Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from Ontario Council of University Libraries http://www.arcliive.org/details/discoursdellionorOObeau 4yst DISCOURS n IRABLE L. BEAUBIEN COMMISSAIRE DE L AGRICULTURE ET DE LA COLONISATION PRONONCE A L ASSEMBLEE LEGISLATIVE LE 23 IDECEiiyiIBI^E 1893 AGRICULTURE ET COLONISATION MONTRÉAL EUSEBK SENEGAL & FILS, LMPEIMEURS 20 RUE SAINT-VINCENT 1894 DISCOURS n ±±\y JL N n E .. EAUBIEN COMMISSAIRE DE L AGRICULTURE ET DE LA COLONISATION PRONONCE A L ASSliMItLKE LEGISLATIVE XjE 2S IDECElwd:BK.E 1893 AGRICULTURE ET COLONISATION MONTRÉAL EUSEBE SENEGAL & FILS, IMPEIMEUES 20 RUE SAINT-VINCENT 1894 DISCOURS DE L'HONORABLE L BEAUBIEN COMMISSAIRE DE L AGRICULTURE ET DE LA COLONISATION PRONONCÉ A l'assemblée LÉGISLATIVE X.E 28 IDEO-EliyCBS-E 4.893 M. l'Orateur, C'est avec plaisir que j'ouvre ce débat sur la politique agricole de l'admi- nistration. Je demande spécialement aux députés des comtés ruraux d'y prendre leur large part — mieux que tous autres ils peuvent m'aider à trouver le moyen de perfectionner ce qui a été fait, et d'inaugurer ce qui doit être tenté. Je ne m'arrêterai pas en ce moment à tous les items du budget agricole et de colonisation, je me réserve, à mesure qu'ils seront proposés au vote, de donner sur chacun tous les détails que l'on peut désirer. Sollicitant l'appui et la coopération de la députation, et de tous ceux qui s'intéressent à l'agriculture et au développement de la Province, par la coloni- sation, je dirai ce que je me propose, pour le présent. Je puis brièvement résumer ce programme. Pour l'agriculture : peupler d'élèves nos écoles d'agriculture, établir de suite une beurrerie ou une fromagerie dans les paroisses où il n'en existe pas encore. Pour la colonisation : la faire autant que possible par groupes en en réunissant tous les éléments, ne les laissant plus s'aventurer isolément, et par conséquent sans force par le pays ; la dirigeant ainsi groupée sur de bonnes terres, puis aidant à ces nouveaux établissements à se pourvoir de fabriques de beurre ou de fromage. Pour exécuter ces projets, je vois heureusement accourir à mon aide des auxiliaires puissants, autrement je ne pourrais songer à la réussite. — 4 — LES CERCLES AGRICOLES au nombre de quatre cent onze sont résolument entrés dans l'arène. Leur puissance pour le bien est con!?idérable, illimitée, se fait déjà efficacement sentir. Je dirai incidemment : un grand éleveur de l'Isle de Montréal, M. Andrew^Dawes m'écrivait l'autre jour : " Les cercles agricoles vont changer la face du pays, depuis qu'ils sont crées je n'ai pu suffire aux demandes de bétail de race." La loi de la dernière session créant ces cercles a répondu, nous pouvons le dire, à un besoin réel. Elle a été la bienfaisante décentralisation agriccle permettant aux différents groupes de la population rurale de s'organiser com- modément, de tirer parti de l'expérience et des conseils de tous ceux qui d'ordinaire, dans la localité, guident l'opinion ; de faire d'eux des conseillers dévoués et bien écoutés conduisant doucement, mais sûrement, dans les sentiers nouveaux pour plusieurs, de la culture intelligente et rémunératrice. Les membres d'un même cercle, à proximité les uns des autres, peuvent se rendre tous les bons services de voisins généreux : l'instrument coûteux acheté par le cercle sera, de ferme enferme, utilisé par la paroisse; des discus- sions intéressantes auront lieu auxquelles on assistera en grand nombre, et pour cela, on n'aura pas une longue distance à parcourir. Quand le conférencier ou le missionnaire agricole sera annoncé il y aura foule à l'entendre. Les sociétés d'agriculture ne peuvent répondre à tous ces besoins locaux. Leurs membres ont plus de peine à se réunir, vu les grandes distances à par- courir, aussi restreignent-elles leur action à la tenue d'expositions, aux con- cours de ferme et de labour pour tout un comté. Nous étions loin de nous attendre au succès obtenu par cette législation sur les cercles ; pour ma part, je suis heureux de dire qu'il a grandemant dé] assé mon attente. Les 411 cercles ont versé $27,000 pour l'amélioration de notre agriculture dans les différentes localités. Grâce à eux, notre journal d'agricul- ture compte maintenant 30,000 abonnés. Les cercles sont généralement présidés par les curés ou par des personnes influentes dans la j)aroisse ; le nombre de leurs membres s'élève au chiffre de 21,800; tout cela depuis un an à peine. La chambre se rappelle qu'au commencement de la présente session, afin d'ac. corder à ces cercles l'octroi d'une piastre par membre, nous avons dû placer la fomme de $25,000 dans les estimés supplémentaires de 1893. Si le mouvement se continue, nous aurons bientôt un cercle par paroisse. J'ai tout lieu d'espérer que par eux je pourrai efficacement m'adresser à un nombre considérable de nos agriculteurs. Ces associations reçoivent les documents publics et les publications les renseignant sur les meilleurs moyens de faire une culture rémunératrice. Comme les sociétés d'agriculture, les cercles sont obligés de faire chaque année un rapport au département. En consultant ceux que nous avons déjà, nous pouvons nous rendre compte du résultat obtenu. Je ne m'attarderai pas à vous citer ces rapports dont quelques uns sont pourtant bien intéressants. Dans le journal d'agriculture, autant que l'espace nous le permet, nous publions ceux qui peuvent servir de modèles. Les hono- rables députés lisent, je suppose, de temps en temps, ce journal lequel, je suis heureux de le constater est apprécié par la population de nos campagnes ; ils ont dû constater les heureux résultats auxquels sont parvenus, même des cercles ne possédant pas de grandes ressources. Dans plusieurs endroits le mode de culture a été notablement a iuélioré. Partout on diecute, on lit, on s'instruit. Ici, à Lévis, on a accordé des prix pour les étables les mieux construites, les mieux tenues ; dans le comté de l'Assomption, on est parvenu à mettre au service de toute une paroisse des reproducteurs de choix, et cola en augmentant les ressources de l'association. Ailleurs on a poussé avec vigueur la culture des fourrages verts, secret de la réussite dans l'industrie laitière. D'autres manquant d'engrais de ferme, ont consacré tous leurs revenus à l'achat de phosphate. Il fait plaisir de constater toutes ces tentatives nouvelles faites en commun, introduisant le bon exemple partout. C'est à faire espérer un progrès rapide et général. Je ne doute pas