1 , + \ s'il [LEE 1 mit Ians 4 { 4 A i , At lrlal #'a141r 0 MALTA A s À { à f : RNA " ñ PRE EL CLEO U : è n PNEU EN AN COTE DRE ETIENNE 4 : vo A Del RRQ EE tot 4 airs M MERE gta Le N N i AURE RIT ' re ly PAIE NN PPT LICENCE , : un iTrte ' DÉMOS ES] À : à LELES i ' " : + ! reg Vi» , “ nl , \ PEL vr \ À [RE + 00 \ i 14} AUIIEN ! : Teri À " n , PTS Û EE : ï \ ñ Vattr \atl UE : E—— tt : TE V4 7 Ness! { ent es : ï j Pre 14 142V4"4 —= © = L 11 SAR TEHIAURE ! er — jé , TUE DE vit Cu ï : + } PONCPIT SL i i ——— È À pres ! FACE! EU VA ‘ # tata ‘ + ; ra Œœ LS h 1 | d'est vi OO L [l n 1 CAL * ‘ ram LÉ) Lt HU \: Jui vi ne : — 1 ' + À rs [æ) LUE \ À ml ' NUTISELRET HET AUS ; (RES [s 4 TRI à j LD * ! i À Vos De > RC DE Wah ts ENV ‘ . LES } "alt , 4, 6 4 à b vén L-— = 4 Ù s 1h PE] : Ont en = \ Ê ñ Vr! 1 es Q got , : VAE Ü FRS w , 1 Q CAE A ] » + 1 ARABE TE ! : A Et CARTIER ei ét ELTEA 3 l . R , ni?” Nr : 4 107 : : pi L : d ; er AD h ‘ ; ; ; ‘ Ho) ‘ ñ4 h h S LATE r r > œ || n pr er x TL; : 17) teur LS | h RICA ET : HO ' " ’ ; FLE LAN DNS D GUN 4‘ * L l * 1 ax ' * 4 0 Ts ve+ > * Mais F n : ñ , , h à ss HA n PRPAEUTS ; apr pe: 4 sir = : ' . | ! PA ii Arai to Ra LA eva lirs Rip Ta ‘ ; pv e î } À Le. A ERA fL2 Je 53 h ; ELrAHe ts Nora it Are : } De 1 k t in Fi PRET 0 s 1 sis { ' CREATOR ET) TN ii. | 4 HA Nr 4: UHR 1à | H ET | hs J ÿ pi “ n n ï n ’ . ARC ï i dia LL H re 81 < FAURE PPÉTLALET TE UY. 4 1 ‘ trio 4 PRO ' 2 pyatetiae vie té < ÉTAT i ; Î : : \ SU. 1 : NA n LIL Lel } UE j HT î UT PH ÉAETERET M à te" \ is NE VE AS 7e pi PRE POAET EC TE | ide | FLN ï ï | PTE Vas à Fo ; tél Hatier art : ‘ 11 # PAM IPRE NE to 0: 4h, Ft ais LU di nn ET À : ” f } i,} Fr da SUP RTEL RE, “ A } RE: DRE MNT 117 Fire ai 13 | 1 1Pruit PS PR EPA NES Pr : PNEU NI P : Î Luc APP T: * : AE ; ARS A AE NERE NS Pre HS € AN EE : Hire à r ; ‘4 y) doruiirie HET 1 LE EC NT 07 CNT] Frafi4 € POP RS ET LE TES n : 0 | sa: .,# # ,* 4 “tot à > Af A : | É ii} Î ; MEL ES LEE k A ji3 HAESDTS ” { 117 4 5 ; À its i 1 FA PR Ÿ PATES +4 ÿ vidatiel n x 1,831 “ls tes Fa: 114744 15 NRA PRE DEF ; f Û } MT EE ; Hire Here : ht ; $ ENT PRET. i ENONCE EE RAU RAT À ! ; t ; RE Er Y';1} } RCE EN MN TINTT | CRUE hi fr bi ; ARE ANT (30: fi54 CARTE ik î : ï Fiac Ti tu HNTANEN ES i PRIE oil i if AR MU NI RAT ï : 114 DILETS ; te 414 AA 121 PAPER RP EEE DURE) My EEE ; AT) } 14 SRE M PS NET RE FEAT f il } à MAR MAURICE L DAY At Con! 3 } REP TENT DE MERE NEED ON : f 1,7 n ' sr À : FU Ts: 200 MU L : } ï NEA ; AA APTE LT fs ji de j + i È Ha FR : j SRI AE L Pi) ; 7 , + F si HAE He HU otre } #14 ? t ACT i15 a bel À 1; AUX OPEN ï : rEM- } Si uit 4 Pau its . à + it M : Du) CMS 11 PEACE PO Le t CCE TEAT PRES A LA À i AUTETREQEE ARE EU PAT Le j'3t Not 111 DETENTE ANT PORN ET APT TENTE 2 “ i Lit ‘à ; i HER 1 TM en Us tra) “ ' RS j j ni HRSTMIEN.| #1 RAP RCTET ER TINTL. Ait k x : 1 1 11 : Kts ÿ: PRÉ RO C TEA CEE LATE | PAT DRAC EETS PAPA TAPIE 0 Ù 4 Dear ATEN ERA } HIDE NN PRIE ET ET Ê CARTE NEA MOTASEHENT ‘ . b i ft ts 1, EI TON j inf +14 ALEETAE 12] mr DENRRE \4 es A | - | ÉM | Pa TER LT Al LCR 2 n TELE FU Est He Dent nee ere x TOME PREMIER de -Lurinrre DES FORÊTS PROPRIÉTÉ ET LÉGISLATION FORESTIÈRES / POLITIQUE FORESTIÈRE LES ca FRANCE FORESTIÈRE, STATISTIQUES 141 A PARIS LUCIEN LAVEUR, ÉDITEUR 13, RUE DES SAINTS-PÈRES (VIe) 1904 PRÉFACE _ Les ciences économiques sont celles qui s'occupent des M régissant la production et la distribution des richesses. 2: Elle s'occupera d’abord de définir l'utilité des forêts en crivani leurs produits directs(bois, écorces, résines, etc.) istinct de ce qu'on anommé, assez improprement du reste, à Sylviculture. Celle-ci ne considère les forêts qu’au point vue des condilions naturelles de leur existence et de leur … physique où elles croissent : l'Economie forestière envisage - leurs rapports avec l'homme qui en tire profit. …. La Sylviculture se trouve ainsi confiner aux sciences nalu- les el physiques sur lesquelles elle s'appuie. Elle touche, par exemple, à la botanique et plus particulièrement à la hysiologie végétale, à la géologie, à la météorologie. AL) AUE 3 CO AMD ES A ee LV = LT F'= Le vi PRÉFACE L'Economie forestière, de son côté, confine aux sciences À! mathématiques, juridiques el politiques. Aux mathémali- ques elle emprunte les procédés de mesure des grandeurs matérielles qu’elle considère. Les sciences juridiques inter- viennent pour définir les conditions de la propriété et celles de la jouissance de l'homme sur ces biens d'une nature si spéciale que forment les forêts. Les sciences politiques envi- sagent la sauvegarde des objels d'intérêt général; or, les forêts présentent le caractère d'utilité puslique à un degré éminent el à divers points de vue. La délimitation exacte du domaine de l'Economie fores- tière est impossible à tracer. C'est ainsi, par exemple, que l'existence d’un régime spécial, dit régime forestier, auquel sont soumises dans notre pays les forêls publiques se justifie d'abord par la difficulté, toute particulière aux forêts, de distinguer le capital, qui doit rester intact, du revenu qui doit être livré à la jouissance du présent. Cette distinction, aussi délicate qu’indispensable, ne peut être faite que par des hommes désintéressés et compétents; elle ne peut avoir de sanction que grâce à la surveillance et au pouvoir coer- citif de l'Etat. L'étude du régime forestier, qui réglemente l'intervention de l'Etat dans la gestion des forêts publiques, communales etautres, se trouve ainsi intéresser l’économiste. D'autre part le régime forestier est défini par un ensemble de textes législatifs et de règlements : à ce titre, son étude rentre dans la spécialité du juriste. Aux siècles antérieurs surtout, la législation et l’économie forestières se confon- daient à peu près complètement dans les textes des ordon- nances forestières; notre Code forestier actuel et son règle- ment d'application renferment encore maintes dispositions ee — sujet. L'étude du passé, en ohbes de forêts Es nt pense à linteligence exacte du Rs se dr ST lopper éatte fattie de mon travail. see bi _de pourrais, au reste, invoquer de nombreux précédents, s'il Sat nue 2 justifier donnee les excursions sur des DE APTE A 2e UE TE PR, Pa VIII PRÉFACE tout autre, des digressions qui ne rentreraient pas dans le cadre plus strict d’un traité didactique. Ceci m'amène enfin à l’objet essentiel de toute préface, qui est de présenter l'ouvrage au lecteur en lui fournissant quel- ques explications sur son but et sur l'esprit dans lequel il a été écrit. J'ai voulu, dans une suite d'Etudes qui formeront trois séries et autant de volumes, présenter aux forestiers et à tous les amis des sciences forestières ou économiques un. exposé de l’état actuel de nos connaissances sur les différen- les parties de l'Economie forestière. Ces Etudes seront, si l’on veut, autant de conférences sur des points spéciaux.J ai adopté ce plan sans prétention et sans solennité inutile pour avoir la liberté de m’étendre à mon gré,parfois longuement, sur les sujets nouveaux ou peu connus de la généralité des lecteurs, sauf à passer rapidement sur les questions déjà rebaltues. J'espérais, en prenant ce parti, faire un livre sur- tout utile et j'ai couru le risque d’en écrire un qui pourra paraître insuffisamment ordonné et mal proportionné,touffu dans certaines parties, concis dans d’autres. | Cependant ceux qui me feront l'honneur de lire attentive- ment ces Etudes remarqueront, sans doute, qu’elles embras- sent toutes les parties de l'Economie foreslière, sans en omettre aucune. Leur ensemble constitue une véritable ency- clopédie, et renferme la matière d’un Traité complet, le plus étendu, de beaucoup, qui ait été publié sur l'Economie forestière en langue française. Isolées, plusieurs de ces étu- des formeraient à elles seules un petit volume ou un traité spécial : telle l'étude sur la dendrométrie, celle sur les esti- mations et expertises forestières (I[° série); tels encore les IX 2 5 Fe 3 rects que nous procure la forêt par sa seule once à contribution plusieurs A _ centaines de trailés, tes ou mémoires en différentes lan- contrent plus dans le commerce, beaucoup n’y ont jamais . été mis et un certain nombre n'existent qu'à l’état manus- crit, soit à la bibliothèque de l’Ecole forestière, soil entre les b. mains d’auteurs qui ont bien voulu me les communiquer. + En en extrayant la matière, je crois avoir fait œuvre utile; je l'ai au moins essayé. Les séries qui suivront comporte- ce ront, par leur sujet même, un caractère d'originalité beau- . coup plus accentué. _ me reste à souhaiter que mes camarades, mes collègues, publication antérieure, « les Arbres et les peuplements … forestiers », dont l'édition entière a été épuisée avec une 3 pos que je n'aurais osé SR LA saisis avec ne G. HurFFEL. DTILITÉ DES FORTS LE l : 4 CHAPITRE PREMIER LES PRODUITS FORESTIERS SOMMAIRE _ Traverses de chemins de fer, Pavés de bois. Paille de n, dans le cours du xix* siècle, du prix des bois d'œuvre Autriche. Fi $ 4. — Produits forestiers divers. c, la gutta-percha, la balata. rabique, la gomme sénégal. La copale. Le quinquina. s alimentaires des forêts coloniales. La cannelle. La A L'UTILITÉ DES FORÊTS dans leur histoire. Nos premiers ancêtres, dit-on, tiraient e chasse et de la récolte des fruits spontanés la base de leur mentation : le souvenir de ces temps lointains s’est conse chez le poèle qui nous chante, comme l'âge d’or, l’époque où 1 premiers hommes ramassaient, pour s’en nourrir, les glan: tombés de l’arbre majestueux de Jupiter. Ce qui est certain, c'es que les anciens professaient pour les forêts un respect qui ave évidemment son origine dans le sentiment profond de leurutilit Pline nous dit qu’elles sont le bien le plus précieux que les dieux aient octroyé aux hommes (1). Tous les peuples primiti avaient établi dans les forêts la résidence de leurs divinités longtemps on a continué d'y pratiquer les cérémonies d’un cul dont les derniers vestiges ne sont pas encore entièrement effacés de nos jours. Nous avons quelque peine, de hui, à nous faire une idée tout récents, de l’industrie et de l’agriculture. Tout d’abord, la forêt est restée très longtemps, jusqu’au débi du xix° siècle, la seule source du combustible. Pos se ee de leurs minerais et pour forger les métaux, pour tel tous les foyers industriels, le bois était la seule ressource des charpentes de nos maisons et celle de nos navires; le Là S. nous procure encore celle de nos meubles et de le plupart de étroite encore, un accroissement ca de consomma tion de matière ligneuse. C’est à quoi songeait Sully et, ne lart). Las 1 PRODUITS. FORESTIERS EE Pa, rt lorsqu’ ils disaient que la France périrait un jour aient ni le sucre, ni la stéarine, ni le pétrole! On en it les LR mortes, PRO paca là surtout où É )1 éa, celle du pin sylvestre et du sapin étaient jadis soi- ement exploitées : on les dédaigne aujourd’hui. IL serait 6 à sait, étaient restés, comme leurs : premiers er seurs passionnés. La conservation, à travers les siècles, situation se présente d'une part dans les pays à terrain pauvre et à ide où la culture des céréales est.à peu près impossible et d'autre part dans des pays à sol très fertile où les eultivateurs s'adonnent de préférence * cultures industrielles à grand rendement comme le tabac, les betteraves, lon et négligent le blé, moins rémunérateur. aines forêts de hêtre en avaient même pris leur nom. Parmi nos souve- enfance $e trouve un bois de hêtre, près de Bitche, en Lorraine, que l’on Jai « * Olig-wald », la forêt à huile, 6 L'UTILITÉ DES FORÊTS d'un immense domaine forestier royal, ducal ou seigneurial s'explique surtout par le soin jaloux avec lequel les souverains ménageaient le terrain de leurs chasses : c’est au culte de nos | rois pour le « noble déduit » que nous devons, en grande partie, de posséder dans le domaine national cette partie Mie 4 précieuse et la plus riche de nos forêts qui provient de Pancien. domaine souverain. Aujourd'hui même, la chasse en forêt n’a pas perdu toute importance. La location du droit de chasse 3 fournit encore un appoint notable (quatre à cinq pour cent 4 environ) au rendement des forêts de l'Etat français. Per D Cependant de tous les revenus forestiers le plus Re aux yeux de nos ancêtres était certainement le pâturage. ILest | bien connu ot banal de répéter que, pendant tout le moyen-âge 4 et au début de l’époque moderne, les forèts étaient estimées, 4 non pas tant d’après la richesse de leur matériel ligneux que d’après le nombre des bêtes aumailles ou des pores qu’on pou- vait y nourrir. Ce qui est remarquable, c’est que cette situation | ait HOrRIA même dans certains pays très riches et très civili- ‘4 sés, jusqu’à une époque relativement récente. Une description 1 faite en 1560 de la forêt de Haguenau (Alsace), la plus riche de la vallée du Rhin, dans une région très anciennement peuplée Ë et prospère, se borne à indiquer, pour donner une idée de son M étendue, sa longueur en lieues et le nombre de pores qu’on 1 peut y nourrir. Au cours du xvur siècle, la dite forêt rapportait = à la ville de Haguenau, par l’exploitation dela glandée, au moins vingt fois plus que par les coupes de bois (1) et le revenu de … celles-ci ne commence à devenir franchement le revenu prin- cipal que vers le milieu du xv° siècle (2). ot ni 0 (4 Dès cette époque, cependant, les constructeurs de navires de Rotterdam venaient à Haguenau pour y acheter des chênes que le flottage amenait, par NE Rhin, jusque sur leurs chantiers. (2) L'exploitation de la glandée de 1506 procura à la ville un bénéfice net de 1 plus de 32.000 fr. de notre monnaie.On avait mis en forêt, cette DAS SAR 4 7.000 pores, dont beaucoup appartenaient à la ville, qui faisait la spéculation d'en acheter pour les revendre après engraissement. Il en était venu de très loin : un. porcher de Montbéliard, localité distante de près de quarante lieues, en avait amené un troupeau de 500 têtes. Les animaux, engraissés pour le compte de la ville, furent exportés en masse jusqu'à Heidelberg, Francfort, etc. La glandée de M À mesure que Piéneithtre a Drogressée là pratique du pâtu- en forêt : a été de plus en plus abandonnée. Les droits que plètes, et nous relevons 26 de ces dernières dans une rioñle f de 92 ans re ent communiqué par M. le chanoine Hanauer, archiviste de la ville de Ha- de pin sylvestre, 3.900 dechène et 2.400 de hêtre. D'après ces données, la forêt uisait, au xvr° siècle, par le panage, pour la partie peuplée de chêne et de L sun revenu net par hectare équivalent à 3 à 4 fr. de notre monnaie. Le ren- dement fourni par le bois à cette époque était à peu près nul, à peine suffisant ir compenser les charges de la propriété. Un quart de siècle après l'installation e maîtrise des Eaux et Forêts à Haguenau et la mise de la forêt en coupes es (celle- ci eut lieu, à Haguenau, en 1695) la forêt produisait net pour le bois, mpris la valeur des délivrances aux habitants, environ 2 fr. 40 de notre 0 mnaie par hectare et par an (moyenne des années 1719 à 1721). Ce n’est que Ve DS du xva* siècle que le revenu Ro commence à dépasser celui 1e upes de bois produisent environ trente fois plus d'argent qu'en 1720 et le enu du panage est devenu insignifiant. . Guyot, les Foréts lorraines avant 1789. Nancy, 1886, page 161. L'UTILITÉ DES FORÊTS On peut remarquer que beaucoup de menus produits, si valeur pour le propriétaire forestier, sont toujours encore une ressource précieuse pour les populations riveraines des forêts. La récolte des baies, fraises, framboises, champignons, mous- ses, des plantes ornementales ou officinales, du menu bois mort, « des cônes vides des pins, des bruyères, fougères, etc., ordinai- rement abandonnée gratuitement ou à peu près aux habitants M pauvres des villages forestiers, constitue pour ceux-ci un petit « bénéfice qui contribue à les attacher au sol natal et à arrêter « leur émigration vers la ville. Ce rôle économique et social de la forêt, restée la source gratuite et commune de petits profits 4 pour les humbles, mérite d’être relevé (1). $ 2. — Les bois de chauffage. Ce qui précède suffira à donner une idée du rôle de la forêt comme fournisseur de produits accessoires divers, rôle beaucoup plus important dans le passé et d'intérêt plutôt historique qu’ac- tuel. Nous n’aurons plus à nous en occuper dans la suite de cet « ouvrage. Nous n’envisagerons, comme produits matériels directs des forêts, que Ze bois, les écorces et la résine du pin 1 maritime qui constituent, de nos jours, la partie importante du « revenu immédiat des exploitalions forestières en France. # Les produits ligneux peuvent se classer de bien des manières, | Nous nous contenterons ici de distinguer les bois de feu des L bois d'œuvre, en séparant ces derniers en diverses catégories, suivant la commodité de notre exposition. & Le bois de feu, on l’a dit plus haut, a été le premier, le « plus important,et il estresté jusqu’à ce jour le plus considérable M des produits de la forêt, sinon par sa valeur, du moins par sa # masse. Les trois quarts de la production des forêts françaises M sont encore en bois de feu (2). (1) La forêt estle manteau du pauvre (proverbe suédois), 6 = (2) D'après l’un des auteurs les plus compétents en la matière, la situation de # D 47? à : 4 9 Le. D maton de 756.000 sières, ne st. 45 par tête, ement le me” de ce qu “elle était en Es LD cu È 2. 661. 000 habitants, ce n’est plus que 0 st. 20 a tête, je dans les FAnpasnes: Ces dernières, plus fidèles aux anciens "Méca emagne ne serait pas beaucoup meilleure à cet égard, bien que les résineux les deux tiers des un pee FAURE de ce pays. M. Le Lie is d œuvre dans le revenu des quatre fione itbatasée de forêts de: s allemandes. Il est vrai que, depuis 20 ans, cette proportion a dù augmenter ee Vos 10 L'UTILITÉ DES FORÊTS clientèle du bois de feu diminue rapidement, d'année en raisonnablement rémunérateurs, Ilest devenu nécessaire, pour le forestier soucieux de l'avenir de son exploitation, de prévoir le jour où le bois de chauffage ne sera plus employé que dansles campagnes les plus reculées, à ou comme combustible de luxe par les classes les pite riches de la population (1). 4 En dehors des foyers domestiques, les foyers industriels absorbaient autrefois des quantités énormes de boiïs ou de char- " bons de bois. Les hauts fourneaux, les verreries, les salines,les “3 tuileries et les fours à chaux ont été longtemps des débouchés 4 extrêmement importants pour la forêt. Nous voyons, aux siècles 4 passés, ces élablissements s'installer dans les régions les plus boisées du pays, au centre même des grands massifs. Nos sou- : verains se sont souvent préoccupés d'assurer l’alimentation en combustible des usines en leur donnant, comme privilège, un droit de préemption sur les bois des forèts avoisinantes ; ls | servitudes ou affectations qui, sous l’ancien régime, grevaient - quantité de forêts particulières au profit d'établissements indus- 1 triels, étaient l’objet de difficultés et de protestations incessantes dont nos archives conservent le souvenir. Cette situation a per-. sisté jusque vers le milieu du xix° siècle. Une statistique officielle À 73 + ci Te di L 7# & : de 1854 nous apprend qu’en 1852 les hauts fourneaux ont brûlé, « 4 en France, 5.200.000 quintaux de charbon de bois, ce qui 1 représente, en y ajoutant le bois brûlé en nature, environ huit « millions de stères (2) ; c’est plus du quart de la production en * bois de feu des forêts françaises. Aujourd’hui, la houille etle - coke sont, à de très rares exceptions près,les seuls CORANSURIES industriels. Les nouvelles usines se construisent à proximité (4) L'emploi si commode du gaz de houïlle et peut-être bientôt de l'électricité "# pour le chauffage des appartements menace d'enlever au bois cette dernière partie # de sa clientèle, # (2) Clavé, Etudes sur l'Economie forestière, p. 213. sk É. 3 D la verdure des bois sont en ruines et cpu longtemps le bruit des « martinets » des forges a cessé de retentir dans nos _ vallées forestières. ” … Cette véritablerévolution, pressentie avec une admirable net- 2 teté de vues par les forestiers français dès le commencement du 3 siècle dernier, est due à la généralisation de l'emploi du com- pont minéral. Ce fut, dit-on, un Ur liégeois, nommé En. avec ke charbon terre. Il est certain, en tout cas, qu'un siècle et demi plus tard l’emploi de ce combustible était encore . interdit en Angleterre comme dangereux pour la santé publi- que: : plus de trois siècles devaient s’écouler avant qu'on em- : 14 couramment (vers la fin du xve siècle) la houille pour le ra chauffage domestique. On croit que nos houillères du Forez, les … plus anciennes du pays, sont exploitées depuis le xive siècle, &. mais ce n’est qu’ au siècle dernier que les houillères françaises à (par suite de la découverte des mines d’Anzin en 1734), puis celles de l’Autriche et de l'Allemagne ont pris de l'importance. En 1787, la production française était de 227.000 tonnes et la … consommation de 432.000. En 1802, la production était quadru- … plée et la consommation avait doublé. En 1901, la production française s’est élevée à 32,8 millions de tonnes ; elle a plus que centuplé en un siècle et représente actuellement 10 p. 100 : a $ ie ie? La de la consommation. . On peut admettre que, à poids égal, le charbon de bois et la É -houille ordinaire ont sensiblement même puissance calorifique. & Pourproduire une tonne de charbon, il faut, suivant les essences - employées, huit à dix mètres cubes de bois, c’est la production — annuelle de trois hectares de forêt. S’il fallait obtenir, en char- bon de bois, un combustible équivalent à la houille extraite … innuellement du sous-sol de la France à la fin du xix° siècle, F2 # une surface boisée de cent millions d'hectares serait nécessaire, 27 2 et pour faire face à notre consommation annuelle cent cinquante millions d'hectares seraient à peine suffisants : c’est seize à dix- 12 L'UTILITÉ DES FORÊTS sept fois plus que nous n’en possédons et bien plus du triple: de la surface cultivable de notre pays. Ceci montre bien à quel. point les forêts seraient insuffisantes à alimenter nos foyers si nous n'avions pas le combustible minéral à notre disposition. Ce qui est vrai pour la France l'est, à plus forte raison, pour d’autres pays. L’Angleterre extrait annuellement de son sol 220 millions de tonnes de houille : pour obtenir en charbon de bois un combustible équivalent, il faudrait une forêt de siæ cent soixante millions d'hectares, c'est une surface cing cent cin- quante fois supérieure à celle des forêts du Royaume-Uni et | vingt-deux fois plus grande que l’étendue totale de ce Royaume en Europe. De même, en Allemagne, les houillères produisent en ce moment soixante fois plus de combustibles que n’en pourraient fournir toutes les forêts réunies de l'Empire et qua- torze fois plus que n’en donnerait une forêt couvrant tout le pays. Dans les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, une des régions les plus riches en bois du globe, les houillères donnent chaque année environ 245 millions de tonnes (production de l’année 1900) ; c’est dire que, pour fournir un combustible équi- valent, il faudrait trois à quatre fois plus de forèts que n’en pos- sède ce pays (1). Ces chiffres sont assurément les plus propres du aile à montrer jusqu’à quel point le rôle de la forêt comme fabricant de combustibles est devenu secondaire à notre époque. La pro- duction du bois de feu devient de plus en plus un véritable ana- chronisme et la situation de la plupart des propriétaires de forêts, orientés actuellement, en France surtout, principalement « vers la production du bois de chauffage apparaîtrait bien som- nn ne ne Ge dE és pe à a. PRE ER 7 Tnt ml à > ea dis dette bel an: Ghaulé ape à ide (1) Les publications officielles du gouvernement de Washington estiment à 200.000.000 d'hectares l'étendue des forêts des Etats-Unis. — Si l’on estime à six milliards d'hectares la partie de la surface des continents susceptible de porter des forêts (abstraction faite des déserts, steppes, glaciers, eaux intérieures, etc.), et à 30 0/0 le taux de boisement de cette partie, ce qui est certainement très au-dessus de la réalité (le taux de boisement de la Russie atteint à peine ce chiffre), il en résulte que toutes les forêts du globe réunies suffiraient à peine à fournir les deux tiers du combustible nécessaire pour remplacer les huit à neuf cents millions de tonnes que produisent ausePo rte) les houillères en exploitation. PR Ne ee. CS DEN 7 D. nt nent RE dE LES PRODUITS FORESTIERS 13 bre s’il n’était heureusement possible de s’appliquer partout, de - plus en plus, à fabriquer du bois d'œuvre (1). C’est ce que les agents forestiers de l'Etat pratiquent, depuis trois quarts de … siècle, dans les forêts qui leur sont confiées. Il est de l'intérêt RE PR ec r base . évident de tous les propriétaires forestiers de les imiter en cela, … malgré les sacrifices et les difficultés considérables qu’entraîne une modification complète de leurs aménagements et malgré Paugmentation énorme de capital, accompagnée d’un abaisse- ment du taux de placement, qui en sont les conséquences forcées. $ 3. — Les bois d'œuvre. Les bois d'œuvre, c’est-à-dire ceux destinés à un autre emploi - que le chauffage, sont utilisés sous des formes d’une variété za pour ainsi dire infinie. Nous nous bornerons, dans cette revue rapide des produits les plus importants de la forêt, à mentionner ceux qui suivent. Les Bois de marine étaient autrefois employés, à l’exclusion de toute autre matière, à la construction des navires. Les chan- … tiers de constructions navales consommaient des quantités pro- … … digieuses des bois les plus précieux et les plus rares de nos …_ forêts. Il ya très longtemps déjà que le recrutement des bois de marine était un sujet de préoccupation pour les grandes puis- sances navales. C’est à propos de ses efforts pour augmenter la - puissance sur mer de la France que Colbert fut amené à s’occu- per pour la première fois de forêts : ce fut la restauration de …. notre marine qui devint l’occasion de celle de nos forêts que prépara l’admirable ordonnance de 1669. Dès cette époque, les … constructeurs de navires allaient très loin chercher les chènes - de fortes dimensions: les premiers chemins d’exploitation frayés (1) On verra de plus, au $ #4, que de nouveaux débouchés, ouverts depuis peu à là matière ligneuse, tendent à augmenter de plus en plus la quantité utilisée … comme bois d'œuvre des produits de nos forêts. 14 L'UTILITÉ DES FORÊTS à travers l'immense massif de la forêt de Haguenau (Alsac bien avant mème la conquête française, le furent par des Ho landais, qui venaient jusque-là chercher les chênes de fortes dimensions si nombreux dans cette forêt pour les transporter, au % moyen des cours d’eau flottables, jusqu’au Rhin et de là dans leur pays. La nécessité d’approvisionner les arsenaux maritimes avait amené nos rois, dès le xiv° siècle, à prendre des mesures pour se réserver dans toutes les forêts, y compris celles des par- ticuliers, le droit exclusif d’abattre les bois propres à la cons- truction des navires. L’ordonnance de 1669 réglementa à nou- veau ce privilège: les agents de la marine avaient autorité pour … se réserver, dans toutes les forêts royales, des communautés laïques et ecclésiastiques, ainsi que dans celles situées à moins « de dix lieues de la mer et des rivières navigables, tous les arbres à leur usage (1). Ce système resta en vigueur jusqu’en 4792. Il … fut rétabli, avec bien plus de sévérité encore, lorsque Napoléon commença à se préoccuper de construire une flotte capable de faire échec à l'Angleterre. La loi du 9 floréal an XI étendit le droit de martelage des agents de la marine à tous les arbres appartenant aux particuliers, sans distinction d’essences ni de dimensions, même à ceux des parcs et des avenues. Les proprié- | taires étaient tenus de faire six mois d'avance la déclaration des © arbres qu’ils voulaient abattre : la marine faisait marteler ceux « qu’elle jugeait propres à son service et avait une année entière pour en prendre livraison. Ce n’était qu’à l’expiration de ce délai, et après une mise en demeure préalable, que le proprié- taire avait le droit d’en disposer pour son compte, si les ingé- nieurs n’en avaient pas voulu. Il était difficile d'imaginer rien de plus vexatoire et de plus arbitraire. Malgré cette mainmise générale sur tous les arbres de l’empire, la marine ne parvint (4) Les archives de la maîtrise de Haguenau nous ont conservé le souvenir des efforts faits par les officiers royaux au xvrr siècle pour empêcher l'exporta- tion des chênes vers la Hollande,aà l'époque où ce pays était en guerre avec la France; les Hollandais achetaient par- personnes interposées et les bois leur arrivaient en fraude, Ce détail nous montre combien, dès cette époque, les bois de marine étaient disputés. En Suède les rois avaient interdit complètement leur exportation et cette défense subsista jusqu’en 1810. LES PRODUITS FORESTIERS 15 jam mais à satisfaire ses besoins. A plusieurs époques, elle fut É _ obligée de faire des coupes extraordinaires dont la dernière, … celle de 1812, s’éleva à 257.000 sières (1). Ce régime a été aboli | denis et le décret du 16 octobre 1858 affranchit même les forèts - communales de la servitude de martelage, la marine ne devant En s’approvisionner que dans les forêts de l’Etat ou par des _ achats directs au commerce. | . En fait, la marine de gucrre n’emploie plus de bois aujourd’hui ni pour la carcasse, ni pour la coque, nimême pour la mâture. . L’acier s’est entièrement substitué au bois, qui n’est utilisé que . pour les aménagements intérieurs. Cette évolution a commencé en Angleterre au début du siècle dernier ; lorsqu'on appliqua la — vapeur à la navigation, il fallut construire des coques plus résis- | tantes, plus légères et de plus grande capacité que les ancien- nes coques en bois. La marine française commença à employer … lefer en 1843. En 1860, on employait encore à la fois Le fer et le bois. Les derniers bâtiments de bois, déclassés et démodés, qui subsistent dans notre flotte de guerre, en auront disparu dans un petit nombre d’années. Il est diflicile de préciser la quantité de bois absorbée par la construction d’un grand navire. On estimait, en 1846, les bois de la flotte de guerre française à 650.000 mètres cubes, repré- sentant un volume en grume de plus de 1.600.000 mètres cubes ; - l'entretien annuel absorbait 40.000 me. (2), le tout sans compter à mâture. Roscher (3) rapporte qu'il faut estimer en moyenne, pour chaque canon, sur les vaisseaux de guerre, 28 mc. 3 de bois, dont les neuf dixièmes en chêne et un dixième en rési- neux. L'enquête sur la mariné française de 1849 compte, par canon, de 36 à 51 mc. de bois, et, pour les bâtiments de com- . merce, À mc. par tonne. de Sn " nr al re Les " œ er sai ar (1) Clavé, op. citat., p. 231. —… (2) Cest un volume en grume de 100.000 mc., correspondant à peu près à la production actuelle des forêts de toute la France. Celle-ci est estimée à 300,000 me. de chêne de plus de O0 m. 50 de diamètre; le tiers à peine pourrait être utilisé comme bois de marine. (3} National Œkonomie des Ackerbaues, 2e édition, Stuttgart, 1885. pr, PE Mate à 16 mille canons environ. S'il fallait construire en bois une flotte. équivalente, il faudrait au moins un million et demi de mètres cubes, représentant un volume en grume de plus de trois mil- lions et demi de mètres cubes de bois de tout premier choix. C’est assurément plus qu’on n’en pourrait obtenir en abaltant M toutes les forêts de chêne de l'Europe. D’autre part, la flotte marchande de l'univers représente aujourd’hui un tonnage d'au moins trente millions de tonnes. On en peut déduire que tous les “4 bois de chène et de teck existant dans l'univers ne suffiraient pas, à beaucoup près, à reconstruire nos flottes actuelles si celles-ci venaient à disparaître. Il faudrait y épuiser le matériel entier d’une forêt de chêne pur {rois fois plus étendue quetou= tes les forêts de la France, de l’Allemagne et de l'Angleterre réunies (1). Il faut donc se féliciter de ce que les progrès de la métallurgie aient permis aux armateurs de se passer des bois qu'ils recherchaient si avidement autrefois. Le commerce par mer serait annihilé s’il fallait revenir aux vaisseaux de bois 5e nos bisaïeuls. Les bois de charpente, employés dans les constructions civi- les, ont gardé toute leur importance ancienne, malgré l'emploi du fer et de l’acier. Si l’on a complètement renoncé aux char- pentes de chêne, à cause de la rareté de cette essence que se disputent tant d’autres emplois, les résineux sont encore utili- f . A A , p_ à té sés, en plus grande quantité mème qu’autrefois, grâce au déve loppement de la richesse générale qui fait que l’on construit. beaucoup plus et plus spacieusement que jadis. Les charpentes de bois présentent, en effet, d’assez grands avantages sur le (1) Les grands chênes (rouvre et pédonculé) couvrent, en France, en chiffres ronds, 3.250.000 hectares, La production annuelle de 300.000 mc. de bois de ces essences mesurant 0 m.50 de diamètre ou plus permet d'admettre que les forêts renferment, dans leur matériel, environ trois millions de mètres cubes dont la moilié à peine serait utilisable pour La marine, qui exige des pièces de premier ordre, sans aucun vice ni défaut sur de grandes longueurs. Pour trouver les 10 millions de mètres cubes de bois de marine nécessaires, il faudrait donc épui- ser le matériel d'une forêt d'environ 63 millions d'hectares. LES PRODUITS FORESTIERS 17 | métal pour les constructions bourgeoises ordinaires, grâce à la - facilité de leur découpe et de leur assemblage sur place et grâce … à leur légèreté. Le fer ne devient avantageux que pour les bâti- £ ments très vastes, nécessitant des pièces d’une grande portée, 3 ou pour les portions des habitations exposées à l'humidité (pour le solivage des caves) ou bien encore là où des résistances exceptionnelles doivent être fournies par des pièces de faible - volume. On a cru, autrefois, que l'emploi du métal diminuerait - les dégâts des incendies; l'expérience a prouvéle contraire. Les « solives de fer se dilatent et se tordent sous l’action de la cha- leur,renversant ainsiles murs les plus résistants et propageant 2 le feu grâce à leur conductibilité. Les charpentes de sapin, les _. plus employées en France, non seulement ne sont pas délais- sées, mais deviennent, au contraire, de plus en plus recher- L … chées. Toutes les autres catégories de bois d’œuvre ont une _ tendance à à devenir de plus en plus demandées sur le marché. he Les doi de fente chêne, merrains et autres, sont parmi les — produits forestiers les plus recherchés, en France surtout, où — ilen est employé de très grandes quantités au logement des vins. Notre pays est très loin de pouvoir se suffire à ce point de vue; nos besoins annuels, très variables suivant l’impor- - tance de la récolte de la vigne, sont couverts par des importa- … Lions provenant d’Autriche-Hongrie et des Etats-Unis, dont la . valeur s’est élevée à trente-sept millions de francs en 1901 et à trente-trois millions en 1902. … Lessciages de chêne et résineux nous arrivent également en très À D masses (1.100.000 tonnes de résineux, 50 à 60.000 ton- …— nesdéchèneen moyenne, représentantune valeur de cent trente à millions de francs au moins) des ports du nord-est de l’Europe, des Etats-Unis, d’Autriche-Hongrie, du Canada, etc. La menui- serie et l’ébénisterie en consomment des quantités croissantes. —. A côté de ces utilisations anciennes du bois d'œuvre, qui ont conservé ou augmenté leur importance, il en a surgi un cer- . ECONOMIE FORESTIÈRE, — Î 2 18 L'UTILITÉ DES FORÈTS tain nombre de nouvelles depuis une cinquantaine d’années: Quelques-unes ont pris dans le commerce une place telle qu il ne sera pas hors de propos de s’y arrêter un moment. Une catégorie de bois d'œuvre, autrefois inconnue, à pris M rapidement une grande importance dans le cours du xx siècle: M ce sont les étais de mine. Les houillères emploient, pour étayer 3 leurs galeries, des quantités énormes de bois en grume de fai- 4 bles dimensions dont la fourniture est devenue un débouché important pour beaucoup de forèts. Les dimensions des étais varient beaucoup suivant les usages des compagnies houillères ; ordinairement les bois destinés à cet usage sont livrés par les. à propriétaires de forêts sous forme de perches ayant au moins 1. huit ou neuf centimètres de diamètre au petit bout et une lon- 3 gueur minima de quatre mètres environ. Les essences les plus employées sont le pin sylvestre, le pin maritime, le chêne, les aulnes, etc. Les étais de mine constituent un produit très inté- 4 ressant parce qu’il peut être fourni sans qu’il soit nécessaire 1 d’immobiliser dans les forêts, sous forme de bois sur pied, un » capital très considérable. La demande de cette catégorie aug- ” menté naturellement avec le développement des exploitations houillères. Voici qui pourra donner une idée précise de la rela- Ë tion entre la production de la houille etla consommation de bois … par les houillères (1). | ; Pendant les années 1877-à 1881 (cinq ans), les houillères roya- les de Sarrebrück (Prusse rhénane) ont extrait au total 28.807.000 tonnes de houille, Dans le même temps,elles ont con- sommé631.375 mètres cubes de bois, soit0 m. 027 par tonne (2), (1) D'après des renseignements fournis par la Direction des houillères royales de Sarrebrück à M. Danckelmannæt publiés par celui-ci dans le Zeitschrift für Forst und Jagdwesen (juillet 1885). (2) Les bois en question se répartissent comme suit, en millions de mètres cubes : chêne : grumes 128 ; sciages 7; quartier et rondin 5. Hêtre : grumes 40. Résineux: grumes 79; sciages 11. Essences diverses : étais 359. Au total 631.000 m. c. — Le Directeur général des forêts de Prusse (aujourd’hui décédé), Donner, dans sa 3e édition de la Statistique forestière de Prusse, indique que la cir- conscription minière de Dortmund a consommé, en 1892, 1.076.000 mètres cubes de bois pour l'entretien des galeries et puits des houillères,à savoir : 310.000 me. LES PRODUITS FORESTIERS 19 ds Ralunt environ 0 fr. 63. Si l’on applique ce chiffre à la produc- . lion du globe ct qu’on estime celle-ci à neuf cents millions de _ Lonnes, on voit que les houillères absorberaient annuellement “ au moins vingt-quatre millions de mètres cubes de bois, dont plus de la moitié en étais. = La consommation annuelle de bois faile par les houillères bel- f. ges pour étayer leurs galeries est estimée à 1.000.000 de mètres £. Lei valant au moins 23.000.000 de francs (chiffres de 1903). . En même temps que se manifestait ce besoin tout nouveau À _ des bois de mine, l’industrie des chemins de fer a demandé des 2 quanlilés croissantes de traverses. Celles-ci se font en plusieurs » essences : les plus communément employées en France sont le _ hêtre, le chène, le pin maritime et le pin sylvestre. Les tenta- tives faites, en Allemagne surtout, il y a quelques années, pour + introduire l'emploi des traverses métalliques n’ont donné que + des mécomptes ; la supériorité de la traverse de bois n’est plus … discutée. Les meilleures traverses sont celles de hêtre injecté ou - de chène : leur durée atteint quinze à vingt-cinq ans, parfois davantage, suivant l'intensité du trafic d’où dépendent les D. AS- 2 9 é - efforts auxquels elles ont à résister. Les traverses de pin ont une durée beaucoup moindre et celles d’épicéa (employées parfois en Allemagne) doivent être renouvelées tous les six à huit ans. Si ne longueur de quarante-trois mille kilomètres (1)(le chiffre offi- L ciel au ie janvier 1904 est de 42. on peut Rouet en de dns, 43.000 de hêtre et le surplus en résineux. Cela représente une consom- # = mation de 0 m.025 par tonne extraite, chiffre presque identique à celui trouvé à = | Sarrebrück. (1) La longueur totale des lignes de chemin de fer en exploitation dans le monde nier au der janvier 1901, non compris les lignes appartenant à des particuliers, + les tramways, etc., est de 790.570 kilomètres. (Bulletin de Statistique du minis- .…. Lère des Finances, 1902.) 20 L'UTILITÉ DES FORÊTS en bois de chauffage de la ville de Paris. On pourrait énumérer encore un assez grand nombre de. débouchés nouveaux ouverts au bois depuis peu de temps. I suffira de mentionner brièvement deux d’entre eux : le débit en pavés et celui en paille de bois pour emballages. -On emploie, pour le pavé, le pin, le sapin, le mélèze, le hêtre 1 et un certain nombre d’espèces exoliques. À Paris, c’est le pin. 1 maritime qui paraît donner les meilleurs résultats; les pre-… î miers essais de pavage au bois dans cette ville ont été faits vers 1885. Au 1% janvier 1894, la surface pavée en bois dans « les rues de Paris était de 741.000 mètres carrés, au 1 janvier « 1897 elle avait passé à 1.012.000 mètres carrés et au 1e janvier à 1904 à 1.594.000 ; ce dernier chiffre représente 18 p. 400, sois plus du sixième de la surface totale des rues de la ville. à La paille de bois se fabrique avec le bois des résineux; celle M d’épicéa est recherchée pour sa blancheur, le sapin est aussi très employé. Ce produit est supérieur à la paille de céréales pour l’emballage des objets fragiles : il est plus élastique, d'un : emploi plus commode et meilleur marché. | A l’appui des considérations qui précèdent il sera intéressant | de montrer, par quelques données numériques précises, quelle » a été la variation des prix,dans le cours du x1x° siècle, de quel- 4 ques catégories de produits forestiers. Les éléments du tracé . graphique ci-dessous (fig. 1) sont empruntés à la sus forestière rédigée à l’Ecole nationale forestière en 1876, com- ” plétée pour les années 1876 à 1900 en ce qui concerne le dépar- » tement de Meurthe-et-Moselle. : L Les courbes ci-dessousnous montrent très nettement une ten- dance générale à la hausse des bois d'œuvre, surtout des chê- ? nes de belle qualité que fournissent les riches futaies du cen- | tre de là France et des gros FRÈRE de nos taillis sous futaie do ! . * Class a nS RS > À & & EU A ve MTS Be * be ü Variation dans le cours du xixe siècle du prix, sur pied, du mètre A Li de bois dans diverses régions de la France. ee TR celle de 1848 a eu un effet plus consi- se ore. Les années de grande prospérité économique du à celle de 1848. Le « krach » financier 22 LUTILITÉ DES FORÊTS les prix au-dessous du niveau de l’année 1848; à ce qu’ils élaien vers 1820, à une époque où les routes faisaient presque complè- tement défaut dans la montagne. Æ.. Il a paru récemment une élude fort intéressante de M. von Guttenberë sur /es Variations du prix des bois dans la monar- chie austro-hongroise pendant la seconde moitié du xixe siè- « de quelques-uns des résultats obtenus. ! i | | H ! H 7 | y î | Î à 1 £ F ; k L PAR EN EST 7 | | NON hi N ns n "1 S © © © © ss LS } SR Si à ss $ È é Fig. 2. — Variation de 1848 à 1898 du prix des bois faconnés en forêt dans diverses parties de l'Autriche (d'après M. von Guttenberg). (1) Holzpreise in OEs'erreich, in den Jahren 1848-1898, par À. von Guttenberg, professeur à l'Ecole supérieure d'Agriculture à Vienne (Vienne, Moritz Perles, 1902). 4: _ LES PRODUITS FORESTIERS 23 Fe Voici comment M. von Guttenberg conclut son étude : 4 « Un coup d'œil sur l’ensemble de nos résultats montre qu’en général, dans tous pays de la monarchie, les prix ont haussé - (ans la seconde moitié du x1x° siècle, à savoir, dans la propor- tion de 1 à 2 ou 3 pour les bois d'œuvre, de 1 à 1,5 ou 2 pour es bois de feu. » Il est nécessaire de remarquer que les prix ê: qui ont servi de bases à M. von Guttenberg sont ceux des bois —. abattus et façonnés. Ils comprennent done, en plus de la valeur — des bois sur pied, celle d’une main d'œuvre relativement im- portante pour les bois de feu. Il est probable que, si l’on en _ tenait compte (ce que les données fournies ne permettent pas de faire), l’on constaterait que la valeur sur pied des bois de feu n’a guère augmenté, si même elle n’a pas baissé, tandis que celle du bois d’œuvre a augmenté rapidement, le renchérisse- ment des frais de façon étant insignifiant pour les gros bois, eu égard à leur valeur. $ 4. — Produits forestiers divers. L'industrie de la fabrication du papier au bois a pris, depuis un petit nombre d’années, un développement vraiment extraor- dinaire et a amené un renchérissement notable des bois résineux de petite dimension. L'idéed’utiliser la cellulose extraite du bois à la confection du papier remonte au milieu du xvimn® siècle, époque à laquelle deux . Français, Guétard et Gleditsch, fabriquèrent à Etampes les pre- | miers spécimens de papiers au bois. Mais ce n’est que vers 1850 que les procédés de fabrication devinrent pratiques et que l’in- dustrie de la cellulose prit de l'extension, principalement en Allemagne, Suède, Norwège et aussi en France. Les bois les plus employés sont les résineux : pin sylvestre, épicéa, sapin, dont les fibres sont relativement très longues — » jusqu'à huit ou neuf millimètres — et faciles à isoler. Les bois feuillus ont la fibre plus courte, sont moins répandus et d’un # pe 2h L'UTILITÉ DES FORÊTS prix plus élevé; cependant quelques-uns, comme le tremble, qui donne une très belle pâte, sont assez recherchés (1). Le pin maritime, le résineux le plus répandu en France, est à peu près x inutilisable, surtout lorsqu'il a été gemmé, à cause de la trop grande quantité de résine qu'il contient. Le cellulose peut être extraite du bois soit par des procédés mécaniques, soit par des procédés chimiques; d’où deux caté- tégories de pâtes à papier bien distinctes (2). Le procédé mécanique, le plus ancien, est encore le plus répandu, bien qu'il perde rapidement du terrain. Il consiste essentiellement à diviser le bois, aussi fraîchement abattu que possible, en une pâte molle par une friction énergique contre des meules de grès en présence d'un courant d’eau. On obtient, après diverses manipulations,une pâte dans laquelle la cellulose des fibres est encore unie à la vasculose et qui, par suite, ne possède qu’imparfaitement les propriétés feutrantes nécessaires à une pâte à papier. On l’associe à la pâte de chiffons dans la proportion de un cinquième à moitié pour les papiers fins à écrire, de moitié aux deux tiers pour les papiers de tenture et les cartons. Elle est surtout employée, mêlée à la pâte chimi- qué, pour les papiers de journaux à cause de sa grande affinité pour l'encre d'impression. Les pâtes mécaniques dites humides du commerce renferment encore 50 p. 100 de leur poids d’eau : on admet que 100 kilog. de bois sec produisent environ 100 ki- log. de pâte humide, i Les pâtes chimiques se préparent en soumettant le bois débité en menus fragments à l’action d’une matière qui l'attaque de façon à isoler les fibres des malières diverses qui se rencon- trent dans les tissus. L'opération se fait en vase clos sous une forte pression de vapeur d’eau et'à une température élevée. Les (1) La culture du tremble, en vue de la fabrication du papier, a pris une assez grande extension dans certaines parties de la France, notamment dans le dépar- tement de la Nièvre. (21 La plupart des détails qui vont suivre sur les papiers au bois sont em- pruntés à l'ouvrage de M. Urbain, répétiteur à l'Ecole centrale, intitulé : Les Succédanés du chiffon en papelerie. Paris, Masson et Gauthier-Villars (Ency- clopédie des Aide-mémoire). 1 4 1 :} 1 à LES PRODUITS FORESTIERS 25 - procédés les plus employés sont celui à la soude caustique et _ celui aux bisulfites de chaux, de magnésie ou de soude. Le procédé à la soude caustique fournit, en cellulose ou pâte sèche, le tiers ou un peu moins en poids de la matière ligneuse traitée. Il exige l'intervention de fortes pressions — jusqu’à 8 et “. 10 atmosphères — et de températures de 160 à 172 degrés. Le procédé au bisulfite repose sur ce que la vasculose du bois est attaquée par les bisulfites à une température d'environ 110 degrés, tandis que le cellulose reste intacte. L'opération est un peu plus longue, mais elle n’exige que de bien moins hautes pressions et des tempéralures moindres que le procédé à la soude; le rendement est aussi plus élevé. La cellulose au bisulfite est la meilleure; elle se blanchit très bien et équivaut au moins comme solidité de feutrage aux meil- leures fibres de lin et de chanvre, surtout lorsqu'elle a été pro- duite à basse température et faible pression. On l'emploie pour fabriquer des papiers de première qualité aussi beaux, suivant beaucoup de fabricants plus beaux même, et meilleurs que ceux préparés avec les pâtes de chiffon. Malheureusement, elle est un peu plus chère, en général, que la pâte à la soude; la diffé- rence de prix est actuellement de dix pour cent environ. _ La production du papier dans le monde entier était estimée, en 1895, à plus de un milliard et demi de kilogrammes; on cesli- mait à cette époque que l'Angleterre en consommait annuelle- lement six à sept kilog. par tête d’habitant. À ce compte la con- sommation, en 1895, de notre pays pourrait s’évaluer à 250 millions de kilogr. par an et exigerait environ, pour être satis- faite en papier à pâle de bois chimique, neuf cent mille mètres cubes de bois de pin sylvestre; c’est la production annuelle de 220.000 hectares de forêt au moins. Depuis 1895, la consomma- tion de pâte de bois a dû augmenter de plus d’un tiers en France, si l’on en juge par les progrès de l’importalion (1). (1) La quantité de papier nécessaire à l'édition quotidienne d'un de nos journaux populaires très répandus, comme le Petit Journal, suffirait à absorber pour sa fabrication la production annuelle d'une pineraie de mille hectares environ, en 26 L'UTILITÉ DES FORÊTS 2 La France a importé, en 1901, 164 millions de kilogr. de” 4 pâte de bois; dix ans plus tôt, en 1892, ce chiffre n’était que de … 90 millions. Elle a de plus acheté à l’étranger, la même année, 181 millions de kilogr. de rondins résineux destinés à la râperie, contre 60 millions en 1892. Ce dernier chiffre montre l'essor rapide de la fabrication indigène dont les principaux centres sont l'Isère et les Vusges. Les pâtes mécaniques représentent encore environ 55 p. 100 des pâtes importées; les pâtes chimi- ques, qui n’entraient dans l'importation que pour une propor- tion de 17 p.100 en 1892, en forment 45 p. 106 en 1901. La pâte mécanique nous arrive de Suède et de Norwège pour les neuf dixièmes; la pâte chimique de ces deux mêmes pays, d’Alle- magne, d’Autriche-Hongrie, de Belgique et de Suisse. : On a découvert depuis plusieurs années un procédé chimique qui permet de transformer la cellulose de bois en une matière visqueuse, laquelle, passée à la filière, donne un fil possédant le brillant et la finesse de la soie. On fabrique avec ce fil des tissus pouvant rivaliser avec la soie véritable, au moins pour les em- plois dans l’ameublement, les tentures, etc. Une usine impor- tante, établie à Besançon,exploite avec quelque succès l’industrie de fabrication de la soie artificielle. | On peut fäire au sujet des bois destinés à la râperie ou à la fabrication de la soie la même remarque que pour les étais de mine et les traverses de chemins de fer. Tous les bois employés à ces divers usages proviennent de tiges de faibles dimensions quiautrefois, auraient été débitées en bois de chauffage, quartier et même rondin. L’on peutdire avec assurance que les nouveaux débouchés en étais, traverses et bois de râperie compensent largement, dans l’ensemble des forêts, la diminution de la de- mande des bois de feu. Celle-ci n’est désastreuse que localement et seulement pour les forêts traitées en vue de la production du menu bois: charbonnette, fagots et bourrées. L admettant que son papier renferme proportions égales de pâte mécanique et de pâte chimique. k.” d Ps et ns cs le Re LES PRODUITS FORESTIERS 27 . Les écorces à tan ont été, jusqu'à une époque tout à fait - récente, la seule matière {anante employée pour la préparation des cuirs. Le tanin se trouve surtout abondant dans Ja portion 3 Drrerno de l'écorce des jeunes chênes, âgés de 20 à 25 ans au : D fntos. yeuse et kermès. Nos forêts françaises, sur toute l’éten- due du territoire, présentent des surfaces immenses traitées en - nué d’une façon extrêmement rapide. On en aura une idée juste si l’on considère que, dans la période de 1880 à 1899, les prix des écorces de qualité moyenne ont baissé de soixante pour tent : telle forêt à écorces qui EPETINE autrefois, net, 15 à … 20 francs par hectare et par an n’en rapporte plus que 4 ou 5; les forêts de ce type étant triplement frappées par la baisse des écorces, celle des menus bois de charbonnette et par la hausse + # ces forêts, d’ essences comme le pin d’Alep, le pin sylvestre ou - tannage des peaux beaucoup plus rapidement et plas économi- È quement. De plus, on importe en quantités croissantes des pro- duits exotiques divers quise subslituent avec économie à l’écorce 28 ; L'UTILITÉ DES FORÊTS de chêne. Les plus répandues sont: le bois du quebracho colo rado,qui nous vient de l'Amérique Centrale; le {anin du chène- liège; le catechu, extrait de divers végétaux croissant dans l'Inde (1); les va/onées, cupules du gland du Quercus valonea, ” originaire du Sud-Est de l’Europe; les myrobolans, fruits du terminalis citrina (Indes Occidentales), les sumacs, noix de galle, la canaigre, etc., etc. TES Le liège est fourni par l'écorce des chènes liège et occidental, | essences dont la zone d’habilation est très réduite; on ne les rencontre que dans les pays suivants : France, côte atlantique.... 25.000 hectares — côte médilerraneenne. .. 428.000 — De : 20 LT SR RTE … de 426.000 à 450.000 (2) { 604-000 AMASONNSESSSSSS TONI -2 2, RARE 85.000 à 115.000 RE Portugal. .....:.,.,,....:.. 300:000 | Espagne 0e, ie: .... 