L'étude de la cause de ces respirations prématurées se confond avec celle de la cause de la première respiration chez le nouveau-né. Ce qui interrompt l'apnée du fœtus, ce sont les troubles de la circulation utéro-placentaire, les troubles des échanges gazeux entre la mère et le fœtus. Preyer a soutenu, par contre, que l'excitation des nerfs de la peau peut à elle seule mettre en activité le centre respiratoire. Aucun embryon, dit-il, n'est en état d'exécuter un mouvement respiratoire prématuré, ni d'inspirer de l'air après la rupture de l'œuf, s'il n'a pu auparavant re'pondre à une excitation réflexe par des mouvements des membres. En d'autres termes, la production des respirations pré- maturées, comme celle des premières respirations normales, est étroitement liée à l'exci- tabilité réflexe. L'hypothèse que la première inspiration chez le nouveau-né a pour point de départ un réflexe cutané peut se soutenir, quoiqu'elle n'ait pas été vérifiée par l'expérience. On comprend plus difficilement comuient les excitations cutanées interviennent dans les respirations prématurées qui se produisent chez le fœtus encore enfermé dans les eaux de l'amnios ou dans l'utérus intact. Preyer fait valoir, il est vrai, que ce genre d'excitation ne fait pas alors défaut; la pression exercée par l'utérus sur la surface cutanée du fœtus, les frottements de ses membres entre eux, les mouvements de la mère, seraient des causes d'excitation pour les terminaisons des nerfs de la peau. Preyer s'est appuyé surtout sur les observations où, chez des fœtus de cobaye dont il avait dégagé, sous l'eau salée, la tête ou seulement la bouche et le nez, il obtenait un mouvement d'inspiration par une forte excitation cutanée, telle qu'une piqûre de la lèvre, alors que le sang de la veine ombilicale restait cependant d'un rouge vif : ce qui semblait indiquer que la cir- culation utéro-placentaire n'était nullement troublée. Mais ExGSTRôM (Skand. Arch. f. Phi/sioL, 1891, n, 158), qui a répété ces expériences dans le laboratoire et en présence même de Preyer, n'a pas toujours dans les mêmes conditions obtenu des résultats positifs. D'autre part, la coloration rouge clair de la veine ombilicale ne prouve pas que la circulation placentaire soit normale. RuNGE avait déjà vu que, môme lorsque le cordon était compris entre deux ligatures et la circulation par conséquent complètement interrompue, la différence de coloration des vaisseaux ombilicaux persistait nettement pendant une demi-heure. Non moins démons- FŒTUS. 543 tratives sont les expériences de Cohnstein et Zuntz dont nous avons déjà parlé, et d'après lesquelles la coloration plus claire de la veine ombilicale est une conséquence du ralen- tissement de la circulation fœtale. Engstrôm reconnaît, lui aussi, que la persistance de la coloration prouve seulement que le fœtus reçoit encore de l'O, mais non que l'apport d'O et la respiration placentaire restent normaux. La richesse du sang en 0 pourrait varier sans que ces variations se traduisent par des différences appréciables dans la coloration des vaisseaux ombilicaux. D'un autre côté, alors même que le sang de la veine ombilicale est plus oxygéné, il ne faudrait pas en conclure que le fœtus est pour cela mieux approvisionné en 0 : la quantité d'O que reçoit le centre respiratoire ne dépend pas seulement de la teneur du sang en 0, mais aussi de la quantité de sang qu'il reçoit; de sorte que, malgré la colo- ration rouge clair de la veine ombilicale, le besoin de respirer pourra tenir à une dimi- nution dans l'activité de la circulation placentaire. RuNGE, GoHNSTEiN et Zu.N'TZ out d'ailleurs constaté que, chez l'animal sur lequel Preyer a expérimenté, chez le cobaye, il est à peu près impossible d'arriver au fœtus sans com- promettre la circulation placentaire. Ces physiologistes ont alors expérimenté sur la bre- bis, chez laquelle le décollement du placenta n'est pas à craindre après la section de l'utérus. Chez une femelle à terme ils ont exposé à l'air la tête et une partie de l'avant- train d'un fœtus : le pincement, la piqûre de la peau, le chatouillement du pharynx et de la muqueuse nasale ne provoquaient aucune respiration. Le fœtus fut ensuite extrait en totalité de l'utérus et couché sur le ventre de la mère sans que le cordon fût tiraillé. Les excitations furent continuées encore pendant plusieurs minutes ; même les insuffla- tions d'air dans les fosses nasales n'eurent aucun effet sur la respiration ; il n'y eut que des mouvements réflexes généraux. Le fœtus suçait ou mordait le doigt qu'on lui introdui- sait dans la bouche et te pharynx : souvent il exécutait des mouvements spontanés qui le faisaient changer de position. Mais presque aussitôt après que le cordon eut .été lié, le fœtus se mit à respirer. Ces expériences permettent de conclure que par elles-mêmes les excitations cuta- nées ne peuvent provoquer de mouvements respiratoires tant que la circulation et la respiration placentaire restent intactes : elles se sont montrées impuissantes même dans quelques cas où le sang de la veine ombilicale avait pris une coloration assez foncée et où le fœtus répondait à chaque excitation par des réflexes énergiques. RuNGE {Arch. f. Gynsek., 1894, xlvi, o12) a répété ces expériences avec les mêmes résul- tats chez la brebis, Cohnstein et Zuntz chez le lapin et même chez le cochon d'Inde. Chez une chienne à terme, Heinricius (Z. B., 1889, xxvi, 137) met à nu le museau du fœtus et introduit daus les fosses nasales un mélange d'eau et d'ammoniaque à parties égales ; il se produit des mouvements réflexes violents des muscles de la face. On ouvre la bouche de l'animal et on instille quelques gouttes de la solution dans la cavité buccale et dans le pharynx. L'animal fait des mouvements de déglutition, ouvre et ferme la bouche, tire la langue, mais ne respire point. Ce n'est que quand on trouble la circulation pla- centaire en retirant le fœtus de l'œuf que l'on voit la respiration commencer. Une expérience qui sert en quelque sorte de contre-épreuve aux précédentes est celle où le fœtus succombe à l'asphyxie, alors que les membranes sont restées intactes et fait cependant des mouvements respiratoires, bien qu'il n'ait été soumis à aucune exci- tation cutanée. Runge, Dupuy {B. B., 1886, 16), Engstrôm ont rapporté des observations de ce genre, et ce dernier en conclut que l'arrêt de la respiration placentaire peut à lui seul provoquer des mouvements respiratoires, sans le concours d'excitations cutanées, contrairement à l'opinion de Preyer. Ainsi qu'il était à prévoir, des respirations prématurées peuvent se produire sans troubles de la circulation placentaire, si l'on diminue l'afflux du sang vers la moelle allongée chez le fœtus par la ligature des carotides (Heinricius). D'après Franke.nhauser, la compression de la tête fœtale, en amenant un ralentissement du cœur, aurait aussi des effets semblables : mais il ne semble pas que les respirations prématurées soient dues alors, comme le pense cet auteur, à une hématose imparfaite, mais, d'après les con- sidérations exposées plus haut, au ralentissement de la circulation placentaire et fœtale, c'est-à-dire aune irrigation insuffisante du bulbe par un sang suffisamment artérialisé. Quand le fœtus respire ainsi prématurément, l'eau de l'amnios peut être absorbée 544 FŒTUS. largement jusque dans les poumons, comme l'est l'air après la naissance. Béclard (181n)^ après avoir observé les mouvements respiratoires dans l'œuf intact, serra le cou du fœ- tus par une forte ligature, ouvrit la trachée et y trouva un liquide analogue à l'eau de l'amnios. Lorsqu'un liquide coloré avait été préalablement injecté dans la cavité amnio- tique, celui que contenaient les bronches était également coloré. Preyer, après avoir ouvert l'utérus chez des cobayes, injecta une solution de fuchsine dans le liquide de l'amnios et vit que non seulement les lèvres, la langue, le pharynx des fœtus qui avaient respiré dans l'œuf intact étaient colorés en rouge, mais aussi le poumon, ainsi que l'estomac. La pénétration de l'eau de l'amnios dans les poumons amène souvent, après une dyspnée intense/une mort rapide, comme l'a vu Prêter chez des fo'tus qu'il enlevait assez lentement à la mère pour leur laisser le temps de dilater prématurément leur thorax dans l'œuf, alors que des fœtus de la même portée respiraient à l'air sans difficulté, si l'on avait soin de les extraire assez vite pour qu'ils ne pussent exécuter aucun mouvement respiratoire intra-utérin. 11 est évident que la cause de la mort, c'est l'obstacle apporté à la pénétration de l'air par la présence du liquide amniotique dans les voies respiratoires. Geyl cependant a montré, par des injections colorées chez des lapines pleines, que le fœtus peut aspirer l'eau de l'amnios pendant la vie intra-utérine et cependant survivre. Il est probable, ajoute Preyer, que la production de mouvements respiratoires prématu- rés avec aspiration de l'eau de l'amnios, même chez le fœtus, dans les derniers mois de la grossesse, n'est ni aussi rare ni aussi dangereuse qu'on l'avait cru d'abord. Il peut arriver aussi que, malgré la gêne progi'essive de la circulation placentaire et l'asphyxie qui en résulte, le fœtus encore contenu dans l'œuf meurt sans avoir respiré : c'est ce qu'a observé V. Preuschen chez le chien, Schultze, Schroder et d'autres chez le fœtus humain .Chez des lapins, Pfluger et Dohmen [A. g. P., i, 81) ont vu aussi que, si l'on enlève le fœtus avec le placenta sans ouvrir le sac ovulaire, le petit peut succomber sans avoir respiré ou bien n'exécuter que quelques rares inspirations, séparées par de nom- breux intervalles, tandis qu'il se produit des mouvements respiratoires violents qui se transforment bientôt en respirations régulières si l'on donne accès à l'air par l'incision de l'anmios. Au premier abord l'absence de mouvements respiratoires dans ces conditions semble venir à l'appui de la théorie de Preyer sur la nécessité des excitations cutanées. Mais on peut faire intervenir avec Cohnstein et Zuntz un réflexe inhibiteur qui empêche le mouvement respiratoire, dès que celui-ci tend à se produire, et cela d'autant plus facile- ment que le centre respiratoire est moins excitable chez le fœtus. Dès que le liquide tend à pénétrer dans les fosses nasales, il survient un rétlexe d'arrêt semblable à celui que l'on observe chez un animal adulte au moment ofi on le plonge dans l'eau et que l'on appelle le rétlexe de submersion. Cohnstein et Zuntz se sont assurés que l'inhibition res- piratoire est plus énergique et plus durable chez le nouveau-né que chez l'adulte. On objectera qu'il est difficile de concevoir qu'un liquide, dans lequel le fœtus est constam- ment plongé, puisse être un excitant pour ses nerfs de sensibilité; mais il faut remar- quer que c'est l'extrémité seule des voies respiratoires qui est immergée dans le liquide, et celui-ci pourra éveiller un réflexe, s'il pénètre un peu plus profondément, appelé par l'aspiration pulmonaire. Heinrigius a voulu vérifier cette théorie en recherchant quelle influence exerçait sur le fœtus récemment extrait du sac amniotique ou sur le nou- veau-né, l'immersion de la tête dans l'eau ou le passage ininterrompu d'un courant d'eau qui, pénétrant par une canule œsophagienne, ressortait par la bouche et le nez. On constate bien que, dans ces conditions, le nombre des respirations est diminué, mais il n'y a pas arrêt de la respiration. Il n'en est pas moins possible que le mécanisme d'arrêt, invoqué par Cohnstein et Zuntz, intervienne; mais il est évident qu'il n'est pas toujours efficace, puisque le fœtus peut respirer dans l'amnios intact. Il est vraisemblable aussi que, si certains fœtus asphyxient pour ainsi dire silencieusement sans réagir par des mouvements respira- toires, cela tient à ce que chez eux l'excitabilité du centre respiratoire est encore tom- bée plus bas que chez un fœtus normal, de sorte que les variations dans la composition du sang deviennent impuissantes à la mettre en jeu. La section des centres encéphaliques supérieurs (Heinricius, Z. B., 1889, xxvi, 186), la FŒTUS. 545 section el l'excitation des nerfs pneumogastriques agissent déjà sur le centre respira- toires dès le moment de la naissance et, en particulier, l'excitation du bout central du nerf peut provoquer un arrêt en expiration (Aroxsohx, A. P., 188o, 267). La difficulté ou l'impossibilité d'obtenir l'apnée chez le nouveau-né par des insufflations pulmonaires prolongées ne doit donc pas être attribuée à ce que l'influence inhibitoire des fibres centripètes du pneumogastrique n'est pas encore développée. Cette question appartient à la physiologie du nouveau-né : signalons cependant que, chez des fœtus à terme qui venaient d'être extraits de l'utérus, Heinricius n'a pas obtenu l'apnée en injectant par la veine ombilicale ou la veine jugulaire du sang saturé d'O; l'injection produit, au con- traire, de la dyspnée. L'activité des centres bulbaires voisins est-elle associée chez le fœtus à celle du centi- respiratoire? La question est surtout intéressante en ce qui concerne le centre de la déglutition. Le fœtus exécute, comme on sait, de fréquents mouvements de déglutition; chez l'adulte, ceux-ci s'accompagnent, par un mécanisme d'association iiitercentrale, de mouvements respiratoires. S'il en est de même chez le fœtus, la déglutition l'expose à aspirer le liquide amniotique. Mais il est possible, comme le pense Marckwald, que le centre respiratoire, en raison de sa faible excitabilité, ne réponde pas encore aux exci- tations du centre de la déglutition, ou bien, comme le suppose Steiner, la respiration dite de déglutition a vraiment lieu, mais est trop faible pour distendre le poumon. Il semble cependant plus vraisemblable que, chez le fœtus, ces associations intercentrales ne fonctionnent pas encore; du moins, E. Meyer a constaté [A. de P., 1893) que les réac- tions du centre respiratoire sur le centre modérateur du cœur, si puissantes chez le chien adulte, ne sont pas encore appréciables chez l'animal nouveau-né. L'activité du centre respiratoire résiste souvent à l'arrêt de la circulation. Heinricius a vu parfois, chez des fœtus qui venaient de naître ou qui étaient âgés de quelques heures et auxquels il avait enlevé les viscères thoraciques et abdominaux, la respira- tion continuer, à de rares intervalles, il est vrai, pendant une quinzaine ou une ving- taine de minutes. Asphyxie. — La suppression ou les troubles des échanges gazeux entre la mère et le fœtus amènent l'asphyxie du fœtus. Les premières manifestations de cet état, ce sont les respirations prématurées souvent accompagnées de mouvements généraux; puis la respiration s'arrête, tandis que le cœur continue à battre et que l'excitabilité réflexe per- siste pendant un temps plus ou moins long. ZwEiFEL [loc. cit.) avait trouvé que, si l'on asphyxie la mère par oblitération de la tra- chée, les phénomènes de l'asphyxie évoluent aussi rapidement chez le fœtus que chez l'adulte, et il en avait conclu à une consommation très active d'O pendant la vie intra- utérine. Mais Zu.NTZ (A. g. P., 1877, xiv, 605) a montré que les résultats obtenus parZwEiFEL pouvaient recevoir une autre explication. Quand le sang maternel s'est, par les progrès de l'asphyxie, appauvri en 0, c'est maintenant le sang fœtal qui lui en cède ; le courant gazeux change de direction, et on constate en effet que lesangde la veine ombilicale devient plus foncé que celui des artères. Si, pendant que la mère asphyxie, on laisse le fœtus respirer à l'air, la différence entre les deux ordres de vaisseaux se prononce encore davantage, le sang des artères devenant plus clair quand la respiration pulmonaire du fœtus a commencé. On peut s'assurer aussi, de la même façon, qu'un fragment de la paroi utérine réséqué avec le placenta, et qui n'est plus parcouru par le sang maternel, enlève au sang fœtal de notables proportions d'O. Ainsi, pendant l'asphyxie de la mère, ce n'est pas seulement le sang maternel qui soustrait de l'O au fœtus, mais aussi la paroi utérine elle-même, et d'autant plus qu'elle se contracte activement sous l'influence même de la veinosité du sang. On comprend donc que le fœtus asphyxie plus rapidement dans ces conditions, puisque la mère non seulement ne lui fournit plus d'O, mais lui en emprunte. C'est pour la même raison, d'après Butte {loc. cit.), qu'à la suite d'une hémorrhagie considérable chez la mère, le fœtus succombe avant la mère. Au contraire, l'oblitération des vais- seaux ombilicaux est beaucoup plus longtemps supportée par le fœtus que l'asphyxie de la mère bien qu'elle empêche, comme celle-ci, l'arrivée de l'oxygène; mais, par suite de la suppression des échanges placentaires, le fœtus est alors seul à consommer sa provision d'O, et la mère ne peut plus y contribuer. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 33 546 FŒTUS. C'est, d'ailleurs, un fait bien connu que des fœtus ont pu être extraits vivants un temps plus ou moins long après la mort de la mère. Preyer déclare cependant que, même dans les cas les plus favorables, le temps qui peut s'écouler depuis le dernier mouvement d'inspiration de la mère jusqu'au moment de la délivrance des fœtus à terme, sans que leur aptitude à vivre soit abolie, ne se compte que par minutes. Mais, dans l'expérience même qu'il rapporte, on voit que, huit minutes après la mort de la mère, empoisonnée par l'acide cyanhydrique, le fœtus exécutait encore des mouvements actifs; treize minutes après l'empoisonnement, on ouvrit labdomen, et on constata l'asphyxie de deux fœtus à terme, dont aucun ne put être rappelé' à la vie, mais dont cependant les cœurs battaient encore. D'autre part, Henricius, après avoir tué des lapines par ouverture des carotides et lavé leur système vasculaire avec une solution de Cl.Na, retira de l'ulérus, au bout de vingt à vingt-cinq minutes, des fœtus qui, après leur extraction, se mirent à respirer. La résistance à l'asphyxie des fœtus séparés de leurs mères a depuis longtemps frappé les observateurs. Haller a vu de jeunes chiens extraits de l'utérus remuer pendant plu- sieurs heures sans respirer : il a maintenu sous l'eau pendant une demi-heure un de ces animaux qui continua à vivre. Pruis'huber a réuni quelques observations d'oîi il résulte qu'un fœtus humain de 4 mois, né dans les membranes intactes, peut vivre encore trois quarts d'heure dans les eaux de l'amnios, ainsi qu'on le reconnaît à ses mouvements vigoureux et variés. Chez un fœtus de o mois 1/2, qui avait fait des mouvements pendant un quart d'heure, Tourdes a constaté qu'il n'existait aucune trace de respiration ÎTraité de Méd. Icg., 49, 1896). Zu.xtz a également rapporté l'observation d'un faHus de 4 mois chez qui il se produisit encore des mouvements vingt minutes après qu"il eût été expulsé, enveloppé de ses membranes : le cœur battait encore énergiquement au bout d'une heure. On a vu au chapitre de la physiologie du ca'ur fœtal de nombreux exemples de survie de cet organe. La résistance du nouveau-né à l'asphyxie n'est donc que la persistance d'une pro- priété de l'âge fœtal. A quoi est due cette propriété? Probablement en partie à ce que la consommation d'O est très faible chez le fœtus; mais elle doit tenir surtout à ce que les tissus du fœtus résistent à une privation même totale d'O. 11 y a donc lieu de se demander pourquoi l'asphyxie évolue dans certains cas si rapidement, que Preyer a pu écrire, en contradiction avec les faits précédents, que le fœlus ne survit pas cà une asphyxie passagère, même d'une durée très courte, de la mère; ce qui indique d'une façon péremptoire, ajoute-t-il, une grande dépendance de l'existence du fœtus à l'égard de la faible quantité d'O qu'il reçoit de la mère. Il est à remarquer que l'expérience citée par Preyer à l'appui de son assertion n'est pas très démonstrative, puisqu'elle comporte deux parties, l'une avec des résultats néga- tifs, l'autre avec des résultats positifs, peut-être discutables. [Èdit. franc., I37.j Néanmoins il semble bien que, dans certains cas où le fœtus asphyxie en même temps ({ue la mère, il meurt assez rapidement. On trouvera sans doute que les expériences de ZuNTz dont il a été question plus haut nous donnent la clef des faits de ce genre. L'expli- cation n'est cependant pas tout à fait satisfaisante. Puisque le fœlus paraît pouvoir vivre pendant quelque temps sans 0, on ne voit pas pourquoi il succomberait à une asphyxie « d'une durée très courte de la mère )>, lorsque celle-ci lui emprunte une partie de son 0. La résistance moindre du fœtus dans ces conditions tient peut-être non pas tant à la soustraction de ce gaz qu'à sa soustraction trop rapide. Je m'explique : quand le fœtus est seul à dépenser sa provision d'O, ses tissus sont mieux préparés, par suite de l'appauvrissement graduel, à supporter ensuite une privation totale d'O. Cl. Bernard n'a-t-il pas montré par une expérience bien connue que, même chez l'adulte, lorsque la viciation du milieu est lenle et progressive, l'organisme acquiert une certaine tolérance? Si, au contraire, la continuation des échanges gazeux au niveau du placenta prive rapidement le fœtus de son oxygène, cette accoutumance n'a pas le temps de se faire. Il est vrai que Charpentier et Butte (iVoi. 5 mois 445 54.26 3,881 8,670 2,637 0,113 2,862 1,072 5 mois 448 59,44 6,228 11,133 3,542 0,141 3,773 » 6 mois 672 100,62 11,048 16,884 5,713 0,221 5,398 » 7 mois 1024 156,30 16,005 25,476 8,233 0,313 8,077 2,966 A terme 3 333 1028,35 72,700 112.489 46,563 1,351 42.768 6.431 Michel trouve, d'accord avec Fehll\g, que le fœtus est d'autant plus riche en eau qu'il est moins âgé (94 p. 100 d'eau environ vers le milieu du 3"-' mois, et 69 p. 100 chez le nouveau-né). Les tableaux de Fehling montrent que, si l'augmentation absolue du poids du fœtus augmente avec l'âge, cependant la croissance rapportée h l'unité de poids est la plus forte au 4*= mois, époque à laquelle le fœtus augmente tous les jours de 0,178 pour 1 gramme de son poids; puis la ci^oissance relative diminue, de sorte que dans le 10'= mois (lunaire) il n'y a plus pour 1 gramme qu'une augmentation de 0,015 gramme par jour. On voit par les chiffres de Michel que la quantité d'azote fixée par le fœtus pendant les 2 ou 3 derniers mois est relativement énorme, soit trois fois et demie environ la quantité fixée pendant les 1 premiers mois. La quantité d'azote rapportée à 100 grammes FŒTUS. 361 de fœtus sec varie peu, elle décroit de 12 à 9 p. 100 environ, du commencement à la fin de la grossesse. Au 3'= mois, le fœtus, d'après Fehling, contient environ 5 p. 100 de son poids de matières protéiques, le nouveau-né à terme 11,8 p. 100, chiffre qui concorde bien avec celui de Camerer et Soldner. L'assimilation quotidienne d'albumine augmente, cela va sans dire, en valeur absolue jusqu'au moment de la naissance, puisque au 4" mois elle •est par exemple, de 0,174 gramme et au 10« mois de 4,79. Mais, rapportée à 1 gramme du poids du corps, elle est au 4« mois de 0,0087, au 10° mois de 0,0022, par consé- quent quatre fois moindre. En ce qui concerne la graisse, il n'en n'est plus de même. Fehling constate d'abord que vers la lin du cinquième mois il n'y a encore en valeur absolue qu'un gramme de graisse; à partir de ce moment se produit une augmentation rapide des matières grasses; mais de plus l'assimilation quotidienne, rapportée à 1 gr. du poids du corps augmente constamment, de sorte qu'elle est au cinquième mois de 0,0009 et au dixième mois de 0,0022. (On trouvera les tableaux de Feuling dans l'article Fœtus du Dict. enc.) Mais ce qui ressort plus particulièrement de ces données, c'est que c'est en somme pendant les deux derniers mois de la gestation que l'organisme fœtal fixe, élabore et constitue les deux tiers de sa masse totale, qu'il s'agisse des matières organiques ou, comme l'ont démontré Hugounenq, puis Michel, des sels minéraux. Voici le résultat des analyses des cendres de fœtus, dont deux à terme, dues à Hugounenq. AGE DU FŒTUS. SEXE. POIDS DU FŒTUS. POIDS DES CENDRES. 4 mois et demi 5 mois. Féminin. Id. 1(1. Id. Id. Id. Masculin. Id. kilogrammes. 0,522 0,570 0,800 1,113 1,285 1,1165 2,720 3,300 grammes. 14,0024 18,7154 18,3572 28,0743 32,9786 30,7705 96,7556 106,163(1 5 mois. ... 5 mois à 3 mois et demi. 5 mois et demi A terme. ... D'où l'on peut déduire : l" Que la fixation des éléments minéraux par l'embryon, peu marquée au début, devient très active à la fin; 2° qu'au cours des trois derniers mois le poids global des sels fixés par le fœtus est environ deux fois plus considérable que pendant les six premiers mois de la gestation; 3" qu'au moment de la naissance l'enfant de poids normal a soustrait à l'organisme maternel 100 gr. environ de sels minéraux. Hugounenq a également déterminé chez 7 fœtus la statique d'ensemble de tous les éléments minéraux de l'organisme depuis le quatrième mois de la gestation jusqu'au terme de la grossesse, en rapportant les résultats des analyses soit à 100 gr. de cendres, soit à 1 kilog. de poids vif; un troisième tableau donne les proportions de chacun des éléments minéraux pour l'organisme total des fœtus incinérés. Renvoyant pour ces tableaux aux mémoires originaux, nous nous bornerons à reproduire les principales conclusions qu'en a tirées l'auteur. Si toutes les substances minérales augmentent au cours du développement, la fixation a cependant lieu électivement : l'accroissement est surtout marqué pour la chaux et l'acide phosphorique. Il n'y a pas fixation parallèle de l'acide et de la base dans les proportions exigées par la formule (PO''^)-Ca-^ ; l'organisme ne fixe pas directement le phosphate de chaux tout formé; il paraît d'abord assimiler du phosphore organique sans doute sous forme de nucléine et de lécilhine. Il emprunte à ces composés de l'acide phosphorique, qu'ultérieurement, vers la fin de la grossesse, et surtout après la naissance il neutralisera par de la chaux peut-être assimilée, elle aussi, à l'état de substance orga- nique. Si l'on suppose toute la chaux à l'état de phosphate tricalcique, il reste pendant DICT. DE PHYSTOLOGIE. — TOME VI. 36 562 FŒTUS. tout le cours de la grossesse un excédent d'acide phosphorïque non saturé par la chaux et probablement à l'état organique. La teneur des cendres en potasse et en soude fournit également quelques compa- raisons intéressantes. C'est d'abord la prédominance de la soude dont la proportion continue à s'élever au cours du développement de l'embryon, mais moins rapidement que la teneur en potasse. Vers le milieu de la gestation on trouve plus de 2 molé- cules de soude pour 1 de potasse : à la fln la proportion devient 1, 2 molécule de soude pour 1 de potasse, rapport presque équimoléculaire. Comme les variations du chlore sont à peu près parallèles à celles de la soude, on peut en conclure que l'organisme assi- mile d'abord des sels de soude, puis à la fin des sels potassiques de préférence. La prédominance de la soude tient à l'abondance relative du tissu cartilagineux chez le fœtus, le cartilage étant très riche en chlorure de sodium. C'est surtout au début et dans la période moyenne de la grossesse que le fœtus assimile du sel pour édifier ses cartilages. Au contraire, la potasse prédominant dans le globule roiige et le muscle strié augmente vers la fin de la vie intrà-utérine : sa proportion est en rapport avec le degré du développement. Si maintenant l'on envisage l'ensemble de la statique minérale du fœtus pendant les six derniers mois de la vie embryonnaire, on constate d'abord que, si l'on fait abstrac- tion des bases alcalines, de l'acide phosphorique et de la chaux, dont les variations sont dues à la genèse des globules rouges et à la formation du tissu osseux, la composition centésimale des cendres varie peu. Vers la fin, le poids total des cendres augmente beaucoup; mais, sauf les particularités signalées plus haut, les rapports des éléments entre eux ne subissent pas de grandes modifications. Quant à l'alimentation minérale, la cellule de l'embryon de 4 mois a donc les mêmes exigences que la cellule du nouveau-né. Au cours de l'évolution embryonnaire le nombre des cellules augmente ; mais la composition du squelette minéral ne change pas, sauf pour les sels nécessaires à l'édification de deux tissus spéciaux, le sang et l'os. Une autre question se pose, celle du rapport entre la composition minérale de l'or- ganisme global et la composition des cendres du lait. Bunge a montré que pour un certain nombre d'espèces (chat, chien, lapin) il y a parallélisme entre la composition minérale de l'organisme et celle du lait maternel, tandis que ce parallélisme ne se mani- feste à aucun degré entre les sels du plasma sanguin et ceux du lait. La cellule épithé- liale de la glande mammaire, a écrit Bhnge, prélève sur les sels minéraux du plasma toutes les substances inorganiques exactement dans la proportion où elles sont néces- saires au nourrisson pour se développer et conslituer l'organisme de ses ascendants. Chez Thomme, comme le montre Hugounenq, il n'en est pas de même; il n'y a aucun rapport dans la composition quantitative entre les cendres du nouveau-né et celles du lait de la femme. La loi de Bunge, vraie chez les petits mammifères, ne s'applique pas à l'homme. Sold.\er confirme sur ce point l'opinion de Hugounenq (Z. .B., 1902, xliv, 61). Nous ne nous sommes pas encore occupé jusqu'à présent d'uue question importante, celle de la richesse en fer de l'organisme fœtal. Hugounenq a trouvé : Age du fœtus. Fe-O-'î. gr- 4 mois à 4 mois et demi. . . . 0,060 4 mois et demi à 5 mois. . . . 0,061 3 mois à 5 mois et demi. . . . 0,073 6 mois 0,119 6 mois et demi 0,126 A terme 0,383 A terme 0,421 Ici encore apparaît l'intensité de l'assimilation pendant les trois derniers mois : néanmoins, comme la même loi règle la fixation des autres éléments minéraux, le rapport du fer à l'ensemble des cendres reste à peu près constant pendant la gestation. La quan- tité de fer contenue dans l'organisme global du nouveau-né est de Os^SSH à 0S'-,424, en moyenne 0S'",40 Fe-0\ ce qui correspond à 0^''',28 de fer métallique. La quantité de fer de l'économie est plus faible qu'on ne le croyait autrefois : la soustraction de fer subie par l'organisme maternel au bénéfice de l'embryon ne dépasse guère 0s'',.3O de métal et FŒTUS. 563 par conséquent répond à un peu moins de 100 grammes d'hémoglobine humaine, soit à 800 grammes environ de sang maternel. Il est intéressant de savoir comment ce fer est réparti. Combien fait partie intégrante du sang, combien, des autres tissus ? D'après Bunge, en effet, le jeune animal doit posséder à sa naissance la réserve de fer nécessaire aux premières phases de son développement; sa nourriture exclusive au début de la vie extra-utérine, le lait, ne lui fournissant que des quantités insuffisantes de ce métal. Ainsi, chez le lapin nouveau-né, Buxge a trouvé 18,2 milligrammes de fer pour 100 grammes du poids du corps et 3,2 milligrammes seulement chez un animal âgé de 24 jours. On a vu ensuite que les réserves de fer se constituent dans le foie. Mais il semble qu'il y ait sous ce rapport une distinction à faire entre les espèces animales. Dans le foie des chiens nouveau-nés, Zalesky a établi que la proportion de fer dans le foie est de 4 à 9 fois supérieure à celle de l'animal adulte; de môme Buxge. Lapicque (B. B., 1889, et 1895, 39; Th. Faculté des Se. de Paris, 1897) a observé également que chez le chien et le lapin nouveau-nés il y a dans le tissu hépatique une très forte proportion de fer qui diminue très rapidement à partir de la naissance. Chez les chiens, il peut y avoir des écarts très considérables pour des fœtus de la même portée; chez le lapin le phénomène est à la fois beaucoup plus marqué et plus régulier. Dans les analyses de Tedeschi (/. de PhysioL, 1899, xxix) le minimum de fer trouvé chez les fœtus de lapin a été de 0,ol p. 1 000; le maximum 0,94; la moyeime 0,64 ; c'est-à-dire à peu près 10 fois supérieure à la teneur en fer du foie des lapins adultes. Krûger a obtenu des résultats semblables chez des fuHus de vache dont le foie s'est montré 10 fois plus riche en fer que celui de l'adulte {anal, in C. P., 1891, 283) ; la teneur en fer n'est pas d'ailleurs la même aux dif- férentes périodes de la gestation : elle diminue en général vers la fm de la première moitié de la vie fœtale, augmente de nouveau pendant la deuxième moitié pour tomber rapidement pendant le dernier mois. Voici la moyenne des déterminations de Kruger pour les fœtus d'âge différent : Fœtus loun; : de 20 ;ï 30 cent. . 1 de 30 à 40 1 40 à 30 1 50 à 60 1 60 à 70 1 70 à 80 1 80 à 100 Pour 100 dupoids sec :08%3:i86.| 0s'-,2l43 | 0sM4O2 | 06%1814 | 0s'-,2960 | 0s%3092 | Os%180!) Le foïtus humain apporte-t-il aussi en naissant une provision de fer pour subvenir à 'édification de ses tissus et pour parer à l'insuffissnce de ce métal dans le lait maternel? Hugou.xenq penche vers cette opinion ; d'après un calcul fondé sur des données qu'il con- sidère d'ailleurs lui-même comme hypothétiques, il estime qu'à la naissance 30 à 60 p. 100 du fer total sont à l'état d'hémoglobine, le reste entrant dans la composition des tissus ou liquides qui contiennent beaucoup moins de fer que le sang; il s'ensuivrait que la majeure partie du fer non hématique serait non pas à l'état d'élément constitutif des tissus, mais sous forme de réserve déposée dans tel ou tel organe (foie, rate). Cependant d'après les déterminations de Lapicque et'de Guillemonat {B. J5.,' 1897, 32), l'homme paraît rentrer dans la catégorie des animaux dont le foie ne contient pas de réserve de fer à la naissance. La moyenne étant chez l'homme adulte de 0,23 gr. p. 1 000 de tissu frais, Lapicque a trouvé chez un fœtus masculin mort pendant l'accouchement 0,17 gr., alors que cependant Zalesky avait obtenu antérieurement chez un nouveau-né 0,30 S''. D'autre part KrIiger et Le\z donnent pour le fer hépatique de l'adulte 0,0o5 p. 100 et pour celui du nouveau-né 0,314 p.lOO(Z. B., 1895, xxxi,392 et 400). Les recherches de (iuiLLEMOXAT outportésur 20 sujets comprenant 8 fœtus à terme, 4 autres de 8 mois à 8 mois et demi, et 8 compris entre 4 mois et demi et 8 mois. Sur 8 fœtus à terme, la moyenne des teneurs du foie en fer étant de 0,26 p. 1000, soit, 0,2o pour les o garçons et 0,27 pour les 3 filles, la moyenne de ces 8 sujets était donc voisine de celle de l'homme adulte (0,23). Il est à remarquer qu'on ne trouve pas encore à la naissance la différence sexuelle que Guillemonat et Lapicque ont observée chez l'adulte, au détriment de la femme : le chiffre 0,27 est, en effet, le triple de celui des femmes adultes (30,09). Les 4 sujets ayant entre 8 mois et 8 mois et demi donnèrent aussi une mo3'enne de 0,27. Les 8 sujets restants présen- taient des variations très grandes ; en définitive la proportion de fer dans le foie du fœtus humain n'a aucun rapport avec le développement de l'embryon, et elle est tout à fait irréKulière. 564 • FŒTUS. Chiodera (Virchow et Hirsch's, J. B., 1891, i) a déterminé chez des fœtus et des nou- veau-nés la teneur du foie en ferratine (nucléine ferrugineuse) et sa richesse en fer. Sur 5 fœtus il ne trouva cette substance qu'une fois, dans la proportion de 0,12 p. 100 du poids du foie, et elle contenait 1,43 p. 100 de fer. Chez des nouveau-nés qui avaient vécu quelques jours il la trouva constamment, mais en moindre quantité que chez l'adulte, et en même temps elle était moins riche en fer (2 p. 100 au lieu de 5 à 6 p. 100). D'après Westphalen, le fer serait déposé non pas dans la cellule du foie fœtal, mais bien dans le tissu conjonctif et dans la pai'oi des vaisseaux : ce qui paraît peu vraisem- blable. Le foie contiendrait déjà beaucoup de fer au moment où la rate n'en contient pas encore. Dans 3 cas, Westphalen a trouvé un riche dépôt de fer dans l'épithélium des canalicules contournés du rein, en même temps que dans la rate. 11 s'agirait proba- blement d'un état pathologique dans lequel, l'hémoglobine étant détruite en grande quantité, le rein tend à débarrasser le sang de l'excès de fer qu'il contient {Arch. f. Gynxk,, 1897, b3, xxxi). Lapicque a montré encore que, contrairement au foie, la rate est, chez le lapin et chez le chien, pauvre en fer au moment de lanaissance.il en est de même chez lesfœtus de vache (Kruger) et chez le fœtus humain. Guillemonat a trouvé que chez les 8 fœtus à terme la moyenne était de 0,16 (0,18 pour les 5 garçons — 0,14 pour les 3 filles), alors que chez l'adulte, elle est de 0,32 pour l'homme et 0,23 pour la femme. Les 4 sujets sui- vants de 8 mois à 8 mois et demi donnèrent comme moyenne pour la rate 0.18. Kruger et Lensz ont étudié les proportions de calcium, de soufre, et de phosphore dans les cellules hépatiques aux divers âges de la vie chez les bovidés. Pendant la vie fœtale il y a deux maxima pour la teneur du foie en calcium. Le premier correspond au cinquième, le deuxième au dixième mois de la gestation; à ces époques les cellules hépatiques contiennent environ 4o p. 100 de calcium en plus que celles de l'animal adulte. Pendant la vie intra-utérine il y a une sorte de balancement entre la richesse en fer etla richesse en calcium, de telle sorte qu'à une augmentation de la teneur en Ca correspond une diminution de la teneur en Fe, et inversement. On pourrait supposer que tous les organes de l'embryon ne se développent pas ensemble avec la même régularité, de sorte qu'une accumulation de fer aurait lieu dans les cellules hépatiques quand le déve- loppement du système osseux prédomine, et avec lui la consommation de calcium, tandis qu'inversement, par suite des progrès de l'hématopoïèse et d'un arrêt relatif dans la formation du tissu osseux, le fer serait consommé en quantité plus grande, et le calcium se déposerait dans le foie. La richesse du foie en phosphore est plus grande chez le fœtus que chez l'animal adulte, et elle reste à peu près la même pendant toute la durée de la vie intra-utérine; immédiatement après la naissance elle diminue. La teneur en soufre est approximati- vement la même aux divers âges de la vie. Chez l'homme, Kruger et Lenz ont trouvé pour le foie du nouveau-né 3,56 p. 100 de soufre, et 1,54 de phosphore, tandis que chez l'adulte les quantités respectives sont 2,38 et 1,28 p. 180 ; donc, comme chez l'animal, le phosphore est en plus forte proportion que chez l'adulte. Mais, tandis que la quantité de soufre est la même chez les ruminants à toutes les périodes de la vie, elle est chez l'homme plus élevée à la naissance qu'à l'âge adulte. Chez les fœtus de bovidés, la richessse de la rate en soufre est supérieure à celle du foie d'environ 10 p. 100; mais après la naissance elle est à peu près égale de part et d'autre, par suite d'une diminution du soufre dans les cellules de la rate. La richesse en phosphore du même organe est la plus grande chez les fœtus de 30 à 60 centim. de long, et elle diminue ensuite progressivement jusqu'à la naissance : au moment où elle atteint son maximum, elle dépasse d'environ 39 p, 100 celle du foie, lui devient à peu près égale chez les fœtus de 80 à 90 centimètres de long, puis inférieure de 16 p. 100 environ chez les fœtus de 90 à 100 centimètres. 2° Nutrition de l'œuf avant la formation du placenta. — Quand on traite de la nutrition du fœtus des mammifères, on n'envisage en général que celle qui se fait par l'intermédiaire du placenta. Mais il y a lieu de se demander aussi où l'œuf et l'embryon trouvent leur nourriture avant l'établissement de la circulation placentaire. D'abord, l'ovule emporte avec lui un ensemble de granulations graisseuses et albu- FŒTUS. 565 minoïdes qui représentent une réserve nuti^itive, destinée à être utilisée dans les pre- mières phases de la segmentation. Van Beneden a donné à cette réserve le nom de deii- toplasma. Le protoplasma proprement dit et le deutoplasma peuvent être mélangés uniformément à l'intérieur du vitellus. Habituellement, les grains deutoplasmiques sont accumulés dans la zone marginale, comme chez la brebis, soit au contraire dans la zone centrale au pourtour du noyau, comme cela se voit, d'après Nagel, chez la femme (Tourbeux, loc. cit., 2o). La zone pellucide sert aussi probablement d'aliment à l'œuf; elle renferme, en effet, des éléments cellulaires en dégénérescence (cellules du follicule de Graaf), et d'un autre côté elle diminue d'épaisseur, au fur et à mesure que l'œuf descend dans l'oviducte. Un deuxième aliment serait constitué par une couche de substances albuminoïdes qui vient ensuite envelopper l'œuf. C'est ce que Hensen avait appelé le prochorion. Cette couche, très épaisse dans l'œuf des monotrèmes et, à un degré moindre, dans celui des marsupiaux, a été retrouvée chez plusieurs placentaires et en particulier chez le lapin, le chien, le chat : elle ne l'a pas été chez d'autres, tels que le porc, le mouton, la chauve- souris. Ch. Bonnet (1897) l'a de nouveau étudiée chez le chat et chez le chien. Il a montré qu'elle provient d'une sécrétion des glandes utérines. Cette couche d'albumine est couverte de touffes villeuses, qu'on pourrait prendre a priori pour les villosités du chorion; en réalité ce sont les moules des conduits excréteurs des glandes utérines, formés sous l'influence des réactifs par la coagulation du produit de sécrétion. Jenkinsox trouve chez les souris une sécrétion semblable, qui contient des substances grasses et probablement aussi des matières protéiques. Tout au début, chaque blaslomère se nourrit par lui-même. Lorsque l'œuf est devenu un blastocyste, ce sont les cellules les plus superficielles de la vésicule qui puisent dans le milieu extérieur. On peut considérer l'ensemble de ces cellules péri- phériques comme formant un premier organe de nutrition, d'ofi le nom de tropho- blaste, que leur a donné Hubrecht. Jenkinson a vu chez les souris que les cellules du trophoblaste ingèrent par phagocytose, dissolvent ensuite par digestion intra-cellulaire, de la graisse, des débris de cellules et des corpuscules sanguins. lia vu également quel- ques-unes de ces cellules grossir énormément et se creuser de lacunes dans lesquelles vient circuler le sang maternel; les grandes cellules renfermeraient également du fer. Dans une troisième période les villosités du chorion se forment, se vascularisent et s'im- plantent dans la muqueuse utérine, y puisent des matériaux de nutrition. Paladino (A. i.B., 1890, xHi, 59 ; ibid., 1901, xxxv, 406) a bien insisté sur le rôle nutritif de la caduque qui, dit-il, a une bien plus haute signification que celle de servir d'enveloppe protectrice à l'embryon; elle doit suppléer dès le principe au manque de vitellus nutritif dans l'œuf des mammifères. On comprend, en effet, que les villosités choriales puissent absorber direc- tement les liquides qui transsudent des vaisseaux de la muqueuse utérine. Mais il semble que le phénomène soit plus complexe, et que la muqueuse élabore, à son contact avec le chorion, un liquide d'une nature particulière. Paladino, qui a étudié récemment le mode d'union de la caduque et des villosités choriales sur un embryon humain de quatre semaines environ, a donné du contenu des espaces intervilleux la description suivante : il se présente, dit-il, sous l'aspect de masses granuleuses et réticulées ren- fermant des leucocytes mononucléaires et polynucléaires en abondance, quelques héma- ties nucléées (normoblastes) ; des éléments épithéliaux provenant des glandes utérines en dégénérescence, des globules jaunes de différentes dimensions, et enfin des cellules plurinucléaires. (C. B. du XIII'^ Contjrès internat, de méd. Sect. d'Hintol., 1900, 87.) Il s'agit là, en somme, d'une néoformation déciduale, qui jouerait le rôle d'une glande diffuse où viendraient puiser les villosités choriales. Paladino insiste sur ce point, qu'il ne faut pas confondre le liquide qu'il a décrit avec ce qu'on appelle le lait utérin ; on ne peut cependant s'empêcher de remarquer qu'il y a entre l'un et l'autre d'assez grandes analogies. Nous aurons à revenir sur la nature et le rôle du lait utérin que l'on a rencontré aux diverses périodes de la gesta- tion. Mais c'est ici le lieu de faire observer, avec Prenant {Elém. d'EmbryoL, 1891, i, 402), que ce mode particulier de nutrition aux dépens d'une sécrétion lactéiforme de l'utérus ne s'exerce surtout que pendant les premiers stades de la vie embryonnaire. De l'aveu même de Bonnet, qui s'est occupé particulièrement de cette question, il faut pour étu- 56€ FŒTUS. dier,le lait utérin, s'adresser à des stades jeunes du développement. Cependant, comme il existe encore quand le placenta est formé et même, d'après quelques-uns, jusqu'à la fin de la gestation, une étude plus complète de ce liquide trouvera mieux sa place plus loin. Le contenu de la vésicule ombilicale est aussi utilisé pour la nutrition dans la période préplacentaire du développement : elle ne renferme toutefois, sauf chez les Mouo- trèmes, dont l'œuf est méroblastique, qu'un peu de liquide albumineux : ce liquide peut parvenir au fœtus, soit directement par l'orifice de communication qui réunit la cavité de la vésicule ombilicale à celle de l'intestin, soit, ce qui est plus probable, par l'intermé- e, oreiUe. déchiré. — — Embryon humain de 25 k 28 jours, grossi environ six fois (Coste), h, cœur. — o, canal de Cuvier. — l, foie. — w, corps de Wolff. — !/, vésicule ombilicale. chorion villeux. — m, allantoïde. diaire des veines-omphalo-mésentériques. Rauber a décrit, dans le contenu du sac vitellin d'un embryon de lapin, des formations semblables à celles qui existent dans le jaune d'œuf de la poule, c'est-à-dire des globules volumineux plus ou moins finement granuleux, sans noyaux et amassés au voisinage immédiat de l'épithélium de la vésicule ombili- cale. Quant à la provenance des matériaux contenus dans le sac vitellin à mesure qu'il s'accroît, les éléments en sont évidemment empruntés à la mère. La vésicule omblicale se réduit peu à peu chez les mammifères et au bout d'un temps plus ou moins long s'atrophie complètement. Mais il y a, cet égard, de grandes différences chez les divers mammifères. Il en est, en effet, comme les marsupiaux, chez lesquels la vésicule conserve jusqu'à la naissance une importance considérable. Ailleurs, comme chez les rongeurs, elle s'accroît, puis décroît lentement. D'autres fois enfin (ruminants), elle augmente très rapidement de volume pour s'atrophier ensuite tout aussi rapidement (Prenant) (fig. 82). Sur l'œuf humain elle atteint son plus grand développement à la fin du deuxième mois et mesure alors un diamètre de 6 à 10 millimètres avec un canal vitellin long de 2o mil- FŒTUS. 567 limètres. Elle diminue ensuite de volume, mais ses vestiges persistent jusqu'au moment de la naissance. Le canal vitellin s'oblitère du trente cinquième au quarantième jour; l'artère et la veine omphalo-mésentériques persistent plus longtemps que le canal (TouRNEUx). Cependant, d'après les données recueillies par Preyer, on trouve encore à la vésicule au quatrième et cinquième mois un diamètre de 7 à 11 millimètres. L'épithélium du sac vitellin présente de nombreuses excavations signalées par Tour- NEUX, et que Graf Spee assimile à de véritables glandes dont le produit de sécrétion se déverserait dans la cavité ombilicale par un orifice plus ou moins rétréci. Le caractère glandulaire de la vésicule est surtout marqué, d'après Graf Spee, vers la fin de la troi- sième semaine chez l'embryon humain, et il est tel qu'on pourrait considéi^er le tissu dont elle est formée comme l'homologue du tissu hépatique futur. Sa situation par rap- port au point de pénétration du sang dans le corps de l'embryon, la présence dans son épaisseur de cellules géantes renfermant des corpuscules analogues aux hématies nu- cléées de l'embryon, sa régression quand le foie se développe, justifieraient cette homo- logie {Amt. Anzeiger, 1896, 76). Mais, en définitive, la vésicule ombilicale n'a qu'une importance secondaire pour la nutrition. C'est un organe qui rappelle l'origine sauropsidienne de l'œuf des mammi- fères. Celui-ci perd son vitellus; car il peut se suffire à lui-même, dès qu'il a commencé à se développer dans l'utérus. Trouvant alors dans les substances sécrétées par les parois utérines et tirées du sang maternel une source nouvelle et inépuisable de maté- riaux nutritifs, l'embryon n'a plus besoin de l'appoint vitellin. Mais les enveloppes qui avaient pris naissance sous l'influence du contenu vitellin primitif se sont conservées en s'adaptant à la nutrition utérine et en se modifiant en conséque/ice. 3° La nutrition du foetus après la formation du placenta. — a. Les surfaces d'échange. On peut détinir le placenta un organe extra-embryonnaire qui sert aux échanges nutritifs entre la mère et le fœtus. Le parasitisme profond de l'embryon sur la mère se caractérise bien par la formation de cet organe nourricier et fixateur. Houssaye {La forme et la vie, 1900, 701) a présenté à ce sujet des considérations intéressantes *. D'après les recherches récentes, dit cet auteur, en particulier celles de Hubrecht, de Mathias DuvAL, de Sedgwick Minot, « on peut concevoir un placenta tout simplement comme une approche des tissus embryonnaires et maternels qui par leurs surfaces l'une et l'autre gaufrées contractent une adhérence capable de se dégager sans rupture et donnent lieu seulement à des échanges osmotiques : ce sont les placentas indécidus; soit comme une prolifération de certaines régions embryonnaires qui attaquent la paroi utérine mater- nelle, la digèrent, la rongent et la creusent d'anfractuosités profondes pour s'y insinuer, et constituer avec elle en quelque manière une continuité de tissu aussi complète que cela peut avoir lieu dans une cicatrice ou mieux dans une greffe, l'adhérence ne prenant fin que par une rupture : ce sont les placentas décidus ». Les placentas décidus zonaires (carnivores, proboscidiens, etc.) ou discoïdes (rongeurs, chéiroptères, insectivores, primates) sont ceux qui fixent le plus solidement l'embryon à la mère, et la façon dont ils se développent montre à un haut degré le caractère para- sitaire de cette fixation. Si l'on prend comme type le développement du placenta chez le lapin, on peut y distinguer, avec Mathias Duval, trois périodes. Dans une première période, il y a formation de ce qu'on a appelé l'ectoplacenta, dérivé de l'ectoderme ovu laire. Dans la région où le premier chorion (chorion amniogène ou séreuse de Von Baer) touche l'utérus, sa paroi présente la structure suivante : une couche cellulair profonde extérieurement doublée par une couche plasmodiale (symplaste placentaire de Laulanié), syncytium ecto-placentaire d'HENRiciusj, dans laquelle les contours cellu laires sont indistincts. Le protoplasma de cette plasmodie attaque à la façon des phago- cytes les cellules de la muqueuse utérine. Sous l'influence de cette irritation, celle-ci prolifère, se boursoufle et prend l'aspect mamelonné : on appelle cette zone le cotylé- don maternel. Au niveau d'elle, le chorion de la muqueuse s'est notablement épaissi, et les vaisseaux sanguins se sont dilatés en sinus dont les parois se trouvent renforcées par plusieurs assises de cellules globuleuses. Mais la couche plasmodiale attaque et digère l'épithélium utérin, qu'elle détruit et 1. Voir aussi à ce sujet un exposé instructif dans Laulanié, Élém. de Phijsiol., ii, 1902, 568 FŒTUS. remplace en proliférant. Elle arrive ainsi jusqu'à englober les capillaires maternels dont l'épithélium finit lui-même par disparaître et dont le sang circule alors dans des lacunes que M. Duval a appelées espaces sangui-maternels, limités directement par l'ectoplacenta, c'est-à-dire que le sang de la mère coule dans la substance même de l'embryon. Telle est la formation de l'ectoplacenta. Dans une deuxième période, quand l'allantoïde s'est développée et s'est étalée contre la face profonde du premier chorion qu'elle transforme en chorion vasculaire, celui-ci bourgeonne en dehors et se soulève en lames vasculaires qui cloisonnent la masse ecto- placentaire; de sorte que le plasniode se trouve maintenant pénétré par deux sortes de cavités, d'une part les lacunes sangui-maternelles et, d'autre part, les capillaires de l'embryon, ayant conservé leur tunique endothéliale. Enfin, dans une troisième période, la paroi plasmodiale, qui sépare le sang maternel du sang fœtal, se résorbe plus ou moins complètement, de sorte que les capillaires fœtaux, sur la plus grande étendue de leur surface, sont directement en contact avec le sang maternel dans lequel ils baignent à nu. La nature et la disposition des tissus qui séparent le sang maternel et le sang fœtal sont d'ailleurs absolument différentes dans le placenta de tel animal, compara- tivement au placenta de tel autre; elles peuvent même être différentes, comme on vient de voir, pour un même animal, suivant qu'il s'agit de la première ou de la deuxième moitié de la gestation. La description qui précède s'applique au groupe des rongeurs. On peut, avec Mathias Duval {Placenta des rongeurs, 617), la résumer en quelques traits caractéristiques. Dans la première moitié de la gestation, le sang maternel remplit des lacunes creusées dans une vaste formation ectodermique d'origine fœtale. C'est la formation ectoplacentaire, sorte d'épongé dans les mailles de laquelle circule le sang maternel, éponge qui est bientôt pénétrée par les capillaires fœtaux, et, lorsque cette pénétration est complète, les dispositions sont telles que le sang- fœtal est séparé du sang maternel seulement par deux barrières, la barrière du capil- laire fœlal et une couche ectodermique. Mais, à la fin de la gestation, les éléments ecto- dermiques s'atrophient, sont résorbés, et ils ne persistent plus qu'à l'état de noyaux qui forment une couche discontinue. Il n'y a donc plus alors entre les deux sangs qu'une seule couche de séparation représentée par la simple et mince paroi endothéliale des capillaires fœtaux. Le schéma du placenta des rongeurs à la fin de la gestation, c'est un chevelu de capillaires plongeant librement dans un liquide. Chez les pachydermes et les ruminants, le sang fœtal est contenu dans des capillaires ; le sang maternel l'est également. Entre les deux systèmes est disposée une double couche épilhéliale, à savoir l'ectoderme fœtal et l'épithélium utérin. Ces dispositions persistent jusqu'à la fin de la gestation. Donc, chez ces animaux, il y a toujours entre le sang maternel et le sang fœtal une quadruple barrière, à savoir les deux couches des parois capillaires et les deux couches épithéliales. Plus tard, M. Duval a montré que sur le placenta des carnassiers l'envahissement du chorion et l'englobenient des capillaires maternels par la couche plasmodiale de l'ecto- placenta s'opèrent sensiblement de la même façon que chez les rongeurs. La seule dif- férence observée, c'est que les vaisseaux maternels conservent leur revêtement épithélial. Il reste à examiner les dispositions du placenta humain ; deux tissus d'origine diffé- rente concourent à sa formation; l'un, de provenance maternelle, la sérotine, constitue le placenta maternel ou utérin; l'autre, de provenance fœtale, la membrane choriale avec ses prolongements villeux, représente le placenta fœtal. Il faut noter d'abord que le chorion fœtal est revêtu, à sa surface, d'un épithélium divisé en deux couches; une, pro- fonde, où les éléments cellulaires sont nettement délimités ; l'autre, superficielle où les cellules sont fusionnées en une masse homogène parsemée de noyaux (couche plasmo- diale). Au niveau de la sérotine, ces deux couches de la membrane choriale se compor- tent de la façon suivante. La couche cellulaire profonde s'épaissit irrégulièrement et constitue par place des amas cellulaires qui font saillie dans les lacs sanguins mater- nels : la couche plasmodiale se modifie profondément de son côté, et se transforme en une substance jaunâtre réfringente, creusée de canalicules anastomosés et montrant çà et là des éléments cellulaires. Cette substance, comparée par Koellirer à du tissu osseux mou, est connue depuis Langhans sous le nom de fibrine canalisée. FŒTUS. 569 La structure de la membrane choriale se retrouve dans les villosités placentaires, pro- longements qui s'engagent et plongent dans les lacs sanguins maternels, en partie pour s'y terminer librement, en partie pour se souder au tissu du placenta maternel. Cha- cune de ces villosités est formée d'un axe conjonctif allantoïdien, à la surface duquel l'épithélium chorial est étalé en forme de manchon. Ici l'épithélium ne se comporte pas de la même façon qu'au niveau de la membrane choriale : c'est la couche cellulaire pro- fonde qui disparaît, tandis que la couche plasmodiale persiste et constitue à elle seule à partir du quatrième mois le revêtement épithélial des villosités; cette couche n'est pas étalée régulièrement au pourtour de l'axe conjonctif, mais elle présente des épais- sissements locaux qui s'allongent, se renflent et forment des bourgeons arrondis, appen- dus par un pédicule plus ou moins grêle à la surface de la villosité (bourgeons, appendices épithéliaux). Chaque villosité reçoit une branche des artères ombilicales qui se divise autant de fois que la villosité elle-même. Les dernières artérioles se résolvent dans les différentes ramifications en un réseau capillaire superficiel, placé immédiatement au-dessous de l'épithélium. Les veinules émanées de ces vaisseaux se réunissent dans le tronc de la villosité en une seule veine efférente. Les espaces intervilleux remplis par le sang de la mère représentent un système de larges excavations irrégulières communiquant toutes entre elles. D'après Koelliker, le courant se dirigerait, de la partie centrale du placenta vers les bords où le sang est recueilli, dans un sinus coronaire, en relation avec les veines utéro-placentaires. Ce sinus veineux paraît constitué par les espaces sanguins marginaux, à l'intérieur desquels les villosités n'ont pas bourgeonné. Les parois des espaces sanguins ne sont tapissées en aucun point par un revêtement endothélial : les villosités plongent donc librement dans le sang maternel. Comme dans le placenta maternel à terme, il n'existe nulle part de capillaires intermédiaires aux artères et aux veines, la plupart des observateurs admettent aujourd'hui que les lacs sanguins ne sont autre chose que ces capillaires eux-mêmes progressivement dis- tendus et transformés en un système de cavités anfractueuses dans lesquelles se rami- fient les expansions villeuses du chorion fœtal, après avoir en quelque sorte érodé la surface muqueuse. De sorte que, comme le dit Tourneux, à qui nous avons emprunté les éléments de cette description, tout permet de supposer que les choses se passent de la même façon chez l'homme que chez les rongeurs, avec cette différence peut-être que chez lui les phénomènes de destruction du tissu utérin y sont encore plus accusés. Il y a cependant une distinction à établir entre le placenta des rongeurs et celui du fœtus humain, puisque, chez ce dernier, les villosités plongent, il est vrai, à nu dans les lacs sanguins de la mère, mais restent recouvertes jusqu'à la fin d'un revêtement épithélial, c'est-à-dire de la couche plasmodiale. Le sang maternel demeure donc séparé du sang fœtal par une double barrière, cette couche plasmodiale d'une part et l'endothé- lium du réseau capillaire de la villosité, d'autre part. Notons encore, pour terminer, que, si chez les groupes précédents le chorion s'est doublé de l'allantoïde pour former le placenta, par contre chez les marsupiaux il se double de la vésicule ombilicale, et, au lieu d'un placenta et d'un chorion allantoïdien, on a un placenta et un chorion ombilical (omphalo-chorion). Sfameni (A. /. B., 1900, xxxiv, 216; ibid., 1901, xxxv, 379) a étudié la composition chimique du placenta humain. Le tissu placentaire contient 83,67 p. 100 d'eau : il est donc au nombre de ceux qui sont le plus riches en eau, ce qui tient à ce qu'il est con- stitué en grande partie par du tissu muqueux. Les substances minérales s'y trouvent dans la proportion de 0,8681 p. 100, par conséquent dans le même rapport que dans les autres tissus, malgré la richesse du placenta en eau. La diiîérence de sexe n'entraîne pas de différence notable dans la composition du placenta, sauf en ce qui concerne les substances minérales : celles-ci sont en plus grande abondance (0,8441 p. 100) dans les placentas des fœtus féminins que dans ceux des fœtus masculins (0,7997 p. 100). La quantité plus forte de matières minérales chez les fœtus féminins est toute en faveur des sels solubles; les sels insolubles sont prépondérants chez les fœtus masculins. Sfameni a constaté que, lorsque la proportion des sels insolubles du résidu inorga- 570 FŒTUS. nique du tissu placentaire était supe' rieur e à 10 p. 100, la moyenne du poids des fœtus était plus élevée de 300 grammes environ que quand la proportion était inférieure à ce chiffre. Dans le premier cas on trouve souvent dans le placenta des concrétions calcaires dont la présence ne trouble pas, par conséquent, l'évolution du foetus, comme on l'a pensé, mais au contraire la favorise. Ces faits viendraient appuyer l'hypothèse que les sels minéraux doivent être considérés comme les facteurs principaux de l'absorption, de l'assimilation et de la désassimilation des inatières organiques. Grandis avait constaté la présence de notables quantités d'acide phosphocarnique ou nucléone dans le placenta humain. Sfameni a fait sur ce point des déterminations quantitatives et pour le sang fœtal et pour le placenta; il a trouvé dans le tissu placen- taire 0,1186 p. 100 de nucléone, et dans le sang fœtal 0,2106 p. 100, c'est-à-dire une quantité presque double. Le sexe du fœtus, le poids du placenta n'ont pas d'influence sur la proportion de la nucléone. b. La nutrition par le placenta. — Par quel mécanisme et sous quelle forme les substances nutritives contenues dans le sang de la mère parviennent-elles au fœtus? L'absorption placentaire n'obéit-elle qu'aux lois physiques de la diffusion et de l'osmose et à celles de la fillration, ou bien l'activité des éléments cellulaires, interposés entre le sang maternel et le sang fœtal, intervient-elle pour donner au transport de matières l'intensité et la direction nécessaires. Si l'on tient compte des dispositions anatomiques de la villosité, du moins telles qu'elles se présentent dans le placenta humain, si l'on raisonne par analogie en se reportant au mécanisme de l'absorption intestinale, on sera porté à croire qu'aux forces physiques viennent se joindre, suivant l'expression d'HEi- DENHAiN, des forces physiologiques pour favoriser le passage des matières nutritives à travers le placenta. Il est encore une autre manière de concevoir le rôle du revêtement cellulaire de la villosité placentaire : elle représenterait non seulement un organe d'ab- sorption, mais un organe de digestion, c'est-à-dire qu'elle ferait subir à certaines sub- stances les transformations nécessaires pour les rendre absorbables. Il y a lieu d'examiner, à ce point de vue, les diverses catégories de principes qui doivent servir d'aliments au fœtus. On peut considérer comme démontré que l'eau, les sels solubles, les substances facilement dialysables, telles que le sucre, passent de la mère au fœtus en vertu des seules lois de la diffusion. Cependant V. Ott, pour qui la nu- trition du fœtus est assurée exclusivement par le liquide amniotique, a soutenu que l'eau môme ne traverse pas le placenta. {Arch. f. Gynœk., 1886, xxvii, 129.) Cet expérimenta- teur commence par déterminer chez des chiennes et des lapines pleines la teneur du sang en eau et en matériaux solides; puis il leur soustrait la moitié environ de leur sang pour la remplacer par une quantité équivalente de la solution physiologique de chlorure de sodium (6 p. 1000). Vers le troisième jour, ou après un intervalle plus long encore, il extrait les fœtus, et il trouve que leur sang renferme la même quantité d'eau que celui de la mère avant l'injection, tandis que chez la mère il existe encore un état prononcé d'hydrémie. Dans d'autres expériences on enlève à la femelle ses fœtus, les uns vingt- quatre heures avant, les autres vingt-quatre heures après l'injection de la solution saline et le sang a la même composition chez les uns que chez les autres. Mais CoHNSTEiN et Zuntz font remarquer (A. g. P., XLii, 1888, 342) que dans les con- ditions de cette expérience il ne s'établit pas de courant de diffusion du sang de la mère, vers ses propres tissus, à plus forte raison vers le fœtus. Ces physiologistes sont arrivés d'ailleurs, à mettre très nettement en évidence non seulement le passage de l'eau, mais encore celui du sucre à travers le placenta. Ils injectent à des femelles en gestation, soit une solution de chlorure de sodium à 3 p. 100, soit une solution concentrée de glucose, et déterminent avant et après l'injection l'état de dilution du sang de la mère et du sang fœtal par la numération des globules rouges et l'évaluation de sa proportion d'hémoglo- bine. CoHXSTEiN' et Zuntz ont observé de la sorte que la concentration' du sang maternel baisse sensiblement et rapidement après l'injection de la solution de chlorure de sodium à 3 p. 100, en même temps que celle du sang fœtal augmente : d'où l'on peut conclure que celui-ci abandonne de l'eau au sang maternel et qu'il se produit, par voie de diffu- sion, entre le sang du fœtus et celui de la mère un échange d'eau aussi rapide qu'entre le sang de la mère et ses propres tissus. FŒTUS. 571 En même temps que le sang du fœtus perd de l"eau, il s'enrichit soit en chlorure de sodium, soit en sucre. Cohnstein et Zuntz n'ont pas évalué quantitativement l'augmen- tation du sel dans le sang fœtal ; mais ils ont fait cette détermination pour le sucre. Une minute déjà après la fin de l'injection, on peut reconnaître que dans le sang du fœtus la richesse en sucre anotahlement augmenté : au bout d'une heure, elle a fortement diminué, ainsi que la concentration, tandis que dans le sang maternel la proportion de sucre a baissé également, et la concentration a de nouveau augmenté. Ces expériences ont donc démontré pour la première fois avec certitude que l'eau et les substances solubles passent à travers le placenta dans le sang fœtal. Ces échanges, comme le font remarquer Cohnstein et Zuntz, ont tous les caractères d'un processus de diffusion. Cependant ces pliysiologistes ne veulent pas, sans plus ample informé, déduire de là que les substances non dilfusibles, telles que l'albumine elles graisses, parviennent au fœtus par un mécanisme semblable. lisseraient plutôt portés à croire que le placenta a la propriété de peptoniser l'albumine, pour en permettre l'absorption. La nécessité d'une peptonisation des matières protéiques avait déjà été antérieurement soutenue par ZuNTz {A. g. P., xiv). Cette opinion a récemment trouvé un défenseur dans A. Ascoli (Z. p. C, 1902, XXXVI, 498), qui a étudié le passage de l'albumine de la mère au fœtus en se servant comme réactifs de sérums précipitants spécifiques. Cet expérimentateur a trouvé que, si l'on injecte à des femelles en gestation, par voie sous-cutanée, différentes substances albuminoïdes, il est facile de constater par ce moyen leur présence dans le sang de la mère, et souvent aussi dans celui du fœtus; mais dans tous les cas il y a une différence très prononcée dans l'intensité de la réaction entre le sang de la mère et celui du fœtus : elle est toujours beaucoup plus faible dans le sang du fœtus. Si la réaction dans le sérum maternel est faible ou modérée, ce qui s'obtient soit en injectant de faibles quantités d'albumine sous la peau, soit en faisant ingérer même de grandes quantités par Je tube digestif, la réaction fait défaut dans le sang du fœtus. De même, si l'on fait ingérer de l'ovalburaine à des femmes enceintes ou en travail, le réactif physiologiuue permet de la mettre en évidence dans le sang de la mère, mais non dans celui du fœtus. Ce qui revient à dire que dans les conditions normales l'albumine ne passe pas dans le sang du fœtus, ou, du moins, que les substances que précipitent les sérums spécifiques n'y passent pas. Il faut donc supposer au placenta des fonctions digestives; cette manière de voir concorde avec cet autre fait découvert par Ascoli, que le placenta débarrassé de son sang contient un ferm ent protéolytiqne : ce ferment agit à peine en milieu alcalin, fai- blement en milieu neutre, et plus activement en milieu acide ; il est capable de digérer la fibrine, et dans cette digestion on trouve comme produits intermédiaires des albumoses et, comme produits terminaux, de la leucine, de la tyrosine et des bases nucléiques. Ce ferment existe déjà dans le placenta à des stades peu avancés du développement. Il est vrai que les peptones diffusent plus facilement que l'albumine dont elles dérivent : mais peut-être leur difîusibilité a-t-elle été exagérée, si l'on s'en rapporte aux expériences de v. Wittich (H. H. v, 2, 296) et à celles de Maly. Toujours est-il que Wer- THEiMER et Delezenne {B. B., 1895, 191), en injectant des peptones à des femelles pleines n'ont pas pu rendre incoagulable le sang des fœtus. Cette expérience, comme on verra plus loin, peut r ecevoir diverses explications, et elle devrait être complétée par la re- cherche directe des peptones dans le sang du fœtus; mais on peut néanmoins en con- clure que les protéoses elles-mêmes traversent difficilement le placenta, ou du moins très lentement. Il n'est pas probable que le placenta oppose au passage des albumines contenues dans le sang maternel un obstacle absolu, et leur peptonisation préalable paraît superflue; elle suppose d'ailleurs que le même épithélium de la villosité placentaire qui est chargé de transformer l'albumine en peptone transforme ensuite immédiatement la peptone en albumine du sérum, puisque la peptone est un principe étranger à la constitution nor- male du sang, et dont l'organisme se débarrasse quand il a pénétré directement dans la circulation. Mais l'albumine, dira- t-on, ne traverse pas les membranes. Il faut pourtant bien que les matières albuminoïdes du sérum traversent constamment les parois des vaisseaux pour fournir aux besoins des éléments extra-vasculaires.D'un autre côté, puisque l'étude 572 FŒTUS. de l'absorption digestive nous montre que des matières allîuminoïdes non transformées, ni peptonisées. arrivent dans les vaisseaux sanguins des villosilés intestinales, on ne voit pas pourquoi les villosités placentaires qui sont plongées directement dans le sang ma- ternel ne laisseraient pas passer la sérumalbumine et la sérum globuline qui y sont con- tenues. D'ailleurs, aussi bien pour l'absorption intestinale que pour l'absorption placen- taire, on est obligé jusqu'à présent, si l'on veut expliquer ces faits, de faire intervenir l'activité vitale des éléments épithéliaux^ C'est surtout le passage de la graisse qui a paru le plus difficile à expliquer, et l'on s'accorde généralement à admettre que le fœtus la fabrique lui-même aux dépens des hydrates de carbone et des matières alburainoïdes. Comme la structure des villosités, dit Prever, et les expériences sur le passage des éléments morphologiques du sang de la mère au fœtus sont catégoriquement hostiles à la migration régulière de corpuscules graisseux à l'état libre dans le sang du fœtus, on ne peut que regarder comme vraisemblable une production de graisse par l'embryon et une importation de cette substance par les leu- cocytes. Cette opinion paraîtra cependant moins vraisemblable que ne le croit Preyer, si l'on considère quelle riche réserve de substances grasses toutes faites la nature a déposée dans l'œuf des oiseaux, alors que l'embryon ne peut pas les recevoir de la mère, et bien que son organisme soit tout aussi apte que celui des fœtus de mammifères à faire subir aux hydrates de carbone et aux [substances quaternaires les transformations nécessaires. On ne peut comprendre, dit encore Preyer, comment la graisse doit franchir par dif- fusion l'épithélium du chorion et les tuniques des vaisseaux. Mais on ne comprend pas mieux comment dans l'organisme adulte elle arrive à la vésicule adipeuse qui la met en réserve. Le problème de la pénétration des graisses de l'intestin dans le système circu- latoire a été bien souvent agité, et il continue encore à l'être; mais il est remarquable que celui du passage inverse, du sang vers les tissus, n'est en général'pas même soulevé. Il n'y a peut-être que Bunge qui en ait proposé, non une solution, mais un essai d'expli- cation, en ces termes : si les globules graisseux peuvent émigrer à travers la paroi intestinale, pourquoi ne pourrraient-ils pas traverser aussi les parois des capillaires et pénétrer dans les organes"? Mais alors, peut-on ajouter, puisqu'ils traversent la paroi intestinale et la paroi des vaisseaux, pourquoi ne pourraient-ils pas traverser aussi la paroi des villosités placentaires et celle de leurs capillaires? Cependant, pour expliquer le passage de la graisse en nature à travers les vaisseaux, il ne serait plus permis d'invoquer, avec Bunge, l'exemple de l'absorption intestinale, s'il est vrai, comme le soutient Pfluger, que celle-ci exige la saponification préalable des matières grasses. Mais, si l'on veut admettre que, pour sortir des vaisseaux, elles ont besoin aussi d'être dédoublées par un ferment saponifiant, leur absorption par les villo- sités placentaires se comprendra encore plus facilement, puisque les produits de dédou- blement seront des substances diffusibles. 11 faut dire toutefois que les deux seules tentatives expérimentales qui, à notre con- naissance, aient été faites sur cette question ne semblent pas favorables à l'idée que la graisse du fœtus provient de la graisse contenue dans l'alimentation de la mère. Ahlkeld (cité par Schrewe) donne à une femelle pleine, qu'il a laissée d'abord à jeun pendant deux ou trois jours, une certaine quantité de lard. Au bout de douze heures on fait une saignée à l'animal; puis on extrait les fœtus, et on détermine ainsi la propor- tion de graisse de leur sang. Dans le sang de la mère on trouve 8,2 à 9,3 p. 100 d'extrait éthéré : dans le sang du fœtus. 0,5 à 0,84 p. 100. Le sang de la mère a l'aspect lactescent, et au bout d'un quart d'heure il laisse surnager une épaisse couche crémeuse ; mais, dans le sang du fœtus, rien de pareil. Ahlfeld conclut donc que même les plus fines particules graisseuses ne traversent pas le placenta. La conclusion ne paraît cependant pas absolument justifiée, puisqu'on ne sait pas quelle éiait la proportion de graisse dans le sang du fœtus avant l'expérience. Plus probantes sont les observations de Martin Thiemisch (C. P., 1898, 8oO), qui a nourri une chienne pendant deux portées successives avec des graisses aussi différentes 1. Voir cependant : H. Friedenthal, Ueber die Permeabililut der Davinwandung, A. D., 1902. FŒTUS. 573 que possible et a déterminé ensuite la composition de la graisse des nouveau-nés. Dans la première expérience Thiemisch a employé la palmine, graisse extraite de l'riuile de coco, dont l'indice d'iode est 8; dans la deuxième, l'huile de lin, dont l'indice d'iode est 180. L'expérience a commencé, dans les deux cas, quelques jours après que la chienne avait été couverte et sans qu'elle eût été débarrassée préalablement des réserves graisseuses de ses tissus. Il s'est trouvé que la graisse des nouveau-nés présentait dans les deux cas la même composition au point de vue de l'indice d'iode, composition qui était donc indépendante de celle de la graisse qu'on avait fait ingérer à la mère pendant toute la durée de la gestation, soit sept à huit semaines. Donc la graisse du fœtus ne provient pas directement de la graisse alimentaire de la mère ou en faible proportion seulement. Mais, comme le reconnaît Thiemisch, la question reste ouverte de savoir si le fœtus ne tire pas sa graisse des réserves graisseuses de la mère. La seule observation que l'on puisse citer à l'appui de l'opinion, que le fœtus reçoit sa graisse toute formée de la mère, est due à Dastre. Ce physiologiste a constaté [loc. cit.), pendant toute la durée de la vie embryonnaire, la présence de la graisse dans les cellules du chorion, et même dans les cellules de la paroi des petits vaisseaux, sous la forme même qu'elle affecte lorsque dans la digestion elle traverse l'épithélium intes- tinal, c'est-cà-dire sous la forme de granulations. Quant au transport de la graisse et même de l'albumine par les globules blancs, il ne paraît pas devoir être admis, puisque l'expérience montre, comme on le verra en un autre chapitre, que ces éléments ne franchissent pas le placenta. Le placenta est donc certainement un organe d'absorption ; peut-être, d'après quelques- uns, un organe de digestion; on y a vu également un organe de sécrétion. Beaucoup d'auteurs ont admis, en effet, que le liquide spécial dont nous avons déjà parlé, le lait utérin, élaboré par le placenta, nourrit le fœtus, ou, du moins, contribue à sa nutrition. La présence de ce liquide et sa signification avaient déjà été indiquées par Haller dans cet apophtegme : In ruminantibiis manifestiim fit matrem inter et fœtum, non sanguinis sed lacUs esse commercium. Ce n'est plus le sang qui nourrit le fœtus, c'est un lait, c'est-à-dire une sécrétion de la mère. « Le placenta maternel est une mamelle, une glande sécrétant une humeur que Needham (1667) appelait le lait utérin, que Vieussens confondait avec le lait véritable; que Duverney (1833) et Escbricht (1837), ont considérée comme l'humeur des glandes utriculaires; que Prévost et Morix, Schlossberger en 18co, Spiegelberg et Gamgee en 1864 ont isolée et analysée. » (Dastre.) On peut exprimer le lait utérin des cotylédons placentaires des ruminants sous la forme d'un liquide blanc ou faiblement rosé, crémeux, à réaction alcaline, mais deve- nant facilement acide. Sa composition est la suivante : matériaux solides: 81,2 à 120,9 p. 1000 ; 61,5 à 103,6 d'albumine; 10 de graisse ; 3 J à 8,2 de cendres (Hammarsten, Phij- siol. Chemie, 1895, 373). L'origine du lait utérin a été diversement comprise par les auteurs. Tandis que la plupart ont admis qu'il est un produit des glandes utriculaires de la matrice (Haller, Von Baer, Bischoff, Shapey, Jassinsky etc.), ou même de la totalité de la surface de l'épi- thélium utérin (Henning), d'autres, tels que Turner, Ercolani, Romiti, ont pensé, Ercolani surtout, qu'il était dû à un organe sécréteur nouveau : cet organe sécréteur, néoformé, n'est autre que le derme utérin remanié et devenu particulièrement riche en grandes cellules. Quant au mode de formation du lait utérin, Ercolani le fait naître d'une décomposition des cellules du tissu même de la muqueuse utérine. Bonnet, observant dans ce liquide une énorme quantité de globules blancs, en attribue la production à ces derniers : les glo- bules blancs fournis par les vaisseaux sanguins de la mère émigreraient à travers l'épi- thélium de la muqueuse et des glandes. Tafani considère le lait utérin comme formé par la destruction des cellules épithéliales de la muqueuse et des glandes utérines. Nous avons déjà dit que le lait utérin se rencontre surtout dans les premiers stades du développement; cependant, chez les ruminants et les solipèdes, il persiste encore à des stades avancés. Il est probable que ce mode de nutrition au moyen d'un liquide spécial diminue d'importance au fur et à mesure que les rapports placentaires se compliquent et se perfectionnent, puisque le lait utérin est surtout abondant dans les groupes infé- rieurs indéciduates, tandis qu'il se réduit beaucoup ou fait même défaut chez les mam- 574 FŒTUS. mifères à placenta zonaire et discoïde, quand les relations vasculaires entre la mère et le fœtus deviennent plus intimes (Prenant). Cependant Hofmann a soutenu que le fœtus humain tire aussi sa nourriture non seulement du sang maternel, mais d'un véritable lait utérin qui se mêle à ce sang. Ce lait serait sécrété par la sérotine et se rencontrerait jusque dans les espaces intervil- leux, de sorte que les villosités placentaires pourraient y puiser directement. Werth, par contre {Arch. f. Gynœk., xxii, 233), trouve que les globules sphériques décrits par Hoffmann manquent entièrement dans les placentas frais, ou n'y existent qu'en petite quantité, tandis qu'ils augmentent de nombre quelques heures après la naissance. AVerth les a vu exsuder des villosités et les considère comme des gouttelettes albumineuses éliminées par l'épithélium chorial mourant. C'est ici le lieu de signaler les formations que l'on a décrites récemment comme des produits de sécrétion du placenta. Nattan-Larrier (B. B., 1901, 1111) rappelle que Greighton avait déjà dit qu'en divers points de la portion fœtale du placenta les cellules périvasculaires se transforment en se fondant en une sorte d'humeur aqueuse qui est absorbée par les villosités fœtales, de sorte qu'on peut conserver, ajoutait-il, pour le placenta l'expression d'organe glandulaire. Mais Xattan-Larrier constate que c'est dans les vaisseaux maternels que l'on trouve des boules arrondies et colorées en gris, nées du plasmodium, et que c'est vers l'organisme de la mère que sont portés ces pro- duits « de la sécrétion interne du placenta ». Letulle (B. B., 1903) a signalé dans le placenta humain normal des boules ou gout- telettes identiques à celles décrites par Nattan-Larrier et Pinoy dans le placenta des cobayes; elles apparaissent soit fixées à la surface de l'épithélium plasmodial, soit flottante dans les sinus sanguins au milieu de globules rouges. Il s'agirait d'une matière albuminoïde dont il est malaisé d'établir les caractères ; mais ce qui est certain, c'est que c'est la couche épithéliale plasmodiale recouvrant la villosité placentaire qui leur donne naissance. A quoi servirait cette sécrétion interne du placenta? Nous n'en savons rien. On verra cependant plus loin, à propos des échanges entre le fœtus de la mère, quel rôle Kollmann a attribué- aux produits de ce genre. D'après Pinoy (B. B., 1903,6), les petites boules du placenta normal sont entièrement solubles dans l'acide acétique, ou les acides forts étendus; les grosses boules y sont altérées au point d'être méconnaissables; il ne reste le plus souvent que leur contour extérieur. Ces boules doivent être considérées non comme une sécrétion, mais comme des déchets sarcodiques rejetés par le plasmode. Le plasmode est l'équivalent d'un épithélium qui travaille et se renouvelle : les boules sont constituées par du plasmode mort; elles sont l'équivalent de cellules desquammées. Au même ordre de faits qui vient de nous occuper il faut encore rattacher une parti- cularité que présente le placenta annulaire des carnivores; pendant la seconde moitié de la gestation ses bords présentent des bandes ou bordures vertes. <■<■ L'étude du déve- loppement montre qu'au niveau des bords du placenta l'ectoderme placentaire et la muqueuse de l'utérus sont séparés primitivement par une série de cavités communiquant les unes avec les autres, et qu'à l'intérieur de ces cavités le sang maternel s'épanche du 22« au 23"= jour chez la chienne, vers le milieu de la gestation chez la chatte (Tourneux). » Dans ce sinus (sinus latéral ou canal godronné), le sang extra vase subit une série de modifications. « Vers la fin de la gestation le contenu du sinus se compose de globules rouges, de globules blancs, de cristaux d'hémoglobine, de granulations brunes et d'une substance colorante verte, sous forme de grains irréguliers. >- Brachet avait déjà com- paré cette matière colorante à celle de la bile; Meckel lui avait donné le nom d'hémato- chlorine; Cadiat lui a trouvé les mêmes réactions qu'à la bilirubine, et Etti la considère comme identique à ce pigment [Mali/s J. B., ii, 287). Preyer met en doute cette identité. Il est probable que le contenu de ce sinus est absorbé, puisqu'on y trouve des villo- sités choriales, dont la surface est recouverte de grosses cellules épithéliales, remplies de globules rouges. c. Rôle du liquide amniotique dans la nutrition. — Une autre source d'alimen- tation pour le fœtus serait, d'après nombre d'auteurs, le liquide amniotique. Il n'est pas douteux que ce liquide peut être ingéré par le fœtus une fois que l'appareil nerveux et musculaire qui préside aux mouvements de déglutition est complètement développé, et FŒTUS. 575 dans les premiers stades il serait, d'après Preyer, absorbé par la peau. Déjà Harvey et FIaller avaient observé que les embryons de poulet dans l'œuf déglutissent l'eau de l'amnios, qu'on peut retrouver dans leur estomac en ({uantité plus ou moins grande. Il en est de même chez l'embryon de mammifère : de nombreux faits le démontrent. C'est ainsi qu'on trouve constamment dans le méconium du duvet lanugineux et d'autres produits de desquammation de la peau du fœtus, ainsi que de la graisse provenant du vernix caseosa. Crépin a rencontré dans l'estomac de fœtus de jument, âgés de 7 à 8 mois, des fragments de corne détachés des sabots, ainsi que des amas de poils. Chez des lapines pleines, auxquelles Zuntz et Wiener ont injecté de l'indigosulfate de soude, le contenu de l'estomac du fœtus était coloré en bleu, en même temps que l'eau de l'amnios, à l'exclusion de toutes les autres parties fœtales. On pourrait multiplier les exemples de ce genre. On a quelquefois considéré les mouvements de déglutition du fœtus comme des mouvements anormaux associés à des mouvements respiratoires prématurés et provoqués par des troubles de la circulation utéro-placentaire. Il faut plutôt y voir un acte physio- logique normal. Le fœtus, de même qu'il meut ses membres, exécute sans doute des mouvements d'ouverture et de fermeture de la bouche, et alors le liquide amniotique, entrant en contact avec la muqueuse buccale, provoque des mouvements rétlexes de déglutition. D'ailleurs, de même que la succion s'opère instinctivement chez le nouveau- né immédiatement après la naissance et pendant le travail même ^de l'accouchement, quand un corps étranger entre en contact avec la bouche, de même il est probable qu'elle s'exerce déjà pendant la vie intra-utérine. Ahlfeld a observé, à l'exploration de la paroi abdominale chez une femme enceinte, de petits ébranlements dont il a pu compter M3 en huit minutes, et qu'il a attribués à des mouvements de succion et de déglutition du fœtus, ce qui sembla confirmé par le fait que l'enfant vint au monde avec un pouce rouge et gonflé et se mit à le sucer immédiatement après la naissance. Reubold a signalé un cas du même genre et considère ces ébranlements de la paroi abdominale comme dus à des mouvements de va-et-vient de la main que suce le fœtus (Virchoiv ei HU^schs' J. B., 1885, I, o3o). L'albumine et d'autres principes contenus dans le liquide amniotique, le sucre par exemple, peuvent donc être déglutis et résorbés. Les expériences de Wiener {Arch. f. Gynaek. xxin, 183) montrent en effet que les substances introduites dans le tube digestif du fœtus sont soumises à l'absorption. Wiener injecte avec une sonde œsopha- gienne du lait dilué dans l'estomac d'un fœtus: au bout de neuf heures environ on trouva des gouttelettes de graisse dans les villosités intestinales. Dans une autre expérience on injecta du ferrocyanure de potassium dans l'eau de l'amnios; on obtint la réaction du bleu de Prusse au bout de deux à trois heures dans les parois de l'estomac, de l'intestin, dans le mésentère. Ajoutons encore, pour n'avoir plus à y revenir, que de l'huile d'olive injectée dans la cavité péritonéale fut retrouvée dans les vaisseaux lymphatiques du diaphragme, le canal thoracique, la veine cave supérieure, ce qui prouve que les lymphatiques généraux sont déjà en état d'absorber chez le fœtus, de même que les chylifères. Par conséquent, l'albumine déglutie et résorbée pourrait être utilisée par le fœtus; mais la quantité qu'on en trouve dans le liquide amniotique est vraiment trop faible pour qu'elle puisse représenter un appoint sérieux dans l'alimentation du fœtus. D'un autre côté, il n'est pas certain que cette albumine ne provienne pas du fœtus lui- même. On peut en dire autant de l'eau de l'amnios, à l'absorption de laquelle Preyer attache une importance considérable, parce que, pense-t-il, l'apport de l'eau par le sang de la veine ombilicale serait insuffisant pour répondre aux besoins de l'organisme fœtal. Mais, en réalité, il est difficile de savoir si le fœtus emprunte plus d'eau à la cavité amniotique qu'il ne lui en donne. Le rôle du liquide amniotique dans la nutrition ne peut être en définitive que tout à fait secondaire, si toutefois il faut lui en reconnaître un, et la source la plus importante des matériaux de nutrition, et probablement la seule, c'est le placenta. d. Transformation chimique des substances nutritives dans l'organisme fœtal : glycogène. — L'organisme du fœtus, comme celui de l'adulte, doit faire subir aux principes nutritifs qu'il reçoit des modifications et des remaniements profonds. 576 FŒTUS. Avec les matières protéiques qui ne lui arrivent sans doute que sous forme d'albumine et de globulines, il doit reconstituer celles qui entrent dans la composition de ses tissus : avec elles il doit élaborer toute une série de composés spéciaux, tels que l'hémoglo- bine, la mucine, la matière chondrogène, qui sont autant de produits de synthèse, ou encore d'autres corps moins complexes, tels l'élastine, la gélatine, mais dont la consti- tution s'éloigne déjà notablement du type de l'albumine ordinaire. Nous avons déjà discuté la question de savoir si la graisse est fournie directement parle sang maternel au fœtus, ou s'il doit la'fabriquer lui-même; il est probable que l'un et l'autre mécanismes concourent à la production des substances grasses : nous avons seulement tenu à montrer qu'il n'est pas permis de nier a priori leur passage à travers le placenta. La masse totale de graisse est chez le fœtus humain, d'après Fehlixg : Aux 4= 5' 6- 1- 8" 9' 10» mois; De 0,45 à 0,57 0,28 à 0,6 0,7 à 1,98 2,21 à 3,47 4,44 8,7 9,1 p. 100. Jusqu'à la fin du S" mois le fœtus ne reçoit ou ne produit que des traces de graisse, à moins qu'aux premiers stades du développement elle ne soit pas encore emmagasinée, mais utilisée immédiatement. Parrot a signalé au moment de la naissance dans les viscères de l'homme et des mammifères une abondante diffusion de granulations graisseuses ; cet état graisseux décroît ensuite rapidement. Natalis Guillot a trouvé une quantité moyenne de 12 p. 100 de graisse dans les poumons de l'enfant qui n'a pas respiré et, après quelques heures ce chiffre est tombé à 6 p. 100 (cité par Dastre). Une substance abondamment répandue dans l'organisme embryonnaire, c'est la matière glycogène. Gomme le plasma maternel n'en transporte pas, et que les globules blancs qui en contiennent ne traversent pas le placenta, cette substance est donc un produit de l'activité des tissus fœtaux. De même que chez l'adulte, elle doit donc se for- mer aux dépens soit des hydrates de carbone, soit des matières albuminoïdes, soit peut- être aussi aux dépens de la graisse. Les recherches de Gl. Bernard (C. R. 1859, 48-77; ibicL, 673. — C. R. 1872, 75. — Leçons de Physiol. expérim., 1835, i, 382. Phénom. de la vie, 1879, n, 37) ont montré que la fonction glycogénique est d'abord diffuse dans de nombreux organes et tissus de l'embryon, ainsi que dans ses annexes, avant de se localiser définitivement dans le foie. Pendant les premiers temps du développement, c'est le placenta qui est destiné à remplir cette fonction. Ghez les rongeurs la substance glycogène est incluse dans des cellules situées entre le placenta maternel et le placenta fœtal. La masse qu'elles forment ne présente pas le même développement à tous les âges; elle paraît s'accroître jusqu'au milieu de la gestation, pour s'atrophier ensuite à mesure que le fœtus approche du moment de sa naissance. Ghez les carnivores, c'est à la périphérie du placenta que la matière glycogène s'accumule, pour en disparaître ensuite, à mesure que le foie approche de sa consti- tution complète. Ghez les ruminants, l'organe glycogénique est constitué à l'état embryonnaire par ce que Gl. Bernard a désigué sous le nom de plaques amniotiques. Ge sont des amas cellu- laires se développant d'abord sur la face interne de l'amnios et pouvant acquérir une épaisseur de 3 à 4 millimètres. Elles apparaissent d'abord sur la face interne de l'amnios, puis recouvrent le cordon ombilical jusqu'à une ligne de démarcation bien nette qui sépare le tégument cutané de l'amnios. Ghez l'embryon de vache, ces plaques atteignent leur entier développement vers le sixième mois de la vie intra-utérine, puis s'atrophient graduellement. Si nous passons maintenant au corps même de l'embryon, nous voyons que la matière glycogène se produit dans la peau et dans les annexes du système cutané. Les cellules de l'épiderme contiennent des granulations qui offrent les réactions caractéristiques : chez le fœtus de veau, de mouton, de porc, la corne des pieds se comporte de même; la matière glycogène disparaît de l'appareil tégumentaire vers le3« elle 4^^ mois de la vie FŒTUS. 577 intra-utérine chez le veau. Mac Donnell (J. de la Phys., 1863, 533) a vu de même que la •substance cornée d'un fœtus de vache de 4 mois fournissait 18 p. 100 de glycogène, tandis que celle des pattes d'un fœtus presque à terme n'en contenait que des traces. Les surfaces muqueuses des appareils digestif, respiratoire, génital, sont aussi recou- vertes de cellules chargées de matière glycogène. Dans le tissu pulmonaire, le résidu sec en contiendrait, d'après Mac Donnell, plus de -ïO p. 100; mais, quand l'animal est près de naître, elle est réduite à une quantité très taible ou même a disparu complètement. Quoique les glandes salivaires, le pancréas ne renferment jamais de matière glyco- gène, l'épithélium de leurs conduits excréteurs en contient presque constamment. Ainsi les surfaces limitantes extérieures, dit Cl. Bernard, offrent toutes dans leur développe- ment erabryogénique le caractère d'être fortement chargées de matière glycogène, tandis que la surface des cavités closes des séreuses, les glandes, le tissu nerveux, le cerveau, la moelle épinière, le tissu osseux s'en sont toujours montrés dépourvus. Mac Donnell en a trouvé dans le tissu cartilagineux immédiatement après son apparition, et l'en a vu disparaître pendant le cours du développement. Un tissu relativement riche en matière glycogène, c'est le tissu musculaire, surtout le tissu musculaire strié. Sur 8,30 à H,7.t de résidu sec, il contient suivant l'âge de 0,8 à 3,5 de glycogène (Mac Donnell). Cl. Bernard., Mac Donnell, Beaunis (T. P., 1888, 1, 120) s'accordent pour reconnaître que celte matière diminue très notablement dans les muscles vers la fin de la vie intra-utérine : d'a^jrès Cl. Bernard, elle disparaît très rapi- dement après la naissance sous l'influence des mouvements respiratoires et autres. Il faut donc qu'il s'en reforme plus tard, puisqu'on trouve de la matière glycogène dans les muscles de l'adulte. Cette substance existe aussi dans le cœur embryonnaire, d'après Cl. Bernard; mais Mac Donnell n'y a trouvé que des traces, ce qu'il attribue à ce que l'activité de cet or- gane est antérieure à celle des autres muscles. Sur 5 fœtus de chien de 57 jours, et sur 3 autres fœtus de chien plus âgés, examinés par Beaunis, le cœur était absolument dépourvu de glycogène ; les autres muscles n'en contenaient que des quantités très légères, à l'exception du diaphragme qui en contenait un peu plus. Le foie enfin se comporte d'une manière tout à fait spéciale en ce sens que, comme tous les autres organes glanduleux, il ne renferme pas au début de la matière glyco- gène, mais que, vers le milieu de la vie intra-utérine, il commence à fonctionner comme organe glycogénique. Alors la fonction glycogénique tend à disparaître de tous les autres points de l'organisme fœtal pour se localiser dans le tissu hépatique. Zweifel a trouvé du glycogène dans le foie d'un fœtus humain de 4 mois. V. Wittich a eu occasion d'examiner le foie d'un fœtus de o à 6 mois immédiatement après son expulsion et après l'arrêt des battements du cœur. Il y a trouvé 0,24 p. 100 de glycogène et dans les muscles 0,0 p. 100 {H. H., v, II). Le foie est donc, au début, très pauvre en glycogène. Dans le foie d'embryons de vache de 10, 14, 21 centimètres de long, Paschutin n'en a pas trouvé ; chez un embryon de 40 centimètres il n'en a trouvé que fort peu. Par contre, Hoppe-Seyler dit avoir observé, déjà dans les premiers rudiments du foie, à en juger d'après la coloration par l'iode, une teneur très forte en glycogène. Pour le foie du nouveau-né les données sont assez discordantes. Chez un chat nouveau- né, V. Wittich n'a trouvé que 0,22 p, 100 de glycogène. Salomon, chez un enfant de4kilogr. obtint d'un foie assez petit 1,2 gr. de cette matière, et d'un foie de 238 gr. plus de 11 gr. Cependant les analyses les plus récentes donnent pour le nouveau-né des chiffres très élevés. Demant (Z. p. C, 1887, xi, 142) a trouvé chez des chiens nouveau-nés, une heure après la naissance, 11,389 p. 100, mais cette proportion diminue déjà dans les quelques jours qui suivent la naissance. Butte (J3. B., 1894, 379) est arrivé à des résultats semblables; chez une chienne pleine à terme, il a trouvé dans le foie de la mère 0,40 gr. p. 100, et 8,71 gr. dans ceux des fœtus. On voit par ces chilTres que la proportion de gly- cogène est non seulement très élevée chez le fœtus, mais très faible chez la mère : elle diminue donc considérablement chez cette dernière, à l'époque du terme. Par contre, dans la même expérience, il y" avait chez la mère 1,40 gr. p. 100 de glucose, et chez les fœtus 0,41 gr. Butte a trouvé, en effet, que le glycogène ne se comporte pas de la même manière au point de vue de sa transformation en glucose chez l'animal nouveau-né que DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 37 578 FŒTUS. chez l'adulte. Ainsi, dans une expérience, il sacrifie 4 petits chiens quelques heures après leur naissance, et dose le glucose et le glycogène de leurs foies six minutes et quatre heures après la mort. Voici les résultats obtenus : Moment de l'opération. Glycose Glycogène p. 100. p. 100. 6 minutes après la mort. .0,66 11,3 4 heures après 0,83 10,82 On voit encore une fois que la quantité de glycogène contenue dans le foie des nou- veau-nés est bien supérieure à celle qui existe dans celui des adultes, et, de plus, que ce glycogène est beaucoup plus stable que chez ces derniers. En effet, au bout de quatre heures, il n'a disparu qu'une très faible quantité de glycogène, et il ne s'est formé qu'une quantité minime de glucose; la transformation se fait donc chez le nouveau-né, et aussi chez le fœtus, avec une lenteur extrême. Cavazzani(A. i.B., 1897, xxiii, 140) a confirmé l'observation de Butte, que dans le foie fœtal il ne se produit que peu de glucose; dans 15 gr. de foie de fœtus arrivés à la 5« semaine, on n'en trouva que des traces, tandis que le foie delà mère en contenait 0,66 p. 100. Il faut rapprocher ce fait de cet autre, signalé par Bial {A. g. P., 1884, lv, 434) et con- firmé par Cavazzani, que le sang fœtal est pauvre en ferment diastasique, ou n'en ren- ferme pas. Bial a montré que du foie de chien, laissé pendant cinq heures à la température de la chambre en présence de 20 à 25 ce. du sang placentaire du nouveau-né humain, donne moins de sucre qu'en présence du sang de ruminant ou de chien adulte. Ainsi 50 ce. d'une solution de glycogène à 1 p. 100 contiennent après une digestion de cinq heures : Avec 5 ce. de sang placentaire. . . 0,1 p. 100 de sucre. — 5 ce. de sang de bovidé. ... 0,2 — — 5 ce. de sang de chien .... 0,25 — Dans une autre expérience, 50 ce. d'une solution de glycogène à 1 p. 100 ont donné : Avec 5 ce. de sang du nouveau-né pas de sucre. — 5 ce. de sang placentaire 0,06 p. 100. — 5 ce, de sang de bovidé 0,12 — — 3 ce. de sang de chien 0,28 — Il semble logique d'établir un rapprochement entre la lenteur delà formation de sucre dans le foie du fœtus, et l'absence ou la faible quantité de ferment diastasique dans son sang, si l'on admet toutefois, avec la majorité des auteurs, que la production de glucose dans le foie aux dépens du glycogène est le résultat d'une fermentation diastasique et que le ferment amylolytique du foie est le même que ce ui du sang. Cependant Cavazzani, qui, avec quelques physiologistes, pense que la formation du glucose dans le foie est un résultat de l'activité de la cellule hépatique, soutient que cette activité est presque nulle pendant la vie intra-utérine, que c'est là un deuxième mécanisme qui vient s'ajouter à la non pénétration de l'hémodiastase dans l'organisme fœtal pour mettre obstacle à la sacchariflcation du glycogène, probablement parce que le glycose ne trouve pas encore son emploi dans la vie fœtale. Quoi qu'il en soit, s'il n'y a que peu de sucre formé dans le foie fœtal, comme l'ont constaté Butte et Cavazzani, il doit en passer peu dans le sang ; c'est, en effet, ce qu'ont observé Moriggia et Cwazzani, ainsi que nous l'avons déjà signalé à propos de l'étude du sang fœtal. Cependant Cohnstein et Zuxtz mentionnent incidemment dans leurs expé- riences (/oc. cit.) que la teneur du sang en sucre chez des fœtus de chatte et de cobaye était de 1,53, de 1,25 p. 1000, c'est-à-dire à peu près la même que chez l'animal adulte. Cl. Bernard dit également que, dans les quatre ou cinq derniers mois de la vie intra- utérine, chez les veaux, il y a beaucoup de sucre dans le foie et dans le sang qui en sort, ce qui prouve que le sucre se détruit dans le torrent de la circulation. Il faut recon- naître cependant qu'une production faible et limitée de glucose est plus en rapport avec l'idée que l'on se fait généralement du peu d'intensité des combustions chez le fœtus. Il n'en est pas moins vrai que ces combustions existent, aussi restreintes qu'on les FŒTUS. 579 suppose, el, puisque le glycogène est au début abondamment répandu dans les tissus du fœtus et qu'il y disparaît ensuite progressivement pour ne subsister que dans le foie, il y a lieu d'admettre qu'il a été utilisé pour ces combustions, ou bien encore qu'il a servi en partie à faire de la graisse. Cl. Bernard voit surtout dans le glycogène embryonnaire la preuve que la matière amylacée, chez les animaux comme chez les végétaux, est indis- pensable à la synthèse histologique, et que sa présence dans certains tissus est liée à l'évolution des éléments cellulaires qui les composent. Enfin, si le glycogène s'emmagasine en grandes quantités dans le foie vers la fin de la vie intra-utérine, c'est sans doute pour que ces réserves puissent fournir au surcroît énorme de dépenses que l'organisme nouveau-né va avoir à supporter, à son arrivée dans le monde extérieur, ne serait-ce que pour le maintien de sa température. A certaines périodes de la vie fœtale, l'organisme se constitue aussi des réserves miné- rales (Dastre). Chez les ruminants, les juments, les porcins, on voit se déposer dans la trame conjonctive du chorion des plaques blanchâtres (plaques choriales) formées de phosphates terreux et presque exclusivement de phosphate Iribasique avec une petite quantité de phosphate de magnésie. Chez le mouton, ce dépôt de phosphates atteint son maximum de développement, de la quatorzième à la dix-septième semaine : arrivée à ce summum, la production décline très rapidement, et il n'en reste plus que des traces au terme de la gestation. Les dépôts phosphatés disparaissent du chorion au moment même oîi le travail d'ossification devient le plus actif dans le squelette de l'embryon, et où par conséquent les matières qui les composent peuvent trouver leur emploi. Les plaques choriales représentent donc une sorte de réserve, où s'accumulent les substances phos- phatées, en attendant le moment où elles seront utilisées par l'embryon. e. Réactions chimiques dans l'organisme fœtal. — On a pu voir par tout ce qui pré- cède que les réactions qui s'opèrent dans l'organisme fœtal sont au tond les mêmes que celles qui s'effectuent dans l'organisme adulte. Il n'y a sans doute entre les unes et les autres qu'une différence de degré. C'est surtout en ce qui concerne les réactions d'oxy- dation ou de combustion que la question a été agitée de savoir si elles ont chez le fœtus la même intensité que chez l'adulte. Pfluger (A. g. P., 1867, i, 61) a réuni les arguments théoriques qui tendent à démontrer qu'elles n'ont pas besoin d'être bien actives chez le fœtus. L'énergie libérée dans les réactions en cause est dépensée sous forme de chaleur et de travail mécanique. Or il est vrai que la température du fœtus est un peu supérieure à celle de la mère; mais cet excès de température n'exige pas une production bien forte de chaleur, puisque, même si le fœtus ne produisait pas de chaleur, sa tempé- rature serait encore égale à celle de la mère. D'autre part, la plus grande partie de l'énergie mise en liberté par les combustions organiques se dépense chez l'adulte, sous forme de chaleur rayonnée et d'eau évaporée à la surface du corps; le fœtus n'a pas à subir ces pertes, puisqu'il est plongé dans le liquide amniotique qui est à la même température que lui: en outre, il n'évapore pas d'eau par les poumons, il n'a à réchauffer ni aliments ni boissons, ni air inspiré. Pfliger estime que les pertes sont, pendant la vie intra-utérine, inférieures de 9.^ p. 100 à ce qu'elles sont après la naissance. Il n'y a guère à tenir compte que des dépenses engagées dans le travail musculaire. Mais le plus souvent le fœtus dort; il se meut rarement, et ses muscles respiratoires sont encore inactifs. Les mouvements qu'il exécute s'accomplissent sans effort, puisqu'ils se font dans un liquide dont le poids spécifique est à peu près celui de son corps. Le seul muscle qui travaille peut-être plus activement que chez l'adulte, c'est le cœur. Enfin il n'est pas démontré qu'à ce travail soit attachée une consommation d'oxygène libre, puis- qu'on sait que les contractions musculaires peuvent être alimentées par des réactions de dédoublement. Wiener, Gusserow, et, plus récemment, Ch. Bohr, ont combattu l'argumentation de Pfluger. Wiener fait valoir que le travail du cœur n'est pas négligeable, parce que chez le fœtus le poids et le volume de cet organe sont proportionnellement plus grands que chez l'adulte, comme Ta montré W, Muller. Il rappelle également une observation de Cohnstein et Zuntz, qui ont vu le sang de la veine ombilicale devenir noir sous l'in- fluence des mouvements du fœtus. On ne tient pas compte, ajoute encore Wiener, — et l'objection a été reprise par Ch. Bohr, — de ce que le fœtus, s'il ne perd pas de chaleur, 580 FŒTUS. par les surfaces tégumentaires.est exposé à une déperdition constante au niveau du pla- centa, où le sang maternel et le sang fœtal tendent à se mettre en équilibre de tempéra- ture par une large surface de contact. Enfin Ch. Bohr, d'accord avec Gusserow, émel l'hypo. thèse que l'énergie libérée par les combustions trouve peut-être d'autres emplois dans l'organisme fœtal que dans l'organisme adulte, et qu'elle est utilisée pour l'accroissement et l'entretien des tissus nouvellement formés. Comme argument de même ordre, on pour- rait aussi ajouter que les réactions de synthèse, si nombreuses, qui s'effectuent pendant le développement, étant endothermiques, c'est-à-dire absorbant de la chaleur, doivent forcé- ment emprunter le concours d'une énergie étrangère et qu'elles l'empruntent à d'autres réactions simultanées, exothermiques. Il semblait que la détermination directe de la grandeur des échanges respiratoires chez le fœtus aurait pu trancher le différend. Mais on a vu que, si les analyses de Cohns- TEiN et ZuNTz se sont montrées favorables à l'opinion de Pfluger, celles de Ch. Bohr ont donné des résultats tout à fait opposés; il convient donc d'attendre, avant de se prononcer, de nouveaux documents expérimentaux. Quoi qu'il en soit des deux ordres de phénomènes qui caractérisent la nutrition, à savoir les phénomènes d'usure et de destruction vitales, et les phénomènes de création vitale ou synthèse organique (Cl. Bernard), ce sont évidemment chez le fœtus ces der- niers qui l'emportent, et de beaucoup, à cause de la puissance de multiplication des cel- lules embryonnaires, de ce qu'on pourrait appeler leur énergie de développement. 2° Nutrition de l'œuf d'oiseau. — i° Composition chimique de l'œuf. — L'œuf comprend, en laissant de côté la coquille et les membranes : i» le blanc ou albumen; 2" le vitellus. Chez la poule le blanc présente la composition suivante : p. 100. Eau 86,68 Résidu fixe 13,32 Albumines 12,27 Exti-actif 0,38 Sucre 0,50 Graisses traces Sels minéraux 0,66 Ces derniers, rapportés à 100 parties de cendres, se répartissent comme suit: p. 100. Chlorure de potassium 41,29 — sodium 9,16 Carbonate de soude 22,14 Soude. . .W 12,50 Potasse 2,36 Chaux 1,74 Magnésie 1,60 Oxyde de fer 0,44 Anhydride phosphorique 4,83 — sulfurique 2,63 — silicique 0,43 (Hugounenq.) l°L'élémentle plus important est formé par les matières albuminoïdes. On en distingue plusieurs : 1° ovalbumine ou albumine proprement dite, dont nous n'avons pas ici à étudier les caractères; 2" une globuline (deux, d'après Cori.n et Bérard), qui serait voisine de la sérumglobuline (0,75 p. 100, Dillner); 3° une substance récemment décrite par A. Gautier, dite ovofibrinogène, analogue au fibrinogène et au myosinogène, apte comme ces substances à se transformer sous les influences qui favorisent en général l'action des ferments solubles en membranes pseudo-organisées (B. B., 1902, 968); sa proportion est de 1,5 p. 100; 4° une substance ovo-mucoïde, riche en soufre, et pauvre en azote qui fournit par ébuUition avec les acides dilués un sucre réducteur. L'albumen de l'œuf renferme encore, mais en très petites quantités, des matières extractives azotées, une trace d'urée, des corps gras, de la cholestérine, des savons, un FŒTUS. 581 peu de glucose; enfin des sels, dont le potassium et le chlore constituent la majeure partie. 2« Dans le vitellus il y a lieu de distinguer : a) le vitellus blanc ou formateur; b) le vitellus jaune ou nutritif,ou jaune proprement dit. — a. Le vitellus blanc, ou plutôt la cica- tricule, dont la'composition a été étudiée par L. Liebermann (A. g. P. 1888, xliii, 71), est constituée principalement par des matières albuminoïdes qui sont probablement des globulines; on y trouve également de la lécithine, du potassium et, d'après Cl. Berixard, des granulations de glycogène; b. Tandis que le blanc d'œuf est un dépôt de réserves nutritives albuminoïdes, c'est dans le jaune que s'accumulent les corps gras. L'analyse suivante est due à Gobley : p. 100. Eau 51,49 Résidu fixe 48,51 Vitelline et autres albumines. . . 15,76 Corps gras 21,30 Cholestérine 0,44 Lécithine 8,43 Cérébrine 0,30 Sucre, pigments 0,5.5 Sels minéraux 1,33 Examiné au microscope, le jaune se montre composé de spbérules de deux espèces : les unes, riches en graisse et en lipochrome ou lutéine; les antres, petites, transparentes, presque incolores, semi-cristallines et de nature albuminoïde, qu'on a assimilées à l'aleurone des semences végétales. La vitelline est une substance albuminoïde complexe qui offre certains caractères des globulines, mais qui est actuellement rangée dans la classe des nucléo-albumines; elle contient constamment de la lécithine, et il est probable qu'elle lui est chimiquement combinée. En soumettant le vitellus à l'action du suc gastrique, les matières albuminoïdes sont transformées en peptones, et il reste une nucléine ferrugineuse, l'hématogène de Bunge, d'où dérive sans doute l'hémoglobine de l'embryon {Chimie bioL, 1891, édit. fr., 92). On trouve encore dans le jaune d'œuf, outre la vitelline et la lécithine, de la choles- térine,des graisses, de la cérébrine et du protagon; d'après quelques auteurs, un peu de glucose. La graisse de l'œuf a la consistance d'un onguent peu épais, et consiste en un mé- lange d'une graisse solide et d'une graisse liquide. La partie solide est forme'e principa- lement de tripalmitine avec un peu de tristéarine. Par saponification de la partie liquide ou huile d'œuf, on obtient 40 p. 100 d'acide oléique, 38,04 p. 100 d'acide palmitique et 15,21 p. 100 d'acide stéarique. La graisse du jaune est moins riche en carbone que les autres graisses du corps, ce qui peut tenir à la présence de mono ou de diglycérides, ou bien à la présence d'un acide gras pauvre en carbone (Liebermann). Le résidu salin est très riche en acide phosphorique (63,8 à 66,7 p. 100 des cendres : on y trouve 12,21 à 13,28 de chaux; 8,05 à 8,93 de potasse; 5,12 à 6,57 de soude; 2,07 à 2,11 de magnésie; 1,19 à 1,45 d'oxyde de fer, et 0,55 à 1,40 de silice. L'œuf d'oiseau, qui se développe en dehors de l'organisme maternel, apporte donc avec lui tous les éléments nécessaires à l'évolution du jeune être. On y trouve d'abord une abondante réserve de matières albuminoïdes de nature diverse, et particulièrement dans le jaune une forte proportion de combinaisons albuminoïdes phosphorées. On trouve de plus dans le jaune des nucléines et de la lécithine. KossEL a fait remarquer que les nucléines du vitellus, comme celles du lait, ne con- tiennent pas de bases xanthiques dans leur molécule, tandis que celles qui sont extraites de cellules possédant une substance nucléaire en pleine activité vitale en contiennent. A cette différence chimique correspond une signification physiologique différente. Les premières, ou paranucléines, sont des substances de réserve destinées à être assimilées facilement par l'embryon; la présence des secondes, ou nucléines vraies, est liée par contre à l'activité des noyaux cellulaires. Ce qui prouve l'exactitude de ces déductions, c'est que les bases xanthiques, absentes de la nucléine de l'œuf, se trouvent abondamment 582 FŒTUS. dans les tissus de l'embryon, où leur apparition correspond à la formation de nombreux noyaux, c'est-à-dire à la formation de nucléines vraies. D'ailleurs la richesse des organes en nucléines vraies est proportionnelle à leur richesse en noyaux cellulaii'es. C'est ainsi, pour le dire en passant, que le tissu musculaire de l'embryon en contient beaucoup plus que celui de l'adulte (Nolf, Ann. de l'Inst. Pasteur, 1898, 361). La présence de la lécithine dans le jaune mérite aussi une mention particulière, parce que cette substance semble se rencontrer constamment dans toutes les cellules en voie de développement, et activer l'énergie de leur croissance et de leur multiplication. Danilewski (C. il., déc. 1895) a montré que de la lécithine ajoutée dans la proportion de 1 pour 13 000 à de l'eau où se trouve du frai de grenouille hâte étonnamment la crois- sance des têtards. Cette influence stimulante d'une intensité inattendue surpasse de beaucoup celle d'une nourriture riche en albumine. Si l'on considère la minime quantité de lécithine contenue dans l'eau, on ne peut pas croire qu'elle agisse seulement comme substance nutritive proprement dite : elle favoriserait donc, d'après Damlewsky, l'assimi- lation des substances nutritives et stimulerait les processus de multiplication des élé- ments cellulaires. L'action favorable de la lécithine sur la [nutrition a cependant été contestée par Wildiers; elle a été confirmée par Desgrez et Ali-Zaky, du moins pour l'organisme adulte. Si nous passons maintenant aux hydrates de carbone que renferme l'œuf, nous remarquerons qu'ils ne sont pas largement représentés. La présence de matière glyco- gène est niée par Cl. Bernard; Daheste a bien signalé dans le jaune l'existence de grains d'amidon ; mais Dastre et Morat ont montré que ces grains sont uniquement formés de lécithines. La proportion de sucre dans l'œuf est faible, 3,80 p. 1000 (Cl. Ber- nard). Il ne reste plus à citer que l'ovomucoïde qui contient dans sa molécule un sucre réducteur. Par contre, l'œuf est très riche en matières grasses qui doivent avoir une grande importance pour les phénomènes nutritifs et respiratoires de l'embryon. Au point de vue des substances minérales, l'absence de phosphates préformés est compensée par la présence des combinaisons phosphorées, et l'on a déjà vu plus haut la signification de l'hématogène de Bunge; enfin la silice, nécessaire au développement des plumes, se trouve également dans l'œuf. 2° Mode d'absorption des réserves nutritives. — Les réserves nutritives de l'œuf peuvent être absorbées par les vaisseaux omphalo-mésentériques et allantoïdiens, en second lieu le contenu du sac vitellus peut pénétrer directement dans l'intestin par l'orifice de com- munication entre les deux cavités, par l'ombilic intestinal. Ce dernier mode d'alimen- tation ne parait pas douteux, puisqu'on a trouvé chez quelques oiseaux des parcelles de vitellus dans l'intestin. Schenk a constaté, chez des embryons de pigeons de 2 à 3 jours, que les éléments vitellins pénètrent non seulement dans l'intestin moyen qui est encore en ce moment en large communication avec la vésicule ombilicale, mais encore, grâce aux contractions du cœur, dans l'intestin antérieur, bien que l'ouverture par lequel ce dernier communique avec l'intestin moyen soit relativement petite. Le cœur se trouve, en effet, du côté ventral de l'intestin antérieur, auquel il est relié par un mésentère, et ses contractions se répercutent sur ce segment du tube digestif dont la lumière sera alternativement élargie et rétrécie par les mouvements de systole et de diastole. C'est ainsi que les éléments vitellins pourraient pénétrer dans l'intestin antérieur, être main- tenus en mouvement et même liquéfiés : de sorte qu'à une époque où le cœur ne contient pas encore de sang, ses contractions semblent servir à l'absorption du vitellus (Aiinée 6to/., 1897). Mais ce premier mode d'alimentation ne dure pas longtemps; l'ombilic intes- tinal, se rétrécissant de plus en plus, finit par se fermer complètement, et l'absorption du contenu du vitellus ne peut plus se faire que par les vaisseaux omphalo-mésen- téjiques. On a cru pendant longtemps que l'allantoïde de l'oiseau ne fonctionne que comme organe respiratoire, qu'elle n'est, suivant l'expression de BaudrimoiM et Martln Saint- Ange, qu'un demi-placenta. Mais les recherches de Mathias Duval ont montré qu'elle est véritablement un placenta entier, c'est-à-dire qu'elle sert aussi bien à l'absorption des sucs nutritifs qu'à celle de l'oxygène. L'allantoïde, suivant la face interne de la coquille vers le petit bout de l'œuf, arrive à former un sac qui renferme la masse albumineuse FŒTUS. 583 accumulée vers ce petit bout, et forme à ce niveau un sac dit sac placentoïde. Ce sac est constitué en bas et sur les côtés par l'allanto-chorion, en haut par l'omphalo-chorion, et pousse dans la masse du blanc des villosités choriales qui y puisent des matériaux nu- tritifs {Journ. de l'Anat., 1884, 203). L'organe placentoïde des oiseaux est donc un organe respiratoire par sa surface extérieure, un organe d'absorption nutritive par sa surface intérieure. La plus grande partie du jaune persiste encore à l'époque qui avoisine l'éclosion, parce que la circulation omphalo-mésentérique se réduit de plus en plus. Immédiate- ment avant que le poulet sorte de sa coquille, ce qui reste du sac vitellin rentre dans la cavité abdominale. Chez le pigeon, à la naissance, Phisalix a vu que le sac se retrouve flottant librement dans l'abdomen. On ne sait pas exactement comment se fait la résorption de son contenu après la naissance. Sigmund (1900) a étudié la question chez les poissons (voir Loisel, loc. cit.). Chez divers Poissons Elasmobranches [Mustehis lœvis, Carcharias), on sait que les œufs, au lieu d'être pondus au dehors, se développent dans l'utérus de la mère ; quand l'embryon a consommé son vitellus, la vésicule ombilicale, très vasculaire, s'applique sur la paroi utérine, également très vasculaire, et forme un placenta vitellin. 11 peut y avoir mieux encore pour quelques espèces (Alcook) : l'em- bryon vit d'abord sur l'abondant vitellus de l'œuf, et, quand celui-ci est absorbé, le sac vitellin s'atrophie au lieu de former un placenta; il ne se développe pas de membranes enveloppantes, de sorte que l'embryon se trouve entièrement à nu dans la cavité utérine. Les parois de cette cavité sécrètent alors un liquide gras et visqueux, quelquefois d'ap- parence crémeuse, ayant un goût douceâtre : ce liquide est coagulable par la chaleur, contient de l'albumine et de la graisse, mais pas de sucre. Ce lait utérin est sans doute absorbé directement par l'embryon; en tout cas, on l'a trouvé à plusieurs reprises, non modifié, dans son intestin. 3° Transformations chimiques de l'œuf et de l'embryon pendant l'incubation. — Les recherches les plus complètes sur cette question sont dues à L. Liebermann, {loc. cit.). Comme il a déjà été dit, l'œuf diminue de poids surtout par la perte en eau. Mais le résidu fixe du contenu de l'œuf, pris dans son ensemble, diminue également, pendant que l'embryon lui-même devient de plus en plus riche en albumine, en graisse et en substances minérales. A la perte de poids du résidu fixe total de l'œuf participe non seulement la graisse, comme l'avaient déjà signalé R. Pott, Baudrimont et Martin Saint- Ange, mais aussi l'albumine ou, du moins, des substances azotées. Il y a lieu de rappeler que Baudrimont et Martin Saint-Ange avaient aussi noté une exhalation d'azote pendant l'incubation. Le résidu fixe, qui est de H, 460 grammes pour un œuf frais de 49,7 grammes, n'était plus, chez un poulet à maturité, dont l'œuf frais pesait 49,6, que de 7,538 grammes; il a donc diminué de 3,922 grammes, c'est-à-dire de près d'un tiers. Les substances s jlubles dans l'éther sont tombées de 5,40 grammes à 2,72 grammes; elles ont donc diminué de 2,68 grammes; c'est-à-dire de moitié environ. Les substances azotées sont réduites de 5,621 à 4,289 grammes, soit de 1,322 gramme; c'est-à-dire à peu près du quart. L'analyse élémentaire comparative du résidu sec de l'œuf frais et de celui du poulet à maturité a donné les résultats suivants : RÉSIDU SEC d'un œuffrais du poids moyen de 49e'-, 7. RÉSIDU SEC d'un poulet a maturité provenant d'un œuf du poids de 49^^6. c— 6,7366 1,0804 0,9258 2,2691 0.4486 3,9760 0,6967 0,9661 1,6499 0,5198 H — . . .... Az — . 0 + S — 11,4G0S 7,5385 584 FŒTUS. PERTES PENDANT l'iNCUBATION TROUVÉES PAR l'analyse élémentaire comparative. CALCULÉES d'après la diminution de l'extrait étliéré et de l'albumine. c — 2,7606 0,3837 0,2297 0,6192 2,6828 0.41H 0,2064 H — Az — 0 -1- S — Ainsi l'œuf perd un peu moins de la moitié de son carbone, moins du tiers de son hydi-ogène, un quart de son azote, un peu plus du quart d'O+S. La proportion des matières minérales du contenu de l'œuf ne se modifie pas : les faibles différences observées tiennent sans doule à ce que d'un œuf à l'autre leur quantité est variable. On s'était demandé si les éléments de la coque calcaire peuvent servir à la nutrition de l'embryon. Roux et d'autres avaient répondu affirmativement à cette ques- tion, et trouvé qu'à la fin de l'incubation le contenu de l'œuf renferme sensiblement plus de calcium et de magnésium qu'au commencement. Mais C. Voit a déjà vu que la coquille des œufs couvés ne contient pas moins de chaux que celle des œufs frais. R. Pott et Preyer, dont les recherches ont porté sur un plus grand nombre d'œufs, ont pu conclure avec certitude que ni la quantité de chaux, ni la quantité de phosphore renfermées dans le contenu de l'œuf et dans celui de la coque ne sont modifiées par l'incubation et la formation de l'embryon. LiEBERiiANN a étudié aussi en détail les transformations chimiques que subit Torga- nisme embryonnaire lui-même dans le cours du développement. Les matériaux solides augmentent progressivement aux dépens de la richesse en eau; mais les substances minérales ne participent que peu à cette augmentation, et de plus leur quantité ne s'élève pas proportionnellement à celle des matières organiques. En effet, leur aug- mentation dépend moins delà quantité que de la qualité des tissus ou des organes qui se développent, puisque parmi ceux-ci tous n'ont pas le même besoin de matières miné- rales. C'est ainsi qu'au début de l'incubation il se forme d'abord des tissus riches en cendres, plus tard d'autres qui sont moins riches, et, à la fin, de nouveau, des tissus for- tement minéralisés. Dans les dernières périodes du développement, ce sont les matières albuminoïdes qui augmentent le plus rapidement, puis les cendres; la graisse ne vient qu'au dernier rang. Les déterminations quantitatives des principes constituants de l'embryon ont montré que la quantité absolue des substances solubles dans l'eau augmente avec les progrès du développement; mais que leur quantité relative, c'est-à-dire rapportée aux autres prin- cipes fixes, diminue; leur formation a donc lieu d'une façon continue, mais se ralentit avec les progrès du développement. La quantité de substances solubles dans l'alcool augmente rapidement ; d'abord inférieure à celle des substances solubles dans l'eau, elle la dépasse à la fin de l'incubation. La teneur en graisse, très faible au début, encore peu importante au quatorzième jour, s'élève notablement vers le moment de l'éclosion. Cependant cette augmentation n'implique pas une production abondante de graisse par l'embryon lui-même; elle est due, pour la plus grande partie, à ce que le reste du vitellus est reçu dans la cavité abdominale du poulet. La quantité absolue de matières- albuminoïdes insolubles dans l'eau augmente progressivement ; mais leur proportion relative ne se modifie pas, c'est-à-dire que leur assimilation est régulière et constante. On rencontre de bonne heure dans le poulet des produits de transformation de l'albumine ; l'embryon de 7 jours contient déjà une quantité notable d'une substance analogue à la kératine ; chez l'embryon de 6 jours on trouve une faible proportion d'un- corps analogue à la mucine, qui disparait ultérieurement. Jusqu'au dixième jour le poulet ne contient pas de substance collagène; à partir du quatorzième jour le cartilage fournit, une substance qui par coclion dans l'eau donne un corps analogue à la chondrine; oiv FŒTUS. 585 n'obtient de la gélatine à aucune période du développement'. Liebermann rappelle, à ce propos, que ni Schwann, ni Hoppe-Seyler n'ont pu en extraire davantage des cartilages des fœtus de truie et de lapine. Le phosphate de chaux des os de l'embryon n'est pas une substance préformée dans l'œuf qui serait simplement absorbée par l'organisme embryonnaire; mais les matériaux en sont sans doute fournis, pour l'acide phosphorique, par les nucléines du jaune; pour la chaux, par un albuminate calcaire. Au point de vue des échanges nutritifs de l'embryon, ce qui résulte donc des recherches précédentes, c'est que l'œuf perd, outre de l'eau, du carbone, de l'hydrogène, de l'azote et de l'oxygène dans les proportions suivantes, si on prend l'azote comme unité. C'est la graisse et l'albumine qui fournissent aux combustions respiratoires, mais^ surtout la graisse. Ily a lieu cependant de tenir compte dans une certaine mesure de la destruction du glucose de l'œuf. Cl. Bernard a constaté que la quantité de sucre qui est, au premier jour, de 3,80 p. 1000, diminue progressivement jusqu'au onzième jour (où elle n'est plus que de 0,88) pour remonter jusqu'aux environs de son niveau primitif. Il y a donc d'une part une destruction de la matière sucrée liée à la nutrition de l'embryon, et d'autre part une reconstitution de cette matière. La formation correspond au début de la fonction glycogénique. Dans l'incubation, l'évolution glycogénique part de la cicatricule pour gagner l'aire vasculaire ; on voit des cellules chargées de grains, de glycogène se montrer dans le champ envahi par les vaisseaux et disposées en amas le long du trajet des veines omphalo- mésentériques ; au huitième jour les extrémités de ces veines forment de véritables vil- losités glycogéniques flottant dans la substance du jaune. Cl. Bernard fait remarquer que les cellules glycogéniques se rangent plus particulièrement sur le trajet des vaisseaux qui ramènent à l'embryon le sang hématose, c'est-à-dire des veines vitellines. Dans l'organisme embryonnaire lui-même, la glycogénie est d'abord diffuse comme chez le fœtus de mammifère pour se condenser également à un certain moment dans le foie. Vers les cinq ou six derniers jours de l'incubation on trouve du glycogène dans le foie des petits poulets. Cl. Bernard n'a pas pu mettre en évidence la matière glyco- gène dans les muscles de l'embryon de poulet. Cependant, d'après 0. Meyer (cité in Lehrb. cl. physiol. Chemie, de Neumeister, i, 193), il y a déjà dès le deuxième jour du gly- cogène dans le rudiment du cœur ; plus tard il en apparaît aussi dans les plaques mus- culaires naissantes, dans l'épithélium intestinal, dans le cerveau et la moelle. Mais ce n'est également qu'au quinzième jour que 0. Meyer a trouvé un dépôt de glycogène dans le foie, dépôt qui augmente ensuite rapidement. Si l'on considère l'ensemble des processus chimiques liés à l'incubation, l'idée s'im- pose avec force, déclare Liebermann, qu'ils sont de la nature des fermentations ; et on ne trouve rien qui s'oppose à cette conception : ainsi les graisses, avant d'être oxydées, sont d'abord dédoublées. Un certain nombre de faits récemment signalés viennent appuyer l'opinion de Liebermann. Abelous et Blarnès ont trouvé dans le jaune un ferment sapo- nifiant les graisses neutres; J. Muller et Masuyama (Z. B., xxxix, 1900, 547) y ont trouvé un ferment qui transforme l'amidon en dextrine et en un sucre, qui paraît être l'isomal- tose : reste à savoir cependant si ce ferment est utilisé pendant l'incubation. Enfin, c'est encore sous l'influence d'un ferment soluble que, d'après A. Gautier, l'ovo-fibri- nogène se transforme en membrane pseudo-organisée. 1. Il faut remarquer toutefois que la chondrine est aujourd'hui considérée comme de la gélatine. 586 FŒTUS. CHAPITRE V Passage des substances diverses de la mère au foetus et du foetus à la mère. I. Passage de la mère au fœtus. — A défaut d'observations assez nombreuses et précises sur le passage des matériaux nutritifs de la mère au fœtus, on a fait un grand nombre d'expériences sur le passage de substances étrangères à l'organisme normal et facilement reconnaissables à l'analyse chimique. On se proposait, par cette méthode, non seulement d'apporter des documents à la question des échanges de matières entre le fœtus et l'organisme maternel, mais encore d'étudier la provenance du liquide am- niotique et la sécrétion de l'urine chez le fœtus, de sorte que les mêmes faits ont pu recevoir des applications variées, ce qui en complique singulièrement l'exposé. Nous nous bornerons dans ce chapitre à indiquer les principales substances, qui, administrées à la mère, ont été retrouvées soit dans les tissus du 'fœtus, soit dans les annexes (pla- centa, liquide amniotique, etc.), soit dans les uns et les autres, pour revenir plus tard sur les conséquences qu'on a tirées de ces constatations. Mais il faut remarquer, dès à présent, qu'une substance qui a passé dans le liquide amniotique peut provenir directement de la mère, ou avoir traversé d'abord l'organisme du fœtus, soit que celui-ci l'ait éliminée par les voies urinaires, soit qu'il l'ait laissée transsuder, comme Font admis qOelques auteurs, par les vaisseaux ombilicaux ou leurs ramifications dans les annexes. D'un autre côté, une substance qu'on retrouve chez le fœtus peut avoir été fournie directement par le sang maternel au sang fœ'tal au niveau du placenta, ou bien elle peut avoir passé d'abord dans le liquide amniotique où le fœtus l'a déglutie. Cependant, quand on constate sa présence dans l'estomac, ce n'est pas tou- jours par déglutition, comme on pourrait le croire, qu'elle y est arrivée. Chez des cochons d'Inde, des lapines non arrivées à terme, Krukenberg [Centralb. f. Gijnaek., 1884, vin, 337) a trouvé qu'après des injections sous-cutanées d'iodure de potassium la réaction de l'iode faisait défaut dans le liquide amniotique, alors qu'elle était très prononcée dans l'estomac des fœtus : ceux-ci avaient donc reçu le sel par la voie du placenta et l'avaient éliminé par la muqueuse gastrique. Les premières expériences faites dans le but de rechercher si en général les matières étrangères passent de la mère au fœtus seraient dues, d'après Preyer, à A.-C. Mayer (1817). Mais Haller cite déjà des tentatives de cegenre faites par Dettlef et HertodtI. Mayer injectait dans la trachée d'une lapine pleine un liquide vert composé d'un mélange d'indigo et de teinture de safran : il trouva l'eau de Tamnios colorée en vert, l'estomac et l'intestin presque pleins d'un liquide également coloré de la même manière. Cependant ces mêmes expériences ont été répétées sans succès par Preyer sur deux cobayes à terme, qui ont succombé cinq minutes après l'injection du mélange dans la trachée. Par contre, les expériences faites par Meyer avec du ferrocyanure de potassium injecté à la mère, et retrouvé dans le liquide amniotique, l'estomac, les reins, la vessie du fœtus, ont été confirmées plus tard, en tout ou en partie, par d'autres expéri- mentateurs. Magendie (1817), ayant injecté du camphre dans les veines d'une chienne pleine, dit avoir nettement perçu l'odenr de cette substance dans le sang d'un fœtus extrait au bout de quinze minutes. En 1844, Edward Beatty signale des accidents convulsifs et tétaniques chez le nouveau- né à la suite de l'administration du seigle ergoté à la mère peu avant l'accouchement; il 1. Cité d'après Schrewe. Uber die Herkunft des Fruchtu}assers und seine Bedeulung fur die Frucht. Inaug. Dissert., léna, 1896. On trouvera dans ce travail un exposé historique complet des recherches laites jusqu'à cette date sur la provenance du liquide amaiotique ; de nombreuses expériences sur le passage des substances de la mère au foetus y sont également citées. FŒTUS. 587 cite WiGHTE, qui a obtenu les mêmes effets chez les animaux en leur injectant de l'ergotine dans le sang, et il arrive à la conclusion que ces substances ont dû être amenées au fœtus par la veine ombilicale. Aux premières recherches positives faites chez l'homme appartiennent celles de ScHAtiENSTEiN et SpAETH (1838) qui, ayant administré de l'iodure de potassium à des femmes syphilitiques au terme de la grossesse, en retrouvèrent une fois dans le méconiumi une autre fois dans le méconium et l'eau de l'amnios ; par contre, ils n'ont pas retrouvé le mercure, dont le passage a cependant été constaté plus récemment. En 1860, Flourens (C. R.,l, 1010) présente à l'Académie des sciences les os d'un fœtus dont la mère avait été soumise à un régime mélangé de garance dans les quarante- cinq derniers jours de la gestation. Les os de ce fœtus étaient devenus rouges, du plus beau rouge, et d'une manière beaucoup plus complète et plus uniforme, dit Flou- RENS que lorsque le petit, dès qu'il peut manger, est soumis au régime de la garance, « tant la perméabilité des tissus de l'embryon est facilement préparée à la pénétration du sang de la mère ». Les dents aussi étaient devenues rouges. Ni le périoste, ni le carti- lage, ni les tendons n'étaient colorés. Deux des fœtus morts se sont trouvés également colorés; trois autres étaient vivants, mais, par la coloration de leurs dents, on pou- vait juger de la coloration de leur squelette. RiGHiNi (1863), à la suite de l'emploi de l'iodoforme chez la mère, signale la présence de l'iode dans le liquide amniotique. En 1865 Clouet étudie le passage du cuivre de la mère au fœtus. Puis viennent en 1872 les premières expériences de Gusserow, qui ont été le point de départ de toute une série de recherches, toujours à peu près conçues sur le même pian, et auxquelles on a demandé à la fois des rensei- gnements et sur la grandeur des échanges entre la mère et le fœtus et sur l'origine du liquide amniotique. 11 nous paraît préférable, au lieu de continuer à suivre l'ordre chro- nologique, de passer en revue les principales substances qui ont été étudiées à ces points de vue. Substances minérales. — Gusserow [Arch. f. Gynaek., m, 241, 1872), en administrant de;]' iod,ure de potassium à des femmes enceintes, n'a obtenu que quelques résultats positifs. Sur 10 cas dans lesquels l'urine du nouveau-né put être recueillie, il ne trouva l'iodure que quatre fois. Dans 12 cas où le liquide amniotique fut examiné, on y constata aussi quatre fois la réaction caractéristique : deux fois elle fut assez prononcée, et les deux autres fois il n'était pas certain que le liquide amniotique n'eût pas été mélangé à l'urine mater- nelle, qui contenait elle-même de l'iode. Gusserow croyait aussi que le passage de l'IK était extrêmement lent et qu'il faut administrer le médicament à la mère au moins quatorze jours avant l'accouchement pour le l'etrouver chez le fœtus. Mais, en perfectionnant les procédés de recherches, d'autres expérimentateurs furent plus heureux. Runge a trouvé l'iodure deux fois sur trois dans le liquide amniotique; de même dans l'urine, dans le seul cas où celle-ci peut être recueillie. Krukenberg {Arch. f. Gynaek., 1884, xxii) est arrivé à mettre constamment en évidence IK dans les cendres du liquide amniotique qu'il obtenait pur par ponction des mem- branes, après avoir donné aux femmes en travail l^'', 50 à 4'ï'",50 du sel, de une heure à quatre heures auparavant. Haidlen, dans 10 cas où IK avait été donné après le début des douleurs, a toujours trouvé la substance, soit directement dans le liquide amniotique, soit dans ses cendres, en même temps que l'urine donnait toujours également une forte réaction. Dans 2 cas où l'enfant vint au monde trois heures après l'administration d'IK, tandis que le liquide amniotique avait été évacué déjà, au bout de quinze minutes chez l'une des femmes, au bout d'une heure chez l'autre, l'examen du liquide anmiotique donna un résultat négatif, celui de la première urine du nouveau-né un résultat positif. Dans 8 cas où l'ingestion du médicament avait été suspendue cinq jours avant la naissance ou trois jours avant le début des douleurs, le liquide amniotique, comme l'urine, ne donna que des résultats ne'gatifs, bien que la mère eût pris de l'iodure pendant un mois. Dans 2 cas cependant où l'enfant vint au monde six et quatre jours après qu'on eût cessé de faire prendre l'iodure, le liquide amniotique donna une fois une réaction nette, une autre fois une réaction faible; l'urine un résultat positif chez le premier enfant, négatif chez le second. 588 FŒTUS. Même à la dose de 25 centigrammes, d'après Porak [Journ. deThérapeut., 1877 et 1878), l'iodure passe consiamment dans l'urine du nouveau-né : à plus forte raison lorsque la dose est supérieure. Il faut plus d'une demi-heure pour que la substance ait traversé le placenta; à quarante minutes d'intervalle, on trouve toujours la réaction dans l'urine de l'enfant. Si nous passons maintenant aux expériences instituées chez les animaux, nous voyons que d'abord Gusseeow [loc. cit.) n'a pu retrouver, ni dans le liquide amniotique, ni dans l'urine des fœtus de cobayes ou de lapines, la teinture d'iode qu'il injectait dans l'estomac des mères. Par contre, Kruke.nberg {loc. cit.), en injectant sous la peau I8^'',o0 dlK à des lapines à terme qu'on sacrifiait au bout d'une heure et demie, a obtenu constam- ment la réaction caractéristique dans le liquide amniotique, même sans avoir besoin de concentrer les liquides; il a trouvé également la substance, mais en faible quantité, dans les reins incinérés, des fœtus. Mais ces mêmes expériences, répétées sur 7 lapines, dix jours avant la fin de la gestation, ne donnèrent pas les mêmes résultats: le liquide amniotique ne contenait pas, en règle générale, d'iodure, ou n'en contenait que des traces, tandis que les fœtus, incinérés en totalité, donnaient une faible réaction. Rrurenberg arrive donc à cette conclusion, à laquelle était déjà arrivé Wiener, que chez le lapin les substances se retrouvent dans le liquide amniotique lorsqu'elles sont injectées à la mère à la fin de la gestation, mais non quand elles le sont dans ses premières périodes. Cet auteur admet que chez les femelles à terme il s'est produit une altération des mem- branes ovulaires qui les rend plus perméables, et permet ainsi à l'iodure de passer dans le liquide amniotique. Plus tard Krukenbekg {A7'ch. f. Gynaek., 1885, xxvj, 258) chercha à montrer eu effet à quel point la différence dans la structure et la disposition des membranes, suivant les espèces animales, intlue sur le passage des substances dans le liquide amniotique. C'est ainsi que chez le cobaye, en raison de l'inversion des feuillets germinatifs, la réaction de l'iode s'observera de bonne heure dans l'espace compris entre le chorion et l'amnios, à une époque où elle fait encore défaut dans ce même espace chez le lapin; d'ailleurs, chez le cobaye comme chez le lapin, ce n'est qu'à la fin de la gestation qu'on la trouve constamment et nettement dans le liquide amniotique, et pour la même raison, c'est-à- dire à cause des modifications subies })ar les membranes. Par contre, chez le chat et le chien, même à la fin de la gestation, non seulement les couches extérieures à l'amnios, mais encore le contenu de l'amnios, ne donnent que rarement et faiblement la réaction; celle-ci serait cependant très nette, chez les mêmes espèces animales, dans le liquide de l'estomac, et par conséquent ici encore ce ne sont pas les mouvements de déglu- tition qui ont pu introduire l'iodure dans le tube digestif. Le bromure de potassium passe lentement (Porak) ; on le trouve dans l'urine du nouveau-né seulement lorsque l'administration en a été faite deux heures et demie avant l'accouchement, et il passe en petites quantités, puisqu'il en faut donner de très fortes doses à la mère pour en constater des traces. Le chlorate de potassium passe très vite, de sorte qu'on le retrouve ordinairement dans l'urine du nouveau-né après dix minutes d'administration; c'est la substance dont le pas- sage s'effectuait le plus rapidement à travers le placenta parmi celles qui ont été expé- rimentées par Porar. La même auteur a trouvé que Vazotate de potassium met plus de quarante minutes à passer ; après une heure, surtout après une heure vingt minutes, il passe constamment lorsque la dose est suffisante. Dans ses expériences sur les animaux, lapins, cobayes, chats, A. Plottier {Maly's Jb., 1898, 489) a trouvé le chlorate de K, le bromure de K, le chlorure de lithium dans les tissus du fœtus et dans le liquide amniotique, mais non le bromure de strontium. MiURA (A. A. P., 1884, xcvi, 54) a introduit dans l'estomac de lapines et de cobayes, à terme, laissées préalablement à jeun pendant deux jours, de petites quantités d'huile phosphorée. Au bout de quelque temps, les animaux ayant été sacrifiés, on trouva que les lésions anatomo-pathologiques étaient exactement les mêmes chez le fœtus que chez la mère ; le foie était le plus fortement stéatosé ; l'estomac présentait les alté- rations de la gastro-adénite ; les muscles, le cœur et les reins étaient atteints de dégé- nérescence graisseuse, mais à un degré moins prononcé que chez la mère. FŒTUS. 589 PoRAR [Nouvelles Arch. d'Obstélr., 1894, 130 et 173), dans des condilions semblables, a observé la stéatose du foie chez les fœtus comme chez la mère; mais les recherches du phosphore dans les tissus des petits sont i^estées négatives. Par contre, Boeri [Mah/s Jb., 1899, 420) a retrouvé au bout de quelques heures, dans le sang du fœtus, le phos- phore administré à des lapines et à des cobayes pleines. La rapidité du passage ne per- met donc pas d'accepter l'opinion de Seydel, d'après laquelle il faudrait l'expliquer par des altérations et des ruptures des vaisseaux placentaires, puisqu'au moment où l'on constate la présence du phosphore chez le fœtus, les lésions anatomiques n'ont pas encore eu le temps de se produire. Le passage de l'arsenic, d'après les expériences d'ARCANGELis faites sur des chiens et des cobayes [Virchoio et Hirsclis Jb., 1891, i, 521), a lieu aussi bien dans les intoxi- cations aiguës que dans les chroniques, et semble plus facile dans les premières périodes de la gestation ; en général, celle-ci est interrompue par l'agent toxique, mais elle peut cependant suivre son cours normal. Porar. [loc. cit.) a également expérimenté sur des cobayes ; dans 3 cas oii la mère avait absorbé de 3 milligrammes à 6 centi- grammes d'arséniate de soude, en un temps qui a varié de 4 à 7 jours, les examens chi- miques du fœtus sont restés négatifs. Ce n'est que dans une observation où l'animal avait absorbé plus de 26 centigrammes en 39 jours que le résultat a été positif. L'arsenic traverserait donc difficilement le placenta, et Porak a trouvé de plus que chez le fœtus, c'est la peau qui est l'organe électif d'accumulation de la substance toxiqUe, alors que c'est le foie chez la mère. Clouet parait être le premier qui ait étudié le passage du cuivre de la mère au fœtus. Il a administré à des chattes en gestation du sous-acétate de cuivre. Dans une première série d'expériences, il retrouve le poison dans tout le corps du fœtus. Dans une deuxième série, il compare les quantités de poison accumulées dans le foie du fœtus et dans un poids égal de chair musculaire, et constate qu'elles sont égales de part et d'autre. Il en conclut : 1" qu'il est facile de retrouver dans le produit de la conception les substances qui ont occasionné l'empoisonnement chez la mère ; 2° que l'agent toxique ne se localise pas chez le fœtus dans certains organes de préférence à d'autres, par exemple, dans le foie, mais qu'il se répand dans tout l'organisme. Phillippeaux (B. B., 1879, 227) a répété cette expérience ; il a fait prendre à une lapine pleine, tous les jours, pendant toute la durée de la gestation, 2 grammes d'acé- tate de cuivre mêlés à sa nourriture. L'animal se porta bien, engraissa même, et mit bas, le 32'' jour, 10 petits qui pesaient ensemble 500 grammes. Incinérés dans un creu- set de platine, ils contenaient 5 milligrammes de cuivre métallique, soit un demi-milli- gramme par chaque fœtus. PoRAK a, de son côté, constaté nettement le passage du cuivre. Dans un cas où il a donné du sulfate de cuivre, il n'a trouvé le métal que dans le foie des petits. A la suite de l'intoxication parle carbonate de cuivre, il l'a trouvé dans le foie, dans le système ner- veux central, et d'une façon plus constante dans la peau. La diffusion du poison est donc plus étendue, comme l'avait déjà dit Clouet, chez les petits que chez la mère, pour laquelle il s'accumule de préférence dans le foie. En outre, la totalité du cuivre recueilli chez tous les petits de la même portée a dépassé la quantité accumulée chez la mère. Dans un seul cas où l'on a cherché le cuivre dans le placenta, on l'y a constaté mani- festement. Baum et Saliger ont publié aussi une observation intéressante d'intoxication des fœtus par le cuivre (C. P., 1896, 752). Une grande chienne pleine reçut, du 2 mai au 25 juin, tous les jours, 25 centigrammes de sulfate de cuivre mêlés à ses aliments. Elle mit bas le 10 juin, sans qu'elle parût avoir été incommodée par le poison. Un premier petit fut tué le 11 juin : il n'y avait pas de cuivre dans ses reins; par contre, dans le foie il y en avait des quantités pondérables, 0 0024 p. 100. Dans l'intervalle du 27 juin au 4 juillet, les autres petits moururent. A la naissance ils n'avaient rien présenté d'anormal ; mais bientôt, lorsque la mère eut du lait en quantité suffisante, ils vinrent mal et augmen- tèrent à peine de poids ; à 3 semaines et demie, ils étaient à peine plus grands qu'immé- diatement après la naissance, et paraissaient très faibles. Environ . 10 jours après la naissance ils furent pris de convulsions, qui devinrent de plus en plus violentes jusqu'à la mort. Les petits ont encore dù^prendre du cuivre avec le lait de la mère, car, dans le S90 FŒTUS. foie du petit, mort le dernier, on trouva 0,0031 p. 100 de cuivre, c'est-à-dire plus que chez le nouveau-né sacrifié immédiatement. Comme le cuivre, le plomb passe constamment à travers le placenta, et se diffuse davantage chez le fœtus que chez la mère (Porak). Tandis qu'on le trouve chez les petits en proportion sensiblement égale dans le foie, le système nerveux central, et la peau, chez la mère, c'est surtout le foie, et à un moindre degré la peau, qui est organe élec- tif d'accumulation. RoBOLSKi (1884) en injectant sous la peau à des lapines pleines, soit une solution de sublimé, soit du cyanate ou du peptonate de mercure, a pu retrouver dans tous les cas le métal chez les fœtus. Alasuite.de frictions d'onguent mercuriel, pratiquées pendant quelque temps chez deux femmes syphilitiques, il a constaté une fois la présence du mercure dans le méconium, une autre fois dans l'urine du nouveau-né et dans le sang du cordon ombilical. A. Plottier a trouvé également chez le fœtus, mais non dans le liquide amniotique, le mercure injecté aux mères sous la forme de peptonate. MiRTO (1899), en employant le sublimé chez des chiennes et des lapines, a pu cons- tamment mettre en évidence le mercure dans les fœtus et dans le placenta. Dans les expériences de Porak faites sur des cobayes, l'examen des organes des fœtus a donné, par contre, des résultats négatifs, tandis que la présence du mercure dans le placenta a été constatée nettement. Porak admet que, si le mercure ne passe pas, c'est à cause de sa gi'ande affinité pour le placenta. Strassmann {A. P., SuppL, 1890, 95) a voulu s'assurer si les contradictions entre les expériences de Mirto et celles de Porak ne tenaient pas à la différence des espèces ani- males, mais les résultats furent les mêmes chez les souris, les cobayes, les lapins et les chiens. Après les intoxications aiguës par de fortes doses de sublimé, cet auteur a constamment trouvé le mercure chez ces fœtus ; quelquefois, il est vrai, en faible propor- tion, mais il n'a pu le déceler dans l'intoxication lente, par de petites doses répétées, probablement parce qu'il passe en quantité minime. Substances organiques. — Benicke est le premier (1876) qui ait employé l'acide salicylique : il en donnait is'jSO à 2 grammes à des femmes en travail, dès le début des douleurs. Les nouveau-nés étaient cathétérisés, et, au moyen du perchlorure de fer, on cherchait la présence de l'acide salicylique dans leur urine, ainsi que dans celle de la mère et, en outre, dans le liquide amniotique. Dans 17 cas, où l'enfant vint au monde au moins 2 heures après l'administration du médicament, sa première urine donna la réaction ; dans 3 cas la vessie était vide, mais la réaction se trouva dans l'urine recueillie au bout de 2 heures ; dans 2 cas où l'enfant fut expulsé 40 et 85 mhiutes après l'ingestion de la substance par la mère, il n'y eut pas de réaction dans la pre- mière urine, mais bien dans la seconde ; dans 2 cas où la naissance survint au bout de 10 et 15 minutes, l'urine de l'enfant ne donna pas la réaction; enfln, dans un cas où l'accouchement eut lieu au bout de 26 heures, il n'y eut d'acide salicylique ni dans l'urine de l'enfant ni dans celle de la mère. Dans les cas où le liquide amniotique put être recueilli pur de tout mélange, Benicke ne trouva pas trace de la substance. En répétant ces expériences, Runge (1877) n'obtint d'abord que 2 résultats positifs sur 19, lorsqu'il rechercha l'acide salicylique dans le liquide amniotique. Mais plus tard, au lieu d'ajouter directement le perchlorure de fer à l'eau de l'amnios, il se débarrassa de l'albumine en acidulant le liquide et en l'agitant avec de l'éther, et après évaporation la réaction réussit 5 fois sur 8. ZwEiFEL {Arch.f. Gynaek., 1877, xn, 235) a cherché à montrer par l'exemple du salicy- late de soude combien est faible la quantité de substance qui parvient au fœtus. Les expériences dont voici le résumé ont été faites sur des femmes en travail ; 1° 3 grammes de salicylate, 45 minutes avant l'accouchement. Urine de l'enfant : résultat négatif ; 2° 3 grammes, 4 heures avant l'accouchement. Urine de l'enfant : résultat positif. Sang placentaire, 0 s'- 0005 (pour 30 grammes de sang) ; 3" 3 grammes, 1 h. 10 avant l'accouchement. Vessie vide. Sang du cordon : 0,000937 grammes ; 4° Moins de 0,0002 grammes ; FŒTUS. 591 5° 3 grammes, 5 heures et un quart avant raccouchement. Sang placentaire : 0,00157 (pour 23e%14 de sang). Ces expériences montrent que, dans les recherches qui portent sur le liquide amnio- tique, on ne peut pas toujours s'attendre à des résultats positifs ; car, si Zweifel diluait la quantité d'acide salicylique, trouvée dans 30 grammes de sang, avec une égale quantité d'eau, la réaction caractéristique cessait d'être appréciable. On s'explique donc qu'elle puisse faire défaut dans le liquide amniotique, où la substance doit se trouver à un état de dilution très grande, même si le fœtus a évacué à différentes reprises des quantités d'acide salicylique équivalentes à celles qui se rencontrent dans l'urine, immédiatement après la naissance. A la môme époque, Fehling {Arch. f. Gynaek., 1877, 12, 523) publie des expériences, faites sur des lapines, dans lesquelles la recherche dusalicylate, et aussi du ferrocyanure de potassium chez le fœtus, ne lui ont donné que des résultats négatifs, pour faire voir précisément que de tels résultats peuvent souvent être prévus, d'après la minime quan- tité de substance qui traverse le placenta. Mais, en administrant ces mêmes composés à des femmes à terme, il les retrouva constamment chez le fœtus, quand la mère avait pris le médicament au moins pendant un jour. Dans ce travail, Fehliisg ne fournit pas d'indications sur le contenu du liquide amniotique. Plus tard {Arch. f. Gynaek., 1879, XIV, 221), cet auteur a donné dans 3 cas, pendant 28, 32, 33 jours, 43'ï'',4, 63 «',6, 56 grammes de salicylate de soude à des femmes enceintes; l'accouchement eut lieu 3 heures et demie, 11 heures, et 27 heures et demie après l'administration de la der- nière dose. Deux fois sur trois la réaction fit défaut dans le liquide amniotique ; dans le troisième cas elle s'y trouva, mais faiblement. Dans 2 cas où l'urine fut examinée, elle donna la réaction. Par contre, Dielh {Virchoiv et Hirsch's Jb., 1892, i, 86) a obtenu des résultats conformes à ceux de Runge; en donnant de l'acide salicylique tantôt quelques heures et tantôt quelques jours avant l'accouchement, il l'a retrouvé 7 fois sur 9 dans les eaux de l'amnios. En ce qui concerne le passage de l'acide salicylique dans l'urine du nouveau-né, on voit que tous les auteurs sont d'accord. Porak avait déjà dit qu'à la dose de 40 centi- grammes l'acide salicylique et le salicylate de soude peuvent y passer en 20 minutes ; qu'au delà de 30 minutes, et à une dose supérieure à 40 centigrammes, ils y passent constamment. - Une substance qui a souvent été utilisée, c'est le ferrocyanure de K. Nous avons déjà signalé plus haut les expériences de Mayer. Dans 17 cas où Fehling a donné ce com- posé à des femmes en travail, il n'a pu le mettre en évidence dans le liquide anmio- tique que trois fois ; la première urine du nouveau-né ne donnait pas la réaction, mais la seconde la donnait. Le passage du prussiate jaune, d'après Porak, se fait assez lentement ; il peut s'ac- complir en trois quarts d'heure à 1 heure et demie : c'est surtout lorsque l'administra- tion a eu lieu depuis plus de quatre heures qu'on le retrouve presque constamment dans l'urine du nouveau-né; mais il passe en petite quantité. Bar {Th. P., 1881) injecte dans une veine utérine d'une lapine sur le point de mettre bas 60 gouttes d'une solution de ferrocyanure de potassium à 1 p. JOO, et tue l'animal au bout de 30 minutes. En traitant le liquide amniotique de tous les œufs par une solu- tion de sulfate de fer, il y fait apparaître la coloration bleue ; la membrane de l'am- nios s'est aussi colorée fortement par l'adjonction d'un sel de fer : l'estomac était distendu par du liquide qui donna également la réaction. Mais on ne put la pro- duire dans les reins d'aucun des fœtus. Chez l'un d'eux, la vessie contenait quelques gouttes d'une urine claire, qui, traitée par le sel de fer, ne donna aucune réaction. C'est-à-dire qu'en résumé la substance avait passé dans le liquide amniotique, et non dans les fœtus, en faisant abstraction du contenu de l'estomac oii elle avait pénétré par la déglutition. ZuNTz (A. g. P., 1878, xvi, 548) a injecté dans la veine jugulaire de lapines pleines, dans l'espace d'une heure, 30 à 40 ce. d'une solution saturée à froid de sulfindiijotate de soude. Il a trouvé au bout de ce temps le liquide amniotique teinté légèrement en bleu, à peu près comme la sérosité péritonéale de la mère, moins fortement cependant, tandis que les quelques gouttes d'urine que renfermait parfois la vessie du fœtus, ne 592 FŒTUS. présentaient pas trace de coloration. Celle-ci faisait défaut également dans les organes fœtaux, foie et rein : le contenu de l'estomac seul présentait quelquefois une teinte bleue, semblable à celle du liquide amniotique. Wiener {Arch. f. Gynœk., 1884, xxiii, 183) a répété ces expériences en liant préa- lablement les vaisseaux rénaux de la mère pour empêcher la substance injectée de s'éliminer par l'urine. Ici encore les fœtus ne renfermaient pas trace de matière colo- rante, et au microscope on ne put en déceler dans le rein. Il n'y avait que l'estomac et les parties supérieures de l'intestin dont le contenu était coloré en bleu. Cependant, si les animaux étaient encore dans la première moitié de la gestation, l'indigotate de soude ne passait pas dans le liquide amniotique, ou il n'en passait que des traces. Wiener ajoute encore que la quantité de matière colorante qui se mélange au contenu de l'aranios ne paraît dépendre ni de la quantité de liquide injectée à la mère, ni du temps écoulé jusqu'au moment de sa mort ; la coloration, quoique manifeste, était tou- jours faible. SicARD et Mercier (B. B., 1898, 63) ont employé chez des femmes à terme le bleu de méthylène, en injections sous-cutanées, à la dose de 0&%0o, de 3 minutes à 22 heures avant l'accouchement. Le temps minimum nécessaire pour le passage du bleu dans l'urine a paru osciller entre 1 heure 20 et 1 heure 30. L'urine des nouveau-nés colorait le linge durant 2 à 3 jours après l'accouchement. Dans 6 cas où ces expérimen- tateurs ont pu examiner le liquide amniotique, clair et sans trace de méconium, ils n'y ont trouvé ni coloration directe, ni chromogène. Chez une cobaye pleine, les résultats furent également négatifs. GussEROw [Arch. f. Gynœk., 1878, xiii, 56) a donné à des femmes en travail de 2 à 5 heures avant l'accouchement du benzoate de soude à la dose de 1 gramme à le^SO et a trouvé dans le liquide amniotique, et dans l'urine du nouveau-né, de l'acide hippu- rique, mais non de l'acide benzoïque. Durhssen {Arch. f. Gynœk., 1888, xxxii, 329) a répété ces expériences avec les mêmes résullats, et a réfuté, comme on le verra plus loin, à propos de la provenance du liquide amniotique, les arguments opposés aux conclusions de GussEROw. Schaller [Arch. f. Gynxk., 1899, lvii, 566) a eu recours à l'emploi de la phlorhi- zine. On sait qu'à la suite de l'ingestion de cette substance on voit apparaître de la glycosurie, tandis que la.quantité de sucre dans le sang n'augmente pas. Si donc, après administration de phlorhizine à la mère, on trouve du sucre dans l'urine de l'enfant, c'est que la phlorhizine a traversé le placenta. Et en effet, dans 26 cas où elle avait été donnée moins de 48 heures avant l'accouchement, l'urine du nouveau-né renfermait du sucre ; mais, dans 5 cas où il s'était écoulé au minimum 48 heures, au maximum 28 jours avant Faccouchement, elle n'en contenait pas. Schuller admet que dans ces derniers cas la phlorhizine retourne peu à peu, par l'intermédiaire du placenta, dans le sang maternel, parce qu'avant la fln de la gestation le rein fœtal n'est pas encore apte à la transformer et à l'éliminer. Dans le liquide amniotique, on ne trouva du sucre que très rarement, ou toujours en faible quantité. Nous aurons l'occasion de revenir sur la signification attribuée à ces expériences et sur leur discus- sion. Chez les femmes diabétiques, le sua^e peut aussi passer en nature du sang de la mère dans le liquide amniotique. Ludwig {Maly's 3b., 1896, 159), Rossa, y ont trouvé : l'un, 0,3; l'autre, 0,345 p. 100 de glucose. ZwEiFEL [Arch. f. Gynœk. 