que, lorsque nous demanderons un élève par paroisse pour nos écolos d'agricalture, nous aurons l'appui de toutes ces associations. E^pondant à l'appel d'hommes généreux et dévoués en qui elles ont confiance, elles semblent toutes décidées à marcher résolument dans la voie du progrès. MISSIONNAIRES AGRICOLES. Avec une profonde satisfaction je constate l'arrivée de nos dévoués mission- naires agricoles. Nommés par les évêques de la Province, ils se sont mis à l'œuvre, se partageant les différentes paroisses dans chaque diocèse, de manière que chacune soit visitée deux fois l'année. Ils vont ainsi portant la bonne nouvelle sans frais pour l'Etat, avec grand profit pour notre population. Nous devons au clergé la haute éducation qui a fourni à notre peuple les hommes dont il a eu besoin pour le guider, le défendre et lui assurer son rang parmi les nations qui l'entourent : Nous devrons au clergé, le bon agriculteur cet homme fort de la nation qui la nourrit et l'a fait ce qu'elle est. Dans cette seconde tâche que le clergé entreprend, nul doute qu'il no réussisse aussi bien que dans la première, et n'est-elle pas plus facile ? Ces missionnaires agricoles, travaillant de concert avec les hommes de bonne volonté qui ont à cœur l'amélioration de notre^agriculture, se soct déjà — G — réanis plusieurs fois. Ils se sont entendus sur un programme d'enseignement agricole. Eevenus dans leurs différents diocèses, les mêmes directions étant données partout, partout l'on pourra espérer les mêmes excellents résultats. Enfin je compte sur tous les amis de la cause agricole, et je suis heureux de pouvoir déclarer qu'ils sont on grand nombre ceux qui veulent l'amélioration immédiate de notre agriculture, et qui. pour cela, sont prêts à sacrifier leur temps. Je vais essaj^er de co-ordonner tous ces efforts, de les engager dans la même direction ; ils nous conduiront je l'espère, au succès que nous désirons tous* NOS ECOLES D'AGRICULTURE. Nous voulons les peupler d'élèves. Que sont elles ? Si elles ne sont pas encore tout à fait ce qu'elles devraient être, c'est que le tiavail a manqué au bon ouvrier. Devant une classe nombreuse le professeur se sent encouragé à enseigner tout ce qu'il sait. Devant des bancs vides son ardeur se calme sans qu'il y ait la moindre mauvaise volonté de sa part. Que l'on soit sans crainte cependant, l'instruction donnée sera ce qu'elle doit être. Foi't de l'aide intelligent à ma disposition, je puis l'assurer : que l'on me fournisse l'élève, je m'en charge. Les institutions à notre disposition sont suffisantes pour les besoins du moment. Quelques changements, quelques amé- liorations vont nous permettre d'utiliser le personnel dont les efforts n'ont pas jusqu'à présent, obtenu les succès désirés ; Et nous récompenserons ainsi de longues années de sacrifice et de dévouement. Servons-nous de ce qui existe, encombrons nos écoles d'élèves. Quand les bourses seront prises que les élèves viennent tout de même, les parents ou les amis payant la faible pension exigée à l'école ou dans le voisinage. Qu'on se le tienne pour dit, les moyens de distribuer l'instruction théorique et pratique grandiront avec le nombre des élèves; nous y verrons. Quand ces écoles bien dirigées regorgeront d'élèves, nous songerons à d'autres institutions, heu- reusement alors devenues nécessaires. Mais je ne veux plus d'écoles vides» encore moins d'une grande école d'agriculture centrale qui, elle aussi, resteiait vide. Jusqu'à présent nous avons eu l'école sans écolier. Que les écoliers main- tenant viennent par centaines, c'est à quoi nous allons travailler. NOTRE. DAME DU LAC (Oka). "La plus belle ferme du Canada" C'est ainsi que, dans un rapport récent, est qualifié l'établissement des EE. PP. Trappistes. Ce rapport est signé par de bons agriculteurs, connus de tous, MM. G. Buchanan, juge du Mérite Agricole, M. Thomas Ii-ving de la ferme Logan, M. Eobert Nens — 7 — éleveur de Howick, comté de Chateaugaay. Voilà une bonne école. Que celui qui veut en douter aille pendant une journée au moins jouir de l'hospitalité des bons Pères ; Il n'aura pas trop de tout ce jour pour lui permettre do jeter un coup d'oeil rapide sur la vaste exploitation. Nos élèves trouveront là de bons exemples dans toutes les branches de la culture du sol, et pourront en outre se mettre au courant de plus d'une industrie s'y rattachant. La bonne théorie démontrée de suite par la pratique intelligente ; voilà le programme en un mot de cette école. Elle ne fait que de s'ouvrir et les élèves s'y présentent déjà en bon nombre. (1) Ils font avec les Pères la culture en grand des légumes et des fourrages verts ; vont à tour de rôle à la beurrerie et à la fromagerie ; apprennent la greffe et la culture des arbres fruitiers, mê-otie la confection du cidre et des vins ; un beau vignoble est là tout prêt qui fait l'admiration des visiteurs. Le bon Père prieur ne se contente pas de travailler de toutes ses forces et ressources à mettre son école sur un excellent pied, il pousse plus loin sa sollicitude. Nommé par Sa Grandeur Monseigneur l'archevêque de Montréal président des missionnaires agricoles du diocèse, il trouve le temps d'as- sister aux réunions et de faire sa part dans la grande œuvre commune. Ce n'est pas tout : il a fondé sur les bords du grand Lac St-Jean l'établissement de la Mistassini, lequel sera pour toute cette région ce qu'est la maison mère pour la partie ouest de la province. Voilà un rude ouvrier, un grand travailleur. STE-ANNE. Nous n'avons qu'à nous féliciter du zèle et de l'esprit d'initiative dont fait preuve M. le directeur de l'école de Ste-Anne. Les champs sont en bon ordre et en bon rapport. Le troupeau s'améliore rapidement. Aussi les élèves sont- ils cette année plus nombreux que d'habitude. (2! Cet établissement est prospère et fournit une preuve sous les yeux de nos agriculteurs que la bonne culture est rémunératrice. Quelques améliorations encore, que l'on est, du reste, toujours prêt à faire avec bonne volonté, et nous aurons là une institution appelée à être d'un grand secours à cette région de la Province. C'est mon intention que les directeurs, les professeurs et même les élèves de nos écoles, se visitent les uns les autres pendant l'année. Il en résultera (1) Celle école compte vingt élèves déjà, bien qu'elle n'ait été ouverte que l'au- tomne dernier. (2) Là aussi 15 élèves à l'heure qu'il est. je crois, un progrès «j^énéral. Les bonnes mdthodes seront imitées, les mauvaises mises de