225.000 k MO ei re. .: "80.000 635.000 hect. MAROC RU RE RARE RS ce ? Les forèts à liège africaines sont encore loin d’être complète- ment mises en valeur. La production du liège dans l’univers était estimée à un peu plus de un million de quintaux en 1901, dont 41.000 pour la France européenne, 159.000 pour l'Algérie et 13.000 pour la Tunisie; le tiers du liège mis dans le commerce à cette époque élait par conséquent d’origine française. Le Portugal produisait, la même année, 455.000 quintaux et l'Espagne 255.000. D'ici un assez pelit nombre d'années la production de l'Algérie aura triplé (3) et celle de la Tunisie sera devenue huit fois plus forte ; celle du Portugal a atteint son maximum et se maintient sta- tionnaire, tandis que celle de Espagne paraît en déclin. Le liège est donc destiné à devenir un jour un produit spécialement français. À Se A NE À! À ñ 2 nt dé 2 LUE Y PET OR ESC LT EAP MP ET TN Vs. st (1) On emploie à Ja fabrication du catechu les espèces suivantes : FREGEIR cate- chu. Nauclea Gambir, divers Areca, etc. (2) La contenance des forêts de chéne liège appartenant aux propriétaires parti- culiers en Algérie et Tunisie est mai connue, (3) La production algérienne de 1902 peut être estimée à pr 165.000 quin- taux. LATE CN =, Mont A LES PRODUITS FORESTIERS 29 L'usage du liège était déjà familier aux anciens ; ils savaient utiliser pour les bouées d’ancres des navires, les filets, les bondes des tonneaux, les chaussures des femmes, son écorce qui renaît à mesure qu’on l’enlève (1). Pendant très longtemps cependant le liège demeura un objet d’utilité absolument secon- daire et ce n’est que depuis Le xvn° siècle, époque à laquelle l'usage des bouteilles en verre commença à se répandre, qu’on vint à le rechercher pour la fabrication des bouchons, qui est restée son principal débouché. On se servit d’abord du liège mâle et ce n’est qu’au xvin* siècle que l’on trouve en Espagne les premières traces d’une véritable culture du chène-liège (2). Plus des neuf dixièmes du liège produit annuellement sont transformés en bouchons, dont le nombre dépasse treize mil- liards. Les principaux pays consommateurs sont la France, l’'An- gleterre, l'Allemagne, la Russie et les Etats-Unis de l'Amérique du Nord, qui absorbent ensemble neuf cent mille quintaux par an. La plupart des essences dites résineuses ont été autrefois exploitées dans nos forêts au point de vue de la résine. Actuel- lement il n’y a plus en Europe que deux essences qui soient gemmées en grand, le pin noir d'Autriche et le pin mari- _ time; ce dernier seul est spontané en France. Aux Etats-Unis, centre principal de production de la résine, on exploite diverses espèces de pins, particulièrement le pinus australis (Mich.) ct le pinus tæda (L.) (3). L'industrie de la résine, nouvelle en France, y est née dans le cours du xix° siècle, à la suite des admirables travaux de fixa- tion des dunes et de reboisement des Landes effectués en Gas- (1) Pline l'Ancien, Histoire naturelle, liv. XVI, chap. rm (cité par M. Lamey dans son ouvrage le Chéne-liège. Nancy, 1893). (2) Lamey, op. cil., page 35. (3) La résine extraite du mélèze dans quelques localités du Tyrol méridional et des Alpes italiennes est l'objet d'une certaine exportation par le port de Venise; cest pourquoi on appelle l'essence qui s’en extrait {érébenthine de Venise. La manne de Briançon (résine des feuilles du mélèze), la térébenthine de Shrasbourg (extraite du sapin des Vosges) sont des produits qui ont entièrement disparu du commerce, 30 L'UTILITÉ DES FORÊTS > cogne. Cette œuvre grandiose, sans analogue dans aucun autre pays de lunivers, a créé de toutes pièces une immense forêt de» plus de huit cent mille hectares d'un seul tenant, le plus vaste massif de l’Europe si l’on en excepte ceux de la Russie et de la Suède septentrionales. Le gemmage se pratique en France en entaillant légèrement les dernières couches d’aubier des pins et en recueillant dans - de petits vases fixés au-dessous de l’entaille la substance qui s’en écoule. Ce produit immédiat ou gemme est ensuile soumis à la distillation dans de grands alambics chauffés lantôt à feu. nu, tantôt à la vapeur; l'essence de térébenthine passe et se. condense avec l’eau dont on la sépare par décantation. La matière restant dans la cornue est le brai sec ou colophane ; brassée avec de l’eau bouillante, elle donne un produit das d’une belle couleur blonde : la résine du commerce. On estime à 80 millions de kilos au moins la production de gemme annuelle des pignadas de Gascogne. On en tire de 13 à 26 millions de kilos d'essence de térébenthine, 50 à 60 millions de kilos de brais secs et colophane et une certaine quantité d'huiles de résine, produits secondaires dont la quantité peut s’évaluer à 5 ou 6 millions de kilogrammes au moins. La production américaine, qui est quatre fois plus importante que la nôtre, lui fait une concurrence redoutable sur les mar- chés étrangers, et mème sur le marché national. La valeur de la gemme et de l'essence est du reste extrêmement variable ; elle a passé par un minimum en 1895 et 1896, époque à laquelle le quintal d'essence était tombé à 40 fr. (1). Depuis, les prix se sont relevés, ils étaient de 50 à 55 fr. en 1901 et atteignent actuelle- - ment (1903) 80 à 90 fr. les 100 kilogs. La gemme brute se. payait, en 1901, 15 et 20 fr. le quintal. La France ne consomme guère que les deux tiers de sa pro- duction et exporte le surplus. La valeur des exportations de gemmes, résines, essence et huiles était, en milliers de francs, (1) L'Industrie de la résine en France, par M. D. Bellet. (Economisle français du 12 juillet 1902.) L LES PRODUITS FORESTIERS 31 MORE franesten sinus à! | 14880 D DE DR sd à aan du à 1891 ie EE SR CE RE MT EN SES 1894 Re td re. AR Ve Roi 1898 OP ET EEE. PRE CR EE SUCRES EUR 1901 On peut admettre, en se basant sur une valeur de treize cen- . times pour le litre de gemme, prix minimum qui n’a même pas _ été atteint au plus fort de la crise que subit actuellement l'in- dustrie de la résine, qu’une forêt de pin aménagée à 60 ans, comme le sont généralement celles des particuliers, produit environ 30 fr. net par hectare et par an, dont 12 fr. pour la - gemmeet le surplus pour le bois. C’est donc ce dernier pro- duit qui est le plus important, au moins lorsque la gemme est tombée aux bas prix de 1895 et 1896. Actuellement on peut esti- mer qu’il y a égalité de valeur entre les deux produits dans les forêts particulières; dans celles de l'Etat, traitées avec un âge d'exploitation plus avancé, le bois garde la première place, même avec des prix relativement élevés pour l'essence. La production française est susceptible de s’accroitre encore, et surtout de s’améliorer comme qualité et prix de revient. Les usines traitant la gemme sont actuellement très nombreuses et souvent, par suite, très peu importantes et assez rudimentaire- ment installées. De grands établissements pourvus d’un outil- _ lage perfectionné donneraient, avec moins de frais, un rende- ment plus élevé en produits meilleurs. La distillation du bois en vase clos donne, en outre du char- bon qui reste dans la cornue, de Pacide pyrolirneux et du gou- dron. Celui-ci se dépose au fond du récipient; de l’acide pyro- ligneux séparé par décantation on retire du #éthylène et des _ produits acétiques. ; Le méthylène ou alcool méthylique est employé, mélangé à la benzine, à la dénaturation des alcools qui constitue son prin- cipal débouché et en absorbe environ quinze mille hectolitres par an en France. Les produits acétiques servent à fabriquer 32 L'UTILITÉ DES FORÊTS | des acétates divers : de soude, de plomb, d’alumine, de cuivre; otc.., de l’acétone, de l’acide acétique pour l’industrie et de … l'acide acétique bon goût pour conserves. Du goudron, matière extrêmement complexe, on extrait une 2 quantité de produits variés, notamment la créosote, le gaïacol, les phénols, etc. Dans ces dernières années, l’industrie de la distillation du “4 bois a grandi et s’est beaucoup perfeclionnée en France. Elle exporte actuellement du méthylène à l'étranger alors qu'autre- fois notre pays en importait de grandes quantités. On estimait à quinze millions de francs, en 1901, la valeur des produits obtenus annuellement en France par la distillation du bois. Le rendement fourni par la distillation est d’environ 22 à 25 p. 100 en poids de charbon et 36 à 45 p. 100 de méthylèno et goudron. Depuis quelques années on a découvert un procédé pratique pour séparer, parmi les produits gazeux de la distillation, un gaz de bois susceptible des mêmes emplois que le gaz de houille et dont le prix de revient ne serait que de deux cen- times le mètre cube. Un quintal de bois donnerait 7 à 8 mètres. cubes de gaz. Les bois employés pour la distillation sont les brins de taillis, les mêmes qu’on carbonisait autrefois en meules sur le parterre des coupes. Cette industrie est intéressante parce que son extension serait de nature à enrayer la dépréciation des produits de taillis, si abondants encore dans notre pays. $ 5. — Les produits des forêts coloniales. Nous ne nous occuperons en principe, dans cet ouvrage, que des forêts de la France européenne. Il nous a paru cependant, en présence de l'intérêt si justifié et toujours croissant qu'éveillent depuis quelques années les richesses forestières denos colonies, LES PRODUITS FORESTIERS 33 . qu’il serait difficile de ne pas mentionner, au moins rapidement, ; les principales ressources qu’elles nous présentent. . Nos colonies ne nous fournissent, jusqu'à présent, que fort F peu de bois d'œuvre communs. Tout au plus pourrait-on men- - tionner le teck (Tectona grandis), dont l’Indochine exporte de … petites quantités (1), qui pourront devenir importantes par la | suite ainsi que les bambous et rotins qu’on tire surtout du Ton- … kin (environ 500.000 kg., d’une valeur de 355.000 fr., ont été EE exportés en 1897). L'exportation des bois d’ébénisterie a une _ certaine importance; nous en recevons de la Guyane française …. (le Wacapou — Andira Aubleti; le gayac — Coumarouna à odorata ; le Mora excelsa ; le Balata franc — Mimusops balata ; - l'ébène verte — Tecoma leucoxylon; le bois de violette — Pel- #0 Dore venosa; le bois de rose — Licaria guianensis; le cour- . baril — Æymænea courbaril; le bois de lettres, ete., etc.), du : Eng (ébène — Dyospiros ebenum ; l'acajou d'Afrique (2); le bois de corail — Péerocarpus erinaceus), du Dahomey (bois de _ fer), des Indes (bois de fer, gayac), du Sénégal. De l’Indochine … nous arrivent le trac — Dalbergia divers, Barixilon, Shorea, : etc.; de Madagascar des ébènes et des palissandres. La Nouvelle- _ Calédonie fournit un araucaria, du bois de fer — Casuarina equisetifolia, le niaouli, le santal, ete. etc. __ Les produits vraiment importants de nos forêts coloniales ou … de celles de nos voisins sont le caoutchouc, la gutta-percha, les » gommes et résines, le quinquina, le camphre, la canuelle et di- …. vers produits alimentaires (cacao, kola, huiles, beurre de karité, ele). (4) Le lieu principal de production de cette précieuse essence est la Birmanie. … Les Indes anglaises en ont exporté 88.000 mètres cubes, d’une valeur de 15 mil- lions de francs, pendant l'année 1898-1899. En seconde ligne viennent les Indes -” hollandaises, le Siam, ete. — (2) Les bois exportés sous ce nom ne sont pas les acajous véritables qui pro- viennent d'Amérique, Ils appartiennent à une douzaine d’essences diverses à É bois rouge disséminées dans les’forêts du Congo et de la Côte d'Ivoire. Cette der- _ nière colonie en a exporté 12.700.000 kgr. en 1898 ; ces bois se vendent jusqu'à t “el fr. le m. cube rendu en France. ECONOMIE FORESTIÈRE.— 3 L'UTILITÉ DES-FORÊTS IT. — LE CAOUTCHOUC ET LA GUTTA-PERCHA Le caoutchouc (1),appelé aussi gomme élastique, est contenu. dans le latex d'une foule de plantes appartenant à des familles très diverses (2). Les unes sont des arbres de grande où moyenne * taille, comme les /evea du Brésil et de la Guyane, les Castillo … de l'Amérique centrale, les Artocarpus de Java, Ceylan, etc.;, d’autres ne sont que des arbustes, comme l’Euphorbe entisy de =: Madagascar, les Landolphia de l'Afrique tropicale et méridio= nale, ou même des lianes comme certaines Zandolphia (Mada- #4 gascar), les Clitandra (dont on n’exploite que les racines) et les Willughbeia de Malaisie. M. Grélot (3) n’en décrit pas moins « d’une soixantaine d’espèces qui ont été botaniquement étudiées, 4 un nombre égal d’autres dénommées, mais dont l’étude reste à faire, et enfin une quarantaine qui ne sont connues que par les noms que leur donnent les indigènes. #0 Le latex à caoutchouc est renfermé dans des canaux,dits lati= ee cifères, qui se rencontrent dans toutes les parties des plantes : la tige, la moelle, l'écorce, les feuilles. Leur diamètre est très … 3 variable, non seulement d'une plante à l’autre, mais encore dans . 4 une même plante suivant les points. Il peut atteindre cinq mil- 5 limètres (chez certaines Jaucornia du Pérou) ou descendre à. d. deux dixièmes de millimètres (Landolphia). . La récolte se fait suivant des procédés divers. Pendant long- >. temps l’abatage fut la seule méthode usitée : on découpait l’arbre ou la liane en morceaux et on récoltait le latex qui en décou- lait. On pratiquait aussi de larges et profondes incisions annu-. | 7 . x de PE LL He TS Mules ait (1) Les renseignements que l’on trouvera dans ce paragraphe sont extraité de l'excellent livre de M. Grélot, professeur à l'Ecole de pharmacie de Nancy, sur l'origine botanique des Caoutchoucs et Gutllarpercha (Nancy, Berger-Levrault et Cie, 1899), de diverses notices d’origine officielle qui ont figuré à l'Exposition universelle de 1900 à Paris, et aussi du rapport de M. Coire, rapporteur du Jury international à cette même Exposition pour la clase 54, groupe IX (Forêts, pêche, : chasse, cueillettes. Paris, Imprimerie Nationale, 1902). (2) Les familles les plus importantes sont les EuPHORBIACÉES (genre Hevea) ; les Monacées (genres Arlocarpus, .Castilloa, Ficus), les Arocynées (genres Landol- phia, Willughbeia) et les ASGLÉPIADÉES. (3) Op. cil., pages 125 à 164. ne db) - ni À Da LES PRODUITS FORESTIERS 35 pou le même inconvénient, de détruire les plantes ées, à celles qu’on Le subir aux pins marilimes en extraire la gemme, tend à s'implanter de plus en plus on des pluies qui est la plus convenable pour la récolte. qu'on l’abandonne à lui-même, le caoutchouc, qu’il ren- m sous forme de globules en suspension, s’en sépare spon- comme on fait de la crème du lait de vache pour hâter la ration. Hors seree est trop lente, les malières albumi- ‘2 une botte de bois que l’on présente ensuite à lu fumée: la leur coagule le liquide(1); onrecommence lopération jusqu’à fumée, dont les gaz jouent un rôle important dans l'opération, est pro- ans des foyers de forme mené ue combustion de bois d’essences #7 36 L'UTILITÉ DES FORÊTS l'air et de la lumière. Au-dessous de 10° il perd son élasticité à Oeil est dur comme du cuir; à 30° il se ramollit; vers 170 186 il devient liquide. Sa densité varie de 0,914 à 0,967. | Fe Uni au soufre (vulcanisé),il conserve son élasticité aux bass températures et ne se ramollit pas jusque vers 1000. Si Von augmente la proportion de soufre on obtient l’ébonite, corps dur et cassant susceptible d’un beau poli. Si l’on substitue la magné-« sie au soufre l’on obtient l'ivoire végétal; on fabrique aussi dem l’ivoire dit artificiel en traitant par le chlore une solution très concentrée de caoutchouc. Le meilleur dissolyvant dû caout-m chouc est un mélange de 55 parties d'alcool pour 1000 de nt 4 fure de carbone. ‘4 Le caoutchouc était connu des Indiens avant la at de l’Amérique. C'est en 1736 que La Condamine, qui avait été” envoyé par le gouvernement français dans l'Amérique du Sud pour mesurer un arc de méridien, en rapporta le premier échan-« tillon en Europe, qu’il présenta à l’Académie des sciences. # « C’est une substance noirâtre et résineuse connue à Quito (où | La Condamine se l'était procurée) sous le nom de caoutchouc " que lui donnent les Indiens (1). » En 1775, Aublet, dans son Histoire des plantes de la Guyane française, décrivit le premier 44 arbre à caoutchouc connu et lui donna le nom de Hevea guia- nensis. Ce n’est toutefois qu'après la découverte du procédé de # la vulcanisation par l'Américain Godyear, en 1838, que lindus- « trie du caoutchouc prit de l'extension. É Le principal centre de production est le bassin de PAmazone, « et notamment la province de Para,d’oùlecaoutchouc estexporté M par le port de ce nom. Puis viennent le Mexique, le Sénégal, L. le Soudan, la Casamance, le Gabon, le Congo, Madagascar, ete. M Les importations en Europe étaient : | en 1865 de 7.223 tonnes. ee. en 1882 de 19.550 — en 1891 de 33.000 — TA R apr, NT ET ae (1) Mémoires de l'Académie des Sciences, février 1151 (citation empruntée à M. Grélot). FA LES PRODUITS FORESTIERS 37 3 On estime la production ‘actuelle (1900) du monde à 42.500 F4 tonnes (contre 30.000 en 1888), dont 22.500 pour l'Amérique «(12.000 en 1888), 18.000 pour l'Afrique et 450 pour l'Inde. Les ; colonies françaises, qui produisaient 142 tonnes en 1886, en ont | fourni 1.325 en 1899. —.… La France a importé, en 1899, 6.489 tonnes de caoutchouc 3 gutta-percha d'une valeur totale de 61 millions de francs ; 2 cette importation n’était encore que d’un millier de tonnes dix | ans auparavant. Les prix du caoutchouc, rendu en Europe, … sont actuellement de 41 francs environ le kilogramme pour les CR supérieures, de 7 fr. 50 pour les qualités moyennes. …—._ L'élévation des prix (ils ont haussé de cinquante pour cent depuis dix ans par suite de l'accroissement de la demande coïn- . cidant avec la réduction de la production dans certaines con- tirées) a provoqué des essais de culture artificielle de plantes à caoutchouc dans divers pays. Les Anglais ont obtenu de bons . résultats à la Trinidad avec le Gastilloa elastica, à Ceylan avec le manihot. Au Mexique, au Pérou, au Brésil, on plante avec - succès le Castilloa, l'Hevea brasiliensis : cette dernière espèce, * ainsi que l’Aevea guianensis el quelques autres sont cultivées - dans la Cochinchine, la Côte d'Ivoire, le Dahomey, la Guinée - française, à Madagascar, etc. On n’en est encore qu’à la période _ des essais; les premiers résultats paraissent toutefois encoura- re SERRES vies sans 2) cafe ei Le - La Gutta-percha est une substance de couleur blanc-jaunàtre où jaune-rougetre qui présente, à la température ordinaire, la . dureté du bois. Vers 50° elle se ramollit et peut alors s’étirer ou se laminer en feuilles ; on peut s’en servir à cet état pour pren- dre des empreintes très fines, d’où son emploi en galvanoplastie. Elle s’alière rapidement à l’air et à la lumière. Sa principale uti- lisation lui provient de ses remarquables qualités d’isolateur électrique non attaquable à l’eau de mer : on en revêt les câbles à ESS sous-marins. Elle s’extrait, par coagulation spontanée, du latex d’un assez .grammes. Plus des trois quarts de cette quantité provenait de L'UTILITÉ DES FORÊTS En nm" 38 surtout exploitée et fournissait une gutta de qualité supérieure, presque totalement disparu à la suite des exploitations abus qui ont été faites(1). Ces arbres ne se rencontrent guère que dar les Indes hollandaises el une partie de la presqu'île voisine Malacca. L’extraction est pratiquée par les indigènes malais, core plus d’à moitié sauvages, suivant des procédés qui entr gutta est connue en Europe. Les marchés où s’achète la oi sont ceux de Singapour et de Macassar. La France en a importé 650 tonnes en 1896, 715 en 1897 et 155 en 1898. C’est PAnglk terre qui en consomme le plus; après elle vient la France, pui PAllemagne. " La production moyenne des dix années 1885-96 a té: de 1.740.000 kilogr., celle de l’année 1896 étant de 2.235.000 kilo- Bornéo, Sumatra et Java. Les prix sont devenus fort élevés pour les belles qualités connues dans le commerce sous le nom de Pahang. TRES Un autre produit analogue est la Balata, extraite du les d’un 4 certain nombre de mimusops, arbres de la famille des Sapota- cées, qui croissent dans les Guyanes, au Vénézuéla et au Brésil. La balata est employée à faire des courroies de transinission extrêmement solides et élastiques, bien supérieures à celles de * cuir. La Guyane anglaise en exporte annuellement une centaine #2 L ÿ7 , _ (1) On a même cru pendant longtemps que l'Isonandra était passée à l'état d'espèce entièrement disparue et on n’en connaissait plus aucun exemplaire. Ce n'est que dans ces deraièr2s anaes q1on en a retrouvé un petit massifson cherche maintenant à PrÉpaser cette essence artificiellement.En une seule année (1878) on en à détruit cin4 millions d'individus à Bornéo. Les gultas de qualités ES: supérieures que fournissait l'{sonandra, et qui ont servi à construire les grands” F4 câbles ac tusllement en service, n'existent-plus dans le commerce: il seraitimpos- sible de rétablir ces câbles dans les mi êmes conditions de solidité qu” “aurefois æ 8'ils venaient à disparaitre. M 53 | Il est rettable que la Guyane française, où les arbres à balata ondent, n’en produise que des es ss à bida et l'A. seyal. La production annuelle est d’à peu près nd Pons de PANEn + la gomme re Cette more s Papilionacées. On la récolte par incisions ; on en trouve | à de faibles profondeurs dans le sol 0 pe. Nos colonies de la Côte net als d Afrique ont RE aa 1808, 269.500 kilogrammes de copale fossile et autre. JE Quinquina est connu en Europe depuis la fin du xvni siè- s, é ne à ele il fut DHEA par I euRen . avaient ho L'UTILITÉ DES FORÊTS *% que Pelletier et Caventou réussirent à en isoler la quinine,… alcaloïde qui en constitue le principe actif (1). Les arbres et arbrisseaux dont l’écorce fournit le quinquina | se rencontrent spontanés au Vénézuéla, en Colombie, dans V’'E= quateur, le Pérou et la Bolivie. Dès le milieu du xix° siècle, les Hollandais introduisirent la culture des arbres à quinquina à Java où elle a pris une très grande extension. Les Anglais firent … E. de même dans les Indes et les Antilles et les Américains,de leur - côté, ont installé des plantations dans le pays où ces végétaux se rencontrent à l’état sauvage de sorte qu'aujourd'hui le quin- "4 quina est devenu un produit de culture agricole bien plus qu'un produit spontané de la forêt (2). On emploie en médecine trois sortes de quinquina : le jaune à royal qui provient du Ghinchona calysaya (rubiacée), le quin= quina gris qui provient des C. mycrantha, C. nitida, C. pe- ruviana et C. officinalis, et enfin le quinquina rouge Ioipus par le C. succirubra. re La récolte se fait en écorçant, après abatage, les tiges, bran- ches et quelquefois les racines des arbres. L’écorce des tiges est débarrassée de son rythidome et ie en plaques, celle des branches s’enroule en canons. so £ à FU me NP TT D PR VOTE © F ae Lin Le marché principal des écorces de quinquina en Europe est à Amsterdam, puis à Londres. La vente annuelle à Amsterdam a porté sur 5.675.000 kilogrammes en 1898 et 5.700.000 kilo- k grammes en 1899. Le prix du kilogr. de quinine, qui était de 1700 francs en 1825, est tombé à une cinquantaine de francs à l'heure actuelle. : La à) \ Le Camphre s’extrait du. Laurus camphora, arbre très ré- pandu en Cochinchine, dans Ja Chine orientale et au Japon. On (1) Telle est du moins l'opinion commune. 11 {n'est pas certain cependant que la quinine renferme tous les principes utiles du quinquina et certains médecins ont une tendance à revenir à ce dernier, malgré les difficultés du dosage. Il en est de même pour plusieurs al caloïdes, comme l’atropine qui n'aurait pas non plus tous les etfets de la belladone. (2) Les plantations d'arbres à quinquina dans les Indes hollandaises et anglai- ses couvrent ensemble plus de 23.000 hectares. En 1902 les quatre CENTRES du buinquina consommé dans le monde provenaient de Java. LES PRODUITS FORESTIERS Ur réduit le bois en copeaux qu'on distille dans des cornues avec - de l’eau à feu doux ; le camphre se volatilise. Le rendement … est, dit-on, de 3 0/0 en poids. Le Tonkin fait un certain com- … merce de ce produit; il en a exporté 439 kilogrammes en 1898, » d’une valeur de 1.600 francs. IV. — LES PRODUITS ALIMENTAIRES DES FORÉTS COLONIALES … La Cannelle est l’écorce d’arbustes de la famille des laurinées. _ On en distingue deux espèces : celle de Ceylan fournie par le … Cinnamomum zeylanicum, et la cannelle de Chine, provenant - du Zaurus cassia et de la Cassia lignea. La cannelle de Ceylan est bien plus recherchée, d'une odeur plus aromatique, plus fine, et d’un goût plus sucré que celle de Chine. Le cannellier de Ceylan est aussi cultivé aux Indes anglaises, aux Antilles, Bré- silet Guyanes. On retire des feuilles et de l'écorce du cannellier * une essence qui donne lieu à un commerce considérable. » En 1898, Ceylan a exporté 1.365.000 kilogrammes d’écorces - en canon et 778.000 kilogrammes de débris d’une valeur de plus de quatre millions de francs. On estime à plus de 17.000 hectares l’étendue des plantations de cannellier dans ce pays où ce produit … est devenu un produit de culture bien plus qu’un produitspontané. & - Nos colonies d’Indochine en font aussi un commerce im- … portant; elles en ontexporté 309.000 kilogrammes, d’une valeur de 1.151.000 francs, en 1896. Plus des neuf dixièmes de la can- nelle française proviennent de l’Annam. La France consomme annuellement environ 200.000 kilogrammes de cannelle dite de … Ceylan et 100.000 de cannelle dite de Chine. Le Kolatier (Séerculia acuminata) est un assez grand arbre À qui atteint 15 mètres de haut et 2 mètres de tour. On le ren- … contre dans l'Afrique occidentale entre 7° et 10° de latitude … Nord dans notre Guinée, la Guinée anglaise et une partie du - territoire de la République libérienne. CE Pr pe MR AUS D CR ER A ot ES | ST EURE RS ES NTM tir Er Ha, L’UTILITÉ DES FORÊTS charnues qui, séchées au soleil, constituent le produit connu sous le nom de noix de kola. Les amandes de kola ont été de tout temps très appréciées des indigènes qui connaissent par- faitement leurs précieuses qualités. Ils les mâchent longuement pendant les marches, les mangent comme préservatif de la faim, de la soif, comme réparateur des forces, etc... Les pro- 4 priétés si remarquables de la noix de kola ont été l’objet dé: « tudes approfondies faites à l’Institut colonial de Marseille par Heckel et sont parfaitement établies maintenant. Aussi la noix - à de kola est-elle devenue lobjet d’un commerce considérable. dont l’extension est rapide. Malheureusement,ce produit ne con- … 4 serve sa qualité qu’au prix de très grands soins dans l’embal- lage et le transport. Les précautions nécessaires sont, paraît-il, rarement prises sur les navires et les noix qui arrivent en. Europe ont habituellement perdu la plus grande partie de leur | valeur. La Guinée française a exporté 30.000 kilogr. de noix de kola en 1896 et 70.000 kilogr. en 1897. Le Dahomey en exportait pour 70 francs en 1891, pour 23.000 fr. en 1895 et 44.000 fr. en 1899. Fe Led D na ip 5 ES ir ti AT ia RUE UE Le , “rie tie im ET RE, La fève de Cacao est la semence d’un petit arbre de 4à 10 mètres de hauteur, le Theobroma cacao, qui croît au Mexique, au Guatémala et à Nicaragua. On l'a de plus introduit par la culture dans de nombreuses contrées, notamment dans nos colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, en Guyane, au # Congo, aux Comores et dans nos établissements d’'Océanie. En outre de celles du TAeobroma cacao on utilise dans le commerce les graines du T'heobroma sylvestris, T. ee à id T. bicolor,du Gacao minor, etc. La France a importé, en 1899, 40.600.000 kilogrammes de fèves de cacao, d'une valeur de 74.300.000 francs. Sur cette quantité un million de kilogrammes provenaient de la Martini- que et de Ja Guadeloupe. Elle a importé de plus, la même année, _ LES PRODUITS FORESTIERS 43 3 201.000 kilogrammes de cacao broyé et 260.000 de beurre de cacao. La valeur des 100 kilogrammes de fèves est d’environ —. 190 fr. rendus dans nos ports. . La production de nos colonies en 1898 était : Pour la Martinique............ 635.300 kilogr. —:- Guadeloupe... ....:.. 533.100 — ete MORIN 1: ce te 1.900. — OU VAS Lun des 11.800 — — Congo....-...... CNE 15.600 — Le cacao, comme la cannelle, tend de plus en plus à devenir, ainsi qu'il est déjà arrivé pour le quinquina, un produit de cul- ture au lieu d’un produit spontané de cueillette. __ Le Palmier à huile, Z/œis quianensis, est un arbre de 15 à _ 20 mètres de hauteur, qui croît dans nos colonies de l’Afrique … occidentale et en Guyane. Ses régimes, lorsqu'ils sont jeunes, . constituent un aliment très apprécié (chou d’aouara). Les fruits __ sont des drupes de la grosseur d’une noix dont le noyau, très - dur, qui renferme une amande grasse, est entouré d’un sarco- carpe huileux. Ce fruit donne deux huiles différentes. Celle du sarcocarpe, liquide à la température ordinaire, est appelée Auile de palme. Celle de l’amande, solide et blanche, est connue sous les noms d’Auile de palmiste, beurre d’aouara, ete. L'huile de palme a tous les usages de l'huile ordinaire, no- _ tamment pour l'alimentation. Le beurre d’aouara est ulilisé pour l’alimentation et surtout pour la stéarinerie et la savon- nerie. La France a importé, en 1900, huit millions de kilogram- mes d'amandes de palmistes, d’une valeur de deux millions de _ francs, et 22.600.000 kilogrammes d'huile de palme, valant 8.220.000 francs. Un peu plus de la moitié de ces produits pro- 2 _ venaient de nos établissements de la Côte occidentale d’Afrique. Mi Le palmier à huile est très commun au Dahomey, où il couvre, - dit-on, plus d’un million d'hectares entre Allada et Abomey. _ Le Karité (Bassia Burkii) se trouve en abondance dans nos … coluniesde l'Afrique occidentale,entre 6*et14° de latitude Nord, L "UnLTIÉ D DES FORÈTS Son fruit Lanterne une malière grasse Émedihie qu'on en le faisant bouillir dans l’eau après l'avoir écrasé. 1 surnage à la surface. Le beurre de karité n’est pas Europe, mais il est très employé pour la cuisine « chauds grâce à l'avantage précieux qu’il possède CHAPITRE II INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT SOMMAIRE $ 1. — Température de l'air. pérature moyenne annuelle, Moyennes mensuelles. Moyennes diur- nes. Amplitade des oscillations diurnes du thermomètre. Gelées ne # on aus de la forêt. Action réfrigérante de l'écran da _ cimes. Profondeur à laquelle les gelées pénstrent dans le sol sous bois et nn bois. $ 3, — Fa md as de l'air. FE la Station de recherches forestières de Nancy. Postes forestiers des Cinq-Tranchées et de Bellefontaine, poste d'Amance-la- pluie recueillies pendant la saison froide et la saison chaude. In- luence de la pluviosité annuelle sur l’action de la forêt. Accroissement parallèle de la pluviosité et du taux de boisement dans une région que lon reboise. L’UTILITÉ DES FORÊTS suite, entièrement fausse, si l’on ne considérait que leurs pre è duits directs que nous avons rapidement passés en revue ai chapitre précédent. ‘€ La présence des massifs boisés a une action incontes(ile su le climat local des points où elles croissent et sur le climat géné- ral des régions où elles sont LPOMALORE ï S 1.— Température de l'air. A De sels RS" Z ,7 Eu ACL Des savants distingués, tels que Alexandre de Humboldt (1) et après lui Boussingault, Becquerel, etc., ont signalé Paction di de la forêt sur la température de l’air. Mais ce n’est qu’à partir d’une époque tout à fait récente qu’on a abandonné, en cette. matière, la méthode des théories a priori et qu'on a cherchéà donner à nos connaissances la seule base certaine : L'obsnEses tion scientifique. 4 C’est à la France,à l'Ecole forestière de Nancy,et plus spécia- ” lement à M. Mathieu, que revient l honneur de l'initiative de ce à genre de recherches. Les premières observations rigoureuses, 3 tendant à comparer le climat des régions boisées à celui d’au- +. tres régions identiques, mais dépourvues de forèts, ont été À entreprises aux environs de Nancy à partir du 20 janvier 1866. Les expériences ont été poursuivies depuis cette époque, sans qu’il ait été nécessaire de presque rien changer à leur plan pri- mitif. | Les autres peuples sont entrés dans la même voie après nous. Les premières expériences d’Ebermayer en Allemagne remon- tent à 1867. Après les Allemands,les Suisses, les Autrichiens et (1) Kosmos, 17 vol, p. 344. Humboldt considérait les forêts comme abaissant la température des régions où elles croissent : 4e parce que leur couvert s'oppose à l'échauffement du sol par les rayons solaires; 2 par suite de l'évaporation des feuilles ; 3° par suite du rayonnement nocturne résultant de la grandeur de la surface développée du feuillage, INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT 47 successivement la plupart des pays civilisés ont créé des sta- tions de météorologie forestière. Les résultats de tous ces travaux n'ont fait, d’ailleurs, que confirmer les travaux français, en montrant la généralité des lois observées et en les complé- tant à divers points de vue d’une façon fort intéressante. —. La température moyenne annuelle de l'air est plus faible É sous bois que hors bois. Voilà un premier fait que les expé- _riences françaises ont établi et que les observations étrangères - ont confirmé au point de lui donner la certitude d’une loi phy- ” sique générale. —._ Si nous plaçons un thermomètre à l’air libre, à 1m.50 du sol, … sous le couvert d’une forêt, et un autre, à la même altitude, … dans les mêmes conditions, voisin du premier, mais en terrain # découvert, nous observons une différence notable entre les indi- cations moyennes de nos instruments; le climat forestier est plus froid. L'écart est du reste assez faible. À Nancy, il s’est … trouvé en moyenne de 0°45 centigrade pour les années de 1869 à 1888, c’est-à-dire pour vingt années consécutives. Là, les expériences ont été faites dans une forêt de hêtres, à laltitude de 340 mètres. Les mesurages effectués de 1874 à 1878 par M. Fautrat dans 4 la forêt de Halatte (Oise), peuplée de chènes et de charmes, à l'altitude de 120m., ont montré un abaissement de 0°50 de la tem- + pérature moyenne annuelle par l’action de la forêt. Les obser- vations du même auteur à Ermenonville (Oise), sous des pins - sylvestres, à l’altitude de 100m.,ont donné un abaissement de cette moyenne égal à 090. Voiciencore quelques autres chiffres, A - relevés à l'étranger, concordant tous à nous montrer une moyenne plus basse en forêt. 48 L'UTILITÉ DES FORÊTS = MRSEES 4 kée ? FORETS NATURE = Mes : LÉ br OU STATIONS MÉTÉOROLOGIQUES DES ESSENCES = ee her OBSERVATIONS par la forêt Eberswalde (près Berlin)....{! pin sylvestre | 42%! 0032 |1875 à 1895 Haguenau (Alsace)....,..... id. 145 1.08 id, Altenfurt (près 1 Nüremberg): id. 325 0.80 1875-85 Fritzen (Prusse orientale). . épicéa 30 0.49 1875-95 Lôhrwald (près Berne)...., id. 500 1.05 1869-80 SE QUE (Haute-Bavière).. id. 595 « 1.44% RER Carlsberg (Silésie)...,.,.,,.. id. 690 0.50 1875-95 Sonnenberg (Harz)......... id. 774 0 22 id. Neumath (L OITaine)....+.. . hêtre 340 0.42 id. Forèt de Fahy, près Porren- truy (Suisse). 45 A CIRS id. 450 0.76 1869-80 Johanneskreuz (Palatinat). . id. 476 0.95 pe Melkerei (Basse“Alsace). . :.. id. 930 1,05 1875-95 Forèt de Brückwald près d’In- terlaken (Suisse). ........| mélèze 800 0.912 1869-80: On pourrait prolonger ce tableau sans rien ajouter à la cer- titude de notre loi générale; l’ensemble de toutes les observa= tion faites jusqu’à ce jour nous montre en forêt une moyenne annuelle inférieure d'environ un demi-degré à ce qu : est en. terrain découvert. Ce n’est pas seulement la température moyenne annuelle qui est abaïssée par suite de la présence des massifs boisés.Si nous comparons les moyennes mensuelles sous bois et hors bois, nous constatons que, pour tous les mois de l’année, l'indication moyenne du thermomètre est plus basse en forêt qu’au dehors. Cependant, etc’est là le fait le plus intéressant, l’action réfri- gérante de la forêt est bien plus sensible en été qu’en hiver, de sorte que les indications extrêmes sont moins écartées et que le climat des régions boisées est moins excessif. C’est ainsi qu’à Nancy la moyenne de juillet est inférieure de 1014 sous bois à ce qu’elle est hors bois; à Ermenonville, la différence atteint 204 pour les feuillus,2°0 pour les résineux (pins). Pour les mois d’hi- ver, la différence n’est guère que d’un dixième de degré et tantôt dans un sens tantôt dans l’autre. En Bavière, on a trouvé la _ INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT 49 moyenne de l’été abaissée de 2004, celle de l'hiver de 0°47; en uisse, ces mêmes chiffres sont 1°51 et 0°51; en Wurtemberg, 4970 et 0°30. On voit combien ces résultats sont concordants. É Si maintenant nous comparons les moyennes diurnes, dans le cours d’une année, nous observons ce phénomène intéressant : es jours les plus chauds de l’année qui ont une température moyenne de 24°48 à Nancy. hors bois, ne mesurent plus que 21°51, soit sensiblement trois degrés de moins, en forêt. Quantau - jour le plus froid de l’année, sa température est de — 5°12 hors » bois et de — 4°24 sous le massif. Nous voyons ici encore l'écart entre les températures moyennes du jour le plus chaud et le lus froid de l’année diminué de quatre degrés environ, exac- . tement 3°85, par l’action de la présence de la forêt. En Prusse, le même écart s’est trouvé réduit de 4°92 (1); en Bavière, de Bo01 (2). . Ilest fort intéressant de rechercher, enfin, l’action de la forêt : sur l’amplitude des oscillations diurnes du thermomètre. Les . observations françaises nous montrent cette amplitude réduite 4 d’une quantité qui varie de 3 à 5 degrés, suivant les saisons, par * labaissement du maximum de la ; journée et le relèvement du É minimum. C’est en été que l’action de la forêt est la plus sen- _sible, | 4 Les relevés ci-dessous empruntés aux observations prus- - siennes le montrent nettement. - (1) Ce chiffre résulte de l'ensemble des observations faites de 1875 à 1895 dans jour stations du réseau météorologique prussien, La température MOyenne du ue 6050: de même il a été observé des relèvements de la on nérature moyenne diurne allant j jusqu à 5°30 à certains jours d'hiver. Economie rorEsTIèRE. — I. L 5o L'UTILITÉ DES FORÊTS Action de la présence du massif sur la température aux différentes heures du jour. Température minima diurne.| 0064 | » | 4°01 0°80| » |0°59 — à 8h. du matin. 0°56 1°40 0°4% | 0.09 — à2h.après midi. ; | 0.84 1.80 1.04 0°39 — maxima diurne. 1.31 2,67 1.55 0.71 Cette action de la forêt, qui consiste à relever la température de l'heure la plus froide du jour, est extrêmement importante au point de vue pratique. Il arrive trop souvent, au printemps, que la température s’abaisse, après le début de la saison de végé- tation, au point de provoquer des gelées désastreuses. Il peut suffire de l’abri protecteur des grands arbres pour diminuer le refroidissement et écarter ainsi le fléau si redouté des gelées tardives. La même remarque s'applique aux gelées précoces de l’au- tomne qui, bien qu’elles soient moins dangereuses en France, . ne laissent pas que de faire quelques dégâts dans nos cultures. L'importance du phénomène des gelées printanières justifiera quelques détails plus étendus sur l’action préservatrice des forêts à leur égard. Ceux qui vont suivre sont empruntés à un compte-rendu des travaux des stations de météorologie fores- tière allemandes publié par M. Müttrich,. professeur à l'Ecole forestière d’Eberswalde (1). M. Müttrich définit la gelée tardive comme un abaïssement, au-dessous de 0°, de la température de l'air pendant les mois de mai, juin ou juillet. Nous citerons les résultats relevés dans les trois stations ci-dessous dont il convient de préciser la situation. 1° Carlsberg, en Silésie. Longitude Est de l’île de Fer 34°4?. Latitude Nord 50029. Altitude 753 m. Nature du peuplement (1) Zeitschri‘t ‘ür Forst und Jagdwesen, n° d'avril 1898. _ PRINTEMPS ÉTÉ s AUTOMNE HIVER 4° ie Le. 2 D RS Co... 2 on MR |RSs ITS [ASE STE ME sen INFLUENCE DES FORËTS SUR LE CLIMAT O1 u début des observations : perchis régulier d’épicéas de 45 ans. urée des observations : 1875 à 1894 (20 ans); | 2° Eberswalde, près Berlin. Longitude Est de l’île de Fer 1:30”. Latitude Nord 52°50”. Altitude 24 m. Nature du peuple- D rcions : : pins Rue formant un peuplement un peu régulier et clair âgés de 55 à 65 ans. Durée des observations : 711 à 1894 (18 ans). Voici un tableau résumant les principaux résultats constatés : ‘ _GELÉES TARDIVES CONSTATÉES DURÉE : DANS LA CAMPAGNE CULTIVÉE [SOUS LE COUVERT DE LA FORÊT] STATIONS des à proximité à proximité FM É de la forèt des terres cultivées MÉTÉOROLOGIQUES OBSKRVATIONS 3 SE é Graiot Dr Température er mate Température & Late moyenne dé PR à moyenne Carlsber Lhrbstite 20 226 — 300 171 — 24 | Eberswalde. , ..... 18 75 — 2.2 471 — 1.4 Haguenau ......... 18 62 — 2.0 37 — 13 - _ On voit très clairement que /es gelées tardives sont à la fois 5 moins RARES et beaucoup moins rigoureuses « constatons que l’abaissement de la température, pendant durée des observations, s’est produit pour la dernière fois, Oo EE 1 — 9% 25130 = 40 — jo en terrain cultivé|le 17 juin|12 juin|27 mai|16 mailil mai] 7 mai es sous le couvert.| 27 mai |[23 mai|13 mai] 5 mail » » Eberswalde | enterrain cultivé] 16 mai |14 mai! 8 mai » » » V sous le couvert.| 8 mai » -» » » » en terrain cultivé! 18 mai |11 mai! 7 mai » » » sous le couvert.| 8 mai | 8 mai » » » » 52 L'UTHITÉ DES FORÊTS d’où il résulte que les gelées sont à craindre beaucoup plus | longtemps et sont par conséquent plus nocives dans la cam=. pagne que sous bois (1). E Des constatations analogues pourraient être faites pour ea gelées précoces de l'automne. FE En somme, on peut dire que les grands massifs RSR exercent sur la température moyenne annuelle de l’air une ac- tion frigorifique sensible, puisque cette température estdiminuée : \ d’un demi-degré à un degré environ. De plus, sous leur couvert, les oscillations de la moyenne mensuelle, plus encore celles des “ moyennes diurnes, et, enfin, les variations de température dans le cours d’une même journée, sont bien diminuées. Les gran des chaleurs sont moins fortes et Les froids moins rigoureux en. forêt ; le climat est moins excessif, moins rude, tout en étant, en moyenne, un peu plus froid. FrUTR Last dE Le + > > Æ age cd LS és II EU EP ET Une Re MEN et M D ee Liu dd AC à ds OT et 9 ne LE te coute: Ain je dé) Il est naturel de penser que l'influence des forêts sur la tem- pérature de l’air varie suivant les essences qui forment les mas- sifs. L'état actuel de nos connaissances ne nous permet pas de comparer l’action des diverses essences sur la moyenne annuelle. Mais il ressort très nettement de l’ensemble des observations publiées que les forêts de hêtre, d’épicéa et de pins influent différemment sur l’oscillation annuelle des moyennes mensuelles CNET en à PEN Te (4) Consignons ici un résultat des observations prussiennes qui vient à l'appui de la croyance populaire d’après laquelle les gelées seraient particulièrement à redouter du 11 au 13 mai (jours des saints de glace). Le nombre total des gelées tardives constatées, pendant la durée des observations, dans l'ensemble des " 17 stations a été ÿ cast Es le : 1er mai de 282 10 mai de 242 19 mai dé 412 4 © 2 —955 A1 — 260 20 : — 112 4 3 — 194 12 — 278 21 — 89 4 AU es 00e 13° — 2H 29 — 97 1 AE de FR 14 — 167 23 — 46 d 6 — ) 205 15 — 1% 2% — 3 L 1,30" 283 16 — 161 2% — #3 | ge -\28S 17 — 42 etc. Dé. SR 18 — 149 ÿ | 2 L . Sous des massifs de hêtre... _ Sous des massifs d'épicéa......... dure 0°3 Sous des massifs de pin or SR OT 0°2 L. es des massifs de hêtre........... ... de 04 _ Sous des massifs d'épicéa. OS LOLeS 6 0°3 nes des massifs de pie sylvestre .…. CA 0°1 sous des climats très différents, ce qui diminue évidemment rtée des résultats constatés. Massif Massif Massif de pin de hêtre. d’épicéa. sylvestre. Pendant la saison de végétation 266 2010 4091 En dehors de la saison de végétation 0048 0091 0047 ] our le relèvement, par la forêt, de la température diurne ma de l’année, en moyenne pour une série d’années d’ob- Massif Massif Massif de pin de hêtre. d'épicéa, sylvestre, Pendant la saison de végétation 1000 1062 0017 . En dehors de la saison de végétation 0°38 1030 0°20 ocnae Temperatur.. Beslimmungen, dans le volume de 1901 des les de Fab oh méléor siopique de Prusse. Foie par M. Weber dans Loreys 7" DR D EN 54 L'UTILITÉ DES FORÊTS la température estivale paraît être plus élevée chez le hêtre, au, feuillage épais, et qu’elle est relativement faible chez Le pin. sylvestre, au -couvert léger (1). Celui-ci esf presque sans influence sur les minima, même en été; c’est l’épicéa, feuillu en hiver, qui l'emporte ici sur le hêtre. On remarquera que sous la forêt d’épicéa l’amplitude annuelle des moyennes diurnes est réduite de 3°72, sous la forêt de hêtre de 366, sous celle de a sylvestre de 2008. 22 Voici enfin, d’après M. Schreiber (2), des chiffres propres à faire ressortir la façon dont les différentes essences agissent D - sur l’amplitude dela variation diurne de la température de l'air. { Cette amplitude (c’est-à-dire l’écart entre l'indication maxima 1 et l'indication minima du thermomètre dans le courant d’une % même. journée) est réduite par l'influence de massifs #1 Au printemps. En été. En automne. En hiver, # De hêtre 1013 4027 2020 0°87 L D'épicéa 2087 3070 2063 1990 De pin sylvestre 1057 2077 2003 1086 TI À A quelle cause peut-on attribuer cette action si remarquable L. de la forêt sur la température de l’air sous les massifs? É Il semble bien que ce soit à l’action d’écran du feuillage des 3 cimes ou des feuilles mortes qui recouvrent le sol, et empêchent ù CLR 2 È 4 celui-ci d’absorber la chaleur solaire et, par suite, de la com- ; muniquer à l'air, qu’il faille la faire remonter. C’est ce qu'avait déjà supposé Humboldt en 1817. Ce qui tendrait à faire admettre cette opinion c’est que le refroidissement de Pair par la forêt est plus sensible au voisinage du sol que dans les cimes des (1) Les observations faites par M. Fautrat en France ont donné un résultat inverse ‘abaissement de la moyenne d'été de 1°18 sous les pins sylvestres, de 0°70 | sous les feuillus) ; mais les moyennes ne portent que sur trois années seulement. (1) Die Einwirckung der Waldes auf Klima und Witlerung. Dresde, 1899. Les chiffres de M. Schreiber sont des moyennes établies d'après un travail plus éten- du, publié dans la revue Zeitschrift für Forst und lagdwesen,en 1890,par M. Müt- trich, de la station de recherches prussienne. - INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT 55 arbres ou immédiatement au-dessus de ces cimes. Le tableau ci-dessous en donnera une idée. : Abaissement de la moyenne 4 . : annuelle par la forèt DURÉE STATIONS MÉTÉOROLOGIQUES D Je | ESSENCES 2 Le: Hilrel 3 : essus OU FORÊTS & eus Foie . des observa- Ada es |cimes (à Fa Ses + rfe tions Halatte (Oise, France)....... chêne et hêtre! 0°50 » 0.00 | 1876-77 Ermenonville (Oise, France).| pin sylvestre | 0.90 » 0.00 id Haguenau (Alsace). ......... id. 1.08 081 » 1875-95 | Eberswalde (près Berlin). id. 0.32 0.24 » i Neumath (Lorraine)......... hêtre 0 42 0.23 » id Melkerei (Alsace)......... ... id. 1.05 0.50 » id Fritzen (Prusse orientale)... épicéa. 0.49 | 0.27 » id : On a même observé plusieurs fois, dans des forêts d’épicéa, . que la température moyenne de l’année est plus élevée au niveau des cimes qu’elle ne l’est à la même distance du sol … au-dessus des terrains cultivés voisins. Cela peut êtredû à l’abri / que donnent au thermomètre, en hiver, les cimes abondamment _ feuillues et habituellement couvertes de neige. En voici un exemple emprunté aux observalions prussiennes : … Schmiedefeld (Thuringe); peuplement d’épicéas, à l'altitude E de 680 m., âgé de 60 ans au début des observations. Durée de _ celles-ci 1875-1895. ba température foprane annuelle à 4 m.50 du sol a été p lus basse en forèt qu’en terrain cultivé de 0°40. _ La température moyenne annuelle au niveau des cimes a été _ plus é/evée en forêt qu’à la même distance du sol en terrain découvert de 0°07. | _ Si l’on entre maintenant dans le détail des moyennes men- _ suelles on voit que, au niveau des cimes, et même immédiate- ment au-dessus (d’après Fautrat) la température est habituelle- ment plus élevée en hiver qu’elle ne l’est à la même distance du sol hors bois. La différence,qui peut atteindre un quart de degré, au niveau des cimes, pour la moyenne des trois mois d'hiver 56 L'UTILITÉ DES FORÊTS aussi bien pour les peuplements de hêtre que pour les résineux, est sensiblement plus faible (environ un dixième de degré seu lement) au-dessus de ce niveau. En été au contraire la température au-dessus du terrain boisé, aussi bien à 1 m. 50 du sol qu’au niveau des cimes et au-dessus du massif,est plus basse qu'aux mêmes distances du sol en plein champ. La différence va ens’atténuant à mesure qu'on s’éloigne du sol. IV Ce qui précède suffit à établir l’action de la forêt sur la tem- pérature de l’air du lieu où cette forêt se trouve. Peut-on ad- mettre que l’action du massif boisé se fasse encore sentir à dis- tance de ses rives, et d’une façon assez sensible pour modifier (au point de vue de latempérature) le climat général des régions dont le taux de boisement est élevé? Il semble qu’on puisse répondre affirmativement avec une certaine probabilité. Dans son livre sur les climats du globe (1),un savant russe, M. Woeïkoff, a essayé de résoudre la question de la manière suivante : Si l’on étudiela variation, suivant les lieux, de la tem- pérature moyenne de juillet tout le long d'un même parallèle géographique, entre 38° et 52° de latitude Nord, on constate assez nettement, après avoir éliminé l’influence de l'altitude, , un abaissement de la moyenne de juillet dans les régions riches en forêts, et un élèvement dans les steppes. La figure 3 montre les résultats obtenus par l’étude du 46° parallèle, de la Rochelle à l'embouchure du Volga. Pour éliminer l'influence de l'altitude, toutes les moyennes ont été ramenées à l’altitude de 200 m. dans l’hypothèse qu'il (1) Pétersbourg, 1884, Ilgin, éditeur. Un extrait revisé de cet ouvrage a été publié par son auteur dans les Geographische Milleilungen de Petermann, vol. de 1885, pages 81 à 87, C'est à cet extrait que sont empruntées les considérations reproduites ici. ACTE © SE bé: Le "4 ' fs 4 = NS j “4 ci rh we ne p" LUE ÉD Sd tubi DE 3e RE sédia).: ii ' 7. : È & Re M Pre. $ SL 0 sr tr SSSR 6 SË Là È si ë 8 ÊS î $ ig. E — r Variation, en Europe, de la température moyenne de juillet le long du 46° parallèle d'après Woeïkoff. + ne pourvues de forêts. : D mparant les ns me la Bosnie richement DRE etcelui 58 L’UTILITÉ DES FORÊTS régions à taux de boisement élevé dans les latitudes moyennes … de l'hémisphère boréal (1). Un fait curieux, qui tend à montrer que l’action des forêts se fait encore sentir à de grandes hauteurs au-dessus du sol est celui, souvent signalé par les aéronautes, de la descente de leurs ballons lorsqu'ils passent au-dessus de massifs boisés impor- tants. M. le commandant Renard, sous-directeur de l’é établis- sement d’aérostation militaire, attribue ce phénomène à la tem- pérature plus basse de la potepne d’air qui surmonte la forêt, Voici commentil s’exprime, à ce sujet, dans une lettre du 21 mai 1900, adressée à M. Henry, professeur à l’Ecole nationale des Eaux et Forêts (2); « Le refroidissement ressenti par les aéronautes en passant « au-dessus de massifs boisés d’une certaine étendue n’a jamais «été, à ma connaissance, mesuré au thermomètre; mais il se « traduit par une descente bien marquée du ballon. Cette des- « cente ne s’arrête jamais d'elle-même, comme il arrive souvent « lorsqu'une cause passagère la produit; elle ne s’enraie qu’a- « près la projection d’une quantité souvent notable de lest. « Quant à la hauteur à laquelle se fait sentir cette influence, « elle varie nécessairement avec l’importance du massif fores- « tier et peut-être aussi avec l'altitude et la configuration des « terrains environnants, « En tout cas, un fait précis d'expérience est qu’elle a été res- « sentie par nombre d’aérostiers militaires au-dessus de la forêt « d'Orléans (3), le ballon étant à une altitude de 1.000 mètres « environ. (4) Handbuch der Klimatologie, par 3. Hann, 2e édition, 1897. (Cet ouvrage fait partie de la collection Pere par M. Ratzel sous le titre de Bibliothek geogra- vhischer Handbücher.) (2) Voir le Compte rendu du Congrès international de Sylvicullure tenu à Paris en 1900. Communication de M. Henry, page 345. (Imprimerie Nationale, 1900.) Voir aussi le Bulletin de la Socièle des Sciences de Nancy, année 1901. (Nancy, Berger-Levrault.) (3) La forêt d'Orléans a une contenance de 34.000 hectares, en plaine. Elle est peuplée de chêne, pin et charme, : + 4 L 4 «0 a “4 à MNT Le ho VIT . INFLUENCÉ DES FORÊTS SUR LE CLIMAT re) _« I] paraït démontrépar toute la série d’ascensions faites jus- - « qu'ici que l’influence de massifs d’une étendue semblable est … « sensible jusqu’à une hauteur de 1.500 mètres environ. » S2. — Température du sol. - Les stations de météorologie forestière ont recherché, à l’é- . tranger surtout (1), l'influence de la présence des massifs boisés 4 - sur les oscillations, avec le cours des saisons, de la température _ du sol à diverses profondeurs. - On sait que, d’une façon générale, la variation de la tempé- rature du sol avec le cours des saisons est d’autant plus faible L- -que la profondeur est plus grande. A une distance de la surface …. variable avec le climat et la nature du sol, la température reste - fixe toute l’année et égale à la moyenne du lieu; puis elle va … en augmentant avec la profondeur à raison de 1° par 30 ou 40 - mètres. Le sol se réchauffe et se refroidit plus lentement que … l'air; aussi les maxima et minima annuels apparaissent-ils dans le sol plus tardivement que dans l'atmosphère et le retard est d'autant plus marqué que la profondeur est plus grande. Lesol forestier est plus chaud en hiver (de moins d’un degré ordinairement) et plus frais en été (de trois à cinq degrés environ) que le sol découvert et cela à toutes les profondeurs … jusqu'à 1 m. 20. Il en résulte que les oscillations de la tempé- rature du sol, dans les parties où pénètrent les racines des ar- - bres, sont moindres de quatre à six degrés que dans les champs … cultivés. Ces chiffres sont déduits de la considération des 4 - moyennes mensuelles. Mais si nous comparons la moyenne « diurne du jour le plus chaud et celle du jour le plus froid de … l'année, nous voyons l'écart entre la température du jour le plus chaud et celle du jour le plus froid diminué de sept à neuf — degrés à la surface du sol, de trois degrés environ à partir de RENE VU hf : ; : .—(1} Des observations analogues sont en cours en France, mais aucun résultat F - n'a été publié jusqu'à présent. Étui 60 L'UTILITÉ DES FORÊTS soixante centimètres de profondeur jusqu’à 4 m.20. On constate 52 de plus que, en forêt,les diverses couclies du sol se comportent, au point de vue des variations de la température, comme se comporteraient en terrain découvert des couches notablement … plus profondes : une profondeur de 0 m. 50 sous bois équivaut, à ce point de vue, à une profondeur de 6 m, 80 ou 1m, 00en terrain découvert (1). 4 Le tableau ci-dessous, reproduit d’après M. Weber, précisera Abaissement de la température du sol par l’action de la forêt. 4 PROFONDEURS STATIONS MÉTÉOROLOGIQUES CHE 3 Niveau | Om30 | Onç0 | Ong0 | 120 1° Moyenne annuelle, | Interlaken (mélèzes 50 ans)....... 2034[ 41041! 0°77| 069] 094 3 Berne (épicéas 40 ans).....,...... 2.151 2.53] 2.77! 3,04) 2784 | Porrentruy (hêtres 50-60 ans)..,,.1 2.401 1.50 1.39] 14.51! 4,54 : 20 Moyennes des différentes saisons. | 3 Printemps. Interlaken...,... TEA PRIT RE 2.931 1.55] 0.4] 0.331 0.4 Berne..,.., Fran Os Ne OI OS CS 3.231 3.58] °3,59/ "8/09/0290 POTÉOETEY à don ve ad RL LUS ss. 2.40] 1.27] 41.061 4041724708 Été. Inieriaken.444,%.137 RSR PE TS: 4,531 3.04] 2.05! 2.01/: 4:92 DR Sgen 2 sde DOI ON : 3.80] 4.87| 4.46] 5.85] 5 52 PARÉCHTUT SE Nine A SES 5.131 3.251 2.961 3.43) 9/99 Automne. Interlaken ts ei. asie Se 1.87] 1.47] 41 21] 1.08] 1.46 Perte is D RP A EU eV 1.501 4 97| 2.28 2782281 POTTER een: co 1,881. 4,391 . 4 41, 42h 2081 Hiver (les températures sont plus élevé s sous bois). Hibriaken 7:40 ei MS ane 0.00!+0.44120.57/+-0.63|+0.03 DETTE. LE 10e. 700877 SNL EAU —0.06|+0.27|+40.23| 0.00!+0.01 Porrentriys us ee ete enr e +0.13| 0.06! 0.08/<+0.10| 0.30 (1) Voir pour plus de détails un article qui a paru dans le n° de juin 1888 de la Revue des Eaux el Foréls et le très intéressant travail publié par M. Schubert, professeur à l'Ecole forestière d'Eberswalde. Der jährliche Gang der Luft-und Boden-Temperatur. Berlin, Springer, éditeur, 1900, INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT Gr ces renseignements en indiquant les résultats des observations faites en Suisse pendant les années 1869 à 1880 (1). Voici encore, d'après M. Schubert (2), de combien se trouve réduit, dans le sol de la forêt, l’écart entre la température - moyenne du jour le plus chaud et celle du jour le plus froid de _ l'année. PROFONDEURS NATURE DES ESSENCES 4 centim. |15 centim.[30 centim.!60 centim.190 centim.{120centim, Pin sylvestre . 8°8 407 303 307 305 300 Hpicéa........ 1: 4.4 4,2 3.2 3.0 2.9 2.8 _! | 111" NNSROPE NAN FA 3.9 3.1 3.4 3.0 2.1 “ - LA , Je . | | L’exposilion a une influence considérable sur la température du sol découvert. Aussi est-ce surtout sur les versants Sud que, dans nos pays, l’action réfrigérante de l'écran forestier est _ marquée. % Des observations faites en 1893 et 1894 à l’Adlisberg, près … Zürich (3), ont montré que, sous le couvert complet d’un jeune - perchis de hêtre, la température moyenne du sol, du 1° avril au 1°" novembre, est inférieure de 5 à 7 degrés en terrain horizon- tal, de 6 à 10° sur un terrain incliné au sud, à ce qu’elle est, en conditions identiques, en terrain découvert. _ Le 24 août 1894 la température du sol d’un versant découvert au sud atteignait 33°; sous bois et tout près de là, sur le même versant, la température n’était que 17°4. Le couvert des jeunes hêtres produisait donc un abaissement de 16 degrés environ de la température du sol. (Les mesures sont prises à 5 centim, de profondeur ; à la surface les différences seraient encore bien plus grandes.) Ces constatations, comme le fait très justement observer N: (1) On trouvera le détail complet des observations suisses dans le 17 volume des Mitteilungen de la station de recherches de Zürich, pages 155 et suivantes. (2) Loc. cit., page 28. (3) Mitteilungen der schweizerischen Centralanstalt für das forstliche Versuchs- wesen, vol. 1V. Les relevés ont été faits par M. Bühler. 62 L'UTILITÉ DES FORÊTS le Directeur de ja Station suisse, sont de nature à éclaircir bien des faits culturaux et contribuent à maintenir, sous la forêt, une faune et une flore spéciales, souvent même caractéristiques des essences et des modes de traitement. Les observateurs allemands ont enfin relevé l'influence du massif sur la profondeur moyenne à laquelle les gelées d'hiver pénètrent dans le sol. Noici les résultats obtenus, comme moyenne de 24 années, dans quelques-unes des stations météo- rologiques. Profondeur à | laquelle pénètrent STATIONS NATURE DU SOL les gelées D hors bois|sous boi ul na Vallée du Rhin; altitude 450», sable sili- ) Aube) ceux mélangé d'humus et d’un peu de { 050 | Ow21 (Alsace). gravier, forêt de pins sylvestres. Eb ald Marche de Brandebourg; altitude 45, | j he Ne ©) sable siliceux frais mélangé d’humus, ! 0.70 | 0.47 (près Berlin)? £{irèt de pins sylvestres. \ Vosges. Sol du muschelkalk inférieur, ! 0,22 | 0.145 altitude 350%, forêt de hètres. Versant incliné de 170 environ au S.-E. Le sommet du versant est à 40002; le lieu des observations à 939" d'altitude. Sol, produit de la décomposition du granit sous-jacent, forêt de hêtre avec quelques sapins en bouquets. (Lorraine) Melkerei (Alsace) LR Plateau de la région nord-occidentale des | 0.45 | 0.33 La figure 4 a été tracée d’après les données numériques con- tenues dans l'ouvrage cité de M. Schubert. Les températures sous bois sont une moyenne, ramenée à une altitude commune, des résultats obtenus sousles massifs de étre soumis aux obser- vations, de 1875 à 1895, par les Stations de recherches fores- tières. Variation annuelle comparée | des températures. 5 té fre de Den ob or oi | \ 0° Es ‘ ARTS 4 ge Q bois RER LS à La profond" de 22 pu Saxo RE É “a | ; hors DOËS em ame kr ie du sol . 2° ces ra # à cu 220 sous Bois —— “ar + > #4 : 2 ‘hors bo TX nes AM RE FE + C ER S E à FE F À Ne LP É | Ed. Oberun, Cr. Fig. 4. — D'après M. Schubert. 83. — État hygrométrique de l'air. "4 34 forêt qu’en plaine, non pas, comme on le verra, parce que Fe l'air de e forèt FonFErEnS plus de és mais parce LE se COR ne 27 MA NT are ARE + { @ STATE 64 L'UTILITÉ DES FORÊTS DÉGRÉ ne DE SATURATION DE L'AIR EN . \ SENTIÈN ES Différence en faveur MOIS 3 : à 300 mètres en dehors de la forêt Sous le massif du massif. x MEMMIOT os mir cs 83 b/o 49 0/0 9 0/0 MAPS rs LAN Le 79 09 10 APR EU Re LiNen 65 58 pl MARS Ti au ite 62 54 8 4 POIDS een 57 49 A ê JOUET ST A ee 66 54 42 + AOÛT, 5, LE TETE NOR 71 60 11 fi Les observations faites en Suisse, de 1869 à 1880, ont donné les résultats suivants : DIFFÉRENCES EN FAVEUR DE LA FORÊT DANS LE DEGRÉ MOYEN À DE SATURATION DE L'AIR A 1m5( pu so£ œ Interlaken À Porentru (mélèzes) Berne (épices) (hètres)” 3 PHINTOIMPS. 