1877, xu, 235) a démontré le passage rapide du chloroforme du sang de la mère en travail dans le sang du cordon. Par conséquent, dans les accou- chements où l'on a recours au sommeil chloroformique, l'enfant participe à l'intoxica- tion chloroformique : mais on a déjà vu que l'anesthésie peut se prolonger longtemps sans inconvénient pour le fœtus, si l'abaissement de la pression sanguine n'est pas trop considérable. Porak n'a pu déceler le chloroforme dans le sang fœtal, mais il a constaté sa présence dans l'urine du nouveau-né trois quarts d'heure après que la chloroformisa- tion eut été entreprise. Le chloral donné en lavement à la mère ralentit au bout de 5 ù 10 minutes le pouls du fœtus (KouBASsow). D'après Peter Muller, du bromure d'éthyle est expiré par l'enfant au moment de la naissance, quand la femme en travail en a inspiré une grande quantité. FŒTUS. 593 A. Plottier a déjà signalé le passage de l'alcool dans le foetus et le liquide amnioti- que. Plus récemment, Nicloux (B. B., 1899, 980) a montré que les teneurs du sang en alcool de la mère et du fœtus sont très voisines. Lorsque les quantités d'alcool ingé- rées sont trop petites pour que l'alcool puisse être dosé dans le sang du fœtus, la com- paraison de la teneur en alcool des tissus du fœtus avec la teneur en alcool des foies maternels est instructive en ce que les chiffres sont à peu près identiques. On voit que, pour petite que soit la dose d'alcool ingéré, 1/2 c. c. par kilogramme, elle est suffisante pour faire apparaître l'alcool dans l'organisme fœtal. Chez une femme en travail, on fit prendre 1 heure avant l'accouchement une potion de Todd, et tout de suite après l'ex pulsion on recueillit, venant du bout placentaire du cordon, 20 à 50 [grammes de sang fœtal; on y trouva de l'alcool. PoRAK a reconnu très nettement l'odeur de violette dans l'urine du nouveau-né quand on avait administré à la femme en travail de l'essence de térébenthine. Par contre, il n'y a pas perçu l'odeur fétide caractéristique quand la mère avait mangé des asperges pendant le travail. Le sulfate de quinine passe lentement à travers le placenta, puisque sa présence n'est décelée d'une façon constante dans l'urine du nouveau-né que lorsque l'administration a précédé de 1 heure et demie l'accouchement. Le passage s'observe encore lorsqu'on ne donne que 50 centigrammes, et même moins (Porak). Plottier chez les animaux n'a pas trouvé la substance dans le liquide amniotique. La santonine, d'après Porak, passe constamment lorsqu'on en donne 30 à 50 centi- grammes à la mère, 45 minutes avant l'accouchement. Walter, qui a empoisonné des femelles presque à terme avec du nitrate de strychnine, de V acétate de morphine, de la vératrine, du curare, de Vergotine, n'a pu reconnaître dans aucun cas ces poisons dans le sang du fœtus. Peut-être, comme le fait remarquer Preyer, le temps écoulé entre l'injection du poison et l'extraction du fœtus était-il trop court. Il est vrai que Fehling, qui a injecté de très fortes doses de curare à des chiennes et à des lapines pleines, a vu aussi que les fœtus avaient encore des mouvements très vifs, alors que la mère était fortement curarisée (Arch. f. Gynsek., 1876, ix,313). Mais comme, d'après les observations de Prêter et de Soltmann, il faut une grande quantité de curarine ou de curare pour abolir la motilité du fœtus, il est possible que ces substances passent, mais en proportion trop faible. Toujours est-il que le passage de la morphine (et aussi de Vantipyrine) a été constatée par Plottier. Porak dit avoir acquis dans plusieurs cas la certitude que les petits étaient sous l'in- tluence de l'atropine administrée à leur mère avant la naissance. Preyer est plus explicite : un quart d'heure après l'injection d'un centimètre cube d'une solution de sulfate d'atro- pine à 1 p. 100 sous la peau d'une femelle de cobaye à la fin de la gestation, ce physio- logiste a observé que le premier fœtus extrait présentait des pupilles dilatées ; de même les trois autres, extraits dans les 20 minutes suivantes. Dans un cas où chez une femme on avait injecté, 3 heures avant l'accouchement, 2 milligrammes d'atropine, l'enfant avait des pupilles dilatées, qui ne réagissaient pas à la lumière. Plottier a retrouvé l'acide phénique chez le fœtus et dans le liquide amniotique. Après avoir fait ingérer à une chienne pleine 0g^'',20 à'aniline par kilogramme, Wertheimer et Meyer n'ont pu constater au bout de 7 heures, ni dans le sang du cordon, ni dans celui du cœur ou du foie des fœtus, le spectre caractéristique de la méthémo- globine : le résultat fut le même après l'emploi de la métatoluidine ; par conséquent ni celle-ci ni l'aniline ne traversent le placenta [A. de P., 1890, 193). Charpentier et Butte {Arch. nouv. d'obstétrique, 1887, ii, 397), en injectant de l'urée à des femelles pleines, soit en une fois à dose massive, soit à doses successives pendant 8 à 10 jours, ont trouvé que l'urée s'accumule dans les tissus fœtaux, que la proportion peut y être même plus forte que dans les tissus maternels et que le fœtus succombe avant la mère. Comme la cause de sa mort ne peut s'expliquer ni par un abaissement de la pression artérielle de la mère, ni par une diminution de l'oxygène de son sang, il faut l'attribuer à une intoxication directe par l'urée. L'accumulation de la substance dans les tissus du fœtus serait due aussi bien à son arrivée dans le sang fœtal qu'à l'im- possibilité de son élimination, le sang de la mère en étant surchargé. Le tableau suivant donne le résumé de ces expériences en ce qui concerne DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 28 594 FŒTUS. le dosage de l'urée dans le sang et les tissus de la mère ainsi que dans la masse du fœtus : Urée contenue dans 100 grammes : MÈRE. FŒT US. d « g c. •- < g SANG de la mère à l'état normal. SANG de la mère après intoxication. MUSCLES de la mère à l'état normal. MDSCLES de la mère après intoxication. 1 1 1" exemple d'intoxication aiguë. . 2» 1" exemple d'intoxication lente. . 2» 0,020 (moyenne) 0,098 0,048 0,076 0,030 (moyenne) 0.0.56 0,0.5* 0,012 (moyenne) 0,042 0,035 0,043 0,086 Feis [Arch.f. Gynaek., 1894, xlvi, 147) est arrivé à des résultats semblables. Après l'in- jection de fortes doses d'urée, 6 à 16 grammes, à des lapines pleines, les tissus du fœtus, au lieu de Oe%Oi p. 100, chiffre normal, en contenaient dans divers cas 0,38.'j, 0,065, 0,053 et jusqu'à 0,857 p. 100. Feis admet également que l'urée est pour le fœtus un poison auquel il résiste moins longtemps que la mère; mais cette substance, même à fortes doses, ne provoque pas de contractions utérines. Matières albuminoïdes. — Wertheimer et Meyer ont observé que \d. méthémoylobine en solution dans le sang maternel ne passe pas dans le sang fœtal [A. de P., 1891, 204), alors qu'elle traverse facilement le filtre rénal, puisque dans ces conditions expéri- mentales l'urine de la mère en contient en notable proportion : le filtre placentaire s'op- pose à son passage. Le spectroscope montre en effet l'absence de la méthémoglobine dans le sang du fœtus. Nous avons mentionné en un autre endroit que, d'après Ascoli, le placenta met obsta- cle plus ou moins complètement au passage de l'albumine. Déjà Wertheimer et Dele- ZENNE avaient montré que la peptone, injectée à une chienne pleine, n'empêche pas la coagulation du sang des fœtus, tandis qu'elle rend incoagulable, comme on sait, le sang de la mère. On ne peut cependant pas rigoureusement conclure de ce fait que la peptone elle-même soit arrêtée par le placenta. Il est possible qu'elle passe, mais que le foie où se forme la substance anti-coagulante, ou bien que les leucocytes aux dépens desquels elle se forme ne réagissent encore à l'action de Ja peptone pendant la vie intra-uté- rine. Mais, d'un autre côté, Wertheimer et Delezenne ont constaté aussi que l'extrait de samjsue, qui empêche, par lui-même et sans aucun intermédiaire, c'est-à-dire in vitro, la coagulation, n'a pas rendu incoagulable le sang du fœtus, quand on l'injectait à la mère. Par conséquent, ou bien le placenta arrête ou modifie les substances anti-coa- gulantes, ou bien il les laisse passer avec une lenteur telle et en si faibles proportions qu'elles n'ont plus d'action sur le sang fœtal. Charri.n et Delam.\re (jB. B., 1901, 775) ont publié des expériences qui sont en quelque sorte la contre-partie des précédentes. En injectant du mucus dilué dans la circulation chez des lapines pleines, ils ne sont pas parvenus à produire la coagulation du sang du fœtus, alors que chez la mère le contenu vasculaire se prenait en masse. Comme ces expérimentateurs ont opéré avec assez de lenteur; comme d'autre part, in vitro, le sang fœtal subit l'action anticoagulante de ce principe, ils se demandent si le placenta n'in- tervient pas d'une façon active pour s'opposer à cette influence du mucus sur la coagu- lation du sang. Ëléments morphologiques et poudres insolubles. — 11 est absolument certain que les hématies de la mère et celles du fœtus restent toujours indépendantes les unes des autres. Mais on peut se demander si les leucocytes, en vertu de leurs mouvements amiboïdes, n'arrivent pas à franchir la barrière placentaire. S.enger {Arch. f. Gynwk., 1888, XXXI, 161) a fait remarquer que la pathologie réalise une expérience qui répond FŒTUS. 595 à cette question, quand elle nous montre que le fœtus d'une mère leucémique ne de- vient pas leucémique; le sang du placenta fœtal, des vaisseaux ombilicaux, celui du fœtus lui-même n'ont aucun caractère anormal. Tchistowitsch et Yourewitsch [loc. cit.), ont implicitement confirmé cette observation par le fait que l'hyperleucocytose de la mère provoquée par les infections ou les intoxications bactériennes ne retentit pas sur le fœtus. La question du passage des substances pulvérulentes à travers le placenta est, dans une certaine mesure, liée à la précédente, parce qu'on a supposé que c'est incorporées aux globules blancs qu'elles peuvent pénétrer dans la circulation fœtale. Ce mécanisme ne peut donc être admis, et, si les poudres insolubles passent, ce ne sera que par une véritable effraction. Le cinabre est le corps avec lequel on a le plus souvent expérimenté. Reitz, en l'in- jectant à des lapines pleines, l'a retrouvé dans le placenta, dans les caillots du cœur du tœtus, dans les vaisseaux de la pie-mère. Caspary, Perls sont également arrivés à des résultats positifs. Il n'en n'est pas de même de Hofmann et Langerhans; il est vrai que ces auteurs ne rapportent qu'une seule observation: ils injectaientdes grains de cinabre dans une veine du cou ou de l'oreille à des animaux qu'ils sacrifiaient au bout d'un temps variable; parmi ces derniers se trouvait une femelle qui fut tuée 89 jours après l'injec- tion, alors qu'elle était presque à terme: on ne put déceler la présence du cinabre ni dans l'utérus, ni dans le fœtus. De même Marie Miropolsky {A. P., 1885, 104), qui a fait avec la même substance toute une série d'expériences, l'a vainement recherché dans l'or- ganisme fœtal. Fehlin'g, Thierfelder, Ahlfeld, Malvoz {Ann. de l'Institut Pasteur, 1888, 121) ont em- ployé sans succès l'encre de Chine. Par contre, Perls, Pyle [Virchoio et Hirsch's,Jb. 1885), ont tous deux injecté l'ultramarine avec des résultats positifs. Dans les expériences de ce dernier, sur 61 cas, 46 fois les tissus du fœtus étaient parsemés de grains bleuâtres. Mars, qui a utilisé des pigments divers, ainsi que des microrganismes, a trouvé 13 fois sur 15 les corps étrangers dans le sang même du fœtus; il insiste sur la nécessité, pour réussir dans cet examen, d'y procéder au plus tôt 5 minutes, au plus tard 5 heures après l'injection, parce qu'au bout de ce temps les corps étrangers sont déjà sortis des vaisseaux pour se fixer dans les organes. Krukenberg, à son tour {Arch. f. Gynœk., 1887, xxxi, 311), a injecté dans le bout central de l'artère crurale de femelles pleines un précipité fraîchement préparé de sulfate de baryte, mais sans succès; il n'a pas été plus heureux en employant le Bacilhis procUgiosus. En définitive, le passage des substances pulvérulentes est un phénomène inconstant, mais possible. Microrganismes, toxines; substances agglutinantes, défense du fœtus. — Bien que ce chapitre soit plutôt du domaine de la pathologie que de la physiologie, il se rattache trop intimement aux précédents, pour ne pas faire l'objet d'un exposé som- maire. On a cru pendant longtemps que les microrganismes ne franchissent pas le pla- centa. En 1858, BraCell avait constaté que le sang d'un embryon dont la mère est morte du charbon ne transmet pas la maladie. Un peu plus tard, en 1867, Davaine, après avoir inoculé le charbon à un cobaye qui portait un fœtus presque à terme, observa que le sang de ce fœtus était tout à fait exempt de filaments du sang de rate, tandis que celui de la mère et celui du placenta en contenaient par myriades. Ces obser- vations furent encore confirmées par Bullinger, en 1876, qui avait conclu, avec Davaine, que le placenta constitue un appareil de llltration physiologique dont n'approche aucun filtre artificiel. Mais Strauss et Chamberland {B.B., 1882, 683 et 804), qui avaient, dans une première série de recherches, adopté sans restrictions l'exactitude de la loi de Brauell-Davaine, en ce qui concerne la bactéridie charbonneuse, trouvèrent bientôt que le placenta n'est pas pour elle une barri ère infranchissable. D'ailleurs, déjà en 1881, Arloing, Cornevin et Thomas (C. /{., xcii, 739) avaient mis en évidence chez 2 fœtus de brebis mortes du charbon symptomatique, les bactéries caractéristiques de cette maladie. Strauss et Chamberland voient, en outre, que le cho- léra des poules, le vibrion septique peuvent se transmettre de la mère au fœtus. Les recherches ultérieures ont démontré qu'il en est de même pour beaucoup d'autres microrganismes, probablement pour tous, pour le staphylocoque, le streptocoque, le 596 FŒTUS. bacille coli (Ghamberland), le streptocoque de l'érysipèle (Lebedeff), le bacille de la morve (Lôffler), le bacille d'EBERTH (Chaxtemesse et Widal, Eberth, Neuhauss et autres) le bacille du choléra (Tizzoni et Cattani), le diplocoque delà pneumonie (Netter), le bacille pyocyanique (Charrin), le bacille de la tuberculose (Johne, Malvoz et Bouvier, Maffucci) [Ccntralh. f. allg. Pathol., 1894), le spirille de la fièvre récurrente (Spitz, Albrecht). On peut dire qu'il n'y a pas de maladie infectieuse qui ne puisse être transmise de la mère au fœtus 1. Mais, pour que le placenta se laisse traverser par les microbes, il faut que les villosités. soient le siège d'altérations de structure, comme l'a montré Malvoz {loc. cit.). Cet expé- rimentateur constate d'abord que des microbes non pathogènes, tels que le micrococcus^ prodigiosus, injectés à la mère, ne se retrouvent pas dans l'organisme fœtal. Il inocule à des lapines pleines le bacille du charbon, et avec les tissus de leurs 32 fœtus, il ense- mence 163 tubes ou plaques de culture; sur ce nombre 4 tubes seulement donnent la culture caractéristique. S'il inocule, par contre, à des lapines le choléra des poules,, toujours dans les tissus du fœtus il retrouve le microbe. C'est qu'en effet les placentas provenant de ces lapines montrent des hémorrhagies reconnaissables même à l'œil nu, tandis que ceux des lapines charbonneuses 'ne présen- taient pas de lésions du même genre. D'autre part, alors que chez les lapines les bacilles du charbon ne passent au fœtus qu'en très petite quantité et dans la minorité des cas,, chez le cobaye ils passent plus régulièrement, parce que, chez cet animal, les lésions placentaires sont plus fréquentes. Les produits microbiens solubles qui circulent dans le sang maternel semblent devoir rencontrer moins de difficultés à traverser les parois des villosités; et de fait, leur rôle dans les intoxications intra-utérines, comme dans la genèse des tares pathologiques du rejeton, ne paraît pas douteux. En revanche, la réaction de l'organisme fœtal à ces sécrétions bacillaires est sans doute une des conditions de l'immunité qu'il acquiert parfois. 11 est permis de penser aussi que les substances auxquelles sont dus et l'état bactéricide et les propriétés antitoxiques des humeurs chez la mère franchissent, elles aussi, le placenta, c'est-à-dire que l'immunité peut provenir de l'action de ces^ matières déversées par le sang maternel. Il est possible enfin qu'elle soit pour une part la conséquence de la transmission des attributs cellulaires des générateurs à leurs rejetons, en d'autres termes de la transmission héréditaire d'un caractère acquis. Même quand le mâle seul est vacciné (contre le bacille pyocyanique), on peut voir, dans des cas, en réalité assez rares, l'immunité transmise aux descendants (Charrin et Gley, B. B., 1891, 809; A. de P., 1893, 75; ibid., 1894, 1; Charrin, Journ. de PhysioL, 1899, 92). Cependant le mécanisme de la transmission héréditaire de l'immunité est encore bien controversé. Wermcke, cherchant à savoir si c'est le mâle ou la femelle immunisée contre la diphtérie qui transmet l'immunité à la progéniture, a trouvé, contrairement à Charrin et Gley, que cette propriété n'appartient qu'à la mère. Ehrlich a été conduit à la môme conclusion en étudiant chez les souris blanches la transmission de l'immunité vis-à-vis du tétanos, de la ricine, de l'abrine. Vaillard confirma les expériences d'EHRLiCH pour le tétanos et démontra qu'il en est de même non seulement en ce qui concerne l'immunité vis-à-vis des toxines, mais encore vis-à-vis des microbes. DziERGOwsKi {Arch. des se. biol., St. Pétersb., 1901, viii, 212 et 429), qui a employé pour ses expériences des chevaux immunisés contre la diphtérie, a trouvé à son tour que les conditions de la transmission sont plus favorables du côté de la mère que du côté du père. L'ovule, baigné dans le liquide des vésicules de GRAAFqui contient presque autant d'antitoxine que le sérum sanguin a toutes facilités pour acquérir l'immunité, tandis que le spermatozoïde se développe dans un milieu qui en contient relativement peu. Il est probable aussi que dans les premières périodes du développement les humeurs de la muqueuse utérine qui renferment des quantités considérables d'antitoxine sont capables de conférer l'immunité à l'œuf qui s'est grelfé sur cette membrane. Mais, une fois que le placenta est formé, il ne laisserait passer ni toxine ni antitoxine : aussi, bien que l'œuf et l'embryon soient très fortement immunisés dans les premières semaines de la vie, l'immunité baisse notablement ru cours de la vie fœtale lorsque l'apparition du J. On trouvera dans Schrewe {loc. cit.) une longue énumcration d'observations de ce genre. FŒTUS. o97 placenta arrête l'immunisation. Toutefois le liquide [amniotique, dégluti par le fœtus, peut avoir une certaine action immunisante, très faible il est vrai, puisqu'il contient fort peu d'antitoxine. Dans une autre série d'expériences faites sur les œufs de poule, Dziergowski trouve que l'antitoxine peut passer dans le jaune et du jaune dans l'embyon. Il conclut en de'finitive de l'ensemble de ses recherches que l'immunité héréditaire ne dépend pas de ce que la cellule embryonnaire acquiert par hérédité la propriété d'élaborer l'antitoxine, mais de ce qu'une partie de l'antitoxine a pu passer du sang maternel dans le fœtus pendant la période embryonnaire. L'immunité n'est pas une immunité active transmise par la mère; c'est une immunité passive, qui ne résulte pas de l'activité des éléments cellulaires de l'enfant. RoMER, soutenant sur ce point les idées de Behring, s'accorde avec Dziergowski pour admettre que la transmission du pouvoir antitoxique de la mère au fœtus trouve un obstacle dans le placenta. Ransom avait observé que le sérum d'un poulain issu d'une jument immunisée contre le bacille de Nicolaier est doué du pouvoir antitoxique. Pour RoMER, cette antitoxicité est due à des hémorrhagies placentaires ayant permis le mélange des sangs maternel et fœtal ; car la molécule antitoxique du sérum est unie à une protéine incapable de traverser les membranes animales. Il le prouve par l'exemple d'une jument pleine immunisée contre la diphtérie; le sérum de son poulain n'avait aucun pouvoir antitoxique à la naissance, et ne l'a acquis que par l'allaitement. La transmission se ferait très rarement par la voie placentaire [Anal, in J. de Physiol. et de Path. gcii., 1902, 229). Cependant Beclère, Ghambon, Méxard, Jousset et Coulomb ont cru pouvoir caractériser la substance antivirulenle, qui par son passage à travers le placenta confère à l'enfant l'immunité vaccinale. Cette substance contenue dans le sérum de sujets vaccinés a surtout pour propriété d'exercer in vitro une action telle sur le vaccin que celui-ci, après y avoir baigné, cesse d'être inoculé avec succès, et ne produit plus ou presque plus de réaction locale. La transmission intra-utérine de l'immunité vaccinale s'obsei've exclusivement parmi les femmes dont le sang antivirulent à l'égard du vaccin a transmis ses propriétés antivirulentes au sang du fœtus, quel que soit d'ailleurs le moment où la mère a été Taccinée, alors môme que sa dernière vaccination remonte à la première enfance. Mais ici encore, il faut remarquer que l'immunisation du fœtus par la vaccination de sa mère pendant la gestation est un phénomène exceptionnel, si bien que sa réalité même est contestée. Les auteurs que nous venons de citer reconnaissent d'ailleurs que la transmission intra-utérine de l'immunité vaccinale ne s'observe pas chez toutes les femmes en possession de cette immunité, mais seulement chez un petit nombre d'entre •elles : d'autre part, même parmi les nouveau-nés dont le sang se montre antivirulent, il en est qu'on peut inoculer avec succès. Gast et Wolff vont plus loin, puisqu'ils soutien- nent que le fœtus ne participe jamais à l'immunisation de la mère. Dans un travail récent Palm {Arch. f. Gynœk., 1901, lxu, 348) arrive à la même conclusion, d'après le résultat d'opérations pratiquées sur quarante-trois femmes et leurs enfants; aucun de ces derniers ne s'est montré réfractaire à l'inoculation, bien que leurs mères eussent été vaccinées avec succès pendant la grossesse. Cependant, chez cinq de ces enfants deux vaccinations, et chez un autre quatre vaccinations successives furent nécessaires. L'in- iluence de l'inoculation maternelle ne s'est traduite que par une réaction locale moins A'ive et un développement plus lent des pustules vaccinales. Par contre, la transmission au fœtus des propriétés agglutinantes acquises par le sang de la mère au cours des infections pathologiques ou expérimentales a été démontrée récemment par des exemples déjà assez nombreux. Achard et Lannelongue (B. B., 1897, 2S5), en inoculant des femelles de cobaye par le Proteus, ont trouvé la réaction aggluti- nante dans le sang du fœtus et du liquide amniotique, plus fort même parfois dans ce dernier. Achard et Bensaude ont observé un fait analogue dans l'infection cholérique : une femelle de cobaye, soumise depuis trois mois et demi aux inoculations, et dont le sang possédait un pouvoir agglutinant intense, mit bas deux petits, l'un mort né, l'autre vivant; le sang de tous deux donna fortement la réaction, et celui du petit, qui survécut, la donna pendant trois semaines. Widal et Sigard ont obtenu des résultats positifs chez les nouveau-nés d'une lapine inoculée avec le bacille d'EsERTH. 598 FŒTUS. Des faits du même genre ont e'té signalés, dans le cours ou à la suite de la fièvre typhoïde, par Ghambrelent et Philippe, Mossé et Daumic, [B. B., 1897, 238), MossÉ et Fraenrel [Soc. méd. des hôpit., 1899, 49), Etienne {B. B., 1899, 860), Zaexgerlé [Munch. vied. Wochensch., 1900, 890). Il résulte de ces observations que, quand la mère est atteinte de dotliiénentérie, la réaction agglutinante peut se rencontrer soit chez le fœtus, soit chez le nouveau-né à terme, et dans ce dernier cas elle s'atténue progressivement après la naissance : elle s'est montrée,. en règle générale, sensiblement plus faible chez l'enfant que chez la mère. Etienne seul a constaté le contraire, et il a trouvé, en outre, que le liquide amniotique avait, comme le sang du fœtus, un pouvoir agglutinant supé- rieur à celui du sang de la mère. Dans ces divers cas la propriété agglutinante du sang fœtal ne pouvait être attribuée à une infection éberthienne, par elfraction du placenta, puisqu'on a pu établir que les bacilles n'avaient pas envahi l'organisme fœtal. Il faut donc admettre que le placenta a laissé filtrer soit les matières agglutinantes contenues dans le sang maternel, soit des matières agglutinogènes, auquel cas le fœtus aurait pro- duit l'agglutinine pour son propre compte. A ces faits positifs viennent cependant s'en opposer quelques autres négatifs, enre- gistrés soit chez l'animal (AcHARoelBENSAUDE) soit en pathologie humaine (Etienne, Char- RiN et Apert, b. b., 1896, 1104). On a supposé que l'intensité plus ou moins grande du pouvoir agglutinant du sang maternel (Achard), la durée pendant laquelle les matières agglutinantes imprègnent le placenta sont des conditions qui favorisent la transmission au fœtus ; si la mort, ou l'avortement, arrive trop vite, le placenta n'aura pas été assez longtemps au contact de ces substances (MossÉ et Fraenkel). D'après Schumacher {anal. in Journ. de Physiol. et de Path. gén., 1901, 830), les agglutinines typhiques ne se trans- mettent pas généralement au fœtus quand la fièvre typhoïde est survenue pendant la première moitié de la grossesse : ce n'est que si l'infection se produit dans les derniers mois de la gestation. Une observation récente de Charrin et Moussu (Sem. méd., 1902, 413) montre que les cytotoxines peuvent traverser le placenta. A une chèvre en cours de gestation, ces expé- rimentateurs ont injecté par voie sous-cutanée des doses variables d'émulsions hépa- tiques. Depuis seize jours, l'animal n'avait rien reçu lorsqu'elle mit bas un unique che- vreau à ternie, mort en naissant. Or, exempt de tout microbe, ce chevreau avait tous ses organes macroscopiquement sains, sauf le foie réduit en bouillie. Si l'on considère les moyens de défense que l'organisme fœtal oppose par lui-même aux infections et aux intoxications bactériennes, ils semblent assez précaires. On a déjà vu que, d'après Tchistowitsch et Yourewitsch, il n'aurait pas la ressource de l'hyperleu- cocytose. Halbane et Landsteiner constatent également {Munch. med. Wochenschr., 1902, 473) que le pouvoir hémolytique du sérum fœtal, son pouvoir agglutinant à l'égard des globules rouges, son pouvoir bactéricide à l'égard des vibrions du choléra, son pouvoir antitryptique, sont inférieurs à ceux du sérum de la mère. La présence d'une quantité moindre de substances actives dans le sérum du nouveau-né impliquerait donc une résistance moindre à l'égard des infections. La véritable défense du fœtus, c'est le placenta, défense efficace contre les micror- ganismes, tant que l'organe a conservé son intégrité de structure, moins efficace peut- être contre les toxines. Cependant, il ne suffit pas, à ce qu'il semble, que des toxines cir- culent dans le sang maternel pour qu'elles fassent sentir leurs effets au fœtus : celui-ci reste souvent absolument indemne. Les produits microbiens, en effet, doivent, en leur qualité de matières albuminoïdes, traverser difficilement le placenta, et sans doute, dans bon nombre de cas, elles passent assez lentement pour que les moyens de défense du fœtus restent suffisants à leur égard. Il est probable que le passage des toxines à dose massive a besoin d'être facilité par des conditions adjuvantes encore mal déterminées : il est permis de supposer, par exemple, que, très abondantes dans le sang maternel, elles arrivent à modifier la perméabilité du plasmode et des capillaires de la villosité : de même qu'on a dû expliquer l'action de certaines substances lymphagogues, telles que les peptones, l'extrait de muscles d'écrevisse, avec lesquelles les toxines ont de l'analo- gie, par une augmentation de la perméabilité de fendothélium vasculaire. On s'est demandé aussi si le tissu placentaire n'était pas capable de modifier ou d'atténuer la toxicité de certains produits. Quelques essais faits dans ce sens par Charrin FŒTUS. 599 et Delamare doc. cit.), en mettant en contact la nicotine et la toxine diphtérique avec le délivre, n'ont donné que des résultats, négatifs pour l'alcaloïde, peu concluants pour la toxine. Dans le même ordre d'idées, notons encore que, dans l'œuf des oiseaux, l'albumine ne sert pas seulement à nourrir l'emhryon, mais aussi, d'après R. Wurtz (1890), aie protéger contre l'envahissement des microbes. Cet expérimentateur a constaté que l'albumen, mais l'albumen d'un œuf vivant seulement, possède une action bactéricide très éner- gique. On prélève le blanc d'un œuf de poule, et on le répartit dans des tubes à essai stériles, à raison d'un centimètre cube par tube : on ensemence ensuite chacun de ces tubes avec de très faibles quantités d'une culture de divers microrganismes, bactéri- die de Davaine, spirille du choléra, microbe du choléra des poules. Tous ces microbes sont tués dans l'albumine au bout d'un temps qui varie d'une à plusieurs heures. D'autres savants, Maffugci, Hueppe, en inoculant des microbes pathogènes directement dans l'albumine de l'œuf à travers la coquille, avaient toujours observé, au contraire, un développement plus ou moins rapide. Mais R. Wurtz fait remarquer qu'une dose détermi- née de blanc d'œuf ne peut tuer qu'un nombre déterminé de microbes. Maffugci et Hueppe avaient ensemencé des quantités relativement grandes de microrganismes (cités par Loisel : La défende de l'œuf. Journ. de l'Anat., 1900, xxxvi, 338.) L'albumine pure est, d'ailleurs, pour beaucoup de microbes un mauvais terrain de culture, ainsi que beaucoup de liquides albumineux (Duclaux. Ann. Inst. Pasteur. 1888, II, 464). II. Passage de substances du fœtus à, la mère. — Si les matériaux nutritifs et autres passent très activement de la mère au fœtus, il semble cependant vraisemblable a priori que des échanges peuvent s'établir en sens inverse, c'est-à-dire du fœtus à la mère. Magendie avait affirmé, il est vrai, que les injections de poisons violents dans les vaisseaux ombilicaux vers le placenta n'exercent aucune action sur la mère; mais expérimentalement Savory a le premier démontré que des substances toxiques peuvent passer de l'organisme fœtal dans la circulation maternelle. En injectant de l'acétate de strychnine à deux fœtus de chienne, par exemple, il provoqua chez la mère des convul- sions tétaniques qui se manifestèrent au bout de neuf minutes et se terminèrent par la mort au bout de vingt-huit minutes. Il répéta l'expérience avec des résultats à peu près semblables sur d'autres animaux, chatte, lapine. Savory retirait le fœtus de ses membranes en le laissant en communication avec la mère par le cordon ombilical, puis le remettait en place et recousait la plaie abdominale. Ses observations furent confirmées par Gusserow {Arch. f. Gynaek., 1878, xiii, 56) et par Preyer. Gusserow opérait in situ, injectait la solution au moyen de la seringue de Pravaz sur une partie de la peau mise à nu et fermait aussitôt la plaie avec une pince à pression. Quand le fœtus avait reçu de 0sr,02o à 0s'',05 de strychnine, les convulsions se produisaient constamment chez la mère, et se montraient au plus tôt vingt à vingt-cinq minutes après l'injection. Dans un cas où les trois fœtus avaient reçu chacun Os», 3, elles commencèrent déjà au bout de onze minutes et, une autre fois où un seul fœtus avait reçu la même dose, au bout de quatorze minutes. Les expériences de Preyer sont intéressantes en ce qu'elles montrent avec quelle rapi- dité certaines substances facilement diiïusibles sont transportées du fœtus à la mère. Il injecta 0'=S2 d'une solution d'acide prussique à 12 p. 100 dans le membre antérieur d'un fœtus de cobaye ; au bout de deux minutes, la mère avait des convulsions et de la dys- pnée, et au bout de quatre minutes elle ne respirait plus. Dans un autre cas où il injecta 2 c. c. de la même solution, les accidents convulsifs débutèrent chez la mère au bout d'une demi-minute. Avec la nicotine, les résultats furent également positifs, mais peuprononcés,etlamère survécut. Une dose de curarine capable d'amener la paralysie en dix minutes et la mort en un quart d'heure, injectée à un fœtus de cobaye presque à terme, ne détermina chez la mère un affaiblissement de la motilité qu'au bout de cinquante-deux minutes, et la para- lysie totale qu'au bout de une heure vingt. D'autres expériences faites avec la curarine montrèrent que la rapidité de la résorption dépend de la quantité et du degré de con- centration de la substance injectée. Il est à noter cependant que, d'après Preyer, les femelles en gestation sont un peu moins sensibles à l'action de la curarine que les 600 FŒTUS. femelles non pleines et surtout que les mâles; cette observation a été confirmée par Delezenne'. Charpentier et Butte, en notant que, lorsque le sang maternel est surchargé d'urée, cette substance s'accumule dans les tissus fœtaux, où, d'après eux, elle serait retenue, ont admis implicitement le passage fœto-maternel ; mais l'interprétation du fait lui-même est discutable. Par contre il n'est pas douteux, et il suffit de le rappeler ici, que, lorsque par les progrès de l'asphyxie le sang maternel s'appauvrit en oxygène, les échanges gazeux arrivent à se faire en sens inverse de leur direction normale (Zuntz). Des expériences démonstratives ont été faites récemment par Lannois et Briau {Lyon médic, 1898, Lxxxvii, 323), par Baron et Castaignk {Arch. de méd. expér., 1898, 693), par GuiNARD et HocHWELKER (J. de Phys. et de Path. gén., 1899, 456). Lannois et Briau ont injecté à des fœtus de cobaye et de lapine du salicylate de soude, de l'iodure de potassium, et du bleu de méthylène, et ont obtenu les résultats suivants : Salicylate de soude (4 expériences): 3 résultats positifs (présence du sel dans l'urine de la mère au bout d'une heure ou sel dans le rein seulement, après cinquante minutes), 1 re'sultat négatif après une heure ; lodure, 3 expériences: 2 résultats négatifs: 1 positif (sel dans le sang seulement après une heure cinq) ; Bleu de méthylène (6 expériences) : 1 résultat négatif après une heure ; 5 résultats positifs ; mais au bout de deux heures on n'a encore que du chromogèue dans l'urine, et ce n'est qu'au bout de plusieurs heures, six à sept, qu'on a la coloration franche. D'après Lannois et Briau le passage a lieu plus rapidement chez les fœtus à terme que chez ceux qui sont moins avancés, et il faut en règle générale un temps assez long pour qu'il se produise, puisqu'au bout d'une heure l'expérience est encore négative. Mais, d'après Baron et Castaigne, ces conclusions fondées sur l'emploi du bleu de méthylène ne sont pas justifiées, parce que les expériences faites sur les animaux de laboratoire n'ont pas permis d'établir les lois précises de son élimination. Ces derniers expérimentateurs, en injectant de l'iodure de potassium à des fœtus de cobaye, l'ont retrouvé dans l'urine de la mère au bout de quarante minutes en moyenne, et déjà au bout de trente minutes chez une femelle encore loin du terme, ce qui est en contradiction avec les observations de Lannois et Briau. Ils ont, en outre, injecté du bleu de méthylène sous la peau du crâne d'un fœtus humain au début du travail, et ils ont déjà pu déceler la matière colorante dans l'urine de la mère après une demi-heure, au moyen du chloroforme. Un fait qui ressort implicitement des expériences de Lannois et Briau, très nettement des expériences de Baron et Castaigne, c'est que la substance ne se retrouve pas dans l'urine de la mère, toutes les fois que le fœtus est mort ou qu'il meurt du fait de l'injec- tion. C'est surtout pour vérifier ce point que Guinard et Hochwelrer ont entrepris leurs recherches. Ces auteurs se sont servis du rouge de Cazeneuve (rosaniline trisulfonate de soude), en solution à 1 p. 100, substance très facilement diffusible, absolument inof- fensive, facile à déceler dans les urines ou dans le sérum sanguin, et avec laquelle il n'y a pas lieu de tenir compte des chromogènes, puisque la rosaniline n'enproduit pas. Guinard et Hochwelrer arrivent aux conclusions suivantes : lorsque le fœtus est vivant, et n'est pas troublé dans ses fonctions normales, le rouge passe très facilement, parfois très rapi- dement, et se trouve dans les urines de la mère et même dans son sang; quatre expé- riences donnèrent des résultats positifs : dans un cas déjà on put obtenir au bout de vingt- cinq minutes la réaction caractéristique dans l'urine de la mère, presque à terme. Une condition indispensable à ce passage, c'est que la circulation fœtale ne soit pas entravée ni suspendue. Toute injection du rouge ou d'un poison tel que la strychnine ou l'aconitine dans un fœtus mort ou dont la mort a été provoquée par arrêt du cœur, au moyen de la strophantine, est négative dans ses résultats. La mort du fœtus suspend invariablement les échanges fœto-maternels et le passage des substances solubles du petit à la mère. Ainsi, par exemple, dans un cas où les fœtus étaient morts, non seulement le rouge n'a pas passé, mais la mère a conservé sans accidents des petits cadavres aux- quels on avait injecté un total de Os^Oi? de strychnine et Og'",0024 d'aconitine. 1. Le titre seul de la communication a été publié (Bull. méd. du Nord, 1895, 117). FŒTUS. 60Î On s'explique ainsi que la mort du fœtus puisse faire cesser divers accidents de la f^rossesse et notamment les crises éclamptiques : l'état de la mère s'améliorerait, parce qu'elle ne reçoit plus du fœtus des produits toxiques. En effet, Charrin {A. de P., 1898, 703), en injectant au fœtus des toxines diphtériques, a constaté chez la mère les signes caractéristiques de l'intoxication ; l'expérience faite avec la toxine pyocyanique a montré la possibilité d'accroître par l'intermédiaire du fœtus la résistance de la mère aux agents infectieux. On comprend ainsi comment il peut arriver qu'au travers du placenta les virus ou quelquefois les germes vivants atteignent les tissus de la génératrice. Tout peut se réduire à une légère infection, à une intoxication minime, attribuable aux faibles proportions de principes microbiens que le placenta a laissé filtrer. Cette atteinte ébauchée suffit à augmenter la résistance delà mère, et on s'expli- que de la sorte comment un lejeton syphilitique est impuissant à contaminer la généra- trice, en apparence saine, et contamine au contraire une nourrice non syphilitique (loi de Colles); que cependant, d'autre part, cette mère qui paraît indemne ne peut être infectée par inoculation directe. Les échanges fœto-maternels permettent aussi de se rendre compte dans une cer- taine mesure des phénomènes dits de télégonie, c'est-à-dire de l'influence exei'cée par un premier père sur les rejetons issus de fécondations ultérieures provoquées par d'au- tres générateurs, et telle que ces rejetons portent encore en quelque sorte, par quelques- uns de leurs caractères, l'empreinte du premier procréateur. On suppose que les produits déversés par le fœtus dans l'organisme maternel en modifient les attributs cellulaires, KoLLMANN (Z. B., SuppL, 1901, i) a cherché à appuyer cette théorie de la télégonie sur les considérations suivantes. Dans ks premiers mois l'épithélium du chorion est doué d'une grande activité. Il émet des renflements et des bourgeons qui fournissent des cel- lules géantes. Tous ces bourgeons se composent de protoplasma nucléaire et internu- cléaire qui est confondu dans le syncytium ou plasmode de l'épithélium des villosités. Cet épithélium provient de l'ectoderme primitif, et, en dernier ressort, des sphères de segmentation et contiennent, par conséquent, du plasma germinatif. Une certaine quan- tité de cellules géantes et autres parties du plasmode d'origine ectodermique qui plongent, comme on sait, directement dans le sang maternel y sont dissoutes, et con- tribuent probablement à provoquer le phénomène de la télégonie, par l'intermédiaire du plasma germinatif qu'elles renferment. Ces bourgeons et ces renflements ne sont peut-être autre chose, soit dit en passant, que les boules placentaires décrites par les auteurs français, et dont il a déjà été question. On ;a aussi avancé que, vers la fin de la gestation, toute l'urée produite par le fœtus et d'autres produits excrémentitiels (Liedke, Hasse), ne pouvant plus être éliminés par l'organisme de la mère, s'accumulent dans son sang, excitent les centres moteurs de l'utérus et deviennent ainsi la cause du travail d'expulsion. Mais c'est une hypothèse que rien ne justifie. Une autre question qui est connexe de celle des échanges fœto-maternels, mais qui ne doit cependant pas être confondue avec elle, est celle de savoir si les substances conte- nues ou injectées dans la cavité amniotique sont résorbées par l'organisme maternel ou si, suivant l'expression de Bar, l'amnios est un sac fermé qui reçoit toujours sans rien donner. Gusserow est le premier qui ait cherché à l'élucider. Il injecte de fortes doses de strychnine, a centigrammes, dans la cavité de l'amnios. Dans 7 cas il n'y eut pas d'acci- dents convulsifs chez la mère, au bout de trente à quarante-cinq minutes; tandis que, si après cet intervalle on évacuait le contenu de l'œuf dans la cavité péritonéale de la mère, celle-ci était prise, au bout de trois minutes, de convulsions violentes. Dans 3 cas cepen- dant, chez des animaux presque à terme, les effets de l'intoxication se montrèrent sur la mère au bout de vingt minutes. Gusserow avait conclu de là que le passage de l'amnios à la mère est presque nul. Prêter, dans sa critique de ces expériences de Gusserow, fait remarquer que l'in- succès pouvait être dû soit à l'emploi simultané du chloroforme qui affaiblit l'action de la strychnine, soit à la faible dose de substance toxique injectée, soit encore dans certains cas au jeune âge des fœtus, qui ne présentaient pas une surface d'absorption suffisante. Toujours est-il qu'il y a à retenir des observations de Gusserow 3 cas positifs. Bientôt après Bar, qui n'a fait que deux expériences du même genre, réussit dans les 602 FŒTUS. deux cas. Dans le premier, il injecte dans la cavité amniotique d'une lapine 20 gouttes d'une solution contenant 10 centigrammes de sulfate de strychnine; après dix-sept minutes, la mère présente des crises tétaniformes. Dans une deuxième expérience, l'injection de la même dose de strychnine dans l'amnios provoque à la vingtième minute des convulsions violentes qui durent deux minutes pour reprendre ensuite. A la vingt- quatrième minute, l'animal fut sacrifié : tous les petits étaient vivants, sauf celui dans l'œuf duquel l'injection avait été faite. Bar se demande quelle est la voie suivie par le poison pour arriver à la mère, et il ne lui semble pas nécessaire que le fœtus ait dû absorber le poison pour le renvoyer par la voie du placenta. Tœr.ngren (-B. B., Arch. de Tocoi., 1888, 453) a étudié plus en détail ce côté de la question. Il constate d'abord que l'iodure de potassium, injecté à la dose de 1 ou 2 grammes dans la cavité de l'amnios d'une lapine, passe dans l'urine de la mère et que le temps nécessaire au phénomène est en moyenne de 4o minutes : le passage a lieu d'ailleurs, qu'il s'agisse de lapines à terme ou à une époque moins avancée de la gesta- tion. Rappelons que, pour le passage en sens inverse, Krukenberg est au contraire arrivé à des résultats variables avec l'âge du fœtus. Quoi qu'il en soit, Tœrngrex s'est attaché surtout à déterminer les voies de la résorption. La substance doit-elle passer par l'or- ganisme du fœtus pour être transportée dans la circulation maternelle? L'absorption de l'iodure par l'estomac du fœtus n'est pas douteuse, mais cette absorption n'est pas assez active pour contribuer essentiellement aux échanges entre le liquide amniotique et la mère. Pour formuler cette conclusion, Tœrngren s'appuie sur ce fait que, si l'on injecte directement l'iodure de potassium dans l'estomac du fœtus, ce n'est qu'après 1 heure 25 minutes qu'il se retrouve dans l'urine de la mère, tandis que dans les injections intra-amniotiques il ne faut pas plus de 4o minutes. Mais la substance passe-t-elle par les membranes, ou le placenta possède-t-il la faculté de l'absorber directement dans l'eau de l'amnios? Pour répondre à ces dernières questions, Tœrngren a analysé à part les liquides amniotiques, les organes du fœtus (foie et rein), les placentas et les membranes. Il a trouvé de l'iode : ' 1° Chez les fœtus retirés des œufs injectés; dans leurs placentas, dans leurs mem- branes ; 2° Dans les liquides amniotiques provenant des œufs où on n'avait pas fait d'injec- tion ; dans les fœtus de ces derniers œufs (des traces) ; dans leurs placentas (quantité appréciable) ; Mais, 3" dans les membranes de ces derniers œufs, l'iode faisait absolument défaut. Parmi les résultats de ces analyses, les uns intéressent le mécanisme de la résorp- tion des substances contenues dans l'amnios ; les autres, celui de leur passage de la mère au fœtus. De la présence de l'iode dans les membranes et dans le placenta des œufs injectés, Tœrngren conclut que celles-là comme celui-ci contribuent à l'absorption du liquide amniotique. Si, d'autre part, l'iode se trouve dans le placenta et dans le liquide amniotique des œufs non injectés en quantité appréciable, en minime propor- tion dans les fœtus de ces mêmes œufs, alors qu'il n'en existe pas trace dans leurs mem- branes, cela dépend, d'après Tœrngren, de ce que le placenta par sa face fœtale laisse transsuder directement dans l'eau de l'amnios une partie du contenu de ses vaisseaux, de telle sorte que la veine ombilicale et, par conséquent, l'organisme fœtal en recevront moins. Tœrngren conclut donc que les substances solubles contenues dans le sang de la mère passent dans l'eau de l'amnios, non par les membranes, comme le soutiennent beaucoup d'auteurs, mais par le placenta, sans traverser toutefois l'organisme du fœtus. Pour en revenir à la résorption du liquide amniotique, on peut encore citer quelques expériences de Haidlex et de Durhssen {loc. cit.) qui la prouvent, moins directement cependant que celles que nous avons signalées jusqu'à présent. Quand Haidlen cessait d'admininistrer l'iodure de potassium aux femmes enceintes, 5 jours avant l'accouche- ment; Durhssen, l'acide benzoique 52 heures avant la naissance de l'enfant, ils ne retrou- vaient plus dans le liquide amniotique, soit l'iodure, soit l'acide hippurique. Et, comme il est certain que tout le liquide qui se trouvait dans l'amnios au moment de l'inges- tion de la substance par la mère n'a pu être, en un si court espace de temps, remplacé par du liquide nouveau, quelque actifs que l'on suppose les mouvements de dégluti- FŒTUS. 603 tion du fœtus, il faut admettre que l'iodure ou l'acide hippurique ont repassé dans la circulation maternelle. En sorte que Durhssen, qui nie toute transsudation de dehors en dedans vers la cavité de l'amnios, est obligé de reconnaître qu'elle peut se faire en sens inverse. Baron et Castaigne ont repris cette question dans leur travail (loc. cit.). Us ont injecté de l'iodure de potassium dans le liquide amniotique de plusieurs cobayes et d'une chienne, et ils ont constaté à nouveau que le sel passe dans la circulation mater- nelle ; seulement le passage est lent, et il faut au moins deux heures pour retrouver la substance dans les urines de la mère, alors que, injectée directement au fœtus, elle y passe, comme on l'a vu, au bout de 40 minutes. Il faut croire que la rapidité du passage varie avec l'espèce animale, puisque Tœhngren à la suite de ses injections intra-amno- tiques avait retrouvé l'iodure dans l'urine de la mère, après 45 minutes. D'après Guinard (B. jB., 1899, 27), il faudrait encore faire intervenir une autre condi- tion, c'est la période du développement : dans la dernière période de la grossesse, l'am- nios absorbe difficilement et très lentement, l'absorption paraissant d'autant plus rapide que la gestation est moins avancée. MoissENEY, qui a expérimenté sur la femelle de cobaye avec le rouge de Cazeneuve [Écho méd. de Lyon, 1900, 33), a confirmé sur ce point l'opinion de Guinard. Ainsi, pour un fœtus de 27 grammes, la réaction de la rosaniline dans Turine de la mère n'a com- mencé à être caractéristique qu'à partir de la 3" heure après l'injection. Pour un fœtus de 18 grammes la réaction a commencé à se manifester une heure et demie à deux heures après l'injection. Les urines de cobaye portant des fœtus du poids de 80 grammes environ n'ont présenté aucune réaction positive, même au bout d'un temps assez long, 8 à 10 heures. Ainsi, la perméabilité de la membrane amniotique diminue à mesure que le terme de la gestation approche. Il est remarquable que, pour la perméabilité en sens inverse, Krukenberg et Wiener sont arrivés à des résultats absolument opposés. Les expériences de Moisseney ont porté encore sur un autre point. Baron et Cas- taigne avaient trouvé qu'après la mort du fœtus la substance injectée dans l'amnios ne passe plus dans la circulation maternelle. Moisseney a constaté au contraire que, quand on a tué le fœtus par la strophantine, le rouge passe encore, sous la réserve toutefois que la gestation soit peu avancée. Dans les deux cas de ce genre où les fœtus étaient jeunes, la réaction a été très caractéristique dès la 4^ heure. Dans les autres cas où les fœtus étaient âgés, la réaction a été négative. Ainsi la mort du fœtus n'a pas sur le pas- sage des substances injectées dans l'amnios l'influence remarquable qu'elle a sur le passage des produits injectées au fœtus, réserve faite pour les fœtus âgés. CHAPITRE VII Sécrétions et excrétions du fœtus. Liquide amniotique. — Caractères physiques et chimiques; quantité. — Dans les premiers mois de la grossesse le liquide amniotique est clair et transparent comme de la sérosité; mais vers la fin de la gestation il devient le plus souvent blanchâtre ou jau- nâtre par suite de son mélange avec des fragments de matière sébacée sécrétée par la peau du fœtus. Il a une odeur fade; sa saveur est légèrement salée, sa réaction est neutre et faiblement alcaline. Gomme éléments anatomiques on y trouve des cellules épider- miques, et même, d'après Ch. Robin {Traité des humeurs, 909), des cellules épithéliales de la vessie et du rein, quelques leucocytes; il contient aussi des poils de duvet. La quantité de liquide amniotique est variable ; il est peu abondant au début de la gestation; mais à partir du 2" mois il augmente d'une façon notable. Le poids du fœtus et celui du liquide sont, d'après Tarnier et Ghantreuil {Traité des Accouchements, 1888, I, 371), à peu près les mêmes vers le milieu de la grossesse; mais, à partir de {cette époque, le poids du fœtus' est plus considérable et devient, au terme de la grossesse, cinq à six fois plus grand que celui du liquide amniotique, qui ne s'élève guère au delà 604 FŒTUS. de 500 grammes. Aussi l'on peut dire, d'après les auteurs que nous venons de citer, que les eaux de l'amnios augmentent d'une façon absolue jusqu'à la fin de la grossesse; mais que, relativement au fœtus, elles augmentent dans la première moitié et diminuent dans la deuxième. Du reste, au moment de l'accouchement, il peut y avoir de grandes variations suivant les sujets, puisque parfois on ne trouve que quelques grammes seu- lement, et que, d'autre part, Fehling donne comme chiffre moyen 680 ce. ; Lewson, 821 grammes; et Gasnner, 1 730 grammes. Robin a trouvé 69 ce. dans un œuf dont l'em- bryon était long de 18 millimètres, et 23 ce. dans un œuf contenant un embryon long de S^'ii^S {loc. cit.). Les auteurs ne sont d'ailleurs pas d'accord sur les proportions relatives du liquide amniotique aux différentes périodes de la vie fœtale. Tarxier et Chantreuil, Bau- DELOCQUE, Capuron, Playfair, Bar {loc. cit.), Gassner, Fehling admettent que la quan- tité de liquide ne cesse de s'accroître d'une manière absolue jusqu'à la fin de la gros- sesse. Par contre, Carl Braun pense qu'au 7<^ mois la quantité de liquide amniotique est double de celle qu'on trouve au moment de l'accouchement. D'après Campana, la quantité atteint son maximum du 5' au 6" mois ; à la fin de la grossesse elle est réduite de moitié ; tel est aussi l'avis de Litzmann et de Sganzoni. De même encore, d'après Kœlliker (Traité d'Emhryol.), Tourneux [loc. cit.), Landois (T. P.), la quantité est d'environ 1 kilogramme à 1,500 kilogrammes vers le milieu de la grossesse, et de 500 grammes à la fin. Il serait cependant assez important de savoir exactement à quelle période de la gestation le liquide est produit le plus abondamment, parce qu'il ne paraît pas avoir la même origine à des époques différentes. D'après Bar, et contrairement à Gassner, il n'y a pas de rapport direct entre le poids de la mère et la quantité de liquide amniotique. Suivant Fehling, l'influence de la lon- gueur du cordon ombilical est manifeste : la résistance qui existe dans un canal étant proportionnelle à la longueur de ce canal, plus long est le cordon, et plus grande sera la pression à laquelle sera soumise le liquide circulant dans les vaisseaux ombilicaux, de sorte que, d'après la théorie de Fehling, ce liquide transsude dans la gélatine de Wharton, et de là dans le liquide amniotique. La résistance devient encore plus forte, s'il y a des circulaires du cordon. Bar n'accepte pas les conclusions de Fehling; Haidlen de même n'a pas trouvé que la quantité de liquide amniotique fut influencée par la lon- gueur du cordon, ni par le poids du fœtus ni par celui du placenta {Arch. f. Gynœk., 1885, xxv, 40). Le poids spécifique est de 1,0005 à 1,007 (Levison), de 1,0069 à 1,009 (Prochownick); de 1,0122 à la vingtième semaine, d'après ce dernier. Fehling a trouvé dans le liquide amniotique 1,07 gr. à 1,60 gr, de résidu sec et 0,51 à 0,88 p. 100 de cendres; Prochownick, 1,3 à 1,8 gr. de résidu sec et 0,39 à 0,59 gr. p. 100 de matières inorganiques vers la fin de la grossesse. Nous empruntons "à Lambling (Encyclop. chim.) les trois analyses ci-dessous dues à Wayl et à SiEWERT : PRINCIPES CONSTITUTIFS. WEYL. SIEWERT. 1' MOIS. 9" MOIS. 1,00"! 988,15 6,55 traces. 3,50 traces. 0,1 non dosés. non dosée. 1,008 988,22 3,65 traces. 2,37 0,2 non dosés, non dosée. 1,021 983,88 7,057 0,277 6,434 0,352 Eau Matières minérales Graisses . . Acide lactique Vitelline Mucine ... 1 Urée Il FŒTUS. 605 Un principe important du liquide amniotique, c'est l'urée; mais les chiffres donnés par les auteurs sont extrêmement variables. D'après les évaluations de Fehlixg, sur 15 fœtus, l'eau de l'amnios à la sixième semaine contenait 0,006 gr. p. 100 d'urée; chez un nouveau-né, 0,0083 gr. ; dans 7 cas, de 0,026 à 0,048 gr., et, dans 4 cas de 0,051 à 0,081 gr. ; dans le neuvième mois, 0,030 gr., dans le dixième mois, 0,045. Les chiffres sui- vants se rapportent tous à la fin de la grossesse : 0,38 gr. p. 100 (Funke) ; 0,05 gr. (Litz- mann-Colberg) ; 0,34 et 0,42 gr. (Majewski) ; 0,035 gr. (Beale) ; 0,1 gr. (Tschernow); 0,37 gr. (Spiegelberg); 0,035 gr. (Siewert); 0,42 gr. et dans les cas d'hydramnios de 0,08o à 0,104 gr. (Wingkel); de 0,14 à 0,35 gr. (Gusserow) ; de 0,0267 à 0,035 (Pricard); de 0,0155 à 0,034 (Prochowxigk) [Arch. f. Gynsek., xi, 304). L'analyse la plus récente est celle de ScHÔNDORF [A. g. P., Lxiv, 324], qui a trouvé au moment de l'accouchement dans deux analyses 0,0604 gr. et 0,0414 gr. p. 100, c'est-à-dire une quantité d'urée égale à celle du sang ou du lait humain. D'après Prochownigk, le liquide amniotique renferme de l'urée à toutes les périodes de la gestation à partir de la sixième semaine ; à ce moment sa quantité est de 0,0166 gr. p. 100. Dans quelques analyses cependant on a noté l'absence de l'urée, sur- tout dans les premières phases de la grossesse; on a fait remarquer que la substance peut avoir disparu par résorption. On a signalé la présence de la créatine et de la créatinine (Sgherer, Robin et Verdeil), du lactate de soude (Vogt, Regnauld). Il n'y a pas de glucose dans le liquide amniotique de l'homme, d'après Majewski; c'est ce qui paraît résulter aussi des expériences de Schaller. Tsghernow y a cependant constaté ce principe (cité par Kœlliker). D'après Robin [loc'cit.], le glucose disparaît dans le liquide amniotique des œufs humains avant la fin de la première moitié de la gestation. Au début, l'eau de l'amnios ne paraît contenir que peu ou pas d'albumine. Quand elle en contient beaucoup, c'est que le placenta est déjà formé (Preyer). Chez le fœtus humain, la proportion d'albumine paraît diminuer avec l'âge, si l'on s'en rapporte au tableau suivant de Vogt et Sgherer : 3» MOIS. 4- MOIS. 5« MOIS. 6« MOIS. 10' MOIS. Eau 983,47 7.28 9,25 979,45 10,77 3,69 6,09 975,84 7,66 7,24 9,23 990,29 6,67 0,34 2,70 991,74 0,82 0,60 1,06 Albumine et mucine . . . Extrait Sels •. . Prochownigk a trouvé dans le deuxième mois de 0,43 à 0,85 gr. ; dans le cinquième mois, 7.1 gr. p. 1000 d'albumine. Au moment de la naissance, Fehling a trouvé de 0,59 à 2,5 gr. p. 1000; Spiegelberg, 1,4 gr. Dôderlein {Arch. f. Gyna'k., 1890, xxxvii), de 1,54 à 6,10 gr., en moyenne 3,48 gr. p. 1000. Mouron et Schlagdenhaufen (C. R. 1882, xcv) ont constaté la présence de ptomaïnes en faible proportion dans l'eau de l'amnios. Senator y a trouvé 3 fois sur 5 des composés sulfoconjugués (Z. p. C, 1884, xliv). Le principal élément minéral, le chlorure de sodium, ne présente pas de grandes variations; sa quantité oscille entre 0,57 et 0,66 p. 100; elle est notablement supérieure à celle que l'on trouve dans l'urine du nouveau-né. D'après J. Veit {Ioc. cit.), le point de congélation du liquide amniotique est moins bas que celui du sang fœtal et du sang maternel. A = — 0,496 en moyenne, et le liquide serait ainsi isotonique à une solution de ClNa de 0,818 p. 100. Bousquet a trouvé une fois A = — 0,51 et pour un fœtus macéré, A = — 0,585. Le liquide amniotique des fœtus d'herbivore a été souvent étudié, plus récemment parDôDERLEiN [Ioc. cit.). D'après cet auteur, chez le veau, la quantité du liquide augmente d'abord avec [le développement du fœtus; mais, à partir du milieu de la grossesse, elle diminue constamment. La diminution est non seulement relative, par rapport au poids 606 FŒTUS. du fœtus, mais absolue. Le liquide n'est plus formé dans les mêmes proportions à la fin de la gestation qu'au début; sa production est alors ralentie ou même arrêtée. Dans la première moitié de la gestation, les eaux de l'amnios ne contiennent que très peu d'albumine, de 42 à 86 milligr. par 100 ce. Une augmentation de la quantité d'al- bumine coïncide dans la deuxième moitié de la gestation avec la diminution de la quan- tité de liquide et s'élève alors de 0,124 à 0,4bo gr. p. 100. Majewski avait également trouvé que dans cette période la richesse en matériaux solides est plus grande. Comme à ce moment la production du liquide amniotique diminue ou même cesse, la richesse en albumine ne peut pas s'expliquer en admettant qu'il se forme un liquide plus riche en albumine; il faut plutôt conclure que les eaux del'amnios se concentrent par résorp- tion du liquide; ce qui doit le faire supposer encore, c'est que le contenu de l'amnios devient alors visqueux, filant, et contient de nombreux grumeaux. La plus grande quantité de liquide amniotique trouvée par Dôderlein fut de 4320 ce. avec 0,060 gr. p. 100 d'albumine, soit en tout 2,592 gr. L'estomac du fœtus qui pesait i 800 gr. renfermait 100 ce. de liquide amniotique. En supposant même que le fœtus déglutisse plusieurs fois par jour une pareille quantité de liquide, la proportion d'albu- mine y est trop faible pour qu'on puisse lui attribuer une valeur nutritive. Comme la production de liquide est à peu près nulle vers la fin de la gestation, ces 2, .^92 gr. d'al- bumine représentent d'ailleurs toute la provision disponible. L'augmentation de l'azote total trouvé par Dôderlein dans la deuxième moitié de la gestation tenait uniquement à l'augmentation de l'albumine. L'azote non albuminoïde n'augmente pas et n'oscille dans le cours du développement que dans des limites très étroites, entre 20 et 33 milligr. pour 100 ce, valeurs qui correspondent à celles que l'on trouve dans le sérum sanguin. Pour ce qui concerne les matières minérales, la teneur en Cl est à peu près la même à toutes les périodes du développement. Elle varie entre 0,309 et 0,407 gr. ; elle est donc en moyenne de 0,358 gr. soit 0,588 gr. de ClNa p. 100. La richesse en Cl est donc celle du sérum sanguin, qui chez le veau en contient 0,325 gr. De même que Cl, Na-0 atteint dans le liquide amniotique à peu près le même chifîre que dans le sérum sanguin, soit 0,367 gr. en moyenne. Na : K comme 1 : 0,16. Ca ne se trouve qu'à l'état de traces; sa quantité varie de 6 à 23 milligr. pour 100 ce: Mg est encore en quantité plus faible. Ca : Mg comme 1 : 0,271. Dôderlein conclut donc que le liquide amniotique du veau doit, en raison de sa com- position, être considéré comme un produit de transsudation du sang ; ce qui le démontre, c'est que sa composition reste à peu pi^ès identique aux différentes périodes du dévelop- pement, et, d'autre part, c'est que sa teneur en Cl et ClNa correspond à celle du sérum sanguin, alors que K, Ca, Mg ne s'y trouvent qu'à l'état de traces, encore comme dans le sérum. D'après Lande également, la proportion centésimale des sels solubles et insolubles reste à peu près la même pendant toute la durée de la gestation dans le liquide amnio- tique de veau; mais ni la quantité de liquide, ni la proportion de résidu sec, ni la richesse en albumine et en substances extractives ne sont dans un rapport déterminé avec l'âge du fœtus {Virchoiv et Hirsch's Jb., 1892, i, 100). Le liquide amniotique contient du glucose dans les premiers temps de la vie em- bryonnaire chez les herbivores (Cl. Bernard, Liquides de Vorganisme, ii, 406). Le sucre dis- paraît chez le veau vers le cinquième ou sixième mois de la vie intra-utérine, à la même époque où il disparait également de i'allantoïde et de l'urine. Cl. Bernard insiste sur cette particularité remarquable, c'est que le sucre existe dans les liquides du fœtus lorsque le foie n'en contient pas, ce qui lui suppose une autre source, et qu'au moment oti le foie produit du sucre, ces liquides perdent peu à peu celui qu'elles renfermaient. Des observations analogues ont été faites par Cl. Bernard, non seulement chez les veaux, les lapins, mais aussi chez les carnivores. Cependant, d'après les analyses du liquide amniotique faites par Dastre chez le mou- ton [Th. de laFac. des sciences, Paris, 1876), la proportion de sucre y augmente d'une manière continue, si bien qu'à la fin du troisième ou quatrième mois elle est le triple de ce qu'elle était à la fin du premier : 1 pour 1000 dans les premières semaines, de 3 à 3,7 p. 1000 dans les dernières. FŒTUS. 607 ORIGINE ET ROLE DU LIQUIDE AMNIOTIQUE Ce liquide est-il de provenance fœtale ou maternelle? Sert-il à la nutrition et à l'ac- croissement du fœtus? Ces deux questions, dont la seconde nous a déjà occupé, sont, dans une certaine mesure, connexes. Si en eifet le liquide est fourni exclusivement par le fœtus, il ne doit pas servir à la nutrition, puisqu'il n'y a aucun béne'fice pour le fœtus à se nourrir de matériaux qu'il a lui-même élaborés, à s'alimenter en quelque sorte aux dépens de sa propre substance. Si, au contraire, le liquide est d'origine maternelle, il pourra contribuer à la nutrition du fœtus, à la condition toutefois que l'analyse chi- mique permette de lui reconnaître les qualités requises à cet effet. L'une et l'autre de ces opinions ont de tout temps trouvé des partisans (pour l'historique, voir Schrewe, loc. cit.; BiscHOFF. Traité du développement de l'homme. Trad. franc, par Jourdax, 1843, 491), et la discussion, aussi vieille que la connaissance même du liquide amniotique, est ouverte encore aujoui^d'hui. Nous passerons en revue les arguments qui ont été invo- qués de part et d'autre, mais à partir du moment seulement où la question est entrée dans la phase expérimentale. A. Origine fœtale du liquide amniotique. — 1° Il est un produit de sécrétion des organes urinaires du foetus. — Gusserow, qui a inauguré la série des recherches expé- rimentales destinées à élucider la provenance du liquide amniotique, a trouvé, comme il a déjà été dit, que l'iodure de potassium, administré à la mère, peut passer dans ce liquide ainsi que dans l'urine, et qu'il n'existe jamais dans le premier quand il fait défaut dans la seconde; il en a conclu que dans les derniers temps de la gestation du moins l'urine du fœtus est évacuée dans le liquide amniotique, mais non cependant d'une façon régulière. BExrGKE, peu après, a combattu l'opinion de Gusserow parce que en donnant de l'acide salicylique à des femmes en travail il n'avait retrouvé cette subs- tance que dans l'urine de l'enfant et non dans le liquide amniotique. Mais Zweifel et RuNGE ont démontré que l'acide salicylique passe dans l'une et dans l'autre. IiRUKENBERt; s'cst élevé aussi contre les conclusions de Gusserow, d'après ses expé- riences sur les animaux. En opérant sur des lapines à terme, auxquelles il injectait IK, il a constaté que la réaction de l'iode est très prononcée dans le liquide amniotique, tandis qu'elle est très peu marquée et souvent absente dans les organes et les reins du fœtus; par conséquent, l'iodure contenu dans le liquide amniotique n'a pu provenir de l'urine. Cependant, ajoute Krukenberg, on n'aurait pas encore pu déduire de ces expé- riences que l'activité du rein fœtal est peu développée, parce qu'il serait possible que l'iodure ne passe pas en quantité appréciable dans l'organisme fœtal lui-même. Mais plus tard cet auteur a constaté que l'iodure arrive directement en notables proportions, de la mère au fœtus, puisqu'on en trouve dans l'estomac des animaux à une certaine période du développement, sans qu'il y en ait dans le liquide amniotique : il admet donc que chez le fœtus le rein ne fonctionne pas encore. Il faut rappeler cependant ici que Porak, Haidlen, ont toujours trouvé l'iode dans l'urine du nouveau-né quand la femme en travail recevait de l'iodure. D'ailleurs Kru- kenberg lui-même a trouvé, dans un certain nombre de cas, l'iodure dans les reins et dans l'urine des fœtus de lapines; mais il soutient que ceux-ci étaient alors dans des conditions anormales, en état d'asphyxie, ou bien que, comme leur cœur continuait à battre quelque temps après leur extraction, l'urine n'était déjà plus une urine fœtale, mais une urine de nouveau-né. Duurssen a objecté aussi aux expériences de Krukenberg que, s'il a trouvé l'iodure dans le liquide amniotique, et non dans les reins incinérés, c'est sans doute parce que ce sel provoque le rein à une activité exagérée, et que cet organe le rejette alors i^apidement dans la cavité de l'amnios. Pour démontrer le défaut de fonctionnement du rein chez le fœtus, Krukenberg in- voque encore un autre argument tiré des différences observées chez diverses espèces animales, et que nous avons déjà signalées. Tandis que chez les lapines et les cobayes le liquide amniotique à la fm de la gestation donne une forte- réaction d"iode, chez les chiennes et les chattes il la donne rarement et toujours faiblement. Si le rein fœtal était véritablement la source de l'iodure trouvé dans le liquide amniotique, dit Krukenderg, 608 FŒTUS. on ne s'expliquerait pas pourquoi les fœtus de chienne ou de chatte n'élimineraient pas aussi bien cette substance que ceux de lapines ou de cobayes .tandis que l'on se rend mieux compte de la différence des résultats observés, si l'on admet que l'iodure passe directement des vaisseaux maternels dans le liquide amniotique, et que la facilité de ce passage varie suivant les espèces animales avec la structure et, par suite, avec le degré de perméabilité des membranes foetales. Ces recherches comparatives sur des animaux différents ne paraissent pas avoir été reprises depuis Krukenberg. On put croire que la question avait fait un pas décisif, quand Gusserow, administrant du benzoate de soude à des femmes en travail, trouva de l'acide hippurique et non de l'acide benzoïque dans le liquide amniotique et dans l'urine des nouveau-nés. Bunge et ScHMiEDEBERG Ont démontré, comme on sait, que la transformation de l'acide benzoïque en]acide hippurique se fait dans le rein. Gusserow pouvait donc conclure: 1" que le rein du fœtus a les mêmes propriétés que le rein de l'adulte, puisqu'il est capable d'opérer cette transformation; 2° que le fœtus évacue son urine dans le liquide amniotique, puis- que ce dernier contient de l'acide hippurique. Si, d'autre part, il y avait un échange actif entre le sang maternel, ou fœtal, et le liquide amniotique, et si celui-ci représentait un produit de transsudation de l'un ou de l'autre sang, on devrait toujours y trouver de l'acide benzoïque. Or dans les eaux de l'amnios on ne trouve jamais que de l'acide hippurique. Mais Ahlfeld objecta que les expériences de Bunge et Schmiedeberg faites sur le chien ne donnent pas les mêmes résultats chez tous les animaux; que, d'ailleurs, s'il est vrai que, chez le chien, la transformation de l'acide benzoïque se fait dans le rein, le sang qui revient de cet organe contient cependant de l'acide hippurique; par conséquent cet acide trouvé dans le liquideamniolique et dans l'urine du fœtus pourrait provenir directement comme tel de l'organisme maternel, sans que l'organisme fœtal ait pris aucune part à sa production. Rien ne dit, ajoute encore Ahlfeld, que la transformation n'a pas lieu dans le placenta, organe à fonctions complexes qui, chez le fœtus, assume peut-être le rôle du rein. Enfin il fait remarquer que toutes les expériences de Gusserow ont été faites sur des femmes en travail, de sorte que, même en laissant de côté les objections pré- cédentes, on serait en droit de soutenir que le fœtus ne commence à uriner que pendant le travail, et que l'urine avec l'acide hippurique qu'elle renferme n'a été éliminée qu'à ce moment. Il y a cependant dans les expériences de Gusserow un fait auquel les arguments d'ÂHLFELD ne répondent pas : c'est l'absence d'acide benzoïque dans le liquide amnio- tique. Si en effet ce liquide était un produit de transsudation du sang maternel, il devrait comme celui-ci contenir de l'acide benzoïque. Mais Krukenberg se demande si, parce qu'on ne l'y trouve pas, il est bien certain qu'il n'y existe pas, et si la présence de petites quantités d'acide benzoïque n'est pas plus difficile à reconnaître que celle de l'acide hippurique. Pour répondre à ces objections, et particulièrement à celles d'ÂHLFELD, Duhrssen a répété les expériences de Gusserow. Il a voulu s'assurer surtout, en donnant à desfemmes enceintes ou en travail du benzoate de soude (plus du glycocolle), si ]c'est de l'acide benzoïque seulement, ou en même temps, comme a pu le soutenir non sans raison Ahlfeld, de l'acide hippurique qu'on trouve dans le sang de la mère, et de plus si l'acide benzoïque passe dans le sang fœtal à l'état naturel ou à l'état d'acide hippurique. Il a examiné à cet effet, d'une part le sang de l'hématome rétro-placentaire, c'est-à-dire le sang de la mère et, d'autre part, celui de la veine ombilicale ; mais les résultats ont été négatifs, tant au point de vue de l'acide benzoïque que de l'acide hippurique, ce que Duhrssen attribue, avec Salkowski, à la rapide élimination de l'acide benzoïque par les reins de la mère. Par contre, dans 6 cas, il a trouvé des quantités notables d'acide ben- zoïque dans le placenta, et vraisemblablement dans le placenta fœtal, sans aucune trace d'acide hippurique. La présence de l'acide benzoïque dans le placenta a pu être mise en évidence 5 heures et demie encore après l'administration de la substance : ce qui, en opposition avec sa rapide disparition du sang tend à montrer que le filtre placentaire retient plus ou moins longtemps les substances qui le traversent pour ne les laisser passer que lentement. Toujours est-il que, d'après Duhrssen, c'est uniquement à l'état d'acide benzoïque, que cet acide arrive au fœtus et uniquement par le placenta ; en effet FŒTUS. 609 l'absence d'acide benzoïque dans le liquide amniotique exclut la possibilité du passage par cette dernière voie. Dans l'urine fœtale, comme dans le liquide amniotique, Duhrssen, de même que GussEROW, ne trouve que de l'acide hippurique, et non de l'acide benzoïque. L'acide hippu- rique apparaît déjà dans l'urine du fœtus 1 heure, 1 heure et demie, 2 heures après l'in- gestion d'acide benzoïque par la mère ; il se montre plus tard et moins constamment dans le liquide amniotique que dans l'urine de l'enfant. Les expériences de Duhrssen confir- ment donc entièrement les conclusions de Gusserow, à savoir que les reins fonctionnent déjà vers la fin de la vie intra-utérine comme après la naissance, puisqu'avec le glyco- colle et l'acide benzoïque ils font la synthèse de l'acide hippurique. Si l'on ne trouve pas dans tous les cas ce corps dans le liquide amniotique, c'est que le fœtus n'y évacue pas son urine d'une façon constante. Si, au contraire, comme le soutient Ahlfeld, l'acide hippurique Iranssudait directement du sang maternel dans le liquide amniotique, il devrait toujours y être présent. Enfin, de ce qu'on ne trouve pas d'acide benzoïque dans ce liquide, il faut en déduire que celui-ci ne peut être fourni par la mère, puisque les vaisseaux maternels n'y laissent pas transsuder l'acide benzoïque qu'ils contiennent. Ce n'est pas seulement dans les derniers jours de la grossesse que le liquide amniotique ne doit pas être considéré comme un transsudat d'origine maternelle; car, dans deux cas, ni au huitième ni au quatrième mois le liquide amniotique ne contenait de l'acide benzoïque (ni de l'acide hippurique). Duhrssen pensait ainsi avoir démontré que dans la deuxième moitié de la gestatio» le rein du fœtus fonctionne déjà régulièrement, que le liquide amniotique formé pendant cette période n'est autre chose que de l'urine fœtale, et qu'il ne peut provenir de la mère. Mais les expériences plus récentes de Schaller ont encore une fois abouti à des con- clusions tout opposées. Cet auteur s'est adressé, comme on l'a déjà vu, à une substance,. la phlorhizine, qui olfre cette analogie avec l'acide benzoïque de ne pas être éliminée en nature par le rein, mais qui jouit de la propriété d'éveiller dans cet organe une forme particulière d'activité, dont la conséquence est la glycosurie sans glycémie. Si donc on fait prendre à des femmes enceintes ou en travail de la phlorhizine, celle-ci passera dans le sang du fœtus, et, si son rein fonctionne déjà comme celui de l'adulte, on devra trouver du sucre dans son urine. Si, d'autre part, le liquide amniotique est constitué exclusivement ou principalement par l'urine du fœtus, il contiendra une proportion de sucre en rapport avec celle qui est contenue dans l'urine, et ainsi la richesse du liquide amniotique en sucre mesurera en quelque sorte l'activité du rein fœtal. Le sucre en effet ne pourra provenir ni du sang maternel, ni du sang fœtal puisque la teneur du sang en sucre est plutôt diminuée dans le diabète phlorhizinique. En faisant prendre à des femmes enceintes de fortes doses de phlorhizine, con- tinuées jusqu'au moment de la parturition (36 grammes en dix-huit jours, 32 grammes en onze jours, 69 grammes en vingt-trois jours, 66 gr. en 23 jours, etc.). Schaller dans 16 cas n'a pas trouvé dans le liquide amniotique trace de sucre: 6 cas seulement furent positifs, mais avec des quantités de sucre très faibles (0,004 ; 0,0072 ; 0,0076 ; 0,01 ; 0,0123;^ 0,017 à 0,02 grammes p. 100). Dans ces 6 cas, il y a donc eu réellement évacuation d'urine dans le liquide amniotique; mais la faible proportion de sucre doit faire admettre que l'urine n'a été sécrétée que pendant le travail, sauf peut-être dans le dernier cas où les 0,02 s<- p. 100 ont sans doute été éliminés dans les derniers jours delà grossesse. Schaller a fait d'autres expériences du même genre pour rechercher si le fœtus peut évacuer son urine dans le liquide amniotique à des périodes moins avancées de la gros- sesse. A cet effet, il donna la phlorhizine en grande quantité à partir du huitième mois, pendant une période plus ou moins longue, et eut soin d'en suspendre l'administration plus ou moins longtemps avant l'accouchement, de onze heures à vingt-huit jours avant. Dans les 8 cas de ce genre, il ne trouva pas non plus de sucre dans le liquide amniotique. On pouvait se demander, il est vrai, si dans ces conditions le sucre n'avait pas été de nouveau résorbé par les vaisseaux maternels. Mais Schaller s'est assuré par des expé- riences sur les animaux qu'on retrouvait dans le liquide amniotique le sucre qu'on y avait injecté, alors que sa proportion centésimale était 44 fois moindre que celle du sang, con- dition très favorable à sa résorption. Il faut ajouter que Schaller n'a attendu au maxi- mum que six heures pour procéder à la recherche du sucre injecté dans le liquide- DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. "^^ 610 FŒTUS. amniotique : il conclut cependant que, si une résorption a lieu, elle doit se faire très len- tement. D'autre part il n'est pas admissible que les mouvements de déglutition se répè- tent assez fréquemment pour faire disparaître le sucre contenu dans le liquide amnio- tique. Si donc on ne l'y trouve pas quelque temps après que l'on a suspendu l'emploi de la phlorhizine, ce n'est pas parce que le sucre a disparu, mais parce qu'il n'y existait à aucun moment. Dans les avortements au quatrième et au sixième mois l'injection de phlorhizine ne fut pas suivie non plus de l'apparition du sucre dans les eaux de l'amnios. Enfin quelques expériences sur des chiennes à terme donnèrent des résultats égale- ment négatifs. Par contre, ainsi que nous l'avons déjà signalé, il y avait du sucre dans l'urine du nouveau-né, dans tous les cas où la phlorhizine avait été donnée moins de quarante-huit heures avant l'accouchement; donnée plus tôt, elle ne provoquait pas de glycosurie. ScHALLER arrive donc à la conclusion, que l'évacuation de l'urine dans le liquide amnioti- que est un fait exceptionnel,. mèuie à la dernière période de la gestation; que, si elle a lieu quelquefois, c'est un peu avant ou pendant le travail; que même dans ces cas elle ne peut prendre qu'une part très faible à la production du liquide amniotique. D'un autre côté, comme le sucre fait défaut dans l'urine du nouveau-né, si la mère a reçu la phlo- rhizine plus de quarante-huit heures avant l'accouchement, il faut en déduire que le rein du fœtus ne fonctionne pas encore; ce sont les contractions préparantes ou le travail même qui mettent en jeu son activité, en troublant la circulation placentaire et eu ame- nant, chez le fœtus, un certain degré d'asphyxie. Mais la méthode de Schaller prêle aussi, à notre avis, le flanc à la critique. Ce n'est pas seulement l'activité du rein fœtal qu'elle met en cause, c'est la question de la glyco- génèse embryonnaire tout entière. Le mécanisme du diabète phlorhizinique est tel qu'au fur et à mesure que l'épithélium rénal extrait le sucre contenu dans le sang pour l'élimi- ner, ou, si l'on veut, à mesure qu'il le laisse passer, il doit s'en former de nouvelles quan- tités, soit aux dépens des matériaux hydrocarbonés, soit aux dépens des matières pro- téiques. Et devant les résultats négatifs de l'injection de la phlorhizine à la mère, au lieu de conclure que le rein du fœtus n'est pas encore apte à réagir à l'action du gluco- side, on est aussi bien en droit de se demander si la glycogénèse embryonnaire est assez active pour permettre au diabète phlorhizinique de se produire, ou si le mode particulier de glycogénèse qui, d'après certaines théories, donne lieu à cette forme de diabète existe déjà dans la vie intra-utérine. La première question est d'autant plus légitime que la fabrication du sucre par l'organisme fœtal paraît très restreinte, si l'on s'en rapporte aux recherches de Cavazzani et de Butte. D'autre part, d'après LoEwi (.4. P. P., xlviu, 427], l'épithélium des tubes contournés sous l'influence de la phlorhizine, libère le sucre du sang d'une combinaison dans lequel il serait normalement engagé : il reste à savoir si celte combinaison existe chez le fœtus. Il est à remarquer, d'ailleurs, que la quantité de sucre trouvée par Schaller dans l'urine du nouveau-né a toujours été assez faible, de 0 gr. 1 à 0,'6 p. iOO, en moyenne de 0,3.3 p. 100, dans la masse totale du liquide fournie par les 2 à 4 premières évacua- tions après la naissance. En suivant l'auteur dans son argumentation, on pourrait donc admettre que, si le sucre apparaît dans l'urine pendant les dernières heures de la gesta- tion, ce n'est pas parce que les troubles de la circulation placentaire éveillent l'activité du rein, mais parce que les phénomènes asphyxiques qui en résultent ont pour consé- quence une augmentation de la glycogénèse, et que la glycosurie devient alors possible. Arguments tirés de la marche de la sécrétion iirinaire chez le noureau-né. — Benicke, Porak, Fehllng ont fait valoir contre l'opinion de Gcsserow que les substances étrangères administrées à la mère, qui passent dans l'urine du fœtus, se trouvent toujours en quan- tité plus forte dans la deuxième et la troisième urines recueillies après la naissance que dans la première; que dans celle-ci elles manquent parfois, et que leur élimination dure plus longtemps aussi chez le nouveau-né que chez la mère. Tandis que par exemple le sali- cylate de soude a disparu de l'urine de la mère au bout de vingt-quatre à trente-six heures, il ne disparaît de celle de l'enfant qu'après trois ou quatre jours (Benicke). Schaller a fait, sur la durée de l'élimination du sucre chez le nouveau-né, des observations semblables. Si vrai- ment le rein fonctionnai t activement pendant la vie intra-utérine, dit Fehling, les substances données à la mère, à doses répétées, devraient se trouver en plus forte proportion dans FŒTUS. 611 la première urine que dans les suivantes; mais, puisque c'est le contraire qu'on observe, et que leur élimination réclame plus de temps chez le nouveau-né que chez l'adulte, cela prouve que la sécrétion urinaire ne s'établit vraiment qu'après la naissance. Duhrs- SEN soutient, par contre, que, si l'acide benzoïque est administré à la mère assez long- temps avant l'accouchement, la miction intra-utérine élimine la totalité de l'acide hippu- rique, de sorte que, dans l'urine évacuée immédiatement après la naissance, on n'en trouve plus, ou on n'en trouve que des traces. Mais les observations contraires sont trop nombreuses pour pouvoir être contestées. Wiener {Archiv f. Gynœk. 1881, xvii, 24) y répond en faisant remarquer que, suivant les observations de Martin et Ruge, la première urine du nouveau-né est naturellement plus diluée et moins riche en matériaux solides que les suivantes; si celles-ci sont plus concentrées, c'est parce qu'il s'établit après la naissance une évaporation active par la peau et parles poumons, laquelle, jusqu'alors, n'existait pas, et, l'excrétion d'eau par les reins étant devenue moindre, la concentration de l'urine augmente. D'un autre côté, il est possible aussi, comme le veut Klamroth (cité par Schrewe), que l'élimination de la sub- stance étrangère se fasse, tant que dure la vie intra-utérine, à la fois par le placenta et par les reins, tandis qu'après la naissance elle ne peut se faire que par les reins seule- ment. Enfin Prêter admet que la première urine n'est déjà plus de l'urine fœtale; elle n'est sécrétée en partie ou peut-être en totalité qu'après l'établissement de la respiration pul- monaire, c'est-à-dire après la rapide diminution de la pression dans l'aorte et dans les artères rénales : de sorte que l'absence de la substance étrangère dans la première urine, sa présence dans la deuxième et la troisième urines peuvent fort bien dépendre du trouble de ;ia fonction rénale durant la naissance, trouble dû à la diminution de rapi- dité du courant sanguin dans les reins, quand diminue la pression artérielle. Cependant la baisse de pression, qui, d'après Preyer, serait liée à l'établissement de la respiration pulmonaire, est discutable (voir p. ol7). Par contre, les remarques de Wiener méritent d'être prises en considération. Arguments tirés de la composition du liquide amniotique. — La composition de ce liquide n'a pas fourni de renseignements précis sur ses relations avec la sécrétion uri- naire. Prochownick était, il est vrai, arrivé à ce résultat que chez le fœtus humain le liquide amniotique contient en tout temps de l'urée à partir de la sixième semaine, que cette substance est excrétée en partie par la peau, en partie par le rein du fœtus, et que sa quantité, dans le dernier tiers de la grossesse, est proportionnelle àla longueur et au poids du fœtus. Mais FEHLiNr, a pu soutenir, de son côté, que la richesse du liquide am- niotique en urée ne correspond nullement au degré du développement du fœtus, qu'elle est excessivement variable, et qu'elle présente en définitive les mêmes variations que celles des transsudats séreux. Doderlein, cependant, a cherché de nouveau, dans les analyses des liquides amniotique et allantoidien du veau, un moyen d'élucider la source et la signification de ces humeurs. Ses recherches, dont nous avons rendu compte, l'ont amené à cette conclusion, que le liquide amniotique est un produit de transsudation du sang maternel, tandis que le liquide allantoidien n'est autre chose que de l'urine fœtale sécrétée dès le début du développement. Chez le fœtus humain,'chez lequel le produit de sécrétion du rein ne peut s'accumuler dans un réservoir particulier, puisque la vésicule allantoïde n'existe pas, le liquide amniotique aurait donc une double origine, et serait le mélange d'un transsudat séreux, probablement d'origine maternelle, etde l'urine fœtale. On n'a pas manqué d'ob- jecter que les résultats obtenus chez le veau ne sont pas applicables à l'homme. Arguments tirés des conditiims de la circulation rénale chez le fœtus. — Ces conditions ont été considérées depuis longtemps comme peu compatibles avec un fonctionnement régulier du rein. Ahlfelu avait déjà émis l'idée que probablement la pression artérielle était trop faible chez le fœtus pour que la sécrétion urinaire puisse avoir quelque acti- vité. Wiener {loc. cit.) avait pu répondre que la valeur de la pression artérielle chez le fœtus n'était pas connue, que d'ailleurs la sécrétion dépendait plus de la vitesse de la circulation que de la valeur de la pression dans le glomérule : il invoquait, en effet, l'expérience de Heidenhain, d'après laquelle la ligature des veines rénales empêche la sécrétion, bien qu'elle augmente la pression dans le glomérule. Mais Cohnstein et Zuntz, {A. g. P., xxxiv, 220) ont apporté à l'opinion d'AHLFELD l'appui de l'expérimentation. On sait 612 FŒTUS. que la sécrétion d'urine s'arrête lorsque la pression artérielle tombe à 30 ou 40 millim. Hf:; ; or, chez le fœtus, elle ne dépasse pas de beaucoup ces chiffres, si l'on se reporte aux déterminations de ces physiologistes ;"en outre, et ceci répond à la deuxième objection de Wiener, la pression veineuse est relativement élevée, de sorte que la différence entre la pression artérielle et la pression veineuse, qui est chez l'adulte d'au moins 100 millim. Hg., varie chez les fœtus, dans les quelques déterminations qui ont été faites, entre 14,2 et ol,4 millim. Les conditions de la circulation sont donc aussi défavorables que possible à l'établissement d'une sécrétion régulière, tant soit peu active. Ces conclusions ne nous paraissent cependant pas devoir être acceptées sans réserves. Il est vrai que dans l'expé- rience de Heidenhain l'augmentation de la pression veineuse amène un arrêt de la sé- crétion; mais c'est parce que la stase sanguine a comme conséquence une compression des canalicules urinifères. Par contre, une élévation modérée de la pression dans les vaisseaux efférents du rein, telle qu'elle a été observée par Cohnsteix et Zuntz, s'accom- pagnera d'une élévation correspondante dans les capillaires du glomérule, qui semble véritablement devoir favoriser le processus 'de filtration. D'un autre côté, cependant, la pression artérielle est basse; mais ici il y a d'abord une distinction à faire : dans les dernières semaines de la gestation, la pression atteint un chiffre assez élevé, comme le reconnaissent CoHxVstein et Zuntz, pour que la sécrétion urinaire puisse s'établir avec régularité; à des périodes moins avancées du développement, elle oscille dans les expé- riences de ces physiologistes entre 39,3 et 51,1 millim.; sans doute, ces valeurs sont faibles, mais elles sont encore à la limite où la sécrétion est possible. Si l'on considère enfin que le rein du fœtus, comme nous le verrons, laisse souvent, peut-être constam- ment, passer l'albumine, on peut se demander si les conditions de la filtration sont les mêmes pour lui que pour celui de l'adulte. Quoi qu'il en soit, ce qui est démontré expéri- mentalement, c'est que, vers la fin de la gestation, ce n'est pas le niveau de la pression qui peut mettre obstacle à la sécrétion urinaire. Il n'est donc pas légitime d'admettre, avec quelques auteurs, que la pression arté- rielle n'atteint une valeur suffisante compatible avec le fonctionnement du rein que pen- dant le travail, parce qu'alors elle augmente sous l'influence de la compression du fœtus par les contractions utérines et les troubles de la circulation utéro-placentaire, et que l'urine trouvée dans la vessie du nouveau-né commence à s'y accumuler seulement, soit un peu avant, soit pendant la parturition même. Les causes invoquées seraient plutôt favorables à l'e'vacuation du contenu vésical qu'au processus de la sécrétion. L'état sub- asphyxique du fœtus lié à la gêne de la circulation placentaire doit s'accompagner, il est vrai, d'une augmentation de pression. Mais il ne faut pas oublier que celle-ci dépend, dans ces conditions, du resserrement des vaisseaux abdominaux, c'est-à-dire d'une dimi- nution dans l'activité de la circulation rénale; si l'on ajoute qu'en même temps le cœur fœtal est en outre ralenti, il paraîtra plus vraisemblable que la fonction du rein doit se trouver défavorablement inlluencée par les phénomènes du travail. Wiener a d'ailleurs montré que la vessie du fœtus pouvait contenir de l'urine sans que le travail ait commencé. Une femme en état de grossesse avancée mourut d'hémorrhagie à la suite d'une rupture de varices : du côté de l'utérus on ne trouva aucun indice d'un commencement de travail ; dans la vessie du fœtus il y avait 10 ce. d'urine. Ar(/uments tirés des malformations des voies urinaires. — Parmi les preuves les plus importantes de l'activité du rein pendant la vie intra-utérine on peut compter les faits- tératologiques ou pathologiques d'oblitération des voies urinaires. Déjà Portal, en 1671, avait constaté une distension de la vessie du fœtus à la suite d'un rétrécissement de l'urèthre, et il en avait conclu que le fœtus urine. English (1881) a affirmé que la forma- tion de l'urine commençait sûrement à la fin du quatrième ou au commencement du cinquième mois, parce qu'il avait trouvé, à diverses reprises, la vessie et les bassinets remplis d'urino et distendus, dans les cas d'oblitération des voies urinaires, au point que la distension pouvait être une cause de dystocie. Billard et King ont vu des ruptures de la vessie produites par l'imperforation de l'urèthre. ScHAFFER'(citépar Sciirewe), dans un cas d'atrésie de l'urèthre, a trouvé, au deuxième mois de la vie intra-utérine, chez un fœtus de 9 centim. 5 de long, et pesant 30 gr., la vessie distendue sous forme d'une petite poche. Par contre, comme l'a fait remarquer ViRCHow, si l'oblitération porte sur les papilles rénales, la vessie est ratatinée et vide. FŒTUS. 613 La quantité de litiuide que renferment la vessie et les uretères chez des foetus atteints de malformations de l'urèthre et âgés de quelques mois ou à terme est assez variable. Elle s'est élevée jusqu'à un litre dans une observation de grossesse gémellaire arrivée au septième mois et où chez l'un des fœtus l'urèthre manquait (Moueau). Mais en moyenne on trouve loO ce. de liquide (Sallinger, Bar), et les reins présentent les lésions caracté- ristiques de l'hydronéphrose. Chez un enfant pesant 3 880 gr., Bar {loc. cit.) a retiré des uretères et de la vessie 300 gr. de liquide qui renfermait de l'urée. On peut même sou- tenir avec cet auteur que les 130 ou 200 gr. de liquide que l'on rencontre habituellement •dans ces cas ne représentent pas toute la masse d'urine que peut sécréter le fœtus pen- dant la vie intra-utérine, puisque le champ de la sécrétion se restreint de plus en plus, à la suite de la compression et de la désorganisation du parenchyme rénal. On a objecté que ces faits sont sans valeur: 1° parce que des cas de malformalion ne peuvent servir à prouver un fait physiologique; 2° parce que le liquide contenu dans les voies urinaires n'a pas la constitution de l'urine; 3" parce que la quantité de liquide amniotique n'est pas diminuée dans ces conditions. Mais on ne voit vraiment pas com- ment et pourquoi une quantité considérable de liquide s'accumulerait dans la vessie et les uretères, derrière un obstacle siégeant dans l'urèthre, si le rein ne le fournissait pas. En second lieu, de nombreuses analyses dues à Proust, Freund, Jory, Dohun, Bar, signalent dans le liquide la présence de l'urée, celle de l'albumine, une fois celle de l'acide urique. Il ne paraît pas cependant qu'on ait cherché à évaluer la proportion d'urée qui y est contenue; du moins les indications données par Bar sur ces analyses ne nous ren- seignent pas à cet égard. L'analyse, sans doute la plus complète, d'une urine recueillie dans une vessie fœtale à la suite de malformation est due à Panzer [Zeitschr. f. Heilk., 1902, xxin, 79). Le réservoir urinaire renfermait 210 ce. de liquide, dont la réaction était neutre et la densité de 1008 : on y trouva des traces d'albumine coagulable; mais pas de sucre, pas d'acétone ni indican. La teneur en azote total était de 0,98 grammes par litre, en urée de 0,36 grammes, en acide urique de 0,21 grammes : pas de créati- nine, mais une certaine quantité d'allantoïne. D'après Gusserow, la quantité de liquide amniotique serait faible dans les cas d'oblitération de l'urèthre. Les auteurs qui se refusent à admettre la sécrétion urinaire intra-utérine font valoir de leur côté, avec Ahlfeld, les observations de fœtus qui manquent complètement d'appa- reil urinaire, et qui arrivent cependant à maturité; chez ces monstres, qui' peuvent ne présenter aucune autre anomalie (voir W'estphalen, loc. cit.), les principes constitutifs de l'urine doivent donc être éliminés par le placenta et, d'autre part, le liquide amniotique ne fait pas toujours défaut. Rissman (cité par Schaller) a également signalé un cas de ce ■genre dans lequel un enfant pesant 1500 grammes fut expulsé vivant malgré l'absence des reins. Ces faits prouvent, il est vrai, que la fonction rénale n'est pas indispensable au fœtus pour qu'il se développe et même arrive à maturité; mais on n'est pas autorisé à en déduire que chez le fœtus normal le rein est inactif; on comprend, en efï'et, que chez ces monstres il puisse être suppléé par d'autres organes, et particulièrement par le placenta. De plus, en même temps que l'absence des reins, on a noté parfois celle du liquide amniotique; enfin on n'a pas encore démontré que, quand celui-ci existe dans ces con- ditions, il a la même composition que le liquide normal. L'émission de l'urine dans l'amnios est encore prouvée par ces observations de grossesse gémellaire (Schatz) dans lesquelles, l'un des fœtus étant plongé dans une quantité considérable de liquide amnio- tique, et l'autre dans une quantité très faible, les reins et le cœur du premier avaient une fois et demie le poids des mêmes organes du second ; l'hydramnios devait donc être la conséquence de l'activité exagérée des reins. Strassmann (A. D., SuppL, 1899) a signalé récemment un cas semblable, et appelé surtout l'attention sur l'hypertrophie de la vessie du fœtus contenu dans l'œuf atteint d'hydramnios, hypertrophie qui ne pouvait être que fonctionnelle, puisque l'urèthre était tout à fait perméable. Il faut ajouter cependant que chez ces fœtus les conditions de la circulation sont anormales, qu'il y a chez eux surcharge sanguine et augmentation de la pression. 2° Le liquide amniotique est un produit de transsudation des vaisseaux ou de la peau du fœtus, — La première de ces deux opinions a trouvé surtout un appui dans les faits signalés par Jungbluth (1809) qui a décrit sur la face fœtale du placenta, dans la couche 614 FŒTUS. membraneuse immédiatement accolée à la face profonde de l'amnios, un réseau capil- laire sanguin en communication directe avec les vaisseaux ombilicaux. Jungbluth, qui est arrivé à injecter ce réseau, considère que c'est par son intermédiaire que le fœtus laisse transsuder le liquide amniotique. C'est donc dans la couche interposée entre l'am- nios et le placenta et qui se poursuit au delà du placenta entre le chorion et l'amnios, que se trouve le siège de la transsudation. Waldeyer (cité par Bar) a constaté aussi la présence de vaisseaux sinueux, accolés contre la face profonde de l'amnios, gorgés de sang, et ayant un diamètre suffisant pour qu'il fût possible de reconnaître leur existence à l'œil nu. Bar lui-même na trouvé à la face profonde de l'amnios qu'un réseau veineux fourni par les rameaux de la veine ombilicale. Le réseau décrit par Jungbluth a, d'après la plupar.t des auteurs, une évolution spé- ciale. Ce n'est que pendant la première moitié de la grossesse que les vaisseaux sanguins qui le constituent sont perméables au sang ; mais dans le milieu de la grossesse ces vaisseaux s'atrophient, et au moment de l'accouchement les vasa propria ont disparu. Leur persistance jusqu'à la fin de la gestation serait une cause d'hydramnios. En réa- lité, d'après Jungbluth, ils existeraient encore aux 8% 9" et iO<= mois (lunaire) tout en s'oblitérant graduellement, et ils fonctionnent encore activement aux o*^, 6^ et 7« mois ; les quelques capillaires qui persistent jusqu'à la fin de la grossesse continueraient à servir à la production du liquide amniotique [Arch. f. Gynask., 1872, iv, 5o4). L'amnios lui-même n'est pas vasculaire ; cependant les dissections de Peyrot et celles de Caupenox semblent démontrer qu'au moins chez certains animaux, porc, brebis, che- val, il possède des vaisseaux propres. Wissotski a pu suivre le développement des vais- seaux sanguins de l'amuios du lapin et y constater l'existence de cellules vasoformatives (Tarnier et Chantreuilj. Toutefois Bar n'a jamais vu de vaisseaux dans l'amnios du lapin. \N'iNCKLER (Arch. f. Gynœk., iv, 238) a décrit un réseau de canalicules lymphatiques auxquels il fait jouer le même rôle que Jungbluth à ses vaisseaux sanguins. Ces canali- cules s'ouvriraient librement dans la cavité de l'œuf (comme les canalicules lymphatiques qu'on a décrits sur le centre tendineux du diaphragme, communiquent avec la cavité péritonéale) et pouvaient être poursuivis, d'autre part, jusqu'à la couche épithéliale du chorion. Il trouva très fréquemment les canalicules reliés aux vaisseaux de différent calibre, artères et veines, particulièrement aux premières; il les vit aussi reliés aux vais- seaux du cordon ombiUcal, et c'est précisément dans la gelée du cordon et dans la por- tion placentaire du chorion qu'il chercha le siège principal de la sécrétion de l'eau de l'amnios, après l'atrophie du réseau de Jungbluth. Preyer croit aussi à l'existence de ces canalicules, surtout dans le cordon, et leur attribue le même rôle que Winckler. D'après Ch. Roblx, dans les premiers temps du développement, le liquide amniotique est fourni par l'amnios empruntant les matériaux nécessaires aux capillaires des organes vasculaires qui le tapissent, tels que le chorion allantoidien, c'est-à-dire à des vaisseaux du fœtus. Fehling a émis l'hypothèse qu'une partie de l'eau de l'amnios provient directement des vaisseaux ombilicaux. Il a vu que, si l'on injecte dans un cordon ombilical une so- lution de salicylate de soude, et qu'on le plonge dans un verre rempli de liquide amniotique, on trouve au bout d'une heure le salicylate de soude dans ce liquide. Dans d'autres cas, il distendit la veine ombilicale par de l'eau, et au bout de six à douze heures il put reconnaître que le liquide dans lequel le cordon était plongé conte- nait des matières albuminoïdes, et particulièrement de la mucine provenant du cordon. Pour prouver que le salicylate de soude passe déjà pendant la vie des vaisseaux du cordon dans la gélatine de Wharton, il prit un cordon ombilical provenant d'une femme qui avait reçu avant l'accouchement du salicylate de soude, le débarrassa du sang qu'il contenait par compression et lavage; puis il injecta de l'eau tiède dans le cordon, qui fut plongé également dans l'eau tiède. Au bout de huit à douze heures, il trouva de l'acide salicylique dans le liquide extérieur. Comme les vaisseaux avaient été vidés préalable- ment, il faut conclure, dit Fehling, que l'acide salicylique ne peut provenir que de la gélatine de Wahrton, où il avait déjà pénétré pendant la vie. Bar a vu aussi que sous une certaine pression les parties liquides contenues dans la veine ombilicale peuvent transsuder dans la cavité amniotique, mais que sous une pres- sion égale elles ne transsudent pas à travers les parois des artères ombilicales. FŒTUS. 615 Krukenberg a obtenu des résultats semblables à ceux de Fehling en remplissant quelque temps après la naissance une partie du cordon par de l'iodure de potassium ; mais il soutient qu'ils ne sont applicables qu'à des tissus morts, à des vaisseaux dans lesquels la circulation a cessé. En injectant immédiatement après la naissance dans le placenta une solution d'iodure de potassium, et en suspendant une anse du cordon dans un vase rempli d'eau salée où elle resta jusqu'à ce que la veine ombilicale fût dégorgée, il ne trouva point trace d'iodure dans la solution saline, bien que l'urine de l'enfant don- nât une forte réaction. Ce n'est d'ailleurs pas un processus physiologique habituel que celui de la produc- tion d'une humeur normale par une transsudation à travers les parois de gros troncs vasculaires. Ce sont les réseaux capillaires qui sont le siège ordinaire de ce phénomène, et les capillaires font défaut dans le cordon, du moins chez le fœtus humain. ScHERER ( 1 8o2), puis ScHUTZ ( 1 874) ont plus particulièrement sou tenu que la formation du liquide amniotique est une fonction de toute la surface cutanée du fœtus. Gusserow, Wie- ner ont également admis cette origine pour les premières phases du développement. On a fait valoir qu'au début la peau du fœtus est encore très perméable, à cause du dévelop- pement incomplet de la couche épidermique, et qu'elle est en même temps extrêmement vasculaire. On a voulu aussi faire intervenir la sécrétion sudorale ; mais toujours est-il qu'en raison de l'apparition tardive des glandes sudoripares ce n'est qu'au cinquième mois qu'elles pourraient participer à la production du liquide amniotique, si toutefois elles fonctionnent vraiment pendant la vie intra-utérine, ce qui ne paraît pas vraisemblable. B. Origine ma ternelle du liquide amniotique. — Il ne paraît pas douteux que l'organisme maternel ne participe à la formation du liquide amniotique. Comme nous l'avons vu, les expériences de Zuntz et de Wiener, celles de Krukenberg, de Bar, ont montré que l'indigo-sulfate de soude, le ferrocyanure de potassium, l'iodure de potas- sium peuvent passer du sang maternel dans le liquide amniotique sans traverser l'or- ganisme fœtal, du moins chez les lapins. Pour montrer encore plus sûrement que la circulation fœtale n'avait pu servir d'intermédiaire au passage de la substance, Zuntz a tué préalablement le fœtus en lui injectant au moyen d'une seringue de Pr.waz, à tra- vers la paroi utérine, une solution de potasse pour arrêter le cœur; quand il injecta ensuite à la mère le sulfate d'indigo, le liquide amniotique fut néanmoins trouvé coloré. On peut rapprocher de cette expérience le cas suivant dû à Haidlen. Chez un enfant macéré, né d'une mère syphilitique à laquelle on avait administré de l'iodure de potas- sium, on trouva la réaction de l'iode dans le liquide amniotique, une heure après l'ad- ministration du médicament. L'enfant étant mort depuis longtemps, l'iodure avait dû passer directement du sang maternel dans le liquide amniotique. NicLOUx a montré {B. B., 1902, 754) que l'alcool introduit dans l'estomac de cobayes pleines peut être mis en évidence dans le liquide amniotique cinq minutes après la fin de l'ingestion ; d'autre pari, les quantités d'alcool dans le sang maternel et dans le liquide amniotique augmentent avec le temps, dans les mêmes proportions, pour une quantité d'alcool ingéré ; faits qui, d'après Nicloux, plaident en faveur du passage direct de la substance à travers les membranes. Je rappellerai aussi que, d'après Wiener, confirmé sur ce point par Krukenberg, la substance injectée à la mère ne passe dans le liquide amniotique que vers la fin de la gestation. L'expérience faite chez la lapine au début de la gestation ne réussit pas. D'après Wiener, il ne peut encore rien arriver à ce moment du sang maternel dans le liquide amniotique, parce que, d'une part, le chorion et la caduque ne sont encore que lâchement unis, et que, d'autre part, le chorion n'est pas encore accolé à l'amnios. Le liquide amniotique ne pourrait dans ces conditions être fourni par la mère. Il serait donc formé exclusivement par l'embryon, aussi longtemps que ses enveloppes ne sont pas en contact intime avec les tissus maternels et que le placenta n'est pas développé. D'après Krukenberg, au contraire, la différence des résultats dépendrait, comme il a déjà été dit, du degré de perméabilité des membranes fœtales, d'autant plus prononcée que la gesta- tion est plus avancée. On a encore invoqué en faveur de l'origine maternelle du liquide amniotique les cas où l'hydramnios coïncide avec de l'œdème et de l'ascite chez la mère : mais l'hydrémie maternelle pourrait s'accompagner d'hydrémie fœtale. 616 FŒTUS. Quels sont les vaisseaux de la mère qui concourent à la]production du liquide amnio- tique ? Les auteurs ne sont pas explicites à cet égard. D'après Scanzo.ni, c'est le placenta maternel qui fournit le liquide ; suivant Ahlfeld, au début, ce sont les vaisseaux de la caduque réfléchie qui le laissent transsuder à travers le tissu lâche du chorion dans la cavité amniotique. 11 faudrait aussi, dit Kœlliker, penser aux riches réseaux vasculaires de la caduque vraie; car, à partir du moment où les deux caduques s'accolent l'une à l'autre, ces réseaux se trouvent dans une situation très favorable pour remplir ce rôle. Ces deux caduques sont accolées l'une à l'autre à partir du cinquième mois. Mais la caduque réfléchie est au milieu de la grossesse entièrement dépourvue de vaisseaux ; Kœlliker n'en a rencontré que jusqu'à la dix-septième semaine. C. Résultats acquis. — Lorsqu'on a passé en revue ce qui a été fait et écrit sur la pro- venance du liquide amniotique, on ne peut guère que répéter encore aujourd'hui ce que disait Bar en 1883 : « Si des faits intéressants ont été signalés en grand nombre, si les expériences les plus ingénieuses ont été instituées, les conclusions générales que l'on a cru pouvoir émettre sont toutes plus ou moins sujettes à contestation, et la question de l'origine du liquide amniotique n'est guère moins obscure qu'il y a vingt ans, bien que nous ayions à notre disposition une quantité plus considérable de documents. » Un fait qu'on peut considérer cependant comme établi, c'est que la mère ainsi que le fœtus prennent part à la formation du liquide amniotique. Expérimentalement, la par- ticipation de la mère est démontrée surtout par les observations de Zuatz, de Wie- ner et de NiCLoux, auxquelles il faut ajouter celles de Krukexberg et de ToERNGREif, quoique ces dernières prêtent peut-être à discussion, puisque l'organisme fœtal conte- nait aussi des traces de la substance trouvée dans le liquide amniotique. En ce qui concerne la sécrétion et l'excrétion de l'urine chez le fœtus, il est à remar- quer que l'expérimentation, qui semblait devoir donner la solution du problème, a con- duit à des résultats absolument contradictoires, parce que précisément les méthodes les plus ingénieuses qu'on a imaginées pour le résoudre y ont introduit elles-mêmes des facteurs encore mal connus. C'est ainsi qu'on a pu objecter à Gusserow que l'acide hippu- rique circule déjà dans le sang maternel, et Schaller ne paraît pas s'être laissé convaincre par les expériences de Duhrssen, puisqu'il reprend encore pour son compte cette objec- tion déjà soulevée par Ahlfeld. On a vu plus haut les réflexions qu'à leur tour suggèrent les résultats obtenus par Schaller; pour les appliquer en toute certitude à la question en litige, il faudrait, à ce qu'il nous semble, que les conditions de la glycogénie fœtale fussent mieux connues. Par contre, un argument de Uuhrssex qui nous paraît garder toute sa valeur, tant qu'on n'en aura pas démontré l'inexactitude, c'est la présence, dans le placenta, de l'acide benzoïque seul, à l'exclusion de l'acide hippurique, et, puisque ce dernier corps se trouve par contre dans le liquide amniotique, il a donc dû se former dans l'organisme et vrai- semblablement dans le rein fœtal. Mais l'une des preuves les plus importantes en faveur de l'activité de cet organe et de l'évacuation de l'urine dans la cavité de l'amnios, c'est l'accumulation de liquide derrière un urèthre oblitéré : on ne peut méconnaître la jpor- tée de ce fait, bien qu'il ait pour cause une malformation. La proportion d'urée que renferme parfois, d'après certaines analyses, le liquide amniotique et qui est beaucoup plus élevée que celle d'un simple transsudat séreux, parle aussi dans le même sens L'argument de Doderlein, quoique indirect, ne peut cependant pas être négligé; puis- que, chez certaines espèces, l'urine est sécrétée en telle abondance qu'elle remplit la vési- cule allantoïde, quand celle-ci existe, faut-il admettre qu'elle cesse de se produire chez les fœtus qui n'ont pas de poche distincte pour la recevoir ? Cela n'est pas vraisemblable, et il y a lieu de croire qu'elle se mélange alors au liquide amniotique. Et même la part que prend la sécrétion urinaire à la formation de ce dernier doit être assez importante, si l'on en juge par la quantité de liquide trouvée dans la vessie et les uretères à la suite d'une imperforation de l'urèthre. Il est difficile de dire si d'une façon générale l'apport maternel est plus considérable que l'apport fœtal, ou inversement, et si l'un ou l'autre prédomine aux différentes périodes de la gestation, La physiologie comparée, qui nous apprend que les embryons ovipares (oiseaux, reptiles) ont une cavité amniotique remplie de liquide, bien qu'ils se déve- loppent en dehors de la mère, tend à faire croire que l'embryon a une part prépondé- FŒTUS. 617 rante dans la production de ce liquide. Preyer objecte, il est vrai, que dans l'œuf de poule fraîchement pondu se trouve déjà toute l'eau que contiendra l'embryon arrivé à maturité, et que c'est aux dépens de celte eau que se forme le liquide amniotique ; mais ce raisonnement est purement spécieux et pourrait s'appliquer à tous les matériaux élaborés directement par l'embryon d'oiseau, puisque, en dernier ressort, tous les élé- ments qui entrent dans leur constitution, à part l'oxygène, proviennent de la mère. En ce qui concerne le mode de formation du liquide amniotique aux différentes phases de la gestation, Preyer admet que, si les membranes de l'œuf, les vaisseaux de JuNGBLUTH et peut-être aussi les reins du fœtus sont nécessaires pour une sécrétion abondante de l'eau de l'amnios, les premières le sont davantage dans les stades du début, les vasa propria après la formation du placenta, les reins dans la [dernière période du développement seulement. Pour ce qui est des membranes, cette opinion ne concorde pas avec les résultats des expériences faites chez les animaux, puisque, d'après Wiener et Krukexberg, dans les pre- mières périodes de la gestation, les enveloppes fœtales ne laissent pas passer dans le liquide amniotique les substances injectées à la mère. D'autre part, comme c'est vers la fin qu'elles deviennent le plus perméables, et qu'en même temps le fonctionnement du rein devient sans doute de plus en plus actif avec les progrès du développement/, il semble que les eaux de l'amnios doivent être produites d'autant plus abondamment que la ges- tation est plus avancée : on a vu, en effet, que certains auteurs soutiennent qu'il en est ainsi ; mais un plus grand nombre admet que la proportion absolue de liquide diminue à partir du milieu de la grossesse. Il serait donc intéressant d'être fixé sur ce point. C'est surtout quand il s'agit d'expliquer l'origine du liquide amniotique pendant les pre- mières périodes de la gestation que les données positives font défaut, et on en est réduit aux diverses hypothèses que nous avons énumérées : cependant, si l'on doit faire un choix entre les unes et les autres, il ne faut pas oublier que les résultats expérimentaux ne parlent pas en faveur d'une participation précoce de la mère à la formation du liquide. On peut alors faire intervenir une transsudation qui aurait son siège soit dans les vaisseaux de la peau de l'embryon, soit dans les vaisseaux omphalo-mésentériques, soit dans le chorion allantoïdien, et plus tard dans les vaisseaux de Jungbluth ou dans ceux du cordon ombi- lical ; mais il faut reconnaître qu'on n'a aucune preuve directe ou certaine du rôle de toutes ces parties. Par contre, il ne paraît pas douteux qu'à ces stades primitifs le corps de WoLFF fonctionne, et qu'il déverse ses produits de sécrétion dans la cavité de l'am- nios. On y reviendra plus loin à propos de l'urine fœtale. Usages du liquide amniotique. — Pendant le premier mois de la vie intra utérine, chez l'homme, l'amnios est intimement appliqué à la surface du corps de l'embryon ; ce n'est qu'au deuxième mois (Tourneux), à la fin du premier mois (Preyer) qu'on constate l'apparition d'une sérosité qui distend progressivement la paroi de l'amnios et la refoule contre le chorion. Par conséquent le développement de l'embryon a pu se poursuivre un mois et au delà sans que le liquide amniotique ait eu à contribuer à sa nutrition et à son accroissement. Une fois formée, l'eau de l'amnios n'est pas destinée davantage à servir, quoi qu'on en ait dit, d'aliment à l'embryou ; il ne remplit qu'un rôle de protec- tion, en favorisant les mouvements actifs du fœtus, en le mettant à l'abri des chocs extérieurs ; il facilite aussi l'expansion uniforme de la matrice et concourt à la dilata- tion de l'orifice utérin pendant la parturition. Dareste a montré que chez le poulet l'absence ou la diminution considérable de liquide amniotique, ainsi que les anomalies dans la formation de l'amnios, amènent des arrêts de développement de l'embryon (voir Âmnios). II. Urine. Fonctions du rein et du corps de "Wolff. — L'activité du rein n'ap- paraît pas comme une fonction absolument nécessaire pendant la vie intra-utérine : les produits dedésassimilation qui se forment dans l'organisme fœtal pourraient être éliminés dans les échanges placentaires; d'autre part, le rôle que joue le rein chez l'adulte dans la régulation de la pression sanguine et probablement aussi dans celle de la tension osmo- tique du plasma sanguin pourrait être également rempli chez le fœtus par le placenta. 1. Il faut rappeler cependant ici que, d'après les expériences de Sicard et Mercier sur l'élimi- nation du bleu de méthylène, le liquide amniotique ne recevrait plus les produits d'excrétion du rein fœtal, aux derniers temps de la vie intra-utérine. 618 FŒTUS. Cependant il existe un ensemble de preuves assez fortes en faveur dune sécréeion urinaire intra-utérine : nous les avons énumérées'dans le précédent chapitre, et nous n'y reviendrons pas, sinon pour les compléter sur quelques points. Il y a lieu surtout de signaler les expériences de Wiexer [A. f. Gynsek., 1884, xxiii, 183). Chez des lapines pleines cet auteur a injecté, à travers la paroi abdominale, de l'indigo- sulfate de soude sous la peau de la région dorsale du fœtus : au bout de vingt minutes l'épithélium des tubes contournés e'tait fortement coloré en bleu, tandis que les glomérules restaient incolores; c'est ce qui se produit aussi, comme on sait, chez l'adulte : l'expé- rience réussit déjàchez unfœtus de 4 centimètres 75 de long. Quelques heures après l'in- jection, on trouvait aussi l'urine colorée eu bleu, et le liquide amniotique présentait la même coloration. Chez le fœtus de chien il y eut même déjà, après vingt-cinq minutes, 3 ou 4 gouttes d'urine bleue dans la vessie. L'injection de glycérine diluée sous la peau des fœtus encore contenus dans l'œuf a produit au bout d'une heure à une heure et demie de l'hémoglobinurie, comme Luch- siNGER l'avait constaté chez l'animal adulte; les canalicules urinaires du rein du fœtus, ainsi que les bassinets, étaient remplis de masses d'hémoglobine; souvent on trouva, dans la vessie, de l'urine fortement colorée en rouge : dans plusieurs cas, le liquide amnio- tique et le liquide allantoïdien présentaient la môme coloration. Bar {loc. cit.) a répété ces expériences en employant le ferrocyanure de potassium et déjà, au bout de quatre minutes, quelques gouttes d'urine contenues dans la vessie donnaient la réaction du bleu de Prusse. WiENER a aussi injecté la solution de ferrocyanure, non plus au fœtus, mais dans le liquide amniotique, et a retrouvé la substance au bout de deux heures et demie dans l'urine du fœtus; celui-ci avait dégluti le ferrocyanure, dont la présence put être démon- trée dans les parois de l'estomac et de l'intestin, dans le mésentère, comme aussi dans la peau et le t-ein. On a objecté, avec quelque raison, à ces expériences qu'elles prouvent seulement que le rein fa'tal est déjà en état de fonctionner comme chez l'adulte, et non qu'il fonc- tionne réellement, et que l'injection d'une certaine quantité de liquide au fœtus trouble les conditions de la circulation; cette dernière objection cependant n'est plus valable pour les cas où l'injection a été faite dans le liquide amniotique. D'ailleurs on a trouvé trop souvent de l'urine dans la vessie des enfan ts et des animaux nouveau-nés pour qu'on puisse nier qu'elle soit sécrétée pendant la vie intra-utérine. Cette sécrétion n'a pas eu \\eu post pavtum; car dans beaucoup d'observations on a eu soin de pratiquer le cathétérisme aussitôt après la naissance. En outre, on a vu souvent aussi des enfants émettre une assez grande quantité d'urine, soit immédiatement après la naissance, soit déjà avant la sortie de la tète, dans les cas de présentation pelvienne. Il n'est pas vraisemblable, comme nous l'avons déjà dit, que l'urine trouvée dans la vessie du nouveau-né soit la première manifestation de l'activité du rein qui s'éveillerait seulement sous l'influence du travail de l'accouchement. L'observation de Wiener rap- portée dans le précédent chapitre suffirait à le prouver. Preyer a vu aussi la vessie com- plètement remplie chez les embryons de cobaye extraits rapidement de l'utérus et déca- pités aussitôt; chez d'autres espèces animales on a souvent fait des constatations sem- blables. DoHRN a noté, en outre, que la vessie renferme d'autant moins d'urine chez le nouveau-né que le travail a été plus prolongé, ce qui tend à démontrer que celui-ci favorise l'émission d'urine, plutôt que sa production. Les grandes variations dans la quantité d'urine, trouvée immédiatement après la naissance, dépendent probablement de ce que le fœtus a évacué ou non le contenu de sa vessie dans l'amnios, avant son expulsion. D'ailleurs, chez les fœtus de mammifères, extraits rapidement de l'utérus, la vessie contient également tantôt peu ou point, tantôt beaucoup d'urine, et l'on ne peut guère expliquer ces différences qu'en admettant une évuacuation intermittente. Il est probable que l'urine oomtnence à se former de bonne heure. Ce n'est qu'à partir du cinquième mois que la constitution du rein se rapproche sensiblement de celle de l'adulte; mais, comme les tubes urinifères apparaissent à la fin du deuxième mois, et les premiers corpuscules de Malpighi dès le commencement du troisième mois (Tourneux), il est probable qu'à partir de ce moment déjà le rein commence à fonctionner. FŒTUS. 619 Toujours est-il que Nagel a trouvé, quatre fois, chez desfœtus humains de 3 à 4 mois, mesurant 6,8 à 12 centimètres de lonp de la tête au coccyx, la vessie sous la forme d'une vésicule transparente de la grosseur d'un haricot, remplie d'un liquide clair; chez o ou 6 autres embryons du même âge, la vessie était vide {Arch. f. Gynsek., 1889, xxxv, 131). KauKENBERGjdans la première urine d'un fœtus né prématurément et pesant i^^s 830, a pu mettre en évidence l'iodure de potassium administré à la mère. Chez le nouveau-né, dans 7o cas, Dohrn a trouvé de l'urine dans la vessie 69 fois p. 100; la quantité d'urine a été en moyenne de 7'^'=, 6, le maximum de 25 ce. Dans 8 cas d'HoF- MEiER {A. A. P., 1882, Lxxxix, 493) les chiffres étaient compris entre 1,5 et 24cc. avec une moyenne de 9"", 9. Sghaller [loc. cit.), chez 24 nouveau-nés, a trouvé la vessie vide 10 fois, soit dans la proportion de 41 p. 100; dans 4 cas on ne recueillit que quelques gouttes d'urine; dans les 10 autres cas la moyenne était de 4'=°,9. L'urine du nouveau-né est très pâle, et, d'après Hofmeier, presque claire comme de l'eau. La densité est en moyenne de 1009 à 1010 d'après les uns, de 1002,8 d'après DoHRN (minimum 1001,8; maximum 1006). Ce dernier a trouvé une densité de 1012 chez un enfant mort-né avant terme. Cependant chez un autre fœtus humain de 8 à 9 mois mort-né, dont l'urine fut analysée par Liebermann, le poids spécifique n'était que de 1003. ViRCHOw a trouvé l'urine du fœtus acide; dans le dernier cas que je viens de mention- ner, elle était neutre. Chez le nouveau-né, sur les 75 cas de Dohrx elle était acide 73 fois p. 100, neutre 23 fois p. 100 et alcaline 4 fois p. 100. Hofmeier l'a trouvée 7 fois acide sur 8, une fois neutre. L'urine contenue dans la vessie des embryons de cobaye récem- ment enlevés de l'utérus était toujours acide, dans les observations de Preyer. La première urine du nouveau-né humain bien portant et l'urine des enfants mort- nés ne contiennent qu'environ 0,5 à 0,6 de résidu sec et 0,24 à 0,27 de cendres. Dans une analyse de Hoppe-Seyler, la proportion d'éléments solides n'a pas dépassé 0,34 p. 100. Cependant, dans l'urine du premier jour, la teneur en eau a varié, dans 4 cas, rapportés par d'autres auteurs, entre 98,65 et 99,62 p. 100, et dans un cas elle ne s'est élevée qu'à 95,12 p. 100. Hofmeier a trouvé 0,245 p. 100 d'urée immédiatement après la naissance (moyenne de 6 cas); 0,360 dans les douze pi^emières heures, et 0,921 dans les douze heures suivantes. Dans 10 cas de Dohrn, les chiffres ont varié de 0,14 à 0,83 p. 100 pour l'urine recueillie immédiatement après la naissance. Dans celle du premier jour, Martin et Ruge, Bie- DERMANN Ont déterminé un maximum de 1,6637 p. 100, un minimum de 0,06. S.tôqvist {Maly's Jb., xxxiii, 245), a trouvé chez le nouveau-né, avant la période des infarctus rénaux, une moyenne de 0,56 grammes pour 100 ce. et l'urée ne représentait que 74,5 p. 100 de l'azote total. Chez le fœtus mort-né de Liebermann, la proportion d'urée était de 0,111 p. 100, et la vessie contenait 16,2 d'urine. Je ne rappelle que pour mémoire le cas de Gusserow, dans lequel Wislicenus aurait trouvé 6,09 p. 100 d'urée; il y a proba- blement là une faute d'impression. L'acide urique peut être sécrété en quantité notable, du moins dans les stades avancés du développement. On a constaté presque régulièrement ce corps immédiatement après la naissance. WôHLER (1846) a trouvé chez un fœtus mort-néavant terme un calcul d'acide urique. Dans l'urine d'un fœtus à terme, mort à la suite d'un accouchement laborieux, Vir- CHOw a trouvé des sédiments d'urate d'ammoniaque. Dans l'urine recueillie immédiate- ment après l'ouverture de la vessie, chez des embryons de cobaye, Preyer a constaté régu- lièrement la présence d'acide urique. Gusserow a trouvé également des cristaux d'acide urique chez un enfant mort pendant l'accouchement. Dans les analyses de Sjôqvist, la proportion d'acide urique était, avant la période des infarctus, de 0,082 grammes pour 100 ce. et représentait 7,9 p. 100 de l'azote total. On sait que chez le nouveau-né il se forme presque constamment, vers le deuxième jour, des dépôts d'acide urique dans les reins. Ces infarctus uratiques n'ont été observés qu'exceptionnellement chez le fœtus ; cependant, Maetin, Hoogeweg, Schwartz, Rudin et Bar [loc. cit.) en ont rapporté des exemples. La quantité de chlorure de sodium a été de 0,18 p. 100 dans une observation de Wis- LICENUS et GussEROw chez un fœtus mort-né, de 0,2 p. 100 chez le fœtus de Liebermann ; dans les 76 cas de Dohrn elle a varié chez le nouveau-né entre 0,02 et 0,3 p. 100. Cette grande différence entre les ininimaetles ma.xima dépend probablement, comme l'admet Preyer, de la proportion de sel contenu dans les aliments de la mère avant l'accouche- 620 FŒTUS. ment. Ruge et Martin ont établi que la première urine est moins concentrée et plus pauvre en sels que la seconde, dont la composition se ressent de l'inlluence de l'évapo- ration pulmonaire et cutanée. Senator (Z. p. C, 1880, iv, 1) s'est demandé si les principes qui dans l'urine dérivent, après la naissance, des produits de la putréfaction intestinale, existent déjà chez le nouveau-né qui n'a pas encore été alimenté. Il a trouvé des composés sulfo-conjugués dans les 7 cas où il les a cherchés, et 2 fois sur 5 le phénol et le crésol; par contre, il n'a pas trouvé d'indican. D'après Preyer, on aurait cependant constaté la présence de ce corps, 'dans l'urine du nouveau-né. Les susbstances phénoliques ne peuvent provenir de l'intestin du fœtus, puisque le méconium ne contient ni indol ni phénol. 11 faudrait donc supposer que les composés sulfo-conjugués passent directement du sang de la mère dans celui du fœtus, puis dans son urine. Cependant dans l'analyse de Liebermann on n'a pas trouvé d'acide sulfurique, et l'auteur insiste sur cette absence complète de sul- fates. Ajoutons aussi que dans ce dernier cas les terres alcalines faisaient également défaut. L'acide phosphorique put être mis en évidence. L'albumine parait être un élément fréquent, et même, d'après Virchow, à peu près constant dans l'urine du fœtus humain. Les recherches de Ribbert {A. A. P., 1894, xcvm, 527) tendent à confirmer l'opinion de Virchow. Chez des enfants et des lapins nouveau- nés la proportion d'albumine était si forte que l'urine qui se trouvait dans les bassinets coagulait en masse. Il y aurait chez le nouveau-né une desquammation épithéliale du glomérule et des canalicules urinifères, analogue à celle qui se produit à la surface du tégument externe et qui serait liée à une régénération physiologique de l'épithélium. Dans de nouibreuses observations sur des embryons de diverses espèces animales, Ribbert a constaté également que les glomérules et les tubes contournés étaient dans tous les cas, sauf une exception chez un embryon de porc, remplis d'albumine. Cette sub- stance était d'autant plus abondante que l'embryon était plus jeune. Ribbert admet donc qu'il se fait pendant la vie intra-utérine une transsudation continuelle du plasma san- guin à travers les parois vasculaires, probablement parce que les glomérules sont encore incomplètement développés et incapables de s'opposer au passage de l'albumine. 11 faut remarquer cependant que la richesse de l'urine en albumine ne correspondait pas à celle des reins. Chez aucun embryon de porc on n'en trouva trace. Chez 2 embryons de vache, l'action de la chaleur et de l'acide nitrique provoqua à peine un trouble, chez 2 autres un précipité abondant. Chez un veau long de 50 centimètres environ, la vessie contenait une grande quantité d'urine avec des traces d'albumine. Chez un fœtus de mou- ton, le résultat fut négatif ; enfin chez plusieurs fœtus de lapin presque à terme la pro- portion d'albumine était modérée. Chez les jeunes embryons, par contre, on obtenait un coagulum massif dans la vessie et les reins, en exposant, il est vrai, directement ces organes à l'action de la chaleur. Ribbert pense que, si chez les embryons plus âgés la richesse de l'urine en albumine ne répond pas à celle des reins, c'est qu'une partie de la sub- stance est résorbée dans les canalicules contournés. On verra plus loin que l'étude de la composition du liquide allantoïdien chez le veau a conduit de même Duderlein à conjure que l'albuminurie est chez le fœtus un phéno- mène physiologique. L'albuminurie du nouveau-né ne serait donc que la continuation de celle du fœtus. HoFMEiER, en effet, sur 22 cas, n'a trouvé qu'une fois l'urine non albumineuse; elle l'était constamment dans les observations de Schwartz, faites sur des enfants mort-nés. Par contre, Martin et Ruge n'ont trouvé souvent l'albumine qu'à l'état de traces dans l'urine du premier jour. Dohrn n'en a point trouvé du tout dans 62 p. 100 de ses 75 cas; dans 23 p. 100 il y en avait des traces, dans 9 p. 100 des quantités appréciables, dans 6 p. iOO il y avait beaucoup. Aussi Dohrn considère-t-il que la présence de l'albumine dans l'urine des enfants mort-nés est un phénomène cadavérique. Martin et Ruge ont, en effet, montré qu'à la suite d'un séjour prolongé dans la vessie il peut se mêler à l'urine de l'albumine provenant des parois. Quoi qu'il en soit du nouveau-né, il semble bien, d'après les observations de Ribbert et de Doderlin, que l'élimination d'albumine par le rein fœtal soit un fait normal. Cl. Bernard a constaté aussi que l'urine du fœtus contient du sucre pendant une période très limitée de la vie intra-utérine, c'est-à-dire jusqu'au moment où la matière FŒTUS. 621 sucrée se développe dans le foie; à partir de celte époque, à plus forte raison au moment de la naissance, on ne trouve plus de sucre dans l'urine, ni chez le fœtus humain, ni cliez les animaux (Leç. de physiol. expérim., 1854, n, 393). La toxicité de l'urine du nouveau-né est beaucoup moindre que celle de l'adulte : il en faut de 80 à 140 ce. au lieu de 40 à 60 par kilogramme d'animal, pour amener la mort (Charrix B. B., 1897, 581). Mais il s'agit dans ces observations de nouveau-nés déjà alimentés. Au début delà vie embryonnaire, alors que le rein n'existe pas encore, ses fonctions sont remplies par le corps de Wolff. Jacobson déjà avait montré que chez les oiseaux cet organe sécrète de l'acide urique. J. Muller et Bischoff ont trouvé que chez d'autres animaux encore il fournit un liquide analogue à l'urine. Mihalkowicz a fait remarquer aussi que chez les anamniotes le rein primitif fonctionne comme organe d'excrétion pen- dant toute la vie. Les études anatoniiques de Nagel [Arch. f. Gynsek., 1889, xxxv, 131), et surtout celles de Nicolas (Journal intern. d'Anat. 1891, vin), les recherches expérimentales de Sophie Bakounine {A.i. B., 1897, xxiii, 530) ont montré que le corps de Wolff fonctionne réellement dès son apparition. Nagel conclut de ses observations que sa sécrétion contribue à la for- mation du liquide amniotique. Nicolas a pu saisir sur le fait l'élaboration du produitformé par l'épithélium des canalicules du rein primitif et son passage dans la lumière du tube ; la substance élaborée sort de la cellule sous forme de fines gouttelettes ou bien d'une boule volumineuse claire. Ce travail s'opère constamment même chez des embryons très jeunes, chez lesquels le corps de Wolff n'a pas encore atteint son complet développe- ment; il doit favoriser dans une large mesure la destruction progressive de l'organe et être l'un des agents les plus actifs de sa disparition, D'après Loisel, les canalicules wolffiens élaborent aussi dans leur bordure épithéliale des substances graisseuses; des granulations de cette nature avaient déjà été signalées par Nicolas et Laguesse. Chez un embryon de canard, Loisel a trouvé également une sécré- tion se colorant en vert par le bleu de Unna et formant parfois bouchon dans la lumière des canalicules {Rev. géuér. des Sciences, 1902, 1147). S. Bakounine est parvenu à injecter du sulfate d'indigo à des embryons de poulets, soit dans l'aorte dorsale, soit même dans les vaisseaux omphalo-mésentériques, et a cons- taté que l'aptitude à la sécrétion est peut-être moins grande dans les épithéliums wol- ffiens que dans les épithéliums rénaux proprement dits; mais qu'elle existe indubitable- ment dès le commencement de l'évolution embryonnaire. Dans les reins primitifs, comme dans les reins adultes, l'indigo-carmin est sécrété seulement par l'épithélium des canali- cules et non par celui des glomérules. Chez le fœtus humain, la régression du corps de Wolff commence à la fin du deuxième mois, et alors le rein le supplée; mais le rein primitif n'est pas encore devenu inapte à fonctionner, et les deux organes, suivant la remarque de Nagel, unissent encore leur activité. Cet état existe d'ailleurs chez les reptiles, quelque temps encore après la vie embryonnaire (Braun). III. Liquide allantoïdien. — Ce liquide n'existe pas, distinct, chez le fœtus humain, puisque chez lui l'extrémité distale du canal allantoïdien ne se renfle en vési- cule qu'exceptionnellement; que cette vésicule, quand elle existe, est d'ailleurs peu développée et disparaît rapidement. Le liquide allantoïdien a été surtout étudié chez les ruminants, les pachydermes, etc. Incolore et transparent au début, il prend ensuite une teinte ambrée, puis jaune brunâtre. Sa réaction est alcaline : sa densité est de 1010 vers le milieu de la vie fœtale, de 1020 vers la fin. Il renferme, d'après Ch. Robin [loc. cit.), des carbonates terreux et alcalins, du chlorure de sodium, du sulfate de soude, des phos- phates de Na, Ca, Mg, du lactate-de soude, de l'albumine, de la mucine, de l'urée, de l'allantoïne, du glucose. Nous suivrons plus particulièrement l'étude que Dôderlein a faite de ce liquide chez le veau. Chez cet animal la quantité absolue de liquide s'élève continuellement du début de la gestation à la fin, de sorte que, chez les fœtus les plus âgés, on en trouve jusqu'à 6 litres et demi; mais proportionnellement au poids du fœtus elle diminue dans les derniers stades du développement. De même Dastre {loc. cit.) a constaté que, chez le mouton, dans une première période qui se termine vers la sixième semaine, la quantité 6i'^2 FŒTUS. de liquide est considérable relativement au poids du fœtus. Dans une deuxième période, qui se termine vers la fin du quatrième mois, la proportion s'abaisse graduellement. Dans la troisième période, qui comprend le dernier mois, le poids du fœtus est supérieur au poids du liquide allantoïdien. Ce liquide contient à toutes les périodes du développement de l'albumine, et toujours notablement plus que le liquide amniotique : la proportion de cette substance s'élève progressivement jusqu'à atteindre le chiffre de 1,375 p. 100 (Doderlein). D'après Lande {loc. cit.), elle présente des variations très prononcées et tout à fait irré^ulières. Las- SAIGNE avait déjà signalé l'albumine (1821). Majewski n'en avait point trouvé. Dastrk, par contre, déclare tenir pour certain que le liquide allantoïdien en renferme toujours. Doderlein explique les résultats néi^atifs de Majewski, parce que le procédé employé ne permettait pas de précipiter l'albumine du liquide allantoïdien. L'allantoïne a été découverte, comme on sait, dans le liquide allantoïdien du veau. Lassaigne ne l'y a pas trouvée chez les fœtus de jument. Dastre n'est pas arrivé à la ca- ractériser chez le mouton, de sorte que, si elle existe chez cet animal, ce ne peut être qu'en quantité très faible, et son existence dans le liquide allantoïdien ne paraît pas avoir un caractère de généralité. (Pour la constitution et les propriétés de cette sub- stance, voir AUantoïne). Majewski et Dastre ont trouvé de 0,2 à 0,6 gr. d'urée p. 100; l'acide urique n'a pas pu être mis en évidence par Dastre. Remak {in Laxdois, T. P.) a signalé la présence des urates d'ammoniaque et de soude (probablement chez le poulet). Le liquide allantoïdien, d'après les analyses de Doderlein, contient à toutes les périodes plus d'azote total que le liquide amniotique; l'albumine en représente naturellement une grande partie; mais cependant l'azote non albuminoïde augmente aussi vers la fin de la gestation. Ainsi sur 0,429 p. 100 d'Az total il y a, à ce moment, 0,220 d'azote albu- minoïde et 0,209 d'azote non albuminoïde. Il y a toujours dans le liquide allantoïdien du veau moins de chlore que dans le liquide amniotique. Les chiffres oscillent entre 0,103 et 0,196 gr. p. 100, et n'augmentent pas avec les progrès du développement. Si l'on compare sous ce rapport la composition du liquide avec celle de l'urine du veau nouveau-né, qui n'a pas encore reçu d'aliments, on trouve pour cette dernière 0,149 de Cl, soit 0,244 de CiNa p. 100, ce qui équivaut à peu près à la quantité contenue dans le liquide allantoïdien. Celui-ci est également de moitié moins riche en Na'^0 que le liquide amniotique : il en contient de 0,119 à 0,207, en moyenne 0,163 p. 100 : de même dans l'urine du veau nouveau-né on n'en trouve que 0,066. Par contre K^O, le principe minéral le plus important dans l'urine du nouveau- né, puisque celle-ci en renferme 0,309 p. 100, augmente aussi dans le liquide allantoïdien avec le développement du fœtus (de 0,081 à 0,134 gr, p. 100), et pour des fœtus de même âge on obtient des chiffres sensiblement concordants. Na : K comme 1, 0,57. La propor- tion de Ca est de 4 à 26 milligr. p. 100; la quantité de Mg est de 49 milligr. en moyenne, relativement élevée vers le milieu de la gestation et semble diminuer vers la fin de la ges- tation, comme si cette substance était alors retenue pour la formation des os. Ca : Mg comme 1 : 3,26. Ici encore s'accuse une différence notable avec le liquide amniotique. Ces déterminations permettent, suivant Doderlein, des conclusions certaines sur la provenance du liquide allantoïdien. L'analyse des cendres indique qu'à toutes les périodes de la vie fœtale il le faut considérer comme de l'urine fœtale, et que celle-ci est sécrétée et évacuée dès le début du développement. La comparaison avec le liquide amniotique montre aussi que les deux liquides ne sont pas de même nature, et que déjà chez les plus jeunes fœtus la différence est bien nette. Ainsi chez un fœtus de 360 gr. la proportion de Cl est dans le liquide amniotique de 0,358 p. 100; dans le liquide allantoïdien de 0,149 p. 100. Comme autre preuve de l'origine de ce dernier, il faut signaler sa teneur en K et en Mg, qui concorde avec celle de l'urine de l'animal nouveau-né. Le liquide allantoïdien, en raison de la forte proportion d'albumine qu'il contient, pourrait avoir une véritable valeur nutritive; mais il est à remarquer que le fœtus ne peut pas puiser dans ce liquide. La présence de l'albumine doit faire conclure que le rein fartai sécrète normalement une urine albumineuse. L'augmentation de la quantité d'albumine avec le développement du fœtus montre FŒTUS. 623 que dans les derniers stades l'urine est sécrétée plus concenlre'e, ce qu'indique aussi l'augmentation progressive du potassium. Elle ne peut pas tenir à la résorption de l'eau, puisque la quantité absolue de liquide allantoïdien s'e'lève constamment jusqu'à la fui, et d'une façon très sensible. Ainsi l'albumine du liquide allantoïdien proviendrait du rein, qui chez le fœtus la laisse passer dans son produit de sécrétion. Chez le veau nou- veau-né, on trouve également l'urine albumineuse, mais déjà à un moindre degré que pendant la vie intra-utérine. Chez un fœtus de 1 350 gr., sur lequel la vessie renfermait 10 ce. de liquide, l'alcool précipita 0,33 p. 100 d'albumine; dans l'urine d'un veau nouveau-né il n'y en avait que 0,18 p. 100. Le sucre est en proportion plus forte dans le liquide allantoïdien que dans le liquide amniotique; il a, d'après Cl. Bernard, le même sort dans les deux liquides, c'est-à-dire qu'il disparaît quand se développe la fonction glycogénique du foie. Cependant, d'après Dastre, la teneur du liquide allantoïdien en sucre varie peu chez le mouton dans le cours de la gestation; elle est de 2,4 à 4,4 p. 1000. Chez le cheval, on trouve parfois dans le liquide allantoïdien des corps aplatis sphé riques ou ovoïdes, d'une longueur de 12 à lo centimètres, connus sous le nom d'hyspo- manes. Ces corps, d'une couleur jaunâtre, dérivent du chorion allandoïdien par bour- geonnement suivi d'étranglement. Leur partie centrale, recouverte par une enveloppe de provenance allantoïdienne, se compose d'une masse pâteuse sans structure déterminée, dans laquelle on rencontre des sels divers, dont quelques-uns à l'état cristallin (oxalate de chaux, phosphate ammoniaco-magnésien, des corps gras, et, en proportion assez con- sidérable, des substances azotées (Tournrux). En définitive, la plupart des auteurs considèrent le liquide allantoïdien comme un produit d'excrétion des corps de Wollf d'abord, du rein définitif plus tard; et cette opi- nion est confirmée par les analyses de Doderlein. Cependant Bischoff, et avec lui Dastre, pensent que la quantité du liquide allantoïdien est trop considérable pour provenir ex- clusivement de cette source. Même, d'après Bischoff, le liquide serait d'origine maternelle. IV. — Contenu de l'intestin. Méconium. — Le développement des ferments diges- tifs étant traité dans d'autres articles de ce Dictionnaire (Voy. Estomac, Intestin, Pan- créas, Salive), on ne s'occupera que de l'étude du méconium. Le nom de méconium a été donné, par analogie de couleur et de consistance avec le suc de pavot, aux matières qui s'accumulent dans les intestins du fœtus, à compter de la fin du troisième mois de la gestation, et que l'enfant rend immédiatement après sa naissance. Le contenu de l'intestin est visqueux, grisâtre, entièrement composé de mucus et d'épithélium jusqu'à la fin du troisième mois. A partir de cette époque, il commence à être légèrement teinté en jaune par la bile vers le haut de l'intestin grêle. Zweifel a pu, en eftet, caractériser les pigments et les acides biliaires dans l'intestin d'un fœtus de trois mois {Arch. f. Gynœk., 1873, vu, 474). Hennig a trouvé du méconium d'un jaune clair chez un embryon humain de 11 centimètres, à la première moitié du quatrième mois. Du qua- trième au sixième mois la coloration devient plus prononcée, mais ne dépasse pas encore la valvule iléo-cœcale (Robin, Traité des humeurs, 944). Au septième mois la plupart des observateurs ont trouvé le gros intestin complètement rempli, et du septième au neu- vième mois le méconium est déjà semblable à peu de chose près à ce qu'il est après la naissance. Il forme une sorte de pâte homogène, visqueuse, d'un brun parfois presque noir, ordi- nairement sans odeur ou d'une odeur fade. Le méconium est constitué essentiellement par des débris épithéliaux, par de la bile épaissie, et par quelques éléments provenant du liquide amniotique dégluti, et dont l'un des plus caractéristiques est lepoilde duvet; il y entre probablement aussi un peu de suc pancréatique (Cl. Bernard) et de suc intestinal. Au microscope, on y trouve des granulations graisseuses, des cellules cylindriques de l'intestin, tantôt isolées, tantôt réunies en lambeaux; mais aussi des produits de des- quammationde la peau, venus avec le liquide amniotique, ou bien des cellules épithéliales pavimenteuses, provenant de la partie supérieure du tube digestif et entraînées par les mouvements de déglutition ; tous ces éléments sont colorés en jaune verdâtre. Des cris- taux de cholestérine se rencontrent régulièrement dans le méconium à partir du cin- quième mois. 624 FŒTUS. Un de ses caractères les plus intéressants, c'est la présence de cristaux de bilirubine. D'après Ch. Robin, la matière colorante de la bile se montre dans le méconiumsous la forme de granules ou de grumeaux quelquefois globuleux, ovoïdes le plus souvent, ou polyédri- ques à angles arrondis : ils sont remarquables par leur couleur d'un beau vert, lorsqu'ils sont vus par lumière transmise sous le microscope. Leur diamètre est de 5 à 30 et même 40 [X ; mais la plupart ont 10 à 20 [i. En réalité,' Zweifel a constaté que c'est à l'état de cristaux rhomboédriques que se rencontre le pigment biliaire dans le méconium. L'em- ploi de l'acide nitrique permet de constater sur ces cristaux placés sous le microscope tous les changements de couleur qu'il détermine dans la matière colorante de la bile. Zweifel a trouvé encore des cristaux réunis en gerbe qu'il considère comme de l'acide stéarique. Un mucus transparent, tenace, finement strié, tient en suspension tous ces éléments. Le méconium contient 72 à 80 de résidu fixe et 28 à 20 d'eau. Davy a trouvé 72,7 d'eau, 234,6 de mucine et d'épithélium, 0,7 de cholestérine et de margarine.. Les analyses suivantes sont dues à Zweifel : I II III Eau p. 100 79,78 80,45 — Matériaux fixes 20,22 19,55 — Cholestérine 0,797 — — Graisse 0,772 — — Substances minérales .... 0,978 0,87 1,238 Ce qui caractérise le méconium et le distingue des matières fécales de l'adulte, c'est la présence d'une forte proportion de matériaux de la bile non transformés. Ainsi le méconium donne la réaction deGMELiM, ce que ne font pas les fèces ordinaires; par contre, il ne contient pas d'hydrobilirubine. Ce principe est, en effet, considéré comme résultat d'une action réductrice exercée dans l'intestin par l'hydrogène naissant sur la biliru- bine. Mais, comme les processus de fermentation qui donnent naissance aux gaz de l'in- testin n'existent pas encore, la bilirubine du fœtus reste inaltérée. Le méconium est d'ailleurs assez riche en bilirubine pour que, chez le veau, il ait fourni à Hoppe-Seyler jusqu'à 1 p. 100 de ce pigment; la biliverdine y est également abondante; il y existe encore une matière colorante qui présente deux bandes d'absorption : l'une à gauche et près de D; l'autre plus large, et plus foncée entre JD et E (Gamgee, Physiolog. Chemistry, 1893, II, 461). La saveur fade que possède le méconium au lieu de l'amertume caractéristique delà bile avait fait croire que les acides biliaires y font défaut; mais Zweifel y a démontré avec certitude la présence de l'acide taurocholique. La graisse provient en grande partie de l'enduit sébacé ou vemix caseosa de la peau. Des analyses de Zweifel il résulte encore que le méconium ne contient ni albumine, ni peptone, ni sucre, ni leucine,ni tyrosine,ni acide lactique, ni acide acétique; mais des acides stéarique, palmitique, oléique, des traces d'acide formique et peut-être aussi d'acides propionique et butyrique. L'absence de fermentations microbiennes dans l'intestin du fœtus pouvait faire pré- voir qu'on n'y trouverait pas des produits de décomposition des matières albuminoïdes, tels que l'indol et le phénol : c'est, en effet, ce qu'ont constaté Senator (loc. cit.) et Baginsky. Les substances minérales du méconium consistent en sulfates de chaux et de magnésie, chlorures de sodium et de potassium. Zweifel a trouvé dans les cendres de 1,7 à 3, 4p. 100 de phosphates. Guillemonat [B. B., 1998, 3S0) a obtenu chez six fœtus humains les chiflfres suivants : AGE. POIDS QUANTITÉ du méconium. de fer. grammes. 4 mois 1,70 traces nettes. 5 — 5 traces. 5 — 11 0m8r,28 A terme 30 O^s.ôS A terme 37 O-s^ST A terme 24 0'°^48 FŒTUS. 625 Comme le fait remarquer Guillemonat, l'intérêt de ces petites quantités de fer excré- tées pendant la vie embryonnaire par l'intestin et l'ensemble des glandes digestives est qu'elles représentent évidemment un produit de désintégration physiologique, le fer ali- mentaire étant exclu. L'absence de microbes et de fermentations microbiennes dans l'intestin du fœtus a pour conséquence, comme nous l'avons déjà dit, l'absence de gaz. Le canal intestinal du fœtus n'en contient jamais ; leur présence dans l'intestin du cadavre d'un nouveau-né, qui n'est pas encore en état de décomposition, serait aussi importante d'après Breslau, au point de vue médico-légal, que celle de lair dans le poumon. Elle prouve que l'enfant a respiré et que de l'air atmosphérique a pénétré dans le tube digestif par déglutition. Les premières bulles d'air arrivent dans l'estomac avec la salive avalée, avant même que l'enfant ait pris aucune nourriture. Les germes des microrganisnies sont ainsi introduits dans le tube digestif, et donnent alors lieu à la formation de gaz produits par la fermentation. Mais ce n'est que de l'air atmosphérique qu'on trouve au début dans le canal intestinal du nouveau-né, après l'établissement de la respiration pulmonaire, et sa quantité augmente avec le nombre des inspirations. Autres sécrétions. — On a fait jouer autrefois un rôle important aux sécrétions cutanées de l'embryon, puisqu'on considérait la sueur comme l'élément principal del'eau de l'amnios ; il y a, au contraire, tout lieu de croire qu'une sécrétion qui sert tout spécia- lement à la régulation de la température n'existe pas encore chez le fœtus, puisqu'elle serait chez lui sans but. L'enduit qui recouvre la peau du nouveau-né est un mélange de matière sébacée et de cellules épidermiques macérées renfermant 47,3 p. 100 de graisse, et très riche, paraît- il, en cholestérine. Parmi les sécrétions internes il n'y a guère que la fonction glycogénique qui ait pu être étudiée, chez le fœtus; il en a été question ailleurs. Notons cependant que la subs- tance vaso-tonique des capsules surrénales existe déjà chez l'embryon de mouton, après la première moitié de la gestation (Langlois et Rhens, B . B., 1899, 140). CHAPITRE VI Chaleur produite par le fœtus. Nous avons déjà eu occasion d'aborder cette question au chapitre de la nutrition. On caractérise très bien les conditions dans lesquelles se trouve à cet égard le fœtus, en disant avec Ch. Righet (Art. Chaleur) que, renfermé dans l'utérus, enceinte à chaleur constante, il en prend la température, mais y ajoute quelque peu de sa température propre. Tous les observateurs s'accordent, en effet, à reconnaître que la température du fœtus est supérieure à celle de la mère. Le fait a été signalé pour la première fois par H. Roger {Arch. génér. de MécL, 1844, v, 273), qui, dans deux expériences faites immé- diatement après l'expulsion du fœtus, a trouvé 37°73 et 36,75°, pour la température axil- laire; dans le premier cas la température de la mère était inférieure d'un degré, dans le second d'un demi-degré à celle de l'enfant. Mais H. Roger s'était demandé si ce n'est pas la chaleur utérine, communiquée à l'en- fant et conservée par lui pendant les premiers instants de la vie indépendante, qui serait la cause de cet excès de température. Plus tard, Andral (C. R., 1870, lxx, 823) a recueilli quelques faits qui semblaient montrer qu'effectivement « la chaleur en excès de l'enfant ne lui appartient pas, mais lui est donnée par le milieu qu'il vient de quitter, c'est-ù- dire par l'utérus ». Des observations d' Andral il résulterait que la température axillaire de l'enfant, sensiblement plus élevée qu'elle ne le sera plus tard, suit une ascension pro- portionnelle à celle de la température utérine, lui étant d'ailleurs constamment un peu inférieure, ce qui confirme l'opinion que le degré de la première est lié à celui de la seconde. Il est donc probable, ajoute Andral, que c'est de l'utérus que vient cet excès de chaleur. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 40 626 FŒTUS. Mais les observations (I'Andral ne doivent être considérées que comme des cas par- ticuliers qui dérogent à la règle générale, Baerensprung (1831) et Veit, en comparant la température du nouveau-né à la température de l'utérus immédiatement après la nais- sance, ont trouvé que douze fois la première était plus élevée que la seconde, qu'une fois seulement elle lui était égale, et deux fois inférieure. Des mesures de Schafer (1863) il ressort que la moyenne de 23 cas fut de 31"8 pour la température rectale des enfants nouveau-nés, immédiatement avant la section du cor- don, et 3705 pour le vagin de la mère, immédiatement après la délivrance; il y eut, par conséquent, un écart de 0,3 en faveur de l'enfant. Chez un enfant qui venait de naître, Schrôder (1866) a trouvé pour le rectum 38°42, tandis que l'utérus avait une tempéi^ature de 38"2, trois à dix minutes après l'accou- chement. Dans 83 naissances normales, Wurster a constaté entre la température du vagin de la mère et la température rectale de l'enfant un écart moyen de 0,2 en faveur de la seconde. On a aussi mis à profit les présentations de la face et du siège pour mieux étudier les différences de température entre la mère et le fœtus (Sommer, Alexieff). Bien que la température de l'utérus s'élève dans ces accouchements laborieux sous l'influence des contractions utérines, celle du fœtus lui l'este tant soit peu supérieure. Dans un travail récent Vicarelu (A. i. B., 1899, xxxii, 63), qui a fait ses mensurations avant que la tête fût engagée dans le bassin, a trouvé que la température fœtale dépassait toujours de 0,2, et même plus, celle que l'utérus avait présentée au même moment. Dans deux cas où l'auteur prit la température du liquide amniotique, celle-ci se montra de très peu supérieure à celle qui avait été observée un peu auparavant dans l'utérus, moins élevée cependant que celle du fœtus. Vicarelli insiste aussi sur ce point que, poui- avoir la véritable température de l'utérus, il faut la prendre avant la rupture des membranes, parce que, après l'écoulement des eaux, le thermomètre donnera plutôt la température du fœtus que celle de l'utérus ; aussi la plupart des auteurs ont-ils donné pour cette der- nière des chiffres trop forts. Nous avons déjà dit que le fœtus, en raison de son excès de température, doit céder de la chaleur au sang maternel au niveau du placenta : il en cède peut-être également à la paroi utérine par l'intermédiaire du liquide amniotique. Aussi a-t-on trouvé entre l'utérus gravide et le vagin une différence de 0°,13 à 0°,19 en faveur du premier, tandis qu'entre l'utérus non gravide et le vagin il n'y a pas de différence. Cependant l'excès de température de l'utérus gravide sur le vagin pourrait tenir aussi à ce que le premier de ces deux organes est échauffé par une masse de sang plus considérable. Toujours est-il que, d'après Cohnstein, on pourrait se servir du thermomètre pour savoir si le fœtus est vivant ou mort. Si Fou introduit le thermomètre entre la paroi uté- rine et l'œuf, et s'il indique une température plus basse que celle du vagin, ou égale à celle-ci, il y a lieu de diagnostiquer la mort du fœtus. Fehlixg, contrôlant l'utilité pra- tique de la proposition de Cohnsteix, trouva en effet égalité de température de l'utérus et du vagin, dans 10 cas, avant l'expulsion d'un fœtus macéré. Les évaluations faites quandle fœtus vivait donnaient, par contre, des différences de 0'*,13; 0°2; 0,23; 0,3 en faveur de l'utérus. Vicarelli rapporte aussi que par deux fois, dans ses expériences, on eut le soupçon, qui devint ensuite certitude, que le fœtus était mort ou souffrant dans l'utérus, parce qu'on avait constaté que la température de l'utérus était égale à celle du vagin; dans l'un de ces cas aussi, la température rectale du fœtus déjà mort était la même que celle qu'on avait rencontrée chez la mère. En effet, le fœtus mort, ne représentant plus une source de chaleur, arrive à prendre la température du milieu, à la manière des corps inertes. Quant à la valeur absolue de la température de l'enfant prise dans le rectum, immédia- tement après la naissance, Bârensprung a trouvé, dans 37 cas, en moyenne 37"8 avec un maximum de 39" et un minimum de 36° 6°; Sch.efer, dans 30 cas, immédiatement après la section du cordon, 36°7, avec un maximum de 39°1; Wurster, dans ,83 cas, le plus souvent après la section du cordon, une moyenne de 37°3, avec un maximum de 38°5 (cités par Freyer). Chez des femelles de cobayes, Preyer a observé que le fœtus encore dans l'utérus se refroidit plus lentement que la mère, quand par un moyen quelconque on abaisse la FŒTUS. 627 température de cette dernière. La différence peut être de plus d'un degré lorsque le refroidissement est lent, et atteindre jusqu'à 2" 2 lorsqu'il est rapide. Ces expériences tendent aussi à démontrer que le fœtus est par lui-même une source de chaleur. Influence des variations de température de la mère sur le foetus. — Hohl avait déjà constaté, en 1833, que la fréquence du cœur de l'embryon augmente avec la température de la mère et diminue lorsqu'elle s'abaisse. Puis Kaminski a observé que, si la température de la mère atteignait 42 à 42°5, et qu'elle se maintenait un certain temps, l'enfant mourait. L'hyperthermie du fœtus doit eifectivement être toujours supérieure à celle de la mère, puisque à la chaleur que lui communique sa mère il joint la sienne propre. RuNGE (Arc/t. f. Gynsek., 1877, xir, 16) a repris cette question expérimentalement. 