côté. Quand tout sera partout en bonne voie, pour exciter une plus grande émulation, on pourra peut-être accorder certaines récompenses à l'école qui ee distinguera le plus. L'ASSOMPTION. Jj école de r Assomption n'a pas encore terminé les changements et amélio- rations que nous avons cru devoir suggérer, mais ils sont en bonne voie et, dès l'été prochain, lui attireront, je n'en doute pas, un bon nombre d'élèves. COMPTON. Nous ne venons que de fonder la ferme modèle de Compton pour les cantons de l'Est. On sait que la localité choisie est une de celles qui se distinguent le plus par l'excellence de ses terres, par sa bonne culture et les soins que l'on donne à l'élevage des meilleures races. La patrie de notre grand éleveur l'Hon. Sénateur Cochrane, connu en Amérique pour ses succès et les récom- penses obtenus dans les concours, était bien l'endroit où l'on pouvait le plus avantageusement réunir les jeunes agriculteurs, et leur enseigner l'élevage intelligent, comme aussi la culture au point de vue de l'industrie laitière. Aussi j'ai cru devoir accepter les oftres de la municipalité du village de Compton. Les principaux propriétaires, tous cultivateurs distingués, prennent grand intérêt au nouvel établissement ; le conseil a acheté la ferme toute pourvue de bonnes constructions, l'a payée la somme de six mille cinq cents piastres et l'a mise aux mains d'un syndicat d'hommes expérimentés. Il est à construire une beurrerie modèle, s'est déjà procuré tout le roulant nécessaire et bien choisi, et il sera prêt dès l'été prochain à recevoir les élèves. Nombreux seront ceux, je l'espère, qui voudront aller se perfectionner dans leur profession sur cette terre classique de la bonne culture. Le syndicat se compose de trois membres, dont un nommé par le gouvernement. La Chambre apprendra avec plaisir que nous avons choisi mon honorable collègue, le député de Compton comme notre représentant. Ce poste de confiance, parmi ses concitoyens, lui était dû parce qu'il a été le principal fondateur de cette école, celui qui s'est imposé le plus de travail pour arriver au succès obtenu. Ce poste lui était dû aussi à cause de ses succès comme cultivateur. C'est par l'agriculture seule que notre honorable collègue est parvenu au rang distingué qu'il occupe aujourd'hui parmi nous. Si j'ajoute que le fils de l'ancien associé de l'Honorable M. Cochrane, Monsieur H. D. Smith, celui qui exploite à Compton l'une des plus belles et des plus consi- dérables fermes de la Province est l'un des fondateurs de cette ferme modèle et y consacre toat son temps, oq admettra que le jeuae établissement est entre bonnes mains, que nous pouvons en attendre de grands résultats. Nous nous en réjouissons pour nos concitoyens de langue anglaise ; et je félicite cordia- lement le conseil municipal de Compton de son esprit d'initiative, et du bon exemple qu'il donne à la Province. Yoilà nos écoles, en ce moment du moins, car je ne doute pas que, si elles sont encombrées la Chambre ne s'empresse d'aider à fonder de nouveaux établis- sements. Dirai-je un mot des ECOLES D'INDUSTRIE DOMESTIQUE ET D'HORTICULTURE POUR LES FILLES. Les mères de notre robuste et intelligente population des campagnes ont été renommées par leur adresse, la dextérité de leurs doigts, l'habileté à cultiver le jardinet, leq[uel produit plus d'une douceur agréable au maître du logis ; on admire leur goût pour orner de fleurs la maison paternelle, la rendant ainsi plus attrayante aux onfiints. Allons-nous laisser se perdre toutes ces délicieuses industries du foyer qui occupent agréablement et profitablement la vie de la campagne, groupant la famille, la concentrant affectueusement pour le grand bien de tous ? Je connais une bonne et grande dame d'une de nos vieilles familles, orne- ment de la société par les qualités de son esprit et de son cœur, joie de son entourage où elle voit les petits enfants de ses enfants, adroite entre toutes, nulle ne la surpassa jamais dans les petites industries de la maison, et dans l'éclatant jardinet. Aujourd'hui que ses pauvres yeux commencent à se refuser à la lumière, ses doigts agiles travaillant pour les pauvres, lui fournis- sent encore une occupation agréable, pendant qu'elle raconte avec esprit les choses du passé. Telles étaient nos mères, telles nous devons désirer nos femmes d'au- jourd'hui. ROBERVAL ET ST-BENOIT. Qu'on lise les programmes des écoles de Roberval, Saguenay, par les ER. dames Ursulines, et de St-Benoit, comté des Deux Montagnes, par les RR. Sœurs G-risQS ; que l'on aille visiter ces établissements et on se convaincra faci- lement du bien qu'ils sont appalés à faire dans notre Province. A Roberval, non seulement l'industrie domestique prospère à l'intérieur, non seulement le jardin est un modèle, mais ia ferme elle-même, sur toute son étendue, est un exemple d'excellente culture. — 10 — Pour certaines directions à donner à nos écoles, je puis heureusement compter sur le concours d'IiommeH de Jugement et d'expérience, ayant déjà fait leurs prouves en agriculture, Jo nommerai mon honorable ami le député de Compton et ses collègues du Conseil d'Agriculture. Des offres généreuses nous ont été faites pour la fondation de nouvelles écoles d'agriculture. Nous avons répondu que nous les verrions surgir avec plaisir, et que nous leur accorderions tout l'aide possible, le jour où elles seront devenues nécessaires par l'augmentation du nombre des élèves. L'ELEVE AGRICOLE. Pouvons-nous le fourn ir en nombre fuffisant à nos écolesi.? Par quels moyens ? Je réponds de suite : par les moyens qui ont rempli, encombré même nos col- lèges classiques. A Dieu ne plaise que je regrette tout ce qui a été fait là. Les amis de l'éducation classique, heureux de jouir de ses bienfaits, honoreront toujours la mémoire de ces hommes aux grandes vues, fondateurs de nos collèges, aujour- d'hui prospères et toujours nécessaires. De leur sein sont sortis les chefs du peuple. Dans un but aussi louable, je veux imiter leur action, espérant marcher vers le même succès. Cotte fois, sans craindre l'encombremont, l'excès qui, en tout, nuit. Le chamjj est vaste, immense ; dans l'arène nouvelle toutes les énergies peuvent s'engager, et pas de déclassés. Pas de ces jeunes gens s'étant préparés à une position honorable, et la voyant fuir devant eux, malgré les efforts et les sacrifices. Nous avons^dans notre Province cinq raille élèves fréquentant nos collèges classiques. Nombre considérable, je pourrais dire hors de proportion avec