552 ve ot 2,830/, 9.59 0/0 2.26 0/0 k PDO Mie sie où RL ÉENE POIL DE 7.85 11.04 8.53 à AUTOMNE. Les. EVER UNE 5.45 10.79 4.18 L Hiver, a das ex ET e 0.34 8 40 — 0,70 Moyenne annuelle (12 années W'obenEvations) ta dre 4 12 9 96 3.56 Les relevés faits en Alsace (1) et en Bavière confirment plei- nement les précédents. L’humidité relative, plus grandesous bois, contribue pour une grande part àexagérer l'impression de fraicheur que l’on éprouve en pénétrant, pendant la saison chaude, sous un massif. Dans lecourant de la journée, la différence entre le degré de saturation de l'air sous bois et hors bois augmente avec la dif- | férence detempérature entrel’air sous bois et hors bois.Lafigure : n° 5,empruntée à M. Hoppe (2), le montre nettement. Les obser- (1) La moyenne des mois de mai à septembre de l’année 1877 a donné, pour l'augmentation du degré de saturation de l'air par la forêt: 5,1 pour le hêtre, 6,6 pour l’épicéa, 3,7 pour le pin sylvestre. (Ney, op. cil., p. 26). (2) Forst-meteorologische Studien im Karstgebiele, par M. E. Hoppe de la Station 90 | \ bee Dr FH Ÿ 7heur* Sour à pig. 5. — Marches comparées, sous bois et hors bois, de la température et _ de l'humidité relatives de l'air, pendant la journée du 24 juillet 1897, d'après M. Hoppe. Si l'humidité relative est plus grande sous boisiln’en est pas e même de l’humidité absolue, c’est-à-dire du poids ou de la 66 L'UTILITÉ DES FORÊTS LIEU D'OBSERVATION :} Tension moyenne de la va peur d'eau, de 7h. du ma tin à 7 h. du soir, ri millim . NT Prairie de 2h entourée de bois. ....... TR RTS : 11.2 1 L Sapinière de 70 ans, à 160 pas de la station en 1 POARLE PE ser Ve Le TE TETE NAT TT) CRUE 1122 ë Sapinière de 70 ans, à 30 pas de la station en | Ë PrATIOr eee à 5 9 OPEN IT ER AN PU RS AAÉE Prairie entourée de bois...,... ER FRS RAP LE RE = Plantations d’épicéas d’une vingtaine danse À :4 à 80 pas de la station en prairie. .... AS LAER 41,2 : Les observations suisses et allemandes donnent des. résultats 4 du même ordre. Les différences de tension de la vapeur dans l'atmosphère sous bois et hors bois sontde moins d’un dixième de millimètre, et souvent nulles. Le plus généralement l'air forestier renferme un peu moins d’eau. Les différences sont un peu plus marquées en été qu’en hiver. L'on doit à M. Fautrat (1) des observations intéressantes sur le degré de saturation de l’air immédiatement au-dessus du niveau des cimes. ‘ Il en résulte que, pendant les quatre années 1874 à 1877, le degré de saturation de l’air à 2 m. environ au-dessus des cimes d'un massif jeune et vigoureux de chênes et hêtres a été, en » moyenne, supérieur de un et demi pour cent à ce qu'il était, à la même distance du sol, à 300 mètres plus loin, au-dessus de terres cultivées. Cette différence, très faible, n’est pas plus mar- quée en été qu’en hiver; elle est aussi restée à peu près cons- 4 tante et dans le inème sens pendant les quatre années d’obser- vation. Si l’on tient compte des différences de température il est facile de constater que la couche d’air qui surmonte le massif renferme moins d’eau que celle qui se trouve à la mêmedistance du sol au-dessus d’un champ cultivé. Il eûtété plus logiquepeut- être de comparer l’air immédiatement au-dessus des cimes à celui qui surmonte immédiatement la végétation agricole; on (1) Op. cil., pp. 18 et suiv. INFLUENCE DES FORËTS SUR LE CLIMAT 67 ut supposer que l’écart si faible se serait trouvé alors en sens _ inverse. ; 4 Les observations de M. Faufrat ont aussi porté sur l'état _ hygrométrique de l’air surmontantun massif de pins sylvestres. - [La trouvé cet air un peu plus voisin du point de saturation (de dix pour cent environ) que Pair à la même distance du sol au- … dessus des terres cultivées, et de deux pour cent seulement que air à 1m.50 au-dessus d'un champ voisin. … Il serait désirable que ces expériences fussent reprises sur | une plus grande échelle. OR S 4. — Les précipitations atmosphériques. 4 S'il est vrai qu’en été surlout l'air est plus froid dans le voi- “4 sinage d’une grande forêt, il est naturel de penser que les pluies 4 y seront aussi plus abondantes. En effet, celles-ci sont toujours E. dues à la condensation d’une partie de l’eau atmosphérique, : condensation dont la cause habituelle est un abaissement de … température (1). L'observation confirme du reste complètement - cette déduction tirée, a priori, de ce que nous savons de l’in- _ fluence des forêts sur la température. __ Avant d’exposér les résultats obtenus à la station de recher- n. de Nancy, il est nécessaire de décrire rapidement le dis- . positif inauguré en 1866, par M. Mathieu, pour les expériences entreprises en vue d’élucider la question de l'influence des > - Trois stations, siluées aux environs de Nancy, ont été affec- ées aux observations pluviométriques. (1) Ou une diminution de pression qui, du reste, provoque un abaissement de mpérature. pe (2) Rapport de M. Mathieu au sous-secrétaire d'Etat, président du Conseil d' lministration des Forêts, en date du 25 février 1878. (Imprimerie Nationale.) 68 L’UTILITÉ DES FORÈTS La première est installée dans la forêt de Haye, au lieu dit les Cing-Tranchées, à huit kilomètres et à l’ouest de Nancy, à l'altitude d'environ 380 mètres, et au centre d'un vaste mas- sif boisé de plus de 7.000 hectares. On s’est proposé d’y mesu- rer la quantité d’eau qui tombe dans une région boisée, et de rechercher la proportion de l’eau interceptée par le couvert des arbres ; de façon à comparer la quantité de pluie reçue par le sol de la forêt à celle qui arrose le champ voisin du massif. Pour cela, deux pluviomètres ont été disposés : l’un en plein bois, sous un perchis de hêtres et de charmes, qui était âgé de 40 ans en 1866; l’autre, à peu de distance du précédent, au milieu d’un espace défriché de plusieurs hectares, atténant aux maisons forestières des Cinq-Tranchées. La quantité d’eau que reçoit un pluviomètre placé sous un massif peut varier avec la position de l'instrument, suivant qu'elle correspond au plein ou aux trouées du feuillage. Pour éviter cette cause d'erreur, le pluviomètre de la forêt est de forme spéciale ; il est pourvu d’un récepteur de grande dimen - sion, dont la surface circulaire est exactement égale à la pro- jection de la cime de l’une des perches du massif. La tige de l’une de celles-ci la traverse en son centre et, à l’aide d’une col- lerelte qui l’entoure, y déverse l’eau pluviale qui, dans les grandes ondées, ruisselle sur sa longueur. La deuxième station, celle de Bellefontaine, est située à six kilomètres au nord-ouest de Nancy, à laltitude d'environ 240 mètres, sur le bord du massif forestier, au centre duquel se trouve la station des Cinq-Tranchées. Un pluviomètre de cons- truction ordinaire, mais de grandes dimensions, y permet de mesurer la chute d’eau annuelle sur un sol déboisé tout voisin (à quelques centaines de mètres) d’un grand massif forestier. Enfin, la troisième station est celle d'Amance. Tandis que les précédentes stations sont forestières, celle d’Amance, à dix ki- iomètres au nord-est de Nancy, à l'altitude de 380 mètres, est au centre d’une région nettement agricole. On y a installé un plu- viomètre au milieu d’un terrain découvert. RO PRE D Eacarne.-d usqu’en 1882. A cette époque des nécessités de service firent transférer le oisième poste d'observation, primitivement établi à Amance, à Ja nouvelle station, qui n’est située d’ailleurs qu’à 4 kilomètres au sud-est de celle qu'elle a remplacée, était soumise au même régime pluvial. …_ Le tableau ci-après indique le résultat des observations de- puis leur origine jusqu’en 1899, année de leur clôture ; les cons- . tatations effectuées pendant ces trente-trois années ayant été constamment concordantes sans aucune exception, il a paru inu- … tile de les prolonger davantage. Ce tableau donne les quantités … absolues d’eau pluviale reçues par chaque poste; en outre, pour _ rendre les comparaisons plus faciles, on a indiqué quelle serait, » en ramenant à 100 millimètres la hauteur de l’eau recueillie an- - nuellement au pluviomètre des Cinqg-Tranchées, l'épaisseur cor- 4] respondante de Ja lame à Bellefontaine et à Amance-la-Bouzule. . On voit que, sans aucune exception, pendant toute la durée L'aide gs. D: des observations, la station agricole a recu sensiblement moins d’eau que les stations forestières. De plus, huit fois sur dix, la _ pluie a été plus abondante au poste des Cinq-Tranchées, situé au centre du massif de Haye, qu’à celui de Bellefontaine, établi sur la lisière. … Ce résultat, déjà signalé en 1878 et 1889, ne saurait, fait re- … marquer M. Mathieu, être l’effet du hasard : c’est, au contraire, : Ja conséquence d’une cause permanente, qui, dans les condi- » tions où l’on s'est placé, ne peut être que l’état superficiel du sol, très boisé dans deux stations et découvert dansla troisième. …. Ici se présente une objection. C’est à l'Est du plateau de Haye que se trouve la région d'Amance-la-Bouzule ; il est démontré … qu’elle est moins arrosée que la forêt ; mais en’serait-il de même D» 70 L’UTILITÉ DES FORÊTS Quantités d'eau reçues annuellement, en terrain découvert, dans chacune des trois ststions (1). QUANTITÉS ABSOLUES. QUANTITÉS RELATIVES Ro SCT mel TT TE e ANNÉES | ses cio- BELLE- AMancre |LesCinq-| BELLE- | AMANGE OBSERVATIONS TRANCHÉES | FONTAINE PRE Sr FONTAINE A À è | millim. millim. millim. | millim. | millim. | millim. : x 1867..,.. 925.0| 879.0 862 0! 100 95/0/1932 TS 748.0 738 0 631.0] 4100 98.7 | 84.4 1869xas 714.0 721.0 628.0! 100 93.228124 1870 ‘ 576.0 593 0 518.0! 100 |4103.0! 89 9 SE en 744 0 708.0 625 0| 100 95.2 |: 84.0 Lee Eee 903.0 871.8 717.0! 4100 97.2 |-79.4 1873 1753.5| 740.9] 639.0! 100 98 3 | 84.8 1874... 695.51 618.9 545.9! 100 89.0 | 78.5 1875. 954.1 894.2 597.2] 100 93.7 | 62.6 \Lastation agricole 1876..... 822.0| 847.4] - 669.9] 400 |103 4 | 81,5 ("est Amance à 9 P'ÉSCESS 924.1 961 9 746.9] 100 |104.4| 81.4 se re ENT 1052.7| 1026.,7 825.8! 4100 97.4 | 78.4 RTE 998.2 979.2 726 9! 4100 98.1 | 72,9 1880.,... 877.1 810 7 678.9! 100 39:83:17 LES ER 682.9 736.8 544.3 100 |108.0 | 75.3 1882... 973.7 942.9 822.6| 100 96.8 | 84,5 1883471: 878.51: 916:1 680.9! 100 |10%4 3 | 77.5 1884..... 668.9! 626.6 559.7| 4100 03 71-831 1885. 1009,2| 814.7 763.0! 100 80.7 | 75.6 886.18 9304 891.1 738.0| 100 99741 7928 1887... 712.9 720.2 17. 0! 4100 GAS ES 1888. 4061.0| 849.2| 723.6| 100 80.0 | 68.2 1889.57 857.3 691.0! 582.0! 100 80,6 | 67.9 1800 Mc, 813.6 697.2 629.2| 100 ie 11:38 Caen 1891... 898 4| 776.5] 672.2] 100 | 86.5 | 74.8 Jetonegrih 1892... o88.4| 849 9| 635 4| 100 | 86.0! 64.3 [ #0 RE PTE 695.4] 692,5 505.4| 4100 99.6 | 74:0 1894.. 113%2 091: 532.5| 100 922 TA 1e DEEE 970 .1 890.9 674.1! 100 91:8 | 69.5 48962 2% 875:2 LATE LR 661.5] 100 88.4 | 75 6 1H Mesa 835.06 755.4 570.3| 100 88.5 | 68.4 18984013 731.8 680.0 48%.1| 100 92.9 | 66.2 he ER 905 ,4 876.7 733.3| 100 96 8 | 81 0 Totaux...| 28006.1| 26295.4| 21470.3 » » » Moyennes] 848.7] 796 8| 650.6] 100 | 93.9 | 76.7 (1) Le dispositif d> ce tableau. ainsi qu'une partie du texte qui l'accompagne, sont emoruntés à un: publication récente « Oservations de méléorologie forestière + failes à la Station de recherches de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts » insérée dans le Bulletin du Ministère de l'Agriculture en 1901, par M. de Bouville, garde général des Eaux et Forêts attaché à la Station de recherches de Nancy. dla ni À reed nt D CE, RÉ ; INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT 71 cas de changement dans la situation respective des contrées Dans les Editions où ont été FRS les APR il est ne naturel de se demander si les résultats obtenus ne sont s dus uniquement à ce que Amance-la-Bouzule se trouve à st du plateau de Haye. La chose serait d'autant plus vrai- mblable qu'il pleut surtout par les vents d'Ouest. Alors les différences constatées entre les deux — tiendraient seule- ent à la distance qui les sépare, ou à cette circonstance que 1 nuages de pluie passent au-dessus du massif forestier avant e parvenir à la région non boisée. . Il est possible, cependant, bien que la station agricole soit unique, de mettre en évidence l’influence de la forêt et de se rendre compte des conditions dans lesquelles elle s'exerce. On Y arrivera, en comparant séparément, pour chacun des vents par lesquels se sont produites les précipitations atmosphéri- . ques, les quantités d’eau tombées aux Cinq-Tranchées et à Amance-la-Bouzule. # Poutefois, il ne semble pas utile de pousser très loin ce détail. 1% Si les résultats obtenus sont dus à la situation relative des postes 4 d'observations, des différences se feront sentir si on considère, d’une part, les cas où les nuages pluvieux vont de la forêt à la contrée dénudée; d’autre part, ceux où ils viennent de toutes Ne autres directions. _ Or le massif de Haye, qui se prolonge vers le Nord pär celui e l’Avant-Garde et les bois de Liverdun, est disposé de façon à abriter en quelque sorte Amance-la-Bouzule centre les vents | d’entre Nord-Ouest et Sud-Ouest. De là, la répartition faite dans e tableau ci-après. Faute de renseignements pour la période —…._antérieure à 1889, on n’a pu y faire figurer que les relevés con- rnant les onze dernières années : ER EAU 72 L'UTILITÉ DES FORÊTS Comparaison entre les quantités de pluie tombées par les vents du secteur ouest et ceux des autres secteurs. 34 : VENTS VENTS pu QUANTITÉS TOTALES ni NIN.O.—N.— NE. 8.0. æ 0. et N.0. RER SCC DE PLUIE TOMBÉE RS PU CC SU CS CU Éd LA BOUZULE Cr LA BOUZULE PNY LA BOUZULE ANNÉES ie ne TE LS n : FA un U F4 à l'A 5Te | 57e |[ÉCES| 5ve | 5te Lesrls ae ose tas |£es |[Sère| ses | fes [énre| ges | 2es |S6E* 452 |%88 | Seul ése | 258 | 222) 45e 885 |L=2S Ag® |Mge |EerOl ms" ms" 22 0] Ms we 22,5 HS 5 | ï 2 3 STE 5 5 ES È = ES É millim | millim | millim. | millim. | millim. | millim. | mülim, | millim. | millim 1889 .| 629.3] 395.4| 62.8 | 228.0| 186.61 81.8! 857.3| 582.0! 67.9 1890..| 552.0! 436.1] 79.0 | 261.6| 193.1| 73.8! 813.6| 629.2! 77.3 1891..1 621.5| 390.9! 62.9 | 276.6| 281.3| 101:7| 898.1| 672.2} 74.8 1892..| 693.3! 441.5! 63.7 | 295.1! 193.61 65.6| 988.4| 635.1! 64.3 4893. ,1 373,21 287,7| 71.41 | 322.2! 217.71 67.6| 6954" 505 4174.00 189%..1 561 1| 393.2] 70 4 | 152.41 139.31 91.6! 713.21 -5310.5/74.7 1895.,| 452.0] 333.4] 73.8 | 518.11 340.71 65.8| 970.1| 67%.11 69.5 1896..1 501.1! 419.6! 83.7 | 374.1| 241.9| 64.7| 875.2] 661,5] 75.6 1897..| 554.9! 414.41 74.7 | 280.7! 455. 55.71 835 615707910081 1898..| 367.4! 278.01 75 7 | 364.4 206.51 56.6! 731.8] 484.1 _66.2 1899.,1 524.9! 466.81 88.9 | 380.5| 266.5! 70.0| 905.4! 733.3| 81.0 Toraux. .|5830.714257.0 » |3453.412492,7 » -[9284 116679.7 » Movenxes.!| 530.1! 387.0] 73.0 | 313.9] 220.2] 70.1! 844.0| 607.2] 71.9 Il résulte, de la concordance des chiffres précédents, que, dans toutes les circonstances, il pleut plus abondamment aux Cinq-Tranchées qu’à Amance-la-Bouzule; de plus, le rapport en- tre les quantités d'eau recueillies est indépendant de la direc- tion du vent. I ne peut donc être question d'expliquer le fait par la situation du second poste, plus éloigné que le premier du point de l’horizon d’où arrivent ordinairement les nuages de pluie. ou INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT la saison froide et la saison chaude. 4 Comparaison entre les quantités de pluies tombées pendant PÉRIODE DE VÉGÉTATION MAÏ-SFPTEMBRE PÉRIODE DE REPOS OCTOBRE-AVRIL TEE ee ire EEE re Sa S | AMANGE-LA-BOUZULE Leds ES AMANCE-LA-BOUZULE 2 ad PC à nes | = Te . É ANNÉES < Hauteur Hauteur = EE Épaissoue ee chics Épaissene er Ps Me HA Ja lame | la lame [äutechute) 3, lame | lalame |à une chute ë d'eau _| d'eau |45 nillin. d'eau d'eau. |10p nillin. He recueillie |recueillie aux Cing- recueillie | recueillie aux Cinq- renchées Tranchées millim. | millim. | millim. | millim. millim. | millim, LOS ce 310.0! 227.0! 73.2 615.0, 635.0! 103.3 l4868.......| 192 0 190.0! 99.0 | 5356.0| 441 0| 79.2 11869: :... 368 0! 250.0! 67.9 406.0! 378.0] 93.1 EABTON oo 235.0! 209 0! 88.9 341.0, 309.0! 90 6 À LEE PÉTER 318.0! 312.0] 82.5 -366.0! 313 0! 85.5 ADI 335.9] 261.8! 77.9 567.1 455.2! 80.3 1873... 380.5! 322.5| 84.8 | 373.0] 316.5| 84.8] je station 1874. FA 302.0! 275.4] 91.2 393 5] 270.5] 68.7\ agricole | 1875. CR 524.31 272.7| 52.3 432.8 324. 51 75.0 /est à Amance. SITE 327.4| 243.3] 74.3 494.6 426.6! 86.3 LL FÉERR 374.7| 279 8| 75 3 99%.4| 467.1! 85.0 À ILE PARRONS 424,91 349.7] 82.3 627 8] 476.1| 75.8 à, 1231 EPRE 491,5! 406.2! 82 6 506,7 320.7} 63.3 1880... .. Pots, 11 227.91 7212 561.4 451.0! 80 3 RE 318: 31 213,6! 67:4 364.6| 300 7] 82.5 | ABB +. « 519 6! 424.0! 81.6 454.1 398 6| 87.8 1883... 381.8| 345.5| 89.0 490,4 335.4] 68.4 1884..... ‘ 275.4| 261.9] 95.0 393.5 297 8| 75.7 2! L FÉES 362.8| 288.3) 79.5 646.41 474.7] 73.4 rs: 438.4! 354 5| 80.9 492.3 383:9| 71.9 1887%....| 393.1! 282.1| 71.8 319 8] 294 9! 77.6 008...) 547.9| 390,7] 71.3 À... 513.1 332.91 64.9 4889". 421.7| 276 7| 65.6 435 6[ 305 3] 70.1 +800: 409 8| 309.0) 75.4 | 403.8] 320.2] 79.3 \ La station 1891... 477.6| 306.3] 64.1 | 420.5] 365.9] 87.0/ ire 1892. :. | 401.9! 275.0! 68.4 86 5 360 1! 61.4 L LUF ARE 267 6! 196.4| 73.4 427,81 309 9! 72.2 189%... 377.3| 250.2! 66 3 335 9] 282 3| 84.0 : LL . 320.8! 240 9! 75 1 649.3 433,2] 66.7 NB 550.0 360 1| 326 5| 90.7 515.1 335 0! 65.0 {LE SP ERR 460.8! 369.4! 80.2 374.8 200.9! 53.6 1898..... 358.0] 265.8| 74.2 373.8 218.3] 58.4 2009, ..,: 422,6| 330.1| 78.1 482.8 403 2] 83.5 Totaux ...| 12476 719534.2 » 15530 4} 11936.1 » | Moyennes... 288.9| 76.4 | 470.6] 361.7] 76.9 74 L'UTILITÉ DES FORÊTS La forêt a, par conséquent, une action réelle sur l’abon-… dance des précipitations atmosphériques ; elle a le pouvoir de . condenser les vapeurs contenues dans l’air et d'augmenter sen- siblement la quantité d’eau météorique tombant sur la région. qu’elle occupe.L’aceroissement, par rapport à une contrée agri- cole voisine, est d’ailleurs le même, quelle que & soit Ja pose relative de cette dernière. L'influence du massif boisé étant ainsi établie, il est intéres- sant de voir si elle ne s’exerce pas d’une façon différente quand les arbres sont couverts de leur feuillage et lorsqu'ils sont dénu- dés. Une comparaison entre les quantités de pluie tombée respectivement pendant la saison de végétation, c’est-à-dire de mai à septembre, e{ pendant le reste de l’année, va permettre de s’en rendre compte {4). (Voir le tableau page 73.) Des chiffres ci-dessus il se dégage nettement ce fait qu’/ »’y a pas de différence appréciable dans l’action de la forét en iver et en élé (2); constatation déjà faite précédemment à pro- pos de l'influence de la forêt sur l’état hygrométrique de Pair qui surmonte le massif. On peut se demander enfin si l’action de la forêt sur l'abon- dance des pluies ne varie pas, d’une année à l’autre, suivant la pluviosité, c'est-à-dire suivant l'importance annuelle de la lame d’eau tombée. Pour répondre « à cette question M. de Bouville (3) a réuni les résultats des 11 années les plus pluvieuses de la période 1877- 1899 pour les opposer aux 11 années les plus sèches et à celles de pluviosité moyenne. Voici les résultats. (1) Le tableau de la page 73, ainsi que le précédent, sont empruntés à la publi- cation précitée de M, de Bouville. ; (2) Le très faible excès (0.05 p. 100), pendant l'hiver, est dû probablement à la condensation des vapeurs de brouillard, plus abondante en forêt qu'en terrain découvert. (3 Op. cil., pp. 9 et suiv. INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT Totaux.... Moyennes. Totaux... Moyennes à Totaux . Moyennes > ées Pluvieuses { années moyennes { e années sèches j 75 QUANTITÉS ABSOLUES QUANTITÉS RELATIVES Tes Ceres ancre —— à à , € ÿ 5 23 . = Fe 4 a = © n £ » æÆ = © N IQ: dohande Elie 45 Sacha as sé les | 2: RE ss = = + = ee] millim millim. | millim. | millim,| millim willim 10784 19979 18155 » » » 980:41 907:2| 737.7 400 | 92.5 | 75.2 9440 [S803 [7223 » » » 858.2| 800.3! 656.71 100 | 93.3 | 76.5 7182 |1512 |6132 » » » 707.5! 682.9! 557.4! 100 | 96.5 | 78.8 Les ré Des ET ! )reu s observations PONT IRnres. Citons celles de. M: HA 76 L'UTILITÉ DES FORÊTS dant de Dale PA Re PE ON DU er ec AA EAN QUANTITÉ DE PLUIE TOMBÉE MOIS RUE, LEE Au-dessus A 300 mètres du massif boisé du massif boisé altitude 1429» altitude 122m millim. millim, PANVIET 2% DÉRRPE CROP E 01 Sa nait 53.7 52.8 PÉVTIÈT on ban be ÉÉMRRE Nee 50.0 47.8 Mars Soin Lee SRE ESS $ 64 7 61.9 Avril. à LR SRE NAS He. 36.3 34.3 Mails tenais ne RL CU tt D LA 53.0 50.9 June ÉRtaren NS n 16e ET RE 58.6 Ge | JUMENT TT ren AE TT STE NARER ET 80.8 78.1 ACTE SR TE te: de OR ASE RAS RE 4 60.1 STE SÉDIIRDRE veu evo “ire 72.8 70 1 PAPERS Rte. SRE Ten PORN RÉ 63.6 64.1 Novembre .,..... FT cr sNe en ee $ 90.6 89.6 Décembre ...... Lt ee See cer 54,3 53.6 ; . ( Chiffres absolus....... 738.5 117.9 Pour année) proportionnels 100 » 97.3 Au-dessus d’un massif de pins sylvestres le même observateur a constaté que la lame d’eau tombée annuellement était de 722 mm. alors qu’elle n’était que de 657 mm. à la même alti- tude au-dessus d’un champ voisin du périmètre de la forêt; ces deux nombres sont eutre eux comme 100 et 91. Ces chiffres concordent absolument avec ceux trouvés à Nancy pour la quan- tité d’eau tombée dansla forêt deHaye et surses rives (100 et94). Voici enfin des relevés qui nous montrent comment, dans une région de landes que l’on a reboisée, la pluviosité a augmenté au fur et à mesure des progrès du reboisement (1). A Lintzel, au-milieu de la lande de Lunebourg (Hanovre), se trouvait une vaste étendue de terrain à peu près improductif, qu’on se décida à boiseren 1877. Les premières années, on plan- tait 400 à 500 hectares par an, puis les travaux furent ralentis. En 1891,7.000 à 7.500 hectares étaient reboisés en pin sylvestre (1) D'après un travail de M. le docteur Müttrich, dans le numéro de janvier 1892 de la Zeitschrift für Forstund Jagdwesen. pr AT 7 aus A Eobria gr bé as Varie ET One ve VTT pe INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT n chène. Dans la région se trouve une station météorologi- 1e (à Linizel); si l’on considère une surface circulaire de 6.000 ctares, dont cette station formerait le centre, on y trouve : ù Avant le reboisement. Après le reboisement. res cultivées et prés. 12 0/, de l'étendue 10 0/0 tonoepeses 89 0/0 — 10 °/, y compris les vides de la forêt et les chemins. D CR Se 80 °/, à Éer «y ——— , — + 106,7 LE Le 114,2 RE. & 120,1 Se . de 1843. 1883; on a créé de toutes pièces une forêt nouvelle, Weliko-Anadol, ren- 13 fermant des ‘peuplements dont quelques- uns ont près de 60 ans.Les habitants des ro Es voisins ont constaté qu'à la suite des reboisements fs pluies d'été ont à 7 entre 1e stations des CinqTr anchées et d’ Amance. Hi eber, Handbuch der Forstwissenschaft (Encyclopédie forestière de Lorey}, 2e édition, 1 vol., p. 53. Laup, éditeur, Tubingen, 1903]. 78 / L'UTILITÉ DES FORÈTS dessus d'unterrain cultivé; que la différence paraît indépen- dante des saisons et de la direction des vents, légèrement plus forte seulement les années pluvieuses et moindre les années sèches. » La rédaction de ce chapitre était achevée lorsque nous avons eu connaissance des premiers résultats fournis par les observa- tions pluviométriques établies en Prusse depuis le 4® octobre 1900 (1). Nous les reproduisons ici parce que les observations prussiennes sont faites avec un soin extrême et au moyen d’ap- pareils très perfectionnés; les résullats méritent done toute confiance. Le nombre des postes pluviométriques est de 122, se divisant en quatre catégories. Les premiers sont placés au centre de grands massifs boisés, les seconds près du périmètre à l’inté- rieur, les troisièmes hors de forêt mais à 100 ou 200 mètres seu- lement de la lisière et les derniers enfin à des distances de 1.500 à 2.000 mètres du massif. Tous les pluviomètres sont à décou- vert, ceux de l’intérieur étant placés dans de petits vides. Voici maintenant les résultats obtenus; ils proviennent d'observations poursuivies du 4% janvier 1904 au 1° janvier 1903. Hauteur d’eau recueillie annuellement (en millimètres). SITUATION GÉOGRAPHIQUE STATIONS k : STATIONS ; | MOYENNE DES CENTRES D’OBSERVATION | FORESTIÈRES | extérieures à la forêt Ne DES CENTRES | ne Vo ee la foré D'OBSERYATIONS Longitude de 100 à| de 14000 sn, : Latitude | Altitude | Centra- |Margina-|200 mèt.|à1500 m. e Fer) île (Nord) (mètres) les les de la de la lisière | lisière 1 32050" 52055” d 532 541 4 528 » , * NAo2! vas 2 35220 50035? 180 653 622 595 590 < p? *)09!% à € LE 5 29945 52025 60 078 594 538 15 Æ 30050? 51040" | 450 292 562 564 570 (4) Unlersuchungen über die Einwirckung des Waldes auf die Menge der Nie- derschläge, par A. Müttrich. Neudamm,1903 (notice imprimée pour être présentée au Congrès tenu, en septembre 1903, en Autriche, par l'Association internatio- nale des Stations de recherches forestières). Hal OU # ds à dattes: À DEN DE DEL POINT EU | Rs EN nn EL, Eco trop courte (vingt-quatre io pour que les ffres ci-dessus puissent être considérés comme desmoyennes. en est pas moins intéressant de les voir concorder avec x qu'obtenait, dès 1866, l'Ecole forestière de Nancy, lors des À observations entreprises dans la forêt de Haye. SA CHUTE D'EAU ANNUELLE DIFFÉRENCE FES 2% : RQ jS D'ALTITUDE | Dans les stations 3 ; météorologiques allemandes et suisses (d'après 27 stations) Dans l'ensemble de la zône en Allemagne] Absolue 0/0 (d’après 192 stalions) mètres millim. millim. millim. 44400... g'< GNT 649 8.0 4,25 665 583 83 14.2 LEE 747 696 51 19 | 1.089 JMS 174 19.0 FRCE 1.409 981 428 43.7 REA | 1.775 96% 811 84.2 tre confirmée. Le sujet est d'autant plus intéressant que c’est rtout en montagne que l’action climatique des forêts est im- ortante. 14 80 L’UTILITÉ DES FORÊTS cutée. Becquerel, dans une série de mémoires présentés à PA= cadémie des sciences le 13 novembre 1865, le 12 février 1866. et le 11 juin 1866°a étudié la question en s’appuyant sur un grand nombre d’observations recueillies dans les départements du Loiret, du Loir-et-Cher, de Seine-et-Marne et du Bas Rhin. Dans le dernier des mémoires mentionnés ci-dessus, l’auteur conclut de la façon suivante : « Les forêts n’arrêtent pas brus- quement les orages à grêle ; les lisières placées sous le vent de ces orages sont quelquefois atteintes, mais ceux-ci perdent peu à peu de leur intensité en pénétrant dans l’intérieur tandis que les terres situées au-delà de la forêt sont en général préservées. » Plus récemment, M. Riniker, inspecteur des forêts du canton d’Argovie (Suisse), a publié, d’après les observations du per- sonnel forestier et des documents officiels, une étude impor- tante (1) sur les chutes de grèle dans leurs relations avec le. relief et le boisement du sol. Voici quelques-unes de ses con- clusions. Les orages à grêle ne se forment pas en plaine (dans la région observée, c’est-à-dire le canton d’Argovie), mais lorsque des nuages orageux passent, après une période de chaleur, au- dessus de hauteurs non boisées et qu'ils se heurtent ensuite à des courants dirigés en sens contraire qui les arrêlent au-des- sus de vallées cultivées... jamais un orage ayant passé sur des montagnes couvertes de sapins n’a produit de grêle. Ilest même arrivé (le 28 juillet 1872) qu'un orage à grêle a cessé ses ravages après avoir passé sur la sapinière de Leuzhardt et n’a recommencé à produire des grêlons que plus loin, lorsque les conditions définies ci-dessus se sont trouvées de nouveau réali- sées. £n général, les chutes de gréle s'arrêtent contre les lisrè- res des forêts bien peuplées de bois âgés. On a vu souvent, en plaine et en montagne, des orages à grêle coupés en deux ou déviés lorsqu'ils passaient au-dessus de massifs boisés... Les jeunes bois, tels que des taillis encore incomplets, ne suffisent ‘(1) Die Hagelschläge, etce., par H. Riniker. Berlin, 1881. de rl L INFLUENCE DES FORÊTS SUR LE CLIMAT 8r | montagne, à arrèler les orages à grêle qui y pénètrent s assez profondément. En revanche, des massifs de sapin ible largeur sont efficaces à cet égard. . Il est probable hauteur des peuplements joue ici un rôle. » s vbservations de M. Riniker ont porté sur une période de prolongée et embrassent un nombre considérable de faits. ertain qu’elles constituent un document Hg en de l’action utile des forêts sur les orages à grêle. décision de M.le Directeur des forêts, du 20 j janvier 1892, rgé la Station de recherches forestières de Nancy de illir des observations précises sur l'influence des forêts au de vue des chutes de grêle. 49 postes ont été établis en points des départements de la Meuse et de Meurthe-et- fluence des foréts sur les chutes de gréle (Bulletin de la Commission mé- e de Meurthe-et-Moselle), Nancy, 1896. CHAPITRE I LA FORÊT ET LES SOURCES SOMMAIRE DÉRRAES $ 1. — Les sources, leur origine. Fr | Définition du mot source. Opinions anciennes sur l’origine do sources. É Sources des terrains perméables, stratifiés, fissurés. HR $ 2. — Observations directes de l'action de la forêt sur les sources. o : Opinions anciennes. Difficultés de l'observation directe: constatations con 4 : tradictoires.Difficulté de reconnaître le bassin d’ alimentation d’une source 4 donnée. Expériences suisses de l'Emmental, Nécessité de Fons le pris Re | blème. MALE P'IGE AT $ 3. — Influence des forêts sur la quantité d'eau qui parvient au sol. Origine de l’eau qui parvient au sol : précipitations, condensations. Eau retenue par la cime des arbres. Eau glissant le long des fûts. — Obser- vations françaises. Le pluviomètre installé sous le massif reçoit parfois, ! en hiver, plus d’eau que celui placé en plein découvert; condensation dans les cimes. Températures des tiges d'arbres. Influence du régime local des pluies sur la perte d’arrosement due au couvert des arbres, Proportion de la lame pluviale interceptée par les cimes de diverses essences; expériences françaises,suisses, autrichiennes. Le terrain sous la forèt feuillue reçoit plus d’eau provenant de l'atmosphère que les ter- rains agricoles.Sous les forêts résineuses il en est vraisemblablement de À même, surtout en hiver. LS $ 4. — Influence des forêts sur l'infiltration des eaux. Partage des eaux arrivant au sol entre le ruissellement, l'évaporation physique, l évaporation physiologique et l’infiltration. à I — Influence des forêts sur l'alimentation des sources en terrains acci- ne dentés. — Rôle prépondérant du ruissellement en montagne. Fraction 3 de ruissellement, La forêt supprime le ruissellement et, de ce chef, est nettement favorable à l'alimentation des sources en terrains accidentés. ee Importance des sources de montagne. : Il. — Influence des forêts sur l'alimentation des sources en plaine: — La AE forêt augmente la perméabilité du sol. Elle diminue l’évaporation phy- sique, Rôle prépondérant de cette évaporation dans les climats chauds; LA FORÊT ET LES SOURCES | forêt le réduit dans de telles proportions qu’on peut conclure qu’elle ettement, de ce chef, favorable à l'alimentation des sources dans sgions chaudes. podon physiologique. Essais de mesurage. Expériences de Wolny. s de Risler. Poids de la vapeur d’eau émise par les stomates des d’après v. Hohnel. Calculs de M. Fe Incertitude et contradic- s des résultats publiés. tives effectuées pour comparer la nent h en eau des végé- « forestiers et agricoles, Cases filtrantes. Mesurages de l'humidité du diverses profondeurs sous bois et hors bois. Comparaison du ni- u et des oscillations de la nappe phréatique en forèt et en terrain . Sondages russes. Expériences de M. Henry dans la forèt de on. Le niveau des eaux souterraines est abaissé sous bois. Autres tats des En de M. Henry, Il est probable, mais non abso- ol forestier reçoit plus d’eau que le terrain agricole ou le terrain nu. forèt, en diminuant l évaporation physique et en supprimant le ruis- mat chauds ainsi qu’en terrain accidenté, c’est-à-dire dans la très majorité des cas. En terrain horizontal le sens de la résultante itive des actions de la forêt est encore incertain; il estprobablement ble suivant les cas. . > pa forêts sur l'alimentation des sources, de bien pré- > > qu’ on entend par source et quelle est l’origine des 8/ L'UTILITÉ DES FORÈTS é l f Ê % > he si phère. On a calculé (1) que le débit total de l’ensemble de principaux fleuves du globe ne représente que les trois septièmes environ de l’eau qui tombe de l'atmosphère dans leur bassin; l’eau des pluies suffit donc à alimenter les cours d'eau sans qu'il | soit nécessaire de leur chercher, comme faisait Dee une. autre source d’approvisionnement. L’infiltration est la pénétration lente, à travers les fissures et. les interstices du sol, de l’eau qui provient de la pluie, de la | fonte des neiges,de la condensation des vapeurs atmosphériques l sur la surface des végétaux ou dans les parties superficielles” du sol. 4 Les eaux, en pénétrant dans le sol, finissent par s’y accumu-. ler en donnant naissance à des nappes d'infiltration. En effet, à mesure qu’elles s’enfoncent elles deviennent de moins en moins * accessibles à l’évaporation et elles arrivent à dépasser en pro- fondeur la zone draïnée et exploitée en eau par les racines des : végétaux. C’est ainsi que peuvent se constituer, au-dessous de cette zone, en général, des nappes souterraines qui, toutes les” fois que leur niveau est atteint par une dépression du sol, se” répandent au dehors sous la forme de sources (2). Le niveau de la nappe souterraine dans les terrains perméa- bles est plus ou moins bas suivant que les pluies ont été plus ou» moins abondantes ou récentes. L’évaporation l'empêche de se maintenir habituellement à la surface même du sol; l'effet de drainage et d’aspiration des racines des végétaux er pêche éga- lement la saturation d’une zone plus ou moins épaisse, plus ou moins profondément située, suivant la nature de la flore. C’est. ainsi que, sous une forêt, la couche du sol asséchée par les racines est sensiblement plus profonde que sous un terrain couvert de. végétaux agricoles. Toutes choses égales d’ailleurs le niveau des eaux phréati- ques (3) sera d'autant plus bas : (1) Elisée Reclus, Za Terre. (2) Voir le Traité de Géologie de M.de Lapparent, 4° édition, 1900,1 vol., pages « 195 et suiv. (3) Daubrée (les Eaux souterraines, t. 1, p. 19) a introduit ce terme pour dési- « d’eau, ce cours d’eau sera alimenté par la nappe ; c’est que, dans toutes les vallées des terrains perméables, on ve, à droite et à gauche du lit de la rivière, des nappes ü qui l’alimentent et ne proviennent pas toujours, comme Pardi souvent, de la filtration de ses eaux (1). une surface ondulée reproduisant, en les atténuant, les ouvements du sol. ï voit que, dans un pareil terrain, la profondeur des puits la nappe d'eau souterraine la plus rapprochée de la surface, parce que c'est à -qui alimente les puits. — (1) Le sens habituel du mouvement des eaux souterraines vers la rivière peut enversé lorsque celle-ci est dans une période de crue. C’est ce que Daubrée rt bien mis en évidence à propos de la nappe souterraine qui s'étend le long du 'urs du Rhin en Alsace (op. cit.). 86 L'UTILITÉ DES FORÊTS LA » Aussi longtemps que les dépressions du sol n nature, ne se trouvent que dansles thalwegs.Ces sources, qu’on appelle des « sommes » en Champagne, sont rarement perennes; elles remontent ou redescendent les vallées sur des longueurs qui vont jusqu’à plusieurs kilomètres, suivant les oscillations de la nappe d'infiltration. En Picardie, pays éminemment perméa- ble, les sources se faisaient jour autrefois à un point très éloigné en amont de leurs points actuels d’émergement, ce qu’on attri- bue généralement à l'influence du déboisement, (De Lapparent.) Considérons maintenant le cas d’un terrain stratifié formé de couches de perméabilités différentes. Ce cas est à la fois le plus ee fréquent et le plus simple. Après avoir traversé les couches perméables, les eaux s’ar- rêteront sur celles qui ne le sont pas ou le sont à un moindre degré; si la surface de contact des deux terrains vient à être coupée par une vallée, il y aura, tout le long de la ligne d’in- tersection, ce qu’on appelle un niveau de sources. Si les couches de terrain sont inclinées vers un certain aspect, les sources seront plus nombreuses sur le versant de la montagne corres- pondant à cet aspect. Elles sourdront aux points où la ligne, séparant les couches de terrain, formera un repli, ou aux points où cette ligne sera entamée par un thalweg, un ravin. On voit facilement qu’il peut y avoir plusieurs niveaux de sources le lung des pentes d’un même coteau; il suffit pour cela que les couches deviennent de moins en moins perméables. Des failles, ou mille autres accidents géologiques, peuvent altérer le ré- gime des sources. Rien v’est plus variable que le régime hydrologique des for- mations qui ne doivent leur perméabilité qu’à des fissures (1). (1) De Lapparent, op. cil., page 199. atteignent pas la nappe d'infiltration, celle-ci reste sans écoulement possible. Mais dès qu’elle arrive en contact avec le fond d’un thalweg, - elle s’épanche par des sources qui, dans les terrains de cette. la surface, rh les re Ps et les grès les plus fendillés à D le long de lignes, comme per 5 autres terrains, <8 APE. de véritables pou PRE Les sources og souvent t constant. Éaite sorte dé sources est très commune dans le tra les sources de la Cuisance, “ Hizon et un n grand nombre “a n° y a pas lieu de s occuper ici de cette dernière catégorie e sources qui ne rentrent pas, à proprement parler, dans la 52 CRE Observations directes de l’action de la forêt tr sur les sources. érale de l’époque lorsqu'il autorise les agents forestiers à s’op- ser à des défrichements de forêts en vue de protéger l’exis- ice de sources (2). Il faut bien reconnaître qu’une croyance ancienne, si générale et constante constitue une forte pré- | Histoire de l'Académie royale de France, 1739. Mémoire sur le rétablissement La conservation des for éts. à Art, 220. 88 j L'UTILITÉ DES FORÊTS somption en faveur de l’action utile des forêts; en pareille ma- tière l'opinion commune ne peut être que la résultante des cons- tatations faites. Ce n’est que tout récemment que l’on a commencé à émettre des doutes. On a cité des cas dans lesquels des reboisements avaient réduit le débit de sources. D’autre part on a vu des ter- rains marécageux perdre leur eau superficielle par suite de reboisements, et on en a conelu que la forêt agissait comme une pompe pour aspirer en masse, par ses racines, l’eau libre du sol et la rejeter dans l’atmosphère par l’évaporation de ses feuilles. On pourrait peut-être objecter, dans ce dernier cas, qu’il est également admissible que la forêt a fait disparaître les eaux superficielles stagnantes en favorisant leur infiltration. Il est extrêmement difficile et délicat de constater, par l'ob- servation directe, l'influence du boisement ou du déboisement du sol sur le débit d’une source. IL est en effet fort aléatoire, dans bien des cas, de reconnaître exactement le lieu où s’infil- trent les eaux qu’on voit suinter en un point donné ; le bassin de réception des eaux peut être fort éloigné(1) du lieu où elles apparaissent à l'air libre et en être séparé par des vallées, des hauteurs, etc. La définition exacte du bassin d’alimentation d’une source est parfois un problème fort délicat, de nature à embarrasser le géologue spécialiste le plus expérimenté. Le régime des sources est, de plus, souvent altéré pardes travaux tels qu'ouverture de tranchées pour routes ou chemins de fer, de galeries de mines, eic., pratiqués fort loin du point où les eaux deviennent visibles. Certaines sources sont tellement su- perficielles que des fossés peu profonds, de simples drainages agricoles peuvent détourner leurs eaux. Enfin le débit actuel d'une source dépend surtout de la pluviosité de l’année cou- rante, facteur dont l'influence est prépondérante en même temps que quelconque. Une certitude ne pourrait exister que dans le (1) C'est ainsi, pour ne citer qu’un exemple, que les eaux infiltrées dans le sable vert d'une partie du bassin de la Meuse se retrouvent à Paris à 548 m. de profondeur ‘puits artésien de Grenelle) ou à 580 (puits de Passy} et peuvent fort bien reparaitre à la surface en des points extrêmement éloignés. urs d’eau avait baissé dans plusieurs pays à mesure des pro- »s du défrichement ; mais il faut bien reconnaître que les “observations publiées en grand nombre sont loin d’être toujours en ièrement probantes et irréprochables (1). la simple observation directe de l’action de la forêt sur l’a- entation des sources, on s’est cependant efforcé, de divers ôtés, de jeter quelque lumière sur la question. Les diverses tentatives faites n’ont pas toutes été également eureuses ; un trop grand nombre (notamment celles pratiquées our mesurer directement la quantité d’eau traversant des er ins couverts de végétations variées) ne paraissent pos- séder qu’une bien faible valeur démonstrative. Il n’est pas ques- tion de les discuter ici; nous ferons seulement remarquer que tous les mesurages ou pesées exécutés au laboratoire ne peuvent en rien faire avancer le problème. ) I nous entrainerait trop loin de reproduire ici même une faible partie de la se des observations plus ou moins précises faites sur ce sujet. On en trou- et notamment dans la Revue des Eaux et Foréts (voir en particulier les volumes des années 1866, 1867 et 1868). Un ingénieur suisse, R. Lauterburg, cité par itié du xrxe siècle, auraient réduit de plus du quart le débit minimum de l’A- e à l'époque des basses eaux. Un phénomène analogue aurait été constaté ur le Pô. Des observations faites avec le plus grand soin en Prusse par M. G. Ha- en (citées par M. Lehr in Handbuch der Forstwissenschaft) semblent établir d'une con certaine une réduction du débit de la plupart des cours d’eau étudiés (Elbe, selle, Oder, Vistule, Pregel, Memel), dans le cours de la seconde moitié du le dernier ; mais rien ne prouve que ce phènomène soit lié à des déboise- — ments qui auraient été exécutés parallèlement. M. Henry, professeur à l'Ecole nationale des Eaux et forêts, a aussi réuni un certain nombre de faits intéressants ien constatés dans une communication faite en 1901 à la Société des Sciences Nancy sous le titre « le Rôle des foréts dans la circulation des eaux ». Le Journal suisse d'Economie forestière (1898) rapporte des observations de M. de nbach qui établissent d’une façon qui paraît certaine l'influence de la forêt * Pabondance des eaux dès sources qui alimentent la ville de Berne, etc., etc. a F ‘ grand, et sur des forêts véritables. Ce sera l’honneur de la Sta- #4 tion des recherches suisse d’avoir inauguré cette expérimen- tation grâce à l'initiative de son zélé directeur, M. le professeur Bourgeois (1). M. Bourgeois a choisi dans l’Emmental, fraîche et Verdoyane 5 vallée, creusée dans les derniers contreforts septentrionaux des Alpes, deux petits cours d’eau, le Rappengräbli et le Sperbelz graben (2), affluents secondaires de l’Emme, dont les bassins de réception supérieurs se prêtent on ne peut mieux aux recherches qu’il se proposait d’entreprendre. A D'une contenance chacun de 80 à 100 hectares, ils ont la forme. de cirques presque fermés, délimités très nettement par une ligne de crête en forme de fer à cheval. L'orientation générale du thalweg est identique (au S.-0.) de même que la nature du sol et l'altitude Go varie de 980 à 1230 mètres pour le Rap- pengräbli, de 900 à 1200 mètres pour le Sperbelgraben). Le premier est presque entièrement en pâtures el ne porte que 18 p. 100 de forêt disposée en un mince ruban le long du ruis- seau, dans le thalweg ; le second (Sperbelgraben) est couvert, pour les 91 centièmes de son étendue, de belles futaies irrégu- lières de sapin. | n LAN FS sa “AD AS 4 pi | ct dé di ‘ex à x da ENT hf ES L é. ti Û N L TA ee È 2 pe D jé 7 LG de Se ie de Avec le concours du bureau hydrométrique fédéral on a ins- tallé sur les deux petits cours d’eau, au point où ils sortent des bassins presque fermés qui constituent leur vallée supérieure, un dispositif permettant de mesurer leur débit avec toute l’exac- titude désirable. D'autre part, des pluviomètres établis à diverses (1) Une mort subite a enlevé prématurément Bourgeois à l'affection de ses amis et à la science forestière, qui en avait encore beaucoup à espérer, le 8 septembre 1901. Il était à peine âgé de 46 ans. Son œuvre de l'Emmental est continuée par son digne successeur, M. le Professeur Engler; aucun résultat n'a encore été publié à ce jour (juillet 1903). | (2) Voir la feuille n° 197 de la carte de l'Etat-Major suisse au 1/25.000. Lelieu des expériences se trouve à 34 kilomètres environ à vol d'oiseau à l'Est de Berne, dans le canton de ce nom, par 47°1 de latitude Nord et 5032 environ de longitude Est de Paris, LA FORÊT ET LES SOURCES 91 altitudes indiquent d’une façon précise la quantité de pluie qui tombe dans les deux bassins (1). Les observations se font quotidiennement et ont commencé en 14900. Sans doute il y aura peut-être lieu, dans l’avenir, de modifier, en le simplifiant, le dispositif employé pour le mesurage du débit ; de substituer, par exemple, des appareils enregistreurs aux mesurages intermittents effectués actuellement (2). On peut aussi douter que les deux petits ruisseaux débitent bien exacte- ment, par la partie visible de leur cours, toute l’eau infiltrée dans leurs bassins. Cela est, certes, très probable ; mais nul ne peut affirmer qu’il n’existe quelque fissure du sous-sol où s’ac- cumulent ou par laquelle se perdent des masses d’eau échappant à l'observation. L'installation des pluviomètres dans la région boisée sera aussi très délicate si l’on veut recueillir toute l’eau soutirée à l’atmosphère par condensation contre les branches, eau qui arrive en partie au sol en glissant le long des füts, etc. Il n’en reste pas moins que les expériences de l’Emmental constituent une tentative de très hautintérêt en vue de la solu- tion d’une question aussi controversée qu’importante. Leur ins- tallation fera époque dans la science forestière, et on doit être reconnaissant à M. le professeur Bourgeois d’une initiative qui, nous l’espérons, ne restera pas isolée. C’est avec une impatiente curiosité que nous attendons les résultats que fourniront les mesurages effectués dans les deux petits bassins de l’'Emmental bernois. (4) Les appareils de jaugeage ont été installés, sous la direction de M. l'ingé- - nieur en chef de Morlot, d’après les plans de M. l'ingénieur Epper, du service fédéral. Lorsque le débit est faible, on le détermine directement en dirigeant les eaux dans un bassin jaugé et en notant la masse d’eau recueillie en un temps …_ donné: lorsque les eaux sont abondantes on les fait écouler par un, deux ou - trois canaux terminés par des orifices de section rectangulaire dont on calcule le débit d'après la formule indiquée par l'ingénieur français M. Bazin (Annales des Ponts et Chaussées, t. XVI, 1888, et XIX, 1890), en fonction de l'épaisseur de la lame d’eau passant sur le déversoir. (2) I vient d'être donné satisfaction à ce vœu, que nous exprimions dès notre Es - première visite à l'Emmental en 1900. Au mois d'avril 1903, des appareils d'en- _ registrement automatique ont été installés sur les deux ruisseaux en même temps qu'on perfectionnait les appareils pluviométriques destinés à mesurer la …_ chute d'eau et de neige dans leurs bassins de réception. 92 _ L'UTILITÉ DES FORÊTS En présence de la difficulté que présente l'étude directe de … l'influence de la forêt sur l’alimentation des sources on a essayé … de simplifier la question en recherchant comment la présence. des massifs boisés modifie les différents facteurs dont dépend l'abondance des sources. Celle-ci résulte évidemment : Lo De la quantité d’eau qui parvient au sol; ù 2° De la proportion de cette eau qui, s’étant infiltrée, atteint la nappe souterraine dont les sources sont les déversoirs appa- rents. Notre étude se trouve ainsi naturellement divisée en deux parties. La première est relative à ce que l’on sait de l’influence de Ja forêt sur la quantité d’eau qu parvient au sol. | La seconde est consacrée à l’influence de la forêt sur la pro- portion de cette eau qui pénètre jusqu’à la nappe souterraine. Ces deux éléments de la question ferontl’objet des deux para- graphes qui vont suivre. S3. — Influence des forêts sur la quantité d'eau atmosphé- rique parvenant au sol. L'eau qui arrive au sol provient de trois sources principales : 1° Des pluies, neiges, grêles, etc., qui, se formant dans les couches supérieures de l'atmosphère, se précipitent sur le sol; 2° Des condensations de vapeur à lasurface des végétaux lors- que ceux-ci sont plus froids que l'air; l’eau ainsi condensée arrive au sol à l’état solide ou à l’état liquide, dans ce dernier cas soit en tombant à travers l’air, soit -en glissant le long des tiges ; : 3° Des condensations qui s’opèrent dans les parties superfi- cielles du sol lui-même ou dans sa couverturede feuilles mortes lorsque le sol est boisé. Nous commencerons par écarter cette dernière source d’ali- + VAAEY ds: = Fe th 1 La FE rT Las PATENT . + Eaih : LA FORÊT ET LES SOURCES 93 mentation du sol en eau, non pas qu’elle soit sans importance, mais parce qu’elle est inconnue (1). _ On a vu avec détails, au chapitre précédent, que la présence de la forêt augmente très sensiblement la pluviosité du point où elle se trouve. _Ce résultat est acquis incontestablement au moins pour le cas (unique il est vrai) (2) observé par la station de recherches de Nancy. Pendant 33 années consécutives, sans aucune diver- gence, ona constaté que tandis qu’au centre de la forêt de Haye (7.000 hectares de hêtre, charme et chêne) il tombe annuelle- ment, en terrain découvert, sur un terrain défriché de plusieurs hectares, 848,7 millimètres d’eau, il n’en tombe que 796,9 sur la lisière de la forêt, et 650,6 seulement en terrain semblable, mais à distance de la forêt; cette différence, on se le rappelle, est toujours dans le même sens, tous les ans, pour toutes les saisons, quelle que soitla direction des vents, et n’est légèrement influencée, sans être renversée, que par la pluviosité annuelle. Les mesurages de M. Fautrat, également exposés ci-dessus, ceux de M. de Pons dans la forêt de Tronçais (Allier), quoique moins probants parce qu’ils s’étendent sur une moins longue suite d’années, beaucoup d’autres encore poursuivis en Alle- magne, en Autriche, en Russie, dans les Indes anglaises, etc., permettent de croire à la généralité du phénomène. : Si les cimes des massifs sont plus arrosées que les champs voisins, en est-il de même du sol forestier? Ici les observations irréprochables sont beaucoup plus rares. Il ne suffit pas, en eflet, pour avoir une idée, même approxi- (1) Giseler, cité par M. Ney (der Wald und die Quellbildung, Metz 1901),a cons- taté que dans un tube de verre maintenu à 0° et placé dans une chambre dont la température restait uniformément égale à — 4,5 il se condensait, en une année,une quantité d’eau correspondant à une lame de pluie de 35 centimètres d'épaisseur. Il est superflu de faire remarquer que cette expérience,non plus que tant d’autres effectuées en matière d'agronomie dans les laboratoires, n’a guère de portée. Les choses se passent tout autrement dans la nature que dans les conditions où sont obligés de se placer les expérimentateurs. (2) Des expériences nouvelles ont été entreprises, sur notre initiative, depuis le 1er janvier 1903, sur différents points des Vosges françaises en vue de vérifier la généralité des faits observés aux environs de Nancy. 94 | L'UTILITÉ DES FORÊTS mative, de la quantité d’eau qui arrive au sol forestier, deplacer S : un pluviomètre sous le couvert des arbres. Comme le faisait … déjà remarquer Mathieu il y a plus de trente ans, la quantité d’eau recueillie variera singulièrement suivant que le pluvio- mètre est placé près du füt à l’abri du réseau des grosses bran- ches, sous une trouée de la cime, au-dessous du milieu d’une branche ou à l'extrémité de cette même branche qui lui déver- sera comme une gouttière, en s’inclinant, toute l’eau ou toute la neige tombée sur sa surface et sur les branches supérieures. M. Hoppe (1) a montré que des pluviomètres placés à de très petites distances les uns des autres, sous un même arbre, rece- vaient des quantités d’eau variant dans des proportions vraiment incroyables. Enfin un pareil procédé ne tient aucun compte de la quantité d’eau qui arrive au sol en glissant le long des tiges et dont la proportion peutatteindre 15à 20 0/0, peut-être davan- tage, de la chute annuelle; soit que cette eau provienne des pluies, soit qu’elle ait été directement soutirée à l’atmosphère par voie de condensation sur les feuilles ou les tiges. C’est pour cette raison qu’il ne sera fait aucune mention ici des résultats obtenus en France ou à l’étranger au moyen de pluviomètres ordinaires placés sous des arbres. Les seules don- nées vraiment démonstratives sont celles obtenues par le dis- positif si simple et si parfait imaginé par Mathieu dès 1867 et quia été conservé par la station de recherches de Nancy pendant 32 années d'observations. Voici sa description, empruntée à son auteur lui-même (2). «La station des Cing-Tranchées, située à environ 8 kilomètres et à l’ouest de la ville de Nancy, à l’altitude de 380 mètres, est placée au centre d’un vaste plateau boisé, la Haye, qui forme les assises calcaires de l'oolithe inférieure. Deux pluviomètres (1) Regenmessungen unter Baumkronen, 11° fascicule des Mitleilungen aus dem forstllichen Versuchswesen Oesterreichs, Vienne, 1896. (2) Météorologie comparée agricole et forestière ; rapport à M. le sous-secrétaire d'Etat, etc….., du 25 février 1878, page 4. Dans ce rapport, publié par l'Imprimerie Nationale, Mathieu rend compte des résultats des 11 premières années d'observa- lions. pi I MS EE HE: PEROU RENE, AD PR peut recueillir l’eau qui ruisselle Je long 4 fût, soit à la nie d’une pluie prolongée c ou d'un brouillard intense, soit D'de un : Commencées en 1867, les observations ont été poursuivies ui: ne 1898, un accident arrivé à l’un des appareils ner - (1) Voir plus haut, page 68. _ (2) Cette perche était un jeune charme âgé de 41 ans au début des expériences forme régulière avec une cime bien fournie. Ce tableau'est emprunté au travail déjà cité de M. de Bouville : « Observa- t # ms de météorologie. de la Station de recherches de l'Ecole nationale des et Forêts ». Paris, 1901. sors À a'ee |o'osz loges | vec | e'aes] #°006! 416 | e’eez | &°T08]- (oenue oouue) xaviog pese | vec ete loose | e's6 |e'ccel 6'esel r'r6 | e'oce | e'8zel(rrat-onquronou)xaviog geurs | vos |eoer lo:ssr | o'8s |oegrl are) rés | o'LLe | à €Yf"*(oagooo-ew) xawaog ses Lez lors À 906 |#eo |o-co | 4106 | ses | L'a8 | 916 | #71 |c'eu Lt" "torquensq ge rer loge | avorlo6o (eoo | 086 | s'22 | '6z | 'o6. | e°rL | 8:82 |°°"':"""" ouquuouo een roc lee | 896 |r66 |rcor | ec | 2766 | 2207] g'£8 | g'3L | 8°€8 |'°:""""""""""o2q0100 oe | eco lerez | vie |éce (30 | 006 |s'o1 | 810 | a'r6 | 9 80 | a'aL |'"7""""" exquresdos 8-8 | 8-70 A8 TL | #98 "00 leu F'yo8 | eg | #2 | 0/88 | "08 à pp her" por gge l'cor lors h r'8 las: [8-88 -|"0 "06 | o'08 }'9i86 "07060 660 lors" "7" 8"" 3eme tisse Fes. le"rs À 906 |O218 |1:68 d'S'i8 ote8 | 2100 up | &00 #00 "#" "T7; "tmp nest orce lv-i9 e6s |S'66 16/00 | t'en} 0'Lr ReaGl og | Cr GER "te tt te ren ecoe | ges loss À roc Lu evo l6168 Frac lg 59 | 916 | 6er |#ea "re" ge | aes leo À gr6 |e’se 1969 Loco | #16 | L:r9 | 0:86 | G'6ce |:4"09 N°77" "7: "7" sem gcc Loose loss Le 66. vos 1606 L'ur6” | 8:76 l'es | "7'r0F | oes agg lt"; gcee À ve lese | 6207 |éce [e:ré | L'eor | L'or | Gt | 8'o6 | g'es | gag lee" te rorauer “UT JEU *UUTfTEu “LUTfEU "TU rfqrux “rit “tur\ [Eu *UITJ[EUI “uurqpeuu | “UUITEIUU “TU [ru *wTj}Uuu *uiI{EUu SES | oumonoen |etponseal-um gr] EM" |euronoe un gg; TON |EURoOA eu 60) eonoos euousos FEI , re bras 3 EE Po . SI g. Lg RS RE *i ea el PRE ee e Re # eut Fi quëp | Louer , D à £ k ve £ & Juup ï R muodssuoo | qui, [anneau] ruodsou10 | Vansarvar aasvag|uod sou seras [unassrvag | 0052200 | uaasswvas [uaassivaÿ ne me] Rd —| es, RS Po Si04 Sn0s SI04 SUOH SIOH SAOS SI04Z SUOH SIC SAOS SIO4 SYOH SI04 SA0Ss SI04 SuOH ES CR RS I. RE SNS ce. EE 86RT-L08T 8681-688H 888F-8L8F LISF LIST *SI0Œ SNOS 30 SIOU SIOU S01J9WO0IANIÉ Sep SuAOU SIONSUIU S9AS[OU LA FORÈT ET LES SOURCES 97 a # comparaison des ee qui précèdent permet de cons- later que, pour un certain nombre de mois et surtout en hiver, ‘est au pluviomètre placé sous le couvert qu’on a recueilli le plus d'eau. Pareil fait a déjà été signalé en 1878 et 1890, dans . des rapports publiés par Mathieu et M. Bartet (1), sur les résultats _ constatés à ces dates par la Station de recherches de Nancy. - Ilest d'autant plus intéressant que ce sont les pluies d’hiver 4 qui sont de beaucoup les plus importantes au point de vue de l'alimentation des sources. & Il s’explique du reste très naturellement par la condensation de la vapeur d’eau sur la surface considérable que représentent s cimes des arbres forestiers (2). Les arbres sont en effet plus froids que l’air qui les entoure en toute saison et à toute heure du jour. Néanmoins, la diffé- “ De renves entre la température des arbres et celle de l'air ambiant Printemps Eté Automne | Hiver Mélèzes (près d'Interlaken).) Températures 2041 | 3034! 