11 a vu que, si une lapine pleine, introduite dans une étuve à air chaud, est tuée rapidement par la chaleur, tous les fœtus sont trouvés morts, si on les extrait immédiatement après qu'elle a cessé de respirer. Si l'extraction est faite un peu avant la mort de la mère, pendant la période convulsive, le plus grand nombre des fœtus ont également déjà suc- combé. Lorsque la température vaginale se maintient pendant vingt à trente minutes entre 40,5 et 42,5, l'hyperthermie tue encore les petits. Runge, en résumé, concluait dt ces expériences que la limite à partir de laquelle l'hyperthermie est capable de tuer se trouve vers 40'' 5, et que la mort du fœtus se produira d'autant plus vite et d'autant plus sûrement que cette limite aura été davantage dépassée et que l'élévation de la tempé- rature aura été maintenue plus longtemps. Par contre, un fœtus put supporter pendant 1 h. 55^une température de 39,8 à 41°. DoLÉRis (B. B., 1883, 508) a montré que les conclusions de Runge ne pouvaient être acceptées. Des lapines pleines, ayant en moyenne une température normale de 38 à 39°5, placées en liberté dans une étuve spacieuse dont la température intérieure ne dépasse pas 35 à 37°, peuvent acquérir au bout d'un temps variable un excès thermique de 1 à 3°, et leur température s'élever à 42''5, sans avoir à souffrir du coup de chaleur. Or des femelles chauffées dans ces conditions jusqu'à 42,5 et plus de température anale, lente- ment et pendant longtemps, plusieurs fois par jour et plusieurs jours de suite, mettent bas des petits vivants. La lapine peut même être surchauffée jusqu'à 43° de température rectale et survivre, ainsi que ses petits, lorsque l'expérience est très courte et arrêtée à temps. Les expériences de Preyer prouvent aussi la résistance des fœtus à l'élévation de la température. Si l'on plonge des femelles de cobaye dans un bain chaud dont on élève progressivement la température, les fœtus peuvent impunément atteindre une tempéra- ture propre de plus de 42°, et la supporter pendant dix minutes au moins. Runge, plus tard [Arch. f. Gynsek., 1885, xxv, 11), reprend les expériences de Doléris et reconnaît effectivement que, si l'on réchauffe lentement la mère, au lieu d'élever brusque- mont sa température, l'hyperthermie peut être maintenue pendant des heures entre 41 et 42° 5 sans que les petits succombent. Runge prétend cependant que, tout en éle- vant progressivement la température de la mère, si on la maintient pendant des heures entre 42,5 et 43,5, les fœtus succombent, sans que la mère soit en danger immédiat. Quoi qu'il en soit, il est certain que, si l'hyperthermie de la mère se produit lentement, des températures très élevées peuvent être supportées pendant longtemps, sans préju- dice, par le fœtus. Preyer a fait quelques expériences chez les cobayes sur les conséquences du refroi- dissement de la mère. Il a vu que la température du fœtus dans l'utérus peut bais- ser de plus de 6° dans l'espace d'une demi-heure sans qu'il paraisse en souffrir, et qu'elle remonte ensuite en peu de minutes de plusieurs degrés dans un bain chaud. La rapidité avec laquelle les embryons se refroidissent et se réchauffent prouve que les mécanismes régulateurs de la chaleur ne fonctionnent pas encore. Température de l'embryon de poulet. — Baerensprung, comparant la tempéra- ture des œufs en voie de développement à celle des œufs morts, a trouvé dans tous les cas les premiers plus chauds que les seconds : la différence était en moyenne de 0,33. En outre, dans neuf cas sur onze, l'œuf vivant était plus chaud que l'air de la couveuse, tandis que l'œuf mort a été six fois plus froid, cinq fois plus chaud. Dans un cas oii la température de la couveuse tomba à 33,62, celle de TiTuf mort s'abaissa à 33 62, celle 628 FŒTUS. de l'œuf vivant ù 34°87 seulement : on était au quatrième pour de l'incubation. De ces mesures, qui ont été faites entre le troisième et le dixième jour de l'incubation, il résulte que déjà, à cette époque, l'embryon de poulet produit probablement une faible quantité de chaleur. La production'est plus grande dans les derniers stades du développement; à ce moment les œufs contenant un embryon vivant peuvent se distinguer même à la main, par leur température, des œufs non développés ou de ceux dans lesquels l'embryon est mort depuis longtemps. Pembrey (J. p., 1895, xvni, 361) a suivi, chez le poulet, le développement graduel du pou- voir régulateur de la température. Au début l'embryon répond aux variations de la température extérieure comme un animal à sang froid; le refroidissement produit une diminution; réchauffement, une augmentation des échanges respiratoires. A la fin de l'incubation, vers le vingtième et le vingt et unième jour, il y a un stade intermédiaire, pendant lequel les modifications de la température n'ont pas d'effet appréciable. Enfin, quand le poulet est éclos, et qu'il est vigoureux, il réagit comme un animal à sang chaud, c'est-à-dire qu'il répond à l'abaissement de la température par une production plus forte de CO^. U'influence qu'exerce la température sur le développement des embryons d'ovipares a fait, dans ces dernières années surtout, l'objet de nombreux travaux. Disons seulement qu'il y a pour l'œuf de poule un optimum compris entre 38 et 40°, au-dessus et|au-dessous duquel le développement donne naissance à des produits monstrueux. Au-dessous de 30 à 28° (3b d'après Rauber) ; au-dessus de 43 à 4o° le développement ne se fait plus. D'après Preyer, ce chifl're de 45° est trop élevé, et une température de 42° même n'est pas sup- portée pendant longtemps, surtout à la fin de l'incubation. Les limites entre lesquelles les œufs peuvent se développer sont donc relativement restreintes ; néanmoins ils peuvent supporter impunément, soit avant, soit pendant l'incubation, des écarts de température très grands. Harvey constata le premier que l'œuf de poule peut, vers la fin du troisième jour, descendre de la chaleur d'incubation à la température ambiante et continuer en- suite à se développer sous l'influence du réchauffement. Des variations même considé- rables de la température ne troublent en rien le développement des œufs d'oiseaux, lors- qu'elles ne durent pas longtemps, et d'ailleurs les oiseaux qui couvent abandonnent par moment leurs nids. Preyer a laissé pendant des heures la couveuse se refroidir à 32° et 35° et se réchauffer jusqu'à 43 sans préjudice pour l'embryon. Dareste (cité par Loisel, La défense de l'œuf. Journ. de l'An, et de la Phys., 1900) a montré (1891) que des œufs de poule retirés de la couveuse au début de l'incubation pouvaient être placés plusieurs jours ou plusieurs heures à la température de 10°, 2° et 1° sans être tués. Le développe- ment s'arrêtait pendant tout ce temps, mais il reprenait sa marche normale quand les œufs étaient replacés dans la couveuse. Colasanti (1875) a vu se développer normalement des œufs qui avaient été refroidis pendant 2 heures jusqu'à — 4°, ou pendant une demi- heure environ jusqu'à — 7° et— 10°. CHAPITRE VII Motilitè et sensibilité du foetus. Gontractilité des muscles de l'embryon. — Soltmann, E. Meyer {A. P., 1894) ont étudié le mode de réaction des muscles striés du nouveau-né à l'excitation électrique. La durée plus longue de la secousse élémentaire, et par suite le nombre relativement restreint d'interruptions du courant nécessaires pour produire le tétanos complet, l'apparition extrêmement rapide de la fatigue, tels sont les caractères principaux qui distinguent la contraction des muscles striés du nouveau-né de celle de l'animal adulte. Il n'y a que peu de recherches faites sur les propriétés du muscle avant la naissance et pendant la vie embryonnaire. Bichat avait trouvé que l'excitation mécanique et élec- trique des embryons de cobaye provoque des mouvements avec d'autant plus de diffi- FŒTUS. 629 culte qu'ils sout plus jeunes, ce qui est parfaitement exact, ajoute Preyer. Bichat a signalé aussi l'extinction étonnamment rapide de l'excitabilité motrice, après que l'em- bryon a été séparé de la mère. Plus le fœtus est proche de sa'maturité, et plus longtemps en effet, d'après Preyer, persiste l'excitabilité, alors que chez le fœtus plus jeune elle s'éteint immédiatement. Récemment, G. Weiss {Journ.de PhysioL, 1899, 665) s'estproposé d'étudier les rapports qui existent entre les propriétés du muscle et son évolution histologique, défaire la part de ce qui revient au sarcoplasma et à la fibrille différenciée. Ces expériences ont porté sur des muscles d'embryons de grenouille et d'axolotl; en suivant ces organes dans le cours de leur développement, voici ce qu'on observe. Au début, alors qu'il n'y a pas encore de fibrilles, et que c'est au sarcoplasma seul qu'il faut attribuer tous les mouve- ments, ceux-ci sont lents et automatiques. Chaque fois que l'on fait une excitation quel- conque, il se produit le même mouvement, qui n'a aucune relation avec la grandeur de l'excitation, ni avec l'endroit où elle a été produite : on n'a fait que déclancher le mou- vement. Ainsi une petite larve d'axolotl, sans cause extérieure apparente ou sous l'influence d'un attouchement, s'incurve lentement; sa tête et sa queue quittent le fond du cristal- lisoir et elle forme un anneau plus ou moins aplati ; elle s'étend ensuite avec une égale lenteur pour reprendre sa position primitive. Si on l'excite avec une onde électrique unique en mettant les électrodes dans une position axiale, on pourrait s'attendre avoir, au moment du passage de l'onde, l'embryon se raccourcir plus ou moins, si tout son appareil moteur était également excité. Il n'en est rien : après la décharge l'embryon fait un mouvement absolument identique ci celui qu'il exécute spontanément ou sous l'inlluence d'une excitation mécanique. Même résultat avec l'excitation unipolaire. Le passage du courant induit à oscillations plus ou moins fréquentes semble simplement accélérer les mouvements automatiques de l'embryon; il n'y a aucune analogie avec ce que l'on constate dans la tétanisation des muscles striés. Des coupes au travers des em- bryons de cet âge montrent qu'il n'y a encore aucun vestige de fibrilles. Lorsque le muscle est uniquement composé de librilles, ou plutôt quand ces fibrilles ont pris une part prépondérante à sa structure, le muscle est excitable localement, et répond par une petite secousse brève à chaque excitation; l'amplitude de la secousse croît alors avec la grandeur de l'excitation. Lorsqu'on prend un état intermédiaire, on voit se produire une superposition de deux effets, la fibrille donnant, si l'on prend un courant périodique, une série de petites secousses en escalier; le protoplasma changeant de forme plus lentement que la fibrille, et jouant dans le muscle un rôle de soutien intérieur pour permettre aux secousses suc- cessives de produire un raccourcissement de plus en plus grand. Chez le poulet, Preyer a observé que, même après la manifestation des premiers mou- vements de l'embryon, les excitations les plus fortes, électriques ou mécaniques, directes ou indirectes, ne provoquent pas encore de contractions manifestes. Mais, à partir du cinquième jour augmente l'excitabilité électrique directe du tissu contractile, et le neu- vième jour on peut obtenir par excitation du dos l'extension des quatre membres, mais non encore leur tétanisation. Ce n'est que le quinzième jour qu'on arrive à tétaniser les muscles des pattes et des ailes. Et même alors ils se montrent encore paresseux à l'exci- tation électrique, comme des muscles fatigués d'animaux adultes. G. Weiss a confirmé sur certains points ces observations de Preyer. Il a constaté en effet que dans une première phase à laquelle existent déjà les mouvements automa- tiques de l'embryon de poulet, ces mouvements, à l'inverse de ce qui se passe pendant la phase correspondante chez la grenouille et l'axolotl, ne peuvent être provoqués par des excitations artificielles, ce qui tient peut-être seulement, d'après Weiss, à une diffi- culté de technique. Dans la phase suivante, qui commence à peu près avec le sixième jour de l'incubation, on voit apparaître l'excitabilité électrique : le muscle répond par une secousse qu'il est facile de localiser. Gomme chez la grenouille et l'axolotl, l'apparition de la secousse coïncide avec l'apparition de la fibrille différenciée. Il est intéressant de rapprocher le développement des propriétés de l'appareil élec- trique de celui de la contractilité. A. Moreau a eu l'occasion d'examiner de jeunes tor- pilles tirées de l'utérus, qui étaient déjà capables de donner des décharges très notables. 630 FŒTUS. Mais, d'après Babuchin (cité par PREYER),les embryons de la torpille, tant qu'ils ne sont pas pigmentés et tant que la vésicule ombilicale demeure visible, ne produisent pas de décharge, bien qu'à cette époque ils se meuvent vivement depuis longtemps déjà. Ce n'est que quand le vitellus est résorbé qu'il est possible de constater la décharge au moyen de la patte galvanoscopique. Alors on peut reconnaître aussi le réseau nerveux de l'appareil électrique. Il faut une forte dose de curare pour paralyser les mouvements du fœtus, et l'empoi- sonnement est plus lent à se produire. Dans une expérience de Preyer, un fœtus de lapin, presque à terme, enlevé de l'utérus, ne demeura sans mouvement qu'au bout de 17 mi- nutes à la suite de l'injection d'une solution de curare, tandis qu'un lapin adulte fut paralysé au bout de 5 minutes avec une dose moins forte de la même solution. Il semble donc que, même peu de temps avant la naissance, la connexion entre les fibres nerveuses et musculaires n'est pas encore entièrement établie. On a soutenu que les muscles du fœtus ne sont pas susceptibles de se rigidifier après la mort. Les observations faites sur les animaux prouvent que cette opinion est erronée. Preyer a vu souvent la rigidité cadavérique s'établir chez les embryons de cobaye aussi bien dans l'utérus qu'après leur extraction. Le fœtus humain peut aussi devenir rigide dans la cavité utérine (Dagincourt, Th. P., 1880). Il reste cependant à savoir à quel stade de développement du tissu musculaire celui-ci acquiert la propriété de subir la rigidité cadavérique. Les observations de Dagincourt ne se rapportent qu'à des fœtus à terme ou arrivés au huitième mois. On a souvent affirmé, dit Preyer, que chez le fœtus humain la rigidité musculaire ne peut se produire avant le septième mois, mais cela demeure très douteux. Tourdes a signalé en effet un cas où elle aurait été observée sur deux jumeaux de cinq mois. En ce qui concerne les fibres lisses, celles des parois vasculaires réagissent tôt à l'excitant électrique. Vulpian a observé les contractions des vaisseaux veineux allantoï- diens dans les cinq ou six derniers jours de l'incubation. La contractilité de l'intestin de l'embryon a été étudiée par Preyer, qui a pu provoquer des contractions, tant des fibres circulaires que des fibres longitudinales, en employant les excitants électriques, mécaniques ou chimiques. D'autre part, en injectant du bleu d'aniline dans le pharynx, il a trouvé au bout de seize heures la matière colorante dans l'estomac et dans tout l'intestin grêle jusqu'à 5 millimètres au-dessus du cœcum. Les expé- riences de Wiener, dans lesquelles du lait injecté dans l'estomac du fœtus se retrouva au bout de 9 heures dans les vaisseaux chylifères, démontrent ainsi les mouvements pé- ristaltiques de l'intestin fœtal. C'est d'ailleurs grâce à ces mouvements que le méconium emplit progressivement tout le canal intestinal. Il n'est pas douteux cependant que le péristaltisme de l'estomac et de l'intestin ne s'effectue avec une grande lenteur. Ce n'est que dans certaines conditions anormales qu'il s'exagère, et alors le méconium est expulsé prématurément dans les eaux de l'amnios. La présence du méconium dans le liquide amniotique, quand il s'agit de présentations autres que les présentations du siège, est généralementconsidérée comme un symptôme grave qui prouverait que le fœtus souffre, qu'il asphyxie, et que le sphincter anal est paralysé. Rossa {Arch. f. Gynaek., 1894, xlvi, 303) s'est élevé contre cette opinion : il a observé que 78 fois sur 100 le méconium est évacue' prématurément sans que le nou- veau-né présente aucun indice d'asphyxie. Rossa admet que les mouvements péristal- tiques peuvent s'exagérer sous l'influence de toute autre cause que l'asphyxie. Porak et RuNGE ont constaté en effet que souvent, après l'administration de la quinine à la mère, il se produit une évacuation prématurée du méconium, sans que le fœtus souffre et sans que les mouvements du cœur se modifient. 0. Flœl (A. g. P., 1885, xxxv, 157) a étudié l'inÛuence des sels de potassium et de sodium sur les fibres lisses de la paroi intestinale de l'embryon. Nothxagel a montré que l'application d'un cristal de chlorure de sodium sur l'intestin de l'animal adulte produit une striction en anneau, non pas au point excité, mais immédiatement au-dessus, tandis que les sels de potassium agissent sur le point excité lui-même. Nothnagel pense que les sels de potassium irritent directement le muscle, tandis que les sels de sodium exercent leur action par l'intermédiaire des plexus nerveux. Flœl a observé que chez les embryons ou les nouveau-nés les sels de potassium agissent comme chez'l'animal adulte; mais que FŒTUS. 631 les sels de sodium ou bien n'agissent pas du tout ou agissent comme les sels de potas- sium, mais plus faiblement. La réaction spécifique de la musculature de l'intestin à l'égard des sels de sodium ne se manifeste que tout à fait à la fin de la vie embryon- naire, ou seulement après la naissance. En outre, c'est seulement quand elle s'est déve- loppée que l'intestin devient apte à exécuter les mouvements vermiculaires qu'on observe après la mort : les deux propriétés sont donc intimement liées l'une à l'autre. Ces expé- riences tendent à prouver que les plexus nerveux de la paroi intestinale ne réagissent pas encore pendant la vie embryonnaire aux excitants appropriés, tandis que la fibre muscu- laire elle-même répond déjà. Excitabilité des centres nerveux. — Soltmann avait trouvé que, chez le chien et le lapin nouveau-nés, l'excitation de la zone motrice du cerveau n'a pas encore d'effet, et que son ablation ne provoque aucun trouble de la locomotion jusqu'au dixième jour. Plus tard il a observé également qu'au moment de la naissance les hémisphères n'ont pas encore, chez ces animaux, d'action modératrice sur les réflexes. Tarchanoff (Revue de méd., 1878, 721) eut l'idée d'examiner, au point de vue du fonctionnement des centres corticaux, des animaux tels que les cochons d'Inde, qui, à l'inverse du chien et du lapin, naissent avec les yeux ouverts et dont la locomotion est parfaite d'emblée. Ce physiologiste put constater que chez eux la zone motrice était excitable, non seulement à la naissance, mais même pendant les derniers jours de la vie intra-utérine, et aussi que l'influence modératrice exercée par les hémisphères sur les réflexes médullaires existe déjà. Bechterew (cité par Landois, T. P.) a obtenu des résultats semblables chez le veau, le poulain nouveau-né. D'où il résulterait que, dans les espèces animales chez lesquelles les fonctions motrices et sensorielles sont bien développées au moment de la naissance, les centres moteurs corticaux sont excitables et qu'ils ne le sont pas chez celles où ces fonctions sont impar- faites. C'est en effet ce qu'on enseigne communément. Mais la distinction paraît trop absolue, Lemoine [Th. P., 1880) a vu, contrairement à Soltmann, que, chez les chiens et les chats nouveau-nés^ l'excitation de la zone motrice est déjà efficace. Marcacci, qui a opéré sur six petits chiens extraits de l'utérus un peu avant terme, deux chiens et deux chats d'un ou deux jours, a obtenu également des résultats positifs dans tous les cas [A. i. B., 1882, 161). Ces animaux pétaient chloroformés, et chez ceux qui n'étaient pas encore à terme il était nécessaire d'enfoncer légèrement les électrodes dans la substance céré- brale. Paneth [A. g. P., xxxvii, 202) a expérimenté sur des animaux non anesthésiés, et a apporté de nouveaux faits confirmatifs de ceux de Marcacci et de Lemoine. (Pour l'exposé des recherches de Fleghsig sur le développement des voies conductrices, voir Cerveau.) L'excitabilité directe de la moelle est déjà développée avant la naissance. Chez des embryons de lapins extraits de l'utérus à une époque rapprochée du terme, l'excitation de la moelle dorsale par un courant induit très fort produit une extension convulsive de l'animal, et une inspiration tétanique (Preyer). Des embryons de cobaye enlevés de l'utérus en état d'asphyxie, tel qu'aucun moyen ne pouvait plus provoquer de mouvement respiratoire, répondirent également par un tétanos des membres postérieurs à la faradi- sation de la moelle dorsale ; ce n'est pas seulement l'excitabilité directe, mais aussi l'exci- tabilité réflexe qui persistait, malgré l'asphyxie. Cependant le fœtus exige, pour être tétanisé, une excitation très puissante. Les sub- stances convulsivantes, même les plus actives, ne sont pas encore efficaces. Sur quarante et un fœtus (lapins, chiens, chats) auxquels Cusserow {loc. cit.) a fait des injections de strychnine, alors qu'ils étaient encore dans l'utérus, aucun n'a eu de convulsions. On pourrait supposer que c'est l'apnée du fœtus qui y met obstacle, puisqu'on sait que l'apnée diminue l'excitabilité des centres nerveux. Mais, nous l'avons dit, l'apnée du fœtus n'a pas les mêmes causes que l'apnée de l'adulte, et d un autre côté Gusserow, qui a injecté à quarante-sept fœtus presque à terme Oe'',025 à 08'',j5 de strychnine après la ligature du cordon et l'établissement de la respiration pulmonaire, n'a observé de convulsions manifestes que dans un seul cas. Chez quelques-uns de ces animaux, il se produisait cependant quelques contractions tétaniques, mais non de vraies convulsions. L'acide prussique ne provoque pas davantage, chez les fœtus, de manifestations convulsives (Pre- yer). Dans un cas cependant où Bar [loc. cit.) a injecté dans le liquide amniotique chez une lapine 20 gouttes d'une solution contenant 10 centigrammes de sulfate de strychnine, 632 FŒTUS. le fœtus contenu dans cet œuf fut trouvé mort, la tête fortement étendue en arrière, en opisthothonos. Le système nei-veux n'exerce aucune influence, pendant une certaine période de l'ontogenèse, sur le développement des différents organes. Schâfer a enlevé à des larves d'amphibies tout l'encéphale avec la région qui le renferme, mais en respectant la por- tion de la tête qui appartient à l'appareil digestif, pour que la nutrition ne fut pas entravée. L'une des larves était mourante au bout de six jours'; une autre, dont la moelle allongée avait été respectée était encore bien portante onze jours après l'opération : on put constater en la comparant à une autre larve de contrôle, que tous ses organes s'étaient développés normalement. Ainsi l'ablation de l'encéphale ainsi que des organes sensoriels céphaliques ne modifie en rien l'évolution ontogénique de l'organisme : la différenciation morphologique qui caractérise le développement larvaire des Amphibiens n'est aucunemsnt placée sous la dépendance fonctionnelle du système nerveux central [Année bioL. 1898, 281). On sait d'ailleurs que, même chez les vertébrés supérieurs, le développement se pour- suit dans des conditions semblables, puisque les anencéphales peuvent être mis au monde à terme et vivants : sans cerveau ni^cervelet, ils remuent leurs membres; ils peuvent aussi respirer, dit Preyer, quand la moelle allongée existe ; il est vraisemblable, ajoute- rons-nous, qu'ils peuvent respirer même quand' elle n^'existe pas, pourvu que la moelle cervicale soit intacte. Enfin les fœtus à ternie sans cerveau et sans moelle cervicale peuvent naître vivants, mais non respirer. Mouvements et sensibilité du fœtus. — Les mouvements actifs du fœtus humain débutent probablement vers la 6"= ou la 7^ semaine (Preyer). On professe d'ailleurs en obstétrique qu'ils peuvent être perçus par l'oreille à partir de la fin du troisième mois de la grossesse. L'application d'un corps froid sur la paroi abdominale de la mère ne paraît pas, d'après la plupart des auteurs, avoir de l'infiuence sur ces mouvements; ils peuvent s'exagérer par contre à la suite d'une forte hémorrhagie de la mère (Kussmaul) : ces convulsions intra-utérines sont provoquées par l'oxygénation insuffisante du sang fœtal, consécutive à l'abaissement de la pression artérielle chez la mère. Depaul rapporte cependant qu'une femme qui, dans trois grossesses successives, s'était fait pratiquer une saignée tomba chaque fois dans un évanouissement profond, et qu'à partir de ce moment les mouvements du fœtus ne furent plus appréciables: les trois fois, il naquit au bout d'un certain temps un fœtus mort. Mais ce sont là des faits exceptionnels. Chez les fœtus de mammifères, les mouvements actifs et leurs caractères peuvent être étudiés plus facilement; chez eux, on les provoque facilement par voie réflexe, et on constate aussi qu'ils deviennent beaucoup plus vifs, si l'on soustrait à la mère du sang en quantité suffisante. Quand on ouvre l'utérus dans un bain de la solution physiologique, on voit, à travers les minces membranes, le fœtus de cobaye presque à terme exécuter à un faible attou- chement des mouvements réflexes bien coordonnés. L'amnios étant intact, on peut même voir le fœtus, à la suite d'un tiraillement d'un poil tactile, exécuter avec la patte antérieure du même côté un mouvement comme pour se gratter: c'est déjà une réaction de défense. On a déjà dit que ces actions réflexes peuvent être inhibées par une excitation d'origine centrale, cérébrale; elles peuvent l'être aussi par une excitation périphérique. Ainsi chez le cobaye nouveau-né ou expulsé avant terme, le pavillon de l'oreille se meut avec force chaque fois qu'un bruit un peu intense éclate : mais, si l'on pince fortement la peau de la nuque, le réflexe auriculaire ne se produit plus, ou il est très faible. Les mouvements actifs du fœtus sont donc principalement des mouvements réflexes; mais ils sont sans doute aussi en partie automatiques, c'est-à-dire dus à des excitations non périphériques, mais internes, dont la cause échappe, parmi lesquelles pourtant il faut compter les modifications qualitatives et quantitatives des humeurs interstitielles. Tou- jours est-il que tout à fait au début ils ne semblent pas avoir une origine réflexe, puis- qu'au moment où l'embryon exécute déjà des mouvements spontanés, il n'est pas encore sensible, d'après Preyer, aux excitations externes, aux excitations cutanées. Chez le poulet, les mouvements actifs commencent dans la première moitié du cinquième jour: l'embryon allonge tantôt la moitié antérieure, tantôt la moitié postérieure du corps, ou bienilse recourbe en arc en rapprochant les extrémités céphalique et caudale. En même FŒTUS. 633 temps il s'établit un mouvement de va et vient particulier à l'embryon d'oiseau et dû à la contractilité de l'amnios. L'embryon , par son mouvement propre, excite mécaniquement un bout du sac contractile dans lequel il Hotte; la région excitée le repousse vers la paroi opposée de la poche amniotique, laquelle, se contractant à son tour, renvoie l'embryon dans la direction première, et ainsi de suite. On compte ainsi 8 oscillations en une demi- minute. Ce mouvement de balancement dure jusque vers le douzième jour ; à partir de ce moment il diminue, et dans les derniers jours il ne se manifeste plus parce que la cavité amniotique n'est plus assez spacieuse pour lui permettre de s'exécuter. Ce balan- cement est donc pour le fœtus un mouvement passif, qu'un premier mouvement actif met en branle ; c'estl'amnios qui yjoue le rôle véritablement actif; cette membrane paraît d'ail- leurs n'être contractile que chez les oiseaux et non chez les mammifères (voir Amnios). On observe aussi, à partir du quatrième jour, des mouvements pendulaires purement passifs dans les extrémités céphalique et caudale de l'embryon; ils sont dus aux pulsa- tions cardiaques avec lesquelles ils sont synchrones. Quant aux mouvements actifs de l'embryon de poulet, ils prennent à partir du cin- quième jour les caractères les plus variés, que Preyer a minutieusement décrits. Le seul point à relever, c'est que, si des mouvements spontanés existent dès le cinquième jour, les mouvements réflexes ne peuvent cependant être provoqués que vers le dixième ou onzième jour. L'excitabilité des nerfs sensibles de la peau chez le fœtus est démontrée par les réac- tions réflexes que provoquent les fortes excitations électriques, mécaniques, chimiques ou thermiques. La sensibilité cutanée se développe surtout vers la fin de la vie intra- utérine; mais, même à ce moment, il s'écoule toujours un temps assez long entre la sti- mulation et la réponse. Les fœtus de cobaye et de lapine extraits de l'utérus un peu avant terme paraissent déjà sensibles à la douleur, car ces animaux poussent des cris forts et prolongés, si l'on excite les nerfs cutanés par une piqûre, une brûlure, ou de fortes décharges d'induction. Nous avons déjà signale', d'après Preyer, que la sensibilité de l'embryon apparaît plus tard que la mobilité, de sorte que les premiers mouvements actifs du fœtus ne peuvent être attribués à des excitations périphériques. On peut se demander toutefois si dans les premiers stades la sensibilité cutanée fait vraiment défaut, ou si plutôt les moyens usuels n'arrivent pas à la mettre en éveil. Un fait intéressant noté par Preyer, c'est que l'anesthésie chloroformique s'obtient plus difficilement et disparaît plus rapidement que chez l'animal après la naissance. Mar- CACCi {loc. cit.) a incidemment fait la même observation. L'action plus faible des agents anesthésiques sur les centres nerveux de l'embryon tient probablement à ce que ceux-ci sont encore incomplètement développés et, surtout, à ce que leur constitution chimique diffère de celle de l'animal adulte. Toujours est-il que, d'après Roske et Witkowsky (cités par Damlewsky), le cerveau de l'embryon contient relativement peu de lécithine (et en revanche plus de nucléine) etque, àmesure qu'il s'accroît, sa teneur en lécithine et en pro- tagon augmente. Or la richesse des éléments nerveux en substances grasses est, d'après certaines théories, une condition de leur impressionnabilité à l'action des anesthésiques. On a fait aussi quelques essais sur l'excitabilité desnerfs sensoriels avantia naissance, et on a pu constater qu'un fœtus avant terme réagit déjà, par des manifestations motrices variées, aux impressions gustatives et lumineuses, et non aux impressions olfactives et auditives. Mais, si le développement des fonctions sensorielles après la naissance est un chapitre intéressant de physiologie psychologique', la question est sans intérêt, quand il s'agit de la vie embryonnaire, puisque lefa-tusest soustrait dans l'utérus à toute excitation externe autre que quelques impressions tactiles. C'est donc avec raison qu'on a pu dire que le fœtus, habituellement, dort, puisque l'état de veille n'est entretenu que par les excitations extérieures (expérience de Strumpell et autres). Nous avons dû renoncer à étudier dans cet article l'influence des agents physiques et chimiques sur la nutrition et le développement de l'embryon; à montrer l'application qu'on a faite des résultats expérimentaux à des théories générales de l'ontogenèse, parce 1. Voir à l'article Cerveau les expériences de Steiner, Raehlmann, Kries, ainsi que Preyer, L'cone de l'enfant {Biblioth. de philos, contemporaine). 634 FOIE. que les recherches entreprises dans cette direction pendant ces dernières années se sont tellement multipliées que la tâche eût été trop lourde. Pour les tableaux de croissance de l'embryon, voir les ouvrages suivants : Embryon humain : Preyer, Physiologie spéciale de Vembryon, 1887. — Pinard, Article Foetus du l)ict. enc. cl. se. méd. Embryons de jument, vache, brebis, chèvre, truie, chatte, chienne : Tableaux de Gurlt dans Colin. Traité de physiologie comparée des animaux, 1873; ou dans Leyh, Anatomie comparée des animaux domestiques, 871, 565. Embryon de cobaye : Arh. des Kieler physiolog. Instit., 1868, et Preyer [lac. cit). Embryon de poulet : Tableaux de Falck dans l'ouvrage de Preyer. — Bohr et Hassel- BALCH [Skand. Arch. f. Physiol., 1900, 449 et 353). Nous n'avons donné dans le courant de cet article'que les indications bibliographiques des auteurs que nous avons consultés. Pour ceux qui sont cités de seconde main, on trouvera les renseignements nécessaires dans les ouvrages ou mémoires auxquels nous renvoyons. E. WERTHEIMER. FOIE\ § I. — DES FONCTIONS DU FOIE EN GÉNÉRAL Le foie est un des organes les plus importants de l'économie animale. D'une part il est très volumineux; car il représente de 2 à 4 p. 100 du poids total du corps. D'autre part il existe dans tous les organismes, les plus compliqués comme les plus rudimen- taires, et, dès les premières périodes de la vie embryonnaire, qu'il s'agisse d'un être simple ou d'un être supérieur, il apparaît déjà, de sorte que son importance est aussi grande dans la phylogénèse que dans l'ontogenèse des êtres. On ne peul supprimer complètement la fonction hépatique sans entraîner très rapi- dement la mort. Si certains animaux peuvent vivre quelques heures , même vingt- quatre heures même quelques jours (Batraciens), sans foie, c'est que la fonction hépa- tique n'est pas indispensable immédiatement à la vie, comme celle du cœur ou du bulbe, et que l'empoisonnement dû au défaut de fonction hépatique peut être plus ou moins aigu, plus ou moins rapide, suivant l'intensité des combustions organiques. Il faut d'ailleurs se rappeler que la mort de l'organisme, chez les êtres inférieurs, n'est jamais soudaine pour les tissus, et que le coeur, le bulbe et le sang peuvent être enlevés à des grenouilles sans déterminer la mort immédiate. De même des grenouilles sans foie peuvent, à des températures basses, présenter encore pendant quelques jours l'apparence de la vie, comme des grenouilles sans cœur, sans bulbe, et sans liquide sanguin. La fonction du foie est complexe. Il a un rôle mécanique dans la régulation de la circulation veineuse; il a une action digestive par l'écoulement excrétoire du liquide biliaire qui agit sur les aliments; il a une fonction pigmeiitaire, très obscure encore; il a peut-être une action hématopoictique, comme formateur de globules. Mais ces diverses fonctions sont relativement accessoires. Le foie est surtout, et presque uniquement, un organe chimique de transformation des matériaux du sang. Il est, pour employer une expression un peu vulgaire, le grand chimiste de l'économie. Cette fonction chimique est certainement des plus compliquées, et on peut l'envisager à divers points de vue, également essentiels. 1° Comme les opérations chimiques qu'il accomplit sont très intenses, et que, chez l'animal, le plus souvent les réactions chimiques sont exothermiques, il est un grand producteur de chaleur. Producteur dechaleur, il est par cela même, dans une mesure que nous connaissons assez mal, régulateur de chaleur, puisque aussi bien tous les processus chimiques, hépatiques ou autres, des êtres vivants sont réglés par le système nerveux. De même que les nerfs excités transforment dans les muscles le sucre en CO- et H-0, de même dans le foie l'excitation nerveuse fixe H-0 sur le glycogène et permet au glycose ainsi formé de servir à la contraction musculaire et à la production de chaleur. 2° L'autre opération chimique du foie, non moins importante, est de fixer des 1. Voyez le sommaii'e à la fiu de l'article. FOIE. 635 matières ternaires, hydrates de carbone, et éventuellement matières grasses, pour accu- muler ces réserves de force nécessaires à l'organisme. L'alimentation Introduit des sources chimiques d'énergie à des moments très distants et irréguliers. Le foie intervient pour fixer ces substances nutritives, et en permettre à un moment le déversement dans la circulation; c'est donc un régulateur de la nutrition, et l'organe essentiel des réserves nutritives. On peut dire que nous nous nourrissons sur notre foie. Cette action nutritive d'assimilation est si intense que la plus grande partie de l'urée produite par le dédou- blement des matières protéiques provient d'opérations chimiques qui se sont effec- tuées dans le foie. Mais, pour que cette transformation se fasse pleinement, malgré la lenteur des phéno mènes chimiques et la rapidité du cours du sang, il faut que les matières qui doivent être transformées passent et repassent dans le foie. Ces passages successifs constituent la circulation entéro-hépatique. La bile sécrétée est absorbée dans l'intestin, et revient au foie pour y subir de nouvelles transformations. Grâce à la bile qu'il sécrète, le foie reçoit incessamment des matériaux d'assimilation et de nutrition; car cette bile sécrétée lui revient incessamment, et y est transtormée en produits ultimes, définitifs, sinon la première fois, au moins après une série de passages dans son tissu. 3° Le foie est un organe antitoxique. Non seulement il arrête les poisons introduits par l'alimentation dans la circulation portale, mais encore il opère des dédoublements multiples (inconnus encore) sur les substances chimiques que crée la combustion de nos organes. Les antitoxines que nous produisons sans cesse sont sans cesse détruites par le foie et transformées en substances non toxiques. L'ammoniaque, si toxique, est changée en urée inoffensive, et il en est probablement de même pour d'autres produits nocifs, qui, après qu'ils ont subi l'action du foie, deviennent tout à fait innocents, constituant de l'acide lactique, de l'urée, de l'eau, de l'acide carl)onique, toutes substances dont la toxicité est nulle. Une partie de ces produits élaborés par le foie passe dans le sang; une autre dans la bile; et les parties biliaires incomplètement transformées sont reprises par l'intestin et restituées au foie qui les élabore définitivement. Voilà donc les trois [grandes fonctions chimiques du foie. Il déverse du sucre dans le sang, en produisant de la chaleur, et en permettant aux muscles d'en produire. 11 accumule les réserves nutritives sous la forme d'amidon facilement saccharissable, et permet à l'organisme, par le lent ou le rapide écoulement de ces réserves, de suffire au dégagement d'énergie nécessaire tantôt au travail musculaire, tantôt à la nutrition, de sorte que l'animal qui a un foie n'est jamais en état d'inanition véritable. Enfin il est antitoxique, et protège l'organisme contre les poisons venus de l'intestin (toxines étran- gères, ou les poisons venus de l'organisme, autotoxines) qui, les unes et les autres, après l'élaboration hépatique, deviennent inoffensives. L'agent de toutes ces transformations, c'est la cellule hépatique. Toutes ses réactions sont connexes, si étroitement unies, qu'on ne peut les dissocier, de telle sorte que, par une synergie dont les êtres vivants nous donnent si souvent l'étonnant exemple, la fonction antitoxique est en même temps une accumulation de réserves nutritives, une source de chaleur et une sécrétion digestive. Il n'y a donc pas lieu de séparer la glande biliaire de la glande glycogénique, ni de la glande antitoxique, ni de la glande thermogène ni de la glande hématopoiétique. Tout cela est confondu dans des phénomènes chimiques communs; l'harmonie des transfor- mations intra-hépatiques, de l'albumine, de la graisse, du sucre et des autres produits, est un complexus qui, au point de vue didactique, doit être dissocié, à la condition qu'on sache bien que cette dissociation n'existe pas en re'alité, et que le même phéno- mène chimique est à la fois antitoxique, exothermique et assimilateur. D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, malgré d'importants travaux, les fonctions chimiques du foie sont encore très obscures, et on peut dire que c'est une des régions les plus ténébreuses de la physiologie. § II. - HISTORIQUE L'historique de la fonction du foie est très court; car ce n'est que depuis Claude Bernard que son étude a été faite méthodiquement. Cependant, dès la plus haute antiquité, le foie était considéré comme un organe de 636 FOIE. souveraine importance. Galien, le seul physiologiste des temps anciens, concevait le foie comme le centre des veines du corps. D'après lui, les aliments arrivent au foie par la veine porte : là ils subissent une coction véritable qui les transforme, le sang ali- mentaire est élaboré dans le foie, lequel en sépare une partie destinée à être rejetée, excrément qui est la bile. L'autre partie des aliments se distribue d'une part au cœur la veine cave supérieure, '^d'autre "part au corps et aux diverses parties de l'organisme par la veine cave inférieure. Ainsi, d'après Galten et tous ceux qui l'ont suivi, le foie est un appareil annexe de la digestion et jouant un rôle fondamental dans l'élaboration des aliments et dans l'héma- topoïèse, ou la sanguification, comme on disait alors. Mais la découverte des chylifères et des lymphatiques, ainsi que de la circulation générale, vint changer la direction des idées (1620-1670). D'une part Harvey prouvait que dans la circulation le sang qui passe par le foie va au cœur droit, sans revenir par les veines directement dans les tissus; d'autre part Aselli, Pecquet, Bartholin, Eus- TACHi, RuDBECK montrèrent que le chyle résultant de la digestion ne passe pas par le foie, mais retourne directement au-dessus du foie dans la veine sous-clavière, sans que l'élaboration hépatique soit nécessaire. Ce fut le renversement de la domination du foie. Dans l'ivresse de son triomphe, Bartholix déclara le foie déchu de sa puissance, et il publia un livre où furent célébrées les obsèques définitives de l'infortuné viscère (de vasis lymphaticis ; hepatis desperata causa; exsequia epiiaphium) . Pourtant Bartholin lui-même attribuait au foie un rôle sanguificateur considérable. « Le foie, dit-il dans son traité d'anatomie, fait le sang du chyle attiré par les veines mésaraïques dans les rameaux de la veine porte comme dans son propre laboratoire. Le parenchyme du foie n'est pas seulement, comme quelques-uns estiment, l'appuy et le soutien des vaisseaux, mais aussi la cause efficiente de la sanguification. Or le foye fait ensemble avec le sang l'esprit naturel... Le foye est le véritable lieu où se fait la sangui- fication, et le parenchyme du foye change la matière sur laquelle elle travaille (c'est-à- dire les aliments à l'état de chyme qui viennent par la veine porte) en une substance qui porte la couleur rouge du foye. Cette qualité active de la chair du foye pénètre facilement la tunique des racines de la veine porte, parce qu'elle est tellement déliée en cet endroit qu'une partie du sang coule par les pores dans la substance du foye pour sa nourriture; le reste va se rendre par des anastomoses dans les racines de la veine cave où le sang s'élabore et se perfectionne davantage. Cependant la bile est séparée du sang par les rejettons qui aboutissent à la vessie du fiel et au méat cholédoque. » (G. Bartholin. Insti- tutions anotomiques, trad. franc., Paris, Hénaull, 1647, 104 et lOii.) A la même époque à peu près, Glisson {Anatomia hepatis, Amsterdam, Warberg, 166o, s'exprime ainsi sur les fonctions du foie, auxquelles il consacre de nombreux chapitres (xxxvii à xlv) : « La bile est un liquide excrémentitiel que le sang sépare du foie; et le sang ne doit pénétrer dans la veine cave et la circulation générale qu'après que les prin- cipes sulfureux et amers qui y sont contenus ont été introduits dans la bile, et par là éliminés. Idcirco ratum esto hepatis integri officium esse, sdnguinem impurum per portam affliientem excipere,bilem ah eo secernere, nitidumque jam factum in cavamreducere (334). » Un siècle plus tard, l'opinion des physiologistes n'avait pas changé. Bordenave [Essai sur la physiologie, 1777, ii, 83) n'attribue au foie d'autre fonction que la sécrétion de la bile. Haller [Elementa physiologise, vi, 1777, p. 616) consacre un chapitre aux fonctions du foie [Hepatis utilitates) et ne lui attribue, outre la fonction biliaire, qu'un rôle de sus- tentation du diaphragme, tout en s'étonnant qu'un organe si volumineux, et existant dans toutes les espèces animales, ait une fonction si restreinte. Alors, cherchant quel peut être le rôle du foie, il n'en trouve pas d'autre que celui de modérateur du cours du sang : in sangiiinis impetu diminutio. Le seul point discuté alors, et naturellement sans expériences à l'appui, uniquement fondé sur des inductions anatomiques, était de savoir si la bile sécrétée vient du sang de la veine porte, ou du sang de l'artère hépatique. Haller et Borde.mave, sans preuves, admet- taient qu'elle provient du sang porte; Bichat (1801) pensait que l'artère hépatique sert à la sécrétion de la bile. Magendie (1823, Précis de physiologie, ii, 466j ne prend pas parti, et déclare les deux opinions également dénuées de preuves. D'ailleurs il ne semble pas songer à une fonction du foie autre que la sécrétion biliaire. Enfin, Burdach (1837), FOIE. 637 dans son grand traité de physiologie, ne parle que de la bile, et, s'il s'occupe du foie, c'est pour en donner, d'une manière d'ailleurs fort imparfaite, la structure anatomique. Dans le précieux traité de physiologie de J. Mcller (1845, u, 121), on ne trouve que ces paroles; (c Le sang est débarrassé par le foie d'un excès de graisse et de matériaux carbonés et hydrogénés, tandis que les reins le dépouillent d'un excès de substances azotées. Les poumons et le foie peuvent être comparés l'un à l'autre sous ce point de vue que tous deux entraînent au dehors des produits carbonés, le premier à l'état brûlé, l'autre à l'état de combustible. » Mais c'étaient là des comparaisons plus littéraires que scientifiques. En réalité les fonctions du foie ne commencent à être connues qu'après les admirables découvertes de Claude Berxard. Nous n'avons pas à l'exposer ici, car elle sera développée plus tard à l'article Glyco- génése, avec tous les développements qu'elle comporte. Il nous suffira de mentionner les trois faits fondamentaux établis par Claude Bernard. 1° Le tissu du foie est la source normale du sucre du sang, indépendante de l'alimen- tation; car le sang qui sort du foie par les veines hépatiques est plus riche en sucre que celui qui y entre par la veine porte (1849). 2° Le foie contient une substance qui donne du sucre, même après la mort (1855), et cette substance, qu'on peut isoler, est le glycogène, ou amidon animal (1856). 3° L'excitation de certaines régions du système nerveux, et spécialement la piqûre du quatrième ventricule, produit une sécrétion abondante de sucre au moyen d'une action qui le transmet au foie par les nerfs hépatiques (1857). Telles sont les trois grandes découvertes de Claude Bernard, qui établirent bien le rôle du foie. Ainsi était comblée la grave lacune qui n'avait pas échappé à la sagacité de Haller : disproportion entre la fonction biliaire et l'énorme prépondérance, évidente, du foie dans les phénomènes biologiques. L'impulsion était donnée à l'élude de la physiologie hépatique, et alors successive- ment furent faites des constatations importantes, quoique elles soient assurément accessoires en comparaison de la grande découverte de la glycogénèse hépatique : et je les mentionnerai rapidement. 1° Le rôle du foie dans la formation de l'urée (Meissner, 1864), comme le prouvent les circulations artificielles (Cyon, 1870), par transformation des sels ammoniacaux (Schrôder, 1885), et l'existence dans le foie d'un ferment uropoiétique, diastase soluble (Ch. Richet, 1896). 2° Le rôle du foie dans la nutrition chez les oiseaux (transformation d'ammoniaque en acide urique) (Minkowski, 1883). 3' L'action antitoxique du foie (Schiff, 1856). 4° Le rôle du foie dans la transformation des produits de la digestion (Fistule d'EcK, Nencki, Pawlow, 1894). 5° L'action anticoagulante du foie à la suite d injections intra-veineuses de peptone (Contejean, 1897). 6° Le rôle du foie dans la fixation du fer (Dastre et Floresco, 1897). 7° La circulation entéro-hépatique de la bile (Schiff, 1857). 8° La proportion pondérale du foie avec l'étendue de la surface cutanée, autrement dit avec la radiation calorique (Ch. Richet, 1893). Tous ces faits, et d'autres encore, qui seront exposés au cours de cet article, ne doivent pas, si intéressants qu'ils soient, nous faire illusion sur l'étendue de nos connais- sances relativement à la fonction du foie. Il est certain que bien des faits nous échappent encore, et que les transformations chimiques accomplies par la cellule hépatique, pendant la digestion, ou en dehors de l'état de digestion, ne nous sont encore que très imparfai- tement connues. § ill. - RÉSUMÉ ANATOMIQUE ÉVOLUTION PHYLOGÉNIQUE ET ONTOGÉNIQUE DU FOIE Le foie est une glande volumineuse, qui, chez l'homme et les mammifères, est placée à la partie supérieure du péritoine, immédiatement au-dessus du diaphragme. Il est enveloppé d'une membrane résistante fibreuse, la capsule de Glisson. Sa forme est 638 FOIE. très variable chez les animaux divers, et même chez les divers individus d'une même espèce. D'ailleurs, qu'il y ait un, deux, trois lobes, au point de vue physiologique, cette division est sans grande importance. Essentiellement il est constitué par des cellules, cellules hépatiques, qui forment des lobules, entre lesquels cheminent d'une part les canalicules biliaires qui excrètent la bile, et d'autre part les vaisseaux qui lui apportent le sang et les éle'ments nutritifs. Au centre du lobule se trouve la veine afférente. L'ensemble de ce système vasculaire est donc formé par une veine afférente, la veine porte; une artère afférente, l'artère hépatique; des veines afférentes, veines sus-hépa- tiques, et des vaisseaux lymphatiques qui vont déboucher dans le canal thoracique. La cellule hépatique, élément primordial et irréductible du foie, est une cellule fragile, mince, polyédrique, pourvue d'un ou de deux noyaux. Du pourtour du noyau partent en s'irradiant des travées protoplasmiques qui se rendent à la péri- phérie cellulaire, dépourvue de membranes, pour former une sorte de pseudo-membrane protoplasmique imitant une enveloppe cellulaire. Entre ces travées sont disséminées des granulations. Ces granulations ne sont pas du glycogène, comme le pensait Claude Bernard, mais des granulations ferriques, peut-être, exceptionnellement, des granulations biliaires. A côté de ces éléments granuleux se trouve constamment, à l'état normal, du glycogène décelable par l'eau iodée; et, dans certaines conditions d'alimentation chez les Mammifères, normalement chez d'autres animaux (Poissons), des granulations grais- seuses décelables par l'acide osmique. L'endothélium vasculaire intra-hépatique et les cellules biliaires des canalicules jouent certainement un rôle qui se surajoute au rôle fondamental de la cellule hépa- tique; mais ce n'est qu'une fonction accessoire. De fait, l'activité chimique et l'intégrité de la cellule hépatique sont la mesure de l'activité chimique et de l'intégrité du foie. Au point de vue de l'anatomieet de la physiologie générales, il faut considérer le foie comme une glande annexe de l'appareil digestif, destinée à compléter les phénomènes de la digestion, et à faire succéder l'assimilaliou à la digestion ; car, constamment, le foie est placé sur le trajet des veines qui viennent du pancréas, de l'estomac, de la rate. Totfs les produits de la digestion qui ont été absorbés par les veines digestives afférentes sont forcés de passer par le foie pour y subir sans doute une sorte de transformation. La situation du foie sur le trajet des veines qui viennent de l'intestin est une règle sans exception. Ce rapport étroit du foie avec l'intestin apparaît très nettement dans l'histoire de l'évolution du foie, qu'on considère l'ontogénie, chez l'embryon aux divers âges; ou la phylogénie, dans les différentes formes de la série animale. Chez les êtres inférieurs, et chez l'embryon de quelques jours, le foie n'est qu'un diverticule de l'intestin. « Puis il se complique, à mesure qu'il s'éloigne de l'intestin, et il représente alors une véritable glande tubulée, dont les cellules, bordant les acini, sont riches en pigments, en matériaux de réserve et en granulations zymogènes. C'est Vhépato-pancrcas, dont la sécrétion est douée d'un véritable pouvoir digestif. Puis l'organe hépatique devient de moins en moins digestif, et de plus en plus sanguin. Ses fonctions sécrétoires, externe et interne, sont tellement multiples qu'un dédoublement s'impose. La majeure paiiie du rôle digestif passe au pancréas, primitivement fusionné avec le foie, et qui s'individualise alors aux dépens des mêmes ébauches diverticulaires du niésen- téron. Cet organe accaparant la majeure partie des fonctions digestives, le foie, ainsi allégé, développe de plus en plus ses fonctions de sécrétion interne. Parallèlement les éléments cellulaires se polarisent de moins en moins autour des canalicules biliaires, de plus en plus autour des vaisseaux sanguins excréteurs; au foie lubulé se substitue le foie lobule, et, enfin, au lobule biliaire se substitue le lobule sanguin. A la base de la plupart des séries animales divergentes, on retrouve en partie cette filiation phylogé- nique du foie. La zone verte de l'intestin moyen, qui représente la première ébauche du foie, se rencontre chez certains Vers, chez les Bryozoaires et les Rotifères. Le cœcuni digestif, qui en indique l'étape ultérieure, s'observe chez certains Trématodes (Planaires) chez certains Crustacés (Apus) et à la base de la série des vertébrés, chez l'Amphioxus. Puis on trouve successivement r/tépaïo-po/tcréas des Mollusques et des Poissons, le foie biliaire des Batraciens, des Reptiles et des Phoques, enfin le foie sanguin des Mammi- fères, atteignant son apogée chez le porc et chez l'homme. « L'organe hépatique subit donc, au cours de l'évolution phylogénique, des variations FOIE. 639 anatoraiques et fonctionnelles telles que, primitivement glande digeslive, puis glande à la fois digestive et sanguine, il devient, d'une façon prédominante, chez les animaux supérieurs, à la suite de l'individualisation du pancréas, une glande vasculaii'e sanguine à sécrétion interne. » (Gilbert et Carnot. Les fonctions hépatiques, 1-4.) Après cet exposé, que nous avons cru devoir donner intégralement, Gilbert et Carnot arrivent à cette conclusion que le foie est d'abord intestinal, puis biliaire, puis enfin sanguin. Mais, si cela est vrai au point de vue anatomique, au point de vue phy- siologique on peut dire que le foie demeure toujours un appareil intestinal, une glande annexée à l'intestin. Il importe relativement peu que ce soit de la muqueuse intestinale ou des veines intestinales que dépende le foie. Sa fonction demeure toujours une fonction annexe de la fonction digestive, et elle préside à l'élaboration des matières ali- mentaires, digérées par l'intestin, mais non encore assimilables. § IV. — POIDS DU FOIE L'étude du poids du foie donne des renseignements assez utiles sur l'ensemble de la fonction hépatique. On peut, en effet, admettre a priori que l'intensité des phénomènes hépatiques est proportionnelle au poids de tissu, autrement dit au nombre des cellules hépatiques. C'est là une hypothèse très rationnelle, encore qu'elle ne soit pas rigoureu- sement prouvée. Bien entendu, il faut faire abstraction des foies chargés de graisse, comme il en est chez certains poissons, par exemple; car alors le poids du foie chimi- quement actif est augmenté d'une certaine quantité de tissu mort, d'une matière de réserve déposée sous forme de gouttes graisseuses à côté du protoplasma actif. Poids du foie chez le chien. — Il n'est pas facile de connaître exactement le poids 9 3 7 6 5 k 3 2 2 O \ i i.^ ■^ ■v ^ H -J ù i*< ►î? :^ - M _ L _ h-H _ ~~ " r ^ " " "" ' " " -- - K ._ ~ — " 1 1 1 ■~ — - - - .. 1 i 1 1 1 1 1 ! 1 1 1 JSloff. /f lo S.O z6 z8 3n3i £d.Ohcr/L, FiG. 83. — Proportion de tissu hépatique chez le chien avec la surface et avec le poids du corps. En bas on a marqué les chiens de poids divers, de 0 kil. à 31 kil. (moyenne). A gauche sont les quantités de tissu hépatique en grammes. La ligne pleine ijndique les proportions à la surface (par déc. carré); la ligne pointillée, les proportions au poids (par 200 grammes du poids du corps). d'un animal et le poids de ses tissus. Faut-il dans le poids du corps comprendre la graisse mêlée aux tissus, et l'urine, et les matières fécales? Faut-il, si on l'a saigné, faire entrer en ligne de compte le sang qu'on lui a retiré? En cas de non-saignée, les tissus très vasculaires, comme le foie, doivent-ils être pesés avec le sang qu'ils contiennent encore, ou après lavage du foie? La vésicule biliaire et la bile doivent-elles être comprises dans le poids du foie? Toutes questions assez délicates, et que cependant il faut résoudre. Il m'a semblé que le plus sûr moyen d'échapper à ces difficultés, c'était de faire des pesées 6ru^es, c'est-à-dire de peser le corps de l'animal, sans correction d'aucune sorte, et de peser tout ensemble avec le foie les vaisseaux et la vésicule biliaire (assez petite 640 FOIE. d'ailleurs chez le chien). Un assez grand nombre des chiens dont la pesée du foie a été faite par nous avaient été sacrifiés par hémorrhagie, ce qui tend jévidemment à dimi- nuer quelque peu le poids du foie pesé (Voir Trav. du Laborat., 1893, ii, 381). En procédant ainsi, j'ai pu déterminer pour les proportions pondérales du foie une loi qui n'avait pas été soupçonnée, à savoir que, chez des animaux de même espèce la quantité de foie est proportionnelle à l'étendue de la surface. Voici le tableau donnant la moyenne des mensurations. Il s'agit de 120 poids de foie sur des chiens pris adultes, en tout cas n'étant plus à la mamelle; allant de 44 kilos à 3 kilos. La plupart de ces mensurations ont été faites par nous. Quelques autres ont été prises dans des mémoires de Manouvrier, de Colin, de Falck, de Moos, de Pavy, d'AFANASsiEFF et de KûLz. J'élimine seulement une observation de Pavy dans laquelle le foie était d'un volume anormal, 790 grammes pour un chien de 8 kilos. Le sexe paraît être sans influence : il y a 8 fois plus de chiens que de chiennes dans les animaux dont le foie a été pesé. Le poids maximum du foie (poids absolu) a été de 1 210 grammes pour un chien de 3o kilogrammes. Le maximum (relatif au poids du corps) a été, sur un chien tuberculeux, de 1114 grammes de foie (sic) pour 11 kilogrammes de poids vif, soit 10 p. 100 du poids du corps. Le tableau suivant résume ces 120 observations. - MOYENNE ÉCART POIDS POIDS POIDS NOMBRE d'observations. DES POIDS du chien. le max. et le min. du poids de ranimai. DU FOIE par 100 grammes d'animal. DU FOIE [par déc. carré, de surface. ABSOLU du foie, (on kilogr.). (Moyenne). 13 36,1 De 30 à 44 2,21 6,5 800 15 26,5 De 23,0 à 29 2,19 6,0 580 n 20,6 De n,5 à 25 2,63 6,5 540 13 16,5 De 15 à 17 2,75 6,4 455 12 12,8 De 11,5 à 14,0 3,21 6,7 412 19 9,2 De 7,5 à 11 3,61 6,8 340 31 S, 35 De 3,0 à 7 4,24 6,7 220 Moyenne j ^^o générale. ) 16 De 3 à 44 2,80 6,7 Au contraire, la rate ne semble pas suivre la même loi de proportionnalité avec la surface du corps, et elle paraît bien nettement conserver un rapport invariable avec l'unité de poids de corps, ce qui entraîne naturellement une diminution relative du poids de la rate par rapport à la surface, à mesure que l'animal devient plus petit. Poids du foie d'autres mammifères. — Pour les chats, voici les résultats de 7o mensurations, dues en grande partie à Boehm et Hoffmann (A. P. P., 1878, viii, 282), POIDS POIDS POIDS EN GRAMMES DU FOIE (CHATS). | NOMBRE MAX. ET MIN. MOYEN DU CORPS d'observations. Absolu. par par de l'animal. en grammes. déc. carré. 100 grammes. 5 De 1 230 à 1 430 1,337 46 3,35 3,45 8 De 1620 à 2 004 2,000 72,3 3,60 3,62 15 De 2200 à 2 460 2,300 78,1 4 3,3 12 De 2 500 à 2 650 2,575 77 3,75 2,75 13 De 2700 à 2 820 2,777 88,4 4 3,15 ' De 2 900 à 3120 3,021 40,8 3,95 3,02 ^ De 3 210 à 3830 3,470 119,5 4,45 3,31 5 De 3 910 à 4685 4,170 137,4 4,78 3,30 Moy. des ; 75 2,670 4 3,25 FOIE. fi il Chez le lapin, nous avons 79 mensurations, dont 29 duesà Mackay (A. P.P., 1888, xi.\', 28o) : les autres à Nasse, Falck, Lai-icque, Moos, Bidder et Schmidt, Voit et moi-même. NOMBRE d'observations. POIDS M.\X. ET MIN. du coi-ps. POIDS MOYKNS. POIDS EN GRAMMP:s du FOIE. -Vbsolu. par par 100 gr. du corps. Lapins [en (/rammcs . 18 18 17 12 14 79 Do 706 k 1 078 De 1125 à 1390 De 1 420 à 1 600 De 1620 à 1800 De 1825 k 2100 9;i5 1252 1 530 1 720 1 900 15 58 60 67,8 77 60,2 4,10 4,45 4,00 4,20 4,45 4,25 4,72 4,65 3,90 3,92 4,05 4,20 1 ,430 Coùa//fs [en f/rammcs]. 14 15 29 De 295 k 443 De 450 à 749 384 532 Moulons {ei 16,8 20.6 lalogr.. 2,85 2,80 4,40 3,85 4 188 2[ 65 264 •• 23 64,5 78 88 72 435 1 070 1 110 1 230 '■,80 5,90 5,45 5,45 5,65 1 ,90 1.66 1,42 1,49 1,52 1090 Porrs (m hUorjr.K 27 33 60 •' 82 110 92 1 310 1 617 6,3 6.3 6,3 1,64 1,47 1,55 1 480 Bœufs [cn kilo;/)'.). 3 17 0 ' 410 680 5 620 6 850 7 900 9 9.4 1,37 1,31 1,17 Voici maintenant les poids du foie de quelques autres animaux POIDS MOYEN DE l'animal. POIDS DU FOIE Absolu. par dcc. carré. par 100 grammes. kil. C lie val. JÛl « 1 6,620 400 ., . . . .| 5,225 1,5 1,3 Lion. ol 1 -> 1 2,000 •■ 4,0 lf;/ène. 20 1 ., 1 488 •• 2,5 gi-- . Hérisson. 760 680 635 B. aii-dessous de 500 .. 28,5 33,0 17,5 17,5 3,7 4,8 2,8 DICT. DE PHYSIOLOGIE. 642 FOIE. POIDS MOYEN DE l'animal. Absolu. POIDS DU FOIK dé par :. cari- '-. 100 par grammes. Marmolli'. 1,083 „ 36.2 „ 3,3 1,083 33.it Llccre. " 3,1 3,422 " 1 i3;;,o Souris. 1 » 1 4,0 ;;sr,6 1 De 4er,45 -i O-r Gû 1 0.29 liais. o.8:i 0.1 261 1 De 140 à 37 ' 13.27 2.9 •'■.,1 D'après Maurel les poulets au-dessous de 800 grammes ont un foie de 2o,02 (soit 3*''%4 p. 100 du poids). Au-dessus de 1100 grammes le poids du foie est de 33,12 (soit 2,88 p. 100 du poids total). Les pigeons au-dessous de 330 grammes ont un foie de 10,7.'î (soit 3,o& p. 100); et au-dessus de iOO grammes le poids du foie est de IS'^'JI (soit 3eM p. 100). .VIaurel (1903) admet la proportiounalité du foie à la surface, et ses conclusions à cet égard sont identiques à celles que j'avais formulées; mais les chitfres qu'il donne ne ressemblent pas aux miens, car sa formule pour calculer la surface n'est pas la même. Au lieu d'adopter, dans la formule rigoureusement exacte K ^/p2, pour K la valeur 11,3 déterminée expérimentalement par Meeh, il prend très arbitrairement la constante K = 7,33, ce qui le conduit à des chiffres différents. Il faut donc , pour avoir un chiffre comparable aux chiffres classiques de la mesure de la surface, faire une correction aux chiffres de Maurel; c'est-à-dire diviser par 1,3 les chiffres qu'il fournit. Alors la concor- dance devient très exacte. Voici le tableau (ainsi modifié) de Maurel : Poids du foie par décimètre carré de surface. Animaii.r Jeunes. g'-- Cobayes de 350 à 450 grammes 2,70 Lapins de moins de 1 400 grammes. . . . 4,60 Hérissons de moins de 500 grammes.. . . 4,05 Poulets de moins de 800 grammes, . . . 2,65 Pigeons de moins de 350 grammes 2,50 Chiens de 4 à 10 kilogrammes 5,80 Chiens de 4 kilogrammes 7,60 Ani)naux adultes. Cobayes de 800 à 900 grammes. . . . Lapins au-dessus de 1 800 grammes. . Hérissons au-dessus de 750 grammes. Poulets de plus de 1 IOO grammes. . . Pigeons de plus de 400 grammes.. , . Chiens de 30 à 40 kilogrammes. . . . Chiens de 40 kilogrammes 2,85 4,50 4,25 2,60 2,25 6,60 6,50 ■; On voit qu'alors, pour les lapins et les chiens, les poids deviennent identiques à ceux que nous avons donnés plus haut. Maurel conclut avec raison de ces données que chez les animaux d'âge différent il y a la même quantité de foie pour l'unité de surface. FOIE. 643 Poids du foie chez rhomme. — Voici, d'après les chilîies de Vierordt [Anat. Daten itnd Tabellen, léna, 1893, 21), les proportions du foie chez l'enfant et l'adulte aux divers âges : POIDS POIDS POUR 1 KIL. POUR 1 DEC. CARRÉ AGE. DU CORPS, DU KOIK. quel poids de foie? quel poids de foie? kii. g'-- y- gr. * l" jour 3,2 14I.T 44,3 5,45 6° mois 7,0 194,0 27,7 4,38 1" année 9,0 333,0 37,0 6,30 2« - 11.3 428 37,8 7,10 i'- — 14,2 588 41,4 8,35 1' - 19,1 677 3:i.6 7,80 40^ — 24,5 836 33,2 8,35 12« — 29,8 880 30,3 7,70 14» — 38,6 1188 32,0 8,70 25« - 63,0 1819 27,5 9,65 On voit par ce tableau que, d'une manière, il est vrai, assez irrégulière, le poids du foie par rapport à la surface va en croissant avec l'âge, mais qu'il va au contraire eu déci'oissant par rapport à l'unité de poids. Cette croissance du foie par rapport à la surface est remarquable, car elle semble en lO 3 5 7 6 5 k 3 2 1 - „ - . .J ^> -- -- " ^' /' V - S ^ -^ .^ —\ — ' - - O z z 3 !f 5 6 -j & â ion.izi3-iU^i6i-jTBi3 zo2iz2^z3^jk25 | -^pctr déc. carré, de- stofwx-. I par loogr. de, poids. Fict. 84. — Proportions du foie chez l'homme par kilogramme et par surface aux différents âges. contradiction avec cet autre fait constaté plus haut, que le poids du foie reste propor- tionnel à la surface, à mesure que l'animal augmente de poids. Mais la contradiction n'est qu'apparente, et elle conduit à une intéressante conclusion. Puisque chez des animaux adultes, de poids variable et de même espèce, comme chez le chien, il y a un foie d'autant plus gros (relativement au poids) que l'animal est plus petit, il devrait en être de même chez l'homme aux divers âges; et les jeunes enfants devraient avoir proportionnellement un foie plus gros que les adultes; car ils sont de poids et de surfaces moindres que l'adultes. S'il n'en est pas ainsi, c'est que chez eux les fonctions Ui FOIE. hépatiques sont moins importantes que chez l'adulte; les opérations chimiques moins actives, et alors le vokmie relatif du foie, qui se conforme aux exigences physiologiques, est moindre chez eux que chez l'adulte. A moins toutefois, ce qui est à la rigueur possible, que l'activité de la cellule hépatique soit pour un même poids de tissu plus grande chez eux que chez l'adulte. Mais cette supposition n'est pas très vraisemblable, et il faut plutôt admettre une intensité moindre des fonctions hépatiques chez l'enfant que chez l'adulte. Si, ainsi que nous l'avons fait pour les chiens, nous comparons chez les enfants et adultes hommes le poids de la rate au poids du corps, nous voyons que, comme chez les chiens, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant, le poids de la rate est assez exacte- ment proportionnel au poids du corps, soit pour 100 grammes de poids vif: 1 mois. 6 mois. 1 an. . 2 ans . 4 ans . 0,29 0,23 0,23 0,34 0,38 7 ans. 10 mois 15 ans. 20 — . 25 — . 0,32 0,35 0,35 0.31 0,25 Les chiffres que nous venons de donner sont empruntés à Yierordt; mais nous en avons nous-même relevé d'autres d'après divers auteurs (Ch. Richet. Poids du cerveau, du foie et de la rate chez Vhomme. Trav. du Laborat., 1895, ni, 154, n° xLvm), en particulier d'après Boyd [Tables of the weight of the human hody. Philosoph. Transact., 28 févr. 1861, 241-262). Nous pouvons, d'après ces chiffres, construire le tableau suivant : POIDS POIDS POIDS MOYEN POIDS MOYEN l'AR 100 GRAMMES NOMBRE MOYEN .\BSOLU MOYICN. PAR DKC. CARRli. du poids vif. d'observations. du corps — - ,^ ,- —■ -^ — — .^ -— — en grammes. Foie. Rate. Foie. Rate. Foie. Rate. 168 3,190 153 11,7 6,35 0,48 4,80 0,37 153 5,680 276 26,1 7,75 0,73 4,85 0,46 58 8,810 420 41 8,78 0,86 4,82 0,49 49 11,460 547 49,4 9,61 0,87 4,75 0,44 38 18.320 855 79 10,99 1,02 4.70 0,47 719 37,800 1326 139 10,50 1,10 3,50 0,37 205 42,500 1363 192 10,00 1,40 3,50 0,45 470 47,000 1532 158 10,50 1,08 3,35 0,34 80 51,300 1570 188 10,10 1,21 3,03 0,37 47 56,900 1C80 219 10,20 1,33 2,95 0,37 29 63,100 1726 261 9,75 1,47 2,75 0,41 16 67,500 1861 346 10,01 1,87 2,75 0,51 24 73,200 1901 366 9,70 1,36 2,60 0,37 •^ 89,000 2 101 391 9,40 1..30 2,35 0,44 Ce tableau nous montrera la même loi que le tableau construit d'après les données de ViERORDT, à savoir que la quantité de foie par rapport à l'unité de surface va en gran- dissant de l'enfant à l'adulte, ce qui est en contradiction apparente avec la loi trouvée pour des cliiens adultes de poids très divers, que la quantité de foie pour l'unité de sui'- face ne se modifie pas, que l'animal soit grand ou petit. Nous le répétons, cette contradiction ne s'explique que si l'on admet soit une inten- sité plus grande des actions hépatiques chez l'adulte que chez l'enfant, soit, ce qui me paraît moins plausible, l'activité plus grande d'un même poids de tissu hépatique chez l'enfant que chez l'adulte. En tous cas, ce qui est bien remarquable, c'est ce fait, que j'ai été le premier à éta- blir, que le poids de la rate est proportionnel au poids du corps, tandis que le foie l'est à la surface du corps. FOIE. 645 De tous ces chiffres nous pouvons dresser le tableau suivant (semi-schématique) : ANIMAUX. POIDS MOYEN liV CORPS. POIDS ABSOLI' I>U FOIE. POIDS DU FOIE. PAR DEC. CARRÉ. ' POUR 100 GRAMMES. 5,6 ;i60 460 1,430 2,670 3,190 9,000 20,000 38,000 56,000 64,000 88,000 92,000 523,000 0.29 13,25 t8,8 60,2 97 153 340 540 1326 1680 1070 1220 1^480 6 830 0.8;; 2,90 2,83 4,20 4,00 6,35 6,8 6,5 10,5 10,2 5,40 5,45 6,30 9,40 1:1 4,1 4,2 3,25 4,80 3,61 2,63 3,50 2,95 1,66 1,49 1,55 1,31 Rats Cobayes Lapins Chats . Hommes Chiens Hommes Moutons Moutons Bœufs . De ce tableau on peut déduire diverses conséquences intéressantes. La première, c'est que, en prenant la proportionnalité à la surface, l'iiomme est de tous les animaux celui qui a la plus grande quantité de tissu hépatique. Il est possible, et même très probable, que cela tient à la plus grande quantité de chaleur qu'il est forcé de produire, étant donné qu'il est animai à peau nue, dépourvue de fourrure, et par conséquent avec une irradiation très active. Ainsi, pour comparer des individus de poids sensiblement égal, des chats pesant en moyenne 2',^o. MaÏT, chez une même espèce animale, la quantité de tissu hépatique est assez exacte- FOIE. 6i7 ment parallèle à la surface, et si, avec les très petits chiens, elle paraît quelque piu diminuer, c'est que probablement la mesure des surfaces d'après la formule de Meeh nous donne des chiffres un peu faibles pour des animaux très petits. L'écart pour le poids est de 2,20 à 4,24; c'est-à-dire du simple au double. L'écart pour les surfaces n'est que de 6,25 à 6,70, c'est-à-dire d'un dixième. Poids du foie des poissons. — Il faut comparer à ces chiffres ceux que j'ai pris sur les poissons cartilagineux [B. B., 1888, 786), cliittVes trop peu nombreux pour une con- PODR 100 grammes (lu corps, i squales de 1500 graiimies. . . 3,8 \ voussette de 4 055 gi-ammes . . 4,8 1 congre de 3.010 grammes . . . 1,3 Moyenne généuale. c . 4,7 clusion formelle, mais qui prouvent que par rapport au poids la proportion de foie chez les poissons n'est pas très différente de ce qu'elle est chez les mammifères. Quant à la proportion à la surface, la forme des poissons est tellement différente de celle des mammifères qu'on ne peut faire à ce sujet de rapprochement utile. Autres causes des variations du poids du foie. — D'après Maurel, l'alimen- tation exercerait une influence considérable sur le volume du foie. Mais il me semble que ses arguments, pour démontrer cette proposition, ne sont pas recevables; car il ne tient pas compte, au moins dans un premier travail, antérieur à son mémoire de 1902, sur le rapport du foie avec la surface, de la proportionnalité du foie à la surface. Or il n'est pas possible de supposer que pour les chiens adultes, gros ou petits, l'alimentation ne soit pas, en moyenne, identique. Cependant leur foie varie avec la taille. Que les adultes aient toujours une proportion de foie moindre, par kilogramme de poids vif, que les jeunes, il n'en faut pas chercher d'autre cause qu'une surface différente, moindre pour l'unité de poids, à mesure que l'animal grandit. Quant à la différence entre le chien et le lapin (de poids égal), ce n'est pas une question d'étendue, mais de qualité de surface; car les chais, dont la nourriture est tout aussi animale que celle des chiens, ont un foie plus petit (par déc. carré) que les chiens; ce qui s'explique bien par leur fourrure plus épaisse et mieux protectrice. Reste donc, pour élayer l'opinion de E. Maurel, uniquement la différence entre le hérisson, insectivore, et le lapin, herbivore : ce qui n'est guère démonstratif. Il est vrai que Maurel a remarqué que des lapins nourris avec du fromage ont un foie plus gros que les lapins nourris avec de l'herbe (4,1 pour les lapins nourris au fromage; et 2,7o pour les lapins nourris à l'herbe). Mais là encore les expériences (10) sont trop peu nombreuses, et on pourrait tout aussi bi.^n incriminer la graisse du fromage que les matières azotées. Enfin les oiseaux, granivores, ne peuvent être considéi'és comme étant plus herbi- vores {"!) que les herbivores eux-mêmes; ils ont cependant, d'après Maurel, un foie plus petit par l'unité du poids. De fait la différence entre l'herbivore et le Carnivore n'est notable que pour la digestion intestinale; car au point de vue de l'assimilation, qui fait suite à la digestion intestinale, une fois que les produits de la digestion intestinale ont passé dans la circulation portale et dans le foie, herbivores, granivores et carnivores se ressemblent trop pour qu'il y ait une différenciation profonde à établir. La seule d<'- monstration expérimentale rigoureuse serait de nourrir une dizaine de chiens avec de la viande, une dizaine de chiens avec du pain et du sucre, et de chercher au bout de quel- ques mois s'il y a une différence dans le poids du foie de ces deux lots de chiens. Or je n'ai pas pu constater, chez des animaux, il est vrai, tuberculeux, que l'alimentation tr-'s différente dans les divers cas observés ait entraîné une différence dans le poids du foio. Tout comple fait, il ne semble pas que l'alimentation modifie le volume du foie. Les conditions pathologiques, au contraire, le font varier énormément. Les cirrhoses, les hypertrophies, les dégénérescences graisseuses ou autres, de cause infectieuse ou toxique, exercent une influence énorme sur le volume du foie. Mais il s'agit alors de cel- lules hépatiques altérées, et l'augmentation de volume n'a peut-être aucun rapport avec une fonction plus intense. Conclusions. — Il est assurément regrettable que des mesures plus nombreuses 648 FOIE. n'aient pas été prises, sur les Uiseaux, sur les Reptiles, sur les invertébrés même; car elles conduiraient certainement à des constatations intéressantes. Chez les chevaux et les bœufs, et les animaux de très grande taille, les documents ne sont pas aussi abon- dants qu'ils pourraient l'être. Sur beaucoup d'animaux on ne possède qu'un ou deux chiffres, ce qui est certainement insuffisant. Pour un assez grand nombre d'autres, on n'a même pas un seul chlfîVe. Peut-être enfin conviendrait-il de prendre comme terme de comparaison, au lieu du poids total du corps, un organe dont le poids serait relativement peu variable, comme le cœur. 11 semble qu'il y ait là une élude fructueuse à entreprendre. En tout cas, ce qui se dégage des faits établis ici sur le poids et le volume du foie, c'est la proportionnalité; en premier lieu, à l'étendue de la surface; en second lieu, au caractère de cette surface. On comprendra sans peine la p'orte'e de ces deux grandes lois, qui semblent primor- diales. La surface d'un animal est un élément plus important que son poids. U'abord la surface indique la quantité de chaleur irradiée et, par conséquent, d'énergie dégagée. Et comme l'équilibre entre le dégagement d'énergie et la production d'énergie doit être constamment maintenu, c'est la surface (comme étendue, et comme qualité) qui va régler la production d'énergie chez l'être vivant (homéotherme). Aussi bien ai-je pu démontrer que toute la production d'énergie de t'homéotherme (radiation calorique, absorption d'oxygène, consommalion d'aliments, production de CO') était fonction de la surface. Le foie, qui, par ses fonctions chimiques portant à la fois sur le glycogène, la graisse et les matières azotées, est un grand producteur d'énergies chimiques, se conforme à cette loi générale; et il a un développement proportionnel à l'unité de surface. On peut admettre, en effet, que l'activité du foie est exactement proportionnelle à son volume. Donc le volume [du foie doit être et est réellement en rapport avec l'étendue de la surface cutanée de l'organisme. A un autre point de vue, tout difïérent, la surface joue un rôle considérable, et alors ce n'est plus seulement chez les homéothermes, mais chez tous les êtres. C'est par l'étendue de la surface que l'être est en rapport avec le monde extérieur. Les nerfs périphériques qui se distribuent à la surface ont donc une importance proportionnelle à la surface, et les cenlies nerveux, qui sont le point de convergence de tous ces nerfs superficiels, représentent un foyer d'autant plus actif que ces rayons convergents sont plus abondants. Par son rôle de distributeur ou déperditeur) d'énergie, comme par son rôle de col- lecteur des excitations extérieures, la surface règle l'intensité de vie de l'animal. S V. - COMPOSITION CHIMIQUE DU FOIE. Propriétés chimiques générales du foie. Méthode dexamen. — L'étude de la cr)!iiposition chimique du foie est plus difficile que celle de tout autre organe, à cause de la grande quantité du sang qu'il contient. La mesure précise de la quantité du sang con- tenue dans le foie n'est pas donnée par les auteurs qui se sont occupés de la quantité du sang contenue dans les organes. La seule indication que j'aie pu trouver est celle de Ranke (cité par Vierordt, An. Daten, 1893, 128) qui dit que, chez le lapin, un quart de la masse totale du sang se trouve dans le foie (24 à 20 p . 100). Il s'ensuivrait que sur un chien de tO kilogrammes il y aurait 220 grammes de sang environ dans le foie. Si invraisem- blable que soit ce chiffre, il ne doit pas nous étonner; car, en fait, les pesées du foie donnent des chiffres très différents, et les différences sur des chiens normaux et de même taille tiennent en partie sans doute aux différences dans la quantité de sang qui reste ou qui ne reste pas dans le foie. Ces difl'érences sont probablement liées au genre de mort ; et chez les chiens ou les lapins tués par hémorrhagie, le foie doit paraître moins volu- mineux, par suite d'une notable diminution dans les quantités de sang qu'il contient. Par exemple, sur deux chiens de iCsgjS, j'ai trouvé, sur l'un, un foie pesant 170 grammes; sur l'autre, un foie pesant 415 grammes. De là une première difficulté. Faut-il, pour étudier le foie, l'étudier avec le sang qu'il contient, ou après avoir fait lé lavage du foie? Quelque inconvénient qu'il y ait, à cer FOIE. H49 tains points de vue, à faire passer une grande masse liquide dans le tissu du foie, il me paraît que les inconvénients sont encore moindres que si l'on étudie le foie avec la grande masse de sang qu'il contient, masse qui, dans certains cas, peut être égale au poids même du foie. On fera donc passer par la veine porte, avec une pression aussi faible que pos- sible, mais suffisante pour qu'il y ait écoulement : Û"", 30 à 0™,50 de bauteur, un courant d'eauchargéede' grammes par litre de NaClà une températurede SToenviron, et on s'ar- lûtera quand l'e'coulement de liquide par les veines sus-hépatiques sera presque incolore. A vrai dire, le plus souvent les auteurs qui ont fait l'étude chimique du foie n'indiquent pas s'ils ont opéré sur un foie contenant encore du sang ou sur un foie lavé. 11 faut en excepter Zaleski, qui décrit avec soin les moyens de laver le foie (l.'iO litres d'eau pour un foie de cheval). Le mieux, d'après lui, est de faire l'hydrotomie sur l'ani- mal vivant. Il employait de l'eau sucrée, isotonique au sérum, et prenait .soin de vider autant que possible les conduits biliaires de la bile qui y était contenue. Quoi qu'il en soit, le tissu du foie est, comme le sang lui-même, légèrement alcalin. Il devient, quelques heures après la mort, plus ferme qu'au moment de la mort, comme s"il s'opérait dans son tissu une sorte de rigidité cadavérique. Il est probable qu'il y a coagulation d'une matière albuminoïde plus ou moins analogue à la myosine, mais assu- rément non identique (Plosz). D'après Rigart, qui a bien étudié la composition du foie en albuminoïdes, cette rigidité ne serait pas due à la coagulation spontanée de la sub- stance qu'il appelle la cytosine (Voir plus loin, p. 600), substance qui cependant peut se coaguler spontanément. En tout cas, cette acidification est assez rapide, (Est-ce par formation d'acide lactique? Halliburton (1892^ a montré l'influence de la température sur cette acidification après la mort. Temps nécessaire pour l'acidité. tI';mpkrature amfuaxte (18";-.' BAIN A 40". Foie de lapin Foie de lapin Foie de chat Foie de chat 90 minutes. Plus de 2 heures. Plus (le 2 heures. Plus de 2 heures. :i") niiuutes. 65 — 90 - 90 — Le foie contient de l'eau, des sels minéraux, des hydrates de carbone, des graisses et savons, des matières azotées cristallisables, et des matières azotées albuminoïdes. Nous étudierons séparément ces diverses substances. Eau et sels minéraux du foie. — La proportion d'eau dans le tissu hépatique a été donnée anciennement par Bibua (1849) (pour 1000 parties). FEMMK. HOMMK. BciUF. UŒVV. VKAU. CHliVRKUIL. PIGEON. Eau 7G3J 223.69 761,1 238,3 709 291 719,2 280,2 728,0 272,0 728,6 271, i 719,7 280,3 Matières solides . . . O1DT.MANIV a donné les chiffres suivants : Eau Matières solides. HOMNU- r)8 ans 62:;. 9 37i,l HOMME r>8 ans. 82.0,1 174,9 VIEDX chien. 632,8 367,2 .lEUNE chien. 792,7 207,3 560,5 439,5 ESTURGEON 818,2 181,8 782,9 217.1 «)50 FOIE. VûLRMANN (cité par Vierordt, Anat. Daten uni Tahellen, 1893, 2ol) a trouvé 696 d'eau «liez un homme de 62 kil. Dans des foies pathologiques (cirrhose et squirrhe), Bikra, Frerighs et Folwarczny (cités par Gorup-Besanez, 1889) ont trouvé 7;ia,9; 802,0; 783,3; 731,5; 710,3; 775,6; 753,7; 807,8 d'eau dans mille parties. On peut, avec Oidtmann, déduire de ces chiffres que la proportion d'eau dans le tissu hépatique, comme d'ailleurs dans la plupart des tissus, va en diminuant avec l'âge, pour passer de 825 chez le nouveau-né à 650 environ chez les animaux âgés. La moyenne de la proportion d'eau est d'environ 725, sur les foies normaux. Sur les huit foies pathologiques dont nous donnons plus liant l'analyse, elle a été de 760 grammes, ce qui est une différence minime. On peut donc admettre le chiffre moyen de 725 grammes ; chiffre qui se rapproche singulièrement des proportions d'eau qu'on trouve dans le sang et dans les muscles. Zaleski (1886), dans les nombreuses recherches faites par lui pour doser le fer du foie, a trouvé, en prenant de grandes précautions pour le lavage du foie, les proportions sui- vantes de matières solides et d'eau; MATIKRKS SOLIDES jionr 1000 parties. Chien 143,6 Chien 134,1 Chien 173,1 Cheval 223,2 Cheval 184,5 Chien nouveau-në 189,0 Lapin 189,8 Hérisson 75,2 Hérisson 107,3 Fœtus de veau 97,8 Écrevisse (48 sujets). . . . 172,4 Muslela. • . . 223,8 Mustela 207,8 Écureuil 225,6 Lièvre 145,1 I^ièvre 144,7 Fœtus humain de 8 mois. 221,9 Homme (anémie) 207,0 Homme (diabète) 240,8 La moyenne de ces mensurations donne environ 185 parties solides pour mille grammes de foie, chiffre plus faible que celui donné plus haut. Hekfter fl890j donne les pi^oportions suivantes pour des foies de lapin 'moyenne de 15 dosages). Eau 720,0 Matières solides 273,4 Chez 12 lapins empoisonnés avec le phosphore les proportions ont été : Eau 7(i2,5 Matières solides 237.5 Pkrls (cité par Bottazzi, 404) a trouvé sur l'homme, pour mille parties, de 207 ;'i 195 grammes de matières solides. Enfin LuKJANOw (1889) a comparé les proportions d'eau des divers tissus chez des pigeons. Matières solides pour 1000. KO,,:. SANG. VERV K. k U. MUSCLES. 10 pigeons mâles 10 pigeons femelles État 258,4 236.2 lonnal. 232,1 226,5 200,6 196,3 257,8 245,0 FOIE. Matières solides pour 1 000 {stni'' 651 l-(lli:. SANG. CKR VK AU. MU. se I.]-: s. 10 pigeons mâles 10 pigeons femelles Dans i 273,4 282,!» inaniLion. 22(J,4 22 1 ,<) 202,7 201.8 230.(1 238,0 Ces chifl'res prouvent que, dans linanition, il se fait une certaine déshydratation du foie et qu'elle est plus intense que dans le sang, le cerveau et les muscles. En tout cas, le chiffre moyen de 20 à 25 p. 100 de matières solides dans le foie paraît être bien établi. C'est autour de cette moyenne que peuvent osciller les différences indi- viduelles. Quant aux sels minéraux contenus dans le foie, ils ont été déterminés par Oidtmann. La proportion a été la suivante : HOMME de 58 ans. HOMME de 58 ans. NOUVEAU NK. VIEILLI' femme. LAPIN. JIOUNE cliien VIEUX oliien. ICSTURItEON. CARI'K. 11,03 10,66 9,0S 7,18 8,12 8,96 7,39 12,16 13,4 La moyenne est donc très voisine de 10 p. 1000 : comme d'ailleurs pour la plupart des tissus ou des liquides de l'organisme. Les proportions de ces diverses matières minérales sont les suivantes, d'après Oidt- M.\NN. Nous les rapprocherons des matières contenues dans la chair musculaire (Gorup- Besanez, 217). Sels du Foie sur 100 parties de cendres). FO Honuiie. (OinTMANN;. lE. Cil Bœuf. (STOr.ZER . A.IR. Veau. Stakfel). Enfant. lOlDTMANN.J Potasse . . 23,23 14,51 0,20 3,61 2,58 50,18 0,92 0.27 2.74 0.10 0,05 0,01 34,72 11,27 0,07 0,33 4,21 42,75 0,91 0,18 35,94 3,31 1.73 4,86 31.36 3,37 2,07 34,40 2,35 1,45 1,29 48,13 0,81 Soude. . . . Chloi-e P^Oo SO'-H^. . Silice . . . Oxyde de l'ei- MnO CuO PbO. . On voit nettement par là que le phosphate de potasse représente à lui tout seul les trois (juarts des sels inorganiques du foie, aussi bien que pour la chair musculaire, les ^'lobules rouges du sang et le cerveau. La détermination plus exacte de la chaux contenue dans le fuie a été faite par Krïger 652 FOIE. (1894). Ses dosages portent sur 97 foies de veaux et de bœufs de divers âges. Le tableau suivant résume ses recherches, portant sur le calcium, le fer, le phosphore et le soufre. Mais il faut remarquer que ses chiffres se rapportent à mille grammes de matières solides. Or les matières solides ne constituent que le quart du tissu hépatique. Si donc on voulait rapporter les chiffres au foie même, il faudrait les prendre quatre fois plus faibles. Minéraux du Foie (pour 1 000 parties de substances sèches). Ca. Fo. P. •'^• FdHus de 20 à 30 ccntiuv'tros — de 30 à 40 - — de 40 à 50 - — de 50 à 60 — — de 60 à "0 — — de 70 à 80 — — de 80 à 100 — Veaux d'uue spm;iiiic 0,.58 l.Ol 0.81 0,88 0,64 0.78 1,04 1,23 0., 3,50 2,14 1,40 1,81 2,96 3,01) 1,81 1,80 0,86 l,7"i 1,74 1,71 1,73 1,65 1.69 1,72 18,6 17,8 18,2 18,6 17,5 17,0 17,4 ^ 17,7 1 17,7 — • de trois — . ... . . 0,45 ( '^•*" 0,32 ) 0.26 1 13.0 — de quatre — Il constate ainsi qu'il semble y avoir un certain antagonisme, oti plutôt un certain balan- cement, dans la teneur du foie en calcium ou en fer. Ce qui est bien évident, c'est que le calcium a un maximum au moment de la naissance, et qu'à partir de cette époque sa proportion dans le foie va en diminuant jusqu'à l'âge adulte. Nencki et SiMANOvsKi avaient dosé le chlore du foie, et trouvé une proportion de Cl extrèmementfaibIe,soilO,2D p. 1000 en moyenne (0,14; 0,24; 0.26; 0,22; 0,30). Mais, dans des e.\périences faites avec P. Langlois, j'ai trouvé des quantités de Cl bien plus fortes (il est vrai que le foie n'avait pas été lavé). Les quantités ont été de 2, .392; 2,138; 2,011; 2,008; 1,611; 1,628; 1,953; 2,217; en moyenne 1,982. Chez les chiens morts d'hémor- rhagie la quantité de Cl a été plus faible; c'est-à-dire de 1,331 en moyenne, avec un maximum de 1,538, et un minimum de 1,146. Dans un foie lavé, et traversé par un cou- rant d'eau sucrée, la proportion de Cl n'était plus que de 0,388, ce qui peut faire sup- poser qu'une partie du Cl trouvé dans le foie des chiens normaux non exsangues était due au sang contenu dans le foie. Il nous paraît donc assez vraisemblable que c'est le non-lavage du foie, dans nos expériences, qui explique la grande différence (de 1,98 à 0,25) entre les chiffres de Ne.\cr[ et les nôtres. Chez des chiens à jpun, morts d'hémor- rhagie, la proportion de Cl a été la même que chez des chiens alimentés, soit de 1,33 p. 100. Chez des chiens ayant reçu une alimentation très pauvre en NaCI, le Cl du foie n'était plus que de 1,054. Chez des chiens nourris avec un excès de NaCI, le chlore du foie était de 1,171, c'est-à-dire très voisin de la normale (P. Langlois et Ch. Richet, De la 'proportion dca chlorures dans les liquides de l'organisme. Trar. du Lab. de 2:)hysio- logie, 1902, V, 159-178). Le phosphore et le soufre ne se trouvent pas intégralement à l'état de combinaisons inorganiques, de sorte qu'il est absolument impossible d'affirmer qu'il s'agit là unique- ment de sulfates et de phosphates minéraux. Quoi qu'il en soit de la nature organique ou inorganique du soufre et du phosphore du foie, d'après Krlger, la proportion de soufre est à peu près invariable à tous les âges, tandis que celle du phosphore ne change guère pendant la période fœtale, mais va en diminuant notablement à partir du moment de la naissance. En comparant le tissu splénique au tissu hépatique, KiuioEa trouve les chiffres suivants, pour 1000 grammes de matières solides. FOIE. 653 SOUFRE. I-OIE. RATK. PHOSPHORE. FOIE. RATE. Fœtus de 80 à Veaux 100 cciuiniélres n,4 17,7 17,3 17,5 20,:; 17,2 19,8 18,3 17,2 14,6 12,9 13,0 15,9 18,2 12.0 13,7 Bœufs . . Entiii il donne les chiirt'es suivants de soufre, de phosphore et de fer chez l'homme adulte et le nouveau-né (pour 1 000 grammes de matières solides). SOUFRE. PHOSPHORE. FER. 8 individus (dont de 23 à 70 ans. , une femme; 24,6 33,6 12,8 15,4 0,88 3,14 2 nouveau-nés . .... Beaucoup de travaux ont été entrepris à l'effet de connaître les proportions de fer contenu dans le foie. Et le fait remarquable découvert par les nombreux auteurs qui ont poursuivi cette question, c'est que le ft-r est très abondant chez les fœtus et qu'il va ensuite en diminuant avec l'âge. Mais il s'agit là d'une étude toute spéciale qui a été I racée à l'article Fer, auquel nous retivoyotis. Quant aux divers métaux étrangers, zinc, cuivre, arsenic, plomb, mercure, argent, il s'en trouve souvent dans le foie; mais leur origine est facile à expliquer. Le foie a, ainsi que nous le verrons plus tard, la propriété de retenir dans son tissu les matières, miné- rales ou organiques, iqui sont étrangères à l'organisme. Alors, dans le cas d'ingestion de plomb, d'arsenic, de cuivre, ces corps vont se localiser dans le foie plutôt que dans tout autre tissu. Hydrates de carbone, glycose, glycogène. Ferments diastasiques. — L'étude des hydrates de carbone contenus dans le foie est trop intimement liée à la fonction gly- cogéniqiie pour que nous l'aboidions ici. Mous renvoyons donc à l'article Glycogène. Matières grasses du foie. — Les matières grasses du foie représentent, d'après BiBRA, de 18 à 36 p. I 000 chez l'homme; de 23 à .t3 p. i 000 chez les divers animaux. Mais ces chiffres ne signifient rien de bien précis; car le plus souvent le dosage se fait par la quantité de substance qui se dissout dans l'éther. Or l'éther dissout la choles- térine, la lécithine, la jécorine, toutes substances qui sont bien différentes entre elles, et différentes surtout des acides gras ou des graisses. Sur des grenouilles ayant reçu, les unes de la peptone, les autres du sucre, les autres de l'eau, Stolmkow (1887) a trouvé les proportions suivantes (par 1000 grammes de grenouille). PEPTONE SUCRE GRAISSE Cholcstérine 0,22 traces 0,0o Lécilhine 0,51 traces 0,06 Graisses M2 M9 0/76 Total 1,13 0,89 0,87 Comme le poids tle ces foies est, pour 1000 grammes de grenouille, de 30 grammes environ, ces chiffres sont à diviser par 0.03; ce qui donne en matière grasse totale environ 2.ï à 30 grammes p. 1000 de foie. Certains poissons contiennent une bien plus grande quantité de matières grasses (huile de foie de morue). Ces corps ont fait l'objet d'études toutes spéciales, entreprises surtout au point de vue pharmacologique. On ne peut d'ailleurs de ces études tirer aucune conclusion rigoureuse; car les huiles de foie de morue (comme les huiles prove- 654 FOIE. liant d'autres poissons) se préparent en faisant fermenter et pourrir les foies. Il est assez regrettable qu'il n'y ait pas d'étude méthodique faite sur les foies frais de poissons et sur les graisses qu'ils contiennent. Les matières grasses du foie varient énormément avec les différentes conditions phy- siologiques. On sait que dans l'empoisonnement par le phosphore le foie devient grais- seux (voir Phosphore, Arsenic et Foie. Action du foie sur les groisscs, vi, 679). Mais, même à l'état normal, l'alimentation exerce une influence considérable sur la teneur du foie en graisses. Dans l'inanition complète il n'y a presque plus de matières grasses hépatiques. Au contraire, si l'alimentation est riche en graisses, ou même en hydrates de carbone, le foie se charge de graisses. Dans les foies gras des oies alimentées d'une manière toute spéciale et surabondante, la proportion de graisse atteint parfois 17 pour 100 (G.VRXiER, 689). En même] temps que la graisse augmente, les cellules hépatiques s'atrophient, et la sécrétion biliaire diminue (Hoppe-Sevleu). Meissner (cité par Garmer) dit que chez les poules, au moment de la ponte des œufs, il y a plus de graisse dans le foie; les poules qui ne pondent pas ont moins de graisse. Il en conclut que le foie, pendant la ponte, est une réserve destinée à fournir la matière grasse du jaune de l'œuf. D'ailleurs, à l'époque de la lactation, chez les mammifères, le foie des femelles est toujours riche en graisse, ce qui concourt à faire admettre que le foie est un des organes qui forment la graisse du lait, ainsi que la graisse du vitellus (Voy. Formation dégraisse dans le foie, p. 680). La structure chimique du foie est donc, au point de vue de la graisse comme au point de vue des autres substances, en rapport étroit avec sa fonction. Matières albuminoïdes du foie. — D'une manière très incomplète, la proportion des albuminoïdes du foie a été indiquée il y a longtemps par Bibra, qui détermina de la manière suivante, avec les dénominations défectueuses d'albumine soluble et de glu- tine (GoRUP Besaxez. 215), les matières protéiques de foie. Sur 1000 parties. MOYENNE DE SIX INDIVIDUS humains. •> BŒUFS MOYENNE. VEAU. CHEVREUIL. PIGEON. Albuminf 2a, i 16.9 19,0 32.2 17,7 Glutine 42,4 6o,l 47.2 41,7 43,4 TOTAI 6VJ 827o (^2 7'3^ 61,1 Il est d'autant plus difficile de doser la proportion des matières albuminoïdes que, si l'on fait, comme cela est absolument nécessaire pour éliminer le sang, le lavage du foie, on enlève par ce lavage des quantités notables de substances qui précipitent abondam- ment par la chaleur et les acides, même quand il n'y a plus de coloration par le sang. Plosz d'abord (187.3), puis Halliburton (1892), se sont occupés de la détermination plus précise des variétés de substances protéiques du foie. Plosz a étudié le foie dans le laboratoire de Klhne d'après la méthode de Kuhne pour la préparation du plasma musculaire. En traitant la pulpe du foie, tamisée à travers un nouet de linge, par une solution de NaCl k 7,5 p. 1000, on a une masse qui peu à peu s'éclaircit. Les cellules se déposent au fond du vase, et on peut recueillir à la surface un liquide qui filtre facilement et qui contient : a. une albumine qui se coagule à 45°. [3. une albumine qui se coagule à 75" et qui serait une combinaison de nucléine et d'albumine. Quant aux cellules hépatiques, elles contiennent une albumine qui se coagule à 75°, de la nucléine et de la caséine, ou du moins un corps soluble dans les carbonates alca- lins. Ce corps, une fois dissous ainsi, présente tous les caractères de la caséine ou de l'alcali-albumine, encore qu'il diffère de la caséine avant l'action des alcalins par la diffi- FOIE. 6,10 culte avec laquelle il se dissout daus ce réactif. Par l'ensemble de ces caractères il parait très analogue à la ;^lobuline coagulée. En prenant des cellules hépatiques traîches, Plosz a pu préparer uu plasma hépa- tique analogue au plasma musculaire de KOhne; mais ce plasma n'abandonne jamais, par coagulation spontanée, de myosine. Halliburton a distingué les albumiuoïdes du foie d'après la température de coagu- lation. Il sépare par ces coagulations fractionnées quatre albumines. 1 coagulaljlc de 4.j à 50° 2 — de o6 à 60° :i — de 68 à 70° \ — de 70 à 72° La dernière est très peu abondante; les autres sont en quantité notable. L'albumine est probablement une globuline. Elle précipite totalement par un excès de sulfate de magnésium. Hallibdrtox l'appelle hépato-globuline. La seconde précipite aussi en totalité par le sulfate de magnésium : elle laisse après digestion un résidu de nucléine très riche en phosphore. C'est l'hépato-nucléo-albuMiine (l8>',4o de phosphore pour dOO grammes de substance sèche). Elle se dissout dans une solution de carbonate de sodium au centième. L'albumine est une hépato-globuline sans nucléine et sans phosphore; elle ne préci- pite pas totalement par une solution saturée de NaCI. Halliburton l'appelle hépato- globuline (3. E. BiGART a étudié le liquide obtenu par broyage et macération du foie avec de l'eau distillée. Pour que ce liquide ne passe pas trouble par le papier, il ajoute une petite quantité de CO'^Na- et de SO'^Mg ; le précipité de SO^Mg entraîne mécaniquement les granulations hépatiques, et le liquide filtre clair. Par l'acide acétique faible, ce liquide précipite. BiGART appelle cytosine ce précipité qui reste sur le filtre. Dans une solution pauvre en sels la cytosine précipite même par uu courant de C0-. Cette cylosine se re- dissout dans une solution de NaCl à 1 p. 100, dans les alcalis et dans les acides miné- raux (excepté l'acide nitrique). En solution salée elle précipite par le sulfate d'ammo- niaque, mais ne précipite pas un excès de NaCl. Elle se coagule par la chaleur. Bigart ne peut pas rattacher la cytosine à une quelconque des albumines hépatiques étudiées par Halliburton, et il pense que c'est une substance intermédiaire entre les caséines et les globulines; elle se différencie des caséines en ce qu'elle se coagule par la chaleur, et des globulines en ce qu'elle n'est pas précipitée totalement par le sulfate de magnésium. Outre cette cytosine, Bigart a obtenu d'autres albuminoïdes qu'il appelle celhdines, et qui diffèrent de la cytosine parce qu'elles ne sont pas précipitées par l'acide acétique dilué. Leur constitution comme espèces chimiques distinctes est encore très incertaine. D'après Halliburton, on ne trouve dans le foie ni peptone, ni albumose, ni pepsine, ni myosine, ni mucine (à condition qu'on prenne les cellules hépatiques débarrassées de la trame conjonctive), ni fibrin-ferment. Kruppffer a trouvé une substance qu'il appelle c(/fme qui ne se dissout dans les solu- tions alcalines qu'à l'ébuUition. Il assigne à ce corps (cytine hépatique, un peu différente de la cytine des ganglions lymphatiques) la composition suivante : C=o5,0, H=7,09, Az = 14,66, F = 0,19, P = 0,7o, S = 3,66. A vrai dire, ce sont là des données assez empiriques qui ne fournissent guère de ren- seignements intéressants au point de vue du métabolisme dans le foie. Il est cependant assez remarquable de voir que la serine, l'albumine et la caséine manquent à peu près totalement. La grande quantité de nucléine phosphorée est aussi intéressante à noter. Il est probable, d'après les recherches de Zaleski, qu'une matière albuminoïde spé- ciale, combinée au fer, et analogue aux nucléines, existe dans le foie. Zaleski l'appelle hépatine. Bunge, Schmiedeberg, Vay et d'autres auteurs ont préparé encore une autre nucléine ferrugineuse, ou feiratine, qui a été étudiée à Fer. Matières azotées du foie non albuminoïdes. — 1» Matières phosphorécs. — Le foie contient des corps azotés phosphores, et tout d'abord de la lécithine. Heffter (1891) a dosé avec soin la lécithine dans le foie des lapins à l'état normal et 654 FOIE. naiit d'autres poissons) se préparent en faisant fermenter et pourrir les foies. 11 est assez regrettable qu'il n'y ait pas d'étude méthodique faite sur les foies frais de poissons et sur les graisses qu'ils contiennent. Les matières grasses du foie varient énormément avec les différentes conditions phy- siologiques. On sait que dans l'empoisonnement par le phosphore le foie devient grais- seux (voir Phosphore, Arsenic et Foie. Action du foie sur les gruisscs, vi, 679). Mais, même à l'état normal, l'alimentation exerce une influence considérable sur la teneur du foie en graisses. Dans l'inanition complète il n'y a presque plus de matières grasses hépatiques. Au contraire, si l'alimentation est riche en graisses, ou même en hydrates de carbone, le foie se charge de graisses. Dans les foies gras des oies alin)entées d'une manière toute spéciale et surabondante, la proportion de graisse atteint parfois 17 pour 100 (Garxier, 689). En même] temps que la graisse augmente, les cellules hépatiques s'atrophient, et la sécrétion biliaire diminue (Hoppe-Sevler). Meissner (cité par Garnier) dit que chez les poules, au moment de la ponte des œufs, il y a plus de graisse dans le foie; les poules qui ne pondent pas ont moins de graisse. Il en conclut que le foie, pendant la ponte, est une réserve destinée à fournir la matière grasse du jaune de l'œuf. D'ailleurs, à l'époque de la lactation, chez les mammifères, le foie des femelles est toujours riche en graisse, ce qui concourt à faire admettre que le foie est un des organes qui forment la graisse du lait, ainsi que la graisse du vitellus (Voy. Formation dégraisse dans le foie, p. 680). La structure chimique du foie est donc, au point de vue de la graisse comme au point de vue des autres substances, en rapport étroit avec sa fonction. Matières albuminoïdes du foie. — D'une manière très incomplète, la proportion des albuminoïdes du foie a été indiquée il y a longtemps par Bibra, qui détermina de la manière suivante, avec les dénominations défectueuses d'albumine soluble et de glu- tine (GoRUP Besaxez, 215), les matières protéiques de foie. Sur 1000 parties. MOYENNE DE SIX INDIVIDUS humains. 2 BŒUFS MOYENNE. VEAU. CHEVREUIL. I^IGEON. Albumine Glutine ToTAI 2;i.i 42,4 6Vi 16.9 65,1 827o 19,0 47,2 66^ 32,2 41,7 7"3^ 17,7 i3,4 6M Il est d'autant plus difficile de doser la proportion des matières albuminoïdes que, si l'on fait, comme cela est absolument nécessaire pour éliminer le sang, le lavage du foie, on enlève par ce lavage des quantités notables de substances qui précipitent abondam- ment par la chaleur et les acides, môme quand il n'y a plus de coloration par le sang. Plosz d'abord (1873), puis Halliburton (1892), se sont occupés de la détermination plus précise des variétés de substances protéiques du foie. Plosz a étudié le foie dans le laboratoire de Kuhne d'après la méthode de KiJHNEpour la préparation du plasma musculaire. En traitant la pulpe du foie, tamisée à travers un nouet de linge, par une solution de NaCl à 7,5 p. 1000, on a une masse qui peu à peu s'éclaircit. Les cellules se déposent au fond du vase, et on peut recueillir à la surface un liquide qui filtre facilement et qui contient : a. une albumine qui se coagule à 45°. p. une albumine qui se coagule à 75'^ et qui serait une combinaison de nucléine et d'albumine. Quant aux cellules hépatiques, elles contiennent une albumine qui se coagule à 75», de la nucléine et de la caséine, ou du moins un corps soluble dans les carbonates alca- lins. Ce corps, une fois dissous ainsi, présente tous les caractères de la caséine ou de l'alcali-albumine, encore qu'il diffère de la caséine avant l'action des alcalins par la diffi- FOIE. tî.Ho culte avec laquelle il se dissout daus ce l'éactif. Par l'ensemble de ces caractères il parait très analogue à la ;;lobuline coagulée. En prenant des cellules hépatiques traîches, Plosz a pu préparer un plasma hépa- tique analogue au plasma musculaire de KOhne; mais ce plasma n'abandonne jamais, par coagulation spontanée, de myosino. HALLniURTON a distingué les albuminoïdes du foie d'après la température de coagu- lation. Il sépare par ces coagulations fractionnées quatre albumines. 1 coagulable de 4;j à 50° 2 — de 56 à fiO° ;{ — de 68 à 70° 'i- — de 70 à 12° La dernière est très peu abondante; les autres sont en quantité notable. L'albumine est probablement une globuline. Elle précipite totalement par un excès de sulfate de magnésium. Halliburtox l'appelle hépato-globuline. La seconde précipite aussi en totalité par le sulfate de magnésium : elle laisse après digestion un résidu de nucléine très riche en phosphore. C'est l'hépato-nucléo-albuinine (lsr,45 de phosphore pour 100 grammes de substance sèche). Elle se dissout dans une solution de carbonate de sodium au centième. L'albumine est une hépato-globuline sans nucléine et sans phosphore; elle ne préci- pite pas totalement par une solution saturée de NaCI. Hallibuhton l'appelle hépato- globuline |3. E. BiGART a étudié le liquide obtenu par broyage et macération du foie avec de l'eau distillée. Pour que ce liquide ne passe pas trouble par le papier, il ajoute une petite quantité de CO^Na^ et de SO^Mg ; le précipité de SO'Mg entraîne mécaniquement les granulations hépatiques, et le liquide filtre clair. Par l'acide acétique faible, ce liquide précipite. BiGART appelle cytosine ce précipité qui reste sur le filtre. Dans une solution pauvre en sels la cytosine précipite même par un courant de C0-. Cette cytosine se re- dissout dans une solution de .NaCI à 1 p. 100, dans les alcalis et dans les acides miné- raux (excepté l'acide nitrique). En solution salée elle précipite par le sulfate d'ammo- niaque, mais ne précipite pas un excès de NaCl. Elle se coagule par la chaleur. Bigart ne peut pas rattacher la cytosine à une quelconque des albumines hépatiques étudiées par Halliburton, et il pense que c'est une substance intermédiaire entre les caséines et les globulines; elle se différencie des caséines en ce qu'elle se coagule par la chaleur, et des globulines en ce qu'elle n'est pas précipitée totalement par le sulfate de magnésium. Outre cette cytosine, Bigart a obtenu d'autres albuminoïdes qu'il appelle celhdines, et qui diffèrent de la cytosine parce qu'elles ne sont pas précipitées par l'acide acétique dilué. Leur constitution comme espèces chimiques distinctes est encore très incertaine. D'après Halliburton, on ne trouve dans le foie ni peptone, ni alburaose, ni pepsine, ni myosine, ni mucine (à condition qu'on prenne les cellules hépatiques débarrassées de la trame conjonctive), ni fibrin-ferment. KRUPPFFERa trouvé une substance qu'il appelle cytine qui ne se dissout dans les solu- tions alcalines qu'à l'ébullition. Il assigne à ce corps (cytine hépatique, un peu différente de la cytine des ganglions lymphatiques) la composition suivante : C=55,0, H=7,09, Az = 14,60, F=:0,19, P = 0,7o, S==3,66. A vrai dire, ce sont là des données assez empiriques qui ne fournissent guère de ren- seignements intéressants au point de vue du métabolisme dans le foie. Il est cependant assez remarquable de voir que la serine, l'albumine et la caséine manquent à peu près totalement. La grande quantité de nucléine phosphorée est aussi intéressante à noter. Il est probable, d'après les recherches de Zaleski, qu'une matière albuminoïde spé- ciale, combinée au fer, et analogue aux nucléines, existe dans le foie. Zaleski l'appelle hépatinc. Bunge, Schmiedeberg, Vay et d'autres auteurs ont préparé encore une autre nucléine ferrugineuse, ou ferratine, qui a été étudiée à Fer. Matières azotées du foie non albuminoïdes. — 1» Matières phosphorées. — Le foie contient des corps azotés phosphores, et tout d'abord de lalécithine. Heffter (1891) a dosé avec soin la lécithine dans le foie des lapins à l'état normal et 656 FOIE. après intoxication phosphorée. lia calculé la proportion de iécithine d'après la quantité de phosphoi'e, et il admet que ce calcul est exact; car dans l'extrait alcoolo-éthéré il n'y a pas trace de soufre, ce qui indique l'absence de jécorine. Sur treize lapins normaux la proportion de Iécithine a été en poids absolu de iS'^,',iH en moyenne pour des lapins de poids moyen de i 740 grammes. Chez un chien de 9 700 grammes; il y avait 9^'', 171 de Iécithine; et chez un chat de 2 600 grammes, 2"'', 150. La proporlion de Iécithine pour 1000 grammes de foie a été chez ces quinze animaux de 2ie', 1. Le genre d'alimentation ne semble pas exercer d'intluence; mais l'inanition fait diminuer notablement la Iécithine. Si l'on met à part deux lapins morts d'inanition, dont le foie contenait i'6s^,l et IS^^'jQ de Iécithine, les treize autres foies normaux donnent une moyenne de 21^'-, 8 (max. 30='",7) Chez les lapins intoxiqués par le phosphore, la Iécithine diminue en valeur absolue et en valeur relative. Douze lapins intoxiqués n'avaient plus que 11»'', 3 de Iécithine pour 1000 grammes de foie. Chez l'homme, Heffter a dosé la Iécithine dans trois cas où il y avait eu empoison- nement par le phosphore, et i! a trouvé loS'',0 par kilogramme de foie. Chez un criminel il a trouvé 21 grammes, et, chez un phlisique, très amaigri, lisi-,!, état qu'il compare à l'état d'inanition. On peut donc, d'après lui, admettre une proportion normale de 20 grammes de Iéci- thine par kilogramme, en chiffres ronds, dans le tissu du foie. Mais ce chiffre est peut être un peu fort, car 0. Balthazard a dosé la Iécithine en dé- terminant la quantité d'acide phosphorique que donne l'extrait élhéré, c'est-à-dire le mé- lange de graisses et de Iécithine. Il a trouvé, dans les foies normaux, pour 1 000 grammes, 8,5 chez le cobaye; 13, chez le lapin; 12,8 dans le foie d'un homme mort d'accident. Contrairement à Hefftkr, il a vu que l'inanition, au lieu de diminuer la proportion de Iécithine, l'augmente notablement : 25 grammes au lieu de 13 grammes. Tous .les résul- tais qu'il obtient sont différents de ceux de Heffter; car, d'après lui, dans l'iiitoxii'ation phosphorée, comme dans l'infection typhique expérimentale, la proportion de Iécithine augmente; dans un cas de tuberculose, chez l'homme il y avait jusqu'à 43°'', 1 p. 100 de Iécithine. Ce foie pesait 1 950 grammes et renfermait 323 p. 100 de graisse et 431 p, 100 de Iécithine. Dans les foies gras d'oies les valeurs de Iécithine sont plus élevées encore. Dans un cas la proportion de Iécithine était de 229 p. 100 avec 540 p. 100 de graisse. Il admet que la dégénérescence graisseuse du foie s'accomplit en deux stades, un premier stade, formation de Iécithine; et un second stade, transformation de ces lécithines en graisses. La formation de Iécithine serait due à la transformation des matières albumi- noïdes de la cellule hépatique. Dreghsel (1886) a découvert dans le foie du cheval une autre substance phosphorée et azotée. C'est la. jécorine, pour laquelle il propose la formule CiOoHissAz^iSP'O^c. C'est une matière soluble dans l'eau et dans l'éther, décomposée à chaud par les acides minéraux avec production d'acide stéarique. Elle réduit la liqueur cupro- potas.sique. Dreghsel (1896) a retrouvé la jécorine dans le foie du dauphin. L'étude delà jécorine a été faite aussi par Baldi (1887). Il l'a retrouvée dans le foie du chien, du lapin, dans la rate de bœuf, dans le sang et le tissu musculaire du cheval, dans le cerveau humain. Il suppose qu'elle accompagne la Iécithine à laquelle elle res- semble par beaucoup de caractères, et qu'il existe plusieurs variétés de jécorine (jécorine de la rate, différente de la jécorine du foie), comme il y a plusieurs variétés de Iécithine. Les propriétés réductrices de la jécorine ont fait penser à Maxasse (1895) qu'elle pouvait donner, par décomposition avec la baryte, un sucre, ce qu'il a vérifié. Llle donne aussi par l'ébullilion avec la baryte des acides gras, de la choline, et de l'acide glycéro- phosphoriqiie. Le sucre formé est probablement du glycose (Voir aussi Jacobsen. Reduci- rende Substanzen des Blutes. C. P., 1892, 368, 370). 2. Matières non pliosphorées. — Les proportions d'urée et d'acide urique du foie sont assez variables, faibles d'ailleurs. Cette étude sera faite avec plus de détails au chapitre relatif à la fonction uréopoïétique du foie. Quant aux autres substances azotées cristallisables, elles ne sont dans le foie normal FOIE. 657 qu'en toute petite quantité. Almex (cité par Gar\irr,667j a trouvé 0,24 de xanthinc darnsle foie du bœuf. BRiEGER(i6ïV/., 664) a trouvé laneuridine, C'^H'^Az-; la saprine {C^tt^'Az); et la p méthyltétraiitéthylèndlamine. Grandis {ibid., 664) a trouvé une base cristallisabie (C^H'^Az-), qu'il appelle la gcronflne, corps qui paraît faire défaut dans l'âge avancé. Drechsel(1896) atrouvédela c(/s(tne. KossEL (cité parBoTTAzzi,404)a trouvé, sur 1000 gram- ninies de substance sèche, i,î»7 de guanine ; 1,21 de xanthine; 1,34 d'hypoxanthine. Mais il ne paraît pas probable qu'on [uisse attribuer à ces substances un rôle bien actif. Tout fait penser, au contraire, que ce sont des produits non constitutifs du foie. Quand on fait le titrage et la détertninalinn des matériaux d'un organe, naturellement on y dose les produits qui y sont contenus, même ceux qui résultent des opérations chimiques interrompues. Le foie, pris au moment où il fait ses actions chimiques, doit contenir les produits de son activité, de sorte que les corps azotés cristallisables qu'on trouve dans le foie doivent être considérés comme matériaux de désassimilation plutôt que comme matériaux de constitution du tissu hépatique. Dans les foies pathologiques (cirrhose, atrophie aiguë, cancer, etc.), on trouve d'autres substances azotées encore, leucine, tyrosine, acides lactique et paralactique, inosite, etc. ; mais l'histoire chimique de ces foies malades est très incomplète encore. Un fait semble se dégager, c'est que les produits intermédiaires sont plus abondants qu'à l'état normal, comme si le foie malade ne pouvait pas transformer en urée ces divers produits azotés, dérivés de la transformation des matières albuminoïdes dans l'intimité des tissus, et avec lesquels le foie probablement fabrique de l'urée. Autres substances contenues dans le foie. — Le foie contient sans doute aussi d'autrps suustanc's dites extractives, fermants divers, auxquels il doit beaucoup de ses propriétés physiologiques et ciiimiques. Le foie, en elîet, contient des substances toxiques qui coagulent le sang dans les vaisseaux (voir Toxicité du foie, p. 661). Il contient des ferments diastasi(iues multiples et à fonctions compliquées, antipexines, oxydases, etc. Mais on ne pi'Ut guère étudier ces substances chimiques que par les effets qu'elles pro- duisHut sur l'organisme. Elles n'ont été ni déterminées, ni ^isolées. Il en sera parlé dans les divers chapitres spéciaux de physinlojrie du foie. Quant au Ioh' des invertébrés, il contient quelques autres substances dont l'étude sera faite à la physiologie comparée du foie. Bibliographie des chap. I à V. — 1849. — Bibra. Chemische Fragmente iibei- die Leber. 18o7. — ScHWARZE.NBACH. Uebcr den KupfergehaU der menschlichen Leber [Verh. phys. med. Ges. zu Wàrtzburg, vu, 19). 18 >8. — ScHoTTiN. Ueber einige kiinstliche Umwandlungsprodukte durch die Leber {Arch. f. phys. Heiik., n, 336-354). — Oïdtmann. Die anorganische Bestandslheile der Leber, Wiirtzburg. — Thudichum. Xanthic oxide in tke human L. [Med. Times and Gaz., xvii, 570. I8;i9. — Flugge. Zur Chemie der Leber, besonders in pathologischer Hinsicht {Memora- bilien, jv, 17-20). 1871. — Steffen. Ufber Grosse von Leber uni MHz [Jahrb. f. Kinderkrank., v, 47-62). 1.S73. — P. Plosz. Ueber die eiweissartigen Substanzen der L. zelle [A. g. P., vu, 371-391). 1875. — Konkol-Yasnopolski. 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Claude Bernard a le premier bien établi que le foie est l'orgunc je plus chaud de toute l'économie, et que la température maximum du sang est dans les veines sus- hépatiques (1856) ; « Le sang qui s'échappe des veines hépatiques, disait-il, résumant en 1876 ses travaux de 1836, est plus chaud que celui qui u pénétré par la veine porte;, il est le plus chaud de toute l'économie. La glande hépatique est le véritable foyer calorique, si l'on doit donner ce nom au centre organique le plus chaud dont le calo- rique parait rayonner sur toutes les parties voisines. » Et il cite, comme prouvait cette augmentation de la température du sang dans le foie, les expériences suivantes : ^ VEINK PORTE. VEINES .snS-HIÎl>ATIQUES. DIEKÉRENGR i:n vavelh dos veiues sus-hépatiques. 40,2 40,1 40,6 40,9 40,9 + 0.4 + 0,3. + 0,2 Toutefois, en consultant les expériences mêmes de Cl. Bernard, on constate que les intestins, le duodénum, l'estomac, ont une température notablement plus élevée que. celle duioie, comme dans l'expérience ci-jointe, qu'on peut presque prendre pour type :, dej^rd-s. '■''■■ Cai'otide 39,3 .Vorte 40,0 V'eine porte 40,2 Veines hépatiques. . . 40,7 Duodénum 41,1 Cl. Bernard lui-même dif (p. 149) : « Un grand nombre d'épreuves nous ont constam- ment donné ces résuUats. Toujours nous avons trouvé l'intestin plus chaud qiie:!e» gros vaisseaux. » ' ' Il n'en reste pas moins établi que les actions chimiques intra-hépaliques élèvent la température du sang, de telle sorte que le sang des veines sus-hépatiques est le sang le plus chaud de l'organisme — à l'ex^ceplion du sang des veines mésaraïques, — parce que la production notable de chaleur n'est pas ^compensée, à cause de la situation profonde ■ du foie, par une irradiation correspondante de chaleur. ' ■"■■'■ Les travaux de Cl. Bernard, devenus classiques, ont été confirmés par de nonibt'eux- physiologistes, Heidenhain, Jacobson et Leyden, et pardetrès intéressantes obsérvàtiofis de R. Dubois. Aronssohn et Sachs (A. g. P., xxxvii, 2i6) ont vu que, dans la fièvre que j'avais appelée fièvre traumatique nerveuse (piqûre du cerveau chez les lapins), la tem- pérature s'élève partout, mais surtout dans le foie; 42", 7 dans le foie, contre 41", 8 dans le rectum. ■ , ■ , ., Depuis Cl. Bernard, si l'on excepte un travail de Waymouth Reid, qui n'a pu trouver d'élévation de la température hépatique par l'excitation des nerfs du foie, et une' courte note de J.T.efèvre, il faut surtout se rapporter aux importants travaux de Cavazîîani qui a étudié la question à diverses reprises avec beaucoup de soin. J. Lefèvre a vérifié, sur un porc de 16 kilos que le foie était plus chaud (4Ô°,9) qiie les autres parties du corps (Rectum : 39°, o. Muscles : 37"). Le foie se refroidissait tiloihs vite que les autres parties du corps, si l'animal était soumis au refroidissement par 6t)0 FOIE. l'inimersion dans un bain de b"; el même, au début de l'immersion, la température liépatique s'élevait de 0''.4; montant à 41<',3, ce qui constitue la phase liiermogénétique initiale, que l'auteur admet comme constituant le premier phénomène consécutif à l'immersion dans l'eau froide. Les belles expériences de R. Dubois montrent bien la part prépondérante du foie à la thermogénèse. Si en eiïet, chez une marmotte en étal d'hibernation, et à température basse par conséquent, oh fait la ligature des vaisseaux carotidiens ou de l'artère hépa- tique, ou de l'arlère splénique, ou des artères mésentériques, ou de l'artère rénale, on ne trouble guère le réehauflement de l'animal. Au contraire, le réchauffement n'a plus lieu si la veine porte est liée, surtout si les veines sus-hépatiques sont liées au-dessus du foie. Donc la cause principale, presque unique, du réchauffement de l'animal serait dans les combustions inlra-hépatiques pour lesquelles la circulation portale est indis- pensable. La transfusion du sang de la veine porte dans la veine cave produit les mêmes effets que la ligature de la veine porte, ce qui démontre encore la nécessité de la circu- lation porto-hépatique pour le réchaullement de l'animal hibernant. La mesure prise isolément de la température du foie permet aussi de reconnaître directement l'importance de cet organe pour le réchaufîement. Ainsi, dans une expé- rience, au début, entre le rectum et le foie, il n'y avait que 3°2 de différence. Trois heures après le début du réehauflement, la dilféience était de 14". Dans tous les cas observés le foie s'est échaufféje premier, et il s'est refroidi le dernier. Ainsi, d'après R. Dudois, le foie est chez les animaux hibernants l'organe essentiel du réchauffement. Rien entendu, cette action est soumise à l'intlux nerveux. La destruction des nerfs sympathiques [du système porte, comme celle des ganglions semi-lunaires, produit le même effet que la ligature de la veine porte. La destruction du cerveau moyen (quatrième ventricule), qui est le centre de ces nerfs, empêche les phénomènes de réchauffement et de réveil de se produire. Cavazz.vni s'est proposé de résoudre une question importante : celle de savoir si réchauffement hépatique est produit par une combustion intra-cellulaire dans les cellules hépatiques, ou bien sanguine dans le sang. Hn comparant avec des thermo- mètres Raudin |très délicats, donnant le centième de degré, les températures du tissu hépatique et du sang hépatique, il a d'abord trouvé de minimes différences, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, ce qui ne permettait pas de conclure. Il a opéré sur des foies séparés du corps, et constamment trouvé que le sang, au sortir du foie, était un peu plus chaud qu'à l'entrée, ce qui prouve, ainsi que beaucoup d'autres faits concor- dants , que les phénomènes chimiques du foie se continuent quelque temps encore post mortem. - Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que certains poisons, mélangés au sang, abolissent cette aptitude du sang inlra-hépatique à s'échauffer en passant dans le foie. Ainsi le chloral, qui agit sur les cellules nerveuses; le curare, qui paralyse probable- ment les terminaisons nerveuses; le violet de méthyle.qui empoisonne les protoplasmas cellulaires, empêchent le sang de se réchauffer dans le foie; mais l'effet n'est pas le même selon qu'on agit sur le foie in vivo, ou sur le foie séparé du corps. Dans ce dernier cas il n'y a que le violet de mélhyle qui abolisse la thermogénèse hépatique post mortem. Le curare et l'atropine n'ont pas cet effet inhibiteur post mortem, alors qu'il l'ont pendant la vie. Au contraire, la cocaïne, la nicotine, le laudanum, les sels biliaires, ne changent rien à la thermogénèse du foie. ■ L'excitation électrique des nerfs qui se rendent au foie, et spécialement des nerfs va,gues, augmente les phénomènes chimiques j hépatiques, et par conséquent la tempé- rature du sang qui sort du foie. L'asphyxie, laquelle équivaut à une excitation des nerfs vagues, a l4i même effet thermogénétique. L'asphyxie aiguë détermine une élévation rapide de Oo.l, et même 0",2, pendant que la température du rectum est slationnaire, ou, même baisse. Dans une dernière série de très délicates expériences, Cavazzani a enfin bien établi ((ue cette hyperthermie hépatique coïncidait non avec une diminution, mais avec une augmentation dans la production du glycose; que, par conséquent, le phénomène ther- mique observé était, selon toute vraisemblance, dû à l'hydratation du glycogène, qui, en fixant une molécule d'eau, produit de la chaleur. Celte action thermique, influencée par FOIE. 661 les nerfs, et spécialement par les filets centrifuj^es du pneumogastrique, disparaît quand les nerfs sont paralysés (atropine et curare, ou quand le cytoplasma est détruit (vio- let de mélhyle). Avec le sulfate de quinine, injecté à dose mortelle, si l'on entretient la circulation artificielle dans le foie, on trouve que la production de sucre est très notablement diminuée (0,056 p. 100 au lieu de 0,060 p. 100, état normal). Gavazzani en conclut que le poison a une action inhibitoire sur la transformation de glycogène en sucre, et que, en même temps, la température n'augmente pas, après la mort, ainsi que cela se produit quand il n'y a pas d'empoisonnement préalable de la cellule hépatique. De toutes ces expériences se dégagent évidemment des conclusions générales très importantes : la première, c'est que le chimisme hépatique est une des sources actives de la chaleur animale; la seconde, c'est que ce chimisme est influencé par l'action ner- veuse, qui semble agir directement sur le protoplasma hépatique; la troisième, c'est qu'une des réactions essenlielles, et probablement la plus rapide et la plus facile, de ces actions chimiques inlra-hépaliques, c'est la transfoiniation du glycogène en glucose. Que d'autres actions concomitantes ou indépendantes interviennent, cela ne change rien au phénomène principal, qui est la production dans le foie de sucre, par hydratation du glycogène, phénomène exothermique, soumis directement à l'intluence nerveuse. § VII. - TOXICITÉ DU FOIE. OPOTHÈRAPIE HÉPATIQUE. Effets des injections des liquides hépatiques. — Les effets produits par les injections de sels biliaires, décrits à l'article Bile, n'ont qu'une très éloignée ressemblance avec les effets des injections de tissu hépatique réduit en pulpe, ou dissous dans des liquides appropriés'. 11 s'agit là d'expériences toutes récentes, dont l'interprétation est encore assez obscure. FoA et Pellacani, dans leurs expériences de 1883 entreprises à l'efi'et d'étudier le fer- ment fibrinogène, examinaient comparativement les injections faites avec de la pulpe des divers tissus, et ils constataient que l'injection intraveineuse de ces solutions de tissus n'est pas très toxique (sauf la dissolution de tissu hépatique). Des expériences analogues, plus nombreuses et plus méthodiques, furent faites posté- rieurement avec la pulpe du tissu hépatique, par divers auteurs, surtout Giluebt et Carnot, (l'une part; Mairet et Vires, de l'aulre. Nous les exposerons d'abord; puis nous donnerons les résultats obtenus par Abelou.s et Billard avec la pulpe hépatique des écrevisses ; et par Delezen.xe et quelques autres physiologistes avec le sérum des animaux ayant reçu des injections de tissu hépatique. On peut obtenir l'extrait hépatique aqueux simplement en soumettant le foie pulpe à l'action de l'eau, avec addition de chloroforme pour empêcher les fermentations micro- biennes. Cet extrait, quand il est concentré, filtre difficilement; toutefois, sur du papier Chardin, avec la trompe, on finit par obtenir un li(iuide louche, opalescent, se coagulant en masse par la chaleur, quand l'eau a été ajoutée au foie en proportion inférieure à 80 p. 100. l.Je cilorai pour mémoire, d'après Ij.vmoureux (D. Paris, 1898). de curieux passages de Dios, coRiDE (trad. franc., par Martin M.\thée, Lyon, l.:iSO; : «Le foye de l'asne mangé à jeun aide au mal caduc... l'on dit que le foye du bouc, mangé par ceux qui sont passionnez du mal caduc, les fait soudain tomber au paroxisme. Le foye des porcs sangliers réduit en poudre et beu avec du vin veet aux morsures des serpents et des volatilles... L'on estime que le foye du chien enragé mangé rosti par ceux qui sont mords leur asseure de la crainte de l'eaue, etc.. » Dans un autre ouvrage : Le grand thrcsor ou dispensaire et antidoluire tant gênerai que spécial ou particulier des remèdes servans a la santé du corps humain, drescée en latin par Jean Jacques Vecker, et depuis faict français et enrichi d' annotât io7is par Jean du Val (Cologne, 162fi) on lit : « Ceux qui veulent bien préparer les foycs des crissons et autres animaux prennent surtout garde qu'ils ne soyent point par trop aagez avant que de les tuer; et après leur avoir tire le foye hors du corps, il? lo lavent fort avec du i)on vin et l'enferment dans un vaisseau propre pour le faire seicher au four; puis l'en retirent avant qu'il se puisse brusier et le serrent dans des vaisseaux de verre en lieu sec, parmi des feuilles d'absinthe sec où il se peut garder un an. Il est bon d'en prendre en breuvage avec du vin aigre contre les maladies des reins, l'hydropisie, les convulsions, la lèpre et pour arrester le flux des viscères. » ' «62 FOIE. Ce liquide précipite abomlaniment par l'alcool ; après laddition d'alcool, à froid, il est encore trouble, et ce trouble est dû au glycogène qui passe à travers les filtres. On peut aussi préparer des extraits glycérines des extraits peptiques, dans lesquels de la pepsine, ou mieux de la papaïne,ont rendu solubles des produits albuminoïdes pri- mitivement insolubles. Il est bien évident que l'extrait alcoolique (après évaporation de l'alcool) et l'extrait ■ariueux cbauffé à l'ébullition (après filtration) ne contiennent plus de globulines ni d'albu- mines; et leur toxicité se trouve alors très notablement diminuée. La vraie toxicité du foie ne peut être connue que si le liquide hépatique est injecté avant précipitation des albuminoïdes par l'alcool ou par la chaleur. D'après Mairet et Vires, le liquide hépatique tue immédiatement un lapin de 1 kilo- g'ramrae, à la dose de 60*''^o. Avec des doses plus faibles, de 8 grammes à 35 grammes, il y a eu toujours mort de l'animal; mais la mort n'a pas été instantanée. Elle s'est pro- duite au bout d'une heure environ. A l'autopsie, on constate, comme phénomène essen- tiel, une vascularisalion intense de tout l'appareil digestif. L'eslomac, le gros et le petit intestin, le mésentère et les parois abdominales sont sillonnés de vaisseaux. Tout k péritoine semble porter la trace d'une congestion viscérale très intense. C'est cette même, lésion que j'ai trouvée portée à son maximum d'intensité chez les animaux ayant reçu des injections intra-veineuses, soit de sérum musculaire, soit du poison des tentacules des Actinies. Les effets de ces poisons ressemblent beaucoup à ceux des injections de tissu hépatique, notamment par ce caractère essentiel, la congestion viscéro-abdominale. Mairet et Vires ont aussi signalé de la somnolence, une dépression générale, du rayosis; souvent des phénomènes demi-convulsifs, c'est-à-dire une phase d'agitation, succédant à la phase de dépression, pendant laquelle il y a une course précipitée, sans reconnaissance des obstacles; puis un arrêt brusque. L'animal tombe : la tête se rejette en arrière, et, après quelques mouvements convulsifs, la mort survient en opistothonos aigu : tous phénomènes indiquant qu'il y a un arrêt de la circulation bulbo-eneéphalique, probablement un arrêt du cœur, par formation d'un caillot, que ce caillot soit dans le cœur, ou dans les carotides, ou même dans les grosses veines du cœur. Mairet et Vires ont alors songé à étudier les effets du tissu hépatique après ébuUition et séparation des matières albuminoïdes précipitées par l'ébullition, et ils ont vu que le liquide filtré, après ébullition à 100°, possède encore des propriétés toxiques, un peu amoindries, cai'actérisées par la congestion intense de tout le système digestif, par la diarrhée, et par l'affaiblissement général de l'organisme : tous symptômes dus à l'ac- tion d'une toxine, très voisine certainement de celle que nous avons trouvée dans le sérum musculaire du bœuf et dans les tentacules des Actinies, car les phénomènes paraissent à peu près identiques. Quant aux actions coagulatrices du foie, elles sont dues à des ferments que dé- truit la chaleur et dont la nature est voisine des diastases. Est-ce le fibrin-ferment de SCHMIDT? I.a conclusion est donc que le foie possède à la fois des propriétés coagulantes (diastases détruites à 60") et des propriétés toxiques (toxines non détruites à 100°). Sur l'hommef normal, les résultats obtenus par Mairet et Vires n'ont pas été très nets : il y a eu une légère hypothermie, si légère, qu'elle est peut-être due à une autre cause que l'injection même; une augmentation faible de l'urine émise, un peu plus d 'urée excrétée, en tout cas, des phénomènes peu accentués. Gilbert et Carnot ont surtout étudié l'influence de l'opothérapie hépatique sur la glycosurie. Dans une expérience, il s'agissait de la glycosurie expérimentale par piqûre du plancher du quatrième ventricule. Le lapin qui reçut l'extrait hépatique ne rendit pas de sucre, tandis que l'autre lapin, également piqué au plancher du quatrième ventricule, en rendit OB'", 25. Mais la série des plus nombreuses expériences comprend des lapins rendus glycosuriques par l'injection directe du glycose dans les veines. Soit la quantité de glycose injectée égale à 100; la proportion de glycose rendue par les urines sera toujours inférieure, de 20, ou 30, ou 40, ou 50. Appelons R ce rapport. Gilbert et Carnot ont établi qu'il est devenu bien moindre quand l'animal a reçu, un peu avant l'injection de glycose, une injection de tissu hépatique. FOIE. 663 R chez les lapins normaux 38,9 R — — ayant reçu l'extrait hépatique aqueux. 22,9 R - — — l'extrait alcoolique. . . . 22,7 R — — -- l'extrait glycérinp 28 R - — — l'extrait salé 28,1 La moyenne de R chez les lapins ayant reçu des extraits hépatiques est de '24,9, au lieu de 38,9 chez les lapins ordinaires. Comme élément de comparaison, les extraits pancréatiques ont donné des rapports très variables, de 51 à 16; et les extraits de muscles, 36; soit à peu près le rapport moyen normal. L'association de l'extrait pancréa- tique à l'extrait hépatique semble avoir des résultats très favorables, et augmenter la réceplivité de l'organisme au glycose. Sur l'homme normal Gilbert et Carnot ont aussi fait quelques expérences. L'extrait de foie était donné, soit en lavement, soit en ingestion gastrique. Administré en lavement, il semble avoir diminué notablement la glycosurie alimentaire déterminée par l'ingestion d'iine grande quantité de glycose. Mais c'est surtout dans les cas de diabète que l'extrait hépatique, administré par la voie gastrique, a été étudié par Gilbert et Carnot. Sur 2o cas il y eut 18 fois des résultais favorables, diminution ou suppression de la glycosurie. Dans trois de ces 18 cas, il y eut même, sous l'inlluence de l'opolhérapie hépatique, cessation complète de la glycosurie. Trois faits analogues avaient été antérieurement, en décembre 189.T, signalés par Jousset. Pourtant Linossier, dans deux cas de diabète, n'a obtenu] de l'opothérapie hépa- tique aucun résultat favorable. L'extrait hépatique, en ingestion stomacale, semble avoir en tout cas un effet mani- feste sur la sécrétion urinaire, et il y a toujours une élimination plus abondante d'urée (Vidal, Gilbert et Carnot). Assurément le mécanisme de cette action du tissu iiépatique ingéré contre la glyco- surie demeure encore tout à fait inconnu. Il n'importait pas moins de constater le fait. Les observations chimiques ultérieures apprendront dans quels cas on peut ou non espérer voir s'amender la glycosurie, et il ne semble pas, vu l'impossibilité de reproduire le diabète constitutionnel sur les animaux, que la solution de la question relève essen- tiellement de la physiologie expérimentale. L'opothérapie hépatique a été aussi employée dans quelques autres affections, sans grand succès, à ce qu'il semble, sauf dans les hémorrhagies. Cependant Gilbert et Carnot admettent que dans les maladies du foie elle a eu une influence heureuse, dans quelques cas de cirrhose, peut-être dans la goutte. Dans l'ictère les effets semblent favorables, et, en tout état de cause, qu'il s'agisse de l'état normal ou de l'état patho- logique, l'ingestion hépatique augmente la sécrétion biliaire, peut-être parce que les sels biliaires, qui sont les meilleurs cholagogues, se trouvent encore en notable quantité mélangés à la pulpe hépatique. Moiiras dit qu'associée au régime lacté l'opothérapie hépatique semble avoir donné à Vidal (de Blidah) quelques résultats favorables, et à lui-même non une guérison, mais l'amendement de quelques symptômrs. Abelous et Billard ont étudié les efi'ets du suc hépatique de l'écrevissejen injection intra-veineuse, et ils lui ont trouvé des propriétés anticoagulantes sur lesquelles nous n'avons pas à insister ici. (V. plus loin, p. 673.) Dans un tout autre ordre d'idées, mentionnons les intéressantes recherches de Delezenne. Il a injecté une émulsion de foie de chien dans le péritoine des canards; puis, reprenant le sang et le sérum de ces canards, il a constaté que le sérum de ces canards injectés était devenu cytolytique, et spécialement hépato-cytolytique. A la dose de 2 à 4 grammes par kilogramme d'animal, c'est-à-dire à une dose à peu près double de la dose normalement toxique, il produit une mort rapide, parfois en quinze ou vingt heures, avec les symptômes de l'insuflisance hépatique, notamment au point de vue urologique. On constate une diminution considérable du taux de l'urée, et une augmentation parallèle des substances azotées non colloïdes autres que l'urée. Les lésions sonjt strictement limitées au foie. On peut rendre les chiens réfraclaires à l'action hépatolytique de ce sérum en leur en injectant des doses faibles et progressivement croissantes. Il se produit donc probablement une antihépatolysine analogue aux antihémolysine, anti- 664 FOIE. spermolysine et autres anticorps, dont Bordet, Ehrlich et Metchmkoff ont, dans de mémorables travaux, établi l'existence. Bibliographie des chap. VI et VII. — Abelous et Billard. De l'action anticoagu- lante du F. des Crustacés. De l'action du suc hépatique d'Écrevisse sur la circulation [B. B., 1897, 991 et 1078; 1898, 86 et 212). — Berthe (E.). Traitement des hémoptysies tuber- culeuses par Vopothérapie hépatique {D. Paris, 1898, 66 p.). — Billard (G.j. De l'action du suc hépatique des Crustacés sur la circulation et la coagulation du sang {D. Toulouse, 1898, 88 p.). — Delezenne. Rôle essentiel des leucocytes dans ta production des liquides anticoagu- lants par le foie isolé {B. B., 1898, 354-339) ; Sérum antihépatique (C. h., 1900, CXXXI, 427-429). — Cavazzani. Sur la température du foie [Trav. du Lab. de Phys. de Turin, 1893, 1, 1). — La temperatura dcl,F. durante la chiusura dei sui vasi sanguigni {Att. d. Ace. di Ferrara, 1898). — Ulteriori ricerche sulla termogenesi epatiche {ibid., 4 juin 1899). — Action du curare, de l'atropine, du violet de méthyle sur la thermogénèse et sur la glycogénèse dans le foie [A. i. B., 1897, xxvm, 284-306). — Sur une aptitude spéciale du foie à retenir le violet de méthyle {A. i. D., 1896, xxvi, 27j ; Sur la température du F. {A. i. B., 189^, xxui, 13-33); Rech. ultérieures sur la thermogénèse hépatique {Ibid., 1900, xxxiii, 413 422); La temp. du foie durant la fermeture des vaisseaux sanguins [Ibid., 1899, xsx, 190); Intorno ail' influenza del chinino sulla glicogenesi e sulla termogenesi del F. {Ace. di Se. med. e Nat. di Ferrara, juin, 1899). — Claude Bernard. Rech. expérim. sur la température animale {C. R., 18 août et 13 sept. 1836); Leçons sur les propriétés physiol. et les altérât, patholog. des liquides de l'organisme (1839, i, 30-164); Leçons sur ta chaleur animale (1876, 170-194). — Dubois (R.). Physiologie comparée de la marmotte, Paris, Masson, 1896. — Influence du F. sur le réchauffement automatique de la marmotte [B. B., 1893, 233); Sur l'influence du sys- tème nerveux abdominal et des muscles thoraciques sur le réchauffement de la marmotte [B. B., 1894, 172-174); Variations duglycogène du foie et du sucre, du sang et du foie dans l'état de veille et dans l'état de torpeur chez la marmotte et de l'influence des nerfs pneu- mogastriques et sympathiques sur le sucre du sang et du foie pendant le passage de la tor- peur à l'état de veille {Ibid., 219-220). — Foa et Pellacani. Sur le ferment fibrinogène et sur les actions toxiques exercées par quelques organes frais {A. i. B., w, 1883, 36-63). — Galliard. Guérison d'une cirrhose atrophique du foie soumise in extremis à Vopothérapie hépatique {Bull, et Mém. soc. méd. de Hopit., 1903, (3), xx, 81-82). — Gérard (E.). Sur le dédoublement des glucosides par l'extrait aqueux d'organes animaux {B. B., 1901, 99-100). — Gilbert et Carnot. Note préliminaire sur Vopothérapie hépatique {B. B., 1896, 934); Action des extraits hépatiques sur la glycosurie occasionnée par l'injection intra -veineuse de glycose {Ibid., 1081); Act. des extraits hépatiques sur la glycosurie alimentaire {Ibid., 1112); Sur la glycosurie toxique et la glycosurie nerveuse expérimentales {Ibid , 111 4-); De Vopothérapie hépatique dans le diabète sucré {Sem. méd., 19 mai 1897). — Gilbert, Car.xot et Choay. Sur la préparation des extraits hépatiques {B. B., 1897, 1028). — Gilbert et Carnot. Opothérapie hépatique dans les hémorrhagies {B. B., 1897, 443); Rapports qui existent entre les quantités de glycose absorbé et éliminé {Ibid., 1898, 330i; Causes influen- çant le rapport d'élimination du glucose {Ibid., 332); De Vopothérapie thérapeutique fon- dée sur Vemploi des extraits d'organes animaux {Collection Critzmann. Masson, 1898). — Jousset. Opothérapie hépatique {B. B., 1896, 961). — Lamoureux (F.). Opothérapie hépa- tique dans le diabète sucré {D. Paris, 1898, 96 p.). — Lefèvre (.1.). Topographie thermique du porc datis un bain de 30 miiiutes entre i et 9 degrés. Excitation thermogénétique initiale du F. {B. B., 1898, 300-302). — Linossier (G.). Note sur deux cas de diabète traités sans résidtat avec le foie cru et Vextrait du foie {Lyon médical, 12 mars 1899). — Mairet et Vires, Action physiol. de Vextrait de F. sur Vhomme sain {A. d. P., 1897, 333-362; 783-788; B. B., 1897, 437-439); Toxicité du F. Son degré et ses caractères {B. B., 1896, 1071-1073). — Mouras, De la curabilité de la cirrhose alcoolique, en particulier par Vopothérapie hépa- tique (D. Paris, 1901). — Vidal (E.), L'hépatothérapie dans la cirrhose atrophique {B. B., 1896, 960). — Waymouth Reid. Note on the question of heat production in glands upon exci- tation of their nerves (J. P., 1895, xviii, pp. xxxi-xxxm). FOIE. 665 g VIII. - INNERVATION DU FOIE. Résumé anatomique. — Le foie reroit différenls nerfs; toutefois ces nerfs ne sont pas très volumineux, relativement aux grandes dimensions de l'organe innervé. Il est probable que les nerfs sensilifs sont peu abondants, et que la plupart des nerfs du foie sont glandulaires (s('créteurs), ou trophiques, ou vaso-moteurs. Le pneumogasliique gauche se termine en rameaux qui, après avoir contourné la face antérieure de l'estomac, passent dans le petit épiploon gastro-hépatique par où ils entrent dans le foie. Le pneumogastrique droit se jette dans le ganglion semi-lunaire, lequel envoie de nombreux filets au loie. Le foie reçoit aussi à sa face convexe des lilels du nerf phrénique droit. Le phrénique gauche envoie un rameau important au ganglion semi-lunaire. Enlui les phréniques droit et ?auche se terminent par un plexus diaphragmatique, lequel reçoit aussi des filets du plexus cœliaque, et il se trouve là un ganglion (ganglion phrénique de Luschka) qui donne des rameaux au ligament coronaire et au plexus solaiie. Mais la plupart des nerfs du foie viennent du plexus cœliaque qui donne les deux |)lt'xus hépatiiiues; l'un, antérieur, entourant l'artère hépatique; l'autre, postérieur, suivant le trajet de la veine porte; tous deux apportant au foie les filets du sympathique abdominal, par l'intermédiaii'e des ganglions semi- lunaires qui constituent leur point de départ. Ainsi le foie reçoit des filets des racines rachidiennes (neifs phréniques), des racines crâniennes (nerfs pneumogaslriques'!, et du grand s\mpathique (ganglions semi- lunaires [plexus solairel). En outre, comme le ganglion semi-lunaire reçoit la termi- naison du grand s(ilanchuique, il se trouve que le foie est innervé, enfin de compte, par les 4% li^paires cervicales (phrénique) et les "«, 8", 9«, 10" ganglions thoraciques (grand splanchnique) ; il y a donc une vaste étendue de l'axe encéphalo-médullaire qui se trouve directement en rapport avec le foie. Voici comment s'exprime Arxozan (Dict. encycl. ,A.vt. Glycohémie, 1883, ix, (4), 385) : « Du cou à la- légion lombaire, le sympathique est étendu parallèlement à la moelle qui par chaque nerf rachidien lui envoie un ou deux filets radiculaires irami communicantes)... Des six derniers dorsaux naissent sept à huit filets qui se groupent en deux nerfs, nerfs splanchni.iues, lesquels vont se perdre dans le plexus solaire, et c'est de ce dernier que naissent les plex-js nerveux qui le long des vaisseaux vont innerver le foie. Dans ce réseau, aucune dissection ne saurait découvrir le trajet d'un filet nerveux, et c'est l'expérimentalion physiologique seule qui peut nous dire à quelle hauteur les nerfs du foie sortent de la moelle pour se jetm- dans le sympaUii(iue, à quelle hauteur ils quittent le sympathique pour se jeter dans les plexus. » Quant à la terminaison des neifs dans le foie, il est presque impossible d'en donner une description certaine. Pfluger a vu les nerfs se terminer directement dans les cellules hépatiques, et son opinion ne semble pas avoir été sérieusement contredite, quoique KoROLKOFF n'ait pas pu retrouver ces terminaisons glandulaires. En tout cas il existe un riche réseau de fibrilles nerveuses suivant les capillaires et formant, après avoir quitté les capillaires, des plexus nerveux iiitra-lobulaires. Berkley insiste aussi sur le déve- loppement de ce réseau névro-vasculaire et névro-biliaire. Les nerfs, d'après lui, se lerinineiaient par de petits renflements interposés enire les éléments cellulaires. D'une manière générale, on peut donc dire que la terminaison des nerfs dans le foie est assez mal connue. Fonctions des nerfs du foie. — Il n'est pas possible de séparer l'innervation du foie, étudiée au point de vue physiologi(iue, des diverses fonctions du foie, sécrétion biliaire, thermogénèse, glycogénèse, circulation, etc. Aussi le chapitre consacré à celte étude ne peut-il être que très court, p(jur ne pas faire double emploi avec les articles Bile, Diabète et Glycogénèse. a. Sensibilité du foie. — La sensibilité du foie est certaine; mais elle est tout à fait différente à l'état normal et à l'état pathologique. A l'état normal, le foie est peu sensible, tandis qu'à l'état pathologique la sensibilité devient extrême, sinon dans le tissu hépa- tique, au moins dans les voies biliaires, comme l'attestent les douleurs extrêmement vives, avec irradiations dans l'épaule droite, dans le membre antérieur droit et dans les H66 FOIE. lombes, qu'on constate au cours d'une colique hépatique; mais le tissu même du foie n'est pas très sensible à la douleur. Des injections faites directement dans le tissu hépa- tique chez des animaux sains provoquent peu de réactions de défense. Et chez les malades les tumeurs, même volumineuses, du foie sont généralement assez indo- lentes, quand il n'y a pas de propagation aux nerfs du hile du foie et des voies biliaires. Quant aux réflexes dont le foie est le point de départ, à part le réflexe glyco-forma- teur que nous examinerons plus loin, ils n'ont été guère étudiés par les physiologistes, (.es médecins ont eu l'occasion de décrire les phénomènes complexes qui résultent de l'excitation pathologique, traumalique, des voies biliaires. Le calcul biliaire détermine non seulement des douleurs très vives, mais encore des réflexes très intenses (vomisse- ments, diarrhée, ténesme rectal, syncopes, sueurs profuses, etc.), tous phénomènes indiquant la mise en jeu des centres nerveux bulbaires, par l'excitation des nerfs des voies biliaires. Les recherches de Simanowoski (cité par Roger) ont montré qu'on pouvait reproduire chez le chien, par excitation de la vésicule, la plupart des accidents réflexes qui surviennent chez l'homme dans la colique hépatique, à savoir les troubles cardiaques (arythmie), les vomissements, les troubles respiratoires, l'élévation de la température rectale analogue à la fièvre hépatalgique, l'augmentation de la pression sanguine (si les pneumogastriques sont intacts), et même des paralysies consécutives prolongées. |5. Nerfs vaso-moteurs du foie. — Le foie possède des nerfs vaso-moteurs très puissants, et, sous l'influence de leur inhibition, son volume change dans des proportions considé- rables. La circulation y est ralentie ou accélérée; il se congestionne ou s'anémie. Ces faits importants, sur lesquels Vulpi.vn, en ISÎJS, a appelé un des premiers l'attention, ont été étudiés par ([uelques auteurs; c'est surtout Fr. Franck et Hallion qui ont fait l'analyse méthodique des conditions vaso-motrices qui règlent la circulation dans le foie. La première explication qui ait été donnée de la glycosurie consécutive .'i la piqûre du quatrième ventricule a été que cette piqûre détermine une congestion pai'alylique des vaisseaux hépatiques. Mais on se contentait d'étudier les changements de coloration du tissu du foie, procédé sommaire ou indirect, qui n'éclairait guère la question, ainsi que le font remarquer Fr. Franck et Hallion. (C'est aux mémoires de Fr. Franck et Hallion que nous empruntons tous les faits ci-dessous exposés, relatifs à l'innervation vaso-motrice du foie.) Cyon et Aladoif procédèrent plus méthodiquement. Ils prirent la pression de l'ar- tère hépatique et étudièrent les changements de coloration du foie; ils admirent, à la suite de leurs recherches, que c'est dans l'anneau de Vieussens que se trouvent les nerfs vaso-moteurs (constricteurs du foie). Cavazzani et Manca ont étudié la circulation hépatique et l'influence des nerfs par une autre méthode : ils ont mesuré le débit du liquide traversant le foie, et recherché les influences nerveuses qui modifient ce débit. Ils ont conclu de leurs recherches que le sympathique provoque la contraction des vaisseaux hépatiques, mais que le nerf vague est dilatateur des vaisseaux. François-Franck et Hallion ont étudié avec une précision beaucoup plus grande l'in- nervation vaso-motrice du foie. En eflet, ils ont pu mesurer les changements de volume du foie (pléthysmographie), en saisissant le lobe gauche hépatique (chez le lapin) entre deux membranes exploratrices dont la dilatation traduisait les changements de volume hépatiques. En même temps étaient prises les pressions de l'artère hépatique et de la veine porte. En éliminant les influences réflexes, qui, si elles n'étaient pas complètement suppri- mées par la section des rameaux communi(|uanls du sympathique, induiraient en erreur, on voit que les véritables excitations centrifuges vaso-constrictrices directes commencent, dans le cordon sympathique abdominal, à partir de la G'^ et de la 7'' côte. Les vaso-mo- teurs hépatiques fournis au sympathique par la moelle dorsale descendent dans la chaîne pour s'en détacher en presque totalité au niveau du grand splanchnique. La principale origine de ce nerf se fait au niveau du dernier rameau communiquant dorsal. Les effets de vaso-conslriction obtenus par divers auteurs, en particulier par Cyon et Aladoff, par l'excitation du sympathique cervical et de l'anneau de Vieussens sont, d'après François- Franck et Hallion, surtout des effets indirects, réflexes, centripètes. En effet, l'excitation centrifuge du nerf vertébral, qui, chez l'animal intact, produit une constriction hépa» FOIE. 6<>7 tique très nette, ne la produit plus lorsque les rameaux communiquants dorsaux supé- rieurs ont été sectionnés. 11 est important de noter que ces effets vaso-constricteurs du prand splanchnique por- tent aussi bien sur les branches artérielles que sur les branches veineuses, aussi bien sur les capillaires de l'artère hépatique que sur les capillaires de la veine porte. Aussi la compression de l'un ou de l'autre de ces vaisseaux n'empêche-t-elle pas l'effet vaso-cons- tricteur de se produire. Quant aux effets réflexes, le foie est sensible à toute excitation de la sensibilité géné- rale. Les excitations des nerfs de sensibilité générale et du grand sympathique provoquent toujours la vaso-constriction réflexe : celles des nerfs sensibles, viscéraux en venant du pneumogastrique ne la provoquent que dans de rares circonstances, car l'effet observé alors est plus souvent une vaso-dilatation. En même temps que cette vaso-dilatation hépatique, on observe une vaso-constriction de la périphérie cutanée. Quoiqu'il y ait une certaine indépendance entre les variations de volume des divers viscères abdominaux sous l'influence d'une excitation nerveuse, cependant, en général, les vaisseaux de la rate, du foie, du pancréas et de l'intestin se conlractent en même temps; en même temps aussi il se fait, sinon toujours, du moins le plus souvent, une vaso-dilata- tion musculaire et cutanée qui compense les effets de l'hypertension aorlique coïnci- dant avec le rétrécissement des vaisseaux abdominaux. Kn outre, quand une substance toxique, comme la nicotine par exemple, arrive au contact du tissu hépatique, elle provoque le resserrementdes vaisseaux hépatiques, tantôt de la veine porte, tantôt de l'artère hépatique, comme pour faciliter la fixation des poisons (Ions le tissu du foie. Y. Fonctions hépatiques du nerf pneumogastrique. — Depuis Claude Bernard l'action soit centripète, soit centrifuge du nerf vague sur la glycogénèse a été l'objet de divers travaux que nous résumerons brièvement (V. aussi Diabète et Glycogène). 11 faut distinguer dans l'action du nerf vague son rôle centrifuge et son rôle centripète. Pour le rôle centrifuge (moteur ou sécréteur), Claude Bernard ayant montré que la section des pneumogastriques abolit la fonction glycogénique, on avait pensé que le nerf vague agissait comme nerf centrifuge; mais, jusqu'à une époque relativement récente, on n'en avait pas eu la démonstration. Bien plus, on prouvait que d'autres nerfs trans- mettent au foie l'excitation glycoso-formatrice de la piqûre du 4*^ ventricule. Pourtant ce n'était pas une raison de nier l'influence du nerf de la X'= paire. Les premiers, Arthaud et Butte signalèrent ce fait intéressant que l'excitation du bout périphérique du nerf vague par l'injection de poudres irritantes, qui provoquent une névrite lente, produit de la glycosurie. Dans quatre expériences concordantes, Butte vit que la quantité de gly- cose produite parle foie était normalement de 0,028 (en moyenne), tandis qu'elle s'éle- vait à 0,120, c'est-à-dire quatre fois davantage, après électrisation du bout périphérique du nerf vague. Ces chiffres se rapportent à 100 grammes de sang et donnent la diffé- rence de sucre entre le sang de la veine porte et le sang des veines sus-hépatiques. Butte rapproche ce fait de l'observation classique de Claude Bernard, qu'il a d'ailleurs confirmée, que les animaux dont le nerf vague a été coupé, et qui meurent de cette double vagotomie, n'ont plus de glycose ni de glycogène dans leur foie. Cependant le fait a été contesté par Levexe. qui a trouvé du sucre dans le foie et dans le sang de trois chiens qui avaient subi la vagotomie. Levene croit pourtant avoir démontré par l'excitation directe du bout périphérique du nerf vague le rôle de l'innervation dans la production de sucre. Il lui a semblé que la production de sucre augmentait, comme dans les expériences de Butte; et ses chiffres semblent assez démonstratifs : 1,04 sans excitation; 1,86 après excitation; et, chez des animaux à jeun : 1,09 sans excitation; et 2, H après excitation. La proportion de glyco- gène, d'ailleurs bien moins facile à doser, n'a pas été modifiée. D'après Morat et Dufourt. les pliénomènes sont plus complexes; et le nerf vague con- tiendrait à la fois des filets stimulateurs et des filets inhibiteurs de la fonction glyco- poïétique ; de même qu'il contient des filets accélérateurs du cœur, à côté des filets modé- rateurs, plus puissants. Quant au nerf splanchnique, il stimulerait toujours la fonction. MoRAT et Dufourt concluent en disant : L'action centrifuge du vague sur la glycogénèse 668 FOIE. est dépressive, inhibitrice; celte action paraît être la règle quand on a pris soin, avant l'excilalion du vague, de couper les deux splanchniques et de détourner du foie les exci- tations qui pourraient lui arriver par cette voie... mais celte action du vague peut aussi s'exercer dans le sens d'une augmentation de la sécrétion glycosique du foie. Les faits leur manquent pour déterminer les conditions précises dans lesquelles le vague, au lieu d'être inhibiteur, ainsi qu'il est en général, est, comme le nerf splanchnique, stimula- teur de la fonction glycosi(jue. BoRUTTAU admet aussi que la fonction du nerf vague est une sorte d'action régulatrice. Les expériences de W. Dubois, sur les conditions de récliaufl'einent des marmottes en état d'hibernation, se rattachent très étroitement à cette question des nerfs du foie; car il semble bien prouvé que les phénomènes de réchautlement soient dus aux actions chimiques intra-hépatiques. H. Dubois a vu que la section des pneumogastriques dans l'abdomen déterminait de l'hyperglycémie, tandis que la section des sympathiques abdo- minaux et des splanchniques diminuait beaucoup la formation de sucre. En résumé, le rôle du nerf de la X" paire, comme excitateur cenlrifuge de la sécrétion glycosique, est encore incertain; et piovisoirement il paraîtra sage d'admettre l'opi- nion de MoRAT et DuFOURT, qu'il tend plutôt à inhiber la sécrétion qu'à la provoquer. 11 est d'ailleurs inutile de rappeler que le diabète d'origine nerveuse par piqûre du quatrième ventricule n'est pas empêché par la section des pneumogastriques, que par conséquent l'action centrifuge dont le bulbe piqué est le point de départ ne se transmet pas par les nerfs vagues, mais certainement par d'autres lilets nerveux. Quant à l'action centripète du nerf vague, elle ne parait pas douteuse; Claude Ber- nard, ayant coupé les nerfs vagues au cou, vit la formation de sucre s'arrêter; mais, si la section était faite dans l'abdomen, la production de sucre continuait. Donc il y a comme une stimulation normale des terminaisons du pneumogastrique dans le poumon, destinée à maintenir un déversement régulier du sucre dans le sang. D'autre part, l'excitation du bout central a donné de laglycémie. Mais, comme toutes les excitations nerveuses sont plus ou moins capables de provoquer cette glycémie, on ne peut vraiment pas attribuer un rôle spécifique formel au pneumogastrique, comme stimulant de sécrétion rétlexe. Sans doute, par suite de son excitabilité propre, peut-être aussi par les relations d'étroit voisinage entre son centre et le centre des nerfs sécréteurs, il a une action prépondé- rante sur la production de sucre; mais cette action n'est ni exclusive, ni spécilique. 