celui de notre population. Nous avons dépassé le but. Comment est-on parvenu à ce résultat ? Comment se fait-il que le goût pour la haute éducation soit répandu partout ; que presque tous nos cultiva- teurs la désirent pour au moins un membre de leur famille ? Elle est pour ainsi dire entrée dans nos mœurs. Personne n'a plus à la prôner, la chose va de soi. Voyez ce colon qui part tout joyeux de son établissement au bord de la forêt. Il accompagne son fils au collège de son choix. Il est à réaliser un projet longtemps caressé au foyer. Que de peines et de labeurs pour en arriver là ! Mais il aura un homme instruit parmi ses enfants, et que d'espérances accumulées sur sa tête! Qui l'a conseillé, qui l'a poussé à agir de la sorte ? Personne. Il fuit tout siniplement comme les autres. On est parvenu à ce résultat par de constants eflEbrts. Après avoir cons- truit les collèges au prix de grands sacrifices, le clergé se mit résolument à la — 11 — tâche de trouver l'écolier. Au cultivateur qui n'était pas en état de subvenir aux dépenses de la pension, il vint en aide de ses propres deniers comme de ses pressants conseil.-'. L'écolier fut trouvé. Ainsi la Province se recruta d'hommes instruits dont qulques uns devin- rent des chefs habiles et dévoués Ce que l'on a fait là était plus difficile que ce que nous conseillons actuellement, L'élève du collège au début était plus difficile à trouver que ne le sera aujourd'hui celui de l'école d'agriculture. Et le moment est propice pour tenter le nouvel effort. Il se fait un grand réveil agricole. Le mouvement se propage rapidement, l'agriculture de- vient lucrative : elle devient à la mode. Profitons de cette vogue pour peupler nos écoles. Poussons le cultivateur à dé.sirer fortement y faire participer sa famille. Que l'on reprenne la tâche que l'on s'est déjà imposée. Que l'on conseille, que l'on aide. Que le cercle et la société d'agriculture viennent au secours du père de famille, s'il le faut afin qu'il maintienne son fils à l'école. Il en reviendra pour être 1 • modèle de tous. Le gouvernement ne restera pas en arrière, et aidera lui aussi les cercles à avoir leur représentant à l'école. ITous insistons sur un élève par paroisse. Lademande n'est pas exorbitante ; si elJe était accordée, elle rapporterait cependant neuf cents à mille élèves car il y a ce nombre de paroisses. Ils deviendront, nous vous en faisons la promesse, autant de prosélytes ardents, car ils seront bien traité:^. Ils apprendront à aimer, et l'école et l'agriculture. De retour à la maison ils trouveront des émules et des condiciples parmi leurs jeunes amis, et dès lors, comme pour la haute éducation, la chose ira de soi. Quand l'école sera devenue trop petite, ne craignez pas, elle sera agrandie ou d'autres surg iront. Donnez-moi l'élève je vous promets l'école et une bonne. Dans chaque paroisse et dans chaque cercle il va se former un petit comité qui se chai'gera tout spécialement de trouver cet élève. A lui seul, le clergé l'a déjà trouvé pour le collège, et maintenant beaucoup vont lui aider. Les mis- sionnaires agricoles en font le premier article de leur programme. Le mouvement s'organise, le mot d'ordre est donné tout comme autrefois» mais cette fois c'est au fils du cultivateur resté à la maison que l'on songe. Il a enfin son tour. Lui, chargé de continuer la famille et ses traditions, de tenir en bonne durée le toit paternel, de garder chaud le foyer hospitalier, le foyer auprès duquel viendra se refaire plus d'un frère qui jadis tourna le dos au champs pour aller vers les villes bruyantes. J'ai connu des curés qui pouvaient se féliciter d'avoir tenu au collège quinze et dix-huit élèves à leurs frais ; c'était au temps où l'on manquait d'élèves. Que de frais et de peines 1 Le bon conseil souvent répété par les mêmes hommes suffira aujourd'hui pour ce que qous voulons. — 12 — Et puis, le moment arrive où la culture du sol va offrir une carrière nou- velle à nos jeunes gens sortant des collèges classiques, La science, de plus en plus, trouve sa place dans l'exploitation du sol tout comme dans l'exercice des professions. Elle vient merveilleusement en aide aux forces de l'homme, en multipliant les machines ; elle étudie le sol, piesciit et applique les éléments qui lui fout défaut, a des remèdes tout prêts pou ries maladies des plantes et des moissons, veille avec vigilance sur la santé des précieux troupeaux, éloigne les maladies), les contagions, ou les comhat quand le malheur arrive; elle va au loin trouver de nouveaux marchés, les étudie avec soin et prescrit ici la confection du produit ; et la voilà maintenant qui tire parti de l'électricité pour hâter la croissance des plantes. Oui, la culture va attirer à elle le jeune homme instruit. Il y trouvera la récompense des travaux de son intelligence. Si ses bras ne peuvent ni ne doivent travailler tout le temps, les travaux n'en iront pas plus mal, car une bonne tête présidera à tout. On a dit quelquefois que le voisinage des collèges a nui au succès de nos écoles d'agriculture, les élèves étant tout le temps tourmentés de l'idée de monter au grand collège. Tout cela va changer ; l'agriculture se prête à toutes les études comme à tous les talents en même temps qu'elle devient rémuné- ratrice et généralement en faveur. A l'écolier du collège maintenant de passer à l'école d'agriculture, pour y finir son cours et y commencer une vie heureuse et prospère. Pour être admis à l'école d'agriculture il faut être âgé de quatorze ans, savoir lire et écrire et donner au directeur et à l'inspecteur du gouvernement l'assurance morale que Ton se destine évidemment à la profession agricole. Les quinze premiers élèves admis dans une école sont appelés boursiers, et reçoivent gratuitement l'instruction, la pension et le logement ; ceux, qui viendront ensuite devront se pensionner à leurs frais, à l'école ou dans les maisons du voisinage. Ils recevront gratuitement l'instruction théorique et pratique. En parlant de nos écoles, j'en mentionnerai une que j'appellerai notre ECOLE AMBULANTE. C'est une manière do tirer parti du système du Mérite Agricole. On sait que les juges, chargés de distribuer les récompenses aux proprié- taires des fermes soumises au concours, doivent parcourir successivement les différentes parties do la Province de manière à parvenir en cinq ans à en com- pléter les-suites. Jusqu'à présent, ils n'ont eu pour mission que d'examiner qui méritait les diplômes et les médailles. Je me suis proposé