0°96 | 0°36 des arbres : 9 9% 3 Epicéas (près de Berne). pe ee 3.31 | 4.06 | 2.25 | 0.95 | Hôtres (près de Porrentruy) 1m.30 du sol. DT 318 T5 0.29 Températures Le | Observations bavaroises sur| mesurées surles | 1.26 | 1.75 | 0.66 | 1.27 | = essences diverses, ee A de la | 9.82 | 1.17] 0.37] 1.40 De orologie comparée, agricole et bee es : observations faites à la iris, 1890 (Bulletin du ministère de l'Agr sartere) " [arrive quelquefois que la quantité d’eau fournie au sol forestier par les condensations soit très considérable en peu de temps. Il en a été ainsi en jan- 1882. Le vent d'Est accompagné de brouillard a déposé sur les arbres une » quantité de givre qu'un grand nombre de branches ont cassé sous son poids. givre était formé d’aiguilles de 10 centimètres de longueur. Une brindille cou- 98 L'UTILITÉ DES FORÊTS Ces constatations suffisent à nous donner la clef du phéno- mène important signalé ci-dessus. Les arbres avec leurs cimes… abondamment ramifiées constituent de très efficaces condensa- teurs de la vapeur d’eau atmosphérique, qu’ils amènent à l’état liquide jusqu'au sol; cetteaction est naturellement plusmarquée. au début et à la fin de l'hiver, époques où l’air, dans nos cli- mats, est habituellement, en forêt surtout, très voisin de son point de saturation. Le moindre abaissement de température suffit alors pour amener une condensation. | Ea somme les résultats obtenus par les observations faites aux Cinq-Tranchées peuvent se résumer de la manière sui- vante : Sur 100 millimètres d’eau météorique, l'instrument placé à l’abri de la cime d’un jeune charme n’en a reçu, année moyenne, que 92 mm. # ; 7 mm. 6 ont donc été retenus par la cime, com- pensation faite du produit de la condensation contreles branches et le haut du fût. L'action de la forêt est d’ailleurs sensiblement différente sui- vant les saisons. En hiver, les arbres sont dénudés, de plus ils favorisent alors plus fréquemment la condensation des vapeurs atmosphériques. Aussi une fois sur trois à peu près, c’est le pluviomètre sous bois qui est le plus rempli et celui-ci reçoit, en moyenne, 96,9 p. 100 de l’eau tombée pendant la période novembre-avril, soit la presque totalité. La condensation par les cimes suffit donc à compenser presque complètement la perte due à l'adhé- rence d’une partie de l’eau tombée sur les arbres. | Durant l'été, au contraire, les branches couvertes de leur feuillage interceptent beaucoup mieux la pluie. Si on compare, verte de givre, coupée avec précaution, avait un poids de 550 grammes; débar- rassée de son fardeau, elle ne pesait plus que 70 grammes. (Bulletin de la Com- mission méléorologique de Meurthe-el-Moselle, 1882.) Ce givre, en fondant, le 17 janvier, a donné une lame d’eau de T mm. 4 au pluviomètre sous bois des Cinq-Tranchées. Au mois de janvier 4879 une branche de bouleau de la forêt de. Fontainebleau, pesée par M. Croizette-Desnoyers alors qu'elle était entourée d'un épais manchon de givre, accusait un poids de 700 grammes, Pesée de nouveau après fusion, son poids n'était plus que de 50 grammes. Rd ARE je ee eu Pi VU VET ve "Frs + ne re eue UT “ LA FORÊT ET LES SOURCES 99 4 pour les mois de mai à octobre, les hauteurs observées respec- tivement en terrain découvert et sous le massif, on trouve qu'elles sont entre elles comme les chiffres 100 et 88,8. Si les proportions suivant lesquelles est arrosé le sol fores- tier varient avec la saison, elles doivent être quelque peu dif- férentes selon l’âge et la consistance du peuplement. De fait, considérant pour le calcul des moyennes, non plus la durée totale des observations, mais trois périodes successives approxi- mativement égales, on constate qu’il a été recueilli sous bois, en été, respectivement 89,1 p. 100, 88 p. 100 et 89, 4 p. 100 de la quantité d’eau d’eau précipitée de l’atmosphère. La portion retenue par la cime augmente de 1867 à 1888 en même temps que le couvert, par suite de l’accroissement de l’arbre observé qui passe de 40 à 62 ans. Elle diminue alors à la suite de l’é- claircissement progressif du feuillage, coïncidant avec le déclin de la végétation, qui se manifeste pour les rejets de charme, dans la forêt de Haye, vers 60 à 70 ans dans des conditions habituelles. À Citons encore ici quelques chiffres relevés à l'étranger sur la proportion de la tranche pluviale interceptée par les cimes des arbres. La quantité absolue d’eau restant adhérente aux arbres et retuurnant à l’atmosphère par évaporation est constante pour un même arbre, quelle que soit la durée de la pluie; mais elle suffit à absorber celle-ci totalement, en été surtout, si la pluie est de courte durée, tandis qu’elle n’en absorbera qu’une pro- portion de plus eu plus faible à mesure que la pluie sera plus prolongée. La perte d'arrosement due à l’action du couvert est donc très variable suivant le régime local des pluies. _ Elle l’est naturellement aussi avec les essences. M. Hoppe a essayé, en plaçant un grand nombre de pluviomètres sous la cime d’un même arbre, à des distances variées du fût, d'obtenir une moyenne pour la quantité d’eau qui passe directement à travers les cimes. Il a mesuré ensuite séparément l’eau de pluie glissant le long des fûts. Combinant ces résultats avec 100 L'UTILITÉ DES FORÊTS ceux obtenus par lui-même, M. Ney (1) arrive à conclure que. la perte due à l’adhérence aux cimes est de : FR 15 0/0 de la chute annuelle pour le hêtre, 200/0 de la chute annuelle pour le pin sylvestre, 33 0/0 de la chute annuelle pour l'épicéa. Si l’on considère à part les pluies d'hiver, les seules impor=. tantes pour l'alimentation des sources, on constate, d’après le. même auteur: | F Que les cimes des hêtres en retiennent 7 0/0, celles des pins. en retiennent 15 0/0, et celles des épicéas en retiennent 20 0/0. Ce dernier chiffre serait encore inférieur au surcroît de pluie procuré, d’après les expériences françaises, par la présence de la forêt. Les chiffres de M. Ney ne tiennent pas compte de l’eau de condensation fournie par les cimes et ne reposent que sur un petit nombre de mesurages. PAT Il reste maintenant à tirer de toutes les données qui précè- dent les conclusions qu’elles comportent relativement à l’ali- mentation des sources (2). La question à résoudre est lasuivante: le sol abrité par la forêt est-il mieux arrosé que celui de la région agricole ? | Pour savoir à quoi s’en tenir, il suffit de comparer les indi- cations des pluviomètres installés sous bois aux Cinq-Tranchées avec celles de l’instrument établi à Amance-la-Bouzule. Le ta- bleau qui suit donne àcette fin, et séparément pour l'été, l'hiver et l’année entière, les résultats des observations pour toute la période qu’elles embrassent. | | : ? ! DEN x A { 4 it = Pa LE Les ni Gas he MA TTRET ETS a “te Qi derrl dE Ls (1) Op. cil., page 10. (2) De Bouville, op. cit. uv + ptibiEÉ gaseines Lhascommate unes à Î TL PEN TRE AE EC y LEE 7] LA FORÊT ET LES SOURCES IOI Comparaison entre les quantités d’eau pluviale parvenant au sol dans une région agricole d’une part, et, d'autre part, en forêt, à l’abri du massif, MAI-OCTOBRE NOVEMBRE-AVRIL ANNÉE ENTIÈRE è D CE CS D EE ad ANNÉES LES CINQ- LES CINQ- LES CINQ- rrancuées | MANGÉ | opancnées | AMANCE Lopancnies | AMANCE- (sous bois) | BOUZULE (sous bois) LA BOUZULET ous bois)| LA POUZULE : millim, millim, millim. millim. millim, millim. | LITE NT 340.0 315.0 528.0 547.0 868.0 862.0 RD En rate Dave 290.0 278.0 413.0 353.0 703.0 631.0 : #11 FINE 395.0 303.0 334.0 325.0 729.0 628.0 RE Li 1 à 332.0 332.0 210.0! 186.0 542,0 518 0 MORE TN: = 389.0 365.0 272.0 260.0 661,0 625.0 RC 390.1 347.1 403.9 369.9 794.0 717.0 LL UTR RENÉ AT 403.9 391.3 270.2 247.7 674.1 639.0 1 1144 TERRE 341.7 308.9 319.0 237.0 660,7 545.9 1H Ur OST Es 578.0 So:1 329.7 246.1 907.7 297.2 DR, ., 334.6 267.6 422,0 402.3 756.6 669.9 à D'at HUN EAN FAR TES 94 SARA 418.0 424,7 TEA 146,9 en nt 481.8 47:.3 401.7 348.5 883.5 825.8 ME 413.4 | 458.8 407.9 268.1 881.3 726.9 RE ER 453.3 371.8 392.2 307.1 845,9 678.9 : !.. LL Pa REP 321.8 269.8 312.3 244.5 634.1 514.3 LR OO PRES FE 487.1 490.3 393.6 332.3 880.7 822.6 LUTTE TNT PARIS 469.5 428.9 393.1 252.0 822.6 680.9 RS 287.3 3014 .2 350.6 258.5 637.9 559.7 Re 534.3 417,0 422,0 346.0 956.2 163.0 LCL STONE 458 5 411.6 428.7 326,4 887.2 738.0 BU. LE nu 421 0 324,5 306.7 252.5 194.1 571.0 ARTE a dur 595,1 470.5 403.3 253.1 998.4 723,6 RE EL D 499.8 351.0 323,0 231.0 822. 582.0 Es 7} 467.1 394.7 360,8 2345 827.9 629.2 LT RTS IPS 540.14 406.3 371.8 265 9 911.9 672.2 1 RUES TEE 576.0 442,5 389.3 192.6 965.3 635.1 LL LITERIE 39921 295.7 340.6 209.7 643:1 505.4 MR ne 2. 447,6 321.4 284.9 2411 .1 732: de EN cu 393.5 512:5 543.9 461.6 937.4 674,1 UT TOR RONA 427.9 445,8 274.1 245.7 699.0 661,5 1115 TUNER EEE 12,1 378.5 298.0 191.8 670.1 570.3 SSL RATE 306.0 309.7 259.6 174.4 565,6 484,1 TOrPEUXS.. :: 13493.6 111661.0 |1153%.9 | 9076.0 125028 .5 |[20737.0 MOYENNES...... 424 ,7 364.4 | 360.4| 283.61 782.1| 648.0 L'examen des chiffres montre que le terrain de la forêt de —.. Haye, au centre du massif, et sous son couvert, est toujours 102 L'UTILITÉ DES FORÊTS mieux arrosé que celui des plaines voisines. La différence est surtout sensible l'hiver; elle s’atténue l’été par suite de la préz sence des feuilles. Année moyenne on ne recueille à Amance-. la-Bouzule que 82,9 p. 100 de la quantité d’eau pluviale reçue sous bois aux Cinq-Tranchées, la proportion étant de 86,4 p. 100 pour les mois de mai à octobre et de 78,7 p. 100 seulement pour ceux de septembre à avril. : Les conclusions ‘déduites des observations françaises appel- jent cependant encore quelques remarques. Le pluviomètre forestier accuse la perte résultant pour le sol de l’adhérence d’une partie des eaux atmosphériques à la cou- verture végétale : tout ce qu’il recueille arrive net au sol. Il n’en est pas de même pour le pluviomètre installé au-dessus d’un champ cultivé. La surface de ce champ est couverte d'un tapis souvent très touffu de graminées, légumineuses, ete., qui retiennent une portion notable de l’eau de pluie tombée et la. laissent évaporer dans l’air, exactement comme le font les feuilles des arbres (1). En revanche, l’eau condensée contre le tapis végétal du ter- rain découvert n’est pas non plus mesurée; elle doit, ilest vrai, être en quantité assez faible relativement parce que le tapis vé- gétal fait souvent défaut en automne et en hiver dansles champs cultivés. On peut admettre que cette quantité d’eau est compa- rable (plutôt inférieure cependant, autant qu'on peut en juger) à celle qui se condense dans la couverture de feuilles mortes du sol forestier. IL paraît donc que ces remarques viennent tortifier encore les conclusions favorables à la forêt, devenues valables à for- tiori. Dans l’état actuel de nos connaissances il- faut ad- mettre que le terrain dela forêt de bois feuillus reçoit plus (1) On a calculé (M. Ney, der Wald und die Quellen, Tübingue, 1894, p. 30) que la récolte d’un champ de blé aurait une surface développée de 74.000 mètres carrés par hectare, celle d'une prairie naturelle serait de 46.000 mgq., celle d'un champ de trèfle de 56.000 mq., celles d'un champ de pommes de terre de 52:000 mq. La surface foliacée d’une futaie de hêtre bien pleine, d'âge moyen, serait de 83.000 mq. LA FORÊT ET LES SOURCES 103 d’eau provenant de l'atmosphère que le terrain agricole ; la dif- férence peut être considérable et atteindre 20 à 25 0/0 de la chute en hiver, saison qui fournit presque seule des eaux d’in- filtration. Sous les forêts résineuses, il semble bien qu'il en soit encore de même, surtout en hiver. Le fait peut être admis comme à peu près certain pour le pin sylvestre et le mélèze et il est probable encore pour l'épicéa, l'arbre de nos pays dont le couvert est le plus épais. $ 4. — Influence des forêts sur l'infiltration des eaux. L'on a vu au paragraphe précédent l'influence de l’état boisé sur la quantité d’eau atmosphérique qui parvient au sol. Il reste à examiner comment la forêt modifie les conditions d’alimenta- tion des sources, en agissant sur l’infiltration profonde de cette eau jusqu'aux nappes souterraines, dont les sources constituent les débouchés. De l’eau qui parvient au sol une partie s'écoule à la surface et parvient directement aux cours d’eau par le ruissellement. On appelle eaux sauvages ces eaux qui glissent à la surface sans pénétrer et coefficient de ruissellement le nombre qui exprime leur importance relative. Une seconde partie retourne directement à l'atmosphère à l’état gazeux, par suite du phénomène de l’évaporation phy- | sique. Une troisième partie, après avoir pénétré dans les couches superficielles du sol, en est soutirée par la succion des racines qui l’entraine dans le corps des plantes. Cette eau est partielle- ment utilisée pour former les tissus des végétaux, mais la plus forte part retourne à l'atmosphère sous forme gazeuse, par les stomates des feuilles, après avoir charrié jusque dans celles-ci les éléments minéraux nécessaires à l'accroissement de la plante. On appelle évaporation physiologique ce phénomène important; il enlève au sol des quantités d’eau considérables qui avaient | PMTATEN, Te ONE er PA CS ci 10/ L’UTILITÉ DES FORÊTS dimension des végétaux. On conçoit en effet que la zone ainsi. asséchée est tout près dela surface dans le cas de gazons ou de — céréales à racines superficielles, tandis qu’elle pourra être assez | profonde dans le cas de forêts dont les racines pénètrent très avant dans les sols perméables. :: Une quatrième partie enlin, s’étant infiltrée, grâce à la per- 4 méabilité du sol, arrive à LEE la zone de profondeur d'où les racines des végétaux peuvent l’aspirer ou de laquelle elle peut s'élever par capillarité jusque dans la région où les racines sont actives. Elle pénètre de plus en plus profondément dans le sol jusqu’à ce que, rencontrant l’obstacle d’une couche im- perméable, elle s’amasse pour constituer une nappe souter- raine d'eau libre. C’est celte nappe qui, se déversant au dehors, forme les sources lorsque les conditions exposées au Z 1 de ce chapitre viennent à être remplies. Si le modelé du terrain est tel que les eaux ne peuvent apparaître à l’air libre, la nappe sou- terraine est alors exploitée au moyen de puits et on a pro- posé (1) d'appeler rzappe phréatique la nappe la plus rapprochée de la surface parce que c’est celle qui alimente les puits dont on limite naturellement la profondeur au niveau qui ne dépasse : pas, en général, en s’abaissant, la partie supérieure dela nappe la plus superficielle. Avant d’aller plus loin il convient d’établir ici une distinction | essentielle entre les sources des régions de montagnes et celles des pays de plaines. En montagne le ruissellement joue un rôle tellement prépon- ; dérant que la question qui nous occupe peut setraiter en ne con- : sidérant que ce phénomène seul, abstraction faite de Pévapora- tion et de la perméabilité. L'influence de la perte due aux eaux sauvages prime toutes les autres. Ce cas spécial, le plus simple, est le seul dans lequel on puisse formuler des conclusions (1) Daubrée, les Eaux souterraines, &. 1, page 19 (Paris, Dunod, édit. 1887). "ai ici En 4 dis td: + ne gs LA FORÊT ET LES SOURCES 10) … absolument certaines. C’est du reste aussi de beaucoup le plus important : les sources sont infiniment plus nombreuses, plus abondantes et plusutilesen montagne qu’en plaine. Les sources de plaine, ou bien sont alimentées par des eaux s’infiltrant dans la montagne, ou bien n’ont aucune influence sur le régime des eaux à cause de leur faible débit. La chute d’eau dans les ré- gions basses esten effet trop faible pour que, après prélèvement fait par la végétation généralement agricole, il puisse en rester une part notable pour alimenter des sources. Souvent même les terrains des plaines portent des récoltes qui absorbent, pour se former, plus d’eau que n’en produisent les précipitations locales, l’appoint étant fourni par l'irrigation naturelle ou arti- ficielle au moyen de l'excédent de zones plus élevées. En plaine, au contraire, le ruissellement n’existe pas et l’a- limentation de la nappe souterraine dépend des conditions de perméabilité du sol et de l’évaporation. Ï. — INFLUENCE DES FORÊTS SUR L’INFILTRATION DES EAUX EN MONTAGNE La fraction de ruissellement augmente suivant la pente et sui- vant la rapidité plus ou moins grande avec laquelle tombe la pluie ou fond la neige sur les versants. Elle peut devenir extrêmement élevée. M. Imbeaux (1), dans une étude sur le régime de la Du- rance, a trouvé que, « pour les trois crues exceptionnelles des 27 octobre 1882, d'octobre 1886 et de novembre 1886, la frac- tion de ruissellement avait été, à Mirabeau, de 0,33 — 0,39 et 0,42, soit plus du tiers de la pluie tombée ; elle était descendue à 0,27 pour des crues moins fortes et même à 0,23 et 0,18 pour de moyennes et petites crues, montrant bien ainsi la Loi de sa décroissance parallèle à celle de l'intensité de la pluie ». Pour le Danube, à Vienne, le bureau central hydrographique de Vienne a trouvé, en appliquant la même méthode, 42,1 0/0 pour {1} Essai-Programme d'hydrologie, par M. le Dr Imbeaux, ingénieur des Ponts et Chaussées. Publié dans la Zeitschrift für Gewasserkunde, 1898 et 1899. (Cita- tion empruntée à M. Henry.) ENT EP UN 106 L'UTILITÉ DES FORÊTS la période du 28 juillet au 14 août 1897 (1). D'autres auteurs. (Demontzey, M. Ney) ont constaté que la fraction de ruisselle-. ment peut atteindre 40 à 50 0/0 de la tranche pluviale sur des versants déboisés. Demontzey cite même un cas où elle s’est élevée aux trois quarts de l’eau déversée par une pluie d’orage sur le bassin d’un torrent s'étendant sur plus de 800 hectares. L'action de la forêt sur la réduction des eaux sauvages est tellement connue, tellement universellement admise, que c’est devenu un lieu commun que d’y insister. Nous rappellerons. seulement qu’elle résulte principalement : 1° de ce que, grâce à l'obstacle formé par les cimes, l’eau n’arrive au sol qu'avec une vitesse à peu près nulle; 2° de ce que les pluies sont, toutes choses égales d’ailleurs, plus fréquentes et moins violentes en forêt, que surtout la fusion des neiges y est beaucoup moins rapide,celles-ci persistant sous bois quinze jours ou mêmeun mois plus longtemps qu’en terrain découvert; 3°de l'obstacle opposé au cours des eaux par les tiges et les racines des arbres et enfin de l'absorption d’une quantité considérable d’eau par la mousse ou la couverture morte du sol. On a calculé qu’une couverture de feuilles mortes ou de mousse retenait, par son hygroscopicité, une tranche pluviale de 74 millimètres d’épaisseur tombant en un jour avant de rien laisser écouler par le ruissellement (2).Même lorsque la couverture est saturée, elle ne laisse échapper l’eau que goutte à goutte de sorte que le sol peut s’imbiber complè- tement, au grand bénéfice de la nappe souterraine. On peut dire que le ruissellement est à peu près complètement supprimé sur les versants couverts dé forêts en bon état, où la couver- ture est respectée. (1) Die Hochwasser-Katastrophe des Jahres 1897 in Oslerreich… Beilräge zur Hydrographie Osterreichs. — Publié par le K. K. hydrographischer Central-Bureau de Vienne, Il° fascicule, 1898. (2: Ebermayer (Die gesammte Lehre der Walstreu, Berlin, 1876, pp. 171 à 181) expose que la mousse peut retenir en suspension 2,8 fois son poids d'eau. Les sphagnums et les espèces d’hypnums telles que le À. loreum peuvent absorber jusqu'à 4,5 kilogs d'eau par mètre carré de terrain recouvert. Les feuilles mortes de hêtre retiennent environ 2,3 fois, celle de pin ou d'épicéa. 1,2 fois leur poids d’eau. Voir aussi le livre de M. Ney, der Wold und die Quellen, p. 10. (Tübingen, 1894). 4 ba, 54 " droit tt, d'en: mL Sdatélé 2; LA FORÊT ET LES SOURCES 107 … Nous ne saurions mieux résumer ce qui concerne l’action de la forêt sur l’alimentation des sources en montagnes que par une citation empruntée à la plume si autorisée de M. le profes seur Henry (1). « Les montagnes boisées attirent les pluies; c’est là où les précipitations atmosphériques atteignent leur maximum ; c’est là où sont les grands réservoirs d’eau; c’est là où se concentrent presque toutes les sources. Les forêts placées sur les montagnes, notamment sur celles dont la direction est perpendiculaire à celle des vents humides, déterminent la pré- .… cipitation dela plus grande partie de la vapeur d’eau qu'ils con- tiennent. Il suffit de jeter un coup d’œil sur une carte pluviomé- trique pour en être convaincu. Les montagnes nues, chauves, n’ont à cet égard qu'une action très faible; c’estce que montrent d’une manière frappante les contrées qui bordent l’Adriatique ainsi qu'une partie de la Méditerranée, lesquelles sont connues pour leur sécheresse. Privées de forêts, il manque à ces mon- tagnes le moyen de refroidir l'air et d'amener ainsi la précipi- tation de la vapeur qu’il contient. Le sol dénudé, que le soleil pénètre aux expositions de l’Ouestet du Sud-Ouest d’une chaleur intense, ne possède certes pas cette propriété. » « Une seconde différence consiste dans l’énorme diminution sur les montagnes boisées dela fraction de ruissellement comparée à ce qu’elle est sur les mêmes pentes nues... Les eaux, au lieu de se précipiter dans le thalweg en provoquant des inondations subites et désastreuses, pénètrent lentement dans la couverture et dans le sol, qu’elles imbibent profondément... Aussi est-il incontestable et, croyons-nous, incontesté, que les forêts de montagnes favorisent, en général, la production des sources. » A plus forte raisonen sera-t-il ainsi lorsque les forêts de mon- tagnes croîtront sous un climat chaud où l’évaporation physique _est considérable. (4) Communication au Congrès international de Sylvicullure à Paris en 1900, page 327 du Compte-rendu officiel. 108 L'UTILITÉ DES FORÊTS II. — INFLUENCE DES FORÊTS SUR L'INFILTRATION DES EAUX EN PLAINE L'influence du ruissellement se trouve complètement écartée « dans le cos des forêts de plaine. L'alimentation de la nappe A souterraine n’y dépendra plus que de l’évaporation physique ou physiologique et de la perméabilité du sol. Examinons d’abord l’action de la forêt sur cette perméabilité du sol. | Le sol forestier, en bon état, est naturellement meuble. Les racines des arbres le pénètrent profondément, jusqu’à 3 ou 4 mètres et parfois davantage; en y grossissant, elles font l’effet 5 d'aféès bek ÉMOE de coins qui divisent mécaniquement le sol. Lorsque les arbres ontété abattusles racinesse décomposent, et à leur place subsiste un réseau de canaux remplis d’une matière hygroscopique qui : conduit l’eau directement à d'assez grandes profondeurs. Le M long des racines des arbres sur pied, surtout dans le voisinage 4 de la tige, il existe entre le sol et Pécorce des vides provenant des oscillations de l’arbre balancé par le vent : l’eau de pluie À qui a glissé le long de la tige arrive par là directement, pour 3 ainsi dire instantanément, dans le sol. Enfin la végétation fores- tière favorise la division du sol par l’action des lombrics. La température du sol forestier est sensiblement plus élevée en hiver que celle du terrain découvert. Il en résulte que sou- vent, pendant la saison froide, la chute de la pluie ou la fusion de la neige s'effectuent sur un sol gelé et devenu par suite im- perméable à la surface, de sorte que toute l’eau disparaît par ruissellement. En forêt, le sol, moins froid, pourra n’être pas gelé et absorber l’eau tombée. Il est de toute évidence que /’évaporation physique de l'eau du sol est moindre sous bois qu’en terrain agricole. La forêt recouvre leterrain d’un double écran protecteur: d’abord la cou- verture de feuilles mortes, matière éminemment hygroscopique et, par suite, toujours fraîche, qui, superposée immédiatement au terrain, s'oppose avec une grande énergie à l’évaporation. LA FORÊT ET LES SOURCES 109 Plus haut le dôme de feuillage, à étages souvent multiples, pré- _ sente sa densité maxima en été, à l’époque où l'évaporation est _ Ja plus forte. La température de l’air est aussi plus basse, en été surtout, sous bois qu’au dehors. C’est une entrave puissante à l'évaporation. La plus basse température du sol forestier en _ été agit encore dans le même sens. Enfin l’évaporation est beaucoup favorisée en rase campagne par le vent, qui renouvelle constamment les couches d’air satu- rées en contact immédiat avec le sol. _ On a essayé de mesurer l’importance comparée de l’évapora- tion sous bois et hors bois en déterminant la quantité de liquide . perdue par des récipients pleins d’eau disposés sous le couvert _ou en pleins champs. Dans ces conditions, il s’évapore deux à . cinq fois, dans certains cas jusqu'à huit fois, en moyenne envi- ron trois fois plus d’eau en terrain découvert que sous le mas- sif. Mais ces expériences sont peu significatives, même lorsqu'on … remplace les récipients pleins d’eau par des caisses imperméa- …_ bles remplies de terre; les conditions dans lesquelles on expé- rimente étant par trop éloignées des conditions naturelles (1). Gt ES 4 1 æ $ e F Il reste à comparer la forêt aux terrains agricoles au point de vue de la quantité d'eau soutirée au sol par la végétation. On ignore absolument, à vrai dire, quelle est la quantité d’eau . nécessaire à la formation des récoltes, agricoles ou forestières. Î Unobservateur, Wollny (2),a entrepris, en 1879 et 1880, des - mesurages directs de la quantité d’eau consommée par divers végétaux (orge, avoine, trèfle incarnat, gazon, seigle,etc.) qu’il … avait semés dans des cases de végétation étanches. Il avait - déterminé la quantité d’eau renfermée dans le sol des cases au …— début de l’expérience ; en y ajoutant la quantité d’eau fournie _ (1) Pour les expériences françaises voir M, de Bouville,op. cil., pages 25 et suiv. _Pourcelleseffectuées en Suisse consulter les Milleilungen de la Station des recher- ches de Zürich. Pour les observations allemandes,voir les comptes-rendus publiés par M. Müttrich des travaux des stations de recherches ; un extrait des résultats se trouve reproduit par M. Weber dans l'Encyclopédie forestière de Lorey. (2) Forschungen auf dem Gebiete der Agricultur-Physik, XIL volume, p, 27. 110 L'UTILITÉ DES FORÊTS pendant la durée de celle-ci soit par la pluie, soit par arrosage, et en en retranchant ce qui avait filtré à travers la terre des cases et qui avait été soigneusement recueilli, on obtenait la consommation en eau. En réalité, les quantités mesurées sont : supérieures à celle consommation, car elles comprennent en plus de celle-ci ce qui a été perdu par évaporation du sol ou par évaporalion d’eau restée adhérente aux feuilles et aux tiges. Les expériences de Wollny ont duré de 106 à 155 jours de la saison de végétation. La consommation en eau a été en moyenne de quarante-trois millions de kilogr. par hectare, le chiffre maximum étant fourni par le trèfle dont la consommation s'est élevée à cinquante- quatre millions de kilogr. Ces chiffres représentent une consom- mation d’eau moyenne par hectare et par jour, pendant la sai- son de végétation, de trente-quatre à trente-cinq mètres cubes environ. _ Un auteur plus ancien, Risler (1), en 1870 et 1871, avait trouvé que la consommation diurne moyenne à l’hectare, pen- dant la saison de végétation, est de cinquante-deux mètres cubes pour la luzerne et les prairies, de quarante-quatre pour la- voine, de vingt-trois pour le seigle, etc., en moyenne 32,5 pour les végélaux cultivés, tandis qu’elle ne serait que de huit mè- tres cubes pour le sapin et desix pour le chêne. Il est fort regret- table que nous ne soyons pas en mesure de juger de la valeur de ces chiffres, ignorant comment ils ont été obtenus. Combinant les chiffres de Wollny et de Risler, M. Ney cal cule (2) que les végétaux agricoles, en général, consomment, par hectare, 5.000 mètres cubes d’eau pendant la saison de végétation. Un expérimentateur autrichien, v. Hôhnel, a mesuré direc- tement la quantité de vapeur d’eau émise par les feuilles de (4) Les travaux de Risler ne nous sont connus que par la citation qu'en fait Wollny dans l'ouvrage précité et nous ignorons la méthode suivie par cet expéri- mentateur. (2) Der Wald und die Quellen, p. 74. LA FORÊT ET LES SOURCES 111 * divers arbres, du 1* juin au 1° octobre. Il a trouvé que, pen- dant cette période, les feuilles de bouleau émettent 68 °/, de leur propre poids en vapeur d’eau Pronb 57 — — Charme.... . .. 56 — Es : L4 PERTE AT — — RE L Se 2 28 — PRICÉA. . .,::, Ge ee Pin sylvestre -.. : 6 — — PRO im tecues. Lh — _— Se basant sur ces données, M. Ney (1) calcule que la consom- mation d’eau, par hectare, pendant la saison de végétation, serait de 27.400.000 kilogr. pour le hètre (onze mètres cubes par Jour). 21.100.000 — — l'épicéa (neuf mètres cubes par jour). 7.300.000 — — le pin sylvestre (trois mètres cubes par jour). Il est àremarquer que ces quantités necomprennent pas l’eau incorporée dans les tissus des arbres pour la formation de leur accroissement, mais seulement celle émise par l’évaporation des feuilles (2). D’autres chiffres ont été publiés par Th. Hartig, v. Hôhnel et Wollny; ils diffèrent parfois tellement de ceux cités ci-dessus qu’on est nécessairement amené à resler très sceptique sur la valeur des résultats obtenus. Comme le fait très justement re- marquer M. Henry (3) : « S'il est facile de déterminer par des pesées l’'évaporation d’un arbuste en pot oud’un carré de jeunes plants forestiers, de gazon ou de blé; si l’on peut, à la rigueur calculer, d’après ces résultats, sanscraindre de trop forts écarts, l’évaporalion d’un hectare plein de gazon, de blé ou de jeunes plants forestiers de même hauteur (4), il est par trop téméraire d'étendre les résultats obtenus sur un arbuste isolé cultivé en pot àune forêt comportant plusieurs étages d'arbres enchevêtrés (E) Op. cil., p. 75. (2) La quantité d'eau fixée annuellement dans les tissus des arbres peut être évaluée à 3000 kilogr. par hectare. (3) Annales de La Science agronomique, 2e série, 4° année, 1898, pp. 20 et suiv. (4) On peut douter que cela même soit admissible. ae Ci CS re ie z Ms E4 112 L’UTILITÉ DES FORÈTS tionnent avec des intensités très différentes. » Be. Dans l’état actuel de la science, il n’est donc pas possible de 4 déterminer, par différence, d’une manière ‘suffisamment appro- a chée, le volume d’eau qui vient alimenter les nappes souter= raines sous bois et hors bois. a En présence du très haut intérêt de la question, et de la di versité des opinions sur ce sujet, on a fait les plus grands efforts … pour arriver, d’une façon indirecte, à se rendre compte de l’ac- tion des massifs boisés sur l’alimentation de la nappe souter- raine. Une première série de nee a été entreprise en vue de x LR déterminer comparativement la quantité d'eau qui filtre àtra- N vers une couche de terre renfermée dans une case étanche et couverte à sa surface de végétations diverses. | “4 On a constaté que le terrain nu laisse passer plus d’eau que celui qui est couvert de végétation oude feuilles mortes, mousses etc.; c’est à peu près le seul résultat établi, et encoreest-il con- A testable. Nous n’insistons pas sur ces expériences, qui ne peu- 74 vent nous renseigner en rien, semble-t-il, sur ce 1 se passe 4 dans la nature (1). 3 On a essayé de mesurer directement la quantité d’eau renfer- 4 mée dans le sol sous bois et hors bois à diverses profondeurs. Les travaux faits en Allemagne (2) et en Russie ont mis en évidence les faits suivants, qui paraissent convenablement élablis. 2% L’humidité du sol forestier, très grande à la surface, diminue (1) Voir, pour les mesurages faits en Suisse, le IVe fascicule des Mitteilungen de la Station des recherches de Zürich, pour les travaux bavarois diverses pu- blications de M. Ebermayer, etc., etc. (2) Einfluss des Waldes. etc….., article de M. Ebermayer paru dans le n° de jan- vier 1888 de l’AlUlgemeine Forst und Jagd Zeilung. Une bonne traductionen a été publiée par M. Reuss dans le 1er volume de 1889 des Annales de la Science agro- nomique. Un résumé complet de tous les travaux publiés jusqu'alors est inséré dans le Compte-rendu du Congrès inlernalional de Sylviculture de Paris en 1900, pages 228 et suiv. (Communication de M, Henry à ce Congrès.) LA FORÊT ET LES SOURCES 113 … rapidement jusqu’à une profondeur variable, qui ne dépasse- . rait pas 80 centimètres sous des peuplements d’épicéa, d’après Ebermayer, et qui atteindrait 3 à 4 mètres d’après les obser- . xations russes. Au-dessous de ce niveau la teneur en eau va en _ augmentant avec la profondeur. Il existe donc, dans le sol, une … zone sèche, plus ou moins épaisse, plus ou moins profonde, . comprise entre la région humide de la surface et la région - humide profonde. On voit là, d’une façon bien nette, l'influence de l'absorption d’eau par les racines dans la région où elles sont actives, ou dans . celle immédiatement inférieure, d’où l’eau peut s’élever par _ capillarité après asséchement de la couche plus élevée (1). … Le fait est dureste général pour tous les terrains couverts de - plantes vivantes; ils présentent une couchesèche, plus où moins _ éloignée de la surface suivant la profondeur de l’enracinement des végétaux qui les couvrent. Cette profondeur étant plus _ grande pour les végétaux forestiers que pour les autres, il est inévitable que l’on constate qu’à un même niveau, entre cer- * {aines limites, le sol forestier est plus pauvre en eau que le sol .… agricole (2). On a conclu de là que la forêtabsorbait plus d’eau, _ par sa végétation, que les autres cultures, et nuisait ainsi à l’ali- _ menfation des nappes phréatiques. (4) La profondeur de l’enraciment de nos grandes essences est bien supérieure …—. à ce que l'on admet généralement. La tempête du 1°r février 1902 ayant arraché, — avec leurs racines, dans les Vosges, une multitude de sapins de tous âges nous … en avons profité pour déterminer la profondeur à laquelle s'enfoncaient, dans le sable du grès vosgien, les racines devenues visibles, Elle a varié entre 1 m. 40 et 3 m. 50. Si l'on tient compte de ce que les extrémités des racines étaient restées Les dans le sol on peut admettre que ces arbres s'approvisionnaient dans une cou- — che allant au moins jusqu'à 4 m. et peut-être à 5 m. de profondeur. - (2; Ces recherches, fort délicates en elles-mêmes, ne deviennent probantes que lorsqu'elles sont poursuivies simultanément, sous bois et hors bois, pendant un temps très long. Si l'on observe le sol immédiatement après une forte pluie on le voit saturé à la surface sur une épaisseur plus ou moins grande. La pluie —… ayant cessé, l’eau libre en suspension s'enfonce peu à peu dans le sol sous l’ac- …… tion de la pesanteur, saturant une zone de plus en plus profonde au dessus de laquelle le terrain est redevenu sec, jusqu'à ce qu'elle arrive en contact avec la nappe phréatique dont elle relève le niveau. On conçoit que l'on constate, pour -la teneur en eau du sol en une saison et à une profondeur données, des résultats extrêmement variables suivant la proximité et l'abondance des dernières pluies, C'est-à-dire suivant des circonstances fortuites dont les observateurs ne semblent pas avoir tenu compte jusqu'à présent. ECONOMIE FORESTIÈRE. — I. 8 SUR L'UTILITÉ DES FORÊTS Il faut avouer que l’on n’aperçoit pas de relation évidente et. nécessaire entre l'humidité du sol dans sa partie superficielle et, l'alimentation de la nappe souterraine. Celle-ci dépend, toutes choses égales d’ailleurs, non pas du degré de fraîcheur du sol, - É mais bien de sa perméabilité. Une couche de sable grossier lais- 4 sera passer rapidement l’eau de pluie, tandis qu’une argile fine 4 la maintiendra stagnante à la surface et la livrera à l’évapora- 4 tion.Et cependant le sable sera sec tandis que l'argile renfermera à toujours de l’eau hygroscopique. 1 Un fait extrêmement intéressant, et qui sera peut-être de nature 3 à jeter un peu de lumière sur les relations de l’état boisé de la J surface avec l’alimentation des eaux phréatiques, vient d’être mis en évidence tout récemment. Aussi croyons-nous devoir 4 nous y arrêter avec quelque détail, empruntant cequi va suivre aux dernières publications de notre savant collègue M. Henry. 4 La Société libre impériale économique de Saint-Pétersbourg ; entreprit, en 1895, dans les forêts des steppes de la Russie éd: à ; Mt | méridionale,une série de recherches sur lhydrologie souterraine dont la direction fut confiée à M. Ototzky, conservateur du musée minéralogique de Saint-Pétersbourg. | Des sondageseffectués dans la forêt de Chipoff(gouvernement de Voronez) et dans la forêt noire (gouvernement de Cherson) ont amené M. Ototzky à formuler, dès 1897, cette constatation que éoutes conditions physico-géographiques égales, le nvieau des eaux phréatiques dans les forêts de la zone des steppes est plus bas que dans un espace libre voisin. À l'appui de ces con- clusions si inattendues, M. Ototzky publiait les résultats d’une séétns : di d Ÿ Te Pr gi h ac 7: É SR tenu: DR GAS NÉS CS SE is 0 ati ES "+ ot agp © ju I (4) C'est M. E. Henry, professeur à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts, qui a le premier, en 1897, attiré l'attention sur les sondages russes dont les résultats avaient passé inapercus jusqu'alors tant en France qu'en Allemagne. Il les a. exposés dans une série de mémoires échelonnés de 1897 et février 1898 (Annales de la Science agronomique) à 1903. Dans son mémoire de 1903 M. Henry expose pour la première fois le résultat complet de ses propres recherches entreprises dans la forêt de Mondon. — Les quelques pages que M. Ebermayer consacre à la ques- tion dans sa publication datée de 1900 (Einfluss der Wälder auf das Grundwas- - ser) ne font que reproduire, presque textuellement, le travail de M.Henry de 1898. mans--hcnert us 4 À CR ER Ur can LA FORÊT ET LES SOURCES 115 _ série de sondages dont quelques-uns, il est vrai, ne paraissent _ pas à l’abri de toute objection (1). - En 1897, M. Ototzky fut chargé, par la Société impériale, de - nouvelles recherches, mais cette fois dans le Gouvernement de Saint-Pétersbourg, par 60° de latitude Nord, dans une région à . pluviosité bien plus grande que celle des steppes où l’on avait . opéré en 1895 (60 centimètres de chute annuelle au lieu de 30). _ Il constata de nouveau que, sous les foréts étudiées, /a nappe …._ phréatique se trouve déprimée par rapport à ce qu’elle est dans 4 _ Les terrains cultivés voisins. La différence de niveau était assez … faible et variait de 0 m. 50 à 4 m. 15. …. Le 1% juillet 1899, M. Henry, professeur à l'Ecole nationale D des Eaux et Forêts, fut autorisé, sur sa demande,à entreprendre, - aux frais du budget de l’Administration des Eaux et Forêts, des sondages en vue de vérifier et de compléter les données fournies _ par les travaux russes. La forêt de Mondon, près de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), _ fut choisie pour ces recherches. Elle forme un grand massif de …. 2.000 hectares en terrain horizontal (l'altitude varie de 246 à . 266 mètres). Le sol est constitué par des couches de sable, gra- vier et cailloux provenantdes alluvions anciennesde la Meurthe _ et de la Vezouse, au confluent desquelles rivières la forêt se _ trouve située, Les couches aquifères se rencontrent à peu de _ profondeur, leur niveau supérieur étant placé à une profondeur _ de 2 à 5 m. environ. Plus bas, à partir de 7 m. ou plus, on trouve une argile imperméable contre laquelle s’arrêtent les …._ (1) 11 convient, évidemment, de n'opérer que dans des terrains horizontaux à … la surface et homogènes jusqu'à de grandes profondeurs, de façon à écarter l'in- . fluence du relief de la surface et celle des ondulations du niveau supérieur des couches imperméables profondes, dont le relief peut être très différent de celui de la surface. Dans des terrains stratifiés à couches alternativement plus ou . moins perméables, le régime des eaux souterraines dépend uniquement des allu- … res de ces couches et ne peut nous donner aucune notion de l'influence de la - végétation superficielle. Malheureusement, les terrains où a d’abord opéré M, Ototzky paraissent loin d’être homogènes puisqu'il s'y rencontre, à moins de 15 m. de profondeur, jusqu'à 3 niveaux de sources bien caractérisés. De plus, on … paraît avoir parfois tenu peu de compte du relief du sol, notamment dans le _ sondage n° 3 de la forêt de Chipoft. 116 L'UTILITÉ DES FORÊTS infiltrations. Ces diverses couches, et notamment la dernière, : paraissent être horizontales. ‘La lame d’eau tombée sur La forêt fut 71 centimètres en 1900, de 89 en 1901. La température moyenne annuelle est de 9°4 avec une moyenne de + 143 en hiver et de 17070 en été. La forêt est peuplée de chène, hêtre et charme ; elle est trai- tée en taillis sous futaie à la révolution de 35 ans sur la plus grande partie de son étendue. On y trouve aussi quelques par- celles de pins sylvestres provenant du reboisement des anciens vides de la forêt. On x fora, dès le printemps de 1900, dix trous de sonde de 0 m. 05 de diamètre à l’aide de la sonde géologique belge et on garnit ces trous de tubes en zinc percés de petites ouvertures et munis à leur extrémité inférieure d’un cône perforé de la même façon. On empêchait ainsi la terre de s’ébouler et de venir rem- plir le fond du puits. Les nombreuses petites ouvertures dans le métal permettaient à l’eau de prendre aisément son niveau. Cinq trous furent creusés en terrain nu, dans des parcelles défrichées pour l’usage des gardes, dans des pépinières, des pâtis communaux, mais toujours aux abords de la forêt; le plus éloigné n’en: étant distant que d’une centaine de mètres. Cinq autres, destinés à être comparés aux précédents, furent installés sous le massif avoisinant aussi prèset dans des conditions aussi comparables qu’on a pu le faire. Il y avait donc cinq couples de sondages. Les observations ont été prises une fois par mois depuis le 4 mai 1900 jusqu’au 24 août 1902. Le nivellement a été fait par les élèves de l’Ecole forestière en mai 1900 et mai 4901 en prenant pour point initial altitude de la gare de Marainvillers, qui est de 240 m. 82. On trouvera dans le tableau ci-après (page 118) foutes les men- surations qui ont élé faites à Mondon; aucune n’a été écartée. On a dû seulement renoncer à utiliser un de ces cinq couples (celui dont un des sondages avait été foré dans les champs de la ferme de Saint-Georges et l’autre dans le taillis voisin — coupe ne Le ‘A s à Re #1 Q ns ‘1 4 L | LA FORÊT ET LES SOURCES 117 3 de la 3° série de taillis) parce que le sondage fait dans le champ a été détruit par la charrue en mars 1901. Les chiffres du tableau de la pago 118 donnent les résultats immédiats des mensurations effectuées sans tenir compte de la diflérence d'altitude des orifices des sondages. Si l’on ramène toutes les mesures à un même niveau hori- zontal, on constate que, pour tous les sondages, le plan d’eau sous la forêt, en toutes saisons, est plus bas que sous le sol nu : De 0 m. 30 pour le 4t' couple ; De 0 m. 20 pour le 2° couple; De 0 m. 42 pour le 3° couple: De 0 m. 31 pour le 4° couple. Il est certain que la dénivellation est plus accentuée que ces chiffres ne l'indiquent puisqu'on sait que, dans les terrains per- méables, la nappe phréatique suit [es accidents du relief quoi- que avec des ondulations beaucoup moins prononcées. Mais acceptons comme des minima incontestables les chiffres précédents dont la moyenne est 0 m. 30. Nous pouvons affirmer que, d’après les mesurages effectués chaque mois, du 4 mai 1900 au 24 août 1902, dans huit sonda- ges forés au hasard, soit sous le massif soit dans les terrains nus avoisinant la forêt domaniale de Mondon (Meurthe-et-Mo- selle), /e niveau des euux souterraines est,en toutes saisons, de trois décimètres au moins plus profond sous bois que hors bois. Les expériences de M. Henry, poursuivies avec continuité pendant 28 mois, ont de plus mis en évidence les faits suivants, absolument nouveaux : L’oscillation du niveau des eaux phréatiques est moindre sous bois que hors bois. — L’infiltration est aussi plus lente en forêt ; les maxima et minima se produisent avec des retards d’un mois environ par rapport à ce qu’on observe hors bois. On voit ici la forêt jouer le même rôle régulateur et compen- sateur qu’on lui connaît à l’égard de la température. ; 118 L'UTILITÉ DES FORÊTS Profondeur des eaux souterraines dans les quatre couples de son- dages de la forêt domaniale de Mondon, du 4 mai 1900 au 24 août 1902. La lettre À indique l'altitude No4 [Nolbis] No2 [NoZbis] No3 [N°3 bis] Ne 4 |N° 4 bis 4 Nu |Boisè] Nu |Boisé] Nu |Boisé] Nu |Boisé 3 Cerrain| Vieux À Pépi- | Vieux [Terrain | Vieux | Pâtis |Pins syl- È DATES du taillis. À nière | taillis. Jde garde.| taillis. de |vestres. L " briga- Par- de Par- HGoutte-| Par- Crois- Par- = dier ee 2.124 ares. | celle 41. fdes-Meix. celle 25 que celle 34, ê me DES ! È —+ — = = — kh — L. 243u,77|244m,58]241n,53| 245 m. 257m,67|258m 871 247n,46| 246 m. | m m, m. m m,. m m. m. à 4 mai 49005 2 2.421 3,311 3 ,45 » » » 2,43. 47590 | TE PT Un 2 ,3513,4013 ,65| » » » 192 ,65 | 4 ,22 EME LT ARR 2 551 3,501 3 ,93| » » » |2,90| 1 ,44 A AO Ter e 2,10 | 3 ,72/'4 153 | 4 ,89 » » » » 20 septembre... ..... 2 ,90! 3 ,908 4 ,95 | 5 ,30 » 5 ,25 EL 3 ,30 | 1 ,68 13-cétpbre EE de 3,08 | 4 ,0015 ,00 15,15 1 3,121 532180371008 17 novembre......... 3 181 4,101 5,40 | 5,204 3 ,15 |.5 3585400476 18 décembre. ........ 3 ,12| 4 .201 4 ,60 | 5 ,471 3 ,66! 5 ,20 | 2 ,90 | 4 ,60 15 janvier 1901... 3 ,20! 4,251 4 ,85 | 5 ,22 1 3 ,75 | 5 ,20 À 3 ,00 | 4 ,54 21 février ............ 3 46/4,25/4,7|5 1603 ,58| 4 ,05 PMP Re 18 mars...... ES 3 0514 171 3,851 5,181 2 ,71 | 4 ,361 1 89 0,27 LS OVPLE SS ever 2 1313 ,651 2 ,27 | 4 ,27 1 2 ,39 | 4 48 | 4 ,65 | O ,28 LE TNGÉ, el irause 2 ,28| 3,351 3 ,31| 4,091 2 ,62 | 4 ,22 | 2 ,23 | 0 ,86 DD TER re so ie 2 ,53| 3,981 3 ,13 | 4 ,381 2 ,85 | 4 ,541 2,614 ,23 1 juüllets. 7 encees 2 ,641 3,101 4 ,00 | 4 ,64 1 3,20 | 4 ,80 1 2 ,88 | 4 ,50 20 août......,........| 2 ,82| 3 ,90 1 4 .47 | 4 ,95 1 3 ,35 | 4 ,99 1 2 ,811 4 ,52 21 septembre. :...... 2 ,691 3 ,981 3 ,841 5,071 3,07 | £ 85 F2 11)m06 DA OEODIE Lin en 4 2 ,15| 4,021 4 .06 | 5 ,05 À 2 ,97 | 4 ,75 E 2 ,05 | 0 ,85 21 novembre......... 2 131.3 ,90 | 4 ,29 | 5 ,00 1 3 ,07 | 4 ,49 F 2 ,03 | 0: , T4 21 décembre. ........12 ,61! 3,851 4 ,45 | 4 ,98 | 2 ,80 | 4 ,42 11,80 |"0°,52 971-janvier 1902... 2 ,281 3,721 3 ,73 | 4 ,621 2 ,58 ! 4 ,08 1 0 ,86 | 0,37 DRAPÉVLEEL ts en napan en 2 ,03| 3,28} 3 ,32 | 4 ,07 | 2 ,19 | 3,701 0 ,801 0,27 20 MAPS. 0 2 RIVE 2 131 3 ,251 3 ,41 | 4 ,03 | 2 ,01 | 3 ,60 8 0 ,22 | 0:35 DE En à à NP RER RE 1:,9913,201 3 ,30 13-961 1,951 3248002 IE PATIO SL st dt 4,85,3,23| 3 ,22 | 3 .981 4,72 | 3,35 } 0 ,13 | O ,20 SEE ET TR RE ETS 2,193 ,25%.3 ,6313 ,985 1,81] 35424080 FOUT CR ÉR PRIS 2 ,661 3,491 3 68 | 4 ,30 À 2 ,35 | 4 ,15 | 2 ,54 | 4 ,90 24 août 1902..........12 ,71| 3,671 4 ,42 | 4 ,64 À 2 ,80 | 4 ,62 | 2 ,89 | 4 ,49 Moyenne prles 28 mois! 2 ,59 | 3 ,69 À 4 ,06 1 4 ,69 8 2 ,82! 4 ,44 1 2 ,16 | 4 ,01 En tenant compte — — de la différence d'al-| + 1 ,10 + 0 ,63 + 1 ,62 — 4 15 titude des orifices dans chaque couple de sondages, la moyenne devient...| 3 ,39 | 3 ,698 4 ,49 | 4 .69 À 4 ,02 | 4 ,444 2 ,16 | 2 ,41 Sous la forêt le niveau| 7 T7 nee Dune est plus bas de ... + 0 ,30 + 0 ,20 + 0 ,42 + 0,31 Oscillation maxima..| 1 +35 | 1,051 ,73 | 1 1712 4 2 ,004 3 21 1,56 Le tracé graphique ci-après mettra en évidence les constata- tions qui précèdent. Il figure les résultats fournis par le couple eg É “(Ait K soide, p) snbrivouqd Xne9 S9p es NU9AIU np ‘SI0 104 72 s10q Snos ‘sogueduw09 SUOTJEIOSO —"9 ‘BL 3 COHÉETE PEÉSLCINT ET S ; D à À ne CR 0 Se. 3 {| Pa us nue sen Eu | l & À j ! | / N NX © Eu } —! : A E 8 4 ed , me saouasalfiP À n g | 0fu0 PAR / Fa à SRE Ca Ft cédaui fo À » © SE | imos | | © # 09,0 * ?S Le iuer fs tte À "Ton “204 | su SU | | ; Ë : PR AUE edéou || . . OT : | ne Ce Pr LA Ex mn $7n0S pe s I : [oi F2 cn } x o4 Sal # ne ie à EH &0 2 È. ELA a FT Fe ke À DS 7e 7 RIRE Sr / De 7 4 SET” es Poe Tage 1 UE $ = æ Fe ! Ko 1 ddeu 7 | Se S rs / 1 NS { dc] ! “ œ 9 ? *, | D eZ | ce À Ÿ 4 L Le f 5 < ; 1e É TN d se ANS A EN TN | Ÿ “on, ' Fe =: © . | on 1 & © Pr "+ 2 = | & 5 | | in bg de + Le | nl A ETS CRT EL 0 en CAO NA ANR de # à 120 L'UTILITÉ DES FORÊTS Des expériences toutes récentes de M. Tolsky, publiées en langue russe dans le 4° fascicule de 1902 de la revue la Pé- doloqie, et dont une traduction française due à M. A. de Le- bedef, attaché au ministère de l’Intérieur à Saint-Pétersbourg, est sous presse, viennent encore confirmer ces faits. Les expé- riences de M. Tolsky ontété faites à l’école forestière de Staraïa Rossa (gouvernement de Novgorod), par 58° degrés de latitude Nord, près du lac Ilmen. « On est forcé de conclure, dit M. Tolsky à la fin de son article, que le niveau de l’eau souter- raine est plus bas en forêt que dans la coupe exploitée, en été comme en hiver, et que les oscillations sont moins grandes (1), En somme il semble acquis que dans les forêts de plaine des climats tempérés ou froids (2), dont le sol est formé de couches homogènes à stratifications horizontales et dont, par suite, la nappe souterraine est immobile: 1° Le niveau des eaux phréatiques est plus ba sous la forêt, en toute saison, que hors bois ; 2° La dépression paraît être plus forte dans les régions à plu- viosité faible que dans celles où il pleut beaucoup ; 3° Les oscillations du niveau sont considérablement réduites et ralenties par la présence de la forêt. Revenant maintenant à notre sujet, pourrons-nous conclure de ce qui précède que la forêt nuit à l'alimentation de la nappe souterraine en plaine, sous les climats tempérés ? Cela est assurément probable. On peut expliquer par lin- tensité de l’évaporation physiologique cet abaissemeut si curieux de la nappe d’eau sous bois. Celle-ci serait plus basse, c’est- à-dire moins épaisse (il est admis que la couche imperméable contre laquelle s'arrêtent les eaux infiltrées est horizontale) parce: q P que la forêt soustrait plus d’eau à l'infiltration, par son accrois- sement, que les terrains voisins. (1) Citation empruntée à M. Henry (Revue des Eaux et Foréts, 1903, p. 497). (2) Dans les régions tropicales du globe, où la chaleur est torride, c'est l'éva- poration physique du sol qui joue le rôle prépondérant tandis que l'évaporation physiologique ne s'accroît pas avec la température. Il peut en résulter que le niveau des eaux souterraines est alors plus élevé sous la forêt. M. Ribbentrop a constaté ce fait près de Madras (Revue des'Eaux et Forêts, 1904). ri à ir | à ph il, 4 Sur ES D LA FORÊT ET LES SOURCES F21 Cependant un doute reste possible. Un examen attentif de la figure 6 nous montre que la dépression de la nappe sous-fores- tière est plus marquée pendant [a saison de repos de la végé- tation que pendant la saison d’été. Ce fait se vérifie pour tous les couples de sondages et pour toute la durée des observations. On pourrait en conclure que ce n’est pas la végétation des arbres qui provoque la dénivellation, Peut-être sommes-nous ici en présence d’une nouvelle consé- quence de ce fait que, sous la forêt, la zone exploitée en eau par les racines, la zone sèche du sol, est à un niveau beaucoup plus bas que sous le terrain cultivé ? Quoi qu’il en soit, si le fait de la dépression du niveau des eaux souterraines sous les massifs paraît certaine, son interpré- tation l’est moins et nous restons dans le doute sur l’influence définitive, toutes compensations faites, du massif boisé sur l’a- limentation des sources en terrains de plaine. Cette première étude était sous presse lorsque nous avons eu communication (mars 1904) du compte-rendu officiel du qua- trième congrès de l’Association internationale des Stations de recherches forestières qui s’est réuni en Autriche au mois de septembre 1903 (1). A cette réunion, M. Hartmann, ingénieur de l'Etat bavarois, a exposé les résultats de recherches entreprises, en collaboration avec le servico forestier, par le service royal hydrotechnique, en vue de l'étude comparée des oscillations du niveau de la nappe d’eau souterraine en terrain boisé ou non boisé. Les observa- tions ont été faites sur deux points. Le premier, Mindelheim, à 614 m. d'altitude, se trouve en terrain presque parfaitement horizontal à la surface (pente six pour mille) constitué par les alluvions de la Mindel, affluent direct de rive droite du Danube. La forêt est une parcelle de 40 hect., isolée au milieu des terres, peuplée de chênes, pins sylvestres et épicéas âgés de 90 ans (1) Vierte Versammlung des internationalen Verbandes forstlicher Versuch- sanstalten.. 1903. Mariabrunn, 1904 (édité par la Station de recherches autri- chienne), 122 L'UTILITÉ DES FORÊTS environ. L'autre station, Wendelstein, se trouve aux environs . de Nurenberg. | M. Hartmann croit pouvoir conclure (1) de ses relevés que la forêt n'exerce aucune action sur le niveau de la nappe souter- raine. Celle-ci n’est généralement pas stagnante (comme on le sait du reste depuis longtemps), mais elle présente un cours plus ou moins rapide suivant la pente de la surface du sous-sol, l’é- paisseur de la nappeen mouvement, le degré de perméabilité du terrain dans lequel elle se meut. Des différences de niveau consi- dérables des eaux souterraines, constatées en Bavière en des points rapprochés d’un terrain horizontal et homogène à la sur- face, ne s’expliqueraient que par les conditions de relief du sous-sol ainsi que par les vitesses et profondeurs consécutive- ment très variables du fleuve souterrain. En fait, à Mindelheim, la nappe souterraine est plus près de la surface sous bois que hors bois. M. Hartmann pense que la forêt n’y est pour rien et que le contraire pourrait tout aussi bien se présenter. $ 5. — Conclusions. Au cours de cette longue étude de l'influence des forêts sur l’alimentation des sources, nous avons particulièrement insisté sur les points qui, récemment mis en lumière, n’ont été traités que dans des mémoires originaux, et sont ainsi peu accessibles à la grande masse des lecteurs. Arrivé à son terme, ce chapitre comporte une conclusion. I. — Nous avons vu que la forêt avait pour effet d'augmenter l'abondance et la fréquence des précipitations atmosphériques. (1) Les conclusions de l'ingénieur bavarois nous paraissent manquer un peu de précision, au moins dans le texte du compte-rendu officiel que nous avons sous les yeux. Il semble qu'on puisse surtout déduire des considérations déve- loppées par lui que les deux points choisis pour les observations s'y prétaient fort mal, la nappe souterraine étant loin d’être immobile et le sous-sol d'être horizontal, En tout cas nous n’y voyons rien qui soit de nature à infirmer les résultats si nets et si concordants des mensurations faites à Mondon, par M. Henry. É “4 LA FORÊT ET LES SOURCES 123 Ê » Cette action de la forêt, constatée par de très nombreux relevés | Fe. pluviométriques poursuivis en France et à l'étranger depuis plus de trente années, doit être considérée comme bien établie, bien que certains auteurs, sans la nier absolument, l’aient déclarée négligeable ou même tellement faible qu’elle ne peut être cons- tatée avec nos pluviomètres ordinaires, faute d’une précision … suffisante de ces instruments. Le surcroît d’arrosement procuré - par la forêt atteint 23 0/0, comme moyenne de 33 années d’ob- servations faites par la Station de recherchesde Nancy.Il paraît du reste augmenter avec l’altitude du lieu où croît la forêt. IL. — La forêt retient, par adhérence aux cimes et aux bran- ches, une partie de l’eau tombée et celle-ci retourne à l’atmos- phère par évaporation directe. En revanche, ces mêmes cimes et branches, constamment, et souvent notablement, plus froides que l’air ambiant, condensent des quantités parfois énormes de vapeur d’eau qu’elles amènent au solà l’état liquide. Aussin’est- _ il pas rare de voir, en hiver surtout, le sol directement ombragé - par un arbre recevoir plus d’eau qu’un point voisin du terrain » forestier, au-dessus duquel le massif est interrompu. 11 semble du reste que la perte d’eau provenant de l’adhérence aux cimes - soit inférieure au surcroît d’arrosement procuré par la forêt. Le fait est sûrement établi pour les peuplements feuillus des envi- rons de Nancy; il paraît certain encore pour les peuplements de pins sylvestres et de mélèzes; il est même probable pour ceux d’épicéa. On peut donc admettre que le sol forestier reçoit, en _ général au moins, malgré l'écran des cimes, plus d’eau que le terrain agricole voisin. JE. — La forêt diminue énormément l’évaporation physique … et supprime à peu près complètement le ruissellement. Aussi . dans les cas très nombreux où l’un de ces phénomènes — et à è … fortiori lorsque les deux à la fois — jouent un rôle prépondé- SE EU SE CR EL QE ur it dE PCR GAL de à à in b . rant, comme il arrive dans les régions chaudes et Les terrains en pente, on doit admettre sans restriction que la forêt favorise l’alimentation de la nappe souterraine et, par suite, celle des sources. 124 : L'UTILITÉ DES FORÊTS IV. — On ne peut, dans l’état actuel de nos connaissances, œ assurer que la forêt favorise ou contrarie l’alimentation des « eaux souterraines, en terrain horizontal, et sous des climats froids ou tempérés. | En effet on ignore si sa végétation ne soutire pas au sol plus d’eau que les végétations agricoles, comme l’abaissement constaté du niveau des eaux phréatiques sous bois paraît l’indiquer. Il se pourrait qu’un pareil surcroît de consommation compensât le surcroit d’arrosement du sol et la réduction de l’évaporation physique lorsque ces deux derniers facteurs sont peu impor- tants (par exemple à de très faibles altitudes et sous des cli- mats froids). Les faits observés sont du reste contradictoires; on cite des cas de sources taries par suite du déboisement, de même qu'on observe des asséchements superficiels par suite du reboisement. Le doute est donc commandé dans ce cas parti- culier; l’action de la forêt sur l’alimentation des sources reste incertaine et elle est très probablement variable suivant des cir- constances qui restent à élucider. V.