8. Action du nerf splanchnique sur la formation de sucre. — L'action du nerf splan- chnique est moins douteuse; et cependant elle a provoqué de nombreuses controverses. D'abord la simple section n'a pas donné de résultats concordants. Vulpian, qui résumait en 1875 les résultats obtenus, et Laffont, en 1880, ne concluent pas d'une manière formelle. En elfet, si, d'une part, Claude Bernard a vu que la section des nerfs splan- chniques empêche la piqûre du quatrième ventricule de produire de la glycosurie, d'autre paît de Craefe et Schiff ont vu que la section des nerfs splanchniques peut, par elle-même, déterminer de la glycosurie. Cependant, d'une manière générale, Cyo.n et Aladoff, comme Claude Bernard, comme Laffont, comme la [ilupart des auteurs contemporains, admettent qu'il ne peut y avoir glycosurie expérimentale qu'avec l'intégrité des nerfs splanchniques; que par conséquent l'intluence, quelle qu'elle soit, des centres nerveux passe par ces nerfs pour se trans- mettre au foie. •MoRAT et Dufourt fournissent sur ce point des expériences précises. Le diabète asphyxique dû à la glycosurie que détermine l'excitation asphyxique du bulbe cesse de se produire après la section des grands splanchniques. D'autre part, l'excitation de ces nerfs leur a donné constamment un accroissement notable de la formation du sucre, si bien que l'elTet glyco- sécréteur des splanchniques ne leur parait absolument pas dou- teux. Ils font alors remarquer que celte excitation nerveuse, qui amène la formation de sucre, coïncide souvent avec une vaso-constrictiou hépatique, de sorte que les deux phé- mènes sont indépendants. Vulpian avait déjà remarqué que l'excitation des splan- chniques ne modifie pas la circulation dans le foie. Morat et Dufourt disent qu'en général la circulation est ralentie par l'excitation de ces nerfs, et, comme conclusion générale, que les deux phénomènes, l'un sécrétoire et l'autre circulatoire, tantôt s'accom- pagnent, tantôt se suivent, tantôt s'ajoutent, et tantôt s'inversent : ils sont FOIE. 669 donc en somme sans connexion nécessaire, et gouvernés chacun par leurs nerfs propres D'ailleurs, ils ont pu montrer directement l'intluence de l'excitation nerveuse indé- pendante de tout phénomène circulatoire. Le foie est séparé en deux parties : l'une con- serve ses nerfs; l'autre est complètement isolée. Puis on fait la ligature de l'aorte et celle de la veine porte, ce qui interrompt toute circulation, et alors on excite la moelle par une série de petites asphyxies répétées : dans ces conditions le glycogène diminue dans le lobe soumis à l'excitation par rapport à l'autre qui ne reçoit pas d'influence nerveuse. Soit la quantité de glycogène égale à 100 dans le lobe excité, elle a été (moyenne de 10 expériences assez concordantes) de 183 dans le lobe |non excité. Or celte disparition du glycogène ne peut être qu'une transformation en glycose, et cette expérience prouve nettement que le grand s|)lanchnique est un nerf giyco-sécréteur, lequel, indépendam- ment de toute action vaso-motrice, transforme le glycogène en glycose. Des démonstrations analogues ont été depuis longtemps faites pour la glande sali- vaire. On a pu les généraliser à l'estomac, aux glandes sudorales : il est donc tout natu- rel que cette loi de physiologie générale, qui domine l'iiistoire des actions glandulaires, s'applique aussi au foie. La sécrétion est une fonction glandulaire soumise à l'excitation nerveuse propre, indépendante des actions vaso-motrices. Quant à la voie par laquelle se transmettent aux nerfs splanchniques, nerfs réellement excito-sécréteurs, les excitations de la moelle et du bulbe qui déterminent la glycémie, M. L.U'FONT a montré que c'étaient les trois premières paires rachidienncs dorsales. Lorsque ces trois racines sont sectionnées, on ne peut plus provoquer la glycosurie par piqûre du quatrième ventricule. C'est la voie centrifuge de l'excitation médullaire. Mais, dans son important travail, riche de faits expérimentaux et de documents biblio- graphiques, M. Laffont me paraît faire une part beaucoup trop large aux phénomènes vaso-moteurs. Il semble bien, contrairement à ce que croit M. Laffont, que l'activité plus ou moins grande de la circulation hépatique ne change rien au phénomène essen- tiel de la sécrétion de glycose par excitation nerveuse, et que les vaso-dilatations ac- tives ou paralytiques du foie ne sont pas la cause déterminante de la glycémie. Qu'il y ait concomitance des phénomènes, cela n'est pas douteux, mais très probablement il y a indépendance entre la sécrétion hépatique et les conditions circulatoires. En tout cas, quelque positives que soient les expériences de Lakfont sur le rôle des trois premières dorsales comme voies centrifuges, elles n'infirment nullement les autres expériences, notamment celles d'EcKHAHOT qui vit apparaître la glycosurie après section du sympathique cervical, et après l'ablation du ganglion cervical inférieur. Il est vrai que cette expérience d'EcKHARDT peut s'expliquer aussi bien par un effet centripète que par un eflet centrifuge. D'après tout ce que nous savons sur le rôle des excitations ner- veuses viscérales dans la production du diabète, il n'est rien de surprenant à ce que la section du grand sympathique au cou agisse comme un stimulant réflexe. £. Action du plexus cœliaque, du ganglion semi-lunaire et des plexus nerveux du foie. — Les efl'ets de l'excitation de ces nerfs équivalent à ceux de l'excitation du grand splan- chnique, et elles exercent une action immédiate sur la sécrétion de sucre. Les recher- ches très précises de A. Cavazzani, dans le laboratoire de Stefani, ont bien établi ce fait fondamental. Voici cinq expériences dans, lesquelles il y a eu excitation du plexus cœ- liaque, et qui ont donné les chiffres suivants : DIFFÉRENCE GLYCOGÈNE 0/0 GLYCOSE 0/0 GLYCOGÈNE. GI.YCOSE. AVANT l'excitation. APRÈS l'excitation. AVANT l'excitation. APRÈS l'excitation. — 1,131 — 0,162 — 0,569 — 0,892 — 1,647 - —1,001 + 0,38 + 0,048 + 0,281 + 0,068 + 0,310 + 0,217 2,98S 1,751 2,530 1,670 3,948 2,577 1,857 0,989 1,961 0,778 2,301 0,550 0,281 0,17i 0,081 0,523 0,930 0,329 0,455 0,149 0,833 1,577 0,322 0,539 6^0 FO 1 E. Sans entrer dans le mécanisme même de cette transformation (V. Glycogéne), nous devons assurément conclure de ces expériences, comme de celles de Morat et do Dufourt, que l'activité nerveuse transforme eu glycose le glycogéne de la cellule hépatique. Il semble d'ailleurs, pour des raisons qui, quoique théoriques, n'en sont pas moins importantes, qu'il ne puisse en être autrement. Si le glycogéne était immédiatement, au fur et à mesure de sa formation dans le foie, transformé en glycose, il n'y aurait jamais de glycogéne accumulé dans le foie. Il faut donc que l'hydratation du glycogéne puisse se faire à certains moments, sous l'intluence d'une stimulation spéciale, qui est celle du système nerveux, afin que le déversement du glycose dans le sang se conforme aux besoins généraux de l'organisme. On peut supposer, par conséquent, que la diastase qui préside à cette hydratation du glycogéne pour en faire du sucre, n'existe pas à l'état normal, ou n'existe qu'en propor- tions très faibles ; mais que, sous l'influence de la stimulation nerveuse, réllexe ou cen- trale, elle devient subitement plus abondante. Tout se passe comme s'il existait une prodiastase, qui par l'action nerveuse se changerait en diastase active. L'absence d'O dans le sang, ou le CO- du sang, ou la contraction active des muscles seraient les incitations centrales ou réllexes qui détermineraient la production de cette diastase, changeant la prodiastase inactive en une diastase active. Par une autre méthod»\ qui semble moins certaine, Cavazzani a constaté l'action des nerfs sur le foie. Il a vu, après l'excitation du plexus cœliaque chez le chien, se produire des altérations histo-morphologiques de la cellule hépatique. Akanassieff, d'une part, et Lahousse, de l'autre, avaient constaté des faits analogues. Le rôle des nerfs cœliaques dans la vie et la puissance sécrétoire de la cellule hépatique est donc bien démontré. L'excitation du plexus cœliaque n'est pas la seule méthode dont nous disposions, pour juger de son action. L'ablation et la destruction de ce plexus ont été faites par beaucoup d'auteurs, mais elles ne donnent pas de résultats aussi nets que l'excilation. Vdlkmann, Pincus, Lamansky ont observé des troubles divers, très graves, consécutifs à la lésion de ces nerfs importants; diarrhées, péritonites, congestions paralytiques de l'intestin; mais en général ils n'ont guère porté leur attention sur les phénomènes hépa- tiques. Cependant Munk. et Klebs (cités par Lustig) observèrent de la glycosurie après l'ablation, totale ou partielle, du plexus. Lustig, opérant dans de meilleures conditions d'antisepsie, a trouvé, chez des chiens et des lapins dont le plexus cœliaque avait été détruit, de notables quantités d'acétone dans les urines, et il admet qu'on peut provo- quer l'acétonurie expérimentale par les lésions du plexus. Souvent, mais non toujours, il y a une glycosurie concomitante. Dans quelques cas cette acétonurie guérit, et l'animal se rétablit si bien que Lustig conclut que le plexus co'liaque n'est pas absolument indis- pensable à la vie, et que la fonction de ces nerfs peut être remplacée par d'autres nerfs. Conclusion qui paraît assez téméraire; car, malgré une grande habileté opératoire, il est difficile d'être assuré qu'on a détruit tout le plexus cœliaque. D'ailleurs Viola a contesté les expériences de Lustig, et l'acétonurie observée ne lui a paru nullement spécifique d'une lésion du plexus. D'après R. Dubois, la section des ganglions semi-lunaires, ou même d'un seul ganglion semi-lunaire, empêche réchauffement delà marmotte refroidie, c'est-à-dire, en d'autres termes, elle suspend les actions chimiques du foie qui sont la cause principale de réchauffement. D'après Bonome, chez des lapins qui purent rester vivants plusieurs jours après i l'extirpation du ganglion cœliaque, il y eut une diminution considérable de la production , d'urée : en même temps on put constater des hémorrhagies dans le tissu hépatique, ' hémorrhagies interstitielles que Bonome attribue à un trouble de la circulation dans le , foie. 11 tend à penser que c'est par perversion de l'action vaso-motrice (ou trophique) que se produisent ces lésions. L'extirpation des ganglions et du plexus cœliaque diminue certainement la résis- . tance du foie aux causes de destruction et d'altération. Bonome constate que les chiens dont les plexus cœliaques ont été détruits en grande partie ou en totalité (?) survivent ' bien, mais que l'injection de tuberculine ou de poudres inertes dans le foie produit chez eux une sorte de cirrhose expérimentale aiguë, alors que chez les chiens nor- maux celte même injection est sans effet. Tout se passe comme si la section des nerfs FOIE. 671 avait aboli la force de résistance de la cellule aux trauniitismes. Bo.nome aurait aussi observé que chez les cirrhotiques il y a toujours quelque lésion plus ou moins grave des ganglions du plexus cœliaque, de sorte qu'il tend à considérer le cirrhose comme un véritable phénomène trophique dû à une altération de l'influx nerveux sur la cellule du foie. De toutes ces expériences, à quelques points de vue démonstratives, à d'autres points de vue assez imparfaites, il résulte que la fonctio:i sécrétoire glycosique du foie est sou- mise à l'action nerveuse du splanchnique et des ganglions du sympathique. La section de ces nerfs, quand elle est complète, abolit la sécrétion; et leur excitation la stimule. Mais les voies centrifuges sont-elles multiples? et quelles sont-elles exactement? Quel est le rôle précis du ganglion semi-lunaire ? Est-il un simple organe de transmission ? Ou a-t-il quelque pouvoir autonome? Voilà ce qui n'est pas déterminé encore. On ne doit d'ailleurs pas oublier que, même en l'absence de toute stimulation nerveuse, le glyco- gène est transformé en sucre, dans le foie enlevé du corps ; par conséquent, il est probable que la vie de la cellule hépatique se continue après la mort, même en l'absence du sys- tème nerveux stimulateur. Probablement aussi elle ne peut persister longtemps sans sys- tème nerveux, et, si la section des nerfs hépatiques abolit la fonction glycosique à la longue, il est possible qu'au début il y ait un trouble notable, qui puisse induire le physiologiste en erreur. En tout cas, la fonction glycogénique est réglée par des nerfs sécréteurs. Elle ne fait donc pas exception aux autres sécrétions organiques, et elle est soumise aux influences psychiques, réflexes ou autres, que lui transmettent les nerfs sympathiques et rachidiens. 7]. Action du système nerveux central et phénomènes réflexes de la sécrétion glyco- sique. — Nous n'étudierons pas ici les conditions, établies par Claude Bernard dans son expérience fondamentale de la piqûre du quatrième ventricule, d'après lesquelles la glycosurie et la glycémie d'origine nerveuse se produisent, ce phénomène important devant être exposé à l'article Glycogène. Rappelons seulement que, de même qu'il y a un diabète d'origine centrale, il y a aussi un diabète d'origine réflexe; par exemple, après l'excitation du bout central du nerf vague (Gl. Bernard), ou après la section du sciatique (Schiff, Klhne), ou après l'asphyxie (Dastre), ou après des excitations du sympathique cervical (Peyrani), du nerf dépres- seur de Cvon (Kilehne), ou des autres parties du système nerveux central (Schiff). Tous ces faits, très probants et très nombreux, montrent bien que, comme toutes les sécrétions, la sécrétion du sucre par le foie est soumise à l'influence soit directe, soit réflexe des centres nerveux. Cette preuve est tellement puissante qu'il y a lien de se demander si les diabètes d'origine toxique ne sont pas en réalité des diabètes d'origine nerveuse; autrement dit, on peut hésitera admettre que les substances toxiques agissent directement sur la cellule hépatique; peut-être agissent-elles indirectement, par une action primitive sur la cellule nerveuse qui alors va exciter la glande. Quant aux phénomènes pathologiques et au diabète essentiel, dans ses relations avec le système nerveux, nous n'avons pas à nous en occuper ici (voy. Diabète, ui, 804 et suiv., et Glycogénèse). 0. Action des nerfs sur le système biliaire, la formation et l'excrétion de la bile. — Cette élude a été faite à l'article Bile (ii, l.i-i et loi). Conclusions. — En résumé, nous voyons que, malgré l'exiguïté relative des nerfs hépa- licjues, le foie est, comme tous les organes, soumis à l'influence du système nerveux, d'abord pour sa circulation par les vaso-moteurs; puis, pour des phénomènes chimiques, par ses nerfs sécréteurs. Qu'il y ait des nerfs trophiques différents des sécréteurs et des vaso-moteurs, cela est probable, mais non prouvé encore. En tout cas, à côté de ces trois ordres de nerfs centrifuges, il y a des nerfs centripètes, de sensibilité consciente, surtout de sensibilité excito-motrice, nerfs par lesquels le foie se met en rapport avec le reste de l'appareil organique. Le foyer nerveux central excitateur de cette sécrétion est dans le bulbe, et toute stimulation directe ou réflexe de ce centre glycoso-formateur amènera la glycémie. Que ce soient les origines du nerf vague excité par l'inspiration, ou par l'asphyxie bulbaire, que ce soit l'éther injecté dans le foie excitant les terminaisons sensitives intra-hépa- tiques, que ce soit la stimulation de tout autre nerf périphérique agissant par voie 672 FOIE. réflexe, peu importe; il s'agit toujours d'une excitation bulbaire. Cette excitation, par- tant du bulbe, coïncidant peut-être avec une iniiibition qui se transmet par les nerfs vagues, chemine par les trois premières paires dorsales pour aboutir au sympathique, à la chaîne abdominale et spécialement au splanclinique, lequel se distribue au gan- glion semi-lunaire et au plexus solaire. Les nerfs du plexus solaire, à la fois vaso- moteurs et sécréteurs, se terminent par les plexus hépatiques dans le foie, et là ils agissent directement sur la vie chimique de la cellule hépatique. Bibliographie. — Innervation et autres phénomènes fonctionnels. — Bargherini (A.). Conductibililn dcl F. nello stato vivo comparât^ a qiiullu del F. nello stato cadaverico {A. Cong. gen. d. Ass. med. ilal., Siena, 1893, 171). — Barrett. Can man or any other animal exist whilhout a L. {Virg. med. Monthly, 1875, ii, 871). — Baylag (J.). De la valeur de la glycosurie alimentaire dans le diagnostic de l'insuffisance hépatique {B. B., 1897, 1065-1066). — BoNOUE. De quelques altérations du F. à la suite de l'exlirpition du ganglion cœliaque {A. i. B., 1892, XVII, 274-283). Sull'importanza délie aUerazioni del plessus celiaco nella cirrhosi epatica dell' uomo e nella cirrhosi sperimentalc {Ricerche di fîsiologia perel xxv^ An- nivers. di P. Alberto.m, 8°, Bologne, 1901, 151-190). — Boruttau (H.). 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Ueber die Volumverhdllnisse der L. und der Lungen in den verschiedenen Lebensaltern (D, Marburg, 1879). §. IX. — ACTION DU FOIE SUR LES MATIÈRES A LB U M I N O I D ES. L'action du foie sur les matières albuminoïles e.st très complexe et assez mal connue. Nous pouvons l'envisager à div-r-s points de vue. Nous rés-rverons pour un chapitre spécial (§ XI, p. 682) l'action uréopoïétique du foie, et la transformation des matières azotées non alliuminoïdes. a. Action du foie sur la coagulation du sang. — Cette étude ayant déjà été faite à FOIE. 673 l'article Coagulation (m, 831-80'.»), nous n'avons à y revenir que pour indiquer quelques- uns des faits plus récemment établis. On sait que Contejean avait montré que, lorsque le sang peptonisé passe par le foie, le foie lui communique la propriété d'être incoagulabie. Le propeptone n'a presque pas de pouvoir anticoagulant in vitro, ou sur un animal dont la fonction hépatique est sup- primée. Tout se passse comme si le foie, stimulé par la peptone, versait dans le sang une substance anticoagulante. Cette belle expérience, reprise par Gley et Pachon et par Delezenne, a été solidement et irréfutablement démontrée. Si>iRO et Elli.nger ont prouvé que sur des oies, dont le foie a été enlevé et qui cependant peuvent vivre ainsi pendant quelque temps, l'injection de peptone ne rend pas le sang incoagulabie. Ribaut a démontré par une ingénieuse expérience cette propriété du foie de verser, sous l'inlluence de la peptone, une substance coagulante. Utilisant ce fait découvert par Cavazzani que le violet de méthyle injecté par la veine porte se fixe sur les cellules hépatiques, et les rend incapables de produire leurs opérations chimiques coutumières, Ribaut a vu que les animaux (chiens) ayant reçu ainsi cette injpction de violet de méthyle gardaient la coagulabilité de leur sang, malgré des injections de fortes doses de peptone. Dastre et Floresco ont appelé plasma de peptone hépatique le plasma hépatique résul- tant de la macération du foie d'un animal qui a reçu une injection de peptone. Ce plasma de peptone hépatique, s'il est vrai, comme tout le fait penser, (|ue la fonction anticoagulante de la peptone soit due à l'action du foie, contiendrait la substance anti- coagulante que Dastre et Floresgo ont appelée agent zymo-frénateur, la coagulation du sang étant due à une zymase, et le plasma de peptone hépatique inhibant l'action de cette zymase. Spiro et Ellinger avaient montré que cette substance conserve ses pro- priétés, même après ébuUition à 100°. Dastre et Floresgo prennent le foie d'un chien qui a subi une injection de peptone et le digèrent par la papaïne. Ce produit bouilli pro- duit l'arrêt de la coagulation du foie in luïro exactement comme le plasma de propeptone hépatique. Mais si, au lieu d'employer le liquide bouilli, on l'emploie tel quel, on constate qu'il accélère la coagulation in vitro et in vivo. On peut donc croire qu'il y a, dans le produit de la digestion papaïnique, à côté de l'agent zymo-frénateur hépatique (substance anticoagulante du foie) un agent antagoniste (zymo-accélérateur) qui y existerait comme dans d'autres extraits d'organes (Wooldridge). L'ébuUition serait le moyen de séparer ces deux agents. Le Moaf et Pachon ont fait remarquer que la production de l'agent zymo-frénateur (que, pour simplifier, nous appeWevons antipexine) est liée à l'intégrité de la cellule hépa- tique; car la peptone broyée avec le foie extrait du corps ne la fournit pas, alors qu'elle se forme par injection de peptone dans le sang. Billard a fait, sous la direction d'ABELOus et en collaboration avec lui, une série de travaux méthodiques sur les eiîets anticoagulants du foie des crustacés. Heidenhain avait montré ((uele sérum musculaire des crustacés retarde et môme empêche la coagulation du San?. Billard a vu que le suc hépatique des crustacés a la même action : m vitro le suc hépatique agit sur la coagulation (antipexine directe) ; mais, s'il est injecté dans les veines d'un animal (chien ou lapin), les eff^^ts sont encore plus nets à plus faible dose. Us ne se produisent pas si le sang ne circule pas dans le foie; par conséquent, le mécanisme est le même que pour la peptone. C'est le foie qui sous l'intluence (indirecte) du suc hépa- tique sécrète une antipexine. La substance qui agit ainsi directement sur le foie n'est pas détruite par la chaleur (100°), ni par l'alcool. L'alcool donne un précipité qui est actif, et qui se redissout dans l'eau salée. C'est l'antipexine directe. Au contraire, l'antipexine indirecte, qui n'agit qu'après avoir passé par le foie, n'est pas précipitée par l'alcool. Il y a donc, selon toute apparence, deux sortes de substances qui arrêtent la coagulation : les unes agissent directement comme zymofrénatrices du fibrin-ferment; les autres agissent médiatement en provoquant l'action anticoagulante du foie. Delezenne montre que la propriété de déterminer une antipexine dans le foie est com- mune à beaucoup d'autres substances que la peptone. Le sérum d'anguille, les muscles d'écrevisse, les extraits d'organes contiennent tous ces antipexines indirectes. Les venins de serpent, les toxalbumoses végétales (ricine, abrine), les toxines du staphylocoque et du bacillus pyocanique ont aussi cette action. Mais, d'après lui, ces corps n'agiraient pas DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TO.ME VI. 43 674 FOIE. directement sur le foie. Ce serait par l'intermédiaire des leucocytes. Ils amènent, en effet, une leucocytolyse énergique, de sorte que les agents anticoagulants ne seraient, d'après lui, anticoagulants que parce qu'ils sont leucolytiques. Aussi bien les produits de dés- agrégation des globules blancs (histones et cytoglobines) seraient-ilsà la fois pexiques et antipexiques; et, si le foie paraît agir, c'est parce qu'il arrête les substances qui hâtent la coagulation et laisse passer les autres. Mais, si ingénieuse que soit cette théorie, elle est difficile à soutenir; car, ainsi que l'a fait remarquer Arthus, nombre de substances, voire même l'eau distillée, sont leuco- lytiques, et cependant elles ne provoquent dans le foie aucune formation d'antipexine. 11 est certain que les phénomènes sont bien plus complexes que nous ne le supposons; car une injection première de peptone donne l'immunité (au point de vue de l'antipexie) contre une seconde injection de peptone; mais ne protège pas contre d'autres actions antipexiques. 11 faudrait donc admettre autant d'antipexiques qu'il y a de corps différents (extrait de sangsue, sérum d'anguille, venin de vipère, foie de crustacés, extraits des moules, etc.); ce qui n'est pas absurde assurément, mais ce qui rendrait cette chimie physiologique singulièrement compliquée, et presque inabordable. En tout cas, ce qui est évident, c'est qu'à côté de la substance anticoagulante du foie (autipexine indirecte) il existe une substance coagulante. WooLDRiDGE, BucuANAN, FoA et Pellacani, et, avec plus de précision, Contejean, ont montré cette action zymo-accéiératrice des extraits d'organes, et notamment de l'extrait hépatique. On pouvait donc supposer a priori que ces extraits sont toxiques parce qu'ils hâtent la coagulation et déterminent des thrombus dans les vaisseaux. De fait, c'est le contraire qui s'observe, et la mort survient avec un sang incoagulable. Comment expli- quer cette anomalie apparente? WooLDRiDGE a cssayé de l'expliquer par une différence de dose. A dose faible, le sang est incoagulable; â dose forte, au contraire, il se fait des thrombus; mais cette explication ne peut être considérée comme valable; caria peptone, par exemple, rend le sang d'autant plus incoagulable qu'elle est injectée en plus grande quantité. A vrai dire, on ne peut comparer l'injection de peptone à l'injection d'extrait hépatique, beaucoup plus complexe. W. H. Thompson, dans un très bon travail, a montré que les différentes peptones ne sont pas identiques. Les antipeptones (tryptones) activent la coagulation, tandis que la peptone vraie (purifiée) la retarde, à des doses variant entre 0,2 et 0,005 par kilo. Tous ces faits, encore mal expliqués et assez disparates, semblent établir que le foie possède simultanément des pexines et des antipexines. Que les pexines (ou zymo-accé- lératrices) existent dans le foie normal, cela n'est pas douteux. Il est moins certain qu'il existe des antipexines (ou zymo-inhibitrices), exception faite du foie des crustacés. En tout cas, sous l'influence de certains stimulants, soit directement, soit par l'intermédiaire des produits de désagrégation des leucocytes, le foie donne naissance à des antipexines, et il les produiten quantités si considérables quel'activité des pexines est alors tout à fait annihilée. Toute cette étude physiologique est d'ailleurs encore fort obscure, et ce n'est pas l'action du foie sur la production de fibrine qui contribue à l'éclaircir. Anciennement Lehma.xx avait constaté, dans des expériences classiques et repro- duites par tous les auteurs, que le sang des veines sus-hépatiques ne contient pas de fibrine, et en tout cas beaucoup moins que le sang de la veine-porte, qui en a de 4 à 5 p. 1000. Ce fut aussi l'opinion de Cl. Bernard qui constata cependant que le sang sus-hépa- tique, piivé de fibrine, reste coagulable, et que par conséquent les deux phénomènes sont indépendants l'un de l'autre. Mais cette diminution de fibrine dans le sang sus- hépatique a été contestée par divers auteurs, par Paulesgo, par Colin, par Mathews, par Béclard, de sorte que rien n'est plus discordant que l'opinion des physiologistes sur la teneur en fibrine du sang des veines sus-hépatiques, soit â l'état de jeûne, soit pendant la digestion. Gilrert et Carnot, reprenant cette expérience, admettent que la fibrine fila- menteuse manque dans les veines sus-hépatiques, mais qu'il y a néanmoins de la fibrine, qui se coagule en petits grains. Il n'existe pas, disent-ils, identité absolue entre le phé- nomène même de la coagulation et la formation des filaments de fibrine (voy.^ Fibrine).; FOIE. 675 Est-ce à la destruction de fibrinogène dans le foie qu'est due cette diminution de la fibrine? Dastre, en faisant la défibrination successive du sang, admet que le foie est, comme le rein, un organe destructeur de fibrinogène. Mathevvs, sans avoir fait d'expé- rience sur le foie, accepte cette opinion provisoirement, et conclut que le fibrinogène vient de l'intestin, et probablement des leucocytes et ganglions lymphatiques de l'intestin. En l'absence d'observations plus précises, il semble plus rationnel de rester, avec Gilbert et Carnot, dans le doute scientifique, lelativenient au rôle du foie dans la production ou destruction du fibrinogène, tout en regardant comme plus vraisemblable que le fibrino- gène se détruit en passant dans le foie. II est d'ailleurs difficile de voir le lien qui réunit cette destruction du fibrino- gène (très hypothétique) avec les phénomènes de pexie et d'antipexie étudiés plus haut. p. Action sur les matières albuminoïdes. — Il reste peu de chose à dire de l'action dti foie sur les matières albuminoïdes, si l'on élimine d'une part l'action sur la fibrine, d'autre part celle de la coagulation du sang; et surtout si l'on traite à part, comme on le verra plus loin, l'action uropoiétique du foie. Pour l'albumine comme pour les toxines, pour les matières grasses et peut-être pour les matières sucrées, le foie a la propriété de garder et de retenir dans son tissu les élé- ments chimiques qui ne font pas partie de la constitution normale du sang; c'est-à-dire, en somme, les matériaux de la digestion. Au moment ofi la digestion introduit des pep- tones dans le sang, ces peptones de la digestion, qui ne sont sans doute que partiellement transformées en albumine et serine, sont retenues par le foie. L'expérience directe a été faite par injection de peptone. En même temps que le sang peptonisé a la propriété de faire produire une antipexine par le foie, la peptone est arrêtée dans le foie. Selon toute apparence, au moment de la digestion, il n'y a que très peu de peptone qui passe dans la circulation; car la peptone est presque intégralement transformée en albumine; en tout cas, cette petite quantité de peptone, qui échappe à l'action déshydratante de la muqueuse intestinale et des lymphatiques intestinaux, est retenue par le foie. Bouchard et Roger ont montré que le foie transforme la peptone en albumine parfaite. « Si en effet on injecte, dit Roger, de la peptone par une branche de la veine porte, on ne trouve dans l'urine ni peptone ni albumine; si l'injection est pratiquée par une veine périphérique, il se produit de la peptonurie et de l'albuminurie; une partie de la pep- tone peut donc se transformer, en dehors du foie, en une albumine qui n'est pas assi- milable. Ce résultat, contredit par Boulengier, Denayer, Deros, cadre pourtant avec d'autres expériences. Plosz et Gyergyai, au moyen de circulations artificielles, ont cons- taté que les peptones disparaissent en traversant certains tissus ou certaines glandes, notamment le foie; reste à savoir si elles se transforment en albumine, comme cela est probable, ou en sucre, comme le soutient Seegen, ou en matière fibrinogène, comme le pensent Artuaud et Butte... Si l'on juge par la fréquence des albuminuries et des pepto- nwies, au cours des affections hépatiques, on est porté à conclure que le rôle du foie sur ces différentes substances mériterait d'être mieux étudié ; seulement on se heurte à des difficultés techniques considérables. » L'action du foie sur les albumines non normales du sang ressemble à celle du foie sur les peptones. Claude Bernard, ayant injecté de l'albumine d'œuf dans la veine jugu- laire, la retrouve dans l'urine. Mais, si cette albumine est injectée dans la veine porte, elle ne reparaît pas dans l'urine. Donc elle a été retenue, ou plutôt assimilée après transformation, par le foie. Bouchard (cité par Roger) a constaté un fait très analogue après injection intra-veineuse de caséine. Injectée dans le sang général, cette caséine reparaît dans l'urine; mais, si elle est injectée par la veine porte, on retrouve de l'albumine dans l'urine, et non plus de la caséine, comme si le foie avait transformé la caséine en albumine, mais en une albu- mine imparfaite qui n'est pas assimilable. C'est une expérience qui aurait assurément besoin d'être vérifiée. Quant à la transformation de l'albumine en sucre ou en graisse, nous renvoyons à f article Glycogénése, ainsi qu'au chapitre relatif à la formation des matières grasses dans le foie (p. 675). y. Autres fonctions chimiques. — Le foie a encore d'autres fonctions chimiques, mais elles sont vraiment bien inconnues; cependant nous pouvons admettre qu'elles sont très importantes, même si l'on élimine l'action glycogénique et la sécrétion biliaire. 676 FOIE. D'après Poulet (cité par Roger), le sang porte renferme un tartrate,, qui dans le foie se transforme en hémocitrate, lequel jouerait un rôle capital dans la respiration; car, au niveau du poumon, il régénérerait de l'acide tartrique. Wyssorovitch a constaté que le sang passant à travers le foie se chargeait d'acide lactique, qu'il s'agisse de sang artériel ou de sang veineux. Soit x la quantité d'acide lactique contenu dans le sang avant son passage (circulation artificielle) dans le foie, après passage cette quantité a été en milligrammes de .r + 16 + 68 + 9 + 44 + 87 + 38 4- 77 + 39 + 33. Ce fait semble être en contradiction avec l'observation classique de MiNROwsRT que les oies dont le foie a été enlevé ont une grande quantité d'acide lactique dans les urines. Nous ne parlerons pas ici des modifications graves de la nutrition, déterminées par les maladies du foie (acétonurie, indicanurie, etc.); car il s'agit là de phénomènes plus compliqués encore que les phénomènes normaux, et on n'explique pas obscurum per ohscurius. Bibliographie du § IX. — Arthus (M.). Influence des macérations cVorganes sur la vitesse de la coagulation du sang de chien, in vitro [B. B., 1902, 136-137). — Billard (B.).De l'action du suc hépatique des crustacés sur la circulation et la coagulation du sa'ng (D. Tou- louse, 1898). — Dastre (A.). A propos de la recherche des ferments endo-cellulaires par la dialyse chloroformique (B. B., 1901, 171-17.3). — Dastre et Floresco. Méthode de la digestion papaïnique pour épuisement des tissus en général et V isolement de cjuelques fer- ments et agents zymo-excitateurs ou frcnateurs en particulier (B. B., 1898, 20-22); De la méthode des plasmas à Vétat liquide ou en poudre pour l'étude du flbrin-ferment [thromhase] {Ibid., 22-24). — Delezenne (C). Le leucocyte joue un rôle essentiel dans la production des liquides anticoagulants par le foie isolé (B. B., 1898, 3r)4-3o6); Rôle respectif du foie et des leucocytes dans Vaction des agents anticoagulants (Ibid., 357-339); Action du sérum d'an- guille et des extraits d'organes sur la coagulation du sang [A. d. P., 1897, 646-660). — FiQUET (E.). Action des albumoses et des peptones en injections intra-vasculaires {C. R., 1897, cxxiv, 1371-1374 et B. B., 1897, 459). — Lebas (G.). Recherches sur l'immunité contre Vaction anticoagulante des injections intra-vasculaires de propeptones (D. Paris, 1897). — Lépine (R.). De la formation du sucre aux dépens des matières albuminoïdes {Giycogénie sans glycogènef (Sem. méd., 13 déc. 1899). — Mathews (A.). The origin of fibrinogen [Am. Journ. of Physiology, m, 1899, 53-84). — Pigk et Spiro. Ueber gerinnungshemmende Ag en- tien im Organismus hôherer Wiebelthiere (Z. p. C, 1900, xxxi, 235-281). — Ribaut (H.). Action du violet de méthyle sur la fonction anticoagulante du foie (B. B., 1901, 442-443). — Spiro (K.) et Ellinger (A.). Der Antagonismus gerinnungsbefôrdernder und gerinnungs- hemmend^r Stoffe im Blute, und die sogenannte Pepton-lnimanitât [Z. p. C, 1897, xxiii, 121-160). — Thompson (W. H.). The physiological effects of peptone lohen injected into the circulation (J. P., 1899, xxiv, 374-410). Pour les travaux antérieurs voir Coagulation, ni. § XI. — FONCTIONS ADIPOGÈNE ET ADIPOLYTIQUE DU FOIE. Le foie acertainement une double action manifeste sur les graisses ; il contribuée leur formation et àleur destruction. Nous allons examiner successivement les points suivants : A. Fixation des graisses du sang et de l'alimentation dans le foie. B. Formation de graisses dans le foie aux dépens des hydrates de carbone et aux dépens des albuminoïdes. C. Destruction des graisses dans le foie et transformation en sucres et en autres substances. A. Fixation des graisses du sang et digestion dans le foie. — La méthode la plus simple pour résoudre cette question paraît être la méthode ancienne, celle qu'avait adoptée Simon, en 1840, dans des expériences classiques, à savoir l'analyse comparée du sang de la veine porte et du sang des veines sas-hépatiques. Lehmann (cité par Cl. Bernard, Physiol. expér., i, 146) avait trouvé sur des chevaux 0,04 de graisse dans le sang de la veine porte, et 0,0005 dans le sang des veines sus-hépatiques.. FOIE. 677 Celte méthode, employée par Drosdoff sur quatre chiens en digestion, lui a donné los résultats suivants, qui semblent extrêmement nets : POUR 100 GRAMMES DE SANG. MOYENNE DES IV KXPERIBNCES. Cliolestérine. Lécithino. Graisses. Sang de la veine porte — des veines sus-hépatiques. . 0,097 0,36.^ 0,110 0,241 0,504 0,084 Celte expérience, quoiqu'elle soit contestée par Flijgc.e d'une part et par Paton de l'autre, semble pourtant prouver que les graisses de la digestion passent au moins par- tiellement dans la veine porte (sous forme de savons?) et que dans le foie elles y subissent une transformation; peut-être une fixation, peut-être en partie une dissocia- tion, devenant cholestérine et lécithine qui passent dans le sang des veines hépatiques. Mais l'expérience a été faite d'une manière plus simple et, à ce qu'il paraît, plus con- cluante, par d'autres auteurs. I. MuNK, injectant des savons dans une veine périphérique, voit que la dose toxique (sur le lapin) est d'environ 0,10 par kilogramme. Mais, si l'injection est faite par la veine porte, le savon cesse alors d'être aussi toxique, et il en faut environ 0,4 ou 0,5 pour amener la mort. Par conséquent, le sel gras de soude a été retenu par le foie. Peu importe qu'on appelle ce phénomène accumulation de graisse dans le foie, ou action antitoxique du foie, le résultat est le même : c'est la fixation des matières grasses dans le tissu hépatique. Lebedëff a expérimenté sur un chien en inanition : il lui a donné à manger exclu- sivement de la graisse, ce qui n'a pas empêché l'animal de mourir. Son foie, de 210 grammes, contenait une quantité énorme de graisse, 41, îi. Par conséquent, la graisse de l'alimentation s'était accumulée dans le foie. Salomon (cité par Lebedëff) a vu, chez des lapins nourris avec de l'huile d'olive, la graisse s'accumuler dans le foie. Gilbert et Car.\ot ont fait sur ce même sujet des expériences décisives. Ils injectaient par la veine porte, chez des lapins, des cobayes et des chiens, une cer- taine quantité d'huile finement émulsionnée. Sur les animaux ainsi injectés et sacrifiés en série, de quelques minutes à quelques jours après l'injection, on pouvait voir que le foie était graisseux, huileux, laissant écouler, quand on le coupait, un liquide gras, iden- tique à la graisse injectée : la conclusion formelle est donc que la graisse avait été rete- nue par le foie. En injectant du lait par une veine mésaraïque, on constate que la coupe du foie laisse écouler un liquide blanc contenant les graisses émulsionnées du lait. Si l'on regarde ces foies au microscope, on voit que les cellules hépatiques contiennent quantité de gouttelettes graisseuses qui se colorent en noir par l'acide osmique. Quant aux capillaires, ils sont remplis de gouttes graisseuses qui sont appliquées aux parois des capillaires; quelques-unes ont même pénétré dans les cellules endothéliales. Cette localisation cellulaire dure quelques jours. Vers le dixième jour toute graisse a disparu. Gilbert et Carnot ont aussi refait avec les savons l'expérience de Munr, et constaté, comme lui, que les savons injectés par la veine porte sont pris par la cellule hépatique. Plus récemment, Carnot et M"'' Deflandre, étudiant cette fixation de giaisses dans le foie — c'est ce qu'ils appellent la fonction adipopexique, — ont fait ingérer à des cobayes différents corps gras, beurre, huile de foie de morue, huile de pied de bœuf, huile végé- tale, et ont constaté que les quantités de graisses fixées dans le foie sous la forme, soit de graisses neutres, soit de savons, étaient assez variables. Les huiles animales, et no- tamment les matières grasses du lait et de beurre, sont fixées en plus grandes propor- tions que les huiles végétales. Il est possible que cette fixation soit en rapport avec l'assimilation même des graisses [B. B., 1902, 1514-1516). «78 FOIE. Il est donc impossible de nier le rôle du foie dans la fixation, temporaire ou non, des graisses de l'alimentation. Sans donner, il est vrai, à ce qu'il semble, d'expérimentation directe à l'appui, Cl. Bernard avait dit : « Si l'on pousse une injection de graisse dans la veine porte, elle ne passe que très difficilement dans les veines sus-hépatiques et se fixe dans le tissu du foie. » Il est certain que, dans la digestion normale des matières alimen- taires chargées de graisses, les graisses ne passent qu'en petite quantité par les veines. La plupart des matières grasses suivent les chylifères, mais les savons peuvent passer par les veines, et il y a sans doute des matières grasses qui échappent aux chylifères. Expérimentalement on peut injecter des graisses dans la veine porte. D.-N. Paton a fait quelques expériences sur ce point. D'abord, par la composition (en graisse) du foie déjeunes lapins nouveau-nés, d'une même portée, il constata que l'alimentation grasse constamment augmentait la quantité de graisse du foie. Quatre jeunes lapins sont mis à l'inanition ou à une nourriture sans graisse. Le quatrième lapin est, au contraire, nourri avec du lait et de la crème. Chez celui-là il y a un extractif éthéré de 11,9 p. 100: chez les trois autres lapins l'extractif éthéré est de 4,03. Sur quatre lapins, dont deux furent nourris avec du lait, deux avec une alimentation végétale, l'extractif a donné en moyenne 4,95 pour les lapins nourris au lait, 4,41 pour les lapins nourris avec des herbes. Sur deux autres lapins, l'un fut nourri avec du lait; il y avait 6,03 p. 100 d'ex- trait éthéré dans le foie; l'autre, en inanition pendant quarante-huit heures, n'avait que 4,93. RosENFELD a moutré (sur des chiens recevant de la phloridzine) qu'il n'y avait d'accu- mulation de graisse dans le foie que si l'on donnait aux animaux une alimentation grais- seuse. On retrouve dans le foie la nature même de la graisse qui a servi d'aliment (huile de la noix de coco), de sorte que certainement cette graisse a été déposée dans le foie et provient directement de l'aliment. Si alors on interrompt l'alimentation grasse, on voit cette graisse, déposée en granulations dans les cellules, disparaître en peu de jours, pour servir à la consommation organique. Il serait intéressant de faire quelques recherches sur la manière dont se comportent les oies nourries de manière que leur foie devienne gras. Mais les physiologistes, comme Lebedeff et FoRSTER, n'ont pas pu réaliser cet engraissement du foie que les industriels obtiennent facilement, sans que des détails nous soient donnés sur les procédés mis en usage, de sorte que Lebedeff suppose, à tort sans doute, qu'on ajoute aux aliments des oies, dont les foies sont destinés à fournir des foies gras, de petites quantités d'arsenic ou d'antimoine (1883). En tout cas, il est d'observation certaine que, pour développer des foies adipeux (foies gras des oies), une alimentation grasse est très efficace. Sans doute on ne les nourrit pas uniquement avec de la graisse, mais encore avec des féculents et des albumines, de sorte qu'on ne peut pas conclure rigoureusement que la graisse qui s'accumule dans le foie provient exclusivement de la graisse de l'alimentation. Il est probable que cette graisse accumulée ainsi dans le foie disparaît peu à peu. Paton admet (Exp. 47, p. 197) qu'au bout de trois jours d'inanition cette graisse, chez le lapin en inanition, a disparu (2,20 p. 100 au lieu de 6,1, avant l'inanition). Toutefois cette disparition de la graisse est très variable. Chez les animaux à sang froid, elle se fait sans doute très lentement. Le foie des poissons, qui contient de grandes quantités de graisse, en contient encore, même après de longues périodes d'inanition. Chez tous les grands squales vivant au large que j'ai pu observer (une dizaine environ), l'estomac était presque totalement dépourvu d'aliments, et cependant le foie était encore graisseux, comme si la graisse accumulée par le foie servait à la nutrition de l'animal pendant les temps probablement très prolongés des jeûnes forcés auxquels il est soumis, ne pouvant trouver de proies à sa disposition. De même les saumons, à une certaine époque de leur existence, quand ils peuvent trouver de la nourriture, ont un foie très gras; et, après cette période d'alimentation facile, quand le moment arrive où l'aliment leur fait défaut, leur foie s'appauvrit en graisse, déversant constamment des matériaux de com- bustion, de manière à constituer une sorte d'alimentation intérieure, qui remplace l'ali- mentation extérieure impossible. Il en est de même du foie des animaux hibernants, quoique ils aient une glande hibernale (V. Graisses). Et chez eux, pendant le sommeil hibernal, la graisse, comme le glycogène, va disparaissant du foie pour remplacer FOIE. «79 ralimentation qui est impossible, et produire la petite quantité de clialeur nécessaire. Le foie nous apparaît donc en premier lieu comme un organe accumulateur des graisses. Nous chercherons plus loin s'il n'a pas en outre un vole formateur des graisses; mais son rôle dans l'accumulation des graisses est tout à fait évident. ' Ajoutons que, pour admettre cette fonction, il n'est pas indispensable de supposer le passage des graisses de la digestion par la veine porte. Si les graisses passent en partie par les chylifères pour être déversées dans le système veineux général, elles repasseront de nouveau (par l'artère hépatique et la veine porte elle-même) sans être intégralement consommées dans le foie ; de sorte que le passage par les chylifères de la majeure partie des graisses ne contredit nullement le fait de la fixation et de l'accumulation des graisses alimentaires dans la cellule hépatique. B. Formation de graisses dans le foie. — a. Atix dépens des matières albuminoïdes. — Non seulement le foie fixe les graisses du sang et de la digestion ; mais encore il transforme d'autres éléments nutritifs en graisses. Le fait que les graisses se forment dans le foie est d'abord démontré directement par les intoxications aiguës du foie. C'est une question qui a préoccupé depuis longtemps les médecins physiologistes que de savoir le mécanisme des rapides dégénérescences graisseuses du foie. (L'historique est complètement présenté par A. Lebedeff.) Deux hypothèses, en tout cas, sont en présence : la première, c'est que la graisse se forme dans la cellule hépatique aux dépens des albuminoïdes du foie; c'est l'hypothèse soutenue par Bauer. L'autre hypothèse, c'est que la graisse de l'organisme vient s'accu- muler dans le foie. Telle est l'opinion de Lebedeff. Bauer, en effet, a remarqué qu'après l'intoxication phosphorée il y a un excès notable dans la production d'urée. (Dans un cas entre autres, un chien, qui rendait en moyenne lo grammes d'urée, a rendu, le quatrième jour de l'intoxication phosphorée, 42ër8 d'urée.) En même temps la consommation d'oxygène a diminué; et ces deux phénomènes coïn- cident avec la stéatose hépatique. Mais Leredeff n'admet nullement cette hypothèse de Bauer. D'abord, en dehors de tolite stéatose viscérale, l'augmentation de l'uréopoïèse va de pair avec la diminution des combustions respiratoires. Ensuite on ne saurait expliquer l'énorme production de graisse par une stéatose de l'albumine hépatique. (Dans un cas, chez l'homme, un foie de 1530 grammes contenait 450 grammes de graisse.) Enfin rien ne serait moins certain que la transformation de l'albumine en graisse. (Remarquons que sur ce point la position négative de Lebedeff n'est pas admissible; car la formation de graisse aux dépens des matières protéiques n'est guère douteuse.) Quoi qu'il|en soit, d'après Lebedeff, la graisse s'accumule dans le foie, non parce qu'elle y est formée, mais parce quelle y est trans- portée, venant des organes gras de l'organisme; de sorte que le phosphore est un poison stéatosant le foie, non pas directement mais bien indirectement, parce qu'il produit des graisses dans l'organisme et que le foie arrête ces graisses qui circulent. En effet, en donnant à un chien de l'huile de lin, puis, quelques jours après, du phosphore, il a retrouvé dans le foie très gras de l'animal mort d'intoxication phosphorée, des graisses Constituées en majeure partie (4/5) par de l'huile de lin. ' Léo a, dans un très bon travail, essayé de concilier les deux opinions. Il montre d'abord que, par le phosphore, la production de graisse augmente dans l'organisme total, et non seulement dans le foie. Sur deux jeunes cobayes dont l'un fut empoisonné par le phosphore, la graisse totale fut dosée après cinq jours d'inanition. La graisse du cobaye phosphore représentait 5,8 p. 100 du poids du corps, tandis que la graisse du cobaye normal ne représentait que 3,03 p. 100, c'est-à-dire moitié moins. Sur des gre" nouilles, animaux à sang froid, pour lesquels une diminution des oxydations par le phos- phore ne peut êti-e invoquée, l'augmentation des graisses hépatiques après l'ingestion de phosphore a été de 10 p. 100. Donc il y a eu une production augmentée des graisses. D'autre part, comme cette stéatose hépatique coïncide avec une grande augmentation du poids du foie, d'autant plus surprenante qu'il s'agit d'animaux inanitiés, on est forcé d'admettre qu'il y a eu, comme le pense Lebedeff, transport des graisses de l'organisme dans le foie, et par conséquent infdtration graisseuse. Quant à la nature même de ces matières grasses, Léo admet que la lécithine n'y joue aucun rôle, et qu'il ne s'en forme pas dans la dégénérescence graisseuse phosphorée. 680 FOIE. Carnot et Albarry ont constaté aussi qu'il n'y avait pas de lécithine dans les stéatoses du foie. Au contraire, d'après Stolmkoff, sur des grenouilles empoisonnées par le phos- phore, la proportion de lécithine est d'environ 50 p. 100 dans la graisse, tandis que dans la graisse des grenouilles normales elle n'est que de 10 p. 100. Ces fatls sont d'ordre pathologique ou toxicologique, mais il est évident qu'ils s'appliquent à la physiologie normale. Si le phosphore (et, à un moindre degré, l'arsenic, l'antimoine, l'alcool et les toxines infectieuses) détermine la stéatose du foie, ce ne peut être que par l'exagération d'un processus orgajiique normal. Prouver que le foie des animaux phosphorisés fabrique de la graisse aux dépens de l'albumine, c'est par cela même rendre très vraisemblable que le foie des animaux normaux fabrique aussi de la graisse aux dépens de l'albumine. Et cette probabilité n'est guère diminuée par les expé- riences de N. Païon. qui n'a pas pu constater l'augmentation des graisses dans le foie après une alimentation exclusivement albuminoïde. D'autres preuves, en eflet, peuvent être invoquées. D'abord on sait que, chez les femelles en lactation, le foie se charge de gouttelettes graisseuses (Sinéty). Cette graisse, identique à la graisse du lait, est tout à fait différente des autres graisses du corps (Lebedeff); on ne peut donc dans ce cas supposer un trans- port des graisses de l'organisme. C'est une nouvelle matière grasse, qui n'existe pas dans le sang ou les tissus, et qui par conséquent est formée in situ dans la cellule hépatique. Est-ce aux dépens du glycogène ou aux dépens des matières protéiques? La question est difficile à décider. Toujours est-il que les cliniciens savent que dans les cas d'insuf- fisance hépatique l'allaitement est impossible, et qu'il n'y a pas de sécrétion lactée. « Pendant la vie utérine, et aussitôt après la naissauce, disent Carnot et Gilbert (p. 133), le foie est normalement surchargé de graisse. Il en est ainsi chez le cobaye, et aussi chez l'homme. A cette période il est aussi surchargé de glycogène; toutes les réserves ali- mentaires sont donc prévues dans le foie pour assurer la vie, si défectueuse, des premier^ jours. Le glycogène est surtout péri-sus-hépatique, et la graisse péri-portale (Nattan Larrier). Dans les quelques jours qui suivent la naissance, la graisse disparaît entière- ment, et le foie devient encore plus riche en glycogène. Il semble y avoir une corrélation étroite entre l'activité de la cellule hépatique, caractérisée histologiquement par la réac- tion ergastoplasmique et l'accumulation, à son niveau, des réserves glycogéniques et graisseuses. » Chez les poissons i! y a, comme nous l'avons dit, un foie chargé de graisses, et aussi chez les mollusques. Or les uns et les autres ont une nourriture presque exclusivemen azotée. Par conséquent il est nécessaire d'admettre un foie lipopoïétique, formant des graisses aux dépens de l'albumine, soit directement, soit indirectement après transfor- mation de l'albumine en glycogène. En tout cas, la transformation de l'albumine en graisses, sans que nous puissions entrer ici dans la discussion de cet important chapitre de la physiologie générale, paraît vraiment démontrée, malgré les exagérations de Voit, et il serait bien invraisemblable que le foie ne fût pas un des principaux organes chargés d'opérer cette mutation. Les larves des vers, qui n'ont que des protéides, se chargent de graisses. Le muscle mort se charge d'adipocire; la caséine du fromage se transforme en matières grasses; il est pro- bable que le protoplasma de la cellule hépatique est capable de subir la même transfor- mation, qui semble vraiment être générale. L'opération chimique, qui la produit, peut être facilement mise en formules; mais ces formules n'ont pas grande valeur, tant qu'elles ne s'appuient pas sur des expériences directes, et nous nous en abstiendrons. |ii. Formation des graisses dans le foie aux dépens des hydrates de carbone. — La trans- formation des hydrates de carbone en matières grasses est tout aussi probable — pour ne pas dire certaine — que celle des matières albuminoïdes en graisses. C'est une grande loi de physiologie générale que l'engraissement des animaux peut se faire aux dépens des matières féculentes ingérées. Mais en réalité la question est un peu plus complexe, et il s'agit de savoir : 1° si cette transformation des jmatières grasses en hydrates de carbone est directe ou par l'intermédiaire de l'albumine; 2» si le siège essentiel de celte transformation est dans le foie. Comme il y a toujours assez de matières protéiques dans le sang pour suffire à une FOIE. 6gl transformation en matières grasses, on ne peut démontrer directement ce passage des féculents en graisses; mais on en peut trouver une preuve indirecte en étudiant les échanges respiratoires qui succèdent immédiatement à une alimentation très riche en hydrates de carbone. Hanriot et Ch. Richet ont vu, en effet, qu'après une abondante inges- tion de sucre le quotient respiratoire allait rapidement en croissant jusqu'à l'unité» et même arrivait à la dépasser quelque peu. Or il faut bien admettre que, même alors, la combustion des matières protéiques n'a pas complètement cessé, et que cette combus- tion comporte comme quotient respiratoire 0,6. Donc la transformation des sucres n'est plus une simple combustion; car alors on trouverait un chifiVe toujours inférieur ki pour le quotient respiratoire; la combustion complète des sucres donnant le quotient 1; et la combustion des protéides n'étant pas arrêtée. Si l'on trouve 1, et même 1,1, et même 1,2, c'est qu'une partie des sucres formant de la graisse donne de l'acide carbonique, de l'eau et de la graisse, suivant l'équation schématique suivante : (C6ni-JO«)'3 =(,CISH3602)3 + (C02)2t + (H20)'-i'^ A vrai dire, ce n'est là qu'une induction, et la preuve directe manque encore; mais, tout compte fait, celte transformation des hydrates de carbone en graisses est en tel accord avec toutes les données expérimentales de la physiologie animale et de la phy- siologie végétale et agricole qu'on ne peut se refuser à l'admettre. Reste à savoir si c'est dans le foie que cette transformation a lieu, s'il y a une action fermenlative quelconque, intra-hépatique, donnant de la graisse aux dépens du sucre. Langley (cité par Schaker. T. Book of ,Physiol., l,93o), observant le foie des grenouilles d'été et des grenouilles d'hiver, remarque qu'en hiver le glycogène s'accumule dans la cellule hépatique, en même temps que la graisse, et qu'au printemps ces deux sub- stances disparaissent en même temps tout à fait parallèlement, ce qui indique le con- traire delà mutation d'une de ces substances dans l'autre. N. Paton aboutit aux mêmes conclusions : sur des la[)ins, des chats, des moutons dont on dosait simultanément dat)s le foie le glycogène et la graisse, on n'a pu trouver quelque fonction vicariante dans les rapports de ces deux éléments. Cependant d'importantes expériences de Paton paraissent prouver d'une part qu'une alimentation riche en sucre augmente les graisses du foie (mais les chiffres ne sont pas très concluants); d'autre part, qu'il y a une augmentation des acides gras du foie au moment ou le glycogène disparaît. Sur deux lapins à jeun depuis soixante-douze et quarante-trois heures, la proportion de glycogène n'était que de 0,65 etO,liJ; et la proportion de graisse de 4,39 et de o,l5 p. 100 du foie. Deux lapins normalement nourris avaient 2,08 et 5,05 de glycogène; et 2,17 et 2,07 de graisse. Après vingt-quatre heure* d'inanition, sur d'autres lapins de même portée, le glycogène était de 2,93, et de 3,00; et les graisses de 3,34 et 1,60, ce qui peut se résumer dans le tableau suivant, qui donne les moyennes. Glycogène. Graisse. "4,16 2,12 2,96 2,47 0,40 4,77 Lapins normaux Lapins inanition, de 24 heures. Lapins inanition, de 72 heures. Or il n'est pas vraisemblable qu'il s'agit d'un transport de graisse, car jamais chez les animaux en inanition le sérum ne devient lactescent; il est bien plus rationnel d'ad- mettre une transformation in situ du glycogène en graisse. Il faut tenir compte aussi d'un fait signalé par Nattax Larrier, et qui semble en opposition directe avec les expériences de Paton, à savoir que, dans les premiers jours de la naissance, le foie, très gras, du nouveau-né perd rapidement sa graisse, à laquelle semble succéder, avec la même localisation dans la cellule hépatique, une accumulation de glycogène. Seegen a essayé de prouver que le foie augmente en glycogène, après une alimen- tation grasse. En mettant un fragment de foie en présence de graisse et d'un peu de sang, il a vu se former du sucre dans le mélange; mais celle expérience, ainsi que disent avec raison Gilbert et Carnot, mériterait d'être confirmée. Môme s'il était prouvé que le glycogène se forme aux dépens de la graisse, ainsi que l'admettent Bouchard et Desgrez pour les muscles (et non pour le foie), cela ne prouverait aucunement que l'opération inverse n'est pas possible, et une même réversibilité de cette 682 FOIE. action chimique est, dans une certaine mesure, vraisemblable. Aussi bien serions-nous tenté d'admettre que les deux transformations peuvent avoir lieu, selon les influences nerveuses, dans la cellule hépatique. Dans certains cas, le glycogène devient graisse; dans d'autres cas, la graisse se transforme en glycogène. Mais assurément le passage du glycogène en graisse est bien mieux démontré que le passage de graisse en glyco- gène. Il est difficile de contester cette formation de graisses aux dépens des féculents, et même de douter que cette formation ait lieu dans le foie. Au contraire, la formation de glycogène aux dépens de la graisse est bien plus douteuse (V. Glycogénèse, Nutri- tion, Graisses). En somme, toute cette question de la formation des graisses dans le foie est loin d'être éclaircie. Et la difficulté est plus grande encore s'il s'agit de déterminer la nature des graisses formées. (V. Graisses.) Quelle est la part du foie dans la formation de la léci- thine? Y a-t-il une fonction pliosphorique du foie comme il y a une fonction ferratique, fixation du phosphore sur les protéides? La glycérine, qui augmente le glycogène hépa- tique, contribue-t-elle à la formation de graisses par l'union aux acides gras du foie"? Au dédoublement des graisses dans l'intestin peut-on admettre que vient succéder leur synthèse dans le foie (combinaison des savons avec la glycérine pour reformer des graisses neutres)? ce sont là des questions non résolues encore, et que nous nous contentons d'indiquer, ne fût-ce que pour appeler l'attention sur ce rôle prépondérant du foie dans la formation des graisses. C. Destruction et transformation des graisses dans le foie. — La transfor- mation et l'assimilation des matières grasses du foie sont peut-être plus obscures encore que leur formation. 11 est évident que cette graisse qui s'amasse dans le foie, chez certains animaux, est destinée à suppléer à la nutrition de l'animal en l'absence d'une alimentation suffisante. Mais comment s'opère cette désassimilation de la graisse? Si la graisse du foie était versée dans la circulation générale par les veines sus-hépa- tiques, on verrait alors, au moins dans l'état de jeûne, le sang des veines hépatiques plus riche en graisse que le sang de la veine porte. Mais, en réalité, c'est le contraire qui a' été observé, comme semblent le montrer les expériences de Drosdoff, rapportées plus haut. En tout cas, si la graisse du foie passe dans le sang, ce ne peut êlre qu'en très minimes quantités, impossibles à déterminer par l'analyse. • Indirectement on n'arrive pas davantage à préciser cette destruction des graisses. On sait seulement que la graisse peut passer dans la bile (Virchow, cité par Roger). HosENBERG a montré qu'une partie des éléments gras d'un repas riche en graisse passait dans la bile, faisant une sorte de vernis protecteur sur les parois de la vésicule biliaire. Gilbert et Garnot ont trouvé après injection veineuse d'huile émulsionnée, chez le chien, les parois de la vésicule infiltrées de graisse, et la bile elle-même riche en matières grasses. D'après ces auteurs, si l'ingestion d'huile donne d'assez bons résultats comme traitement de la lithiase biliaire, c'est qu'il se fait une élimination d'huile par la bile, et que la graisse agit alors mécaniquement en facilitant le glissement du calcul. Mais ce passage de la graisse dans la bile est un phénomène qui n'est presque pas normal; en tout cas il ne se présente que dans le cas tout à fait particulier d'une alimen- tation très riche en graisses. Et d'ailleurs cette graisse de la bile, déversée dans l'intes- tin, doit assurément revenir de nouveau par les chylifères dans la circulation générale, sinon en totalité, au moins en grande partie; la stercorine, l'excrétine et la cholestérine passent dans les matières fécales; mais les autres graisses sont reprises par les vaisseaux sanguins et lymphatiques de l'intestin. • La graisse amassée dans le foie doit donc disparaître autrement que par l'excrétion biliaire; et alors deux hypothèses se présentent : ou la graisse est transformée in situ dans la cellule hépatique, ou elle passe à l'état de graisse dans la circulation générale. ■ La transformation des graisses dans la cellule hépatique n'est pas un phénomène bien certain. Seege.n a essayé de prouver que la graisse pouvait donner naissance au glyco- gène. Gilbert et Carnot citent Chauveau, Rumpf, Contejean, Hartogh et Schuman comme favorables à. cette opinion, tandis que Bouchard et Desgrez admettent, d'ailleurs sans preuves directes, que s'il y a transformation en glycogène dans les muscles il n'y en a pas dans le foie. Au demeurant nous ne pouvons aborder ici la question qui sera traitée avec détails à l'article Glycogénèse. ■ FOIE. 6813 11 ne paraît pas très probable, en tout cas, que le foie, qui retient les graisses de la digestion, soit chargé de la fonction inverse, c'est-à-dire du déversement des graisses dans le sang, à l'état de graisses. Sans doute la cellule hépatique préside elle-même à l'utilisation de la graisse, en faisant du glycogène, et peut-être d'autres produits plus facilement oxydables que la graisse. Mais il n'y a pas d'expériences directes qui per- mettent de résoudre la question. Conclusions. — Si maintenant, résumant ce chapitre, nous essayons d'en déduire (pielques conclusions précises, nous voyons : 1» que le foie accumule certainement les graisses qui sont en excès dans le sang de la veine porte; 2'^ très certainement aussi qu'il transforme les hydrates de carbone en graisse; 3° que probablement il fait de la graisse avec les matières azotées, soit directement, soit par l'intermédiaire des hydrates de carbone; 4" que peut-être il accomplit l'opération inverse, transformant les graisses en hydrates de carbone. Mais il s'agit là de faits incomplets, obscurs et assez incertains, de sorte qu'on con- çoit très bien que l'évolution des matièies grasses hépatiques puisse devenir, à la suite de quelques expériences imprévues, un tout nouveau chapitre de la physiologie. Bibliographie. — Diverses fonctions chimiques du Foie. — Alonzo et Anthex (E.). Ueber die Wirkumj dcr L. zellc aiif das Hdmofilobin (D. Dorpat, 1889, et C. W., 1889, 867). — AscoLi (G.). 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Historique. — De nombreuses expériences, depuis Prévost et Dumas (1823), ont établi que l'urée ne se forme pas dans le rein, mais dans d'autres parties de l'organisme. Bien que combattue à diverses reprises, cette opinion n'a pas cessé de régner dans la science, et à l'heure actuelle elle est encore, avec raison suivant nous, définitivement acceptée. Mais ce n'est pas ici le lieu de rapporter l'ensemble des faits qui donnent la preuve de la non-production de l'urée par le rein (v. Rein, Urine, Urée). Nous regarderons donc comme établi par Prévost et Dumas, Picard, Gréhaist, Schrùder, et bien d'autres auteurs, que l'urée est en plus grande quantité dans le sang artériel rénal que dans le sang veineux rénal. Si celte expérience si simple, qui consiste à doser comparativement l'urée du sang dans ces deux vaisseaux ne réussit pas à donner des chiffres qui entraînent toujours la conviction, c'est que les diflérences ne portent que sur des fractions extrêmement petites. Admettons qu'un chien de 10 kilogrammes produise 8 grammes d'urée par jour; la quantité de sang qui existe dans ses reins est égale à peu près au 25<= de son sang total; soit, en supposant 1000 grammes de sang et une révolution totale de sang égale à un quart de minute, environ 160 grammes de sang par minute, ce qui représente 10 litres de sang par heure, soit, en vingt-quatre heures, 240 litres. La dilution de 8 grammes en 240 litres équivaut à 0,03 par litre; ce chiffre de 0,03 représentant la différence par litre entre le sang veineux et le sang artériel du rein, il s'ensuit que, si l'on opère sur 50 centimètres cubes de sang, on a à trouver en poids absolu une différence de 06'",0015, différence qui n'est guère accessible à l'ana- lyse, étant données les difficultés techniques considérables pour extraire et doser (à l'état de pureté suffisante) l'urée du liquide sanguin. Toutefois les preuves indirectes, à défaut d'une preuve directe formelle, établissent formellement la formation d'urée par les divers tissus, et en particulier par le foie. Prévost et Dumas avaient, dit-on, trouvé que les urines de malades atteints d'hépa- tite chronique contiennent peu ou point d'urée; ce qui semblerait avoir prouvé à ces auteurs que les fonctions du foie sont nécessaires à la formation de l'urée. Mais Brouar- DEL, qui a fait une excellente étude historique de la question, n'a pas pu retrouver ce passage dans le mémoire de Prévost et Dumas : d'ailleurs les deux illustres physiologistes n'ont pas insisté sur cette fonction du foie. 686 FOIE. En 1846, BoucHARDAï, dans son Annuaire de thérapeutique, reprit cette opinion, et la formula très nettement, sans en donner d'ailleurs de preuves expérimentales ou patho- logiques. « Il existe certainement, dit-il, une relation, qu'on trouvera un jour, entre les fonctions du foie et la production de l'urée. » A diverses reprises il est revenu sur oe point, (Genevoix, 1876, 11). En 1866, Meessner a essayé de prouver que le foie produit de l'urée, et que l'urée de l'urine est le résultat d'une action chimique exercée par le tissu hépatique. En effet, il a trouvé de l'urée dans le foie en plus grande quantité que dans le sang et dans les muscles. Pour Meissner l'urée serait due à un dédoublement de l'hémoglobine, corré- latif d'une destruction de globules. 11 admet que l'albumine des aliments se transforme en hémoglobine, puis, dans le foie, en urée. Mais les recherches de Meissner, reprises par Gaethgens, n'ont conduit ce dernier auteur qu'à un résultat négatif. De même Mu.nk, reprenant aussi cette expérience (1875), n'a pas pu constater de différence notable dans la teneur du sang et du tissu hépatique eu urée. Il trouve, dans trois expériences, pour 1000 grammes de sang ou de foie : CRÉE. I. Sang 0,533 Foie 0,39 II. Sanpr 0,519 Foie 0,455 III. Sang 0,238 Foie 0,202 L'urée, dans ces expériences, était dosée par la méthode de Bunsen, qui est fondée, comme on sait, sur la décomposition de l'urée par la potasse en AzH^ et CO^, qu'on dose à l'état de CO''Ba. Ce procédé — le simple dosage comparatif de l'urée du foie et de l'urée du sang — ne paraît donc pas devoir donner de résultats probants, d'autant plus que, même si l'urée était plus abondante dans le foie, on ne pourrait pas en conclure qu'elle se forme dans le foie, puisque aussi bien le foie retient les diverses substances circulant dans le sang. Rien de surprenant à ce qu'il puisse être aussi un réceptacle pour l'urée. De l'excès d'une certaine quantité d'urée dans le foie, excès difficile à constater, on ne peut conclure à sa formation par le tissu hépatique. Production d'urée dans le foie. — E. de Cyon a eu le mérite d'aborder le pro- blème d'une autre manière (1870). Jll a institué une circulation artificielle dans le foie d'après la méthode inaugurée par Ludwig. En faisant passer à diverses reprises, dans un foie séparé du corps, le même sang, il a vu que ce sang devenait de plus en plus riche en urée. Dans une expérience, le sang qui contenait (par litre) 0sr,09 d'urée, en, contenait 1^"',4 (il faut peut-être lire 0e'',14) après avoir passé dans le foie. Dans une autre expérience le sang qui contenait O^^OS d'urée en contenait, après un passage dans le foie, 0s'',14, et, après quatre passages, 0°'',176. Cette expérience a été reprise par divers auteurs. Gscheidlen (cité par Kaufman.x) a constaté ce même fait, mais il attribue cette présence d'urée dans le sang qui a circulé par le foie à une sorte de lavage du foie par le sang, qui circule à travers son tissu : car des passages successifs ne font pas croître d'une manière appréciable la proportion d'urée dans le sang, Hoppe-Seyler (1881) avait cru pouvoir admettre qu'il n'y a pas d'urée dans le tissu hépatique; mais ses observations ont été amplement réfutées par les nombreux dosages faits après lui par divers auteurs. Pour faible que soit la quantité d'urée de foie, elle est appréciable et certaine. ScHRODKR a fait de nombreuses et précises expériences dans le même sens (1882). Il a d'abord cherché une méthode exacte de dosage de l'urée, et, pour éviter les pertes d'urée que produit toujours l'évaporation au bain-marie, il a précipité l'urée par le nitrate mercurique en solution neutre. Le précipité était décomposé par H-S, alcalinisé par la baryte, puis traité par C0-. Le liquide filtré ne contient plus de mercure; évaporé, il ne renferme que de l'azotate de baryte et de l'urée. Cette urée est alors dosée par le procédé de Liebig, ou, ce qui est préférable, par le procédé de Bu.nse.n. Il convient FOIE. m d'ajouter que cette méthode donnerait, d'après Chassevant (conim. inédite), des résultats trop faibles, et que, dans les liquides organiques, la perte d'urée peut s'élever à 20 p. 100. D'après Schroder cependant, la perte ne dépasse pas 2 p. dOO. Quoi qu'il en soit de l'exactitude de cette méthode analytique de dosage, Schrodei? a fait des circulations artificielles de sang normal et de sang chargé de carbonate d'am- moniaque à travers les reins, les muscles, le foie. Or, quand le passage se faisait dans les reins ou les muscles, les différences d'urée ne dépassaient pas les limites des erreurs expérimentales. URÉE POUR 1000 C,R. DE SANG AvaiK. . . 0,402 0,140 0,38i Après. . . 0,396 0,137 0,3T2 Mais, si l'on faisait passer dans le foie du sang char;j;é de carbonate d'ammoniaque, alors on constatait la formation d'urée en proportions très notables. Avant 0,462 0,538 0,193 0,499 0,418 Après 0,812 1,177 0,599 0,726 1,351 5 heures après. . 1,253 Par conséquent, il est évident que le sang, par le passage dans le foie, produit de l'urée. Il semble aussi que ce soit par transformation du carbonate d'ammoniaque en urée ; mais nous n'insisterons pas actuellement sur les origines mêmes de cette urée. Nous nous contentons en ce moment de prouver qu'il semble s'en produire dans le sang par passage dans le foie. J'ai modifié cette expérience, et j'ai pu la rendre, semble-t-il, plus décisive, en opé- rant non sur un foie soumis à la circulation artificielle, mais sur un foie lavé, comme dans l'expérience célèbre de Claude Bernard sur la formation de glycogène dans le foie. Si l'on prend le foie d'un chien bien portant, et si l'on établit un courant d'eau légè- rement salée, à 6 grammes de NaCl par litre, passant par la veine porte et sortant par les veines sus-hépatiques, on prive à peu près complètement le foie de tout le sang qu'il contenait. Que si alors on dose l'urée qui reste dans le tissu hépatique, on constate que la proportion d'urée est d'environ 0,2 par kilogramme de foie, c'est-à-dire une quantité très faible. Voici comment je procédais pour doser cette urée. Le foie très bien lavé était préala- blement haché; puis le tout était porté à l'ébullition : et les parties insolubles étaient épuisées deux ou trois fois par de petites quantités d'eau, de manière que toutes les parties solubles fussent dissoutes. Le liquide était ensuite traité par une grande masse d'alcool; puis filtré. Le résidu alcoolique était évaporé avec précaution en ayant soin que la température ne dépassât pas 70°; puis épuisé à deux ou trois reprises avec un mélange à parties égales d'alcool absolu et d'éther. Ce liquide, filtré et évaporé, était repris de nouveau par l'alcool absolu, concentré, puis additionné de baryte, et laissé pen- dant vingt-quatre heures dans le vide en présence d'acide, sulfurique de manière que toute trace d'ammoniaque ait disparu. L'urée était alors dosée par l'hypobromite de soude, soit par la mensuration de l'azote dégagé, soit par la mesure (avec le protochlorure d'étain) de la quantité d'hypobromite consommée. Ce chiffre de 0,2 par kilogramme est à peu près conforme à celui qu'ont admis divers auteurs. Bouchard (cité par Brouardel, 10) donne 0,202 par kilogramme; Meissner a trouvé 0,181 par kilogramme; Munk a trouvé 0,39, 0,65, 0,20; en moyenne, 0,34. Gréhant, et QuiNQUAUD,0,21, dans le foie d'un chien à jeun, et 0,46 dans le foie d'un chien en diges- tion. Quant aux chiffres de Picard (1877), ils sont tout à fait erronés. Par des méthodes précises, Gottueb, en dosant l'urée du foie, a trouvé par kilogramme des chiffres variant de 0,044 à 0,25. Or il se trouve que, si l'on laisse ce foie de chien à l'étuve, en éliminant autant que possible les fermentations microbiennes; la formation d'urée continue après la mort, sans qu'on puisse faire intervenir une circulation quelconque par le sang chargé de carbo- nate d'ammoniaque ou d'oxygène. Le seul fait de la vie des cellules hépatiques, conti- nuant après la mort de l'individu, produit de l'urée en quantité appréciable. '■ 688 FOIE. J'ai montré ainsi que le foie, trempé dans Je la paiafOne à 100« pour détruire les germes extérieurs, puis abandonné à lui-même à l'étuve à 38° pendant quatre heures envi- ron, se charge d'urée : alors, au lieu de 0,2 p. 1000, on trouve 0,8 p. 1000. On ne peut invoquer l'action de ferments microbiens; car les ferments producteurs d'urée sont rares, et d'ailleurs le foie avait été lavé par de l'eau stérilisée. Enfin, l'immer- sion dans la paraffine à 100° avait produit une stérilisation superficielle suffisante pour empêcher pendant quelques heures l'intervention des microbes de l'air, en grande partie détruits. Cette expérience établissait donc nettement le fait de la formation d'urée par le foie après la mort, parallèle à la formation de glycogène après la mort. En poussant l'expérience plus loin, j'ai pu prouver que cette formation d'urée était due à la présence d'un ferment soluble, dlastase uréopoiétique. Voici par quels procédés on peut arriver à cette démonstration. Si l'on broie et réduit en bouillie un foie lavé et privé de sang, et si on l'additionne de son poids d'eau (contenant :j grammes de tluorure de sodium par litre pour empêcher les fermentations microbiennesi, on peut obtenir par filtration à la trompe sur du papier filtretrèsgros un liquide que j'appellerai liquide hépatique. Ce liquide est alors additioimé de trois fois son volume d'alcool. Le précipité, desséché à l'essoreuse, est mis en contact avec trois fois son volume d'eau fluorée pendant 24 heures. Le liquide filtré contient la dias- lase uréopoiétique en même temps que la diastase glycogénolytique. En effet, ce liquide filtré diastasique, mis en contact avec le liquide hépatique bouilli, provoque la formation d'urée. Voici les chiffres (moyenne) résultant de nombreuses expériences : Liquide hépatique bouilli avec diastase noa bouillie 0,287 — — avec diastase bouillie 0,226 Différence en faveur de la diastase non bouillie 0,061 Liquide hépatique non bouilli avec diastase non bouillie 0,44() — — avec diastase bouillie 0,422 Difierence en faveur de la diastase non bouillie. . 0,024 Il est certain que ces chiffres sont faibles et ne dépassent que très peu les erreurs expérimentales; mais, comme les difTérences sont toujours dans le même sens, elles nous autorisent à conclure qu'il y a un ferment soluble dans le foie qui transforme en urée certains corps, faisant partie de la cellule hépatique elle-même. Évidemment, quand on opère avec le foie intact, ou même avec le foie broyé et réduit en pulpe, on obtient des chiffres plus forts que lorsque l'on opère avec la diastase soluble, car les précipitations par l'alcool, les dissolutions par l'eau et les filtrations diminuent forcément en très grandes proportions les activités des ferments. Mais il n'en est pas moins certain que, quoique en faible quantité, cette diastase existe dans les liquides filtrés et traités de la manière indiquée ci-dessus. Reprenant à d'autres points de vue cette étude, Schwarz (1 898) a retrouvé cette notable augmentation de l'urée dans le foie après la mort. Il a constaté pour le foie au moment de la mort l,26do parkilogr., et après 4 heures à 40" à l'étuve 1,597; 1,605; 1,580; 1,748. Ni l'ammoniaque ajoutée, ni l'examine, ni l'acide oxamique n'ont augmenté la proportion d'urée formée. Enfin, dans des recherches entreprises avec A. Ciiassevant, nous avons encore vu l'urée augmenter dans le liquide hépatique filtré (additionné de chloroforme) : Au moment de la mort. . . 0,016 0,021 48 heures après 0,119 0,222 Ainsi cette nouvelle série d'expériences montre bien que la formation d'urée dans le foie est due à la présence d'un ferment soluble qui transforme en urée certaines sub- stances. Cette formation d'urée dans le foie post movtem a été cependant, depuis mon expé- rience de 1894, l'objet de quelques contestations et critiques intéressantes. Le procédé de la digestion du foie par lui-même (que Salkowski en 1891 avait inauguré, et qu'il avait appelé autolyse)jà. été soumis à de nombreuses investigations. FOIE. 689 GoTTUEB, eu 1895, reprenant l'autodigestion du foie, a trouvé que le foie, dans uu milieu aseptique à 40", produisait un corps soluble dans l'alcool absolu et lether, ne précipitant pas par l'acide phosphotungslique, mais précipitant par le nitrate mercu- rique, et par conséquent très probablement de l'urée. On a vu que Scuwarz était arrivé aux mêmes conclusions. Il a constaté que I kilo- gramme de foie pouvait dou'ier en quatre heures (en moyenne) 0,367 d'urée, dans des conditions rigoureuses d'asepsie. Mais il dosait l'urée par la méthode de Môrner Sjoqvist, ce qui ne donne pas la preuve absolue d'une augmentation d'urée (car il est des com- binaisons autres que l'ammoniaqup solubles dans l'éther). 0. Lœwi a repris la question avec beaucoup de soin, et bien établi qu'il se produit une substance azotée spéciale par l'action d'un ferment soluble contenu dans le foie ; que cette substance donne de l'azote avec l'hypobromite de sodium, n'est pas de l'ammo- niaque, se dissout dans l'ab'ool et l'élher, ne précipite pas par l'acide phosphotungstique, et se précipite par le niliate mercurique. Pourtant ce corps ne serait pas de l'urée, car il ne cristallise pas par l'addition d'acide nitrique ou d'acide oxalique; mais il serait plutôt un acide amidé très voisin de l'urée, et, en tout cas, dérivant du glyco- coUe; car l'addition de glycocoUe en augmente notablement la quantité, tandis que l'acétate d'ammonium est sans etl'et. M. Jacobi a fait la constatation d'un autre intéressant phénomène : le tissu hépa- tique abandonné à lui-même donne (eu éliminant par un antiseptique, et, dans le cas présent, par le toluol, toute action microbienne) des quantités croissantes d'azote se dégageant par la coction avec MgO. En vingt jours les quantités (en poids d'azote) ont été dans vingt flacons contenant des quantités identiques de liquide hépatique : Le l"-joiir. . . 0,0013 Le 11' jour. . 0,0050 2« 0,0033 12' — . . 0.0045 3« — . . . 0.0034 13' - . . 0,0043 4« - . . . 0,0037 14» — . . 0,0048 5" — . . . 0.0037 15' — . . 0,0045 6« — . . . 0,0040 16» — . . 0,0058 1' - . . . 0,0046 17« — . . 0,0059 8" — . . . 0,0046 18' — . . 0,0059 9' — . . . 0,0037 20« - . . . . 0,DÛ67 10» - . . . 0,0047 Quoique une partie de cet azote soit due à l'urée (?), Jacobi l'attribue à l'ammoniaque pour une partie importante; car il a fait directement dans d'autres expériences, en dosant l'ammoniaque par la méthode de Schlœsing, la preuve qu'il s'agissait, sinon totalement, au moins en grande partie, d'ammoniaque. Il en conclut, s'appuyant sur les observations antérieures de Sxlkowski et de Biondi, qu'il y a dans le foie une sorte d'autodigestion, de ferment protéolytique qui ne digère pas toutes les albumines, mais seulement quelques-unes, et qui les transforme en produits azotés solubles, différents des albumines, et plus avancés même que les produits de la digestion tryptique, non seulement leucine, tyrosine, glycocoUe, mais encore ammoniaque et peut-être urée. L'urée elle-même semble être transformée partiellement en ammoniaque. Quoique il soit assez peu vraisemblable que ce phénomène de production d'ammoniaque aux dépens de lurée ait lieu in vivo, il faut admettre qu'il se produit dans l'autolyse du foie. HuGouNKNQ et DoYON Ont par la même méthode d'autolyse étudié les phénomènes chimiques qui sk passent dans le foie séparé du corps. Ils ont noté l'augmentation de leucine, et ime légère dimitjulion des acides gras. Voici les chiffres qu'ils donnent EXTRAIT AT-COOLIQUE EXTRAIT ÉTHÉRÉ Étuve (12 heures). . . Témoin 12,2752 6,2551 3,1630 3,440 Éiuve (3 jours). . . . Témoin 18,7605 5,0583 4,2784 3,5889 L'augmentation est donc considérable dans ce tissu séparé du corps. DICT. DB PHYSIOLOGIE. — ToME VI. 690 FOIE. J'ai pu constater tout récemment un autre fait intéressant, relatif à cette transfor- mation par autolyse des albuminoïdes hépatiques {Des ferments protéolytiques et de l'auto- lyse du foie. B. B., 23 mai i903, 656-638). A cet effet, j'ai traité la bouillie hépatique toute fraîche d'un chien, par un volume égal d'uae solution de fluorure de sodium à 6 gr. p. 100. Dansces conditions, toute action microbienne est absolument supprimée. Le liquide filtré a été séparé en deux portions. Les portions A, que nous appellerons, pour simplifier. Foie ciuf, ont été coagulées à l'autoclave par une température de liO°. Les autres portions B ont été mises à l'étuve, à 38°, sans avoir subi l'action de la chaleur. Nous les appellerons, pour simplifier, Foie cru. L'albumine de ces deux portions a été dose'e par pesée; Le liquide coagulé par la chauffe dans l'autoclave à lîO*' a été traité ensuite par trois fois son volume d'alcool à 96 degrés; et le tout a été mis sur un filtré taré, puis, après fillration, le filtre avec le précipité a été pesé, desséché à 100°. Il est nécessaire de déduire du poids du précipité le poids des cendres, obtenu par calcination, à cause de l'insolubilité relative du fluorure de sodium dans l'alcool. Les chiffres trouvés montrent nettement qu'il y a dans le foie des ferments protéo- lytiques, solubles, digérant les albumines hépatiques. Cette expérience est différente de l'expérience de Salrowski et de celle des auteurs cités plus haut; car il s'agit, dans celles que je rapporte ici, de liquide hépatique dissous, ayant filtré, et non de cellules hépa- tiques intactes. Pour 100 Poids d'albumine d'albumine du foie cuit coagulable. ont disparu. gr- „ , ( Foie cuit 2,78 ) „„ „ E'^P-'-j Foie cru 2:32 ] '^'^ „ ^ ( Foie cuit 3,08 ) ^^P- -• i Foie cru 2,10 j ^' '■ I Foie cru 3,15 j Dans cette exp. 3 les cendres n'ont pas été dosées; ce qui donnerait, en supposant l^^îS de cendres : Foie cuit 2,25 ) ,„ Foie cru 1,90 j '"' Si la digestion est prolongée, les quantités d'albumine dissoute augmentent. (Exp. IV.) 24 h. 48 h. 96 h. 7 jours. 14 jours. Foie cuit 1.06 0,99 1,22 0,71 0,83 Foie cru 0,72 0,79 0,77 0,45 0,35 Pour 100 d'albumine du t'oie cuit ont disparu. . 32 20 37 37 56 La moyenne générale de ces expériences donne 32 p. 100 d'albumine ayant disparu, sans doute transformée par les ferments solubles du foie en matières azotées non coagu- lables par la chaleur et l'alcool. Or le fait remarquable, c'est que les autres albumines, par exemple les albumines du sérum musculaire, ou les albumines hépatiques, après qu'elles ont été coagulées, ne subissent pas cette dissolution. En effet, si l'on a mélangé à ce liquide hépatique des proportions variables de sérum musculaire, on ne change pas les quantités d'albumine dissoute. D'autre part, en mélangeant 50 centimètres cubes de bouillie hépatique (filtrée et crue) avec 50 centimètres cubes de bouillie hépatique (filtrée et cuite), après filtration, on trouve des nombres qui se rapprochent absolument des nombres qu'on eût dû trouver, si l'on n'avait eu affaire qu'au liquide hépatique cru. Foie cuit . Foie cru Mél. à parties égales de loie cuit et de foie cru. 24 h. 48 h. 36 h. 7 jours. 14 jours. 1,06 0,99 1,22 0,71 0,83 0,72 0,79 0,77 0,45 0,35 0,91 0,87 0,72 0,54 0,49 FOIE. H9I A supposer que l'albumine cuite n'ait pas été transformée, on eilt dû trouver dans le mélange à parties égaies de foie cuit et de foie cru : 0,89 0,89 0,99 0,58 0,59 ce qui donne les différences minimes de : —0,02 0,02 0,27 (?) 0,0't 0,10 Il faut donc admettre que ces ferments protéolytiques solubles du foie solubilisent les matières albuminoïdes du foie, mais celles-là seulement, et qu'elles sont incapables d'agir sur les autres albumines. C'est là un fait très général. Chaque tissu contient des ferments intra-cellulaires capables de digérer son propre tissu et non de digérer les autres tissus. Autrement dit,' il y a dans chaque cellule un ferment autoprotéolytique qui parait être absolument spé- cifique. Dans cette même expérience l'urée a été également dosée (par le procédé de Moerner et Sjoqvist, encore que nous n'ignorions pas que la méthode n'est pas irréprochable).. Le liquide évaporé avec précaution a été repris par un mélange d'éther et d'alcool; et la solution éthéro-alcoolique a été traitée par une dissolution aqueuse de baryte et de chlorure de baryum qui précipite toutes les matières azotées, sauf l'urée et l'ammo- niaque. L'ammoniaque a été éliminée par la magnésie; et l'urée a été dosée en déter- minant la quantité d'azote par la méthode de K.ieldahl. Dans l'expérience ci-dessus indiquée les quantités d'urée ont été (pour I 000 grammes de foie) : 21 h. 18 h. 'JO h, 7 jours. Il jours. Foie cru 0,33 0,70 1,37 1,40 1,80 Foie cuit 0,30 0,43 0,6a 0,85 0,80 Mélange de foie cru et de foie cuit. 0,60 0,43 0,60 0,83 1,00 Dans tous les cas, il y a eu un notable excédent de l'urée du foie cru sur l'urée du foie cuit. 24 heures 0,03 48 heures 0,25 96 heures 0,77 7 jours 0,35 14 jours 1,00 Mais il est impossible de trouver une autre relation entre les quantités d'albuminé ayant disparu et la quantité d'urée formée, car, dans cette même expérience, les quan- tités d'albumine trouvées en excès pour 1 000 grammes de foie.'dans le foie cuit, ont été : 24 heures 5,6 48 heures 2,0 96 heures 4,5 7 jours 2,6 14 jours 4,8 Il s'agit là assurément d'un processus très complexe, et peut-être, avant de passer à l'état d'urée, l'albumine passe-t-elle par une série d'étapes intermédiaires, qui, dans ce foie soumis à l'autolyse, ne sont achevées qu'au bout d'un assez long temps. Des substances qui se transforment en urée dans le foie. — Toutes les expé- riences relatées plus haut prouvent qu'il y a formation d'urée dans le foie; mais, dans tout ce que nous avons dit jusqu'ici, nous n'avons pas abordé la question de savoir aux dépens de quelles substances azotées se fait cette formation d'urée. Des expériences innombrables prouvent que l'alimentation par des matières albu- minoïdes fait croître l'excrétion de l'urée. On peut même soutenir que la presque tota- lité des matières protéiques ingérées et assimilées est rejetée à l'état d'urée. En faisant la proportion de l'azote éliminé et de l'azote ingéré, on constate que, pour 100 parties tî92 FOIE. d'azote, les 4/o> soit 80 p. 100, sont excrétés en urée; 86 p. 100 d'après Pflugë net Bleib- TREU. Il s'agit de savoir par quel procédé se fait ce passage de la molécule d'albumine à l'état de molécule d'urée. Tout d'abord il paraît probable que ce n'est pas par un phénomène d'oxydation, mais bien par des processus d'hydratation et de réduction. A. Gautier a insisté sur cette formation anaérobie de l'urée, démontrée par mon expérience du foie trempé dans de li^ pargifflfle qui continue à faire de l'urée. Il donne la formule générale suivante, très Schéifl.§tJp#. 4 (Cf )tJ*f8Az»»"S022) + 68 H20 = (COAzSH*) 32 + 3 ci-HiOiOe + 12 CeH'OQs Ali^nMae. Eau. Urée. Oléostéaromargarine. Glycog^ne + 4S03HÎ + 15C02 Acide Aridp sulfureux. carbonique. L'albumine enpré.sence de l'eau donnerait donc de l'urée, de la graisse, du glycogène, sic lacide sulfureux et de l'acide carbonique. Mais cette équation ne rend pas comple des ternies intermédiaires, et d'ailleurs, dans aucune des expériences relatées plus haut, on n'est arrivé à prouver que dan.s le foie 4'atbumine donne par hydratation de l'urée : la formule indiquée plus haut est une for^nuie indirecte, vraisemblable d'après les données générales de la nutrition; mais on sait qu'en physiologie, plus encore peut-être que dans toute autre science, les preuves directes ont une importance prépondérante. Or les preuves directes de la transformation d'albumine en urée font à peu près défaut. Si l'on fait dans le foie passer du sang dépourvu de carbonate d'ammoniaque, ou du sang d'un animal à jeun, quoique ce sang soit très riche en albuminoïdes, il n'y a pas, d'après Schuoder, formation de quantités appréciables d'urée. Par conséquent l'albumine du sang ne suffirait pas à produire de l'urée. Ainsi donc les expériences faites in vitro ou avec le foie lavé tendraient à prouver que les albumines du sang de l'animal à jeun ne se transforment pas en urée dans le foie. 11 serait certainement peu justifié d'en conclure que cette transformation n'a pas lieu pen- dant la vie. On sait en effet que chez les animaux inanitiés depuis longtemps, depuis quinze, vingt, trente, quarante jours, il y a encore formation d'urée en quantité notable. 11 y a donc production d'urée aux dépens de l'albumine du sang. Mais cette formation s'opère-t-elle dans le foie ? Les belles expériences de Hah.x, Masse\, Nencki et Pawlow (1892) ont fourni des documents importants sur ce point. Ces physiologistes ont pu aboucher la veine porte avec la veine cave inférieure de manière à empêcher le passage du sang veineux porte dans le foie. Dans quelques cas ils ont à cette opération ajouté la ligature de l'artère hépa- tique, de sorte que, dans ces conditions, le sang ne circulait plus du tout dans le foie (ou du moins il n'en passait que des quantités extrêmement faibles). Nous reviendrons plus loin sur cette expérience fondamentale. Il nous suffira à présent d'établir que, malgré la suppression de toute circulation hépatique, il y a eu encore production d'urée. Un chien (p. 4o!) a donné en seize heures OS'/283 d'urée; un autre, en treize heures, 2sr,5T; un autre, en quatorze heures, 3k'',13. Donc, sur les chiens opérés de la fistule d'EcK, soit après ligature de l'artère hépa- tique, soit après ablation du foie, l'urée se formait encore, quoique en bien moindre quan- tité, de 'sorte qu'il est difficile de nier qu'il se produise encore de l'urée dans l'orga- nisme lorsque la fonction du foie est supprimée. Il est permis d'adopter cette conclusion quand on voit (p. 463) un chien, sans irrigation sanguine hépatique, produire en 20 heures 4e'',49 d'urée. Par conséquent, à supposer qu'il ne s'agisse pas d'urée existant déjà dans le sang et éliminée consécutivement à l'opération; à supposer que la vessie ait été au préalable comprètement vidée et que l'urine recueillie ne soit pas l'urine du fond de la vessie, des bassine'bs et des uretères; à supposer aussi que la ligature de l'artère hépa- tique ait supprimé toute la circulation du foie, toutes objections auxquelles par les pro- cédés employés les expérimentateurs ont répondu, il paraît prouvé qu'il peut y avoir formation d'urée dans l'organisme indépendamment du foie. Mais assurément cette production d'urée est extrêmement faible, comme chez les oiseaux la production d'acide urique, quand le foie a été enlevé. FOIE. m3 MiiNKOwsKi a montré que, tandis que les oies à l'état normal éliminent de 1 à 4, ij d'acide urique par joui% selon l'alimentation; elles éliminent seulement 0,o à 0,25 quand ou a extirpé le foie; de sorte que rablation|du foie a pour conséquence, chez les oies, la presque totale suppression de l'excrétion azotée sous forme d'acide urique. D'autre part, d'après Schondorff, qui a fait dans le laboratoire de Pfluger de très nombreuses expériences, avec des dosages très exacts d'urée, le tissu hépatique des chiens à jeun est incapable de donner de l'urée quand on fait traverser le foie par du sang (à jeun). Dans un cas, que je prends au hasard parmi beaucoup d'autres, le sang contenait avant son passage dans le foie 0,6't89 d'urée par litre. Après qu'il eut fait cinq passages dans le foie, sa teneur en urée s'élevait àO,6o31; c'est-à-dire qu'elle ne s'était pas modifiée. De ces faits il ressort deux conclusions]assez probables; la première, c'est qu'il y a production d'une certaine quantité d'urée, mais d'une quantité très faible, indépen- damment du foie. C'est la conclusion à laquelle arrivent Nencki, Pawlow et Zaleski (189ii, p. 224). La seconde, c'est que le foie est incapable de former directement de l'urée aux dépens des matières albuminoïdes. Il faut ajouter à ces expériences les recherches de Popofk qui a montré (1880) que l'urée s'accumule en plus grande quantité dans le foie que dans tout autre organe, lorsque les reins ont été enlevés ou que les uretères ont été liés. Déjà Gscheidlen (1871 aVait constaté que le sang du cœur, chez des chiens néphrotomisés, contient, vingt heures après l'opération, Ok',14 d'urée par litre, tandis que le foie en contient der^24 par kilo- gramme. Dans un autre cas, après quarante heures, le sang contenait o>i'',il d'urée, et le foie 4s',20. Keprenant ces faits, et l'expérience de Gamgee qui trouve constamment plus d'urée dans le sang des veines sus-hépatiques que dans le sang delà carotide, Popoff con- clut que le foie est bien un formateur d'urée. En effet, en liant les uretères d'un chien, il trouva au moment de la mort, qui survint au troisième jour, 14e'", 9 d'urée dans le foie; chiffre considérable, le plus fort de tous ceux que nousayions eu jusqu'ici à mentionner. Sur un autre chien, mort le troisième jour, après ligature des uretères, il trouve dans le foie 3K'',77, dans le muscle 2e'", 64, dans le sang 0e'",56o. La ligature des artères rénales donne aussi le même résultat": au troisième jour de la mort, 2^''%74 dans le foie; i>^'',lQ dans les muscles; 0S'",27 dans le cerveau. Oppleb (cité par Popoff) a trouvé enfin dans l'urémie 2 gr. (en nitrate d'urée) par kilogramme, dans le foie, et seulement 0S'",2o dans le sang, de sorte qu'il semble bien prouvé que l'accumulation d'urée se fait dans le foie, beaucoup plus que dans les autres organes, quand l'excrétion rénale ne peut plus se faire. Ce nest pas une preuve absolue; c'est seulement une présomption, pour établir que le foie joue un rôle fondamental dans la production de l'urée. Formation de l'urée par le foie aux dépens de Tammoniaque. — Des expe'riences déjà anciennes ont montré que les sels ammoniacaux ingérés dans l'organisme étaient éliminés à l'état d'urée (voir Ammoniaque, i, 418). L'observation n'est pas très nette quand l'ammoniaque est donnée sous forme de sel ammoniacal à acide minéral (chlorure, sulfate). Mais, quand on administre des citrates, tartrates, malates, ou acétates d'ammo- niuni, les proportions d'urée excrétée augmentent, et les urines ne contiennent pas plus d'ammoniaque que dans l'alimentation ordinaire (Knieriem). Il s'ensuit que l'ammoniaque se transforme dans l'organisme en urée. Est-ce par une combinaison avec l'acide cyanique"? Salkowski n'avait pas pu résoudre la question; mais des expériences ultérieures permettent aujourd'hui de connaître par quel mécanisme l'ammoniaque donne de l'urée. En effet, Scuroder a d'abord montré que le passage du sang chargé de carbonate d'ammoniaque à travers le foie donnait de l'urée, comme s'il se faisait une déshydratation du carbonate d'ammonium. C03Az«H8 = C0Az2Hi + (H20)-! Voici le résultat de ces expériences faites avec du sang chargé de carbonate d'ammo- niaque : Circidation dans le rein. URÉK PAR I.ITRK. > Avant. . . 0,402 ' . ■ Après. . . 0,390 694 FOIE. Circulation dans les muscles URÉE PAR LITRE. Avant. . . 0,140 Après. . . 0,137 Avant. . . ' 0,384 Après. . . 0,372 Circulation dajis le foie. Avant. . Après. . 0,452 0,538 0,236 . 0,812 1,253 0,599 0,418 1,351 Ainsi, dans le foie .seulement, mais non dans les muscles ni dans les reins, le carbo- nate d'ammoniaque se transformait en urée. Si d'autre part on fait passer dans le foie du sang dépourvu de sel ammoniacal, on ne fait pas croître la quantité d'urée. Quant au sang des animau.x en digestion, il se comporte comme le sang chargé de carbonate (ou de formiate) d'ammonium. ScHONDORFF a confirméces résultats,et y aajouté une donnéenouvelle.Ilavuquelesang d'un animal à jeun, s'il passe dans le foie d'un animal en pleine digestion, s'enrichit en urée. URÉE PAR LITRE. Avant. . . 0,3461 0,5159 0,36429 Aprc.'i. . . . 0,7061 0,8829 0,7222 D'autre part, si l'on faitcirculer le sang d'un animal alimenté avec^de la viande danslefoie d'un animal en inanition, il semble que ce sang, au lieu de s'enrichir, s'appauvrisse en urée. Il conclut alors de ses recherches que la teneur du sang en urée dépend de l'état de nutrition de l'animal; que, pendant la digestion, il y a un minimum de ,0,348, et un maximum de 1,529; et que très probablement cette urée provient d'une opération chi- mique qu'on peut dédoubler en deux périodes : 1° il se fait des produits de destruction de la molécule d'albumine dans les tissus (en grande partie de l'ammoniaque); 2° ces produits sont par le foie transformés en urée. Marfori (1893) a montré que le lactate d'ammonium injecté à des chiens, à la dose de 0,1 à 0,06 par kilogramme et par heure, était intégralement transformé en urée. Salomon a pu établir le même fait chez des moutons et des chiens pour le carbonate d'ammonium. LoHREaet Bughheim (cités par Schafer, T. of PhysioL, l, 907) ont remarqué que le citrate d'ammonium injecté se transforme en urée, tandis que le citrate de potasse donne une urine alcaline, car il se fait du carbonate de potassium qui passe dans l'urine, tandis que le carbonate d'ammoniaque formé par l'oxydation du citrate ne donne que de l'urée. D'après Feder et Voit, l'acétate d'ammonium se transforme en urée. Pour le chlorhydrate d'ammoniaque et probablement les sels ammoniacaux à acide minéral, les choses sont un peu différentes. Chez les herbivores (lapins) auxquels on donne du chlorhydrate d'AzH^, l'AzH^ reparaît entièrement sous forme d'urée, tandis que chez les carnivores (homme et chien) une partie de l'AzH^ passe dans les urines sous forme de sel ammoniacal. Bunge pense que dans ce cas le soufre oxydé des protéides donne de l'acide sulfui-ique qui fait du suUate d'AzH', alors que chez les herbivores l'excès de CO^KH fait du carbonate d'AzH^ qui se change en urée dans le foie. D'ailleurs, par le passage de sels ammoniacaux dans le foie soumis à la circulation artificielle, le chlorure, le sulfate ne sont pas transformés, tandis que le lacate, l'acétate, le tartrate, le carbonate se chan- gent en urée. Chez les chiens à jeun (Feder) tout le AzH''CI ingéré passe dans les urines. Les admirables travaux de Nencki et Pawlow nous font connaître la nature des sels ammoniacaux ainsi transformés, en même temps que, par toute une série de preuves très fortes, ils établissent que la fonction fondamentale du foie est de faire de l'urée et de détruire l'ammoniaque. Si l'on dose l'ammoniaque de l'urine d'un chien ayant subi l'opération d'EcK, c'est-à- dire l'abouchement de la veine cave avec la veine porte, on trouve que les proportions d'ammoniaque ont augmenté énormément par rapport à l'urée : dans certains cas l'azote de l'ammoniaque représentait 20 p. 100 de l'azote total; alors qu'à l'état normal elle ne forme guère que 2, 3, 4, p. 100. Ceux des chiens opérés qui survivent ne supportent FOIE. 695 pas sans être intoxiqués les plus petites doses d'ammoniaque, et, aussitôt après l'inges- tion et la digestion de viande, ils présentent tous les symptômes de l'empoisonnement par les sels ammoniacaux, quoique avec quelques légères modifications du complexus syraptomatique, convulsions, vomissements, aneslhésie, coma, amaurose. Bien plus, il paraît prouvé que la digestion de la viande introduit dans le système circulatoire des substances toxiques ammoniacales ou analogues à l'ammoniaque, et qui ne peuvent plus, par le foie, être transformées en urée, de sorte que Talimentation avec la viande provoque tous les symptômes d'un empoisonnement par l'ammoniaque. Nencki, Pawlowt et Zalesri en déduisent cette conclusion que le foie des animaux carnivores préserve incessament l'organisme de l'intoxication ammoniacale. En cherchant la substance, voisine de l'ammoniaque, qui peut donner soit de l'ammo- niaque dans les tissus, soit de l'urée dans le foie, ils ont été amenés à trouver que c'était, l'acide carbamique, et en effet Drechsel n'a trouvé que de l'acide carbamique et non de l'ammoniaque, dans le sang. Il donne la formule suivante, qui établit les conditions de transformation du carbamale d'ammonium en urée : Les expériences faites sur les poissons sélaciens par Schrôder ne sont pas faciles à interpréter. Il a vu sur Scylliiim catuliis que l'ablation du foie, qui permet encore jusqu'à 70 heures de vie, n'est pas suivie d'une diminution dans l'urée des muscles. Mais il y a lieu de faire des réserves snr la conclusion à tirer de cette observation; car la fonc- tion uréopoïétique du foie est probablement très variable dans les divers groupes ani- maux, et il paraît difficile de conclure des Sélaciens aux Mammifères; car chez les Séla- ciens tous les tissus sont imprégnés d'urée. Divers auteurs ont repris l'élude de la suppression de la fonction hépatique par l'abouchement de la veine cave avec la veine porte (fistule d'EcK) ; et on peut dire que, d'une manière générale, ils n'ont pas apporté beaucoup de faits nouveaux aux données fournies par les physiologistes russes qui ont les premiers pratiqué cette opération. D'abord on a cherché à rendre plus facile l'opération de la fistule d'EcK, qui est laborieuse, délicate, et qui, même lorsqu'elle est très habilement exécutée, entraîne, dans les deux tiers des cas, la mort de l'animal. Queirolo a préféré, après ligature du tronc de la veine porte, faire aboutir la portion périphérique de la veine porte (bout intestinal) à une canule de verre, laquelle mène le sang dans la veine cave inférieure. Cette méthode, pour le détail de laquelle nous renvoyons au mémoire original, a été employée par Magnanimi, puis par Biedl et Winterberg. Elle présente un sérieux incon- vénient, auquel d'ailleurs on peut remédier, c'est que l'abouchement de la veine porte avec la veine cave se fait assez loin duhile du foie, plus près de l'intestin que du foie, de sorte que la veine pancréatico-duodénale, qui est relativement importante et volumi- neuse, continue à déverser du sang dans le tronc de la veine porte et dans le foie. Aussi faut-il absolument lier la veine pancréatico-duodénale, si l'on a fait aboucher (loin du hile de foie) la veine porte avec la veine cave (Proc. de Queirolo). Neng8[ et Paulow, dans une communication ultérieure, ont essayé d'extirper totale- ment le foie (1897) après avoir abouché la veine porte avec la veine cave. Les animaux ainsi opérés ne survivent que quelque? heures; mais c'est assez pour qu'on constate une augmentation de l'ammoniaque du sang, et une légère diminution de l'urée du sang. Parallèlement on trouve que la quantité d'azote excrété et contenu dans l'urine se trouve dans les proportions suivantes : Azote urinaire total =: 100. Expérience I. AVANT APRÈS l'opération. l'opération Azote uréique 88,46 74,53 — ammoniacal. . . 2,31 4,47 — résiduel 9,23 21,00 . FOIE. Expérience ^ Azote uréique 81,5 42,6 — ammoniacal. . . 5,1 21,4 " - résiduel 13,4 36,0 Ces expériences établissent donc que, même sans foie, il continue à se former de l'urée. Ce qui est d'ailleurs confirmé par d'autres expériences, notamment celles de ScHONDOBFF, qui a vu qu'il y avait de l'urée dans les muscles plus que dans le sang, et par Kaufmann, qui, cherchant la teneur des tissus en urée, a trouvé (pour 100) 0,032 dans le sang, 0,109 dans le foie, 0,086 dans le cerveau, et 0.062 dans la rate (chiffres d'ailleurs probablement très forts). MiiNZER, ayant objecté qu'une partie de l'ammoniaque, dans les cas de cirrhose hépa- tique et d'atrophie aiguë du foie, pouvait être éliminée par le poumon à l'état gazeux, Salaskin a recherché sur les chiens à fistule d'EcK si réellement il ne se trouvait pas quelques petites parcelles d'ammoniaque dans les gaz expirés, et il n'est arrivé qu'à des conclusions négatives. D'ailleurs Salaskin confirme l'augmenlalion d'AzH^ dans les tissus, notamment dans le sang et dans le cerveau. FiLippi a trouvé de grandes irrégularités dans les résultats que lui ont donnés des chiens à fistule d'EcK. Quelquefois dt^s accidents survenaient après ingestion de matières hydrocarbonées; quelquefois, même après ingestion de viande, il n'y avait pas d'effets toxiques. Cependant, après ingestion d'extraits de viande, toujours l'azote résiduel a augmenté dans l'urine (dans un cas 24 p. 100 de l'azote lolal). L'acide urique de l'urine augmente en proportion double et triple. Les deux seuls faits constants, c'est qu'il se produit une glycosurie alimentaire, phénomène qui n'est rien moins que caractéristique, et que la transformation des matières albuminoïdes en urée devient très incomplète. Il y a toujours moins d'urée, alors que le surplus de l'azote est tantôt en ammoniaque, tantôt en azote résiduel. FiLippi, comme la plupart des physiologistes qui ont étudié cette question, admet que, si l'artère hépatique est conservée, elle peut enct)re, quoique d'une manière très précaire, suffire au bon fonctionnement du foie. Mais, pour que cette circulation par l'artère hépatique suffise, il ne faut pas qu'il y ait surcharge alimentaire; car alors là transformation en urée des produits azotés de la digestion (ammoniaque et autres acides amidés) ne peut plus s'opérer dans des conditions satisfaisantes. Pour justifier la théorie de Nencki et Pawloff, que la mort des animaux à fistule d'EcK, parle fait de la digestion de viande, ou par le seul développement des accidents consé|- culifs non infectieux, était due à l'empoisonnement par l'ammoniaque, un point essen- tiel restait à établir, à savoir la dose exactement toxique de l'ammoniaque. BiEDL et WiMERBERG ont fait à ce sujet de nombreuses recherches, et ils ont d'abord constaté que, si la quantité d'ammoniaque qui se trouve dans le sang ne dépasse pas imgr 74 d'AzH^ pour 100 grammes, soit par litre 0S'",0174, on ne voit survenir aucun phénomène toxique. 11 ne s'agit pas évidemment de la dose d'ammoniaque injectée, mais seulement de la dose d'ammoniaque qui existe dans le sang ; car très rapidement sur un animal les sels ammoniacaux disparaissent de la circulation, soit que le foie les transforme, soit que le rein les élimine, soit que l'ammoniaque diffuse dans les tissus. Dans le tableau VI (p. 177) ils indiquent avec quelle rapidité disparaît l'ammoniaque du sang. La moyenne, qui était de 4'"6'', 082 (pour 100 grammes de sang), une demi-heure après, n'était plus que de 1™^% 306 pour 190 grammes de sang). Après avoir constaté que l'injection d'une solution d'un sel ammoniacal par la veine porte équivaut à l'injection de la même quantité par une veine périphérique quelconque, ils ont cherché à voir ce que devenait l'ammoniaque injectée dans le sang d'un chien à fistule d'EcK (ils opéraient en modifiant légèrement le procédé de Queirolo). Ils ont vu constamment que l'ammo- niaque est moins rapidement éliminée chez les chiens à fistule d'EcK. Toutes conditions égales d'ailleurs dans la quantité et la rapidité des injections, faites sur le même chien à quelques jours de distance, ils ont trouvé : AMMONIAQCB EN MILLIGRAMMES dans 100 ce. de sang. 2,98 2,95 3,20 7,08 5,01 5,04 4,37 5,75 2,86 7,31 3,91 7,31 6,04 7,97 Même chien à listule d'Eck. . FOIE. 697 Les résultats ont été plus nets encore quand l'artère hépatique était liée. AzH^ EN MILLIGRAMMES dans 100 ce. de sang;. Chien normal 5,22 2,U "" 0,78 4^ Même chien à iistulc d'Eck \ et ligature de l'artère hé- 8,09 8,24 4,11 4,33 palique. . ) Il est à remarquer qu'une demi-heure après, malgré la suppression de la circulation hépatique, l'ammoniaque du sang avait notablement diminué, et n'était plus que de 1.63 ; 5,29 ; 1,08 ; 1,69. Ce qui prouve que le foie n'est pas le seul organe qui puisse éliminer l'ammoniaque ou le détruire. , BiEDL et WiNTERBERG out alors essayé de supprimer la fonction du foie par injections caustiques dans le canal cholédoque (acide sulfurique au trentième). Dans ces conditions les chiens survivent trois ou quatre jours, et le foie est dès le début profondément altéré. Mais les animaux ainsi opérés ne meurent ni avec des convulsions, ni avec les symp- tômes d'ammonihémie : on n'observe qu'un coma progressif. L'ammoniaque injectée dans le sang n'est pas plus mal supportée par ces chiens sans foie (à foie détruit par l'acide sulfurique) que par de.s chiens normaux. Les deux auteurs eu concluent qu'il est alors impossible d'attribuer la mort à un empoisonnement par l'ammoniaque. Pour juger la question de nouveau, Nengki et Zaleski ont repris l'étude de la quan- tité d'ammoniaque contenu dans le foie. La distillation des extraits animaux dans le vide avec un lait de chaux avait été employée par Nencki et Zaleski dans leurs premières recherches. Mais Bield et Wimer- BERG ont, depuis lors (1901), démontré que la quantité d'ammoniaque obtenue par ce pro- cédé dépendait de la concentration de la liqueur. Nencki et Zaleski ont alors proposé de remplacer le lait de chaux par un grand excès d'oxyde de magnésium, ce qui a de grands avantages, car l'excès de magnésie n'entraîne pas de dédoublement des protéides en ammoniaque. La quantité d'AzH' trouvée dans 100 grammes de foie a été (moyenne de Vil expériences), chez les chiens en état d'alimentation, de Oi^'', 02327 : ce chiffre est bien plus considérable que la proportion de l'ammoniaque du sang, 0,0004 pour 100 parties, ('-hez les chiens à jeun (4 observations) l'ammoniaque a été en faible quantité : 0,01751 au premier jour de jeûne; 0,007 au cinquième jour ; et 0,010 au huitième jour. Au con- traire, l'ammoniaque augmente dans les aulres tissus des animaux qui jeûnent. Le tableau suivant indique ces diiférences: AMMONIAQUK (AzII') EN MILLIGRAMMHS pour 100 grammes. (Moyenne chez des cliiens.) .Jeûne du .Jeûne du ' " Digestion. 1»' jour. 3« jour. Sang veineux (iliaque) ^ 0,70 0,80 . . . Sang artéi-iel. . 0,41 0,42 ... Sang delà veine porte \,^^ 1,29 ... Foie 23,27 17, .51 7,01 Muscles 12,94 14,36 . . . Muqueuse stomacaie 3(5,49 29,09 21,6a Cerveau 11,93 11,19 . . » Muqueuse iiuestiuale 32,42 18,72 16,78 Ainsi, de ces faits, qui complètent et confirment leurs expériences antérieures, les physiologistes russes peuvent-ils avec raison conclure, contre Biedl et Winterberg, que le rôle du foie comme organe destructeur de l'ammoniaque apparaît en toute évidence. En effet, d'abord et avant tout, il y a toujours une différence notable entre le sang de la veine porte et le sang des autres tissus (sang veineux général ou sang artériel) quant à leur teneur en ammoniaque. Par conséquent, il est absolument nécessaire que le foie transforme celle ammoniaque, puisque aussi bien le foie seul peut intervenir .pour la détruire. D'autre part, le grand excès d'ammoniaque qui se trouve dans la muqueuse stomacale et la muqueuse intestinale au moment de la digestion indique en toute évidence qu'il se 698 FOIE. fait pendant la digestion de grandes quantités d'ammoniaque, laquelle est entraînée par la veine porte dans le foie, et y est détruite. D'ailleurs, quoique très peu de travaux aient été entrepris à ce sujet, il est probable que la formation d'ammoniaque ou de corps amidés pendant la digestion est assez importante. A. Hirschler a montré (1886) que pendant la digestion pancréatique de la . fibrine il se faisait un peu d'AzH^; et Zu.ntz a trouvé de même que pendant la digestion peptique la production d'AzH^ n'était pas négligeable. Au bout de cinq ou six jours de digestion artificielle, l'Az de l'ammoniaque représentait 2 p. 100 de l'azote total des matières protéiques. Il est vrai, que, dans cette expérience, Zuntz ne résout pas la ques- tion de savoir s'il s'agit d'ammoniaque, ou d'acides monoamidés donnant de l'ammo- niaque par ébullitioti avec la magnésie. Comme jadis P. Schutzenberger et tout récem- ment Haussmann ont montré que l'ammoniaque est un produit de dédoublement de l'albumine, il n'est pas surprenant que ce corps se produise dans la digestion, c'est- à-dire en somme dans le dédoublement des matières protéiques. On n'a pas précisé davantage celte formation d'ammoniaque dans la digestion, et c'est une lacune assez regrettable, car il est évident que la formation dans la digestion gastro-intestinale d'une grande quantité d'ammoniaque expliquerait très bien et la teneur considérable en AzH^ du sang de la veine porte, et la formation d'urée au moment de la digestion, et les accidents de toxémie ammoniacale qu'on observe après digestion de viande chez les chiens à fistule d'EcK. La nature des aliments modifie beaucoup la teneur du sang en ammoniaque. Voici en effet, d'après un tableau donné par ArtHus [Èlém. de Physiologie, 1902, 514), les pro- portions d'AzH^ dans les tissus, chez le chien : AzH^ EN MILLIGRAMMES POUR 100 GRAMMES. Inanition. Nourriture carnée. Pain et lait. Sang artériel ' . . . . 0,38 1,5 (inoy.) 2,7 Sang veineux général .... »] 1,5 (inoy.) » Sang veineux porte ..... » 4,9 (moy.) » Sang veineux sus-hépatique.. » 1,4 (moy.) » Lymphe » 0,57 Foie 7,3 24 7,6 Pancréas 6,0 10,6 9,1 Rate 4,6 14,8 9,1 Muscles » 19,4 11,3 Cerveau. » 10,7 5,5 Reins » 20,3 12.3 Poumons » 1,1 » Muqueuse gastrique 21,5 47 (moy.) 16,0 Contenu gastrique » 16,9 (moy.) 3,4 Muqueuse intestinale .... 16,2 31,2 9,1 Contenu intestinal » 35,1 29,0 On notera la grande dilfèrence au point de vue de l'ammoniaque entre le sang veineux porte et le sang veineux sus-hépatique, lequel est identique, à ce point de vue, au sang artériel et au sang veineux général; ce qui prouve bien qu'il y a destruction de l'ammo- niaque dans le foie. On peut constater aussi qu'après une alimentation carnée il y a, partout, mais surtout dans la muqueuse gastrique, beaucoup plus d'AzH^ qu'après une alimentation de pain et de lait. Mais les physiologistes de Saint-Pétersbourg, qui ont fait cette expérience, ne sup- posent pas que celte ammoniaque soit due aux décompositions des proléides par les fer- ments digestifs. En eilel, même après un repas fictif (expérience de Paulow), c'est-à-dire quand les aliments, au lieu de passer dans l'estomac, provoquent simplement la sécré- tion gastrique par voie rétlexe psychique, on constate que la muqueuse gastrique est encore très riche en ammoniaque (42,2), comme la muqueuse intestinale (24,6) et le foie (21,3). Ainsi donc ce serait la stimulation névro-sécrétoire qui amasserait de l'ammo- niaque dans les muqueuses digestives, non la^digestion môme des protéides. Il convient toutefois de faire remarquer que ces dosages ont été faits par la méthode de la distilla- tion avec CaO, qui donne de moins exacts résultats que la distillation avec MgO. , Cependant l'azote éliminé par les urines augmente par le fait même du repas fictif. FOIE. 699 comme si les sécrétions gastrique, pancréatique et intestinale provoquaient l'augmenla- tion de l'azote urinaire. Enfin la teneur des urines en ammoniaque augmente notablement avec le régime carné, comme l'indique le tableau suivant (Arthus, loc. cit., S22) : . . AzH^ DANS LES URINES DE 24 HEURES Chien. Homme. Régime carné pur . 0,608 0,875 — mixte 0,414 0.642 — végétal pur 0,266 0,400 ■ Ce fait démonti-e bien que, quelle que soit l'importance de la fonction hépatique pour la transformation de l'ammoniaque en urée, elle n'est pas absolument suffisante, puisque, dans le cas d'un régime carné pur, malgré l'intégrité de l'appareil hépatique, il y a dans le sang excès d'ammoniaque, qui est alors éliminée par les urines. Il est d'ailleurs des conditions dans lesquelles on peut diminuer la transformation de l'ammoniaque en urée. Il semble, en effet, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, que la fonction uropoïétique du foie sur l'ammoniaque ne s'exerce qu'aux dépens des sels ammoniacaux à radical acide organique (lactate, ou tartrate ou acétate, et surtout carbo- nate), de sorte que, si l'on donne des acides minéraux, chlorhydrique ou sulfurique, qui forment avec l'ammoniaque des sels à radical acide minéral, on soustrait alors à la for- mation en urée une certaine quantité d'ammoniaque, laquelle est alors éliminée sous la forme de sel ammoniacal dans les urines. Un individu, qui normalement élimine en cinq jours 4,159 d'AzH», prend pendant les cinq jours suivants la même nourriture, avec en plus 2*''',81 deHCl, et alors il élimine par les urines 6s'', 194 d'AzH'',au lieu de 4«^%lb9. Un chien qui élimine de 0,438 à 0,592 d'AzH'* dans les urines, reçoit 4 grammes d'acide sulfurique : il élimine 0,776 d'AzH\ Il reçoit 7 grammes d'acide sulfurique ; il élimine alors ls%570 d'AzH^. Tous ces faits établissent bien le mécanisme des transformations de l'ammoniaque dans le foie. Elles sont vraisemblablement identiques chez les herbivores et les carni- vores, La seule différence, c'est que chez les herbivores il y a un grand excès de sels alca- lins (oxalates, citrates, tarlrates, malates, acétates de potasse et de soude) qui donnent par oxydation des carbonates de potasse et de soude, lesquels avec les sels ammoniacaux fournissent du carbonate d'ammoniaque, étape probablement nécessaire pour la forma- tion d'urée dans le foie aux dépens de AzH'. Il y a donc là une double défense de l'organisme (Arthus). D'une part, contre les acides l'organisme se défend en saturant les acides par l'ammoniaque et en faisant des sels ammoniacaux à radical acide minéral (AzH'Cl; (x\zH'')-SO*), qui sont éliminés par l'urine; d'autre part, contre l'ammoniaque, qui est tantôt saturée par les acides minéraux, tantôt, s'il y a excès d'alcali, changée en carbonate d'ammonium, lequel est ensuite trans- formé en urée dans le foie. Remarquons enfin, quoiqu'il s'agisse de calculs extrêmement hypothétiques, que, si la différence entre le sang porte et le sang sus-hépatique est de 3™e^,5 pour 100 grammes, soit de 0^^035 par litre, cette différence explique tant bien que mal la quantité d'urée excrétée par un chien de 10 kilogrammes en vingt-quatre heures. En effet 0*?', 035 d'AzH' équivalent à 0e^060 d'urée. Or on admet 800 grammes de sang, dont un quart est dans le foie, soit 200 grammes, et pour chaque révolution totale du isang une demi-minute environ, soit 400 grammes par minute dans le foie : ce qui fait par heure 24 litres de sang : et le chiffre total de l'urée calculée ainsi, en supposant bien entendu que tout le déficit de l'ammoniaque, dans la veine sus-hépatique, est remplacé par de l'urée, serait alors, pour 576 litres de sang, de 34,56 d'urée, chiffre très fort, mais -assez proche cependant du chiffre qu'on trouve chez les chiens abondamment et exclusivement nourris de viande, pour que ce calcul très approximatif puisse être provisoirement adopté. Quant aux expériences de Biedl et Winterberg, d'après lesquelles la destruction du foie (par injection d'acide sulfurique dans le cholédoque) n'entraînerait pas, comme chez les chiens à fistule d'EcK, une rapide intoxication ammoniacale, il ne faut peut-être pas y ajouter très grande importance, car les deux méthodes d'élimination de la fonction hépa- tique sont trop dissemblables pour qu'on en puisse déduire conclusion de Tune à l'autre. Reste alors ce fait que, après injection d'un sel ammoniacalj on voit très rapide- 700 FOIE. ment chez les chiens normaux disparaître l'ammoniaque du sang, et saps syraptônies graves, alors que chez les animaux à fistule d'EcR les symptômes d'intoxication alimen-? taire sont graves et tenaces, pour des quantités certainement moins grandes d'ammo- niaque, dans le cas d'alimentation carnée, que dans l'injection intra-veineuse expéri- mentale d'un sel ammoniacal. Hocodynski, Salaskine et Zaleski essayent d'expliquer celle différence en supposant que le rein des animaux à fistule d'EcK fonctionne moins bien que le rein des chiens normaux; mais cette explication, quoique plausible, n'est pas très satisfaisante. jin résumé, malgré les incertitudes qui subsistent encore, dans ce point très difficile de |a chimie physiologique générale, certains faits demeurent pouvtant incontestables : d at'ord, c'est que par la suppression de la fonction hépatique la fonclion uréopoïétique est, sinon supprimée totalement, au moins profondément altérée. Certes le foie n'est pas |e seul organe qui fasse de l'urée; mais c'est probablement celui" qui en fait le pins. Peut-être le foie n'est-il pas le seul organe qui détruise l'ammopiaque, mais c'est prqtiablement celui qui le détruit le plus vite et le mieux. ^ Ainsi que nous le disions à propos des fonctions chimiques du foie en général, elles SQi^j, ^rès obscures; et la fonction uréopoïétique n'est pas moins obscure que les autres. Mais, malgré cette obscurité, elle semble maintenant définitivement prouvée. fi^Qrmation d'urée aux dépens d'autres substances que l'îimmoniaque. — D'awtres corps que l'ammoniaque peuvent encore donner de l'urée dans le foie, et c'est en premier lieu l'acide urique. P^ENCKi et Pawlow avaient nettement constaté un accroissement d'acide urique après l'opération d'EcK. Si l'on fait la fistule d'EcK sans pratiquer la ligature de l'artère hépa- tique, dans les premiers moments qui suivent l'opération la quantité d'acide urique augfîijiente en proportions très notables : gr. Avant l'opération 0,065 - - 0,0171 . , • - — 0,0245 Après l'opération 0,1051 — — ..*..... 0,271 — — 0,1602 puis peu à peu le taux de l'acide urique revient à la normale, sauf dans les cas où se présen|ent des accidents d'intoxication. On a trouvé alors, dans un cas, jusqu'à 0,332 d'acide urique. Fjlippi a constaté aussi une augmentation considérable de l'acide urique chez dçs chiens à fistule d'EcK. Si ^'artère hépatique est liée, en même temps que la veine porte est abouchée à la veine cave, il y a toujours augmentation notable d'acide urique. En melt'int en contact, avec le liquide hépatique frais, par conséquent en éliminant toute fqrmalion cellulaire protoplasmjque et en ne prenant que des liquides diastasiques» à fermenj-s solubles, études solutions bien titrées d'urate de soude, nous avons, avec Chas- SEVANT, trouvé que l'acide urique diminuait, en même temps que l'urée augmentait. Au bout de q^uarante-huit heures, à l'étuve, en présence du chloroforme, mis pour éviter toute fermentation microbienne, il y a eu diminution de 0,034 d'acide urique et augmen- tation d^ 0,103 d'urée dans un cas et de 0,201 dans un autre, ce qui semblerait prouver, autant qv^e l'on peut en conclure de cette seule expérience, que, outre l'acide urique, il est d'awtres substances encore pour former de l'urée, par l'action des ferments hépa- tiques solubles. Dans notre expérience, ni l'ammoniaque ni les matières albuminoïdes .n'ont diminué de quantité; ce sont donc sans doute d'autres substances az.otées cristal- li sables. . • Le rôle du foie dans celle destruction de l'acide urique en urée n'est donc pas douteux (quoique Schroder ait constaté, _d'après A. Gautier, 766), que le sang passant dan.s le fQie ae charge d'acide urique). Chez les oiseaux, la fonction du foie paraît être bien différente. Minkowski a fait sur ce sujet de très belles expériences. Si l'on enlève le foie des oies, on peut les garder .parfo's vingt heures en vie, et on voit alors l'ammoniaque augmenter, en môme temps FOIE. 701 que l'acide urique diminue. Les proportions de l'ammoniaque à l'azote total ont été chez des oies privées de foie : Aiote 0,81» J,tOT 0,3Ô8 0,349 0,392 Ammoniaque . 0,549 0,719 0,214 0,174 0,238 chifiVes qui indiquent que l'ammoniaque représente alors 63 p. 100 de l'azote éliminé, tandis qu'à l'état normal cette proportion n'est que de 18 p. 100. D'ailleurs, antérieure- ment, les recherckes de Schroder (1878) avaient établi que, si l'on nourrit des oiseaux en mélangeant des sels ammoniacaux à leur nourriture, la. proportion d'acide urique excrété augmente, tout comme, d'après Kneriem, chez les mammifères, la proportion d'urée. Nous sommes donc en présence de deux faits dont la contradiction apparente est très nette. Chez les mammifères l'ablation du foie entraîne un excédent d'acide urique, comme si l'acide urique était détruit par le foie. Chez les oiseaux l'ablation de foie entraîne une diminution d'acide urique, comme si l'acide urique était formé par le foie. J'ai fait une expérience qui prouve directement cette différence remarquable, fon- damentale, entre le foie des mammifères et le foie des oiseaux (18&8). En faisant macérer un foie de canard avec uue solution d'urate de soude contenant 0,090 d'acide urique, après vingt-quatre heures d'étuve, j'ai retrouvé exactement la même quantité d'acide urique, 0,093 et 0,08o. Mais, si c'est un foie de chien qui a été mis à l'étuve avec urate de soude, après vingt-quatre heures l'acide urique a complètement disparu, et on ne retrouve plus que 0,003 (au lieu de 0,090) d'acide urique. Cette expérience est très im- portante, car elle établit bien, par des expériences in vitro : 1° que le foie des mammi- fères, par un ferment soluble, transforme l'acide urique ; 2° que le foie des oiseaux n'agit pas sur l'acide urique. A tous les points de vue le contraste entre le foie des mammifères et le foie des oiseaux est saisissant. En effet, Meyer (1877), puis Cech et Salkowski (cités par Min- KowsKi), ont vu que l'urée chez les oiseaux se change en acide urique, tandis que chez les mammifères c'est l'inverse qu'on observe. Minkowski a montré que, chez les oies privées de foie, l'urée ingérée n'était, pas plus que l'ammoniaque, transformée en acide urique dans l'organisme quand le foie n'était plus là. Donc c'est bien le foie qui fait de l'acide urique avec l'urée. Les expériences de Minkowski ont, en outre, rendu très probable que la synthèse de l'acide urique aux dépens de l'urée se fait par fixation d'acide lactique sur l'urée. Il y aurait alors chez les oiseaux deux étapes dans la formation de l'acide urique; d'abord, dans leurs tissus, comme dans les tissus des mammifères, formation d'ammoniaque qui se transformerait en urée dans le foie : co-,82(!). Dans ce dernier cas il s'agissait d'un individu presque normal, atteint seulement de catarrhe gastrique. En moyenne, d'après Sigrist, l'électrisation du foie augmente de 15 gramnies l'excrétion quotidienne d'urée; ce qui est très peu vrai- semblable. D'ailleurs Saenger (cité par Paton) n'a pas pu, sur cinq individus bien por- tants, retrouver cette augmentation d'urée que Sigrist croyait avoir vue. Le même auteur a aussi prétendu que l'électrisation de la peau voisine du foie aug- mente beaucoup la quantité d'urée. Mais il ne semble pas que ces expériences méritent d'être retenues. Grkhant et Mislawski ont directement électrisé le foie et recueilli le sang des veines qui viennent du foie. Or, dans ces conditions, ils ont pu constater que l'excitation électrique du foie est absolument sans effet sur la teneur en urée du sang ■des veines hépatiques. Par l'extirpation de portions plus ou moins grandes de tissu hépatique on peut, avons-nous dit, d'après Meister, changer la proportion totale d'urée excrétée; mais l'azote des matières extractives autres que l'urée diminue moins vite que l'urée, de sorte que, après l'ablation d'une notable partie du foie, le rapport entre l'azote uréique et l'azote total est très diminué. A partir du cinquième jour, peu à peu ces troubles du métabolisme azoté s'amendent et, vers le quinzième jour, il y a retour à l'état normal. (Voy. le tableau de la p. 721.) Ainsi les expériences d'ablation du foie confirment de tout point ce que nous avons dit sur le rôle uropoiétique du foie. Les produits azotés divers, non albuniinoïdes, étant détruits en moins grande proportion, s'accumulent dans le sang et passent dans l'urée. Il semble que l'analyse complète des matières extractives, contenues dans l'urine des malades chez qui .la fonction hépatique a été par la cirrhose atrophique aigiie brusquement supprimée, devrait donner de précieux renseignements. Mais ces analyses d'urine sont le plus souvent fort insuffisantes; et, dans les plus récents traités de médecine, il est seu- lement dit que l'urine est surchargée de matières extractives, leucine, tyrosine, xanthine, hyposanthine, créatine en grande quantité, acide lactique, substances analogues aux peptones. Ce sont là des données peu précises. Le point le plus obscur de toute cette question de la trans''ormalion des matières azotées est de savoir à quel degré elle est spéciale au foie. Que le foie transforme l'ammoniaque en urée, cela n'est pas douteux. Il n'est pas douteux non plus, depuis les expériences de Salkowski, de Schulzen et XEi\CKi, de Sales- KiN, de Lœwy et d'autres, que l'asparagine, l'acide aspartique, l'arginine, le glycocolle, la leucine, et les acides amidés, se transforment en urée dans l'organisme. Il est très probable, certain même, que cette transformation s'opère dans le foie; mais il est impos- sible d'affirmer que ces transformations chimiques ont lieu exclusivement dans le foie Au contraire, il est vraisemblable que ce sont des propriétés générales de la vie cellulaire' communes à tous les protoplasmas vivants, et que le foie n'a à cet égard qu'une spécifl, cité très relative. L'expérience de Schmiedeberg sur la formation de l'acide hippurique dans le rein tendrait à faire admettre que d'autres tissus que le tissu hépatique sont capables de synthèses, de dédoublements et de transformations des produits ultimes de l'assimilation azotée. Formation de l'urée aux dépens de l'hémoglobine. — Une autre hypothèse a été soutenue, qui mériterait d'être plus étudiée qu'elle ne l'a été encore, c'est que l'urée du foie provient de la destruction de l'hémoglobine du sang. Cette opinion s'appuie sur certaines expériences positives, fort ingénieuses, de Noël Patox. Ce physiologiste a montré que les substances qui dissolvent les globules, l'acide pyrogallique, les acides biliaires, la toluylène-dianiine, font croître en quantité notable l'excrétion biliaire, aug- mentent la quantité d'urée de l'urine, et diminuent le nombre des globules sanguins Ces trois phénomènes, d'après lui, seraient le résultat d'un même et unique phéno- mène, destruction de l'hémoglobine des globules, dont les produits seraient : bilirubine FOIE. 707 (2 mol.); urée (130 mol.); glycogètie (32 mol.); CO- (20 mo!,), d'après la décomposition de deux molécules d'hémoglobine. (C(600)H(960)Az(134;FeS3O(n9))2 -f-|0^oi + 182H20 — H^SO* - Fe^Qs Il admet que 3 grammes d'hémoglobine peuvent donner en se dédoublant et s'oxydant 1 gramme d'urée. Noël Paton a étudié aussi d'autres substances cholagogues, par exemple, le salicylate et le benzoate de soude, et le sublimé, et il a vu que l'écoulement de bile plus abondant s'augmente toujours d'une production plus abondante d'urée. Le plus souvent l'acide urique sécrété va en diminuant, à mesure que la quantité d'urée formée est plus grande. De ces recherches Paton conclut : 1° La destruction des globules sanguins est un sti- mulant de la sécrétion biliaire ; '2° La production de l'urée est accrue par la destruction des globules sanguins; 3° La sécrétion biliaire et la production de l'urée sont deux phénomènes liés directe- ment l'un à l'autre, et coïncidant avec la destruction des hématies; 4° L'action cholagogue des salicylates et benzoates de soude, de la colchicine, du sublimé, de l'acide pyrogallique, de la toluylène-diamine, aussi bien que leur influence dans l'accroissement de la production de l'urée, est due, au moins pour une grande part, à leur action hémolytique directe. On peut, ce semble, accepter, ne fût-ce que provisoirement et partiellement, cette théorie de Paton, d'autant plus qu'elle n'infirme nullement l'autre théorie, celle de la formation de l'urée aux dépens de l'ammoniaque qui vient des produits de la digestion. Rapports de la fonction uréopoïétique du foie avec la sécrétion biliaire et la fonction glycogénique. — Ou peut admettre que toutes les manifestations de l'activité du foie sont solidaires, et qu'elles ne doivent pas, sinon pour l'étude didactique, être séparées les unes des autres. La formation de l'urée doit donc coïncider avec d'autres fonctions hépatiques, mais il y a à cet égard plutôt des présomptions que des preuves rigoureuses. D'abord, pour ce qui est de la fonction biliaire, il paraît bien démontré que la forma- tion d'acides biliaires est liée à la décomposition de l'hémoglobine, et à la dissolution des globules rouges. Au moins cela est-il rendu évident pour la production du pigment biliaire, la bilirubine, dérivant de rhématine de l'hémoglobine (V. Bile, ii, 189). Toutes actions physiologiques décomposant les globules rouges vont accroître la quantité de bilirubine éliminée par la bile, et la formation du pigment biliaire se fait aux dépens du pigment sanguin. Dans cette transformation de l'hémoglobine, très probablement la globuline devient de l'urée. W. Fick, en mettant de l'hémoglobine en contact avec la bouillie hépatique, a obtenu un corps qui est très voisin de l'urée, et qui nen diffère que par des caractères secondaires (soluble dans l'alcool absolu, précipitant par l'acide oxalique, mais non par l'acide nitrique). Nous avons vu que, d'après N. Paton, toutes les substances qui détruisent le globule rouge, en particulier l'acide pyrogallique, font croître en même temps la sécrétion biliaire et l'excrétion d'urée. L'origine de l'acide cholaiique, radical prolable des acides giycocholique et taurocbolique, est encore trop obscure pour qu'on puisse chercher comment la molécule d'albumine fournit ces acides et l'urée; mais, d'autre part, l'acide glycocholiijue donne dans l'intestin du glyeocolle, lequel est certainement par le foie, soit directement, soit après être devenu carbonate d'ammoniaque, transformé en urée. Aussi bien la sécrétion biliaire peut-elle, précisé- ment par son acide giycocholique, être regardée comme une des sources de la produc- tion d'urée. Il est vrai que cette considération ne s'applique qu'aux animaux dont la bile contient de l'acide giycocholique. Sur le chien il faut admettre que l'acide taurocbolique subirait une fermentation analogue. La présence de la cholestérine dans la bile est aussi une preuve de la destruction du globule rouge par le foie. Il y aurait donc, en même temps ([ue production de bili- rubine, de cholestérine, et d'acides biliaires, destruction d'hémoglobine et formation d'urée. La glycogénèse est aussi une fonction concomitante de la production d'urée. La fonction antitoxique du foie sur l'ammoniaque et les corps homologues est étroitement 708 FOIE. liée à la fonction glycogénique. Roger a prouvé que, chaque fois que le glycogène a disparu du foie, par cela même le foie cesse d'agir sur les matières toxiques qu'il doi!r arrêter ou transformer. Il en est ainsi chez les animaux soumis à l'inanition, chez ceux dont le glycogène a disparu par suite de la ligature du canal cholédoque, ou delà section des pneumogastriques, ou au cours de l'empoisonnement par le phosphore. Si l'on stimule le foie en injectant de l'éther dans une branche de la veine porte, on voit s'exalter son rôle protecteur (Roger). A. Gautier a donné la formule suivante, très schématique évi- demment, qui établit une relation entre l'uréopoïèse et la glycogénèse : 4 C^2 Hii2Azi8022 + 68 H20 = 36 COAz2H4 Albumine. Urée. + 3C33Hi0iO6 + 12C6H10OS -t- 4 SQSH^ Oléostéaromargarine. Glycogène. + 15 C02 Il est vraisemblable, en tout cas, que cette formation de glycogène d'une part, et d'urée- de l'autre, n'est pas un phénomène d'oxydation; car d'abord in vitro, sans oxygène, on peut reproduire tout ou partie de ces actions chimiques, et d'autre part le sang qui arrive au foie, et qui a le rôle le plus important, par sa qualité et sa quantité, dans ces actions chimiques, c'est le sang veineux porte, pauvre en oxygène. La Nature, a dit H. Mil.në Edwards, avare de moyens, est prodigue de résultats. Dans le cas dont il s'agit, nous avons un bon exemple de cette économie de forces. L'action anti- toxique, qui est à coup sûr une des fonctions les plus importantes du foie, est accom- pagnée de calorification, et d'accumulation de réserves alimentaires (glycogène et graisse), de sorte que la même opération chimique détruit des poisons (Az H'' et corps similaires), accumule du glycogène et de la graisse, et dégage de la chaleur. Nous n'en- savons pas assez pour préciser les termes de l'équation chimique, équation peut-être simple, quoique probablement très complexe, qui intervient alors; mais nous pouvons pourtant en tracer résolument, comme nous avons essayé de le faire dans les pages qui- précèdent, les lignes principales. Conclusions sur le rôle uréopoïétique du foie. — Si nous résumons les faits exposés plus haut, nous voyons qu'à côté de certaines expériences dont les conclusions- sont douteuses, nous avons bon nombre d'expériences dont les résultats sont positifs. 1" La suppression fonctionnelle totale, ou même partielle, du foie, soit par extirpation,, soit par interruption de la circulation, soit par stéatose toxique, soit par cirrhose atro— phique, entraîne soudain un abaissement énorme dans l'uréopoïèse. 20 La circulation à travers le foie d'un sang chargé d'ammoniaque montre que le- sang se charge d'urée. Pareillement, chez les animaux privés de foie, il se fait une intoxi- cation ammoniacale, et l'ammoniaque n'est plus, comme à l'état normal, transformée- en urée. 3° La preuve directe que le foie transforme en urée des substances autres que l'ammo- niaque, l'acide urique, et quelques acides amidés, pour probable que soit cette trans- formation, n'a pas été donnée encore. Il est possible que l'hémoglobine soit transformée par le foie en urée. 4" C'est par un ferment soluble, contenu dans les cellules hépatiques, et qui agit' sans intervention de l'oxygène, que se fait cette formation d'urée. 5" L'évolution des matières azotées dans l'organisme paraît consister en deux phé- nomènes essentiels : d'une part, dans les cellules générales de l'organisme, il se fait aux dépens des matières protéiques une incessante production de corps azotés divers, glyco- colle, leucine, tyrosne, asparagine, arginine, xanthine; lesquels aboutissent finalement à' l'ammoniaque et à l'acide carbamique, corps toxiques; d'autre part, il s'opère une inces- sante transformation de ces corps azotés ou ammoniacaux en urée, substance non toxi- que. Le rôle antitoxique du foie se confond ici avec son rôle uréopoïétique. 6° Chez les oiseaux le foie ne transforme pas l'acide urique en urée ; il semble avoir plutôt une fonction inverse. 1° 11 est d'ailleurs possible que la transformation de l'ammoniaque enuréemarche de pair avec la transformation des corps azotés cristallisables solubles en ammoniaque. A mesure que cette ammoniaque est formée, dans le foie lui-môme ou dans l'appareil FOIE. 709 digestif par un ferment A; elle est transformée en urée par un ferment B; ou, sinon eu urée, au moins en'des corps très voisins. 8" Le rôle de l'albumine et de l'hémoglobine dans ces actions chimiques aboutissant à la formation d'urée est encore tout à fait inconnu. Bibliographie. — 1866. — ; Meissner. Unpniiuj' des Harnstoffs im Harn der Sàugev ■thiere [Zeitsch. f. rat. Med., xxxi, 234). 1870. — E. DE CYON.*Dje Bildung des' Harmtoffs in der Leber [C. W., n» 37 et Cyori's Gesammte physioL' Arbeiten, Berlin, 1888, 182-183. 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P., u, 284), admettait que la sécrétion biliaire se faisait aux dépens de la veine porte; et Malpighi aurait constaté, après ligature de l'artère hépatique, que la bile continue à être sécrétée (Heidenhain n'a pu retrouver dans les ouvrages de Malpighi l'indication de cette expérience). En tout cas, frappés par le volume considérable de la veine porte, et prenant en considération les cas dans lesquels l'oblitération de ce vaisseau entraî- nait des accidents graves, les médecins tendaient tous à admettre, vers la fin du xviii° siècle, que la veine porte est le vrai vaisseau nourricier du foie. Bichat cependant s'opposa à cette opinion commune. Partant de cette idée générale, vraie en principe, que le sang artériel oxygéné est seul capable d'apporter l'élément nutritif aux tissus, il déclare impossible que la veine porte nourrisse le foie, et il attribue à l'artère hépatique seule le rôle de vaisseau nourricier du foie. En 1828 Simon (de Metz) fit sur des pigeons la ligature tantôt de l'artère hépatique, tantôt de la "Veine porte; et il constata par cette double expérience que la sécrétion biliaire s'arrête quand la veine porte est liée, mais qu'elle continue encore quand l'artère hépatique est liée. 11 fit aussi l'autre expérience qu'on a si souvent répétée depuis, la ligature des canaux biliaires, et il vit qu'après ligature de ces canaux la 712 FOIE. sécrétion de bile continue; mais, comme l'écoulement de bile ne peut plus se faice, le liquide sécrété s'amasse dans le foie qui se colore en vert, et ne tarde pas à être résorbé, ; ont vu des nécroses se produire dans le foie après ligature de l'artère hépatique. Cette expérience, faite sur les pigeons, ne donne pas les mêmes résultats; car Stolnikoff (-1882) n'a jamais constaté, après ligature de l'artère hépatique, le moindre processus nécrobiotique dans le foie. Doyox et Dcfourt, en fai- sant sur le chien des ligatures multiples des branches de l'artère hépatique de manière -à supprimer toutes les anastomoses, ont vu survenir la partielle nécrose du foie, comme flOHNEIM et LiTTEN. FOIE. 713 Causes de la mort après la ligature delà veine porte. — Pour expliquer la mort après la ligature de la veine porte, on ne peut donc invoquer la suppression de la sécrétion biliaire ; d'abord parce que celle-ci n'est pas totalement supprimée, ensuite parce que toute la bile sécrétée en une heure (et même en dix heures) n'a pas [d'ellet toxique mortel. Restent alors deux causes possibles tour à tour invoquées par les divers physiologistes la perturbation mécanique (circulatoire) et la perturbation chimique. Rappelons brièvement les symptômes consécutifs à la ligature de la veine porte. Les lapins ne survivent pas plus de trois quarts d'heure ; les chats ne survivent pas plus -d'une heure ; les chiens ne survivent pas plus de deux heures (Schikf), quelquefois trois heures (Roger). Mais ce sont Là des termes extrêmes, et le plus souvent au bout d'une demi-heure (chat et lapin), ou d'une heure (chien), l'animal est mort ou mourant. Chez les oiseaux, les conditions chimiques et mécaniques (système porte rénal; anastomose de Jacobson) étant tout à fait différentes, la survie est beaucoup plus longue (douze et même vingt heures). Le symptôme dominant chez les chats et les chiens, c'est un état de dépression ge'né- rale qui ressemble beaucoup, dit Schiff, à celui que produit l'injection d'une substance narcotique très active. La pression artérielle s'abaisse, jusque à devenir presque nulle : mais elle se relève si l'on fait la compression de l'artère aorte, sans que cependant les phénomènes de narcotisation et d'insensibilité diminuent. La section des vagues n'aug- mente plus la fréquence du cœur. Quoique la fréquence du cœur aiten général augmenté, elle n'est pas beaucoup plus grande qu'à l'état normal. La température ne subit presque .pas de modifications. Quant à l'excrétion rénale, elle est complètement supprimée. On a supposé d'abord que ces phénomènes étaient dus à la diminution de la pres- sion sanguine par suite de l'aftlux du sang dans le système intestinal. Et en elïet, à l'au- topsie an trouve les intestins et le péritoine gorgés de sang. On a alors comparé la mort des animaux à veine porte liée à la mort des animaux que tue une anémie céré- brale aiguë. Mais Schiff déclare que c'est une théorie mort née, car dans l'anémie céré- brale on observe une augmentation d'excitabiiilé qui va parfois jusqu'aux convulsions, sans qu'on puisse observer, chez les animaux àjfoie enlevé, d'autre phénomène qu'une diminution rapide et progressive de l'excitabilité. En tout cas, le système circulatoire intestinal des animaux qui meurent après liga- ture de la veine porte est tellement gorgé de sang, qu'il est bien difficile de ne pas attri- buer quelque intluence à cette congestion intense du train postérieur, qui doit être accom- pagnée d'une anémie considérable de la tète et des parties antérieures. Cependant Tappei.xer, dans le laboratoire de Ludwig, fit sur le lapin des expériences qui semblèrent prouver que la congestion n'est pas réellement aussi intense qu'elle paraît l'être au premier abord. En dosant la quantité de sang accumulée dans le système intestinal après ligature de la veine porte, il trouva que la masse de ce sang, pour ainsi dire soustrait à la circulation générale, était de 16,2 p. 100 de la totalité du sang. Or une hémorrhagie équivalente n'entraîne pas la mort. De plus, après ligature de la veine porte, la pression artérielle baisse immédiatement, ce qui prouve que cette diminution de pression n'est pas due au lent afflux de sang (sans issue possible) dans la sphère des branches d'origine de la veine porte. Enfin, en comparant l'abaissement de pression arté- rielle dans le cas de ligature de la veine porte, ou dans le cas d'hémorrhagie, on voit qu'une perte de sang de 3 p. 100 du poids du corps (par hémorrhagie) ne fait pas des- cendre la pression, tandis que la ligature de la veine porte, qui abaisse la pression, ne peut jamais déterminer la soustraction d'une égale quantité de liquide sanguin. Pour toutes ces raisons, Tappeiner conclut que la ligature de la veine porte ne tue pas par anémie encéphalique. Quelque fortes que soient les raisons invoquées par Schiff et Tappeiner, Castaigne et Bender ont fait une très intéressante étude qui les a conduits à des résultats absolument opposés, qu'accepte L. Cruveiluier dans sa thèse inaugurale, en rapportant les expé- riences de Castaig.ve et Bender. L'expérience fondamentale sur laquelle ces deux physiologistes appuient leur opinion est la suivante. La ligature de la veine porte tue en une heure et demie ou deux heures les chiens. Si l'on fait simultanément la ligature de l'aorte (au-dessus du tronc cœliaque), on aggrave évidemment les eflets de l'insuffisance hépatique. Et pourtant les chiens dont 714 FOIE. l'artère aorte est liée succombent plus tardivement que les chiens normaux à la liga- ture du tronc de la veine porte. Donc ce n'est pas par accumulation de poisons hépa- tiques, ou non destruction de poisons par le foie, que la mort survient, puisque la liga- ture de l'aorte, qui augmente les phénomènes d'insuffisance hépatique, prolonge la vie. (Voir entre autres l'exp. si, p. 51 de Cruveilhier, où la vie s'est prolongée 3™3o', après ligature de l'aorte et de la veine porte.) Remarquons que la ligature de l'aorte à elle seule suffit pour tuer un chien en quelques heures. Toute cette série d'expériences est très positive, et paraît bien démontrer que l'accu- mulation de sang dans le système intestinal est sinon la cause absolue de la mort, au moins une cause adjuvante. Quant aux expériences dans lesquelles il y a eu injection de sérum ou de sang, elles sont moins décisives; car, malgré ces injections, la mort survient encore assez vite. L'autre hypothèse pour expliquer la mort, ce serait la présence d'une substance toxique, substance que le foie serait chargé, à l'état normal, de détruire. Par suite de la suppression de la circulation, cette fonction hépatique serait supprimée, et le poison, non détruit, s'accumulerait dans l'organisme. Les expériences de Pawlow et Nencki, sur lesquelles nous avons donné précédemment (v. p. 694) beaucoup de détails, ne permettent guère d'accepter cette opinion; car l'abouchement de la veine porte dans la veine cave, avec ligature de l'artère hépatique, n'amène pas une mort aussi rapide que la ligature brusque de la veine porte, puisque les animaux, même dans les cas les plus défavorables, peuvent survivre quelques heures, et que, dans certains cas, si l'on prend pour les alimenter les précautions nécessaires, ils survivent indéfiniment. Cependant la fistule d'EcK équivaut à une suppression complète de la circulation hépatique. La suppression de la circulation hépatique n'est donc pas en soi mortelle. La seule différence entre l'opération d'EcK et la ligature de la veine porte, c'est que dans le premier cas la circulation intestinale n'est pas entravée, tandis que dans le second cas il y a accumulation de sang au-dessus de la ligature dans tout le système intestinal. Mais, au point de vue de la destruction des poisons par le foie, les conditions sont identiques. Il semble doue nécessaire d'admettre au moins une théorie mixte. Qu'il y ait, par suite de la suppression des fonctions hépatiques, accumulation de substances toxiques (pour le système nerveux) dans le sang, cela est probable; mais cette intoxication serait insuf- fisante pour amener aussi rapidement la mort, s'il n'y avait pas simultanément un trouble considérable dans les phénomènes mécaniques de la circulation. A vrai dire, l'explication mécanique est en général défectueuse pour rendre compte des troubles morbides; mais, dans le cas présent, il faut reconnaître que cette interruption de la circulation portale, cette stase sanguine abdominale, si elle n'est pas la cause unique (ce qui est presque admissible, d'ailleurs) est au moins la cause adjuvante, dans une très large mesure. Toutefois, il ne s'agit sans doute pas d'une action purement mécanique; car la stase veineuse intestinale peut agir par une sorte d'intoxication. Rien n'empêche de supposer que la ligature de la veine porte entraîne une sorte d'intoxication réno-intestinale, marchant de pair avec l'intoxication hépatique, et la compliquant gravement. Autrement dit, lorsque nous parlons des troubles déterminés par l'arrêt de la circulation portale, nous ne prétendons pas que ces troubles soient uniquement mécaniques; car le ralen- tissement énorme des circulations intestinale, splénique, gastrique, rénale, diminue les échanges de ces organes essentiels, et par conséquent ce doit être une cause d'in- toxication très active. Lier la veine porte, ce n'est pas seulement supprimer la fonction hépatique, c'est encore suspendre presque complètement la fonction de l'intestin, de l'estomac, de la rate, et même, dans une certaine mesure, la fonction du rein. C'est ù une conclusion assez analogue qu'était arrivé Netter. Mais nous proposons de la modifier légèrement et d'admettre que ce n'est pas par l'accumulation de poisons in- testinaux que la ligature de la veine porte est funeste, car, ainsi que le fait remarquer avec raison Roger, il ne peut y avoir pénétration de ces poisons dans la circulation. C'est un autre mécanisme qui entre en jeu. Les poisons normaux de tout l'organisme, et du sang lui-même, ne sont plus détruits par l'intestin (et le rein). Ce ne sont pas les poisons intestinaux qui s'accumulent, c'est la fonction dépuratrice de l'intestin qui est supprimée. En tout cas, le contraste entre la ligature de la veine porte et la ligature de l'artère FOIE. 715 hépatique est saisissant. Après que l'artère hépatique a été liée, la bile continue à être sécrétée, et, après un ralentissement qui dure peu de temps, elle reprend son cours nor- mal. Les seuls troubles fonctionnels sont les phénomènes de nécrobiose observés dans le foie; encore ne sont-ils pas constants. E. Gley et V. Pachon, en liant les lymphatiques du foie, ont constaté que le foie perd quelques-unes de ses propriétés, notamment son aptitude à rendre le sang incoagulable après injection de peptone. Mais il est assez difficile de savoir exactement quelle est, en cette expérience assez délicate, la part du traumatisme et des troubles nerveux réflexes. II, Ligature des canaux cholédoques. — Les effets de la ligature des canaux biliaires ont été décrits à l'article Bile (ii, 199-200) au point de vue de la résorption de la bile formée. Nous avons à étudier ici les effets produits sur la fonction hépatique et sur l'orga- nisme en général par l'interruption de la circulation biliaire. Fait essentiel : les animaux survivent très longtemps, même sans qu'on puisse invoquer la régénération des canaux liés et le rétablissement de la circulation biliaire. En prenant la précaution de lier le canal thoracique, comme l'ont fait Kufferath, puis V. Harley, il n'y a presque plus de résorption toxique de la bile, et les symptômes d'intoxication sont réduits à leur minimum. Aussi certains animaux peuvent-ils survivre dix-sept jours à la ligature du cholédoque. Cette longue durée contraste avec la rapidité des accidents qui suivent la ligature de la veine porte. Dans ce cas la survie se compte par quarts d'heure^ et dans l'autre (ligature du cholédoque) par jours. C'est sans doute parce que l'ablation du foie empêche les substances toxiques d'être détruites, tandis que la ligature des canaux biliaires n'entraîne l'absorption que des produits déjà rendus presque inoffensifs. Autrement dit encore, la bile est un élément moins toxique que les produits qui lui ont donné naissance. Legg, WiTTiCH, KuLz et P'rerichs ont établi qu'après ligature du cholédoque la teneur du foie en glycogène diminue beaucoup. Si la piqûre du ventricule bulbaire ne provoque plus alors de glycosurie (Legg), ce n'est pas que le ferment glycopoïétique ait disparu,, c'est qu'il n'y a plus suffisamment de glycogène dans le foie (Kulz et Frerichs). Wit- TicH a constaté, au contraire, de la glycosurie. Quant à la durée de la vie, chez le cobaye, qui est généralement pris comme sujet d'expérience dans ce cas, Charcot et Gombault ont noté une fois une survie de vingt-trois jours; Beloussovv a vu une survie de dix-huit jours. Steinhaus, dans dix-huit opérations, a noté une fois dix jours, avec une moyenne de six jours. Chambard admet une durée de trois à sept jours, ce qui est tout à fait en rapport avec les conclusions de Steinhaus. Harley, chez le chien, a trouvé une fois dix-huit jours, et dans les autres cas de trois à sept jours. Mais ses expériences ne sont pas comparables, à cause de la ligature conco- mitante du canal thoracique. Sur les grenouilles dont le cholédoque avait été lié, Lahousse n'a pas observé de lésions hépatiques. Il ne dit pas combien de temps elles survivaient à l'opération. Il est probable que la survie est longue. La plupart des auteurs se sont occupés surtout — presque exclusivement — des lésions histologiques déterminées dans le foie par l'accumulation de la bile dans les origines biliaires, avec une augmentation considérale de la pression. Les lésions chro- niques sont caractérisées par une prolifération du tissu conjonctif, une sorte d'hépatite interstitielle, de cirrhose qui évoluerait peut-être dans le sens d'une cirrhose totale, nettement caractérisée, si les accidents toxiques mortels n'arrêtaient pas l'évolution de la maladie. Les lésions aiguës sont une dégénérescence nécrotique du lobule de foie; qui se désagrège, avec destruction du protoplasma cellulaire. C'est la pénétration dans le sang de ces produits toxiques de désassimilation cellulaire, qui, sans doute, entraîne la mort après ligature des canaux. Il semble, en effet, que la bile soit toxique pour les divers tissus, et plus spécialement pour le tissu hépatique, de sorte que les mêmes produits biliaires qui, après la ligature du canal cholédoque, s'accumulent dans le tissu du foie et sont aptes à en déterminer promptement la nécrose, sont aussi très nocifs pour l'épilhélium rénal. Aussi les ani- maux à conduits biliaires liés meurent-ils par suppression de la fonction rénale (albumi- nurie et anurie) presque autant que par suppression de la fonction hépatique. 716 ' FOIE. III. Ablation du foie. — Chez les Batraciens, l'extirpation du foie peut se faire sans déterminer la mort immédiate, ainsi que l'ont montré des expériences anciennes de MoLEscHOTT. Nebelthau a essayé d'analyser les changements du métabolisme organique consécutif à lablation du foie chez les grenouilles. 11 a d'abord recueilli pendant neuf semaines l'urine de 600 Rana esculenta. 11 obtint dix litres et demi d'un liquide riche en urée. Puis il extirpa le foie à 431 grenouilles : les animaux survivent de trois à sept jours. Pendant ce temps ils sécrètent 'iG^l»^"^ d'une urine qui ne contient pas d'urée. Le résidu sec, au lieu de 0,106, est de 0,140; et l'ammoniaque s'élève de 0,0054 à 0,0122 p. 100. Avec 261 grenouilles de Hongrie, privées de foie, Nebelthau recueille 7800" d'urine. Le résidu sec est de 0,2809 p. 100 et contient 0,0ib4 d'ammoniaque. Dans cette deuxième expérience l'urine renfermait une substance qui donna 0,1279 d'un sel de zinc cristal- lisé, lévogyre, se colorant en jaune par le perchlorure de fer. L'auteur pense que c'est de l'acide lactique; mais il se montre plus réservé que ne l'avait été Marcuse, qui, dans les mêmes conditions, avait trouvé dans l'urine une substance qu'il caractérisa seulement par la méthode d'UppELMANN (coloration jaune avec le perchlorure de fer). (Voy. Roger, loc. cit., p. 158). Cette expérience de l'ablation du foie aux grenouilles a été reprise par Gilbert et ■Car.not d'une manière très intéressante [loc. cit., p. 228). Si, au lieu d'enlever simplement le foie, on l'abandonne dans la cavité péritonéale, l'organe, quoique séparé de ses con- nexions normales, et complètement résèque', est peu à peu résorbé par le péritoine, et la survie de l'animal est plus longue que si le foie avait été, après sa résection, rejeté au dehors. Il y a là, dit P. Carnot, une indication sur l'utilité de l'opothérapie hépatique. Roger a montré aussi que la survie des grenouilles est plus longue quand on les place, après l'opération d'hépatectomie, dans de l'eau courante, de manière à mettre l'animal dans de bonnes conditions d'aération. Pour les oiseaux, nous avons l'apporté^ plus haut les expériences de Minrowski, qui -enlève le foie à des oies très grasses, et les voit survivre vingt heures environ, parfois même plus longtemps. Chez les mammifères la survie est beaucoup moins longue; les chiens, les chats, les cobayes, ne survivent que rarement plus d'une heure. Mais l'expérience est tout particulièrement intéressante quand il s'agit d'animaux ayant déjà subi l'opération de la fîsctule d'EcK. Alors il n'y a plus les troubles circulatoires «lécaniques immédiats, puisque aussi bien la circulation hépatique a été à peu près totalement supprimée par l'opération antécédente; et la survie à l'ablation totale du foie faite dans ces conditions peut être de quelques jours (Pawlow et Nencki). L'animal succombe avec des phénomènes d'intoxication lente rappelant en partie la symptomato- logie de l'ictère grave (P. Carnot). Cette expérience montre bien que, si importante que soit la fonction du foie, l'arrêt de cette fonction, s'il n'est pas brusque, n'est pas cependant -de nature à suspendre immédiatement les phénomènes de la vie. L'ablation incomplète du foie n'entraîne pas la mort, quand une partie de l'organe, même minime, 1/4 ou 1/6 même, d'après Ponfick, a été conservée. La question sera ■étudiée plus loin à propos des régénérations du foie (v. p. 720). Ligature des vaisseaux hépatiques. — Arthaud et Butte. Action de la ligature de l'ar- i,ère hépatique sur la fonction glycogénique du F. [A. d. P., 1890, 168-176). — Betz (W.). Ueber den Blutstrom in der L., insbesondere den in dex L. arterie [Zeitsch. f. rat. Med., 1863, xvni, 44-60). — Bielka V. Karltre.\. Ueber die Vereinigung der unteren Hohlvene mit der Pfortader {A. P. P., 1900, xlv, 121-127). — Billard et Cavalié. 