de tirer un plus grand parti de ces juges, hommes d'expérience et de science. Je leur ai — 13 — donoé instruction de visiter chaque ferme avec soin, de consigner leurs remar- ques et conseils dans un livret remis au propriétaire et dont ils gardent copie. Le concurrent reçoit ainsi de ces messioiu's, une direction utile pour rendre sa ferme encore plus utile à la localité. On lui consigne dans ce livret qu'il pourra consulter avec profit, pendant des années, ce qu'il a bien fjiit, ce qu'il pourrait profitablement faire autrement, et les innovations qu'on lui suggère. Les leçons sont données sur place, après discussion avec le concur- rent, en parcourant sa ferme, champ par champ. Voilà un système qui plaît autant qu'il est pratique et utile. C'est le bon conseil, le conseil désintéressé, par conséquent bienvenu, qui va être suivi pour le plus grand profit du propriétaire comme pour l'exemple de tout le voisinage. Aussi, je puis dire que l'on s'en montre reconnaissant, comme je puis affirmer qu'il est eflectif C'est la leçon de chose comme on dit en termes d'éducation scolaire ; c'est la question discutée sur le champ d'action où on peut mettre le doigt sur tout ce qui est défectueux, comme sur tout ce qui réussit. Des concurrents ont déclaré que le passage de nos juges du Mérite Agricole marquait toute une ère nouvelle dans leur exploitation ; qu'ils étaient heureux des avis donnés et qu'ils allaient les mettre de suite à profit, qu'ils leur étaient de plus d'importance et de profit que les diplômes et médailles qu'on pourrait leur décerner. Les directeurs des sociétés d'industrie laitière ont quelquefois des instruc- teui s qui, munis de tous les instruments nécessaires, parcourent la campagne pour enseigner les procédés avantageux de la confection du beurre à domicile; on trouve ce système bon, et partout où ces instructeurs passent, on constate les progrès accomplis ; ainsi vont nos juges du Mérite Agricole par la cam- pagne. Les fermes soumises au concours sont naturellement les mieux cultivées dans la localité ; en les perfectionnant nous en faisons des fermes modèles sans qu'il en coiite à la province. Nous allons, si possible, perfectionner cette école d'agriculture ambulante. Les juges ont instruction de rester sur la ferme du concurrent tant qu'il y aura du bien à faire à son exploitation. La distribution des récompenses, bien que faite avec discernement et avec soin, devient pour ainsi dire secondaire dans la mission de ces jnges. Ils ont tout d'abord instruction d'instruire, de réformer puis enfin de récompenser. J'ai tout lieu de me féliciter de cette innovation. C'est, aprèù le succès constaté à l'école d'industrie laitière, celui que je considère de plus de valeur. Ce n'est pas l'élève qui va à l'école, mais c'est bien l'école qui, efiectivement, va à l'élève avide de tirer parti des bienfaits qu'elle apporte. 11 y a une moyenne de quatre vingts concurrents par année ! — 14 — ECOLE DE ST-HYACINTHE. Je ne parle pas ici de l'école d'industrie laitière de St-Hyacinthe, pour la bonne raison que je n'ai que faire d'en parler. C'est un éclatant buccès. Deux cent cinquante à trois cents élèves. Jo n'ai pas heureusement à m'en inquiéter. Tout va de soi là comme pour notre éducation classique. Elle peut se passer de nos encouragements, dans nos discours du moins, le cultivateur et son flls la fréquentent. Elle sème la prospérité par toute la Province à laquelle elle fournit les spécialistes. Je ne l'inclus pas parmi celles que je recommande à la sollicitude de nos agriculteurs, pour deux raisons : la première, parcequelle est parfaitement appréciée, la seconde, parce que si nous voulons qu'elle continue à être de plus en plus fréquentée, il faut partout augmenter notre production, améliorer notre culture et que nos fermes produisent plus de beurre et de fro- mage, articles d'exportation qui nous rapportent le plus. C'est la culture qu'il faut soigner jmisque la fabrication est déjà en bonne voie. Nous pourvoyons ainsi par nos écoles au besoin d'instruction qui se fait sentir dans nos campagnes, et nous agissons de concert avec le clergé qui, aujourd'hui plus que jamais, entre résolument dans l'arène. Mais il faut à notre agriculture un secours immédiat, il nous faut une source de prospérité que nous puissions diriger tur nos campagnes, surtout celles où le dépeuplement ronge, où bon nombre de fermes sont aujourd'hui sans occupants. L'INDUSTRIE LAITIÈRE. vient merveilleusement à la rescousse. Elle va constituer l'appât effectif pour entraîner le cultivateur à la bonne culture. Par elle il pourra devenir prêteur, d'emprunteur qu'il est souvent ; par elle les fermes dont l'habitation confiée à un voisin est au cadenas, vont trouver des occupants heureux et prospères ; par elle le désert fait dans quelques-unes de nos paroisses par la culture épuisante va se repeupler, la population devenir dense, là où elle est éparse. Notre sol partout nourrira abondamment une popu- lation heureuse. Et plus d'émigration. Dans les vieilles paroisses il n'y aura pas assez de bras, le travail sera mieux rémunéré qu'à l'étranger. Bien plus, nos compatriotes reviendront des Etats-Unis ; ils trouveront de l'ouvrage ici, pendant qu'il manque là-bas. L'expérience des deux dernières années surtout, nous a démontré ce que pouvait faire pour notre agriculture, cette industrie du beurre et du fromage. Un de nos grands financiers vient de nous déclarer qu'elle a mis notre Pro- vince à l'abri de la terrible bounasque financière qui vient de balayer les états — 15 — voisins de l'anion américaine. Pendant que les institutions financières crou- laient là, les unes après les autres, au milieu de l'épouvante générale, les nôtres dans un milieu serein, continuaient paisiblement leur marche heureuse et prospère. Grâce à l'industrie laitière, le cultivateur payé comptant pour ses produits a pu solder comptant aussi les factures de son marchand fournisseur ; celui-ci a rencontré efficacement toutes ses obligations ; la succursale prospère a pu payer la grande banque centrale, et ainsi notre agriculture a épargné à la Province les désastres qui ont sévi ailleurs. Aussi nous nous proposons, mettant à profit les bons services des cercles, des missionnaires agricoles et de tous les hommes de bonne volonté, de pousser l'établissement de cette industrie, dès cette année, dans toutes les paroisses qui n'en sont pas déjà favorisées. Nous pouvons le faire maintenant que l'école de St-Hyacinthe nous fournit des