— Il faut toutefois remarquer que les sources ne sont nombreuses et imporlantes que dans la montagne, et là la forêt leur est certainement favorable. En plaine les sources sont rares et d'un faible débit. IL est donc justifié de répéter, comme le déclaraient nos pères, que la forêt est la mère des fleuves ; les travaux de la science mo- derne n’ont fait que confirmer la parenté, de tout temps et uni- versellement reconnue, qui relie la source à l’arbre quilombrage. CHAPITRE IV LA FORÊT DE PROTECTION SOMMAIRE $ 1. — La forêt et les torrents. A LEE torrentiel. — Conditions de formation des torrents. D por des torrents. | Causes du réveil des torrents. — Organisation administrativesancienne _ des vallées des Hautes-Alpes. Les Capitulations. Réglementation sévère, endant toute la période moderne, de la jouissance des bois et du pâtu- age. Arrèts des Parlements du Dauphiné ete de Provence. Suppression s anciens règlements par la Révolution française. Progrès des abus 1e tie en 4860. Hnres ar: sa méthode. Résultats obtenus. IV. Législation du reboisement. — Popularité actuelle de l'œuvre du À _ reboisement. Législations étrangères. K 4 D $ 2. — La forêt et les inondations. FA NE $ 3. — La forêt et-les avalanches. $S 4. — La forêt et les sables mouvants. Le Dm des dunes. — Gonditions de formation des dunes. Sta- poque et causes de la formation des dunes actuelles. — Les dunes uelles sont de formation récente. Leur origine est due au déboise- ment des rives gasconnes et à celui du bassin supérieur dela Garonne ; ce dernier a eu pour effet d'augmenter les apports du fleuve auxquels 126 L'UTILITÉ DES FORÊTS nistration des Forêts. Dépense totale de la fixation des dunes de Gas- cogne. IV. Les procédés de fixation des sables mouvants. — Semis sous couver- ture d'un mélange de graines de pin maritime, de genèêt et de gourbet. Palissades et clayonnages, La dune littorale. Dépenses de construction et d'entretien de la dune littorale. V. La forêt domaniale des dunes. — La propriété des dunes. Revendi- cation des lettes par les communes et divers particuliers. Transaction de 1863; abandon par l'Etat de 22.852 hectares de lettes dites extérieu- res. Aliénations. Répartition actuelle du territoire des dunes entre les divers propriétaires. Valeur en argent de la forêt domaniale des dunes Bénéfice net du reboisement. VI. Les dunes littorales de l'Allemagne. Les dunes continentales de la Roumanie. — Etendue des dunes et sables mouvants de l’Allemagne. Dunes du littoral prussien : mer du Nord, Baltique. Procédés de reboi- sement : plantations de pin de montagne. Difficulté des travaux. Le quart à peine des dunes domaniales est actuellement reboisé. Dépenses effectuées. Dunes continentales de Roumanie. Plantations de robiniér faux-acacia, Mode d'exécution des travaux, prix de revient. Croissance de l'acacia sur les sables du bas Danube. $S 1°, — La forêt et les torrents. I. — LE PHÉNOMÈNE TORRENTIEL Les eaux de pluie, tombant en masse sur un terrain incliné et nu, s’écoulent par le ruissellement en acquérant une force vive d'autant plus grande que leur masse, c'est-à-dire l’abon- dance de la chute — et leur vitesse — c’est-à-dire la pente du sol — sont plus grandes. Si le sol est meuble, affouillable, les eaux entraînent avec elles des éléments solides en suspension: leur densité et leur force vive s’en trouvent augmentées. Il arrive, lorsque les con- ditions voulues sont remplies, que le ruissellement amène lPé- rosion du sol, son creusement par les eaux. Les filets liquides suivent naturellement les lignes de plus grande pente. Si le terrain est disposé en cirque, en entonnoir, celles-ci sont convergentes et l’érosion se fait par l'ouverture d’une foule de ravins confluents aboutissant, après leur ren- «4 "> ù "151 Ends “S L AL man dt: EME 7 mél + mon dé) dut Miner te OC ses RSS LA FORÊT DE PROTECTION 127 - - contre, à une gorge par où s’écoulent les eaux avec les matières | solides entraînées. _ Arrivées en un point où leur vitesse diminue, par exemple au bas du versant, la force d'entrainement se trouve réduite ; les matériaux solides se déposent, les plus gros d’abord, les autres ensuite, formant un amas de forme géométrique presque régulière et à peu près conique, sur lequel les eaux s’écoulent pour constituer enfin un cours d’eau normal au fond de la _ vallée principale. _ Cet ensemble d’une zone affouillée par les eaux, d’un canal d'écoulement plus ou moins long et rapide et d’un cône de déjections constitue le rorrenr classique. _ Le torrent est caractérisé par la brusquerie et l’énormité des ‘crues. Le plus souvent à sec, une pluie abondante le réveille soudain : l’affouillement, le transport et le dépôt des roches et des terres se produisent avec une rapidité terrifiante pour faire place, aussitôt, à une nouvelle période de repos. ; _ On conçoit du reste tous les intermédiaires entre le torrent …. proprement dit, que nous venons de définir, et les cours d’eau … les plus calmes, ceux dont le régime est le plus régulier. Ceux- ci aussi présentent, plus ou moins nettement marquées et per- _ manentes, des régions où ils affouillent, corrodent et se char- - gent de parties solides, et d’autres où ils les déposent. Les conditions d'existence des torrents sont : 4° Un régime de pluies dit torrentiel, c’est-à-dire déversant des masses d’eau considérables en peu de temps ; 20 Des terrains facilement affouillables ; 3° De fortes pentes. Les fortes pentes se montrent partout en montagne. D’après Surell (1), un cours d’eau prend le caractère torrentiel dès que sa pente excède six pour cent sur la longueur de son cours (1) Etude sur les lorrents des Hautes-Alpes, par Alexandre Surell, ingénieur des Ponts et Chaussées. Paris, 1841. Ouvrage couronné en 1842 d'un prix Montyon par - l’Institut de France. 128 L'UTILITÉ DES FORÊTS sans s’abaisser au-dessous de quatre pour cent. Il est clair du reste que les terrains très meubles sont affouillés par des eaux pos- sédant une force vive relativement faible tandis que les roches très dures resteront intactes, mème sous l’action de masses d’eau considérables, se précipitant sur des pentes escarpées. Les ravinements s’observent dans des régions de collines mollement ondulées (comme le pied des Carpathes en Valachie, beaucoup de points du Plateau Central) dès que les pluies sont {orren- telles et les terrains mobiles. En fait, Les torrents ne so présentent actuellement, à Pétat dévastateur, que dans une partie assez restreinte de l’Europe, daus laquelle la France tient malheureusement de beaucoup le ‘premier rang. Onestime la surface de terrain scumise aux dé- gâts immédiats des torrents à 315.000 hectares en France, dont 205.000 dans les Alpes françaises, 74.000 dans la région des Cévennes et du Plateau Central, et 36.000 dans celle des Pyré- nées. Le nombre des torrents en activité est de 1.138 dans les Alpes françaises, de 206 dans les Cévennes et le Plateau Central, de 118 dans les Pyrénées; au total 1.462 en France (1). En Autriche, on estime leur nombre à 522 dans le Tyrol méri- dional, 183 dans la Carinthie, plus un certain nombre dans la Haute-Autriche, la Styrie, la Dalmatie et les Carpathes; en tout environ 800 (2). On ne nous indique pas la surface immédiate- mentravagée; mais si nous admettons qu’elle est, comme en France, de 200 hectares environ par torrent, nous arrivons à un total de 160.000 hectares. En Suisse, une surface de 6.074 hectares avait été reconnue, en 1901, comme soumise aux dégâts immédiats des torrents. La surface de terrain à restaurer en Italie était estimée à 3.800 hectares environ eu 1882. (1) L'extinclion des torrents en France par le reboisement, par P. Demontzey. administrateur des Forêts, membre correspondant de l'Institut. Paris, Imprime- rie Nationale, 1894 (page 137). (2) Grundriss der Wildbachverbauung, par F. Wang, Forstrat, professeur à l’'Ins- titut agronomique (Hochschule für Bodenkultur) de Vienne.Leipsig,1903. (Tome I], p. 46.) LA FORÈT DE PROTECTION 129 …_ En Allemagne les travaux exécutés s’étendent sur une élen- … due d’environ 3.600 hectares. n On voit, par ces chiffres, quelle est l'importance du phéno- mène torrentiel, en France notamment; notre pays ayant Île fâcheux privilège de renfermer les deux tiers des torrents de Europe. Les deux départements des Hautes et des Basses-Alpes ne résentent que moins du quart de leur étendue en terrain cul- tivable, et chaque année les torrents en emportent encore un . flambeau (1). Déjà en 1819 un préfet des Basses-Alpes (2) écri- vait en parlant des arrondissements de Barcelonnette et de Cas- ellane : «82 l’on entend les vieillards du pays, on apprend que, depuis trente années surtout, on a vu disparaître plus de champs, plus de prairies, que peut-être il n’en avait élé enlevé dans le cours des deux siècles antérieurs.» Lasituation est allée s’empirant pendant les deux premiers tiers du xix° siècle. Le Conseiller d'Etat Chassaigne-Goyon, chargé d’une étude du Sud-Est de la France à propos de l’enquête agricole de 1866, “ s'exprimait ainsi (3): « Chaque année, la couche de terre végé- | | tale qui recouvre les hauteurs se déchire et s’amoindrit de plus * en plus; chaque année le lit de gravier du torrent s’élargit peu _ àpeu en empiétant sur les terrains fertiles des vallées riverai- - nes; chaque année, quelque pauvre famille voit restreindre son modeste patrimoine, et l’on ne doit pas s'étonner que, sans cesse menacée dans ses moyens d'existence, la population se décou- rage et qu’elle émigre pour aller chercher ailleurs un bien-être - plus facile et un travail plus rémunérateur. » - Le petit tableau ci-dessous donnera une idée des progrès de : 504 - rtes de superbes blés, appartenant à des propriétaires du village de Saint- s, au moment même où ceux-ci s'apprétaient à les moissonner. (2) Dugied (citation empruntée à Demontzey, op. cil., page 15). _ (3) Tbid., p. 19. ECONOMIE FORESTIÈRE, — I. 9 DD ME AGEN ONE 1 re ED LR Se A y à gen à En, PPT EN PET ER vec Be NET OT RE NS ed EUR CAS DÉPRÉ ,2 y + Bu tions plus rapides encore si les travaux du reboisement n’avaient. tout à la fois enrayé les ravages des torrents et répandu un certain bien-être par l’occasion de travail rémunéré qui était offerte aux populations. NOMBRE | POPULATION EN D'HABITANTS | : [par kilomètre carré, PTT ne Er FTP nr TE” 1846 1891 1904 1846 | 1591 | 1901 Arrondissement de Barcelon- nelle nee «...+l 18.300! 14.100! 13.800146 12 142 Arrondissement de (Castel- RÉ ST Te re MN LES re à | 23.800! 17.400! 16.400! 47 | 1# | 42 Ensemble du département des Bassés-Alpes, 1:01 PRE 156.700! 124.300! 115.000! 23 | 18 | 46 Arrondissement de Briançon | 30.000! 2 — d'EÉmbrun...| 32.000! 27. Ensemble du département des Hautes-Alpes. ..... RE RH 130,600! 115,600! 109.500! 24 | 20 | 19 Il. — CAUSES DU RÉVEIL DES TORRENTS Ce n’est que depuisun temps relativement court que les dégâts des torrents ont commencé à se manifester avec une intensité calamiteuse dans nos Alpes. Les défrichements inconsidérés etles abus de pâturage de la fin de l’époque moderne et de l’époque contemporaine ont réveillé les anciens torrents, en repos depuis la période glaciaire, en détrui- sant l’armature de forêts qui recouvrait le champ de leur an- cienne activité (1}, et ils en ont créé de nouveaux. Pendant la période du moyen-âge, la liberté et la sécurité relatives dont on jouissait dans les hautes vallées de la mon- tagne y attirèrent une population nombreuse. Les forêts qui (4) Des travaux de terrassements exécutés en 1891 sur le cône de déjeclions du Riou Bourdoux ont mis à jour une couche épaisse de terre arable et des traces évidentes de culture agricole, outils, bornes, etc., recouverts d’une couche de cinq à huit mètres d'épaisseur de dépôts actuels. Ce cône avait*évidemment été cultivé pendant une longue période de calme qui a précédé le réveil tout récent du torrent. : » L —# 1: < k Eee ? : LA FORÊT DE PROTECTION 131 couvraient alors jusqu’au fond des vallées (1) durent petit à petit reculer pour faire place à des terrains de culture. Mais les populations ne tardèrent pas à s’apercevoir des effets désastreux - du défrichement et l’on fit les plus grandsefforts pour le limiter. La région qui nous occupe nous apparaît, dès une époque fort reculée (2), avec des groupements de population constitués en collectivités sous le nom de Mandements ou Consulats. Ces … collectivités étaient sensiblement plus importantes par la popu- . lation et plus étendues que nos communes actuelles. Chaque _mandement avait un conseil (capitulum) formé de l’ensemble des chefs de famille, qui réglait les affaires locales, et dont les … actes s’appelaient des capitulations (3). Un consul, ou syndic, - élu par le conseil, était chargé de veiller à la stricte observa- . ton des règlements ou capitulations; il était assisté dans cette tâche par des préposés assermentés qu’on appelait, pour cette raison, des Jwrats. Nous possédons encore un assez grand nom- bre de ces capitulations, dont quelques-unes remontent à la pre- mière moitié du xve siècle. Or » at Libre Es LE Les bois et pâturages, appartenant aux mandements, étaient - l’objet, quant à leur jouissance, d’une réglementation minutieuse, _ prudente et très sévère. Les coupes de bois de chauffage étaient limitées aux besoins des habitants; lorsque, par exception, il _ élait dérogé à cette règle, la quantité que chaque chef de fa- mille pouvait vendre ou échanger au marché voisin était stric- _ tement limitée (capitulation de Savines, 1621). Les bois de cons- _truction n'étaient délivrés qu’à titre extraordinaire, après besoins constatés et sur autorisation spéciale du syndic. Les cantons qui avaient plus spécialement le caractère de forêts de … (1) La vallée de l'Ubaye, si dénudée aujourd'hui, s'appelait alors Vallis nigra, ce … qui semble indiquer que les forêts qui s’y trouvaient étaient des sapinières. _ (2) La plupart des détails qui vont suivre sur l’organisation ancienne des hautes —. vallées alpestres sont empruntés à une étude de M. F. Arnaud, notaire à Barce- …. lonnette, insérée dans l'ouvrage précité de Demontzey (note M, pages 408 et seq.), —. et à un travail de M. Guillaume, archiviste, publié dans le volume de 1889 du … Bulletin de la Sociélé d'Etude des Hautes-Alpes, sur la Capitulation du mandement de Savines en 1621. …. (3) Le mot capitulation est pris ici dans son sens primitif d'acte émanant du Conseil ou Chapitre (Capitulum). 132 L'UTILITÉ DES FORÊTS protection étaient complètement soustraits à toute exploitation, à n'importe quel titre. Ces interdictions s'étendaient parfois même aux particuliers dans leurs bois propres (4). « Les habi- tants, est-il dit, dans une capitulation de 1436, de quelque con- dition que ce soit,qui se seront permis de couper ou faire cou- per, moins s'approprier aucune sorte d’arbre de mélèze, pin, ni elve, auront peine de parjure et d’un florin pour chaque plante de jour et au double de nuit... « Particulièrement a été capitulé et ordonné que tous ceux qui, témérairement, ne craignant Dieu ny la justice et par hazard accoutumés à la dépopulation des devens et défances cy dessus establis, veulent continuer en leur malice, soient mis et appo- sés à la berline et au coular: (2) afin que soient exemples aux autres. » | | Le pâturage n’était toléré que pendant une partie de l’année «pas avant la Saint-Jean » (Meyronnes et Larche, 1414), ou « avant la Saint-Barnabé » (Barcelonnette, 1532); l'introduction du menu bétail était souvent interdite dans certains cantons et d’autres étaient complètement mis en défends. Les défrichements de bois et même de simples broussail es étaient défendus sous les peines Les plus sévères. « Il ne sera permis à aucun particulier, de quelque qualité et condition qu’il soit, de faire eissarts dans le terroir et drayes de ce consulat... sous quelque prétexte que ce soit, attendu que par le moyen de telles actions sont... causés journellement des inondations et ravages irréparables à la plaine dans les autres biens publics et particuliers, et ce, sous peine de deux écus d’or pour chacun et chacune fois que sera contrevenu, applicable un tiers à l’ac- cusant, un tiers au fisc consulaire, et l’autre tiers aux répara- tions publiques » (capitulation de Barcelonnette, 1532). De leur côté les Parlements de Provence et du Dauphiné (1) La défense « à toute personne de couper ni faire couper du bois aux con- fins de la montagne, pas méme aux propriélaires dans leurs biens propres » se trouve dans une Capitulation de 1414, citée par M. Arnaud. (2) Au pilori et au carcan. Ce texte, que nous reproduisons d'après M. Arnaud, paraît être celui d’une copie moderne, et non pas le texte primitif de 1436. LA FORÊT DE PROTECTION 133 + défendirent, par de nombreux arrêts, de défricher les bois dans la montagne. Les motifs de ces arrêts sont des plus précis. « La _ terre n’ayant plus été retenue dans les montagnes par les bois qui ont été charbonnés, a esté emportée par les eaux dans les plaines qui ont été remplies et couvertes de graviers stériles et infructueux, étant laissées les dites montagnes désertes et inu- tiles... ce qui ne serait pas sans dôute arrivé si les bois des montagnes eussent été sur pied et en estat de retenir la terre et le gravier dans les montagnes et arrester la rapidité des eaux... » (Arrêt du Parlement dé Grenoble, du 19 décembre 1682, cité . _ par M. Charlemagne.) Tous ces règlements, dont la sanction résidait dans des peines pécuniaires, confiscations, et même des peines corporelles (pi- _ Jori, carcan) paraissent avoir été généralement observés pen- dant toute la période moderne, jusque vers la fin du xvine siècle. A cette époque la législation révolutionnaire fit disparaître le régime des mandements, les consulats, les ordonnances des Parlements et les règlements locaux. Les Communes furent _ déclarées propriétaires par indivis des bois et pâturages des anciens mandements, et le droit fut proclamé pour chacun d’user de sa propriété suivant ses convenances. Des défrichements considérables suivirent immédiatement cette nouvelle législation, libérale sans doute, mais trop certai- nement contraire à l’intérèt bien entendu des régions monta- gneuses. Quelques années ne s'étaient pas écoulées que des cor- respondances officielles signalaient (1) «... Les défrichements se multiplient... De Digne à Entrevaux le penchant des plus belles collines est mis à nu... Plusieurs communes viennent de perdre leur récolte, leurs troupeaux et leurs maisons par des débordements. » — Dans l’arrondissement de Barcelonnette, les abus avaient pris une extension telle que, dans les dix ans com- pris entre 1839 et 1848, c’est-à-dire au début de l’époque où le « Code forestier commença à être rigoureusement appliqué, le (1) Demontzey, op. cit., page 20. 134 L'UTILITÉ DES FORÊTS , à tribunal correctionnel a dû prononcer, dans les cantons deSaint- Paul et du Lauzet, des condamnations pour délits forestiers s'é- levant à 29.400 fr., tandis que le total du principal de l'impôt foncier n’excède pas 29,200 fr. dans ces deux cantons (1). Les Pyrénées sont, en général, constituées par des terrains plus anciens, beaucoup plus durs que ceux des Alpes. Leur solidité etleur résistance à l’érosion y rendent les torrents beau- coup plus rares. Leur climat tempéré et humide favorise sin- gulièrement la végétation des arbres; on a dit avec raïson qu’elles sont les montagnes vertes par excellence. Les forêts, qui en sont à la fois la parure et la protection, devraient être les plus belles de l’Europe, si elles n’avaient à lutter contre les nombreux fléaux qui les ravagent:la hache des délinquants, _les incendies, les abus de dépaissance et les appétits de plus en plus âpres, toujours inassouvis, des communes qui les pos- sèdent (2). Surell, dans son Ætude sur les torrents, pouvait déclarer en 1841 que les Pyrénées ne renferment pas de torrents. Exacte, peut-être, il y a soixante ans, cette affirmation ne le serait plus aujourd’hui. La dégradation des forêts, sous la triple action des coupes immodérées, des incendies et du pâturage, a fait des progrès invraisemblables. « La caractéristique des montagnes de Cau- terets est l’état de délabrement complet des forêts qui les cou- vraient jadis et qui disparaissent... Sur une étendue totale de 4505 hectares soumis au régime forestier le nouvel aménage- ment, qui vient d’être étudié, n’a pu proposer des exploitations régulières que sur une contenance de 908 hectares. » « .… Il est clair que des forêts réduites à un tel état de ruine ne peuvent jouer qu’un rôle tout à fait insuffisant, tant au point de vue du maintien des terres et des roches sur leurs pentes (1) Demontzey, ibid., page 423. (2) De Gorsse, les Terrains el paysages torrenliels des Pyrénées. Paris, Imprime- rie Nationale, 1900, page 6. _ FORÊT DE PROTECTION 135 qu’au point de vue de la régularisation du régime des eaux (1). » _ Les ancienstorrents, éteints dans les Pyrénées depuis l’époque glaciaire, se sont brusquement réveillés sur plusieurs points . dans le cours des cinquante dernières années. «Ils sont nés et se sont développés sous Les yeux de la géné- “ration contemporaine. Quelques-uns datent d'hier à peine. Il a suffi de deux orages, éclatant à un mois d'intervalle, le 45 juin et le 29 juillet 1885, pour provoquer la formation subite du _ravin de Saurat et du torrent de Gestiés, dans les Pyrénées - centrales. Ce dernier est devenu, en quelques heures, un des plus redoutables de la chaîne. Ailleurs, en amont de Luchon, le torrent de Laou d’'Esbas s’est formé en une nuit, de toutes pièces, à la suite des pluies prolongées du mois d'avril 1865. “At, comme début, ces foudroyantseffets: plus de 600.000 mètres cubes de matériaux arrachés aux flancs de la montagne et pré- - cipités d’un seul coup dans la vallée, la plaine de Luchon sub- e. . mergée et la première station thermale des Pyrénées exposée _ au plus grand péril (2). » Ici encore aucun doute n’est permis sur la cause du réveil de _ l’activité torrentielle. Elle réside, comme dans les Alpes, dans …_ la détérioration des forêts; sielle est moins générale il faut E. | l'attribuer à des conditions de sol et de climat différentes. — Les Cévennessontformées de montagnesentièrementchauves, à pentes beaucoup moins raides que celles des Alpes et des Pyrénées. En revanche, le sol y est beaucoup plus affouillable et le régime des pluies absolument diluvien. C’est sur ces mon- D nu parfois une uienaiés incroyable. Dans la montagne - du Gévaudan, sur les confins des départements du Gard et dela Done, il est ne en 72 heures, au mois de re 1890, (0 De Gorsse, op. cit., page 25. - (2) De Gorsse, op. cil., page 9. RE, de ENT re + TA 130 L'UTILITÉ DES FORÊTS 4 m, 50 à 2 m.00. Dans ces conditions, malgré la faible hauteur … ” et la pente modérée des versants, l'érosion devient puissante. 4 Les lits des moindres cours d’eau, encombrés par les matériaux, atteignent des largeursénormes(1), enfouissant sous les graviers les vallées fertiles d'une des plus riches provinces de notre pays. : III. — EXxTINCTION DES TORRENTS PAR LA FORÊT .Ea présence desravages des torrents on s’est longtemps borné à essayer, au moyen de digues ct autres travaux d’art, de limi- ter leur champ de divagation. Surell estle premier qui comprit la nécessité d’atteindrele mal dans son origine, en entreprenant l'extinction définitive des torrents, c'est-à-dire leur transfor- mation en ruisseaux inoffensifs, à débit régulier. Après une étude attentive des causes du phénomène, ilformula, comme con- elusions à son travail, les quatre propositions suivantes : 4 La présence d'une forélempéche la formation des torrents; 2 Le déboisement d'une forét livre le sol en proie aux tor- rents; 3° Le développement des forêts provoque l'extinction des torrents ; 4 La chute des forêts redouble la violence des torrents et peut même les faire renaître. Les études poursuivies, l'expérience acquise depuis quarante années par les foresliers au cours des innombrables travaux entrepris dans les Alpes, les Pyrénées, les Cévennes et à l'étranger, ont montré combien Surell avait vu juste. La forêt seule peut venir à bout des torrents : il est partai- tement vain d'entreprendre la lutte avec les seules ressources de l’art des ingénieurs. Demontzey a pu, en 1893, reproduire en têle de son ouvrage sur l'extinction des torrents les pages suivantes par lesquelles le jeune ingénieur de 1841 terminait son livre : (4, Le lit majeur du Gardon, en aval d'Auduze, a 1800 mètres de large, d'après Demontzey. LA FORÊT DE PROTECTION 137 ec Il faut laisser JA les digues (opposées aux progrès des L ‘cônes de déjections) et reporter la lutte dans les régions supé- rieures de la'montagne.….. » _ « Tous nos mesquins ouvrages ne sont que des défenses,ainsi que l'indique même leur nom. Ce sont des masses passives, nd _ opposées à des forces actives, des obstacles inertes et qui se dé- truisent opposés à des forces vives qui attaquent toujours et ne _se détruisent jamais. Pourquoi donc l’homme ne demanderait- il pas un secours à ces forces vivantes (les forêts) dont l'énergie et l'efficacité lui sont si clairement révélées? Pourquoi ne leur _commanderait-il pas de faire, de nouveau et par son ordre, ce qu'elles ont fait anciennement sur tant de torrents éteints et par l’ordre seul de la nature? » « La nature, en appelant les forêts sur les montagnes, plaçait _ le remède à côté du mal; elle combattait les forces actives des | eaux La d’autres forces actives Le nn au règne de la vie. » « De la présence des forêts sur les montagnes dépend Pexis- a tence des cultures et la vie de la population. Lei le boisement.… est une œuvre de salut, une ‘question d’être ou de n’être pas. » « Il est donc urgent de rappeler les forêts sur les montagnes, _ puisque ces pays n’existent que par elles. » Les premiers travaux de reboisement furent entrepris, à litre ; d'essai, dès 1843, mais les événements politiques vinrent bien- tôt les interrompre. Une loi du 28 juillet 1860 confia aux fores- . tiers lagrande et redoutable mission de l'extinction destorrents. Ils se sont montrés à la hauteur de la tâche. _ Vaiciquels étaient, au 1° janvier 1900, les résultats acquis et ceux restant à obtenir (1). _ (1) Restauration et Conservation des terrains en montagne. Compte-rendu des travaux. Paris, Imprimerie Nationale Publication de [° Adihinistration des Eaux et one Helss: 138 L'UTILITÉ DES FORÊTS VER Situation des travaux au {er Janvier 1900 sis TC |. SUR LA CONTENANCE ACQUISE 4 TERRAINS | SE TROUVENT | 4 TL ee ne enr ect es À sta b. “ F 2. É * 4 Terrains restant j RÉGIONS en vue |Terrains|q ins Terrains impropres à LEE del'extinction| ancien- ce restant es A A nement | lPOi- à LE acquérir MERS torrents (1) | boisés sx reboiser ment (2) {L “ : 4 hectares hectares| hectares! hectares | hectares hectares É Alpes ss: sl 443.614 | 5:537150.922143 977113 117510108366 à Plateau central et <4 Cévennes ..... US 37.868 | 1.746131.352| 4.707 63 39 4261 È PyTÉRÉSS SE EE 44.495 | 3:1931.5,496|"2:599 31% 24 :825 162.974 |10.406187.770151.243113.599! 172.317 Les dépenses effectuées et celles encore prévues se répartis- sent comme suit, ex milliers de francs. Dépenses faites. Dépenses restant à faire. Acquisitions de terrains... 25.91% 26.793 de reboisement. 20,149 Travaux ? de correction... 12,908 86.077 divers nee D A Frais généraux...... 853: 18 909 » TOP ERN REM-T . 66.418 114.870 LP Sur les 1462 torrents reconnus en 1893, il y en avait, à cette époque, 654 attaqués parles travaux, et 168 entièrement éteints, parmi lesquels 31 classés comme ineurables par les ingénieurs il y a moins de cinquante ans. On estime, étant donnée Pim- portance actuelle des ressources dont on dispose (3.300.000 fr. par an), que les travaux seront entièrement achevés vers 1945, c’est-à dire environ 85 ans après leur début. Il n’est que juste de nommer ici Prosper Demontzey (3), (1) Sur cette étendue, 20.000 hectares environ ont été acquis à l'amiable en dehors des terrains actuellement ravagés compris dans les périmètres officiels de reboisement. (2) Rochers, escarpements ou terrains situés au-dessus des limites de la végé- tation forestière. (3) Prosper Demontzey, né à Saint-Dié Vosges), en 1831, mort à Aix (Provence) ! en 1898. Elève de l'Ecole forestière en 1850, il séjourna d’abord en Algérie et entra ensuite dans le service des reboisements, premièrement à Nice, en 1865, puis enfin dans les Basses-Alpes, comme chef de service, en 1868. Le 16 avril 1882, il fut placé à la tête du service des reboisements en France, avec le titre d’Ins- pecteur général des reboisements,poste qu'il occupa jusqu'à sa retraite en 1893. LA FORÊT DE PROTECTION 139 l’homme éminent auquel on doit pour la plus grande part le « succès de l’œuvre de l'extinction des torrents en France et à TR \ Û ° x . des hommes, une science, un prestige et un succès tels que c’est # son école que se sont anti ceux qui, après lui, à l’étran- ne. La science de RER des torrents par le rébué: 4 : . ment est toute française; sa création et son perfectionnement .… dans notre pays sont un des titres de gloire du Corps forestier _ français. _ Iinesaurait être question ici d’exposer la #é/hode créée par Demontzey grâce à laquelle les torrentsincurables ont été vain- . cus avec une promptitude et une perfection qui font l’admiration de tous ceux qui visitent nos Alpes. Cependantla conception de - Demontzey, comme toutes les idées supérieures, est si simple, . si claire, qu’il est possible d’en esquiser les traits essentiels en _ quelques mots. _ Le premier travail à entreprendre est le boisement du bassin ; de réception surtout dans sa partie supérieure, boisement qui - tarira la source des apports de matériaux. Puis on assure la sta- bilité des berges en supprimant l'érosion de leur pied. Il faut, …. pour cela, briser la force vive des eaux qui provient de l'excès Be le pente du profil en long. On y arrive en substituant au profil 4 existant, par le moyen de barrages soigneusement étudiés, une —…. … série de paliers à pentes douces et de cascades. On remplace, en — somme, le terrible plan incliné par un escalier. Le talent con- | siste à placer les barrages, à créer les cascades, aux points résistants, inaffouillables, et à réduire leur importance au mini- _mum. Ea amont de ces ouvrages les atterrissements se forment : d'eux-mêmes; le gigantesque escalier se constitue et vient . remplacer la piste vertigineusement inclinée sur laquelle rou- _ laïent les eaux. … A mesure que les atterrissements se déposent, quele nouveau Jit se constitue, que les berges deviennent immobiles, on se 160 L'UTILITÉ DES FORÊTS hâte de les boiser en même-temps qu’on les assainit par un réseau de draïnages bien étudié. Au bout d’un petit nombre d'années, l’œuvre est achevée, ou tout au moins son succès est assuré. | Telle est la théorie, simple et grandiose. Elle appartient à Demontzey. Beaucoup de procédés techniques, d'améliorations de détail, sont l'œuvre deses collaborateurs, auxquels ila rendu justice dans son Etude sur les travaux de reboisement, véri- table guide dureboiseur et traité didactique de premier ordre(1). Son premier succès fut l’extinction du redoutable torrent du Labouret, près de Digne, qui était entièrement acquise en 1874, six ans après l’arrivée de Demontzey dans les Basses-Alpes (2). En 1872 on s’attaqua au Bourget, près de Barcelonnette, et moins de trois années plus tard on était assez sûr de la méthode pour aborder le célèbre torrent de Riou-Bourdoux, le plus ancien, le plus terrible et le plus considérable de tous ceux de larégion clas- sique des torrents de l'Ubaye et de toutes les Alpes françaises. Aujourd’hui dompté, « le monstre » (3), si longtemps la terreur des habitants de Barcelonnette,est devenu un ruisseau inoffensif dont les eaux fécondent, en les irriguant, les cultures qu’il avait si longtemps dévastées et qu’il menaçait d’engloutir, IV. — LÉGISLATION DU REBOISEMENT La loi du 28 juillet 1860, la plusanciennede celles qui régis- sent la matière de l’extinction des torrents, avait admis le sys- {ème suivant : (1) Un vol. in-%° de 421 pages, atlas de 36 planches. Paris, Imprimerie Natio- nale, 1878. Voici comment s’exprimait au sujet de cet ouvrage, en 1887, le chef du service forestier à Vienne (Autriche), M. l'Oberforstrat Dimitz: « Environ un an après fut publié l'ouvrage, devenu classique, de P. Demontzey: Elude sur les travaux de reboisement et de regazonnement des montagnes. W en parut une traduction allemande faite par le professeur Seckendorff, avec l'autorisation 4e l'auteur, et aux frais du ministère de l'Agriculture. IL EST PEU DE LIVRES QUI AIENT ÉTÉ AUTANT LUS PAR LES FORESTIERS DE L'AUTRICHE, SURTOUT DANS LES ALPES; NOUS POUVONS MÊME AJOUTER QU'IL N'EN EXISTE PAS. Le traducteur avait semé en terrain fertile en nous facilitant la lecture des œuvres du forestier français. » (2) Il est juste de faire remarquer que quelques travaux avaient été faits, au Labouret, avant Demontzey, par MM. de Cabrens et Darcy, de 1863 à 1867. (3) Dénomination populaire du Riou-Bourdoux dans la vallée de l'Ubaye. ; Re oi : , : APPORTENT RE a. ri EME FL? LA FORÊT DE PROTECTION 14t …. . Les travaux élaient rangés en deux catégories. Les uns, con- rs ET PIE Éd: : TS E ‘% + # < OT à te mr ra in ù j'a à VE +: Fi Fed sidérés comme d'intérêt général, étaient dits obligatoires ; les autres, dont l'urgence ou l'intérêt paraissaient moindres, étaient déclarés facultatifs. Les terrains, préalablement reconnus et délimités, sur lesquels devaient porter les travaux, prenaient le nom de périmètres et se trouvaient ainsi divisés en périmètres obligatoires et facultatifs. Dans les périmètres obligatoires les terrains appartenant à des particuliers étaient acquis par l'Etat, au besoin par voie d’ex- propriation. Ceux appartenant à des communes n'étaient qu’oc- cupés et l'Etat devait les restituer, après achèvement des travaux, contre remboursement des frais de ces travaux. Néanmoins, la commune pouvait s’exonérer de toute dette en abandonnant à -VEtat la moitié des terrains occupés; elle gardait le droit de propriété sur le surplus ainsi que celui du parcours pour les bestiaux, sous la seule restriction de la soumission au régime forestier. Dans les périmètres facultatifs l'Etat n’intervenait que pour subventionner le reboisement par la concession gratuite de graines, de plants, ou même de primes en argent. La loi de 1860 était fort dure pour les montagnards. Elle mettait entièrement à leur charge tous les frais de l’extinction des torrents. Il est vrai que c’étaient les abus des populations de la montagne qui étaient la cause du mal : elles s’en trouvaient ainsi. responsables à la rigueur. Mais jamais le vieil adage « Summum jus summa injuria » ne fut mieux appliqué. Les montagnards pouvaient répondre — et ils ne manquèrent pas de le faire — qu’il était bien dur de rejeter sur eux seuls, pauvres et déjà très éprouvés, tous les frais de travaux dont profiteraient, en mème temps qu’eux, les habitants plus riches de la plaine. D'autre part les abus, de la responsabilité desquels on _ les accablait, étaient l’œuvre de leurs ancètres ; ils n’avaient fait que continuer publiquement le mode de jouissance suivi par leurs pères, en se conformant aux lois en vigueur. Enfin le titre même de la loi de 1860 « sur le reboisement des montagnes » 1/42 L'UTILITÉ DES FORÊTS effrayait les populations. L’Administration des forêts allait-elle s’emparer de toute la montagne, pour installer partout la forêt, en supprimant les cultures et le pâturage, de façon à y rétablir la solitude et la paix des époques préhistoriques ? _Ces arguments, développés par les représentants des popula- tions, joints à la résistance que soulevèrent les premières mises en défends, amenèrent le législateur à réformer son œuvre. Dès 1864 fut promulguée une loi d’après laquelle le gazon- nement pouvait être substitué au reboisement sur une partie des périmètres. Malheureusement, l'expérience a prouvé que le « gazonnement est presque toujours irréalisable sur les terrains dégradés, nus et instables. » (Demontzey.) Les gazons touffus ne se développent, dans nos Alpes, déjà méridionales, de Provence et d’une partie du Dauphiné, que dans les hautes régions ; plus bas le climat trop sec ne permet plusla végétation que d’espèces croissant en touffes disséminées, qui sèchent dès la fin du prin- temps, et qui ne peuvent fournir aucune protection contre l’é- rosion du sol. Aussi la loi du 8 juin 1864 est-elle restée sans application. . La loi de 1882, sur la restauration et la conservation des terrains en montagne, est celle qui régit actuellement la ma- üière. Elle tranche, dans le sens le plus libéral, l’ancien conflit entre les montagnards et les habitants de la plaine au sujet des frais de lextinction des torrents, en mettant à la charge de l'Etat, c’est-à-dire de tous les Français, la totalité de la dé- pense. Cotte solution était la seule digne d’un pays généreux comme le nôtre, dont tous les enfants sont solidaires ; les plus fortunés devant soutenir les autres sans rechercher trop âpre- ment dans quelle mesure ils peuvent être rendus responsables de leur détresse. Pour compléter ces dispositions conciliantes l'Etat fit encore abandon, aux communes, des créances qu'il détenait sur elles du fait des travaux exécutés depuis 1860. Enfin, point important, la loi de 1882 assimile entièrement les tra- vaux des périmètres à des travaux publics. On a reproché à la loi de 1882 d’êtreincomplète. Elle devrait, LA FORÊT DE PROTECTION 143 a-t-on dit, prescrire la soumission à un régime spécial de tous _ les terrains de la montagne, notamment des terrains boisés _ dans larégion des torrents. Ce reproche est fondé dans une cer- _ {aine mesure. Nous verrons plus loin qu'il serait nécessaire et _ équitable que toutes les forêts présentant le caractère de forêts de protection, aussi bien en plaine qu'en montagne, fussent incorporées au domaine de l'Etat ; ce serait le développement _ logique du principe posé par la loi de 1882 en mettant à la . charge de l'Etat seul les frais de restauration des terrains de la montagne, _ L'attitude des habitants de la montagne fut d’abord extrème- _ ment hostile au reboisement, surtout à cause de la restriction . du pâturage qui est ordinairement la source de revenu pres- ‘que unique de ces populations déshéritées et si dignes d’intérèêl. En 1864, il se produisit, dans l'arrondissement d Embrun, de véritables émeutes en présence desquelles le gouvernement prescrivit sagement, pour éviter l’effusion du sang, la suspension momentanée des travaux. Cependant, petit à petit, à la suite des … premiers succès obtenus, l’opposition se calma, surtout lors- qu’on eut bien consiaté l'esprit de modération et le souci unique des intérêts véritables des populations qui anime les agents de PAdministration des Eaux et forêts. Les habitants des vallées cessèrent les premiers leur hostilité : ils n’avaient qu’à gagner à l’entreprise de travaux qu’ils ne tardèrent pas à solliciter. La _ loi de 1882, libérale et sage, contribua beaucoup à l’apaisement des montagnards. Enfin, il faut bien le dire aussi, la baisse du prix de la laine, survenue depuis plusieurs années, a rendu l’é- … Jevage du mouton moins productif et en a réduit les troupeaux. Cette conséquence inattendue des importations de la République “ Argentine, de l'Australie et de l'Algérie a beaucoup facilité la tâche des reboiseurs en rendant plus supportables les mises en . défends. Aujourd’hui on peut dire que l’œuvre du reboisement est vraiment populaire. Les communes, autrefois les plus hos- . tiles, offrent spontanément leurs terrains au régime forestier OR RAR NAN Te SD I Er 144 L’UTILITÉ DES FORÊTS. dont elles ont reconnu les bienfaits, aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées. En 1902 la commune de Lannemezan, | en Bigorre (Pyrénées), a so/licité la soumission au régime fores- tier de 220 hectares de terrains en friches, fait inouï dans une région où les agents forestiers ont eu à lutter, pendant tout le cours du dernier’siècle, contre les tentatives incessantes, obsti- nées, faites par les communes pour arracher au contrôle du service forestier au moins des lambeaux de leur domaine. En Savoie, dans une région qui, en 1883 encore, s'était signalée par sonopposition au reboisement, centcinquante propriétaires, dans une seule commune, viennent de céder gratuitement à l'Etat leurs terrains de montagne (1), tant ils ont hâte de les voir couverts de forêts, pour la protection de leurs habitations et cultures du fond de la vallée. De 1894 à 1899, l'Etat a acheté, uniquement à l’amiable, 54.000 hectares de terrains en mon- tagne ; il poursuit ces acquisitions à raison de 10.000 à 42.000 hectares par an, et il sera facile de dépasser ce chiffre le jour où les allocations budgétaires le permettront. Ilest vraiment réconfortant et rassurant de voir de pareils résultats, qu'aucune autorité, aucune coërcilion n’aurait jamais produits en France, résulter du consentement spontané, grâce au bon sens des populations et au bon esprit de l’Administra- tion (2). En Autriche, la matière des travaux d'extinction des tor- rents est régie par une loi du 30 juin 1884 « sur les mesures destinées à assurer l'écoulement inoffensif des eaux dans la montagne ». La création des périmètres peut être entreprise par l'Etat, les départements (Bezirke), communes ou même particuliers inté- ressés ($ 9). L’entrepreneur d'un périmètre possède, après avoir (1) Communication de M. Küss au Congrès international de Sylviculture à Paris en 1900 (page 356 du Compte-rendu). (2) I faut toutefois reconnaitre que dans une partie des Basses-Alpes les popu- lations sont restées assez nettement hostiles au service forestier jusqu’à ces der- niers temps. LA FORÊT DE PROTECTION 145 obtenu la reconnaissance d'utilité publique pour son entreprise, > droit d’expropriation à son profit pour les parcelles qu’il paraît nécessaire d'enlever à leur propriélaire actuel « pour assurer l'exécution complète, prompte, et la conservalion de l'œuvre entreprise » ($ 4); ila de plus le droit d'occupation, d’ex- action de matériaux dans le périmètre et les terrains voisins. En fait, croyons-nous, aucun travail de ce genre n’a été entrepris squ’à présent par l'initiative privée. Les travaux sont dirigés par les ingénieurs forestiers de l'Etat assistés d'ingénieurs ordi- naires si l'importance des travaux d’art le rend nécessaire et cela même lorsqu'ils sont exécutés par d’autres que l'Etat (S 19). Les propriétaires des terrains compris dans les périmètres ont droit une indemnité réglée, en cas de désaccord, suivant la procé- 2 fixée par la loi de 1878 sur un ($ 13 à 16). Les 00 eur les travaux de reboisgment proprement dits, la tony ne est supporté soit par les cantons ee ont contribué, en t, dans la proportion de 5 à 20 0/0) et les autres intéressés. ECONOMIE FORESTIÈRE. — I, : 10 146 L'UTILITÉ DES FORÊTS En /{alie, les charges de la correction des torrents et du reboisement sont supportées à la fois par l'Etat, la province ét les communes; en Æongrie, elles incombent aux Propre intéressés. En Prusse, une loi du 7 juillet 1875 donne aux Re le droit d’obliger le propriétaire d’un terrain à effectuer les tra- vaux nécessaires à leur sécurité, à condition que leur intérêt soit suffisamment grand pour comporter les travaux réclamés. Les frais incombent à ceux qui demandent les travaux, sauf recours contre le propriétaire en remboursement de la plus- value qu’a pu prendre son domaine. Cette loi |ne s’applique pas aux dunes maritimes (1). $ 2. — La forêt et les inondations. Les détails donnés au chapitre III, $ 4, à propos de l’action modératrice de la forêt sur l’écoulement des eaux superficielles nous dispensent d'entrer dans de longs développements sur le rôle de la forêt comme régulateur du débit des cours d’eau : il peut être considéré comme évident et il est universellement admis aujourd’hui. C’est à la suite des grandes inondations de 1840 que Pattention générale fut attirée sur la lamentable situation des Hautes-Alpes françaises, que furent publiés l’étude de Surell, le rapport de Blanqui à l’Institut, et que les premiers travaux de reboisement furent entrepris. Celle de 1856 provoqua le vote de la loi de 1860 sur le reboisement des montagnes. L’effrayant désastre causé par la crue de 1875 imprima une vive impulsion aux travaux de reboisement dans le eus Central ; la crue de l'Ardèche en 1890, qui occasionna à elle seule des dégâts pour plus de huit millions et causa la mort de quarante-cinq personnes, montra à (1) Description forestière du Royaume de Prusse d'après des documents officiels par G. Huffel chargé de Cours à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts.Paris, Impri- merie Nationale, 1896. (Extrait du Bulletin du Ministère de l'Agriculture.) \ LA FORÊT DE PROTECTION 147 la fois l'utilité des travaux exécutés et la nécessité de les endre (1). _ Ilest du reste évident que les reboisements ne peuvent avoir un effet véritable qu’à la condition de s'étendre sur une partie _ notable du bassin supérieur des cours d’eau, d’être vraiment généraux. La plantation de quelques parcelles acquises çà et là et reboisées en vue de l’extinction d’un ravin particulier ne eut avoir qu’une action insignifiante sur le régime d’un cours eau comme la Loire, la Garonne ou la Durance. . La cause du reboisement du bassin supérieur de nos grands cours d’eau, en vue de la régularisation de leur débit, fait, de- . puis un certain temps, des progrès évidents en France. La créa- on récente d’une société « du Sud-Ouest navigable » dont le but est de poursuivre, par le reboisement et d’autres moyens, lPamélioration des conditions de navigabilité de la Loire et de la Garonne en est la preuve. Le Congrès tenu en 1903 par cette Société a été l’occasion d’une série de communications intéres- _santes sur le rôle des forêts et de la répétition de vœux pres- 20 “+ _sants en faveur de l’œuvre du reboisement (2). $ 3. — La forêt et les avalanches. _ Les avalanches constituent l’un des phénomènes les plus grandioses et les plus redoutables des pays de haute montagne. Une statistique officielle, établie en Suisse par les soins du ser- e forestier, à établi que la surface exposée, dans ce pays, aux gäts des avalanches est de 24.700 kilomètres carrés. Le nom- ion qui enleva des lambeaux de territoire entiers, mais encore ils Éénirent abri aux terrains inférieurs en ralentissant et en réduisant l'écoulement des 2) Voir un compte rendu de ce congrès par M. Fabre, dans les n° d'août et Dore se la Revue des Eaux et Foréis, année 1903. 148 L'UTILITÉ DES FORÊTS Les couloirs d’avalanches occupent une surface de 1.416 ki= lomètres carrés, 5.200 d’eritre eux menacent des villages, des bâtiments, des chemins et des forêts. 160 de ces couloirs avaient été barrés à la date de 1900, moyennant une dépense de 800.000 francs (1). Les seules mesures vraiment utiles contre les avalanches con- sistent à prévenir leur formation, à fixer la neige sur les ver- sants au lieu de leur point de départ. Ce résultat peut être obtenu soit par des travaux d'art (pilotis, murs, barrages), soit par le boisement. Malheureusement, comme on l’a vu, la plupart des avalanches ont leur origine au-dessus des zones forestières actuelles ; dans bien des cas, cependant, il est possible de réin- troduire la forêt sur des points d’où l'homme l’a fait disparaître pour créer des pâturages. Lorsque la forêt est reformée, tout danger a disparu. « Il devrait y avoir des règlements pour interdire lexploita- tion libre des bois en haute montagne, car, on peut le dire d’une façon générale, ce sont les abus de jouissance qui sont, dans nos Alpes, la cause originaire de la formation des avalanches(2). » Il est certain, tout au moins, que le maintien des forêts consti- tuerait, non pas un préservatif absolu (3), mais le moyen d’atté- nuation le plus efficace contre ce fléau si redouté des monta- gnards. {1} Communication de M. Coaz au Congrès international de Sylviculture à Paris en 1900 (page 415 du Compte-rendu officiel). (2) Communication de M. Mougin au Congrès de Sylviculture de Paris en 1900 (page 406 du Compte-rendu officiel). (3) « Du reste, malgré tous nos travaux de protection, ilrestera toujours encore assez d’avalanches. Nous ne voudrions pas non plus les voir disparaître totale- ment de nos Alpes; nous n'aimerions pas à être privés de ce spectacle sublime... Les Alpes perdraient, avec les avalanches, un cachet très prononcé et très carac- téristique... » C'est par cette phrase très applaudie, qui révèle peut-être un certain scepti- cisme joint à l'humour, que M. Coaz, inspecteur fédéral en chef des forêts de Suisse, terminait sa communication précitée au Congrès international de Sylvi- culture à Paris en 1900. me LA FORÊT DE PROTECTION 1/49 ” $ 4. — La forêt et les sables mouvants. ÏJ. — LE PHÉNOMÈNE DES DUNES Lomé, les rides s Rasa © sur le sable elles nou anti à l’état immobile, ropnant une série de petits chaïnons de collines. _ On appelle dunes les collines de sable produites par l’action du vent. Les vallées qui les séparent se nomment des /èdes ou des /ettes en Gascogne. Il existe des dunes partout où des sables - sontexposés sans abri à l’action du vent. On en retrouve dans _ les déserts de l'Australie, de l’Asie, dans les plaines de laRussie, … au Sahara où les forestiers ont été appelés récemment à défen- dre, contre leur marche envahissante, les oasis du Sud algérien _ou tunisien, et dans beaucoup d’autres lieux à l’intérieur des ntinents. Il en existe aussi et surtout sur les côtes des océans : Prusse, en France, en Russie,en Arabie, surun grand nom- bre de points du littoral du Pacifique et de la mer des Indes. Les plus intéressantes pour nous sont les dunes maritimes, - ce sont en effet les seules que l’on rencontre en France. _ Les dunes maritimes existent en France sur le littoral de la Manche et du Pas-de-Calais, de Dunkerke à Dieppe, sur les côtes de Bretagne, sur le littoral entre l'estuaire de la Loire et celui de la Gironde, sur toute la côte gasconne et enfin sur différents … points de la rive méditerranéenne, On peut estimer la surface e ces différents groupes de la manière suivante : 150 L'UTILITÉ DES FORÊTS 1° Départements du Nord : “so et de la Somme, .,,..: 12.200 hectares, dont 41.800 appartenant à di- vers particuliers et 400 à des commu- nes, Parmi ces derniers, 80 h, sont soumis au Régime forestier. 20 Départements du Finis- à tère et du Morbihan... 1,600 hectares, dont 1.100 appartenant à di- vers particuliers et 500 à l'Etat. Ces derniers sontsoumis au Régime fores | tier. 30 Départements de la Loire-Inférieure, de la Vendée, et de la Cha- rente-Inférieure, ...... 13.600 hectares appartenant à l'Etat et soumis , au Régime forestier. 40 Départements de la Gi- ronde et des Landes... 102.000 hectares dont 52.000 appartenant à l'Etat et 7.000 à des communes sont soumis au Régime forestier. Le sur- plus est communal non soumis ou propriété particulière. 5o Côtes de la Méditerra- : née iso ARS VAT SET 980 hectares à divers propriétaires dans l'Aude, l'Hérault et le Gard. L'absence de marées et d’apports de la mer leur enlève tout caractère dangereux et aucune partie n’en est soumise au Régime forestier, Les dunes les plus importantes de beaucoup sont, comme on le voit, celles de Gascogne et celles qui leur font suite au nord, de Royan à la Rochelle. C’est d’elles, et plus spécialement des dunes de Gascogne, qu’il sera question dans ce qui va suivre (1). Les courants marins de la côte de Gascogne apportent à la côte, lors de la marée, du sable qui reste ensuite découvert lorsque la mer s’est retirée. Sous l’action du soleil et du vent ce sable se dessèche et devient mobile; le vent du large le sou- (1) Les renseignements sur les dunes que l'on trouvera ci-dessous sont em- pruntés particulièrement, en outre de nos notes de voyage personnelles, aux ouvrages suivants ; : Les Landes et les Dunes de Gascogne, par Ch. Grandjean, Paris, chez Roths- child, 1897. La Côle et les Dunes du Médoc, par Pierre Buffault, Souvigny (Allier), chez Jehl, 1897. Note sur les Dunes de Gascogne, par J. Bert. Paris, Imprimerie Nationale,1900, LA FORÊT DE PROTECTION 191 lève et le pousse vers les terres, au delà de la ligne des hautes marées. C’est ainsi que s’accumulent, sur la côte, des matériaux constamment renouvelés à mesure qu’ils s’avancent vers l’inté- rieur. La même action du vent les fait progresser continuelle- ment, sous forme de lignes successives de dunes, roulant sur les-mèmes, vers l’ouest, ensevelissant sous leur marche enva- ssante villages et terres cultivées, fermant les estuaires des ours d’eau. Ceux-ci, privés de débouchés, s’étalent en étangs ittoraux et en marécages malsains qui remontent au loin dans _ l'intérieur des terres qu’ils stérilisent et dépeuplent. _ La vitesse d'avancement des dunes a été estimée par Bré- . montier, à la fin du xvin® siècle, à 20 ou 25 m. pour les dunes — du Médoc. Cechiffre paraît assez exact. L'église de Lège (Médoc), _ rebâtie en 1480 à quatrekilomètres de sa position primitive, dut être reportée encore en 1650 à trois kilomètres plus loin dans les terres, ce qui correspondrait à une progression annuelle moyenne des sables de 18 m. environ. Il résulte du procès-verbal de bor- _nage de la seigneurie de Castelnau que la progression des dunes de Lège a été de 25 m. par an au cours du xvnr siècle. La basilique de Soulac était,en 1780, entièrement recouverte d’une colline de sable dont la hauteur dépassait de plus de 20 mètres : la pointe du clocher. En 1801 la dune, progressant vers l’ouest, avait déjà découvert l'extrémité du clocher qui servait de balise. Vers le milieu du xix° siècle le vent avait poussé au delà la colline sableuse qui laissa alors émerger de son flanc occi- dental le clocher et les combles de l’église jadis perdue (1). La marche des dunes est du reste fort loin d’être régulière. On cite des cas de dunes ayant progressé d’un mètre en six jours u même de plus de soixante centimètres en trois heures. D’a- LE a 224 cA x Fi + Lo {1} Procès-verbal de visite dé l'embouchure de la Gironde, par Dubois, préfet, - Brémontier, ingénieur en chef, etc.— Buffault, op.cil., pp. 97 et 166. — La basi- “lique de Soulac, monument intéressant du xn° siècle, a été rendue au culte par décret du 7 août 1867, grâce surtout aux efforts du cardinal Donnet qui en hâta le …déblaiement complet et la restaura sous son ancien titre de « Notre-Dame de la Fin des Terres ». Un arrêté ministériel de 189 l'a classée comme monument pa historique. Autour de l’église exhumée sont venues se ranger de coquettes habi- 152 L'UTILITÉ DES FORÊTS près M. Grandjean (1), une seule bourrasque à suffi quelquefois à les faire avancer de 40 à 50 mètres. Un auteur digne de foi, Thore, raconte même l’histoire d’un berger qui s’endormit abrité au pied d’une dune pendant une violente tempête et y périt enseveli par le sahle pendant son sommeil! | | | Actuellement la région des dunes de Gascogne a une largeur de 3 à 7 kilomètres le long de la rive, de l'estuaire de la Gi- ronde à l’emhouchure de l'Adour, c’est-à-dire sur une longueur de plus de 200 kilomètres (234 kil. d’après Brémontier). Les som- mets des collines ont une altitude qui va jusqu’à 60 m., excep- tionnellement jusqu’à 89 m. (à Biscarosse). La surface totale qu’elles recouvrent dépasse, nous l'avons vu, le chiffre rond de 100.000 hectares. Il existe, sur toute la côte gasconne, deux espèces de dunes. Les unes récentes, modernes, qui ont été fixées au cours du dernier siècle : d’autres, très anciennes, préhistoriques, con- nues dans le pays sous le nom de montagnes qui sont couvertes aujourd’hui encore de très vieilles forêts de pins, de chêne à feuilles caduques et de chênes-liège. Ces montagnes ne pré- sentent pas, comme les dunes modernes, la disposition en chaînes de collines séparées par des vallées parallèles à la côte; leur groupement confus suffirait à montrer qu’elles se sont for- : mées à une époque où la rive aquitaine n’avait pas encore le contour si remarquablement rectiligne qu’elle a pris, dans la période moderne, sous l’action des courants Nord-Sud. Quelle est l’origine des sables des dunes ? Brémontier admet- tait qu’ils proviennent de lérosion de la mer sur les côtes françaises, de l’île d'Ouessant à Royan, et sur les côtes d'Es- pagne du cap Ortegal aux Pyrénées. D’après M. Bert (2), cette explication n’est admissible que pour les dunes situées au nord de la Gironde. Un examen attentif des sables du littoral gascon montre, au contraire, qu’ils proviennent, au moins en majeure partie, des apports de la Garonne. Ce fleuve charrie des sables (1) Op. cit., page 34. (2) Op. cil., page 13. ë : LA FORÊT DE PROTECTION 153 nombreux empruntés aux terrasses de ses rives où ils ont été déposés par des courants énergiques descendus des Pyrénées à la fin de l’époque quaternaire. « Si l’on admet que les sables proviennent en grande partie de la Garonne on comprend qu’il y ait eu une formation ancienne de dunes. Cette formation, qui a coïncidé avec une époque de fusion des glaciers pyrénéens, a pu être suivie d’une période de précipitations atmosphériques assez intenses pour fixer les sables mobiles et pour permettre à _ la végétation de s’en emparer. Ces anciennes dunes sont en . effet boisées en pin maritime, chêne pédonculé et chène-liège : les chênes-liège de la forêt de Contis sont remarquables par leurs fortes dimensions qui indiquent un âge très avancé. » « La formation nouvelle coïnciderait avec une période ré- cente d’érosions provenant peut-être du développement de la culture et du défrichement du bassin de la Garonne (1). » II. — Eroque ET CAUSES DE LA FORMATION DES DUNES ACTUELLES Les dunes actuelles remontent à une époque récente. Aucun . desauteurs qui ont décrit la côte de l’Aquitaine avant le vr'siècle, c’est-à-dire avant l'invasion des barbares, ne fait allusion à l’existence de sables mouvants. Les Normands, au 1x° siècle, pillèrent la côte et en rapportèrent un riche butin, ce qui semble indiquer que le pays était encore prospère et cultivé à ce mo- ment. Au xur° siècle la forêt de Biscarosse s’étendait certaine- ment jusqu’à la mer; un document authentique de 1277 en fait . foi. Montaigne, en 1580, écrivait (2) : « En Médoc, le long de la mer, mon frère, le sieur d’Arzac, voit une sienne terre ensevelie sous les sables que la mer vomit devant elle. Les habitants . disent que depuis quelque temps la mer pousse si fort vers eux — qu'ils ont perdu quatre lieues de terres. Ces sables sont ses _ fourriers, d’arènes mouvantes qui marchent une demi-lieue devant elle et gagnent pays. » L'’inventaire de la terre de Les- (1) M. Bert, op. cit., page 15. (2) Essais, livre 1, titre XXX, 15/4 L'UTILITÉ DES FORÊTS =! parre (1585) porte que les pâturages de Cabans (au Verdon, Médoc) « sont beaucoup gagnés par les sables de la mer ». A partir de cette époque les documents deviennent nombreux qui signalent la marche de plus en plus générale des sables. On a voulu conclure du texte assez vague de Montaigne cité plus haut que l’origine de la formation des dunes nouvelles remon- terait au xvr° siècle. Les faits précités à propos de l’église de Lège, auxquels on pourrait en ajouter d’autres, prouvent Île contraire. Le mouvement, sans être aussi ancien que le sup- posait Brémontier en se basant sur la vitesse de progression qu’il avait constatée, remonte certainement à une époque recu- lée; mais on doit admettre que c’est vers le xvie siècle que le phénomène commença à prendre de la généralité et fut signalé de tous les côtés à la fois. | On a vu plus haut que M. Bert pense qu’une recrudescence des apports de la Garonne, à la suite des déboisements prati- qués dans son bassin supérieur, a eu pour effet d’augmenter la quantité de sable rejetée par la mer et de provoquer ainsi la for- mation des dunes nouvelles. Z/ est certain que le déboisement des côtes gasconnes, en remettant à nu des sables autrefois cou- verts de forêts, y a surtout contribué. Beaucoup d'auteurs considèrent même ces défrichements (dont la réalité est du reste historiquement établie, comme la cause unique de la formation des dunes nouvelles. Ce qui est le plus probable, c’est que les deux causes ont agi en même temps: le déboisemont des Py- rénées et celui de la côte ont cooporé au désastre signalé à par- tir du xvie siècle. On peut discuter sur le motif de l’accroisse- ment des apports de la mer. On connaît l'explication de M. Bert; d’autres l’attribuent à un changement dans le régime des cou- rants côtiers, ou à d’autres causes encore dans le détail des- quelles nous ne saurions entrer ici. III. — HisTORIQUE DE LA FIXATION DES DUNES Le défrichement est certainement la cause principale, sinon “ reboisement qui les a fixées et a mis fin à cet non s Rrablee qui à tra ot et terrifié nos pères, surtout au ndie à sa Der supérieure, sans autre ornement él une de lys entourée d'une couronne. On y lit cette inscription : # L'AN M DCC LXXXVI | SOUS LES AUSPICES DE LOUIS XVI. Ns BRÉMONTIER INSP. GÉN. DES PONTS ET CHAUSSÉES, FIXA LE PREMIER LES DUNES : ET LES COUVRIT DE FORÈTS. EN MÉMOIRE DU BIENFAIT LOUIS XVIII CONTINUANT LES TRAVAUX DE SON FRÈRE ÉLEVA CE MONUMENT. ANT. LAINÉ MINISTRE DE L'INTÉRIEUR CAM. COMTE DE TOURNON PRÉFET DE LA GIRONDE M DCCC XVII (1) ppt le mérite de Brémontier; il ne serait pas le pre- er qui fixa les dunes. t certain que, comme tous les grands inventeurs, il avait précurseurs. On a, longtemps avant lui, réussi des ense- icements sur les sables en mouvement. En 1717 les habitants la Teste réussirent à reboiser une partie de leur forêt sur la (4 En réalité les travaux de fixation proprement dits n'ont eu aucune impor- ce sous Louis XVI et la dépense totale effectuée pour diverses expériences en de trouver un moyen pratique de boisement (49.000 livres environ) ne fut e soldée complètement que sous le Consulat. Le véritable début des travaux reporter à l’an IX ou à l'an X et c'est l’illustre Chaptal qui eut le mérite de e donner à Brémontier le moyen de réaliser ses projets. L'avènement de XVIII fit suspendre les travaux pendant deux ans; ils furent repris en 1817. 