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Régénération. — Dans certains groupes zoolos^iques la régénération de segments du corps après section est d'oliservation vulgaire. Une pince d'écrevisse, de crabe ou de homard, violemment amputée, se reproduit à brève échéance; de même une patte de triton, la queue d'un lézard, les nageoires de certains poissons, les tentacules et les yeux de l'escargot, la tête de la limace, les pattes de diverses espèces d'insectes, etc. Plus on descend dans l'échelle des êtres, plus la régénération est facile, surtout si l'ani- mal est jeune; quand on s'élève, cette capacité de régénération segmentaire fait défaut. Chez l'oiseau, chez le mammifère, les grosses pertes de substance restent acquises; elles se terminent par un moignon; une cicatrice obture la plaie. Sans doute, chez tous les êtres, il se produit une incessante rénovation cellulaire qui assure la continuité du tourbillon vital; ces phénomènes de régénération physiologique s'accentuent à certaines époques de la vie : la mue des volailles, la perte et la repousse FOIE. 719 de la ramure du cerf en sont des exemples. Grâce à cette tendance aux réparations spon- tanées, nos organes conservent leur intégrité anatomique et peuvent récupérer leur constitution normale, malgré l'usure inhérente à leur fonctionnement et parfois malgré leurs adultérations pathologiques. Mais tous les organes n'ont pas, à beaucoup près, les mêmes facultés de réparation : un neurone lésé dans ses expansions périphériques tend à retrouver sa structure; frappé à mort dans son corps cellulaire, il est irrémédiablement perdu, et ne peut être que suppléé à distance. En fait, les régénérations proprement dites n'intéressent chez l'homme et chez les mammifères que certains tissus; elles sont le plus souvent subordonnées à l'existence et à l'intégrité d'une couche dite matri- cielle qui fournit des cellules de remplacement. L'évidement d'un os aboutira à la repousse sur place d'un os nouveau, si le périoste a été épargné ou tout au moins ménagé ; cette grande loi, formulée par Duhamel en 1789, devenue si féconde entre les mains d'OLLiER, domine la chirurgie osseuse. Une injure faite à la surface de la peau, telle qu'une plaie traumatique, brtilure, ulcère quelconque, pourra être suivie d'épidermisa- tion de la perte de substance, si le corps muqueux de Malpighi a conservé sa vitalité et si sa nutrition est assurée par les papilles sous-jacentes; sinon la solution de continuité sera comblée par une cicatrice fibreuse, à moins qu'on n'ait eu recours à une greffe. L'aptitude à réparer les pertes varie énormément avec l'âge, avec la nature des sys- tèmes et des tissus envisagés. L'hypergénèse conjonctivo-vasculaire représente la moda- lité la plus active de réparation, dépassant parfois le but, infiltrant comme d'un tissu parasite le parenchyme dont l'élément noble a souffert, faisant saillir les cicatrices en chéloïdes. Les l'evêtements épithéliaux et endothéliaux se reforment aussi, quand ils ont subi une atteinte superficielle, et assurent ainsi, dans une grande mesure, l'intégrité de surface de nos cavités, barrières protectrices contre les agents infectieux et toxiques. Il est des cas où, sous l'influence d'incitations encore mal déterminées, la multipli- cation régénératrice des cellules ne se limite pas à la restitutio ad integrum de l'organe malade; elle dépasse les bornes assignées par la conformation anatomique régulière; dès lors un néoplasme se développe. Certains organes très vulnérables et très exposés, comme le foie, n'ont pas de cellules matricielles de remplacement ditlërenciées, à l'état physiologique. Normalement, toutes les cellules hépatiques ont une même valeur morphologique et concourent avec la même activité au travail glandulaire. Mais les cellules du foie ont sur celles d'autres organes, les éléments nerveux, par exemple, l'avantage de pouvoir se multiplier, lorsque des cas pathologiques ont mis à mal beaucoup d'entre elles, et cela au prorata des exigences de la fonction, à la condition bien entendu que les influences nocives n'aient pas irrémédia- blement compromis leur vitalité. Les cellules épithéliales des canalicules biliaires sont également douées d'aptitudes prolifératives. Les enseignements de l'expérimentation et de l'anatomie pathologique vont nous donner la preuve de ces assertions. Cicatrisation et résection du foie. — Le mode de guérison des plaies expérimentales du foie a suscité de nombreuses recherches. On pensa tout d'abord que le tissu conjonctif faisait les frais de la réparation, soit directement, soit secondairement à l'évolution fibreuse des infiltrations leucocytiques de la plaie, soit encore en vertu d'une métaplasie des cellules hépatiques qui, se multipliant au niveau de la perte de substance, seraient devenues cellules indifférentes et ensuite cellules connectives. Au premier groupe de travaux sont ^attachés les noms de Holm, Koster, Joseph, HUTTENBRENNER, MaYER, FrŒLIGH, UwERSRI, TlLLMANUS, BUFALINI, etc. En 1881, Pétrone parle le premier de régénération du foie. En 1883, Glugk fait chez les animaux la résection partielle du foie et arrive aux conclusions suivantes : 1" On peut enlever chez les lapins un tiers du foie sans nuire à l'animal; 2° L'ablation des deux tiers du foie dans une seule se'ance cause la mort au bout de quatre à cinq jours. En 1883, TizzoNi pratique des incisions de 3 à 10 millimètres dans la profondeur du foie du lapin. L'hémorrhagie cède à la compression. La plaie, comblée par du tissu con- jonctif lâche, ne tarde pas à être envahie par des productions cylindriques, contournées, ramifiées, renflées en massue aux extrémités, formées par la juxtaposition de cellules à protoplasma granuleux contenant du pigment biliaire; ces formations rappellent les cylindres hépatiques de Reuak du foie embryonnaire; ultérieurement, les cellules qui 720 FOIE. les composent s'individualisent et ne se différencient pas de celles du foie normal. Parmi ces cylindres de cellules hépatiques, il en est qui subissent une sorte de clivage trabéculaire; d'autres, cernés par le tissu conjonctif ambiant, se creusent d'une lumière centrale, tout en restant en rapport direct avec les précédents : ce sont des néo-canalicules biliaires. La capsule de Glisson ne participe au processus de régénération qu'en contri- buant à la genèse des vaisseaux. Ces cylindres cellulaires proviennent de la multiplication rapide des cellules hépatiques qui bordent la plaie. La rénovation est définitivement accomplie lorsque la solution de continuité est remplacée par du tissu hépatique normal, orienté suivant les trabécules préexistantes, se confondant avec elles; parfois même l'exu- bérance de la régénération est telle que le foie est trouvé augmenté de volume après- l'expérience. Sur un chien dont le foie avait été mutilé au cours d'une laparotomie, Tizzoni constata, dix mois après, que la régénération était complète. CoLUCci, dans une série de treize expériences, incise le foie, résèque des segments de diverses grandeurs, supprime la totalité d'un lobe. Deux de ces animaux eurent une cicatrice fibreuse; dix, une régénération totale du foie; un, une régénération partielle. Il fait dériver les vaisseaux néoformés et les cellules hépatiques nouvelles des leucocytes immigrés dans la plaie. CoRONA, Griffini, Ughetti, Robacci, Clementi confirment ces résultats en opérant sur le chien et sur le lapin. Ils rattachent les cellules hépatiques régénérées aux cellules hépatiques préexistantes. Canalis enlève aseptiquement à des lapins, à des cobayes et à des chiens des seg- ments cunéiformes de deux ou trois centimètres de parenchyme hépatique; il suture et coUodionne la ligne d'incision et sacrifie lesanimauxà des intervalles variant de deux à cent vingt jours. Les lèvres de la plaie mortifiées se réparent tout d'abord; un tissu bourgeonnant émerge de la profondeur de la surface de section. Les proliférations con- jonctives des espaces portes et du tissu connectif interlobulaire — qui contribuent pour une large part à obturer la brèche — servent de soutien à des néo-canalicules biliaires et à des cylindres de cellules hépatiques issues par karyokinèse des épithéliums biliaires- et des cellules du foie au pourtour de la plaie. Il y a hyperplasie plutôt que régénéra- tion véritable. En 188G, MiNKOwsKi recherche les effets de l'extirpation du foie sur les échanges de matières et sur l'excrétion urinaire d'acide lactique. LuKJAxow (1890) étudie l'influence exercée sur la fonction biliaire par les résections partielles du foie. On commençait donc à connaître le mode de réparation des blessures du foie lorsque POxXFiCK se demanda, en 1889, ce que deviendrait la fonction hépatique si l'on réduisait considérablement le volume de l'organe. Des chiens et des lapins subirent l'ablation d'un quart de leur foie sans que leur existence fût compromise; d'autres lapins survé- curent plusieurs mois à l'extirpation d'une moitié; quand on supprimait les trois quarts du foie, la mort survenait généralement en quelques jours. Néanmoins, même dans ce dernier cas, quelques animaux survivent : trois, appartenant à cette catégorie, ont résisté. Plus tard, quand on les sacrifie, on constate que le foie a repris — et au delà — son volume et son poids normaux, même dans un laps de temps très court, en deux ou trois semaines. Déjà, au bout de cinq jours, la régénération peut atteindre 80 p. 100. Après quatre à cinq semaines, lorsqu'on a enlevé le quart, la moitié et jusqu'aux trois quarts du foie on voit le segment épargné s'hypertrophier au point de tripler de volume. Trente heures après l'opération, les cellules sont eu voie de multiplication. Au septième jour, les phénomènes de division cellulaire sont le plus marqués : les cellules néoformées dépassant en nombre les anciennes ; du vingtième au vingt-cinquième jour, ils décroissent, mais persistent jusqu'au trentième jour; au bout de deux mois, le poids primitif est atteint ou même dépassé : dans un cas, par exemple, l'ablation de 82 grammes de foie fut suivie d'une reproduction de 102 grammes de tissu hépatique. Ainsi, la partie du foie respectée par la section est le siège d'une prolifération active des cellules hépatiques; les lobules ont conservé leur structure, mais leurs dimenssons ont quadruplé ; on distingue à leur périphérie les cellules jeunes émanées des anciennes. Les canalicules biliaires se sont également accrus par hyperplasie de leur revêtement épithélial. Von Meister opine dans le même sens. Les animaux (chiens, lapins et rats) peuvent FOIE. 721 c3 u es fl RAPPORT de l'azote résiduel à l'azote de l'urée. 27,97 22,32 26,81 23,87 23,88 23,37 'ésicule 20,59 0,78 1,38 2,78 4,66 ------ i ---^^ RAPPORT de l'azote résiduel à l'azote total. 29,03 23,43 27,86 24,89 26,45 26,33 droit ave 5,58 1,79 2,45 3,79 5,67 1 1 1 1 1 1 . lobe 1 1 1 1 1 RAPPORT de l'azote de l'urée à l'azote total. 1.03 1,07 1.03 1,0 i 1,03 1,04 1res du 2,7 2 2 1,3 1,2 ------ 1 ----- P. 100 DE l'azote résiduel. 3,61 4,85 3,24 4,1 3,83 4,32 t parties an 62,7 . 53,9 42,2 26,71 17,83 3 1 0,0183 0,0180 0.0242 0,0273 0.0228 0,0221 lobe gauche t on. 0,1677 0.1383 0,1490 0,0980 0,0673 . il ■-I < 3 96.3 93.1 94.7 93,8 96,1 95,6 rieures du en l'opérât 36,4 44,0 57,7 73,2 82.1 AZOTE de l'urée. 0,3120 0,4019 0,6490 0,6366 0,5801 0,5599 îures et posté 1 supporte bi 0,0968 0,1252 0,2057 0,2728 0,3139 •H 1,0973 0,8600 1,3886 1,4069 1,2430 1,1991 arties antéri< foie. L'anima 0,2025 0,2664 0,4380 0,5971 0.6726 0,5314 0.4218 0,6743 0,6847 0,6032 0,5831 aépatiques (p la masse du 0,2857 0,2843 0,3561 0,3722 0,3820 jlj 50 45 42 33 48 47,4 trois lobes quarts de 30 28 34 31 38 POIDS de l'animal. 1224 1231 1248 1250 1249 1240 ibiation de ron les trois 1242 1232 1238 1235 1 240 NUMÉRO (le l'expérience. 1 il Q OICT DE PHYSIOLOGIE. 722 FOIE. survivre à la perte de la moitié, des trois quarts, des quatre cinquièmes de leur foie '. La régénération consécutive aux grosses mutilations partielles est d'autant plus rapide que l'animal est plus jeune et plus vigoureux; elle est entière le deuxième mois qui suit la section (quarante-cinq à soixante jours) : il s'agit d'une sorte d'hypertrophie com- pensatrice des lobules restants qui deviennent trois à quatre fois plus volumineux que des lobules normaux, au point d'être facilement visibles à l'œil nu. Ce sont les cellules de la périphe'rie des lobules qui prolifèrent, et cela dès le premier jour ; leurs noyaux sont très chromatiques; le corps protoplasmique est exubérant; ces cellules forment des travées qui pénètrent ensuite dans l'intimité des lobules et compriment les cellules centrales. Le début de la régénération est précédé par un stade d'hyperémie. Les épithéliums biliaires et les endothéliums vasculaires participent à la régénération. Y. Meister invoque à l'appui de la réalité de_,ce processus de régénération du foie le retour de la fonction hépatique dans toute sa plénitude marchant de pair avec la néo- formation de l'organe. Ainsi, chez des lapins en équilibre azoté, l'ablation des trois quarts du foie était si bien tolérée que, dès le deuxième jour, l'alimentation se faisait comme auparavant. Immédiatement après l'opération, l'azote excrété, l'urée, le rapport de l'azote de l'urée à l'azote total diminuent; par contre, l'azote résiduel et le rapport de cet azote àl'azote total augmentent. L'urée baisse proportionnellement à l'augmentation de l'azote résiduel. Le taux de la diminution de l'urée est en rapport direct avec la quantité de parenchyme hépatique enlevé; la baisse est très considérable dans l'extirpation totale. Dans les résections partielles, l'urée s'élève, après la baisse qui suit l'opération, paral- lèlement aux progrès de la régénération du foie. En reproduisant le tableau d'une des expériences de vo.\ Meister, tableau que nous empruntons au travail de A. Ver Eecke sur l'hypoazoturie, nous ferons ressortir le haut intérêt de ses recherches.(V. le tableau de la page 721.) En résumé, les recherches de Ponfick et de vo.\ Meister sur le chien, le lapin et le rat ont démontré que ces animaux peuvent subir l'ablation d'une très grande partie du foie sans que la mort s'ensuive. On enlève ainsi, en une seule séance, la moitié du foie et jusqu'aux sept huitièmes en plusieurs fois. Très peu de temps après l'opération, le foie augmente de volume; parfois, au bout de trente-six heures, le poids initial de l'organe a été récupéré. Sans doute, les phéno- mènes cougestifs qui précèdent le début de la régénération ne sont pas étrangers à cette hypertrophie si précoce. La régénération n'équivaut nullement à une nouvelle formation de lobules; elle consiste en une hyperplasie des cellules hépatiques se faisant aux dépens des cellules de la périphérie des lobules préexistants; aussi ces lobules acquièrent-ils des dimensions démesurées. Les cellules néoformées, volumineuses, bourrées de granulations biliaires, centrées par un noyau très chromatique ou même en karyokinèse, pénètrent peu à peu dans rintimilé des lobules et compriment devant elles les cellules anciennes centro-lobulaires. Flœck (1894) arrive aux mêmes résultats. Il note l'hyperémie prémonitoire portant sur le système porte intra-hépatique, l'hypertrophie et la division par karyokinèse des cellules de la périphérie des lobules et des épithéliums canaliculaires; il conclut à l'absence de lobules néoformès ïn toto. En 1897, Ullman.\ publie également un travail sur la résection du foie et ses suites. Léo.\-Z. Kahn a pratiqué au thermocautère sur des lapins l'extirpation du lobe gauche et de la moitié du lobe droit du foie. Au huitième jour, il a constaté une conges- tion intense des vaisseaux intertrabéculaires, surtout au voisinage de la veine centrale; une hypertrophie des cellules hépatiques avec état clair de leur protoplasma, multipli- cité ou karyokinèse des noyaux, et cela surtout à la périphérie des lobules. Au seizième jour, ce qui frappe, à la première inspection du foie, c'est l'augmentation de volume que présentent ses éléments, comparés à ceux de la portion enlevée. Chaque lobule est le double d'un lobule normal. On distingue nettement deux régions, comme dans le 1. L'extirpation du foie ne permet une survie de ijIus d'un jour que chez les animaux dont les vaisseaux porte et cave sont unis par des anastomoses (Batraciens, Oiseaux). Gtiez les Mammi- fères, les conditions sont différentes (voir plus haut, p. "15). FOIE. 723 premier cas : la région périphérique, qui occupe les deux tiers du lobule, est formée de cellules claires à protoplasma finement granuleux; elles renferment presque toujours deux noyaux. Il existe peu de figures de karyokinèse, sauf sur la limite de la zone centrale. Celle-ci est constituée par des cellules sombres, à protoplasma très granu- leux, à noyau très coloré ; il y a là aussi quelques rares cellules claires. Bref ces expé- riences concordent avec celles des auteurs précédents, et Z. Kahn insiste avec Hanot sur ce fait, que le processus de régénération suit l'ordination lobulaire préexistante. CoRNiL et P. Garnot ont beaucoup expérimenté sur le mode de cicatrisation et de réparation des pertes de substance du foie. Nous résumerons leurs recherches d'après l'exposé qu'en a fait l'un d'eux dans son livre sur les Régénérations cVorganes. Quand on fait une plaie linéaii'e dans la profondeur du foie d'un chien, les lèvres de la plaie s'agglutinent, de la fibrine s'interposant entre elles. Le foie se mortifie, dès le début, dans la zone de bordure, ce qui est dû en grande partie à l'interruption des voies nutritives. Autour de la zone superficiellement mortifiée on remarque des lésions de dégénérescence vacuolaire ou graisseuse, des figures de division nucléaire, des phénomènes de congestion et de vaso-dilatation parfois considérable. Loin de la plaie on peut constater que les cellules hépatiques prolifèrent. Dans l'hiatus de la plaie, tantôt la fibrine disparait, et des ponts de cellules hépatiques comblent la perte de substance; tantôt la fibrine s'organise en tissu fibreux de cicatrice. Si l'on résèque un segment de foie, la moitié d'un lobe, par exemple, après hémo- stase à la gélatine, au bout [de quelques jours l'organe a repris son volume normal sans qu'il y ait eu, à proprement parler, régénération de la partie réséquée, ainsi que le démontrent des points de repère laissés en place. Il s'est produit une hyperplasie, une augmentation diffuse, compensatrice, de la part des lobules hépatiques épargnés par la résection. La plaie est ou bien devenue adhérente au grand épiploon par l'intermédiaire d'un coagulum fibrineux dissocié par des cellules endothéliales à prolongements anasto- mosés et par des fibrilles conjonctives entre-croisées ; elle est comblée peu à peu par une cicatrice fibreuse; ou bien elle reste libre; un caillot fibrineux l'obture, traversé par des cellules conjonctives ramifiées et étroitement unies qui président à son organi- sation et à sa vascularisation. En dehors^de la plaie les cellules hépatiques prolifèrent, mais leur multiplication est impuissante à combler la perte de substance. Mêmes résultats quand on détache à l'emporte-pièce des cylindres de tissu hépatique : « Le plus souvent, le creux du cylindre se remplissait immédiatement de sang qui bientôt se coagulait. Les filaments' de fibrine entre-croisés servaient à l'ascension, à la fixation, puis à la nutrition des cellules conjonctives à prolongements anastomosés. Ultérieure- ment on obtenait du tissu fibreux rétracté qui diminuait les dimensions de la plaie, sans parvenir à la faire disparaître, et qui constituait, longtemps après, une cicatrice étoilée. 11 y avait également, du côté du foie, une tendance proliférative assez marquée. Si l'on laissait en place le cylindre de foie privé de connexions et de vascularisation, il se produisait le plus souvent une mortification hépatique de ce cylindre, et ultérieurement une cicatrice fibreuse. Pourtant certains îlots hépatiques et certains canaux biliaires subsistaient indemnes, nourris par imbibition, présentant souvent des cellules considé- rables, généralement désorbitées, à plusieurs noyaux ou en multiplication active. La circulation, dans ces cas, est rapidement rétablie par les nouveaux vaisseaux qui s'établissent dans la fibrine, circulairement autour du cylindre en le rattachant au reste du foie. » CoRNiL et Carnot n'ont obteim qu'unejcicatrisation fibreuse plus rapide lorsqu'ils ont bourré la plaie de divers corps nutritifs — fibrine, jaune d'œuf, éponge imbibée de sang, de gélatine, d'albumine — espérant obtenir par hypei-nutrition cellulaire une régénération plus intense des éléments épithéliaux. Voici comment ils s'expriment sur ce point : « Si nous bourrons une plaie hépatique avec de la fibrine préparée aseptique- ment, nous la voyons très rapidement pénétrée par des cellules conjonctives à grands prolongements anastomosés et, dès le troisième jour (plus tôt, par conséquent, que dans le processus normal), par de nombreux vaisseaux. Une organisation conjonctive se fait d'une façon précoce. Mais nous n'obtenons, en tant que régénération hépatique, aucun autre phénomène que la faible prolifération nucléaire et cellulaire, vers les troisième et quatrième jours, au voisinage des lèvres de la plaie, avec multiplication plus active des 724 FOIE. épithéliums canaliculaires. Quand on abouché la plaie avec une éponge imbibée d'une des substances nutritives énuniérées plus haut, on ne modifie j^^uère la marche de la prolifération épilhéliale. Au bout d'un certain temps, les trave'es de l'éponge sont entou- rées de grandes cellules géantes contenant parfois une vingtaine de noyaux. Elles sont résorbées peu à peu, et on n'en trouve plus trace au bout de deux mois. Dans le tissu conjonctif de la cicatrice (activée surtout par la fibrine et par le jaune d'œuf), on note la présence, à une assez grande distance des bords de la plaie, de gros canaux biliaires. •Ces canaux se trouvent isolés, au milieu du tissu fibreux, par la dégénérescence et la disparition du parenchyme hépatique voisin. P. Carnot fait cependant observer, sans s'arrêter à cette conclusion, que peut-être la cicatrisation fibreuse ainsi obtenue est ultérieurement modelée et pénétrée par des bourgeons hépatiques; il ne croit pas, jusqu'à plus ample informé, qu'il en soit ainsi, car ses examens ont porté sur des organes réséqués depuis deux mois : « La cicatrice se rétracte, dit-il, mais elle ne s'hépatise pas ; et la compensation se fait d'une façon dilfuse, par hyperplasie trabéculaire, à la péri- phérie des lobules; elle se fait aussi et surtout, par prolifération épithéliale des canali- cules biliaires, dans toute l'étendue du parenchyme hépatique. )> Notons que ces expériences de Cornil et C.vrnot ont été faites sur des chiens, tandis que celles de Ponfcr ont eu en grande partie pour objet le lapin; c'est peut-être là l'explication des divergences dans les résultats. La chirurgie du foie s'est inspirée de ces expériences, ainsi qu'on la jugera à la lecture des mémoires de Michel Kocsnetzoff et Jules Pensky (1896), de Terrier et Auvray (1896), de Auvray (1897). L'étude des greffes du foie peut-elle nous renseigner sur les processus de régénération? RiBBERT opérait ainsi : de petits morceaux de foie prélevés sur le vivant étaient dépose's à la surface d'un ganglion lymphatique d'un animal de même espèce ou même d'espèce différente. Si ces particules de foie contractaient des adhérences à leur substratum, elles restaient parfois des semaines sans subir de modification. Puis du tissu conjonctif se développait dans les interstices des cellules hépatiques du segment greffé, qui étaient comme dissociées; le protoplasma de ces cellules finissait par se désagréger. Les canaux biliaires du débris hépatique se comportaient différemment : leur crois- sance s'accusait; ils poussaient parfois des ramifications; or on sait que la régénération du foie se fait, en grande partie, aux dépens de l'épithélium des canalicules biliaires. Carnot a greffé des cellules hépatiques sur l'épiploon préalablement enflammé; il a observé une prolifération cellulaire, se disposant anatomiquement sous une forme très différente de celle du lobule sanguin ou biliaire : « Les cellules sont tout d'abord pres- sées les unes contre les autres, rappelant les bourgeons embryonnaires; elles se disposent finalement en nodules, rappelant l'évolution nodulaire bien connue dans certaines lésions du foie, parfois même l'évolution adénomateuse. » Altérations du foie consécutives aux intoxications. — Ziegler et Obolonski, en intoxi- quant par le phosphore des lapins et des chiens, ont déterminé des lésions dégéné- ratives du foie; ces lésions étaient suivies de phénomènes réactionnels, multiplication des endolhéliums vasculaires, des cellules du tissu conjonctif interlobulaire, des épithé- liums des voies biliaires; en dernier lieu, les cellules hépatiques, qui présentaient des images mitosiques, participaient à ce travail de réparation. PonwYSsozKi a, de son côté, eu recours au phosphore et à l'arsenic. Les Ilots de nécrose hépatique produits par l'action du poison étaient circonscrits et progressivement rem- placés par du tissu conjonctif et par des néo-canalicules biliaires. On trouve auprès des lèvres de la partie réséquée de nombreuses figures dekaryokinèse dans les cellules hépa- tiques et dans les cellules cubiques des voies biliaires; ces dernières cellules contri- bueraient à la régénération des cellules hépatiques proprement dites. Lapeyre a étudié, en 1889, les phénomènes de régénération du foie consécutifs aux nécroses provoquées dans la glande chez le chien par l'injection de solutions phéniquées. Le cytoplasma des cellules hépatiques et de l'épithélium des voies biliaires se mortifie au contact du poison; les noyaux nus se multiplient, et le long de travées directrices de nature conjonctive (mais qui ne seraient pas issus du tissu connectif préexistant) s'échelonnent des cordons cellulaires néoformés qui s'entoureraient peu à peu de proto- plasma et reconstitueraient des cellules hépatiques. FOIE. 725^ Denys et Stubbe ont injecté dans les voies biliaires du chien de l'acide acétique dilué; ils ont constaté, après l'expérience, une forte diminution de l'excrétion de l'urée chez ces animaux. LiEBLEiN a infusé de l'acide sulfurique dilué dans le canal cholédoque de chiens; il a déterminé des nécroses massives du foie. Dans ces conditions, l'excrétion d'acide urique augmente; de l'acide carbamique apparaît dans l'urine (?). Les rapports de l'ammoniaque urinaire à l'azote total et à l'azote de l'urée ne sont modifiés (augmentation de l'ammo- niaque) que pendant l'agonie des animaux qui tombent dans le coma. Le Goûteur a repris les [expériences de Lapeyre sur le lapin. Le foie était mis à découvert aseptiquement. L'aiguille de la seringue à injection pénétrait en plein paren- chyne, à quelques millimètres de profondeur et un peu obliquement en haut : « On faisait écouler deux ou trois gouttes de liquide (acide phénique pur) et l'on retirait brusque- ment l'instrument en ayant soin de le remplacer par un tampon d'ouate stérilisée, pour absorber l'excès d'acide. Le tissu blanchissait immédiatement au point piqué, marquant ainsi un i-epère facile à reconnaître à l'autopsie. » Les suites opératoires, bien surveillées, ont été satisfaisantes. Seize lapins de 1 800 à 2 000 grammes ont été opérés de la sorte. Jusqu'au quinzième jour on en sacrifiait un tous les deux jours; du quinzième jour au quarantième les autopsies n'étaient faites que de trois en trois jours. Le foie prélevé à l'autopsie était l'objet d'un examen histologique minutieux. Voici les résultats obtenus par Le Goûteur, dont la thèse a été faite sous la direction de B. AucuÉ : « A la suite des injections intra-hépatiques d'acide phénique, on observe deux processus différents : un processus nécrotique et un processus réparateur. « Le processus nécrotique se produit d'emblée et consiste dans des lésions cellulaires allant depuis la mort pure et simple des cellules, avec disposition vacuolaire du proto- plasma et perte, pour le noyau, de ses électivités colorantes, jusqu'à la désagrégation complète des travées hépatiques se traduisant par un état lacunaire du tissu. Le pro- cessus réparateur consiste dans une néoformation conjonctive qui débute très rapide- ment au niveau des cellules endothéliales des capillaires sanguins intertrabéculaires et des cellules fixes du tissu conjonctif, et qui arrive à constituer un véritable anneau fibreux autour du foyer de nécrose. De cet anneau se détachent des travées de même nature qui pénètrent dans ce foyer en suivant les espaces ou les vestiges d'espaces inter- trabéculaires et arrivent ainsi dans les cavités lacunaires dont il est creusé- Là le tissu conjonctif se développe plus facilement, fait disparaître les cloisons qui séparent les lacunes et constitue de la sorte de gros bourgeons conjonctifs dans l'épaisseur du bloc nécrosé. Attaqué tout à la fois sur sa périphérie et dans ses parties centrales, ce bloc diminue progressivement: il arriverait vraisemblablement à disparaître, bien que cette disparition n'ait pas été constatée, si ce n'est dans les cas de lésions très limitées. Dans les lésions plus étendues, il persistait encore au quarantième jour. « A la périphérie de l'anneau fibreux, les cellules hépatiques présentent par places des traces indéniables d'un processus irritatif, caractérisé par l'existence de quelques figures karyokinétiques et surtout par la présence de deux noyaux dans presque tous les éléments cellulaires. La régénération hépatique ne joue doncaucunrôledansla réparation des lésions déter- minées'par l'acide phénique. Il s'agit purement et simplement d'une cicatrice fibreuse. » Régénération du foie dans les conditions pathologiques. Hypertrophie compensatrice. — Les modifications du foie d'ordre dégénératif produites par la ligature de l'artère hépatique (Janso.v), du canal cholédoque (Charcot, Gombault, Foa et Salvioli) suscitent également une réaction régénératrice de la part des cellules hépatiques qui présentent des figures de karyokinèse et se multiplient; les épithéliums des voies biliaires jouent aussi un rôle actif dans la régénération. Gouget, après ligature du cholédoque chez le chien, le lapin, le cobaye, a vu le tissu de régénération affecter un groupement en nodules formés par des couches cellulaires concentriques, comme dans les hépatites nodulaires paludéennes, tuberculeuses, syphi- litiques. EnRHARDT allé séparément chaque branche de bifurcation de la veine porte ; il s'est produit chaque fois une atrophie du lobe correspondant avec formation d'ascite; l'autre lobe s'hypertrophie consécutivement. Remarquons, en passant, que cette expérience corrobore les assertions de Glénard, Siraud, Serégé, relatives à l'indépendance fonction- 7Î6 FOIE. nelle et anatoniique des deux lobes du foie, assertions basées sur des observations cli- niques et bistologiques et sur de nombreuses expériences de laboratoire, Ces derniers auteurs ont montré, en efl'et, que le lobe fauche et le lobe carré paraissent être en rap- port avec la digestion gastrique : le courant de la veine splénique s'y épuise; le lobe droit et le lobe de Spiegel, irrigués par le courant de la grande mésaraïque, sont en rap- port avec la digestion pancréatique et intestinale. Les données de la pathologie concordent avec ces constatations; une altération exclu- sivement limitée du lohe gauche est subordonnée à un trouble dans la sphère des origines de la veine splénique; une modification pathologique du lobe droit trouve son expli- cation dans un processus morbide aux sources de la grande mésaraïque. Ici aussi le lobe opposé à la lésion pourra présenter une hypertrophie compensatrice comme dans les cas, signalés plus loin, de kyste hydatique du foie. L'observation clinique et anatomo-patho- logique et la médecine expérimentale ont contribué à établir sur des bases indiscuta- bles, et la vulnérabilité de la cellule hépatique et son aptitude à se régénérer. Au cours d'un grand nombre d'affections hépatiques, on a l'occasion d'enregistrer, à côté des lésions dégénératives, des modifications d'ordre irritatif : la cellule du foie témoigne par ses figures de division] karyokinétique de l'effort que fait l'organe pour conserver son plein fonctionnement. Souvent cet effort de régénération aboutit à l'hyper- trophie compensatrice. Un kyste hydatique se développe-t-il dans l'épaisseur du foie, les pertes que subit le parenchyme de ce chef sont compensées, surtout dans le lobe opposé, oar une néoformalion de cellules qui maintiennent l'organe à la hauteur de sa tâche ..ysiologique. Cette hypertrophie compensatrice a été depuis lontemps remarquée dans les cas de hijste hydatique de cet organe. On la trouve déjà mentionnée , en 1880, dans une observation de JosiAs; Reboul et Vaquez, Paul Tissier, Marius Polaillon en rapportent aussi des exemples à la' Société anatoniique de Paris, sans qu'on puisse encore décider s'il y a compensation par hypertrophie des cellules préexistantes, ou si l'on est en présence d'une néoformation. Max Durig constate également cette hypertrophie dans dix-sept cas de kyste hydatique. PoNFiCK étudie au microscope ces hypertrophies compensatrices dans six cas de kyste hydatique du foie. 11 montre que ces processus de régénération sont comparables à ceux qui succèdent aux résections expérimentales, sauf que, chez l'homme, « la néoformation est irrégulière, ne ressemble pas au reste du parenchyme respecté, .n'en a pas la dispo- sition radiée; les cellules se rangent sans ordre, plus souvent serrées les unes contre les autres, formant des travées plus ou moins sinueuses. Les cellules hépatiques situées à la périphérie de l'acinus sont plus petites qu'à l'état normal ; leur forme est souvent modifiée » (L. Z. Kahn). Hanot a publié de son côté deux exemples d'hypertx'ophie compensatrice dans le kyste hydatique. Dans un cas publié par Chauffard, en 1896, le foie débarrassé du kyste pesait 2 600 grammes; le lobe gauche, à lui seul (le kyste occupait le lobe droit), pesait 1 205 grammes, presque autant que la totalité du foie normal. L'examen histologique ne laissai! .lucun doute sur la régénération compensatrice. L. Z. Kahn apporte au débat quatre observations personnelles; il constate l'augmen- tation de volume parfois double, par rapport à la normale, des travées hépatiques, la tendance des cellules à former des nodules composés de plusieurs couches circulaires et concentriques; au centre de ces nodules existe tantôt un espace porte, tantôt une veine sus-hépatique; çà et là on voit des figures de karyokinèse dans les cellules hépa- tiques. Le tissu conjonctif contient de nombreuses cellules embryonnaires avec quelques cellules plates. Les néo-canalicules biliaires sont en petite quantité. De ces faits L. Z. Kahn tire au point de vue pronostique la déduction suivante : « Le lobe gauche hypertrophié suffit à l'accomplissement régulier de la fonction hépatique. » Nous le savons, ajoute-t-il, par tous les moyens d'investigation que la clinique, aidée de la chimie, nous fournit sur l'état de la cellule (taux de l'urée normal, absence de glyco- surie alimentaire et d'urobilinurie, etc.). De plus l'hypertrophie compensatrice du lobe gauche fera penser le clinicien qui le constate, à la possibilité d'un kyste hydatique du foie dans le lobe droit. FOIE. 727 Reinecke a publié une observation de ce genre; il y avait hypertrophie compensa- trice avec formations nodulaires. Dès lors on rechercha syste'matiquement, dans toutes les affections du foie, les phéno- mènes de régénération. Hanot a eu le grand mérite de montrer l'importance de ces phénomènes qui dominent le pronostic, en matière de pathologie hépatique. Même dans les cas oli la lésion paraît être massive, dans la'cirrhose de Laënnec, dans l'ictère grave, les tendances régénératrices se révèlent à l'observation microscopique. Voici ce que nous enseigne l'étude de la cin-hose de Laë.nneg et de ses variétés, envi- sagées à ce point de vue. Dans la cirrhose atrophique de Laën-xeo, l'e.xamen attentif des coupes histologiques met parfois sous les yeux de l'observateur des segments de foie dans lesquels la dégénéres- cence graisseuse n'a pas détruit toutes les cellules hépatiques; celles qui persistent témoignent par leur hyperplasie de l'effort qu'a fait l'organe pour persister et pour s'accroître. Cet effort à peine indiqué dans ce type morbide (Manicatide) s'accuse et devient prédominant dans la forme dite hypertrophique, en vertu d'une sorte d'idiosyn- crasie originelle de la cellule hépatique (Haxot), qui la fait résister et réagir plus vivement que dans la cirrhose vulgaire. Ce processus de multiplication cellulaire est particulièrement marqué au niveau des cellules épithéliales des canalicules biliaires, ainsi qu'il résulte des recherches de Brodowski, Prus, Cholmogorow, Pick, Bjelousow et Ruppert. Hanot et Gilbert ont décrit, en 1890, la cirrhose alcoolique hypertrophique dans laquelle, par suite de phénomènes de régénération compensant les pertes subies par le foie, on voit les symptômes d'insuffisance hépatique — glycosurie alimentaire, hypoazoturie, urobilinurie, oligurie, hyperloxicité urinaire — constatés au début de l'affection, s'atté- nuer et disparaître. Le mot de Lasègue, cité par Z. Kahn : « Dans l'histoire pathologique de la cirrhose alcoolique le pronostic est lié non pas au parenchyme disparu, mais à celui qui reste, » se justifie donc tout à fait. Tantôt l'hypertrophie est diffuse; le foie pèse 2à 3 kilos; son bord est mousse; sa surface gris-jaunâtre est finement mamelonnée. Tantôt l'hypertrophie porte sur un segment, d'oii une voussure de l'organe, ce qui, lors de l'examen clinique, pourrait en imposer pour un kyste hydatique. Dans tous les cas, la sclérose est, comme dans la forme commune atrophique, annulaire et périveineuse. L'augmentation de volume totale ou partielle est due à l'hypertrophie et à la multipli- cation de celles, parmi les cellules hépatiques, qui ont été relativement épargnées par stéatose; il en résnlte des trabécules nouvelles, montrant des mitoses, non radiées à l'instai- des trabécules normales, mais tubulées, ou encore ramassées en nodules qui sont formés de séries cellulaires concentriques. Cette disposition anatoniique rappelle l'hépatite nodulaire des paludéens de IvELscnet Kiener, celle des tuberculeux (Sabourin) et des syphilitiques; elle rappelle aussi l'hypertrophie compensatrice, telle qu'on la constate dans les kystes hydatiqaes du foie et dans la cirrhose hypertrophique biliaire ; s'il y a eu, de ce chef, surproduction de cellules hépatiques, ces cellules n'ont pu édifier des groupements lobulaires nouveaux, avec ordination radiée, autour d'une veine centrale sus-hépatique. Les cirrhoses avec adénomes représentent un degré encore plus élevé de régénération; mais il est exceptionnel que ces productions adénomateuses restent vivaces au point que « l'hyperplasie épithéliale confine à la néoplasie » (Chauffard); des conditions défavo- rables inhérentes à une irrigation défectueuse du foie, à la persistance dans l'organisme des causes morbifiques, entraînent la déchéance des adénomes; l'hépatite nodulaire graisseuse des tuberculeux est un exemple typique de régénération impuissante. Chauffard a mis en regard de l'évolution clinique et du pronostic des modalités de cirrhose les divers types de régénération du foie. Dans la forme atrophique de Laë.nneg, dans la cirrhose hypertrophique graisseuse de Hutinel et Sabourin, l'hypertrophie com- pensatrice est trop rudimentaire ou trop compromise pour influer sur le cours de la maladie qui se dénoue plus ou moins vite. Les troubles mécaniques dans la circulation porte et l'insuffisance hépatique représentent les principaux facteurs de gx-avité. La cirrhose hypertrophique biliaire (maladie de Hanoï), grâce à l'hypertrophie compensatrice qui prend le pas sur les lésions dégénératives,-a une évolution très lente; mais les par- ties incessamment en régénération ne restent pas vivaces; la persistance du primum 728 FOIE. movens pathologique les achemine vers la nécrose; de plus le foie est à la merci d'infec- tions microbiennes nouvelles; la mort s'ensuit par ictère grave secondaire. Par contre,. dans la cirrhose alcoolique hypertrophique de Hanot et Gilbert, l'augmentation de volume de l'organe assure la fonction; il en résulte des survies très longues, et même, si toute autre influence morbide générale a disparu, si le malade consent à suivre les prescrip- tio)is d'une hygiène des plus sévères et à ne plus boire de boissons fermentées, de véri- tables guérisons, au regard du clinicien, sinon à celui de l'anatomo-pathologiste. Il nous a été donné d'observer et de suivre deux cas de cet ordre. On peut aller plus loin encore « et dire que Vliypcrtrophie compensatrice est une loi générale en -pathologie hépatique. Dans les lésions les plus diverses, aiguës et chroniques, pour peu que la destruction du parenchyme ne soit pas immédiate et définitive, on- trouve des îlots, des foyers d'hypertrophie cellulaire, évoluant le plus souvent aux con- fins des espaces porto-biliaires, c'est-à-dire dans les régions du lobule où l'apport nutritif est le plus direct et la vitalité la plus grande. « Quand ces foyers hyperplasiques ont un développement très actif, les extrémités des trabécules hypertrophiées se tassent au contact des lobules voisins, sont refoulées,, aplaties, et finissent par encapsuler le nodule. Ce sont des figures de ce genre qui ont été vues et décrites par Sabourin sous le nom d'hépatites nodulaires, de foyer d'hyper- trophie nodulaire (Chauffard). » L'intervention de ces phénomènes de régénération a été signalée dans la plupart des affections du foie; citons, en outre de celles que nous avons déjà passées en revue : les hépatites syphilitiques, paludéennes, le foie cardiaque (Mkder, Auché), le cancer (Flœck),, les intoxications à localisations prédominantes dans le foie (Pilliet), les infections suppu- ratives des voies biliaireS; l'ictère par rétention avec angiocholite dû à un carcinome de l'estomac et du duodénum (Ruppert), la cirrhose mixte (Sabrazès), les abcès, etc. Nous nous sommes renseignés auprès de Kartulis (d'Alexandrie) sur la réparation des pertes de substance dans Yahcés du foie opéré: la cavité abcédée se comble de tissu fibreux et, tout autour, on constate des phénomènes d'hyperplasie compensatrice avec for- mation de néo-canalicules biliaires. Dans les cas très rares de guérison spontanée la cica- trice fibreuse qui se substitue à la cavité est très pigmentée à la périphérie, parsemée de zones caséo-calcaires au centre. Dans la Bilharzia, parfois l'hépatite, au lieu d'être atrophique, est hypertrophique et nodulaire, témoignant de phénomènes de régénération (Kartulis). La vitalité du foie se réveille également dans les hépatites graves, telles que celles qui aboutissent à Vatrophie jaune aiguë. Mais la mort du malade coupe court au pro- cessus de régénération. On a cité cependant quelques exemples de retour des fonctions hépatiques avec guérison définitive. Dans les formes subaiguës, l'autopsie éclaire le mécanisme de la réaction du foie. Aly Bey Ibrahim a publié, en 1901, un travail important sur cette catégorie de faits; mous allons y puiser la plupart des éléments de cet exposé. Nous renvoyons à ce travail pour les indications bibliographiques relatives à ce sujet. WiRsiNG a rassemblé d5 cas, empruntés à divers auteurs, d'ictère grave prolongé, et les a envisagés sous le rapport des tendances régénératrices. Aly Bey Ibrahim a de son côté relaté une observation semblable qui lui a fourni l'occasion d'un examen analomo-pathologique détaillé. Dans un cas d'ictère grave symptomatique d'une intoxication phosphorée, Hedderich fit des mensurations en série de la matité hépatique qui lui donnèrent les résultats suivants : 5' jour de la maladie. . . 10—0 — 8 centimètres. 6«— — ... 7—6-4 — 9"— — ... 6—3 — 3 — 13* — — ... 7.5 _ :i — 4 — 14» — — ... 9 _ 7 — G — L'auteur conclut à une régénération active. Gi.ANTURco et Stampacchia, Picr, Ribbert insistent aussi, en relatant des cas d'intoxi- cation phosphorée, sur les phénomènes de régénération qui se manifestent à la périphérie des foyers de nécrose. FOIE. 729- Aly Bey Ibrahim synthétise dans son travail les acquisitions les plus récentes sur le mode de régénération du foie dans l'ictère grave. Trois facteurs interviennent : la multi- plication des cellules 'hépatiques préexistantes et des épithéliums des canalicules biliaires interlobulaires; la prolifération du tissu conjonctif interstitiel. La prédominance- de chacun de ces divers facteurs s'observe dans tels ou tels cas. Après la résection nous avons vu que la réparation comportait surtout une surpro- duction de cellules hépatiques nouvelles développées aux dépens des anciennes. Dans l'atrophie jaune aiguë, ce mode de régénération n'a qu'une importance secondaire- par rapport à la néoformation des épithéliums biliaires. Cela s'explique, d'après Medeh, parce que, dans les grandes résections, si le foie a perdu une grande parlie de son parenchyme, les cellules épargnées conservent néanmoins toute leur vitalité et leur aptitude à se reproduire. Par contre, dans l'atrophie jaune aiguë, la plupart des cellules- ont été mises en souffrance par la cause morbide; elles sont ou bien complètement détruites, ou bien stéatosées ou tout au moins en état de tuméfaction trouble. La capacité de régénération de semblables cellules se trouve par suite très compromise. Les cellules épithéliales des voies biliaires sont bien moins intéressées, ainsi que le démontre l'examen microscopique : çà et là ces cellules ont disparu: quelques-unes sont granulo- graisseuses ou en tuméfaction trouble; mais beaucoup restent intactes et présideront à la régénération des cellules du parenchyme. On comprend qu'il en soit ainsi, si l'on se rappelle que les cellules de revèlemenl des voies biliaires sont très voisines, au point de vue phylogénétique et physiologique, des cellules hépatiques. L'intervention de tissu conjonctif n'a rien de spécifique; il réagit comme il le fait dans toute inflammation qui ne se limite pas seulement à l'élément noble. Une réaction exagérée du tissu conjonctif aboutit à la cirrhose, c'est-à-dire à la substitution d'une lésion à une autre; tandis qu'une prolifération suffisante des épithé- liums biliaires et des cellules hépatiques est capable d'assurer une guérison complète. Ajoutons que, dans l'ictère grave très prolongé et en quelque sorte chronique, la réaction, conjonctive peut manquer. Aly Bey Ibrahim envisage ces divers facteurs de régénération. La multiplication des cellules hépatiques est prouvée par la constatation de nombreuses figures de karyokinèse, ainsi que l'ont vu Meder, Me. Puadyan, Mac Callum, Strôbe. Beaucoup d'observateurs mentionnent l'hypertrophie des acini (Lewitzky et Brodowsky, Van Haren, Norma.n') ; les cellules centro-acineuses, épargnées dans une certaine mesure, augmentées de nombre, mais plus petites, ont deux ou plusieurs noyaux, ce qui est un indice de leur prolifération. Voilà donc un processus d'accroisse- ment des acini grâce auquel le foie retrouve son volume et ses fonctions. A vrai dire, il est tout à fait exceptionnel que la néoformation des cellules hépatiques, dans l'ictère grave subaigu, l'emporte sur celle des épithéliums biliaires. En règle générale, le travail de réparation s'effectue, dans l'atrophie jaune aiguë du foie, aux dépens des cellules cubiques qui revêtent les voies biliaires interlobulaires; ces cellules changent d'aspect, deviennent polymorphes, entrent en karyokinèse (Medï;r et Strube). Ce dernier décou- vrit une mitose à la jonction d'un canalicule interlobulaire et d'un néo-canalicule biliaire, preuve de leur filiation. Ces néo-canalicules abondent; leur accumulation ne saurait s'expliquer par un simple rapprochement, les ponts de parenchyme intermédiaires s'étant pour ainsi dire elfondrés au cours de la maladie (Hlava, Mg. Phadyax, Mac Callum). Ces néo-canalicules sont le fait d'une prolifération des épithéliums biliaires. Stroiuî, Meder, Hirschberg, Marchand, Aly Bey Ibrahim ont insisté sur ce mode de régé- nération que nous avons nous-même constaté dans un cas de cirrhose mixte complexe, à évolution rapide avec infection biliaire. Dans notre observation nous avons vu nette- ment des néocanalicules biliaires se différencier en trabécules de cellules hépatiques. Sans doute ce stade de transition des cellules canaliculaires aux cellules hépatiques échappe le plus souvent : la survie trop courte ne permet pas cette dinérenciation. Dans le cas de Marchand, où la réalité en put être établie, l'ictère grave dura six mois; dans celui de Strôbe, quatre semaines; dans celui d'ALi Bey Ibrahim dix semaines; dans notre observation trois mois. En dehors des constatations anatomo-pathologiques la rétrocession des phénomènes 730 FOIE. d'insuffisance hépatique, l'augmentation de volume du foie plaident en faveur d'une véritable régénération. Ainsi, même dans les cas où le parenchyme est profondément dégénéré, la tendance à la régénération se révèle à l'observateur. Chez l'animal, après les résections expérimentales, les cellules hépatiques se multi- plient et se placent dans la continuité des trabécules préexistantes, d'où l'hypertrophie parfois considérable des lobules. Le tissu conjonctif, les canalicules biliaires, les capil- laires sanguins participent à la réparation dans une large mesure. Chez l'homme, dans les affections du foie les plus diverses, les cellules néoformées se disposent en nodules plus ou moins volumineux, bombant à la surface du foie : elles peuvent même, dans les cas où est réalisé l'adénome, se juxtaposer en productions tubulées rappelant les cylindres embryonnaires de Remak. Dans ces deux groupes de faits, si la régénération du foie assure à nouveau l'intégrité du fonctionnement hépatique, « cette régénération fonctionnelle ne correspond pas à une régénération morphologique, et ni la forme lobaire ni la forme lobulaire du foie ne sont restituées ». Il ne se fait pas de nouveaux lobules, ajoutent Gilbert et Carnot, mais le nombre des cellules augmente dans les anciens de façon à mettre en batterie une même quantité d'unités actives sécrétantes. La régénération du foie se fait donc par hyper- trophie et hyperplasie diffuses; le poids final de la glande est égal au poids initial, mais la partie réséquée ne se reproduit pas à proprement parler. Le retour au fonctionne- ment physiologique intégral n'exige donc qu'une chose : l'intégrité de la cellule hépa- tique, quelle que soit sa position anatomique. Bibliographie. — Excision. Régénération et ablation du Foie. — Aly Bey Ibrahim. 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Ueber das Vorkommen der Milschàure im tierischen Organismus mit Berûcksichtigung der Arsenvergiftung (A. P. P., xlui, 217). — Nasse. Ueber einige Verschie- denheiten im Verhalten des L. hungernder und gefïitterter Thiere {Arch. d. Ver. f. tviss. Heilk., 1860, i, 76-98). — Neumann (A.). Ueber den Einfluss von Giften auf die Grosse der L. zellen (D. Berlin, 1888 et D. med. Zeit., 1889, 714). — Pilliet (A. H.). Sur l'existence simultanée de zones différentes d'activité secrétaire dans le F. [B. B., 1895. xlvii, 779-782). — Destruction cxpèrim. de> cellules hépatiques (B. B., 1893, 502-505). — Ransom. On the influence of glycérine on the L. [J. P., 1887, viii 99-116). — Schmaus (H.). Ueber das Ver- halten osmirtm Fettes in der L. bei Phosphorvergiftung und membranartige Bildungen um Fetttropfen {Mûnch. med. Woch., 1897, 1463-1465). — Trolldenier. Die Wirkungen des Cu auf L. und Niere {Arch. f. xciss. ii. prakt. Thierheilk., 1890, xxiii, 301). — Vereecre (A.). 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Action du foie sur les substances minérales. — L'action du foie sur les sub- stances minérales se réduit à une simple accumulation dans le parenchyme ou à une éli- mination par la bile. Cette action d'arrêt, indiquée par Orfila, bien étudiée par Cl. Bernard, Mosler, Peiper^ Melsens, ne s'exerce pas indifféremment sur toutes les substances minérales. Les sels de potasse ou de soude ne semblent pas arrêtés par le foie. Nous avons constaté que la toxicité du chlorure de potassium, du chlorure ou du lactate de sodium est exactement la même, que le sel soit introduit par une veine périphérique ou par un rameau de la veine porte. Ces expériences négatives ont leur intérêt, car elles justifient la méthode : elles donnent une valeur aux expériences, démontrant que certaines substances perdent une partie de leur toxicité en traversant le foie. U résulte, au contraire, des recherches de Cl. Bernard, Mosler, Lussana. que les sels de fer, de manganèse, d'antimoine, d'argent, de zinc, de plomb, de cuivre ou de mercure sont arrêtés parle foie et se retrouvent dans la bile. Il en est de même des sels de cad- mium (Marfoni) et de bismuth (Brick). Les sels de fer ont servi à d'assez intéressantes recherches. Paganuzzi, en utilisant le. FOIE. 733 i'itrate, a retrouvé cette substance dans la bile, quand l'injection était poussée par une veine mésaraïque. Etudiant avec nous le lactale de protoxyde de fer, Bouchard a constaté que la toxicité de ce sel est de Oer 4 par kilogramme quand l'injection est poussée par une veine périphérique, 1,16 quand elle est faite par un rameau de la veine porte. En examinant la bile, nous avons trouvé des traces de sel ferreux; mais la quan- tité en e'tait minime, et l'élimination n'expliquait pas la diminution de toxicité. Un calcul très simple démontre, en elTet, que le 60 p. 100 de la dose injectée ont été retenus parle foie. Ce chiffre cadre avec celui qu'a obtenu Gottlieb. D'après cet auteur, 50 à 70 p. 100 des sels de fer restent dans le foie ; ils y séjourneni de vingt à trente jours, puis s'élimi- nent peu à peu, non par la bile, mais par le gros intestin. Les sels de cuivre, de plomb, de mercure, s'emmagasinent également dans le foie, et passent en quantité plus ou moins considérable dans la bile. On retrouve encore dans cette sécrétion l'iodure de potassiiwu, qui s'y montre de six à buit heures après son admi- nistration (Cl, Bernard, Mosler, Lussana, Peiper). L'arsenic s'accumule dans le foie, mais ne passe pas dans la bile (Mosler, Melsens). Il était intéressant de rechercher sous quelle forme se trouvent les matières miné- rales qui restent dans le foie. Le fer y séjournerait, d'après Gottlieb, Jacoby, Zalesky, à l'état d'unbydrate ferrique ou d'un composé organique. Le mercure, d'après Slowtzoff, est fixé par les globulines de l'organe ; au contraire l'arsenic se porte sur le stromaet s'unit aux nucléines. La première combinaison est instable ; la deuxième est très solide: après traitement de l'organe par la pepsine chlorhydrique, on obtient un précipité deuucléine arsenicale. Élimination par la bile des composés organiques. — La bile n'élimine pas seulement des sels minéraux, on y retrouve un grand nombre de composés organiques, comme le salicylate de soude, le ferrocyanure et le sulfocyanure de potassium (Peiper, BouLEYet Colun), l'acide phénique, la térébenthine. On peut y déceler des traces de strych- nine (Jacques), de curarine (Lussana), de caféine (Strauch) ; mais on n'y retrouve ni la nico- tine, ni la quinine. Ce sont surtout les matières colorantes qui ont été utilisées à ce point de vue. CHRZoxszczE\vsRY,qui s'est attaché à l'étude de la question, a constaté que certaines couleurs ne passent pas dans la bile : ce sont le carminate d'ammoniaque, le bleu de Berlin, le bleu d'aniline; parmi celles qui viennent teinter la sécrétion, nous cilerons l'indigo-carmin, l'indigo-sulfate de soude, le rouge d'aniline. Il faut ajouter le bleu de méthylène (Charrin), la chlorophylle (Wertheimer), la matière colorante de la rhubarbe (Heidenhain), les pigments du sang et de la bile. Nous ne reprendrons pas la théorie de ScHiFF sur la circulation entéro-hépalique du pigment biliaire. On trouvera à l'article Bile un exposé de la question (ii, 144). Action du foie sur les alcaloïdes d'origine végétale. — En 1877, Schiff an- nonça que le foie est capable d'arrêter et de transformer certains alcaloïdes notamment la nicotine. Quelques mois plus tard, un de ses élèves, Lautenbach, confirmait cette décou verte et constatait que le foie neutralise l'hyoscyamine et le venin du cobra, tandis qu'il reste sans action sur le curare, l'acide prussique et l'atropine. Avant ces auteurs, en 1873, Héger, en faisant passer par des foies préparés pour la circulation artificielle du sérum contenant de la nicotine, avaitreconnu que le sang des veines sus-hépatiques ne présentait plus l'odeur si caractéristique de cet alcaloïde. L'au- teur revint sur ces faits en 1877, et établit par des expériences de circulation artificielle que le foie retient, daus la proportion de 2o à 50 p. 100, les alcaloïdes qui le traversent, tandis que les poumons les laissent passer et que les muscles n'en arrêtent que des quantités minimes. En 1880, un de ses élèves, V. Jacques, en étudiant l'action des alca- loïdes sur la pression sanguine, constata que, lorsque l'injection est poussée parla veine porte, il faut, pour produire le même effet, introduire deux fois plus de poison que lorsqu'on emploie les veines périphériques. Héger et Jacques expliquèrent ces résultats par une diffusion de l'alcaloïde; l'action d'arrêt du foie ne serait (ju'un cas particulier d'une propriété générale appartenant à tous les tissus. Si les interprétations différaient, les faits eux-mêmes étaient mis en doute. Renë, au laboratoire de Beaunis et, plus tard, Chouppe et Pi.-vet, au laboratoire de Vulpian, déniaient au foie toute action sur les alcaloïdes. Aujourd'hui de nombreux travaux ont mis hors de conteste l'action du foie sur les 734 FOIE. poisons. Les auteurs ont eu recours à des méttiodes différentes que nous ramènerons à quatre principales : 1» On peut étudier comparativement la marche de l'intoxication chez un animal normal et chez un animal dont on a supprimé l'action du foie, soit en extirpant le viscère (batracien), soit en liant la veine porte (chien, cobaye) ou, ce qui est préférable, en établissant une fistule porto-cave (chien). 2° On peut empoisonner un animal et rechercher le poison dans les viscères et les tissus soit par un dosage chimique, soit en déterminant la toxicité des extraits. 3» On peut étudier la toxicité du liquide chargé d'alcaloïdes qu'on a fait passer dans un foie préparé pour la circulation artificielle. 4° On peut injecter comparativement le poison par une veine périphérique et par une veine intestinale. Si l'on emploie cette dernière méthode, qui donne de bons résultats, il faut avoir soin de diluer la substance en tenant compte de son équivalent toxique : autrement dit, la dose reconnue mortelle, quand on l'injecte dans une veine périphérique, devra être con- tenue dans 10 ou 20 ce. de liquide, et celui-ci, devra être introduit peu à peu et très len- tement. C'est pour avoir négligé ces précautions que plusieurs expérimentateurs n'ont pas réussi à mettre en évidence l'action protectrice du foie. Qu'il s'agisse des poisons ou qu'il s'agisse du sucre, cette glande laisse passer les solutions concentrées. Nous avons montré, par exemple, que le foie ne modifie pas la toxicité d'une solution de nicotine à 0,5 p. 100; que l'injection soit faite par une veine^ périphérique ou par un rameau de la veine porte, la dose mortelle est la même; elle oscille autour de 0S'',003. Mais, si l'on emploie une dilution à 0,05 pour 100, les résultats sont bien différents : pour tuer 1 kilo- gramme d'animal, il faut introduire 0,007 par une veine périphérique, 0,014 par une veine intestinale. La plupart des expérimentateurs qui ont étudié l'action du foie sur les alcaloïdes ont, à l'exemple de Héger et de Schiff, utilisé la nicotine. Nous avons fait un certain nombre de recherches avec cet alcaloïde. Opérant d'abord sur des grenouilles, nous avons étudié l'effet de l'intoxication sur des animau.x; normaux et sur des animaux dont on avait extirpé le foie. Cette opération permet, comme on sait, une survie de quelques jours et même, si les animaux sont maintenus dans l'eau courante, une survie de plusieurs seinaines. Or, en injectant dans le sac lymphatique postérieur une solution à 5 p. 1 000, nous avons constaté que la dose mortelle est de 34 mg. (par kilog.) pour une grenouille normale, et de 8 pour une grenouille privée de foie. Si l'on fait la ligature des vaisseaux rénaux, on provoque, comme l'a montré Schiff, une con- gestion et une suractivité de la glande hépatique : dès lors une dose de 36 mg. reste sans effet. Enfin, quand la nicotine a été triturée avec le foie, il faut en injecter 100 mg. pour amener la mort. En opérant sur des lapins on obtient des résultats semblables. La dose mortelle étant de 7 mg.par kilo, quand on pousse par une veine périphérique une dilution à o p. 1000, il faut, pour tuer l'animal, introduire 14,9 par une veine mésaraïque; ou bien injecter par une veine périphérique une dose correspondant à 14 ou la mg. quand le poison a passé au préalable à travers un foie préparé pour la circulation artificielle, ou quand il a été trituré avec un fragment de tissu hépatique. Les résultats que nous avons obtenus nous ont valu un certain nombre de critiques. Chouppe et PiNET ont soutenu que le foie est sans action sur la strychnine. Les faits négatifs rapportés par ces auteurs tiennent simplement à ce qu'ils employaient des solu- tions trop concentrées. Depuis longtemps, Dragendorff avait montré que la strychnine s'accumulait dans le foie. Héger avait étabh, par la méthode des circulations artificielles, que cette glande retenait la moitié de la quantité de poison qui la traversait. Ayant em- poisonné des cobayes avec de la strychnine, nous n'avons pas trouvé trace du poison dans le sang. Mais nous avons constaté^' que le foie en renferme, à poids égal, dix fois plus que les muscles. Nous avons poursuivi enfin quelques recherches sur des grenouilles, les unes normales, les autres privées de foie. Le poison a été introduit sous la peau ou par le tube digestif : dans les deux cas, l'action du foie a été manifeste. Mais nous avons reconnu, en même temps, que la strychnine agit un peu plus énergiquement quand, chez des grenouilles saines, on la fait pénétrer par le tissu sous-cutané; au contraire. FOIE. 735 chez les grenouilles privées de foie, le poison est plus rapidement mortel quand on l'in- troduit par le tube digestif. Ce fait nous semble de nature à modifier les idées courantes sur l'absorption. Pour ne parler que de la strychnine, nous rappellerons que Cl, Bernard pensait que cet alcaloïde, de même que le curare, s'absorbe mieux sous la peau que dans le tube digestif. L'action du foie qui vient troubler l'étude comparative, en apparence si simple, ne permet pas d'accepter sans réserve une telle opinion. L'action du foie, qui est également manifeste pour la quinine, la morphine, la co- caïne, ne s'exerce pas indistinctement sur tous les alcaloïdes. Elle varie aussi suivant les espèces animales. C'est ainsi que, d'après Héger, le foie de la f^'renouille agit éner- giquement sur l'hyoscyamine ; le foie du lapin n'a que peu d'inlluence sur cet alcaloïde; le foie du cobaye n'en a pas du tout. Avec l'atropine, les l'ésultats ont été assez discordants. Cependant les recherches de KoTTLiAR semblent démonstratives; en opérant sur des chiens auxquels on avait pratiqué la fistule d'Eck, cet auteur a bien mis en évidence l'action du foie sur ce poison. Les alcaloïdes s'emmagasiuent-ils simplement dans le foie ou y subissent-ils une transformation? C'est à celte deuxième conception que se rangèrent Schiff et Lauten- BACH. Ce dernier auteur soutient que la nicotine renferme deux poisons : l'un, qui ne serait pas retenu par le foie, déterminerait des symptômes d'ataxie; l'autre est une sub- stance tétanisante que la glande détruirait. Cette conception ne semble guère admissible. Mais la théorie de Schikf paraît exacte. C'est ce qui résulte des intéressantes recherches de Verhoogen. De l'hyoscyamine est triturée avec un foie de grenouille ; après ce traite- ment l'alcaloïde perd sou pouvoir mydriatique. Il y a donc modification du poison; et cette modification résulte d'une sorte de digestion attribuable à un ferment qui perd ses pro- priétés quand on le chauffe à 70°. Il est inutile d'insister sur l'importance de ce résultat qui semble éclairer d'un jour tout nouveau le mode d'action du foie sur les alcaloïdes. Action du foie sur les divers poisons organiques et sur les produits micro- biens. — L'action protectrice du foie, si elle ne s'exerçait que sur les poisons introduits accidentellement dans l'organisme, n'aurait qu'une importance relative. Ce serait une fonction intermittente, n'ayant l'occasion de se manifester que d'une façon exception- nelle. Il n'eu est rien, en réalité, car le foie agit sur les nombreuses substances toxiques que renferment les aliments et sur celles qui se forment constamment dans l'organisme, soit par suite de la vie cellulaire, soit par suite des fermentations et des putréfactions intestinales. Nous n'insisterons pas sur les modifications que le foie fait subir aux produits de la désassimilation. Il contribue à les transformer en urée, c'est-à-dire en une substance inoffensive, et même utile, puisqu'elle sert à assurer la sécrétion rénale. Il agit de même sur le carbonate, le carbamate d'ammoniaque et, d'une façon générale, sur les sels ammoniacaux à acide organique : il les retient, les emmagasine et les transforme éga- lement en urée. En produisant ainsi un diurétique physiologique, le foie se trouve être le collaborateur du rein dans la dépuration organique : il exerce donc une double action protectrice. Parmi les poisons d'origine alimentaire, il faut mettre en première ligne l'alcool. GioFFREDi a montré qu'on augmente un peu la sensibilité de la grenouille à l'alcool et lui extirpant le cerveau, beaucoup en lui extirpant le foie. Si l'on retire ces deux organes, des doses qui ne produisent aucun accident chez une grenouille saine, amèneront une mort rapide. Si l'acétone et la glycérine traversent librement le foie, les savonsy perdent leur toxi- cité (Munk). Les produits de putréfaction y sont profondément modifiés : l'indol et le phénol s'y sulfo-conjuguent et donnent naissance à de l'indoxyl et à du phényl-sulfate, c'est-à-dire à des corps peu toxiques. L'hydrogène sulfuré y est également en grande partie neutra- lisé. A côté de ces substances bien définies qui se produisent dans un grand nombre de putréfactions, à l'intérieur ou en dehors de l'organisme, on place des substances fort actives rentrant dans le groupe des alcaloïdes. Si on les étudie en bloc, comme nous l'avons fait en 1887, c'est-à-dire si on les extrait au moyen de l'alcool ou de l'éther, on constate que le foie est capable de les arrêter et.^de les neutraliser. L'extrait alcoolique 7;-i6 FOIE. -de matières pourries, débarrassé de potasse et d'ammoniaque, perd la moitié de sa toxi- cité quand on lui fait traverser le foie. Le résultat est analogue quand on emploie l'extrait •du contenu intestinal. Actuellement l'attention est détournée des poisons putrides. Les importantes décou- vertes toucliant les toxines produites par les bactéines pathogènes ont dirigé les études dans un autre sens. On avait cru tout d'abord que ces toxines étaient de nature alcaloïdique. Aussi, vou- Jant étudier leur action et désirant employer les substances telles qu'elles se trouvent SUBSTANCES INJECTEES. Chlorure de potassium. . . . — de sodium Lactate de soude Salicylate de soude Lactate de i^rotoxyde de l'cr. Albuminate de cuivre. . . . TITRE centésimal des solutions. Nicotine' Sulfate neutre d'atropine.. . , Curare Sulf'ovinate de quinine. ... Sulfate de strychnine Cocaïne * Chlorhydrate de morphine . . . Antipyrine ^ Macération de digitale Digitaline Alcool Acétone Glycérine Naphtol a •> Naphtol |3 ' Produits de dédoublement de l'albumine » Chlorhydrate d'ammoniaque. . . Carbonate d'ammoniaque Lactate d'ammoniaque Matières pourries (estr. alcoo-i lique}9 ( 0,53 10 10 4 1 1,81 0,5 0,05 0,41 0,023 0,23 0,023 0,001 1 1 5 4,15 0,02 20 20 20 1 1 4,5 Matières typhiques extr. alcoo-l lique" 10 Toxines du colibacille de la dy sentérie DOSE MORTELLE PAR kilogramme; injection par V. périphérique, 0,18 5,n 2,49 0,9 0,4 0,4 0,0031 0,007 0,041 0,0024 0,0G 0,00028 0,00018 0,019 0,35 0,68 1,4 0,00.31 7,77 6,9i 10 0,13 0,08 1,13 0,39 0,24 0,63 22,83 ou 91 9,83 ou i61 0,18 3,88 2,90 1,43 1,19 0,81 0,0048 0,014 0,192 0,0066 0,16 0,0013 0,0003 0,042 0,68 0,93 1,6 0,0032 9,44 6,93 9 0,13 0,12 0,12 0,34 0,4 1,13 54,2 ou 216 21,14 991 RAPPORT entre les toxicités suivant la voie d'injection 1,6 2,9 2 4,6 2,73 2,66 2,62 1,63 2,14 1,93 1,4 1,61 1,79 1. Expériences montrant l'importanca de la dilution. 2. D'après Jacques chez le chien. 3. La dose qui a traversé le foie ne produit aucun trouble. 4. D'après Gley et Eon du Val. 5. D'après Glëy et Capitan. 6. D'après Maximovitch. 7. D'après Bouchard. 8. Produits obtenus en soumettant l'albumine à un chauffage en vase clos au contact de 9. L'extrait alcoolique [débarrassé de potasse) de -100 grammes de viande pourrie avai dans 100 centimètres cubes d'eau. 10. E.vtrait alcoolique (sans potasse) de 4 689 grammes de matières fécales typhiques, repris dans 100 centimètres cubes d'eau. 11. La dose quia traversé le foie produit seulement une diarrhée passagère. la iiaryte. était repris FOIE. 737 ■dans l'organisme malade, avons-nous utilisé les extraits de matières typhiques. Des •expériences, faites avec Legry, nous ont montré que le foie est sans action sur les ■extraits aqueux, tandis qu'il neutralise les extraits hydro-alcooliques. Depuis l'époque où nous avons fait ces recherches, il a été démontré que les alca- loïdes microbiens ne représentent pas le poison véritable. Ce sont des dérivés. On admet que les produits primaires sont des molécules protéiques complexes, renfermant un radical alcaloïdiquf;. Celui-ci est mis en liberté pendant les manipulations. La molécule primitive est tellement instable qu'on ne peut arriver à l'obtenir à l'état de pureté. Il faut donc opérer avec les cultures microbiennes sans chercher à en extraire un prin- cipe défini. Les premières recherches entreprises dans cette voie sont dues à Caméra PESTANAqui ■attribue au foie une certaine action protectrice. Les expériences de Teissier et Guinard, poursuivies avec les toxines diphtérique et pneumobacillaire, conduisent à une con- ■clusion diamétralement opposée : le foie n'exerce sur ce poison aucune action protec- trice ; souvent même, surtout chez le chien, la toxine, en traversant le l'oie, devient plus énergique. E. FoA, qui a repris la question, constate, avec la toxine typhique, que ce sont les animaux injectés par la veine porte qui succombent les premiers. Avec la [toxine diphté- rique, l'effet est dilïérent : le foie exerce contre ce poison une légère action protectrice. -Ce dernier résultat ne cadre pas avec les expériences de Teissier et Guinard. Peut- «tre faut-il attribuer la contradiction à la complexité des poisons microbiens et à leur variabilité. En tout cas nos expériences ont été négatives. La toxine diphtérique a eu le même pouvoir toxique, qu'on l'introduisît par une veine périphérique ou par une veine intestinale, ou qu'on l'injectât après une circulation artificielle longtemps prolongée à travers le foie. Les animaux injectés par la veine porte succombant souvent les premiers, on peut se demander si l'arrivée soudaine d'une grande quantité de poison dans le foie n'altère pas le parenchyme hépatique. On conçoit qu'elle puisse ainsi précipiter la terminaison fatale. ■Cette idée trouve une confirmation dans les recherches que nous avons poursuivies avec le bacille de l'entérite dysentériforme. Le foie arrête et détruit ce microbe quand on injecte dans la veine porte une culture datant de quelques heures; c'est qu'à ce moment le milieu ne renferme pas ou presque pas de toxine. Si l'on utilise une culture ancienne, le résultat est bien différent, les ani- maux inoculés parla veine porte succombent en même temps que les témoins injectés par une veine périphérique, souvent même avant eux. La toxine a supprimé l'action pro- tectrice contre les éléments figurés ; loin d'être détruite par le foie, elle annihile l'in- fluence de cette glande; elle exerce une action inhibitoire. Cependant il ne faut pas se hâter de généraliser ces résultats négatifs. La toxine du •colibacille dysentérique est n.eutralisée par le foie. Tandis qu'un demi-centimètre cube, injecté dans les veines périphériques d'un lapin, le tue en deux ou trois jours, une dose quatre fois plus forte, introduite par la veine porte, détermine simplement de la diarrhée. Si l'on administre des quantités considérables, le foie ne sera plus capable de sauver l'ani- mal; mais il prolongera son existence. On injecte à deux lapins 20 ce. d'une toxine légèrement affaiblie : l'un, pesant 1825 grammes, reçoit le liquide par une veine périphé- rique ; il succombe dans le collapsus au bout de 7 heures et demie; l'autre , pesant 1815 grammes, reçoit le poison par la veine porte; il survit quatre jours. Résumé. — Pour qu'on puisse se rendre compte de l'action du foie surles poisons, nous avons réuni dans un tableau (v. plus haut) les résultats obtenus en injectant com- parativement les substances toxiques par une veine périphérique et par un rameau de la veine porte; sauf indication contraire, toutes les expériences nous sont personnelles. Variations de l'action protectrice du foie. — 11 ne suffit pas de constater que le foie est capable d'arrêter et de transformer diverses substances toxiques. Il faut rechercher encore ce que devient cette action au cours des divers états physiologiques ou pathologiques. Or de nombreuses expériences nous ont fait voir que l'action protectrice du foie varie parallèlement à sa richesse glycogénique. C'est ce qu'on peut déjà démontrer en mettant des animaux à l'inanition. La dose mortelle, quand l'injection est poussée par les veines DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 47 738 FOIE. périphériques, varie peu ou est légèrement augmentée. Au contraire, déjà au bout de vingt-quatre heures, l'action du foie est diminuée; au bout de trois ou quatre jours, quand le foie ne contient plus de glycogène, elle est abolie. Voici quelques chiffres qui fixeront les idées à cet égard. Il s'agit d'expériences personnelles faites sur des lapins. SUBSTANCE INTRODUITE. ÉTAT DE l'animal. DOSE MORTELLE RAPPORT. par veines périphériques. par veine porte. Sulfovinate de quinine. . — d'atropine . . Bien nourri 24 h. inanition. Bien nourri 26 h. inanition. Bien nourri U.06 0,078 0,041 0,049 0,007 0,0072 0.16 0,091 0,192 0,136 0.014 0,0076 2.66 1,16 4,68 2,98 2 l,0.-3 72 h. inanition. Ces résultats nous semblent de nature à éclairer certains faits anciens. On a noté depuis longtemps que les animaux sont plus facilement intoxiqués parla voie digestive quand ils sont à jeun que lorsqu'ils sont en digestion/^Les mêmes différences ne s'obser- vant pas quand on emploie la voie sous-cutanée, on en conclut à une suractivité de l'absorption intestinale. Ne semble-t-il pas plus juste d'invoquer une modification dans l'action du foie? On peut expliquer également par un trouble hépatique l'augmentation de la toxicité urinaire au cours de l'abstinence ou à la suite du surmenage (Bouchard). Nous avons étudié encore l'influence d'autres causes qui diminuent la teneur en gly- cogène : l'asphyxie, la section des pneumogastriques, l'intoxication phosphorée, la liga- ture du canal cholédoque. Dans tous les cas, nous avons reconnu, soit en pratiquant des injections par la veine porte, soit en recherchant sur des grenouilles la toxicité du liquide obtenu en triturant la nicotine avec des morceaux de foie, que l'action protectrice diminue ou disparaît en même temps que le glycogèue. Le parallélisme est presque parfait. L'étude du foie chez le fœtus contirme encore la loi que nous avons essayé d'établir. Le foie du fœtus à terme est riche en glycogène et neutralise les poisons. Le foie des embryons reste sans action. Dans une de nos expériences nous avons sacrifié une femelle de cobaye. Le foie de la mère neutralisa la nicotine. Le foie des embryons, qui ne contenait pas encore de glycogène, n'eut aucune influence. Le placenta n'agit pas davantage. Si l'on excite la glycogénie, par exemple en injectant de l'éther par la veine porte, on voit parallèlement augmenter l'action du foie : c'est la contre-partie des expériences précédentes. Enfin si, opérant sur des animaux qui ont jeûné, on injecte dans la veine porte un mélange d'alcaloïde et de glycose,le foie récupère une partie de son action. Le résultat est d'ailleurs assez inconstant, ce qui tient à la complexité de l'expérience, cai- le jeûne produit suivant l'état antérieur du sujet des effets bien différents. Mais, si fou fait ingérer, trois heures avant l'expérience, une dose suffisante de glycose, le résultat sera beaucoup plus net. Le foie se charge de glycogène et, de nouveau, devient apte à arrêter les poisons. On peut vérifier tous ces résultats par un procédé très simple. Il suffit d'injecter à des lapins une solution bien titrée d'hydrogène sulfuré et de rechercher à quel moment le poison passe dans l'air expiré. Le foie normal retient de grandes quantités de cette substance, comme on peut s'en convaincre en pratiquant des injections comparatives par les veines périphériques et par la veine porte. Or, en faisant une série d'expériences sur des animaux dont les uns sont normaux, dont les autres ont été soumis à l'inanition ou à l'action du phosphore, on constate que l'hydrogène sulfuré passe d'autant plus vite dans l'air expiré que la fonction glycogénique est plus profondément atteinte. L'emploi de l'hydrogène sulfuré permet d'explorer le foie sans vivisection préalable : il suffit d'introduire la solution dans le rectum. La méthode que nous venons d'indiquer, et que nous avons étudiée avec Garnier, ne FOIE. 739 peut s'appliquer à l'homme. Quelle que soit la dose d'hydrogène sulfure' qui ait été introduite dans le rectum, jamais il ne s'en élimine par le poumon une quantité appré- ciable. Tous les faits que nous venons de rapporter nous semblent concordants : ils per- mettent de conclure que l'action du foie sur les poisons varie parallèlement à la, fonction glycogénique. Comment comprendre cette relation? On peut supposer que le glycogène est un simple témoin de l'activité glandulaire on peut admettre qu'il sert à former des combi- naisons peu toxiques. Cette dernière idée semble trouver une démonstration dans les recherches récentes de Teissier. D'après cet auteur, la nicotine, mise en contact avec le glycogène, perd une partie de sa toxicité. Mais le sulfate de strychnine n'est pas modifié dans les mômes conditions, EnQn la toxine diphtérique devient plus active. Il serait intéressant de reprendre ce côté de la question. Quelle que soit d'ailleurs l'interprétation, le fait subsiste, et comporte un certain nombre de déductions intéressant également la physiologie et la pathologie. Action du foie sur les microbes. — Les microbes charriés par la veine porte s'arrêtent dans les capillaires hépatiques. Or le foie a la propriété de détruire certaines espèces microbiennes. 11 protège ainsi l'organisme contre l'infection. Pour mettre cette action en évidence, on peut avoir recours à une des méthodes qui servent à démontrer l'action du foie sur les poisons. On injecte comparativement la culture par une veine périphérique et par un rameau de la veine porte. Mais il est certaines précautions qu'on ne doit pas négliger. Il ne faut pas qu'une trace de culture passe à côté du vaisseau; il se produirait, dans ce cas, un foyer microbien dont l'évolu- tion fausserait complètement les résultats. On aura recours, d'autre part, à des cultures de virulence moyenne, ou bien on les diluera dans certaines proportions, car l'arrivée d'une trop grande quantité de microbes virulents pourrait fausser complètement les résultats. Il faudra se rappeler enfin, comme nous l'avons déjà établi, que les effets peuvent être complètement modifiés par la présence dans la culture de toxines microbiennes. Il est facile de démontrer que le foie arrête et détruit la bactéridie charbonneuse. Dans une de nos expériences, une dose de 1/8 de millimètre cube injectée dans une veine périphérique, tua un lapin de 2 3io grammes en trente-trois heures. Une dose de 8 mil- limètres cubes, introduite par un vaisseau porte, ne provoqua aucun trouble chez un lapin de 191o grammes. Autrement dit, une quantité de bacilles charbonneux, 64 fois supérieure à celle qui tue par les veines périphériques, est complètement annihilée par le foie. L'action protectrice du foie est également ."manifeste quand on étudie le staphylo- coque doré; elle est seulement moins intense : le foie neutralise 8 doses mortelles. Au contraire, le foie est sans action sur le streptocoque qui trouve dans son paren- chyme un excellent milieu de culture. Les résultats obtenus avec le colibacille varient suivant les échantillons qu'on emploie. Le foie n'a pas d'action sur certains, tandis qu'il agit sur d'autres. Il exerce une destruction marquée sur le colibacille de la dysenterie, du moins si les cultures sont récentes; au bout d'un certain temps les bouillons [contiennent des toxines qu'annhile l'action du foie. Pour donner plus de généralité à nos recherches, nous avons fait quelques expé- riences avec VOidhim albicans, et nous avons constaté encore que le foie arrête et détruit ce parasite avec une grande énergie. Il serait facile de discuter longuement le mécanisme de la protection exercée par le foie. Évidemment deux hypothèses se présentent à l'esprit : ou bien les microbes fixés par une adhérence moléculaire subissent l'inÛuence des liquides nocifs sécrétés par les cellules hépatiques; ou bien ils sont englobés et détruits par des phagocytes. C'est généralement aux cellules endothéliales qu'on attribue ce rôle. Werigo les a vues se gontler, faire saillie dans l'intérieur des vaisseaux; elles envoient des prolongements qui englobent les microbes. En opérant sur des grenouilles et des poissons, Mesnil a observé également un englobement de la bactéridie charbonneuse par les cellules endothéliales. 740 FOIE. Lemaire a constaté, à ce sujet, quelques faits intéressants. En injectant à des. animaux un échantillon de colibacille peu virulent, il a vu que les microbes sont rapidement saisis par les cellules endolhéliales; ils sont tellement bien fixés qu'un lavage énergique et prolongé d'un des lobes ne parvient pas à les entraîner. Au bout de quatre heures ils sont détruits. Si l'on utilise un échantillon très virulent, la phagocy- tose des cellules eadolhéliales du foie est insutflsanle, et les colibacilles rentrent dans la circulation, où ils ne tardent pas à pulluler. Enfui, quand la résistance des animaux a été augmentée par un sérum préventif, les cellules endothéliales exercent une action énergique, même sur les colibacilles viru- lents. Variations de Vaction du foie sur les microbes. — Comme l'action sur les poisons, l'action du foie sur les microbes varie dans diverses conditions physiologiques ou patho- logiques; elle s'affaiblit au cours de l'inanition, mais elle n'a pas encore complètement disparu après deux ou trois jours de jei'\ne. Les substances hydrocarbonées, comm 3 le glycose ; les modificateurs de la fonction glycogénique, comme l'éther, exercent une influence bien différente suivant la dose qu'on emploie. De petites quantités augmentent l'action du foie; des quantités élevées la diminuent ou la suppriment. Enfin, les poisons microbiens ont pour effet d'annihiler l'action du foie; les cultures stérilisées du BaciUus prodigiosus ont notamment le pouvoir de supprimer l'action protectrice de la glande. Ce résultat explique peut-être, au moins en partie, le méca- nisme si complexe des associations microbiennes. Fonctions cyto-pexique et granulo-pexique. — Ce ne sont pas seulement les microbes que le foie peut arrêter, ce sont également les cellules animales. En face de la fonction bactério-pexique, on peut donc admettre, avec Gilbert et Carnot, une fonction cyto-pexique. Le meilleur exemple nous est fourni par l'étude des cancers secondaires du foie. Gomme l'ont bien montré Hanot et Gilbert, les cellules néoplasiques s'arrêtent dans les capillaires, à la périphérie des lobules; elles s'y détruisent ou s'y gonflent pour donner naissance à des noyaux secondaires. Le foie exerce également une action d'arrêt sur les hématies, sur celles qui pro- viennent d'un animal d'espèce différente ou sur celles de l'individu lui-même quand elles sont altérées ou fragmentées (Kupfer). Il arrête encore les parasites animaux et notamment les germes d'hydatides qui ont, comme on sait, une prédilection marquée pour le foie. Enfin il retient les diverses granulations que peut charrier la veine porte. Cette fonction granulo-pexique, manifeste dans le paludisme, a été étudiée avec soin par P. Carnot. On injecte dans les veines, à un certain nombre de lapins, des granulations mélaniques en suspension dans de l'eau salée. En sacrifiant les animaux à des jours successifs, P. Carnot constate que le pigment est saisi par les endothéliums; puis il passe dans les cellules hépatiques et s'y détruit. Des faits analogues s'observent avec les pigments ferrugineux, et notamment avec le pigment ocre. Avec les matières grasses, Gilbert et Car.vot ont obtenu des résultats semblables: les gouttelettes graisseuses sont retenues par les capillaires, et elles passent par les cellules endothéliales pour arriver aux cellules hépatiques où elles disparaissent en Sou 10 jours. Fonction antitoxique. — Baltus (E.). Conlribut. à l'étude de la localisation des alcaloïdes dans le foie{J. d. se. méd. de Lille, 1884, vi, 233-2o0). — Buys (E.). Contribution à l'action distinclive exercée par le F. sur certains alcaloïdes {Ann. Soc. Roy. d. se. méd. et nat. de Bruxelles, 1895, iv, 73-88). — Capitan et Glev. De la toxicité de l'antipyrine suivant les voies d'introduction (B. B , 1887, 703). — Cavazzani. Sur une aptitude spéciale du foie à retenir le violet de méthyle {A. i. B., 1896, xxvi, 27-32). — Chouppe et Gley. Action du F. sur la cocaïne [b. B., 1891, 63S). — Chouppe et Pinet. Note sur la dose mortelle de strych- nine par injection intra-artérlelle (B. B., 1897, 574). — Eox du Val (H.). Rech. sur l'action antitoxique du foie sur la cocaïne. Emploi de la cocaïne à l'intérieur (D. Paris, 1891, 48 p.). — Fraser. Note on the antivenomous and antitoxic qualities of the bile of serpents and of other animais {Brit. med. Journ., 1897, 393). — Gley. Action du F. sur la cocaïne [B. B., 1891, 560). — Herzen. Di una nuova funzione del F. di M. Schifl' et B. Lautenbach [Impar ziale, 1877, xvii, 463-466). — Jacques (V.). E'isai sur la localisation des alcaloïdes dans le foie FOIE. 741 (D. Bruxelles, 1880). — Kotliar. Contrihut. à V étude du rôle du F. comme organe défemif contre les substances toxiques {Arch. d. se. bioL, 1894, ii, 587-631). — Lautknbagh. On a new function of the L. {Phil. med. Times, 1876, vu, 387-394). — Petronk (G. A.). Rech. exp. sur le rôle protecteur du F. contre quelques alcaloïdes chez les animaux jeunes et adultes (Aiin. de med. et de chir. infant., 1900, iv, 792-802).''— Queirolo. Sur la fonction pro- tectrice du F. contre les intoxications intestinales {A. i. B., 1895, xxiii, 285). — Roger (H.) et Garnier (M.). Sur un procédé permettant de déterminer l'état fonctionnel du F. (B. B. 1898, 714-715); Influence du jeûne et de l'alimentât, sur le rôle protecteur du F. [Ibid-^ 1899, 209). — Roger. De quelques conditions qui modifient l'action du F. sur les microbes- {B. B., 1898, 943-946); Nouvelles rech. sur le rôle du F. dans les infections {Ibid., 1899,. 781); Action du foie sur les poisons {D. Paris, 1894, 230 p.). — Sghupfer (F.). L'action pro- tectrice du F. contre les alcaloïdes (A. i. B., 1895, xxiii, 285). — Teissier et Guinard, Aggravation des effets de certaines toxines microbiennes par leur passage dans le F. (C. R., 1895, cxxi, 223-226); A propos des accidents consécutifs à l'injection des toxines dans la veine porte {B. B., 1896, 333-335); Effets de la malléine après injection dans le système porte {Ibid., 335-337). — Zagari. Sur la fonction antitoxique du F. (A. i. B., 1895, xxiii, 285). § XX. - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE ET PATHOLOGIE GÉNÉRALE. La situation topographique du foie, ses rapports, d'un côté avec la paroi tlioraco- abdominale et de l'autre avec des organes fréquemment lésés, la connexion que ses nombreux vaisseaux et ses voies d'excrétion établissent avec les diverses parties de l'or- ganisme suffisent à expliquer la fréquence de ses lésions. Sans vouloir entreprendre l'étude des affections hépatiques, nous devons nous arrêter un instant sur diverses questions ressortissant à la physiologie pathologique età la patho- logie générale du foie. Étiologie et pathogénie. — Il est fréquent d'observer des troubles et des lésions du foie relevant de causes mécaniques; parmi celles-ci les unes agissent extérieurement, à travers la paroi: tels sont les corsets et les ceintures; les autres sont nées dans l'inté- rieur même du corps, comme les tumeurs ou les hypertrophies des organes. Plus importantes sont les lésions d'origine vasculaire. La veine porte charrie fréquem- ment des substances solubles capables d'adultérer le parenchyme hépatique, des para- sites, des bactéries ou des cellules cancéreuses capables de s'y grelfer et d'y pulluler. Ces éléments, solubles ou figurés, proviennent parfois de la circulation générale, plus souvent des deux grands organes dont le sang veineux traverse le foie, la rate et le tractus gastro-intestinal. La coexistence des altérations hépatique et splénique avait été remarquée depuis longtemps. Mais on avait admis que les lésions du foie étaient primi- tives et que, par les troubles circulatoires qu'elles suscitaient, elles déterminaient un engorgement de la rate. Aujourd'hui on tend à renverser la filiation, au moins pour un certain nombre de cas. La rate, fréquemment atteinte au cours des maladies et potamment des infections, est souvent le siège de lésions chroniques, qui, à un moment donné, retentiront sur le foie et y susciteront des altérations plus ou moins profondes. Plus souvent que la rate, le tube digestif réagit sur le foie. Les substances ingérées, les aliments fermentes ou putréfiés, contiennent ou abandonnent des substances toxi- ques. Si le foie est capable de les arrêter et de les transformer, trop souvent il subit leur influence nocive. Nous avons à peine besoin de rappeler la fréquence des abcès, des dégénérescences et des scléroses du foie d'origine intestinale. L'artère hépatique joue un rôle moins important en pathologie. Par contre, l'infiuence des veines sus-hépatiques est considérable. Il s'y produit souvent, même à l'état normal, des reflux qui nous expliquent le mécanisme de certaines embolies rétrogrades et nous rendent compte du développement, autour des ramifications sus-hépatiques, de certains abcès pyémiques. C'est surtout quand survient un obstacle à la circulation veineuse, notamment dans le cas d'insuffisance tricuspidienne, qu'on voit se développer, autour des vaisseaux sus-hépatiques, des lésions qu'explique la stase sanguine. 7i2 FOIE. Les voies biliaires sont fréquemment atteintes; elles peuvent être envahies par des microbes remontant du tube digestif, être comprimées ou obstruées par des productions morbides développées autour d'elles ou à leur intérieur. Le système nerveux doit évidemment agir tantôt sur les cellules, tantôt sur les vais- seaux, tantôt sur les voies biliaires. Cette dernière éventualité semble la plus fréquente. L'ictère émotif en est le type clinique le mieux connu. Si les lésions des divers organes retentissent facilement sur le foie, réciproquement les troubles ou les altérations du foie retentissent facilement sur les autres parties de l'organisme. En s"hypertrophiant,ne foie peut comprimer les parties voisines, gêner l'expansion des poumons, le fonctionnement du cœur et du tube digestif. Les troubles de la circulation .portale ont un contre-coup sur la circulation des veines périphériques et des veines abdo- .minales; les modifications de la sécrétion biliaire ont pour résultat le développement d'accidents intestinaux: enfin les troubles des fonctions glycogénique, uropoïétique,antito- xique, entraînent des modifications de la nutrition générale ou amènent une entrave au jeu régulier de certains organes, et notamment des reins. Si l'on tient compte encore des manifestations d'ordre réflexe qui ont pour point de départ une lésion hépatique, on comprendra avec quelle fréquence et avec quelle facilité les affections du foie provo- quent une série de troubles et d'altérations dans les parties les plus éloignées de l'éco- nomie. Action des poisons sur le foie. — Si le foie est capable d'arrêter et de modifier un grand nombre de substances toxiques, il est fréquent, en revanche, d'observer des lésions hépatiques provoquées par les poisons auto-ou exogènes. On a cru pendant longtemps que parmi ces poisons les uns provoquaient des dégénérescences cellulaires, les autres de la sclérose. Les travaux modernes semblent renverser cette conception. Toutes les substances toxiques portent d'abord leur influence sur l'élément noble, c'est-à-dire le plus sensible, sur la cellule hépatique: ils en provoquent la dégénérescence. Le travail de sclérose est un processus secondaire : il représente, en quelque sorte, un moyen de réparation ; il assure la cicatrisation des lésions. Le tissu fibi-eux remplace les vides laissés par la mort des cellules. Ce qui prouve la réalité de cette conception, c'est que la même substance produit, suivant les conditions dans lesquelles elle agit, des eiïets différents. Le phosphore, comme l'alcool, amène la dégénérescence graisseuse ou la cirrhose ; la différence des résultats s'explique par une différence dans les doses intro- duites ou dans l'état du sujet. Pour que la réaction fibreuse se développe, il faut donner le poison à doses minimes, fréquemment répétées, et opérer sur des animaux résistants. Si les individus intoxiqués sont affaiblis, s'ils sont mal nourris ou placés dans de mau- vaises conditions hygiéniques, le processus réactionnel fait défaut, la stéatose l'emporte. L'évolution est analogue, qu'on étudie le phosphore, l'arsenic, l'antimoine, l'iodoforrae ou l'oxyde de carbone. L'alcool etles boissons alcooliques méritent évidemment de fixer l'attention et on conçoit que leur étude ait donné lieu à un certain nombre de recherches expérimen- tales. Pour avoir des résultats acceptables, il est indispensable, comme l'a montré A. Laf^itte, de faire avaler aux animaux les boissons alcooliques en les mélangeant aux aliments. Si l'on utilise une sonde, comme l'ont fait Straus et Blocq, on provoque des lésions gas- triques qui faussent complètement les résultats, car elles suffisent, à elles seules, à produire des lésions du foie. En faisant ingérer à des animaux pendant un temps qui a varié de 9 semaines à 15 mois, du vin, de l'alcool ou de l'absinthe mélangés à du son Laffittf, a provoqué des lésions et des atrophies cellulaires. Jamais il n'a obtenu de sclérose. Sabourin a observé une stéatose péri-sushépatique. Strassmann, Richter signalent également la stéatose; mais ce dernier auteur a reconnu que des doses minimes longtemps répétées finissent par provoquer la sclérose. Parmi les autres substances sclérogènes, on peut citer le plomb. Potain a décrit une cirrhose atrophique saturnine, souvent curable, dont les expériences de Laffitte démon- trent la réalité. Lancereaux, Welch nous ont fait connaître une cirrhose anthracosique. On sait enfin que Lancereaux a voulu faire jouer un grand rôle au sulfate acide de potasse dans le développement des cirrhoses alcooliques. FOIE. 743 Les venins des serpents et des scorpions constituent des poisons stéatosants, ils pro- voquent dans le foie la dégénérescence graisseuse et la nécrose des cellules, et détermi- nent la vaso-dilatation et la dislocation des trabécules hépatiques. Il est fréquent d'observer la dégénérescence graisseuse au cours des diverses maladies infectieuses. Les toxines microbiennes amènent, en effet, de la stéatose, et, comme les autres poisons, elles produiront, suivant leur nature, leur dose ou l'état du sujet, des effets variables. Une même toxine provoque la congestion, la thrombose vasculaire, les dégénérescences ditfuses ou en foyers, la scléi'ose. La diversité des résultats dépend bien plus de l'état du sujet intoxiqué que de la nature du poison. Dans ces dernières années est née la question si importante des sérums cytolytiques. Delezenne en a transporté l'étude dans le domaine de la physiologie hépatique. II injecte à des canards des extraits préparés avec du foie de chien. Le sérum de ces animaux devient hépatolytique : l'injection d'une dose de 2 à 4 ce. par kilogramme provoque chez le chien une atrophie jaune aiguë du foie, et fait périr l'animal au milieu de troubles rappelant ceux de l'ictère grave. Les relations vasculaires qui unissent le tractus gastro-intestinal à la glande hépatique rendent compte de la fréquence des lésions du foie dans les affections diges-. tives. Dans un grand nombre de cas on peut incriminer l'usage d'aliments toxiques ou avariés. Segers a appelé l'attention sur la fréquence de la cirrhose chez les habitants de la Terre de Feu qui consomment des quantités considérables de moules: ces mollusques contiennent une substance toxique qui s'accumule dans le foie. L'abus des épices et du piment provoque des lésions hépatiques, comme l'ont démontré les expériences que Pinozzi a faites sur des chiens et des lapins. Les extraits de viandes pourries ou de maïs putréfié ont aussi la propriété de produire de la sclérose (Prisco). Les états dyspeptiques, les troubles gastriques ou intestinaux retentissent facilement sur le foie. Bouchard a longuement insisté sur la fréquence de l'hypertrophie hépa- tique chez tous les individus dont le tube digestif fonctionne mal. Pendant longtemps le foie semble être le siège de phénomènes congestifs, survenant et rétrocédant assez vite. La glande augmente de volume pour se rétracter ensuite, méritant ainsi le nom de « foie en accordéon » que lui a donné Hanot. A la longue la sclérose se développe, et cette cirrhose, dont Budd et surtout Hanoï ont démontré la réalité, semble due principa- lement aux acides qui se produisent dans le tube digestif. Boix a mis en évidence l'action stéatosante et sclérogène des acides gras, et notamment de l'acide butyrique, de l'acide lactique et surtout de l'acide acétique. De l'ictère d'orir/ine toxique. — Parmi les substances toxiques que nous avons citées, un grand nombre sont capables de provoquer de l'ictère. On s'est demandé naturellement par quel mécanisme elles agissent. Il faut placer, en tête de la liste, le phosphore, 'l'arsenic, et notamment l'hydrogène arsénié dont l'inlluence ressort de nombreuses expériences. On a observé assez souvent l'ictère après l'administration de la santonine, delà lactophénine, de l'extrait éthéré de fougère mâle, après l'ingestion de la morille rouge, à la suite des empoisonnements par l'aniline ou le naphtol, et après les piqûres venimeuses. Les substances volatiles semblent jouer, à ce point de vue, un rôle important. On a cité des cas d'ictère à la suite de l'anes- thésie chloroformique; chez des individus qui avaient été exposés à des émanations de viandes putréfiées, chez les tanneurs et les égoutiers, chez des ouvriers qui avaient curé des ruisseaux et remué de la vase. II est possible qu'une même explication pathogénique ne puisse convenir à tous les cas. Cependant les ictères toxiques semblent dus, le plus souvent, à l'hématolyse. Des globules rouges sont détruits par le poison. Or l'expérience démontre que l'introduction soit dans l'intestin, soit sous la peau, soit dans les veines, d'une certaine quantité de sang déflbriné ou d'hémoglobine a pour effet de rendre la bile plus épaisse; le pigment aug- mente, et sa production exagérée a pour conséquence son passage dans le sang. Les expériences de Sghmiedeberg, Afanassiew, Stadelmann, poursuivies avec la toluylène- diamine, démontrent que le mécanisme est le même dans ces empoisonnements. Il se 744 FOIE. produit une dissolution des hémalies, puis la bile devient plus épaisse, et un ictère pléio- chromique se déveloi>pe. Le pigment passe dans l'urine au bout de lo ou 20 heures, les acides biliaires apparaissent plus tardivement de la 22« à la 48" heure. Le foie est indispensable à la production de l'ictère. La transformation de l'hémoglobine en biliru- bine ne peut se faire en dehors de son intervention. Stern, Minkowski et Naunyn l'ont parfaitement démontré. En opérant sur des canards empoisonnés par l'hydrogène arsé- nié, on constate que l'ictère provoqué par le poison disparaît dès qu'on a lié le canal cholédoque et les vaisseaux sus-hépatiques : très rapidement le sérum et l'urine cessent de contenir des pigments. Les troubles morbides d'origine hépatique. — Pour mettre un peu d'ordre dans l'exposé des troubles morbides d'origine hépatique, nous allons étudier successivement^ à l'exemple de Gilbert et Carnot, les troubles des fonctions sanguines, des fonctions ali- mentaires, des fonctions antitoxiques, des fonctions biliaires. Troubles des ''fond ions sanguines. — Les lésions hépatiques provoquent fréquemment des modifications de la circulation sanguine, c'est ce qui a lieu notamment dans la cir- rhose atrophique. Il en résulte une augmentation de la pression portale,qui a pour con- séquence l'ascite, le développement de la circulation sous-cutanée abdominale, la con- gestion de la rate, les hémorrhoïdes, les varices œsophagiennes, la congestion de l'intestin, l'opsiurie (Gilbert et Lereboullet), c'est-à-dire le retard de l'élimination aqueuse de l'urine. L'hypertension portale amène forcément une hypotension sus-hépatique qui se tra- duit par l'hypotension artérielle, la tachycardie et l'oligurie (Gilbert et Garnier). En même temps qu'il représente un important centre vasculaire, le foie joue un rôle- dans la formation des ferments coagulants et anti-coagulants du sang. Aussi ses affec- tions entraînent-elles fréquemment le développement d'hémorragies telles que l'épistaxis, les hématémèses, les hémoptysies, le purpura. Aux fonctions hématopoïétiques,on peut rattacher la fonction martiale du foie. Il se produit dans cette glande des accumulations du fer provenant de la destruction des globules ou ingéré avec les aliments. Il est bon de rappeler, à ce propos, que la biliru- bine ne contient pas de fer, et que, par conséquent, dans la transformation du pigment sanguin en pigment biliaire, une certaine quantité de ce mêlai, mise en liberté, doit rester dans le foie, contribuer à la formation de nouvelle hémoglobine et jouer un rôle dans les échanges organiques dont la cellule hépatique est le siège. Le fer entre aussi dans la constitution de pigments qui, à l'état pathologique, s'ac- cumulent dans le foie. C'est ce qui a lieu dans le paludisme et dans certaines cirrhoses que leur coloration spéciale a fait désigner sous le nom de pigmentaires. Il est intéres- sant de remarquer que, dans ce dernier cas, la cellule hépatique est en hyperfonction- nement : elle sécrète plus de sucre et plus d'urée (Gilbert, Castaigne et Lereboullet). Troubles des fonctions alimentaires. — Le foie agit sur les substances alimentaires par deux procédés différents. La sécrétion de la bile sert à la digestion de certaines sub- stances, et notamment des graisses; d'un autre côté, les cellules ont la propriété de faire une deuxième digestion et de compléter la transformation des substances qu'amène la veine porte. Quand la bile ne se déverse plus dans l'intestin, les matières fécales deviennent grasses, de couleur mastic, d'odeur fétide. A un degré moindre, la sécrétion continue; mais l'élaboration se fait mal : les graisses ne sont plus digérées et le malade éprouve souvent le dégoût des matières grasses. Les troubles survenus dans l'action exercée par le foie sur les hydrates de carbone se traduisent par la glycosurie alimentaire, dont on admet actuellement deux variétés, l'une par insuffisance hépatique: c'est une glycosurie intermittente survenant après les repas riches en féculents ou après l'ingestion de sucre; l'autre est due à la surac- tivité des transformations organiques : c'est le plus souvent un diabète avec glycosurie abondante. On utilise fréquemment en clinique l'épreuve de la glycosurie alimentaire; le foie malade ne peut arrêter le sucre ingéré. Pour réussir l'expérience, c'est-à-dire pour avoir des résultats valables, il faut donner à jeun 100 grammes de lévulose (Ferraniini) : le foie normal doit retenir cette quantité de sucre. FOIE. 745 On connaît moins les modiflcalions que subissent dans le foie les substances azotées. On a cependant décrit des albuminuries et des peptonuries d'origine hépatique. Troubles des fonctions antitoxiques. — On peut mettre en évidence les troubles des fonctions antitoxiques du foie par l'étude de la toxicité urinaire. On peut encore recher- cher comment se lait le passage de substances faciles à déceler dans l'urine, ou dans l'air expiré. C'est ainsi qu'on obtient d'excellents résultats chez les animaux, en utilisant l'hydrogène sulfuré. Mais cette méthode n'est pas applicable à l'homme; l'hydrogène sulfuré introduit même à dose élevée ne peut être décelé dans l'air expiré. Il faut donc, en pathologie humaine, utiliser des substances qui s'éliminent par l'urine : on a proposé l'injection sous-cutanée de bleu de méthylène. La décharge, dans les cas de troubles hépatiques, se ferait par saccades, d'une façon intermittente (Chauffard). Mais ce résultat est contredit par Gilbert. Gilbert et Weil attachent de l'importance à l'indicanurie, qui constituerait souvent un des premiers signes de l'insuffisance hépatique, et serait suivie plus tard de glycosurie alimentaire et d'urobilinurie. La valeur séméiologique de l'urobilinurie est très disculée. G. Hayem en fait un excel- lent signe d'altération hépatique : l'urobiline est, d'après cet auteur, le pigment du foie malade. Bien que ses conclusions aient été vivement attaquées, les observations clini- ques indiquent très nettement un rapport entre les lésions du foie et l'urobilinurie. Au point de vue du pronostic, l'urobilinurie a une certaine importance: elle permet, même après guérison de cet état morbide transitoire, d'incriminer une lésion persistante du foie (GiROOE, Chauffard). L'influence du foie sur les produits excrémentitiels se traduit par une diminution de l'urée urinaire et par une augmentation des produits moins avancés de désassimilation, comme l'ammoniaque, les acides amidés. Aussi le coeflicient azoturique est-il nettement abaissé: au lieu de 82 à 9o p. 100, qui est le chiffre normal, on trouve de 79 à 71 (Van Noorden) et même 67 (Bacht) et 44 (A. Fr.enkel). Troubles des fonctions biliaires. — Les troubles de la fonction biliaire peuvent porter sur l'excrétion ou la sécrétion. Dans le premier cas, par suite d'un obstacle méca- nique ou d'un spasme réflexe, la bile au lieu de se déverser dans l'intestin, passe dans le sang: l'ictère se produit, s'accompagnant, si l'obstruction est complète, de décoloration des matières. Les troubles de la sécrétion sont caractérisés par de l'hypercholie, de l'hypocholie ou de l'acholie. Souvent se produit une sécrétion dépourvue de pigment, c'est l'acholie pig- mentaire de Ha.\ot. Modifications de l'urine dans les cas de troubles hépatiques. — C'est en étu- diant l'urine qu'on peut avoir les meilleures notions sur l'état des cellules hépatiques. Le dosage de l'urée et de l'azote total, la recherche des acides amidés, des pigments nor- meauxdela bile ou des pigments modifiés, de l'indicanurie, de la glycosurie alimentaire, et l'étude delà toxicitéurinaire, voilà les principaux moyens auxquelson devra s'adresser. Reste à savoir si les résultats obtenus par les divers procédés sont concordants. On est tenté de l'admettre a pnon, puisque les diverses fonctions du foie sont en quel- que sorte solidaires, qu'elles subissent des modifications simultanées et parallèles. Les recherches de Wittich, Dastre et Arthus, Klein, Hoffmann démontrent les relations qui existent entre les fonctions glycogénique et biligénique. Les travaux de Schmidt et de ses élèves, Anthen en particulier, ont fait voir que le foie n'agit sur l'hémoglobine que lorsque ses cellules contiennent du glycogène. Les expériences de Noël Pato.n établissent, d'autre part, que l'uropoïèse est solidaire delà biligénie. Enfin nous avons essayé de moiilrer que l'action du foie sur les poisons varie parallèlement àla richesse glycogénique de cet organe. Ainsi, être renseigné sur une fonction, c'est être renseigné sur les autres. La physio- logie le démontre; et la clinique établit la même relation en nous faisant voir que la toxicité urinaire est généralement augmentée quand existe de la glycosurie alimentaire. Cependant, dans certains cas, malgré une altération profonde des cellules hépati- ques, la toxicité de l'urine peut être normale ou diminuée ; dans ce cas, les poisons s'accumulent dans l'organisme, pour être rejetés brusquement, au moment de la guéri- son. Il se produit ainsi une crise urotoxique: c'est ce qui a lieu notamment dans les ictères infectieux. 746 FOIE. Insuffisance hépatique. — Il est facile de saisir l'importance, en médecine, des notions nouvelles que nous possédons sur le rôle protecteur du foie. Nombre des manifestations cliniques qui surviennent au cours des affections hépati- ques, s'expliquent par une auto-intoxication; elles sontcomparabiesàcellesqu'on observe dans l'urémie. Dans ces deux cas, en effet, nous relevons l'hypothermie, la tempéra- ture centrale pouvant tomber à 3S ou 34°; les hémorragies multiples, les troubles dyspnéiques, les manifestations nerveuses, les accidents comateux, que la saignée peut faire disparaître. Enfin, de même qu'il existe une folie brightique,il existe une folie hépa- tique, dont la clinique avait démontré l'existence et dont l'expérimentation prouve la réalité. Sur des chiens auxquels ils avaient pratiqué la fistule porto-cave, Pasvlow et Massen ont observé des troubles fort curieux. Les animaux, primitivement doux et obéissants, devenaient méchants et entêtés : dans quelques cas, ils étaient tellement furieux qu'ils ne laissaient même pas approcher le garçon chargé de leur apporter la nourriture. D'autres marchaient continuellement, montaient aux murs, rongeaient tout ce qu'ils trouvaient, puis étaient pris de convulsions cloniques et tétaniques. A la suite de ces attaques ils conservaient une démarche chancelante ou ataxique ; parfois ils deve- naient momentanément aveugles ou analgésiques. On connaît depuis longtemps un syndrome spécial qu'on a décrit en clinique, sous le nom d'Ictère grave. Les interprétations pathogéniques n'ont pas manqué. Il semble facile aujourd'hui d'expliquer le mécanisme des accidents. Comme on l'a dit assez judicieuse- ment, l'ictère grave est au foie ce que l'asystolie est au cœur, ce que l'urémie est au rein. C'est un ensemble de troubles morbides dus à une insuffisance des cellules hépatiques; les poisons, qui sont introduits ou formés dans l'organisme, ne sont plus détruits ou transformés, il en résulte une auto-intoxication dont les effets funestes sont retardés grâce à l'activité vicariante du rein. Mais tôt ou tard, le filtre rénal, par suite de l'excès de travail qui lui est imposé, finit par être lésé à son tour. Si les troubles hépatiques se prolongent, l'insuffisance rénale achèvera la défaite de l'organisme qui succombera aux progrès de l'intoxication. Au-dessous de la grande insuffisance hépatique, ou anhépatie, on peut placer l'in- suffisance relative, Vhypohépatie (Gilbert), souvent compatible avec un état de santé assez bon. C'est par un examen attentif du malade qu'on décèlera les troubles caractéris- tiques: l'urine contient un peu de pigment anormal, un excès d'urobiline, ou bien elle renferme de l'indican. D'autre part, par l'ingestion de sucre on provoque de la glyco- surie alimentaire, ou bien on constate une diminution dans le rapport azoturique, parfois une augmentation de la toxicité urinaire. Hyperliépatie et parhépatie. — En face de l'insuffisance hépatique, il faut ouvrir un chapitre à l'étude de l'hyperfonctionnement morbide du foie.'jL'hyperhépatie se tra- duit par de l'hyperbiligénie, de l'hypercholie, comme dans la cirrhose hypertrophique biliaire de Haîs'ot, par de l'hyperazoturie, et enfin par une hyperglycémie avec glyco- surie considérable. Quant à la parhépatie, il est impossible actuellement d'en tracer la physionomie cli- nique : tout se borne à l'étude, à peine ébauchée, des pigments modifiés qu'on peut trouver dans le sang ou dans les urines au cours des diverses maladies qui retentissent sur le foie. G.-H. ROGER. § XXI. — CIRCULATION HÉPATIQUE. Notions anatomiques. — Le foie reçoit ses vaisseaux de deux sources : 1° de l'ar- tère hépatique; 2» de la veine porte. La première est destinée à sa nutrition; la seconde lui apporte les matériaux sur lesquels s'exerce son activité fonctionnelle, au profit de l'organisme tout entier. A l'encontre du poumon, qui possède aussi une double circu- lation, le foie n'a pour deux systèmes afférents qu'un seul système efférent : celui des veines sus-hépatiques; une fois que le sang de l'artère est devenu veineux, il peut em- prunter comme voie de retour, celle du sang de la veine porte. Il y a aussi quelques réserves à faire à la distinction établie, au point de vue physiologique, entre les deux FOIE. "^7 vaisseaux : s'il paraît prouvé que la veine poi'le est exclusivement dévolue à la circu- lation fonctionnelle, et qu'elle ne peut à elle seule fassurer la vitalité de l'organe et empêcher sa nécrose, par contre l'artère hépatique n'est pas qu'un vaisseau nourricier, puisqu'elle contribue à entretenir les fonctions biliaire, glycogénique (Arthaud et Butte), uropoiétique (Doyo.x et Dufouut). Le rôle respectif des deux vaisseaux a d'ailleurs déjà été étudié dans d'autres chapitres de cet article, et nous]n'avons à nous occuper ici que des cohditions mécaniques de la circulation du foie. Artère hépatique. — L'artère hépatique, née du tronc cœliaque, se divise au niveau du hile du foie en deux branches, dont la droite est la plus volumineuse : elles s'engagent dans les gaines fournies par la capsule de Gusson, suivent le même trajet que les branches correspondantes de la veine porte, se'divisant et se subdivisant comme celle-ci. Avant de pénétrer dans le foie, l'artère fournit : 1° la pylorique ; 2° la gastro-duodé- nale, qui se divise elle-même en gastro-épiploïque droite, anastomosée avec la gastrô- épiploïque gauche, branche de la splénique, et en paucréatico-duodénale, anastomosée avec la mésentérique supérieure. Il en résulte que, si on lie l'artère hépatique avant l'émergence de la gastro-duodénale,le foie sera encore largement approvisionné de sang artériel. C'est un argument que l'on a pu opposer à Schiff quand ce physiologiste est venu soutenir que même la ligature des trois branches de l'artère cœliaque n'empêche pas la sécrétion biliaire de continuer, et que celle-ci peut être entretenue exclusi- vement par la veine porte, ce qui est d'ailleurs parfaitement exact. C'est encore ce même argument qu'ARiHAL'i» et Butte, puis Doyon et Dufourt, ont invoqué pour expli- quer comment certains expérimentateurs ont vu les animaux survivre indéfiniment à la ligature de l'artère hépatique, alors que celte opération doit, si elle est bien faite, amener fatalement la mort en quelques jours. De Dominicis est arrivé, il est vrai, à des résultats différents de ceux des physiologistes français, même quand il avait soin de lier l'artère hépatique après l'émergence de la gastro-duodénale. Mais, pour supprimer tout afllux artériel, il convient, comme l'ont fait remarquer Doyon et Dufourt, de lier aussi la pylorique. La dernière collatérale fournie par l'artère hépatique avant de pénétrer dans le foie est l'artère cystique. Cavalié et Paris, puis Cavalié et Billard ont montré que chez l'homme et divers animaux le territoire de distribution de cette artère n'est pas limité à la vésicule biliaire, mais qu'elle fournit aussi des rameaux cystico-hépatiques qui irriguent la portion avoisinante du foie, et s'y anastomosent avec des ramifications de l'artère hépatique; d'autres ramifications artérielles hépatiques passent à leur tour du foie sur la vésicule, vaisseaux hépatico-cystiques. Grâce à ces deux groupes d'anastomoses, la circulation de la vésicule et celle du foie sont, jusqu'à un certain point, solidaires. Les rameaux fournis par l'artère hépatique dans l'intérieur du foie peuvent être divisés en : 1° rameaux vasculaires ; 2° rameaux des conduits biliaires; 3° rameaux per- forants ou superficiels; 4» rameaux jnterlobulaires ou parenchymateux. (11 nous aparu préférable de ne pas employer la dénomination de rameaux capsulai i es, que certains auteurs appliquent aux rameaux 1» et 2" réunis, les autres aux rameaux 3".) Les rameaux vasculaires sont destinés aux organes contenus dans la capsule de Glisson', c'est-à-dire que ce sont des vasa-vasorum pour les branches de division de la veine porte, et pour celles de l'artère hépatique elle-même, ainsi que des vaisseaux nourriciers pour la capsule; d'autres ramifications du môme genre vont aux veines sus- hépatiques. Une place à part doit être faite aux rameaux des conduits biliaires, qui en reçoivent un si grand nombre, qu'après une bonne injection leurs pai^ois en sont entièrement couvertes, et se colorent aussi vivement que l'artère. Les rameaux superficiels ou perforants sont ceux qui, en certains endroits, passent entre les lobules du foie pour émerger à la surface de l'organe, et constituer, sous son enveloppe fibreuse, un réseau à larges mailles ; ils se terminent en partie dans cette enveloppe, en partie dans les lobules sous-jacents. Les rameaux interlobaires accompagnent les veines de même nom. Comme ces der- nières, elles se divisent dans les espaces interlobulaires en quatre ou cinq rameaux qui pénétrent dans les lobules voisins et s'y terminent dans la zone toute superficielle du lobule. Celui-ci reçoit donc, en petite quantité, il est vrai, du sang artériel. 748 FOIE. La participation directe des ramuscules artériels à la vascularisation du lobule n'est pas admise par tous les auteurs. Le mode de terminaison des veinules qui font suite au réseau capillaire fourni par l'artère hépatique aux vaisseaux sanguins et aux conduits biliaires est également un sujet de discussion. Ces deux points doivent être examinés avec quelques détails, en raison du double intérêt physiologique et patholo- gique qu'ils présentent. Chrzonszczewsky avait soutenu que le réseau capillaire du lobule est composé d'une zone centrale provenant de l'artère hépatique et d'une zone périphérique fournie par la veine porte. En injectant du carmin d'indigo à l'animal vivant, il avait trouvé la matière colorante au centre du lobule, quand il liait la veine porte; à sa périphérie, quand il liait l'artère hépatique. Cohnheim et Littex reprirent cette étude, en se servant du même procédé que Chrzonszczewsky : ils virent qu'après l'oblitération de l'artère, la veine porte transportait encore la substance colorante dans l'acinus tout entier; les résultats contraires obtenus par leur devancier étaient dus à ce qu'il avait injecté une quantité insuffisante de matière colorante, qui s'était donc localisée à la périphérie du lobule. Si, d'autre part, le centre du lobule se colore encore après la ligature de la veine porte, il faut l'attribuer, d'après Cohxheim et Litten, au reflux du sang qui se fait de la veine cave vers les veines sus-hépatiques : car la réplétion de la zone centrale s'observe encore, si Ton a lié à la fois l'artère hépatique et la veine porte. Pour Cohnheim et Litten, le réseau capillaire de l'acinus appartient donc tout entier au système de la veine porte. En outre, le sang de l'artère hépatique, devenu veineux, n'arriverait au lobule que par voie indirecte: du réseau capillaire fourni par l'artère aux vaisseaux sanguins et aux canaux biliaires, partent des veines qui portent le même nom que les artérioles correspondantes, veines vascuiaires et veines biliaires, et qui vont s'aboucher dans les rameaux interlobulaires de la veine porte. C'est ce qu'on a appeié les racines internes ou hépatiques de la veine porte, que connaissait déjà Ferrein, et que KiERXAN a étudiées plus complètement. La même manière de voir a.[ été soutenue par Heidenhai.n, qui la résume en ces termes : « Les rameaux de la veine porte déversent leur sang dans le réseau capillaire du lobule directement, les rameaux de l'artère indirectement. Ceux-ci alimentent l'en- veloppe séreuse du foie, la vésicule biliaire, les canaux biliaires, les grosses divisions de la veine porte (comme vasa vasoriim), et le tissu conjonctif. Le sang qui revient de ces parties est recueilli par des veines qui débouchent, en tant que racines internes de la veine porte, dans les rameaux interlobulaires, pour arriver, par leur intermédiaire, au réseau capillaire intralobulaire. Ce n'est qu'en certains points que le réseau capillaire de l'artère communique directement avec celui de la veine porte, sans que des troncs veineux collecteurs soient intercalés entre eux. Mais nulle part le sang artériel ne pénètre directement, comme on Va souvent soutenu autrefois, par des rameaux artériels dans le système capillaire des lobules, sans avoir traversé un réseau capillaire nutritif, c'est-à-dire sans avoir servi déjà à la nutrition d'autres organes. » On prévoit quelles sont les conséquences que l'on a cru pouvoir tirer de ces disposi- sions au point de vue physiologique. Lorsque, après la ligature de la veine porte, la sécré- tion biliaire, par exemple, continue, il ne faut pas conclure de là, dit Asp, et avec lui Heidenhain, que le sang artériel soit apte à entretenir cette sécrétion; car le sang de l'artère hépatique est devenu veineux avant qu'il parvienne au lobule par l'intermédiaire des ramifications interlobulaires de la veine porte. Les choses se passeraient de même dans ces cas de malformation où la sécrétion biliaire persiste, bien que la veine porte débouche directement dans la veine cave sans traverser le foie. Dans ces observations, on a trouvé des veines interlobulaires perméables- qui représentaient des branches de division de la veine ombilicale oblitérée. Les rameaux interlobulaires de l'artère étaient très développés, et leur sang, dit Heidenhain, s'était manifestement déversé dans les rameaux veineux interlobaires, de sorte que les lobules hépatiques étaient suffisamment pourvus de sang veineux. Le même raisonnement peut s'appliquer à toutes les autres fonctions du foie aux- quelles participe l'artère hépatique. Il serait possible, en effet, que ce vaisseau n'inter- vînt dans l'activité fonctionnelle de l'organe que par cette fraction de son sang, la plus importante d'ailleurs, qui s'est transformée en sang veineux avant d'aborder le lobule. FOIE. 749 Mais il n'est pas permis d'être affirmatif à cet égard, puisque l'artère hépatique, contrai- rement à l'opinion de Heidexhain, fournit directement à l'acinus du sang oxygéné qui n'est sans doute pas destiné exclusivement à sa nutrition. L'existence de ces ramuscules artériels destinés à la périphérie du lobule a toujours été admise par Koelliker, par Sappey, et en général par les anatomistes français; il y a quelques années, Rattone et Mondini l'ont confirmée par des preuves nouvelles. Sur un autre point encore, la description de Cohnheim et Litten, et de Heidenhain doit être rectifiée. Ces auteurs ont exagéré l'importance et le nombre des racines internes de la veine porte. Lamajorité des veinules vasculaires et biliaires, loin de s'ouvrir dans les ramifications interlobulaires de cette veine, forme un système indépendant et se décharge au moyen de troncs propres dans les capillaires des lobules. C'est ce qui résulte des recherches de Ratto.ne et Mondini '. C'est ce qu'a soutenu depuis longtemps Sappey, qui a rangé cet ensemble de petites veinules dans son troisième groupe de veines portes accessoires, veines qui se ramifient directement dans la glande. Sappey est même encore allé plus loin que les auteurs italiens, puisqu'il n'admet pas qu'il y ait des racines internes de la veine porte : « Kiernan s'était mépris, dit-il, en pensant que ces veinules allaient se jeter dans les dernières divisions de la veine porte hépatique. » L'ensemble de ces dispositions permet aussi de comprendre une particularité qui a frappé les pathologistes, à savoir la rareté des infarctus du foie, bien que les divisions de la veine afférente du foie se comportent comme des artères terminales, c'est-à-dire ne s'anastomosent pas entre elles. On a beau injecter, d'après Cohnheim, des particules solides dans la mésaraïque et provoquer l'oblitération d'un grand nombre de branches de la veine porte, on ne détermine pas d'infarctus du foie. Cohnheim et Litten pensaient que dans ces cas, de même qu'après l'oblitération totale du tronc vasculaire, les racines intra-hépatiques de la veine porte suffisent à entretenir la circulation des lobules, lors- que les veines interlobulaires sont restées perméables. Mais Rattone et Mondini font remarquer que, si le sang arrivait alors aux lobules exclusivement par cette voie, on devrait constater de la nécrose du tissu hépatique quand les dernières divisions de la veine porte sont elles-mêmes oblitérées. Comme c'est le contraire qu'on observe, il faut en conclure que l'irrigation sanguine persiste, grâce au système des veines vasculaires et biliaires indépendant de celui de la veine porte, mais plutôt encore grâce aux ramus- cules que l'artère fournit directement aux acini. Outre l'artère hépatique, le foie reçoit encore quelques artérioles accessoires, venues de la coronaire stomachique, de la pylorique,des mammaires internes, des diaphragma- tiques inférieures. Veine porte. — La veine porte, formée par la réunion de veines volumineuses, la grande mésaraïque, la splénique et la petite mésaraïque, amène au foie le sang de toute la partie sous-diaphragmatique du tube digestif, de la rate, du pancréas et des nombreux ganglions lymphatiques de l'abdomen. Comme collatérales, le tronc du vaisseau reçoit la veine coronaire stomachique, la pancréatico-duodénale, quelquefois la veine cystique. La disposition de la pancréatico- duodénale mérite d'attirer l'attention au point de vue opératoire. Chez le chien, elle peut se jeter à un niveau variable dans le tronc principal, quelquefois très près du point où celui-ci s'enfonce dans le foie, et, si l'on vient alors à pratiquer la ligature de la veine porte, il arrive qu'on place le fil au-dessous du point où elle s'abouche. Le vaisseau est assez volumineux pour permettre au sang accumulé dans le tractas intestinal de se déverser encore en partie dans le foie, ce qui fausse absolument les résultats de l'expé- lience (Cruveilhier). En atteignant le bile, le tronc de la veine porte se partage en deux branches qui se dirigent; l'une à droite, l'autre à gauch3,et qui s'écartent sous un angle si ouvert qu'elles semblent former un seul et meure conduit, horizontalement couché dans le sillon trans- verse, et désigné sous le nom de sinus de la veine porte. La branche droite, plus courte et plus volumineuse, reçoit, dans la plupart des cas, la veine cystique qui se jette aussi 1. Ces auteurs nient cependant l'existence des vasa vasorum fournis par Tartère hépatique, et par conséquence aussi celle des veines vasculaires; mais il paraît peu vraisemblable que les parois des branches de la veine porte et celles de l'artère elle-même soient dépourvues de vais- seaux nourriciers. 750 FOIE. quelquefois dans le tronc de la veine porte. La branche gauche reçoit quelquefois la veine pylorique, et donne attache, par son extrémité gauche, en avant au cordon fibreux de la veine ombilicale, en arrière au cordon fibreux du canal veineux. Chacune de ces branches se ramifie dans le foie à la manière des artères. Leurs divi- sions successives parcourent les canaux que leur présente la capsule de Glisson, accom- pagnées par l'artère hépatique elles conduits biliaires : il y a une veine pour une artère, la veine étant dix fois plus grosse que l'artère (Charpy). Indépendamment de leurs rameaux progressivement décroissants, qui naissent suivant le type dichotomique, les branches portes fournissent aussi par leurs parties latérales yin certain nombre de ramuscules de différent calibre; elles sont terminales comme les artères de certains organes, rein, rate, poumons, c'est-à-dire qu'elles sont indépendantes les unes des autres et ne s'anastomosent pas entre elles. Les dernières ramifications de la veine porte viennent se placer dans les espaces de KiERNAN, où elles prennent le nom de veines interlobulaires. — Ces veines, au cours de leur trajet, s'engagent dans les fissures de Kiernan et s'y anastomosent avec les veines interlobulaires voisines de façon à former tout autour de chaque lobule un réseau périlobulaire. En général, chaque lobule reçoit des branches veineuses de 4 ou 5 vais- seaux interlobulaires, et chaque veine interlobulaire se distribue à 4 ou 5 lobules dis- tincts. Du réseau périlobulaire partent des rameaux extrêmement courts qui pénètrent dans le lobule et s'y résolvent presque immédiatement en de nombreux capillaires. Capillaires. — Ils traversent le lobule de la périphérie au centre, à la manière de rayons (capillaires radiés), pour converger vers la veine centrale intralobulaire, qui devient ainsi le tronc collecteur d'un système de veines interlobulaires; les capillaires dont le diamètre est de 11 à 13 a s'anastomosent en un réseau dont les mailles logent en général 2 ou 3 cellules hépatiques, (une seule cellule, chez le lapin). ,Comme les capillaires, chez la plupart des mammifères, s'unissent de lobule à lobule, la circulation de l'organe est assurée d'une façon plus parfaite, malgré le type terminal des branches de division de la veine porte. La paroi de ces vaisseaux ne présente pas de cellules endothéliales différenciées ; elle est uniquement constituée par une lame granuleuse continue, particulièrement mince et délicate, et parsemée de noyaux : ceux-ci, allongés suivant le grand axe du capillaire, font dans la lumière du canal une saillie très appréciable. Ces particularités, qui rapel- lent celles des endothéliums vascuiaires du fœtus, ont amené RANviER,qui les a décrites, à conclure que les capillaires du foie sont restés à l'état embryonnaire, comme on l'observe aussi dans les villosités intestinales et les glomérules du rein. D'après Kuppfer, les noyaux des capillaires, avec le protoplasma granuleux qui les entoure, appartiennent à ces éléments que l'on connaît depuis longtemps sous le nom de cellules étoilées du foie, et que l'on avait considérés soit comme des cellules conjonctives, soit comme des cellules nerveuses; cet endothélium possède à un haut degré le pouvoir phagocytaire : il incorpore les corps étrangers, particulièrement les globules rouges du sang et leurs débris. C'est une des formes sous laquelle se manifeste le rôle protecteur du foie (fonctions granulo-pexique, cyto-pexique, etc. Voir plus haut, p. 740). Le caractère embryonnaire des capillaires hépatiques implique aussi une grande perméabilité de leurs parois, ce qui doit faciliter les échanges osmotiques ; les propriétés de ces vaisseaux se sont adaptées à la valeur de la pression sanguine, en ce sens qu'une pression normalement très faible est compensée par une perméabililé plus grande des parois vascuiaires. Celte perméabililé a, en particulier, des conséquences intéressantes au point de vue de la transsudation des matières protéiqnes. Si l'on classe sous ce rap- port les capillaires de diverses régions du corps, ce sont ceux du foie qui occupent le premier rang, puis viennent ceux de l'intestin, et en dernier lieu ceux des membres. En effet, la lymphe des membres ne contient que 2 à 3 p. 100 de substances albuminoïdes, celle de l'intestin en contient 4 à 6p. 100, et celle du foie 6 à 8 p. 100, quantité à peu près égale à celle du plasma sanguin (Starli.ng). Comme la lymphe sert d'intermédiaire entre le sang et les tissus, les cellules hépatiques ont donc à leur disposition un liquide riche en albumines. D'autre part, comme la lymphe du foie et le sang du foie présentent à peu près le même degré de concentration, leur pression osmotique, en tant qu'elle dépend des matières protéiques, sera à peu près égale de part et d'autre ; le liquide transsudé FOIE. 751 aura peu de tendance à l'entrer dans les vaisseaux sanguins, d'où il résulte que le foie est l'organe qui produit la plus grande quantité de lymphe (Starling). Veines sus-hépatiques. — La circulation de départ se fait par les veines sus-hépatiques, dont les origines occupent le centre du lobule sous la forme d'un vaisseau collecteur des capillaires de l'ilot hépatique. Les veines intra-lobulaires s'abouchent à angle droit vers la base du lobule dans des veines plus volumineuses, les veines sublobulaires de Kiernan. qui se réunissent à leur tour pour former des troncs d'un diamètre de plus en plus grand, jusqu'à ce que se constituent les veines sus-hépatiques, qui se dirigent vers le bord posté- rieur du foie pour s'ouvrir dans la veine cave inférieure. On distingue : 1° les petites veines sus-hépatiques qui naissent des lobules voisins de la veine cave, et qui, au nombre de 20 environ, sont irrégulièrement distribuées le long de la gouttière du foie qui reçoit ce vaisseau ; 2° les grandes veines sus-hépatiques, en général au nombre de deux ; l'une, droite, plus volumineuse, qui reçoit ses racines du lobe droit et quelquefois du lobule de Spiegel; l'autre, gauche, qui reçoit les veines du lobe gauche, du lobe carré et générale- ment du lobule de Spiegel. Les parois des veines hépatiques adhèrent au tissu du foie, de sorte que, dans les coupes que l'on pratique sur l'organe, elles restent béantes, alors que les branches portes au contraire, lâchement unies à la capsule de Glisson, s'affaissent quand on les coupe. Structure et valvules des veines afférentes et efférentes. — L'épaisseur de la paroi du tronc porte est d'un demi-millimètre : la tunique musculaire atteint une épaisseur de 158 [J. (Kôlliker). La veine poiie est comprise dans le deuxième groupe d'EBERTH, c'est- à-dire dans le groupe de veines qui possèdent deux couches de fibres musculaires, une interne circulaire, une externe longitudinale. Les caractères essentiels sont les mêmes chez l'homme, le chien, le lapin, le rat. Dans tous ces animaux, la tunique interne est réduite à une simple couche de 'cellules endolhéliales qui reposent sur un réseau élas- tique dont les principales travées alfectent une direction perpendiculaire à celle du vais- seau. SucHARD a montré que l'orientation de l'endothélium varie avec la direction des fibres musculaires et avec la forme que présente le vaisseau au moment de leur contrac- tion; c'est ainsi par exemple que chez le rat, comme les libres longitudinales l'emportent sur les transversales, les cellules de l'endothélium sont allongées, non plus suivant l'axe du vaisseau, mais perpendiculairement à cet axe. Chez le chien, Koeppe divise le territoire de la veine porte, au point de vue de la structure, en trois segments : 1" le tronc de la veine et ses principales branches qui ont une double couche musculaire et sont dépourvues de valvules; 2° les veines intestinales, longues et courtes, qui possèdent des valvules et qui ont une forte couche transversale interne avec peu de fibres longitudinales externes; 3° un territoire sans valvules et sans muscles, le réseau sous-muqueux. Si l'on poursuit la veine porte dans l'intérieur du foie, les branches de division gardent une épaisse couche de fibres longitudinales et se dépouillent peu à peu de leurs fibres annulaires. Ainsi, tandis que dans le tronc de la veine porte les deux couches musculaires sont également développées, vers l'intestin c'est la couche circulaire, dans le foie c'est la couche longitudinale qui prédomine. On voit aussi que, contrairement aux données classiques, les origines intestinales de la veine porte sont munies de valvules. Il est vrai que celles-ci font défaut dans le tronc de la veine porte et des grosses branches, « Hyrtl dit que, parmi tous les animaux qu'il a examinés, le rat est le seul qui possède dans le tronc porte une valvule d'ailleurs remar- quable ; mais il faut faire une exception pour les petites branches viscérales. On a constaté des valvules chez le cheval, le porc, certains singes. Les carnassiers et les rumi- nants possèdent des valvules de tout le système gastro-splénique (Hochstetter). C'est chez le chien qu'elles sont les plus fortes et les plus suffisantes; c'est également chez cet animal que Bryan't et Koeppe les ont constatées dans les veines du gros et du petit intestin. Ces valvules sont paires et siègent de préférence sur les petites veines au point oîi elles s'appliquent sur le viscère et où elles s'ouvrent dans les arcades veineuses marginales; on peut compter jusqu'à 0 paires valvulaires sur un territoire de 7 milli- mètres. (Charpy). » Elles existent également chez l'enfant nouveau-né ; mais elles dispa- raissent rapidement par atrophie, et on ne les retrouve qu'en petit nombre chez l'adulte. Les parois des grandes veines sus-hépatiques sont plus minces que celles de la veine 752 FOIE. porte et mesurent 360 [j.; elles possèdent également une forte tunique musculaire à double couche, longitudinale externe et circulaire interne. Cependant, chez l'homme, la tunique musculaire est relativement peu épaisse; chez le cochon, elle est déjà très accu- sée; chez le cheval et le bœuf elle atteint une épaisseur de 3 à 4 millimètres (Sappey). L'ensemble des veines efférentes est généralement considéré comme dépourvu de val- vules. Toutefois Chauveau et Arloing décrivent des valvules incomplètes aux orifices des veines sus-hépatiques chez les solipèdes. Même, d'après Donxel, on trouve de grandes et fortes valvules sur les troncs et les branches de ces]veines chez diverses espèces ani- males. Le fœtus humain en posséderait également, tandis que chez l'homme adulte elles ont à peu près disparu. Veines portes accessoires : Communications de la veine porte avec le système veineux général. — Indépendamment du sang que lui amène la veine porte, le foie en reçoit encore de certaines veinules qui se réunissent pour former un tronc qui se ramifie dans la glande, de sorte qu'elles constituent autant de petites veines portes, appelées veines portes accessoires. Après l'oblitération du tronc porte, ces veinules laissent donc encore arriver au foie une certaine quantité de sang; d'autre part, dans les mêmes con- ditions d'imperméabilité de ce vaisseau, quelques-unes de ces veinules permettent au sang de la veine porte de se déverser dans la circulation générale. Sappev a divisé les veines portes accessoires en 5 groupes. Le premier groupe, situé dans l'épiploon gastro-hépatique, comprend plusieurs veinules qui proviennent, soit de la petite courbure de l'estomac, soit de l'épiploon lui-même. Elles viennent se jeter dans les lobules qui limitent en avant et en arrière le sillon transverse du foie; quelquefois la veine pylorique fait partie de ce groupe. Le deuxième groupe est formé par 12 ou 15 veinules qui de la vésicule biliaire se rendent aux lobules hépatiques voisins. Le troisième groupe, ou groupe de veinules nourricières, comprend tout cet ensemble de veinules fort petites qui, naissant des parois mêmes de la veine porte, de l'artère hépa- tique et des conduits biliaires, viennent se ramifier dans les lobules du voisinage, après avoir traversé la capsule de Glisson. U a déjà été question de ce groupe à propos de la distribution de l'artère hépatique ; on a vu que le mode de terminaison de ces veinules nourricières est bien, d'après les recherches plus récentes, celui que leur avait assigné Sappey, au moins pour la grande majorité d'entre elles; ce n'est qu'un petit nombre de ces vaisseaux qui constitue les racines internes de la veine porte. Le quatrième groupe est formé de veinules très grêles qui prennent naissance à la face inférieure du diaphragme et descendant vers le foie en suivant le ligament suspen- seur. Toutes ces veines cependant ne se rendent pas au foie, quelques-unes suivent un trajet ascendant et se jettent adns les veines diaphragmatiques inférieures. Ace groupe il faut en rattacher un autre, décrit par Calori en 1880, et situé dans le ligament coro- naire; ces veinules rappellent exactement celles qui cheminent entre les deux feuillets du ligament suspeuseur, c'est-à-dire que les unes se jettent dans le diaphragme, les autres se rendent au foie (Mariau). Le cinquième groupe, groupe parombilical, est le plus important; il est composé de veines qui se portent de la partie sus-ombilicale de la paroi antérieure de l'abdomen ers le sillon longitudinal du foie. Situées dans la partie inférieure du ligament suspeu- seur, elles suivent le cordon fibreux de la veine ombilicale, dont elles sont les satellites, et qui leur sert pour ainsi dire de support. Les unes vont se jeter dans les ilobules hépa- tiques du sillon longitudinal et mériteraient en réalité seules dans ce groupe le nom de veines portes accessoires. Les autres aboutissent, en effet, soit à l'embouchure de la veine ombilicale qui reste toujours perméable sur une étendue de 12 à 15 millimètres, soit à la branche gauclie de la veine porte; elles représentent par conséquent des racines de la veine porte, mais racines pariétales et non plus viscérales. Parmi elles la plus grosse et la plus constante a reçu le nom de veine parombilicale ou adombilicale (Schiff), tandis qu'on réserve le nom de petites veines parombilicales aux autres veinules du groupe. Ce qu'il est important de noter, c'est que deux des groupes de Sappey, le quatrième et le cinquième, proviennent exclusivement de l'enceinte abdominale (diaphragme et paroi ventrale antérieure), où elles entrent e:i relation, d'une part avec les radicules des veines FOIE. 753 thoraciques et mammaires internes, tributaires de la veine cave supérieure, d'autre part avec les veines épigastriques et sous-cutanées abdominales, tributaires de la veine cave inférieure; elles établissent ainsi, entre le système porte et le système veineux général, des communications multiples qui dans certains cas peuvent prendre un grand développement. La principale de ces voies anastomotiques est représentée par le cinquième groupe. Dans les conditions normales, la circulation s'y fait de la périphérie au foie; elles sont en effet munies de valvules qui regardent cet organe. Mais, quand la veine porte est oblitérée, le reflux force les valvules, et le sang circule en sens inverse, du foie à la paroi abdominale, surtout vers les veines épigastriques qui l'amènent dans la veine iliaque externe. Le rôle que joue la veine ombilicale dans l'établissement de cette circulation dériva- tive a été fort discuté. D'après Sappey, tous les faits invoqués pour démontrer la persis- tance de cette veine, doivent être considérés comme autant d'exemples de la dilatation de l'une des veinules comprises dans le ligament suspenseur, de celle que l'on a nommée depuis la grande veine parombilicale; lorsque ce vaisseau est anormalement distendu, il représente si bien par son calibre, sa situation, sa direction, la veine ombilicale qu'il a été pris pour cette dernière, restée cependant imperméable. Par contre, Baumgarten aurait constaté, 35 fois sur 60, au centre du cordon de la veine ombilicale, un canal ayant 6 à 10 centimètres de long, tapissé d'un endothélium et con- tenant du sang. Normalement, ce canal est parcouru pendant la vie par du sang qui va au foie et qui lui est apporté par des branches collatérales, c'est-cà-dire par les veines parombilicales. La grande veine parombilicale ne serait autre chose que la veine signalée par BuROw chez le fœtus, et qui continue à se développer après la vie intra-utérine. BuRow (1838) avait, en effet décrit, comme un fait constant chez le nouveau-né l'existence d'un petit tronc veineux qui naît des veines épigastriques, et qui, après avoir cheminé quelque temps sur la paroi abdominale, vient s'ouvrir dans la veine ombilicale près de son entrée dans le foie. Dans un tiers ou un quart des cas, la veine de Bqrow, devenue la grande veine parombilicale, au lieu de se jeter dans la veine ombilicale, se jette direc- tement dans le sinus porte, et le canal ombilical ne reçoit plus que les petites veines accessoires. C'est de la persistance du canal ombilical et de sa largeur originelle que dépendrait l'importance de la circulation collatérale au niveau de l'ombilic dans les cas de cirrhose. Ch. Robin, de son côté, s'accordait avec Sappey pour nier la perméabilité de la veine ombilicale chez l'adulte, saufà son embouchure: enoutre,de ses injections chez le nouveau- né, il a conclu que dans son trajet le long des parois abdominales et jusqu'au hile du foie, cette veine ne reçoit aucune branche des vaisseaux de la paroi, contrairement à BuROw. Wertheiuer a trouvé, comme Baumgarten, dans le cordon de la veine ombilicale, une cavité remplie de sang, mais 9 fois sur 16 seulement; l'orilice mesure 1/4 à 1/3 de milli- mètre, et se dilate dans les cas de cirrhose ; mais ce n'est pas la lumière de la veine ombi- licale qui est restée perméable; l'orifice appartient à une veine de nouvelle formation, développée au centre du bouchon de tissu conjonctif qui a oblitéré la veine ombilicale' Werthei-mer a désigné cette veinule sous le nom de veine centro-ombilicale par opposi- tion à la veine parombilicale. Il a pu injecter aussi 3 fois sur 11 la veine de Burow chez le nouveau-né à terme; mais il est d'avis que ce vaisseau partage le sort du tronc dans lequel il se jette, c'est-à-dire qu'il s'oblitère avec la veine ombilicale elle-même. En résumé, les veines que l'on trouve au centre et à la périphérie du cordon de celte veine n'auraient aucune relation généalogique directe avec le système de la veine allantoïdienne. Le dernier auteur qui s'est occupé de la question, MARiAU,est arrivé à des conclusions qui se rapprochent sensiblement de celles de Wertheimer. Mariau a trouvé que, 22 fois sur 40,1e bout hépatique de la veine ombilicalel aisse écouler du sang à la coupe, et l'orifice représente l'ouverture d'une veinule centrale, par l'intermédiaire de laquelle on peut injec- ter le groupe des veinules parombilicales. Dans d'autres cas, il reste une cavité qui semble représenter l'anciemie lumière de la veine ombilicale; mais cette veine ne donne pas de sang à la coupe, et, si l'on fait une injection dans son orifice, le vaisseau se remplit jusqu'à sa réflexion sur la paroi abdominale, sans que jamais l'injection envahisse les veinules du 3= groupe ou celles de la paroi abdominale. DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 48 754 FOIE. D'après l'examen microscopique de ces vaisseaux fait par Vialleton, tantôt le canal plein de sang a paru n'être que la veine ombilicale elle-même; tantôt la disposition de la veinule était bien telle que l'a décrite Wertheimer ; tantôt une simple fente indiquait l'existence d'une lumière, et des coupes de vaisseaux se montraient çà et là dans le champ de la préparation. Les injections de Mariau lui ont montré également que le réseau veineux abdominal afférent à la veine ombilicale n'existe plus à la naissance, ce qui revient à dire que ce vaisseau ne peut plus servir de voie collatérale. Malgré l'autonomie de son territoire, le système porte, comme on vient de voir, n'est donc pas absolument fermé ; mais, en dehors des anastomoses qui l'unissent au système cave, au niveau de la paroi abdominale antérieure, il entre encore en relation avec lui : 1" par des anastomoses œsophagiennes ; 2° par des anastomoses rectales ; 3° par des anas- tomoses péritonéales ou système de Retzius. Au niveau du cardia, les radicules de la coronaire stomachique s'anastomosent avec les veines diaphragmatiques inférieures, tributaires de la veine cave inférieure, et les veines œsophagiennes, tributaires de l'azygos. La veine splénique entre aussi normale- ment en rapport dans le voisinage de la queue du pancréas avec les branches radiculaires de l'azygos (Luschka). L'existence des communications avec l'azygos a été démontrée expérimentalement chez le chien par Mall. Ce physiologiste lie, d'une part, le tronc de la veine porte; d'autre part, l'aorte et la veine cave inférieure immédiatement au-dessus du foie. Les artères intestinales ne reçoivent plus de sang, mais les grosses branches et le tronc de la veine porte en sont encore remplis. Si l'on vient alors à exciter le splanchnique, la constriction des vaisseaux portes, qui reçoivent de ce nerf des filets vaso-moteurs, produit une augmen- tation notable de la pression carotidienne. Il est facile de voir, d'après les conditions de l'expérience, que ce sang n'a pu passer de la veine porte dans la circulation générale que par l'intermédiaire de l'azygos et de la veine cave supérieure. Mariau a signalé aussi l'existence de nombreuses veinules qui partent de la face posté- rieure de l'estomac, gagnent la région du cardia, puis passent sur le diaphragme pour se jeter dans les veines capsulaires et rénales. A l'autre extrémité du tube digestif, les veines hémorroïdales supérieures, origines de la petite mésaraïque, communiquent d'une part avee les hémorroïdales inférieures, branches de la honteuse interne et les hémorroïdales moyennes, branches de l'hypogas- trique. Cette dernière anastomose est peut-être la plus considérable de toutes les anas- tomoses porto-caves: c'est une voie de communication relativement large. Enfin, en divers points de la paroi abdominale, des radicules des veines mésen- tériques s'unissent à des veines du péritoine pariétal qui vont se jeter elles- mêmes dans quelque veine tributaire de la veine cave inférieure, telle que capsulaire, spermatique, rénale, etc. C'est ce qu'on a appelé le système de Retzius, qui est surtout développé dans les points où le tube intestinal est rapproché de la paroi abdominale posté- rieure, et où il repose sur elle sans interposition de péritoine (duodénum, côlon lombaire ascendant et descendant). Tuffier et Lejars ont décrit des anastomoses porto-rénales directes, c'est-à-dire des canaux veineux qui se rendent directement d'une veine colique à la veine rénale. Cl. Bernard avait déjà appelé l'attention sur ces communications. « Lorsque chez les mammifères on a détruit la veine porte, il se produit des anasto- moses constantes avec la veine rénale. « Ces anastomoses. Cl. Berxard tendait même à les considérer comme l'équivalent du système de .Iacobso.n des oiseaux et des vertébrés inférieurs. L'épiploon peut aussi servir à établir des relations entre le système porte et les veines caves. Dans un cas, rapporté par Doyon, où des lésions consécutives à la ligature du canal cholédoque avaient^ entravé la circulation veineuse hépatique, et où l'épiploon avait été accidentellement compris par une suture entre les lèvres de la plaie abdominale, on put constater l'apparition d'un riche réseau d'anastomoses réunissant par l'intermédiaire du repli péritonéal le système de la veine porte avec les fémorales et les axillaires. En cas d'ascite par cirrhose du foie, il peut donc être avantageux, comme l'ont d'ailleurs fait des chirurgiens, de fixer l'épiploon dans la paroi abdominale. D'une manière générale, les anastomoses du système porte avec le système cave ne siègent que sur de petits vaisseaux, et n'ont qu'une fonction physiologique insignifiante ; FOIE. 755 ■elles n'acquièrent leur importance que dans les cas d'obstacle à la circulation hépatique. Cl. Bernard a décrit chez le cheval des communications directes entre la veine porte et la veine cave inférieure, par l'intermédiaire de petits ramuscules qui vont déboucher dans ce dernier vaisseau au niveau de la gouttière du foie destinée à le loger : on les rencontrerait aussi chez des animaux autres que le cheval, et même chez l'homme ; mais elles sont plus variables et moins développées. D'après Sappey, c'est à tort que ces anasto- moses ont été mises en doute par quelques observateurs chez le cheval; cependantCHAU- VEAU et Arloing ne croient pas qu'il y ait des voies directes chez les animaux, domestiques. Chez l'homme, Sappey, Galori, Gharpy le sont vainement cherchées. Sabourix soutient, au contraire, que les veines sus-hépatiques reçoivent un certain nombre de rameaux qui proviennent directement des branches glissoniennes de la veine porte sans passer par le lobule, veines porto-sus-hépatiques. Indépendance de la circulation des deux lobes du foie. — Glknard et Siraud avaient observé que, si l'on injecte de l'eau dans une des branches de la veine porte, la branche droite, par exemple, le lobe droit augmente de volume, devient turgescent, tandis que le lobe gauche reste flasque et mou. Les vaisseaux communiquent donc entre eux dans le même lobe, mais non d'un lobe à l'autre. Séréck a repris et complété ces expériences, et est arrivé aux mêmes résultats. Si l'on injecte dans la branche gauche de bifurcation de la veine porte 600 c. c. d'une solution aqueuse de bleu de méthylène, la ligne de démarcation des deux territoires vasculaires examinée sur la surface convexe est absolument nette; elle représente une ligne s'étendant de l'incisure biliaire à l'em- bouchure des veines sus-hépatiques; la ligne obliquement sinueuse délimite une partie du lobe carré et laisse intact le lobe de Spiegel. Sur une coupe transversale la ligne de démarcation est encore bien plus nette; l'un des lobes est entièrement bleu, l'autre a sa teinte normale. 11 existe la même indépendance entre les territoires donnant naissance aux veines ï;us-hépatiques. En injectant dans 'la veine issue du lobe droit une solution] de bleu de méthylène, le lobe droit en entier, avec le lobe de Sptegel, se gonfle et se durcit, alors que le lobe gauche et le lobe carré restent flasques et incolores. Skrégé est encore allé plus loin : il a cherché à démontrer que le sang porte n'est pas homogène, qu'il existe dans la veine porte deux courants sanguins, orientés'; l'un, de la grande mésaraïque vers le lobe droit du foie ; l'autre, de la splénique et 'de la petite mésaraïque vers le lobe gauche, courants qui restent distincts dans le tronc commun de la veine ; telles deux rivières qui, ayant une couleur, une densité, des propriétés spéciales, conservent encore leur individualité quelque temps après leur réunion. En effet, après l'injection d'une très petite quantité d'encre de Chine dans une veine d'origine de la grande mésentérique, Sérégé n'a trouvé les particules de la matière injectée que dans le lobe droit, et uniquement dans ce lobe. En répétant l'expérience sur une veine d'origine de la splénique, on a constaté la présence de l'encre de Chine exclu- sivement dans le lobe gauche. Les résultats ont été les mêmes chez les chiens et les lapins. Ainsi il semble que le sang des deux veines, grande mésentérique d'une part et splénique de l'autre, ne se mélangent pas dans le parcours commun delà veine porte vers le foie. Les observations cliniques concordent avec les résultats de l'expérience : une lésion primitive du territoire intestinal, qui donne naissance à la grande mésentérique, s'accom- pagne d'une lésion secondaire du lobe droit du foie; une lésion primitive du territoire de la splénique et de la petite mésentérique, d'une lésion secondaire du lobe gauche. Mécanisme de la circulation hépatique. Pression et vitesse du sang. — La veine porte est comprise entre deux systèmes capillaires; à l'intérieur du foie la ]>lus grande partie du sang de l'artère hépatique est reçue dans de petits troncs veineux qui représentent eux-mêmes des veines portes minuscules; le système de l'artère hépatique et celui de la veine porte sont enchevêtrés l'un dans l'autre; de là pour la circulation du foie des conditions complexes, dont quelques-unes sont encore imparfaitement connues. Les principales influences auxquelles est soumise la circulation porte sont : l» la vis a tergo, qui dépend non seulement de la pression artérielle générale, mais encore de la facilité plus ou moins grande avec laquelle le réseau artériel des viscères abdominaux livre passage au sang; 2" les résistauces plus ou moins fortes qu'opposent à la force 756 FOIE. impulsive les capillaires hépatiques; 3" les variations du vide pleural et de la pression abdominale; 4° l'état de tonicité des parois veineuses elles-mêmes. L'action combinée de la vis a tergo, des résistances capillaires dans le foie, de la pression abdominale positive entretient dans la veine porte une pression d'environ 7 mil- limètres de mercure. D'après Rosapelly, ce chiffre serait un minimum, et la pression constante s'élèverait souvent à lo ou même 20 millimètres; en réalité, la moyenne ne dépasse guère 7 millimètres, d'après les données de différents expérimentateurs, et aussi d'après nos propres observations. Mais, dans les veines sus-hépatiques, la pression constante s'élève à peine au-dessus de la ligne du 0 et devient souvent négative, grâce à l'aspiration pleurale qui s'exerce avec d'autant plus d'efficacité sur les veines efférentes du foie que ces vaisseaux sont maintenus béants par leur adhérence au tissu hépatique, et qu'elles viennent s'ouvrir dans la veine cave en un point où celle-ci adhère elle-même- an centre phrénique du diaphragme. La différence de pression entre la veine porte et les veines sus-hépatiques, qui est donc d'environ 5 à 6 millimètres de mercure, suffit à assurer la circulation du sang à travers le foie. Mais la progression du liquide est encore facilitée par diverses influences, dont la plus importante est celle de la respiration. Les mouvements respiratoires font varier la pression en sens inverse dans les veines sus-hépatiques et dans la veine porte. L'abais- sement du diaphragme qui agrandit la cavité thoracique pendant l'inspiration et renforce le vide thoracique, diminue en même temps la capacité de l'abdomen en comprimant les organes et les vaisseaux qui y sont contenus. Or les veines sus-hépatiques obéissent à l'influence thoracique, la veine porte à l'influence abdominale, c'est-à-dire qu'à l'inspira- tion, la pression diminue dans les premières, augmente dans la seconde; c'est l'inverse à l'expiration. On doit à Rosapelly une étude complète de ces variations. Dans les veines sus-hépa- tiques 011 la pression moyenne est toujours, comme nous l'avons dit, très faible, les maxima ne s'élèvent pas au-dessus de 3 à 4 millimètres, les minima varient entre -f- 1 et — 7 à — 8. On peut d'ailleurs, à ce point de vue, distinguer, d'après Rosapelly, deux types de tracés : ou bien la courbe reste toujours au-dessus de 0, c'est-à-dire que la pression, quoique peu élevée, reste positive aux deux temps de la respiration; ou bien les oscillations sont plus considérables, et les minima descendent bien au-dessous de 0, indi- quant ainsi une pression négative intermittente. Dans les cas d'obstacle à l'inspiration, la courbe dénote à chaque inspiration une pression négative plus prononcée encore, en même temps qu'il se fait un abaissement notable de la pression constante, le tracé restant presque toujours au-dessous de la ligne du 0. Par contre, dans la veine porte, si la pression est, par exemple, de 7 millimètres, elle montera pendant l'inspiration à 9 ou 14 millimètres, suivant que l'inspiration est plus ou moins forte. Lorsqu'on apporte un obstacle à l'entrée de l'air dans la poitrine, la pression dans la veine porte n'est pas sensiblement modifiée ; mais, lorsqu'on gène l'expi- ration, elle s'élève à une hauteur de 22 ou 32 millimètres. Il est à noter que dans la veine cave abdominale, même au-dessous du foie, les modi- fications de pression liées à la respiration ne sont pas les mômes que dans la veine porte .