fabricants. Quelques-unes de nos paroisses ont vendu, cette dernière saison, du fromage et du beurre pour au-delà de §60,000. Quel succès à mettre sous les yeux de nos agriculteurs qui ne bénéficient pas encore de cette industrie ! Le bétail existe dans chaque localité. Il s'agit d'avoir la coopération assurée d'uo nombre suffisant de patrons. Le capital modéré nécessaire se trouve facilement : à l'école de St-Hyacinthe et dans les établisse- ments qui réussissent le mieux, on peut faire le choix du meilleur matériel. Tout cela, dans un court espace de temps, peut s'organiser dans la paroisse et le cultivateur peut commencer à retirer tous les mois le fruit de son labeur. On est loin, là, du système de culture dont les résultats ne se faisaient sentir qu'au bout de trois ou quatre ans. En produisant un bon article, en étendant pour cela notre système des syndicats de beurreries et fromageries, en le rendant même, s'il le faut, obli- gatoire, ainsi que l'étampage de nos produits, nous n'aurons, de sitôt, à craindre l'encombrement des marchés où nous écoulons aujourd'hui notre production Il y a aussi le beurre frais d'hiver pour lequel nous avons, dans nos grandes villes, un débouché que nous sommes loin d'exploiter comme nous pourrions le faire. En cela nous imiterions un pays aussi froid que le nôtre, le Denmark, qui vend pour $24.000,000 de beurre par année en Angleterre ; les vaches ont leurs veaux en septembre et octobre ; le plus fort du rendement est ainsi en hiver. FOURRAGES VERTS. Mais pour pratiquer cette industrie laitière il faut la culture des fourrages verts. Voila le secret de l'industrie laitière. Que le champ soit bien fumé et bien labouré à l'automne et qu'il soit de grandeur suffisante pour fournir au moment de la sécheresse de l'été un bon supplément aux pâturages. Les — 16 — vaches resteront en lait ; on les conduira ainsi jusqu'à l'automne, jusqu'à l'étable. Et dans celle-ci il faudra qu'il y ait la provision de fourrages verts pour l'hiver. Le champ sera afssez étendu pour que la récolte du fourrage vert suffise à remplir le silo ou la lasserie par couches, entremêlé avec la paille en sus de ce quil faut pour la consommation pendant l'été. Ainsi les vaches resteront dix mois en lait, ainsi elles seront toujours en bon état, soit pour prendre l'étable, soit pour se rendre au pâturage. Qu'on se rappelle qu'il est toujours difficile sinon impossible de ramener l'abondance du lait, une fois qu'elle a disparu. COLONISATION. Tout à côté de ce mot je veux mettre celui de repeuplement. Repeuple- ment de nos vieilles paroisses. Dans quelques unes la désertion a passé comme un ouragan, comme un incendie, laissant des vides partout. Nombre de maisons sont fermées à la clef, confiées à un voisin. Si celui ci trouve l'occasion, ce qui n'arrive guère, il en tirera un parti quelconque, au profit des absents. Combien de terres abandonnées avez-vous dans votre paroisse, demandais- je l'autre jour à un de nos bons curés qui se dépêchait de fonder un cercle agri- cole ? Trente à quarante, me répondit-il, avec un soupir. Et les paroissiens ? Partis pour les villes. Ne faut-il pas remplir ces vides désolants pendant qu'on est à faire de nouvelles trouées dans la forêt vierge. Emparons-nous du sol répète-ton souvent. Encore faut-il pouvoir le garder. Le général habile, après la victoire, laisse bonne garnison dans les villes conquises. Déjà dans notre culture nous avons beaucoup trop de terre sous la charrue. Si nous en cultivions moins et la cultivions mieux, le profit serait meilleur- J'ai lu un excellent livre sur l'agriculture par un auteur américain j il avait pour unique titre " We farm too much land." Nous cultivons une trop grande étendue de terre. Et tout le long avec pièces à l'appui, il prêche la conden. sation de la culture. (1) Il est aussi un fait que nous constatons à l'heure qu'il est, c'est qu'aussitôt l'industrie du beurre et du frommage efficacement implantée dans une paroisse le manque de bras s'y fait de suite sentir. On importe les travailleurs. L'in- (1) L'autre jour, au congrès agricole de Ilunlingdon, un excellent agronome, Mr. D. M. MacPherson, de Lancaster, faisait monter sur l'estrade un cultivateur pour témoigner de l'excellence de cette condensation. Cet homme avait échoué dans l'exploitation d'une terre de cent cinquante arpents sous charrue, et prospérait maintenant sur un lot de cin- quante arpents ; il pouvait augmenter son lrou}eau et vendre d'avantage. Et il en rendait témoignage devant la grande assemblée. — 17 — duBtrie laitière rémunérant le cultivateur lui fait de suite augmenter ses trou- peaux et il a les ressources pour payer l'aide nécessaire. Nos campagnes ne sont donc pas trop peuplées ; bientôt toutes les paroisses auront leurs fromageries et leurs fabriques de beurre. Malgré cet état de chose, il y aura toujours de la colonisation à faire, à diriger, à aider afin que le colon, ce tirailleur hardi de nos exploitations, ne se prenne pas à déses- pérer et n'abandonne pas lui aussi sa lâche à moitié faite. 11 y aura toujours des colons à suivre, à protéger au bord de la forêt. Ils y sont conduits par ditlércnt motifs: à un bon nombre on ne pourrait persuader d'aller occuper une de ces terres toutes défrichées et abandonnées dans noH vielles paroisses. Non, c'est le père d'une nombreuse famille qui vend sa petite terre au village pour établir ses fils autour de lui, et leur donner à chacun une grande propriété, héritage de son travail et de sa prévision ; c'est le cultivateur qui, au vieux village, a eu l'infortune en partage ; il s'en va dans la forêt cacher son malheur, faire nouvelle provision d'énergie et de courage ; des jours pros- pères lui sont peut-être réservés là ; c'est le fils qui ne voit pas d'héritage sérieux, en vue, qui ne l'attend que de ses bras vigoureux ; quand il aura défriché, bâti maison et grange, il reviendra au village y prendre la compagne courageuse de ses travaux et de sa vie. COMMENT CES COLONS PARVIENNENT-ILS DANS LA FORÊT. Ces colons partent chacun do leur côté, rarement en groupes importants. Ils vont géj'éralement au plus près, suivent les chemins ouverts dans la forêt ou s'en éloignent d'après une idée qui leur vient, ou une information qui leur est fournie ; s'enfoncent quelques fois dans le bois, isolés de tous, sans chemins les reliant au reste du monde. Après des années de misères de toutes sortes, le gouvernement viendra peut-être à leur secours, leur donnera une sortie. Il y en a