1 LA A 156 L'UTIIITÉ DES FORÊTS dune, qui avait été incendiée l’année précédente, Vers 1736 4 Ruat, captal de Buch, avait semé des pins avec succès sur des sables mouvants et quarante ans plus tard ses travaux étaient repris, avec une réussite égale, par son fils. Celui-ci obtint même du roi, en 1779, l’acensement perpétuel, moyennant deux livres de blé par arpent, pour les dunes qu’il viendrait à fixer. Il employa pour diriger ses travaux un habitant de la Teste, nommé Peychan, qui passa plus tard au service de Brémontier, et lui transmit, dit-on, le procédé des semis sous couvertures qu'une tradition déjà ancienne lui avait fait connaître. Il n’est que juste, du reste, de remarquer que Peychan n’avait, avant Brémontier, « fait de plantations qu’au pied des dunes et non sur leurs sommets ni sur leurs rampes qu'il avait toujours crus stériles (1). » Les procédés traditionnels de semis sur sable mouvant sont décrits plus ou moins clairement dans divers écrits antérieurs au célèbre mémoire de Brémontier de l’an V. Celui qu’on cite le plus habituellement a pour auteur Charleroix-Villers, ingé- nieur de la marine, et porte la date de 1779. Mais comme le fait remarquer avec infiniment de raison l’un de ceux qui a le mieux approfondi ce sujet (2), le mérite de Brémontier ne sau- rait être amoindri par les constatations qui précèdent. On verra en effet que c’est lui, et lui seul, qui par sa foi inébranlable dans le succès, son énergie, sa persévérance et son habileté, réussit à intéresser les pouvoirs publics à la grande œuvre des dunes. Brémontier, répondant à des appréciations émises sur son œuvre par Tassin, écrivit un jour à la société d'agriculture de la Seine: « I (Tassin) dit positivement... qu’il se plaira toujours à pro- clamer hautement que, sans moi (Brémontier), les semis et plantations des dunes n’auraient jamais pu être considérés que comme une de ces théories brillantes qu’il est impossible de mesurer en pratique. C’est à très peu de chose près tout ce que je pouvais désirer. » (1) Lettre de la Société des Sciences de Bordeaux au ministre de l'Intérieur du 20 nivôse an XI. (2) M. Bert, op. cil., page 39. LA FORÊT DE PROTECTION 157 . Cela suffit aussi à sa gloire et justifie que son nom seul ait _ survécu et soit resté attaché à la grandiose entreprise dont il fut le promoteur infatigable et le directeur éminent, C’est avec aison et justice que l’on a gravé sur le marbre que, lui, le pre- er fixa les Dunes et les couvrit de Forêts. _ En 1778, Sartine, ministre du roi Louis XVI, reprenant un . projet déjà ancien de Vauban, chargea un ingénieur de la ma- rine, Charleroix-Villers, d'étudier un projet de vaste envergure comprenant l'amélioration du port d'Arcachon, l'ouverture de canaux reliant les étangs entre eux, l’assainissement des lan- des et la fixation des dunes.C'est à propos de cette mission que Charleroix s’occupa des dunes de Gascogne. On possède de lui un mémoire, daté de 1779, dans lequel il décrit, assez vague- _ ment à la vérité,un D Htdé de fixation des sables RERO à c’est bien ainsi que s’exprime l'homme qui répète ce qu’on lui a _ rapporté et n’a aucune expérience des choses qu’il décrit. Char- . leroix n’eut pas, du reste, à passer à l’exécution. Il quitta la France dès 1781 pour retourner à Saint-Domingue, où il avait déjà résidé avant 1778. _ En 1784, Brémontier fut appelé comme ingénieur en chef dans “4 la généralité de Bordeaux. Deux ans plus tard, une décision du … 26 septembre 1786 mettait à sa disposition « une somme de 50.000 : dti être employée aux ouvrages qui ont pour objet de s’assurer de la possibilité de l’exécution du canal pro- ; _jeté dans les Landes et de trouver Le moien efficace de fixer Les - dunes ». C’est là le premier crédit alloué en vue du grand travail qui allait continuer pendant un siècle pour aboutir à la fixation … définitive de 110.000 hectares, de terrains mouvants, des Sables _ d'Olonne aux Pyrénées. Les premières expériences sur le terrain, faites par Brémon- (1) On trouvera une reproduction des passages de ce mémoire qui sont relatifs - aux dunes dans l'ouvrage précité de M. Buffault, pages 113-114, ét dans celui de -M. Bert, pages 36-38.0n remarquera que Charleroix insiste longuement sur l’em- - ploi d'une plante qu'il appelle « gruau » ou « gricau », qui fleurit deux fois l'an, dit-il, et grâce à laquelle « on est parvenu, à Dunkerque, à donner des bornes …. aux sables de la côte». On ignore quelle est la plante dont Charleroix veut parler. Se de FE Da Ou 7€ GP ES ES ER TE DER UE DE TET 158 L'UTILITÉ DES FORÊTS tier en vue de trouver le moien efficace de fixer les dunes, furent commencées en 1787, et se continuèrent jusqu’en 1793. Dès cette époque, l’illustre ingénieur était en possession de la méthode définitive qui devait être suivie par lui et ses succes- seurs (1). Mais la partie la plus ardue de sa tâche restait à accomplir. Il s'agissait maintenant d'obtenir du Gouvernement de la Con- vention les crédits nécessaires à l’exécution des traväux. Bré- montier s’y employa avec un zèle et une activité admirables et il sut y réussir : c’est peut-être son plus grand titre à notre reconnaissance. Dans des mémoires nombreux, dont le plus célèbre est daté de l’an V, il décrit en termes éloquents, et avec l'autorité de l’homme qui a vu et parle par expérience de ce qu'il a fait, la formation des dunes,leur progression effrayante, les procédés simples et sûrsqu'il avait lui-même employés avec succès pendant cinq années pour les fixer. Son insistance infa- tigable l’amène à s'adresser l’année suivante à l’Académie de Bordeaux, puis à l’Institut (16 floréal an VIID),à la Société d’A- griculture de la Seine qui lui accorde une médaille (an VIHD).II réussit enfin dans son entreprise difficile d'attirer sur les dunes l’attention et les ressources de l’Etat, que tant d’autres objets sollicitaient à cette époque. Le ministre de l'Intérieur, Chaptal, institua,le 13 messidor an IX,une Commission des Dunes, dont Brémontier fut le président et l'âme, avec charge de poursuivre le fixation des sables dans le département de la Gironde. C’est à celte date qu'il faut faire remonter l’origine des travaux de fixation (2) qui, sous l’impulsion de l’éminent ingénieur, furent (1) Dans son mémoire de l'an V, Brémontier rend justice à son collaborateur Peychan, qui lui apporta le concours précieux d'une expérience déjà ancienne lors des Drsrs travaux. (2! Le 4 vendémiaire an IX... le Préfet,le Commissaire de la marine, les mem- bres de la Commission (des Dunes), le citoyen Brémontier, nommé président de la Commission par les consuls de la République et auteur du projet, les citoyens Peychan, inspecteur, et Barennes tracèrent chacun leur sillon, établirent les pre- . mières couvertures et commencèrent enfin cette grande et utile opération, d'où doit dépendre la conservation de tant de possessions précieuses, le salut d’un très grand nombre de navigateurs, la fertilisation de plus de douze cent milles quarrés de terrain, qui, sans exagération dans les dépenses ni dans les produits, doivent apporter un revenu à peu près égal à cette dépense, qui ne peut former un objet pense de 851.159 fr., soit 195 fr. par hectare. A ce moment, aussi les crédits ouverts annuellement furent portés à 90.000 fr.., Le pages 54-et 55.) L' éanation à une somme égale (à quatre ou cinq millions) es frais et des revenus de l'opération se trouve dans le mémoire de Brémontier l'Institut et avait été adoptée par Chaptal dans son ERppOr du 9 frimaire an ES HU Cap Ferret dans la Gironde. Ils furent entrepris dans le département Rs Landes en 1803, à Lit et à Mimizan. - (!) On verra plus loin que 22.000 hectares de lèdes, comprises par Brémontier dans les terrains à reboiser, purent être abandonnées à diverses communes 160 L'UTILITÉ DES FORÊTS qui se prête admirablement au genre de services qu'on en. attendait. Le pin maritime, essence de lumière par excellence, croît en. plein soleil, et sous le soleil du midi. dès la première année de sa vie. Sa végétation est plus rapide, surtout dans sa toute pre- mière jeunesse, que celle d'aucun autre grand arbre de notre flore forestière. Enfin, grâce à son extrême fécondité,on trouve toujours facilement à se procurer ses graines en grandes quan- tités et à bas prix (1). Les semis ont été uniquement employés en Gascogne, à l’ex- clusion des plantations beaucoup plus coûteuses etplus aléatoires. Voici comment, d’après M. Grandjean (2), l’on a opéré. -On répandait, à la volée, par hectare un mélange formé de 25 kilogr. de graine de pin, 8 kilog. de graine de genêt (saro- thamnus vulgaris) et 5 kilog. de graine de gourbet (psamma arenaria). Les semis s’effectuaient sur le sable, sans faire subir au terrain aucune préparation préalable. Puis on re- couvrait les parties ensemencées de ramilles de pin, couchées à plat sur le sable, après les avoir taillées à la serpe pour les rendre aussi planes que possible en forme d’éventail. On les disposait en bandes dirigées du nord au sud, le gros bout tourné vers l’Ouest, enfoncé légèrement dans le sable, et recouvert par les derniers rameaux du rang précédent. Toutes les branches s’imbriquaient ainsi comme les tuiles d’un toit. Pour fixer les branchages il suffisait de jeter de distance en distance une pel- letée de sable. Les jeunes semis, une fois levés, étaient protégés contre le vent au moyen de palissades établies par le procédé suivant : Des planches de pin étaient enfoncées verticalement dans le (1) Les graines de pin sont récoltées dans les forêts de l'Etat par des conces- sionnaires qui sont tenus: 10 de déposer sans frais, dans les maisons forestières le vingtième de leur récolte, 2° de conserver le surplus, jusqu'au 1®r septembre, à la disposition de l'Administration des Eaux et Forêts au prix actuel de 0 fr. 45. le kilogr. de graine désailée rendue ensachée dans une gare de chemin de fer. On peut estimer à 0 fr. 35 environ le prix de revient du kilogr. pour l’ouvrier. Les cônes ouverts au soleil fournissent une graine dont le taux habituel de germi- nation est de 90 0/0 (Bert, op. cit., pp. 104-105). (2) Op. cil., pages 64 et suivantes, ouest, près de la laisse des hautes mers, de façon à ce que les r remiers semis abritassent les suivants. . Telle est la méthode très simple que l’expérience a déter- ée comme la meilleure : c’est elle qui a donné naissance à forèt des dunes . d Aujourd’hui les semis sont terminés. Lorsqu'on fait une coupe dans la forêt nouvellement créée le terrain se réensemence tout …._ aussitôt, sans qu'on ait à s’en occuper, au moyen des graines qi tombent des arbres que l’on abatet de celles que le vent | apporte du voisinage. Il n’est plus besoin de couverture; le sol est suffisamment abrité par les brindilles, les feuilles mortes et la couche d’humus constituée. s’exposail à voir A Eee de nontoes. dunes se for- mer s sur Le Li et monter à l’assaut Le la forêt dt Métis ironde, par ceux du service des Ponts et Chaussées dans les des. Le … Écoxome FORESTIÈRE, — I. II à ; , 24 À 102 L'UTILITÉ DES FORËÈTS une palissade. A mesure que le sable nouveau arrive et s'accu- mule devant cet obstacle, une partie passe entre les interstices des planches ou des clayons et vient chausser la palissade par … derrière. Peu à peu le sable s’élève en bourrelet et recouvre la palissade ; on. la relève alors en la plantant sur le sommet du talus et on continue jusqu’à ce que la digue ait la hauteur vou- lue (4. » La hauteur la plus convenable pour la dune littorale varie entre 12 et 16 mètres. On lui donneune pente faible vers la mer, de 18 à 20 degrés,ou même moins; du côté des terres, les sables prennent leur inclinaison naturellede 40 à 45 degrés. On donne à la dune une forme trapézoïdale en la terminant par un plateau de 60 à 70 mètres de large, de sorte que la base se trouve avoir une largeur de 110 à 130 mètres environ. Aussitôt qu’elle est constituée on la couvre de gourbet de façon à la fixer et arrêter l’ascension des sables sur la pente ouest. L'action protectrice de la dune littorale contre le vent d’ouest se fait sentir jusqu’à des distances de 250 à 300 mètres de son pied, c’est-à-dire environ vingt fois sa hauteur, Voici quels étaient, en 1900, la longueur de la dune littorale et ses frais d'entretien: | Département de la Gironde 120.596 mètres 28.997 francs — des Landes 104.963 — 39.793 — 295.559 …— 68.720 — soit 395 francs par kilomètre (2). V. — La FORÊT DOMANIALE DES DUNES Les sables mobiles, bien vacant au moment où commencè- rent les travaux, appartenaient de ce chef au domaine de l’E- tat. À mesure que le boisement s’opéra il ne tarda pas à surgir (1) Mémoire sur la dune littorale par Ritter, ingénieur des Ponts et Chaussées à Mont-de-Marsan, 1862. (2) Au nord de la Gironde, entre Royan et l'estuaire de la Loire, il existe 153 kilomètres de dune littorale et sur les côtes de Bretagne, à Quibéron et Sautec, il en existe 7 kil., de sorte que la longueur totale de la dune littorale française dépasse aujourd'hui 386 kilomètres. auraient été occupées pour la culture et le pâturage; elles n’é- à ient, disait-on, que les anciens domaines cultivés, momentané- ment ensevelis, puis découverts à nouveau, de divers proprié- pures qui prétendaient les FORTS D'autre part, tout le = L ne loi du 28 juillet 1860, en vue de créer des fonds pour la onstruction de routes forestières et le reboisement des mon- ares de forêts des dunes. fexéculion de ces deux lo.s eut la déplorable conséquence 164 L'UTILITÉ DES FORÈTS : Gironde et des Landes, 17.127 hectares de forêts qui furent alé nées de 1861 à 1865 movennant un prix total de 12.726.315 ne francs, soit en moyenne 801 francs l’hectare, fonds et superficie. A présent la propriété des dunes gasconnes se répartit comme suit : Dunes domaniales............ 51.218 hect. Terrains affectés à des services 51.432 hect. à l'Etat publics(Génie militaire, Ponts 4 etChaussées, Marine, Douane) 224 — Lettes extérieures abandonnées aux - Communes... 6.0 ZT Le Lettes intérieures et terrains divers remis à des particu- liers et à des communes... 10.730 -- Dunes alién£ées :2%,2 200 LAIT: = Erosions de la mer depuis l’an- l'année Aer Li Dit ar 24: 2 At PER Tee ET 102.395 hectares, ce qui est à peu de chose près La contenance de 102.800 hectares altribuée aux dunesde Gascogne par les levés effectués de 1818 à 1822. On peut remarquer que le produit des aliénations a dépässé de près d’un million (environ 700.000 fr.) les frais totaux du reboisement,y compris ceux de construction de la dune littorale des chemins, tranchées, maisons forestières, etc., etc. Les 51.432 hectares restant à l'Etat peuvent être considérés comme le bénéfice net de l'opération, abstraction faite du bienfait de la fixation des sables mouvants. Quelle est la valeur en argent de ce domaine ? Sur les 51.432 hectares de forêts domaniales dans les dunes, on compte, en chiffres ronds, 9.000 hectares à peu près impro= ductifs (4). On a va plus haut que les forèts aliénées de 1861 à 1865 ont été vendues en moyenne 800 francs l’hectare. IL est vrai qu’il s'agissait des massifs les plus accessibles, mais d’au= (1) Statistique des forêts soumises au Régime forestier (publication de l'Admi- nistration des forêts). Paris, Imprimerie Nationale, 1894, UMP ar à L'an? à pelle" cmd à M AU" modes à US + dr PR ET RE RE LA FORÊT DE PROTECTION 165 _ tre part les moyens de transport ont été énormément améliorés . depuis quarante ans. De plus, le matériel ligneux sur pied dans ! les forêts a au moins doublé de valeur dans cette période. En … effet il n’a guère été pratiqué, depuis le début des boisements, | + _que des coupes d’éclaircie (1), les premières coupes principales - remontant à deux ou trois ans seulement. Il n’est donc pas . excessif d'attribuer une valeur de 1.200 fr. à l’hectare aux 42.300 hectares productifs,ce qui donne un total de cinquante millions D .de franes, en chiffres ronds.Tel est le bénéfice commercial,nel, en argent, sans tenir compte du bienfait inestimable de l'arrêt _ des dunes, qu’a laissé la grandiose entreprise inaugurée par |: Brémontier en l’an IX, il y a un siècle, et terminée, par l’Ad- “ ministralion des Eaux et Forêts, après soixante ans de travaux que, seul, le gouvernement de la Restauration interrompit _ pendant quelques années. Nous rappelons qu’il ne s’agit ici que des forêts gasconnes. Au nord de Ja Gironde se trouvent près de 14.000 hectares de _ forêts domaniales de pins maritimes, créées sur des sables mou- vants du littoral pendant cette même période des deux premiers tiers du xix° siècle (2). e.. r 4 D: * VI. — Les DUNES LITTORALES DE L'ALLEMAGNE. —- LES DUNES CONTINENTALES DE LA ROUMANIE. On rencontre en Allemagne, en dehors de la zone littorale, - 32.808 hectares de sables mouvants, dont 12.400 sont consi- . dérés comme dangereux pour les propriélés voisines. Ces ler- rains, malgré la sécheresse du climat du nord-est de l’Allema- gne, se fixeraient d'eux-mêmes si on v supprimait le pâturage; (1) Il est vrai que les coupes d'éclaircie ont un caractère tout spécial dans les forêts gemmées et réalisent un matériel relativement important. (2) Gette contenance se répartit comme suit : Charente-Inférieure et Vendée... 13.60% hectares de dunes domaniales. D Loine-lnférieure......:.1.:1.,.. 51 — — | Morbihan et Finistère...... .... 4ST — — Porntheret Nord, 25 Le. 81 Res de dunes communales. 14.223 hectares, 166 L'UTILITÉ DES FORÊTS des mesures ont été prises dans ce sens, non sans résultat. L'Etat prussien a aussi acquis une partie (le dixième environ « jusqu’en 1894) de ces terrains,qu’il a à peu près complètement reboisés (1). : - Les dunes mouvantes du littoral maritime couvrent 99.500 hectares le fong dela mer Baltique, et 10.400 hect. le long de la mer du Nord, en tout 39.900 hectares,dont 21.635, sur la côte de la Baltique, appartiennent à l'Etat prussien. Les rives de la mer du Nord sont basses, marécageuses ; elles sont bordées d’une chaïne d’îles qu'on considère comme des débris d’un rivage englouti à la suite de l’affaissement progres- sif de la côte. Les dunes se trouvent sur ces îles, dont les plus connues, Borkum, Nordeney, Heligoland, Amrum, etc., sont, comme on sait, des stations balnéaires fréquentées. Les côtes de la Baltique présentent des dunes importantes sur toute leur longueur, de la frontière danoise à la frontière russe, mais surtout dans le voisinage de cette dernière, où les travaux de fixation ont commencé. On y trouve des chaïnes de sable mouvant comparables à celles de Gascogne,quoique moins étendues et surtout bien moins dangereuses. Elles sont ali- mentées par des sables vomis par la mer et progressent avec des vitesses de 1 m. 50 jusqu’à 8 m. par an. Ce sont surtout les vents d'ouest, par conséquent des courants généralement parallèles au rivage, qui sont les moteurs de la marche des sables ; cette circonstance explique la lenteur relative du pro- grès des dunes prussiennes. Cependant, dans la région comprise entre les bouches de la Vistule et la frontière russe, le rivage se relève vers le Nord et les conditions deviennent analo- gues à celles de notre côte océanique; c’est là que se trouvent les seules dunes véritablement dangereuses qui existent sur le littoral allemand. | Nos voisins ont commencé à s'occuper de reboiser leurs dunes, défrichées en général au xvu® ou au xvrn° siècle, bien (1) Die forstlichen Verhällnisse Preussens, par K. Donner, Oberlandesfortmeister (Directeur général des forêts). Berlin,1894. LA FORÊT DE PROTECTION 167 ë =. plus tard qu’on ne l’a fait en France. L'opération est aussi plus Ce OLA Si difficile, et surtout moins urgente. D’après M. Gerhardt (1), on établit, en Prusse comme en France, une dune littorale et cette dune est fixée dans sa par- tie supérieure au moyen de plantations de gourbet (2). En arrière on s’efforce de fixer le sable par des plantations forestières. Les Prussiens ne pratiquent pas le système des se- mis sous couverture; ils ne font que des plantations (3) qu’ils abritent derrière des palissades ou des cordons formés de bran- _chages dressés et enfoncés dans le sol. Après bien des essais plus ou moins infructueux avec des essences diverses (4) (pin sylvestre, aulne, saules, épicéa, bouleau et même divers exoti- ques) on a fini par s’arrèêter au pin de montagne comme à l’es- pèce qui donne les meilleurs résultats. On le plante à l’âge de deux ans dans des potets creusés six mois à l’avance, au fond desquels on a disposé, en guise d'engrais, de l'argile, de la vase, de la tourbe, des plantes marines, etc. Ce système n’a été adopté qu’à partir de 1873, aux environs de Kôünigsberg d’abord; il est généralement suivi maintenant. On voit que les Prussiens ne sont en possession d’une mé- thode que depuis trente ans environ. Aussi le travail de fixation des dunes est-il encore peu avancé. De 1872, année où l’on commença à employer le pin de montagne et la plantation en potets avec engrais, jusqu’en 189%, 2.500 hectares ont été par- courus en plantations; à cette dernière date, 2.371 hectares avaient déjà dû être réfectionnés complètement une ou plusieurs _ fois. La dépense totale était de 1.490.000 marks, soit1.862.500 fr. (4) Voir Handbuch der Deutschen Dünenbaues, ouvrage publié par ordre du ministère des Travaux publics de Prusse, par M. Gerhardt.Berlin, chez Paul Parey, 1900. (2) Le gourbet était encore inconnu sur les rives de la Baltique il y a moins d'un siècle. C’est un nommé Krause qui, le premier, vers 1820, aurait introduit cette plante sur la frische Nehrung, cordon littoral entre Kônigsberg et Dantzick- (3) M. Gerhardt, op. cit.; page 482. (4) Il est inutile de faire remarquer que le pin maritime ne supporte pas le climat de l'Allemagne. 168 L’UTILITÉ DES FORÊTS ou 750 fr. par hectare. Dans certains cas, on a dépensé jusqu’à * 2000 fr. par hectare (1). 530 Les boisements des dünes prussiennes, constitués en pin de 4 montagne, à croissance lente et à bois peu utilisable, ne sont des tinés à fournir aucun revenu en argent (2). La forêt y est pure- : 4 ment une forêt de protection. Si l’on songe que les dunes prus- 4 siennes sont bien moins redoutables que ne l’étaient celles de L. Gascogne; que, faute d’une essence facile à installer, comme le 1 pin maritime, leur fixation est sensiblement plus malaisée et. à coûteuse, on ne s’étonnera pas de ce que, à l’heure actuelle encore, c’est à peine si le quart des dunes domaniales du littoral prussien est couvert de forêts. ge c ? te FIN EE Te to) vo R On rencontre en diflérents points de la Roumanie (3), sur les rives du Danube, de grandes étendues de sable qui proviennent | de dépôts anciens du fleuve. Ces sables étaient autrefois cou- verts de forêls et de végétation; le défrichement et le pâturage en ont amené la dénudation complète et les ont livrés sans abri aux vents de l’ouest-nord-ouest, extrêmement violents dans la région. Sous l’action de ces vents, les sables, devenus mouvants, | ont pris l’aspect de dunes dont nous allons dire quelques mots à titre d'exemple de fixation de dunes continentales par le reboi- sement. | Les dunes roumaines n’ont pas l'importance de celles de Gas- cogne, ni même de celles des rives de la Baltique. Leur éléva- tion ne dépasse pas 25 à 30 mètres au maximum; elle est en PP PMR: COTE PUR CNT CANON PUR CARRE TURN (1) Description forestière du Royaume de Prusse d’après des documents officiels par G. Huffel, chargé de cours à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts. Paris, Imprimerie Nationale, 1896. (Inséré dans le Bulletin du ministère de l'Agricul- Lure). (2) Telle est du moins l'opinion actuelle du ministère de l'Agriculture. Il est vrai que les boisements effectués sont à peine à l’état de fourré ; le moment où l'on pourra songer à y porter la hache est encore bien éloigné. (3) Voir Les Foréls de la Roumanie, par G. Huffel, inspecteur adjoint des forêts, Paris, Imprimerie Nationale, 1890 (notice insérée dans le Bulletin du ministère de l'Agricullure) et la Notice sur les forêts de la Roumanie, publiée par les soins du gouvernement roumain’à l'occasion de l'Exposition universelle de Paris en 1900. PCR Tr : Hi dar | ge pi dat dé à nca à or TS OU + du bt, “en dée) à de Li À £ [EAP ÿ hinedmet à. 0 21-88 ie rl “otSe - Ds tant Mdr Seau: “or Le si " _ PES 4 >» Ÿ A &: ES ss A ra * E LA FORÊT DE PROTECTION 169 . moyenne de 8 à 12 mètres ; leur mouvement de progression est _ assez lent, relativement. Cependant il était important de les fixer à différents points de vue, d’abord parce qu’on allait créer ainsi une source de riches- ses dans un pays entièrement dénué de bois (au point que les paysans s’y chauffent, pendant des hivers où lethermomètre des- cend habituellement au-dessous de —25 degrés centigrades, avec de la paille, des tiges de maïs ou des bouses de vache), ensuite parce que ce reboisement devait avoir une influence utile sur le _ climat local, et enfin parce que les sables, en avançant, mena- çaient de recouvrir d’une couche improductive les terres noires de première qualité qui les environnent. | En tout on peut estimer à 30.000 hectares, dont 2.500 en Do- brudja, l'étendue des sables mouvants de la Roumanie. Près de la moitié de cette étendue (13 à 14.000 hectares) appartient à l'État ; le surplus se partage entre le domaine de la Couronne (7.000 hectares) et divers propriétaires. L'expérience a prouvé que le meilleur moyen de fixer les sables du Danube est d'y planter des acacias (Robinia pseudo- acacia L, en roumain salcäm). Les premiers travaux de ce genre en Roumanie sont dus à M. Gronow, administrateur du domaine de Patule-Danceu à M. le prince Al. Stirbey ; ils datent de 1872 à 1878. Sur les domaines de l’État, les premiers travaux ont été faits au printemps de 1884, sur la terre de Piscu-Tunari, près de Ca- …._ Jafat; ils ont été poussés avec activité jusqu’en 1896. Dans cet intervalle on a planté et fixé5.250 hectares de dunes domaniales avec une dépense totale de 165.049 fr. ou 31 fr. 25 par hec- tare (1). Lorsque nous avons visité les travaux, au mois de novem- _ bre 1888, les reboisements s’étendaient sur 2.065 hectares ; on avait créé 16 hect. 10 de pépinières. La dépense totale à cette (1) Ces derniers chiffres relatifs aux frais de fixation des sables sont empruntés à la Notice sur les forêts de Roumanie, précitée. 170 L'UTILITÉ DES FORÈÊTS époque était de 49.421 francs, soit 24 francs par hectare de ter- rain reboisé. Voici comment on procède en Roumanie. On sème la graine d’acacia en pépinière, dans un terrain soigneusement défoncé, à raison de 80 à 100 kilogrammes par hectare. Le terrain choisi doit être très profond, perméable et fertile. | Les semis ayant été faits au printemps, de bonne heure, on obtient dès l’automne de la première année 150.000 plants uti- lisables par hectare, soit environ 2.000 plants par kilogramme de graine employée. On n’a du reste à faire ces semis en pépi- nière qu'une seule fois sur la même place; les racines restées dans le sol après l'enlèvement de la première récolte suffisent amplement à reproduire une moisson annuelle. La qualité du sol est telle qu'après quatre ans les plants ainsi obtenus sont plus vigoureux que ceux de la seconde année, sans qu’on ait. apporté le moindre engrais. Cela explique le bon marché remar- quable auquel les plants sont produits; ils ne coûtent pas à l’État plus de 1 fr. 70 à 2 francs le mille. On plante les acacias à un an. Rien n’est plus facile et plus sûr que cette opération. On disposeles plants en quinconce, les bandes parallèles étant à 3 mètres les unes des autres et les plants à la même distance dans chaque bande. Cela fait qu'il y a 1.100 plants par hectare ; exceptionnellement, on va jusqu’à 2.500, rarement 3.000. Dans les années sèches, 30 p. 100 des plants périssent la première année et 10 p. 100 la seconde, de sorte que les réfections qui sont à faire pendant deux ans s’élè- vent à la moitié des frais de premier établissement. Lors d’une année pluvieuse, cette proportion peut tomber au cinquième. La plantation proprement dite, y compris les réfections, coûte de 14 à 15 francs par hectare, le prix d’une journée d'homme étant de 1 fr. 70. La croissance de l’acacia. est admirable sur les sables du Danube. Les drageons d’un an qu’on emploie aux plantations ont jusqu’à 5 centimètres de tour et 3 mètres de longueur. Les plants de cinq ans, à Piscu-Tunari, ont en moyenne 20 à 25 centimètres de tour à hauteur d'homme et 7 mètres de citant dut à 4 15 4 ee ÿ : 4 "4 : 3 4 1 4 # e é 8 - À ‘à ” ge r 1 Abd. Cine. sure MO 5 ‘4 Fr . “of di eur ; : le . gros que nous s ayons ont avait (à cinq ans) tim ètres de tour et un volume de 1/20 de mètre cube. A Pati le, on trouve des acacias de seize ans ayant 70 centimètres - L æ 10 mètres de hauteur. Les est de seize ans, 14 > que soit la qualité de sables fertiles et relativement e Roumanie, il est douteux que le robinier s’y puisse nir et ‘54 en in des forêts AUrapIes. Il serait Re CHAPITRE V LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS OU INSALUBRES. ROLE ESTHÉTIQUE DES FORÊTS SOMMAIRE $ 1. — La forêt instrument de mise en valeur de terrains incultes. I. Défrichements. — Sols forestiers et sols agricoles. — Défrichements ; la loiles encourage encore au xvin* siècle en vue de l'extension de la culture du bié.— Déceptions causées par la mise en culture de terrains défrichés. La forêt peut prospérer sur un terrain stérile pour le laboureur. II. Les Landes de Gascogne. — Description générale des Landes, leur étendue, leur insalubrité, eaux stagnantes. — Pente générale uniforme du sol. Premiers travaux d'assainissement de M. Chambrelent. Loi du 49 juin 1857 sur l'assainissement et la mise en valeur des landes com- munales. Travaux des propriétaires particuliers. Etendue de la pignada landaise : 705.000 hectares d'un seul tenant, Répartition de cette contenance entre l'Etat, les communes et les pro- priétaires particuliers. Prix de revient du massif landais ; son revenu actuel, sa valeur capi- tale. IT. — La Sologne. — Description générale, étendue de la Sologne. Situa- tion économique de la région au milieu du xix° siècle. Le Comité cen- tral agricole de la Sologne. Boisements, assainissements, ouvertures de voies de transport, Les premiers boisements: semis de pin man- . time. Produit des pins maritimes en Sologne. Les gelées de décembre 4879 : destruction des pineraies. Leur reconstitution au moyen de plan- tations de pins sylvestres. Etendue de la pineraie de Sologne : 80.000 hectares. Valeur actuelle de cette forêt. IV. La Champagne pouilleuse.—La pénéplaine de craie blanche en Cham- pagne. Etendue, description. Les savarts champenois, vente à la holée. Premières plantations de résineux vers 1807; emploi du pin sylves- tre. Végétation du pin sylvestre, ses ennemis: insectes, lapins. Emploi des pins laricio de Corse et d'Autriche. Bons résultats obtenus avec ce dernier. La futaie résineuse champenoise et la régénération naturelle. Frais de création et valeur actuelle des pineraies champenoises. V. — La culture forestière peut être plus rémunératrice que la culture agricole, même sur un sol fertile, Exemple de la ferme de Dombasle. LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 179 esthétique des forêts. I. — Les cures d'air forestier. La forèt et le choléra, la fièvre jaune. Les observations font défaut qui permettraient d'établir l’action sanitaire des massifs boisés. IE. — L'atmosphère forestière. Production d'oxygène, absorption d'acide car- bonique. Assimilation et respiration. Un hectare de forêt dégage, en un an, la quantité d'oxygène absorbée pendant le même temps par la con- sommation d’une famille de quatre personnes, La forêt et les poussières de l’air. L'air forestier est aussi pur que celui des stations de monta- gnes ou des rivages maritimes. Le sol forestier et les microorganismes pathogènes. III. — Transformation, au point de vue sanitaire, de la région des Landes à la suite du boisement. Isa scrofule, les fièvres paludéennes. La durée _ de la vie moyenne a augmenté de quatre ans dans les Landes de 1855 à 1877. IV. — Esthétique forestière. —La beauté des forêts. Aménagement esthé- tique des cantons voisins des villes. Circulaire de l'Administration des eaux et forèts, du 29 juin 1899, qui interdit la coupe des arbres remar- quables dans les forêts domaniales et communales. Réserves artistiques des forêts de Fontainebleau, de Compiègne. L’esthétique forestière à l'étranger. La beauté de nos forêts est un objet d'utilité publique. $S 1. — La forêt instrument de mise en valeur de terrains incultes. Il Pendant longtempslesprogrès delacivilisation et de larichesse demeurèrent liés à ceux du défrichement. Les sociétés humaines qui, à leur début, avaient trouvé dans les bois leurs seuls abris et leurs seules sources d’approvisionnement, en vinrent bien- tôt,avecles progrès de l’agriculture, à considérer la forêt comme un obstacle et le défrichement comme l’œuvre d’intérêt général _ parexcelence. Celtetendance a persisté pendant fort longtemps. Au xvin° siècle encore, à une époque où, cependant, l’étenduc boisée de la France était déjà bien faible, nous voyons le légis- _ lateur intervenir pour encourager officiellement le défrichement. La disette de blé qui se fit sentir plusieurs fois dans le cours du siècle provoqua à diverses reprises, notamment en 1762 et 1166, des édits ou déclarations par lesquels la destruction des NES I ET CE RE RTE ue LT D Ed 174 L'UTILITÉ DES. FORÊTS forêts était recommandée en vue d'étendre le domaine de la charrue (1). La déclaration de1766 exempta pour quinze années de tailles, dîmes, vingtièmes, etc., tous ceux qui avaient défriché depuis 1762ou défricheraient àl’avenir, sauf cependant en mon- tagne où les forêts devaient être respectées. Il est vrai que plu- sieurs parlements refusèrent d'enregistrer la déclaration d’octo- bre 1766; celui de Lorraine n’y consentit que sous la réserve expresse qu'on ne défricherait pas « les pâquis et communaux ». Un rapport adressé au roi en 1770 par le ministre de l’Intérieur évaluait à 359.282 arpents la contenance défrichée à la suite de la déclaration de 1766. ï La mode des défrichements en vue de l'extension des terres arables persista dans notre pays jusque vers le milieu du xux° siè- cle. Cependant on ne tarda pas à constater que beaucoup de terres, qui avaient porté autrefois de belles forêts, devenaient rapidementstériles. Les quelques bonnes récoltes du début étaient dues aux réserves accumulées dans le sol par la végétation fores- tière. Une grande partie des anciens essarts durent rester à l’état de friches et bientôt s’esquissa un mouvement de plus en plus accentué en faveur du reboisement des terres vaines qui avaient été défrichées si mal à propos au cours des époques antérieures. Aujourd'hui Le reboisement, encouragé par la légis- lation, est pratiqué de tous côtés et plus d’un million d’hectares de forêts ont été créés (2), depuis 60 ans environ, par les particu- liers, les communes et l’État, réduisant d’autant l'étendue encore (1) C'est dans le même esprit, en vue de favoriser la production des céréales, que des actes, tels que l'ordonnance du 3 juin 4731, intervinrent pour interdire la plantation de la vigne dans un terrain n'ayant pas été précédémmentaffecté à cette culture et défendant de la reprendre sans une autorisation du roi lorsqu'elle avait été interrompue pendant deux ans. (2) Il existe actuellement en France, d'après la statistique agricole de 1892, 826.000 hectares de forêts résineuses particulières dans les départements où aucune essence résineuse n'est spontanée. Ces forêts, dont l'étendue s’est accrue de 53.087 hectares de 1882 à 1892, proviennent foules de reboisements effectués dans le cours du siècle dernier et particulièrement dans la seconde moitié de ce siècle. 11 faut y ajouter l'étendue reboisée dans ceux de nos départements où il existait déjà des forêts résineuses spontanées, que la statistique ne permet pas de déter- miner, et celle des boisements si importants effectués par les communes et l'Etat, les premières sur des friches incultes, ce dernier dans l’intérieur de ses propres forêts. Nous aurons à revenir sur cette question dans la suite de cet ouvrage. F Ç , a : 4 T4 LC re EL. < 4 g 74 3 E L k Loch € trutt ml | tas PO 4 LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 179 — . beaucoup trop considérabledes terres incultes de notre pays (1). Il est certain, en effet, que beaucoup de terrains, incapables de rémunérer les travaux des cultivateurs, peuvent porter de . bonnes et d’excellentes forêts. Telles sont, en première ligne, les terres trop pauvres pour fournir économiquement des récol- __ tes agricoles. Rien n’est plus facile que d'expliquer cette aptitude de la forêt à prospérer en sol stérile pour le laboureur. La La forêt demande bien peu de chose au sol, surtout lorsqu'on . n’en exporte que des bois d’une certaine dimension. De nom- breuses analyses chimiques nous ont appris que nos arbres sont _ formés, pour les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de leur poids, . de matières provenant de l’atmosphère : carbone, oxygène el . hydrogène; les éléments minéraux empruntés au sol forment environ un pour cent du poids total. Ces éléments minéraux sont du reste surtout localisés dans les parties jeunes des végétaux forestiers, dans les ramilles et les feuilles; si nous laissons celles-ci retomber sur le sol et s’y décomposer, nous restituons ainsi au terrain plus de moitiéde ce que l'arbre lui a emprunté. . Mais il y a plus. Les éléments minéraux absorbés par la végé- tation forestière sont formés, pour la plus grande part, de chaux, d'oxydes de fer, substances qui ne font que rarement défaut même dans les terrains les plus pauvres, tandis que les matières _ précieuses, qui manquent si souvent aux agriculteurs, n’exis- - tent dans le bois qu’en proportion extrèmement faible. Cependant tous nos arbres sont loin d’être également sobres. Les moins exigeants de tous sont les résineux, et parmi ceux-ci - les pins et surtout Le pin sylvestre, qui mérite une mention spé- ciale. On peut dire que cette essence se nourrit presque unique- …_ ment aux dépens de l’atmosphère, ce qui en fait un auxiliaire (1) La statistique agricole de 1892 évalue la contenance totale des terres incultes à 6,226,189 hectares, savoir : Landes, pâtis, bruyères, etc.................. 3.898.530 hect. Terrains rocheux et de montagnes, incultes... 1.972.994 — MOFFALNS MAPÉCAGOUX. .- 1... .: ce dore v te à 316.313 — LAURENT RS PERRET Ferre PL EE 38.292 — 176 L'UTILITÉ DES FORÊTS incomparable pour la restauration des {erres les plus pauvres, épuisées par les abus de jouissance de toute sorte. Les arbres feuillus sont plus exigeants et présentent entre eux d’assez grandes inégalités . En somme, siun terrain est rarement trop pauvre par nature, au moins dans notre pays, pour produire des arbres, il peut cependant fort bien arriver que des terrains dégradés,appauvris accidentellement, ne conviennent plus qu’aux résineux et par- ticulièrement aux pins, qui devront préparer le retour des bois feuillus lorsque leur présence, plus ou moins prolongée, aura amélioré l’état du sol. D’autres causes encore, en dehors du défaut de fertilité, em- pêchent l’agriculture d’occuper avec profit certains terrains. Telles sont le défaut de profondeur, la pente excessive, l'excès d'humidité, la trop grande compacité, ou bien, au contraire, la trop grande perméabilité. C’est ainsi, par exemple, que nous voyons prospérer des futaies de hêtre de plus de trente mètres de haut dans des terrains où la pomme de terre manquerait d’une épaisseur suffisante de terre végétale et que les plus belles sapi- nières ou pessières du Jura prospèrent sur un rocher calcaire presque nu, pourvu que les racines trouvent çà et là quelques fissures, des /ésines, où s’est accumulé un peu de terre à laquelle. elles s’alimentent. C’est ainsi encore que nous voyons de superbes forêts de chènes pédonculés, de charmes, de bois blancs, sur des sols tellement compacts que le laboureur ne saurait les entamer sans des efforts que ses récoltes sont impuissantes à rémunérer. Il rentre dans notre sujet de donner ici quelques exemples des résultats obtenus depuis un siècle, en France, au point de vue de la mise en valeur par le boisement de terres impropres à la cullure agricole. Le plus frappant de tous, et qui constitue un fait sans ana- logue en aucun autre temps et aucun autre pays, est celui de la création de toutes pièces, depuis moins d’un siècle, de lim- mense pignada landaise. Cette région de steppe désolé, véritable Sahara, qui s’étendait sur une fraction de trois de nos dépar- ja PINCE ND PE 54 E >: 7 A + "1 PURE Rete e edti ét été en ï. & Lg Fo En -ge RE ER er mn ST cr 4 continu, le plus grand, d’après M. le professeur Engler (1), qui À existe dans l’Europe occidentale et centrale actuelle. IT. — LES LANDES DE GASCOGNE On désigne sous le nom de Landes (2) un vaste plateau, de ontour triangulaire, compris entre l'Océan, la Garonne, la Mi- “a et bio: On n’y trouvait, de loin en loin, que quel- ues chaumières isolées et quelques bouquets de pins, inacces- > peaux de bête au poil tourné en dehors, dant tremblant fièvre, et perché sur les longues échasses qui seules lui per- _ me 2 de circuler à travérs les qu et les eaux stagnan- Forstliche Reiseskizzen aus den Dünen und Landes der Gascog gne. (Schweize- Zeitschrift für Forstwesen, 1902.) Le mot lande est dérivé du ES as qui signa terre re, sans itre. et du sabot. Ils n'ont re pas encore un (Grand- Les Landes et les dunes de Gascogne, Paris, chez Rothschild, 1897) Ces che- leurs gardiens qui ont fait souche dans la lande. « Il y a quelques années, œufs Sauvages étaient assez nombreux. En plusieurs battues faites récem- _ ÉCONOMIE FORESTIÈRE. — Î. 12 178 L'UTILITÉ DES FORÊTS « Le sol des landes est partout composé d’un sable fin, en- tièrement siliceux, sans aucune trace d'argile ou de calcaire () d’une épaisseur moyenne de Om. 40 à Om.50. « Cette couche de sable repose sur un tuf mn dans le pays alios et qui n’est autre chose que du sable agglutiné par des sucs végétaux formant une sorte de ciment organique. L’alios arrête l’écoulement intérieur des eaux qui tombent sur la surface des landes, comme le défaut de pente du sol en arrêtait l’écou- lement superficiel avant les travaux d'assainissement. « Il n’existe, d’ailleurs, sur le plateau, aucune source, aucune trace d’eau à la surface pendant l’été; mais, en hiver, au con- traire, les eaux pluviales, si ondes sur ces côtes de l'Océan, s’abaltent pendant plus de six mois sur le plateau, et n’y trou- vant ni écoulement intérieur, ni écoulement superficiel, elles y restaient stagnantes jusqu’à ce qu’elles aient été évaporées par les chaleurs de l’été; ainsi, l’inondation permanente l'hiver, la sécheresse absolue d’un sable brûlant l'été, tel était Le caractère principal du terrain. « Qu'on se figure maintenant l'effet de ce passage continuel d'une inondation de six mois à une longue sécheresse, et l’on aura l’idée de la stérilité du sol pour toute culture et de son insalubrité pour les animaux et les malheureux habitants qui s’y trouvaient (2). » En 1837, bte bles alors élève ingénieur des Ponts ei re fut appelé dans la Gironde et dès cette époque la question de l’assainissement des Landes commença à le préoc- cuper. où on ne les a jamais inquiétés.Ils se sont multipliés et se multiplient encore, à tel point qu'il faudra songer de nouveau à les détruire. Ces animaux ne font pas grands dégâts en forêt et fuient lorsqu'ils éventent l'homme; mais les taureaux en rut et les vaches accompagnées de leurs petits veaux deviennent facilement agressifs et dangereux. Ces animaux sont de taille moyenne, leur robe est d'un roux plus ou moins clair, leurs cornes courtes sont bien plantées et dessinent légèrement l'S ». (Pierre Buffault. Etude sur les côtes el les dunes du Médoc, Sou- vigny, chez Iehl, 1897). “ati PT Re Ge On TRARTEN USER ES à (1) Cette assertion de Chambrelent, que nous reproduisons ici, ne doit sans « doute pas être prise à la lettre, (2) Chambrelent, op. cil., pages 2-3, . se TT + z ie LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 179 “6 “ reconnut que, sur tout le plateau landais, il existe une 5 était de nature à faciliter Den l'assainissement. Un ; fossé de 0 m. 50 à 0 m. 60 de profondeur, ouvert en un point Done, dont Je Nes est bien bé suivant la it Plein à coufiance dans le succès, M. Chcabrolht n ’hésita pas . faire, à à ses frais, l’application de sa théorie sur l’assainisse- les Le dite “EARERS de la lande. Il l’assainit et le oo ma le succès fut tel qu’il ne rs pas à avoir des imitateurs ; 40 D ment des fndes communales ; 2 RaucHon, aux frais de ra d'un réseau _de routes nn] La dépense fut d'à peu près 55 fr. par hectare, Les premiers travaux remon- ke) à l'année 1849. 180 L'UTILITÉ DES FORÊTS raître les marais permanents en assurant aux eaux un écoule- ment facile pendant la saison des pluies. Les marais provenaient de l’obstacle apporté par les dunes à l’écoulement vers la mer des eaux arrivant de l’intérieur. Cette chaîne des dunes n’était percée par aucun canal livrant passage aux eaux dans la région nord, au sud quelques « courants » avaient pu être maintenus ouverts et empêchaient Pélévation indéfinie du niveau des eaux d'hiver en arrière des dunes. Un grand canal, de 12 mètres de largeur au plafond, de 10 kilom. 1/2 de long, continué par un autre de 7 m. de large et 8.300 m. de long furent ouverts, parallèlement à la chaîne des dunes et à son pied, pour recevoir toutes les eaux venues de l'intérieur et les rejeter dans la Gironde au nord et le bassin d'Arcachon au sud. La dépense totale fut de 474.455 fr. ; l'effet immédiat fut d’a- baisser de 2 m. 56 le plan d’eau en hiver de toute la région et d’assécher 7.797 hectares deterrains autrefois recouverts d’eaux stagnantes. En même temps qu’on créait ce canal parallèle à la côte,on sillonnait tout le pays d’un réseau soigneusement étudié de fossés d’assainissement dont le développement atteint 2.200 kilomètres dans le seul département de la Gironde. Les travaux d’assainissement étaient complètement terminés en 1865 et avaient coûté une somme de 893.470 fr.Cette somme avait été fournie par 162 communes intéressées,qui se l’étaient procurée par l’aliénation de 190.000 hectares de landes (1). En même temps qu’on assainissait les landes, on les sillon- nait de routes. En 1837,'il n'existait pas une seule route empier- rée dans toute la région. On mettait quinze heures pour fran- chir, sur un chemin de sable mobile, la distance de cinquante kilomètres qui sépare Bordeaux d’Arcachon (2). L'Etat, en exé- (4) Les 162 communes possédaient, au début, 291.525 hectares de landes. Elles en aliénèrent 189,704 hectares pour une somme totale de 134636.410 fr. Sur cette somme 893.000 fr. ont été employés en travaux d’assainissements, 682.000 en frais de reboisement et le surplus à des travaux d'utilité publique tels que cons- truction d'églises (2.391.000 fr.), de routes (1.987.000 fr.), de mairies et d'écoles (1.636.000 fr.),, de presbytères (617.000 fr.), ete., etc. (2) Chambrelent, op. cit, page 80. LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 181 * cution de la loi de 1857, fit construire 22 routes dites agricoles J (en dehors des grandes voies d'intérêt général) moyennant une dépense de 6.415.000 francs; ce réseau était achevé dès l’an- née 1860. dE date du à boiser; cette dernière ontenance a dû se réduire considérablement depuis et l’on peut « Rere l AE comme entièrement achevée. FORÊTS j pere FORÊTS |. FORÊTS É Li ES NET N " es ù EL ù CONTENANCES DÉPARTEMENTS Suscepti- | pines |communa- des arr j bles none totales i d’exploi- Fe “ les particuliers ” tation NEO" hectares | hectares. | hectares. hectares. hectares. 1.11 1.11 TSRNNRENREREEES 49.554 | 5.973 21.432 1232,343 1279.299 nes er | 23.440 | 3.183 | 52.315 [335.640 [414.578 _ Lot-et-Garonne ........ » » 285 | 10.368(3 | 10.753 0 Toraux........| 42.991 | 9.156 | 74.132 |578 354 04: 630) dans les Landes, la forêt de pins mari- 182 L'UTILITÉ DES FORÊTS Quels sont le prix de revient et la valeur actuelle de cet im- mense massif boisé qui a surgi si rapidement du sol si long- temps stérile des Landes ? Nous avons vu, au chapitre précédent, que les frais du boise- ment des dunes par l'Etat (y compris les parties aliénées) se sont élevés à 13 millions de francs pour une contenance reboi- séc d'à peu près 80.000 hectares, soit environ 160 fr. par hec- tare comme prix de revient de la forêt domaniale ou autrefois domaniale. Le domaine actuellement communal et particulier comprend environ 652.000 hectares. Son boisement a coûté, d’après M. Chambrelent, 35 à 36 fr. par hectare,y compris l’assainisse- ment du sol; d'autres font varier les frais de boisement entre 40 et 60 fr. par hectare, ceux d’assainissement étant d’envi- ron 5 fr. Admettons une moyenne de 55 fr. par hectare (1). Le prix de revient du boisement des 652.000 hectares, assainisse- ment compris, sera : pour 30.000 hectares, dans les dunes reboisées par l'Etat, à 160 fr. par hectare. .............. 4.800.000 fr. pour 622.000 hectares, dans les landes reboisées par les communes et les pe à 95 fr. l'hectape Re nan FUN ENIT EE 34.210.000 » pour 652.000 hectares de sol à 10 fr............. 6.520.000 » 45.530.000 » On peut joindre à cette somme celle de 8.000.000 dépensée à la création deroutes par l'Etat et les communes de 4857148 18609 2: tr Se it 8.000.000 » 52.530.000 » ce qui porte à 52 millions et demi la dépense totale effectuée pour la mise en valeur des terrains boisés appartenant aux communes et aux particuliers. Une évaluation officielle faite en 1877 de la valeur des forêts crées par les communes les estimait, à cette date, à 80.264.600 fr. (4) M. Dromart (Etudes sur les Landes de Gascogne, 1898) estime à 75 fr. les frais de boisement par hectare, en y employant des plants de pépinières âgés de 6 ans, « Pour ce prix l'entrepreneur garantit la réussite. » Te LT NT | ne époque, environ 125 millions de francs, ce qui ferait un de 205 millions, | oici quels sont, en moyenne, les revenus en matière et en LL. A service et bois à scier ivers (traverses, madriers, pianchesetc.)........... M; tonne fre. fr, 1,800 pesant 1,260 à 14 la tonne, 17,6% de mines, poteaux télé m, €. tonne fr, fr. Donhiques rss En als 2,250 pesant 1,462 à 9 latonne. 13,16 TRS Ce : le : ia: ..... 0,450 (sans valeur). sine, 247 litres, pesant fût tonne fr. fr. compris. LEE] y st... 0.295 à 54 la tonne 0 15,64 m, €. tonnes fr. Pen tas 4.500 pesant 3,017 et valant... 46,4% prix sont, d’après M. Bert (1), ceux de l’année 1899 pour les rchandises rendues en gare, frais de façon déduits. Pour avoir revenu net il reste à tenir compte des frais de transport. En LT une distance moyenne de 10 kilom., dont 8 par che- paillés et 2 par route, les frais de transport seraient En “ Ha: ême auteur, de 5 fr. 54 par tonne, soit pour 3 tonnes 017. 16.70 Reste revenu net par hectare et par an.............. ele > données ci-dessus relatives au rendement matière sont ntées à une note de M. de Cardaillac de Saint-Paul, citée Op de. pages 134 et 135. , Statistique agricole de 1892 estime à 2.055.000 mètres cubes la production e des 568.000 hectares de PASS particulières des départements ges 184 L'UTILITÉ DES FORÊTS le réseau des chemins de fer et tramways à voie étroite actuel- lement en projet ou en construction sera achevé. On pourra . voir alors le revenu moyen net s'élever à 35 fr., peut-être même 40 fr, ou au delà par hectare de forêt. Nous croyons qu’il n’y a aucune exagération à estimer à quatorze millions de francs le revenu net total actuel du do- maine forestier des communes et des particuliers dans les Lan- des; sa valeur en capital dépasse certainement quatre cent cinquante millions de francs, ce qui correspondrait à une valeur moyenne d'environ 700 fr. par hectare. Cette évaluation paraîtra modérée si l’on se rappelle que les forêts domaniales vendues vers 4860, alors qu’elles avaient à peu près l’âge qu’ont aujour- d’hui en moyenne les forêts particulières, ont été vendues 800 fr. par hectare et nous avons estimé plus haut à 1200 fr, par hec- tare la valeur de la partie productive des forêts de l’État, Si on ajoute à la valeur des pignadas communales et parti- culières des landes celle de la forêt domaniale des dunes on arrive à un total de plus d’un demi-milliard de francs. Telle est la richesse créée par la forêt sur un sol qui paraissait voué à une éternelle stérilité (1),dans un désert auquel Voltaire, voulant sans doute rappeler à la modestie ses compatriotes de France, faisait allusion comme il suit dans une lettre datée de Berlin : « Songez à vos quarante lieues de landes vers Bordeaux, et à cette partie de votre Champagne que vous avez nommée si no- blement la pouilleuse. » Les « quelque quarante lieues de landes » se sont transformées en une forêt près de deux fois plus grande et plus de cinq fois aussi productive que toutes les pincraics de la Poméranie réunies. Nous verrons plus loin ce qu’est devenue aujourd’hui la Champagne Pouilleuse. (1) Il y a cent ans, sur l'emplacement même où s'élève aujourd'hui Arcachon, « quand on voulait acheter un terrain, on montait sur une dune, on appelait, et si loin que la voix pouvait porter, le terrain devenait la propriété de l'acquéreur pour la modeste somme de 25 francs », (Grandjean, op. cif., page 89.) M. Dro- mart (op. cil.,page 10) évalue à plus de 400 millions la valeur, en 1898, des pigna- das particulières dont l'étendue serait, d'après lui, de 600.000 hectares, RS: LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 185 III. — La SOLOGNE _ La Sologne (1) est un vaste plateau de 500.000 hectares, à - silué au centre de la France, entre les vallées de la Loire et du … Cher, à la porte d'Orléans et à 125 kilomètres environ de Paris. _ Elle forme une région naturelle bien tranchée, toute différente sn. départements actuels : le Loir-et-Cher pour 273.000 hectares, le # Loiret pour 123.000 et le Cher pour 108.000. 