-■ elles suivent les variations de la pression pleurale, et non celles de la pression abdomi- nale. S'il en est autrement pour la veine porte, c'est que le réseau capillaire du foie empêche l'aspiration thoracique de se propager à ce vaisseau. On admet généralement qu'au moment de l'inspiration le sang, qui est appelé vers les veines sus-hépatiques par le renforcement du vide pleural, y est en même temps refoulé par la poussée abdominale qui s'exerce sur la veine porte. Mais il est possible que les effets de cette poussée soient plus que contrebalancés par l'augmentation des résistances due à la compression du foie,etquerinspiration soit plutôt une gêne pour la ciiculationdans le tronc porte. Ce qui est certain, c'est que la déplétion veineuse du foie lui-même est facilitée à chaque inspiration par l'action à la fois aspirante et foulante du mécanisme respiratoire. Comme autres causes adjuvantes de la circulation porte, il faut signaler les con- tractions de l'intestin, et surtout celles de la rate. L'intestin, dansses mouvements péris- taltiques, expulse le sang contenu dans l'épaisseur de ses parois : ici apparaît l'utilité des valvules qu'on a signalées dans les petites veines, le long du bord adhérent du viscère;, elles s'opposent au reflux du sang quand l'intestin rentre au repos. FOIE. 757 Plus importants paraissent être les effets des contractions de la rate. Chaque fois que cet organe revient sur lui-même, il exprime une partie de son sang dans la veine porte. Ces relations entre la circulation du foie et celle de ia rate sont connues depuis long- temps ; Ikalowicz et Pal les ont étudiées avec plus de précision ; plus récemment François Franck et Hallion les ont enregistrées au moyen de la méthode pléthysmographique. Sur les courbes publiées par ces physiologistes, on voit que, pendant l'excitation du splanchnique, le volume du foie (énervé, il est vrai, au niveau du hile) augmente, en même temps que le volume de la rate diminue. Comme les contractions de la rate se succèdent normalement à intervalles assez réguliers, cet organe agit en quelque sorte sur la circu- lation porte à la manière d'un cœur périphérique. Bayliss et Starling ont cherché à déterminer comment se modifie la pression dans les capillaires hépatiques sous l'influence de divers facteurs, nerveux ou mécaniques : il ne sera question ici que de ces derniers. Le principe de la méthode consiste à juger de la pression dans le réseau capillaire du foie d'après les valeurs respectives de la pression dans le vaisseau afférent, la veine porte, et dans les vaisseaux efTérents, c'est-à-dire les veines sus-hépatiques ou plutôt la veine cave inférieure. A la suite de l'oblitération de l'aorte thoracique, la pression diminue dans la veine porte; mais elle ne se modifie pas ou même elle s'élève légèrement dans la veine cave, à cause de l'obstacle que la compression de l'artère apporte à la déplétion du cœur. Comme la pression dans les capillaires, d'après Bayliss et Sïarling, de'pend plus direc- tement de 1^ pression dans le vaisseau etFérent que de celle du vaisseau afférent, ces physiologistes en concluent qu'elle a gardé sa valeur normale et qu'elle peut même avoir faiblement augmenté, malgré la chute de pression dans la veine porte. L'obstruction de la veine cave au-dessus du diaphragme aura évidemment comme effet une élévation simultanée de pression dans le segment sous-diaphragmatique de cette veine ainsi que dans la veine porte et, par suite, aussi dans les capillaires hépatiques. Si l'on provoque un état de pléthore hydrémique en injectant à un animal oOO c. c. de la solution physiologique de chlorure de sodium, on détermine une forte augmentation de pression, et dans la veine cave, et dans la veine porte. Ainsi, par exemple, dans ce dernier vaisseau, la colonne manométrique s'élève de 98 à 320 millimètres (solution de sulfate de magnésie d'une densité de 1046) pour tomber ensuite lentement à 194 ,milli- mètres. Dans la veine cave, elle monte de 33 millimètres à 24.5 pour s'abaisser un peu plus tard à 120. Par conséquent, la pression dans les capillaires hépatiques sera fortement augmentée; et, comme la pression dans la veine porte s'élève relativement plus haut que dans la veine cave, il en résulte que la vitesse du courant sanguin à travers le foie sera accrue; l'hyperémie est active, non passive. L'intérêt de ces observations réside dans les conséquences qu'on en a déduites au point de vue du mécanisme de la produc- tion de la lymphe par le foie. Les actions nerveuses ont aussi une influence considérable sur la circulation hépa- tique. Elles ne se bornent pas, comme on l'a cru pendant longtemps, à modifier les résistances dans le territoire des artères viscérales tributaires de la veine porte; mais on sait aujourd'hui qu'elles s'exercent directement par l'intermédiaire des splanchniques sur les vaisseaux du système porte qui ne possèdent leur épaisse musculature que pour répondre plus activement à ce mode d'excitation. Aussi les variations de calibre de la veine porte et de ses branches ont-elles une large part dans les variations de vitesse et de pression du courant sanguin. Mais, l'innervation vaso-motrice du foie ayant déjà fait l'objet d'une étude spéciale, on n'y reviendra pas ici. Notons seulement dans cet ordre de faits que, pendant la période digestive, la pression constante dans la veine porte est plus forte que chez l'animal à jeun, et est comprise entre 16 et 24 millimètres (Rosapelly) ; les artères du tractus intestinal sont alors le siège d'une dilatation active, et laissent passer dans la veine porte une plus grande quantité de sang. Chez le fœtus, les conditions mécaniques de la circulation hépatique ne sont plus les mêmes que chez l'adulte, puisque le mécanisme respiratoire n'est pour rien dans la progrès, sion du sang, et que la vis a ^er.^o intervient seule, ou du moins n'a plus d'autre aide que l'as- piration propre au cœur lui-même. 11 est intéressant de voir ce qui se passe dans le domaine du système porte au moment de la naissance. Pendant la vie intra-utérine, la pression veineuse est très élevée, de 16,4 à 34 millimètres, dans la veine ombilicale (voir Fœtus) 758 FOIE. et d'une valeur sans doute à peine moindre dans les veines sus-hépatiques et la veine cave. Dès les premières inspirations, la pression dans les veines sus-hépatiques, d'après CoHMSTEiN et ZuN'Tz, doit subir brusquement un abaissement considérable et tomber au voisinage de 0, sous l'inlluence du vide pleural. C'est à ces changements de pression dans les veines efférentes que ces physiologistes ont cru pouvoir attribuer l'ictère des nouveau-nés, parce qu'une partie du contenu des canaux biliaires tend à pénétrer dans les veines intra-lobulaires ou dans les voies lymphatiques, qui sont soumises, elles aussi, à une chute de pression semblable. En réalité, il n'en est pas tout à fait ainsi; Hermann a montré que l'aspiration pleurale constante ne s'établit pas brusquement dès les pre- mières inspirations, mais se manifeste, au contraire, progressivement dans les jours qui suivent la naissance. Il faut donc déduire de là que l'élasticité pulmonaire n'exerce pa* encore au début une succion permanente sur les gros vaisseaux contenus dans le raédiastin, et que l'appel du sang veineux vers le thorax ne se fait que par intermittence à chaque inspiration.il est possible que ces premières aspirations, en facilitant la déplé- tion des veines sus-hépatiques, tendent à y attirer la bile : mais le mode d'action de l'appareil respiratoire serait alors quelque peu différent de celui qu'ont admis Cohnstein et Zu.NTz. , On a encore invoqué, pour expliquer l'ictère des nouveau-nés, l'abaissement de pres- sion qui se produit dans la veine porte parla cessation du courant de la veine ombiUcale (Fherichs). D'après une autre théorie, soutenue par Quincre et reprise plus récemment par ScHREiBER, c'est la perméabilité du canal veineux d'ARANiius qu'il faut incriminer. A l'état normal, la bile résorbée dans l'intestin ne dépasserait pas le foie et retournerait ensuite à l'intestin (circulation entéro-hépatique de la bile); si le canal d'ÀRAMius est resté perméable, une partie de ce liquide résorbé passerait directement dans la circu- lation générale et irait imprégner les tissus. Il n'est d'ailleurs pas certain que l'ictère des nouveau-nés doive être attribué aux modifications que subit la circulation hépatique au moment de la naissance. La vitesse du cours du sang dans le foie a été évaluée par Rosapelly et par Flûgge d'après des méthodes un peu différentes. Rosapelly injecte dans la veine porte 80 cen- tigrammes à 1 gramme d'une solution de ferrocyanure de potassium au 1/4 et détermine le moment où la substance commence et celui où elle cesse d'apparaître dans les veines sus-hépatiques. Dans les conditions normales de la circulation et de la respiration, c'est en moyenne vers la huitième seconde queleprussiatefait son apparition dans les vaisseaux afférents : c'est au bout d'une minute environ qu'il disparaît. Les parties du réactif qui sont arrivées les premières, c'esi-à-dire au bout de huit secondes, sont celles qui ont suivi le plus court trajet; celles qui sont arrivées les dernières, après une minute, ont suivi le trajet le plus long. Rosapelly détermine approximativement la longueur des deux trajets, et trouve que le plus court est d'environ 5 centimètres, et le plus long d'en- viron 25 centimètres. Ainsi le réactif traverse en huit secondes un trajet de 4 centimètres et en soixante secondes un trajet de 25 centimètres, ce qui indique que le cours du sang se fait avec une vitesse de 4 à 5 millimètres par seconde. Flûgge injecte à un chien du ferrocyanure de potassium dans une veine crurale et recueille le sang de l'artère crurale pour déterminer la durée totale de la circulation. Au bout de quelques jours, on injecte au même animal le réactif dans une veine de l'intestin, et on recueille également le sang par l'artère crurale. On peut admettre, sans grande erreur, que la distance de la veine intestinale et de la veine crurale au cœur est à peu près égale; le ferrocyanure aura donc à parcourir dans la deuxième expérience le même trajet que dans la première, plus la voie du réseau capillaire hépatique. La différence entre les résultats des deux expériences dounera donc le temps que met le sel injecté à. traverser ce réseau. Chez un chien de 20 kilogrammes, la durée de la circulation de la veine crurale à l'artère crurale fut de dix-sept secondes; d'une veine de l'estomac à l'artère crurale, de trente-trois secondes : la différence, soit seize secondes, indique approxi- mativement la durée de la circulation à travers le foie. Influence réciproque des courants artériel et veineux. — Les rapports intimes des der- nières ramifications de la veine porte et de l'artère hépatique dans les espaces et les fissures de Kiernan, l'intrication des deux systèmes dans l'intérieur même du lobule font prévoir que la circulation dans l'un des vaisseaux doit être influencée par le degré FOIE. 759 de réplélion et de tension de l'autre. La prévision a été confirmée par les expériences de Betz et de Gad, qui ont fait passer à travers l'artère hépatique et la veine porte ; le premier, une solution de gomme; le second, une solution de chlorure de sodium à o p. 1000, et ont déterminé le débit dans l'un des vaisseaux, pendant que l'autre restait vide ou était également traversé par un courant de liquide. Betz a trouvé ainsi que la circula- tion dans la veine fait obstacle à la circulation dans l'artère, et Gad, que la circulation dans l'artère fait obstacle à la circulation dans la veine. La réplélion des canaux biliaires diminue aussi, d'après Betz, l'écoulement par la veine. La gêne apportée à l'écoulement de la bile pourrait même entraver la circulation au point de déterminer parfois de l'ascite, et de l'hypertrophie de la rate (Maragliano, cité par Roger). Plus récemment, Cavazzani a constaté également que, quand du liquide circule en même temps dans les deux territoires vasculaires, le débit total est moindre que la somme des débits de chaque territoire pris isolément. D'après ce physiologiste, et confor- mément aux données de Gad, ce n'est pas le courant veineux qui porte un préjudice sensible au courant artériel; c'est au détriment de la veine porte que dans ces cii'cula- tions simultanées se fait la diminution de l'écoulement. Cavazzani s'est encore demandé si les variations de pression dans les deux vaisseaux influent sur cette diminution : l'élé- vation de la pression dans la veine porte n'a pas donné lieu à ce point de vue à des effets constants; par contre, l'augmentation de la pression artérielle tend à mettre obstacle au passage du liquide qui circule à travers le foie, et spécialement du liquide qui passe par la veine porte. Cependant RosAPELLY, qui avait déjà abordé cette question, avait obtenu des résultats contradictoires de ceux des auteurs précédents : il avait trouvé que l'écoulement simul- tané parles deux vaisseaux est un peu plus considérable que la somme de leurs écoule- ments successifs; d'après Japelli, il le serait même beaucoup plus. Les observations de Gad, Betz et Cavazzani s'expliquent mieux que ces dernières. En ce qui concerne la part respective que prennent l'artère et la veine à l'irrigation du foie, il semble évident, si l'on tient compte de la différence de capacité des deux sys- tèmes, que celle de la veine doit être de beaucoup prépondérante. Ce qui pourrait, jusqu'à un certain point, compenser cette inégalité, c'est la pression plus forte à laquelle est soumis le sang de l'artère, et qui pourrait être la cause d'une vitesse plus grande dans ce vaisseau. Mais il ne faut pas oublier que, d'autre part, le courant artériel rencontre des résistances plus fortes, puisqu'il doit traverser un double réseau capillaire. Rosapelly a observé en effet que, si l'on fait passer du liquide par la veine porte, il faut, pour arrêter l'écoulement, que la contre-pression dans les veines sus-hépatiques soit élevée presque au niveau de la pression dans la veine porte, tandis qu'il suffit pour arrêter l'écoulement par l'artère, que la pression dans les veines sus-hépatiques soit de six à dix fois moindre que celle de l'artère. Cette plus forte résistance dans le réseau de l'artère doit donc dimi- nuer la vitesse du courant dans ce vaisseau, malgré la pression élevée qui y règne. Tou- jours est-il que, dans les expériences de Betz (cité par Heidenhain), la canalisation veineuse donnait un débit de 61 et môme de 67 fois supérieur à la canalisation arté- rielle, la pression à l'orifice d'afflux étant la même dans les deux systèmes, c'est-à-dire de 400 millimètres (solution de gomme';. Même quand la pression était portée à 830 milli- mètres dans l'artère, l'écoulement par la veine porte était encore 48 fois plus grand. Cependant Fr. Franck et Halliùn ont vu que la compression de l'artère hépatique produit sur le volume du foie un effet très marqué et qui paraît même excessif/eu égard au petit calibre du vaisseau. L'importance du débit sanguin de l'artère doit être assez grande, puisque Ja décompression du vaisseau amène une chute sensible de la pression aortique, d'environ 10 millimètres. Mais ce qui peut paraître paradoxal, c'est que la compression de la veine porte, malgré l'importance de la diminution de la masse de sang hépatique qu'elle entraîne, produit une réduction de volume du foie toujours beaucoup moindre que la compression de l'artère hépatique. Cette différence tient, d'après Fr. Franck et Hallion, à ce que le tissu du foie reste tendu par la pression artérielle, et ne s'affaisse pas dans la mesure de la diminution de l'apport veineux qu'il subit. Cette explication ne paraît pas très satis- faisante, puisque la compression de la veine porte est suivie d'une chute importante de la pression aortique. Il est probable que, si le foie ne diminue que faiblement de volume; 7(iO FOIE. pendant l'oblitération de la veine, c'est que, par suite de l'abaissement de pression dan la veine porte il se fait un reflux de la veine cave vers le foie, reflux d'ailleurs expéri- mentalement démontré, comme on le verra plus loin. 11 résulte encore des expériences de circulation artificielle à travers le foie que,nor-* maternent, le courant artériel s'engage dans les veines sus-hépatiques et n'a pas de tendance à refluer vers la veine porte. Un fait curieux, dit Rosapelly, c'est que le liquide qui passe par l'artère sous une pression de 8 à 10 cent, de Hg s'écoule exclusivement par les veines sus-hépatiques et non par la veine porte, les deux veines étant ouvertes. Il ne s'écoule par la veine porte que quelques gouttes de liquide qui proviennent de l'imbibition, et dont la quantité n'augmente pas quand la pression dans l'artère est augmentée et l'écoulement par les veines sus-hépatiques plus considérable. Cavazzam a fait des observations semblables, ce qui le porte même à croire qu'il doit y avoir à l'embouchure des ramifications de l'artère dans les veines sus-hépatiques une disposition qui favorise l'écoulement vers le cœur et fait obstacle à l'écoulement rétrograde vers les origines de la veine porte. D'un autre côté, cependant, la communication de l'artère avec la veine porte est facile; le liquide reflue dans cette veine quand elle n'est soumise à aucune pression, dès que dans les veines sus-hépatiques fermées la pression s'est élevée à 2 ou 3 centimètres d'eau. La régurgitation du liquide par la veine porte ouverte égale l'écoulement ordinaire par les veines sus-hépatiques, alors que la pression dans ces veines n'est pas supérieure à 10 centimètres. Mais, si l'on permet à l'écoulement de se faire par les veines sus-hépatiques, le liquide injecté reprend sa voie ordinaire, et rien ne passe plus par la veine porte. Courant rétrograde de la veine cave vers le foie. — Le foie peut encore recevoir du sang, alors que tous ses vaisseaux afférents sont liés. Cohnheim et Littex, comme on a vu plus haut, ont déjà expliqué certains résultats expérimentaux observés à la suite de la ligature de ces vaisseaux par le reflux qui se fait de la veine cave vers le foie. Le fait n'avait pas échappé à l'attention de Cl. Bernard, qui, dans ses Leçons sur le diabète, est très explicite à cet égard. Gl. Bernard note qu'après la ligature de la veine porte le foie n'est pas du tout exsangue, mais qu'il reçoit « par ,les veines sus-hépatiques » du sang qui vient refluer jusque dans le tronçon de la veine porte au-dessus du point d'oblitération. « En faisant une coupe transversale d'un lobe du foie de l'animal mort, mais dont le cœur battait encore, on voyait les battements de l'oi'eillette droite'pousser, à chaque con- traction, du sang qui jaillissait par les rameaux des veines hépatiques coupées. » a Quand on divise en travers un lobe du foie sur un animal vivant dont la veine porte n'a pas été liée, on voit au moment des mouvemements de la respiration le sang jaillir par les ouvertures béantes des veines et rentrer en attirant de l'air à chaque inspiration, de façon que l'animal meurt bientôt par entrée de l'air dans le cœur. » Au résumé, pour Cl. Bernard, la circulation du foie est telle « qu'il y a une sorte de reflux, oscillatoire perpétuel entre le sang de la veine porte et des veines sus-hépatiques », et, la veine porte étant oblitérée, le sang peut parfaitement entrer dans le foie par les veines efîérentes. Stolnikow a consacré à cette question toute une série d'expériences. Ce physiolo- giste pratique chez des chiens la fistule d'EcK. Les animaux survivent de trois à six jours, et à l'autopsie le foie a son volume normal : il est plein de sang et ne montre aucune dif- férence d'avec un organe dont les vaisseaux sont restés intacts. Chez d'autres animaux, à la fistule porto-cave on joint la ligature de l'artère; ces chiens vivent de trente-huit heures à quatre jours: ici encore le foie a ses dimensions normales et contient du sang. Dans une troisième série d'expériences, après avoir fait la fistule d'EcK, on lie tous les organes qui pénètrent dans le hile du foie, y compris les lymphatiques. Deux à quatre heures après, on'injecte dans la veine jugulaire une solution d'aniline, et au bout de cinq à quinze minutes on tue l'animal. On voit que le foie est coloré comme si on l'avait injecté parles veines sus-hépatiques; les veines centrales du lobule sont forte- ment colorées, la coloration diminue vers la périphérie, qui elle-même est incolore. Stolnikow attribue le reflux aux variations de pression produites par la respiration et les mouvements du cœur dans la veine cave, et il conclut, comme l'avait déjà fait Cl. Ber FOIE. 76t NARD, qu'il doit s'opérer, même dans les conditions normales, quand les vaisseaux du foie sont restés perméables. Il en fournit la démonstration par l'expérience suivante. On fait passer du sang défibriné dans la veine porte, sous une pression de 30 à 40 millimètres Hg, 6t dans l'artère hépatique sous une pression de 185 millimètres, pour se placer à peu près dans les conditions physiologiques de la circulalion hépatique. On injecte une solution d'aniline dans la veine crurale : si l'on fait alors une plaie dans un lobe du foie, on voit que la surface de section laisse écouler alternativement du sang défibriné et du sang coloré par l'aniline. Sur des fragments du foie extirpés à l'animal encore vivant on put constater au microscope que le lobule était fortement coloré par l'aniline autour de la veine centrale et incolore à la périphérie. Si l'on avait lié préalablement une veine sus- hépatique, il n'y avait pas trace de matièi-e colorante dans le territoire correspondant, tandis que le reste du foie était coloré. Par conséquent, le reflux veineux se produit, alors même que l'artère hépatique et la veine porte sont parcourues par du sang sous pression, et il serait même plus prononcé que dans les expériences où ces vaisseaux sont liés. Notons aussi que,'d'après Stolnikow, le courant sanguin rétrograde suffit pour assurer la nutrition du foie; la nécrose ne se produirait dans un segment de l'organe que si l'on a lié la veine sus-hépatique qui y a ses origines. Cet auteur est ainsi en contradiction avec les physiologistes qui font de l'artère hépatique le vaisseau nourricier exclusif du foie. Mais Massen et Pawlow sont arrivés à des résultats différents de ceux de Stolxikow. Dans les cas où la ligature de l'artère hépatique était combinée à la fistule d'EcK, et alors même que l'artère gastro-duodénale était respectée, la mort survenait au bout de douze à quarante heures, et le foie présentait les altérations de la gangrène. Quantité du sang du foie : action régulatrice de l'organe sur la circulation générale. — Brown-Séquard, en se basant d'une part sur la quantité de sang lancée parle ventricule gauche à chaque systole, et, d'autre part, sur le rapport des surfaces de section du tronc cœliaque, des artères mésentériques supérieure et inférieure à la surface de section de l'aorte, a estimé que chez l'homme il passe par le foie 1076 kilogrammes de sang en 24 heures. Flugge a évalué la quantité de sang qui traverse le foie en un temps donné d'après les considérations suivantes. Si l'on recueille le sang que laisse écouler l'organe après la mort, on obtient une masse de liquide qui équivaut au minimum à 20 p. 100 du poids du foie; le poids du foie équivaut lui-même à 3,50 p. 100 du poids du corps. Chez un chien de 20 kilogrammes, cet organe contient donc 140 grammes de sang. Ces 140 grammes traversent le foie en seize secondes, durée de la circulation hépatique, d'après les déterminations de Flugge, chez un chien de cette taille ; ce qui fait 500 grammes de sang par minute, 720 kilogrammes en vingt-quatre heures. Heidenhain calcule qu'un chien de 8 kilogrammes contient 615 grammes de sang, que la durée totale de la circulation est de treize secondes, que le poids du foie est au 1 poids du corps :: — . Si l'on admet que la masse du sang est uniformément répartie dans tout le corps, il passera en treize secondes dans le foie -^=:22 grammes, c'est-à-dire en vingt-quatre heures un peu plus de 146 kilogrammes. Seegen, chez trois animaux de taille différente, a déterminé directement la quantité de sang qui s'écoule par la veine splénique après qu'on a lié le tronc de la veine porte, et il a trouvé : 1° chez un chien de 7 kilogrammes une vitesse d'écoulement de 2 ce. par seconde, soit 179 litres en vingt-quatre heures (chiffre qui se rapproche de celui que Heide.xhai.n a établi par le calcul); 2" chez un chien de 10 kilogrammes, 233 litres en vingt-quatre heures; chez un chien de 40 kilogrammes, 433 litres eu vingt-quatre heures. Ces chiffres se rapportent à la période de pleine activité digestive, les expériences ayant été toutes faites trois heures après un dernier repas de viande. Pfluger a objecté aux déterminations de Seegex qu'elles ont été faites après ouverture de l'abdomen, et que cette opération doit nécessairement modifier les conditkms de la circulation hépatique. Les chifTres donnés par les divers auteurs n'ont évidemment qu'une valeur très approxi- mative, mais ils permettent néaimioins déjuger du degré^d'activité de cette circulation. De même, en étudiant l'infiuence du système porte sur la répartition du sang, Mall a constaté que le rétrécissement des vaisseaux abdominaux produit par l'excitation du nerf 762 FOIE. splanchnique peut déplacer une quantité de liquide qui va de 3 à 27 p. 100 de sa niasse totale, celle-ci étant évaluée à 7 p. 100 du poids du corps. On peut déjà se rendre compte de la distension dont le foie est susceptible par des observations faites sur le cadavre. « Tous ceux qui ont eu à pratiquer des lavages du foie savent combien, sous une pression relativement faible, on peut emmagasiner d'eau dans cet organe en produisant une véritable érection du tissu hépatique... Mo.nneret a montré qu'un foie de 1600 grammes tombe après évacuation du sang et lavage à 1269 grammes, pour s'élever au poids de 2523 grammes à la suite d'une injection forte, mais incapable de déterminer des ruptures vasculaires. Brunïon, et plus récemment Glénard et Siraud* ont confirmé ces résultats (GfLBERT et Carxot, Les fonctions hépatiques). » On comprend donc que le foie puisse jouer le rôle d'un réservoir, qui, annexé au sys- tème veineux, est destiné à recevoir l'excès de liquide qui à certains moments pénètre dans la circulation, ainsi qu'à épargner au cœur droit un travail trop considérable. Dans leurs expériences de lavage du sang, Dastre et Loye ont appelé l'attention sur l'imprégnation du foie et la dilatation des vaisseaux hépatiques par le liquide qui s'es accumulé dans [l'organisme. Le foie contribuerait ainsi pour sa part à l'équilibre de la pression artérielle. A la même époque, Johansson et Tiegerstedt signalaient des faits semblables, et mon- traient que le foie intervient pour garantir le cœur droit d'un afflux exagéré du liquide injecté dont il soustrait une quantité notable à la circulation générale. A la suite de trans- fusions de solutions salines ou de sang, ces physiologistes ont trouvé que le foie était devenu dur comme une planche, et qu'à la coupe il laissait écouler du liquide en abon- dance. Le foie est appelé constamment a exercer sa fonction de régulateur de la circulation, puisqu'il se trouve sur le trajet centripète de vaisseaux qui ont à absorber dans le tube digestif des quantités souvent considérables de liquide. Mais cette même action se manifeste encore sous une forme [différente, en ce sens que le foie sert de diverticulum aux courants rétrogades de la veine cave inférieure, lorsque le cœur droit est astreint à un surcroît de travail, et qu'il ne suffit plus à la tâche. C'est ce que montrent bien quelques-unes des expériences de Stolnikow. ^Les chiens auxquels ce physiologiste avait pratiqué la fistule d'EcK survivaient, en moyenne,' six jours; mais, lorsqu'il enlevait en même temps le foie lui-même, les animaux mouraient au bout de six heures. Immédiatement après l'opération, la fréquence du pouls se main- tenait à 110, la pression artérielle à 16 ou 17 centimètres; puis, au bout d'une demi- heure, l'une et l'autre commençaient à baisser graduellement jusqu'à la mort. A l'autopsie, le cœur était dilaté au plus haut degré, et avait l'aspect du « cor bovinum » classique; les grosses veines étaient fortement distendues. L'expérience ne diffère de la fistule d'EcK ordinaire que par l'absence du foie ; dans l'un et l'autre cas, le courant centripète de la veine porte ne peut plus évidemment passer par cet organe. Mais, tant que le foie est intact, il laisse le sang s'accumuler dans' son intérieur par l'intermédiaire des veines sus-hépatiques, et empêche ainsi la tension de s'élever trop haut dans la veine cave; il paraît donc représenter un mécanisme indispensable à la régulation du travail du cœur, puisque son absence produit rapi- dement la mort avec tous les signes de l'asystolie. Le foie offre ainsi, en diverses circonstances, un refuge à l'excès du sang qui reflue de la veine cave. A une phase de l'asphyxie, ou voit les ventricules se distendre, et l'insuffisance auriculo-ventriculaire se produire. A ce moment, les reflux veineux déter- minent un engorgement du foie qui se manifeste par une énorme augmentation de volume, avec pulsations de reflux. On reproduit ainsi le tableau clinique du foie distendu par la régurgitation tricuspidienne (François-Franck et Hallion). Ces phénomènes doivent correspondre au moment oîi le cœur, déjà affaibli, ne peut plus lutter efficacement contre l'augmentation des résistances périphériques due à l'action excitante du sang noir. (( Les cliniciens savent à quelles variations de volume parfois considérables sont exposés les foies cardiaques, en sorte que la valvule tricuspide constitue, pour ainsi dire, la valvule du foie, et que pour les cœurs forcés l'ensemble des veines hépatiques devient une annexe de l'oreillette droite. La valvule tricuspide une fois forcée, et le foie devenu, FOIE. 763 pulsatile, certains symptômes de l'asystolie, tels que la dyspnée, diminuent très nota- blement, le foie servant là encore, mais à rebours, de régulateur vis-à-vis du courant rétrograde qui s'établit alors (Gilbert et Carnot). » Le foie se comporte également comme un réservoir pour le sang veineux dans l'effort prolongé qui retient, comme on sait, ce liquide à l'entrée du thorax. Chez certains mam- mifères adaptés à la vie aquatique, chez lesquels les arrêts prolongés de la respiration, pendant le plonger, s'accompagnent nécessairement de stase veineuse, des dispositions anatomiques spéciales viennent en aide à cette fonction du foie : c'est ainsi que chez le phoque, le dauphin, la veine cave inférieure présente de vastes dilatations ampullaires, ou sinus, entre l'embouchure des veines sus-hépatiques et l'orilice du diaphragme. Bibliographie. — Une partie de la bibliographie des travaux cités a déjà été faite dans d'autres chapitres (Voir surtout Ligature des vaisseaux du foie) : nous n'aurons donc qu'à la compléter. — Traités d'anatomie de Sappey, Poirier, Testut, Debierre. — Cl. Bernard. Leç. sur les liquides de l'organisme, 1859, ii, 195. — CoHNHEia et Litten. Ueher Circidationsstôrungen \in der Leber. [A. A. P., 1876, Lxvn, 133). — E. Wertheimer. Recherches sur la veine ombil. [J. de l'Anat. 1886, xxii). — Rattone et Mondini. Sur la circulation du sang dans le foie (A. i. B., 1888, ix, 13; ihid., 1889, xii, 136). — Koeppe, Muskeln und Klappen in den Wurzeln der Pfortader {A. P., SuppL, 1890, 174). — Mariau. Recherches anatomiques sur la veine porte {D. Lyon, 1893). — Cavalié et Paris. Branches hépatiques de l'artère cystique {B. B., 1900, 434; ibid., 53). — Sabourin. Les communications porto-sus- hépatiques directes dans le foie humain {Rev. de médecine, 1900, xx, 74). — Suchard. Structure du tronc de la veine porte {B. B., 1901, 192 et 300). — Doyon. Anastomoses entre le système porte et le système des veines caves {B. B., 1901, 812). Brown-Séquard. Journ. de la Physiol., 1858, I, 298. — RosAPELLY.fiec/ierc/ies théoriques et expérimentales sur les causes et le mécanisme de la circulation du foie {D. P., 1873). — Flugge. Ueber den Nachweis des Stoffwechsels in der Leber (Z. B., 1877, xiii, 30). — Cl. Bernard. Leçons sur le diabète, 1877,340. — Heidemhain. Die Gallenabsonderung (H. H., v. — CoHNSTEiN et ZuNTz. UntersuchwKjcn uber das Blut, den Krcislauf und die Athmung beim Suùgefhier Fœtus {A. g. P., 1884, xxxiv, 173; ibid., 1886, xxxix, 126). — Quincke. Ueber die Enstehung Gelbsucht Neugeborener [A. P. P., 1883, xix, 34). — Ikalowigz et Pal. Ueber die Kreislaufsverhâltnisse in den Unterleibsorgancn [Wien. med. Presse, analys. in Virchoiv et Hirsch's J. B., 1887, i, 194).— SeegeiN. Zucker im Blute {A. g. P., 1884, xxxiv, 412). — JouANssoN et Tiegerstedt. Gegenseitige Beziehungen des Herzens und der Gefdsse [Skand. A. f. Physiol., 1889, i, 393). — Dastre et Loye. Nouvelles recherches sur l'injection de l'eau salée dans les vaisseaux sanguins (A. de P., 1889, 233). — Pfluger. Eiiiige Erklâ- rungen (A. g. P., 1891, l, 330). Zweite Antivort {ibid., 416). — Mall. Einfluss des Systems der Venu portx au f die Vertheilung des Blutes (A. P., 1892, 409). — Bayliss et Starling. Observations on venons pressures and their relationship to capillary pressures (J. P., 1894, XVI, 139). — Starling. The influence of mechanical factors of Lymph Production [Ibid., 1894, XVI, 224). — Cavazzani. Expériences de circulation dans le foie {A. i. B., 1896, xxv, 133). — GoLASANTi. Fonction protectrice du foie (A. i. B., 1896, xxvi, 338). — Sérégé. Contribution à l'étude de la circulation du sayig porte dans [le foie {Journ. de méd. de Bor- deaux, 1901, 271). § XXI;L — RÉSORPTION ET ABSORPTION DANS LE FOIE. Les substances produites dans le foie passent pour la plupart dans le système circu- latoire, les unes, comme le sucre, pour être utilisées par les différents tissus, les autres, comme l'urée, pour être transportées vers les émonctoires appropriés. Les matériaux de la bile doivent, au contraire, être éliminés par le foie lui-même. Mais dans certaines conditions ils sont résorbés sur place, et pénètrent, eux aussi, dans l'appareil de la circu- lation. Ce sont les voies et le lieu de cette résorption que nous étudions ici, ainsi que l'absorption de certaines substances introduites expérimentalement dans les canaux biliaires. Résorption de la bile, — La résorption de la bile est, en règle générale, un fait anormal. Cependant, chez les chiens, l'urine renferme souvent, à l'état physiologique, des 764 FOIE. pigments biliaires qui doivent provenir du foie, puisqu'ils sont accompagnés des acides biliaires (Nauny.n, Arch. f. An. u. Physiol, 1868, 430). Mais habituellement le passage d'une quantité appréciable de bile dans le sang résulte d'un obstacle à son évacuation; pour que la résorption se produise, il suffit que la pression dans les voies biliaires devienne quelque peu supérieure à la pression normale de la bile. Il y a donc lieu de déterminer d'abord la valeur de cette pression. Chez le cochon d'Inde, Friedlânder et Basch {Arch. f. Anat. u. Physiol. , 1860, 639) l'ont évaluée à environ 200 millimètres (i84 à 212 millimètres). Chez le chien, nous l'avons trouvée habituellement comprise entre 20 et 25 centimètres, c'est-à-dire que la bile s'élève à cette hauteur dans un tube vertical introduit dans le canal cholédoque. La colonne reste stationnaire lorsqu'il s'est établi un état d'équilibre entrera résorption et la sécrétion, autrement dit quand dans l'unité de temps il y a autant de bile entraînée par la circulation qu'il en est produit par les cellules hépatiques. Les chiffres précé- dents ont été obtenus alors que le bout hépatique du canal cholédoque était lié sur la canule. Mais, pour avoir la valeur exacte de la pression normale, il est préférable, comme Fa fait Burker (A. ;/. P., lxxxui, 1901, 241), d'introduire dans le canal une canule en T qui par sa branche horizontale permette l'écoulement de la bile vers l'intestin, tandis que sa branche verticale sert comme d'habitude de manomètre : la colonne liquide ne s'élève pas alors au-delà de 75 à 80 millimètres chez le lapin. Cette faible pression explique comment une concentration plus grande de la bile peut à elle seule empêcher le passage de ce liquide des capillaires biliaires vers les canaux interlobulaires : c'est ce qu'a observé Stadelmann chez des animaux empoisonnés par la toluylène-diamine, l'hy- drogène phosphore, etc., chez lesquels une fistule de la vésicule ne laissait pas écouler une goutte de liquide, bien que les capillaires biliaires fussent distendus outre mesure, et qu'il se produisît un ictère intense. Il suffit donc d'une pression peu élevée pour provoquer la résorption de la bile. Cependant, lorsqu'il existe un obstacle à son évacuation, la présence des pigments dans l'urine et les autres signes de l'ictère ne se manifestent qu'au bout de quelque temps. D'après Frerichs, il faudrait au moins attendre vingt-huit à trente heures; il y aurait pour VuLPiAN quelque exagération dans ces chiffres [Cours de la faculté de Méd., 1874, 127). AuDiGK [D. P., 1874) dit en effet avoir obtenu la réaction de Gmelin dans l'urine trois ou quatre heures après l'occlusion du cholédoque. Cependant Afanassiew [Zeiti^chr. f. klin. Med., 1896, vi, 290) considère comme des cas d'apparition précoce de l'ictère, ceux dans lesquels il est arrivé, par certains artifices expérimentaux, à déceler la présence des pigments dans l'urine, au bout de vingt-quatre heures. Voies de la résorption. — Quelle est la voie suivie par la bile lorsqu'elle s'introduit dans la circulation? Est-ce celle des vaisseaux sanguins ? Est- ce celle des lymphatiques? Il est curieux de noter que cette question a passé par des phases bien diverses. A l'époque où Tiedemann et Gmelin publiaient leurs célèbres expériences sur la digestion, on admettait, sans doute sous l'intluence des travaux de Magendie, que les veines sus- hépatiques étaient la seule voie ouverte à la bile résorbée. Tiedemaxn et Gmelin com- battent cette manière devoir comme trop exclusive. « Les résultats de nos expériences sur la ligature du canal cholédoque confirment, disent ces physiologistes, les observa- tions déjà faites par Peyer et Reverhobst, et renouvelées par Cruikshank, Mascagni, Som- MER1NG et Saunders sur la résorption de la bile par les vaisseaux lymphatiques : elles doivent faire rejeter l'opinion nouvelle qui nie l'absorption de la bile par ces vaisseaux (Die Verdauung nach Versuchen, 1827, ii, 40). » De nos jours, une thèse, qui est précisément l'opposée de celle qu'avaient réfutée Tie- demann et Gmelin, a prévalu : les lymphatiques seraient seuls chargés de transporter dans la circulation les matériaux de la bile. Cette thèse se fonde en effet sur une série de travaux dus à divers expérimentateurs, et tous confirmatifs les uns des autres. C'est d'abord Fleiscul qui, après avoir lié le canal cholédoque, recueille la lymphe par une fistule du canal thoracique, et la trouve chargée des principes de la bile, tandis que le sang retiré à l'animal cinq heures après le début de l'expérience n'en renferme pas trace. Il pose donc en principe « que la bile, lorsque ses voies d'excrétion naturelles sont obstruées, passe dans les lymphatiques du foie, et de là dans le sang par la voie exclusive du canal thoracique » [Ber. d. sachs. Ges. d. Wiss., Leipzig, 1874, 42). FOIE. 765 Ku.VKEL, un peu plus tard {Ibid., 1875, 232), appuie ces conclusions sur des dosages d'acides biliaires dans la lymphe, après ligature du cholédoque, sans qu'il ait toutefois recherché ces acides dans le sang. Mais Kofferath [A. P., 1880, 92) lie systématiquement dans un même temps le canal cholédoque et;le canal thoracique et trouve que les acides biliaires ne peuvent arriver dans la circulation que si la voie lymphatique leur est ouverte. Fleischl avait déjà affirmé que lorsque, après ligature du cholédoque, le canal thoracique est oblitéré accidentellement par un caillot, la bile ne passe pas dans le sang. KuFFERATH Sacrifiait ses animaux au bout de deux heures et demie. Plus tard, Vaughan Harley (A. P., 1893, 294) étudie à nouveau les effets de la ligature simultanée du cholé- doque et du'canal tlioracique ; mais il suit les chiens opérés pendant des jours et des semaines et arrive encore à des conclusions conformes à celles de ses prédécesseurs (Voir Article Bile, ii, 199). Dans l'article auquel nous renvoyons, Dastre émet l'avis que V. Harley a outrepassé la signification de ses expériences en considérant qu'elles démontrent le rôle exclusif du système lymphatique. Il n'en est pas moins vrai que ce sont elles qui ont peut-être le plus contribué k affermir cette opinion. D'un autre côté, Dastre ne pouvait opposer de faits expérimentaux aux conclusions de V. Harley, et au surplus les observations de Fleischl, Kunkel et Kufferath gardaient toute leur valeur. Il est vrai que Lépine et Aubert, en 1885 (B. B., 767), avaient déjcà signalé la résorption « éventuelle » de la bile par les vaisseaux sanguins. En soumettant le contenu des voies biliaires à une forte pression, 2 mètres d'eau, ces expérimentateurs avaient trouvé que le sang des veines hépatiques renferme immédiatement après une forte proportion d'acides biliaires. Mais on peut objecter que, dans cette expérience, la bile est soumise à une pression énorme, qu'elle n'aura jamais à supporter après l'occlusion du cholédoque, puisque, à la suite de cette opération, elle ne s'élève guère au delà de 27 à 30 centimètres dans ce canal. Or Heidenhaln a fait remarquer que, si l'on dépasse par trop la pression nécessaire à la résorption, il se produit des déchirures, des extravasations [Stud. d.phy- siol. Instituts, Breslau, iv, 233). Par contre, Wertuelmer et Lepage ont montré, par une série d'expériences systéma- tiques, que les vaisseaux sanguins prennent normalement et constamment une part très active à la résorption^des fragments biliaires, alors que la pression exercée sur les voies biliaires n'est pas sensiblement supérieure à celle que l'on observe dans le cholédoque après son oblitération. 1° Chez un chien curarisé ou chloralisé, on introduit une canule dans le canal thora- cique, et on reçoit la lymphe qui s'en écoule; pour plus de précaution on lie encore le confluent lymphatique du côté droit. [D'autre part, on isole le canal hépatique droit : on y fait pénétrer de la bile de bœuf ou de mouton sous une pression juste suffisante pour amener la résorption de ce liquide. Les autres lobes du foie continuent à fonctionner normalement, et on recueille leur]produit de sécrétion au moyen d'une canule, intro- duite le plus habituellement dans le canal hépatique gauche, quelquefois dans la vésicule biliaire. Le but de l'expérience est donc de faire résorber la bile étrangère par une portion du foie, et de rechercher si elle apparaît ou non dans la bile sécrétée par les autres lobes hépatiques, alors qu'elle ne peut plus être déversée dans le sang parles voies lympha- tiques. Au bout de quarante-cinq minutes, quelquefois déjà au bout d'une demi-heure, le spectre caractéristique de la bile étrangère de la cholohématine commence à se montrer dans la bile recueillie. Le pigmenta donc été résorbé dans les lobes droits du foie par la voie exclusive des vaisseaux sanguins, et, après avoir passé dans le courant de la circulation, il a été rejeté par les parties du foie qui peuvent continuer à éliminer leur produit de sécrétion. Pour que ces conclusions soient justifiées, il faut évidemment qu'il n'y ait aucune communication directe entre le canal hépatique droit par oii se fait l'injection de bile étrangère et le canal hépatique gauche par où l'on recueille la bile de l'animal en expé- rience; après que celui-ci a été sacrifié, on s'assure eu effet, par des injections de sulfin- digotate de soude, que ces communications n'existent pas. Alors que les lobes droits s'injectent parfaitement en bleu par le canal hépatique droit, il ne passe pas trace de la matière colorante dans le canal hépatiquejgauche ni dans le lobe correspondant. Notons 766 FOIE. en passant que Wertheimer et Lepaoe ont ainsi démontré incidemment, et avant Sérkgé, l'indépendance de la circulation biliaire dans les divers lobes du foie (B. B., 1896, 951 ; A. de P.. 1897, 363). 2° La résorption des matières colorantes de la bile par les vaisseaux sanguins était donc prouvée; mais la démonstration ne portait que sur un pigment spécial, la cholohé- matine, particulier à la bile des herbivores; il était bonde l'étendre au pigment normal, à la bilirubine. L'expérience est plus simple que la précédente, et par cela même peut-être plus con- vaincante. Une canule est introduite dans le canal cholédoque, afin de faire résorber par le foie une solution alcaline de bilirubine; le col de la vésicule est préalablement lié pour empêcher'le liquide injecté d'aller distendre ce réservoir; la résorption se fait sous une pression de 30, quelquefois de 35 centimètres. Deux canules placées, l'une dans le canal thoracique, l'autre dans la vessie, servent à recueillir la lymphe et l'urine. L'examen de ce dernier liquide permettra de décider si la bilirubine passe dans le sang, bien qu'elle ne puisse plus y être amenée par la voie du courant lymphatique. La présence du pigment dans l'urine se caractérisait soit par la réaction de Gmelin, soit parcelle de Maréchal et RosiN, soit par celle de Salkowski, souvent par les deux méthodes combinées. On put constater ainsi que, trois à quatre heures après le début de l'injection de bilirubine, l'urine était devenue franchement ictérique, et même la réaction de Gmelix se manifes- tait souvent plus tôt encore. Mais les lymphatiques prennent aussi part à la résorption. Très rapidement, la lymphe qu'on recueille par la fistule thoracique change de teinte, et la coloration particulière qu'elle prend suffit pour y dénoter la présence du pigment, qu'on y décèle facilement par la réaction appropriée. Ce fait d'ailleurs n'était pas en contestation ; ce que l'ex- périence démontrait une fois de plus, c'était la participation des vaisseaux sanguins à la résorption de la bile (A. de P. 1898, 334). 3° Enfin Wertheimer et Lepage ont, chez 30 chiens, pratiqué la ligature simultanée du canal cholédoque et du canal thoracique, et dans aucun cas ils n'ont constaté des faits semblables à ceux qu'avait observés Harley, c'est-à-dire .l'absence totale de l'ictère ou un retard prolongé dans son apparition. Le pigment s'est montré dans l'urine à peu près dans les mêmes délais que si l'on avait lié le cholédoque seul. L'en- semble de ces dernières expériences n'a été publié qu'en 1899, [Journal de Phys. 2o9) ; mais déjà en 1896 {B. B., 9oO) Wertheimer et Lepage avaient signalé que, chez 6 chiens auxquels ils avaient lié à la fois les deux canaux, ils avaient déterminé constamment de l'ictère. Entre temps, d'autres expérimentateurs étaient arrivés de leur côté aux mêmes résultats. Queirolo et Benvexuti [La Ri forma medica, 1898, p. 259 et Sem. médic, octobre 1898), ayant répété l'expérience de V. Harley concluent que l'occlusion simul- tanée du canol cholédoque et du canal thoracique n'empêche pas la manifestation de l'ictère : que l'occlusion du canal thoracique ne modifie ni ne fait disparaître [l'ictère produit par l'occlusion du cholédoque : que dans l'ictère par rétention, l'absorption de la bile dans le foie est due pour la plus grande part au système veineux intrahépatique. Gerhardt [Verh. des 43 Congr. der innere Medic, Wiesbaden, 1898, cité par K. Burker loc.cit.,) trouve également que, à la suite des opérations de V. Harley, l'ictère apparaît très régulièrement, et que, chez les animaux auxquels on les pratique, l'urine devient a aussi rapidement et aussi fortement ictérique que chez ceux dont le canal thoracique est resté libre ». Cependant, d'après Gerhardt, quand la voie lymphatique demeure ouverte, c'est elle qu'il faut considérer comme la voie normale suivie par la bile. Cette concession faite à la doctrine classique n'est pas fondée, puisque, dans les expériences de Wertheimer et Lepage, la cholohématine ou la bilirubine sont résorbées dans le foie par les vaisseaux sanguins, alors que le canal thoracique est absolument libre. 4° S'il fallait une dernière preuve que le système lymphatique n'est pas la voie exclu- sive de résorption de la bile, on la trouverait dans les faits suivants. L'ictère, si commun chez le chien au point qu'on pourrait l'appeler physiologique, est, comme l'a montré Naunyn, un ictère par résorption. Si l'opinion courante était exacte, une urine qui con- tient normalement du pigment biliaire devra cesser de donner laréaction de Gmelin après qu'on aura lié le canal thoracique. Il n'en est rien : le pigment ne disparaît pas. Dubois (Écho méd. du Nord, 1898) a publié quelques expériences de ce genre. Après ligature du FOIE. 767 canal lymphatique, il a recueilli l'urine, dans un cas pendant (juinze heure?, dans un autre pendant vingt-deux heures; les réactions despigmentsbiliaires persistaient toujours comme au début. Si l'on suit pendant plusieurs jours des animaux opérés de la même manière, l'urine continue à être ictérique tantôt d'une façon persistante, tantôt avec des interruptions, comme cela arrive d'ailleurs chez l'animal intact. Cette dernière série d'expériences est bien faite pour démontrer non seulement que les vaisseaux sanguins ne sont pas étrangers à la résorption de la bile, mais qu'au con- traire ils y jouent très probablement le rôle principal. La quantité de bile résorbée chez le chien à l'état physiologique est peu considérable, puisque sa présence dans l'urine ne s'accompagne d'aucune autre manifestation de l'ictère, et cependant cette faible propor- tion de matériaux biliaires passe exclusivement, après la ligature du canal thoracique, par les veines sus-hépatiques. Substances diverses absorbées dans les voies biliaires. — Heidenhain a montré que, si l'on fait pénétrer sous une certaine pression du sulfo-indigotate de soude dans le cholédoque, on peut reproduire en quelque sorte le tableau de l'ictère par résorption, si ce n'est qu'au lieu de la teinte jaune, les muqueuses, le tégument et l'urine ont pris une coloration bleue. Wertheimer et Lepage ont prouvé que le rôle principal dans la résorp- tion de l'indigo revient incontestablement aux vaisseaux sanguins. L'expérience est faite chez un chien morphine et chloroformé. On met en communication une solution de la matière colorante bleue avec le cholédoque, sous une pression d'environ 30 centimètres: on recueille l'urine dans l'un des uretères et la lymphe dans le canal thoracique. On constate que l'urine se colore en bleu dix à quinze minutes avant que la lymphe ait changé de teinte. Le pigment a donc passé dans le sang, et a été éliminé par le rein à un moment où la lymphe n'en renfermait pas de trace appréciable. Si d'ailleurs on cesse dès lors de laisser pénétrer l'indigo dans le cholédoque, la lymphe restera incolore {B.B., 1896, 1077). C. ToBiAS a vu aussi que la ligature du canal thoracique ne supprime pas l'absorption du ferrocyanure de sodium, de la strychnine, de l'atropine à la surface des conduits biliaires. L'iodure de sodium ne passerait ni dans le sang, ni dans les voies lymphati- ques, c'est-à-dire qu'il ne serait pas absorbé en quantité appréciable dans ces conduits. En rapprochant ses résultats positifs de ceux qu'a obtenus Harley, dont il considère l'opi- nion comme démontrée, C. Tobias conclut que la voie par laquelle se fait l'absorption à la surface des canaux biliaires semble différer suivant la nature de la substance ab- sorbée {Trav. Lab. de Frédébicq, 1893-95, v, 97). Si l'on introduit du lait dans le canal cholédoque sous une pression suffisante, au bout de peu de temps, les lymphatiques du bile et les ganglions correspondants apparaissent fortement colorés en blanc. Le fait a été signalé par K. Bcrker, qui y voit la preuve que les lymphatiques prennent une part active aux phénomènes de résorption; mais, pour prouver que cette observation ne peut avoir une portée générale, il suffit de rappeler ce qui se passe pour le sulfate d'indigo. Bcrker a encore fait absorber diverses substances par le canal cholédoque, mais sans se préoccuper des voies qu'elles suivent. La solution physiologique de CINa est absorbée très activement; pour un accroissement de pression de 1,5, les quantités résorbées sont quarante fois plus grandes. La résorption s'exerce d'une façon inégale sur les différentes substances ; modérément sur le sang, la peptone, l'urée, le glycocholate de soude; faible- ment sur la solution de bilirubine; très fortement sur la solution de glucose. La résorp- tion de bile diluée et de glycocholate de soude détermine des lésions intenses du parenchyme hépatique. Lieu de la résorption. — B'apvt-s Heidenhain, la résorption de la bile ou de toute autre solution introduite dans le canal cholédoque se fait dans les espaces interlobulaires. Le liquide aurait donc à traverser l'épithélium cylindrique et la paroi propre des canaux biliaires pour arriver dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques. Le siège de la résorp- tion, dit HErDENHAiN, ne se confond pas avec celui de la sécrétion : celle-ci a lieu dans l'intérieur du lobule, celle-là dans les canaux biliaires interlobulaires. Le principal argument, et, à vrai dire, le seul argument direct sur lequel s'est appuyé ce physiologiste, est le suivant : si l'on fait résorber à un animal de l'indigo-sulfate de soude, on ne retrouve la matière colorante que dans les conduits interlobulaires, et non 768 FOIE. dans les capillaires biliaires, alors même qu'il en a passé dans la circulation une quan- tité telle que les tissus sont fortement colorés en bleu. Par conséquent la sécrétion a dû continuer dans l'intérieur du lobule pendant que la résorption s'effectuait en dehors de lui. On s'explique aussi de la sorte que, si après une résorption prolongée d'indigo, on permet à la bile de s'écouler de nouveau librement au dehors, elle reprend très rapidement sa couleur naturelle. Si cependant, à la suite d'une rétention durable de la bile, on trouve les cellules hépatiques teintes en jaune, c'est que le produit de sécrétion a filtré secondairement de l'extérieur du lobule vers son intérieur. Mais le fait sur lequel repose l'argumentation de Hkidenhain n'a pas été confirmé par K. BuRRER. En modifiant la technique, cet expérimentateur a observé qu'à la suite de la résorption du sulfate d'indigo par le cholédoque, les capillaires biliaires intra-iobulaires se remplissent de matière colorante, principalement à la périphérie du lobule. Notons encore que, d'après Virchow (A. A. P.,18o7,xi, 374), l'épithélium des canaux biliaires absorbe activement la graisse et reprend par conséquent une partie de cette substance à la bile, qui en contient normalement une certaine quantité. E. "WERTHEIMER. § XXIII.- PHYSIOLOGIE COMPARÉE DU FOIE. SOMMAIRE. — I. Introduction. — Notions anatomiques. — II. Fonction pigmentaire du foie. — II. Fonction martiale. — III. Fonction adipogénique. — IV. Fonction digestive : Hépato-pancréas. — V. Autres fonctions. I. — Introduction. Notions anatomiques. 1. Définition. — Le foie, revêtement épithélial. — 2. Coelentérés. — 3. Vers. — 4. Arthropodes. Crustacés. Arachnides. — 5. Mollusques... a. Brachiopodes, fj. Lamellibranches, c. Gastéro- podes, d. Gymnobranches. e. Céphalopodes. — 6. Vertébrés. — 7. Développement embryogé- nique du foie chez les vertébrés. — 8. Variations anatomiques du foie. — 9. Constitution du foie. Lobule rasculaire. Lobule glandulaire. — 10. Cellule hépatique. — 11. Pancréas. 1. Définitions. — Définition anatomique. — Le foie est une « annexe de l'intestin moyen ». — Les anatomistes enseignent que le foie a une existence très générale. C'est un organe qui, envisagé au point de vue morphogénique, se confond d'abord avec l'intestin, puis s'en sépare graduellement. A cet égard, le développement phylogé- nique répèle le développement ontogénique. A l'état de première ébauche, le foie existe simplement sous la forme d'un revête- ment épithélial du tube digestif, distinct par sa couleur et ses caractères histologiques;. c'est ce qui arrive chez beaucoup de cœlentérés, chez beaucoup de vers et chez les insectes. Ce revêtement se précise et se limite dans une portion plus ou moins distincte de l'intestin moyen. Plus tard, le revêtement 'se circonscrit dans une dépression ou diverli- cule du canal intestinal : le foie présente ainsi un premier degré d'indépendance. Par un nouveau progrès, ce diverticule se divise et se subdivise en tubes glandulaires qui restent tantôt plus ou moins distincts ou qui, d'autres fois, se conglomèrent enfin en un organe compact. L'organe alors a atteint un haut degré de différenciation : c'est le foie tubulé des invertébrés et de quelques vertébrés. Enfin, les éléments perdent leur caractère d'acinis tubulés : ce sont des cordons pleins (cylindres de Remak) qui s'anastomosent. On a le foie massif ou lobule des verté- brés supérieurs. (( La différenciation du foie aboutit à sa séparation graduelle de l'intestin, séparation poussée finalement à tel degré, que l'organe n'est plus relié au tube digestif que par son conduit excréteur (Gegenbaur). » C'est ce qui se produit chez les mollusques supérieurs et chez les vertébrés supérieurs. Définition histologique. — Les cellules hépatiques sont des cellules de l'épithélium intestinal différenciées. La différenciation consiste en ce que le protoplasma est granu- leux et que ses granulations sont de trois espèces : les unes formées d'un pigment jaune brun : ce sont celles-là qui caractérisent optiquement l'organe ; les autres sont des gouttelettes graisseuses (Leydig); les dernières sont glycogéniques. FOIE. 769 Définition physiologique. — Le caractère le plus général du foie est donc d'être un organe pigmenté et chargé de réserves de graisse et de glycogène. Examinons maintenant brièvement les différents groupes. 2. Rayonnes. — A. Échinodermes. — Chez les Oursins le foie commence à se mon- trer comme un épaississement de l'intestin moyen dans lequel les cellules offrent les caractères des cellules hépatiques. Chez les Astéries, l'estomac envoie des appendices dans les bras; sur ceux-ci se greffent des cœcums tubulés, disposes en grappe, qui sont de véritables glandes hépa- tiques et qui remplissent toute la cavité virtuelle du bras. — Il s'y produit une sécré- tion : les aliments solides n'y pénètrent point. — Les cellules hépatiques sont des cellules cylindriques extrêmement longues. Cœlentérés. — Chez un grand nombre de Cœlentérés, on observe, dans la cavité élargie en cul-de-sac qui constitue l'estomac, un revêtement épithélial distingué par sa coloration, en général jaune ou brune. Les cellules colorées, pigmentaires, sont réparties assez également chez les Polypes hydraires. Elles sont distribuées en séries longitudinales dans la plupart des cas : chez les Anthozoaires et les Méduses, ces séries longitudinales sont disposées sur des replis saillants de la paroi stomacale. Chez les Siphonophores, ou, pour parler plus exactement, chez les individus nourriciers des Siphonophores,ces lignes longitudinales forment bourrelet au fond de la cavité diges- tive. Parmi ces Siphonophores, les Vélellides {Velella) présentent une disposition remar- quable en ce que ce sont les dernières ramifications gastriques qui deviennent hépa- tiques et forment un foie développé; le revêtement épithélial pigmentaire, au lieu d'être placé dans la cavité gastro-intestinale elle-même, existe dans une grande partie des conduits gastro-vasculaires qui y prennent origine (Kollikèr). Une partie de ces canaux est tapissée de cellules contenant des granulations de couleur jaune brunâtre, tandis que plus loin les conduits sont tout à fait incolores. Ce seraient là des canaux biliaires. Si cette attribution est exacte, le foie, chez ces animaux, offrirait un degré de différenciation assez élevé, puisqu'il serait constitué par des canaux s'ouyrant par des ouvertures en forme de fente dans l'estomac central. 3. Vers. — Les anatomistes considèrent également comme un foie rudimentaire le revêtement de cellules pigmentées qui existe dans la partie moyenne de l'intestin, chez beaucoup d'animaux appartenant au groupe des Vers. Leur caractère granuleux et leur coloration les font considérer comme jouissant de propriétés sécrétantes. Cette disposi- tion se montre chez les Bryozoaires; elle est très apparente chez les Rotifères. Chez les Annélides à tube digestif fortement ramifié (Âphrodites), c'est-à-dire dont la partie moyenne de l'intestin présente des appendices caecaux bien développés, on voit ces appendices se rétrécir, s'allonger et présenter le revêtement pigmentaire biliaire. C'est un commencement de différenciation, les conduits hépatiques venant s'ouvrir dans l'intestin moyen. Chez les Tuniciers, on retrouve les deux mêmes états du foie. Chez les Ascidies sim- ples, chez l'Appendieularia, l'intestin médian est revêtu d'une couche de cellules glan- dulaires colorées, regardées comme hépatiques. Dans les Ascidies composées, chez les Ainauruciiim, et aussi chez les Botrylloïdes, le revêtement hépatique est disposé dans une série de caicums. Chez les Salpes, il y a un appendice de ce genre, simple et quelquefois double, aboutissant au voisinage de la cavité gastrique, qui est également considéré comme un foie. Chez les Vers plats, la différenciation se produit de la même manière. Les ramifica- tions du canal intestinal de beaucoup de Trématodes sont tapissées de l'épithélium coloré considéré comme hépatique. Chez les Planaires, ce sont les extrémités seulement de ces ramifications qui seraient biliaires. 4. Arthropodes. — A. Crustacés. — Première forme. — Chez les Crustacés inférieurs il y a dans l'intestin moyen un revêtement de cellules colorées, pigmentaires, chargées de globules graisseux, considérées comme hépatiques. Les Crustacés de tous les ordres présentent des appendices Ccu:aus; qui s'ouvrent DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 49 770 FOIE. soit dans l'estomac — glandes gastro-hépatiques des entomostracés, — soit au commen- cement de l'intestin moyen — glandes hépato-py toriques des malacostracés. — Ce n'est que chez les formes les plus inférieures (Copépodes) que cet appendice est unique et médian. D'ordinaire, la disposition la plus simple est celle de deux courts diverticules — caecums simples des Daphnides, — Ces diverticules subissent chez d'autres espèces une complication. Us se multiplient, formant deux ou plusieurs paires, et s'allongent considérablement. D'autres fois, ils se ramifient en arborescences. Les culs-de-sac ter- minaux prennent le caractère glandulaire : ce sont alors de véritables foies. On peut constater chez les Phyllopodes tous les degrés de différenciation, depuis une simple expansion de la paroi intestinale, jusqu'à une glande tubulée richement développée. Ce terme extrême est atteint chez les Apus et les Limnadia. — Chez les Décapodes, la disposition est la même : les tubes ramifiés forment des groupes en forme de touffes compacte? qui remplissent le céphalo-thorax. Les tubes glandulaires, en nombre consi- dérable,-s'ouvrent les uns dans les autres, et finalement dans un canal commun latéral au pylore. Ces organes, colorés en jaune brun, constituent des foies véritables. Lorsqu'on en suit le développement chez les Décapodes, on les voit naître de deux simples dila- tations de l'intestin moyen; et c'est cette observation qui permet de rattacher le foie d'un Crustacé élevé, comme l'Écrevisse, aux cœcums permanents des Crustacés inférieurs. Les tubes sont formés dune fine membrane tapissée d'un épithélium sécréteur où l'on peut distinguer deux espèces de cellules, cellules-ferments (Weber) et cellules hépatiques riches en graisse. Chez les Crustacés décapodes on attribue à cet organe des fonctions multiples : digestive, absorbante, excrétive, martiale, glycogénique, d'arrêt pour cer- taines substances, anticoagulante, etc. 2"= forme. — Le foie existe encore sous une autre forme chez d'autres animaux de ce groupe. Les diverticules tapissés de cellules biliaires, au lieu de se concentrer en deux touffes de tubes, s'abouchant au début de l'intestin moyen, forment un plus grand nom- bre de loulTes échelonnées le long de cet intestin. On trouve ainsi des touffes glandu- laires ramifiées, colorées en jaune, vert ou brun, et disposées par paires, deux, quatre ou six, chez les Isopodes. De même, chez les Stomapodes, il y a dix paires de touffes biliaires à structure iiobée. Ces organes, ces pseudo-foies, sont évidemment des forma- tions analogues aux précédentes. B. Arachnides. — Dans ce groupe, les organes hépatiques se présentent comme dans le second groupe des Crustacés. Les cfecums antérieurs de l'intestin moyen gardent généralement la forme de poches, de diverticules. On les désigne comme des cœcums de l'estomac. Les touffes postérieures sont les véritables organes hépatiques; elles débou- chent, non plus au commencement, mais vers la fin de l'intestin moyen; il y en a trois paires chez les Araignées et cinq paires chez les Scorpions. La masse hépatique des Arachnides remplit une grande partie de la cavité abdomi- nale et pousse des prolongements qui s'insinuent entre les autres organes de celte cavité, organes circulatoires ou sexuels. C. Myriapodes et Insectes. — Les appendices de l'intestin moyen font défaut. Il est difficile de trouver aucun organe qui puisse être identifié au foie. 5. Mollusques. — L'intestin moyen présente, chez les Mollusques, des annexes dif- férenciés qui constituent un foie souvent volumineux et bien caractérisé. On y retrouve la disposition générale: diverticules pairs de l'intestin moyen, pouvant quelquefois être fusionnés en un diverlicule impair; ce ou ces diverticules, prolongés en tubes plus ou moins ramifiés, sont tapissés d'un épithélium pigmenté, de coloration plus ou moins vive, considéré comme sécréteur. — Au point de vue physiologique, le foie est un organe qui cumule les fonctions digestives (hépato-pancréas), avec le rôle de réserve générale (gly- cogène et graisse). A. Chez les Brachiopodes à charnière, le foie forme deux masses latérales entourant l'estomac et y débouchant par plusieurs orifices. Chez les Brachiopodes sans charnière, le foie prend moins d'extension : il est formé de tubes ramifiés aboutissant dans la dila- tation gastrique par de nombreux orifices (Cranta), ou par un seul résultant de la fusion des précédents (Ltn(/«6) avait constaté que le suc [acide de l'estomac des Mollusques {Loligo, Limax, Ostrœa) pouvait dédoubler les graisses. Griffiths (1888) a vérifié que la sécrétion hépatique des Céphalopodes et celle de la Patelle étaient capables d'émulsion- ner et de dédoubler les matières grasses. Biedermann et Moritz (1899) ont trouvé dans la sécrétion hépatique des escargots un fermentjlipasique e'nergique. L'absorption est précédée d'un dédoublement de la substance : elle est suivie d'une reconstitution de celle-ci. Il est remarquable que ces opérations ne s'accomplissent que dans le foie : on ne trouve jamais de graisse absorbée dans l'épithélium de l'estomac et de l'intestin, mais seulement dans celui du revêtement hépatique. 6o. Arthropodes. —A. Crustacés. — On a indiqué plus haut la variété anatomiqu« du foie chez les divers Crustacés, depuis les diverticules ou caecums hépatiques des Daphnies jusqu'à la grosse glande qui remplit le céphalothorax des Décapodes. On a indiqué, au point de vue histologique, l'existence dans les tubuli de la glande de deux espèces de cellules que M. Weber (1880) a distinguées en cellules hépatiques {Lcberzellen) pigmentées, et cellules ferments sécrétant un liquide clair vésiculeux. Le foie des Crustacés décapodes se décharge par deux conduits excréteurs débou- chant immédiatement au-dessous de l'estomac, et la sécrétion hépatique se répand dans cet organe. Celui-ci, d'ailleurs, est revêtu d'une membrane chitineuse et ne sécrète pas de liquide. La liqueur hépatique recueillie dans l'estomac contient les diastases amylolytiques et protéolytiques. ' La sécrétion du foie de l'écrevisse, du homard, a été étudiée par Stamati (1888) au moyen de la fistule opérée sur ces animaux (procédé de Dastre). Ce sue est alcalin, contrairement à ce qu'avaient dit Hoppe-Seyler (1876) et Krukexberg (1878). Ce liquide manifeste des propriétés protéolytiques et amylolytiques; il agit sur les graisses. Les extraits aqueux du foie ont ces mêmes propriétés, déjà vues par Krukexberg (1878), par Cattaneo (1887). On a discuté sur la nature des ferments protéolytiques : ce seraient tantôt de la pepsine agissant en milieu acide, tantôt la Irypsine agissant en milieu alcalin. A défaut de cette hypothèse, il faudrait admettre qu'il s'agit d'une trypsine particulière pouvarrt agir plus ou moins eflicacement en présence d'un léger excès d'acide ou enfin qu'il s'agit d'une protéolyse s'accomplissant dans des conditions différentes de celles des vertébrés supérieurs. L'activité digestive du suc hépatique sur les albuminoïdes n'est pas douteuse, La fibrine est digérée rapidement ; l'albumine coagulée l'est lentement à la température ordi- naire. L'effet est accéléré à la température de I'étuve. L'activité amylolytique a été constatée également. L'activité ceilulolytique a été reconnue aussi chez l'écrevisse, par Biedermaxx et Moritz (cylase). L'utilité de ces deux ferments, amylase et cytase, s'explique par ce fait, qu'à défaut de nourriture animale l'écrevisse se nourrit fort bien de végétaux. II faut noter, incidemment, que la sécrétion hépatique contient une substance qui*a une action anticoagulante, lorsqu'elle est injectée à un mammifère. B. Arachnides et myriapodes. — Les Arachnides ont un tube digestif droit à trois parties : intestin antérieur à œsophage court, suivi d'une dilatation stomacale; intestiii moyen, qui reçoit des diverticules ou cœcums abondamment ramifiés dont l'ensemble peut être considéré comme un foie. L'intestin terminal présente des tubes de Malimchi urinaires. 806 FOIE. C'est l'ensemble des diverticules oucecums de l'intestin moyen, encore désigiiépar le nom de glande abdominale ou foie, qui joue le rôle capital dans la digestion. La sécrétion est un liquide jaunâtre, à réaction légèrement acide, qui jouit de propriétés protéo- lytiques énergiques : ilcontient aussi une diastase amylolytique, et une lipase pour la saponification des graisses. Ce sont les propriétés d'un pancréas (Plateau, 1877 ; A. Grif- FITHS, 1892). La disposition est sensiblement analogue chez les Myriapodes. La sécrétion est à réaction légèrement alcaline. Les diastases digestives, proléolytiques sont actives ; les diastases amylolytiques moins énergiques. L'intestin moyen paraît ainsi afîecté à la digestion. Nous allons voir qu'il l'est aussi à l'absorption. VI. — Fonction d'absorption alimentaire. 66. Le foie organe d'absorption alimentaire chez les Invertébrés. — 67. Absorption alimentaire chez les Vers. — 68. Fonction d'absorption du foie chez les Mollusques. Expériences de Bieder- MANN. — 69. Absorption hépatique chez les Crustacés. — 70. Absorption hépatique chez les Arachnides et les Myriapodes. 66. Le foie organe d'absorption alimentaire chez les Invertébrés. — Chez beaucoup d'Invertébrés, c'est au foie qu'est dévolue la plus importante des fonctions qu'exerce l'intestin des animaux supérieurs ; à savoir, l'absorption alimentaire. Ces ani- maux ont souvent un intestin qui présente peu de développement superficiel, qui est court et sans circonvolutions; de plus, son revêtement peut être imperméabilisé en grande partie par un dépôt chitineux, comme il arrive chez les Crustacés. Bref, la sur- face absorbante risquerait d'être insuffisante pour l'absorption. L'intervention du foie pare à cet inconvénient. Chez beaucoup de Mollusques, le foie n'est pas seulement un organe accessoire de l'absorption: il en est l'instrument principal. Et l'intestin, contrairement à l'opinion commune, ne, jouerait dans cet acte qu'un rôle insignifiant. Même chose chez les Crustacés. On peut admettre qu'il en est de même chez les Vers. 67. Absorption alimentaire chez les Vers. — Chez les Vers, cependant, la ques- tion a été très discutée. Le foie de ces animaux est constitué, comme nous l'avons dit, par des appendices ou ctecums intestinaux. On a d'abord pensé que l'office de ces tubes cœcaux était de multiplier la surface absorbante de l'intestin. On n'aperçut que plus tard leur activité sécrétrice. Krukenberg, en 1882, mit en lumière ce rôle sécréteur et il le jugea incompatible avec le rôle absorbant. Il crut qu'un organe ne pouvait être, à la fois, sécréteur et absorbant. Il nia, en particulier, la faculté d'absorption chez les grandes Annélides, les Aphrodites (A. Aculeata). Confirmant cette interprétation, .I.-G. Darboux, en 1902, n'a pas vu de granulations alimentaires dans le fond des culs- de-sac hépatiques de ces animaux. D'autre part, Setti, au contraire, a aperçu ces granu- lations (1902). D'ailleurs on ne peut admettre, par voie de généralisation, que la solution apportée par Biedermann, Saint-Hilaire et Cuénot dans le cas des Mollusques et des Crustacés s'applique aux Vers. 68. Fonction d'absorption du foie chez les Mollusques. Expériences de Biedermann. — Le foie, chez beaucoup de Mollusques, sert à l'absorption. Les zoolo- gistes ont prétendu distinguer ce qui est une ramification hépatique de l'intestin de ce qui est un simple diverticule, par ce caractère que les aliments ne pénètrent point dans le conduit hépatique, et qu'il ne peut y avoir d'absorption. C'est là une erreur qui ne peut plus se soutenir. Déjà Barfurth, en 1883, avait exprimé l'idée que le chyme pénétrait normalement dans les voies hépatiques. Biedermaxn et Moritz (1899) en ont donné la preuve. La pénétration de la masse alimentaire dans les^conduits hépatiques se démontre de la manière suivante. En nourrissant des escargots avec de la bouillie d'amidon, on observe que la masse d'excréments reproduit la forme du canal digestif, et qu'elle est recouverte de boudins plus fins, englués d'une couche de mucus et moulés sur les canaux excréteurs du foie. — Une bouillie de farine pénètre non seulement dans les conduits FOIE. 807 excréteurs principaux, mais dans les lubuli secondaires, où une coupe peut la déceler.— Après un séjour plus ou moins prolongé dans les profondeurs du foie, la masse non digérée est expulsée par le mouvement de l'épitliélium vibralile qui tapisse les conduits hépatiques. De plus, le tissu du foie est contractile et contient des muscles dans les divers tubuli, muscles qui permettent la dilatation et la contraction de ces conduits. L'absorption des produits de la digestion a été constatée, au moins en ce qui concerne les matières protéiques, de la manière suivante : On nourrit un escargot avec un mélange de farine et d'albumine finement divisée et colorée par le carmin. On retrouve dans les canaux hépatiques des grains d'amidon, mais point d'albumine, celle-ci- a été digérée et absorbée, et l'on en a la preuve en retrouvant dans quelques tubuli acineux les cellules de revêlement colorées en rouge [cellules hépatiques de Barfurth, cellules absorbantes de Biedermann). « Le contenu liquide de la dilatation gastrique et des parties voisines de l'intestin est poussé donc dans le foie et s'y résorbe en partie; le reste est refoulé dans la cavité gastro-intestinale pour être renvoyé de nouveau au foie. Le môme va-et-vient recom- mence jusqu'à ce que la plus grande partie du chyme ait été absorbée. » Le foie, selon cette manière de voir, serait non pas seulement un organe accessoire de l'absorption, mais son instrument principal, et l'intestin, contrairement à l'opinion commune, ne jouerait dans cet acte qu'un rôle à peu près nul. La dilatation décrite par Gartenauer (1875), sous le nom de c«c« '5) = 1 •S S « > I ^ D. Phénomènes chimiques et échanges gazeux respiratoires dans le frisson thermique. — J'ai cherché à savoir ce que devenaient les échanges chez les animaux frissonnants. 11 eût été désirable d'expérimenter sur les chiens non chloralisés, mais alors le frisson est très intermittent et irrégulier; de sorte que cela ne pern)et aucune conclusion. 11 a DICT. DE PHYSIOLOGIE — TOME VI. ij i 830 FRISSON. donc fallu comparer entre eux des chiens cliloralisés ; et parmi ceux-là ceux qui frisson- nent et ceux qui ne frissonnent pas. Voici la comparaison (pour le CO^ en poids par kilogramme et par heure) chez les uns et les autres. Comme ces chiens étaient de différentes tailles, et que le CO- excrété par kilogramme est inversement proportionnel à la taille, on a mis en face du chiffre obtenu le chiffre théorique se rapportant à la quantité de CO- excrété normalement par des chiens de même poids, d'après le tableau demi-schématique "que j'ai dressé dans un travail antérieur {Trav. du Lab., 189b, 1,532). CO^ du chien chloralisé. CO^ (cD grammes) C02 du chieii normal. Le chien normal ayant 100. Cliiens chloralisés. grammes. 1. . . 0,234 1,250 20 2. . . 0,450 1,185 38 3. . . 0,187 1,300 7 4. . . 0,288 1,250 43 Quelque disparates que soient ces quatre expériences, elles peuvent cependant com- porter une moyenne : soit, si le chien est profondément chloralisé, 100 étant la normale du CO^ excrété à l'état de veille; cette quantité sera sensiblement de 25 pendant la chlo- ralisation sans frisson. Mais, si le chien frissonne, la quantité de CO- croit beaucoup. Voici six expériences dans lesquelles, pour des chiens de 10 kilogrammes, chez qui par conséquent le poids de CO- par kilogramme et par heure était de lsr,250, le CO- excrété a été : 0,63U; 0,342; 0,688 '. 0,875 ; 1,203; 0,645 Ces chiffres nous donnent une moyenne de 0,72; ce qui fait, en rapportant à 100 le CO- de l'état normal, un chiffre de 58 p. 100. Donc, dans le frisson de l'animal chloralisé, la quantité de CO- s'est élevée; mais elle n'est pas encore aussi forte que la quantité de CO- normalement excrétée. Il faut donc, conséquence assez importante, pour qu'un chien chloralisé puisse se réchauffer, qu'il frissonne avec une très grande force. Dans un cas de fiisson violent la production a dépassé beaucoup la moyenne. Elle a été de lf="',9o au lieu de 18'',25. Alors on voyait, en même temps que le frisson et le taux croissant du CO^ excrété, s'élever la température du chien, et on assistait ainsi à la démonstration formelle de la corrélation très simple qui unit ces trois phénomènes, contraction musculaire, combustion du carbone et réchauffement du corps. Le quotient respiratoire tend aussi à s'élever, ce qui est l'indice d'une combustion des hydrates de carbone, qui brûlent dans le muscle. Mais la différence est assez faible. Pendant et )oriences. Avant le frisson. après le frisson. 1 0,70 0,84 2 0,55 0,63 3 0,77 0,79 4 0,87 0,84 5 0,74 0,69 6 0,75 0,81 oyennc. . . . . 0,73 0.77 Une expérience intéressante établit une analogie évidente entre les conditions de la polypnée thermique et celles du frisson thermique. En effet, comme je l'ai montré jadis, si l'oxygénation du sang qui irrigue le bulbe n'est pas parfaite, il n'y a pas de polypnée thermique. Ce phénomène de régulation respiratoire ne peut avoir lieu que si la fonction chimique respiratoire est complètement satisfaite. De même pour le frisson thermique. Si l'on commence à asphyxier un chien qui frissonne, au moment où l'asphyxie com- mence à s'établir, ce qui est rendu manifeste par la coloration violacée de la langue, le frisson cesse, et il ne reparait que lorsque quelques inspirations d'air pur auront rétabli la teneur normale du sang en gaz oxygène et anhydride carbonique. Ainsi la cessation du frisson était bien due au phénomène chimique de l'asphyxie, et il n'y a de frisson Iher- FRISSON. 851 mique, comme il n'y a de polypnée thermique, que si la fonction fondamentale de la vie, c'est-à-dire la saturation du sang en oxygène, est complètement satisfaite (Gh. Richet. Des phénomènes chimiques du frisson. B. D., 1893, 33-35). Dans ses expériences sur le réchauffement des animaux hibernants, R. Dubois a observé des tremblements nmsculaires corrélatifs à l'élévation de la température primi- tivement basse {Sur le frisson musculaire chez l'animal qui se réchauffe automatiquement. B. B., 1894, 115-117. Ch. Richet. Le frisson musculaire comme procédé thermogène, ibid., 1894, 151). Mais il ne pense pas qu'il s'agisse là d'un procédé de réchauffement. En effet, comme il le dit lui-même, ces trémulations ne ressemblent pas au grelottement du chien, du lapin ou de l'homme qui ont froid : ce sont des trémulations localisées, inter- mittentes, dues peut-être à la circulation d'un sang plus chaud ou différemment oxy- géné. Pour lui le mécanisme du réchauffement de la marmotte consiste dans les phéno- mènes chimiques intra-hépatiques dont il a démontré la réalité, et non dans le frisson. 11 me parait cependant que, si ces trémulations sont impuissantes à réchauffer l'hiber- nant, on ne peut les comparer aux grands frissons des animaux non hibernants qui se réchauffent : et rien ne nous autorise à assimiler les faibles trémulations fibrillaires de lamarmotte envoie de réchauffement au vrai frissondu chien refroidi. J'admets d'ailleurs comme parfaitement plausible que le procédé de réchauffement n'est pas unique, et il me paraît légitime de supposer que, parallèlement à l'activité croissante du foie dans ses combustions chimiques, il n'y aurait aussi, concourant au même but, la contraction généralisée de tous les muscles de l'organisme. Le frisson thermique nous apparaît donc comme le procédé que la nature a employé - pour obtenir le re'chautïement automatique involontaire des animaux refroidis. Le plus souvent le frisson réflexe suffit. « Lorsque le corps, dit L. Fredericq {Arch. de BioL, 1882, m, 759), est exposé au froid, on ressent un certain degré de raideur dans tous les mus- cles du corps; celle-ci se lie intimement au tremblement involontaire qui survient par voie réflexe lorsque l'action du froid est poussée plus loin. La tension augmente, et finit par se transformer en un tremblement intermittent. » Mais que ce frisson réflexe soit insuffisant, alors les centres eux-mêmes réagissent; car ils sont excités par l'abaissement de leur température propre, et l'animal frissonne, parce que ses centres nerveux refroi- dis commandent des contractions musculaires généralisées, de manière à faille de la chaleur et à produire la température qui leur est nécessaire. Du frisson envisagé au point de vue de son mécanisme. — Une des caracté- ristiques du frisson, lorsqu'il est à ses débuts, c'est d'accompagner les inspirations, et de cesser à peu près complètement dans l'expiration et dans les pauses respiratoires. Le fait a une certaine importance, au point de vue de la cause qui détermine le frisson. Il est en effet permis de supposer que dans le rythme respiratoire il y a une période de plus grande excitabilité, qui se traduit par l'incitation inspiratoire, et une période de moindre excitabilité qui succède à la phase d'excitation excito-motrice de la respiration. Si donc l'animal frissonne pendant l'inspiration, c'est qu'à ce moment les centres encéphalo- raédullaires sont dans un état d'excitabilité accrue. Les excitations réflexes modifient le frisson en agissant sur les centres nerveux qui commandent aux muscles. Si à un chien refroidi et frissonnant on fait une aspersion d'eau chaude, on arrêtera soudain tout tremblement. 11 est clair que ce n'est pas le réchauffement qui a agi ; car la température rectale, à la suite de cette passagère aspersion d'eau chaude, n'a pas été sensiblement modifiée, et, tout de suite après, le frisson reparaît, comme précédemment (Voy. la fig. 3. p. 319 de mon mémoire). On sait qu'il en est de même pour la polypnée thermique. Des excitations réflexes la modifient, quand elle n'est pas trop intense : une excitation douloureuse, par exemple, ou une déglutition. De même aussi les incitations volontaires peuvent modifier le frisson. Boeri donne un graphique de frisson pris sur un malade atteint de fièvre quarte (fig. 7, tracé 32) où on voit le frisson complètement arrêté, pour quelques secondes tout au moins, par la volonté. De sorte que le frisson, commandé par les centres bulbaires, peut être certaine- ment arrêté ou diminué par les incitations réflexes de la périphérie sensible, ou les inci- tations volontaires de la périphérie cérébrale. ■ J'ai pu montrer, par yne expérience très simple, que le frisson est bien un phénomène 852 FROID. — FRUCTIFICATION. Lulbaîre. En effet, sur un chien chloralisé et fiissonnant.j'ai coupé la moelle épinière au niveau de la première vertèbre dorsale. La respiration a continué; mais le frisson acessé subitement, et, au bout de quelques minutes, on a pu constater, dans les muscles du cou animés par des nerfs dont l'origine est supérieure à la septième cervicale, que le frémis- sement n'en avait pas disparu, et qu'il continuait à se faire d'une manière rythmique. Il était très intéressant de mesurer la fréquence des contractions musculaires du frisson. C'est une recherche 1res facile, et il suffit d'inscrire les contractions sur un cylin- dre enregistreur en les chronographiant. J'ai trouvé sur le lapin et le chien des chiffres variant entre 10 et 12 par seconde, ce qui coïncide absolunient avec la période propre de la contraction du système nerveux (A. Broca et Ch. Richet. Période réfractaire dans les centres nerveux. Trav. du Lab., 1902, v, 128). Ce chitfre coïncide avec le nombre maxi- mum des contractions volontaires pouvant être exécutées par seconde, qu'il s'agisse du bulbe ou de l'écorce cérébrale. Il semble donc que la période des centres nerveux soit la même, c'est-à-dire de 0",1 environ. D'autre part Herrtngham, étudiant les tremblements pathologiques {On muscular tremor. J. P., 1896, xi, 481) a trouvé un rythme de 9, 10, II, 1 2 par seconde ; et Boeri, dans ses études sur le frisson des malades, a trouvé des chiffres variant entre 8 et 12 par seconde. CHARLES RICHET. FROID. — Voyez Chaleur, m, 8i. FRUCTIFICATION. — Pendantque les ovules se transforment en graines, les parois du pistil éprouvent des modifications qui le font transformer en fruit : c'est le phénomène de la fructification. A ce point de vue purement physiologique, les fruits peuvent se grouper naturellement en deux catégories: 1° Les fruits secs ou les parois des carpelles ne s'accroissent que jusqu'au moment où les graines parachèvent leur maturité. A partir de ce moment, les matières nutri- tives y contenues émigrent dans les graines ou dans le reste de la plante, en même temps que les parois se dessèchent. Dès lors, les uns s'ouvrent (capsules, gousses, siliques, etc.), les autres restent telles quelles et tombent avec la graine, à laquelle ils constituent une enveloppe protectrice (Akènes, etc.). Le mécanisme du dessèchement [des parois est encore mal connu et mériterait de nouvelles recherches, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue de la phy- siologie et de la chimie. On sait seulement que, dans certains pédoncules, il se produit un tissu cicatriciel comme ceux des pétioles au moment de la chute des feuilles. Le procédé par lequel s'ouvrent les capsules est mieux connu, grâce aux recherches de Leclerc du Sablon (Thèse de Paris, 1884). Il résulte de ses éludes que les deux propositions suivantes suffisent pour expliquer tous les cas de déhisrence qu'on observe sur les fruits secs : 1° Les fibres lignifiées se contractent moins dans le sens de leur longueur que dans une direction perpendicu- laire; 2° Des éléments cellulaires de forme quelconque lignifiés se contractent d'autant plus, toutes choses égales d'ailleurs, que leur parois sont plus épaisses. La structure des fruits déhiscents fournit de nombreuses vérifications de ces propo. sitions, qu'on peut d'ailleurs démontrer expérimentalement. Dans un copeau de bois mince ethomogène taillé perpendiculairement à la direction des fibres, on découpe deux rectangles plans de même dimension, la direction des fibres étant parallèle au petit côté de l'un et au grand côté de l'autre; on les imbibe d'eau séparément, puis on les colle l'un contre l'autre, de façon qu'ils coïncident dans toute leur étendue et que les fibres de l'un soient dans une direction perpendiculaire aux fibres de l'autre; on les laisse ensuite se dessécher. On voit alors le système, d'abord plan, se recourber de telle manière que la partie convexe présente ses fibres parallèles à la ligne de plus grande courbure. Un plan passant par cette ligne coupe donc les fibres de la partie annexe parallè- lement à leur direction et celles de la partie concave perpendiculairement. C'est, en général, suivant le grand côté du rectangle qu'on observe la courbure ; mais il est évident qu'elle a les mêmes raisons de se produire suivant le petit côté. Le même copeau peut même présenter à la fois les deux courbures, autant que sa forme primitive peut lui permettre de le faire sans se déchirer. Si l'on rend au copeau l'eau qu'il a perdue, FRUCTIFICATION. 853 il se redressera, et on pourra, en l'humectant et le dessécliant alternativement, le faire se recourber ou se redresser autant de fois qu'on voudra. La seconde proposition, énoncée plus haut, est susceptible d'une démonstration ana- logue : on prend deux copeaux de bois dont l'un est composé de cellules à parois plus épaisses que l'autre et, autant que possible, semblables d'ailleurs : on les laissé s'imbi- ber d'eau, puis on les colle l'un contre l'autre, de façon à les faire coïncider dans toute leur étendue. En laissant le système des deux copeaux se dessécher, on les voit se recourber, et c'est celui qui renferme les cellules aux parois les plus épaisses qui se trouve sur la face concave, et qui, par conséquent, s'est contracté le plus. Il va sans dire qu'en reprenant la quantité d'eau qu'ils ont perdue, ces copeaux se dilatent comme ils s'étaient contractés en se desséchant et reprennent leur forme primitive. On peut donc conclure que les cel- lules se contractent d'autant plus par la dessiccation que leurs parois sont plus épaisses. Il est assez difficile de se procurer des copeaux remplissant les conditions nécessaires. Le meilleur moyen consiste à choisir un arbre, tel que le Frêne où le Mûrier, où les élé- ments ligneux formés en automne soient plus petits et à parois beaucoup plus épaisses que ceux formés au printemps. On fait avec un microtome une coupe transversale d'une assez grande étendue, et c'est dans cette coupe, présentant plusieurs couches annuelles, qu'on peut découper des copeaux formés uniquement d'éléments à parois minces ou à parois épaisses. Si l'on prenait des copeaux sur des arbres différents, il serait à craindre que la structure ou la composition chimique du bois ne fût pas la même dans les deux copeaux. On ne saurait alors s'il faut attribuer la différence de contraction à la différence d'épaisseur des parois ou à une autre cause. Dans sa thèse, Leclerc du Sablon indique un certain nombre d'expériences faites pour montrer que la déhiscence des fruits secs est produite par la dessiccation. Les prolongements fibreux qui surmontent chaque carpelle de ÏErodium peuvent, mieux que tout autre exemple, montrer cette influence de l'humidité sur la déhiscence. Ces prolongements, on le sait, s'enroulent en spirale d'une façon assez complexe; si on les plonge dans de l'eau ou dans une atmosphère saturée d'humidité, on les voit aussitôt se dérouler et reprendre la forme primitive; si on les laisse se dessécher, ils s'enroulent de nouveau. On peut recommencer l'expérience aussi souvent qu'on veut avec le même carpelle sans que les humectations elles dessiccations alternatives fassent rien perdre de leurs propriétés aux tissus. Il n'est pas nécessaire, pour que l'expérience réussisse, d'opérer sur un fruit récemment ouvert; un filet d'Erodium enroulé depuis plusieurs années peut encore se dérouler en reprenant la quantité d'eau suffisante. Dans ce cas, il est bon d'employer de l'eau chaude : le résultat est obtenu beaucoup plus promptement. Pour humecter les tissus et empêcher ainsi la déhiscence, on peut remplacer l'eau par d'autres liquides, des acides, des bases ou même de l'alcool. Mais, si l'on met dans la glycérine un fruit non encore ouvert, on voit la déhiscence se produire comme [par la dessiccation. Si l'action se prolonge, cette influence de la glycérine semble en quelque sorte changer de sens : le fruit se ferme peu à peu et reste définitivement fermé si les circonstances restent les mêmes. Ces deux résultats successifs, et en apparence contra- dictoires, peuvent s'expliquer facilement par la double propriété qu'a la glycérine d'être avide d'eau et d'avoir un faible pouvoir d'imbibilion. En effet, si l'on plonge un fruit imbibé d'eau dans la glycérine, l'eau des tissus est d'abord absorbée par la glycérine sans être remplacée par un autre liquide; l'effet produit est donc le même que si l'on dessé- chait le fruit. Mais, au bout d'un certain temps, la glycérine mêlée à l'eau imbibe peu à peu les parois des cellules, et le fruit, de nouveau humecté de liquide, se referme. Une des principales causes qui activent la dessiccation du fruit est l'élévation de tem- pérature. C'est en effet pendant l'été et au moment le plus chaud de la journée que les fruits s'ouvrent le plus fréquemment. On peut d'ailleurs, en approchant un fruit d'une source quelconque de chaleur, provoquer la déhiscence ou l'augmenter lorsqu'elle s'est déjà produite. L'expérience est surtout frappante avec des capsules de ricin ou d'euphorbe qui s'ouvrent avec explosion lorsqu'on les porte à une température suffisamment élevée. Il est difficile de préciser la température nécessaire à la déhiscence d'un certain fruit; car cette déhiscence dépend, comme nous le verrons, de bien d'autres circonstances qu'il est impossible d'apprécier avec exactitude. Soi FRUCTIFICATION. On peut se rendre compte de cette intlucnce de la chaleur sur l'ouverture des fruits, en remarquant que l'élévation de température favorise l'évaporalion de l'eau renfermée dans les tissus, et par conséquent active la dessiccation ; mais la chaleur a-t-elle sur la déhiscence une action propre indépendante du dessèchement qu'elle produit? on ne peut le conclure des expériences que j'ai citées, où les fruits s'ouvraient sous l'action de la chaleur, car on ne sait pas si l'on doit attribuer le résultat obtenu seulement au dessé chement produit parla chaleur, ou en partie à la chaleur elle-même. Le meilleur moyen d'isoler _ces deux causes consiste à opérer à des températures différentes, sans changer l'humidité du fruit. Pour être certain qu'en changeant la tem- pérature, on ne change pas aussi la quantité d'eau l'enfermée dans les tissus, il est com- mode de n'observer que des fruits complètement desséchés ou plongés dans l'eau. Dans une première série d'expériences on mettra donc des fruits déhiscents dans de l'eau à des températures différentes. Si, par exemple, on met dans de l'eau bouillante une valve de Spartlum junceum, elle se déroule rapidement, et reste immobile lorsqu'elle a atteint une certaine position limite. Transportée dans de l'eau à zéro, cette valve éprouve un léger changement de forme : elle commence à s'enrouler comme si elle se desséchait; mais ce mouvement est faible et il faut une certaine attention pour l'apercevoir. Les fruits d'Erodium peuvent donner des résultats analogues; le filet qui surmonte chaque carpelle est un peu moins recourbé dans l'eau chaude que dans l'eau froide. Il résulte de ces expériences que l'action de la chaleur, lorsqu'elle est isolée, tend cà empêcher la déhiscence. On peut cependant supposer que les tissus ont un pouvoir d'imbibition plus fort dans l'eau chaude que dans l'eau froide, et que c'est à une perte d'eau qu'on doit attribuer le commencement d'enroulement qu'éprouvent les fruits dans l'eau froide. L'expérience suivante, faite sur un fruit complètement desséché, est à l'abri de cette objection. On fixe sur un morceau de liège ou tout autre support un carpelle d'Erodium, de façon à pouvoir en suivre facilement les mouvements; on met le tout sous une cloche bien fermée dont l'atmosphère est desséchée avec de la chaux. Le carpelle perd alors presque toute l'eau qu'il contenait et acquiert une certaine forme qui reste la même tant (jue la température ne change pas. Si l'on élève la température, l'enroulement diminue; il augmente, au contraire, si l'on produit un refroidissement. L'action de la chaleur, complètement isolée dans celte expérience, est donc la même que celle de l'humidité, c'est-à-dire contraire à la déhiscence. Nous avons vu que dans la nature il n'en était pas ainsi : les fruits s'ouvrent sous l'inlluence de la chaleur; c'est cjue l'action propre d'une élévation de température est beaucoup plus faible que l'action indirecte qu'elle exerce en desse'chant les tissus, et c'est seulement le résultat de ce dessèchement qu'on observe dans la nature. Il était facile de prévoir qu'une élévation de température produirait le même effet qu'une augmentation d'humidité. En effet, les mesures qui ont été faites sur la dilatation (les tissus végétaux sous l'action de la chaleur montrent que cette dilatation se produit, notamment pour ce qui concerne les fibres, suivant les mêmes lois que la dilatation résultant de l'imbibition. Si une cellule à parois épaisses se contracte plus qu'une cellule à parois minces, il en sera de même des parties de cellules qui se contracteront d'autant plus qu'elles seront plus épaisses. Si donc, dans une assise de cellules, l'épiderme extérieur d'un fruit, par exemple la partie externe des parois, est plus épais que la partie interne, la partie externe se contractera davantage en se desséchant et se trouvera sur la face concave de l'assise recourbée. Tous ces résultats ne s'appliquent qu'aux éléments lignifiés qui, par leur consistance et leur rigidité, se prêtent le mieux aux expériences. Les tissus non lignifiés renferment en général beaucoup plus d'eau et se contractent beaucoup plus par la dessiccation. Mais, comme leur consistance est faible, ils peuvent se déchirer ou se mouler sur les parties plus dures dont ils suivent les mouvements, loin de les diriger. Les exemples sont nombreux qui viennent à l'appui de cette manière de voir. Sur une capsule de Ricin desséchée, on voit en effet la couche de parenchyme mou, qui recouvre la partie ligneuse, séparée en six bandes étroites qui couvrent à peine la FRUCTIFICATION. 855 uioilié de la surface du fruit. La plupart du temps ce déchirement ne se produit pas, grâce à l'adhérence des tissus voisins. La couche de parenchyme, dont la contraction tangentielle est ainsi gênée, diminue en revanche d'épaisseur d'une façon très notable. C'est ce qu'on peut observer sur la plupart des capsules, telles que celles de la Scrofulaire, de VAntirrhinum, etc. 2° Dans les fruits charnus les parois des carpelles s'accroissent jusqu'au moment où le fruit tombe et se remplissent de matières nutritives, de sucres en particulier. Même après, ces parois éprouvent des modifications chimiques qui en constituent la « matu- ration ». Les phénomènes qui accompagnent cette dernière ont été étudiés en dernier lieu par Gerber (Thèse de Paris, 26 juin 1897). Dans ses recherches sur la respiration des fruits, Gerber a adopté la méthode de l'air confiné. Mais, comme les fruits doivent séjoui-ner souvent plusieurs mois dans les appareils et que ces derniers sont soumis à de fréquents déplacements, il a dû chercher à les simplifier le plus possible, tout en leur donnant le maximum de solidité et à éviter l'influence probable des vapeurs mercurielles. « Un flacon cylindrique en verrre à large ouverture est fermé par un bouchon de liège que l'on a maintenu longtemps dans la paraffine fondue; celle-ci obture les pores du bouchon et la chaleur à laquelle le liège se trouve soumis dans le bain de paraffine est suffisante pour le stériliser. « Le bouchon présente trois ouvertures. Dans l'une est engagé un thermomètre des- tiné à indiquer la température de l'atmosphère du flacon. « A travers la seconde passe un tube de verre s'enfonçant jusqu'à la moitié de la hauteur du flacon, recourbé à angle droit à sa partie supérieure et présentant dans la branche horizontale un étranglement contre lequel vient buter un tampon de ouate; son extrémité libre est coiffée d'un tube de caoutchouc pouvant être fermé au moyen d'une baguette de verre pleine. La troisième ouverture porte un tube recourbé comme le pre'- cédent, mais dont la branche verticale dépasse à peine la surface inférieure du bouchon; la branche horizontale du tube est munie d'un robinet à trois voies qui permet de le faire communiquer, soit avec un manomètre à mesure, soit avec le tube horizontal qui porte, lui aussi, un étranglement et un tampon d'ouate. Pour éviter l'action des vapeurs mercurielles, nous avons pris la précaution de recouvrir d'une mince couche d'eau la surface a de la colonne mercurielle. « Les deux tubes et le thermomètre sont stérilisés à l'autoclave et enfoncés dans le bouchon au moment où celui-ci est retiré de la paraffine, et l'ensemble est placé chaud encore sur le flacon stérilisé. Dans ce dernier, se trouve déjà le fruit lavé à l'eau boriquée, puis à l'eau stérilisée, ainsi qu'un petit tube contenant quelques centimètres cubés d'eau destinée à maintenir l'atmosphère constamment saturée d'humidité. « Le bouchon est enfoncé suffisamment pour former avec le bord du flacon une cuvette que l'on remplit de paraffine fondue, en même temps que l'on établit un vide partiel dans l'appareil, de façon à faire pénétrer cette substance dans les interstices qui peuvent exister. « Aux températures de 20°, 30", 33° auxquelles nous avons opéré, il ne se produit pas de fissures dans la paraffine, et le manomètre nous a toujours montré que la fermeture de nos appareils restait parfaite pendant toute la durée de l'expérience. «Mais, pour les expériences faites à 0°, il n'en est pas ainsi, et nous avons dû recourir alors au bouchon de caoutchouc. « Le tube G du flacon ainsi préparé est alors mis en communication avec une trompe à eau, le robinet à trois voies d étant disposé de telle façon que l'air extérieur puisse pénétrer par les tubes E et D dans le flacon et en renouveler l'atmosphère. « On sépare ensuite l'appareil de la trompe ; on ferme le tube C au moyen de la baguette de verre, puis on oriente le robinet d de façon à intercepter la communication entre l'air extérieur et l'atmosphère du flacon et à l'établir entre cette dernière et le mano- mètre. L'appareil est alors prêt à être placé à l'étuve. « Prises de gaz. — Chaque fois qu'il est nécessaire, pour analyser l'atmosphère du flacon, d'en prélever un échantillon, nous mettons le tube en communication avec l'ap- pareil semblable à celui qui a servi dans les ^expériences de G. Bonnier et MangiiX. Le fonctionnement de cet appareil est trop connu pour que nous y insistions davantage. 856 FRUCTIFICATION. (c Si l'almosphère inlerne des plantes ordinaires est assez réduite, et si les dimensions de leurs lacunes sont assez fortes pour que le mélange mécanique de celte amosphère avec l'air confiné ne modifie pas sensiblement la composition, comme l'ont établi les savants précédents, il n'en est pas de même pour les fruits dont l'atmosphère interne est beaucoup plus développée. Il faudrait donc, avant chaque prise de gaz, effectuer un brassage avec l'appareil qui sert à prélever les échantillons, pour amener le mélange de l'air contenu dans les fruits avec l'air confiné qui les entoure. Mais l'épaisseur con- sidérable des fruits, les faibles dimensions de leurs méats intercellulaires, font que ce mélange est impossible à réaliser d'une façon parfaite. Aussi avons-nous dû tourner la difficulté de la façon suivante : « Supposons que nous venions d'effectuer, sans brassage mécanique préalable, l'ana- lyse (A) de l'air confiné après un certain temps de respiration du fruit. Nous renouve- lons cet air, et en effectuons ensuite l'analyse (B), le tout assez rapidement pour que, pendant ce court intervalle de temps, les gaz internes du fruit n'aient pas pu diffuser sensiblement à l'extérieur. Le fruit est alors remis à l'étuve. Au bout d'un temps de res- piration tel que que la composition de l'air confiné soit redevenue à peu près ce qu'elle était lors de l'analyse (A), nous effectuons une troisième analyse (C). « A ce moment la composition des gaz contenus dans le fruit est sensiblement la même qu'au moment de l'analyse A, et, par suite, de l'analyse B, c'est-à-dire qu'au début de la nouvelle expérience. .Nous pouvons donc admettre que les volumes de gaz carbonique dégagé et d'oxygène absorbé indiqués par la comparaison des analyses C et B sont bien ceux qui résultent de la respiration du fruit dans l'intervalle de temps compris entre ces deux analyses. « Cette façon d'opérer présente les avantages suivants : « 1" Les opérations sont beaucoup simplifiées; « 2° Nous n'avons pas, dans la détermination des échanges gazeux qui se produisent entre les fruits et l'atmosphère confinée, à tenir compte des gaz contenus dans les méats intercellulaires et dissous dans le suc des fruits, puisque leurs volumes sont les mêmes au début et à la fin de l'expérience. — Nous évitons donc de ce chef une grande incer- titude sur l'évaluation de ces volumes, évaluation que nous serions obligé de faire, si nous employions le brassage mécanique. » Voici les conclusions auxquelles arrive Gerbkr : :< I. Contrairement à ce que l'on observe dans la respiration des plantes ordinaires, les fruits charnus sucrés dégagent, à certaines phases de leur développement, un volume de gaz carbonique supérieur au volume d'oxygène qu'ils absorbent dans le même temps, et présentent, par suite, un quotient respiratoire supérieur à l'unité. « II. Ce quotient respiratoire spécial a une origine et des allures différentes suivant le degré de la maturation des fruits et les principes chimiques que ceux-ci contiennent. Nous sommes ainsi amené à distinguer deux catégories de quotients supérieurs à l'unité. « Les uns sont dus à la présence des acides : ce sont les quotients d'acides. Les autres sont dus à l'insuffisance de la quantité d'air qui parvient aux cellules et à la production d'alcool qui en est la conséquence : ce sont les quotients de fermentation. « III. Les quotients d'acides se présentent toutes les fois que les fruits qui contiennent des acides : citrique, tartrique, malique, etc., se trouvent à une température supérieure à un certain degré. « La limite inférieure à partir de laquelle se manifeste le quotient d'acides est assez élevée (30°) pour les fruits acides tartrique et citrique; elle est moins élevée [lo^ environ) pour les fruit» à acide malique. <( Il est à remarquer qu'on obtient les mêmes quotients supérieurs à l'unité, lorsqu'on cultive des moisissures, telles que Sterimatocystis nigra, sur des solutions ne contenant que les acides précédents. Il est ainsi prouvé que l'élévation du quotient respiratoire signalé plus haut dans les fruits acides est due à la présence de ces arides. « Mais, en plus de celte expérience et pour nous placer dans des conditions tout à fait comparables à celles que présentent les fruits, nous avons cultivé le même champignon dans des solutions contenant un mélange de sucre et d'acide. Or, dans ce cas, nous avons trouvé les mêmes quotients supérieurs à l'unité que dans les fruits acides et le FRUCTIFICATION. 857 même écart entre les limites ioférieures de température où apparaissent, pour les diffé- rents acides, les quotients supérieurs à l'unité. « Les quotients d'acides se rencontrent également chez les plantes grasses. Cela nous permet de rapprocher leur respiration de celle des fruits acides et d'opposer ces deux respirations à celles des plantes ordinaires. « IV. Les quotients de fermentation se produisent toutes les fois que l'oxygène de l'atmosphère n'arrive plus aux cellules en quantité suffisante pour fournir l'énergie nécessaire à l'activité vitale. « Ce manque d'oxygène est dû à la production de pectine; cette production, d'une part, est accompagnée d'une augmentation de l'activité cellulaire et, d'autre part, elle détermine une diminution dans l'apport de l'oxygène aux cellules par suite de l'occlu- sion des méats intercellulaires par le gonflement de la pectine. « Nous avons constaté que l'apparition du quotient de fermentation n'a lieu que lorsque le tanin a disparu entièrement, et ceci concorde avec l'autre fait que nous avons également observé, à savoir que le phénomène dit de la transformation de lapec- tose en pectine ne se produit qu'après la disparition de ce tanin. Les relations que nous avons établies entre la formation de la pectine et l'apparition du quotient de fer- mentation nous ont permis de démontrer que les fruits, au contact de l'oxygène de l'air, se trouvent, de par cette formation, placés dans les mêmes conditions que les fruits privés d'oxygène par Lechartier et Bellamy, et qu'ils se comportent de la même façon. « V. Le quotient de fermentation diffère du quotient d'acides : « {0 Par l'époque à laquelle on le constate. — Chez les fruits cueillis avant la maturité, il se manifeste à la On delà maturation, tandis que le quotientd'acides apparaît au début; ft^" Par la température minima à laquelle il se manifeste. — On l'observe aux tempé- ratures basses, même 0°, chez les fruits qui présentent encore à cette tempe'rature une respiration assez forte pour avoir besoin d'une quantité notable d'oxygène, tandis que le quotient d'acides n'apparaît guère, même pour ces fruits, qu'à 30^; « 3" Par sa valeur. — Cette valeur est souvent supérieure à 3, tandis que le quotient d'acides est toujours inférieur à 2 et généralement plus petit que l,oO; « 4» Par l'intensité respiratoire correspondante. — La quantité de gaz oxygène absorbée par le fruit, quand on constate le quotient de fermentation, est bien moins forte qu'avant son apparition, tandis que cette quantité est bien plus forte quand c'est le quotient d'acides qui se manifeste; « o" Par les modifications qu'il éprouve sous l'influence du sectionnement. — Le sec- tionnement diminue légèrement sa valeur et augmente à peine l'intensité respiratoire correspondante, tandis qu'il élève considérablement le quotient d'acides en même temps que l'intensité respiratoire s'accroit fortement; « 6" Par les changements chimiques qui se produisent dans le fruit. — Le quotient de fermentation indique la formation d'alcool et assez souvent d'acides volatils. On ne con- state rien d'analogue dans les fruits oflrant le quotient d'acides. « Modifications que les fruits éprouvent pendant la maturation. — Indiquons maintenant les modifications chimiques qui se produisent dans les fruits au cours des phénomènes respiratoires dont nous venons de montrer les variations. Ces modifications affectent : 1» les acides; 2° les tannins , 3° l'amidon; 4° les ma- tières sucrées. (( I. Les acides des fruits sont partiellement utilisés à la formation d'hydrates de car- bone. « Cette réaction se produit chaque fois que l'on observe le quotient d'acides, quelle que soit sa valeur, celle-ci étant, comme nous l'avons dit, toujours supérieure à l'unité. « Nous avons établi ce fait de la façon suivante : « 1" Les moisissures cultivées sur un milieu nutritif ne contenant que des'acides forment des hydrates de carbone (mycélium). En même temps, elles présentent un quotient respiratoire supérieur au quotient que l'on obtiendrait en oxydant complètement la mo- lécule des acides. « Donc un quotient supérieur au quotient d'oxydation complète des acides indique la formation des hydrates de carbone. 858 FRUCTIFICATION. « Or les moisissures cultivées sur un milieu nutritif contenant un mélange de sucre et d'acides, ainsi que les fruits acides, présentent, tant qu'il existe une assez grande quan- tité d'acides et que la température est assez élevée, un quotient supérieur au quotient d'oxydatiou complète des acides; donc il se forme dans ces conditions des hydrates de carbone aux dépens des acides des fruits. «Ilestcertain que cette formation se produit encore dans les cultures des moisissures et dans les fruits contenant une très faible quantité d'acides et une grande quantité de sucre; mais, la combustion du sucre qui se produit avec un quotient au plus égal à l'unité étant considérable par rapport à celle des acides, le quotient très élevé de formation des hydrates de carbone aux dépens des acides est fortement abaissé par cette combustion et, par suite, le quotient observé est inférieur au quotient d'oxydation complète des acides. « 2° Dans les pommes cueillies, nous avons constaté que la quantité de substance sucrée qui se forme aux températures élevées est supérieure à la quantité d'amidon et de l'acide disparus. «H. Le ^a?im disparaît dans les fruits par oxydation complète, sans former d'hydrates de carbone. Ainsi se trouve démontrée l'opinion émise par Chatin sur la transformation du tanin dans les plantes. Les deux faits suivants établissent cette oxydation : (( i° Alors que le quotient respiratoire que présente le Stcrigmatocijstis nigra cultivé sur une solution contenant du tanin de la noix de galle (tanin formé de sucre et d'éther digallique) et y produisant des hydrates de carbone aux dépens de cette substance, est toujours supérieur à l'unité, quelle que soit la température, le quotient respiratoire des fruits non acides contenant simplement du tanin et du sucre est constamment inférieur à l'unité, jusqu'à la disparition complète de ce tannin. « 2° La disparition du tanin dans les fruits voisins de la maturité n'est pas accom- pagnée d'une augmentation de la matière sucrée. « liï. L'amidon se transforme en matière sucrée dans le cours de la maturation. Cette conclusion est démontrée parles dosages de ces deux sortes d'hydrate de carbone faits à divers moments de la maturation des pommes, après qu'elles ont été séparées de l'arbre. Nous avons ainsi confirmé les résultats des recherches de Buignet et Corekwlxder sur les bananes et celles de Lindet sur les pommes. « IV. Les matières sucrées, en même temps qu'elles se forment aux dépens de l'ami- don et probablement aussi des acides, disparaissent en partie par oxydation. « En outre, dans les fruits qui présentent le quotient de fermentation à la fin de la maturation, ces substances sucrées se transforment partiellement en alcools et acides volatils. Il en résulte des éthers qui constituent le parfum des ces fruits. « Puisque les acides et le tanin disparaissent rapidement aux températures élevées, on peuthàter la maturation des fruits charnus sucrés contenant soit des acides (pommes, raisins, oranges), soit des tanins (kakis), soit un mélange de ces deux sortes de sub- stance (sorbes, nèfles, poires, etc.), en les exposant aux températures élevées. « D'autre part, on peut retarder la maturation des fruits contenant beaucoup d'acides, et dont la respiration ne présente pas de période de fermentation (certaines pommes, raisins, cerises, oranges, etc.) en les exposant à des températures voisines de 0°, puisque, aux basses températures, les acides ne sont pas comburés. « Par contre, les fruits contenant du tanin et qui présentent à la fin de la maturation un quotient de fermentation (sorbes, nèfle, kakis, etc.), ne peuvent pas être conservés beaucoup plus longtemps aux basses températures qu'aux températures élevées, parce que le tanin est brûlé aussi bien à l'une qu'à l'autre température. Aussitôt après sa disparition, se produit la transformation de la pectose en pectine, et, par suite, apparaît la période de fermentation, et le fruit blettit. « Enfin, la nécessité d'une température élevée pour la combustion des acides tartrique et citrique, la possibilité d'oxydation de l'acide malique aux basses températures, expliquent pourquoi les pommes, les sorbes, les nèfles et autres fruits qui contiennent de l'acide malique mùrissentsous des climats froids, tandis que les raisins et les oranges exigent des climats plus chauds; elles expliquent également pourquoi les fruits à acide malique (pommes, sorbes, nèfles, etc.) mûrissent après leur séparation de l'arbre dans des fruitiers dont la température est peu élevée, tandis que les raisins et surtout les FUCOSE. — FULGURATION. 859 oranges et autres fruits d'Auranciacées mûrissent dificilement dans ces conditions. Cependant, en élevant suffisamment la température, les fruits à acides citrique et lartrique achèvent leur maturation en fruitier. » Bibliographie. — Hildebrand [Jahrhùcher far iviss. Bot., 1873). — Steinbrinck {Untersiichungen ûber die anatomischen Ursachen des Aiisspringens der Fruchte. Bonn., 1873). — Leclerc du Sablon. Recherches sur la déhiscence des fruits à péricarpe sec [Thèse de la Fac. des se. de Paris, 1884, et An», des se. nat. Bot.). — Couverchel. Mémoire sur lamaturation des fruits {Ann. de Chimie, 1831). — Frémy. Mémoire sur la maturation des fruits [A.C, 1848). — Lngenhousz [Versuche mit Pflanzen. let II, 1786). — Cahours. Sur la respiration des fruits [C. R. Acad. des se, lviii, 1864 et Bull. Soc. chim., i, 1864). — Chatin. Étude sur la respiration des fruits (C. R., lviii, 1864). — Saintpierre et Magnien. Recherches expérimentales sur la maturation du raisin {Annales agronomiques, 1878, iv). — Lechartier et Bellauy. Étude sur les gaz produits par les fndts {C. R., xix, d869); Note sur la fermen- tation des fruits [C. R., xix, 1869); De la fermentation des fndts (C. R., lxxv, 1872); De la fermentation des pommes et des poires [C. R., lxxix, 1874); De la fermentation des fruits [C. R., Lxxsi, i81"j). — RicciARDi. Compo sition chimique de la banane à différents degrés de maturation {G. R., xcv, 1882). — Lindet. Recherches sur le développement et la maturation de la pomme à cidre {Ann. agron., 1894, xx). — Kalisch. Recherches sur la maturation des pommes [Landwirlh. Jahrbilcher, xxi). — Gerber. Recherches sur la maturation des fruits charnus {D. P., 1897 et Ann. dessc. nat. Bot.). — Rivière {Cu.).La datte sans noyau {Bull, de la Soc. nationale d'acclimatation de France, mars 1901). HENRI COUPIN. FUCOSE (G^H'-O'^). — Sucre méthylpentose isomère de la rliamnose qu'on extrait des algues marines. 11 réduit la liqueur cupro-potassique. Son pouvoir de rota- tion (à gauche) + 75'^96. FULGURATION. — Les troubles graves produits par l'électricité sur l'or- ganisme peuvent être occasionnés soit par les décharges d'un condensateur ifidgura- tion), soit par les courants électriques {électrocution). CHAPITRE PREMIER Fulguration. Nous avons à considérer : 1° les effets produits par la foudre; 2° les expériences de laboratoire. § I. - FOUDRE. Conditions météorologiques. — Nous ne pouvons étudier ici les conditions météo- rologiques qui donnent origine à la foudre. Qu'il me suffise de rappeler que l'air est ordinairement électrisé positivement par rapport au sol. La différence entre l'état élec- trique de l'air et celui du sol varie d'un jour à l'autre avec la saison et le temps; elle augmente à mesure qu'où s'élève. Elle peut arriver pendant des périodes d'orage à 800, 1000, 2000, même 3000 volts par mètre. Nous pouvons donc avoir dans" certains moments entre une surface d'air à 3 000 mètres et le sol une différence de potentiel de 9 millions de volts. Mais ces différences de potentiel par mètre de hauteur varient beau- coup suivant la forme du terrain, la saillie des objets, etc.; c'est ce qui explique pour- quoi les montagnes et les arbres sont plus exposés à la foudre. Nous savons que la foudre est produite par le rétablissement brusque de l'équilibre électrique de l'atmosphère en un point déterminé. L'énorme différence de potentiel entre le sol et les nuages nous explique la puissance de destruction de la foudre. Ce qui frappe immédiatement en lisant la relation de la majorité des accidents produits par la foudre sur l'homme et les animaux, c'est le peu de gravité des lésions mécaniques. On ne peut expliquer ce fait qu'en admettant que l'homme et les animaux ne sont frappés le plus souvent que par une décharge latérale. En effet, l'éclair principal en 860 FULGURATION. s'approcbant des objels du sol se partage en un nombre plus ou moins grand d'éclairs secondaires, comme il est bien démontré par les observations de Colladon (1) sur les arbres. Le plus souvent les feuilles d'un arbre frappé par la foudre ne présentent aucune lésion. C'est la dissémination de la puissance électrique qui peut seule rendre compte de l'innocuité d'un violent coup de foudre sur les feuilles. Les effets de la foudre sur l'homme, les animaux, les plantes, etc., ont fait l'objet d'une quantité innombrable d'observations, de communications, d'articles disséminés dans un grand nombre de journaux ou de sociétés savantes. Ces diverses publications s'attachent souvent à décrire les bizarreries de la foudre, mais se ressemblent générale- ment quant aux effets essentiels produits par la décharge atmosphérique sur les organismes. Plusieurs auteurs ont essayé de recueillir ces documents éparpillés. Il faut citer entre autres Sestier (2), qui a consacré plusieurs années de sa vie à cette œuvre; Boudin (3), Vincent (4), Bœluiann {'6), Pélissié (6), etc. Les lésions produites par la foudre sont décrites en détail dans le livre de Sestier ; nous ne ferons que les passer rapidement en revue. Lésions extérieures. — Les lésions- extérieures produites par la foudre sur l'homme et les animaux sont variables quant à leur étendue, leur profondeur, leur aspect, etc. Elles sont dues soit à des actions mécaniques, soit à des actions calorifiques de la foudre. Les lésions les plus fréquentes sont constituées par des bnUures; brûlures des poils seuls ou bien intéressant la peau. Les brûlures de la peau varient beaucoup en étendue et en profondeur. C)n observe quelquefois un simple érythème, d'autres fois des eschares, rarement des phlyctènes. Ces brûlures peuvent avoir la forme de sillons, de points, de plaques La forme de sillons est la plus fréquente. Ces lésions n'attaquent généralement que l'épiderme; mais le derme tout entier peut être atteint. Laguérison de ces brûlures est quelquefois difficile et lente. Il faut citer ensuite des colorations différentes de la peau, dues le plus souvent à des eccbymoses. Dans quelques cas les parties colorées présentent l'aspect d'images arbo- rescentes, de fleurs, de feuilles, etc.; on leur a donné le nom de figures ou fleurs de LiCHTENBERG. Elles sont colorées en rouge, forment, une légère saillie et sont parfois le siège d'une vive douleur; elles s'eiïacent généralement en quelques heures. Ces images doivent évidemment être attribuées à des phénomènes vaso-moteurs de la peau, et l'aspect arborescent est probablement dû au mode de diffusion de l'électricité à la sur- face de la peau [Mackay (7)j. On a observé dans quelques cas rares des lésions plus graves, tels que morceaux de peau enlevés, pavillons d'oreille arrachés, fractures du crâne ou des membres, etc. Il n'existe pas toujours de relation entre les lésions extérieures et les suites de l'accident. On a constaté des cas de mort avec absence complète de lésions extérieures et des cas de survie avec des lésions graves. Sur 119 observations de mort par la foudre, analysées par Sestier, on trouve qu'il n'y avait aucune lésion externe dans un sixième des cas; dans un tiers des cas les lésions étaient très légères, comme brûlures des poils, érythèmes limités, ecchymoses, etc. Système nerveux. — On peut distinguer les elTets immédiats et les effets plus ou moins éloignés. Au moment où la foudre tombe, les personnes soumises au choc élec- trique peuvent perdre immédiatement connaissance ou bien éprouver des sensations variables. La perte de connaissance est quelquefois très passagère ; dans d'autres cas, elle dure quelques minutes ou quelques heures; il est très rare qu'elle se prolonge pendant une journée ou davantage. Les foudroyés qui reviennent cà eux déclarent ne se rappeler de rien et n'avoir ressenti aucune douleur; la perte de connaissance est donc instan- tanée. Il faut pourtant faire une exception pour les cas de fondre en globe. Dans ce genre de fulguration, la victime peut voir le globe lumineux et avoir l'impression d'être frap- pée avant de perdre connaissance. En sortant de leur état de stupeur, les foudroyés éprouvent parfois des mouvements commlsifs de formes diverses : tremblements, secousses musculaires isolées, et même de violentes attaques de convulsions cloniques généralisées. D'autres fois ce sont des contractures musculaires limitées à quelques muscles, à tout un membre, etc. . FULGURATION. 861 Plus fréquents sont les cas de paralyt^ie, qui porlent sur la sensibilité et la nioli- lité. La paralysie est instantanée, c'est-à-dire qu'elle existe déjà lorsque la personne foudroyée reprend connaissance; en outre, à ce moment, elle est déjà à son acmé, elle n'a aucune tendance à s'aggraver. On n'a jamais observé la paralysie de la vessie et du rectum, ce qui montrerait que ces paralysies sont dues à des troubles périphériques. La paralysie est surtout prononcée dans les parties du corps frappées par la foudre, elb^ affecte plus souvent les membres inférieurs que les membres supérieurs, ce qui s'explique facilement, car l'électricité doit traverser les membres inférieurs pour rejoindre le sol. La monoplégie est la forme la plus fréquente. Ces troubles de la motilité et de la sensi- bilité sont le plus souvent de courte durée. Sur 28 cas recueillis par Sestier, la paralysie n'a pas dépassé vingt-quatre heures dans 12 cas. Trois fuis seulement elle a duré de deux à trois mois. Les cas d'hystéro-traumatisme dus à la foudre paraissent être rares. L'observation de NoTHNAGEL (8) et celle de Chargot (9) sont bien connues dans la littérature. Dans la majorité des cas de fulguration, les personnes qui reviennent à elles n'éprouvent que de la faiblesse, des bourdonnements d'oreille, des étourdissements, etc.; tous ces troubles se dissipent généralement avec une assez grande rapidité. La forme passagère de tous ces phénomènes (convulsions, contractures, paralysies, anesthésies) nous montre d'une manière évidente qu'il s'agit toujours de désordres fonctionnels et non de lésions anatomiques des centres nerveux. Les sensations éprouvées au moment de la chute de la foudre (lorsqu'il n'y a pas perte de connaissance) sont de différente nature. La plus fréquente est la commotion : les personnes ressentent une forte secousse dans tout le corps, qui souvent les fait tom- ber à terre. On a signalé des sensations de brûlure, de choc ou de pression sur certaines parties du corps, etc. Effets sur la circulation et la respiration. — Il est naturellement impossible de dire d'une manière précise quel est l'état du cœur chez l'homme au moment de la chute de la foudre. On peut se demander si la perte de connaissance est due à un arrêt momentané du cœur produit par l'excitation du centre du nerf pneumogastrique. Les expériences sur les animaux montrent que cet arrêt est de très courte durée; il est donc probable que la cessation des battements du cœur ne joue qu'un rôle secondaire. Un phénomène qu'on a souvent constaté, c'est le gonflement des veines dans les régions qui viennent de subir la décharge de la foudre; les vaisseaux dont la tonicité est diminuée se laissent distendre par le sang. Cette vaso-dilatation localisée donne lieu dans quelques cas, comme nous l'avons vu, aux figures de Lichtenberg. Les hémori^hagies sont fréquentes chez les foudroyés; mais elles ne sont pas abon- dantes, et n'ont jamais occasionné la mort. On a observé des hémorrhagies par les oreilles, par le nez, par la bouche, etc. Les foudroyés présentent souvent, au moment de l'accident, un état de collapsus avec refroidissement des extrémités qui peut durer plusieurs heures. Le pouls est petit, faci- lement dépressible, le plus souvent d'une remarquable lenteur, parfois aussi intermit- tent. A cet état de dépression succède, après un temps variable, une réaction plus ou moins vive et prolongée. Le pouls est alors fréquent, dur et plein. La température de la peau s'élève et une sueur copieuse inonde parfois le malade. La respiration présente aussi des troubles. Dans les cas légers, les victimes peuvent éprouver de la difficulté à respirer avec une sensation de constriction épigastrique. Dans les cas plus graves, lorsque le foudroyé revient à la vie, la respiration est lente, sterto- reuse, irrégulière. On a rarement constaté des hémorrhagies pulmonaires ou bronchiques, ou des inflammations des voies aériennes. Effets sur les organes de digestion et de sécrétion, — On a cité la difficulté et même l'impossibilité d'avaler attribuées à un spasme convulsif des muscles du pharynx. On a observé des vomissements généralement de courte durée, mais qui parfois se renou- vellent; des gastralgies plus ou moins persistantes; des dyspepsies, etc. La foudre a occasionné dans quelques cas une diminution de la tonicité des parois intestinales, avec production de tympanite abdominale. On a aussi constaté une exagération des mouve- ments péristaltigues de l'intestin, de manière que ceux-ci devenaient visibles à l'œil nu; on peut du reste provoquer expérimentalement ce phénomène chez les animaux soumis 862 FULGURATION. à des décharges électriques. La foudre produit souvent chez ceux qu'elle atteint de la diarrhée, des évacuations involontaires d'urine et de matières fécales. On a remarque dans quelques cas de la polyurie, dans d'autres de l'anurie; l'hématui'ie a été observée très rarement. La foudre exerce parfois une action sur la grossesse : on cite des cas où la fulgura- tion directe ou à distance, ou même la frayeur causée par les coups de tonnerre, ont pro- voqué l'avortement ; d'autres fois, par contre, des femmes ont été frappées gravement par la foudre, sans que cela eût aucune influence fatale sur le développement du fœtus. Organes des sens. — Les effets de la foudre sur l'appareil de la vision sont nom- breux et variés. On a constaté des douleurs très vives passagères, une ophtalmie super- ficielle, de la photopbobie, des contractions spasmodiques des paupières, de l'amaurose, de l'hémyopie. L'opacité de la cornée est rare; on a noté par contre plusieurs cas de cataracte. L'appareil de l'audition est aussi souvent affecté. Les personnes près desquelles la foudre vient de tomber éprouvent des bourdonnements, des bruissements, des tinte- ments qui se dissipent en général rapidement. Quelquefois les foudroyés perdent l'ouïe pendant un certain temps ; mais on n'a pas constaté de cas de surdité permanente. La rupture de la membrane du tympan, contrairement à ce qu'on pourrait croire, est plutôt rare. Les personnes atteintes par la foudre ressentent parfois une saveur d'ozone dans la bouche et dans la gorge qui dure quelques heures ou davantage. État des cadavres. Autopsies. — Un des effets remarquables de la foudre est de laisser quelquefois l'homme ou l'animal dans l'attitude qu'il avait au moment de l'acci- dent. On cite même deux cas dans lesquels l'homme à cheval resta en selle après avoir été tué par la foudre, tandis que l'animal continuait à marcher. Pour comprendre ce phénomène, il faut admettre la production pour ainsi dire instantanée de la rigidité cadavérique de tous les muscles du corps, ou du moins d'un groupe de muscles. D'après quelques auteursl, a rigidité cadavérique manquerait chez les foudroyés, mais elle a été observée dans un grand nombre de cas. Les expériences de fulguration chez les animaux nous renseignent, du reste, sur les modalités de la production delà rigidité cadavérique dans ce genre de mort. L'irritabilité musculaire dispar-aît probablement très vite chez l'homme tué par la foudre, mais il n'existe aucune recherche directe. La putréfaction des cadavres après la fulguration est ordinairement rapide. Les lésions constatées à l'autopsie sont généralement celles de l'asphyxie et ne sont pas constantes. Les poumons sont souvent hyperémiés et quelquefois œdématiés. Les cavités du cœur offrent toutes les variétés possibles de vacuité ou de distension. On a signalé quelques cas de rupture du cœur. Le sang est noir et liquide. L'estomac et les intestins sont en général distendus par des gaz. Le foie et la rate sont hyperémiés. Le cerveau et les méninges peuvent être absolument normaux. On remarque souvent une hyperémie de la pie-mère. La moelle épinière, dans le petit nombre de cas où elle a été examinée, a été trouvée normale, sans déchirure ni ramollissement ; ses membranes étaient parfois le siège d'une injection vasculaire plus ou moins marquée. Quant à l'examen microscopique des centres nerveux, on comprend que les cadavres des foudroyés n'offrent pas un sujet d'étude bien appropriée, car on ne peut se les pro- curer que longtemps après la mort. Nous en parlerons à propos des expériences sur les animaux. État de mort apparente. — Nous avons vu qu'un des phénomènes les plus fréquents qui se produisent chez les foudroyés est la perte de connaissance. On a cité plusieurs cas où des personnes, chez lesquelles les mouvements respiratoires étaient arrêtés et le pouls paraissait manquer, sont revenues à la vie. Sestier a analysé 21 obser- vations semblables, mais dans aucun cas on n'a ausculté le cœur. Le mécanisme de la mort sera discuté à propos de la fulguration expérimentale. Qu'il me suffise de dire ici que, lorsque la foudre pi^oduit la mort, celle-ci est presque tou- jours immédiate. Sur 3o4 observations analysées par Sestier, la mort a été immédiate dans 340 cas, et dans la majorité des autres 14 cas les victimes ont succombé aux suites des gi'aves lésions produites par la foudre) brûlures étendues, fractures, etc.). FULGURATION. 863 Pronostic. — Pour savoir dans quelle proportion les victimes de la foudre ont sur- vécu ou succombé, il faudrait connaître le nombre exact de toutes les personnes fou- droyées. Ce relevé n'a pas été fait, et il est impossible à faire. Sestier a recueilli les observations faites sur 601 personnes atteintes directement par la foudre: 351 ont sur- vécu, et 250 ont succombé ; la mortalité a donc été de 41 p. 100. Le danger des coups de foudre diffère suivant la région du corps frappée. Les coups de foudre qui n'atteignent que les membres ne sont presque jamais mortels; ceux qui frappent la tète sont les plus dangereux. Ces observations sont confirmées par l'expérimentation. §IL - FULGURATION EXPÉRIMENTALE. Historique. — Les auteurs qui ont fait quelques expériences sur les animaux avec les décliarges de la bouteille de Leyde sont assez nombreux, surtout à la fui du xviti'^ siècle et au commencement du xix". On trouve de courtes citations dans plusieurs traités de physique de l'époque; on lit, par exemple, qu'une forte décharge a tué une souris, étourdi un lapin; mais il n'est rapporté aucun détail précis. Nous ne citerons que les auteurs principaux. C'est Priestley (10) qui, en 1766, fit le premier des recherchesun peu étendues sur la mort par les décharges électriques : il tue des rats et des chats et constate déjà que la mort a lieu sans lésions appréciables. Les expériences de P>,lige Fontana (11) furent beaucoup plus détaillées, et cet auteur décrit mieux les symptômes présentés par les ani- maux soumis aux décharges de la bouteille de Leyde. Il trouva qu'en ouvrant le thorax, peu de temps après la mort, le cœur était arrêté; il conclut que l'électricité, comme la foudre, tue par l'abolition de l'excitabilité musculaire. Marat (12), le célèbre démagogue, dit avoir fait des expériences sur la fulguration, et il rapporte les résultats de ses reclierches dans un Mémoire présenté à l'Académie des sciences de Rouen, qui fut couronné. La description de ses expériences est la reproduction presque toujours littérale du chapitre du livre de Priestley sur le même sujet. Troostwyk et Krayenhoff (13) firent des expériences assez nombreuses sur des lapins. Ils eurent le mérite de montrer que les décharges d'une batterie ont des etîets différents suivant le lieu d'application, et qu'elles sont plus dangereuses si le choc frappe les parties supérieures du système cérébro-spinal. La mort par les décharges électriques n'a donné lieu à aucun travail suivi dans la première moitié du xix"^ siècle. Les expériences de Tourdes et Bertln (14) et de Richard- son (15) ne fournissent pas de nouvelles données. Deghambre (16) fit, à l'occasion de la publication de l'article Fulguration de son Dictionnaire encyclopédique, une série de recherches sur plusieurs espèces animales. C'est le premier auteur qui inscrit la pression artérielle (chez les chiens), et qui |tient compte non seulement delà capacité du conden- sateur mais aussi, bien que d'une matière approximative, de la dilférence de potentiel existant entre les deux armatures. D'Arsonval (17), dans une courte note, dit que la mort par les décharges électriques peut avoir lieu par deux mécanismes dilférents. Lorsque l'énergie de la décharge localisée au bulbe est suffisante (3 kilogrammètres environ), la mort est irrémédiable par suite de l'altération mécanique du bulbe. Si la décharge n'a pas, au contraire, l'énergie voulue, elle agit en excitant le bulbe et en produisant des phénomènes d'inhibition respiratoire, d'inhibition du cœur, d'arrêt des échanges, etc. Nous verrons que cette distinction de d'Arsonval ne peut pas être admise. Prévost et BATTELLr (18) ont étudié les effets produits par les décharges électriques sur les ani- maux, en déterminant les conditions physiques des expériences, ce qui permet d'obtenir des résultats comparables. Dispositif pour obtenir des décharges de capacité et de potentiel connus. — • Prévost et Battelli ont employé dans leurs expériences l'appareil représenté par la figure 86. Les condensateurs étaient constitués par de grandes plaques de verre, recou- vertes sur leurs deux surfaces de papier d'étain; ces plaques étaient disposées en série. Le condensateur était chargé par une grosse bobine de Ruhmkori'f ; mais naturellement on peut se servir aussi d'une puissante machine électro-statique. Pour charger le con- densateur à des potentiels élevés avec la bobine de Ruhmkorif, il faut interrompre un 8t)4 FULGURATION. des conducteurs qui réunissent une des armatures du condensateur avec le pôle respectif de la bobine. Cette interruption est faite à l'aide du spinthéromètre D. Chaque armature du condensateur est réunie au moyen d'un conducteur métallique à une sphère en laiton d'un diamètre de 2 centimètres. La distance entre les deux sphères S et S' est variable à volonté. C'est entre ces sphères que l'étincelle éclate, lorsque la difîérence de potentiel entre les deux armatures atteint une valeur suffisante. L'animal, représenté dans la ligure par le rectangle A, est placé dans le circuit qui relie une des armatures avec la sphère mobile; il est attaché sur une table isolée. La capacité du condensateur a été mesurée dans les expériences de Prévost et Bat- TELLi au moyen d'un galvanomètre balistique. Le potentiel a été calculé en mesurant d'une manière exacte la distance explosive entre les deux sphères S et S'. Lesvaleurs du potentiel correspondant aux distances explosives (longueur de l'étincelle) entre deux conducteurs métalliques ont été données par les physiciens. Au moyen de ce dispositif il est facile de calculer soit la quantité d'électricité Q, soit FiG. 86. — Dispositit pour obtenir des décharges de capacité et de potentiel connus. D, spinthéromètre; C, condensateur; SS' sphères métalliques de 2 centimètres de diamètre dont l'une, S', est mobile; d, distance explosive; A, animal. l'énergie électrique W, auxquelles l'animal est soumis à chaque décharge du conden- sateur. En effet, la quantité d'électricité Q est donnée par la formule : Q = CV, où C est la capacité du condensateur etV le potentiel. Si l'on exprime C en microfarads et V en volts, la quantité Q sera exprimée en microcoulombs. L'énergie électrique W de la décharge est donnée par la formule W : 2 CV où c est la capacité et V le potentiel. Si l'on exprime C en farads et V en volts, l'énergie W sera exprimée en joules. Et si l'on veut transformer les joules en unité de travail ou lulogrammètres, il suffit de considérer que : I joule = 0''="',102. Influence de la quantité d'électricité et de Ténergie de la décharge dans les effets de la fulguration. — 11 résulte des nombreuses expériences faites par Pré- vost et B.\TTELLi [ibid.) sur des chats, des lapins, des cobayes, que les effets mortels d'une décharge électrique sur un animal ne sont pas en rapport avec la quantité Q d'élec- tricité qui passe par le corps de l'animal, mais avec l'énergie W de la décharge. En d'autres termes, les effets mortels sont proportionnels entre certaines limites à la capa- «Mté du condensateur et au carré du potentiel. On peut changera volonté entre ces limites FULGURATION. 863 soit la capacité, soit le potentiel, pourvu que la valeur de W ne change pas, et on a, toutes les autres conditions restant égales, les mêmes résultats. J'ai dit : entre certaines limites, parce que, si les différences entre les capacités employées sont trop grandes, on change considérablement la durée du flux électrique. En outre, on sait, par les expériences de Hoorweg (19) et d'autres, qu'au-dessous d'un certain potentiel les décharges restent inefficaces, quelle que soit la capacité du condensateur. CvBULSKiet Zanietowski (20), ainsi que d'autres auteurs, avaient déjà trouvé que le fac- teur important pour la production, de l'excitation nerveuse, c'est l'énergie de la décharge. Il ne faut pas oublier que, si la différence de potentiel entre deux conducteurs sphé- riques augmente presque proportionnellement à la longueur de l'étincelle pour de petites distances explosives (jusqu'à 10 ou 12 millimètres), il n'en est plus de même pour des dis- tances explosives plus élevées. Ainsi, d'après Mascart et Joubert (21), le potentiel corres- pondant à la distance explosive de 1 centimètre serait de 48600 volts; celui d'une distance de 2 centimètres serait de 64 800, et celui d'une distance de 4 centimètres serait de 76800 volts. On devait donc s'attendre, dans les expériences de fulguration, à ce que, dans la production des efl'ets mortels sur les animaux, la longueur de l'étincelle ait jusqu'à une certaine limite (15 millimètres environ) beaucoup plus d'importance que la capacité, car les effets mortels sont proportionnels à la capacité et au carré du potentiel. Mais au- dessus de cette limite l'augmentation de la capacité devait présenter au moins autant d'importance que l'augmentation de la longueur de l'étincelle, car les valeurs du poten- tiel ne s'élèvent pas proportionnellement à la distance explosive. Les expériences de Prévost et Battelli ont confirmé ces prévisions. 11 en résulte que, pour obtenir une décharge énergique il est d'abord beaucoup plus avantageux d'aug- menter la distance explosive; mais au delà de 13 millimètres environ il est préférable d'augmenter la capacité du condensateur. Autres conditions physiques. — L'inversion des pôles n'a pas d'inffuence appré- ciable sur les effets mortels de la décharge électrique. On obtient le même effet, par exemple, en plaçant l'électrode qui communique avec l'armature chargée d'électricité positive dansla bouche, et l'autre dans le rectum, ou vice versa. La durée de la décharge doit avoir une très grande importance pour les résultats de la fulguration, comme il résulte des expériences sur l'excitation des nerfs; mais on n'a pas fait, à ma connaissance, de recherches comparatives au point de vue que nous traitons ici. La localisation de l'énergie de la décharge, c'est-à-dire la densité électrique, dans tel ou tel organe a naturellement une grande influence sur les effets de la fulguration, ce qui avait déjà été constaté par ïroostwyk et Krayenhoff. L'énergie de la décharge est d'abord maximum au niveau d'application des électrodes; elle est ensuite plus grande sur la ligne qui réunit les électrodes que dans les points qui se trouvent placés en dehors de cette ligne. Plus les parties du corps sont éloignées de cette ligne, moins considérables seront les effets produits par la décharge sur ces parties. Lorsqu'on veut obtenir des résultats comparables, il faut donc placer les électrodes dans la même position. L'influence de la localisation de l'énergie de la décharge explique aussi le fait que les animaux de petite taille sont tués beaucoup plus facilement que ceux de grande taille. II est superflu de dire que les effets de décharges ayant la même énergie ne seront pas identiques, si la résistance électrique de l'animal présente des différences considérables. En effet, le changement de résistance fait varier la durée de la décharge. Énergie nécessaire pour arrêter complètement la respiration chez différents animaux. — Prévost et Battelli ont constaté que l'arrêt complet de la respiration a lieu avec une constance remarquable lorsque l'on atteint une certaine énergie, qui est approximativement la même pour des animaux de la même espèce et du même poids. Il faut remarquer que dans le travail de ces auteurs il s'est glissé une erreur de calcul. A la suite d'une transposition de virgule les valeurs données pour la capacité et par con- séquent pour l'énergie (en joules) sont dix fois plus grandes qu'elles devraient être. Ici nous donnons les chiffres corrigés. En appliquant les électrodes constituées par deux petits cylindres métalliques dans la bouche et le rectum, la respiration est complètement arrêtée, lorsque l'énergie de la DICT. nE PHYSIOLOOn':. — TOME VI. 5."i 866 FULGURATION. décharge atteint une certaine valeur. Pour les cobayes de 250 grammes, cette énergie peut être fixée à 13 joules environ. Pour les cobayes de 3oO grammes, à 25 joules. Pour les cobayes de 500 grammes, à 40 joules. Pour les lapins de 1 200 grammes, à 35 joules. Pour les lapins de 2 000 grammes, à 90 joules. Ces chiffres sont naturellement approxi- matifs. Ils moiiti'ent toutefois d'une manière assez nette que les jeunes animaux sont plus sensibles que les adultes à l'action délétère des décharges électriques. En effet, chez des animaux de la même espèce l'énergie électrique nécessaire pour arrêter la respira- tion augmente d'une manière plus considérable que la taille de l'animal. Les décharges les plus fortes (100 joules) que Prévost et Batelli pouvaient obtenir dans leurs expériences n'étaient pas suffisantes pour produire la mort d'un chien même avec deux ou trois décharges. Toutefois, après deux ou trois chocs électriques d'une énergie de 100 joules environ se succédant à un intervalle de quelques secondes, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum, la respiration s'arrête pendant une minute ou davantage chez des chiens de taille moyenne; puis elle se rétablit et devient peu à peu normale. Quatre décharges rapprochées ayant chacune une énergie de 100 joules ne suflisent pas pour arrêter la respiration d'une manière définitive. Si nous voulions appliquer ces résultats à l'homme, nous devrions conclure que les décharges des plus grands condensateurs qui puissent exister dans les laboratoires ne présentent aucun danger pour la vie des expérimentateurs. Ce qu'on écrit couramment dans les traités de physique sur le danger des décharges de grandes bouteilles de Leyde est tout à fait exagéré. Système nerveux. — Les centres nerveux paraissent excités par des décharges peu énergiques, et ils sont au contraire inhibes jusqu'à perte complète et définitive de leurs fonctions par des décharges ayant l'énergie nécessaire. Chez des lapins de 2 kilos environ, soumis à une seule décharge, et en plaçant les électrodes dans la bouche etle rectum, on observe les effets suivants (Prévost et Battelli) : Avec une énergie de 7 joules environ, on n'obtient qu'une seule contraction musculaire générale au moment de la décharge. On ne constate aucun effet appréciable, ni du côté de la respiration, ni du côté de la sensibilité ou du mouvement. I.orsqu'on atteint une énergie de 17 joules environ, le système nerveux commence à être atteint. Dès qu'il reçoit la décharge, l'animal tombe sur le flanc, et présente, pendant quelques secondes, des convulsions cloniques pendant lesquelles il respire déjà. Les convulsions cessées, le lapin reste légèrement prostré; la respiration est accélérée et les réflexes conservés. Si l'on augmente encore l'énergie de la décharge, en la portant par exemple à 25 joules, les convulsions cloniques sont généralement remplacées par des convulsions toniques éner- giques pendant lesquelles l'animal est incapable de respirer. A la cessation des convul- sions, la respiration se rétablit le plus souvent. Lorsqu'on atteint une énergie de 55 joules environ, l'animal tombe comme foudroyé, et il reste pendant quelques secondes en résolution complète. Il a ensuite un accès de convulsions cloniques pendant lesquelles souvent la respiration, qui est superficielle, reprend déjà. Le sensorium est inhibé; mais les réflexes existent encore, et peu à peu l'animal revient à l'état normal : au bout de quelques minutes il se tient sur ses pattes. Si la décharge possède une énergie encore plus élevée, 77 joules environ, l'inhibition du système nerveux est encore plus grande et plus prolongée, et l'on peut même obser- ver déjà la mort par ariêt complet de la respiration. Finalement, en soumettant le lapina une décharge d'une énergie^de 95 joules, l'inhi- bition du système nerveux est complète. Après la contraction musculaire générale qui se produit toujours au moment de la décharge, l'animal tombe absolument foudroyé; il ne fait plus aucun mouvement des membres; les réflexes sont abolis, il n'y a aucun mouvement respiratoire. Le cœur bat encore avec énergie. Si l'on abandonne l'animal à lui-même, il meurt faute de respiration; si l'on pratique la respiration artificielle, l'in- hibition du système nerveux central disparaît peu à peu, la respiration naturelle se réta- blit, et le lapin, après un laps de temps assez long, reprend la sensibilité et les mouve- ments volontaires. Les effets qu'une décharge électrique unique produit sur les centres nerveux d'un FULGURATION. 867 lapin de 2 kilos, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum, peuvent être résumés dans le tableau suivant : ÉNERGIE EN JOULES RESPIRAT[ON CONVUl.SIONS RÉFLEXES 7 n 25 55 95 Normale. Polypnée. Dyspnée. Superficielle. Abolie. Manquent. Cloniques. Toniques. Cloniques faibles. Manquent. Normaux. Normaux. Lépfcremcnt affaiblis. Aftaiblis. Abolis. On voit ainsi qu'à mesure que l'énergie augmente les centres nerveux sont d'abord excités (polypnée, convulsions), puis complètement inhibés. Lorsque, au lieu d'une seule décharge, on soumet l'animal à plusieurs décharges d'une énergie moyenne, et faites à quelques secondes d'intervalle, les effets produits sur les centres nerveux sont semblables à ceux que l'on vient d'exposer. Toutefois la somme d'énergie dépensée dans plusieurs décharges produit des effets moins dangereux que lorsque cette énergie a été dépensée en une seule décharge. A l'autopsie, les centres nerveux ne présentent aucune lésion macroscopique caractéristique. Chez les cobayes l'action des décharges électriques sur les centres nerveux est tout à fait semblable à celle qu'on observe chez le lapin; mais on obtient naturellement les mêmes effets avec des décharges ayant une énergie plus faible. Toutefois chez les cobayes les attaques convulsives déterminées par une décharge d'énergie appropriée sont beaucoup moins accentuées que chez le lapin. Les dàens présentent les mêmes phénomènes. Une seule décharge de 100 joules ne produit ni arrêt de la respiration, ni convulsions, lorsque les électrodes sont placées dans la bouche et le rectum. Quatre décharges de 100 joules faites à quelques secondes d'intervalle ne suspendent pas encore la respiration d'une manière définitive. Mais, si l'on applique une électrode sur la mem- brane occipito-atloïdienne, l'autre électrode étant placée dans le rectum, une décharge de 40 joules environ provoque un accès de convulsions toniques qui durent plusieurs secondes. Une décharge de 100 joules arrête la respiration d'une manière définitive chez un chien de 5 ou 6 kilos. D'après Dechambre (/. c), les décharges produiraient une excitation du sympathique, suivie d'une paralysie. Immédiatement après la décharge on aurait une constriction de la pupille, et une vaso-constriction des vaisseaux de l'oreille (chez le lapin) suivie d'une dilatation de la pupille et des vaisseaux de l'oreille. Effets sur le cœur. — L'action des décharges électriques sur le cœur est variable suivant l'énergie de la décharge et suivant la localisation de cette énergie. Avec la même décharge on pourra avoir des effets bien différents, selon qu'on applique une élec- trode directement sur le cœur mis à nu, ou qu'on place les électrodes à la surface de la peau. Prévost et Rattelli ont étudié chez le cobaye les effets des décharges sur le cœur de l'animal intact {ibid.), et chez le chien et le lapin les effets sur le cœur mis à nu (22). Chez de jeunes cobayes de 250 grammes environ, soumis à une seule décharge, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, on obtient les résultats suivants : Si l'énergie de la décharge atteint 8 joules environ, on constate à l'ouverture du thorax, faite immédiatement, que les oreillettes et les ventricules battent normalement. Avec une énergie de 14 joules les oreillettes sont arrêtées en diastole; les ventricules battent encore avec énergie. En élevant l'énergie de la décharge à 34 joules, les ventri- cules battent encore, mais faiblement, ce qui est dû en partie à la paralysie du système vaso-moteur, car le cœur est vide de sang. Avec une énergie de 73 joules les battements des ventricules persistent, mais excessivement faibles. Enfin, lorsqu'on élève l'énergie de la décharge à 100 joules, on constate que le cœur est complètement immobile. Les ven- tricules, surtout le gauche, sont en rigidité musculaire. 868 FULGURATION. Les phénomènes que l'on observe lorsqu'on applique une électrode sur le cœur mis à nu sont semblables à ceux que nous venons de décrire. Dans les expériences de Prévost et Battelli, faites chez le lapin, une électrode constituée par un disque de 13 millimètres de diamètre était placée sur la face antérieure des ventricules au niveau de l'union de leurs deux tiers supérieurs avec leur tiers inférieur. Une décharge ayant une énergie de 4 joules environ arrête les oreillettes en diastole pendant plusieurs secondes; les ven- tricules battent bien. Avec une décharge de 9 joules les oreillettes sont arrêtées pendant plusieurs minutes; les ventricules se contractent encore énergiquement. Une décharge de 25 joules rend les battements du cœur faibles; le myocarde est rigide au niveau de l'ap- plication de l'électrode. Finalement une décharge de 70 joules immobilise complètement le cœur, qui devient rigide en entier. Chez le chien on observe la même série de phéno- mènes; mais il faut employer des décharges plus fortes. Nous voyons ainsi qu'à mesure qu'on élève l'énergie de la décharge on constate suc- cessivement : arrêt des oreillettes en diastole, affaiblissement des contractions ventricu- laires, rigidité musculaire au point d'application de l'électrode (dans le cas d'application directe sur le cœur), rigidité totale du cœur. Une seule décharge, qu'elle soit appliquée à la surface de la peau ou directement sur le cœur mis à nu, et quelle que soit son énergie, provoque rarement l'apparition des trémulations fibrillaires des ven- tricules. On n'a constaté ces der- nières que dans quelques cas chez le cobaye. Au contraire, plusieurs décharges énergiques, de 80 joules par exemple, faites à quelques secondes d'intervalle, déterminent l'arrêt du cœur en trémulations fibrillaires persistantes chez le chien. Deux phénomènes intéressants sont encore à signaler. Le cœur, qui est en trémulations fibrillaires, reprend son rythme lorsqu'on le soumet à une décharge électrique appropriée. Le cœur devient inexcitable au niveau de l'application de l'électrode. Pour faire cesser les trémulations fibrillaires du cœur, on applique une décharge de 2;j joules environ chez les chiens de moyenne taille, une électrode étant placée directe- ment sur le cœur mis à nu. Pour que l'expérience réussisse, il faut que les trémulations soient bien énergiques (Voir ÉlectrociUion, p. 874). Un très fort courant induit appliqué sur le point du cœur qui était recouvert par l'électrode au moment de la décharge ne modifie pas le rythme cardiaque. Toutefois cet état d'inexcitabilité est passager. Après un temps, variable suivant l'énergie de la décharge, l'électrisation du point qui était inexcitable produit d'abord une accélération des battements du cœur, et fii\alenient l'apparition des trémulations fibrillaires. Effets sur la pression artérielle. — L'action des déch arges électriques sur la pression sanguine varie avec l'énergie de la décharge, le point d'application des électrodes, etc. Chez le lapin, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, on peut constater les faits suivants. Une décharge électrique peu énergique détermine le plus souvent une chute très passagère de la pression, comme on peut le voir dans la figure 88. La pression ne tarde pas à remonter après cette chute momentanée, et elle atteint un niveau supé- rieur à celui qu'elle offrait avant lajdécharge. D'après Decu.^mbre, la chute passagère de la pression serait due à l'excitation du bulbe par la décharge; elle n'aurait plus lieu après la section des nerfs pneumogastriques. Lorsque la décharge atteint une énergie plus forte, de oo joules par exemple, la pression monte immédiatement sans descente préalable, et reste au-dessus de la normale pendant une demi-minute ou davantage. Il en est de même si l'on augmente encore l'énergie en la portant à 93 joules par exemple. On n'a pas fait de recherches pour savoir si cette élévation de pression est due exclusi- vement à une action directe sur le cœur et les vaisseaux, ou bien si le centre vaso- moteur lui-même est excité. FiG. 88. — Eflfet d'une décharge peu énergique sur la pression artérielle, Lapin de 2 000 grammes. E, décharge électrique, 7 joules. FULGURATION. 869 Nous avons vu plus haut que la respiration est complètement arièlée chez un lapin soumis à une déchai ge de 9o joules. Or nous constatons ici qu'avec la même décharge la pression s'élève et reste au-dessus de la normale pendant plusieurs secondes; elle des- cend ensuite peu à peu à l'abscisse à cause de l'asphyxie. Si l'on entretient la respiration artificielle, la pression reste élevée. Dans leurs expériences Prévost et Battelli ne pouvaient pas obtenir de décharges ayant une énergie supérieure à 100 joules; ils ne pouvaient donc pas étudier l'effet de décharges plus fortes sur la pression du lapin. Ces auteurs ont dû se limitera rechercher l'action de plusieurs décharges se succédant à quelques secondes d'intervalle en même temps qu'on pratiquait la respiration artificielle. Sous l'influence de 3 ou 4 décharges de 100 joules les battements du cœur deviennent de plus en plus faibles, et la pression finit par tomber à l'abscisse. Le système vasculaire périphe'rique est aussi atteint par ces fortes décharges successives. En effet, on constate qu'après quelques décharges le cœur est totalement vide de sang, ce qui est l'indice d'une paralysie vaso-motrice. Il est rare d'observer chez le lapin l'apparition des trémulations fibrillaires sous l'influence de ces fortes décharges successives. Chez les chiens de petite et de moyenne taille, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, une décharge de 100 joules produit une élévation considérable de la pression, qui descend peu à peu et reprend sou Jl/\î^ niveau normal (fig. 89). /ï Lorsqu'on soumet l'animal à plusieurs décharges se succédant à quelques se- condes d'intervalle, on voit que la pression monte à un niveau très élevé, et que cette élévation se maintient pendant quelques décharges. Mais le plus sou- vent, à la quatrième ou à la cinquième décharge, on voit la pression tomber tout à coup à l'abscisse, et y rester d'une manière définitive (fig. 90). Si l'on ouvre rapidement le thorax, on constate que les ventricules pre'sentent des tré- mulations fibrillaires, tandis que les oreillettes continuent à battre. Ces trémulations fibrillaires sont définitives, et même, en prolongeant le massage du Fig. 89. — Effets d'uue décharge énergique sur la pression artérielle. Chien de 8 500 grammes. E, décharge électrique de 95 joules. Fig. 90, — Effets de plusieurs décharges énergiques rapprocliécs. Chienne de 7 kilogrammes. E, décharges électriques de 77 joules. cœur pendant plusieurs minutes, en entretenant en même temps la respiration artifi- cielle, les contractions rythmiques des ventricules ne se rétablissent pas. Des décharges appliquées directement sur le cœur, de façon que la densité élec- trique soit considérable dans cet organe, produisent des effets sejnblables chez le chien. Une seule décharge, quelle que soit son énergie, ne détermine jamais l'apparition des trémulations fibrillaires. Au contraire, avec trois ou quatre décharges peu fortes, de 5 joules par exemple, chez un chien de petite taille, on provoque des trémulations fibrillaires persistantes. On voit ainsi qu'il faut qu'il y ait sommation des effets de plu- sieurs décharges successives pour que les ventricules soient pris de trémulations. 