ainsi d'établis à des vingt, trente et cinquante milles de nos établissements, L'hiver la raquette, l'été le canot voilà leur moyen de transport. Et encore sont-ils fixés sur de bonnes terres ? Combien de fois après avoir laborieusement abattu la forêt, n'ont-ils pas constaté avec chagrin que le sol était ingrat et qu'il le serait toujours. Il y a ainsi des paroisses entières qui n'auraient jamais du être prises dans la forêt. Les arbres y étaient grands et forts mais le champ du cultivateur n'y portera jamais d'abondantes récoltes. Le bois y valait beaucoup, ce qui lui reste, pas grand chose. Les éléments de la colonisation ont été ainsi laissés à eux mêmes, ils se sont fixés comme ils ont pu, un peu au hasard. Pouvons-nous guider ces éléments précieux, les pousser, réunis, dans nos riches vallées oii l'épaisse couche d'allu- . — 18 — vioij Jeur promettra le wuccè«; Ich faire renoncer au Kystèmo de chacun pour «oi, de chacun de ton côté, en finir avec l'ii^olement qui paralyse tout, le remplacer par les bienfaits du groupe, l'action bienveillante de la paroisse. ? C'eht bien ce que je me propose et, pour m'encouragor, j'ai l'expérience de ce qui vient d'être pratiqué parmi nous durant les trois ou quatre dernières années. Dans un but exeelleot à leur point de vue, des hommes en position de commander l'estime du public, sont venues parmi nous recruter des paroisses entières, poui- en peupler notre î^ord-Ouest canadien. Aidés des facilités qu'accorde libéralement la compagnie du chemin de fer du Pacifique, elles expédient au printemps plusieurs tiains emportant des colonies complètes. Ces familles transportées, avec leurs effets et même leur roulant, s'en vont à deux ou trois mille milles de distance. C'est tonte une paroitse qui voyage là et qui va s'implanter sous d'autres cieux. Ne pourrions nous pas essayer quelque chose de semblable pour aller dans un même but à une petite distance, en restant chez nous, dans noire Pjovince ? Dans des cantons fertiles, à la portée de chaque diocèse je ferai indi- quer par l'explorateur du département le meilleur endroit sur lequel on pouria diriger les colons. Je demanderai aux missionnaires agricoles au moment de leur visite dans les paroisses do vouloir bien recueillir les noms de tous ceux qui veulent aller aux terres nouvelles. Tous de la même région seront dirigés autant que possible sur le même point. La paroisse devra se former du coup et sera alors facilement pourvue de chemins par le gouvernement. Si les colons souffrent aujourd'hui du manque de routes, c'est que les établissements sont trop multipliés et trop épars. Les ressources à notre disposition ne peuvent suffire. Eéussirons-nous ainsi à guider le couiant de l'émigration vers les terres de la couronne, à le coordonner de manière que là comme ailleurs l'union fasse la force : c'est ce que j'espère, grâce au mouvement puisâant que nous cons- tatons. Et le colon, loin d'avoir à prendre seul et tristement le chemin de la forêt, pour y souffrir longtemps, y airivera au contraire heureux, trouvant de nouveaux voisins, enchantés de lui accorder aide et bonne compagnie. Dans un groupe comme celui-là, le progrès sera rapide, on s'entr'aidera efficacement et le secours accordé par le gouvernement bénéficiera à un plus grand nombre. On pourra de suite recevoir la visite du conférencier, du missionnaire agricole. Aussitôt que le nombre des vaches laitières atteindra le chiffre de cinquante, qu'un aide modéré soit de suite accoi'dé pour permettre l'installa- tion d'une beurrerie ou d'une fromagerie. Dès lors la position est sauvée. L'industrie laitière chez le colon, voila le meilleur moyen de faire promp- tement son succès. Quand la fabrique lui paiera i-égulièrement le produit de — 19 — 868 vaches, il se chargera volontiers de hi confection et de l'entretien de ses routes. Pour commencer, ses bois Irancs lui fourniront le pâturage, et ses défrichements brûlés, le maïs, la lentille et l'avoine pour l'hiver. Combien de colons, dans les localités où nous fesons encore tous les che- mins, m'ont déclaré et ont déclaré aux députés, qu'ils s'en chargeraient bien volontiers si nous pouvions leur assurer la fabrique de beurre ou de fromage. Je ne crains pas de dire qu'on pourrait,de cette manière,employer avec avan- tage une partie de l'octroi que nous consacrons aux chemins de colonisation. J'ai bien un peu, mais pas autant que j'aurais voulu, pratiqué ce système et les résultats en sont merveilleux. Grande est la joie de ces colons, — la plupart ayant quitté leurs paroisses pauvres, — de pouvoir de suite gagner de l'argent sonnant, reçu tous les mois tout en se taillant un beau patrimoine dans la forêt. La nouvelle de ce succès se répand de suite, les colons arrivent avec leurs bes- tiaux. Dès la seconde année, le nombre de vaches qui n'était d'abord que d'une cinquantaine monte à soixante et quinze et quatre-vingt. Au bout de deux ou trois ans la fabrique fonctionne sans aide et une nouvelle paroisse jeune et vaillante a surgi pour la province. Je ferai raconter pour la chambre ou dans le Journal <ï Agriculture, l'his- toire d'un de ces établissements de colonisation en pleine foret où la fromagerie a semé l'aisance dès les commencements. Nous l'avons aidé, et en retour de l'aide on h'est chargé gaiement des routes. Elles conduisent aux fabriques pour y porter le lait et en rapporter l'argent. De l'argent dans la forêt ! voilà toute une trouvaille, quand les chantiers ont disparu. L'essai tenté,nous encourage fortement à continuer. Les fabriques de beur- rerie et les fromageries sont appelées à rendre les plus grands services à la colo- nisation ; mais pour cela il faut que celle-ci se fasse par groupes, il faut la ramas- ser, ne pas se contenter d ouvrir bruyamment de longues routes, les planter ici et là de maigres cohmies et appeler la population à s'y placer à sa guise. Beaucoup partent, mais pour revenir avant longtemps. Les chemins ne peuvent être entretenus, ils sont trop maigres de population ; la forêt menace de reprendre son domaine. Voilà ce que l'on gagne à disséminer son action et ses forces. La vie de ces pauvres établissements sera pendant des années c-hétive. Ce n'est pas qu'on ait eu tort encore d'être allé au loin, en pleine forêt, occuper un beau poste où tout se prêtait à un fort établissement, mais on aurait dû y arriver en force, pour y créer un foyer de vie et d'activité. Aujourd'hui il va falloir s'appliquer à remplir tous ces cadres que nous avons devant nous, où l'on a trop embrasi?