7 _ Le terrain, presque parfaitement horizontal, est formé de ë, sables argileux fins et d’argiles mélangés d’une certaine quan- … tité de sables grossiers ou de galets de quartz. Les propor- me. tions du mélange, assez variables, en font une terre tantôt …_ Jégère, tantôt compacte, en tout cas dépourvue de calcaire. Le sous-sol, au contraire, est constitué uniquement par de l'argile . et du calcaire, lesquels, en revenant affleurer aux périmètres, _ forment une sorte de cuvette imperméable. C’est par suite de celte constitution qu’il a été possible de comparer la Sologne à F « un îlot de sable et d’argile au milieu d’une mer de calcaire ». + _ Les eaux pluviales ne pouvant ni pénétrer dans les profon- - deurs, ni s’écouler facilement à la surface, s’accumulent dans 2 E- } _ malsains. . La Sologne a connu autrefois des temps de grande prospérité; … elle était alors très boisée et on la recherchait à la fois pour la «Malheureusement cette prospérité vint à décroître au com- “ (1) Les renseignements qui vont suivre sont extraits en grande partie d'une - notice de M. Boucard, inspecteur général des forêts en retraite, président du » Comité central agricole de la Sologne, inséré dans le Compte-rendu du Congrès international de Sylviculture à Paris en 1900. La compétence toute particulière de M. Boucard nous a déterminé à faire, à son très intéressant travail, de nom- …. breux emprunts, souvent textuels. Nous avons également consulté les ouvrages … suivants : S{alistique forestière du Loiret, par P. Domet, Orléans, 1889. — Le “. Sylviculieur en Sologne, par E. Girard, Orléans, 1881. —- Le Cullivateur de pins en = Sologne, par D. Cannon, etc., etc. 186 L'UTILITÉ DES :FORÊTS mencement du xvu* siècle, et la décadence alla en s’accentuant jusqu’à la fin du xvmn® siècle; elle eut pour causes : la guerre de cent ans, les guerres de religion, qui enlevèrent tous les hommes valides, puis les guerres de Louis XIV avec l'étranger, l'éloignement des châtelains, les impôts excessifs qui écrasèrent les habitants et, enfin, des épidémies qui décimèrent le reste de la population. « Peu favorisée par la nature, la Sologne avait dû sa prospérité au travail de nombreux colons dirigés par des propriétaires rési- dant dans le pays et s’occupant effectivement d’agriculture. Avec la désertion des uns et le départ d’un grand nombre des autres, cette prospérité disparut. « Les conséquences du dépeuplement furentles suivantes : les fossés d'assainissement ne furent plus entretenus; il en résulta une stagnation plus complète des eaux et la production de miasmes fiévreux; les prés se couvrirent de joncs et de ronces et setransformèrent en pâtures ; lesterres basses, les meilleures, envahies par les eaux, devinrent impossibles à cultiver pendant une grande partie de l’année et on ne laboura plus que les terres maigres des hauteurs qui furent promptement épuisées ; les vignes, faute de bras, ne furent {plus façonnées et disparurent. Enfin, des exploitations irréfléchies de futaies, des coupes de taillis mal faites et l’introduction des bestiaux dans de trop jeu- nes bois ruinèrent graduellement la propriété forestière en livrant le sol aux bruyères. « Tout fut laissé à l’abandon; à la misère succédèrent lesma- ladies; la décadence fut aussi complète que possible (4). » En 1787, l’agronome anglais Arthur Young s’écriait après avoir parcouru la Sologne : « Grand Dieu, accorde-moi la patience quand je vois un pays aussi négligé, et pardonne-moi les jurements que je fais sur l’absence et l’ignorance des pro- priétaires (2). » Vers le milieu du xix° siècle, un groupe d’hommes dévoués et (4) M. Boucard, op. cit., pp. 452-453. (2) Voyages en France, 2° édition française, Paris, an Il. Der 1 tuèrent en un Comité central agricole de la Sologne avec mis- sion de Den rcher les besoins généraux de & région et Je . de premier un comme Elie de Beaumont, Brongniard, ne Chevalier, Dumas, etc. Le Comité ne tarda pas à éla- ee ue Pour es la Sologne de son ne il faut surtout | 54 disparaître ses immenses bruyères, ne humidité, | LL. en effet, est facile à installer et il donnera par- de bons résultats à la condition qu’on assure à ses produits débouchés suffisants; tandis que la culture des maigres ter- ns de la Sologne nécessite l'importation d’amendements coû- cessitent, l’un et l’autre, que la Sologne soit dotée de voies D sport économiques, nn à He des 188 L'UTILITÉ DES FORÊTS les ; ses cours d’eau ont été régularisés et ses étangs supprimés ou assainis ; enfin, les bruyères ont fait place à une certaine étendue de cultures, dont les résultats dépassent les premières espérances, et à d'immenses massifs de pins qui constituent la plus grande richesse du pays. On commença par creuser un canal de navigation de 43 kilo- mètres de longueur, le canal de la Sauldre, qui permit d’appor- ter, jusqu’au centre du pays, les marnes de la Nièvre dont lem- ploi, comme amendement, transforma rapidement les terres propres à la culture (4). En même temps un réseau de 593 kilo- mètres de routes fut ouvert, par l’Etat, moyennant une dépense de trois millions de francs. Là où la culture agricole ne paraïs- sait pas susceptible d’être pratiquée avec bénéfice, on entreprit le boisement du sol. | « Le pays était sain et prospère au temps où les bois cou- vraient la moitié du territoire; c’est le déboisement qui avait fait apparaître l’insalubrité et la misère, sa conséquence natu- relle ; le remède tout indiqué pour la Sologne consistait donc à restaurer les bois inconsidérément détruits ; c’était, du reste, la seule solution pratique applicable à ces immenses étendues et elle était suffisante pour atteindre le but principal : suppression des brandes humides et assainissement du pays. « Tous les propriétaires furent donc d’accord pour entrepren- dre desreboisements. On avait à les exécuter sur trois catégories de terrains : anciens taillis clairiérés, vieilles terres épuisées ne donnant plus de cultures rémunératrices, et principalement vastes terrains incultes envahis par les bruyères et les ajoncs. « Autrefois, en Sologne, on ne connaissait que les essences feuillues; il s’agissait donc de boiser en chêne et en bouleau, seuls jusqu’alors employés ; le chène, dans les parties suffisam- ment argileuses, et le bouleau dans celles plutôt sablonneuses. « L'opération était facile dans les anciennes terres, car les (1) La dépense de construction du canal de la Sauldre a été très grande, les travaux ayant été faits par des ouvriers quelconques réunis en ateliers nationaux Le but principal du gouvernement était alors de les éloigner de Paris. LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS 189 . cultures prolongées y avaient détruitlesbruyères; il suffisait, pour . réussir les semis à peu de frais, de semer avec une dernière récolte de céréales dont la paille coupée haut procurait un abri . favorable aux jeunes plants. _ Mais dans les clairières, comme dans les brandes (ce qui était . Le cas général), les bruyères opposèrent de grandes difficultés. Ces plantes, eneffet, croissent vigoureusement, en massif serré, persistent longtemps et reviennent spontanément après Les dé- … frichements. Ni le chène, ni le bouleau, dans leurs premières - années, ne peuvent lutter avec elles (1). _ Dansces conditions l’emploi des résineux, et particulièrement des pins, était naturellement indiqué. Ce fut au pin maritime qu’ on s’adressa tuut d’abord. Ce qui fit adopter les pins maritimes, ce fut le bon marché de _Jeurs graines etleur facile réussite,même au milieu des bruyères, … qu'ils étouffent en partie sous leur couvert. Bientôt on constata . leur influence salutaire, ces pins purifiant l’air par leurs éma- nations balsamiques et assainissant le terrain par le drainage . naturel de leurs racines. Quant à la qualité du bois et à l'usage qu'on pourrait en faire, on n’y pensait pas au début et on ne se _ préoccupait guère que d'occuper les terrains vagues, et de pro- £ duire quelque chose là où il n’y avait rien. Tout au plus espérait- on introduire plus tard le chêne sous le couvert des pins, qu'on aurait fait disparaître au moyen d’éclaircies successives. | . Mais il en fut autrement, lorsqu'un ingénieux propriétaire du … pays eut trouvé, pour les bois de pin, une utilisation spéciale : . le chauffage des fours de boulangerie et un débouché avanta- …. geux : la place de Paris. En fabriquant des falourdes (2) et en . Jes faisant adopter pour la cuisson du pain, M. de Laage de Meux A rendu à la Sologne un immense service. Aussitôt après « son invention », on créa des pineraies de tous les côtés (3) ; la con- (1) M. Boucard, op. cit., page 461. _ (2) Fagots de bois de pin, ayant 1 m. 14 de longueur et 0 m. 75 de circonfé- _ rence, liés à deux harts et composés de bois pelés et fendus. Le 100 de ces fagots équivaut à 5 stères 1/2 de bois empilé. (3: On comptait, en 1853, 26.000 hectares ; en 1858, 34.000 hectares et plus du double en 1870. 190 L'UTILITÉ DES FORÊTS trée entière se couvrit de ces bois, dont l’étendue atteignit 80.000 hectares; ils devinrent une véritable richesse, le plus important des produits de la Sologne (1). » Le rendement moyen à l’hectare d’une pineraie de 30 ans se composait d’au moins 4.000 falourdes rapportant net, tous frais de façon déduits, environ 1.200 francs. C'était donc un revenu moyen, net, à l’hectare, de quarante francs pour la forêt amé- nagée à 30 ans et, en appliquant ce chiffre aux 80.000 hectares de pineraies de pin maritime quiexistaient dans le pays en 1879, c’est un revenu total de 3.200.000 fr. pour ces terres qui, cin- quante ans auparavant, se vendaient à grand’peine au prix de. cinquante francs par hectare. Ce retour à la prospérité de toute une région fut brusquement interrompu par le désastreux hiver qui, en quelques jours du mois de décembre 1879, fit périr tous les pins maritimes de la contrée. Les habitants ne perdirent cependant pas courage. Soutenus par les subventions de l'Etat, qui leur fit délivrer, à titre gratuit, par les soins de son service forestier, plus de cin- quante millions de plants créés dans des pépinières établies de tous côtés, ils réussirent, en moins de dix années, à reconstituer complètement leurs forêts. Sur les conseils de M. Boucard, alors Conservateur des forêts à Tours, on substitua au pin maritime, trop sensible au froid, une essence plus rustique : le pin sylves- tre qui avait déjà été largement employé dans les forêts doma- niales des environs. Le pin sylvestre peut se semer ou se planter. Cependant, vu le prix relativement élevé de la graine, la plantation est plus économique. Si le pin sylvestre croît moins rapidement que le maritime au début, il est, en revanche, plus longévif en Sologne et donne des produits au moins égaux. Les frais de boisement par hectare, en y employant 8.000 à 8.500 plants de deux ans, peuvent s’évaluer à 63 francs environ. Il est facile, avec les données qui précèdent, de se faire une + (1) M. Boucard, op. cil., page 463. se L'aspect général de la bo Pouilleuse est celui d’une vaste plaine unie ou légèrement ondulée. La terre arable est ine sorte de sable calcaire très fin, pulvérulent, mélangé de fragments calcaires et de silex anguleux de petites dimensions. Lorsque le sol est suffisamment profond, il donne, à condition d’une fumure abondante, de bons ou même d’excellents reve- nus, sans grands efforts pour le laboureur. Malheureusement _ l’absence complète d’eau sur les plateaux y rend difficile l’exis- _tence de l’homme et des animaux domestiques (2). «Toute la population, nous dit M. Risler (3), est concentrée (1) Cette épithète provient, assure-t-on, de la présence du serpolet, appelé € pouilleu » en Champagne, qui forme la principale production spontanée des . _ parties les plus mauvaises de la craie blanche. Il sert d’aliment aux moutons. (2) Les quelques localités habitées du plateau s’alimentent en eau au moyen , _de puits dont la profondeur va parfois jusqu'à 100 mètres. - (3) Géologie agricole, Le partie, tome Il, pages 125-126 (Nancy, Berger-Le- vrault et Cie, 1889). = 192 L'UTILITÉ DES FORÊTS dans les vallées qu’arrosent les rivières, mais ces vallées n’ont pas une grande surface relativement aux vastes plateaux qui les séparent. Les champs s'étendent autour des centres de popu- lation, le long et sur le bord des vallées, s’élevant de plus en plus sur les plateaux à mesure que les engrais disponibles per- mettent de fumer plus de terres. L’intensité de la culture décroît en raison de la distance des fermes et de la difficulté des trans- ports. Près des bâtiments sont les jardins et les plantages qui fournissent les légumes. Puis vient une zone qui peut être suffisamment fumée pour porter des racines, des pommes de terre, du colza, etc. » « Plus loin la jachère reste nue et les fumures y sont moins abondantes. C’est le sombre après lequel vient le seigle ou le blé, et, en troisième année, on sème tantôt de l'orge ou du sar- rasin, suivant que la terre est en plus ou moins bon état, tantôt du trèfle, de la luzerne ou de l’esparcette. Lavoine succède à ces fourrages. « Au-delà de cette zone on trouve une sorte d’assolement semi pastoral: tous les quatre ou cinq ans, quelquefois seulement tous les huit ou dix ans, on laboure, on fait quelques maigres récoltes d'avoine ou de seigle, puis on y sème un peu d’espar- cette qui forme un pâturage pour les moutons; c’est ce qu’on appelle les {rios ou {riaux. « Plus loinencore s'étendent à perte de vueles savarts, terres incultes des plateaux de craie, où les moutons seuls peuvent trouver quelque nourriture et faire de longs parcours sans être abreuvés, L’herbe y est rare, mais d'excellente qualité. Quel- quefois, aux mois de juillet et d'août, il n’y reste plus rien à manger, tout est desséché. Il faut alors ramener les bêtes, soit sur les cos soit à la ferme et leur donner du foin comme en hiver. « Les prix des terres. sont de 2.000 à 3.000 fr. ou plus encore, dans le voisinage immédiat des villages ; sur les bords des vallées ce n’est plus que 4.000 fr.; puis le prix descend peu à peu jusqu’à 100 fr. par hectare sur les {os les plus éloignés. LA FORÊT ET LES TERRAINS IMPRODUCTIFS de “ anne et he ox sur run : : un resto à l’une piens partie au profit de la charrue. Partout où le sol présente e profondeur et où l’apport d'engrais est possible, l’agri- départements de la région crayeuse champenoise ren- « Pelement Sa 80.300: peoiares de plantations rési- est vers 1807 que l’on commença à planter des résineux en ous avons vu un procédé identique en usage autrefois pour la vente des de Gascogne. Actuellement l'étendue des savarts est très réduite et on les V au prix de 100 fr. l’hectare. @ Recherches statistiques LT LD la sylviculture du département de l'Aube la période de 1789 à 1804, par M. Arbeltièr de la Boulaye, inspecteur- des forêts. Troyes, 1890 (page 33). — Les Foréls de l'Aube, par le même. s, 1899. (3) Statistique agricole décennale de 1892. _ ÉCONOMIE FORESTIÈRE. — [. 13 194 _ L'UTILITÉ DES FORTS Champagne, mais le mouvement ne pritde l'extension que vers. 1830. Sesprincipaux promoteurs furent MM. Saint-Denis frères dans la Marne, Baltet-Petit et Jacquier dans l’Aube. Ea 1815,M. Saint-Denis père ne possédait que 5 hectares de friche qu'il reboisa; ses fils, trente années plus tard, avaient acquis et reboisé 4.000 hectares de savarts pour leur propre compte et plus de 12.000 pour d’autres propriétaires. L’essence d’abord adoptée a été le pin sylvestre mélangé à quelques feuillus : le bouleau, l’aulne et la vordre (saule mar- saulx). La végétation du pin sylvestre est lente et défectueuse dans la craie; d’après M. de Taillasson (1),sa hauteur ne dé- passerait guère 5 mètres à re de 50 ans; les tiges restent sinueuses et sont peu propres à fournir du bois d'œuvre. Enfin cette essence est très exposéeaux dégâts des insectes (lasiocampe du pin) etdeslapins. C'est pourquoi on recourut de plus en plus, à partir de 1845 ou 1850, au pin laricio dont on planta deux variétés : Le pin de Corse et le pin noir d'Autriche. Le pin de Corse présente une végétation relativement bonne et jouit du . précieux privilège d'échapper aux dégâts du lapin, malheureu- sement il est sensible au froid et a dû être abandonné pour ce motif. Le pin noir d'Autriche, au contraire, a donné d’excellents résultats et c’est lui qui, seul ou mélangé à quelques pins syl- vestres, est aujourd’hui généralement adopté (2). IL croît plus rapidement que le pin sylvestre, n’exige pas comme luile mé- lange de feuillus qui restent improductifs et produit des tiges de meilleure forme ; en revanche, il est vrai, son bois est moins estimé. On a beaucoup discuté la question de l’espacement le plus (41) Les Plantalions résineuses de La Champagne crayeuse, par R. de Taillasson, ancien inspecteur des forêts. Sens, 1894. D'un autre côté M. Lapie, garde général des forêts, admet une hauteur de 8 m. pour des pins sylvestres de 30 à 35 ans. (Etude sur les fulaies résineuses de la Champagne, par un garde général des forêts. Reims, 1897.) (2) On a aussi introduit, dans les environs de Sens, l’acacia (robinia onto acäcia) qu'on exploite en taillis simple à très courte révolution pour la produc- tion d'échalas. Il est douteux que cette essence se maintienne longtemps dans ces conditions. se de par Roue il est AE aujourd’hui que la dis- de 2 m. est préférable quoique celle de 1 m. ait aussi des nu. résineuses de Champagne, quoique non spontanées, génèrent biennaturellement par semis(1). La seconde géné- d’arbres, se développant sur un sol amendé et enrichi par gétation forestière, offre une croissañce vigoureuse qui ne les plus belles espérances. < Les < savarts qui, il y a une cinquantaine d'années, valaient 20 à 50 fr. se vendent aujourd’hui couramment à 100 francs T ie Les frais de plantations et réfection de 5 rs . l'hectare, suivant les cas. On ok ue à à plus “a | illions de francs le revenu net actuel des 80. 300 hec- |} moe lutter avec avantage, au Le de vue du ren- En voici un Fliche. Etudes sur les flores de l'Aube et de l'Yonne. Troyes, 1894. Le et peut-être le sapin pectiné paraissent néanmoins incapables de se repro- RTE TRS Ci AREA 196 L’UTILITÉ DES FORÊTS du nom de son fondateur, qui était un proche parent de l'illustre agriculteur de Roville (4). L’étendue de ce domaine est de 200 hectares environ, d’un seul tenant; il est traversé par deux routes publiques, empierrées, en bon état, et par des chemins particuliers, empierrés ou non, qui assurent à ses produits un écoulement très facile, soit sur Pont-à-Mousson, ville de 11.000 habitants, soit sur Nomeny, petite ville de 3.000 âmes. Pont-à- Mousson et Nomeny sont toutes deux des stations de chemins de fer, la première à 28, la deuxième, à 30 kilomètres de Nancy ; Dombasle se trouve à 7 kilomètres de l’une et de l’autre, sur la route départementale qui les relie, dans la meilleure région agricole de la Lorraine, la vallée de la Seille. La ferme a été créée de 1830 à 1832 aux dépens d’un bois taillis de même étendue. Les produits du défrichement ont été entièrement absorbés par les frais de l'opération et les dépenses de premier établissement, telles que construction des bâtiments d'exploitation et de l'habitation du fermier (2), création de che- mins, nivellements, etc., de sorte que l’on peut admettre que le capital engagé dans la ferme est le même que celui qui était auparavant engagé dans la forêt. La ferme est cultivée depuis sa fondation, de père en fils, par une famille d'agriculteurs qui jouit d’une réputation méritée de travail et d'intelligence. Le fermier actuel est un homme qui joint aux traditions héréditaires dans sa famille la connaissance raisonnée des nouveaux besoins de l’agriculture moderne et sa ferme peut être citée comme un spécimen d'exploitation bien. tenue et entendue. Tout concourt donc à placer le domaine de Dombasle dans des conditions particulièrement avantageuses au point de vue de son rendement en argent. (1) Mathieu de Dombasle fut un des rénovateurs de l’agriculture en Lorraine. Son domaine agricole se trouvait à Roville (Meurthe-et-Moselle). Les renseigne- ments ci-dessous sur la ferme de Dombasle nous ont été obligeamment commu- niqués par M. du Coetlosquet, ancien inspecteur adjoint des forêts, qui est un de ses co-propriétaires. (2) Il est bien entendu que nous ne parlons que des bâtiments de la ferme et non pas du château qui a été construit à côté de celle-ci. LA FORÊT 192 100 fr. Je cette somme il faut déduire, pour avoir le revenu net : L’impôt qui varie de 1.360 à 1.410 fr., soit en moyenne 4 la forêt rapporte, brut, 65 fr. par hectare et par an, s'enrichissant. Certaines coupes se sont vendues jusqu’à . lhectare à l’âge de 30 ans (1). | rais de garde sont compensés parle produit de Ja location rais d'administration sont de 1 fr. par hectare et par an. 5 es naturellement très élevé, mais il ne x pas ou- un impôt to 4 fr. par hectare et par an. frais d'entretien se réduisent à la fourniture de pierres 198 L'UTILITÉ NES FORÊTS au curage de fossés de périmètre, émondage de réserves (1), ete, en tout, au maximum, 1 fr. par hectare et par an. Il reste donc, à l'actif de la forêt, un produit net de plus de 60 fr., une fois et demie celui de la terre cultivée. Il faut ajouter que la forêt n’est pas exposée, au même degré que la ferme, à des pertes de récolte. Qu’une guerre, par exemple, vienne à interrompre l’exploitation pendant une année ou deux: les pro- duits arriérés se retrouveront, augmentés de leurs intérêts, en forêt ; ils seront complètement perdus dans la ferme qui aura de plus subi une forte dépréciation par suite du défaut de culture pendant un certain temps. De même la forêt n’a rien à craindre des épizooties qui peuvent ruiner un domaine agricole, etc., etc. Cet exemple est frappant. Il prouve que, sur un bon sol (2), dans un pays riche, bien cultivé, la production forestière fournit quelquefois un revenu supérieur à celui de la production agri- cole la mieux entendue. Nous conclurons de là que, si les mauvais sols sont néces- sairement boisés dans un pays bien ordonné, la réciproque n’est pas exacte. Méme sur un sul fertile la forét peut lutter, parfois avec avantage, contre le champ cultivé. _ Les pays très riches, très bien peuplés, sont donc, eux aussi, au nombre de ceux où le maintien des forêts se justifie, même au point de vue financier. Malheureusement, cette vérité n’a pas toujours été comprise, même par les agriculteurs les plus éminents; ce que nous avons dit à propos de la ferme de Dom- basle en est une preuve. (1) Les émondages sont exécutés par les gardes forestiers et n’entrainent d’au- tre dépense que les gratifications que la commune veut bien accorder aux pré- posés. Le produit des concessions de menus produits vient atténuer les autres frais d'entretien. (2) Le terrain en question appartient aux marnes supraliasiques. INFLUENCE SANITAIRE. ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE ur des faits bien constatés ou peut-elle s’étayer de ce connaît de l'influence des forêts sur les conditions .. vent tenir à l’action si favorable aux Pi Eépintos ingement de milieu et de régime, à l'effet du repos, du de Pnace en plein air et surtout à l’action LS en Va LA be, Dot 2 LUE 7 200 L'UTILITÉ DES FORÊTS indemnes seraient devenues tributaires du fléau à la suite de déboisements. Des observations analogues auraient été faites dans l'Amérique du Sud au sujet de la fièvre jaune. En Alle- magne on a cru constater une réduction notable des cas de fièvre-dans une région à la suite de la création d’oseraies éten- dues. Il faut reconnaître qu'il n’y a dans tout cela que des hypothèses, des opinions et non pas des fails pouvant résister à une critique scientifique. Très fréquemment on a observé que le boisement d’un pays avait amené ladisparition de la fièvre paludéenne. Nous en avons des exemples très nets et indiscutables en France, dans les Landes de Gascogne et dans la Sologne. Mais il ne faut pas oublier que, dans ces deux cas au moins, le boisement a été pré- cédé ou accompagné de travaux de drainage qui ont fait dispa- raître, avec les eaux slagnantes, les conditions favorables à la propagation du mal. De même le fait si souvent cité de lassai- nissement du couvent des Trois-Fontaines dans la Campagne romaine, consécutivement à la plantation d’eucalyptus,ne résiste pas à la critique. Le ministère de l’Agriculture de Rome ayant nommé, en 1881, une commission pour faire une enquête sur ce phénomène, on constata que les plantations avaient été accom- pagnées de travaux de drainage étendus, du curage de fossés, travaux qui suffisent largement à expiiquer l’assainissement du sol dont on s’était trop hâté de faire honneur au boisement (1). En somme on manque de faits scientifiquement établis, résis- tant à l’examen critique, pour démontrer expérimentalement qu’il existe une influence favorable des forêts sur les conditions hygiéniques des régions où elles croissent. On a essayé de justifier & priori la croyance commune à cet est toujours restée épargnée lors des épidémies cholériques qui ont fait tant de victimes dans les localités qui l'environnent vers le milieu du siècle dernier. Il est possible que cette immunité soit due à la magnifique ceinture de forêts, de plus de 20.000 hectares, qui entoure cette ville. (1) Une analyse du rapport de la Commission a été publiée par M. le profes- seur Perona, dans le fascicule de février 1885 de l'Allgemeine Forsl und Jagd Zeilung. Lest certain que la végétation forestière absorbe des quan- énormes de carbone, emprunté à l'acide carbonique de rtificiellement enrichi en acide carbonique, ce qui prouve que ce AE pure être ue dans air par la végétation. Le pas oublier, cependant, qu’en même temps qu’elles assi- , e qui à a pour di Ce l'air en l'acide qu | de l'oxygène et engendre de l'acide ed Or, la pendant toute l’année, tandis TT spl tion poone nuit et jour, dant la saison de végétation DANSE Si l’on fait la Rance s doux sl cuuats cependant un bénéfice au point 20% L’UTILITÉ DES FORÊTS mesure qu’on ne le croit généralement, une fabrique d'oxygène et un destructeur d’acide carbonique, c’est-à-dire un purificatéur de l'air. On a calculé que, pendant la saison de végétation, un peuplement forestier d’un hectare absorbe journellement envi- ron 40 mètres cubes d'acide carbonique et exhale une quantité à peu près égale d'oxygène. C’est assurément fort peu si l’on songe que le volume d’air qui enveloppe ce peuplement, sup- posé avoir 30 mètres de haut, est de 300.000 mètres cubes. M. Ebermayer a vérifié que la consommation en oxygène d’une famille de quatre personnes (par sa respiration et les feux nécessaires au chauffage et à la cuisson des aliments) équivaut en un an à la production de ce gaz, pendant le même gi d’un hectare de forêt (1). Il est donc impossible d'admettre que de petits groupes d’ar- bres, comme ceux des parcs ou jardins de nos grandes villes, les allées de nos boulevards, aient une influence appréciable sur la teneur de l’air en acide carbonique et en oxygène. L’effet utile de ces plantations provient bien plutôt de la réduction de la densité de la population qu’elles occasionnent, de la diminu- tion de la poussière et peut-être de l’action de leur végétation sur le sol où elles se développent. On sait que la végétation produit non seulement de oxygène, mais encore des quantités notables d'ozone. Certains médecins ont cru reconnaître à ce gaz une influence favorable sur les maladies du système nerveux. Un professeur de l'Université de Bonn, M. Bintz, lui attribue une action calmante et facilitant le sommeil; 2° Il est incontestable qu’une masse d’air, en traversant les cimes d’un massif forestier, doit s’y débarrasser mécaniquement des poussières si abondantes et parfois dangereuses qui flottent dans l’atmosphère des grandes villes ; 3° On a constaté souvent avec quelle rapidité la quantité des bactéries rentermées dans l’air diminue dès qu’on s’éloigne des (4) Die Beschaffenheit der Waldluft. Stuttgart, chez Enke, 1885, _ INFLUENCE SANITAIRE, ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE 203 me, de ceux que produisent et déversent dans l’air les usi- iverses, des particules charbonneuses et autres, etc. La de l’air des forêts est entièrement comparable à celle de sphère des montagnes ou du bord de la mer. 'est par cette considération qu’on a essayé d'expliquer alutaire des forêts contre le choléra, et les fièvres palu- (1). Des recherches précises seraient nécessaires pour ner cette opinion qu'on ne peut considérer que comme tout au plus, dans l’état actuel de nos connaissances. II Voir Chambrelent, op. cit., pages 57 et suiv. 20/4 L'UTILITÉ DES FORÊTS Il y a un demi-siècle à peine les Landes constituaient une des régions les plus insalubres de la France. La durée moyenne de la vie humaine qui variait, à cette époque, de 35 à 40 ans dans notre pays, suivant les départements, y était de 34 anset 9 mois . seulement. Or un relevé fait de 1865 à 1869 (on s’est arrêté à 1870 pour éviter les anomalies provenant dela guerre) a montré que cette durée moyenne était devenue de 38 ans, 11 mois et 9 jours, soit 39 ans. Le tracé graphique ci-dessous montrera d’une façon saisissante l'amélioration des conditions hygiéniques du pays pendant la période comprise entre 1855 et 1877. Non seulement le nombre des décès a diminué, mais celui des naissances s’est accru considérablement. L’anomalie présentée par les années 1870 et 1871 ne s’explique que trop facilement par les consé- quences de la funeste guerre de 1870. On peutremarquer, comme le fait très justement ressortir M. Chambrelent, que la dimi- nution des naissances et l’accroissement des décès de ces deux années montre la part active que la population des Landes a rise à la guerre; c’est une preuve que des hommes valides se » ; 4 substituaient progressivement depuis vingt ans à la population chétive et rabougrie qui existait autrefois dans le pays. | 1300 ARE E S es JESESLES FE dé Fe ë s VÈ- _ Pan _narssances 1200 LT Sa F CES pa er \ 1 bé La EDR 11 00 21 Sa LE VE = A ! FIN 2000 Fu & eu in } ‘eh du Ne QE 900 ES LA \ e Les / decés De a 800 5 dece, } Le] N RU + Q DS à $ CS S FS es re Re GS co es a © Q © Ca © D CS Cal we) La] m Le al N ù CE EE L] N Fig. 7. — Natalité et mortalité dans le département des Landes de 1856 à 1876 (d’après M, Chambrelent). LY F0 + (+. 5 8 ul ER j CE en cran f ti} #14 à E Et AUTRES à dr CrrSee, ? TP RE ES _ INFLUENCE SANITAIRE. ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE 209 Pendant la période de 1837 à 1849, les conseils de révision prononçaient en moyenne, sur cent mille recrues landaises exa- minées, 1591 cas d’exemption du service militaire pour cause de scrofule. Ce département tenait de beaucoup le premier rang à cet égard, avant le département de la Seine, qui ne présentait que 1076 serofuleux sur 100.000 conscrits, tandis que ce nombre n’était que de 506 en Vendée et 108 seulement dans le Pas-de- Calaïs. Or dès la période 1859-1868 le département des Landes était devenu un des quatre départements présentant le moins de conscrits scrofuleux (1). La disparition des fièvres ne fut ni moins rapide ni moins complète. Un rapport adressé par le médecin cantonal d’Audenge au préfet de la Gironde en 1865 déclare: « Les fièvres paludéen- nes ne sont guère plus communes aujourd’hui dans les Landes que dans les pays les plus sains de France... Jusqu'en 1857, je consommais une moyenne de un kilogramme de sulfate de qui- nine par an dans ma clientèle... Jai acheté, 1l y a cinq ans, un demi-kilogramme de sulfate de quinine et j'en ai encore. » M. Trélat, directeur de l'Ecole de médecine et d’hygiène, char- gé, en 1878, d’une mission dans les Landes, s’exprimait ainsi : « Je parcourais, il y a quelques semaines, les 800.000 hectares de landes de Gascogne, jadis si misérables, aujourd’hui trans- formées et florissantes ; la fièvre et la pellagre y régnaient en permanence ; une maigre population, juchée sur de grandes échasses, s’épuisait au milieu des eaux croupissantes et se débattait contre la mort. « Il n’y a plus de pellagre et les fièvres ont disparu ; l’homme a repris pied sur terre; il occupe des villages sains et propres, des maisons lumineuses et gaies, au sein d’une végétation luxu- riante. » Sans doute, comme nous lavons fait remarquer plus haut, le drainage du sol qui a fait disparaître les marécages ainsi que d'autre part l’amélioration des eaux potables ont joué le rôle (11 Rapport présenté au Congrès iuternational d'hygiène à Genève en 1882, par M. le Dr Armaingaud. &; 206 L'UTILITÉ DES FORÊTS es principal dans cette heureuse modification. Mais nous ne pou- vons qu’adhérer à l’opinion de l’éminent ingénieur dont le nom. restera lié à la merveilleuse transformation des Landes lors- qu’il déclare (1): « L'existence des forêts de pins a toujours été reconnue comme l’une des causes qui contribuent le plus à l'as sainissement de l'atmosphère. Il n’est donc pas étonnant que les Landes soient aujourd’hui une des contrées les plus saines de la France... » Une autre circonstance, résultant aussi du boisement de la contrée, contribue à augmenter Les causes de salubrité et de bien- être de la population. « L’abondance des bois, répandus partout, permet. à chaque famille, à chaque habitant, d’avoir constamment sous son toit un foyer largement alimenté, qui, mettant la maison à labri de toute humidité, la maintient plus saine, permet de sécher rapi- dement les vêtements mouillés, de réchauffer le corps fatigué au retour du travail et retient la famille réunie et heureuse, autour du foyer toujours bien alimenté. « Nous avons parcouru bien des contrées pauvres et arides en France pour en étudier les moyens d'amélioration sanitaire et agricole, notamment la Camargue, dans les Bouches-du-Rhône, et nous ne saurions dire combien cette rareté du bois, pour leurs besoins domestiques, prive les habitants’de ce bien-être que les populations des Landes trouvent si largement dans le produit de leurs forêts (2). » IV. — ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE À mesure que l’homme multiplie, à la surface du globe, les ateliers, les usines, les chantiers et les bureaux, que s'étendent et que s’enlaidissent des établissements industriels et commer- ciaux, nous voyons grandir la foule de ceux qui, pendant la belle saison, s’enfuient vers les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, (1) Chambrelent, op. cit., pages 59-60. (2) Ibid., page 61, INFLUENCE SANITAIRE. ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE 207 _ toutes nos montagnes, toutesnos forêts, toutes nos campagnes. * Le goût ou plutôt le besoin de la villégiature croît, de plus en plus vif et impérieux, à mesure que se complique davantage l’énervante vie moderne. Certes le besoin de repos, le souci de la santé, la facilité des voyages sont pour beaucoup dans ce mouvement toujours gran- dissant. Peut-être aussi le citadin qui échappe pendant quel- ques semaines à sa prison pour visiter la forèt se rappelle-t-1l, par un vague atavisme, l’époque lointaine où ses ancêtres y _ vivaient librement, sous la voûte des cieux? Ce qui est certain _ c’est que ce n’est pas seulement le repos, la santé, une satis- faction instinctive que recherche le touriste. Il obéit encore à un sentiment profond : il recherche la beauté, tantôt inajes- tueuse, tantôt riante, toujours nouvelle, toujours admirable des spectacles de la nature: de la mer, des montagnes, des forêts. Ce besoin du beau est un des plus enracinés de notre nature; la passion du beau est une des plus nobles que le souffle de Dieu ait déposées dans l’âme humaine. C’est à elle que nous obéissons lorsque nous élevons dans nos villes ces palais où nous assemblons, à frais immenses, de pâles copies des mer- voilles que la nature nous offre gratuitement. Mais qu'est-ce que la plus belle peinture que l’art de l’homme ait produite, qu'est le plus beau paysage d’un Corot, d’un Hobbema ou d’un Rousseau auprès d’un vieux chène de nos taillis? Comment est-il possible que nous soyons fiers, et à juste titre, des sacrifices d'argent que s'imposent les Etats et les villes pour mettre sous les yeux de tous les toiles sur lesquelles des artistes de génie ont essayé d'interpréter la nature, et que nous ne fas- sions rien, ou presque rien, pour défendre la beauté de nos forêts, que menace trop souvent lavidité de leurs propriétaires ou l’étroitesse de vue de quelques-uns de ceux qui en ont la garde ? Pour nous borner au sujet des forêts nous avons trop souvent à déplorer deux sortes d’errcurs. Les uns, ne voyant dans un bel arbre que des mètres cubes de bois, le sacrifient sans re- 208 L'UTILITÉ DES FORÊTS marquer qu’il est l’honneur du canton forestier, qu’il est aimé et admiré de ceux qui viennentse reposer à son ombre. D’autres, frappés outre mesuredes inconvénients et des petils abus qu’en- traîne la circulation ou le séjour des promeneurs en forêt, | s'efforcent d’y apporter des entraves. Or, les massifs, ceux sur- tout qui appartiennent à l'Etat, et particulièrement ceux qui sont situés auprès des grandes villes, devraient au contraire être aménagés avec le souci de l’agrément des touristes, en vue d’y attirer le public. Quel service plus grand les forêts pourraient- elles rendre à notre pays que de développer le goût de la marche en plein air, des distractions saines que l’homme du peuple. prend en famille lorsqu'il va passer au bois ses heures de liber- té? Qui ne se réjouirait de voir les ouvriers des usines ou de la mine passer le dimanche en forêt, plutôt que dans ces locaux où ils prennent trop souvent leur récréation en empoisonnant à la fois leur corps et leur esprit? Nous voudrions trouver par- tout, et surtout dans le voisinage des villes, dans les plus beaux lieux de nos bois, auprès des sources, des rochers ou des vieux arbres, des sentiers commodes, des bancs, des tables, des abris au lieu de ces clôtures ou de ces inscriptions reproduisant les articles les plus menaçants de nos codes qu'on y voit trop fré- quemment. Certes des progrès ont élé réalisés dans ce sens. Beaucoup d'hommes à l’âme élevée et généreuse se sont efforcés, et tou- jours avec succès, d’attirer le public en forêt, de vulgariser la jouissance qu’ils éprouvent eux-mêmes à en goûter la beauté. Ils ont essayédesauver les beaux arbres que menaçait la hache, que condamnaient des règlements d’exploitation établis par des utilitaires sans pitié (1). D’autres, comme l’auteur de lamé- (1) Un des plus beaux peuplements de futaie pleine de chêne qui existent en France, et peut-être au monde, est celui du canton des Clos,dans la forêt doma- niale de Bercé (Sarthe), dont on trouvera plus loin (page 371) une description détaillée. Bien qu'âgé de plus de deux siècles, ce massif paraît susceptible de prospérer encore très longtemps. Il serait désirable qu'on pût le soustraire aux exploitations qui doivent l’atteindre prochainement, en le conservant au titre esthétique et comme spécimen de la végétation du chêne en massif dans l'Ouest de la France. La valeur vénale des bois sur pied dans ce canton dépasse actuel- lement 46.000 francs à l'hectare. INFLUENCE SANITAIRE. ESTHÉTIQUE FORESTIÈRE 209 _nagement de la forêt communale de Thonon, n’ont pas craint de prescrire des mesures spéciales en vue de ménager aux pro- meneurs une perspective intéressante, et de recommander aux agents forestiers « de ne pas manquer de s'inspirer, lors des balivages, des principes de l’esthétique forestière : réserve de cordons le long des sentiers, mélange de résineux par bou- quets au milieu des taillis, etc. (1). Cette initiative fait autant d'honneur au forestier très distingué qui l’a prise qu’à la ville de Thonon qui l’a approuvée. Citons surtout une circulaire récente de la Direction géné- rale des Eaux et Forêts de France que nous sommes heureux de reproduire ici. , « Les forêts domaniales ou communales possèdent souvent des arbres renommés dans la contrée, soit par les souvenirs historiques ou légendaires qui s’y rattachent, soit par l’admira- tion qu’inspirent la majesté de leur port ou leurs dimensions exceptionnelles. » L « De tels arbres font partie de la richesse esthétique de la France. Ils ajoutent à la beauté de ses paysages; ils amènent des visiteurs dans des régions qui, sans eux, resteraient en de- hors de l'itinéraire des touristes.Ils font aimer et apprécier nos forêts. Les populations voisines ont un véritable attachement pour ces témoins d’un lointain passé et ne les voient jamais disparaître sans regrels. » « J’attache la plus grande importance à ce qu’ils soient,de la part du service forestier, l’objet d’une protection constante. » « On ne devra, sous aucun prétexte, les comprendre dans les exploitations, tant qu’ils donneront quelques signes de vita- lité (2). » Plusieurs de nos forêts renferment des cantons où la hache {4) Procès-verbal d'aménagement de la Forêt de Thonon, par M. A. Schæffer, Inspecteur des Eaux.et Forêts à Chambéry, 1900. — (En manuscrit à la Biblio- thèque de l'École nationale des Eaux et Forêts.) (2) Circulaire n° 560, en date du 29 juin 1899. Ce document porte la signature de M. L. Daubrée, conseiller d'Etat, alors directeur, aujourd'hui directeur général des Eaux et Forêts de France. ÉCONOMIE FORESTIÈRE: — À, 14 210 L'UTILITÉ DES FORÊTS ne pénètre pas, qui sont réservés pour l’ornement du pays. Les . plus connus sont les réserves artistiques des forêts de Fontai-… nebleau (1.616 hectares), Compiègne (700 hectares); il en existe également dans la forêt de la Grande Chartreuse (150 h. envi= ron), dans celle du Rudlin (Vosges) etsans doute dans quelques. autres forêts encore (1). Si l’on y joint la partie des forêts domaniales des environs de Paris spécialement réservée à la reproduction du gibier et aux tirés de chasse, on arrive à un total. de 5.163 hectares de forêts domaniales laissés en dehors des exploitations pour l’ornement du pays ou la conservation du gibier. < Nous serons excusable de constater ici que, dans notre pays; le vandalisme forestier paraît avoir moins sévi que dans des. pays voisins. Nos méthodes d'exploitation n’ont jamais comporté la barbare coupe à blanc étoc suivie de la création artificielle d’une forêt de pins ou d'épicéas alignés comme des soldats à la … parade. Ce n’est pas en France qu’on voit raser de vieilles futaies de chène, ou de superbes sapinières, pour les remplacer par des files de pins Weymouth, de sapins de Douglas étiques ” ou de pins sylvestres. Ce n’est pas non plus chez nous que des. forestiers ont eu l’idée saugrenue de déshonorer tout un ver=. sant de montagne en y inscrivant en caractères gigantesques, à l’aide de plants résineux, les initiales de quelque personnage qu'ils voulaient magnifier. Il faut reconnaître cependant que, depuis quelques années, on voit naître en Allemagne une réac- tion contre la forêt artificielle, tirée au cordeau,administrative- ment uniforme. Des voix se sont élevées en faveur de Pesthé- tique forestière, réclamant un retour à la nature. Puissent-elles trouver un écho (2)! (1j Il en existe aussi à l'étranger. Tels le célèbre parc de Yellowstone, aux Etats-Unis, et le canton de forêt vierge que M. le comte de Schwarzenberg a mis en réserve sur les hauteurs du Kubany, dans son domaine forestier du Bühmer- wald. (2) Il y a une dizaine d'années, un des chefs du service forestier badois M. l'Oberforstrat Wilbrand, de Darmstadt, terminait comme suit un réquisi- - toire éloquent contre la barbarie tranquille (karmlose barbarei) avec laquelle cer- tains forestiers traitent les massifs qui leur sont confiés : « L'intelligence de la INFLUENCE | SANITAÏRE. ESTHÉTIQUE “RORESTIÈRE 2f1 Pour en revenir à notre France nous voudrions y voir davan- _tage de ces bois sacrés véritables réserves de beauté de la par- tie noble et précieuse entre toutes de notre domaine, natio- nal (1). Il serait possible de trouver ‘presque partout des can- tons, fussent-ils peu étendus, dont la conservation et l’aména- gement esthétique seraient intéressants. En tous tasconservons ‘le plus longtemps possible nos vieux arbres, ménageons ces vétérans qu'ont admiré déjà nos aïeuls, qui sont la gloire, l'or- nement et la poésie de nos bois. Nous voudrions voir se répandre celte vérité que /a beauté de nos forêts est un vbjet d'utilité publique (2). Elle devrait être défendue par la loi au même titre que celle-ci protège la-beauté de nos villes, la richesse de nos musées et l'intérêt de nos mo- ‘ numents historiques (3). beauté de la forêt n'est pas développée chez tous, et souvent des forestiers, . même bien doués d’ailleurs et capables, manquent à cet égard d'une compré- hension suffisante... Mais l'homme qui, même inconsciemment, pèche grossiè- rement contre l'esthétique forestière, porte la tare d'un manque de culture ». (Allgemeine Forst und lagd Zeitung, volume de 1893). Ce jugement est dur, assu- rément, mais on ne peut le trouver injuste. (4) C'est en ces termes que les forêts sont désignées dans le préambule de l'or- donnance du mois d'août 1669. (2) Cette utilité n’est pas seulement de l’ordre moral, Les Suisses, qui ont si admirablement aménagé leur pays pour la facilité des voyages, qui ont rendu leurs forêts, leurs glaciers, les aspects splendides de leurs cimes accessibles sans fatigue au moins ingambe de nos citadins, l'ont bien compris. La commune de Nans-sous-Sainte-Anne, en Franche-Comté, sur le territoire de laquelle la rivière du Lizon sort d'un amphithéâtre de rochers merveilleux, dans un des paysages les plus réputés du Jura, l'a bien compris aussi lorsqu'elle a intenté une action en réparation de dommages à un industriel qui avait essayé de défigurer ce beau site. Ajoutons avec satisfaction que le tribunal de Besançon le comprit également en donnant gain de cause à la commune par jugement du 27 novembre 1902, Pourquoi cet exemple n'est-il pas suivi? Pourquoi les Vauclusiens ne se liguent- ils pas pour éloigner les vendeurs et les usiniers qui défigurent leur poétique fontaine ? Pourquoi les Ardennais ne prennent-ils pas la défense des célèbres rochers des Quatre-fils-Aymon, que rongent les carriers? Mais nous n’en finirions pas de signaler tous les vandalismes qu'il faudrait abolir, même dans notre pays où les instincts artistiques sont portant si développés et répandus. (3) Voir à ce sujet un excellent article publié par M. Guinier, inspecteur des Eaux et Forêts à Annecy, dans le volume de 1893 de la Revue des Eaux et Forêts, M. Guinier, d'accord avec la ville d'Annecy, a réussi à transformer la petite forêt - communale du Crêt du Maure en un véritable parc avec sentiers, allées, tranchées . perspectives, observatoires, lieux de repos, etc.; lieu charmant dont l'existence, aux portes de la ville, est un vrai bienfait pour les habitants, ll EPA. 2 ALTTLE DTA a rar GISLATION # “ ËR # IÉTÉ ET LA LÉ RESTI CHAPITRE PREMIER | LA PROPRIÉTÉ FORESTIÉRE ET LES DROITS D'USAGE SOMMAIRE | 4 1. — Les origines de la RP forestière. ; igrimensores du 1e" siècle; les forêts du fisc D, La ATEN des biens à l’époque gallo-romaine, le fundus, les villæ. Les vici. Installation LA barbares. Partage des forèts du fisc. La condition des biens à l’é- Dininution du donaie par suite des donations aux églises et aux abbayes. _Usurpations de la période féodale, Ce qui restait du | domaine au x11e siè- cle. ne principe d’inaliénabilité. Edit de Moulins. Le patrimoine de . tion imaiie à la veille de la révolution. Réunion au domaine des biens . ecclésiastiques. La « loi domaniale » de 1790; le domaine public et le _ domaine privé de la nation. Aliénations. Les forèts des émigré és. Statis- tique forestière de 1807. Restitution des forêts des émigrés. Lois pour La et des forèts de 1814 et 1817. \ vier 4852). Aliénations sous le nd empire. Robin des forêts de la famille l'Orléans. HAS pour le reboisement des montagnes, Situation Fee des forèts D riiates en 1822. Reboisements de friches com- nales au cours du siècle dernier. Situation actuelle des forèts des 216 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES $ 4. — La propriété forestière privée. Jusqu'à la fin du moyen âge les forêts restèrent généralement propriété du roi, des seigneurs laïques ou ecclésiastiques et des communautés. Développement de la propriété privée par suite des aliénations. Etendue des forêts particulières en 1789. Acquisition des forêts aliénées par l'Etat de 1790 à 1870. Reboisements : Landes, Sologne, Champagne, Lor- raine, etc. Défrichements. S5. — Les droits d'usage forestiers. Les droits d'usage forestiers sont aussi anciens que la propriété forestière elle-même. Les lois barbares ; la loi salique de Clovis. Définition des droits par les chartes d’affranchissement. Restrictions à la jouissance des usagers : limitation aux besoins, délivrance, redevances usagères, Abus des usagers. Ordonnance de 1669, réduction des abus. Lois de ventôse An XI et An XII. Article 65 du Code forestier. Cantonnements. Situation actuelle des droits d'usage. $ 1°. — Les origines de la propriété forestière. Le territoire occupé par chacune des peuplades gauloises, au moment de la conquête, est appelé par César un pays (pagus). Ces pays étaient groupés, fédérés, en une cinquantaine de cités, véritables nations, à gouvernement parfois monarchique, plus souvent démocratique (1). Le domaine public, qui était immense, comprenait vraisem- blablement les forêts, bien commun. Il existait aussi des pro- priétés particulières. A peine la Gaule fut-elle pacifiée, les Romains s’occupèrent de son organisation adminisirative.Auguste divisa la Ga/lia comata en soixante-quatre circonscriptions financières qui prirent le nom de cités; cescités ne sesuperposent pasexactementà celles, moins nombreuses,que César avait trouvées à sonarrivée.Le sol de la cité se divisait en pays, pagt (2), et le pagus en fundi. On peut done comparer la civitas à notre département, le pagus à (4) La plupart des renseignements historiques de ce chapitre sont empruntés à l'excellente Histoire de France, en cours de publication, sous la direction de M. Lavisse, et notamment au 2° volume du tome I et aux 4e et 2e volumes du * tome II dont les auteurs sont MM. Bloch, Bayet, Pfister, Kleinclausz et Luchaire. (2) Le nombre des pagi fut de 305 pour toute la Gaule. #7. ht Ent ie) m7 UE TO M ANR ut 2 +3 RL nt te LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE 217 notre arrondissement, le f'undus à notre commune. Le terrain qui constitue le fundus s'appelle ager et les bâtiments construits sur ce dernier constitue la vi//a. Le groupe des vi//æ installées sur un même fundus s’appela plus tard un vil//agium et est devenu notre village. Toute la partie du territoire non attribuée à un particulier ou à un vicus par les géomètres chargés par Auguste de la confec+ tion du cadastre resta dans le domaine public et fut attribué au fisc impérial. La plupart des grands massifs de forêts, et notam- ment la sy/va vosaqus (les Vosges actuelles, les Faucilles et le plateau de Langres) furent dans ce cas ainsi que toutes les im- menses #arches forestières qui s’étendaient entre les espaces défrichés et occupés par les peuplades gauloises. On doit reconnaître dans le fundus romain lorigine de la plupart de nos communes rurales.Les plus anciennes remontent à un fundus qui date de l’époque impériale et dont les limites ont été fixées primitivement par les agrimensores employés à la confection du cadastre sous Auguste. C’est à propos de l’intro- duction de l’impôt foncier par Auguste que les anciens pagi gau- lois furent divisés en fundi. Le premier propriétaire fut un seigneur gaulois, un eqgues, auquel le cens impérial l'avait attri- bué, et qui le faisait cultiver par ses clients. Ces clients, formés sans doute par l’ancienne population antérieure aux Gaulois (Ibères, Ligures, etc.), consacraient jadis leur temps à l’agricul- ture, au soin des troupeaux et à la guerre. Sous la domination romaine, cessant de combattre, ils ne furent plus que laboureurs et pâtres. Leur ancien chef, devenu leur propriétaire, partagea son fundus en trois parts. L’une, la plus importante d'ordinaire, était abandonnée aux clients, aux servi, qui se la partageaient entre eux. Une autre était attribuée à la jouissance du proprié- taire nouveau que la puissance romaine avait créé; ce proprié- taire la mettait en valeur au moyen des corvées que ses serfs lui devaient en échange de la portion qui leur était concédée. La troisième était attribuée à la jouissance commune de tous les habitants; ce qui subsiste de cette troisième section se 218 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES retrouve aujourd’hui dans nes-biens communaux. La seconde est devenue le manse dominical du moyen âge, quant à la première elle est la première origine de la propriété foncière particulière actuelle; on l’appela plus tard le manse servile par opposition au manse dominical ou terre salique. Si la plus grande partie du territoire, en dehors des dokeias du fisc impérial, était couverte parles fundiil y avait cependant, en dehors de ces fundi, des villages libres, des vici. Les agri- mensores du 1% siècle nous montrent ces villages propriétaires de biens, notamment de forêts, qui étaient de véritables com- munaux. Ces villages libres sont sans doute des survivances des anciens groupements d’hommeslibres de la période gauloise. Le vicus ne paraît pas avoir eu de municipalité, il dépendait de la cité, mais ii n’en avait pas moins une personnalité distincte ot des biens propres (1). Il existait en somme, à l’époque solloiroaiRe cinq espèces de forêts distinguées par la nature de leurs propriétaires. 1° Les forêts du fisc impérial, probablement improductives et à peu près inexplorées, situées dans la montagneet les zones encore inoccupées de la plaine; 2 Les forêts des seigneurs, situées dans la partie du fundus que celui-ci s'était réservée ; 3° Les forêts des groupements libres ou vici, véritables forêts communales ; 4° Celles que l’ensemble des habitants des vi//æ d’un même fundus détenaient collectivement, à charge de redevances au seigneur concessionnaire, autre type de forêts communales; 5 Enfin celles qui pouvaient se trouver dans la partie du fundus partagée entre les clients par le seigneur. Les forêts de la première catégorie peuvent être assimilées à nos forêts domaniales actuelles, au moins dans une certaine mesure, en ce sens qu’elles appartenaient au domaine public de (1) Glasson, Histoire du droit et des institutions politiques de la France, t I, pages 328-29, D'Arbois de Jubainville, Recherches sur l'origine de la propriélé foncière... en France (1890). LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE 219 la nation. Mais elles lui appartenaient plutôt à titre de res nu/- lius, de bien inoccupé, et leur étendue devait s’accroître, vers la fin de la période gallo-romaine, de grandes surfaces de terrains abandonnés par leurs anciens maîtres. Les forêts de la seconde catégorie n’étaient pas entièrement accaparées par les propriétaires du fundus. Les serfs venaient y prendre les bois dont ils avaient besoin, notamment les gros _ bois d'œuvre, le materiamen. Sans doute, cette obligation du seigneur n’était et ne pouvait être l’objet d’aucun contrat écrit entre lui et les serfs. Ceux-ci n’étaient, en effet, qu’une simple marchandise, sans aucun droit, incapables de contracter et de stipuler. Ce n’est que beaucoup plus tard, lorsque-le serf fut affranchi, que put être dressé le dénombrement des obligations auxquelles il demeurait soumis envers son maître d’hier, et que _ fut écrite la /o2 de la terre, véritable contrat entre le proprié- taire de la forêt et ceux qui en avaient toujours joui, suivant la _ coutume vu même suivant la loi écrite, comme nous le verrons _ plusloin. _ Les droits de jouissance dans leurs forêts, que la force des _ choses et leur intérêt même avaient forcé les seigneurs gallo- romains à consentir à leurs serfs, sont la première origine des droits d'usage qui devaient jouer un si grand rôle jusqu’à nos jours. | Les forêts des troisième et quatrième catégories sont deve- nues, au fur et à mesure des affranchissements, des forêts com- munales dans le sens actuel du mot. Elles en sont le premier noyau. | Enfin les forêts de la cinquième catégorie doivent être consi- dérées comme le premier embryon de la propriété forestière privée. . On a dit souvent que l'installation des barbares germains en Gaule se fit sans violence, que les pillages ne furent que des faits isolés. Il y a sans doute quelqu'exagération dans cette opi- 220 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES nion, mais elle est exacte dans l’ensemble. Les Germains s’ins- tallèrent surtout dans les domaines du fisc, c’est-à-dire dans les biens non appropriés. Les empereurs déjà les y avaient attirés; lorsqu'ils furent devenus les maîtres, les barbares continuèrent le partage. Les lois des Burgundes et des Wisigoths, qui nous ont été conservées, celles des Francs tracent les règles de ce partage. Lorsque Clovis fut devenu le roi de toute la France, il divisa entre ses compagnons, ses leudes, les deux tiers du domaine impérial, le surplus resta son domaine royal : il com- prenait des forêts et des vi/læ (1). Les barbares n’étaient pas, nous l’avons dit, des ennemis de l’Empire. Les institutions romaines, la civilisation, leur inspi- raient une grande admiration. Ils ne tardèrent pas à renoncer à leurs anciennes mœurs pour imiter celles des Gallo-Romains, au milieu desquels ils étaient établis. Avant leur arrivée en Gaule, les Germains étaient divisés en une foule d'Etats indépendants gouvernés par des rois. Le chef militaire est appelé dux par les historiens romains ; ses compa- gnons sont les comûites. Il semble que la propriété privée ait été peu développée chez eux. Ils n’avaient pas de lois écrites. On voyait parmi les Germains des esclaves, des affranchis, des hom- mes libres et des chefs. Les domaines qu'ils occupèrent furent organisés exactement sur le modèle des fundi gallo-romains. Nous y trouvons la part réservée au patron : la /erre salique (de saal, habitation : la terre entourant la maison), appelée aussi, comme autrefois, mansus indominicatus, qui renferme, avec des terres cultivées, les forêts et les eaux. Le manse dominical est cultivé parles serfs (esclaves) attachés à la personne du maître, et les tenanciers de l’autre part du domaine y viennent travailler par corvées. La seconde partie de la vi//a est partagée en petites fractions (4) Le mot villa qui, chez les Gallo-Romains, désignaitl’habitation du proprié- taire du pundus ou domaine prit, plus tard, le sens de domaine. A l’époque féo- dale il finit par désigner sous le nom de villagium l'ensemble des habitations des vilains et des serfs. LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE DOMANIALE 221 dont le maître abandonne la jouissance à des serfs (esclaves), des affranchis (/èdes), des colons ou des hommes libres. A côté des wi//æ il subsistait des vice, des communautés d'hommes libres, qui remontent à la période gallo-romaine, peut-être au delà. Les Francs multiplièrent leur nombre. La cité de Tours en renfermait 31 à elle seule, dont plusieurs sont devenus des villes comme Amboise, Chinon, Loches. Ces vici mérovingiens étaient situés sur les grandes routes et habités par une population de marchands, d'artisans, de cultivateurs-pro- priétaires. Les habitants du vicus avaient une caisse commune ; ils possédaient une église qu’ils avaient construite et entrete- naient ; ils formaient une personne morale : une paroisse. Ils possédaient aussi en commun des forèts,comme nous l’avons vu déjà sous la période gallo-romaine. $S 2. — Les forêts du domaine. Nous avons indiqué, au paragraphe précédent, quelle est l’ori- gine première des forêts qui, sous l’ancien régime, s’appelaient forêts du domaine royal ou de la couronne. La constitution de ce domaine remonte aux opérations des agrimensores d’Au- guste, qui englobèrent dans les biens du fisc impérial romain toutes les terres sans maître. Celles-ci étaient, sans aucun doute, à peu près complètement boisées et couvraient, semble- t-il, plus de moitié du territoire de la Gaule d'alors, soit plus de trente millions d'hectares. Celte étendue s’accrut encore considérablement, vers la fin de la période gallo-romaine, de tous les biens abandonnés en masse, à cette époque, par leurs anciens détenteurs. Clovis, devenu maître de la France, retint, dans son domaine royal, un tiers environ du domaine gaulois des empereurs. À mesure que la puissance royale déclina, les forèts passèrent aux mains des seigneurs, des abbayes et des églises. Au x siè- cle Le roi ne possédait plus guère que les massifs des environs de Paris et une partie de ceux du bassin moyen de la Loire. 