870 FULGURATION. D'après ces expériences il faudrait conclure que la mort de l'homme dans les cas de fulguration n'est pas due à l'arrêt du cœur en trémulations fibrillaires, contrairement à G? qui arrive dans les accidents de l'industrie électrique. Appareil respiratoire. — Nous avons déjà indiqué plus haut l'action des décharges sur le centre respiratoire. Il faut encore considérer quelques phénomènes du côté des poumons. Sous l'influence des décharges, les poumons peuvent présenter des troubles circula- toires, à savoir congestion considérable, œdème, ecchymoses sous-pleurales, etc. (Decham- BRE, ibid.). Ces troubles sont beaucoup plus accentués chez le lapin, et surtout chez le cobaye que chez le chien. Chez les cobayes une décharge peu énergique occasionne souvent la mort au bout de quelques minutes par ces troubles pulmonaires. En outre, lorsque l'énergie de la décharge est suffisante, on constate une diminution plus ou moins considérable de Vélasticité pulmonaire. Les poumons ne se laissent insuffler qu'avec difficulté et sont peu rétractiles. Ce phénomène est surtout très marqué chez les jeunes cobayes, chez lesquels on peut le déterminer déjà avec une décharge peu éner- gique, insuffisante pour inhiber le centre respiratoire. La perte d'élasticité pulmonaire n'est pas seulement due à des troubles circulatoires, car elle se produit aussi chez un cobaye tué par la saignée et soumis aune décharge énergique. Système neuro-musculaire. — L'influence des décharges énergiques sur les nerfs a été peu étudiée. Nothxa.gel (/. c.) a fait des expériences sur des lapins. Il a constaté qu'en plaçant une électrode dans le voisinage d'un tronc nerveux la décharge diminue l'excitabilité du nerf. Lorsque les électrodes étaient placées au niveau du nerf sciatique et du nerf crural, on obtenait une paralysie motrice passagère de la jambe. Nothnagel a observé qu'on produit facilement une anesthésie passagère du pied ou de la queue en appliquant une électrode sur ces parties. Les décharges électriques employées par Nothnagel étaient peu énergiques. Troostwyk et KrayEiN'hoff (/. c.) avaient remarqué qu'en plaçant les électrodes sur les deux membres postérieurs d'un lapin on obtient une paralysie passagère de ces membres, si la décharge est forte. Nous avons vu que, lorsqu'on soumet un jeune cobaye de 2o0 grammes à une décharge de 100 joules environ, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum, le cœur est complètement arrêté, et les ventricules, surtout le gauche, sont contractés, rigides. Les intestins et l'estomac sont aussi, dans ce cas, immobiles, et ne se contractent plus, même en employant un courant induit très énergique. Les muscles lisses de l'in- testin ont donc perdu leur excitabilité. Par contre, le diaphragme reste encore excitable, et se contracte énergiquement, soit qu'on l'électrise directement, soit qu'on le fasse par l'intermédiaire du nerf phrénique. Les muscles du tronc et des membres restent de même encore bien excitables. L'arrêt de la respiration sous l'influence de fortes décharges n'est donc pas dû à une perle de la contractilité musculaire. On peut toutefois abolir Texcitabilité d'un muscle avec une décharge peu énergique, si la densité électrique est considérable dans ce muscle. Ainsi, si l'on applique une élec- trode constituée par un petit disque métallique de 8 millimètres de diamètre sur le muscle-gastrocnémien dénudé d'un gros cochon d'Inde, et qu'on place l'autre électrode dans le rectum, on peut observer les faits suivants. Une décharge de un dixième de joule ne modifie pas l'excitabilité du muscle. Avec une décharge de un tiers de joule, on constate que le muscle est d'abord excitable dans toute son étendue; après quelques secondes la partie sur laquelle était appliquée l'électrode devient inexcitable, tandis que le reste du muscle conserve son excitabilité. Après une décharge d'un joule, le muscle ne reste excitable que pendant trois ou quatre secondes; il devient ensuite tout entier iuexcitable pour revenir à l'état normal au bout de plusieurs minutes. Avec une décharge de 4 joules, le gastrocnémien perd presque immédiatement son excitabilité et bientôt tous les muscles du membre ne se contractent plus, même en employant un courant induit énergique,. Toute la patte est rigide; les muscles du membre opposé, ainsi que ceux du tronc, gardent leur contractilité. Après plusieurs minutes, les muscles de la FULGURATION. 871 cuisse reprennent leur excitabilité; le gastrocnémien reste rigide pendant une heure ou davantage. Nous voyons ainsi que, lorsque la densité électrique est considérable, les muscles sont vite pris de rigidité, et d'autant plus rapidement que cette densité est plus grande. La rigidité du muscle n'est pas permanente; l'excitabilité revient d'autant plus vite que l'énergie de la décharge est moins élevée. Par ces décharges bien limitées, on peut, comme nous venons de le dire, rendre rigide une partie du muscle, tandis que le reste conserve son excitabilité. En outre, les points rigides sont non seulement devenus inexcitables; mais ils ont aussi perdu la propriété de transmettre l'excitation aux parties voisines du muscle. Nous avons constaté le même phénomène sur le cœur soumis à une forte décharge. Dans plusieurs cas de mort par la foudre la rigidité cadavérique a été rapide. On ne peut toutefpis pas admettre l'opinion de Brown-Séquard (23), que la rigidité est toujours instantanée et qu'elle cesse aussi presque immédiatement. D'après ce que nous venons de dire, la rigidité cadavérique dans les cas de fulguration sera très rapide si la densité électrique dans l'organisme a été considérable. En outre, la rigidité s'établira plus vite dans la partie du corps qui a été directement frappée par la foudre. Effets sur le sang. — L'étude de l'action des décharges d'un condensateur sur le sang est due à Rollett, qui, déjà en 1862 (24), constate que le sang sorti des vaisseaux est laqué lorsqu'il est soumis à ces décharges. En 1863 (2o), Rollett étudie le phénomène de plus près; et en 1864 (26) il donne une description détaillée des changements que présentent les globules rouges examinés au microscope. Le laquage du sang défibriné des mammifères est observé en plaçant le sang dans de petits tubes ou dans des con- ducteurs prismatiques, et en l'exposant aux décharges d'une bouteille de Leyde avec une distance explosive de plusieurs millimètres. L'hématolyse se fait d'abord dans le voisi- nage des électrodes, puis peu à peu sur toute la ligne qui réunit les électrodes. Pour l'examen microscopique Rollett emploie, au contraire, une distance explosive faible (un millimètre tout au plus) ; une goutte de sang dilué est placée sur le porte-objet garni de deux feuilles de papier d'étain, et on recouvre avec une lamelle. Sous l'influence des décharges les globules rouges des mammifères revêtent successivement la forme de rosette, de mûre, de pomme épineuse, de sphère colorée; finalement la couleur de la sphère disparaît, et on observe un cercle pâle à contours peu nets que Rollett appelle ombre {Schatte). Les globules de grenouiUes passent également par plusieurs stades; leur noyau apparaît finalement entouré d'un cercle peu net, oîi la substance colorante a disparu. Les globules de grenouilles sont beaucoup plus résistants à l'action des décharges que les globules de mammifères. Rollett constate qu'on ne peut expliquer d'une manière satisfaisante ces différentes transformations. 11 lui paraît, par exemple, difficile d'admettre qu'elles soient un acte vital des globules, une contraction produite par une excitation énergique, car les globules conservés pendant des mois hors de l'organisme présentent les mêmes changements sous l'action des décharges. Nkumann (27) avait constaté que le courant d'une bobine d'induction peut produire les modifications dans la forme des globules et l'hématolyse obtenues par Rollett au moyen des décharges. Hermann (28), en précisant les résultats de l'expérience de Neuman.n, arrive à la conclusion que l'hématolyse par l'électricité est due uniquement à réchauf- fement de la couche de sang. Rollett (29) répond que le sang soumis aux décharges ne subit qu'une élévation de température de quelques degrés, et il met hors de doute, au moyen d'expériences variées, que l'hématolyse est bien due à l'action directe des décharges du condensateur, et non à l'échaulfemenl du sang sous l'action de ces décharges. Dans ses dernières expériences, Rollett emploie un condensateur composé de six éléments possédant ensemble une capacité de 0,01 microfarad, et il choisit une distance explosive de un centimètre, correspondant à un potentiel de 26 000 volts environ. Chaque décharge avait ainsi une énergie de 3,38 joules. Or, pour laquer une colonne de sang ayant une hauteur de 44 millimètres et un diamètre de 11 millimètres environ, il fallait 20 à 2o décharges. Nous avons vu qu'une seule décharge possédant une énergie de 4 joules rend inexcitables et rigides les muscles de toute la patte d'un cobaye adulte, eu appliquant les électrodes sur le gastrocnémien et dans le rectum. Il en résulte qu'on 872 FULGURATION. produit Ja rigidilé musculaire avec une décharge ayant une énergie beaucoup plus faible que celle qui est nécessaire pour laquer le sang. Par conséquent, le sang renfermé dans les vaisseaux d'un animal soumis à une forte décharge ne sera pas encore laqué lorsque les muscles seront déjà rigides. L'héraatolyse ne joue donc aucun rôle dans le méca- nisme de la mort par fulguration. Du reste, les animaux soumis aux décharges d'un condensateur, ou l'homme frappé par la foudre, ne présentent pas d'hématurie. Expériences sur les animaux à sang froid. — Ces recherches sont peu nom- breuses. Priestley (/. c.) a fait quelques expériences sur des grenouilles, et il a trouvé que ces animaux offrent une grande résistance à l'action des décharges. Une décharge suffisanle pour tuer un chat ne tue pas une grenouille. Celle-ci reste plusieurs minutes immobile, mais se rétablit peu à peu. D'après Fontana [l. c), au contraire, les grenouilles, es anguilles, etc., meurent aussi facilement que les animaux à sang chaud ; les tortues résistent davantage. Cet auteur trouvait le cœur immobile chez les grenouilles, mais se contractant sous l'action d'excitations mécaniques. Autopsie. Examens microscopiques. — Si l'on fait l'autopsie d'un animal tué par une ou plusieurs décharges, on ne trouve le plus souvent aucune lésion macroscopique caractéristique, comme l'ont observé la plupart des auteurs (Priestley, Fontana, Dechambre, etc.). On peut pourtant signaler dans quekjues cas l'existence de troubles circulatoires dans les poumons : congestion, œdème, ecchymoses sous-pleurales, beaucoup plus accentués, comme nous l'avons dit plus haut, chez les petits animaux. Les autopsies des personnes tuées par la foudre sont aussi le plus souvent négatives, comme nous l'avons vu. Les organes d'animaux tués par des décharges d'un condensateur n'ont jamais été soumis, à ma connaissance, à des recherches microscopiques. Jellineck (30) a fait l'examen histologique de deux personnes tuées par la foudre, et il a trouvé que les cellules nerveuses de l'axe cérébro-spinal présentent des lésions que d'autres auteurs ont rencontrées dans les cas d'électrocution. Il y aurait déformation du corps cellulaire €t des prolongements, formation de vacuoles, dissolution de la substance chroma- tique, etc. En outre, .Iellixeck aurait constaté la présence de quelques foyers microsco- piques d'hémorrhagies capillaires. Autour de ces foyers hémorrhagiques la substance nerveuse est refoulée et déchirée. J'ai soumis (recherches inédites) huit cobayes très jeunes à des décharges électriques ayant une énergie de 10 à 50 joules, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum. Ces animaux sont morts sans faire un seul mouvement respiratoire. Le cerveau et la moelle ont été préparés d'après la méthode de Golgi et d'après celle de Nissl. Quelques cellules nerveuses ont présenté les altérations citées plus haut; mais j'ai trouvé des lésions semblables chez des cobayes témoins tués par la saignée, et il ne m'a pas semblé qu'elles fussent plus nombreuses chez ceux tués par les décharges électriques que chez les animaux témoins. Je n'ai pas observé les foyers hémorragiques dont parle Jellineck. Mécanisme de la mort dans la fulguration expérimentale. -^ D'après ce que nous venons de dire, le mécanisme de la mort peut être différent suivant que l'animal est soumis à une seule, ou à plusieurs décharges successives. Lorsqu'on applique une seule décharge, les électrodes étant placées sur la tête et les membres postérieurs, ce sont d'abord les centres nerveux qui sont profondément atteints dans leurs fonctions. Nous pouvons ainsi avoir un animal qui est tué par l'arrêt définitif de la respiration, alors que son cœur se contracte encore énergiquement. Il suffit, dans ce cas, de pratiquer la respiration artificielle pour sauver l'animal. Si la décharge est encore plus énergique, le cœur est atteint à son tour; il présente des contractions très faibles, ou bien il est complètement immobile. La respiration artificielle devient alors inefficace pour rappeler l'animal à la vie. En tout cas, il s'agit toujours d'une action directe de la décharge sur les organes dont elle diminue ou annihile les fonctions, et on ne peut pas admettre l'opinion de d'ARsoNVAL, d'après laquelle la mort peut aussi avoir lieu par une inhibition indirecte de la respiration, du cœur, des échanges, produite par l'excitation du bulbe. Chez les petits animaux, une décharge peu énergique peut provoquer la mort par œdème aigu des poumons, pendant que les centres'^nerveux ne présentent pas encore de troubles graves. Enfin, chez les cobayes adultes, on peut avoir la mort par l'apparition de FULGURATION. 873 trémulalions flbrillaires avec une décharge peu énergique, insuffisante pour arrêter la respiration d'une manière définitive. Mais ce cas est rare. Une série de décharges se succédant rapidement tue le plus souvent les chiens par la paralysie du cœur en trémulations fibrillaires persistantes, avant que la respiration ne soit abolie d'une manière définitive. Dans quelques cas, les trémulations fibrillaires man- quent : le chien meurt alors par l'arrêt de la respiration avant que le cœur ne soit pro- fondément atteint. Chez le lapin, les décharges successives produisent rarement l'arrêt du cœur en trémulations flbrillaires; la mort a lieu par arrêt de la respiration. Le phénomène qui prédomine est donc l'inhibition des centres nerveux; c'est l'aboli- tion de la fonction de ces centres qui est généralement la cause première de la mort chez les animaux soumis à la décharge d'un condensateur. Comment expliquer cette inhibition? quelles sont les modifications que subit la cellule nerveuse? Nous ne pouvons que constater notre ignorance à ce sujet. Jellineck (/. c.) attribue les troubles dans les fonctions des centres nerveux à des désordres organiques, et surtout aux hémorragies capillaires, ce qui avait déjà été admis précédemment par d'autres auteurs (voir Électrocution, p. 874). Cette opinion ne peut pas être soutenue; car les animaux soumis à des décharges énergiques, et l'homme, frappé par la foudre, se rétablissent très rapidement, s'ils ne sont pas tués sur le coup. D'autre part, la respiration artificielle réussit à sauver un animal, chez lequel e cœur n'est pas dangereusement atteint. Les troubles sont donc fonctionnels, et non organiques. Brown-Séquard (31) admet, ce qui avait déjà été énoncé par Hunter, que la mort par la foudre s'explique par le fait que, la décharge électrique étant une cause d'excitation extrêmement puissante, elle détermine la dépense de toute la quantité de force nerveuse, musculaire, etc., que possède l'économie. Cette hypothèse est peut-être vraie; mais toutefois elle s'accorde difficilement avec ce qu'on observe sur les muscles et dans le sang. Nous avons vu que les muscles, frappés par de fortes décharges, gardent leur exci- tabilité jusqu'au moment où ils deviennent rigides; la perte de la coutractilité muscu- laire paraît donc liée à un changement dans la constitution moléculaire du muscle, et non à un épuisement de son énergie. Les globules rouges deviennent sphériques et perdent leur hémoglobine lorsque le sang est soumis aux décharges (expériences de Rollett) ; il serait difficile d'admettre que ces modifications sont dues à l'épuisement de l'énergie spéciale qui fixe l'hémoglobine sur le stroma (ou endosorae) globulaire. Il est donc probable que les troubles dans les fonctions des centres nerveux, sous l'influence des décharges du condensateur, sont dus à un changement dans la constitution moléculaire de leurs cellules nerveuses, comme cela paraît être le cas pour les muscles et pour les globules rouges. Mais nous ignorons en quoi consistent ces modiflcations. Mécanisme de la mort dans les cas de fulguration chez l'homme. — En nous basant sur les résultats expérimentaux et sur les relations des accidents mortels produits par la foudre, nous devons conclure que probablement la mort peut avoir lieu de deux manières difîérentes : 1° la mort est due à l'inhibition profonde des centres nerveux et surtout du centre respiratoire , le cœur continuant à battre avec énergie; 2° la mort est due en même temps à l'inhibition des centres nerveux et à l'arrêt ou à la faiblesse du cœur. Ces difîérences tiendront à l'énergie delà décharge qui a frappé la victime. . Nous avons dit, en parlant de la foudre, que l'homme foudroyé n'est soumis qu'à une petite partie de l'énergie électrique totale qui constitue l'éclair. Or, si la décharge que l'homme reçoit est peu énergique, il y a simple commotion, une secousse plus ou moins violente sans gravité. Si l'énergie de la décharge est plus considérable, il y a perle de connaissance, sans que la respiration soit arrêtée; la victime se rétablira d'elle-même, et la conscience reviendra après un temps variable. Lorsque la décharge est encore plus énergique, il se produit une inhibition profonde du centre respiratoire, mais le cœur se contracte encore avec force; dans ce cas, la respiration arti- cielle et d'autres secours administrés à temps pourront sauver la personne foudroyée. Finalement, si l'énergie de la décharge est encore plus élevée, le cœur est aussi profon- dément atteint dans ses fonctions; la victime est alors irrémédiablement perdue. Des décharges ayant une grande énergie pourront, en outre, produire une rigidité musculaire presque immédiate, surtout dans les membres inférieurs oîi la densité électrique est plus élevée. 874 FULGURATION. Il est superflu d'ajouter que dans les cas très rares où il y a des délabrements méca- niques graves, comme fracture du crâne, déchirure d'organes essentiels à la vie, etc., la mort s'explique par ces lésions. Traitement. — Nous ne parlerons ici que des secours à donner aux foudroyés en état de mort apparente. Les autres accidents présentent, du reste, très rarement une réelle gravité. Si la respiration n'est pas abolie, la victime peut rester sans connaissance pendant un temps plus ou moins long; mais la conscience finit toujours par revenir après un jour ou deux au plus tard. Les autres troubles variés qui peuvent se manifester n'ont rien de caractéristique et seront traités comme d'habitude. On a proposé un grand nombre de procédés pour ramener les foudroyés à la vie. L'étude du mécanisme de la mort par la foudre nous indique que le moyen le plus effi- cace consiste évidemment à pratiquer la respiration artificielle, qui pourra réussir à ramener la victime à la vie, si le cœur continue à battre. Il y a, en efîet, une certaine analogie entre un foudroyé qui se trouve en état de mort apparente et un asphyxié. Dès que la respiration spontanée est rétablie, on cherchera à ramener la conscience chez la victime, par les moyens habituels, tels qu'excitation des voies aériennes au moyen de vapeurs irritantes, frictions, effusions froides, etc. Les procédés employés pour pratiquer la respiration artificielle ont été exposés à Particle Asphyxie. Je dois dire toutefois que je n'attribue aucune efficacité aux tractions rythmées de la langue, ce qui m'a été démontré par les expériences que j'ai faites sur les animaux (chiens et lapins) asphyxiés. Il faut empêcher que la base de la langue puisse tomber sur la glotte et l'obstruer. Pour éviter cet accident, il suffit de tirer la langue hors de la bouche ; il est inutile d'y exercer des tractions rythmées. CHAPITRE II Électrocution. Sous le nom d'électrocution nous comprenons tous les troubles produits par les cou- rants électriques sur l'organisme. Nous avons à étudier l'action : 1'' des courants alternatifs; 2° des courants continus; 3" des courants des bobines d'induction. Nous commencerons par nous occuper des courants alternatifs et continus, qui, au point de vue auquel nous nous plaçons ici, provoquent des troubles en grande partie sembla- bles. L'étude des effets produits par ces courants comprend les résultats des recherches expérimentales sur les animaux, les faits observés dans l'électrocution des criminels en Amérique, la relation des accidents occasionnés par les courants industriels. Les cou- rants qu'on emploie dans les expériences sur les animaux sont les mêmes que ceux qui déterminent les accidents de l'industrie électrique chez l'homme. Par conséquent, les résultats obtenus chez les animaux et les observations recueillies chez l'homme présen- tent dans l'électrocution beaucoup plus d'analogie que dans la fulguration, où nos moyens expérimentaux sont loin d'atteindre la puissance d'action de la foudre. § L — EXPÉRIENCES SU R LES A N I M A U X. Nous venons de dire que les troubles produits par les courants alternatifs et par les courants continus sont en grande partie semblables. Nous commencerons par faire l'historique général des travaux qui ont trait à ces deux espèces de courants; nous étu- dierons ensuite les effets des courants alternatifs qui sont mieux connus, et finalement nous parlerons de quelques particularités qui se rapportent aux courants continus. Historique. — Le premier qui a fait des expériences d'électrocution sur les animaux a été Grange (32). Il soumet des chiens à des courants continus de 800 volts environ, et il constate leur mort immédiate, qu'il attribue à des lésions bulbaires, consistant surtout dans la formation d'hémorragies capillaires. Ces lésions du bulbe déterminent. FULGURATION. S75 d'après Grange, la cessation de la respiration, et en même temps l'arrêt du cœur par excitation du centre du nerf pneumogastrique. D'Arsonval a publié une série de communications à la Société de Biologie et à l'Aca- démie des sciences ; les résultats sont résumés dans une note à l'Académie des Sciences du 4 avril 1887 (33). Le courant continu d'une pile de 420 volts n'amène la mort que par des interruptions fréquentes et longtemps prolongées du courant. Le courant d'une dynamo à courant continu n'est dangereux que par son extra-courant de rupture. Le courant d'une dynamo à courant alternatif n'entraîne la mort qu'au-dessus de 120 volts. Le courant des dynamos tue par action réflexe ou indirecte, c'est-à-dire par excitation du bulbe, en produisant des phénomènes d'inhibition respiratoire, d'inhibition du cœur, d'arrêt des échanges, etc. D'Arsonval expliquait ainsi la mort due aux courants électri- ques par les idées bien connues de Brown-Séquard sur l'inhibition et la dynaniogénie. En appliquant ces données à l'homme, d'ARSONVAL concluait que les courants industriels tuent le plus souvent par arrêt respiratoire, et, par conséquent, la respiration artificielle, pratiquée à temps, a grande chance de rappeler les électrocutés à la vie. 11 avait lui- même réussi dans la plupart de ses expériences à ramener à la vie les animaux électro- cutés, en usant de ce moyen. Nous verrons que plusieurs des idées émises par d'ARsONVAL sont inexactes, ou ne sont applicables qu'à quelques cas particuliers. En 1889, Brown, Kennely et Peterson (34) ont fait des expériences sur des chiens, un cheval et deux veaux en employant généralement des courants alternatifs, et dans quelques rares cas un courant continu. Le courant altei-natif présentait des tensions variant entre 160 et 800 volts; quand il fut appliqué pendant au moins une seconde, il produisit toujours la mort instantanée. Le courant continu ne fut pas toujours mor- tel. Les expériences avaient été instituées dans le but d'étudier l'application de l'élec- trocution aux criminels; mais ces auteurs ne cherchèrent pas à se rendre compte du mécanisme qui avait occasionné la mort. En 1890, Tatum (3o), à la suite d'expériences nombreuses sur des chiens soumis à l'action de courants alternatifs et continus, conclut que les nerfs et les muscles restent excitables, que le sang ne présente aucune modification, que la mort est surtout due à l'arrêt du cœur, qu'à l'autopsie on ne trouve aucune lésion constante. Un courant faible peut arrêter le cœur, sans trouble apparent de la respiration; un courant de un ampère peut arrêter le cœur et la respiration en même temps. Après la section des vagues ou l'administration de l'atropine, l'arrêt du cœur a lieu comme chez l'animal à pneumo- gastriques intacts. Tatum conclut que l'inhibition des centres extrinsèques du cœur ne joue aucun rôle : il s'agit d'une action directe du courant sur cet organe. Mais il ne sait pas comment expliquer cette action, et il dit qu'il lui semble que le courant agit plutôt sur le myocarde. Tatum n'indique pas dans son travail quel était le voltage du courant qu'il employait. BiRAUD (36), dans trois expériences faites sur des lapins, constata qu'avec un courant alternatif de 2 500 volts il fallait douze secondes pour déterminer l'arrêt du cœur. DouLiN (37) a émis l'opinion que l'action du courant altère, en premier lieu, le sang, et que les lésions du système nerveux seraient consécutives à cette altération. Mais ces prétendues altérations du sang n'ont jamais pu être constatées, de sorte que l'opinion de DouLTN n'est partagée par aucun auteur. Kratter (38) a fait un certain nombre d'expériences sur diverses espèces animales (rats, cobayes, lapins, chiens,) en se servant de courants alternatifs, et il conclut que la mort est due à la paralysie du centre respiratoire et à l'asphyxie qui en est la consé- quence. Kratter signale, comme facteurs importants de la mort, la durée du conctact et l'espèce animale : les cochons d'Inde et les lapins résistent mieux au choc électrique que les chiens. Kratter n'expérimenta sur les rats qu'avec une faible tension (100 volts) et constata qu'un contact de trente secondes était nécessaire pour les tuer. Chez les autres animaux, il emploie des tensions élevées (1 iJOO ou 1 926 volts), et il trouve géné- ralement que le cœur bat, sauf chez un chien (1 oOO volts), mais il n'insiste pas sur cette dernière expérience. Kratter inscrit la pression artérielle chez trois lapins (1500 volts); il montre que la pression subit d'abord une élévation considérable qui est suivie d'une chute momentanée. Dans les cas où la respiration ne se rétablit pas, la pression ne tarde pas à tomber à zéro, et le cœur cesse de battre, A l'autopsie, il ne S76 FULGURATION. trouve pas de lésions constantes; les cellules nerveuses ne présentent aucun change ment appréciable à l'examen microscopique; elles doivent donc sul)ir des changements moléculaires qui suspendent leur fonction. Oliver et Bolam (39), en expérimentant sur des chiens et des lapins, sont arrivés à des conclusions analogues à celles de Tatum. Un courant alternatif de 200 volts arrête immédiatement le cœur, tandis que la respiration continue, fait que l'on constate bien dans les tracés publiés par ces auteurs. CoRRADO (40) a soumis des chiens à l'action de courants continus à haute tension (au-dessus de 1 000 volts) et il a constaté que, même avec des contacts de très courte durée, ces animaux succombent immédiatement. La respiration et le cœur sont para- lysés dès le premier instant. Corrado n'insiste pas sur le mécanisme de la mort. Prévost et Battelli (41 et 42) trouvent que les courants à basse tension produisent l'apparition des Irémulations fibrillaires du cœur, phénomène qui n'a plus lieu lors- qu'on emploie des courants à haute tension. Les courants à haute tension inhibent, par contre, les centres nerveux. Ces auteurs ont ainsi expliqué la cause des différences entre les résultats obtenus par les expérimentateurs précédents. Au moyen de plusieurs centaines d'expériences faites chez diverses espèces animales, Prévost et Battelli déter- minent le mécanisme de la mort par les courants e'iectriques et précisent les conditions expérimentales. CuN.NiNGHAM (43) constate aussi que la mort chez le chien est due à l'apparition des Irémulations librillaires du cœur.ll trouve que les trémulations sont également pro- duites par des courants à haute tension, mais les courants à haute tension dont s'est servi Cu.n',ningham ne pouvaient fournir qu'une faible intensité; ce n'étaient donc pas des courants industriels, Jelllneck a publié récemment une nombreuse série de travaux, qui sont souvent la répétition l'un de l'autre (44). Il n'y a dans ces travaux presque aucun fait nouveau, et Jelli.neck paraît ignorer la plus grande partie des résultats auxquels sont arrivés les auteurs qui l'ont précédé dans cette voie. Arloing (54) a fait quelques expériences sur les chevaux et il conclut que l'opinion courante, d'après laquelle ces animaux sont très sensibles à l'action du courant, est exagérée. A. Courant alternatif. — Je ne parlerai que de l'action des courants alternatifs indus- triels qui peuvent donner un débit considérable, de sorte que l'animal est traversé par un courant ayant une intensité (en ampères) égale au potentiel (en volts) divisé par la résistance électrique du corps (en ohms). On aurait des résultats bien ditïérents si le courant ne pouvait fournir qu'un débit peu élevé, de quelques milliampères par exemple. J'ajoute que, lorsque je dis courant alternatif tout court, j'entends parler d'un cou- rant alternatif possédant une fréquence de 50 périodes environ. Je reviendrai plus loin sur l'inlluence du nombre des périodes. Mécanisme de la mort. — Nous avons vu dans l'historique que les avis étaient partagés sur la cause de la mort dans rélectrocution. Pour les uns, d'ARsoNVAL, Biraud, Kratter, la mort était due à une inhibition des centres nerveux, et surtout du centre res- piratoire; l'animal mourait asphyxié. Pour les autres, Tatum, Oliver et Bolam, la mort était produite par une paralysie du cœur, le système nerveux perdant ses fonctions à la suite de l'arrêt de la circulation. Les expériences de Prévost et Battelli ont montré que les courants électriques peu- vent tuer, soit par le premier mécanisme (inhibition des centres nerveux), soit par le second (arrêt du cœur), suivant les conditions expérimentales dans lesquelles on se place. D'une manière générale, les courants à haute tension produisent la mort par un méca- nisme tout autre que les courants à basse tension. Les courants à haute tension (courant alternatif de 1200 volts et au-dessus, une élec- trode étant placée sur la tête, l'autre sur les jambes, avec bons contacts) tuent par inhi- bition des centres nerveux. Tous les animaux sont tués d'une manière semblable par ce courant à haute tension, et la mort a lieu par l'arrêt de la respiration. Le cœur continue à battre avec énergie et ne s"arréte qu'à la suite de l'asphyxie. Les courants à basse FULGURATION. 877 tension (ne dépassant pas 120 volts environ, le courant allant de la tête aux pieds avec bons contacts) tuent, au contraire, en produisant l'arrêt du cœur, tandis que les centres nerveux sont peu affectés et l'animal continue à respirer pendant quelque temps encore. Prévost et Battelli ont montré que cet arrêt du cœur est produit par l'apparition des t) émulations fibrillaires du cœur. Pendant le passage du courant à basse tension, le cœur est pris de trémulalions chez tons les animaux. Lorsque le courant est interrompu, les oreillettes reprennent leur rythme normal, mais les ventricules restent en trémulations fibrillaires chez certaines espèces animales (chien, chat), tandis qu'ils recouvrent leur rythme chez d'autres (rats). Chez le cobaye adulte, les trémulations fibrillaires sont le plus souvent persistantes; chez le lapin, elles sont le plus souvent passagères. Les trémulations provoquées par les courants industriels se comportent donc, quant à leur persistance, de la même manière que lorsqu'elles sont déterminées par l'électri- sation directe du cœur au moyen du courant d'une bobine d'induction. Il s'ensuit que les chiens et les chats soumis au passage d'un couran à basse tension meurent toujours, car la paralysie du cœur est chez eux définitive; les cochons d'Inde adultes meurent le plus souvent, mais pas toujours; les lapins meurent rarement ; les rats ne meurent jamais, à la condition toutefois que le contact ne soit pas prolongé au delà de quelques secondes. Entre ces deux divisions de courants à effet complètement différent, courant à haute tension et courant à basse tension, prennent place les courants à tension moyenne (cou- rants alternatifs de 240 à 600 volts, se dirigeant de la tête aux pieds, bons contacts). Ces courants produisent chez le chien la paralysie du cœur en ti^émulations fibrillaires et l'arrêt souvent absolu de la respiration. Détermination de quelques conditions physiques expérimentales. Voltage, intensité, densité du courant. — Avant d'étudier pi us en détail les effets des courants industriels sur l'organisme, je crois utile, pour la facilité de la description, d'exposer rapidement quelques conditions physiques expérimentales. Jusqu'ici, nous avons caractérisé les couinants sui'tout d'après leur voltage. Nous avons parlé des courants à haute, moyenne et basse tension. L'indication du voltage est naturel- lement la plus importante à considérer, car c'est la différence de potentiel qui produit le courant; mais il faut aussi tenir compte d'autres notions, surtout de celles de l'intensité et de la densité. Les courants des grosses bobines d'induction possèdent une tension énorme, et pourtant ils ne déterminent pas d'accidents graves, parce que leur intensité est trop faible. L'intensité a donc une grande importance dans la production des accidents causés par l'électrocution. Pour calculer l'intensité, il faut, étant donné le potentiel, connaître, comme on le sait, la résistance. Il ne suffit pas d'évaluer l'intensité totale que possède le courant en traversant le corps de l'animal. Ce qui est plus important à établir, c'est la densité électrique dans chaque organe, c'est-à-dire l'intensité dans l'unité de surface de l'organe qu'on examine. Au point de vue pratique, la densité électrique dans un organe est déterminée, toutes les autres conditions restant égales, par les points d'application des électrodes et par la taille de l'animal. La densité est d'abord niaxima aux points d'application des électrodes. Si l'on considère les autres parties du corps, la plus grande densité se trouve dans l'espace intrapolaire, c'est-à-dire dans les parties du corps qui sont sur la ligne qui réunit les électrodes. La densité diminuera dans le trajet extrapolaire à mesure qu'on s'éloignera des électrodes. Chez les petits animaux, la densité est plus considérable que chez les gros, si l'in- tensité du courant est la même. C'est pour celte raison que l'on inhibe beaucoup plus facilement les centres nerveux d'un rat que ceux d'un lapin. Tous les troubles que produit un courant électrique industriel dans les différents organes semblent être proportionnels à la densité que possède ce courant en les tra- versant. Il est malheureusement impossible d'exprimer par des chiffi^es la densité du courant dans tel ou tel organe chez l'animal vivant. Au point de vue pratique, on aura déterminé cette densité en indiquant l'intensité du courant, le point d'application des électrodes et la taille de l'animal. 878 FULGURATION. La durée du contact a aussi une grande influence sur les effets du courant. Nous y reviendrons plus tard. Effets sur le cœur. — Pkevost et Battelli ont démontré, comme je l'ai déjà dit, que les courants alternatifs à basse tension arrêtent le cœur en trémulations fibrillaires et que, par contre, les courants à haute tension ne produisent pas ce phénomène. Pour mieux préciser, nous devons dire que le cœur est pris de trémulations lorsque la den- sité du courant qui le traverse est faible; les trémulations n'apparaissent pas si la den- sité du courant dans le cœur est élevée. Ainsi un courant alternatif de 240 volts arrête le cœur d'un chien en trémulations fibrillaires, si l'on place les électrodes dans la bouche et le rectum; en appliquant, au contraire, une électrode directement sur le cœur mis à nu, les trémulations n'apparaissent pas, comme Battelli l'a démontré (45). Lorsque la densité du courant est élevée dans le cœur, celui-ci s'arrête en diastole pendant le passage du courant. Il est difficile de s'en rendre compte en employant les courants à haute tension, mais on peut aisément constater le phénomène en se servant d'un courant de 240 volts appliqué directement sur le cœur d'un chien, chez lequel on entretient la respiration artificielle [Battelli (46)]. Pendant tout le passage du courant, les oreillettes et les ventricules restent immobiles, diastoles. A la rupture du courant, les ventricules reprennent immédiatement leurs battements si le contact n'a pas été prolongé au delà de 4 ou 5 secondes. Si le contact a duré 10 ou 15 secondes, les ven- tricules restent encore généralement quelques secondes en diastole avant de se remettre à battre. Leurs contractions sont alors beaucoup plus fréquentes qu'à l'état normal ; l'excitation du bout périphérique du nerf pneumogastrique par un courant induit ne les arrête pas, mais cette paralysie du nerf vague est momentanée ; elle ne dure que quelques minutes. Les oreillettes restent souvent diastolées pendant quelque temps, surtout si la durée du contact a été un peu prolongée; puis elles recommencent à battre. Dans les mêmes conditions, un courant de 120 volts provoque chez le chien l'apparition des trémulations fibrillaires qui se manifestent déjà pendant le passage du courant et qui persistent après la rupture du contact. Par conséquent, dans ce cas, le cœur du chien ne reprend pas ses battements. Chez plusieurs chiens soumis au passage d'un courant à haute tension (2 400 ou 4800 volts, électrodes bouche et rectum), Prévost et Battelli (41) ont observé une autre modification dans le rythme du cœur. En ouvrant le thorax immédiatement après l'électrisation, ces auteurs ont constaté que les contractions des oreillettes n'étaient pas suspendues, mais qu'elles suivaient celles des ventricules. La contraction du ca'ur paraissait débuter à la pointe du ventricule et se propager de là à la base et aux oreillettes. Après plusieurs secondes, le rythme normal se rétablissait. Ces différents effets du courant sur le cœur s'observent chez tous les mammifères, mais le voltage nécessaire pour provoquer soit les trémulations fibrillaires, soit l'arrêt du cœur en diastole, variera suivant la taille de l'animal, et suivant le point d'application des électrodes. Les courants alternatifs à haute tension (2 400 volts, par exemple), appliqués de la tête aux pieds, ont, en outre, la propriété remarquable de faire réapparaître les contrac- tions rythmiques dans un cœur pris de trémulalions fibrillaires persistantes [Prévost et Battelli (41)]. On peut obtenir le même effet chez le chien avec un courant alternatif de 240 volts, en plaçant une électrode sur le cœur [Battelli (43)]. Au moment où on établit le contact, on constate que les trémulations fibrillaires cessent; le cœur devient immobile, diastole, et, dès qu'on interrompt le courant, les ventricules reprennent ordinairement leur rythme, si l'on a suivi certaines dispositions spéciales. En outre, l'énergie des contractions ventriculaires n'est pas affaiblie lorsque le cœur recommence à battre après avoir été arrêté en diastole par un courant ayant une densité élevée, comme dans le cas que nous venons de citer. Toutefois, si la densité devenait trop grande, les battements du cœur seraient affaiblis ou même complètement arrêtés, et les ventricules deviendraient rapidement rigides. On obtient ce résultat, par exemple, en appliquant chez un rat une électrode sur le cœur mis à nu (l'autre électrode étant placée dans le rectum) et en employant un courant de 240 volts prolongé pendant trois ou quatre secondes. L'explication de ces actions variées du courant sur le cœur est difficile. Elle est liée FULGURATION. 879 à la connaissance de la nature intime des tre'mulations fibrillaires et du ryttime du cœur que nous ignorons en grande partie. Je vais donner quelques chiffres relatifs aux voltages qu'il faut employer pour obtenir les différents efl'ets sur le cœur. En plaçant une électrode sur le cœur du chien mis à nu et l'autre électrode dans le rectum, on observe déjà l'apparition des trémulations fibrillaires avec une tension de 5 volts (je n'ai pas essayé un voltage inférieur). Un courant de 120 volts produit encore les trémulations. Un courant de 240 volts arrête le cœur en diastole. En plaçant une électrode dans la bouche et l'autre dans le rectum ou sur les cuisses rasées et mouillées (résistance de 300 ohms environ chez le chien, de 600 chez le lapin, de 800 chez le cobaye, de 1 100 chez le rat), on obtient les résultats suivants. Un courant de d5 à 25 volts, prolongé pendant une seconde, fait apparaître les trémulations fibril- laires chez tous les animaux. Un courant de 600 volts produit encore les trémulations chez le chien et le lapin ; il ne les provoque plus chez le rat et le cobaye. Finalement, avec un courant de 1 200 volts, le cœur du chien et du lapin est arrêté en diastole pen- dant la durée de l'électrisation, puis les ventricules reprennent leurs battements, tandis S^ m Fi(i. 91. — Klïets d'un courant alternatif à basse tension chez lo chien. — Chien do 9 kilos. 1 Electrodes (bouche, cuisses et rectum). — Pression artérielle. É, dlectrisation, 40 volts. — Trémulations ventriculaires persistantes. que, le plus souvent, les oreillettes restent quelque temps diastolées, surtout chez le lapin. Les courants de 2 400 ou 4 800 volts produisent les mêmes effets. Les chiffres que je viens de donner ne sont valables que dans les cas où le courant va de la tête aux pieds, et lorsque les résistances électriques sont celles indiquées. Effets sur la pression artérielle. — La courbe de la pression artérielle chez les animaux électrocutés sui- vra avant tout les modifi- cations qui auront lieu dans le rythme du cœur. Un courant de 5 à 10 volts allant de la tête aux ■ pieds ne produit pas ''— i"^^ — ^ . . . , ■-_, , . d'efTet notable, sauf une élévation très nassacèrede f'^-.^^. - Etfets d'un courant alternatif à basse tension chez le lapin, eievduon iieb pdbbdgcieue Lapin de l 500 grammes. -Electrodes (bouche,cuissesj. -Pression artérielle, lapression. Mais lorsqu'on E, électrisation, 20 volts. — Trémulations ventriculaires passagères. atteint une tension de 20 à 30 volts, le tracé change. Après avoir présenté une élévation très passagère à la fermeture du courant, la pression baisse rapidement et descend peu à peu à l'abscisse, ce qui est dû à l'apparition des trémulations fibrillaires du cœur. Chez le chien, la pression ne se relève plus (fig. 91), et l'animal meurt. Chez le lapin, au contraire, dans le plus grand nombre des cas, la pression se relève après un temps plus ou moins long (fig. 92) et l'animal se rétablit. Un courant de 600 volts produit encore les mêmes effets sur la pression chez le chien, et souvent aussi chez le lapin. Mais le tracé est complètement différent lorsque le courant atteint une tension de 1 200 volts. A la fermeture du courant, la pression subit une forte élévation, et, malgré l'arrêt du cœur en diastole, elle ne descend pas, à cause de la violente contraction de tous les muscles du corps. A la rupture du contact, la pression reste encore élevée, et le 8S0 FULGURATION. cœur est rapide. Avec des courants de 2 400 ou de 4 800 volts, on obtient des tracés ana- logues (fig. 93). Si la respiration se rétablit, la pression revient peu h peu à la normale pour y demeurer. Si la respiration ne se rétablit pas, la pression, après être restée élevée pendant quelque temps, baisse progressivement jusqu'à l'abscisse (fig. 94), comme dans les cas de mort par asphyxie. Nous avons dit que les trémulations fibrillaires des ventricules peuvent être abolies /yy^^"^^^ V Fig. 93. — Effet d'un courant alternatif à haute tension. E, électrisation,4800 volts. - - Chien adulte. — Electrodes (tête et cuisses) Pression artérielle. et remplacées par des contractions rythmiques en soumettant l'animal au passage d'un courant à haute tension. On voit alors la pression artérielle, qui était tombée à cause de la paralysie du cœur, s'élever au-dessus de la normale et s'y maintenir pendant plu- sieurs secondes (fig. 95). Système nerveux. — D'une manière générale, nous pouvons répéter ce que nous Fig. 94. — Effet d'un courant alternatif à haute tension un peu prolongé. — Chien adulte. Électrodes (tète et cuisses). — Pression artérielle. E, électrisation, 2 400 volts ; chute de la pression consécutive à l'arrêt de la respiration. avons dit à propos de la fulguration. Les centres nerveux paraissent excités lorsque la densité du courant qui les traverse est peu élevée ; ils sont, par contre, de plus en plus inhibés à mesure que cette densité augmente. A parité des autres conditions (voltage, points d'application des électrodes, etc.), la densité du courant est d'autant plus élevée que la taille de l'animal est plus petite et par conséquent les troubles nerveux sont Fig. 95. — Effet d'un courant alternatif à basse tension suivi d'un courant à haute tension. Chienne de 9 kilos. — Electrodes (bouche, cui.sses et rectum). E, électrisation, 20 volts. — Trémulations ventriculaires. — E', électrisation, 4 800 volts. — Rétablissement des battements du cœur. — Pression artérielle. beaucoup plus graves chez les petits animaux que chez les gros. La durée du contact joue aussi un rôle considérable; plus le contact est prolongé, plus grave est l'inhibition des FULGURATION. 881 centres nerveux. 11 ne faut pas, en outre, oublier que l'action directe du courant sur les centres nerveux est ici compliquée par les phénomènes qui ont lieu du côté du cœur. En plaçant une électrode dans la bouche ou sur la tête, et l'autre dans le rectum ou sur les cuisses rasées et mouillées, on ne constate aucun effet remarquable, sauf des manifestations de douleur, avec un courant de 5 volts prolongé pendant deux secondes. Dans les mêmes conditions, un courant de 12 ou lo volts provoque toujours, chez le rat, le cobaye et le lapin, l'apparition d'un tétanos généralisé, qui dure plusieurs secondes. Peu à peu, la contraction tonique fait place à des convulsions cloniques, pendant les- quelles la respiration se rétablit déjà. Chez le chien, un courant de 15 volts ne suffit pas, en général, pour faire apparaître les convulsions ; il faut pour cela atteindre 20 volts environ. Lorsque la tension est de 50 volts, les convulsions Ioniques sont plus énergiques et plus prolongées, pouvant durer trente secondes ou davantage; elles sont remplacées par les convulsions cloniques. Les réflexes (palpébral, cornéen, patellaire, etc.) persistent. La respiration spontanée se rétablit chez tous les animaux, mais elle cesse bientôt si le cœur est arrêté en trémulations fibrillaires. Chez les petits animaux (rat et cobaye), un courant de 2i0 volts produit déjà une inhibition assez profonde des centres nerveux, si le contact est prolongé pendant trois ou quatre secondes. Cette inhibition se manifeste par l'absence de convulsions, par la résolution musculaire complète, par la prostration générale, par la perte de la sensibi- lité et des réflexes, et par l'arrêt plus ou moins prolongé de la respiration. Toutefois ces animaux finissent par se rétablir. Si le contact est de plus courte durée, une demi- seconde par exemple, on observe encore le tétanos généralisé à la rupture du courant. Un courant de 600 volts prolongé pendant une ou deux secondes arrête déPinilivement la respiration chez le rat; on obtient le même résultat chez le cobaye avec une tension de \ 200 volts. L'inhibition des centres nerveux est si grave, que la respiration artifi- cielle ne suffit pas toujours pour rappeler J'animai à la vie. Chez le lapin, un courant de 600 volts doit être prolongé au moins pendant 15 secondes pour arrêter la respiration d'une manière définitive ; à 240 volts, le centre respiratoire est encore moins atteint. Avec un courant de de 1 200 ou de 1 800 volts, un contact de deux secondes suffit le plus souvent pour suspendre définitivement la respi- ration ; on obtient le même résultat en employant un courant de 2 400 volts pendant une seconde, ou un courant de 4 800 volts pendant une fraction de seconde. La sensibi- lité générale est abolie ; les convulsions manquent ou sont très faibles. La respiration artificielle réussit souvent à sauver les animaux, mais pas toujours. Si l'animal résiste au choc électrique, il se rétablit peu à peu après une phase d'affaiblissement général et d'insensibilité. Chez le chien, un courant de 240 ou de 600 volts, prolongé pendant une ou deux secondes, provoque une crise de tétanos généralisé ; mais lorsque les convulsions ont cessé, on ne constate aucun mouvement respiratoire, surtout avec le courant de 600 volts. Les courants à tension moyenne (240 à 600 volts) produisent donc chez le chien un arrêt simultané du cœur et de la respiration. Nous avons déjà dit que cet arrêt de la respiration par les courants à tension moyenne s'explique par le fait que le centre respiratoire est atteint en même temps par le choc électrique et par le manque de circulation. Un courant de 1 200 volts prolongé pendant cinq secondes ne suffit pas pour arrêter la respiration d'une manière définitive chez un chien de moyenne taille; l'animal se rétablit peu à peu. Un courant de 2 400 volts suspend en général définitivement la respi- ration si la durée du contact est de deux ou trois secondes, et on obtient le même résul- tat avec un courant de 4 800 volts prolongé pendant une ou deux secondes. La crise de convulsions est d'autant plus accusée que le contact est plus court. Avec les courants de 2 400 et 4 800 volts, les convulsions manquent et on observe une inhibition complète du système nerveux, si l'électrisation dure plus d'une seconde; la sensibilité disparaît, les réflexes sont abolis. Si l'on pratique alors la respiration artificielle, l'animal se rétablit peu à peu et on constate qu'après quelques minutes la sensibilité et les réflexes ont repris leur état normal. Nous pouvons résumer dans le tableau suivant les effets produits sur Je cœur et les DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. 56 ss^ FULGURATION. centres nerveux chez le chien, par le passage du courant alternatif prolongé pendant une ou deux secondes, en supposant que les électrodes sont placées dans la bouche elle rectum (résistance de 300 ohms environ). VOLTS COEUR RESPIRATION C 0 N A' U L S I 0 N S RÉSULTAT 20-120 240-600 1200 2 400 4800 Arrêté. Arrêté. Bat. Bat. Bat. Respire. Arrêtée. Continue. Continue ou arrêtée. Arrêtée. Violentes. Moins énergiques. Energiques. Manquent. [Manquent. Mort par le cœur, Mort i^ar le cœur. Survit. Survie ou mort par la respiration. Mort par la respiration. Les effets délétères du courant sur les centres nerveux peuvent être augmentés par l'élévation de la température du corps, qui devient considérable lorsqu'on emploie un courant à haute tension prolongé pendant quelques secondes. Mais, si la durée du con- tact n'est que d'une fraction de seconde, la température rectale n'augmente pas d'une manière sensible. Influence de la résistance électrique et du point d'application des élec- trodes. — Les chiffres donnés jusqu'ici, relatifs aux voltages nécessaires pour produire les différents effets sur le cœur et les centres nerveux, ne sont applicables qu'aux cas où la résistance électrique était celle que nous avons indiquée, et où le coui'ant allait de la tête aux pieds. Les résultats seront bien différents si on change l'une ou l'autre de ces conditions, et il est facile de comprendre que nous pouvons avoir ici un nombre illi- mité de variétés. Lorsqu'on augmente la résistance, il sera nécessaire d'élever aussi le potentiel pour obtenir la même intensité, et par conséquent les mêmes effets. En outre, si on a une grande résistance, les courants à haute tension appliqués de la tête aux pieds, agiront comme des courants à moyenne ou à basse tension, et le cœur du chien sera paralysé en trémulations fibrillaires. Un chien qui aura résisté au passage d'un courant de 2 400 volts, lorsque la résistance du corps était de 300 ohms, sera tué par ce même courant si la résistance devient plus grande, de 3 000 ohms par exemple. Les valeurs de la résistance varient surtout d'après la nature du contact entre le corps de l'animal ou de l'homme d'un côté, et le conducteur électrique, de l'autre. La plupart des conditions qui ont une inffuence sur la nature du contact sont bien faciles à con- cevoir (forme et étendue des électrodes, état d'humidité de la peau, épaisseur de la couche cornée de l'épiderme, présence des poils, etc.). Mais il y a, en outre, une circonstance qui modifie sensiblement les valeurs de la résistance, et qui aune grande importance dans les accidents de l'industrie électrique; je veux parler des brûlures causées par les courants à voltage élevé. Dans l'énorme majorité des accidents électriques graves, il se produit au point de contact entre le corps et le fil du conducteur une brûlure ({ui est plus ou moins profonde et étendue suivant le voltage, la durée du contact, etc. La peau est immédiatement desséchée et carbo- nisée; il en résulte une augmenlalion considérable de la résistance. Il est facile de se rendre compte de ce fait par l'expérience. On met en série sur le même circuit de 240 volts un animal et une lampe électrique. Les électrodes placées sur l'animal sont constituées par un large tampon disposé devant le pubis rasé et mouillé, et par un fil métallique appliqué .sur une jambe rasée. Dès qu'on ferme le courant, la lampe élec- trique s'allume et brille d'un vif éclat; puis, au bout d'une seconde et demie environ, elle s'éteint. Je n'ai pas pu faire l'expérience avec un voltage supérieur à 240 volts, mais il est évident qu'avec une tension plus élevée la carbonisation de la peau doit être beau- coup plus rapide, et l'augmentation delà résistance, par conséquent, plus immédiate. Cette production des brûlures expliquerait l'issue non mortelle d'accidents déterminés par des courants à haute tension; j'y reviendrai en parlant de la mort par l'électricité cbez l'homme. FULGURATION. 883 Les points d'application des électrodes ont aussi une grande influence sur les résul- tats de l'électrocution. En effet, en changeant ces points d'application, on change aussi la densité du courant qui traverse le cœur et les centres nerveux. Si l'on place, par exemple, les électrodes sur les côtés du thorax au niveau du cœur, uu courant à basse tension y provoque les trémulations fibrillaires, mais n'atteint pas les centres nerveux. En employant dans ces conditions un courant de 30 à 40 volts chez un chien, on voit que l'animal se sauve en poussant des cris; puis, au bout de quelques secondes, il chancelle, tombe sur le côté tout en continuant à respirer, et finalement il meurt. Si, par contre, on applique une électrode dans la bouche et l'autre sur la nuque, ce sont les centres nerveux qui sont atteints, et le cœur continue à battre lorsqu'on n'a pas fait usage d'un courant à tension trop élevée. Quand les électrodes sont placées sur les deux jambes postérieures, on peut, chez un chien, employer un courant de 1 200 volts sans que ni le cœur, ni les centres nerveux ne présentent de troubles appréciables. Influence de la durée du contact. — Toutes les autres conditions étant égales, la durée du contact peut naturellement faire varier les effets du courant. Pour fixer un peu les idées sur l'importance de la durée du contact, je diviserai cette durée en trois catégories : 1° elle est d'une fraction de seconde ; 2° elle est d'une seconde ; 3" elle est supérieure à une seconde. 1" La durée est d'une fraction de seconde. — Le courant continu qui possède un vol- tage suffisant pour arrêter le cœur en trémulations fibrillaires (par exemple, chez un chien, un courant de 400 volts allant de la tête aux pieds avec de bons contacts), produit déjà cet effet lorsque la durée du contact est de 1/10 de seconde, c'est-à-dire le temps de fermer et d'ouvrir rapidement le courant au moyen d'une manette. Le courant alternatif ne présente pas la même constance. Prévost et Rattëlli ont trouvé que, dans quelques cas, un courant alternatif de 120 ou de 240 volts allant delà tète aux pieds, a paralysé le cœur du chien lorsque le contact a été de 1/3 ou de 1/4 de seconde. Dans d'autres cas (et ce furent les plus fréquents), où les autres conditions étaient tout à fait identiques, il a fallu un contact de 1 /2 seconde ou même d'une seconde entière. On n'a pas pu établir la cause de ces différences de résultat. Les fonctions du système nerveux sont, au contraire, profondément atteintes par des durées|de contact très courtes. Ainsi, si l'on fait passer chez un chien pendant 1/12 de seconde, un courant alternatif de 240 volts de la tête aux pieds avec de bons contacts, l'animal tombe en convulsions toniques et la respiration s'arrête pendant plusieurs secondes (de 20 à 40 secondes). La respiration reprend ensuite, mais l'animal reste pen- dant quelques instants sans connaissance, dans un état comateux. 11 revient peu à peu à lui, puis il se relève et, au bout de quelques minutes, il paraît complètement rétabli. Cette expérience est particulièrement intéressante, parce qu'elle peut nous donner l'explication des phénomènes observés dans quelques accidents de l'industrie électrique. Nous y reviendrons plus tard en parlant de l'homme. C'est probablement à cette pro- priété que possède le cœur d'exiger une certaine durée de contact pour être pris de trémulations fibrillaires qu'il faut attribuer l'absence de ces trémulations lors de l'appli- cation de la décharge énergique d'un condensateur. 2° La durée est d'une seconde. — Dans ce cas, le cœur est toujours arrêté en trémula- tions fibrillaires si le courant présente les conditions voulues pour produire ce phéno- mène. 3» La durée est de plusieurs secondes. — Les troubles nerveux deviennent toujours plus graves; les courants à haute tension peuvent complètement inhiber les centres ner- veux, et la respiration peut s'arrêter d'une manière définitive, comme nous l'avons dit plus haut. Influence du nombre des périodes. — L'influence de la fréquence du courant alternatif sur les troubles du cœur et des centres nerveux a été étudiée par Prévost et Battelli (47), qui ont expérimenté sur des chiens. Ces auteurs ont trouvé que ce sont les courants ayant une fréquence de 150 périodes à la seconde qui produisent les effets mortels avec un voltage minimum. Non seulement le cœur est plus facilement arrêté en trémulations fibrillaires, mais les centres nerveux sont aussi plus profondément inhibés. Ainsi un courant de IS à 20 volts (électrodes à la bouche et au rectum, contact de 884 FULGURATION. 4 secondes) détermine en même temps l'arrêt ^du cœur et de la respiration, s'il possède une fréquence de loO périodes, tandis qu'avec une fréquence de 50 périodes on observe un certain nombre de mouvements respiratoires avant la mort. Prévost et Battelli ont dressé des courbes représentant l'influence que le nombre des périodes exerce sur le voltage nécessaire pour obtenir la mort par paralysie du cœur. Dans ces courbes, le nombre des périodes est placé sur la ligne des abscisses et la ten- sion en volts sur celle des ordonnées. Les petites sphères indiquent la mort de l'animal. En employant des courants de 9 à 200 périodes, on a obtenu la courbe représentée par la fig. 96. Cette figure montre qu'avec les courants dont le nombre des périodes a été de 13 et de 20, on a dû atteindre une tension de 25 volts au minimum pour produire la paralysie du cœur. Avec les courants de 30 à 150 périodes le voltage nécessaire pour 40 35- 30- 25- 10 '20 '30' 40' 5fl' m m 200 FiG. 96. — Tensions (ordonnées) ayant occasionné la mort, avec des périodes (abscisse) variant Je 13 à 200. arrêter le cœur a oscillé de 15 à 25 volts. Ces oscillations doivent être probablement attribuées à des susceptibilités individuelles des animaux en expérience. Toutefois, c'est avec le courant de 150 périodes qu'on a observé la paralysie du cœur avec le voltage minimum de 15 volts de la façon la plus constante. A partir de 150 périodes la tension a dû être sensiblement augmentée pour provoquer les trémulations fibrillaires du cœur et la mort. En employant des courants alternatifs de 150 à 1 720 périodes, on a obtenu la courbe représentée par la fig. 97. Le voltage doit être élevé, à mesure que la fréquence aug- mente pour déterminer la paralysie du cœur. Or, dans l'industrie, les courants alterna- tifs ont précisément une fréquence variant entre 30 et 150 périodes; cette fréquence est, comme nous venons de le dire, la plus favorable pour produire les elFets mortels. Si les courants alternatifs industriels possédaient une fréquence supérieure à 400 périodes, ils deviendraient moins dangereux que les courants continus. Dans toutes ces expériences, les électrodes ont été placées dans la bouche et le rec- tum, et la durée du contact a été de quatre secondes. Le nombre des périodes a une influence moins marquée sur l'excitation des centres nerveux, se manifestant par les crises de convulsions, que sur le cœur. Ainsi les courants à périodicité très élevée (1720 périodes) provoquent une crise de convulsions toniques, dès que la tension est élevée à 30 ou 40 volts. FULGURATION. 885 La diminution des effets mortels présentée par les courants de fréquence élevée ne peut pas être due à une répartition superficielle plus grande des courants. On doit, au contraire, l'attribuer à une propriété physiologique des tissus, qui présentent un maximum de réaction à une fréquence optimum. Il est bien connu, d'autre part, que l'or- ganisme peut être traversé par des courants à haute fréquence (courants de ÎESLAJsans manifester aucune réaction appréciable, même lorsque l'intensité du courant est consi- dérablement élevée (un ampère, par exemple). Toutefois, Bordier et Legonte (48) ont réussi à tuer des animaux de petite taille (lapins, cobayes, rats) en les faisant traverser pendant plusieurs secondes par un courant de Tesla. avec une intensité de '600 milliara- pères ; mais ces effets doivent être attribués à des phénomènes calorifiques. Ces résultats des expériences de Prévost et Battelli s'accordent à peu près avec les 350H 300- 250 20flH m- 100- 75- 50 30 10 15Ô 200 SÙO 4t)0 500 6(lo 700 800 900 1000 1100 12oÔ™!3oÔ~l400 1500 1600 1700 FiG. 97. — Tension (ordonnée) ayant occasionné la mort, avec des périodes (abscisse) variant de 150 à 1 720. observations de v. Kries. Cet auteur a trouvé que la fréquence optimum pour l'excitation des nerfs moteurs avec le courant alternatif est de 100 périodes. D'Arso.wal avait, au contraire, constaté que le maximum d'excitation neuro-musculaire s'obtient avec une réquence de I 2;»0 à 2 500 périodes. Considérations sur l'énergie électrique employée dans l'électrocution et dans la fulguration. — Nous avons vu, en étudiant la fulguration, que pour arrêter complètement la respiration chez un lapin de deux kilos, il faut que la décharge du condensateur ait une énergie de 100 joules environ (les électrodes étant placées dans la la bouche et le rectum). Dans les mêmes conditions de contact (résistance de 600 ohms environ), un courant de 1200 volts doit être prolongé pendant trois ou quatre secondes pour produire d'une manière certaine l'arrêt définitif de la respiration chez le lapin. En négligeant les modifications de la résistance dues au passage du coui\ant, l'inten- sité électrique dans le corps de l'animal est de deux ampères environ; le lapin est donc soumis à une puissance de 2 400 watts pendant trois ou quatre secondes, c'est-à-dire à un total de 7 200 à 9 600 watts-. Je rappelle qu'un watt représente l'énergie d'un joule mise en liberté dans une seconde. Il en résulte que, pour arrêter la respiration chez le lapin avec le courant de 1 200 volts, on a employé une énergie de 7 200 cà 9 600 joules. L'énergie dépensée pour produire une inhibition profonde des centres nerveux est donc beaucoup plus élevée dans l'électrocution que dans la fulguration. Cette différence 886 FULGURATION. doit être attribuée au fait que la durée de la de'cliarge d'un condensateur est extrêmement courte; toute l'énergie est dépensée pendant une petite fraction de seconde. Du reste, dans l'électrocution, nous observons aussi que, pour une somme donnée d'énergie, les effets délétères du courant sur les centres nerveux sont d'autant plus accentués que cette quantité d'énergie a été employée dans un espace de temps plus court. Effets sur le sang et sur le système neuro-musculaire. — Les effets du cou- rant alternatif sur le sang ont été peu étudiés. Toutefois le sang ne paraît subir aucune modification appréciable ni cbez les animaux, comme l'a montré Tatum {l. c), ni chez les criminels électrocutés en Amérique. Tous les auteurs ont constaté que les nerfs moteurs et les muscles sont excitables immédiatement après la mort chez les animaux tués par le passage du courant. Les muscles traversés par un courant de très grande densité perdent leur excitabilité"; mais il est difficile de décider si cela est dû à l'action directe de l'électricité, ou bien à la forte élévation de température qui se produit. Animaux à, sang froid. — Les grenouilles résistent un peu plus que les mammi- fères à l'action du courant. Une grenouille de 50 grammes n'est pas tuée par un courant de 240 volts, prolongé pendant huit secondes, les électrodes étant placées dans la bouche et sur les ciiisses. L'animal est complètement inhibé, les réflexes sont abolis pendant vingt minutes ou davantage, mais peu à peu la grenouille se rétablit, 11 est pourtant difficile d'admettre l'exactitude des résultats obtenus par Jellineck (/. c.) qui a soumis des grenouilles au passage d'un courant alternatif de 3 000 volts pendant plu- sieurs secondes sans réussir à les tuer. Or, dans ces conditions, les grenouilles auraient dû mourir à cause de la forte élévation de la température. Autopsies ; examens microscopiques. — Les organes des animaux tués par l'action du courant ne présentent à l'autopsie aucune lésion constante et caractéristique. On observe souvent une congestion des poumons, des méninges, du cerveau, etc. Le sang est noir et fluide comme dans tous les cas d'asphyxie aiguë. Les points d'application des électrodes, quand ils ne sont pas étendus, offrent, surtout dans les cas de haut vol- tage et de contact un peu prolongé, des lésions locales, des brûlures plus ou moins pro- fondes que l'on peut éviter en étendant les surfaces de contact. Le cœur présente une rigidité rapide, lorsque l'animal est mort par la paralysie de cet organe en trémulations fibrillaires. Ainsi chez les chiens tués par un courant à basse tension, les ventricules, et surtout le gauche, sont déjà rigides vingt ou vingt-cinq minutes après la mort. L'examen microscopique des centres nerveux a été fait par plusieurs auteurs; les avis sont partagés. Corrado {l. c.) trouve des déformations diverses et très appréciables des cellules nerveuses chez les chiens tués par les courants continus à haute tension (720 à 217.T volts). Corrado a observé des érosions ou déchirures du corps cellulaire; une sorte de dissolution de la substance chromatique qui prend un aspect pulvérulent; une vacuo- lisation très prononcée du contenu cellulaire ; le noyau tend à se porter vers la périphérie ; les prolongements sont souvent fragmentés, variqueux, etc. Querton (49) remarque que ces altérations se rencontrent dans tous les cas où les cellules nerveuses sont soumises à de fortes excitations, et que, par conséquent, elles n'ont aucune spécificité. Jellineck (30) a constaté, dans les centres nerveux, des altérations analogues à celles qu'il a observées chez les foudroyés, c'est-à-dire les déformations cellulaires décrites par Corrado, et en outre, des hémorragies capillaires auxquelles il attribue en grande partie les accidents et la mort par l'électricité. Par contre KrattEr [L c.) n'a remarqué aucune modification morphologique des cellules nerveuses. Bordier et Piéry (oO) sont arrivés au même résultat négatif. Ils ont tué des cobayes par un courant continu de 120 volts, prolongé pendant une minute ou davantage, et ils ont trouvé que les cellules nerveuses étaient normales. D'après Bordier et Piéry, ce fait peut être rapproché des résultats négatifs dans les intoxications surai- guës ; l'organisme n'a pas le temps de réagir. Les altérations que produit l'électricité dans les cellules nerveuses ont été aussi étudiées en employant les courants des bobines d'induction. Mais, dans la plus grande partie de ces recherches, les auteurs se sont servis de courants faibles dans le but FULGURATION. 887 d'examiner plutôt l'effet de l'excitation ou de la fatigue que l'action de l'électricilé. (Voir l'article Fatigue.) Traitement; rappel à la vie des animaux électrocutés. —Le mécanisme delà mort par l'action du courant étant variable, les moyens de traitement devront changer suivant les cas. Lorsque la mort est due à l'inhibition des centres nerveux, on fera la respiration artificielle, qui, pratiquée à temps, sera efficace si les troubles nerveux ne sont pas trop graves, un réussira, par exemple, à sauver le plus souvent un chien soumis au pas- sage d'un courant de 4 800 volts (électrodes, bouche et rectum) prolongé pendant une ou deux secondes. Mais, si la mort est causée par la paralysie du cœur en trémalations fihrillaires définitives, la respiration artificielle ne peut être d'aucune utilité. Dans ce cas, il faut rétablir les contractions cardiaques. Nous avons vu que Prévost et Battelli ont démontré que les courants à haute tension offrent la propriété de faire cesser les trému- lations librillaires; en les employant, on peut sauver des chiens qui auraient été perdus à cause de la paralysie du cœur. Mais pour que ce moyen réussisse, il faut appliquer lo courant à haute tension l.j à 20 secondes après l'arrêt du cœur ; si l'on attend plus long- temps, les ventricules ne reprennent pas leur rythme. On peut toutefois rappeler à la vie des chiens dont le cœur est paralysé depuis plu- sieurs minutes. Pour y parvenir, il faut d'abord pratiquer des compressions rythmiques du cœur mis à nu, en entretenant en même temps la respiration artificielle. C'est Schiff (51) qui a le premier, en 1874, employé ce procédé dans le but de ranimer les chiens dont le cœur avait été paralysé pendant la chloroformisation. Mais, si la méthode de ScHiFF peut servir dans quelques cas de mort par le chloroforme, elle est insuffisante lorsque la mort est due au passage d'un courant à basse tension. Lorsqu'on ouvre le thorax quelques minutes après la mort chez un chien tué de cette manière, on trouve que les ventricules sont immobiles, les oreillettes pouvant battre ou étant déjà arrêtées. Si l'on pratique alors les compressions rythmiques du cœur en faisant en même temps la respiration artificielle, on constate que les ventricules présentent bientôt des trémula- tions fibrillaires faibles, qui s'accentuent de plus en plus, tandis que les oreillettes battent. Ces trémulations sont persistantes ; on peut continuer le massage du cœur pendant une heure ou davantage sans que les ventricules reprennent leur rythme. Mais si, au moment où les trémulations sont bien énergiques, on applique sur le cœur une forte décharge électrique, ou mieux encore, si l'on fait passer un courant alternatif de 240 volts, une électrode étant placée sur les ventricules, on obtient le rétablissement du rythme du cœur [Battelli (45)]. On suture alors la plaie du thorax, et, si l'on a pris des précau- tions antiseptiques suffisantes, on peut garder l'animal en vie pendant plusieurs jours. Si, après la mort par les courants à basse tension, on attend plus de 15 ou 20 minutes avant de procéder aux compressions du cœur, on ne peut plus rétablir les battements des ventricules, parce que ceux-ci sont déjà rigides, comme nous l'avons dit plus haut. 11 n'en est pas de même dans les cas de mort par asphyxie ou parle chloroforme, la rigidité des ventricules étant alors généralement plus tardive. Prus (o'2) a fait un grand nombre d'expériences sur des chiens en employant la méthode de Schiff. Cet auteur, ne connaissant pas le procédé pour faire cesser les trémulations fibrillaires, ne réussit que très rarement à rappeler à la vie les chiens tués par les courants électriques, tandis qu'il eut plus de succès dans les cas de mort par asphyxie ou par le chloroforiue. B. Courant continu. — Les troubles produits parle courant continu sont analogues dans leurs grandes lignes à ceux que nous venons d'étudier avec les courants alternatifs. Le mécanisme de la mort est le même, comme l'ont montré Prévost et Battelli (42). Les courants continus à basse tension paralysent le cœur en trémulations fibrillaires, et ne sont, par conséquent, mortels que pour les animaux chez lesquels ces trémulations sont persistantes. Les courants continus à haute tension tuent tous les animaux par inhibition des centres nerveux. Les effets sur le cœur et sur le système nerveux peuvent être obtenus aussi bien avec les courants fournis par des dynamos qu'avec ceux provenant des piles à faible résis- tance interne (éléments de Bunsen, accumulateurs, etc.). L'opinion de d'Arsonval (/. c), d'après laquelle les courants continus ne sont dangereux que par l'extra-courant de rupture, ne saurait donc être admise. 888 FULGURATION. La plus grande parlie des considérations que nous avons faites en pariant du courant alternatif sont aussi applicables au courant continu. Nous n'y reviendrons pas et nous allons exposer les principales différences existant entre ces deux espèces de courant. Effets sur le cœur. — En plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, la paralysie du cœur chez le chien a lieu lorsque le courant continu atteint une tension de ■60 à 80 volts. En se basant sur leurs expériences, Prévost et Battelli (47) ont dressé la courbe représentée par la figure 98. Les petites sphères indiquent la mort de l'animal. Cette courbe montre que, dans les mêmes conditions, le courant continu doit posséder un voltage minimum trois ou quatre fois supérieur^à celui d'un courant alternatif de 40 à 150 périodes pour pouvoir arrêter le cœur. Dès que la fréquence atteint 400 périodes, tl 29 41) M 8S P Kio. 98, — Tensions (ordonnée) ayant causé la mort avec des périodes (abscisse) variant de 0 (courant continu) à 420. C, mort parle courant continu. — A, morts par les courants alternatifs. le courant alternatif doit, au contraire, avoir un voltage minimum supérieur à celui du courant continu pour produire le même résultat. Il résulte des expériences de Cohrado (/. c.) qu'un courant continu de 2 17:> volts, appliqué de la tête au sacrum, paralyse encore le chien. On n'a pas fait d'expériences avec une tension plus élevée, et on ne sait pas à quel voltage le courant continu, allant de la tête aux pieds, ne provoque plus l'apparition des trémulations fibrillaires. Chez les autres mammifères (lapins, cobayes, rats) le courant continu doit aussi, d'après Prévost et Battelli, atteindre une tension de oO volts au minimum pour déter- miner les trémulations, lorsqu'on place les électrodes dans la bouche et le rectum. Ni la secoussse de fermeture, ni celle de rupture ne sont nécessaires pour paralyser le cœur, si la tension du courant est suffisamment élevée (100 volts par exemple) ; mais, à faible voltage (70 volts pour les chiens), les trémulations ventriculaires sont quelquefois produites par la secousse de rupture, car le cœur continue souvent à battre pendant le passage du courant et se paralyse seulement lorsque celui-ci est interrompu (fig. 99). En outre, avec des courants à tension élevée (550 volts), la secousse de rupture fait rebaltre, chez les cobayes, les ventricules qui étaient en trémulations pendant le passage du courant. Si l'on supprime la secousse de rupture, les trémulations continuent chez FULGURATION. 889 cet animal. Les oreillettes soat arrêtées en diastole pendant quelques minutes chez le cobaye et le rat soumis au courant de 550 volts, lorsque le contact dure une ou deux secondes. iNous voyons donc que le cœur est moins influencé par le courant continu que par le courant alternatif à fréquence normale (40 à 150 périodes). Toutefois, le courant continu à voltage élevé paraît provoquer toujours les trémulations fibrillaires, même si la durée du contact a été très courte, un dixième de secondes par exemple, ce qui n'est pas le cas pour le courant alternatif, lequel exige un contact un peu plus prolongé. Système nerveux. — Les phénomènes d'excitation des centres nerveux (convulsions) sont produits moins facilement par les courants continus que par les courants alternatifs. Au contraire, les phénomènes d'inhibition paraissent un peu plus accentués avec les courants continus. Il résulte des expériences de Prévost et Battelli que, chez le chien, le lapin, lecobaye, le rat, un courant continu doit avoir une tension minimum de 50 volts pour provoquer une crise de convulsions généralisées peu énergiques, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum (contact de deux ou trois secondes). Il faut atteindre une tension FiG. 99. — Effet du courant dune pile. — Chienne de 8 kilos. — Electrodes (bouche et rectum). E, électrisation avec le courant d'une pile, 80 volts. — Trémulations à la rupture d\i courant. de 100 volts environ pour obtenir des convulsions toniques bien accentuées et durant plusieurs secondes. Or nous avons vu que le courant alternatif, dans les mêmes condi- tions, détermine déjà la crise de convulsions avec une tension de 15 volts. Les convulsions ne se manifestent plus lorsque la densité du courant dans les centres nerveux est élevée, et la durée du contact un peu prolongée. Ainsi, chez le cobaye et le rat soumis pendant deux secondes au passage d'un courant continu de 550 volts, les électrodes étant appliquées dans la bouche et le rectum, on observe que les muscles se relâchent immédiatement, dès qu'on interrompt le contact. La respiration se rétablit directement à la cessation des convulsions toniques, si l'on a employé un courant à basse tension. A mesure qu'on élève le voltage, le centre res- piratoire est plus profondément atteint. En plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, un courant continu de 550 volts tue un rat par arrêt définitif de la respiration, si la durée du contact est d'une seconde ; et un cobaye, si cette durée est de deux secondes. Le même courant, prolongé pendant une ou deux secondes, ne tue pas un lapin; mais l'animal paraît se rétablir plus lente- ment et reste plus longtemps insensible et affaissé, que s'il avait été traversé par un courant alternatif de même voltage et dans des conditions identiques. Chez le chien, il est difficile de bien observer cette inhibition plus profonde des centres nerveux par le courant continu, à cause de l'arrêt définitif du cœur. On n'a pas recherché si l'action inhibitrice du courant continu sur les fonctions ner- veuses est due en partie à des phénomènes éleclrolytiques. L'inversion des pôles n'a aucune influence appréciable sur les troubles constatés dans les fonctions du cœur ou des centres nerveux. C. Courant des bobines d'induction. — Le courant des bobines d'induction appliqué à un animal produit des troubles beaucoup moins graves que le courant alternatif ou le courant continu. 890 FULGURATION. RiCHARDSON (lo) a employé dans ses expériences une grosse bobine de Ruhmkohff qui donnait une étincelle d'une longueur de 72 centimètres. Les animaux (pigeons, lapins, crapauds) soumis à des chocs isolés de cette bobine n'ont jamais présenté de troubles bien appréciables, quelle que fût la partie du corps sur laquelle on appliquât les élec- trodes. Lorsque les chocs d'induction étaient fréquents, il en résultait un tétanos des muscles respiratoires et l'animal mourait d'asphyxie si le passage du courant était suf- fisamment prolongé. En outre, on produit une anesthésie qui peut durer plusieurs mi- nutes. RicHAKDSON interprète cette immunité des animaux aux chocs d'induction, en admettant que le courant passe à la surface du corps et ne pénètre pas dans l'intérieur. Grange (32) constate aussi qu'on peut soumettre des chiens au passage du courant d'une bobine de Ruhmkorff pendant 15 à 43 secondes sans occasionner la mort. D'Arsox- VAL signale que l'extra-courant est plus dangereux que le courant de la bobine secon- daire, surtout si l'on associe un condensateur. Battelli (33) a fait une étude systématique des elTels produits par les courants des bobines d'induction. Il est difficile de mesurer les différents éléments du courant induit (intensité, ten- sion, etc.), et, du reste, ces éléments changent à la rupture et à la fermeture du courant primaire, etc. En outre, les données qu'on pourrait tirer de ces mesures n'ont pas d'ap- plication générale, mais varient de cas à cas, d'appareil à appareil, etc. En se plaçant à un point de vue pratique, on peut étudier les effets mortels produits par des bobines de différentes grandeurs. Battelli a employé les courants d'une grosse bobine (étincelle de 43 centimètres), d'une bobine moyenne (étincelle de 15 centimètres) et (les chariots de du Rois-Reymond. Gourants des bobines de grande et de moyenne grandeur. — Nous étudie- rons d'abord le courant secondaire, fourni par la bobine secondaire; ensuite, Vcxtra-coii- rani fourni par la bobine primaire. Le courant secondaire se montre peu délétère pour des animaux d'une certaine taille, comme les chiens. Le système nerveux aussi bien que le cœur présentent ime résistance considérable à l'action de ces courants. Pendant le passage du courant, la respiration cesse complètement, et tous les muscles entrent en tétanos, si les électrodes sont placées sur la tête et sur les membres posté- rieurs; mais, si les électrodes sont appliquées sur les côtés du thorax, il n'y a qu'un nombre limité de muscles qui soient tétanisés, et la respiration continue pendant l'électrisation. La respiration ne s'arrête pas non plus si on place les électrodes sur les côtés de la nuque, ce qui est une nouvelle preuve que le centre respiratoire est peu affecté par ce courant. Quant au cœur, il s'accélère généralement pendant le passage du courant; mais il est très rare d'observer l'apparition des trémulations fibrillaires chez le chien. Sa pression artérielle subit une élévation considérable, due surtout au tétanos généralisé. A la rupture du courant, on n'observe jamais de convulsions, quelle que soit la durée du contact; dès que l'on suspend l'électrisation, le tétanos cesse et les muscles se relâ- chent. La respiration reprend tout de suite après l'arrêt du courant, sauf dans les cas d'électrisatiou trop prolongée. Les animaux se remettent complètement et rapidement, même dans les cas de contacts de longue durée et répétés. Pour tuer un chien il faut prolonger le contact pendant deux minutes ou deux mi- nutes et demie environ, les électrodes étant placées dans la bouche et le rectum. Une éleclrisation d'une minute et demie n'est pas suffisante pour mettre la vie de l'animal en danger. La mort occasionnée par cette éleclrisation prolongée a lieu par arrêt de la respiration, et non par paralysie du cœur qui continue à battre. La cessation de la res- piration est due à l'asphyxie résultant du tétanos qui envahit tous les muscles plutôt qu'à une action directe du courant sur le centre respiratoire. En effet, si, pendant qu'on électrise l'animal, on pratique la respiration artificielle, on peut faire passer le courant pendant vingt minutes sans amener la mort du chien. On doit observer cependant qu'il ne s'agit pas d'une asphyxie simple, il s'y ajoute aussi un effet délétère sur le centre respiratoire car l'arrêt de la respiration que provoque l'asphyxie simple (occlusion de la glotte) n'a jamais lieu chez le chien avant cinq minutes environ d'asphyxie. Si, au lieu de placer directement les électrodes sur le corps de l'animal, on fait éclater l'étincelle entre une électrode et un point du corps, on obtient les mêmes effets FULGURATION. 891 En appliquant une électrode sur le cœur mis à nu, on détermine l'apparition des trémulatioiis fibrillaires persistantes. Le courant des grosses bobines d'induction agit donc, à ce point de vue, comme le courant ordinaire du chariot de du Bois-Reymond. Chez le lapin le courant secondaire des grosses bobines produit des effets analogues à ceux que nous venons d'exposer pour le chien. La mort a lieu si l'on prolonge l'élec- trisation pendant une minute et demie environ. Chez les petits animaux (cobayes et rats), l'action délétère de ce courant des grosses bobines de Ruhmkorff est plus accusée. Nous constatons d'abord que le cœur est arrêté en trémulations fibrillaires, qui cessent comme d'habitude chez le rat dès qu'on inter- rompt le courant, tandis qu'elles sont souvent persistantes chez le cobaye bien adulte. Nous avons vu que chez le chien et le lapin le cœur continue à battre pendant le pas- sage du courant. Celte différence est due à la taille de l'animal; chez les petits animaux, la densité du courant étant plus grande, le cœur est traversé par un courant ayant une intensité suffisante pour provoquer l'apparition des trémulations fibrillaires. Les fonctions des centres nerveux sont aussi plus gravement atteintes chez les petits animaux que chez le chien ou le lapin. Une électrisation d'une minute suffit pour ame- ner la mort chez le cobaye et le rat. L'extra-courant des grosses bobines de Rchjirorff produit des effets beaucoup plus graves que ceux observés avec le courant secondaire, surtout si l'on fournit la bobine d'un condensateur, comme l'avait déjà indiqué d'Arsonval. En plaçant les électrodes sur la tète et les membres postérieurs, l'extra-courant détermine des troubles assez considé- rables, soit du côlé des centres nerveux, soit du côté du cœur. Les troubles dans les fonctions des centres nerveux se manifestent surtout par une crise de convulsions violentes, toniques d'abord, puis cloniques. Pendant la crise de con- vulsions toniques la respiration est arrêtée ; elle reprend soit pendant la période des convulsions cloniques, soit après la cessation de ces convulsions. Dans les expériences faites par Battelli avec ses deux bobines, les convulsions apparurent chez le chien, aussi bien quand le primaire était fourni de condensateur que lorsqu'il en était dépourvu. Le cœur est souvent pris de trémulations fibrillaires par le passage de l'extra-cou- rant, lorsque le condensateur est inséré dans le primaire, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum. Battelli n'a jamais vu chez le chien le cœur s'arrêter en trému- lations lorsqu'il n'y avail pas de condensateur. On comprend facilement que ces effets peuvent changer avec les variations des différents éléments (capacité du condensateur, nombre des accumulateurs, fréquence des interruptions, etc.), mais on peut dire, d'une manière générale, que l'extra-courant provoque plus facilement l'apparition des trému- lations fibrillaires du cœur lorsque la bobine est pourvue de condensateur. La pression artérielle présente une forte élévation pendant le passage du courant, et pendant toute la durée des convulsions, sauf dans le cas où le cœur est pris de trému- lations fibrillaires. Chez le lapin, le cobaye, le rat, l'extra-courant produit, de même que chez le chien, des convulsions violentes toniques et cloniques lorsqu'on applique les électrodes dans la bouche et le rectum. Les trémulations fibrillaires apparaissent plus facilement que chez le chien, ce qui s'explique par la taille plus petite de ces animaux. Courant des chariots de du Bois-Reymond. — Dans ses expériences, Battell s'est servi de chariots de du Bois- Reymond de plusieurs modèles. Le courant primaire était fourni par des éléments Bunsex, et les mouvements de l'interrupteur étaient indé- pendants du courant qui traversait la bobine. Les troubles produits par un fort courant du chariot de du Bois-Reymond sont encore plus prononcés que ceux que l'on obtient avec l'extra-courant des grosses bobines. Du côté du cœur apparaissent les trémulations fibrillaires ; du côté des centres nerveux, on observe surtout les convulsions, et l'arrêt plus ou moins prolongé de la respiration. Pour que ces troubles se produisent, il faut d'abord que la force du courant atteigne un certain degré, et qu'en outre la fréquence soit assez élevée. Ainsi, chez le chien, pour provoquer les trémulations fibrillaires du cœur et, par conséquent, la mort avec le courant secondaire, il faut, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, mettre dans le courant primaire 10 éléments Bunsen lorsqu'on a 20 interruptions à la seconde, la bobine secondaire recouvrant entièrement la primaire. Les crises convul- 892 FULGURATION. sives sont déterminées par un courant moins fort, ou à fréquence moins élevée. Avec ces courants, la respiration n'est jamais complètement arrêtée, à moins d'un contact très prolongé ; elle ne cesse qu'à la suite de l'arrêt du cœur. Les mêmes constatations peuvent être faites chez le lapin, le cobaye ou le rat. En augmentant peu à peu la force du courant secondaire ou bien le nombre des interrup- tions, on commence d'abord à voir apparaître les convulsions, puis les trémulations fibrillaires se produisent. La force du courant minima nécessaire pour provoquer soit les convulsions, soit les trémulations fibrillaires, est d'autant plus faible que la taille de l'animal est plus petite. Ainsi, chez un cobaye, en plaçant les électrodes dans la bouche et le rectum, un courant secondaire occasionne déjà une crise de convulsions toniques énergiques lorsqu'on insère dans le courant primaire une pile de deux éléments Bunsen, avec une fréquence de 20 interruptions à la seconde. Dans les mêmes conditions, le cœur du cobaye est ari'êté en trémulations fibrillaires dès que le courant primaire est actionné par quatre ou cinq éléments Bunsen. La force du courant peut naturellement être augmentée ou diminuée dans le chariot de DU Bois-Reymond par le déplacement du secondaire sur lo primaire. Les exemples lapportés plus haut s'appliquent au cas où la bobine secondaire recouvre complète- ment la primaire. Si on éloigne les bobines, il faudrait augmenter ou bien le nombre des éléments de la pile dans le courant primaire, ou bien la fréquence des interruptions pour obtenir le même résultat. V extra-courant d'un chariot de du Bois-Reymo.xd, privé de condensateur, produit des effets moins marqués que le courant secondaire. Ainsi, pour amener la paralysie du cœur chez le chien avec l'extra-courant, il faut employer lo éléments Bunsen environ, lorsque le nombre des interruptions est de 20 à la seconde. L'action moins prononcée de l'extra-courant dans ce cas peut être attribuée au fait qu'il possède un potentiel beaucoup moins élevé que le courant induit. Le changement du point d'application des électrodes fait complètement varier les résultats, parce qu'on modifie la densité du courant dans les différents organes. Nous pourrions répéter ici ce que nous avons dit à ce propos, en parlant des courants alter- natifs. Application des résultats précédents àlhomme. — Si, à présent, nous voulons appliquer à Vhomme ces résultats obtenus chez les animaux avec les courants des bobines d'induction, nous devons conclure que ces sortes de courants ne peuvent pas, dans la pratique, être considérés comme dangereux. En effet, nous avons vu que les courants des grandes bobines ne tuent les chiens que par une électrisation très prolongée, en produisant l'asphyxie par le tétanos des muscles respiratoires. Il faudrait donc, pour causer la mort d'un homme, que celui-ci fût soumis au courant d'une grande bobine pendant deux minutes au minimum, condi- tion qui ne peut naturellement se réaliser que dans des circonstances très exception- nelles, et qui, du reste, ne s'est jamais produite. Le courant secondaire des petites bobines ou l'extra-courant peuvent tuer, comme nous t'avons vu, les chiens par paralysie du cœur en trémulations fibrillaires, et ils peuvent, en outre, produire des troubles graves dans les fonctions des centres nerveux. Mais, pour que ces phénomènes aient lieu, il faut que les contacts des électrodes soient bons, et que de plus le courant soit dirigé de la tête aux pieds. Or l'ensemble de ces conditions ne peut guère se réaliser chez l'homme qui manie le courant induit dans un but scientifique ou autre. Du reste, pour produire la mort de l'homme, le courant induit des petites bobines devrait être beaucoup plus énergique que celui que nous avons employé pour occasion- ner la mort des chiens, à cause de la taille plus grande de l'homme. Une personne qui est accidentellement parcourue par les courants les plus éner- giques des bobines d'induction ressent une douleur extrêmement vive, mais, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels, elle ne court, je le répète, aucun risque d'être tuée par ces courants. André Broga (59) a décrit les symptômes observés sur lui-même, ayant été soumis accidentellement au courant du secondaire d'une grosse bobine de Ruhmkori< i< . Broca serrait dan.s ses mains deux larges électrodes, et le contact dura deux ou trois FULGURATION. 893 secondes. 11 fut jeté à lerre par un tétanos musculaire généralisé et perdit bientôt cou- naissance; mais il revint immédiatement à lui dès que le courant fut interrompu. Les bras étaient complètement paralysés, liyperémiés, offrant une hyperesthésie au froid. Tous ces troubles se dissipèrent rapidement. Dans la nuit, A. Broc.v constata une arythmie cardiaque ; le lendemain, il ne restait plus qu'une forte courbature. Interprétation de l'innocuité du courant des bobines d'induction. — Comment expliquer l'innocuité de ces courants, et surtout du courant secondaire des grosses bobines d'induction, qui pourtant est bien redouté par les expérimentateurs à cause de la violente douleur qu'il provoque? Il faut d'abord remarquer que la douleur paraît due essentiellement à une contraction très énergique des muscles, plutôt qu'à l'excilation des nerfs sensitifs de la peau. La sensation qu'on éprouve lorqu'on est soumis au courant des grosses bobines ressemble à celle qu'on ressent dans les muscles pris de crampe douloureuse. Pour expliquer l'innocuité de ces courants, nous pouvons supposer, ou que le cou- rant, étant oscillatoire, passe à la surface du corps en n'intéressant que faiblement les organes situés profondément (opinion de Ricuardson), ou bien qu'il pénètre bien dans la profondeur des tissus, mais que son intensité est trop faible pour produire des effets délétères. La première hypothèse est déjà difficile à admettre lorsque l'on a égard au tétanos intense qui se manifeste dans tous les muscles du corps traversé par le courant. Pour mettre mieux en évidence l'impossibilité de cette hypothèse, Battelli a ouvert le thorax chez des chiens et a soulevé le cœur à la surface. Si l'innocuité du courant provenait de ce qu'il passe à la surface du corps, il devrait, lorsqu'on soulève le cœur à la surface, le traverser et le paralyser en provoquant des trémulations fibrillaires. Or le cœur continue à battre. La seconde hypothèse, d'après laquelle le courant secondaire des grandes bobines de RuHMKORFF ne produit pas d'effets graves à cause de la faible intensité, parait la plus probable. En effet, soit l'extra-courant des grosses bobines, soit un fort courant d'un chariot de du Bois-Reymomd, qui présentent une intensité beaucoup plus grande que le courant secondaire des grosses bobines, produisent aussi des effets beaucoup plus gra- ves. De même l'extra-courant est plus dangereux lorsque la bobine est pourvue d'un condensateur, parce que, dans ce cas, les décharges du primaire possèdent une intensité plus élevée que celle qu'on a lorsque la bobine est privée de condensateur. Les petits animaux, comme le rat, sont tués beaucoup plus facilement que le chien par le courant des grosses bobines; résultat qui doit être attribué à ce que, la section du corps du rat ayant une petite surface, la densité du courant traversant l'animal est beaucoup plus grande que chez le chien. Enfin, en plaçant une électrode directement sur le cœur mis à nu, on provoque immédiatement des trémulations fibrillaires avec le courant secon- daire des grosses bobines; dans ces conditions, la densité du courant est suffisamment élevée au point d'application pour que le cœur soit alors pris de trémulations. S N. — ÉLECTROCUTION DES CRIMINELS EN AMÉRIQUE. Les renseignements que nous possédons sur les électrocutions des criminels en Amérique nous proviennent soit de rapports officiels, soit d'articles de journaux médi- caux ou techniques. Je me suis, en outre, procuré des informations privées de personnes ayant assisté aux exécutions et aux autopsies. Dispositif employé. — Le dispositif des électrocutions est bien connu. Le condamné est fixé sur une chaise à l'aide de courroies. Les électrodes sont constituées par de larges éponges, mouillées par des solutions salines; elles sont placées, l'une sur le som- met de la tète ou sur le front, l'autre sur un mollet. Lorsqu'on fait plusieurs applica- tions du courant, les éponges sont mouillées pendant les interruptions du contact. On a toujours employé un courant alternatif industriel, c'est-à-dire un courant pou- vant débiter plusieurs ampères sous un voltage élevé. Lafré(iuence varie entre des limites restreintes. Dans le pénitencier de l'Etat d'Ohio, le courant présente 130 périodes environ à la seconde [Iîennett (iio)]. La durée du contact a varié de 10 à 30 secondes environ dans les premières électrocutions. 891 FULGURATION. Quant au voltage, on a modifié la manière de procéder dans ces dernières années. Dans les premières électrocutions, on se servait uniquement de courants à haute tension (1 500 à 2 000 volts). Un contact peu prolongé n'étant pas suffisant pour tuer le condamné d'une manière définitive, on était obligé de continuer l'électrisation pendant plusieurs secondes, ce qui amenait une forte élévation de température de la peau et surtout de l'éponge au niveau des électrodes. On voyait apparaître une fumée plus ou moins intense, et l'impression des assistants était fort désagréable. Pour éviter les brûlures, et main- tenir en même temps le condamné sous l'influence prolongée du courant, on procède de la manière suivante depuis l'année 1899. On commence par soumettre le criminel au passage d'un courant à haute tension (1700 à 2000 volts) pendant sept secondes environ, puis le voltage est abaissé à 200 ou 400 volts, et ce dernier courantest appliqué pendant 30 secondes ou davantage. On inter- rompt alors le courant pour examiner le patient; d'autres fois, on élève de nouveau le vol- tage à 1600 ou 1800 volts pendant cinq ou six secondes. Si le patient fait encore des mouvements respiratoires, ce qui est généralement le cas, on recommence l'opération, en appliquant lecourantà haute tension, suivi de celui à basse tension. De cette manière on évite les élévations trop fortes de température. L'intensité du courant qui traverse le corps du condamné varie naturellement avec le voltage. Lorsque la tension est de loOO à 1800 volts, l'intensité est de 7 à 10 ampères. Dans les électrocutions plus récentes, où, après l'application du courant àhaut voltage, on emploie un courant de 400 volts, l'intensité est de 2 à 3 ampères pendant le passage de ce dernier. La résistance du corps dans les conditions de l'éiectrocution serait ainsi de 150 à 200 ohms environ. Mac Donald a constaté que l'électrisation avec un voltage si élevé fait considérablement baisser la i^ésistance jusqu'à arriver aux valeurs que nous venons d'indiquer. Phénomènes observés dans les premières électrocutions. — Les informations précises que nous possédons sur les premières électrocutions sont dues surtout à Mac Donald. Ces renseignements sont exposés soit dans une brochure (56) publiée pour combattre l'exagération des descriptions sensationnelles des journaux politiques, soit dans les rela- tions adressées au directeur de la prison. Ces relations sont rapportées in extenso dans la thèse de Biraud (/. c). Bennett {L c.) a aussi publié la description de quelques élec- trocutions. Dès que le courant est fermé, tous les muscles du corps entrent naturellement dans un tétanos violent; les courroies craquent sous l'efTort musculaire. Bennett dit avoir observé une courte inspiration spasmodique, due évidemment à la contraction du dia- phragme. Le tétanos général dure pendant tout le passage du courant. A la rupture du contact la résolution musculaire est immédiate et complète. Il n'y a donc pas de crises convulsives après la cessation du courant. Jusqu'ici l'analogie avec ce que nous constatons chez les animaux est complète. La crise violente de convulsions toniques, qu'on observe après une électrisation de courte durée, fait défaut, au contraire, lorsqu'on a appliqué un courant à haute tension pendant quelques secondes. Les centres nerveux ont subi une inhibition très profonde, et les convulsions manquent. Comment se comportent la respiration et le cœur après la rupture du courant? Pour la respiration, il n'y a aucun doute: elle se rétablit peu à peu, quelques secondes après la rupture du contact. Ainsi, après la première électrocution, où le condamné Kemmlerfut soumis au passage du courant pendant 17 secondes, Mac Donald constata l'apparition de légers mouvements spasmodiques de la poitrine au bout d'une demi-minute environ après la rupture du contact. La respiration spontanée se rétablissait. Bennett a aussi observé qu'il y a des mouvements respiratoires après l'interruption du courant. Une seule application n'a jamais suffi pour arrêter la respiration d'une manière définitive. Pour arriver à ce résultat, on a dû le plus souvent faire trois électrisations; dans quel- ques cas, quatre; et quelquefois, même, cinq (Bennett). Quant au cœur on a souvent constaté l'existence du pouls radial après la première application du courant dans les premières électrocutions. Dans le rapport officiel des docteurs Mac Donald et Ward nous en trouvons quelques exemples. Chez le condamné Slocum, le premier contact dura 37 secondes (1458 volts). Au bout de ce temps le circuit fut rompu. Mais on trouva alors que le pouls était fort, et une à deux minutes plus tard FULGURATION. 895 une forte respiration s'établissait avec une régularité très grande. Le courant fut immé- diatement réappliqué et continué pendant 36 secondes. La respiration avait alors cessé entièrement, de même que les battements du cœur. Chez le condamné Smiler, on fit d'abord trois contacts successifs de iO secondes (1485 volts); à la lin de chaque contact, on arrêtait un instant le courant pour iuouiller les éponges. Dans l'intervalle de ces contacts on ne voyait pas trace d'effort pour respirer, mais le pouls battait fort, réguliè- rement. On ferma de nouveau le contact pendant 19 secondes; au bout de ce temps l'auscultation montra que le cœur avait définitivement cessé de battre. Chez le condamné Yugigo, après trois contacts de 15 secondes chacun, on trouva au poignet un léger frémis- sement du pouls. Plus typique encore est le cas du condamné Taylor. La première application du cou- rant dura 52 secondes (1260 volts). A la rupture du courant, les médecins ne constatèrent pas l'existence du pouls radial, mais après une demi-minute environ ils aperçurent un pouls filiforme qui devint de plus en plus fort. En même temps, la respiration se rétabht. On voulut rétablir le contact, mais le courant ne marchait plus. Peu à peu la respiration devint stertoreuse avec 12 ou 13 respirations par minute; le cœur présentait 100 pulsa- tions à la minute. Une demi-heure après le choc électrique, on constata 120 pulsations et 18 mouvements respiratoires par minute. Le condamné commençait à s'agiter. On lui fit une injection de morphine, et on le soumit à la narcose chloroformique. Le condamné ouvrit les yeux et cria. Au bout d'une demi-heure, on fit la seconde application de cou- rant, pendant 40 secondes, qui amena la mort définitive. Dans quelques cas les médecins n'examinent pas le pouls avec attention, ou bien ils sont dans le doute, et ne peuvent affirmer si le cœur avait cessé de battre après la rup- ture du contact. Chez un seul condamné (Mac Elvaine), on a appliqué le courant sur les deux mains, en imitant ainsi ce qui arrive dans le plus grand nombre des accidents mortels de l'in- dustrie électrique. Les mains du condamné furent plongées dans deux baquets d'eau salée. Le premier contact dura 50 secondes avec une tension de i 600 volts. A la rupture du courant il y eut une résolution musculaire complète; mais, bientôt, le corps s'éleva à moitié, la poitrine se souleva, et un gémissement s'échappa des lèvres du condamné. Mac Donald attribua ce gémissement à l'expulsion de l'air contenu dans les poumons. On n'examina pas le cœur et on fit immédiatement une nouvelle applica- tion du courant de la tête au mollet; après quoi l'arrêt du cœur et de la respiration fut définitive. Le résultat de ces premières électrocutions fut donc bien ditïérent de celui qu'on attendait en se basant sur les accidents de l'industrie électrique et sur des expériences sommaires faites chez les animaux. Comment expliquer la résistance présentée par les condamnés soumis au passage d'un courant à haute tension et prolongé pendant plu- sieurs secondes, alors que le même courant ou un courant beaucoup plus faible a pro- voqué la mort de plusieurs centaines de personnes dans l'industrie électrique. Cette dif- férence de résultats était absolument inexplicable avant les expériences de Prévost et Battelli. a présent nous pouvons au contraire nous en rendre compte d'une manière satisfaisante. Nous avons vu qu'un chien n'est pas tué par un courant alternatif de 1 200 volts (électrodes avec bons contacts sur la tête et les jambes postérieures) prolongé pendant 5 secondes, parce que son cœur est arrêté en diastole pendant le passage du courant et recommence à battre avec énergie à la rupture du contact. Les centres nerveux peu- vent ainsi résister au choc produit par ce haut voltage. Un chien est, au contraire, tué dans les mêmes conditions par un courant de 500 volts, par suite de la paralysie du cœur en trémulations fibrillaires définitives. De même, chez un homme soumis à un courant alternatif de 1 500 à 1 800 volts (élec- trodes avec bons contacts sur la tête et les jambes postérieures comme dans l'électro- cution), le cœur serait arrêté^en diastole. Si le contact n'a pas été trop prolongé, 10 à 30 secondes par exemple, les ventricules recommencent à battre avec force, généralement, dès que le contact est interrompu, comme dans les cas des condamnés Smiler et Slocum. Si l'électrisation a duré davantage, 50 secondes par exemple, la diastole du cœur con- tinue quelques secondes encore après la rupture du contact, ensuite les ventricules 896 FULGURATION. recommencent à avoir des battements, faibles d'abord, puis de plus en plus énergiques comme dans le cas du condamné Tayior. La différence entre les re'sultals des électrocutions et ceux des accidents de l'industrie électrique doit donc être attribuée aux phénomènes qui se passent du côté du cœur. Dans les premières électrocutions, le cœur des condamnés était traversé par des cou- rants à grande densité et, par conséquent, il était arrêté en diastole passagère; dans les accidents de l'industrie électrique, la densité du courant est faible dans le cœur, comme nous verrons, et les ventricules sont arrêtés en trémulations iibrillaires définitives. D'autre part, les expériences sur les animaux montrent que, à parité des autres conditions, l'inbibition des centres nerveux est en raison inverse de la taille de ranimai. Par conséquent, les centres nerveux d'un homme pourront supporter le passage d'un courant à haute tension beaucoup plus longtemps qu'un chien, sans perdre complèle- nient leurs fondions. Ces fonctions n'étant pas abolies, elles se rétablissent sous l'in- lluence de la circulation sanguine. L'exemple du condamné Tayior est resté unique, parce que, dans les autres électrocutions, on a toujours pu faire des applications successives du courant, mais il est probable que les autres condamnés se seraient réta- blis, si l'on avait interrompu l'exécution après la première application du courant. Ainsi l'analogie est complète entre les faits observés chez les animaux, et surtout chez le chien, et ceux constatés chez l'homme. Résultats obtenus dans les dernières électrocutions. — Nous avons dit que, depuis 1899, le dispositif de l'électrocution a été cliangé. Après une application de quelques secondes du courant à haute tension, le voltage est abaissé à 400 volts environ. Les médecins chargés de la direction des électrocutions ont apporté cette modifi- cation dans le but d'éviter l'élévation de la température au niveau des électrodes. Ils ne se doutaient pas qu'ils obtenaient en même temps la paralysie définitive du cœur en trémulations fibrillaires. Nous n'avons pas, à ma connaissance, de rapports officiels détaillés sur ces dernières électrocutions; mais, d'après mes renseignements privés, on n'a plus remarqué le pouls radial dans les exécutions faiies avec le nouveau système. On a pourtant constaté quelquefois des pulsations à la base du cou. Ces pulsations doivent être attribuées aux battements des oreillettes, lesquelles, chez tous les animaux, reprennent leurs contractions énergiques dès que le courant est interrompu, si la den- sité du courant dans le cœur n'a pas été trop élevée. En effet, dans deux autopsies pratiquées rapidement après la mort, on trouva que les oreillettes battaient rythmi- quement, tandis que les ventricules présentaient de faibles trémulations fibrillaires. Avec l'introduction du nouveau procédé d'électrocution, la perte immédiate de la conscience, produite par le courant à haute tension, est suivie de la paralysie du cœur. On évite ainsi les brûlures, et les apparences de la vie cessent plus rapidement. L'élec- trocution, comme tous les autres procédés d'exécution capitale, est une honte pour notre civilisation; mais c'est le moins répugnant des moyens employés, parce que la perte de la conscience est immédiate; le condamné n'est pas défiguré, et l'exécution n'est pas sanglante. Autopsies des criminels électrocutés. — Comme signe extérieur de l'elfet du courant, on n'a constaté que de légères phlyctènes, sur les jambes et sur la tête, dues à l'échautTement de l'eau dans les éponges. On n'a pas observé de carbonisation de la peau. La rigidité cadavérique se déclare très rapidement dans la jambe sur laquelle on a appliqué l'électrode, puis, peu à peu, dans les muscles du corps, et, finalement, dans les bras. Les organes sont normaux. Quant au cœur, nous avons déjà dit qu'on a constaté la présence des trémulations fibrillaires dans les dernières électrocutions, lorsqu'on a ouvert rapidement le thorax. Dans les cas oh on a attendu seulement quelques minutes, on a trouvé le ventricule gauche fortement contracté et vide, le ventricule droit et les deux oreillettes en diastole, ces dernières remplies de sang fluide. On a observé, le plus souvent, des ecchymoses sous-pleurales et sous-péricardiques. Les centres nerveux ont été trouvés absolument normaux dans quelques cas; dans d'autres, on a constaté la présence d'hémorragies capillaires sur le plancher du quatrième ventricule, sous forme de petites taches. FULGURATION. 897 L'examen microscopique des centres nerveux a été fait chez plusieurs condamnés par Ira va.\ Gieson; les cellules nerveuses ne présentaient aucune altération appré- ciable. Nous voyons donc que chez les criminels électrocutés, de même que chez les ani- maux, le passage du courant ne produit aucune lésion constante et spécifique, sauf les brûlures aux points d'application des électrodes. § III. - LA MORT ET LES ACCIDENTS DANS L'INDUSTRIE ELECTRIQUE. Nous possédons une littérature déjà très riche se rapportant aux accidents plus ou moins graves dus à l'action des courants industriels chez l'homme. Ces observations, qui ont fait l'objet de communications à plusieurs sociétés savantes, sont disséminées dans un grand nombre de journaux de médecine ou d'électricité; mais, dans l'énorme majorité des cas, elles ne nous apprennent rien de nouveau. Cne bibliographie assez étendue sur ce sujet se trouve dans les travaux de Biraud (36), de Kratter (38) et de Jellineck (44). Les deux premiers cas de mort paraissent avoir été ceux rapportés par Grange (32) produits par un courant alternatif de 500 volts. Le passage d'un courant électrique industriel à travers l'organisme humain déter- mine l'apparition de phénomènes variables, dont les uns sont immédiats, les autres plus ou moins éloignés. Ces derniers, constitués essentiellement par des troubles nerveux font le plus souvent défaut. Les phénomènes immédiats sont de nature très différente. En les considérant au point de vue de leur gravité, nous pouvons étudier la mort, la perte de connaissance passagère, les sensations douloureuses simples. En outre, le passage du courant occasionne souvent des brûlures de la peau. Mort — Les descriptions que nous avons dans la littérature sur les phénomènes pré- sentés par la victime sont vagues. On se contente presque toujours de dire que la per- sonne a été foudroyée, que la mort a été instantanée, etc. Mais, par ces mots, on entend évidemment que la victime a perdu immédiatement connaissance et que la mort a été très rapide. Les assistants effrayés n'ont pas le calme voulu pour observer en détail ce qui se passse. J'ai moi-même interrogé des ijidividus qui avaient été spectateurs d'acci- dents mortels à Genève, et je n'ai pas pu savoir d'une manière positive s'il y avait eu des mouvements respiratoires, des convulsions. Toutefois, Oliver et Bolam (39) rappor- tent que, d'après plusieurs témoins d'accidents électriques, les victimes ont quelquefois respiré avant de mourir. Au moment où le contact électrique s'établit, il y a naturelle- ment une violente contraction musculaire de tous les muscles du corps; la personne peut ainsi faire un bond pour tomber ensuite sans connaissance; ou bien le contact peut se prolonger et le tétanos généralisé persister. Quelquefois la victime pousse un cri; souvent aussi on n'entend aucun son. Le seul caractère bien déterminé est ï instantanéité de la mort. Nous devons entendre parla que la respiration spontanée ne se rétablit pas, ou bien qu'elle cesse complè- tement deux ou trois minutes au maximum après l'établissement du contact. Quel est le mécanisme de la mort dans les accidents de l'industrie électrique ? Nous avons déjà exposé l'opinion des différents auteurs à ce sujet; après ce que nous avons vu en parlant des expériences sur les animaux et des électrocutions, la réponse n'est pas douteuse. La mort est due exclusivement à la paralysie du cœur en trémulations fibril- jaires. Le shock des centres nerveux de l'axe cérébro-spinal ne joue aucun rôle. En effet, nous savons que les troubles des centres nerveux sont proportionnels à la densité du courant qui les traverse. Or, dans les accidents de l'industrie électrique, la densité du courant dans l'organisme n'est jamais très élevée, même avec de hautes tensions, à cause des grandes résistances qui se présentent aux points de contact. Dans tous les accidents, ces contacts sont infiniment plus mauvais que dans les électrocutions, et pourtant nous avons vu que chez les électrocutés la respiration se rétablit spontanément. En outre, dans les électrocutions, une électrode est placée sur la tête et les contacts sont prolongés, deux conditions très favorables à l'inhibition des centres nerveux; au contraire, dans la grande majorité des accidents mortels de l'industrie, l'entrée du courant se fait par les mains, et, le plus souvent, le contact est de courte durée. Par conséquent, si les trémulations DICT. DE PHYSIOLOGIE. — TOME VI. S7 898 FULGURATION. fibrillaires du cœar ne se produisent pas, la vie de la personne traversée par le courant ne court aucun danger. Il est donc du plus haut intérêt de savoir si les trémulations fibrillaires du cœur chez l'homme sont définitives comme chez le chien, ou bien si elles sont quelquefois passa- gères, comme chez le lapin ou le cobaye. Nous ne pouvons pas donner une réponse absolument certaine, mais toutes les probabilités sont pour la persislauce des trémula- tions chez l'homme. Chez tous les animaux, les oreillettes reprennent leur rythme à la rupture du courant; il en est de même chez l'homme, comme on l'a vu chez des con- damnés électrocutés. Quant aux ventricules, ils ne se remettent pas à battre chez les gros animaux, comme le chien et le cheval. Chez le singe aussi, les trémulations des ventricules sont persistantes. Il est donc probable qu'il en est de même chez l'homme. Nous sommes donc portés à admettre que si, dans un accident de l'industrie élec- trique, il y a eu paralysie du cœur en trémulations fibrillaires, la victime est perdue; nous ne possédons aucun procédé pratique pour influencer la marche des trémulations. La respiration artificielle ne peut être d'aucune utilité. Si, par contre, le cœur n'est pas mis en trémulations fibrillaires, la victime ne court aucun danger de mort (sauf le cas d'un contact très prolongé pouvant amener l'asphyxie) , elle pourra rester sans connaissance pendant quelques minutes, mais elle se rétablira sans aucune intervention. Le mécanisme de la mort par les courants électriques est donc tout à fait différent de celui qu'on observe dans la mort par la foudre. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une inhibition des centres nerveux ; le cœur n'est pas pris de trémulations fibrillaires. La respiration artificielle est alors tout indiquée. Perte de connaissance passagère. — Les cas sont très nombreux dans lesquels un individu mis en contact avec un conducteur électrique perd immédiatement con- naissance, et revient à lui après quelque temps. En général, la victime n'a ressenti aucune douleur et ne se rappelle de rien. Les accidents de cette espèce sont constatés non seulement dans le cas où. le contact a eu lieu sur la tête, mais aussi s'il s'est pro- duit sur les membres. Nous ignorons complètement la nature de ce phénomène. Ce que nous pouvons dire, c'est qu'il s'agit de troubles fonctionnels et non de lésions organiques, carie réta- blissement est complet et rapide. Il est très rare que la perte de conscience se prolonge au delà de quelques minutes. Il reste ensuite une sensation de vide, de la faiblesse, de la pesanteur et des douleurs de tête, quelquefois des palpitations de cœur; le tout se dissipe peu à peu. Chez le chien, la perte de connaissance passagère ne se produit que lorsqu'il y a une crise de convulsions toniques; chez l'homme, il semble que ces convulsions manquent. J'ai interrogé avec soin plusieurs personnes ayant assisté à des accidents électriques graves, suivis ou non de mort, et aucune n'a constaté de symptômes pouvant être inter- prétés comme des convulsions. Celles-ci sont d'une telle netteté chez les animaux, qu'elles auraient certainement été remarquées chez l'homme, si elles avaient eu lieu. L'explication plus probable de cette différence me paraît être la suivante. Chez l'homme l'excitation de la moelle épinière ne suffirait pas pour donner des convulsions, il faudrait pour cela que l'excitation atteigne le bulbe ou des parties encore plus élevées de l'axe cérébro-spinal. Chez les animaux au contraire (chien, lapin, etc.), la moelle seule, séparée des centres supérieurs, peut agir comme centre convulsif. En effet, le tronc des animaux décapités présente des mouvements convulsifs intenses, tandis que le tronc des guillotinée reste absolument immobile (Loye. La niort par la décapitation, Paris, 1888). Love explique cette absence de convulsions chez l'homme décapité en supposant que l'action fortement inhibitrice, limitée au nœud vital chez les animaux, s'étend chez l'homme à toute la région cervicale de la moelle épinière. Mais il me semble plus pro- bable d'admettre, comme je l'ai dit plus haut, que chez l'homme la mœlle ne peut agir comme centre convulsif. Or, dans l'immense majorité des accidents de l'industrie électrique, le contact se fai- sant par les mains, la densité du courant dans le bulbe est trop faible pourprovoquer l'ap- parition des convulsions. Sensations douloureuses simples. — Les sensations douloureuses ressenties par FULGURATION. 899 une personne qui se trouve en contact avec un conducteur électrique et qui ne perd pas connaissance sont de plusieurs espèces. On observe le plus souvent: des contractions musculaires très douloureuses, une lueur éclatante, une sensation d'oppression à la poi- trine. Lorsqu'il n'y a pas eu perte de connaissance, le rétablissement est immédiat. La vic- time peut se sentir un peu étourdie, faible, et présenter de légers tremblements des membres, comme dans la fatigue musculaire très prononcée. Brûlures. — Les brûlures qu'on constate si souvent dans les accidents del'industrie électrique sont d'ordre calorifique; elles sont dues à la chaleur qui se développe au point de contact des électrodes avec la peau. Mally (57) en a donné une description détaillée. Le siège habituel des brûlures est la main, mais on peut naturellement les observer sur toutes les parties du corps. Dans la pratique, presque toutes les brûlures sont dues à un contact métallique et présentent une apparence à peu près invariable. Elles ont l'aspect d'une perte de substance nettement limitée, comme si elles avaient été faites à l'emporte-pièce. Les brûlures électriques peuvent être assez profondes et dépasser le derme; elles détruisent parfois un lambeau de muscle et peuvent même carboniser un os, principalement les phalanges des doigts. La formation de la brûlure joue un rôle important dans la protection de l'organisme contre le passage du courant; j'y reviendrai en parlant de la résistance du corps. Accidents nerveux éloignés. — Les accidents nerveux, qui se manifestent à la suite d'un contact électrique et persistent plus ou moins longtemps, sont représentés essentiellement par l'hémianesthésie et l'hémiplégie. On observe quelquefois la perte des réflexes du côté malade, des contractures, des tremblements, de l'insomnie, etc. Dans la grande majorité des cas, ces troubles nerveux diminuent rapidement et dis- paraissent au bout de quelques jours ou d'un mois ou deux. Ils sont semblables à ceux qui peuvent être produits par la foudre et doivent être rangés dans la catégorie des cas d'hystéro-traumatisme. Conditions physiques des accidents électriques. — Nous n'étudierons ici que les conditions physiques dans lesquelles le courant peut déterminer la mort de l'homme; car, comme nous l'avons vu, les autres accidents dus au passage du courant ne pré- sentent aucune gravité (sauf les cas de brûlures profondes). Il faudrait alors déterminer que! est le voltage minimum qui puisse produire la mort dans les conditions ordinaires de l'industrie électrique. On a cru pendant plusieurs années que le courant alternatif de 120 volts, employé ordinairementpour l'éclairage des lampes à incandescence, n'offrait aucun danger sérieux. Les premiers accidents mortels avec ce courant furent signalés en 1897 par VElectrotechniscIie Zeitschrift (p. 783), et, depuis lors, on a cité plusieurs autres cas semblables. Mais, si l'on considère l'énorme majorité des accidents mortels, on peut dire que pra- tiquement, le courant alternatif commence à devenir dangereux lorsqu'il atteint une tension de 400 ou 500 volts, et le courant continu lorsqu'il atteint une tension de 1 500 volts. Nous n'avons pas à tenir compte du nombre des périodes du courant alternatif, car les courants industriels présentent un nombre de périodes compris entre 30 et 150. A mesure que la tension augmente, le courant devient de plus en plus dangereux. Les courants à très haute tension (5 000 volts, comme dans un cas mortel vérifié àGenève) paralysent encore le cœur, parce que la densité du courant dans l'organisme est tou- jours faible à cause de la grande résistance des contacts. Mais dans un grand nombre d'accidents où les contacts se sont établis sur les mains ou par une main et une jambe, etc., des courants alternatifs à haute tension (2 000 volts et davantage) n'ont pas déterminé la mort, bien qu'il y ait eu perte de connaissance pas sagère. Nous pouvons faire trois hypothèses pour expliquer ces résultats: 1" le contact a été de trop courte durée ; 2^ la résistance du corps a été trop grande ; 3" les trémula- tions fibrillaires du cœur ont été passagères. J"ai déjà dit que cette dernière hypothèse était peu vraisemblable, bien que nous ne possédions pas les éléments voulus pour la repousser d'une manière certaine. Restent à examiner les deux premières conditions ayant empêché la paralysie du cœur. Nous avons vu que, d'après les expériences faites par Phevost et Battelli, le courant 900 FULGURATION. alternatif paralyse dans quelques cas le cœur du chien avec un contact de un quart de seconde ; dans d'autres cas il faut prolonger le contact pendant une seconde; le plus souvent, une demi-seconde suffit. Nous pouvons admettre qu'il en est de même chez l'homme. Lorsqu'on touche un conducteur, la contraction des muscles peut immédiate- ment faire cesser le contact; l'inhibition des centres nerveux se produit, car elle est ins- tantanée, et l'homme perd connaissance; mais le cœur continue à battre et la victime ne meurt pas. Toutefois, dans un grand nombre de cas, les brûlures sont très profondes, le contact a donc été prolongé. Nous ne pouvons plus expliquer la survie de la personne que par la grande résistance de la peau. On trouvera une bibliographie étendue sur la résistance électrique du corps humain dans un article de Courtadon (58). La résistance du reste du corps est négligeable par rapport à pelle dos points de contact. En effet, la résistance entre les deux mains plongées dansun baquet d'eau salée est de 1 000 ohms environ ; elle varie de 3 000 à loO 000 ohms environ, suivant l'état de sécheresse de la peau, en appliquant des fils nus sur les deux mains. C'est certainement la résistance de la peau aux points de contact, qui a la plus grande influence sur le résultat fatal ou non des accidents électriques. La résistance de la peau à l'état normal n'entre pas seule en jeu; pendant le passage du courant, cette résistance change considérablement à cause de la production des briilures, la peau car- bonisée présentant une résistance bien supe'rieure à celle de la peau sèche. On sait que la résistance du coi'ps diminue par l'action du passage du courant; mais celte diminu- tion devient absolument négligeable, quand on la compare à l'augmentation produite par les brûlures. Les suites de l'accident pourront être très différentes suivant l'état de la peau au moment de l'accident. Si lapeau est humide, sa résistance sera faible au commencement du contact, et c'est à ce moment que peut se produire l'arrêt du cœur en trémulations fibrillaires. Au bout d'une seconde environ, la brûlure sera formée, et les tissus carbo- nisés présenteront une résistance considérable. Si le cœur n'a pas été paralysé dans la première seconde, la victime pourra alors résister pendant longtemps (une minute et davantage) au passage du courant, et la mort ne se produira plus que par asphyxie. Lorsque la peau est bien sèche au moment de l'accident, l'intensité du courant dans l'organisme, et par conséquent sa densité dans le cœur, est très faible dès le commen- cement et le cœur peut continuer à battre. En outre, dans ce cas, la carbonisation de la peau est plus rapide que lorsque celle-ci est humide; l'intensité du courant dans le corps diminue donc plus vite, et c'est encore une condition favorable à la persistance des battements du cœur. D'après ce que nous venons d'exposer, le corps de la victime tuée par un courant électrique présentera des brûlures peu profondes lorsque la peau était humide et le contact de courte durée. Mais si le^contact s'est prolongé pendant une seconde au mini- mum, les brûlures ont la même profondeur dans les cas où la peau était humide que dans ceux où elle était sèche, comme il est facile de s'en assurer par l'expérience. Nous avons déjà dit, en parlant des expériences sur les animaux, que les troubles dans les fonctions d'un organe sont dus essentiellement à la densité du courant qui le traverse. A parité des autres conditions, la densité du courant dans une partie donnée du corps dépend du point d'application des électrodes. Par conséquent, si un contact a lieu sur la tête, les troubles nerveux seront plus accentués, mais ce cas est rare. La dérivation du courant au sol par les mains, et surtout par la main gauche, devrait être la condition la plus dangereuse, car le cœur se trouve sur la ligne qui réunit les élec- trodes, mais la grande résistance offerte par les chaussures rend ces accidents moins souvent mortels. Dans le plus grand nombre des cas de mort, le passage du courant s'est fait, je crois, entre les deux mains qui ont touché les deux fils conducteurs. C'est la disposition la plus dangereuse dans la pratique ; aussi recommande-t-on aux ouvriers de garder une main dans la poche lorsqu'ils travaillent dans le voisinage d'un conduc- teur électrique. Mais cette recommandation est naturellement impossible à observer par des ouvriers chargés des réparations. Secours à donner aux victimes des accidents. — Il faut distinguer d'abord deux cas : l** la personne est encore en contact avec le conducteur; 2° le contact a cessé. FULGURATION. 901 1" Dans le premier cas, il faut naturellement faire cesser avant tout le contact, parce que les brûlures deviendront toujours plus profondes et parce que la mort peut avoir lieu par asphyxie lorsque le passage du courant dure au delà d'une minute. Si Ton ne peut pas arrêter immédiatement le courant à l'usine, on devrait tâcher de produire un court circuit à l'aide d'un corps bon conducteur, que l'on tient au moyen d'un isolant, de manière à faire sauter les plombs de sûreté. Si l'on n'a rien sous la main, ce qui est souvent le cas, il faudrait chercher, à mon avis, à dégager la victime avec un coup de pied. Un courant qui passe d'une jambe à l'autre n'offre aucun danger ni pour le cœur, ni pour le système nerveux, même à de hautes tensions, comme nous avons vu plus haut. La personne qui touche la victime avec le pied ne ressentira qu'une secousse bien faible, étant donnée la grande résis- tance des chaussures. Il faut naturellement s'assurer que les fils ne puissent ensuite, en se balançant, venir toucher celui qui a donné le coup de pied. 2« Après la cessation du contact, la victime peut ne pas avoir perdu connaissance ; alors elle se rétablit complètement au bout de très peu de temps. Lorsqu'il y a perte de connaissance, la respiration peut continuer, ou bien elle peut être arrêtée. Dans le premier cas, il faut d'abord assurer le bon fonctionnement de la respiration, en tirant la langue hors de la bouche, car la base de la langue peut tom- ber sur la glotte et l'obstruer. On s'etforcera ensuite de faire revenir la personne à elle-même à l'aide des moyens habituels. Si la respiration est arrêtée, on pratiquera la respiration artificielle, après avoir sorti la langue hors de la bouche, et on cherchera en même temps à activer la circula- tion. D'après ce que nous avons dit, la respiration artificielle ne sera d'aucun secours dans le cas où le cœur est paralysé en trémulations fibrillaires. Elle sera, au con- traire, utile, mais non indispensable, lorsque le cœur continue à battre; car la respira- tion spontanée se rétablirait d'elle-même. Bibliographie. — 1. Colladon. Mémoire sur les effets de la foudre sur les arbres {Mém. de la Soc. de Phxjsique et d'Histoire naturelle à Genève, 1872, xxi). — 2. Sestier. De la foudre (Paris, 1866). — 3. Boudin. 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Lourie {Riv. sperim. di Freniatria e di med. kg. y XI, 480-491). 1886. — Sulla natura funzionale del centro respiratorio e sulla respirazione periodica {Lo Sperim., gennaio, 3-14). — Sulle oscillazioni dd tono auricolare del cuore {Lo Sperim.,. maggio, 501-504). 1887. — Ueber die Tonusschicankungen der Atrien des Herzens von Emys curopaea {Reitrcige zur Physiol. Cari Ludivig, Leipzig, Vogel, 287-301). — Sulle oscillazioni del tono délie orecchiette nell' Emys europœa {Gazetta degli Ospedali, n° 102). 1888. — De l'action de quelques poisons sur les oscillations de la tonicité auriculaire du cœur de l'Einys europœa. En collaboration avec le C S. Sciolla {A. 'i. B., ix, 61-72). — De quelques rapports entre les propriétés contractiles et les propriétés électriques des oreillettes du cœur. En collaboration avec le /)'" V. Fayod {A. i. B., tx, 143-164). — Di alciini metodi d'indagine in fisiologia (Riv. di filosof. scient, vu, 415-439). — Description d'un appareil qui enregistre graphiquement les quantités d'acide carbonique éliminé {A. i. B., x, 297-313). 1889. — Di un apparecchio che registra graficamente la quantità di acido carbonico eliminato {Riv.clinica : Archivio ital. di cl. med., Milano, xxviii). — Per Gaetano Salvioli (fi. Accad. med. di Genova). — Contributo alla fisiologia del corpo tiroide. In collaborazione col D' L. Zanda {Arch. per le scienze med., xiii, n° 17, 365-383). 1890. — Sulla fisiologia del cuore embrionale del polio nei primi stile dello sviluppo. In collaborazione con Z. Badano {Arch. per le scienze med., xiv, 113-162; A. i. B., xiii, 387-422). — Di alcuni fondamenti fiùologici del pensiero {Riv. di filos. scient., ix, 193-215). — Beitrag zur Physiologie des innereu Ohres. In collaborazione col D"" G. Masini {C. 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En collaboration avec le D' G. Mazini {Ibid., 302-309). — La Fisiologia in rapporta con la ehimica e con la morfologia {Torino, Lœscher). — Sur les rapports fonctionnels entre l'ap^ pareil auditif et le centre respiratoire. En collaboration avec le D' G. Masini {A. i. B., xxi, 309-312). 1895. — Impressioni di viaggio {Giorn. d. Soc. di lelt. e conversaz. scient., Geneva, xvii, 904 FANO. fasc. i), — Contribulo alla localizzazione coiHicale dei poteri inibitori {Atti délia R. Accad. dei Lincei, iv, 2" sem., fasc. vi). — Per Carlo Ludivig {Clinica moderna, i, 7). 1896. — Il laboratorio di fisiologia di Firenze [Settimana medica dello Sperim., I, {14), 180). — The relations of physiology ta chemistry and morphology [Smilhsonian Report, 1894, 377-389, Washington). — Die Funclionen des Herzens in den Empfindiingen {Trieste Sammlung mcdicinischer Vortrcige zur gebildete Laien). — La Fisiologia sul pas- sato e le cause dei siioi recenti i)rogresi. Discorso inaugurale {Firenze, Annuario del R. Isti- tuto di sludi super iori, 3-29), — Sur la pression osmotique du sérum du sang et de la lymphe en différentes conditions de l'organisme. En collaboration avec le D'" F. Bottazzi {A. i. B , .XX VI, 45-61). J897. — Sur le sang de peptone [A. i. P., 239-240). — In memoria di Maurizio Schiff [Annuario del R. Ist. distudi superiori in Firenze, Hl-130). 1898. — Proposta di ricerche etnografiche italiane {Firenze, Bull, délia Soc. fotogr. it., 371-372). — Roberto Ardigô professore di liceo {Nel 79<= anniversario di R. Ardigô,Torino, Bocca, 25-29). 1899. — Velettricità animale {La vita italiana nel risorgimento, rii, Firenze, 77). — Un Fisiologo intorno al mondo {Milano, Trêves). — Descrizione di un apparecchio registratore di ricerche cronometriche asseriate {J. P., xxiii, Suppl., 70-72). — Descrizione di una bilancia autografica per ricerche fisiologiche {Ibid., 69). — Di Lazzaro Spallanzani {Primo centenario délia morte di L. Spallanzani). Reggio-Emilia, Artigianelli, 179-185). 1900. — Physiologie générale du cœur. En collaboration avec le D" J. Botta'zzi {Diction, de Phys., iv, 160-323). — Sur les causes et sur la signification des oscillations du tonus auri- culaire dans le cœur de VEmys Europœa. En collaboration avec le D^' J. Badano {A. i. B., XXXIV, 301-340). 1901. — In occasione di un congresso di fisiologia. I problemi ed i metodi délia fisiologia moderna {il Marzocco, Firenze. vi, n° 42). — Bemerhung zu « Beitrdge zur Gehirnphysiologie der Schildkrôte » von Adolf Bickel {A. P., 495). — Sui fenomeni elettrici del cuore {Compte rendu du F» Congrès de physiologie, A. i. B., xxxvi, 27-28). 1902. — Contributo allô studio dei riflessi spinali [Atti d. R. Accad. dei Lincei, (5), Memorie d. classe di se. fis. mat. e natur., iv). GADININE. — Base trouvée par Brieger dans les produits de putréfaction de la chair de morue. Son chloroplalinate répond à la formule (C' H'» Az 0"-) Pt Cl*'. GAI AC (Résine du). — La résine de gaïac est extraite du bois du Gayacum officinalis, arbre de la famille des Rutacées qui croit à la Jamaïque et à Saint-Domingue- Le bois de gaïac est très compact et très résineux, de couleur jaune à la périphérie et brune au centre, à saveur acre. On en extrait la résine, soit par exsudation naturelle du tronc, soit par des incisions pratiquées dans l ecorce, soit mieux encore des bûches une fois débitées. Dans ce cas on peut les épuiser par l'alcool qui dissout la résine; ou, ayant perforé la bûche dans toute sa longueur, on la chauffe ù une de ses extrémités, et la résine s'écoule à l'autre. La résine de gaïac se présente en masses de dimensions variables, friable et à cas- sure brillante: sa couleur est brune ou verdàtre; l'odeur en est assez agréable et rappelle celle du benjoin, la saveur en est acre et amère. Elle est insoluble dans l'eau, soluble pour les 9/10 dans l'alcool et sa solution alcoo- lique précipite en blanc par addition d'eau. L'éther en dissout 7o à 80 p. 100. Elle est presque insoluble dans l'essence de térébenthine, complètement insoluble dans les huiles grasses. La résine de gaïac est un mélange extrêmement complexe qui renferme entre autres produits les acides gaïacique, gaïarétique, gaïacomique et gaïaciniique, des matières colorantes, le jaune de gaïac en particulier, une essence de gaïac, etc. C'est à la présence de l'acide gaïaconique en particulier que la résine de gaïac doit des propriétés toutes spéciales de coloration diverse en présence des oxydants. L'oxydation de l'acide gaïaconique donne, en efîet, naissance â une matière colorante bleue, la gaïacozonide, de telle sorte que la résine de gaïac et ses solutions alcooliques verdissent ou bleuissent suivant les cas en présence d'oxydants. C'est généralement la teinture de gaïac que l'on emploie dans les réactions, et souvent même un papier imbibé de cette teinture. Le papier jaune de gaïac, en présence de l'oxygène de l'air, verdit sous l'influence des rayons chimiques. Il redevient jaune à chaud ou par exposition à des rayons jaunes et au jour bleuit le papier et la teinture de gaïac. L'acide azotique fumant verdit la teinture de gaïac et l'addition d'eau produit, sui- vant la plus ou moins grande proportion d'eau, un précipité vert et une liqueur bleue s'il y en a peu, un précipité bleu et une liqueur brune s'il y en a beaucoup. Le chlore précipite en bleu la teinture de gaïac; mais le précipité se décolore en présence d'un excès de réactif. Fondue avec du carbonate de potasse, la résine de gaïac donne nais- sance à un résinate soluble dans l'eau. A TébuUition avec du perchlorure de fer, cette solution donne encore un précipité bleu. Bleuie par le perchlorure de fer, la teinture de gaïac vire au violet par l'hyposullîte de soude, puis se décolore complètement. La résine de gaïac est soluble en rouge dans l'acide sulfurique concentré, solution que l'eau précipite en violet. L'acide gaïaconique pur jouit de ces mêmes propriétés, et son oxydation par l'ozone et les autres oxydants donne naissance au bleu de gaïac ou gaïacozonide. L'écorce et le bois de gaïac contiennent aussi deux saponines; l'une, un acide sapo- nique, l'autre, une saponine neutre. Les feuilles renferment également une saponine acide et une saponine neutre, différentes de celles de l'écorce. Les saponines se forment dans les feuilles et se localisent en se transformant dans les écorces et le bois. L'acide gaïaco-saponique (de l'écorce) est un léger dissolvant des globules rouges du sang (1 : 10). Il n'est pas toxique en injection intra- veineuse ou en injection sous-cutanée chez les grenouilles. Il n'est pas un poison non plus quand il est admi- 906 GAIACOL. nistré par la bouche. Il n'est pas toxique quand il agit sur le muscle cardiaque à une concentralion suffisante, soit 0,73 : 100. En solution à 0,30 p. 100, il stupéfie les pois- sons. La gaïco-saponine neutre, de la tige, agit de la manière suivante. Elle ne dissout pas les globules rouges du sang. Elle n'est pas toxique en injection hypodermique ou portion gastrique. L'acide saponique des feuilles est un hémolysant faible. L'essence du bois de gaïac par injection sous-cutanée paralyse, chez les animaux à sang chaud , le système nerveux central. Le guajol (principe cristallin de l'essence de gaïac) est inoffensif chez les animaux à sang chaud et les animaux à sang froid. Réactions de la teinture de gaïac en présence des oxydases. — Les réactions de la tein- ture de gaïac ont reçu surtout une heureuse application dans les recherches des ferments oxydants. (Voir Ferments et Fermentations, Oxydases, etc.) Scho.nbeix avait réuni dans un seul groupe de phénomènes toutes les réactions chimiques dans lesquelles on observe une coloration bleue de la teinture de gaïac, soit en présence de l'air, soit en présence de l'eau oxygénée ; et il avait attribué ce phénomène à la présence de l'ozone. Cela est vrai dans un certain nombre de cas, ou l'ozone ou des corps producteurs d'ozone en agissant de la même façon, comme oxydases provoquant le bleuissement de la teinture de gaïac; mais il est un certain nombre de réactions dans la dépendance des ferments solubles qui donne aussi naissance aux mêmes phénomènes. Ces réactions sont sous la dépen- dance de deux groupes de diastases. i° Les oxydases, qui déterminent la fixation de l'oxygène de l'air sur une substance et qui déterminent par suite le bleuissement de la teinture de gaïac en présence de l'air: telle est par exemple la laccase de Bertrand. 2° Les oxydases indirectes, qm déterminent la décomposition de l'eau oxygénée et la fixation de l'oxygène ainsi produit sur une substance oxydable; la teinture de gaïac bleuit aussi en présence de l'eau oxygénée et de la fibrine. Il en est de même en présence de la diastase et de l'eau oxygénée. La recherche d'une oxydase directe au moyen de la teinture de gaïac est des plus faciles. Une goutte de teinture de gaïac ou de solution alcoolique d'acide gaïaconique vire au bleu en quelques instants dans un liquide aéré qui renferme une oxydase. S'il y a un excès de ferment, la solution se décolore ensuite. Mais il faut se défier d'un certain nombre de causes d'erreurs. La réaction doit être rapide et intense ; car la teinture de gaïac verdit déjà au simple contact de l'air. Les tissus animaux et végétaux renferment des substances qui peuvent |)rovoquer directement ce même phénomène en l'absence même de l'air, par simple décomposition et mise en liberté d'oxygène. On agit de la même façon, et on doitprendre ces mêmes précautions, quand il s'agit des oxydases indirectes ; on doit seulement ajouter aux éléments de la réaction quelques gouttes d'eau oxygénée. Il est enfin un certain nombre de ferments provoquant la décomposition de l'eau oxygénée et qui ne bleuissent pas la teinture de gaïac. Ce sont les catalases de Oscar Lœjvy ou hydrofjénases de F. Pozziti.not. En effet, ces substances, non seulement réduisent l'eau oxygénée et donnent lieu à un abondant dégagement d'oxygène; mais encore elles déterminent une action iden- tique sur le gaïacozonide qui est réduit et ne peut se former. Une hydrogénase en présence d'une oxydase empêche donc la formation du bleu de gaïac. Le bois et la résine de gaïac ont été employés autrefois dans les affections goutteuses rhunîatismales,scrofuleuses, syphilitiques, comme stimulant diaphorétique, sudoriflque, seul ou associé à d'autres médicaments. GAIACOL (C^ H^ 0^) = c« H* ( o^H^ Préparation et propriétés. — Le gaïacol est un des éléments essentiels du produit complexe désigné sous le nom de créosote. La créosote de hêtre contient en effet 26 0/0 de gaïacol. Pour le préparer on l'extrait delà créosote du commerce. D'après Béhal et Choay, il faut;séparer les diphénolsde la créosote en les précipitant par des sels métalliques, ou des oxydes (strontiane). Les sels ainsi précipités sont décomposés par l'acide chlorhy- GAIACOL. 907 drique, e(. le gaïacol, séparé de ses homologues par distillation fractionnée, est purifié par cristallisation. BÉHAL et Cho.vy ont aussi préparé synthétiquement le gaïacol pur en méthylant la pyrocatécliine iodée. Il se forme de la méthylpyrocatéchine (gaïacol) et de la diméthyl- pyrocatécliine (vératrol) qu'on sépare facilement. La diinéthylpyrocatéchine traitée par la potasse alcoolique donne du gaïacol. Le gaïacol synthétique est un corps cristallisable fondant à 28°3 : Densité à 0» = 1.1334.11 bouta 20.j°i. Il est soluble en toutes proportions dans la glycérine pure; mais, dès que la glycérine contient de l'eau, sa solubilité va en diminuant très vite. Il est peu soluble dans l'eau, 1 pour 200 parties d'eau. Son odeur rappelle celle de la créosole. A l'état liquide, ou en solution alcoolique concentrée, il est caustique. La solution alcoolique se colore en bleu par le perchlorure de fer. Avec l'acide sulfurique concentré et une trace de chélidonine il donne une couleur rouge carmin caractéristique (Battandier, cité in Dict.de Wurtz. 1 SuppL, IV, p. 426). Le gaïacol peut se combiner avec les radicaux acides pour donner des produits divers dont plusieurs ont été employés comme succédanés du gaïacol. On a décrit surtout : 1° le carbonate de (jaîacol (Béiial et Choay, Cazeneuve) CO (G' H ' 0'-)- qu'on obtient en faisant passer du gaz chloroxyoarbonique dans une solution alcaline de gaïacol. C'est un composé fusible à 86'', insoluble dans l'eau soluble dans l'alcool. 2° Le benzoylgaïacol C« H^ / OCOCs H ^> ou benzosol, étudié par Marfijri, Ce sont des cristaux fusibles à 52". Il est moins toxique que le gaïacol. Pourtant des doses de 0.10 tuent les grenouilles. On a même signalé un cas de mort chez l'homme après administration de 3 grammes; il y eut de la diarrhée, de l'ictère, affaiblissement progressif du cœur, et entérite aiguë (Lewin, Toxicologie, trad. franc., 1903,516). 3° IJacétylgaîacol, obtenu par distillation du gaïacol avec l'anhydride acétique. 4° Le salicylate de gaïacol qui se décompose dans l'organisme en gaïacol et acide salicylique. On l'obtient en traitant par l'oxychlorure de phosphore unmélange de gaïacol sodique et de salicylate de soude. On l'emploie à des doses qui vont jusqu'à lOgrammes. 0° Le valérianate de gaïacol ou géosote (?) (A. Kuhn). 6° Le cacodylate de gaïacol (Menusier). 7° Le styracol ou cinnamylgaïacol, 8° Le phosphate de gaïacol, beaucoup moins toxique que le gaïacol (Gilbert), ayant d'ailleurs les mêmes effets, et pouvant être donné à des doses de 0,40 à 0, 60 par jour cliez l'homme. Parmi les dérivés de substitution du gaïacol, un des plus importants est le diméthyl- pyrocatéchine ou vératrol. \0CH3 D'après Marfori, le vératrol produit d'abord des phénomènes d'excitation, puis de la paralysie des réllexes et de la respiration, chez les grenouilles comme chez les mammi- fères. Si le groupe éthyle remplace un des groupes méthyle, on a Véthylgaiacol. C6H4/OCH3 Ce produit est moins toxique, et, au lieu de phénomènes d'excitation, on voit surtout apparaître des phénomènes d'hypnose. L-allylgaïacol Cm'^(^^f^^^ est moins toxique que les précédents. Ces trois dérivés du gaïacol passent dans les urines sous forme de combinaison sul- furique; et très probablement ils sont transformés en gaïacol dans l'organisme. 908 CAIACOL. D'après Marfori, les dérivés bivalents: méthylène gaïacol, éthylène gaïacolet trimé- thylène gaïacol donnent surtout des phénomènes de paralysie. Les relations du gaïacol avec les dérivés de la pyrocatéchine sont très simples. Le créosol est l'éther mélhylique du gaïacol. L'homocréosol est l'éther éthylique du gaïacol. D'après RicHAUD,ces trois dérivés auraient des propriétés très voisines (effets an- tiseptiques et antithermiques). Il admet que la propriété antiseptique est commune à tous les corps dérivés du benzène; mais que la substitution d'un groupe OH à un atome H exalte la propriété antiseptique, ce phénol étant plus antiseptique que le benzène. Il est possible, et même selon nous probable, que ces différences de toxicité sont dues pour une bonne part à la solubilité plus grande. En tout cas, d'après Richaud, l'introduc- tion dans la molécule des groupements CH'^ la rendrait plus antiseptique; et l'introduc- tion du groupement G-H^ la rendrait plus hypnotique. Mais il y a, ce semble, une contra- diction entre cette exaltation du pouvoir antiseptique par l'introduction du groupement CH^, et la diminution nettement constatée par Richaud lui-même, comme par Marfori, du pouvoir toxique; car il est évident que le pouvoir toxique et le pouvoir antiseptique ne peuvent être que l'expression d'une seule et même propriété générale, action sur le protoplasma vivant. Gilbert et Maurat ont montré que le créosol était moins toxique que le gaïacol, et Richaud a, de son côté, prouvé que l'homocréosol était beaucoup moins toxique que le créosol. Il va de soi que l'on ne peut parler dans ces cas divers de toxicité que par rapport non au poids absolu de la substance, mais à son poids moléculaire. Beaucoup de travaux ont été faits sur la pharmacologie du gaïacol. Nous ne pouvons les indiquer ici que sommairement. Remarquons d'abord que rarement les gaïacols donnés comme purs dans le com- merce répondent aux indications présentées. Adrian, faisant l'analyse de divers gaïacols, a trouvé : Gaïacols marqués à Trouvé à l'analyse. 40 p. 100 23 p. 100 43 — 28 — 60 — 43 — 80 — 54 — 90 — 63 — Pur 70 — D'après cet auteur, le gaïacol pur est plus solublo dans l'eau que le gaïacol souillé par des impuretés diverses : et, quand il est bien pur, 100 grammes d'eau en dissolvent, lg%602. La principale difficulté dans l'emploi thérapeutique du gaïacol consiste en sa solubi- lisation. On a essayé la glycérine pure, l'huile d'olive, l'émulsion savonneuse. En géné- ral, les divers dérivés du gaïacol, étant solides à la température ordinaire, sont, à cause de cette propriété même, préférés au gaïacol, car ils peuvent être employés comme toxiques externes en forme de poudres. En outre, ils sont moins toxiques, moins caus- tiques, partant plus faciles à manier. Pour les injections sous-cutanées, il faut faire des injections d'huile gaïacolée : on a proposé l'huile d'olive démargarinée. Effets physiologiques du gaïacol. — Le gaïacol injecté en solution glycérinique ou huileuse (huiles d'olive) est un corps assez toxique. Gilbert et Maurat en ont fait une bonne étude. D'après près de cent expériences faites sur les cobayes, ils ont reconnu que la dose nécessaire, par kilogramme, en injection sous-cutanée est 0,85 et 0,90. Per os, la dose toxique est plus forte, et dépasse I8^'',o0. Il y a d'abord une période d'agitation, puis des convulsions et des trépidations des pattes. La sensibilité s'émousse; les pupilles se contractent. Le cœur bat lentement, et la température s'abaisse progressivement; dans les cas mortels, elle descend jusqu'à 20°. Il y a sécrétions augmentées partout, La sécrétion lacrymale surtout est singulièrement accrue. « Les animaux versent des larmes abondantes et limpides, » A l'autopsie, il y a congestion des organes abdominaux et surtout thoraciques. A des doses plus faibles (0,40 à 0,4o par kil.),il y a les mêmes phénomènes de trépi- dation épileploïde, d'hypersécrétion et d'hypothermie, mais évidemment avec moindre intensité. - GAIACOL. 909 Griesbach a donné quotidiennement à des chiens (dont il n'indique pas le poids) de 6 à 10 gramnies de gaïacol très pur i)er os, et il n'a vu aucun désordre, ni dans les fonc- tions digestives, ni dans la nutrition et l'innervation générales. Girard et Jeannel ont vu aussi chez des lapins de très fortes congestions rénales. Marfori, comparant l'action du gaïacol chez divers animaux, dit que les phénomènes convulsifs précèdent toujours les phénomènes paralytiques et de dépression. Les phéno- mènes convulsifs sont d'autant moins marqué? qu'il s'agit d'animaux plus élevés dans l'échelle zoologique. Chez les grenouilles les convulsions prédominent, tandis que, chez les chiens, il y a simplement un tremhlement général (frisson thermique). Sur les chiens que le gaïacol vient de faire mourir, tous les muscles sont encore excitables, sauf le cœur. Le sang n'est pas altéré. Athanasiu et Langlois (cités par Grégoire) ont vu, dans mon laboratoire, l'action vaso- dilatatrice très nette du gaïacol injecté, en suspension dans de l'eau savonneuse, dans les reins d'un chien (i^rj^ de gaïacol pour un chien de 11 kil.). Il y eut surtout une bron- chorrhée intense, avec vaso-dilatation marquée de toute la face. Cette action très nettement toxique du gaïacol explique que dans certains cas, heu- reusement fort rares, il a pu déterminer la mort. Dubourg (cité par Grégoire, p. 2'6) en rapporte un cas douteux. Le cas le plus connu est celui de G. Wyss. Une petite fille de 9 ans (21'^,700) absorba o ce. de gaïacol liquide, et malgré le lavage de l'estomac, qui fut pratiqué presque immédiatement, mourut deux jours après. D'autres cas ont aussi été signalés (Kionka in Liebreich's Encyclopàdie cler Theixipie, ii, 499). On observa de l'albumi- nurie, de l'anurie, de l'ictère, et la mort survint dans le coma. Dans un cas de Bard {Lyon médical, 1894, 387), la mort est survenue après l'emploi d'une dose de 3 grammes en badigeonnages cutanés. Le gaïacol ingéré per os ou injecté se retrouve dans les urines où il passe sous la forme de gaïacol-sulfonate de potassium. Quel que soit le dérivé du gaïacol qui ait été introduit dans l'organisme, c'est toujours sous cette forme chimique qu'il est éliminé : il apparaît très vite après l'ingestion, et on le décèle par sa réaction avec l'acide nitrique. Alors l'urine se colore en rouge cerise qui devient d'un rouge de plus en plus intense, pour disparaître en partie et même totalement quand on chauffe le mélange. La colora- tion au contraire devient plus nette avec l'ammoniaque. Pour déceler des traces de gaïacol dans l'urine, Saillet opère de la manière sui- vante. On distille 50 ce. d'urine avec 30 ce. d'acide sulfurique à 13 p. 100. Après distilla- tion de ÎJOcc. on ajoute au résidu non distillé encore 50 ce. et on distille finalement 100 ce. de distillation. On prend 2 ce. de ce distillât qu'on additionne de 0",o d'acide nitrique. On chauffe légèrement et on ajoute de l'ammoniaque pure jusqu'à légère alcalinisation. S'il y a du gaïacol, l'acide nitrique produit une coloration rouge cerise qui devient jaune clair par l'addition d'ammoniaque. La sensibilité de cette réaction serait d'après Saillet de l'ordre du millionième. Quant à doser la quantité de gaïacol ainsi éliminé, on peut avoir des données 1res approximatives en comparant la coloration obtenue à celle qu'on obtient en distillant dans de mêmes conditions une quantité connue de phosphate de gaïacol. Genévrier, par des dosages faits dans le service de Gilbert, a trouvé ainsi une éli- mination par l'urine de 59.8 p. 100 en moyenne. Gilbert et Choay avaient trouvé 72 à 73 p. 100. Grasset et Imbert, 71 p. 100. Stourm, 74 p. 100. Si le gaïacol, au lieu d'être ingéré ou injecté, est appliqué en badigeonnages sur la peau, les quantités éliminées par l'urine sont moindres. Li.nossier et Lanmois ont trouvé alors des chiffres variant entre 20 et 55 p. 100, mais les conditions en sont toutes différentes entre le badigeonnage cutané et l'ingestion digestive. D'après Grasset et Imbert, l'élimination est rapide, et six heures après l'ingestion presque tout le gaïacol ingéré a été éliminé. En somme, on retrouve dans l'urine environ 75 p. 100 du gaïacol ingéré. Mais les procédés d'investigation et de dosage sont assez imparfaits (et tendant toujours à dimi- nuer le chiffre trouvé dans l'urine) pour que l'on puisse considérer comme bien probable que presque tout passe dans les urines. D'autres procédés ont été aussi indiqués : pourtant il ne sont que rarement employés comme moyen de dosage, Lajoux et Granval ont proposé pour déceler les traces de gaïacol 910 CAIACOL. l'acide paradiazobenzolsulfonique qui donne une belle coloration rouge foncé avec le gaïacol en solution alcaline. Effets antiseptiques et antifermentescibles. — Quoique diverses recherches aient été faites sur l'action antiseptique de la créosote, celle du gaïacol pur a été peu étudiée. On peut toutefois, a priori et d'une manière générale, considérer la valeur antiseptique de la créosote (25 p. 100 de gaïacol. et 50 p. 100 de créosote) comme très voisine de celle du gaïacol; car la créosote et le gaïacol ont d'assez grandes analogies chimiques pour que leur action ne soit pas fondamentalement différente. Or la créosote est antiseptique à la dose d'un millième environ (Maïn. Bict. de Phys., Créosote, iv, 480). P. Marfori a étudié le gaïacol pur au point de vue de son action désinfectante et de son action antiseptique sur les staphylocoques. Comme effet désinfectant il faut des doses relativement fortes : de 4 à 5 p. 1000 de gaïacol pendant un contact d'au moins une demi-heure. Si la dose est plus faible, et si le contact est moins prolongé, les staphylo- coques ne sont pas tués ; tout au plus observe-t-on quelque lenteur dans leur évolution ultérieure. Naturellement les spores du B. anthracis sont beaucoup plus résistantes, et il faut des solutions à 2 p. 100, avec un contact de vingt-quatre heures. Quant aux bacilles de la tuberculose, ils ne semblent pas être détruits par un contact de deux heures avec des solutions à 2 p. 1000. Les doses antiseptiques sont plus faibles. A 2 p. 10 000 on constate déjà une action retardante dans les cultures des staphylocoques. A 1 p. 1000, il y a arrêt complet du développement. Pour empêcher le développement du B. anthracis sporigère, il faut des doses de 1 p. 100. RiCHAUD, étudiant l'homocréosol, a trouvé qu'il était antiseptique à la dose de is^b p. 1000 environ; tandis que, pour détruire le pouvoir germinatif de B. anthracis, il fallait environ o p. 1000. J. KuPRiANOFF a fait une étude assez soigneuse des propriétés désinfectantes du gaïacol très pur. En le comparant au phénol et au crésol il a vu que le pouvoir antisep- tique du gaïacol est moindre. La quantité nécessaire pour empêcher le développement est: Sol. aqueuse. Gaïacol 1/143 Phénol 1/2.jO Crésol 1/250 La résistance du Favus est moindre encore que celle du St. pyocaneits. Celle du choléra bacille est plus grande que celle du St. pyocaneiis, mais moindre que celle du St. aureiis. 11 conclut que comme désinfectant externe le gaïacol est peu efficace, mais que son action assez puissante sur le choléra bacille, jointe à sa relative innocuité (?), autorise à l'employer dans les cas de choléra grave. Ainsi il est évident que le gaïacol est un antiseptique; mais c'est.une action relati- vement faible, et on ne peut guère supposer que son action médicamenteuse, parfois très énergique dans les maladies infectieuses générales (tuberculose), soit une action antiseptique. 