é à la fois; il va falloir remplir tout cela de population avant de jeter de nouvelles colonies en avant. Concentrons notre action, condensons nos efforts et nos moyens et là où nous serons, f^oyons y prospères. — 20 — Avec l'aide des hommes de bonne volonté, on pourra, je l'espère, })rép:irer les jeunes essaims; on préviendra ceux qui se proposent do devenir colons. Le départ se fera avec ensemble à l'automne pour V efferdochage ; surtout on se donnera le mot pour monter avec les familles prendre possession du nouveau patrimoine faire les brûlés et les premières semailles. En compagnie, et compagnie nombreuse, le compatriote est toujours heui-eux, travaille avec ambition. Ne le laissons plus s'isoler et s'exiler. Faisons pour notre colonisa- tion ce que le Pacifique fiiit pour celle qui l'intéresse. En drossant la liste, dans chaque paroisse, de ceux qui veulent prendre des terres nouvelles nous raccollerons peut-être en même temps ceux qui se pro- IDOsent d'émigrer aux Etats-Unis, ou ceux qui en reviennent; ces derniers sont nombreux cette année. Nous aurons ainsi comme une tenue de livre qui nous dira les éléments que nous avons à guider et protéger. REPEUPLEMENT. Pour réparer les brèches faites par l'émigration dans nos vieilles paroisses, pour combler les vides, remplir les cadres, je désire depuis longtemps me pro- curer la liste de ces fermes abandonnées, ce que l'on demande pour chacune d'elles, si elles peuvent être louées pour dix ans avec privilège pour le locataire d'acheter en aucun temps de son bail ; comment elles sont pourvues de maison et de bâtiments de ferme, quel est l'approvisionnement d'eau et de combustible, quelle étendue totale et celle en culture etc., etc. Je suis en voie de réussir. Ces informations seront répandues par les cercles et par le pays. Elles serviront à ceux qui désirent prendre des terres nouvelles et à ceux qui songent à revenir au pays. Plus d'un qui connaît la bonne culture pourra ainsi se monter du coup et commencer une exploitation rémunératrice sans avoir à s'imposer la longue et ardue tâche du colon, la lutte avec la forêt, l'embarras des soucheg, l'éloigne- ment des marchés. Et la paroisse, petit à petit, réparera ses pertes, de nouveaux enfants prendront la place de ceux qu'elle a perdus. Le cœur du pays, les vieilles paroisses, sera bon et fort, les extrémités, s'en ressentiront, soyez-en certains. Tout ceci ne se fera pas à la fois, c'est certain, mais peut se commencer tout de même et de suite. Sans beaucoup de dépense, nous avons devant nous une bonne chance d'être très utile, et à la paroisse et aux particuliers. (1) (1) Au moment ou ceci s'imprime je suis fort aise de constater (]ue la société de coloni- sation qui vient de se former à Montréal s'occupe tout spécialement de combler ces vides dans nos paroisses. Je lui souhaite bien cordialement le succès. Les jeunes colons qui partiront de ces paroisses, rendues ainsi prospères et populeuses, arriveront sur le t'.'rriloire de la colonisation amplement munis do toutco qui est nécessaire pour réussir promptemcnl. — 21 SYNDICATS DES CULTIVATEURS. Avant de terminer, un mot des syndicats agricoles des cultivateurs. Ils sont appelas à être d'un gi-and secours. Courtiers honnêtes et dévoués, connais- sant l'article à être acheté ou à être vendu, ils épargneront, et les dépenses de voyages et les recherches ou études pour bien connaître ce dont on a besoin. L'un, celui de Québec, a pour pré.'^ident honoiaire et actif aussi Sa Grandeur Monseigneur Bégin. Sa Grandeur donne là une nouvelle preuve de son dé- vouement à la cause. L'autre syndicat, celui de Montréal, est présidé par l'honorable J. J. Eoss. président du sénat et conseiller législatif. Tous les deux sont composés d'hommes bien connus du public, et par leurs connaissances spéciales nécessaires, et par leur position dans la société. Nos agriculteurs peuvent avoir confiance en eux et leur confier toutes leurs transactions pour achats ou ventes. Pas nécessaire de faire le sacrifice de temps ou d'argent pour se procurer les grains, graines, instruments, engrais artifi- ciels, animaux reproducteurs dont on peut avoir besoin, ou vendre beurre, fro- mage, foin etc. etc. Tout cela peut se faire à peu de frais par la poste, on peut se fier à ceux auxquels on s'adresse. L'idée de ces syndicats nous est venue de France où ce système a opéré des merveilles. Ce sont des associations de bons citoyens se contentant de peu de rémunération ou de pas de rémunération, qui se mettent avec dévouement à la disposition des cercles agricoles et des cultivateurs. On conçoit facilement de quel secours ils peuvent devenir. Tel qui ne s'y connait en rien dans l'article qu'il commande, poui-ra ordonner tout de même et se fier aux ache- teurs. Il recevra le bon article. Par ces syndicats l'on achètera aussi très souvent, mieux qu'en s'imposant les pertes de temps et d'argent que nécessite le voyage. Les cercles et les sociétés peuvent bénéficier de ces syndicats en s'affiliant ; ce qui leur coûtera la somme de dix piastres. Les particuliers une piastre. Le département n'a absolument rien à faire avec ces associations qui se sont formées entièrement en dehors de son contrôle. Mais je crois de mon devoir de les recommander au public agricole, parce qu'elles peuvent lui être très utiles. CONCLUSION. Je remercie cette Chambre de sa bienveillante attention, des marques de sympathies que j'ai reçues des deux côtés, je puis le dire. Je sollicite de nouveau l'aide de tous les hommes de bonne volonté, de tous ceux qui ont à cœur le succès de notre agriculture, pour que nos écoles regorgent d'élèves, (i,'aiantie d'un siiecc^s agricole durable) ; que la fabrique do bounc ou de fromage soit érigée là où elle n'existe pas encore, (gai-antie que notre culture, va devenir de suite lucrative) ; pour que le ceicle agricole soit fondé là où il n'existe pas encore ; pour que l'on organise la colonisation, que l'on tende au co- lon une main amie qui le guide vers ! a bonne terre, qui 1'}' protège et encourage: que l'on laniène dans nos vieilles paroisses les compatriotes qui les ent désertées et qui sont loin de pro^pérer aujourd'hui en pays étranger : que l'on enraye l'émigration dans notre Province, que chaque Canadien trouve un foj^er heu- reux dans le pays. Nos banquiers nous disent que cette année notre industrie agricole laitière a fait notre Province financièrement solide et riche. Conti- nuons ce qui est si bien commencé. I I