11 est probable qu'il agit par des mécanismes tout autres. Mais, quand il s'agit d'action locale sur les plaies ou sur les muqueuses malades, le gaïacol paraît être d'un assez utile secours. Dans les cystites et les uréthrites il a donné à F. Guyon de bons résultats. On l'a employé aussi sous la forme d'injections interstitielles dans les tubercu- loses locales (Bo.nome). D'après Grégoire et Villeneuve, il activerait les processus fibro- formateurs qui sont la voie de guérison de ces an'ections tuberculeuses externes. Comme dans la tuberculose il est efficace et salutaire, on a supposé, sans grandes preuves d'ailleurs, qu'il agit comme antiseptique gastro-intestinal. Mais cela est peu vraisemblable, comme peu vraisemblable aussi l'opinion qu'il est exhalé par la voie pulmonaire, et que, passant aussi par le ,'poumon tuberculeux, il agit localement sur les bacilles tuberculeux, SuRMO.NT et Vermesch ont constaté que le vératrol était antiseptique ; mais ils n'indi- quent pas la dose. AUREUS. Stai>h. pyocyaneds. Sol. alcoolique. 1/343 1/1200 1/1200 Sol. aqueuse. Sol. alcoolique. 1/.300 1/600 1/2000 1/2400 1/2000 1/2400 GAIACOL. 911 Effets antithermiques et analgésiques. — Sciolla, dans le service de Mara- GLiANO, reconnaissant les difficultés de l'absorption du gaïacol par ingestion buccale ou par injection sous-cutanée, a eu l'idée de l'employer en badigeonnages cutanés. Cette méthode est devenue très générale, et elle a conduit à des résultats intéressants. On peut employer le gaïacol pur liquide à la température du corps; et, si le produit employé est bien purifié, on n'observe qu'une très légère rougeur de la peau, non dou- loureuse. 11 n'en est pas de même si le gaïacol est impur, et contient du phénol (Lépine). Le principal effet de cette application cutanée est une hypothermie très accentuée. Dans certains cas, comme notamment dans le cas de Bard, l'hypothermie est progres- sive, et va jusqu'à la mort. Dans ce cas remarquable, il s'agissait d'un tuberculeux, ayant une température de 39° ii. Après 2 grammes de gaïacol en badigeonnages, au bout d'une heure la température était de 38° ; trois heures après, à 36° ; six heures après, à 3o° ; quatre heures après, à 34° 7. La mort survint le lendemain matin dans le coma. Quoi qu'il en soit de ce cas exceptionnel, quand la dose de gaïacol n'est pas trop forte, on n'observe qu'un abaissement thermique modéré; et c'est assurément un des procédés les plus certains dont disposent les médecins pour abaisser la température. AuBERT, en faisant des badigeonnages sur le dos du pied chez des enfants rubéoliques ou tuberculeux, a vu la température baisser de là 3°. Robilliard a constaté qu'à la dos-i relativement faible de O.oO on pouvait abaisser la température centrale d'un malade de plus de 1° : L'hypothermie commence au bout d'un quart d'heure, et atteint son maximum six heures après l'application du médicament. Pour Gilbert cette hypothermie, fréquente, mais non constante, après une application de l.oO, est manifeste au bout d'une heure, et maximale après trois heures. Chez les sujets apyrétiques l'abaissement est nul ou peu marqué (\yEiL, Desplats, GuiNARD, expérimentant sur lui-môme, cités par Genévrier). L'hypothermie consécutive aux badigeonnages de gaïacol soulève plusieurs ques- tions intéressantes de physiologie générale. Le premier point est de savoir si le gaïacol en applications cutanées est absorbé. Or il paraît difficile de nier cette absorption, et, si quelques médecins l'ont contestée, c'est qu'ils ont confondu la non-absorption des liquides par la peau, qui est évidente, avec la non -absorption des vapeurs. La peau n'absorbe pas les liquides; mais elle absorbe rapidement et facilement les gaz, comme cela a été prouvé il y a plus d'un siècle par Chaussier. Or les vapeurs d'un corps quelconque volatil sont des gaz, et par conséquent sont absorbables (Voy. Ch. Richet, Rech. sur la sensibilité, D. Paris, 1877, p. 106). On pourrait citer des faits innombrables témoignant de l'absorption des corps solides ou liquides par la peau, lorsqu'ils ont une certaine tension de vapeur, et que, par conséquent, ils sont devenus gazeux. J'ai vu mourir, en vingt-quatre heures, des lapins qui avaient séjourné une heure près d'une cuve à mercure, sans qu'il y ait eu contact avec le mercure, par le seul fait des vapeurs mercurielles. Sans qu'il y ait érosion de l'épiderme, le gaïacol, en badigeonnages cutanés, passe dans l'organisme. Beaucoup de malades accusent, au moment où se fait ce badigeon- nage, une sensation gustative, assez désagréable, de créosote. Llnossier et Lannois ont montré qu'il passait dans les urines plus de gaïacol, quand le gaïacol étendu sur la peau était recouvert d'une couche épaisse d'ouate, favorisant l'absorption cutanée et empêchant presque complètement l'absorption pulmonaire. Dans certains cas, ils ont fait respirer le malade hors de la salle oii il se trouvait, et l'absorption a eu lieu, comme cela a été prouvé, par la pins grande quantité de l'acide gaïacol-sulfonique dans les urines, et par l'hypothermie survenue. Aubert a vu que les onctions faites sur le dos du pied produisent de l'hypothermie, et Robilll^rd a trouvé qu'une onction de gaïacol sur une étendue de 1 décimètre carré suffisait à abaisser la température. Donc l'absorption par la peau est évidente. Mais suffit-elle à provoquer l'hypo- thermie ? et faut-il chercher une autre explication dans l'excitation périphérique des nerfs de la peau "? On sait, en effet, que ces badigeonnages cutanés exercent sur les centres thermiques une action spéciale. Mais, d'autre part, on a reconnu aujourd'liui que les accidents con- sécutifs au vernissage de la peau sont dus, sinon exclusivement, au moins pour une 912 GAIACOL. très grande part, à une radiation cutanée plus intense car des animaux vernissés mis à l'étuve ne meurent pas. Guinard et Arloing, se fondant sur ces faits, ont pensé que les badigeonnages de gaïacol agissaient par une sorte d'excitation, déprimante de la température centrale, des nerfs sensibles de la peau. Mais ils n'ont, semble-t-il, pas continué à défendre cette opinion; car l'bypothèse d'une excitation périphérique bypo- thermisante est difficilement recevable, et Linossier et Laxnois ont bien montré que, selon toute apparence, si le gaïacol agit, c'est parce qu'il passe dans l'organisme et modifie tout spécialement les centres thermiques. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'agissent le phénol et les composés aromatiques divers à noyau phénylique dans leur molécule. Quant au fait intéressant de la non-action hypotherniisante du gaïacol chez les individus sains, en opposition à son action si efficace chez les fébricitants, on sait que c'est une loi assez générale. La quinine et beaucoup d'agents dits anti thermiques sont dans ce cas. Les centres régulateurs de la chaleur, troublés par les poisons des fièvres, sont devenus très susceptibles aux actions médicamenteuses, et de faibles doses des poisons phényliques sont capables de diminuer l'excitabilité accrue, alors que ces faibles doses sont incapables de modifier l'excitabilité de ces mêmes centres, à l'état normal. En dernière analyse, l'action hypothermisante paraît être le phénomène essentiel de l'intoxication par le gaïacol. Il semble que ce poison soit un poison du système nerveux central, et spécialement des centres thermiques, et cela indépendamment de toute hypothèse sur la nature même de ces centres, qu'ils soient automatiques, spéci- fiques ou simplement réflexes, coordonnant les excitations périphériques pour les tra- duire en excitations centrifuges thermogènes. Effets analgésiques. — Le gaïacol peut agir aussi comme un analgésique local. André et J. Lucas-Champioxnière ont donné les premiers cette utile indication. Le "aïacol est, pour l'injection, mélangé tantôt à de l'huile, tantôt à du chloroforme, et on observe une diminution de la douleur, parfois même une analgésie totale comparable à celle qu'amène la cocaïne. Il s'agit évidemment là d'une action locale sur les terminaisons nerveuses sensitives. A vrai dire, il semble que, dans la pratique, on ait renoncé à cet emploi du gaïacol comme analgésique local. Malot cite des cas de sciatique traitée par des injections de gaïacol chloroformé. L. O'Followell rapporte quelques observations d'avulsions dentaires faites sans douleur après des injections de gaïacol; et souvent on a appliqué les badigeonnages de gaïacol aux orchites doulou- reuses et aux luxations. Mais le danger, non négligeable, d'une hypothermie trop intense et d'un collapsus grave consécutif ont fait abandonner l'emploi commun du gaïacol comme anesthésique local. Il paraît cependant que son action antiseptique unie à son action analgésique en rendrait l'emploi avantageux comme topique local dans les plaies douloureuses, ou dans les ulcérations douloureuses des muqueuses. Effets thérapeutiques du gaïacol dans les affections médicales et spéciale- ment dans la tuberculose. — Nous n'avons pas à examiner ici les très nombreuses études qui ont été depuis dix ans entreprises sur l'action thérapeutique du gaïacol. On trouvera plus loin, dans la bibliographie, l'indication de ces travaux; et d'ailleurs il est difficile de séparer l'étude thérapeutique de la créosote de celle du gaïacol. De fait, le médicament s'est montré utile dans les cas légers et tout à fait impuissant dans les cas graves. Son principal effet est de diminuer la fièvre des tuberculeux. Parfois il restitue l'appétit et diminue la toux. On a constaté qu'il agissait médiocrement sur le décours de la tuberculose expéri- mentale. BuGNioN et Berdez, après avoir inoculé la tuberculose à des lapins, les ont sou- mis à des badigeonnages au gaïacol. La température des animaux fébricitants a baissé; mais la marche de la tuberculose n'a pas paru être modifiée. Chez quelques malades soumis à un traitement prolongé par le gaïacol, Grégoire a signalé un assez curieux phénomène, c'est le besoin, pour ainsi dire, de leur injection quotidienne de gaïacol, laquelle prouve, paraît-il, un certain état d'euphorie qui est devenu, par l'usage, nécessaire; et il compare l'état d'angoisse des malades habitués, qui sont tel ou tel jour privés de ce médicament, à l'état des morphinomanes qui ont besoin de l'injection de morphine"? En tous cas, de très nombreuses observations (notamment celles de Gilbert) prouvent qu'il n'y a en général ni accumulation du poison, ni accoutumance, ni intolérance progressive. Pourtant on a note une certaine irrégularité dans les effets GAIACOL. 913 du poison; irrégularilé due peut-être aux conditions de l'absorption, qui est loin d'être toujours identique. . . Tous les composés dérivés du gaïacol ont les mêmes effets thérapeutiques, à quelques nuances près. Sur ces nuances, on aura les documents nécessaires dans les travaux dont nous donnons l'indication bibliographique. Bibliographie. — Adriax. Sur une méthode rapide et facile d'analijse du ijaïacol et des créosotes du commerce. Paris, Hennuyer, 1897, 19 p. — Bard. Action antipyrétique des badigeonnages de gaïacol {Mém. de la Soc. des se. méd. de Lyon. 1894, xxxu,, 143-151^ et Congr. franc, de méd.,. 1895, 483-496). — Bard. Cas de mort après badigeonnage avec 2 grammes de gaïacol {Lyon méd., 4 juin 1893). — Bartolo. Ricerche sper. sulla giiiaco- line {Arch. di farm. e ter., 1899, vu, 471-49.Ï). — Bass (A.). Zur Physiologie der Guajacâ tinwirkung. {Wien. med. Woch., 1901, li, 221-222). 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Conduite du galactose dans l'orga- nisme vivant : galactose et micro-organismes. § I. — DÉFINITION ET PRÉPARATION DU GALACTOSE. Les galactoses sont des sucres en C^, possédant une fonction aldéhydique. Ce sont, par conséquent, des aldohexoses; ils dérivent de la dulcite. Il en existe deux : le galac- tose droit elle galactose gauche auxquels on attribue respectivement les formules suivantes : H OH OH H Galactose droit : OH ■ - CH-2 1 1 ■C- i ■C- ■G — COH OH k i iH H OH OH H Galactose gauche : COH 1^ 1 C- 1 -C- ■ C - CH2 - o'h 1 II i OH OH Le mélange équimoléculaire de ces deux galactoses constitue ce qu'on appelle le galactose inactif Au point de vue physiologique, le premier seul présente actuellement de l'intérêt, tant par lui-même que par ses dérivés qu'on rencontre fréquemment chez les êtres vivants; le second n'ayant été obtenu jusqu'ici que par voie synthétique. Aussi ne nous occuperons-nous que du galactose droit que nous désignerons, le plus souvent, simplement sous le nom de « galactose ». Le galactose s'obtient dans les laboratoires en partant du sucre de lait ou lactose, hexobiose qui est un étlier oxyde du galactose droit et du glucose droit ou glucose GALACTOSE ET GALACTANES. 915 ordinaire. On traite h chaud le sucre de lait par un acide minéral étendu : il y a hydrolyse, c'est-à-dire fixation d'une molécule d'eau et dédoublement de l'hexobiose en ses hexoses correspondants. Lactose. Galactose. Glucose. Le sucre de lait étant assez résistant à l'hydrolyse, on peut opérer à une température un peu supérieure à 100°, selon le procédé indiqué par Eu. Bourquelot (i). On dissout le sucre de lait dans de l'eau renfermant 1,5 p. 100 d'acide sulfurique et on chauffe, à 10o«, dans un autoclave, pendant une heure environ. On précipite l'acide par le carbonate de baryte ou le carbonate de chaux; on filtre et on évapore au bain- marie en consistance sirupeuse, en ayant soin de filtrer encore une fois au cours de l'évaporation ; on abandonne ensuite à la cristallisation. On délaie les cristaux formés dans un peu d'alcool à 80°, on essore et on purifie le produit par cristallisation dans l'alcool à 76°. Par les anciens procédés, on effectuait l'hydrolyse au bain-marie ou à l'ébuUition. Dans ces conditions il fallait chauffer beaucoup plus longtemps (2 jours avec acide sulfurique à 2 p. 100 : G. Bouchardat), ou employer une plus forte proportion d'acide (7 p. 100 : FuDAKOwsKi). On obtenait finalement un sirop très foncé dans lequel la cristallisation se faisait très lentement. § II. — PROPRIÉTÉS PRINCIPALES DU GALACTOSE. Le f,'alactose ainsi préparé se présente au microscope sous forme de tables hexago- nales ou octogonales. Il est anhydre et fond à 164". Il est très soluble dans l'eau, surtout à chaud; il est très peu soluble dans l'alcool absolu froid. Le galactose est dextrogyre et possède la multirotation. Au moment de sa dissolution dans l'eau, son pouvoir rotatoire s'élève jusqu'à a D = -f 1.30 à 140°, puis baisse peu à peu. Le pouvoir rotatoire définitif est exprimé par la formule suivante (Meissl) : a D = -h 830,883 -t- 0,0783 p — 0,209 < dans laquelle p = la proportion de sucre pour 100 (depuis 4,89 jusqu'à 35,36) et t = la température du liquide (de 10 à 30°). Le galactose est un sucre réducteur comme le glucose; il réduit la liqueur cupro- potassique et l'oxyde d'argent ammoniacal. A poids égaux, il réduit à peu près la même quantité de tartrate cupro-potassique que le glucose. Les deux propriétés suivantes sont fréquemment utilisées dans les recherches de chimie physiologique touchant le galactose et ses dérivés. 1° Lorsqu'on chauffe le galactose ou certains de ses dérivés, les galactanes, par exemple, avec de l'acide azotique de densité 1,15, on obtient de l'acide mucique. Voici comment il convient d'opérer. Dans un petit vase de Bohême, on pèse 2 grammes de galactose, on ajoute 24 centimètres cubes d'acide azotique de densité 1,15 et on chauffe au bain-marie en agitant de temps en temps avec une petite baguette de verre jusqu'à réduction au 1/3. On retire du feu et on laisse en repos pendant quelques heures pour permettre aux cristaux qui se sont formés à la fin de l'opération et pendant le refroidissement, de se rassembler : ce sont des cristaux d'acide mucique. Si après les avoir séparés, puis lavés avec un peu d'eau froide, on les fait sécher et si on les pèse, on constate qu'il s'est ainsi formé, pour 2 grammes de galactose, s'il s'agit de galactose pur, 18^^",50 d'acide mucique, soit : 75 p. 100. Le rendement étant sensiblement constant, cette réaction permet non seulement de déceler le galactose, puisque aucun autre sucre simple ne la donne, mais encore de le doser en présence des autres sucres. De là son application dans l'étude des dérivés du galactose que l'on rencontre dans la nature. 2° Lorsqu'on fait agir à froid l'acétate de phénylhydrazine sur le galactose, on obtient la gnlactosehydrazone, C'H^-O' = Az^H — C^H', qui cristallise en fines aiguilles jaunes fusibles à 194°. Le sucre de lait donne aussi à chaud, avec l'acétate de phénylhydrazine en excès une 916 GALACTOSE ET GALACTANES. osazone, la lactosazone ; mais celle-ci est soluble dans l'eau bouillante, tandis que la galactosazone est presque insoluble. Cette difîérence dans la solubilité des deux osazones* permet de rechercher le galactose en présence du sucre de lait, par exemple lorsqu'on veut savoir si un liquide organique est susceptible d'hydrolyser ce dernier sucre, c'est- à-dire renferme l'enzyme appelé lactase. § III. — DÉRIVÉS DU GALACTOSE DANS LE RÈGNE ANIMAL (LACTOSE, CÉRÉBRINE). On n'a signalé, jusqu'ici, dans les animaux, que deux dérivés du galactose. L'un est le sucre de lait ou lactose; l'autre est ]acérébrine. Le premier se rencontre en proportions variables dans le lait des mammifères et en est un des principes nutritifs (voir Lactose). Le second, qui se retire de la substance du cerveau, est encore peu connu au point de vue chimique. Ce n'est pas un principe immédiat : il se forme dans la décomposition du composé désigné sous le nom de protafj07i et découvert fpar Liebreich. Mais les recherches qui ont été publiées depuis le travail de Liebreich ont montré que la question était plus complexe qu'elle ne paraissait tout d'abord. Aussi devons-nous, pour faire comprendre ce qu'est le dérivé galactoside, nous étendre un peu sur ce point. Pour préparer le protagon, Gamgee et Blankenhorn (2) opèrent comme il suit : Le cerveau est divisé, puis mis à digérer à 43° pendant douze heures, dans de l'alcool à 85°. On filtre chaud; par refroidissement, le protagon se dépose. Pour le purifier, on l'agite avec de l'éther qui enlève la cholestérine et d'autres impuretés, puis on le redissout de nouveau dans l'alcool à 85°, en chauffant peu à peu jusqu'à la température de 45° qui ne doit pas être dépasse'e. On laisse refroidir et le produit cristallise. Le protagon ainsi obtenu se présente sous la forme d'aiguilles groupées en rosettes. Il renferme du carbone, de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'azote et du phosphore. Liebreich, Gamgee et Blankenhorn, et, plus tard Baumstark (3) pensaient qu'il n'existait qu'un protagon, principe d'ailleurs assez peu stable et susceptible d'être décomposé par l'alcool bouillant et même par l'éther également bouillant. Par la suite, KossEL et Freytag (4), pour expliquer certaines différences de propriétés que ces auteurs avaient observées dans des produits provenant de diverses préparations, émirent l'opinion qu'il devait exister tout un groupe de protagons. Quoi qu'il en soit, ce ou ces protagons paraissent être des combinaisons de lécithines et de composés que Thudichum (.^) a appelés cérébrosidea. Les cérébrosides ne renferment pas de phosphore. Us peuvent se décomposer en donnant de l'ammoniaque, un sucre réducteur et une substance qui, oxydée par l'acide azotique, fournit des acides gras, tels que l'acide palmitique et l'acide sléarique. Parmi ces cérébrosides, se trouve la cérébrine qui est, comme nous l'avons dit, un dérivé du galactose. Peut-être les autres cérébrosides sont-ils aussi des dérivés de ce même galactose? Sur ce point les données manquent. Peut-être aussi la cérébrine n'est-elle pas une espèce chimique, mais un mélange de cérébrosides. Tout cela demande de nouvelles recherches. Pour préparer la cérébrine, on peut partir du protagon, comme l'a fait Baumstark. On chauffe celui-ci au bain-marie bouillant pendant quelque temps avec de l'eau de baryte qui décompose les lécithines. On fait bouillir dans l'alcool le produit précipité, et on filtre. Par refroidissement, la cérébrine se sépare sous forme de gros grains ovalaires qu'on peut purifier par de nouvelles cristallisations. On peut aussi partir directement de la substance cérébrale, comme l'a fait MCller. On triture le cerveau avec de l'eau de baryte de façon à avoir un liquide demi-sirupeux; on fait bouillir; on sépare la partie précipitée, et on l'épuisé à chaud avec de l'alcool. Par refroidissement, il se produit un précipité abondant, floconneux, que l'on débarrasse par l'éther de la cholestérine et des graisses. Par ce dernier procédé, on obtient un produit qui se présente sous la forme d'une poudre très légère, blanche, sans goût ni odeur, soluble dans l'alcool bouillant et l'éther bouillant, insoluble dans l'eau, dans l'alcool froid et l'éther froid. Quel que soit d'ailleurs le procédé employé, on doit admettre, comme nous l'avons déjà fait remarquer, que la cérébrine obtenue est un mélange de plusieurs espèces chimiques. GALACTOSE ET GALACTANES. 917 LiEBREicH, le premier, en 1867, a constaté que le protagon, traité par les acides minéraux étendus, fournit un sucre réducteur. Quinze ans plus tard, Thudichum (6), en partant de la cérébrine ou plutôt des cérébrosides obtenus à l'aide du protagon, réussit à isoler ce sucre à l'état cristallisé; mais il crut avoir afl'aire à une espèce nouvelle, et il lui donna le nom de cérébrose. C'est Thierfelder (7) qui démontra que ce sucre n'est autre chose que du galactose. Encore convient-il d'ajouter que ce dernier expérimenta- teur s'est servi dans ses recherches de la cérébrine préparée par le procédé de Muller, cérébrine qu'il a hydrolysée par de l'acide sulfurique à 2 p. 100. On ne sait rien de plus sur la nature de la cérébrine. Tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'elle est une sorte de galactoside. Elle paraît fournir, d'ailleurs, à l'hydrolyse, une proportion assez faible de galactose : 16,1 p. 100 seulement dans les expériences de Thierfelder. On a retiré du cerveau de l'esturgeon, du pus, de certaines tumeurs cancéreuses, des produits en apparence analogues à la cérébiine; mais aucune expérience n'est venue démontrer que ces produits donnent du galactose par hydrolyse. Quant au rôle physiologique de la cérébrine, nous ne le connaissons pas. § IV. - DÉRIVÉS DU GALACTOSE DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL. Les recherches qui ont été faites dans ces derniers temps, particulièrement dans mon laboratoire, ont montré que des dérivés du galactose se rencontrent dans un très grand nombre de végétaux, et surtout comme matériaux de réserve, par conséquent, dans les organes où s'accumulent ces matériaux : graines, tubercules, rhizomes. On ne pourrait guère citer que l'amidon et la cellulose proprement dite, lesquels sont, comme Ton sait, des anhydrides de glucose droit, qui soient plus répandus. Ces dérivés sont des sortes d'anhydrides du galactose que Ion peut désigner, pour la plupart et d'une façon générale, sous le nom de galactanes.MvLÏs, sauf le raffinose et le stachyose qui sont des espèces chimiques définies; sauf peut-être encore la p galactane de Steiger dont nous parlons plus loin, tous ces dérivés se trouvent associés à des pro- portions variables d'anhydrides d'autres sucres : tels que des dextranes, des mannanes ou des arabanes, c'est-à-dire des anhydrides du dextrose, du mannose ou de l'arabinose. Si nous disons des associations, c'est parce qu'il n'y a pas là, à ce qu'il nous semble, de combinaisons définies, mais plutôt des mélanges intimes de principes immédiats. Si elles constituaient des combinaisons définies — dans certains cas, par exemple, ce qu'on pourrait appeler des galacto-mannanes, — elles donneraient toujours, sous l'in- fluence de l'action hydrolysante des acides, quelles que fussent les conditions de cette hydrolyse, pour un nombre déterminé de molécule? de galactose, un nombre égale- ment déterminé de molécules de l'autre sucre (mannose), ou de chacun des autres sucres (dans le cas de combinaison plus complexe). En d'autres termes, le rapport entre les quantités des divers sucres obtenus devrait toujours être le môme. Or, il n'en est pas ainsi, comme cela ressort de diverses expériences dont les plus anciennes dues à Bourquelot et Laurent (8), sont les suivantes, qui portent sur l'albu- men de la noix vomique, Stnjchnos Nux vomica L, albumen fournissant du galactose et du mannose à l'hydrolyse. On a fait agir à une même température, pendant des temps différents, une même pro- portion d'acide sulfurique dilué à 1 p. 100 sur un même poids d'albumen broyé au mou- lin, puis épuisé à l'aide de l'alcool et desséché à l'air. Quatre mélanges identiques com- posés de : Albumen épuisé et desséché 13 gr. Acide sulfurique dilué ;ï 1 p. 100 300 ce. ont été maintenus à la température de 1 10° : le n'^ 1 pendant 40 minutes, le n° 2 pendant 80 minutes, le n° 3 pendant 120 minutes et le n" 4 pendant 160 minutes. Après refroi- dissement on a ramené au volume primitif, précipité les parties non hydrolysces par addition de 1 vol. d'alcool fort, puis dosé le galactose et le mannose. 918 GALACTOSE ET GALACTANES. On a trouvé Galactose. Mannose. RAPPORTS E^ CENTIÈMES. Galactose. Mannose. Après 40 minutes — 80 - — 120 — — 160 - 2,14 5,53 6,63 6,94 traces 0,48 1,26 1,82 100 92,02 83,04 79,23 traces 7,98 15,94 20,77 En opérant sur l'albumen de la Fève S' Ignace, et, cette fois, en faisant varier la pro- portion d'acide sulfurique, les autres conditions : température, durée des essais étant les mêmes, on a obtenu des différences analogues. Les expériences de Goret (9), sur l'albumen de Févier d'Amérique, Gleditschia Triacanthos L., albumen qui fournit aussi du galactose et du mannose par bydrolyse, ont abouti au même résultat. Ces expériences se rapportent à trois mélanges composés di : Albumen séché à 35° et moulu 10 ixv. Acide sulfurique concentré 6 — Eau distillée 200 ce. Ces mélanges ont été chauffés à 110°; l'un pendant 30 minutes, un autre pendant 60 minutes, et le troisième pendant 90 minutes. Le tableau suivant donne les proportions de galactose et de mannose formées. GALACTOSE. MANNOSE. Apres 30 minutes — 60 minutes — 90 minutes 1,75 1,81 1,96 5,48 6,85 8,06 L'hydrate de carbone fournissant le galactose était donc déjà presque entièrement hydrolyse dans le premier essai. Il y a plus, il ne paraît pas que les produits qui, dans des organes différents et môme souvent dans un seul organe, une graine par exemple, fournissent du galactose à l'by- drolyse, soient constitués par une même galactane. Envisage-t-on,en effet, ces produits simplement au point de vue de leur solubilité dans Teau et de leur consistance, on trouve tous les intermédiaires possibles, depuis les pro- duits succeptibles de se dissoudre intégralement ou au moins de donner un mucilage, jus- qu'aux produits totalement insolubles, d'une véritable consistance de pierre. Il en est qu'on peut hydrolyser à l'aide d'une solution très étendue d'acide sulfurique et d'autres qui ne se laissent désagréger que si l'on a recours à de l'acide plus concentré. Se basant sur ces faits, Schulze a fait une sorte de classification des galactanes : appe- lant a.-galactanes celles qui sont solubles dans l'eau, et paragalactanes celles qui sont insolubles; rapportant d'ailleurs ces dernières à deux types, suivant qu'elles sont solubles dans les acides minéraux étendus bouillants (type des hénu-celluloses) ou insolubles dans ces mêmes acides (type des celluloses). C'est là une classification purement conventionnelle et la vérité paraît être — surtout si l'on fait intervenir la manière dont se comportent tous ces corps en présence des fer- ments— qu'il existe toute une série de galactanes diversement condensées et peut-être même dont les molécules sucrées sont diversement aggrégées. Aussi, dans ce qui va suivre, laisserons-nous de côté cette classification. Après avoir GALACTOSE ET CALACTANES. ÎM9 examiné rapidement les trois seuls dérivés galactosiques définis que nous connaissions, le raffinose, le stachyose et la lactosine, nous étudierons les produits non détinis; d'abord ceux que l'on considère comme des galactanes pures, c'est-à-dire comme ne donnant que du galactose à l'hydrolyse ; puis tous les autres, nous contentant de rapprocher, quand cela sera possible, les produits qui par leur origine (gommes), par certaines propriétés capitales (pectines), par leur rôle physiologique (galactanes des albumens cornés, amy- loïdes) constituent de véritables groupe naturels. Haffinose. Le raffmose ou mélitosc est un hexotriose formé, à mole'cules égales, par le lévulose, le glucose droit et le galactose. Ce dérivé galactosique parait être assez répandu dans la nature. Il accompagne, en petite quantité, le sucre de canne dans la betterave; on l'a trouvé aussi dans le blé en germination, dans l'orge, dans les semences de coton et dans celles de Soja hispida Moench. Le raffinose cristallise en aiguilles contenant cinq molécules d'eau de cristallisation. Sa formule est alors : C^^ H'- 0"* + oH- 0. Il ne réduit pas la liqueur cupro-potassique. Un traitement convenable par l'acide sulfurique étendu le désagrège en ses trois molé- cules de sucre simple. Stachyose. Le stachyose est un hexotétrose formé par le lévulose (1 mol.) le glucose (1 mol.) et le galactose (2 mol.). On ne l'a trouvé, jusqu'ici, que dans les tubercules deSta- chys tuberifera (Ndn) (iO) et dans la manne (11). 11 cristallise en tables avec trois molécules d'eau. Sa formule est alors : C-' H''-0-' + 3H- 0. 11 n'agit pas non plus sur la liqueur cupro-potassique. Traité à chaud par l'acide sulfurique étendu, il est hydrolyse et se désagrège en ses trois sucres simples. Lactosine. La lactosine est un polysaccharide découvert par A. .Meyer dans la racine de Silène vulgaris Garcke [Silène inflata Sin), et qui, d'après cet expérimentateur, existe- rait dans d'autres Caryophyllées (12). Nous signalons ce principe à la suite du raflinose et du stachyose, parce qu'il est décrit par Meyer comme un principe cristallisé de for- mule (C^'^H^'-O" + H-0); mais on ne connaît pas sa constitution. Tout ce qu'on en sait, c'est que, traité par l'acide sulfurique étendu et bouillant, il donne du galactose et un glucose dont la nature n'a pas été déterminée. L'étude de la lactosine est à repren- dre complètement. p. galactane. — La [3 galactane a été retirée des semences de lupin jaune par Steiger (13). Elle se présente sous la forme d'une poudre blanche, soluble en toutes pro- portions dans l'eau. Elle est dextrogyre (a D == + 148», 75) et, traitée à chaud par l'acide sulfurique étendu, elle ne fournirait que du galactose. Ce serait donc un anhy- dride du galactose comparable aux anhydrides du glucose désignés sous le nom de clex- trines. Gommes et Mucilages. — On appelle gommes et mucilages des hydrates de carbone amorphes qui donnent, avec l'eau, des solutions visqueuses, ou qui se gonflent au con- tact de ce liquide. Les gommes exsudent à travers les fentes de l'écorce de certains arbres : ce sont des productions morbides résultant d'une sorte de métamorphose régressive de la membrane cellulaire. Les arbres qui en fournissent le plus appartiennent à la famille des Légumi- neuses et, en particulier, au genre Acacia (gommes dites arabiques) et au genre Astmgalus (gommes dites adragantes). Mais d'autres arbres, appartenant à d'autres familles, comme le Cerisier, le Prunier, le Pêcher et l'Abricotier (Rosacées); l'Anacardier d'Occident (Térébinthacées), les Fromagers (Malvacées), le Feronia Elephantum Corre (Ruta- cées), etc., en fournissent également. Presque tous ces produits donnent, par hydrolyse, du galactose, en même temps que de l'arabinose. Ce sont donc des mélanges de galac- tanes et d'arabanes, ou des galacto-arabanes. Les mucilages dill'èrent surtout des gommes par leur origine et leur siège. Ainsi ils peuvent constituer les couches d'épaississement secondaire de la membrane cellulaire (cellules épidermiques des semences de Coing), ou le contenu de certaines cellules (rhi- zome de Consoude). Quelquefois même, comme les gommes, ce sont des produits de transformation de la membrane. N'exsudant pas au dehors, leur préparation est souvent assez difficile. Cependant, on a pu s'assurer que beaucoup d'entre eux, et on les appelle mucilages vrais, fournissent du galactose par hydrolyse (mucilages de Carragaheen, de guimauve, de graine de lin, de graine de Psyllium, d'Opuntia vulgaris Mill) (14j. Les 920 GALACTOSE ET CALACTANES. mucilages vrais renferment doue des galactanes. Celles-ci sont accompagnées tantôt de dextranes, tantôt d'arabanes. Pectines. — Les pectines sont des principes qui, comme les gommes et les muci- lages, donnent avec l'eau des solutions visqueuses. Comme la plupart des gommes, elles fournissenl, lorsqu'on les traite à chaud par les acides minéraux étendus, du galactose et de l'arabinose. Mais elles possèdent quelques propriétés spéciales, tant au point de vue chimique qu'au point de vue physiologique, qui en font des composés nettement différents des substances gommeuses. C'est ainsi que leurs solutions aqueuses coagulent, lorsqu'on les additionne de petites quantités d'eau de baryte ou d'eau de chaux. C'est ainsi encore, et surtout, que ces mêmes solutions se prennent en masse au contact d'un ferment soluble particulier que Frkuy, qui l'a découvert, a désigné sous le nom de pectase. Les pectines ne préexistent pas toujours dans les tissus d'où on les retire; elles se forment alors sous l'influence de l'eau chaude dont on se sert pour les extraire, et tlérivent, sans doute par hydratation, de principes insolubles dans l'eau, auxquels il "convient de conserver le nom de pectoses qui leur a été donné par Frémy. Cette forma- tion des pectines présente beaucoup d'analogie avec la transformation de l'amidon cru en empois par l'eau bouillante {['■>). Quoi qu'il en soit, pectines ou pectoses sont très répandus dans le règne végétal. Ces principes s'y rencontrent dans des organes variés et on les voit apparaître et disparaître à certaines époques de la vie des plantes. Il n'est donc pas douteux qu'elles jouent un rôle physiologique important. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce point. On a étudié, dans mon laboratoire, huit pectines provenant d'organes de végétaux divers. Toutes ont été trouvées dextrogyres, et le tableau suivant montre que, à cet égard, elles diffèrent les unes des autres. POUVOIR ROTATOIRE. Pectine de (ieiitiane (BouRQtjELOT et Hérissey) (15) aD=+ 82°, 3 — Rose (Javillier) (16) — + 127 — Cynoi-rhodon (Bourquelot et Hérissey) (17) • — + 165 — Coing (Javillier) (18) — +188,2 — Groseille à maquereau (Bourquelot et Hérissey) (19). . . — + 194 — Macis (Brachin) (20) — + 240 — Élcoce d'or, amère (V. Harlay) (21) — + 176 — Baies d'Aucuba (V. Harlay) (21) — + 217 Il est à remarquer que toutes ces pectines, lorqu'on les traite par l'acide azotique (densité = l,lo), donnent des proportions très variables d'acide mucique : acide mucique p. 100. Pectine de Gentiane 41,25 — Groseille à maquereau 19 — Coings 13,5 — Macis 17 — Aiicuba 25 ce qui est encore un argument en faveur de la diversité de leur composition. Autres principes dérivés du galactose; amyloïdes, albumens cornés. — On a vu plus haut que Steiger avait retiré, en 1887, des graines de Lupin jaune, un hydrate de carbone soluble dans l'eau et ne donnant que du galactose à l'hydrolyse par l'acide sulfurique étendu {[i galactane). Ces mêmes graines renferment une galactane insoluble dans l'eau que Schulze, Steiger et Maxwell, qui l'ont découverte, ont appelé paragalactane, selon la nomenclature de Schulze (22). Cette paragalactane n'a pu être isolée; elle est mélangée ou combinée à d'autres hydrates de carbone (arabanes), le tout ne constituant pas plus de 8,76 p. 100 des semences débarrassées de leur tégument. Des produits analogues ont été trouvés par ces mêmes expérimentateurs dans les graines de Soja hispida Moench, de Faba vulgarh Moench, de Pisum sativiim L. et de Vicia sativa L., ainsi que dans les graines de Coffea arabica L., de Coco$ nucifera L., à'Elacis guineenmi&Q.(\. et de Phœnyx dactylifera L. Seulement, dans ces quatre dernières graines, la paragalactane est accompagnée, non plus d'arabane, mais de mannane. GALACTOSE ET GALACTANES. 921 Dans les graines de Tropxolum majiis, L., de Pœonia officinalis L. et d'Impatiens Bal- samina on trouve, comme matière de réserve, un produit assez particulier qui possède, comme l'amidon, la propriété de se colorer en bleu au contact de l'eau iodée. On lui a, à cause de cela, donné le nom d'amyloide. Ce produit fournit cependant aussi du galac- tose à l'hydrolyse (23), et, en même temps, du xylose et du dextrose, ce qui permet de penser qu'il est formé de galactane, de xylane et de dextrane. Les graines de Coffea arabica, de Cocos nucifera, etc., possèdent un albumen volu- mineux, classé parmi les albumens cornés dits cellulosiques, à cause de leurs propriétés physiques. De tels albumens, ainsi que des albumens cornés dits charnus, existent dans un assez grand nombre de graines appartenant à des familles très éloignées l'une de l'autre. Beaucoup de ces albumens ont été étudiés dans mon laboratoire; la plupart d'entre, eux renferment des galactanes, mais eu proportions variées: et elles sont accompa- gnées d'hydrates de carbone dont la nature et les proportions diffèrent également sui- vant les espèces examinées. En ce qui concerne les recherches dont elles ont été l'objet à cet égard, les Légumi- neuses albuminées peuvent être partagées eu deux groupes : le groupe des Légumi- neuses dont les graines sont assez grosses pour que les albumens aient pu être séparés, et celui des Légumineuses dont les graines sont si petites qu'il a fallu chercher un pro- cédé permettant d'extraire, de ces graines pulvérisées, les hydrates de carbone consti- tuant, au moins en grande partie, leur albumen. Parmi les graines des Légumineuses du premier groupe ont été étudiées celles de Caroubier {Ceratonia Siliqua L.) (24), de Canéficier [Cassia Fistula L.) (2j) et de Févier d'Amérique [Gleditschia Triacanlhos L.) (9). Dans les albumens de ces graines, les galactanes sont accompagnées de mannanes et de quantités relativement faibles d'autres hydrates de carbone qui, vraisembablement, sont des dextranes. Un fait assez intéressant, c'est que la totalité des galactanes est hydrolysée par l'acide sulfurique à 3 p. 100, tandis qu'une certaine proportion de man- nanes et d'autres hydrates de carbone résiste à cette hydrolyse et ne peut être désagré- gée qu'en employant de l'acide beaucoup plus concentré (70 p. 100) et dans des condi- tions particulières. Il s'ensuit, pour employer la terminologie de Schulze, que toutes les galactanes et une partie seulement des mannanes et des autres hydrates de carbone sont à l'état d'hémi-celluloses, le reste des mannanes étant à l'état de mannocelluloses. Si, dans ces hémi-celluloses, qui d'ailleurs constituent la majeure et la plus intéressante partie du produit, on compare entre elles les galactanes et les mannanes, on trouve les chiffres suivants; ces chiffres sont rapportés à cent parties de la somme des deux groupes de composés. Ceralonia Siliqua L Gleditschia Triacanlhos L. . . Cassia Fistula L GALACTANES. MANNANES. 21,92 78,08 25,16 74,88 30,27 69,72 Quant aux autres hydrates de carbone, qui font aussi partie de ces héniicelluloses, leurs proportions, faibles d'ailleurs ainsi qu'on l'a dit, varient également d'un albumen à l'autre. Elles ont été trouvées, et cela est tout à fait approximatif, de 8,13, 8,17, et 22,5 pour 100 parties de la totalité des hémicelluloses. Parmi les graines du second groupe, on a étudié celles de Fenugrec {Trigonella Foenum grsecum L.) et de Luzerne {Medicago sativa L.) (26); celle de Trèfle {Trifolium repens L.) ^27); celle de Minette {Medicago Lupulina L.), de Melilot de Sibérie [Melilotus leucantha Lam.), de Lotier corniculé {Lotus corniculatus L.) et d'Indigo {Indigofera tinc- toria L.) (9). L'extraction des hydrates de carbone a été effectuée à l'aide du procédé Mlntz (28) modifié sur quelques points de détail. Ce procédé se résume dans les opérations suivantes : faire macérer la graine pulvérisée dans une solution d'acétate neutre de plomb, laisser déposer, décanter le liquide clair, l'additionner d'acide oxalique de façon à précipiter les hydrates de carbone par addition d'alcool. En réalité, on n'obtient ainsi que ce qui est soluble dans la solution d'acétate neutre de plomb. Le produit, après lavage à l'alcool et dessiccation dans le vide, est presque 922 GALACTOSE ET GALACTANES. pulvérulent, très léger et complètement blanc. MiiMz qui, le premier, l'a retiré de la graine de Luzerne, l'a appelé rjalactine. Il supposait qu'il provenait du tégument de la graine, et, parmi les sucres que lui avait donnés l'hydrolyse par les acides, il n'avait réussi à caractériser que le galactose. Ce produit provient bien de l'albumen. Extrait de l'une quelconque des graines indi- quées plus haut, il donne par l'hydrolyse à l'aide de l'acide sulfurique à 2,5 p. 100, du galactose, du raannose et une petite quantité d'un sucre réducteur qui pourrait bien être du dextrose. La presque totalité du produit est d'ailleurs hydrolysée dans ces conditions- Dans le tableau suivant, nous comparons entre elles, comme nous l'avons fait pour les graines du premier groupe, les proportions de mannanes et de galactanes que ren- ferment les différents produits qui ont été obtenus. Indifiofera tinctoria L Trifolium repens h Medicago Lupulina L Lotus cornlculatm l Trigonella Foenum grœcum L.. Melilûtus leucantha Lam.. . . Medicago sativa L GALACTANES. MANNANE 34,60 65,40 38,92 61,08 42,31 57,69 42,73 57,27 43,91 56,08 45,19 54,80 49,08 50,93 Quant aux autres hydrates de carbone (dextranes), leur proportion pour 100 parties de la totalité de ceux qui sont hydrolyses dans ces conditions, se trouve évaluée approxi- mativement dans le tableau suivant : Indigo.. . 15,21 Trèfle. . . 10,33 Minette. . 10,61 Lotier. . . 5,38 Fenugrec. 10,80 Mélilot. . 5,45 Luzerne. . 0 Les rapports varient donc avec chaque graine, ce qui montre bien la diversité de composition de tous ces produits, pourtant si analogues. Cette diversité ressort encore des pouvoirs rotatoires de chacun d'eux. POUVOIR ROTATOIRE des produits extraits par la méthode de Muntz. Indirjofera tinctoria L. . . aD=: + 37°,00 Trifolium repens h — +81°, 10 Medicago Lupulijia L. . . — + 69°, 53 Lotus cornicidatus L . . . . -- + 59°,64 Melilotus leucantha Lam. . — + 77°,2G Medicago saliva L — + 84°, 26 Parmi les graines de Strychnées, ont été étudiées celles de Strychiios m(x vomica, L. (noix vomique) et de Strychnos Ignatii Bergius (Fève de Saint-Ignace) (8). L'albumen de ces graines, dont il constitue la presque-totalité, est très dur à l'état sec. Hydrolyse par les acides minéraux, il fournit aussi du galactose et du mannose : il contient donc des galactanes et des mannanes. Il présente d'ailleurs la même particularité que les albu- mens dont il a été question jusqu'ici, en ce sens que toutes les galactanes sont hydro- lisées par l'acide sulfurique étendu (acide à 3 p. 100); car le résidu de l'opération, traité par de l'acide à 70 p. 100, selon la méthode de Braconnot, ne donne plus de galactose, tout en donnant encore du mannose et, en plus, un autre sucre qui doit être du dextrose. Si, dans le produit que désagrège une hydrolyse nié)iagée (acide sulfurique à 3 p. 100), on compare entre elles les galactanes et les mannanes, on trouve les chiffres suivants : Strychnos Ignatii Bel-gius. — 71UX vomica L. . GALACTANES. MANNANES 53,44 46,55 77,72 22,27 Les autres hydrates de carbone (dextranes?) hydrolyses dans cette opération sont à l'état de trace pour la de Fève Saint-Ignace, et atteignent environ les huit centièmes de la GALACTOSE ET CALACTANES. 923 totalité pour la Noix voraique. Les parties qui résistent à l'hydrolyse ménagée four- nissent encore du mannose, quand on les traite par de l'acide à 70 p. 100, mais ne four- nissent plus de galactose. Les galactanes sont toutes à l'état d'hémicellulose. L'albumen des graines d'Ombellifères (29 et 30) renferme également des mannanes et des galactanes; mais il renferme, en plus, des hydrates de carbone que nous n'avons pas encore rencontrés jusqu'ici : des arabanes. Ajoutons que ces arabanes constituent, comme on peut le voir ci-dessous, une assez forte proportion de la masse totale des hydrates de carbone. Ici, encore, les galactanes sont toutes à l'état d'hémicelluloses, c'est-à-dire sont hydro- lysées par l'acide étendu, tandis que certaines mannanes et arabanes sont plus résis- tantes et ne sont désagrégées que par l'acide à 70 p. 100. Dans le tableau suivant, nous ne comparons entre elles que les galactanes, mannanes et arabanes facilement hydro- lysables. GALACTANES. 9,28 14,60 MANANNES. 2i,04 34,38 ARABANES. 66,66 51,06 19 29,01 26,11 0 41,68 70,98 ■ Coriandrum salivum L Carum Carvi L Petroselinian sativi'mîloïïm.. . . Phellandrium aqualicum L . . . Comme on le voit, la graine de Phellandrie ne renferme pas de mannanes à l'état d'hémicellulose. Elle en renferme pourtant à un état plus stable, ce qui est un fait curieux à noter en ce qui concerne la variation que l'on peut observer entre les proportions de chacun de ces groupes d'hydrates de carbone, les uns par rapport aux autres. Dans YAucuba japonica L., qui appartient à la famille des Cornées, famille que l'on rapproche généralement de celle des Ombeliifères, l'albumen très considérable de la graine renferme aussi, à l'état d'hémicellulose, ces trois sortes d'hydrates de carbone; mais la proportion d'arabane y est très faible. Voici d'ailleurs, dans cet albumen préala- blement épuisé par l'alcool, autant que les données, parfois imprécises, de Champenois permettent de les calculer, les proportions respectives en centièmes de chacun de ces groupes d'hydrates de carbone : GALACTANES. MANNANES. ARABANES. Aucuba japonica L. . . 15,94 T2,97 H, 07 Les hydrates de carbone, facilement hydrolysables, des graines d'Ombellifères et à' Aucuba, ne sont pas uniquement constitués par des galactanes, des mannanes et des arabanes. Les produits d'hydrolyse faible renferment, en effet, outre du galactose, du mannose et de l'arabinose, un autre sucre qu'on doit supposer être du dextrose ou glu- cose droit. Il y aurait donc, également à l'état d'hémicellulose, des dextranes dans ces graines. Les chiffres suivants, tout à fait approximatifs, et qui se rapportent à 100 par- ties de la totalité des hémicelluloses, montrent que la proportion de ces dextranes est ici, parfois, très élevée. DEXTRANES p. 100. Coriandrum sallcum L 34,30 Carum Carvi 1. 43,90 Petroselinum salivum Hoflliii. . . . 34,00 Phellandrium aqualicum L . . . . 19,20 Aucuba j aponica L 18,47 Pour terminer cette longue énumération des dérivés galactosiques d'origine végétale actuellement connus, il ne nous reste plus qu'à signaler les galactanes que renferment les albumens cornés des graines des Palmiers. 11 y en a dans l'albumen de toutes les graines de cette famille qui ont été étudiées, même lorsque cet albumen est très riche en matières grasses, comme dans la graine d'Astrucanjum vuhjare Mart.,el ([uelle que soit la tribu à laquelle appartiennent ces graines. Aux graines déjà citées plus haut (voir page913),il faut ajouter celles de Phœnix cana- rlemis Hort. (31) et les graines suivantes, qui ont été l'objet d'un travail récent de la part de LiÉNARD (32) ; Areca Catechu L., Chamaerops excelsa Thunb., Astrocaryum vuhjare Mart., Œnocarpus Bacaba Mart., Erythea edulis S. Wats et Sayus Rumpldi Willd. 924 GALACTOSE ET CALACTANES. - Dans toutes ces graines, les galactanes sont en faible proportion, représentant un cen- tième à peine du poids de la graine. Elles y sont d'ailleurs, toujours, à l'état d'hémi- celluloses, de telle sorte qu'il paraît bien que c'est là, chez les végétaux, un état constant des galactanes dans les organes de réserve. § V. — HYDROLYSE ET ROLE PHYSIOLOGIQUE DES DÉRIVÉS DU GALACTOSE. Lactase, pectinase, séminase. — Parmi les dérivés du galactose, il en est qui jouent, comme aliments, un rôle très important. Ce sont, en particulier, le sucre de lait pour les animaux, et les galactanes des réserves d'un grand nombre de graines, pour la plantule, au moment de la germination. Quant aux autres dérivés d'origine végétale : lactosines, pectines, mucilages, etc., à l'exception des gommes, ce sont, vrai- semblablement aussi, des aliments, mais des sortes d'aliments intermédiaires qui servent à la formation de la membrane cellulaire, ou qui, à certaines périodes de l'existence du végétal, contribuent, en raison de leur résistance aux agents de digestion, à régulariser la vie de celui-ci. Quoi qu'il en soit, ce qui nous intéresse tout d'abord, dans cette question, c'est le processus qui conduit à l'utilisation de ces hydrates de carbone si variés. Disons tout de suite que ce processus est le même pour tous : c'est un processus d'hydrolyse qui amène une désagrégation moléculaire telle que, finalement, ces hydrates de carbone sont trans- formés en sucres simples (tantôt galactose seul, tantôt galactose et autres sucres) désor- mais assimilables. Ajoutons que cette désagrégation est toujours provoquée par un ou plusieurs ferments solubles, ainsi que nous allons l'exposer en suivant l'ordre qui a été adopté ci-dessus dans la description et l'étude des dérivés galactosiques. Lactose. — L'étude de l'hydrolyse fermentaire du sucre de lait a été singulièrement facilitée le jour oii Eii. Fischer a donné un procédé permettant de distinguer ce composé de ses produits d'hydrolyse (Voir ce procédé, p. 909). Grâce à lui, son auteur a pu établir (33) que le produit retiré des amandes douces sous le nom d'émulsine et qu'on savait pos- séder la propriété d'hydrolyser un certain nombre de glucosides, possède aussi celle de dédoubler le sucre de lait. Mais il a tiré, de ses recherches, une conclusion que les tra- vaux ultérieurs n'ont pas confirmée : c'est que glucoside et lactose sont hydrolyses par le même ferment. La vérité est que le dédoublement physiologique hydrolytique du lactose ne peut être eiTectué que par un ferment particulier, la lactase, qui se trouve, le plus souvent, accompagner l'émulsine des Amandes. C'est ce qu'a objecté, dès 1895, l'auteur de cet article en apportant un premier fait à l'appui de sa manière de voir : l'existence d'une émulsine d'amandes qui, tout en hydrolysant l'amygdaline et la salicine, était sans action sur le sucre de lait (34). D'autres faits analogues ont été découverts par la suite. Ainsi l'eau que l'on fait séjourner sous une culture à'Aspergilliis développée sur liquide de Raulin, acquiert la propriété d'hydrolyser les glucosides qu'hydrolyse l'émulsine, et non celle d'agir sur le sucre de lait (35). Cette eau renferme alors de l'émulsine et pas de lactase. De même, le suc de Polyporus sulfiireiis Fr. est sans action sur le sucre de lait, alors qu'il hydrolyse tous les glucosides que peut hydrolyser l'émulsine (36). Nous disions que la lactase accompagne souvent l'émulsine retirée des amandes douces; elle accompagne aussi celle qui provient des amandes amères, des amandes d'abricot, de pêche, des semences de pomme; mais elle n'existe pas dans les feuilles de laurier-cerise qui renferment pourtant de l'émulsine (37). Inversement, on la rencontre parfois sans émulsine. Ainsi, par exemple, on a constaté sa présence dans l'intestin du bœuf (38). Elle existe encore dans certaines levures qui possèdent la propriété de déterminer la fermentation alcoolique du sucre de lait, dans les grains de Képhir. Sauf chez les animaux, et dans ces derniers cas, nous ignorons quel rôle physiolo- gique peut jouer la lactase, et môme si elle joue un rôle quelconque. Raffinose et stachyose. — Le raffinose, pour être assimilable, doit être aussi hydrolyse. Deux actes fermentaires sont nécessaires pour cela : Le premier est provoqué GALACTOSE ET GALACTANES. 925 par l'invertine; il conduit à la séparation du lévulose, le glucose et le galactose restant unis sous la forme d'un hexobiose; le mélibiose (39). Le second est déterminé par un autre ferment que l'on peut appeler mélibiase, et qui paraît exister en faible quantité dans l'émulsine commerciale (observation inédite). Il est vraisemblable que l'hydrolyse du stacbyose qui est un tétrahexose, exige, pour être complète, l'intervention de trois ferments ; mais ce point n'a pas encore été élucidé. Pectines et mucilages. — Comme nous l'avons dit, les pectines sont des composés très répandus dans le règne végétal. On les rencontre non seulement dans les organes succulents (fruits charnus), mais encore dans les tissus délicats (pétales) ou dans ceux qui sont le siège d'échanges nutritifs très importants (écorces, feuilles). Les pectines sont déjà des composés intermédiaires et proviennent de l'hydrolyse des pectosés, hydro- lyse provoquée par un ferment encore peu étudié, qui existe dans le liquide d'Aspergilliis (40). Mais, pour être utilisées par la plante — du moins à la façon des autres hydrates de carbone complexes (amidon, inulines), — il faut qu'elles subissent une désagrégation plus avancée, qu'elles soient, en un mot, transformées en galactose et arabinose. Cette transformation doit certainement être produite par un ferment soluble. En tout cas, il existe un ferment soluble possédant la propriété de la provoquer, dans l'orge germé non touraillé où il accompagne le diastase. Ce ferment a été désigné sous le nom de pectinase. Son action a été constatée sur les pectines de Gentiane (40), de Groseilles à maquereau et de Cynorrhodon (Bourquelot et Hérissey), ainsi que sur la pectine du Coing (Javillier). L'hydrolyse physiologique des mucilages n'a pas encore été étudiée. Galactanes des albumens cornés. — Bien que l'étude chimique et physiologique des albumens cornés ait été entreprise dans ces dernières années seulement, on peut dire qu'elle est déjà fort avancée. La nature chimique des hydrates de carbone entrant dans leur composition est, en grande partie, connue. Les ferments solubles qui pré- parent à l'époque convenable l'utilisation de ces hydrates de carbone par la plante, ont été l'objet de nombreuses recherches (41). Leur action a été vérifiée in vitro, et les pro- duits de cette action isolés et déterminés. On pouvait évidemment, en considérant la digestion des matières amylacées par la diastase, supposer que les hydrates de carbone des albumens cornés éprouvent, avant d'être assimilés, une digestion semblable, et cela sous l'influence de ferments analogues à la diastase. Mais rien ou à peu près rien n'avait été fait sur ce sujet, avant les recherches qui ont été entreprises dans mon laboratoire dès 1899. Et, aujourd'hui, l'histoire de la séminase (c'est ainsi que nous avons appelé l'ensemble des ferments des hydrates de carbone qui interviennent durant la germination des graines à albumen corné — les hydrates de carbone de certains de ces albumens ayant été désignés d'abord sous le nom de séminine — ) est aussi avancée, bien qu'elle date de quatre ans à peine, que celle de la diastase des graines amylacées. La première graine dans laquelle la séminase a été mise en évidence, est celle de Caroubier.il a été constaté que, pendant la germination de cette graine, interviennent un ou plusieurs ferments solubles qui hydrolysent les mannanes et les galactanes avec for- mation de mannose et de galactose : le mannose, seul, ayant pu être isolé et obtenu à l'état cristallisé (42), mais le galactose ayant été caractérisé par la propriété qu'il pos- sède de donner de l'acide mucique avec l'acide azotique (voir p. 910]. Les graines de Caroubier ne sont pas des graines à germination rapide et l'activité de leur séminase est relativement faible. De plus, en raison même de la masse considé- rable de l'albumen, celui-ci ne disparaît que très lentement, et il en reste toujours une assez grande quantité, ce qui présente des inconvénients lorsqu'on veut essayer la sémi- nase, ou le malt séminasique qui la renferme, sur d'autres albumens. On a donc pensé à la rechercher dans des graines à albumen corné germant rapidement, supposant que l'activité des ferments devait être en rapport avec la rapidité de la germination. Les graines de Fenugrec, de Trèfle et surtout celles de Luzerne présentent à un haut degré cette propriété, et, une foisgermées, elles possèdent une très grande activité séminasique. Des expériences méthodiques ont permis d'établir que la quantité de séminase atteint son maximum, pour de la graine de luzerne mise à germer à 27 à 30"^, au bout de trente-six à quarante-huit heures (43), aussi s'est-on presque toujours servi, pour l'étude 926 GALACTOSE ET GALACTANES. de l'action de la séminase sur les galactanes et les mannanes, de malt de graines de Luzerne à la quarante-huitième heure de germination. Ce malt détermine l'hydrolyse des hydrates de carbone (mannanes et galactanes) contenus dans l'albumen de toutes les graines de Légumineuses à albumen corné (voir, à ce sujet, les recherches de Bourquelot et Hérissey, de Goret, de Hébissey) et cela, comme l'a établi définitivement Hérissey, avec production de galactose (44). Il semble permis d'en conclure que toutes ces galactanes ont une constitution, sinon toujours identique, du moins très analogue. § VL —CONDUITE DU GALACTOSE DANS L'ORGANISME VIVANT: GALACTOSE ET M IC RO R G A N I SM ES. Maintenant que nous connaissons l'hydrolyse physiologique des dérivés galactosiques, c'est-à-dire leur désagrégation en principes sucrés dont le galactose constitue, le plus souvent, une partie importante, quelquefois même la totalité, il resterait à savoir quelles transformations subit ce galactose pour servir à la nutrition; par quel méca- nisme, par exemple, il se trouve remplacé par du glucose (4o); quelle est sa valeur nu- tritive par rapport aux autres sucres. Mais tous ces points ont été peu étudiés et, des recherches dont ils ont été l'objet, il ne se dégage aucune conclusion nette. On est un peu plus avancé sur la consonmiation du galactose par les microrganismes (levures, bactéries). Certaines levures, celles, en particulier, qui dédoublent le sucre de lait, déterminent aisément la fermentation alcoolique du galactose. En ce qui concerne les levures de bière de fermentation haute et de fermentation basse, la question a été longtemps controversée; les uns, comme Pasteur (46) et Ed. v. Lippmann (47), affirmant que le galactose éprouve la fermentation alcoolique au contact de ces levures, d'autres affirmant, au contraire, que ce sucre ne fermente pas (48). En réalité ces levures paraissent n'exercer d'action fermentative sur le galactose, qu'après avoir acquis une certaine accoutumance, ou lorsque le galactose est accompagné d'autres sucres fermen- tescibles (glucose, lévulose, maltose). Des expériences très variées ont établi ce dernier point (49). Ainsi, par exemple, pour étudier le rôle du glucose, on a institué une série de fermentations dans lesquelles la proportion de ce sucre ajoutée était de plus en plus faible, la somme du glucose et du galactose étant toujours de 8 grammes, et le poids de levure de fermentation basse de 1b'',.t pour 100 centimètres cubes. Les résultats de ces expériences sont consignés dans le tableau suivant (température de la fermenta- tion = lo à 16°) : Rapport du glucose Durée de la Titre alcoolique ajouté au galactose. fermentation. en volume à 15°. A. . . 1/1 8 jours. 4,5 B. . . 3/5 8 - 4.5 C . . . 1/3 9 — 4,6 D . . . 1/7 12 — 4,6 E. . . 1/31 21 — 4,4 F . . . galaclûse incomplètement purifié. On voit que la quantitité d'alcool produit répond sensiblement à celle que l'on obtient dans une fermentation alcoolique normale. C'est donc une fermentation alcoolique normale qui s'est produite. Les chiffres représentant la durée de cette fer- mentation dans les divers essais indiquent d'ailleurs que son activité a été d'autant plus grande que la proportion de glucose ajouté a été, elle-même, plus élevée. Quant à l'expérience F, pour laquelle la solution ne renfermait que du galactose, c'est seulement vers le sixième jour que sont apparus quelques symptômes de fermenta- tion. Cette fermentation s'est continuée lentement, et le trentième jour elle paraissait avoir atteint à peine la moitié du sucre présent. Au surplus, un essai a été institué avec du galactose chimiquement pur et de la levure lavée par décantation. Au bout de huit jours, il ne s'était pas encore dégagé une bulle de gaz, alors que la même levure avait déjà terminé la fermentation d'une quantité égale de glucose pur. Les divers sucres fermentescibles ne favorisent pas au même degré la fermentation GALACTOSE ET GALACTANES. 927 du galactose. Voici, à cet égard, trois opérations dans lesquelles on a employé compa- rativement, comme sucre auxiliaire, du glucose, du lévulose et du maltose. Pour chacune de ces opérations, on a fait dissoudi'e, dans 230 centimètres cubes d'eau, 13 grammes de galactose et 1 gramme du sucre auxiliaire; puis on a ajouté 2 grammes de levure de fermentation basse. La fermentation s'est edectuée régulièrement dans les trois cas (température : 14 à 16 degrés). Le tableau suivant donne les proportions du sucre réducteur restant dans chacun des trois liquides en fermentation au commence- ment du dix-septième jour. On a admis que ce sucre restant était du galactose pur. Sucre auxiliaire. Galactose restaiii au 17' jour. Grammes. Glucose. . . . Lévulose . . . Maltose. . . . 1 1,35 2,7 C'est donc le glucose qui favorise le plus la fermentation du galactose; ensuite vient le lévulose, puis le maltose. Le galactose est également détruit par nombre de bactéries. A cet égard, Grlmbert a étudié le Bacillus orthobiityllcus Grimbert, le pneuniobacille de Friedla.nder, le coli-bacille et le Bacillus tartricus. Les résultats suivants, surtout, sont intéressants : Le Bacillus orthobiityllcus (30) attaque le galactose en donnant pour 100 grammes de ce sucre : Grammes. Alcool butylique normal. ... 19 Acide acétique 4,10 Acide butyrique nomial. . . . 24, .50 Le pneuniobacille de Friedlander (31) l'attaque en donnant pour 100 grammes : Grammes. Alcool élhylique 7,66 Acide acétique 16,60 Acide lactique gauche 53,33 Il ressort de là que le processus de destruction varie considérablement suivant les espèces. Bibliographie. — 1. Bourquelot (Ém.). Sur la préparation du galactose [J. Pharm.^ [3], xiJi, 31, 1886). — 2. Gamgee (Arth.) und Bla.nkenhorn (Ernst). Ueber Protagon (Z. P. C., ni, 260, 1879). — 3. Baumstark (F.). Ueber eine neue Méthode das Gehirn chemisck zu erforschen und deren bisheriije Ergebnisse {Ibid., ix, 143, 1883). — 4. Kossel (A.) et Frei- TAG (Fr.). Ueber einige Bestandtheile des Nervenmarks und ihre Verbreitung in den Gewebeti des Thierkôrpers {Ibid., xvu, 431, 1893). — 5. Thudighum (W.). Grundzûge der anatomischen und klinischen Chemie, Berlin, 1886. — 6. Thudighum (W.). Ueber das Phrenosin, eincn neuen stickstoffhaltigen specifisclien Gehirnstoff [J . pr. C, xxv, 23, 1882). — 7. Thierfelder (H.). Ueber die Identitât der Gehirnzuckers mit Galactose (Z. p. C, xiv, 209, 1889). — 8. 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GALIEN est l'une des grandes ligures de l'antiquité classique; nul homme n'exerça sur le développement des sciences médicales une influence comparable à la sienne; la doctrine galénique a régenté la médecine jusqu'au xvi« siècle; si, depuis cette époque, elle a perdu son empire absolu, quelque chose cependant s'en est toujours maintenu et, de nos jours encore, elle se retrouve, dès que l'on se donne la peine de la chercher, aussi bien en clinique qu'en physiologie; les enseignements de G ALI EN. 92^ Galien s'étendent à toutes le? connaissances médicales, à l'anatomie et à la physiologie, à la thérapeutique, à la psychologie et même à cette philosophie basée sur l'étude des sciences naturelles dont le médecin de Pergame a clairement entrevu la grandeur. L'œuvre de Galien est immense : il résume dans ses livres toute la science de ses devan- ciers, il s'efforce de la coordonner, d'en faire la critique, de donner un corps et une organisation rationnelle à la médecine, d'établir des règles et des lois; mais, de plus, Galien expérimente, il dissèque, il rattache les structures qu'il découvre aux fonctions qu'il met en lumière, et c'est par cette tendance vraiment scientifique qu'il parvient à rendre à la physiologie des services inestimables. C'est particulièrement à ce point de vue que nous devons envisager sa carrière et ses écrits. Galien naquit à Pergame, ville de Mysie, non loin de Smyrne, l'an 128 de notre ère, au temps de l'empereur Adrien. Cette date a été contestée : Sprengel\ Labbe^, Daniel Leglerc, Marquis^ Hahn * placent la naissance de Galien en l'an 131; mais il résulte d'une étude attentive des textes, faite par Jean Goulin, professeur d'histoire de la médecine de Paris en 179o, que c'est bien en 128, à la fin du mois d'août ou au com- mencement de septembre, que Galien a vu le jour. (J. Goulin, Encycl. méthod. mécL, Art. « Galien ».) La ville de Pergame possédait un temple d'Esculape et une bibliothèque contenant, au dire de Plutarque, deux cent mille volumes. Cette bibliothèque avait été fondée plusieurs siècles auparavant par Eumène, deuxième roi de Pergame, contemporain de Ptolémée il Celui-ci, sans doute dans le but de favoriser le développement de la biblio- thèque d'Alexandrie, ayant interdit l'exportation du papyrus égyptien, Eumène fit fabriquer à Pergame du « papier de peau » et cette fabrication devint bientôt une industrie locale (pergamena charlà). Lors de la conquête romaine (46 av. J.-C), Antoine fit transporter à Alexandrie l'ancienne bibliothèque des rois de Pergame: nous ignorons ce qui pouvait en être resté dans la patrie de Galien au ii" siècle de notre ère. Quoi qu'il en soit, sous la domination romaine, la ville avait conservé une certaine importance : Galien nous dit que sa popu- lation était de 80 000 citoyens et 40000 esclaves. La biographie de Galien a pu être établie de la manière la plus complète, sauf en ce qui concerne la date et le lieu de sa mort; ainsi nous savons de lui tout ce qu'il a pu nous dire lui-même ; en effet, pendant qu'HippocRAXE ne se mentionne pas dans ses œuvres, Galien ne laisse échapper aucune occasion de nous initier aux circonstances de sa vie : sa personnalité, très accusée, se révèle ainsi dans les moindres détails. Le père de Galien s'appelait Nicon; il exerçait la profession d'architecte; il était sénateur de Pergame, riche et érudit; il voulut donner à son fils le nom de raXrjvo; qui veut dire calme, doux, comme pour lui souhaiter de ne pas hériter du caractère de sa mère, qui était violent et emporté. A la fois philosophe, mathématicien, connaissant à fond tous les dialectes de la langue grecque, Nicon fut le premier précepteur de son fils. Il l'instruisit particuliè- rement dans la dialectique et dans la philosophie, circonstance qui semble avoir exercé une influence décisive sur le développement intellectuel et moral de Galien. A l'âge de quinze ans celui-ci avait déjà été initié aux doctrines de Platon et d'AmsTOTE, d'EpicuRE et de Chrysippe; et c'est un trait marquant de son caractère que d'avoir écrit, dans un âge aussi tendre, un commentaire contre Chrysippe : il osait déjà s'attaquer à un chef d'école, reconnu comme tel depuis quatre cents ans! A 18 ans, Galien perdit son père; il suivit alors les leçons des médecins de Pergame : Satyrus, habile analomiste, disciple de Quintus qui venait de mourir; Stratonicus, médecin de l'école hippocratique ; Aschrion, attaché à la secte des empiriques. Trois ans plus tard, il se rendit à Smyrne où professaient Pelops, disciple de Numesianus et le platonicien Alblnus. Le vieux Pelops enseignait, à la mode du temps, que tous les vaisseaux découlent de l'encéphale, il ajoutait sans doute que tous les nerfs viennent du cœur. Par un tel enseignement il préparait dans l'esprit de son élève la formidable réac- 1. Sprengel, Hist. de la médecine, Trad. Jourdan, 1815, ir, 98 2. C. Labbe, Éloge de Galien , Paris. 1660. 3. A. Marquis, Art.« Galien », Biogr. méd., i\, 304. 4. Hahn, Art. « Galien » du Dict. encijcl. des se. méd., 1880, iv, de la premirre série, 500. DICT. de physiologie. — TOME VI. 59 9cfO G A LIEN. lion qui devait lui permettre d'assigner bientôt au cerveau son vrai rôle et de déclarer que le cœur ne contient pas de nerfs. Pelops finit par convenir qu'il s'était trompé. (G. PoucHET, La physiologie du syst. nerveux jusqu'au XIX^ siècle. — Revue scientifique, i"mai 1875, xiv, 1029.) A 23 ans, Galien, libre de ses actes et possesseur d'une belle fortune, se met à voyager ; il se rend à Corinthe pour écouter les leçons de Numesianus, le plus célèbre des disciples de QuiNTUs ; ensuite il parcourt la Lycie et la Palestine, s'enquérant partout des rensei- nements les plus utiles, côtoyant le littoral, se rendant à Chypre pour y trouver les métaux rares dont il espérait découvrir les propriétés thérapeutiques, achetant à haut prix les baumes et les médicaments, allant à Lemnos pour voir préparer la terre sigillée. Ses voyages le mènent à Alexandrie. Au temps où Galien arriva dans cette ville, elle était encore un centre intellectuel très important; ce n'était plus la grande Alexandrie des Ptolémées, et le déclin était déjà visible : comme Alexandrie avait supplanté Athènes, elle allait être, si elle n'était déjà, supplantée par Rome d'oîi les empereurs s'étaient appliqués à comprimer l'essor des écoles lointaines et des villes rivales; cependant quelque chose subsistait des ensei- gnements du passé et surtout de cette tendance à la culture des connaissances exactes qui avait assuré, au temps d'AÉROPHiLE et d'ERASisTRATE, la supérioinlé des médecins d'Alexandrie. Galien y passa quatre années, sous Stratonicus, Sabinus, Lucius et d'autres maîtres célèbres de il'époque. A 28 ans, Galien revint à Pergame et s'y établit médecin; on le nomma chirurgien du temple, chargé de traiter les gladiateurs blessés; sans aucun doute il accomplit ses fonctions à la satisfaction de tous, car cinq pontifes lui conférèrent le même emploi pendant cinq ans. Une révolution ayant éclaté à Pergame, Galien se décida à quitter cette ville et à s'installer à Rome; il y arriva au printemps de l'an 161, au commencement du règne de Marc-Aurèle. La médecine grecque y était en grande vogue; merveilleusement préparé par ses études antérieures, possédant une habileté réelle et une extraordinaire faconde, donnant généreusement ses soins aux pauvres comme aux riches, Galien acquit en peu de temps une grande popularité. Servi par les relations puissantes que lui créait sa clientèle, ami du préteur Sergius Paulus, du philosophe Eudè:.me, du consul Bœthus, médecin de Septime Sévère qui devint plus tard empereur, Galien obtint l'autorisation d'ouvrir des cours publics d'anatomie. Son succès fut considérable : ses contemporains vantent la justesse de ses pronostics, la force de sa dialectique, l'attrait de son éloquence; il sem- blait que rien ne pût désormais arrêter le brillant développement de sa carrière. Aussi s'est-on souvent demandé à quelles suggestions il a pu obéir en quittant brusquement la ville, l'an 166. Pareille résolution est d'autant plus difficile à comprendre qu'à ce moment une épidémie de peste ravageait la ville; cependant Galien s'embarqua à Brindes, passa par Mégare, Eleusis et Athènes pour retourner à Pergame. L'année suivante, les empereurs Marc Aurèle et Lucids Verus, se disposant à faire la guerre en Germanie, rappelèrent Galien auprès de leurs personnes; ils se trouvaient alors à Aquilée, où la peste régnait; Galien se rendit auprès d'eux, et ce seul fait semble suffire à prouver que, s'il avait quitté Rome, ce n'était point, comme le prétendirent ses ennemis, par crainte de l'épidémie. Quoi qu'il en soit, Galien eut l'occasion de donner ses soins à Lucius Verus atteint d'apoplexie, et ne revint à Rome que trois ans plus tard; cette fois il se décide à y rester, si bien que, Marc Aurèle ayant insisté de nouveau pour l'emmener avec lui à l'armée, il résista, invoquant un songe oîi Escdlape lui-même lui aurait interdit de quitter Rome. Marc Aurèle lui confia ses deux fils. Commode et Sextus. A la mort de Marc Aurèle, Galien avait 52 ans; il resta encore à Rome sous les règnes de Commode, de Pertinax et de Septime Sévère; on croit qu'il termina ses jours à Pergame, à l'âge de soixante-dix ans, mais sur ce point il n'y a pas de certitude. C'est pendant son second séjour à Rome que Galien composa ses principaux ouvrages; on a de lui 83 ouvrages médicaux authentiques, 19 douteux, 45 apocryphes et 19 fragments. Lui-même, dans un écrit autobiographique intitulé : IIspi tojv totojv fîtfsXiwv -{poiori, déclare ê|tre l'auteur de 125 ouvrages non médicaux. G A LIEN. 931 La bibliothèque galéiiique, unique pendant tout le moyen âge, représente toute la médecine de l'époque. Nous n'entreprendrons pas d'en faire même une analyse sommaire; disons cependant que l'on a reproché à Galien son immense confiance en lui-même, l'abus de la dialectique, une prolixité gênante, un dogmatisme autoritaire et intolérant. Sans doute, la lecture de ses œuvres montre la haute idée qu'il avait de son propre mérite et le mépris profond dans lequel il tenait les médecins ses confrères. Mais il convient, pour être équitable, de juger les hommes avec les idées de leur temps, non avec les nôtres; les violences du langage de Galie.n, les subtilités mêmes de son argumentation trouvent leur explication, sinon leur excuse, dans les mœurs du temps. La médecine à Rome n'avait jamais été en grand honneur. Un siècle auparavant, Pétrone, dans son Satyricon, nous donne déjà la mesure du scepticisme qui régnait à Rome à l'endroit des médecins : discutant les causes de la mort de GiiRYSANTE.il se demande si ce ne sont pas les médecins qui l'ont tué : « At plurcs medici illum perdide- runt, imo magis malus fatiis ?medicus enim nihil aliud est quam animi consolatio ! » (Pktro.ne, Sa<(/ncon, chap. xi,ii.)Au temps de Galien ce n'était plus seulement du scepticisme, mais du mépris qu'inspiraient les médecins. Lucien, contemporain de Galien, raconte dans «Le Menteur» ce qu'étaient les consultations médicales de l'époque :1e médecin Antigonus, appelé auprès d'un malade, se voit obligé de discuter avec Cleodemus le péripatéticien, avec Dinomaque le stoïcien, avec Io.\ le platonicien; tous s'accordent à reconnaître l'ac- tion des philtres et des enchantements : ils ne mettent pas en doute que certaines paroles ne guérissent les tumeurs inguinales, et que les .fièvres, comme toutes les maladies, du reste, ne cèdent aux exorcismes. Témoin indigné de ces divagations, ayant dans sa puissance personnelle et dans sa propre science une confiance que devait fortifier le mépris dans lequel il tenait ses confrères, Galien lutte seul contre tous : il s'efforce de reconstituer l'hippocratisme et de fonder une doctrine nouvelle. Cinq siècles avaient passé depuis la mort d'HippocRATE; les enseignements du maître étaient défigurés; Galien n'écrivit pas moins de quinze commentaires sur Hippocrate, dont il entend être le continuateur; « le médecin de Cos a découvert la roule, dit-il, moi, j'en ai aplani les difficultés, comme Trajan a aplani les routes de l'empire romain » {Meth. med. lib. IX, 134). Galien combat les dogmatiques, traitant d'esclaves les médecins qui se réclamaient de Proxagoras ou même d'HippocRAXE, injuriant les empiriques, écrasant à coups de syllogismes les pneumatistes, les épicuriens, les méthodistes, et même les éclectiques, auxquels cependant ses préférences devaient le rattacher; fort de son expérience person- nelle, possédant une notion complète de tout ce qui avait été observé avant lui, Galien triomphe de tous ses adversaires : il donne un corps aux doctrines médicales éparses et contradictoires entre lesquelles se partageaient les sectes, il a des vues d'ensemble, il établit des règles pour le diagnostic et pour le traitement, il édifie enfin cette médecine galénique, dominatrice et dogmatique, qui a défié les siècles. Lorsque Galien arriva à Rome pour la première fois son premier soin fut d'ouvrir des cours d'anatomie; c'est sur l'anatomie qu'il fonde son traité « De usu partium corporis humant Uhri XVII », qui prend rang dans l'histoire de la science comme le premier essai d'une interprétation complète des fonctions physiologiques du corps humain. C'est par l'anatomie et par la physiologie qu'il commence son œuvre de réformateur; et, s'il invoque fréquemment Hippocrate et « les écrits des anciens hommes» à l'appui de ses théories, il en appelle plus souvent encore à l'expérience. Comme le médecin de Cos, il veut que la médecine soit basée, non sur les hypothèses des philo- sophes, mais sur l'observation des faits. Si Galien était resté lui-même absolument fidèle aux principes qu'il énonce avec tant de conviction, son œuvre aurait acquis une incomparable grandeur; malheu- reusement il ne suivit pas la vraie méthode hippocratique ; à tout instant on le voit côtoyer les plus grandes découvertes et s'écarter du bon chemin pour se perdre dans les explications prolixes, dans les hypothèses, dans les affirmations hasardées. Sans doute il connaît beaucoup de choses, mais il s'abuse étrangement; car il croit tout savoir et parle sans cesse comme si la nature n'avait plus de secrets pour lui; l'humilité, qui, chez le savant, n'est que la conscience de tout ce qu'il ignore, est une qualité, 932 CALIEN. inconnue de Galie.x : il n'est jamais à court d'explications, il n'hésite pas à déduire la fonction d'un organe d'après les simples faits anatomiques; au besoin il vous dira pourquoi le foie est à droite, et pourquoi l'estomac est à gauche; il ternit ainsi sa propre gloire par des puérilités et par des petitesses. De tels défauts devaient donner prise aux attaques de ses contemporains; aussi Galien est-il souvent accablé d'épigrammes par ses confrères; on l'appelle rapaoo^oÂo'yo;, faiseur de paradoxes, izxpa'oo^or.oi.ô;, faiseur de merveilles, ou encore XoyîaTpo;, médecin phraseur; ses doctrines sont discutées, mais'elles sont loin d'obtenir,'de son vivant, une vogue comparable à celle dont elles jouiront quelques siècles plus tard. Lorsque les invasions des barbares et l'établissement du christianisme boule- versèrent le monde romain, les enseignements de Galien, partiellement conservés, furent recueillis par les Arabes ; c'est ainsi que bon nombre des traités de la bibliothèque galénique, et notamment VArs medica renfermant l'exposé sommaire de tout le système médical do Galien, sont traduits de l'arabe et non du texte grec original. Galien resta combattu et discuté; il eut des partisans fanatiques, surtout après sa mort : Eusèbe, évêque de Césarée en l'an 313, se plaint de ce que l'on honore le médecin de Pergame comme une divinité; pendant la longue période du moyen âge, le dogmatisme galénique s'impose de plus en plus; il tinit par asservir complètement les esprits; au lieu d'imiter Galie.x expérimentateur, au lieu de le suivre dans la voie qu'il avait si largement ouverte, au lieu de s'attacher à la vérification des faits qu'il avait énoncés, au lieu de s'élever, avec lui, aux points de vue généraux, on s'attarde dans les broussailles de la dialectique, on interprète les textes, on les copie servilement, on s'incline devant toutes les affirma- lions du médecin de Pergame. Dans quelle mesure faut-il faire remonter à Galien lui-même la responsabilité de ces aberrations qui retardent pendant plusieurs siècles l'essor de [la science? N'appar- tiennenl-elles pas à une époque plutôt qu'à un homme, quel qu'il soif? Toute la période scolastique n'est-elle pas imprégnée du même caractère de servilité vis-à-vis du dogme? Sans doute, on est en droit de reprocher à Galien l'abus de la dialectique, la confiance outrée en lui-môme, le despotisme auquel il prétend; mais les successeurs de Galien n'ont-ils pas aggravé les défauts du maître? Impuissants à discerner dans son œuvre géniale et touffue ce qui devait en assurer la grandeur, ils y ont, le plus souvent, puisé des arguments en faveur de leurs propres doctrines, ils l'ont surchargée de commentaires puérils et de réflexions saugrenues. II serait injuste de rendre Galien responsable de l'absence d'esprit scientifique qui caractérise le moyen âge; c'est avec d'autres sentiments qu'il faut envisager son œuvre. Elle a rendu d'immenses services, et, si elle avait été mieux comprise, elle en eût pu rendre de plus gi'ands encore; sans doute le progrès des sciences fait que la lecture des meilleurs traités de Galien nous paraît aujourd'hui fastidieuse, encombrée de vains détails et de déductions inacceptables; mais il serait injuste de juger ces écrits avec les idées d'aujourd'hui; il faut se reporter au temps où ils ont été composés, et l'on se rend compte alors de l'immense progrès que l'énergie et la science de Galien ont réalisé : son œuvre est le testament biologique et médical du monde ancien. Pendant le moyen âge, l'esprit humain est comme enténébré dans tous les pays latins; cependant la tradition galénique éclaire l'enseignement médical : r« An jmrva » des Arabistes, 1' « Ars medica », expliqués dans les écoles et commentés par les étudiants en médecine, ne sont que des traductions incomplètes de la Té/vt) laTpixr, de Galien; mais comment cet enseignement est-il donne'? comme l'enseignement religieux, au moyen de formules, de préceptes qui ont force de loi et que l'on ne doit pas se permettre de discuter. Les textes de Galien forment un code médical ou plutôt une sorte de bible imposée; jusqu'au xvi" siècle, la doctrine galénique reste intangible et tyrannique. Pour la renverser, il fallut un effort gigantesque que nous mesurons difficilement aujourd'hui. On doit, ])our se rendre compte de l'état des esprits à cette époque, relire la vie de Van Helmont, l'œuvre de Vésale, les écrits de Paracelse, ceux de Bartholin, de Colombo. On voit alors avec quelle timidité Vésale se permet de contredire Galien, s'excusant presque (le n'avoir pu rencontrer dans la cloison interventriculaire du cœur les perforations dont l'existence avait été affirmée par le maître; on partage les indignations du pieux Van Helwont s'insiirgeant contre Galien et contre les règles de la logique au nom GALIEN. 933 desquelles on prétend asservir les intelligences. « La logique n'est pas la mère des sciences, la logique n'invente rien », s'écrie Van Helmont; et il conjure ses contem- porains de revenir à la réalité en leur disant: « Œgrotorum, non Grœcorum, servi suinus ». Lorsque le souffle puissant de la Réforme vint enfm réveiller les consciences endor- mies, une ère nouvelle s'ouvrit pour toutes les connaissances humaines; la période rationnelle de la physiologie succéda à la période scolastique, l'expérimentation et l'in- duction, préconisées par Bacon dans son Novum organum, se substituèrent à l'enseigne- ment dogmatique; mais les représentants les plus brillants des sciences anatomiques et physiologiques, les philosophes les plus indépendants, comme Descartes, se res- sentent encore de l'autoritarisme de Galien. L'une des particularités du mouvement intel- lectuel de cette époque, c'est que l'évolution libératrice s'affirme par une réaction contre Galien. Il était naturel qu'il en fût ainsi, puisque lui seul personnifiait toute la science du passé ; c'est contre Galien que s'élèvent Paragelse et ses adeptes : c'est le « foie de Galien » que Bartholin enterre à Copenhague; c'est Galien que défendent les partisans de la tra- dition, ennemis des idées nouvelles. Et pourtant, ceux qui combattaient les doctrines galéuiques au nom de l'observation et de l'expérience ne faisaient qu'obéir, sans s'en douter, aux plus profonds enseignements du maître qu'ils répudiaient; mais, nous l'avons dit, l'œuvre de Galien était incomprise, défigurée, et d'ailleurs bien peu de ceux qui la discutaient l'avaient réellement lue. Il est remarquable, à ce point de vue, qu'il n'existe encore aujourd'hui aucune traduction complète des œuvres de Galien; l'unique édition française date de I8;i4, elle est due à Ch. Daremberg; elle est inachevée; elle contient fort heureusement le traité De l'utilité des parties, qui est, pour la physiologie, de la plus grande importance. Dans ce traité, Galien se propose d'interpréter la sentence d'HipPOCRATE, disant : « Tout est en sympathie dans l'universalité des parties, et, dans les parties, tout conspire pour l'opération de chacune d'elles. » C'est donc l'opération des parties ou, en d'autres termes, la fonction des organes, que l'auteur devrait envisager; mais, au lieu de poursuivre ce but en faisant de la physiologie, il s'applique à raisonner sur des fonctions qu'il suppose connues. « Ce n'est pas le moment, dit-il, de faire des recherches sur les fonctions, car nous nous proposons de parler non des fonc- tions, mais de l'utilité des parties. Il est donc nécessaire de poursuivre ce traité en pre- nant maintenant et dans tout le reste de l'ouvrage, comme fondements de notre raison- nement, les conclusions des démonstrations faites dans d'autres traités. Ainsi il a été démontré, dans le traité Des opinions d'HippocRATE et de Platon, que le cerveau et la moelle épinière sont le principe de tous les nerfs; que le cerveau l'est à son tour de la -moelle; que le cœur est celui de toutes les artères; le foie, celui des veines; que les nerfs tirent du cerveau leur faculté psychique; que la faculté sphygmique vient du cœur aux artères et que le foie est la source de la faculté végétative des veines. L'utilité des nerfs consistera donc à conduire de leur principe aux diverses parties la faculté sensitive et motrice; celle des artères à entretenir la chaleur naturelle et à alimenter le pneuma psychique; les veines ont été créées en vue de la génération du sang et pour le trans- mettre à tout le corps. « Dans le traité du Mouvement des muscles, on a dit en quoi diffèrent les tendons, les nerfs et les ligaments; on sait aussi que dans ce traité il a été parlé de la nature des muscles, qu'il y a été établi qu'ils sont les organes du mouvement volontaire, et que leur aponévrose est appelée tendon. » Le traité De Vutilité des parties n'est donc pas un ouvrage de physiologie, mais une sorte d'anatomie raisonnée et surtout une apologie du Créateur : « Pourquoi chaque os (de la main) est-il exactement convexe sur la face externe, et ne l'est-il exactement ni sur la face interne, ni sur les côtés? Assurément cela a été fait ainsi pour le mieux : en effet, c'est par leur partie interne que les doigts broient, malaxent et prennent tous les objets; il eût donc été mauvais que les os eussent été arrondis sur cette face; par la face externe les doigts ne font rien de semblable, et ne remplissent aucune autre fonction; cette face réclamait donc une structure qui pût seulement la protéger avec sûreté contre tout dommage. Sur les côtés, le mutuel rapprochement des doigts les mettait à l'abri de toute lésion, et ils ne devaient laisser, quand ils sont rapprochés, aucun intervalle entre eux; il ne convenait donc pas qu'ils fussent arrondis de ce côté, l'ne confirmation suffi- sante de ce que j'avance est fournie par le grand doigt (pouce) et par le petit doigt : la 93i GALIEN. circonférence supérieure du premier, la circonférence inférieure du second sont exacte- ment convexes. Par cette face, en effet, rien ne les protège et ils ne sont unis à aucun autre doigt. Il faut donc admirer la nature dans la construction des os. » [Œuvres ana- toiniques, physiologiques et médicales de Galien, par Ch. Daremberg, i, 137.) Cette admiration profonde pour l'œuvre de la nature est exprimée à chaque page du traité De l'utilité des parties. Sans doute, cette manière de comprendre la mécanique animale n'est pas du goût des anatomistes et des physiologistes du temps présent, mais elle est profondément respectable lorsqu'elle se base sur la réalité, lorsqu'elle provoque des recherches consciencieuses, comme c'est le cas en ce qui concerne Galien : « L'in- sertion des tendons sur les os et leur connexion les uns avec les autres sont donc admi- rables et inénarrables, aucun discours ne serait capable d'expliquer exactement ce qu'on reconnaît par les sens seuls »... « Il n'est pas possible d'admirer Tart de la nature avant d'avoir étudié la structure des parties », dit-il encore, au moment où il va décrire les aponévroses palmaires et analyser l'action des fléchisseurs des doigts. En s'exprimant ainsi, Galien ne professe-t-il pas clairement qu'il faut disséquer, et préférer la dissection aux descriptions écrites? C'est à de tels enseignements clairement énoncés par Galien que nous faisions allusion tout à l'heure en disant que ses continuateurs n'avaient pas respecté ses méthodes. Après avoir analysé les parties composant les membres, après une élégante compa- raison entre le métacarpe et le métatarse, entre les muscles de la jambe et ceux de l'avant-bras, Galien loue le Créateur qui a réalisé des dispositions aussi parfaites. « Je pense, dit-il, que la piété véritable consiste, non à immoler des hécatombes sans nombre, non à brûler mille encens, mille parfums, mais à connaître d'abord et ensuite à apprendre à mes semblables combien grande est la sagesse, la puissance et la bonté du Créateur... Si vous admirez le bel ordre qui règne dans le soleil, dans la lune et dans le cortège des astres, si vous contemplez avec étonnement leur grandeur, leur beauté, leur mouve- ment éternel, leur retour périodique, n'allez pas, en comparant les choses de ce monde, les trouver mesquines ou mal ordonnées Examinez bien la matière, principe de chaque chose, et ne vous imaginez pas que du sang menstruel ou du sperme puisse donner naissance à un être immortel, impassible, agité d'un mouvement perpétuel, aussi brillant, aussi beau que le soleil; mais, comme vous jugez l'habileté d'un Phidias, pesez aussi l'art du Créateur de toutes ces choses. Peut-être ce qui vous frappe de sur- prise dans le Jupiter olympien, c'est l'ornement extérieur, l'ivoire brillant, la masse d'or, la grandeur de toute la statue? Si vous voyiez la même statue en argile„peut-étre pas- seriez-vous avec un regard de dédain? Mais pour l'artiste, pour l'homme qui connaît le mérite des œuvres d'art, il louera également Phidias, sa statue fût-elle de bois vil, de pierre commune, de cire ou de boue. Ce qui frappe l'ignorant, c'est la beauté de la matière; l'artiste admire la beauté de l'œuvre. » En dissertant avec cette ampleur Galien tire de la description des parties du corps et de la manière dont elles sont adaptées à leurs fonctions, des arguments qu'il juge irrésistibles en faveur de la sagesse du Créateur; il montre que le pied ou le cerveau, ou toute autre partie, sont aussi bien construits qu'il est possible de l'imaginer, eu égard à la fonction que ces organes ont à remplir; il revient sans cesse à cette idée, avec une persistance qui rendrait la lecture de l'ouvrage fastidieuse si l'on n'y rencontrait des descriptions du plus haut intérêt et des réflexions qui, lorqu'elles ne se perdent pas dans d'interminables incidentes, tranchent agréablement sur l'aridité du fond; il semble que Galien, en écrivant ce traité de l'utilité des parties, ait été travaillé par les intluences du milieu, et surtout par le désir de faire accepter la science par les philosophes et les théologiens du temps, en leur montrant les arguments que l'anatomie et la physiologie pouvaient fournir à l'apologétique. Dans l'épilogue de son ouvrage, Galien trahit cette intention en disant : « Tout homme qui regarde les choses avec un sens libre, voyant un esprit habiter dans ce bourbier de chairs et d'humeurs et examinant la structure d'un animal quelconque (car tout cela prouve l'intervention d'un ouvrier sage), comprendra l'excellence de l'esprit qui est dans le ciel. Alors ce qui lui semblait peu de chose, je veux dire la recherche de l'utilité des parties, constituera pour lui le principe d'une théologie parfaite, laquelle est une œuvre plus r/rande et plus importante beaucoup que toute la médecine. » GALIEN. 935 Le chapitre qui traite « des organes alimerttaires et de leurs annexes » nous donne une idée assez complète de la manière dont Galien comprenait les fonctions de nutri- tion; on en jugera par les passages suivants : » La route commune la plus grande et la première conduit de la bouche à l'estomac (yaaxrip), lequel est comme le grenier général de toutes les parties, et situé au centre de l'animal; le nom particulier de ce conduit est œsophage (oboçàyo;)... Le réservoir qui reçoit d'abord tous les aliments, et qui est une œuvre vraiment divine et non humaine, leur fait subir une première élaboration sans laquelle ils seraient inutiles pour l'animal, et ne lui procureraient aucun avantage. Les gens habiles dans la préparation du blé le séparent des particules terreuses, des pierres et des graines sauvages qui pourraient nuire au corps; tel l'estomac, doué d'une faculté semblable, expulse tous les corps de cette espèce, s'il s'en rencontre, et tout ce qui l'este d'utile à la nature de l'animal, après l'avoir rendu plus utile encore, il le distribue dans les veines qui arrivent dans ses propres parois et sur celles des intestins. Ces veines sont comme les portefaix des villes. Ceux-ci prennent le blé nettoyé dans le grenier et le portent à une des boulangeries communes de la cité, où il sera cuit et transformé en un aliment déjà utile : de môme les veines conduisent la nourriture élaborée dans l'estomac à un lieu de coction commun à tout l'animal, lieu que nous appelons foie (>^-xp). La route qui y mène, coupée de nombreux sentiers, est unique. Elle a reçu d'un ancien, habile, je pense, dans les choses de la nature, le nom de porte, qu'elle a gardé jusqu'à ce jour... Les veines ne se bornent pas à mener l'aliment de l'estomac au foie, elles l'attirent et lui font subir une première préparation très conforme à celle qui s'achève dans ce viscère, attendu qu'elles sont d'une nature voisine de la sienne et qu'elles tirent de lui leur première origine. « Après que le foie a reçu l'aliment déjà préparé d'avance par ses serviteurs et offrant, pour ainsi dire, une certaine ébauche et une image obscure du sang, il lui donne la dernière préparation nécessaire pour qu'il devienne sang parfait... C'est donc avec raison que la nature a préparé, en vue de recueillir les résidus de cette préparation, des organes creux disposés aux deux côtés de la cavité et propres, l'un à attirer le résidu, l'autre à l'expulser... La nature a attaché au foie la vessie (vésicule biliaire) qui devait recevoir le résidu léger et jaune; quant à la rate, qui tire à elle les matériaux épais et terreux, la nature eût bien voulu la fixer aussi vers ces « portes « où le résidu atrabilaire devait être entraîné par son propre poids; mais il n'y avait pas de place vacante, l'estomac s'étant hâté de l'occuper tout entière. Un large espace restant libre au côté gauche, elle y a logé la rate et des parties concaves de ce viscère (scissure splénique), tirant une espèce de conduit, qui est un vaisseau veineux [veine splénique), elle l'a étendu jusqu'aux portes, de façon que le foie ne fût pas moins purifié que si la rate eût été placée près de lui... L'humeur (xu[j.o;) préparée dans le foie pour la nourriture de l'animal, quand elle a déposé les deux résidus mentionnés et subi une coction complète par la chaleur natu- relle, remonte déjà rouge et pure à la partie convexe du foie, montrant par sa couleur qu'elle a reçu et qu'elle a assimilé à sa partie liquide une portion du feu divin, comme a dit Pl.\ton. » « Cette humeur est alors reçue par une très grande veine qui, née de la partie convexe du foie, se porte aux deux extrémités supérieures et inférieures de l'animal [veines caves). » Comme on le voit, Galien ne soupçonne en aucune façon la fonction du cœur et la circulation du sang; il considère le foie comme « le principe des veines et le premier instrument de la sanguification >•. A tout instant, il semble que ses observations vont aboutir forcément à la grande découverte, mais il passe à côté de la réalité. « Ce n'est pas, dit-il, en vue de l'élimination que la nature a créé dans le foie un si vaste plexus veineux, c'est pour que la nourriture séjournant dans le viscère s'y hématose complète- ment; car, si elle avait créé dans le foie, comme dans le cœur, une grande cavité unique pour servir de réceptacle; si ensuite elle y avait introduit le sang par une seule veine pour l'en faire sortir par une autre, l'humeur (/.•jri.o;) apportée de l'estomac n'aurait pas séjourné un instant dans le foie, mais traversant rapidement tout ce viscère, elle eût été entraînée par la force du courant qui le distribue dans le corps. » Quelle est donc l'idée que se fait Galiex du courant dont il parle et qui distribue le sang à tout le corps? Pour nous en rendre compte, il est indispensable d'expliquer ici 936 G A LIEN. un terme sur la valeur duquel il convient d'autant mieux d'être fixé que l'état actuel de nos connaissances nous rend son interprétation plus obscure : l'idée de la rénovation et des mouvements du sang est intimement liée, dans l'esprit de Galien, à l'existence du pneuma, terme absolument intraduisible pour nous. Georges Pouchet, dans une de ses leçons donnée au Muséum de Paris, fait remonter l'origine du terme Tcvsuixa aux sources mêmes de la philosophie des Grecs. Pour Galiex, Je pneuma, c'est l'air atmosphérique; car il fait quelque part cette remarque fort curieuse que les vapeurs du charbon sont plus lourdes que le pneuma; et il admet aussi que pendant les mouvements de la respiration le pneuma entre et sort par la trachée-artère. Le contenu des artères est un mélange de sang et de pneuma. (Des deux sangs et de leur distribution, d'après Galien. — Revue scientifique, (3), i, 1881, 6t2.) Jusqu'ici la conception du pneuma paraît juste et simple : il se confond avec l'air; mais, où la chose se complique, c'est lorsque Galien nous dit que le cerveau élabore un pneuma particulier, d'essence supérieure, le pneuma psychique, qui se déverse par les tubes nerveux jusqu'aux extrémités du corps pour y porter la sensibilité et le mouve- ment. S'il nous est facile de nous représenter le pneuma qui vivifie le sang et qui l'arté- rialise, il nous est, au contraire, impossible d'accepter cette idée à'xiw pneuma psychique distribué aux organes, pneuma qui sera lumineux quand il se distribue aux yeux, sen- sitif en allant à la peau, moteur en allant aux muscles. D'après Galien, chaque organe reçoit, en proportion avec les nécessités de ses fonctions : 1° du sang nourricier; 2" du sang pneumatisé; 3° du pneuma psychique. Georges Pouchet a particulièrement étudié les conceptions de Galien à ce point de vue et l'on trouvera dans la Revue scientifique {Loc. cit., 644^ un schéma qui les résume; on remarquera, comme nous l'avons déjà dit, que l'idée même de la circulation du sang est complètement absente et qu'il ne s'agit, dans la pensée de Galien, que de mouvements ou de courants dont la direction même est variable, selon les moments, dans un même vaisseau : ainsi l'estomac envoie au foie le suc extrait des aliments et celui-ci passe par les veines ; à d'autres moments et par les mêmes veines, l'estomac reçoit du sang venant du foie. La veine cave descendante, venant du foie, conduit le sang aux reins, qui sont chargés d'une troisième dépuration, celle du sérum. L'urine n'est que le sérum du sang constam- ment soutiré par les reins. Par la veine cave ascendante, le sang nourricier va d'un côté à la tête et de l'autre au cœur, d'où il passe au poumon; dans toutes les veines, le sang nourricier s'écoule du foie vers les organes. La distribution du sang pneumatisé se fait par les artères; le cœur laisse couler vers les organes, par l'aorte et ses branches, un sang qu'il a aspiré à la sortie des poumons. Nous disons bien que le canir laisse couler ce sang, car Galien n'a nullement l'idée de l'impulsion cardiaque communiquée au sang, idée qui n'a, du reste, été définitivement introduite dans la scienre qu'avec le schéma de Weber. Galien ne croit pas que le cœur soit le moteur du sang. La fonction des ventricules est de se dilater, c'est la dilatation du cœur ausd bien que celle des artères qui est le phénomène actif; elle n'est qu'une forme de cette « faculté attractive » qui appartient à la substance vivante. Erreur fatale qui devait survivre aux découvertes de Servet, de Colombo, de Harvey, et que nous retrou- vons encore, en 1812, dans l'enseignement de KaltenbrCnner, à Munich! Érasistrate professait encore que les artères contenaient de l'air (aussi bien les artères lisses que l'artère rugueuse ou trachée artère!). Le pneuma, entraîné par les mou- vements de la respiration, passait de la trachée dans les artères lisses du poumon et arrivait ainsi à la moitié gauche du cœur, d'où il passait dans la grande artère de l'épine qu'ÂRisTOTE avait nommée aorte. Par les branches de l'aorte, le pneuma était distribué aux différents organes. Galien reconnaît que les artères contiennent du sang pneumatisé, distinct du sang nourricier ou veineux; mais, pénétré de l'idée que le pneuma vient de l'air, et que les artères distribuent ce pneuma (idée fondamentalement juste), il a recours aux raisonne- ments les plus étranges : « Il existe, dit-il, dans chacune des artères, une certaine faculté qui dérive du cœur et en vertu de laquelle elles se dilatent et se contractent. Si vous songez à ce double fait que l'artère est douée de ces mouvements et que tout ce qui GALIEN. 937 se dilaLe attire à soi les parties voisines, vous ne trouverez nullement étonnant que les artères aboutissant à la peau attirent l'air extérieur en se dilatant, que les artères qui s'abouchent par quelques points avec les veines, attirent la partie la plus ténue et la plus vaporeuse du sang qu'elles renferment;... or, "de toutes les choses contenues dans le corps la plus légère et la plus ténue est le pneuma; la seconde est la vapeur; en troisième lieu vient la partie du sang exactement élaborée et atténuée. Telles sont les substances que les artères attirent à elles de tous les côtés... « Que les veines laissent passeV quelque chose dans les artères, en voici, outre les raisons déjà données, une preuve suffisante : si pour tuer un animal vous lui coupez d'importantes et nombreuses artères, vous trouverez ses veines vides comme ses artères, ce qui n'aurait pu avoir lieu s'il n'existait entre elles des communications. Dans le cœur également la partie la plus ténue du sang est attirée de la cavité droite dans la cavité gauche, la cloison qui les sépare étant percée de trous qu'on peut parfaitement voir comme des fosses avec un orifice très large qui va toujours se rétrécissant de plus en plus. Cependant, il n'est pas possible de voir leurs dernières extrémités à cause de leur ténuité et parce que, l'animal étant déjà mort, tout est refroidi et alfaissé. Mais ici encore le raisonnement, en partant d'abord du principe que rien n'est fait en vain par la nature, explique ces communications des cavités du cœur... » [Des facultés naturelles, chap. XIV et xv.) Les artères, en se dilatant, attirent donc le pneuma; elles l'attirent par toute surface aérée du corps, mais surtout par la surface pulmonaire; les artères attirent ainsi la partie la plus subtile du sang veineux; il y aurait donc des anastomoses entre les veines et les artères dans toute la longueur de leur trajet, comme il y a des communications dans la paroi inferventriculaire du cœur. On voit que les erreurs de Galien sont complexes; l'erreur fondamentale est l'idée d'une faculté attractive appartenant aux organes. S'il ne s'était pas abandonné à cette idée, ses expériences l'auraient vraisemblablement conduit à la découverte de la circulation, car elles ont porté sur tout le système vasculaire dont il a compris le rôle nutritif. « Les conduits des jardins, dit il encore, vous donneront de ceci une idée nette. Ces conduits distribuent de l'eau à tout leur voisinage; plus loin elle ne peut arriver; aussi est-on forcé, à l'aide de beaucoup de petits canaux dérivés du grand conduit, d'amener le cours d'eau dans chaque partie du jardin. Les intervalles laissés entre ces petits canaux sont de la grandeur suffisante pour qu'ils jouissent pleinement de l'humidité «lu'ils attirent et qui les pénètre de chaque côté. La même chose a lieu dans le corps des animaux. Beaucoup de canaux ramifiés dans toutes leur parties leur amènent le sang, comme l'eau dans un jardin. Les intervalles de ces vaisseaux ont été, dès le principe, admirable- ment ménagés par la nature pour qu'il n'y ait ni insuffisance dans la distribution aux parties intermédiaires qui attirent le sang à elles, ni danger pour elles d'être inondées par une quantité superfiue de liquide déversée à contre-temps. Car tel est leur mode de nutrition. » {Des facultés naturelles, ni, xv, page 318 du tome u de [la traduction de Ch. Daremberg.) Le pneuma psychique lui-même dérive, selon Galien, de l'aliment : le chyme stoma- cal, le sang veineux, le sang pneumatisé, le liquide des ventricules du cerveau et le pneuma psychique que distribuent les nerfs, représentent autant d'élaborations succes- sives de l'aliment. Il y a là une vue profonde dont il faut, sans s'arrêter aux mots, admirer l'étonnante exactitude; et l'idée paraît être de Galien. La physiologie de Galien n'est pas condensée en un recueil spécial, et les données en sont éparses dans tout l'ensemble de ses œuvres. En ce qui concerne le cerveau, s'il est exact que Galien n'a pas disséqué le cerveau de l'homme, mais celui de difi'érents ani- maux et surtout celui du bœuf, tel qu'on le trouve sur l'étal des bouchers, il n'en est pas moins vrai que ses observations ont été capitales; on trouvera sur ce sujet de très amples détails dans ce dictionnaire, ii, 5o9, à l'article Cerveau. L'auteur de cet article reconnaît qu'au cours de ses vivisections, qui paraissent avoir été, comme il le dit, très nombreuses et dont il avait certainement une pratique consommée, Galien a souvent mieux observé que les plus célèbres des physiologistes parmi les modernes. Rien n'est plus vrai, et c'est là ce qui doit nous rendre indulgents pour les écarts de langage d'un observateur aussi éminent. Nous devons à Galien une première description anato- 1*38 ' G A LIEN. mique complète et, dans ses grandes lignes, remarquablement exacte, des organes encéphaliques; nous lui devons surtout les premières notions expérimentales sur les fonctions de ces organes. Galien a décrit les ventricules, la cloison transparente, la voûte à trois piliers, les lignes saillantes qui se remarquent sur sa surface concave et qu'il a comparées aux cordes d'une lyre, la glande pinéale et la glande pituitaire, l'infundibulum, les corps cannelés, les couches optiques, les cordons médullaires situés dans la partie postérieure des ventricules latéraux et dont la figure ressemble à celle des cornes d'un bélier ou des pieds d'hippocampe, les tubercules quadrijumeaux (nates et testes), l'appendice vermi- forme, la commissure artérienne (ou corde de Willis), la fente que Sylvius a nommée aqueduc et qui communique du 3" au 4° ventricule, le cordon médulaire et fibreux qui en termine l'ouverture, et qu'on a nommé commissure postérieure, la protubérance annulaire, les « cuisses » et les « bras » de la moelle allongée {Dictioiin. hist. de la médecine, par J.-E. Dezeimeris, n, 442). Galien a énergiquement combattu l'ancienne doctrine aristotélique d'après laquelle le cerveau, organe humide et froid, aurait été destiné à la réfrigération du sang. « Aris- TOTE prétend qu'il (le cerveau) a été créé dans le but de refroidir le cœur, s'écrie Galien, mais lui-même oublie avoir déclaré que cette réfrigération était l'œuvre de la respira- tion... Aristote dit que tous les organes des sens n'aboutissent pas à l'encéphale. Quel est ce langage? Je rougis même aujourd'hui de citer cette parole. N'entre-t-il pas dans l'une et l'autre oreille un nerf considérable avec les membranes mêmes? Ne descend-il pas à chaque côté du nez une partie de l'encéphale {nerfs olfactifs) bien plus importante que celle qui se rend aux oreilles {nerfs acoustiques)'! Chacun des yeux ne reçoit-il pas un nerf mou {nerfs optiques) et un nerf dur {nerfs oculo-moteurs), l'un s'insérant à sa racine, l'autre sur les muscles moteurs? N'en vient-il pas quatre à la langue; deux, mous, pénétrant par le palais inerf lingual), deux autres, durs, descendant le long de chaque oreille {nerf grand hypoglosse)? Donc tous les sens sont en rapport avec l'encéphale, s'il faut ajouter foi aux yeux et au tact. Énoncerai-je les autres parties qui entrent dans la structure du cerveau? Dirai-je quelle utilité présentent les méninges, le plexus réti- culé, la glande pinéale, la tige pituitaire, l'infundibulum, la lyre, l'éminence vermiforme, la multiplicité des ventricules, les ouvertures par lesquelles ils communiquent entre eux, les variétés de configuration, les deux méninges, les apophyses qui vont à la moelle épinière, les racines des nerfs qui aboutissent non seulement aux organes des sens, mais encore au pharynx, au larynx, à l'œsophage, à l'estomac, à tous les viscères, à tous les intestins, à toutes les parties de la face? Aristote n'a tenté d'expliquer l'utilité d'aucune de ces parties non plus que celle des nerfs du cœur; or l'encéphale est le principe de tous ces nerfs{UtiHt. des parties, vni, iii-iv, 534, de la traduction de Daremberg). On voit comment Galien base sa physiologie sur une anatomie profondément étudiée; il y a même dans les observations de Galien ce caractère de prescience, de divination, qui n'est qu'un symptôme habituel de l'art avec lequel les observations sont faites : par exemple, lorsque Galien appelle les nerfs olfactifs des parties de l'encéphale qui descendent de chaque côté du nez, ne semble-t-il pas .nous révéler une notion que l'embryologie moderne a mise en évidence? Ne nous dit-il pas que les nerfs olfactifs ne sont pas des nerfs, mais des parties du cerveau antérieur? Cette divination géniale se retrouve dans ce que l'on pourrait appeler la « physiologie générale » de Galien. Trois forces fondamentales président à la vie des animaux. La première, dont le siège est au cerveau, agit sur tous les organes par l'intermédiaire des nerfs; c'est d'elle que relèvent les fonctions animales, l'intelligence, la sensibilité, le mouvement. La deuxième, qui réside dans le cœur, tient sous sa dépendance les fonctions vitales, l'entretien de la chaleur des organes, les passions de l'âme ; la troisième a son centre dans le foie et préside, par l'intermédiaire des veines, aux fonctions nutritives. Ces forces fondamentales ne sont pas à ce point distinctes l'une de l'autre qu'elles ne puissent se transformer. Enfin, et c'est ici que la physiologie générale de Galien apparaît vraiment transcendante, la vie se caractériserait en dernière analyse par des mouve- ments qui seraient de deux espèces : mouvement par rapport au lieu, mouvement par rapport à la qualité. Le premier se nomme action, il est actif; le second, altération, il GALIEN. 939 est passif. C'est l'ancienne notion aristotélique que nous retrouvons ici, mais elle s'est transformée : l'altération des éléments du corps, ce que nous appelons aujourd'hui le chimisme intérieur des organes, tel serait, selon Galien, le caractère de la vie. Il y aurait, dans chaque organe, quatre facultés naturelles : attractive, rétentrice, altérante, excrétrice ; nous exprimons la même pensée aujourd'hui en parlant de l'assimilation et de la désassimilation, maib, au fond, nous restons, sur ce point, d'accord avec la doctrine galénique. Les dogmatistes s'appuyaient sur le raisonnement, les empiriques invoquaient l'expérience; Galien est éclectique en ce sens qu'il veut faire la part de l'expérience et du raisonnement dans l'acquisition de la science positive. L'erreur du grand homme a été de ne pas procéder méthodiquement, de ne pas partir toujours de l'expérience et de l'analyse des faits. Il a voulu, comme le dit Ackermann, faire la médecine a priori : il déduit la médecine de la physiologie, la physiologie de la physique, et celle-ci de la philosophie; marche hypothétique et hasardeuse, méthode déductive dont ses conti- nuateurs devaient abuser au point de se fourvoyer complètement. Telle fut, dans la physiologie générale, la grande faute de Galien : il n'a pas sagement déterminé l'ordre et la mesure dans lesquelles l'expérience et le raisonnement devaient intervenir; il a abusé du raisonnement, il a quitté le terrain des faits. En physiologie spéciale, il fut le créateur de la mécanique animale qu'il étudia en anatomiste exercé et en mécanicien habile : il a réfuté l'ancienne théorie de Platon qui confondait la moelle épinière avec la moelle des os (Du mouvement des muscles, 1. 1, 322). Il est juste de dire que cette thèse avait déjà été combattue par Hippocraïe). Il a prouvé par l'expérience que les muscles sont les organes du mouvement, il a défini les rapports des muscles et des nerfs : « Si vous coupez tel ou tel nerf qu'il vous plaira, ou bien la moelle épinière, toute la partie située au-dessus de l'incision et qui reste en rapport avec le cerveau conservera encore les forces qui viennent de ce principe, tandis que toute la partie qui est au- dessous ne pourra plus communiquer ni sentiment ni mouvement à aucun organe. Les nerfs, qui jouent par conséquent le rôle de conduits, apportent aux muscles les forces c[u'ils tirent du cerveau comme d'une source; dès l'instant qu'ils entrent en contact avec eux, ils se divisent d'une manière très variée à l'aide de plusieurs bifurcations successives, et, s'étant résolues à la fin entièrement en fibres membraneuses et ténues, ces bifurcations forment un réseau pour le corps du muscle » (Du moiaement des muscles, i, 1,323). Galien reconnaît que les muscles reçoivent des nerfs sensibles et des nerfs moteurs, le muscle est pour lui un « organe psychique » [Du mouvement des muscles, i, 1,324), mais avant tout il est appareil de mouvement : « Sans les muscles, les animaux n'auraient aucun mouvement volontaire, de sorte que les muscles sont les organes propres de ces mouvements, tandis que toutes les parties sensibles sont douées de sen- timent sous l'intervention des muscles » (Du mouvement des muscles, i, 1, 224). Contrai- rement à ses prédécesseurs qui prêtaient aux muscles la capacité de produire plusieurs mouvements de sens opposés, Galien démontre qu'il n'existe pour un muscle qu'un seul mouvement, le mouvement de contraction ou de raccourcissement : « Un muscle agit quand il attire vers lui la partie qui est mise en mouvement, mais il n'agit pas quand il est ramené au côté opposé par un autre muscle... le muscle contracté attire vers soi, tandis que le muscle relâché est attiré avec la partie ; pour cette raison les deux muscles se meuvent pendant l'accomplissement de chacun des deux mouvements, mais ils n'agissent pas tous les deux, car l'activité consiste dans la tension de la partie qui se meut, et non pas dans l'action d'obéir; or un muscle obéit quand il est transporté inactif, comme le serait tout autre partie du membre. » Galien démontre ensuite par des vivi- sections que les mouvements opposés s'opèrent par les muscles antagonistes; il décrit avec beaucoup de détails le mécanisme des actions antagonistes, et explique notamment .le fait de l'immobilité du membre dont tous les muscles sont contractés. Il conclut que les muscles tendent toujours par eux-mêmes à l'extrême contraction, et que les muscles antagonistes sont, avec les os, le seul obstacle qui les empêche d'y arriver. La physiologie spéciale des organes de la respiration et de la phonation a été étudiée très complètement par Galien; malheureusement le traité « des causes de la respiration » en deux livres, auquel Galien renvoie souvent, n'est pas arrivé jusqu'à nous; il n'en 9i0 GALIEN. reste qu'un fragment cité par Gauen lui-même dans son ouvrage sur les dogmes d'HiPPOCRATE et de Pla.ton. Le traité en quatre livres sur la voix est également perdu; mais plusieurs chapitres du traité de l'utilité des parties (Livre 6, 7) renferment d'inté- ressantes expériences : « Le principal, le plus important usage des membranes médias- tines (ou de la plèvre) est de diviser le thorax en deux cavités, de sorte que, si l'une vient à recevoir une grave blessure et perd la faculté de respirer, l'autre cavité intacte remplit la moitié de la fonction. Aussi l'animal perd-il la moitié de la voix ou de la respiration à l'instant où l'une des cavités de la poitrine est atteinte de blessures pénétrantes; si toutes les deux sont percées, il perd complètement la voix et la respira- tion {Utilité des parties, Lib, vi, chap. m). » Galiex a recherché quels étaient, sur la respiration et sur la phonation, les effets produits par la résection des côtes, par la section ou par la compression des nerfs intercostaux, du nerf phrénique, des nerfs laryngés. Le trajet du larj^ngé inférieur, sa réflexion autour des vaisseaux thoraciques sont, pour Galien, une occasion de faire étalage de son érudition et de son habileté; au moment de commencer la description des pneumo-gastriques : « Prêtez-moi, dit-il, plus d'attention que si, admis aux mystères d'Eleusis, de Samothrace ou de quelque autre sainte cérémonie, vous étiez complètement absorbé par les actions et les paroles des prêtres. Songez que cette initiation n'est pas inférieure aux précédentes, et qu'elle peut aussi bien révéler la sagesse, la prévoyance ou la puissance du Créateur des animaux. Songez plutôt que cette découverte que je tiens dans la main, c'est moi qui l'ai faite le premier. Aucun anatomiste ne connaissait un seul de ces nerfs, ni une seule des particularités que j'ai signalées dans la structure du larynx [Utilité des parties), vu, xiv, oOo). » L'empressement que met ici Galien à revendiquer l'honneur d'avoir été le premier à décrire les muscles et les nerfs du larynx, laisse penser que la plupart des autres des- criptions anatomiques qu'il a faites n'ont point la même originalité; cependant l'ostéo- logie de Galien est incomparablement plus complète que celle de ses devanciers; les muscles qu'il a découverts ou dont il adonné une description détaillée, alors qu'ils étaient peu connus avant lui, sont les suivants : le peaucier, le buccinateur, le pyramidal du nez, le palmaire, le plantaire, les sphincters de l'anus, le petit pectoral, le rhomboïde, le petit droit antérieur de la tête, les extenseurs du rachis, les intercostaux, le poplité, les lombricaux et les interosseux des pieds et des mains. On a souvent reproché à Galien d'avoir conclu, dans ses dissections et dans ses expériences, des animaux à l'homme; il faudrait le féliciter, au contraire, d'avoir aussi bien mis à profit pour l'anatomie et la physiologie humaines, les seuls renseignements qu'il put se procurer. Lui-même déclare d'ailleurs, en toute sincérité, quelles sont les espèces sur lesquelles portent ses observations; il indique jiiinutieusement comment il faut procéder pour répéter les expériences qu'il a faites : il donne la description des divers instruments dont il se sert (De administr. anatom., ix, 1. Dans la traduction de ce traité Dalescamp a figuré les instruments indiqués par Gallien); ce n'est certes pas à lui qu'il faut s'en prendre si, malgré les exemples qu'il a donnés, la dissection et les vivisections n'ont pas été ensuite d'un usage courant. Galien faisait ses expériences en particulier et en public; pour agir sur la moelle, il se servait ordinairement de petits cochons; il aurait préféré des singes, mais la compa- raison avec l'homme aurait pu révolter les spectateurs. Il faisait coucher l'animal sur une table, lui liait les quatre membres et la tête; pour mettre à nu la moelle épinière, il divi- sait, au moyen d'un scalpel, la peau et les muslces post-vertébraux, disséquait ces parties sur les côtés afin de bien mettre à nu la partie postérieure des vertèbres. Quand il expé- rimentait sur un gros animal, avant de couper la moelle, il enlevait une partie de la région postérieure du canal rachidien. Sur un animal jeune, il pénétrait entre deux ver- tèbres et faisait la section transversale de la moelle avec un couteau pointu de fer de Norique. Il observe que, si l'on coupe la moelle longitudinalement sur la ligne médiane, le sentiment et le mouvement persistent des deux côtés; si l'on incise obliquement ou transversalement une des moitiés latérales, le sentiment et le mouvement sont anéantis du côté de la section, et l'animal est à demi muet; il l'est tout à fait quand la division de la moelle a été complète (De adm. anatom., viii, 6. Voir Ch. Daremberg ; Thèse pour le doctorat en médecine, 20 août 1841, 81). GALIEN. 941 Si l'on divise la moelle à son origine entre la !''•' vertèbre cervicale et roccipital, ou bien encore entre la T" et la 2% l'animal périt immédiatement. Entre la 3" et la 4% la respiration est abolie complètement et tout le tronc ainsi que les membres sont immo- biles et insensibles. Entre la 6* et la 7"^, les six muscles supérieurs qu' vont du cou au thorax et le diaphragme conservent leur action ; entre la 7« et la 8", il en est de même .-l'ani- mal respire alors seulement avec le diaphragme, comme il le fait quand il n'a pas besoin de grands efforts respiratoires... si alors on coupe le nerf phrénique, le thorax reste immobile. Après avoir rendu compte de ces expériences faites avec tant de précision et sur les- quelles il fut le premier à attirer l'attention du monde savant, Ch.Daremberg se demande comment il est possible que la physiologie expérimentale ait pu être oubliée pendant seize siècles. Nous avons déjà exprimé cette pensée en disant, au début de cet article, que ceux-là même qui, à l'époque de la Renaissance, ont courageusement combattu contre Galien, ne faisaient que rééditer, à leur insu, la vraie doctrine galénique, trop longtemps méconnue. Le mérite principal de Galien n'est certes pas dans ses théories, dans ses vues philosophiques ou dans ce que l'on a appelé son « système »; il gît tout entier dans ses expériences, dans l'art de ses dissections, dans les découvertes réelles qu'il a faites. Galien en sait sur les fonctions du système nerveux autant qu'on en saura seize siècles plus tard; il est peut-être, comme le dit Ch. Richet, « celui de tous les mortels qui a fait le plus pour la physiologie » [Etude hist.sur la physiol.dusyst. nerveux, in Revue scieatif., 3° série, [i, 1881,426). Bibliographie. — Les éditions des œuvres de Galien, complètes ou partielles, en traduction ou dans le texte original, sont innombrables, et le détail en intéresse plus le bibliophile que le physiologiste. Pour les œuvres complètes, en texte grec, nous signalerons l'édition des Aides (5 vol. : 1° Aldus et Andréas, Socer, Venetiis, 1525) et l'édition de Bàle (Cratander, 1328); de Bâle (Frobenius, 1542). L'édition des Juntes (Venise, 1.550) a été réimprimée. Les éditions latines sont nombreuses (Lyon, Frellonius, 1530; les Juntes, Venise, 1541). Cette édition des Juntes a été souvent réimprimée; 1556, etc. La neuvième et der- nière édition est de 1625. Les éditions gréco-latines sont celles de Paris (Pralard, 1679, 13 vol. f") et, plus tard, une édition très complète de C.-G. KChn (Leipzig, 1821-1833, 20 vol. 8°). Quant aux éditions spéciales, il est impossible de les citer ici : car le nombre dépas- serait quatre cents citatio)is bibliographiques. Nous renvoyons le lecteur curieux de connaître les titres de ces traités divers à l'article Galien, de ['Index Catalogue, v, 242- 2i6; et (2" série, vi, 13-21), ainsi qu'au Catalogue de la Bibliothèque nationale de Paris. Pour ce qui est de l'ouvrage de Galien qui intéresse le plus directement la physio- logie [Uzft. ipiîo^i [xopîojv. — De usupartium) il en existe deux traductions françaises (Lyon, Roville, 1555) et Ch. Daremberg (2 vol. 8°, Paris, J.-B. Baillière, 1854). Cette dernière publication porte le titre assez inexact d'GEuvres anatomiques, physiologiques et médi- cales de Galien. En réalité, il ne s'agit que d'une petite partie de l'œuvre de Galien. De 1res nombreux commentaires ont été écrits sur l'œuvre de Galien, même à notre époque. Celui de Sylvius [Ordo et Ordinis ratio in legendis Hippocratis et Galeni libris, Paris, 1546) a été longtemps classique, comme celui de Sanctorius (Venise, 1660. Com- mentaria in artem medicinalem Galeni). Au point de vue spécialement physiologique, il faut citer, outre l'ouvrage de Cii. Daremberg, mentionné plus haut : Vigouroux, Étude sommaire de la physiologie de Galien, D. Montpellier, 1878. — Laboulbène, Histoire de Galien (Rev. Se, 1882, xxix, 611-685). — Muller, Ueber Galens "Werk vom ivissenschaftlichen Beweis (4° Miinchen, 1895, K. Bay. Ak. d. Wiss.).— KiDD, A cursory analysis of the ivorkes of Galen, so far as ihey relaie to anatomy and physiology [Tr. Proc, med. and Surg., Ass., London, 18.37, vi, 299-336). — HoRSLEY (V.), Galen: an address before the Middlesex Hospital Médical Society {Middlesex Hosp. J. London, 1899, m, 37-52). Nous croyons devoir donner ici l'indication, en texte latin, des divers traités écrits par Galien, ou qui lui ont été attribués. Nous prendrons pour guide la belle édition latine des Juntes. Au lieu d'introduire l'ordre analytique, nous suivrons l'ordre adopté par les éditeurs de 1586 : 942 GALIEN. I. Oratio suasoria ad artes. — Si quis optimus medicus est, eundem esse philosophum. — De sophismatis in verbo contingentibus. — An gualitates incorporex sint. — De libris propriis. — De ordine Ubrorum suorum. — De sectis ad eos qui introducuntur. — De optimà sectâ. — De optimo docendi génère. — De subfiguratione empiricd. — Adversiis empiricos medicùs. — De conslitulione artis medicse. — Finitiones medicœ. — întroductio, seu medicus. — Quomodo morborum simulantes sint deprehendi. — Ars medicinalis. — De elementis ex Hippocratis sententid. — De temperamcntis. — In Ubrum Hippocratis de naturâ humanâ commentarius. — De atra bile. — De optimd nostri corporis constitutione. — De bond habitudine. — De oxsibus. — De musculorum dissectione. — De venarum arteria- rnmque dissectione. — An sanguis in arteriis naturâ contineatur. — De anatomicis admi- nistrationibus. — De dissectione vulvae. — De instrumento odoratus. — De usu partium corporis humant. — De utilitate respirationis. — De causis respirationis. — De pulsuurn usu. — De Hippocratis et Platonis decretis. — De naturalibus facultatibus. — De riwtu musculorum. — Quod animi vires {mores) corporis temperaturas sequuntur. — De fœtuuin formatione. — An omnes particulœ animalis quod fœtatur, fiant simul. — An animal sit quod in utero est. — De semine. — De septimestri partu. IL De alimentorum facultatibus. — De succorum bonitate et vitio. — In librum Hippo- cratis de salubri dieta commentarius. — De atténuante victus ratione. — De ptisisanû. — De parvse pilae exercitio. — De dignoscendis curandisque animi morbis. — De cujusque animi peccatorum cognitione, atque medelâ. — De consuetudine. — De sanitate tuendd. — Num ars tuendœ sanitatis ad medicinalem artem spectet an ad exercitatoriam. — De diffe- rentiis morborum. — De causis morborum. — De symptomatum differentiis. — De sympto- matum causis. — De differentiis febrium. — De inaequali intempérie. — De marcore. — De comate ex Hippocratis sententid. — De tremore, palpitatione, convulsione et rigore. — De difficultate respirationis. — De plenitudine. — De tumoribus prœter naturam. — De mor- borum temporibus. — De totius morbi temporibus. — De typis. — Contra eos qui de typis scripserunt. — De causis procarticis. — In Hippocratis de morbis vidgaribus libros commen- tarii. — In librum Hippocratis de humoribiis commentarii. III. De locis affectis. — De pulsibus. — De pulsum differentiis. — De dignoscendis pulsibus. — De causis pulsuum. — De praesagitione ex pulsibus. — Synopsis Ubrorum suorum sexdecim de pidsibus. — De urinis. — De crisibus. — De diebus decretoriis. — In primum prosthetici librum Hippocrati attributum commentarii. — Diagnostica Hippocratis cum Galeni commentariis. — De dignotione ex insomniis. — De prsecognitione. — De simplicium medicamentorum facultatibus. — De substitutis medicinis. — De purgantium medicamentorum facultate. — Quot> purgare conveniat, quitus medicamentis et quo tempore. — De theriacd. — De usu theriacœ. — De antidotis. — De compositions medicamentorum localium sive secundum locos . — De composilione medicamentorum per gênera . — De ponderibus et mensuris. — De hirudinibus, revulsione, cucurbitula, cutis concisione, sive scarnificatione. — De veux sectione adversus Et^asistratum. — De vense sectione adversus Erasistratœos, qui Romse deyebant. — De curandi ratione per sanguinis missionem. IV. De medendi methodo. — De arte curativd. — In libros Hippocratis de victus ratione in morbis acutis commentarii. — De diaeta Hippocratis in morbis acutis. — De remediis paratu facilibus. — Documentum de puero epileptico. — In librum Hippocratis de naturâ humanâ commentarius. — Dé oculis. — De renum affectione, dignotione et medicatione. — In Hippocratem de officina medici commentarius. — In Hippocratem de fracturis commentarii. — In Hippocratem de articulis commentarii. — De fasciis. — In Aphorismos Hippocratis commentarii. — Adversus Lycum quod nihil in co aphorismo Hippocrates peccet, cujus initium, cpii crescunt plurimum habent caloris innati. — Contra ea quœ a Juliano in Hippocratis aphorismos dicta su7it. — Linguarum, hoc est obsoletarum Hippocratis vocum explanatio. — De historiâ philosophicd. — Prognostica de decubitu ex mathematicâ scientiâ. — De partibus artis medicse. — De dynamidiis. — De spermate. — De naturâ et ordine cujuslibet corporis-. — De anatomiâ parvd. — De anatomia vivorum. — De anatomid oculorum. — De compagine membrorum sive de naturâ humanâ. — De virtutibus nostrum corpus dispensantibus. — De voce et anhelitu. — De utilitate respirationis. — Compendium pulsuum. — De motibus manifestis et obscuris. — De dissolutione continua. — De bonitate ; mais, si Gall n'a point l'ide'e vierge, du moins il sait la féconder. Il montre que cette direction est pré- cisément la chose importante; il veut la connaître pour se rendre compte des rapports qui relient les différentes parties de l'encéphale où il a parqué les facultés, les aptitudes elles sentiments divers. » Les théories « cranioscopiques » avaient été combattues en France dès la première heure par Laënnec; on ne parlait pas encore, à ce moment, de la « phrénologie ». Le mot ne vint que plus tard lorsque Spurzheim, renonçant à sa collaboration avec Gall, se rendit en Angleterre pour y propager les nouvelles doctrines; d'après Combe [Traité de phrénologie, iSiO, Introduction) la dénomination de « phrénologie » est due au docteur Thomas Forster. Quoi qu'il en soit, pendant que Spurzheim agissait en Angleterre, à Londres, puis à Edimbourg, où il fit un grand nombre de prosélytes, Gall obtenait à Paris l'aahésion de personnalités marquantes et de médecins illustres, comme Broussais, qui professa même un cours de phrénologie; le 25 septembre 1819, Gall fut naturalisé en France; sa réputation scientifique s'acci^ut à tel point qu'en 1821 GEOFFROY-SALM-niLAiRE l'engagea à poser sa candidature à l'Académie des sciences; mais il n'obtint que la voix de son ami. Gall mourut à Paris en 1828; sa veuve céda au gouvernement, moyennant une rente de 1200 francs, ces célèbres collections craniologiques commencées à Vienne à une époque « où chacun tremblait pour sa tête et craignait qu'après sa mort elle ne fût mise en réquisition pour enrichir le cabinet de Gall » (Lettre de M. Ch. Villers à Georges Cdvier sur une nouvelle théorie du cerveau par le Docteur Gall, Metz, 1802. Citée par G. Pouchet). GALL (François-Joseph). 945 La mémoire de Gall resta vénérée à Paris où un monument lui fut élevé en 1833, dans le cimetière du Père-Lachaise. (ïALL fut un homme à imagination brillante, un novateur convaincu, et un travailleur méritant; Flourens lui a reproché d'avoir exploité la crédulité publique, et il faut reconnaître que ce jugement sévère n'est pas sans fondement; mais il paraît que Gall était de bonne foi; c'est dans une confiance outrée en lui-même, dans un aveugle- ment causé par une conviction qui s'affirme en maint passage de ses discours et de ses écrits, qu'il faut chercher l'explication de sa conduite. Comme il le dit dans sa lettre à M. de Retzer, Gall s'était proposé « de déterminer les fonctions du cerveau et celles de ses parties diverses en particulier, de prouver que l'on peut reconnaître différentes dispositions et inclinations parles protubérances ou les dépressions qui se trouvent sur la tête ou sur le crâne; et de présenter d'une manière plus claire les plus importantes vérités et conséquences qui en découlent pour l'art médical, pour la morale, pour l'éducation, pour la législation, et généralement pour la connaissance plus approfondie de l'homme. » Ainsi, dés le début de ses travaux et de sa propagande, Gall se faisait illusion sur la portée de ses propres découvertes et leur attribuait une valeur qui devait révolutionner le monde. Un homme de science ne se serait pas exprimé ainsi; mais Gall n'avait pas le caractère d'un homme de science. Dans le portrait phrénologique qu'a tracé de lui Fos- SATi, un de ses intimes et de ses admirateurs, nous ne trouvons pas la « bosse » de la modestie, et, parmi les qualités « développées à un haut degré » nous rencontrons, à côté de la sécrétivité, le sentiment de la propriété et la fierté; Fossati ajoute que l'amour de l'approbation est absent, et, pour qui connaît la vie de Gall, cela suffirait à faire mettre en doute l'exactitude de ce portrait. Le système de Gall et de Spurzheim reposait en réalité moins sur de véritables découvertes anatomiques que sur une conception nouvelle des fonctions du cerveau; cette conception elle-même était basée sur l'observation de nombreux faits, d'ordre physiologique et pathologique, d'où l'imagination féconde des auteurs de la phrénologie tirait des inductions qu'ils appliquaient ensuite à l'anatomie. Gall s'appuyait sur des axiomes : il affirmait que les qualités morales et les facultés intellectuelles sont innées; que le cerveau est composé d'autant d'organes particuliers qu'il y a de penchants, de sentiments, de facultés; que la forme du crâne, qui répète dans laphipart des cas la forme du cerveau, suggère des moyens pour découvrir les qualités ou les facultés fondamentales de l'individu. Sans doute Gall et Spurzheiu ont rendu à la physiologie des centres nei^veux un ines- timable service en fermant l'ère des localisations ventriculaires et en affirmant que le « suhstratum )i des qualités et des sentiments se trouve dans les circonvolutions céré- brales; on leur doit le renversement définitif de beaucoup d'erreurs, et les discussions qu'ils ont soulevées ont incontestablement servi à l'établissement de la physiologie céré- brale. N'est-ce point pour mieux combattre les « doctrines phrénologiques » que Flourens a été amené à faire des expériences décisives sur les fonctions des hémisphères cérébraux? Mais on doit cependant reconnaître la justesse du jugement que Flourens portait sur Gall, en 1842, dans les termes suivants : « On ne connaît rien de la structure du cerveau, et on y trace des circonscriptions, des cercles, des limites. La face externe du crâne ne représente pas la surface du cerveau, on le sait, et on inscrit sur cette face externe vingt- sept noms; chacun de ces noms est inscrit dans un petit cercle, et chaque petit cercle répond à une faculté précise. Et il se trouve des gens qui, sous ces noms inscrits par Gall, s'imaginent qu'il y a autre chose que des noms. » La grande erreur du système de Gall, c'est le mode de division qu'il imagine dans les facultés; il fait de l'intelligence et des opérations psychiques un classement fictif, vraiment puéril. Lorsque nous reconnaissons aujourd'hui dans le tôlencéphale une région olfactive, une région acoustique, une région visuelle, etc., nous nous appuyons sur des expériences et sur des observations positives; mais ces subdivisions modernes des fonctions du territoire cortical ne correspondent en aucune façon à celles que Gall avait établies, et l'on aurait tort d'y voir une confirmation, même indirecte, de sa doc- trine. Gall constituait sa carte cranioscopique sans autre méthode que sa fantaisie, et il n'est pas étonnant que ses collaborateurs et ses élèves aient remanié cette carte indéfiniment. Quelle valeur faul-il attribuer à des facultés telles que ce « sens de la DICT. DE PtlY&lOLOGIE. — TOME VI. 6t) 9i6 GALLE. — GALLIQUE. circonspection » qui formerait la base du caractère de certains médecins et qui serait aussi très développé chez les serpents? Si Gall s'était basé sur la physiologie du cerveau, sur de patientes dissections et non sur l'aspect extérieur du crâne, il aurait compris l'ina- nité de celte classification des facultés mentales dont il a eu le tort de faire la clef de voûte de son système. Nous avons dit qu'à notre avis Gall n'avait pas le caractère d'un homme de science; cette appréciation se confirme quand on voit avec quelle légèreté il considérait comme valables des renseignements qui n'avaient aucune portée, même documentaire : les bustes de Moïse et d'HoiiÈiRE sont, aux yeux de Gall, des images fidèles de ces grands hommes. Enfin, Gall a commis la faute de soumettre à un public incompétent des pro- blèmes que celui-ci ne pouvait pas juger. On doit regretter qu'il n'ait pas mis à profit pour lui-même le conseil qu'il donnait aux autres, en disant : « Quiconque a une trop haute idée de la force et de la justesse de ses raisonnements pour se croire obligé de les soumettre à une expérience mille et mille fois répétée, ne perfectionnera jamais la physiologie du cerveau. » On trouvera un compte rendu détaillé de la doctrine de Gall et de SruBZHEiM sur les localisations cérébrales à l'art. Cerveau, u, 61 1 , de ce dictionnaire. Bibliographie. — 1791. — Philosophische medizinische Vnter&uchungen ùher Natur vnd Kiinst im hranken und gesunden Zuslande des Menschen, in-8°. 1798. — Lettre an baron Joseph François de Retzer {Xçuveau Mercure allemand, m, 2'^ livr., et Journal de la Soc. phrénolog. de Paris, m, 1835, 16). 1807. — Cranologie ou découvertes nouvelles, concernant le cerveau, le crâne et les organes {trad. de l'allemand), in-S», Paris, Nicolle. 1808. — Discours d'ouverture à la première séance du cours public sur la physiologie du cerveau (15 juin 1808), in-8°. 1808. — Recherches sur le système nerveux en général et sur celui du cerveau en parti- culier (en collab. avec Spurzheim). 1812. — Des dispositions innées de l'âme et de l'esprit du matérialisme, du falalif.me et de la liberté morale, avec des réflexions sur V éducation et sur la législation criminelle, in-8''. 1813. — Article « Cerveau » du dictionnaire des sciences médicales. Cet article, rédigé par Gall et Spurzheim, contient un résumé complet de leurs travaux anatomiques. Notices dans la Revue européenne. 1810-1819. — Anatomie et physiologie du système nerveux en général et du cerveau en particulier. Avec des observations sur la possibilité de reconnaître plusieurs dispositions intel- lectuelles et morales de l'homme et des animaux par la configuration de leur tête (en collab. avec Spurzhelm), 4 vol. in-4° avec atlas de 100 planches. 1822-182o. — • Sur les fonctions du cerveau et sur celles de chacune de ses parties avec des observations sur la possibilité de reconnaître les instincts, les penchants, les talents, ou les dispositions morales et intellectuelles d^s hommes et des animaux par la configuration de leurs cerveaux et de leurs têtes, 6 vol. in-S''. P. HEGER. GALLE (noix de) (v. Tanin.) GALLIQUE (acide) : G' H^ 0'^ + H-0.— Acide qui existe dans les plantes, soit il l'état de liberté, soit à la suite du dédoublement du tanin (V. Tanin). Il se combine aux bases pour former des gallates neutres. On le prépare, soit en faisant l'extraction directe des plantes, soit en décomposant le tanin par l'acide sulfurique. ChaulTé à 200°, il donne de l'acide carbonique et de l'acide pyrogallique. Sa combinaison avec le brome, décou. verte par Grimaus, fournitun corps cristallisable, l'acide dibromogallique, ou gallobromol {C H'- Br- O^),dont R. Léplne a fait une étude physiologique et thérapeutique que nous devons indiquer ici {Sem. méd., 1893, 313-314). La dose toxique par ingestion stomacale paraît être d'environ 0^'',b par kilogramme. Encore ce chiffre est-il plutôt un peu fort. 11 paraîtrait que le gallobromol, à la dose de 2 à 3 grammes quotidiennement administrés à des malades en état de surexcitation nerveuse, est un calmant qui ressemble au bromure de potassium, mais sans qu'il ait les fâcheux effets déprimants de ce sel. Quand on le donne à trop forte dose, on voit survenir des troubles respiratoires; l'urine est noire, comme dans les cas d'intoxication phénylique. GALVANI. 9i7 GALVANI (Luigfi), fondateur de l'électro-pliysiologie, naquit à Bologne, le 9 septembre 1737. 11 appartenait à une famille dont plusieurs membres s'étaient illustrés dans la théologie et la jurisprudence, Alibert, dans son « Eloge de Galvani », rapporte que dans un moment de ferveur il voulut prendre l'habit religieux, mais que, ses parents l'ayant détourné de ce projet, il résolut d'étudier la médecine. En 17G2, il soutint avec distinction, à l'Université de Bologne, une thèse sur la nature et la formation des os. Honoré de l'amitié de ses maîtres, admis dans l'intimité de BECCARi.de Tacck-nm, de Galli, et surtout de Galeazzi, il épousa une fille de ce dernier, nommée Lucie. Attaché à l'Université en qualité de lecteur, il y enseigna l'anatomie, fut élu en 176o membre de l'Institut des sciences de Bologne, devint professeur en titre, et se fit connaître bientôt par d'intéressantes recherches d'anatomie et de physiologie comparées. Pratiquant la médecine, la chirurgie et surtout l'obstétrique avec succès, Galvani trouvait cependant le temps de poursuivre des travaux scientifiques; il avait la réputation d'être très labo- rieux, très méthodique et de régler avec exactitude jusqu'à ses délassements; il s'inté- ressait surtout à la « physique animale ». Ses premières découvertes se rapportent à la sécrétion de l'urine chez les oiseaux; il lia les uretères, décrivit leur structure et leurs mouvements péristaltiques; il étudia ensuite l'anatomie de l'oreille; il s'occupait de ce sujet depuis trois ans déjà lorsque Scarpa publia ses observations sur la fenêtre ronde. Ayant cru retrouver dans les écrits de Scarpa la description de certains faits antérieure- ment énoncés par lui, Galvani renonça à l'importante publication qu'il avait projetée et se contenta de consigner dans de courtes notices les résultats de ses recherches personnelles. Comment Galvani fut-il amené à la découverte de l'électricité animale? Lui-même nous le raconte dans le « commentaire » publié en 1771 : Ranam dissecui, atqiie prœpa- ravi ut in figura ( en coupant l'animal transversalement en deux de manière à laisser les nerfs lombaires en rapport avec un tronçon de la moelle épinière, puis en enlevant complè- tement les viscères), eamque in tabula, omnia mihi alla proponens, in qua erat machina elec- Irlca, collocavi, ab ejus condwitore penitùs sejunctam atque haud brevi intervallo dissitam; dàin scalpelli cuspidem iinus ex iis qui mihi ope'ram dabant, cruralibus hujus ranae internis nervis... casu vel leviter admover et, continua omnesartuum muscidi ità conlrahi visi sunt, utni vehemeiitiores incidisse tonicas convulsiones vider entur : horum veroalter, qui nobis electrici- tatem tentantibus prœsto erat, animadvertere sibi viens est, rem contingere dàm ex condiic- tore machinae scintilla extorqueretur. Rei novitatem ille admiratus de eâdem statim me alla, omnino molientem ac mecum ipso cogitantem admonuit. Hic ego incredibili cum studio, et cupiditale incensus idem experiundi et quod occultum in re esset in lucein proferendi, etc. Sans doute, bien avant Galvani, d'autres expérimentateurs avaient démontré que l'électricité provoque des secousses musculaires. Cavkndish et Van Maruji n'avaient pu faire leur découvertes sans s'en apercevoir, et déjà, le 15 novembre 1756, Caldani avait lu devant l'Institut de Bologne un mémoire dans lequel il avait rendu compte d'expériences faites sur des grenouilles. Mais personne jusque-là n'avait essayé de pénétrer le phéno- mène, comme Galvani tentait de le faire dans cet opuscule de o8 pages, intitulé de Viribus electricitatis in motu musculari Commentarius (1792). Quatre gravures (récemment reproduites dans le traité d'électro-chimie de W. Ostwald ') initient le lecteur à tous les dispositifs des expériences; celles-ci démontrent avec la plus grande évidence l'ac^ tion de l'électricité sur les nerfs de dilTérents animaux (grenouille, poulets, moutons). La première observation de Galvani sur l'action de l'électricité est datée du 6 novembre 178). A partir de ce jour, il expérimenta sans cesse; son attention ayant été attirée sur les phénomènes produits par l'électricité atmosphérique, il installa un dispo- sitif expérimental sur la terrasse du palais Zambeccari; c'est là que le 20 septembre 1786 il fit une seconde observation qui devait, mieux encore que la première, le conduire à la découverte de l'électricité animale. Il la rapporte dans les termes suivants : « Ranas itaque consueto more paratas, uncino ferreo earum spinali rneduUà perforata atque appensa, septembris initio, die vespœrascente, supra parapetto horizonlaliter coUoca- vimus. Uncinus ferream laminam tangebat; en motus in rana spontanei varii, haud infre- quentes! Si digito uncinulus adversus ferream superficiem premeretur, quiescentcs excita- bantur, et loties ferme quoties hujusmodi pressio adhiberetur. » 1. Elecklrochemie, ihre Geschic/ile und Lehre, Leipzig-, 1896. 948 GALVANI. Les commentateurs de Galvani, et parmi eux son neveu Giovanni Aldini, ont donné de nombreuses variantes de cette célèbre expérience : d'après Aldini le crochet traver- sant la moelle aurait été de cuivre {œveus) et non de fer, ce qui modifie, on* le com- prend, l'interprétation qu'il convient de proposer à ce phénomène. Galvani transforma son dispositif expérimental de toutes façons; on ne peut qu'admi- rer son ingéniosité et sa persévérance; dans un domaine où, un siècle après lui, nous cherchons encore notre voie, il réalisa toutes les démonstrations essentielles; il vit naître ces surprenantes contractions musculaires au contact des métaux ; il en rechercha la cause, et parvint, avec une sagacité à laquelle on doit rendre hommage, à distinguer ce qu'il appelait « elettricita de metalli » de « l'électricité animale ». Il obtint, en effet, des contractions en mettant le nerf et le muscle en communication l'un avec l'autre par un arc formé d'un seul métal, comme il les obtenait avec deux métaux. Il arriva ainsi à se convaincre de l'existence de l'électricité animale, et notamment de ce que l'on a appelé depuis « le courant propre de la grenouille ». Après plusieurs années 'de patientes recherches, Galvani formula sa théorie; elle se résume dans cette proposition fondamentale : « Tous, les animaux posséderaient une électricité particulière, répandue dans toutes les parties de leur corps; elle serait sécrétée par le cerveau et distribuée par les nerfs; les réservoirs principaux de l'électricité animale seraient les muscles, dont chaque fibre représenterait pour ainsi dire une petite bouteille de Leyde. » L'apparition du mémoire de Galvani fit grande sensation dans le monde entier; il faut reconnaître du reste que ces surprenantes expériences étaient bien faites pour éveiller la curiosité de la foule et intriguer les chercheurs; physiciens et physiologistes s'empressèrent de les répéter et de les interpréter. Valli, Powler, Humboldt, Aldini, se rangeant à la manière de voir de Galvani, s'attachèrent à défendre l'idée de la circula- lion électrique; le « fluide » né dans les appareils nerveux et distribué par les conduc- teurs nerveux à tous les organes aurait engendré les contractions musculaires « en se recomposant » ; si l'on produisait des contractions en mettant par un arc conducteur un nerf et un muscle en communication, c'est parce que « les fluides pouvaient se recom- poser » par l'intermédiaire de cet arc. D'autres savants contestèrent cette interprétation; parmi les plus ardents contradic- teurs de Galvani, se trouvaient Ackermann, Pfaff et sunout Volta. VoLTA était professeur de physique à Pavie; il s'était déjà signalé, au moment de sa lutte avec Galvanm, par des découvertes importantes, telles que l'électrophore, l'électro- mètre condensateur, l'eudiomètre; Volta avait commencé par adopter les vues de Gal- vani sur l'origine de l'électricité animale; puis il avait quitté cette voie, attribuant les phénomènes observés au contact des métaux avec les parties vivantes. En vain Gal- vani répondait-il que l'on pouvait obtenir des contractions en réunissant nerf et muscle par un arc formé d'un seul métal; bien plus, que la présence du métal n'était pas indis- pensable, les résultats étant les mêmes lorsque l'on mettait en contact immédiat les nerfs lombaires et les muscles cruraux; il ne parvint pas à convaincre ses contradicteurs. Pendant onze années la discussion se poursuivit; dans une série de mémoires dont plusieurs sont dédiés à Spallanzani, Galvani s'efforce de répondre aux objections de VoLTA et aux questions dont on l'accable de toutes parts; il varie ses expériences, il poursuit avec ténacité, et souvent avec une admirable patience, la série des arguments qui lui paraissent justifier sa théorie, il complète ses premiers travaux et s'efforce même d'appliquer ses découvertes à la pathologie; c'est ainsi qu'il explique par l'influence de l'électricité la production des paralysies, des tétanos et des convulsions; il attribue l'épilepsie au transport violent de l'électricité vers le cerveau et conseille de faire une ligature autour des membres pour arrrêter ce transport. Gomme d'autres l'avaient fait avant lui, il propose de traiter diverses maladies par l'électricité et particulièrement par le bain électrique. La polémique de Volta et de Galvani est d'autant plus intéressante à suivre qu'elle permet de voir naître et grandir, en s'alimentant sans cesse de faits nouveaux, la théorie de la pile; incontestablement les travaux de Galvani exercèrent la plus grande infiuence sur l'esprit de Volta, et préparèrent la découverte qui a immortalisé le nom du physicien de Pavie. Si la physiologie ne peut pas oublier que l'invention de la pile musculaire, due à CALVANI. 949 Galvani, a précédé de dix ans la construction de la pile de Volïa, peu de personnes cependant se rangèrent à l'avis d'ALDiNi déclarant que la découverte de Volta ne faisait que confirmer la théorie de Galvani '. Déjà, pendant les dernières années de sa vie, le physiologiste de Bologne put prévoir le trjomphe de. son adversaire. A vrai dire, il n'était rien moins qu'un triomphateur : c'était un laborieux, un persévérant, dont la modestie égalait la ténacité; c'était aussi, et par-dessus tout, un homme de cœur dont les sentiments avaient d'exquises délicatesses. De tels hommes sont enclins à la mélancolie, surtout lorsqu'ils se trouvent en butte à la contradiction. La vie de Galvani avait d'ailleurs été assombrie par d'autres causes; en 1796, il avait perdu sa femme, cette fidèle Lucie dont lui-même a poétisé le souvenir 2; plus tard, la République cisalpine ayant exigé de tous les professeurs de Bologne un serment d'obéissance, Galvani refusa de le prêter et préféra sacrifier sa situation. Par égard pour les services qu'il avait rendus, le gouvernement s'offrit à le dispenser du serment et lui proposa sa réintégration; mais Galvani, refusant toute faveur, se retira auprès de son frère. Ses dernières années furent attristées par une maladie gastrique localisée au pylore. Loi'squ'il mourut, le 4 décembre 1798, l'Italie entière fut plongée dans le deuil; ses concitoyens lui élevèrent une statue. Après la mort de Galvani, les controverses continuèrent entre les partisans du « Gal- vanisme » et les disciples de Volta. Les découvertes du savant de Bologne furent sou- vent dépréciées ou considérées comme accessoires, alors qu'en réalité ses vues, malgré d'inévitables erreurs, étaient pénétrantes et justes. On trouvera dans le livre de E. Du Bois-l\EY^iOîiD{Untersiichungen ûber thierisclie Élec- trlcitât, 1848, p. 31 à 102) une analyse très détaillée des œuvres de Galvani. Bibliographie. — Les œuvres les plus importantes de Galvani ont été publiées par lui dans les Mémoires de Vliuiitat des sciences de Bologne; il existait aussi d'intéressants manuscrits entre les mains de ses héritiers; ces documents ne parvinrent que tardivement à la connaissance du public. L'édition publiée en 1841, à Bologne, par les soins de Vïnstitut des sciences, est la plus complète; elle forme un vol. in-4° intitulé : Opère édite et inédite del Professore Luigi Galvani raccolte e pubbliccate per cura deW Academia délie Scienze deW ïstituto di Bologna. 14 janvier 1762. — Dissertazione latina supra la formazione del callo nelle ossa fratte. 28 janvier 1762. — Dissert. lat. supra gli effetti délia ruhia inghiottita daipolli. 25 février 1763. — Dissert. lat. sopra i reni, gli ureteri e l'orina dei volatili. 21 février 1765. — Dissert. lat. sopra Veffetto délia rubia presa negli alimenti sopra le ossa clegli animali. 14 juin 1765. — Dissert. lat. sopra la tintiira di rubia che contraggono le ossa è le altrc parti del corpo d'un animale che prendra la rubia in cibo. 20 mars 1766. — Dissertazione latina sopra le vie dell'orina nei volatile. 19 février 1767. — Dissertazione latina sopra é villi délia membrana piluilaria. 5 mai 1768. — Dissertazione latina sopra l'organo del udilo negli occclli. 23 février 1769. — Même sujet, negli volatili. 9 novembre 1769. — Même sujet, dei quadrupedi, volatili et del'lJomo. 21 février 1771. — Même sujet, dei volatili. 9 avril 1772. — Dissertazione latina sopra l'irritabilita Halleriana. 22 avril 1773. — Dissertazione latina sopra il moto musculare osservato da lai special- mente nelle rane. 20 janvier 1774. — Dissertazione latina sopra l'azione del opio nei nervi délia rane. 6 avril 1775. — Dissertazione latina sopra varie scoperte sue é del Doit. Scarpa sulla structura dell'orecchio. 25 avril 1776. — Dissertazione latina suUorgano dell'udito. 3 avril 1777. — Dissertazione latina su varie sue esperienze intorno allô moto del cuore. 23 avril 1778. — Dissertazione latina su la maniera di fermare il moto del cuore negli animali a sangue freddo mediante la spinal midolla. \. Jean Aldini. Essai théorique et expérimental sur le galvanisme. Paris, 1804, 2 vol., II, 135. 2. On trouvera dans l'éloge historique de Galvani, par d'ALiBERT, le texte des vers composés par le professeur de Bologne. 950 GALVANI. 24 mars 1779. — Dissertazione latina sopra una cataratte artificiaJe è sopra anche la morbosa. 2 mars 1780. — Dissertazione latina sopra l'influsso dell' elettricila nel moto muscolare. 8 mars 1781. — Dissertazione latina sopra le cataratte. 18 avril 1782. — Dissertazione latina sull'uso Cvci qiiattro ossetti del timpano. 2 mai 1783. — Dissertazione latina su de principii volatili cavati insieme colV aria fissa da varie jjarti solide, e fluide di varii animaii. 27 novembre 1783. — Dissertazione latina sopra l'aria infiammahile délie parti animaii. 13 janvier 1785. — Dissertazione latina su l'aria del ventricolœ deg 11 intest ini. 6 avril 1786. — Dissertazione latina sopra Vanalogia delV electrico fuoco alla fiamma. 21 février 1787. — Dissertazione latina sopra Varia di diverse qualita cite si trove nelle varie parti del canal intestinale degli animaii. 27 mars 1788. — Dissertazione latina sopra le vicende délia bile mescolata a varie specie d'arie. 30 avril 1789. — D'issertazione latina sopra l'elettricita animale. 5 novembre 1789. — Dissertazione latina sopra le acque Porretane. 2 mai 1791. — Dissertazione latina sopra l'elettricita animale. i"^ mars 1792. — D'issertazione latina sulV elettricita animale in conferma e ampliazione délie cose da lui sopra questo argomento. 18 avril 1793. — Dissertazione latina responnva ad alcune difficolta mosse contra l'elet- tricita animale. 10 avril 1794. — Dissert, latina sopra una materia effervescente cogli aridi da lui trovala in una parte délie vertèbre délie rane e nel labirintho del orecchio d'alcuni animaii. 25 mars 1795. — Dissert, latina sopra la torpedine specialmente rapporta alV elettricita propria di questo pescc. 29 avril 1797. — Disserl. latina sopra l'azione délie mefUi nel corpo animale. 19 avril 1798. — Di'isert. sopra l'azione dell'opio per rispetto aile conlrazioni muscolari. P. HÉGER. TABLE DES MATIÈRES DU SIXIEME VOLUME Pages. Faim Bardier .... 1 Farine (V. Aliments et Pain) 29 Fatigue J. Joteyko. . . 2'J Fèces J. NicLOUx ... 213 Fécondation E. Retterer. . 237 Fer : Physiologie. . . A. Dastre.. . . 269 Pharmacodynamie : Thérapeutique ... A. Chassevant. 305 Fermentation : Fer - raents ....... A. Perret. . . 313 Ferricyanures (V. Cyanures) 410 Ferrocyanures (V. Cyanures) 410 Feuilles (V. Chlorophylle et Respiration). 410 Fibrine L. Fredericq. . 410 Fibrinogène L. Freuericq. . 421 Fibroïne 422 Fièvre P. Langlois . . 423 Filicique (Acide) 481 Fisciquc (Acide) 481 Fiséline 481 Floraison H. Coupin . . . 481 Flourens P. Héger ... 483 Fluorescence (V. Lumière) Fluor : Fluorures. . . Ch. Richet. . . Fœtus Wertheijier. . Foie Fonctions en général. Historique. . . Evolution anatomique. Poids Composition chimique. Innervation. . Opothérapie. Action sur les matières albuminoïdes. Fonction adipogène. Température Formation de l'urée. Ligature de la veine porte et des canaux biliaires. Ch. Richet. . . . Fonction biliaire (V. Bile) Fonction glycogénique (V. Glycogène). Fonction hématopoïétique (V. Sang"^. . Fonction ferratique (V. Fer) 488 488 634 638 648 669 718 718 718 718 Régénération et Ci- catrisation. . . . Sabrazès; . . . Action protectrice. Physiologie pa- thologique et pa- thologie Roger Circulation hépa- tique Wep.theimer. . Physiologie compa- rée Dastre Sommaire Fonginc A. Perret . . . Formaldéhydc .... A. Perp^et . . . Formol P. Langlois . . Foster (Sir Michael) Fourmillement (V. Sensibilité) Fragarine : Fragarianine François Franck. (Ch. A.) Franguline Fraxétine Fredericq (L.) Frisson Ch. Ricuet. . , Froid (V. Chaleur) Fructification H. Coupin . . . Fucose F'ulguration Ba'itelli. . . . Fumarine Fano (G.) Gadinine Gaïac (Résine de) ... A. Perret . . Gaïacol Ch. Richet. . . Galactane : Galactose. E. Bourquelot Gahen P. Héger. . . Gall (Fr. J.) P. Héger. . . Galle (V. Tanin) Gallique (Acide) Galvani P. Héger. . . , 718 732 740 768 812 812 813 832 839 839 839 840 843 843 843 845 852 852 859 859 902 902 905 905 914 928 943 946 946 946 Table 951 'ARIS. — TYP. RUE DES ^llii. ERRATA A l'article Électricité animale, il y a une tranposition de figure. La fig. 185 de la page 327 doit se trouver page 354 après la IT-^ ligne après la phrase : La fig. 185 indique la manière dont se fait celte expérience. Page 338, ligne U (d'en bas), au lieu de très, lire phis. A l'article Électricité végétale, page 384, ligne 4, au lieu de externe, lire interne. A l'article Electrotonus il y a une omission et une transposition des figures. La fi g u re suivante doit remplacer la fig. 204. Ce qui est dit page 411 de la fig. 204 se rap- porte à la figure omise et représen- tée ici. La fig. 204 doit se trouver à la page 416 entre les lignes 40 et 41. Quant à la fig. 205, elle fait partie du texte de la page 417 (lignes 24 à 32), ofi elle se trouve. Page 411, ligne 7 (d'en bas), au lieu de a, lire k; au lieu de /,-, lire a. Page 411, ligne 3 (d'en bas), au lieu de cathode, lire anode. Page 411, ligne 2 (d'en bas), au lieu de l'anode, lire la cathode. Page 416, ligue 17 (d'en bas), au lieu de ^03, lire 204. Page 417, ligne 24, après le mol supposons, lire [fig. 205).