222 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES Petit à petit, à partir de cette date, les forêts rovalés s’accru- rent en même temps que la monarchie grandissait, malgré de … nombreuses causes de diminution dont la principale fut les donations consenties aux ne dont l’avidité, l’importunité et les sollicitations réussirent, à toutes les époques, à arracher à la faiblesse du souverain des lambeaux du domaine. Les rois proclamèrent, de très bonne heure, l’inaliénabilité de leur domaine. François Ir, en 1539, ne faisait que répéter une thèse bien antérieure à l’avènement de sa race, lorsqu'il disait : « Le domaine et patrimoine de notre couronne est sacré et ne peut tomber au commerce des hommes, » déclaration pompeuse malgré laquelle le roi, comme onssait, ne laissa pas écouler une seule année de son règne sans que quelqu’édit ou lettre patente vint remettre à l’une des personnes deson entourage une nou- velle parcelle du domaine de ses ancêtres. Les aliénations ou dons, trop souvent scandaleux, de ce roi provoquèrent, sous Charles IV, sur Pinitiative du chancelier de l’Hospital, la célè- bre ordonnance de février 1566 connue sous le nom d’ordon- nance du domaine ou d’édit de Moulins. Dans cet acte, le roi, avec toute la solennité possible, s’interdit à lui-même et à ses successeurs toute aliénation du domaine de la couronne, sauf pour constituer un apanage réversible aux « puînés de la maison de France » ou pour nécessité de guerre. Malgré l'interdiction qu’il s’était faite, Charles IX aliéna, lan- née même de son édit de Moulins, des forêts du domaine et il recommença en 1569, 1570 et 1574. Il est vrai que ces ventes ne furent faites que « sous faculté de rachat perpétuel ». Henri III confirma l’édit de Moulins en 1579. Il révoqua les ventes, cessions, etc., de ses prédécesseurs et réunit à nouveau toutes les parties ainsi distraites. Il reconnut que les ventes avaient souvent été fictives et non suivies de paiement; celles qui avaient donné lieu à un versement de deniers devaient être remboursées. Cependant, ce roi consentit encore, postérieure- ment à 1579, plus d’aliénations que n’en avait faites aucun de ses prédécesseurs. he: (CARRE LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE DOMANIALE 223 Les rois Louis XIIF, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI sui- virent une politique domaniale identique. Chacun s’efforçait de faire rendre gorge aux courtisans du règne précédent, sauf à gratifier ceux qui l’entouraient. Mais l’avidité et la constance des seigneurs furent plus efficaces que l'autorité royale elle- même et le domaine continua à s’émietter progressivement. Concurremment avec ces causes de réduction du domaine on peut en signaler quelques-unes qui l'accrurent. Lors de l'avènement de Henri IV ce prince apporta loyale- ment au domaine de la couronne son patrimoine privé,qui com- prenait d'immenses surfaces boisées, notamment dans notre département actuel de l’Ariège. Ces forèts, qui appartiennent encore aujourd'hui à l'Etat, sont plus considérables, il est vrai, par leur étendue, qui dépasse 82.000 hectares, que par leur valeur : elles renferment plus de 56.000 hectares improductifs et sont grevées de nombreux droits d'usage. Nous avons vu les rois de la première race déjà préoccupés _ de restreindre à leur profit le domaine ecclésiastique. Ces ten- talives continuèrent avec d’autant plusd’äpreté et de succès que d’une part le pouvoir civil grandissait et que, d'autre part, di- minuait l’autorité et le prestige de l’Église. Le roi et les sei- gneurs imposaient leur protection au monastère et ils en profi- taïent pour le dépouiller. Leur meilleure tactique consistait à introduire dans la place, c’est-à-dire dans l’abbaye ou l’évêché, des membres de leur famille : la querelle des investitures a tenu dans l’histoire une place qui ne s'explique entièrement que par cette considération. C’est ainsi, par exemple, que les ducs de Lorraine vinrent à bout des grandes abbayes, dont la plus riche était celle de Remiremont : en établissant sur le trône abbatial des princesses de leur sang. Grâce à ce procédé ils obtinrent ces accompagnements et concessions diverses qui, pe- tit à petit, ramenaient au souverain une partie de ce qu’avaient si libéralement concédé les rois des deux premières races. Les seigneurs agissaient de même, chacun dans son fief. L'Église, 224 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES surtout à partir du xvi° siècle, devenait de plus en plus impuis- sante, tant par suite de la diminution de la foi, après les guer- res de religion, que par suite du relàchement de ses mœurs, conséquence inévitable de la richesse excessive que lui avait procurée l’immense plus-value de son domaine au cours des siècles. Il est superflu, du reste, de faire ressortir l’augmentalion qui résulta pour le domaine de l’accroissement des territoires sou- mis directement à l’ autorité royale. Les conquêtes de l’Alsace, de la Franche-Comté, de la Lorraine, apportèrent au domaine de la couronne des centaines de milliers d'hectares de forêts venant fort à propos compenser dans une certaine mesure les effets de la prodigalité des souverains. En somme, à la veille de la Révolution, le domaine royal ne renfermait plus que 473.000 hectares de bois (926.000 arpents) qui fournissaient un revenu annuel de six millions de livres (1), soit environ 13 livres par hectare et par an. Trois apanagis- tes (2) détenaient environ 176.500 hectares; 91.000 hectares étaient engagés à des personnages divers et 56.000 affectés au service des salines ou établissements industriels. Le décret du 4 novembre 1789 réunit au domaine les biens ruraux du clergé et cette mainmise s’étendit ensuite aux biens des séminaires, des ordres religieux, etc. En 1791 les forêts na- tionales,d’après un rapport du Comité des domaines à la Cons- tituante, avaient une étendue de 1.704.917 hectares. En 1790, diverses lois furent rendues en vue de laliénation des biens domaniaux. Celle du 1° décembre 1790, dont le rapporteur fut le député Enjubault, et qu’on appelle « la loi domaniale » éta- blit pour la première fois la distinction, encore en vigueur, (1) D’après un rapport présenté à la Convention en {l'an IT. On lit dans le Compte rendu au roi » de 1781: « J'ai vu que Votre Majesté possédait actuelle- ment environ un million d'arpents de bois indépendamment de ceux situés dans les apanages et de ceux qui sont affectés aux salines et aux usines, » (2) Ces apanages avaient été constitués au profit des d'Orléans en 1661, du comte de Provence en 1771 et du comte d'Artois en 1773. LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE DOMANIALE 225 entre le domaine public et le domaine privé de la nation (cette nouvelle désignation de domaine national se substitua dès lors à celle de domaine du roi ou de la couronne). Le domaine public comprend les routes, canaux, ports, places fortes, etc.; il est inaliénable et imprescriptible. Le second comprend, entre autres, les forêts; il est aliénable et prescriptible. Toutefois Les forêts ne peuvent être vendues que si elles ont moins de 51 hectares (cent arpents) et sont à moins de 1950 mètres (mille toises) d’autres forêts. Les grands massifs restent inaliénables comme sous l’ancien droit. Plus tard les limites à partir des- quelles les forêts peuvent être vendues furent modifiées. Une loi de l’an IV autorisa à vendre celles de moins de 153 hectares qui sont à plus de 975 mètres d'autres massifs. Le décret-loi du 12 février 1792 réunit au domaine les forèts des émigrés (environ 634.000 hectares). Le traité de Bâle, en 1795, rendit à la France sa frontière naturelle du Rhin à l'Est et augménta ainsi, quoique dans une assez faible mesure, l’éten- due des forêts nationales. Après ce traité, d’après la commis- sion du Conseil des Cinq-Cents, cette étendue était de 2.592.706 hectares. La pacification des esprits amena, dès l’an VIII (4 nivôse), une révision générale des listes d’émigrés: y furent seuls main- tenus ceux qui avaient porté les armes contre leur pays. A la même époque, l'Administration des forêts nouvellement consti- tuée, commença à s’occuper de faire restituer quelques-unes des forêts dont les communes s'étaient emparées pendant les trou- bles. Elle réussit à réunir au domaine plusieurs milliers d’hec- tares. Le sénatus-consulte du 6 floréal an X décréta une am- nistie générale et dès lors les émigrés commencèrent à rentrer en foule. On les remit en possession de ceux de leurs biens qui étaient encore dans le domaine de la nation,à l’exception pour- tant des grands massifs de forêts déclarés inaliénables enl'anIV. Sous l'empire, Napoléon fit rendre un certain nombre de forêts confisquées et en aliéna quelques-unes (1). Par une singularité {1) A cette époque une partie (480 hectares) de la forêt domaniale de Haye ÉCONOMIE FORESTIÈRE. — I. 15 226 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES inexpliquée, les décrets ne furent pas publiés au Bulletin des lois et l’on ignore l'importance des distractions ainsi effectuées. L’Administration des forêts ordonna, en 4807, la confection d’une statistique qui révéla l'existence de 2.321.802 hectares de forêts domaniales dans la France d'alors ; le revenu en était de cinquam millions de francs. Le 25 février 1813 le ministre de l'Intérieur, dans un exposé de la situation de l'empire présenté au Corps législatif, déclarait « huit millions d’hectares en bois et forêts, outre les arbres épars, assurent à la France ses be- soins en combustible et en bois de construction : des recense- ments faits avec soin dans toutes nos forêts ont prouvé que nous avions sur pied en hautes futaies, bordures ou baliveaux, de quoi construire plusieurs milliers de vaisseaux de guerre. Un million huit cent mille hectares de ces bois appartiennent à des particuliers, le reste appartient à l'Etat et aux communes. Le revenu annuel des bois est de cent millions (1) ». La perte des territoires abandonnés par Louis XVIII lors du second traité de Paris en 1815, et toutes les autres causes d’a- moindrissement avaient réduit considérablement le domaine national qui ne comprenait plus que 1.300.000 hectares environ en 1815. : Le premier budget de la Restauration (loi des finances du 23 septembre 1814) ordonna la vente de 300.000 hectares des forêts de l'Etat. 45.900 hectares seulement avaient été aliénés lorsque les ventes furent suspendues én 1816. En 1817, le parti ultra-royaliste s’agitait à la Chambre pour obtenir la reconstitution du domaine ecclésiastique tel qu'il exis- tait en 1789. On crut devoir faire une concession. On consentit à distraire de la masse des bois nationaux une étendue suffisante (Meurthe-et-Moselle) fut abandonnée à un nommé Cellières en paiement d'une fourniture de draps faite à l'armée. (1) La France de 1813 comprenait 130 départements et s'était accrue, depuis que la statistique de 1807 avait été faite, de la Hollande, du Valais, d'une partie de la Westphalie et des villes hanséatiques, Il semble que le ministre de 1813 exagère singulièrement l'étendue des forêts publiques en réduisant celle des forêts particulières. Son appréciation de la quantité de chênes disponibles pour la marine est aussi très optimiste. 7 GET, LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE DOMANIALE 227 pour former un revenu de 4 millions de francs destinés à la dotation des biens ecclésiastiques. Le surplus des bois de l'Etat fut attribué en propriété à une « caisse d'amortissement de la dette », qui devait employer à son objet spécial les revenus et Le produit d’aliénations consenties jusqu’à concurrence de 150.000 hectares (loi du 25 mars 1817). 123.000 hectares furent ainsi aliénés (1). Il ne restait plus, en 1830, dans le domaine de la nation, aucune parcelle de bois provenant des confiscations révolution- naires. Les forêts non aliénées avaient été rendues en nature en 1814 ou antérieurement et les anciens propriétaires avaient été indemnisés, de 1825 à 1830, de la valeur en argent de celles que l'Etat avait vendues. Lors du vote du Code forestier, en 1827, le domaine de l’Etat comprenait 1.123.000 hectares de bois. Au moment de son avènement au trône, le roi Louis-Phi- lippe, par acte daté du 7 août 1830, fit donation à ses enfants de tous ses biens en s’en réservant toutefois l’usufruit (2). Il voulait éviter que son domaine privé ne füt incorporé au domaine de Etat, conformément à la règle constante suivie jusqu'alors. De 1830 à 1848 il fut encore pratiqué de nombreuses aliéna- tions, 188.166 hectares furent vendus en exécution de la loi du 25 mars 1831. En revanche le domaine s’accrut d'environ 18.000 hectares, compensation faite des autres causes de réduction (cantonnements de droits d’usage, expropriations, ete.). En 1848, il comportait enccre 1.823.642 hectares et il ne subit aucune diminution sous la seconde République, jusqu’en 1852. Un décret du 22 janvier 1852 porte: « Considérant que dans l’ancien droit public de la France (41) Le Mémorial statistique el administratif des forêts du royaume de Herbin de Halle, pour l’année 1822, donne les contenances suivantes : forêts de l'Etat 1.187.000 hectares, forêts de la Couronne 66.000 hectares, forêts des princes de la famille royale 172.000 hectares (dont 123.000 à la famille d'Orléans, soit en apa- nage soit à litre privé, 38.000 au duc de Bourbon, prince de Condé, à titre privé ou en apanage, et 10.000 au comte d'Artois à titre privé). (2) Le revenu de la fortune personnelle de Louis-Philippe était de 3.865.000 fr. lors de son avènement au trône, A Le Ten f. à 228 L\ PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES : maintenu par le décret du 21 septembre 1790 et par la loi du 8 no- vembre 1814 tous les biens qui appartenaient aux princes lors de leur avènement au trône étaient de plein droit et à l'instant même réunis au domaine de la couronne, « Considérant que cette règle fondamentale de la monarchie a été appliquée sous les règnes de Louis XVIIT et de Charles X et reproduite dans la loi du 15 janvier 1825, « Qu’aucun acte législatif ne l’avait révoquée lorsque, le9 août 1830, le roi Louis-Philippe accepta la couronne..., etc..…., etc. «Art, 4° : « Les biens compris dans la donation faite le 7 août 1830 par le roi Louis-Philippe sont restitués au domaine de l'Etat. » De 1852 à 1870 le domaine fut réduit par de nouvelles ventes très nombreuses et des cantonnements de droits d'usage. En revanche, la réunion des forêts de la famille d'Orléans, le reboi- sement des dunes et les acquisilions faites en vue du boisement des montagnes le portèrent, tout compte fait, à 1.085.565 hec- tares en 1870. | Aucune aliénation n’a plus été pratiquée depuis cette date (1). Le traité de Francfort fit perdre au domaine 97.025 hectares en Alsace-Lorraine. La loi du 29 décembre 1872 en enleva 24.667 hectares au profit de la famille d'Orléans. Après ces per- tes il ne restait plus que 963.873 hectares de forêts domaniales en 1872. Depuis cette époque, de nombreuses acquisitions ont, toute compensation faite des pertes par suite de cantonnements, expropriations, etc., ajouté 191.915 hectares au domaine qui comprend (au 1° janvier 1903) 1.156.000 hectares de forêts ou terrains à reboiser. Sur cette élendue : 634.000 hectares ou 55 0/0 de la conte- nance sont d’origine domaniale ancienne ; 260.000 hectares ou 22 0/0 de la contenance sont d’origine ecclésiastique ; | (1) La contenance totale des bois domaniaux aliénés de 1814 à 4870 est de 358.922 hectares vendus 306.415.000 francs. LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE COMMUNALE 229 262.000 hectares ou 23 0/0 proviennent d’acquisitions récentes. Cette dernière catégorie de forêts, d'acquisition récente, pro- vient pour sept dixièmes d’achats de terrains effectués depuis cinquante äns en vue du reboisement des montagnes, pour deux dixièmes du reboisement des dunes maritimes effectué au siècle dernier, et pour un dixième d’acquisitions diverses. :$ 3. — La propriété forestière communale. Nous avons vu, dès l’époque mérovingienne, des groupe- ments d'hommes libres, possédant wf universi des forêts com- munes (1). Ces groupements ou vicr étaient nombreux dans cer- taines régions; il y en avait 400 sur le territoire des Helvètes, qui comprenait les 2/3 de la Suisse actuelle. Peut-être y a-t-il une relation entre la facon dont sont distribuées celles de ces communautés qui ont subsisté et celle dont sont actuellement distribuées les forêts communales, si irrégulièrement réparties sur notre territoire. Mais ce n’est qu’à partir du xm° ou du xiv° siècle, lors des affranchissements, que la propriété communale prit une grande importance. Désireux d'augmenter le nombre de leurs tenanciers, les sei- gneurs, à partir du xue siècle, créèrent sur leurs domaines des villes neuves où ils atliraient les populations en leur concédant des droits divers et notamment la liberté communale par l’oc- troi d’une charte. Pour la première fois, les anciens serfs pu- rent ainsi stipuler avec le maître et posséder des droits écrits: De leur côté, les vilains des groupements anciens s'unirent et obtinrent, eux aussi, de gré ou de force, leur charte de franchise. Les chartes d'affranchissement, tantôt confirment une pro- (4) La ville de Dôle (Jura) possède aujourd'hui encore 300 hectares de forêts, dans la Serre, qui, d'après un arrêté de réformation du commencement du xvi® siècle, appartenaient en commun aux habitants w{ universi dès l'époque gallo-romaine. De même les tenanciers de l'abbaye de Wissembourg (Alsace) possédaient au xine siècle, en outre de leurs droits de jouissance sur la forêt abbatiale, des forêts propres (aujourd'hui encore communales) restées commu- nes depuis l'époque mérovingienne. 230 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES priété forestière ancienne,tantôt la constituent de toutes pièces. A la communauté, être moral nouveau,le seigneur donne quel- quefois, vend le plus souvent* ou acense (1) une certaine éten- due de bois. La cession était faite sous conditions : une restric- tion fréquente est la défense de défricher ou d’aliéner. Le sei- gneur était donc donateur ou présumé tel, d’où son droit sou- vent affirmé d'intervenir dans la gestion. En Lorraine les ducs revendiquaient encore au xvu° siècle la nue propriété des forêts communales: dans le préambule d’une ordonnance de 1664, le duc Charles IV dit expressément,en parlant des forêts des com- munautés : « Attendu que ces bois leur ont été donnés à titre d’apanagé et d’usufruit seulement ». Certes la thèse du duc Charles eût été difficilement soutenable en droit, mais ce qui est certain c’est que le droit de propriété des communes n’a jamais été absolument complet sous l’ancien régime. Le décret de 1793 supprimant toutes redevances seigneuriales,droits féo- daux, censuels, etc..., consacrera pour la première fois la pro- priété complète et sans restriction des censitaires anciens. Les forêts communales proviennent non seulement de vestiges de l’antique propriété des tenanciers d’une part,des concessions ou acensements seigneuriaux d’autre part, mais encore des cantonnements de droits d'usage qui se pratiquèrent dès le xine siècle. Nous parlerons plus loin des droits d’usage. Désireux d’en affranchir leurs domaines, beaucoup de seigneurs prirent le parti d'abandonner une portion de leurs forêts aux communau- tés rurales en échange de leurs droits anciens. Il en existe des exemples remontant au x siècle, ils se multiplient dans la suite. Un grand nombre de forêts communales ont eu cette ori- gine au moyen âge,dans la période moderne et contemporaine. Nous verrons plus loin que le domaine communal devait s’a- (1) Les acensements, fréquents dans le nord-est de la France, sont des sortes de baux perpétuels : on concède une terre moyennant le paiement d'un cens annuel, en argent ou en nature. Beaucoup de communes payèrent des cens aux. dues de Lorraine, puis aux rois de France, jusqu à la Révolution, qui supprima les redevances dites féodales, _ LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE COMMUNALE 231 croître encore beaucoup, soit par usurpations, soit autrement, à La fin du xvur* siècle. Une cause agissant en sens inverse, pour réduire les forêts communales, fut le droit de friage. « On appelait ainsi la faculté reconnue par la pratique aux seigneurs de distraire et de s’attribuer le tiers des communaux qu’eux ou leurs auteurs avaient concédés gratuitement, en toute propriété, aux habi- tants d’une paroisse ou d’une communauté. Ce droit exor- bitant, reste des abus de la puissance féodale, avait encore élé aggravé par l'usage. Des triages avaient été habilement déguisés, puis le droit exercé de nouveau sur la portion laissée aux habitants. Quelquefois même, ceux-ci s’étaient. vu dé- pouiller, sous ce prétexte, du tiers des biens acquis à titre oné- reux (1). » Les rois de France eurent souvent à intervenir,pour réprimer les abus du triage. Une ordonnance de 1667 révoque tous les triages faits depuis moins de trente ans et défend d’en faire de nouveaux à l’avenir. Le roi ajoute, donnant ainsi l'exemple, qu’il fait remise, en cé qui le concerne, du droit de triage sur ses terres et seigneuries particulières. Il est vrai que deux ans plus tard l’ordonnance de 1669 (titre XX V, art. #) rétablit formellement le droit de triage, mais en le limitant au cas «où les bois étaient de la cession gratuite des seigneurs. et où les deux autres tiers suffisent pour l’u- sage de la paroisse ». En 1790 furent supprimés les droits de triage et de tiers denier (2). Tous les triages effectués depuis moins de trente ans furent révoqués. Cette dernière mesure donna lieu à de graves abus. Certaines communes s’emparèrent, sous prétexte d’usurpa- tions anciennes, de boïs ou terrains vagues, surtout domaniaux, (1) M. Larzillière. De l'administration et de la jouissance des forêts communales. Paris, Derenne, 1876, page 31. (2) Le droit de tiers denier était un droit exorbitant que s'étaient attribué les ducs de Lorraine, et qu'ils exercaient déjà au xiv* siècle, de retenir à leur profit un tiers du produit des coupes exécutées dans les forêts des communau- tés. Les cahiers de 1789 réclamèrent sa suppression et la loi de 1790 le supprima en effet à titre de redevance féodale. (M. Guyot, les Foréts lorraines, pp. 253 et suiv.). 4 232 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES qu’elles n’avaient jamais possédés auparavant.En 4792 l’Assem blée législative alla plus loin encore en annulant tous les tria- ges effectués depuis 1669, sans aucune distinction, Enfin la loi du 14 juin 1793 établit une présomption de propriété en faveur des communes sur tous les biens connus « dans toute la Répu- blique sous le nom de terres vaines et vagues,bois communaux, hermes, vacants, etc. », sauf le cas où leur détenteur pourrait présenter un acte authentique d'achat desdits biens à l’exclusion des titres « émanant de la puissance féodale ». Les communes s’empressèrent de profiter des dispositions de la loi de 1793. Leurs revendications furent favorisées par l’ins- titution d’une juridiction arbitrale qui devait juger sans appel toutes les demandes de l’espèce. Des abus scandaleux furent commis par des arbitres complaisants devant lesquels la cause des communes était généralement gagnée d'avance. Souvent même il arriva que les habitants, pressés de jouir, n’eurent pas la patience de recourir aux arbitres et se mirent eux-mêmes en possession des bois qui étaient à leur portée. Un moment l’on put croire que le domaine national allait être entièrement ab- sorbé par les communes. Une réaction était inévitable.Les lois du 4 brumaire et du 9 ventôse an IV supprimèrent la juridiction arbitrale et autorisèrent l’appel contre les décisions des arbi- tres rendues souverainement jusqu'alors. Les lois de brumaire an VII, et de Germinal an XI] ordonnèrent la révision générale de toutes les opérations faites depuis 1793; de grandes étendues de forêts furent restituées au domaine de l'Etat. La restitution fut cependant loin d’être complète, les communes restèrent généralement et sont encore aujourd’hui en possession de ter- rains boisés étendus dont elles s'étaient emparées de fait, sans intervention d’arbitres, à la faveur des troubles et désordres qui accompagnèrent les grandes guerres.La période révolution- naire fut l’occasion d’un accroissement considérable et définitif du domaine forestier des communes aux dépens de celui de VEtat. Nous”ne connaissons aucun renseignement digne de foi sur LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE COMMUNALE 233 la contenance des forêts communales sous l’ancien régime, Rougier de la Bergerie dont le livre (1) renferme du reste d'assez nombreuses erreurs, l’évalue à deux millions d’arpents en l'an IV, Ce chiffre est très invraisemblable ; on devrait peut-être le _ doubler. Baudrillart, mieux renseigné et plus consciencieux, indique le chiffre de deux millions d'hectares (2) pour la conte- nance des forêts des communes et des établissements publics en 1825. L’annexion de la Savoie et du comté de Nice ont augmenté de 170.000 hectares environ le domaine forestier communal ; le traité de Francfort l’a réduit de 200.000. Les cantonnements de droits d'usage au bois effectués depuis 1827 lui ont procuré un accroissement dont l’importance ne nous est pas connue ; il semble qu’on puisse l’évaluer à soixante mille hectares envi- ron (3). Les communes ont été autorisées à défricher 8.000 hectares dans le cours des cinquante dernières années. Enfin plus de cent mille hectares de friches communales ont été _reboisés en résineux depuis un siècle. En 1892 les communes et établissements publics possédaient en France : 1.917.630 hectares de forêts soumises au régime forestier, 297.852 — non soumises. — 2.215.482 Les forêts non soumises renfermaient 100.600 hectares de futaie résineuse, dont les deux tiers dans la région des landes de Gascogne, qui proviennent presque en totalité de reboise- ments de terrains en friche. (4) Les Forëts de la France. Paris, chez Arthus Bertrand, 1817. (2) Dictionnaire des Eaux et Foréts, t. 1, page 644, t. Il, page 848. Le Mémorial slalistique et administratif des foréls du Royaume, de Herbin de Halle (Paris) 1822), donne le chiffre de 1.885.000 hectares pour les forèts des communes et établissements publies en 1822. Ce chiffre, ainsi que celui de Baudrillart, ne con- cerne que les forêts soumises. (3) Nous verrons au paragraphe suivant que 44.461 hectares furent abandonnés de 1858 à 1868 à 475 usagers au bois. Soixante-huit usagers avaient été cantonnés de 1827 à 1858, et 254 restaient à cantonner en 1876. 23/4 | LA PROPRIÉTÉ ET ELA LÉGISLATION FORESTIÈRES $ 4. — La propriété forestière privée. La propriété forestière particulière ne prit de l'importance qu’assez tard, vers la fin du moyen âge. M. Guyot (1) nous ap- prend qu'avant le xvi* siècle on ne trouvait guère, en Lorraine, de simples bourgeois en possession de forêts; celles-ci étaient presque toutes détenues par le souverain, les seigneurs et les communautés. Il est probable qu’il en étaitde même ailleurs (2). Dès le xvi* siècle la propriété forestière commença à croître rapidement grâce aux aliénations de plus en plus fréquentes du souverain et des seigneurs. On verra plus loin que l’on peut admettre l’étendue approxi- mative de 4.400.000 à 4.500.000 hectares comme étant celle des | forêts particulières en 1789. Cette étendue s’accrut considérable- ment au cours du siècle suivant. Une première cause d’accroissement se trouve dans les alié- nations de forêts domaniales pratiquées jusqu’en 1870. Nous ignorons l’étendue exacte des forêts nombreuses aliénées avant 1814. De 1814 à 1870 on a vendu 359.000 hectares. On peut admettre que, de 1790 à 1870, les particuliers ont acheté à l’E- tat environ 700.000 hectares de forêts et leur domaine s’est encore accru d'environ 200.000 hectares cédés gratuitement, aux dépens du domaine de l'Etat, par Louis XVIIT, ses succes- seurs, et le gouvernement de l’Assemblée nationale en 1872. Une seconde cause d’accroissement réside dans les reboise- ments pratiqués au cours du xix*siècle par les particuliers. Nous les avons vus reboiser 600.000 hectares de forêts dans les Landes, 80.000 hectares en Sologne et autant dans la Cham- pagne Pouilleuse. D’après la statistique agricole de 1892 les par- ticuliers possédaient, à celte date, 820.000 hectares de forêts (1) Les Foréls lorraines, page 50. (2) La propriété forestière privée a certainement été beaucoup plus importante avant l'établissement du régime féodal. Du vre au xue siècle, l& plupart des do- maines privés passèrent aux mains des seigneurs laïques ou ecclésiastiques par | l'effet des contrats de vassalité, de précarité ou par spoliation pure et simple, LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE PRIVÉE 239 résineuses dans les départements où aucun résineux n’existe à l'état spontané (1), ce sont des boisements effectués dans le cours des cinquante ou soixante années précédentes. IL convient d'y ajouter la surface reboisée dans les départements où il existe des sapinières ou des pineraies spontanées et les surfaces reboisées en feuillus. Nous croyons être au-dessous de la réalité en esti- mant à 1.100.000 hectares le terrain reboisé par les particuliers au cours du siècle dernier (2). Dans le cours de ce siècle, la France s'est accrue du comté de Nice et de la Savoie, où les forêts particulières sont étendues etellea perdu l’Alsace-Lorraine où elles sont moins importantes. De ce chef, toute compensation faite, la surface des foréls par- ticulières a augmenté d’environ 30 à 40.000 hectares. D’autre part des défrichements ont été exécutés. On ignore l'importance de ceux effectués avant la promulgation du Code forestier. Depuis cette promulgation les particuliers sont tenus de faire autoriser administrativement le défrichement de leurs . bois ou tout au moins d'en faire une déclaration. Celle-ci a été faite, sans opposition de la part de l'Administration, pour 481.761 hectares de 1828 à 1903. Quelle a été l'étendue vraiment défrichée? Il est impossible de laffirmer, mais on doit admettre qu’elle a été _ bien inférieure à cette contenance. Beaucoup de propriétaires changent de détermination après avoir obtenu l'autorisation; beaucoup aussi ne formulent la demande de défrichement que pour mieux fixer la condition de leur immeuble, l'affranchir de toute ingérence de l'Administration, et, pensent-ils, en augmen- ter la valeur vénale (3). (4) Dans cette étendue sont compris 600.000 hectares de pignadas de Gascogne. D'après cette statistique la surface des bois résineux entre les mains des parti- culiers aurait augmenté de 53.100 hectares en 10 ans, de 1882 à 1892. Si l'on compare la contenance donnée pour les forêts particulières par la statistique forestière de 1876 (6.127.400 hectares) à celle que fournit la statistique agricole de 1892 on constate un accroissement de 70.000 hectares en 16 ans. (2) De 1877 à 1888 (en 10 ans) les particuliers ont reboisé 648 hectares dans le département de Meurthe-et-Moselle et en ont défriché 50. Dans celui de la Meuse ils ont, pendant la même période, reboisé 1605 hectares et défriché 38, (3) Statistique forestière de 1876, page 43. 236 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES La surface moyenne annuelle dont le défrichemeut a été autorisé était : de 5225 hectares par an pour la période de 1828 à 1836 9314 — — 1837 à 1846 13:919 _ — 1847 à 1856 13 818 — —— 1857 à 1866 4.491 = — 1867 à 1873 41.810 — + 1876 à 1885 862 — — 1886 à 1895 491 _ — 1896 à 1902 inclus En 1892, la contenance des forêts particulières était de 6.217. 090 hectares d'après la statistique agricole. $ 5. — Les droits d'usage forestiers. Les usages forestiers sont aussi anciens que la propriété fores- tière elle-même, et il ne saurait en être autrement si l’on songe que,dans l’origine, les forêts se trouvaient presque entièrement dans les manses seigneuriaux gallo-romains, les terres saliques franques. Les tenanciers, qui ne pouvaient se passer de bois ni de parcours, n'auraient pu subsister s’ils n’avaient eu des droits sur la forêt seigneuriale. Les lois barbares du v* et du vr siècle sont formelles à ce sujet. On lit, par exemple, dans la loi des Burgundes, au titre xxvim : St quis, Burgundio aut Romanus, sylvam non habeat, incidendi ligna ad usos suos de jacentivis et sine fruclu arboribus (1) in cujuslibet sylvà habeat libe- ram potestatem,neque ab eo, cujus est sylca, repellatur. La loi salique de Clovis est encore plus large puisqu'elle suppose que le propriétaire abandonne à la jouissance commune tous les arbres qu’il n’a pas explicitement réservés par une marque spé- ciale. Ces textes,souvent modifiés, notamment par la législation carolingienne, ont cependant inspiré les pratiques forestières jusqu'aux temps féodaux. A cette époque, il semble qu’il n’y eût (1) Ce sont les arbres autres que le chêne et le hêtre et qui ne peuvent, comme ces deux essences, servir à la nourriture des porcs. LES DROITS D’USAGE FORESTIERS 237 plus d’autre loi que la volonté du seigneur : cependant il y avait partout des coutumes locales qui durentêtre plus ou moins main- tenues. Les mêmes causes qui avaient amené la constitution des droits d’usage anciens obligèrent les barons féodaux à les res- pecter. Ils s’efforcèrent toutefois de les restreindre, par linsti- tution des forestæ, cantons dont les tenanciers étaient exclus. Les rois durent parfois intervenir pour limiter l’extension de ces défends ; on appelait dea/fforestare l'acte consistant à rou- vrir aux usagers un canton qui leur avait été fermé. Une des premières revendications des communautés rurales, lors des affranchissements, fut la définition des droits d'usage dans la forêt du seigneur. On peut supposer que la plupart des forêts données ou acensées à cette époque aux habitants le furent en vue de décharger la forêt seigneuriale de toute servi- tude en pourvoyant par ailleurs aux besoins des cultivateurs du domaine. Les chartes d’affranchissement ne firent que reconnaître les droits d'usage existants bien qu’elles disent souvent le con- traire dans l’espoir, sans doute,de faciliter ultérieurementau sei- gneur la reprise du tout ou de partie de ce qu’il prétendait donner gracieusement. Les chartes vraiment constitutives de nouveaux droits sont rares dans la période moderne ; elles ne visentguère que des abbayes, hospices ou des établissements industriels, forges ou verreries auxquels des droits sont concédés à mesure de la fondation des usines. Philippe de Valois, en 1346, s’inter- dit expressément la création de nouveaux droits d'usage. Les restrictions d’ordre général à la jouissance dans la forêt d'autrui résultent déjà du texte des lois barbares. On ne pouvait couper chez le seigneur que lorsqu’on ne possédait pas soi-même de bois suffisants. De là résultait sans doute la limitation du droit aux besoins effectifs et l'interdiction de faire commerce des bois usagers, restrictions qui se précisèrent dans la suite des siècles et subsistent dans notre droit actuel. Une autre restriction est l’imposition de la délivrance : l'usa- ger ne peut se servir lui-même; c’est le propriétaire qui lui 238 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES | ee délivre le bois ou indique le canton ouvert aux bestiaux. Cette obligation de la délivrance apparaît pour la première fois dans une charte alsacienne de 1144 de l'abbé de Marmoutier, près de Saverne. Elle est générale à la fin du xm° siècle ; ordonnance, de 1280 la mentionne expressément et toutes les suivantes,sans exception, la renouvellent. En 1318, le roi généralise la règle suivant laquelle seuls les cantons expressément déclarés défen- sables chaque année seront ouverts aux bestiaux usagers. Les forêts furent fermées aux moutons, aux chèvres (ordonnance de 1515, art. 72, de 1518, 1588, etc.), il fut interdit de conduire en forêt du bétail étranger (1583), tous les animaux durent for- mer un troupeau unique (1557-1583) conduit par un pâtre res- ponsable et agréé par la maîtrise (1601). Dans certaines forêts on indiquait les chemins que les animaux devaient suivre pour aller aux cantons défensables (forêt de Rouvrai, 1584; forêt de Chisé, 1602, etc.) Les droits d'usage ne paraissent pas avoir été accordés gra- tuitement à l’origine. Les chartes qui les définissent à partir du x siècle parlent expressément de redevances en argent ou en nature. Le taux de ces cens fut plusieurs fois relevé au cours de la période moderne, à mesure que baïissait la valeur du signe monétaire. Souvent les usagers payaient, en outre du cens dont ils étaient redevables au propriétaire, une indemnité à l’agent chargé de la délivrance. Les redevances usagères ne furent pas considérées comme droits féodaux à la Révolution, elles sont encore payées de nos jours. Malgré toutes les réglementations et réformations, les servi- tudes usagères ne cessaient de devenir de plus en plus nom- breuses et abusives. Il n’y avait presque personne, dit Pec- quet (4), habitant dans le voisinage d’une forêt royale, qui n’y prétendit à un droit d'usage; les forêts étaient comme acca- blées de l’excès de ces charges. Comme le déclarent souvent les ordonnances anciennes, ravagées par lesusagers, parfois parceux (1),Lois forestières, Préface. Paris, 1753. LES DROITS D'USAGE FORESTIERS 239 mêmes qui étaient chargés de les protéger, les plus belles forêts du royaume s’en allaient rapidement « du tout à ruine ». Il était temps qu'un pouvoir vraiment fort et une loi claire et complète vinssent meltre un terme « au désordre qui était devenu si universel et si invétéré que le remède en paraissait presque impossible (1) ». Le titre XX de la célèbre ordonnance de 1669 est entièrement consacré aux droits d'usage. L'art. 1% était ainsi conçu : « Révoquons et supprimons tous les droits de chauffage dont nos forêts sont actuellement chargées, de quelque nature et con- dition qu’ils soient. » Les articles suivants exceptaieut. de cette suppression : 1° Les attributions de chauffage faites aux églises, chapitres, abbayes, ete. ; 2° Les religieux, hôpitaux et communautés qui avaient chauf- fage par aumône; 3° Les usagers laïques dont les concessions étaient appuyées sur des titres ou une possession antérieurs à 1560. Les usagers de la première catégorie devaient seuls recevoir des délivrances en nature; ceux de la seconde devaient être payés en argent ainsi que ceux de la troisième, mais ceux-ci seulement jusqu’au moment où ils pourraient être dépossédés moyennant indemnité à fixer par le conseil du roi. Aucune nouvelle création de droits d’usage ne pouvait être faite à l’avenir. À la suite de ces dispositions les droits d'usage furent, dans beaucoup de forêts, notamment pendant les années 1673 à 1675, réglementés, réduits ou même rachelés et beaucoup d’abus disparurent. Malheureusement la pénurie du Trésor ne permit, ni un rachat général, ni même le remplacement par des verse- ments en deniers des délivrances en nature, et celles-ci ne tar- dèrent pas à être reprises à nouveau. (1) Préambule de l'ordonnance de 1669. 240 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES Pendant la période troublée qui suivit 1789, de très nombreu- ses communes s'étaient arrogé des droits dans les forêts de l'Etat ou se les étaient fait reconnaître par des arbitres, comme les y autorisait une loi du 28 août 1792. La loi du 28 ventôse an XI prescrivit aux prétendus usagers de produire leurs titres dans le délai de six mois. Le 14 ventôse an XII le délai de production fut prorogé de six mois encore, et cette fois à peine de déchéance pour ceux qui ne se seraient pas exécutés. | La loi de ventôse an XII ne reçut qu’une application partielle. Beaucoup d'usagers continuèrent à rester en jouissance sans avoir fait aucune production. Un certain nombre cependant furent déclarés déchus ; les titres de plusieurs furent examinés par les conseils de préfecture et les droits reconnus en tout ou en parlie. | L’art. 61 du Code forestier déclare déchus tous usagers, dont les titres n’auraient pas été antérieurement reconnus par le gou- vernement etles tribunaux, s’ils n’intentent pas, dans le délai de deux ans, une action judiciaire en vue de faire reconnaître leurs droits. ; En exécution de cet article une foule d’instances furent enga- gées de tous côtés. Actuellement les décisions sont acquises et les droits définitivement limités. L'article 62 du Code fores- tier interdit l’établissement de nouveaux droits dans les forêts de l'Etat. Les articles suivants définissent les moyens d’extinc- tion des droits d’usage. Le cantonnement est seul admis pour les droits au bois, le rachat pour ceux au pâturage. Aussitôt après la promulgation du Code forestier, le canton- nement des usagers au bois futentrepris dansles forêts de PEtat. L'Administration des forêts procéda d’abord au cantonnement des usages de cette nature et laissa au temps et au progrès agri- cole le soin de diminuer l’intensité des usages au pâturage (1) (1) Le pâturage en forêt n'a plus d'utilité permanente que 1° dans les régions méridionales très sèches, où les herbages font presque défaut. Là les habitants nourrissent les animaux au moyen des arbres d'émonde et par le pàlurage en LES DROITS D'USAGE FORESTIERS oh1 dont le rachat ne fut ordonné que dans des circonstances urgentes et exceptionnelles. De 1827 à 1857,soixante-huit groupes usagers furentcantonnés, dont quarante à l’amiable et vingt-huit judiciairement. Un décret de 1857, en facilitant les cantonnements amiables, vintimprimer une plus vive impulsion à ces utiles opérations. De 1858 à 1868 475 usagers au bois dans 194 forêts domaniales d’une étendue de 200.171 hectares furent cantonnés au prix de l’abandon de 44.461 hectares de forêts. Sur ces 475 opérations, 458 se firent à l'amiable. Au 1° janvier 1877 (1), il subsistait 946 droits d’usage dont 254 au bois (174 au bois de feu et 80 au bois de maronage) et 673 au parcours pesant sur les forêts de l'Etat au profit de 1012 communes ou sections de communes, de 799 particuliers et de 10 établissements publics. Les forêts grevées étaient au nombre de 373 d’une étendue totale de 510.201 hectares. Le volume des bois délivrés annuellement aux usagers était de 51.493 mètres cubes, valant 264.521 francs. La valeur des droits _ de parcours était estimée à un revenu annuel de 693.000 francs. Les droits d'usage au bois d'œuvre ne se rencontraient plus guère que dans la région pyrénéenne (les conservations de Toulouse et de Carcassonne en présentaient 68 sur un total de 80); ceux au bois de feu se trouvaient également localisés dans la région pyrénéenne (2) (89 sur 174 au total) et, en seconde ligne, dans la conservation de Paris, qui comptait encore, en 1877, 36 usagers au bois de feu. forêt qui peut devenir üne nécessité ; 2° dans les régions de grandes montagnes où les cultures forestières et pastorales sont les seules possibles, et où l'étendue des pâtures est insuffisante. En dehors de ces cas les usagers n'exercent guère leur droit ou ne paient les redevances usagères que pour éviter la déchéance, dans la pensée que l'Etat pourrait un jour racheter les droits subsistants. La commune de Champigneulles (Meurthe-et-Moselle), dont le droit de parcours s’é- tendait sur toute la forêt de Haye (7.000 hectares), y a formellement renoncé en 1887 pour être déchargée du cens de 16 fr. 40 par an qu'elle payait de ce chef à l'Etat. (1) Statistique forestière, Paris, Imprimerie Nationale, 1878. Il n'a pas été publié, à notre connaissance, de renseignements plus récents. (2) Sur 948 usagers au bois et parcours en 1877, il yen avait 507 exerçant leurs droits dans cette région et particulièrement dans la conservation de Toulouse, où l'on comptait 304 groupes usagers. ECONOMIE FORESTIÈRE. — I. 16 242 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES Sur les 254 usagers au bois, 92 étaient en voie d’être canton- nés en 1877. Il est à présumer qu’actuellement le travail dé dégrèvement doit être près de son terme en ce qui concerne, les droits au bois. ; Les droits d’usage sont assez rares dans les forêts commu- nales. Il n’y avait, en 1877, que 173 forêts d’une étendue de 61.511 hectares grevées au profit de 263 usagers, dont 30 seule- ment nee) au bois. La valeur des bois délivrés annuellement était estimée à 17.984 francs. On manque de renseignements sur l’importance des droits d'usage dans les forêts des particuliers. La prohibition de l’art. 62 du Code forestier ne s’étend pas à ces propriétés : il peut s’y établir aujourd’hui encore de nouvelles servitudes de l'espèce avec le consentement de leurs propriétaires, \ CHAPITRE II LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE $ 1. — Législation core à 1827. à Fe +488 Ë ire Le AS re de coupes. gascar . — Décretdu 10 février 1900. Le régime des concessions. | & 1. — Législation antérieure à 1827. {Jules Da qu’elles constituaient, en dehors des bois sacrés, un bien commun où 1 chacun se servait à sa guise (1). On ne con- # (1) Il existait per dès cette époque, des forêts privées, mais l'action “ pratique, dans les états gaulois, n'intervenait pas pour la protection de ces 244 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES naît aucun texte législatif visant les forêts pour l’époque gallo- romaine. 2 Dès le v° siècle, les rois wisigoths, burgundes et francs s'oc-. cupèrent de faire écrire les coutumes de leurs nations, en s’ins- pirant de la législation romaine qu’ils avaient appris à connai- tre. Ces textes nous ont été conservés; ils sont rédigés en lan- gue latine. La loi des Wisigoths fut codifiée par leur roi Euric, vers le milieu du v° siècle. Celle des Burgundes le fut par le roi Gondebaud, dans le dernier tiers du même siècle; on l'appelle | souvent la loi Gombette. La plus célèbre est celle des Francs, qui devient la loi de la France sous Clovis, c’est la loi Salique. Elle est restée en vigueur pendant de longs siècles dans notre pays ; Charlemagne en fit publier une nouvelle édition adaptée au progrès des mœurs, sous le nom de /ex emendata, laquelle fit loi, en principe, jusqu'aux premières ordonnances forestières des xmi et x1v° siècles. Les barbares arrivaient d’un pays où la forêt jouait un plus grand rôle encore que dans les Gaules. Les rois francs étaient des chasseurs passionnés, non pas comme les gallo-romains qui prenaient les lièvres et les perdrix dans des filets, mais à la ma- nière des premiers hommes : ils se plaisaient à poursuivre, au fond des bois, à cheval, et à tuer, l’épieu à la main, les sangliers les ours, les aurochs. C’est pourquoi, sans doute, nous voyons les textes abonder qui protègent la forêt et la propriété fores- tière. Ces législations anciennes étaient extrèmement sévères en matière de délits forestiers tandis qu’elles étaient fort indulgen- tes pour les attentats contre les personnes. Des amendes élevées, la perte d’un membre, des supplices sauvages ou même la mort menaçaient ceux qui coupaient des arbres de futaie (materia- men) tandis qu’il n’en coûtait que ériginta solidos à celui qui biens. Elle ne s'exerçait que dans le cas où l'État lui-même élait en cause. Les affaires de meurtre, pillage, etc., se réglaient entre les parties. Les Druides, souvent choisis comme arbitres, finirent par exercer régulièrement le pouvoir judiciaire, sans que leur juridiction prit jamais un caractère obligatoire. Elle n'avait, d’ailleurs, pour assurer l'exécution de la sentence, aucun autre moyen de contrainte que l'excommunication. LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 245 avait frappé un homme à la tête « assez fortement pour en faire sortir trois os (1) ». Les Francs avaient divisé la Gaule en circonscriptions admi- nistratives à la tête desquelles furent placés des fonctionnaires royaux, des comtes, qui, entre autres attributions, étaient char- gés de rendre la justice. Les comtes, qui réunissaient tous les pouvoirs, à peu près sans contrôle, étaient forcément devenus de véritables tyrans. Leur tribunal s’appelait le #na//. Ils étaient assistés, pour lexercice de leur pouvoir judiciaire, de rachim- bourgs ou bonti homines, sortes de jurés qui, au nombre de sept, étaient désignés spécialement pour chaque session. Plus tard Charlemagne remplaça les rachimbourgs par des échevins (scabini), personnages ayant le caractère de magistrats perma- nents. Il nous est parvenu un certain nombre de textes législatifs du début de la période carolingienne; les plus connus sont les Capitulaires, dont nous aurons l’occasion de citer plus loin quelques dispositions intéressant les forêts (2). A mesure que le pouvoir royal s’affaiblit, sous les succes- seurs de Charlemagne, par suite des usurpations seigneuriales, le rôle des lois écrites, rédigées par les premiers rois francs et révisées par Charlemagne, devint de plus en plus effacé. Les . comtes ne connaissaient guère d’autre loi, nous rapportent Gré- _goire de Tours et Eginhard, que leur intérêt ou leur caprice. Vers la fin du x° siècle, la France féodale ne fut plus qu’une agrégation de fiefs, de seigneuries grandes et petites, dont les maîtres, tdujours en guerre les uns contre les autres, selivraient sans frein à tous les caprices de la tyrannie la plus absolue. Il n’y eut plus de lois, plus de garanties contre l'arbitraire. Le seigneur seul rendait la justice, non seulementsur son alleu,surson patri- moine propre, mais sur son fief et sur toute l'étendue de son ancienne circonscription administrative. Du reste, la justice de (1) On peut supposer qu'il s'agissait de trois dents! Cette disposition, que nous citons d'après M. Meume, se trouve dans la loi Salique de Clovis. (2) Voir la troisième étude, chapitre ILE, $ 1. 2/6 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES | celte époque fut surtoutun revenu. Il s’agissait moins de dire le droit que de prononceretde percevoir des amendes. Aussi vit-on le seigneur vendre, moyennant finance, comme une ferme, le droit de juger et de percevoir l’amende. L'acheteur revendait, louait, sous-louait au détail le droit de justice, haute et basse. Les juridictions s’entremêlèrent, se confondirent, en une anarchie favorable au despotisme le plus effréné. Les rois cessèrent complètement de légiférer. À quoi bon, et qui leur eût obéi? Après le fameux capitulaire de Quiersy-sur- Oise, le silence se fit : il devait durer quatre siècles, au moins en matière de législation forestière. Les ordonnances des xr1°,xmme et xivfsiècles instituent un ser- vice forestier spécial, règlent ses attributions, indiquent les for- malités et la procédure des ventes et réglementent l’exercice des droits d'usage. Elles furent toutes refondues en 1402 en un texte nouveau, en 76 articles ; l’ordonnance de 1402 a été, en grande partie, reproduite dans celle de François I‘. Des dispo- silions intéressantes, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, visent l’assiette et Le balivage des coupes. | A partir du xvi° siècle, les ordonnances forestières se succè- dent avec rapidité. Leurs disposilions,souvent obscures,parfois contradictoires,firent naître une confusion telle que & désordre auquel elles prétendaient porter remède était arrivé à son com- ble au xvnr siècle. Il serait trop long et sans grand intérêt d’a- nalyser ici ces textes ; nous aurons l’occasion de revenir, dans le troisième volume de cet ouvrage, sur ceux qui présentent de l'intérêt au point de vue de l’histoire de la sylviculture. II. — L’orbonnance DE 1669. Telle était lasituation lorsque le grand ministre Couserr, frappé de l’appauvrissement des forêts, où les gros bois, et notamment les bois de marine, devenaient de plus en plus rares, prit Pini- tiative d’une réforme générale. En 1661 il adressa au roi un rap- LES LOIS DE POLICE FORFSTIÈRE 247 port proposant la réunion d'une commission destinée à étudier la question et à rechercher les remèdes au mal. Louis XIV entra dans les vues de son ministre et une ordonnance de 1661 forma un « Conseil de réformation des Eaux et forêts ». Vingt com- missaires furent choisis; des magistrats, des intendants, des jurisconsultes et des grands-maitres le composèrent. La prési- dence en fut donnée au magistrat le plus illustre de l’époque, à Guillaume de Lamoignon, le premier président du Parlement de Paris. Le premier acte du Conseil fut de proposer la suspension des coupes, et la déclaration de fermeture de toutes les forêts de la Couronne. Une ordonnance royale sanctionna ces mesures. Certes il ne fallait rien moins que la quasi toute-puissance de Louis XIV pour obtenir une pareille réforme. Mais le roi savait se faire obéir et il fut obéi. Pendant 8 années, jusqu’au 13 août 1669, aucune coupe ne fut pratiquée dans les forêts du roi, aucun usager n’y prit de bois, n’y introduisit de bétail. Le Conseil s’occupa ensuite de la rédaction d’une loi claire et précise à substituer aux dispositions confuses et parfois contra- dictoires des innombrables ordonnances qui régissaient le « fait des Eaux et forêts ». On consulta les chefs de tous les services forestiers, les procureurs généraux, les directeurs des ateliers de la marine, les jurisconsultes et ce fut après huit années d'application que, le 13 août 1669, Louis XIV rendit, sur le rap- port de Colbert, la célèbre ordonnance de 1669. Cette ordonnance a de tout temps été considérée comme un chef-d'œuvre de législation et la preuve que cette appréciation n’a rien d’excessif c’est que.malgré les modifications qui se sont produites dans le cours des siècles, le code forestier de 1827 s’en. est inspiré presque partout et que son étude est encore indispensable à ceux qui veulent bien se pénétrer de l'esprit de notre législation forestière actuelle. L’ordonnance de 1669 est formée d’un préambule et de trente- deux Titres. En voici les principales dispositions qui intéres- sent le sujet nous occupant en ce moment. 248 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES Le Titre I établit l'existence d’une juridiction spéciale pour la matière des Eaux et Forêts et définit sa compétence. Celle-ci . s’étendait au civil comme au criminel à toutes questions inté- ressant Les forêts, même de propriété lorsqu'elles étaient con- nexes à un fait de réformation ou soulevées à titre d'exception préjudicielle. Pour les délits ou crimes de droit commun les officiers des maïîtrises ne devaient intervenir qu’en cas de fla- grant délit pour remettre les fauteurs à leurs juges de droit commun. | Les officiers royaux n’étaient compétents dans les bois des communautés que lorsque les abus étaient commis par les pro- priétaires eux-mêmes, sinon ils devaient être saisis par une des parties intéressées. as Les Titres IL à XT inclusivement énumèrent les CHIC, des maîtrises et définissent leurs attributions. Les Titres XIT, XIIT et XIV contiennent les règles de la procédure devant les diverses juridictions qui étaient au nombre de trois : les tribunaux des maîtrises, les assises biennales et la table de marbre. à Le Titre XV est relatif aux assiettes, balivages et martela- ges, à la vente et à la police des exploitations. Les ventes se faisaient des bois sur pied et en bloc. Les agents forestiers ou leurs proches parents ne pouvaient être adjudicataires. Les bois devaient être abattus en hiver, avant le 15 avril.Il était défendu de couper la nuit, etc. Le Titre XVI traite des récolements. Les Titres XVII et XVIII réglementent les ventes de menus produits et de chablis. Le Titre XIX est relatif à l'exercice du pâturage par les usa- gers. Il prescrivait la désignation parles grands maîtres des can- tons défensables, interdisait la garde séparée,ordonnait la mar- que des bestiaux, emploi de clochettes (ceci était une innova- tion). Il interdisait absolument l'entrée des chèvres, brebis et moutons non seulement en forêt, mais encore dans les landes et bruyères, places vaines et vagues aux rives des forêts, sous LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 249 peine de la confiscation et de trois livres d'amende par animal. Les bergers étaient condamnés à dix livres d’amende la pre- mière fois et, en cas de récidive, fustigés et bannis hors du ressort de la maitrise. Le Titre XX traite des droits d'usage au bois. Le Titre XXI est relatif aux délivrances à faire àla marine ou aux bâtiments royaux. Le Titre XXI] traite des bois détenus à titre de douaire, engagement, concession, usufruit. Il était interdit aux usufruitiers de toucher aux futaies, chablis, bois de délits. Le Titre XXTIT traite des droits de gruerie, ségrairie, tiers et danger. Les Zitres XXIV, XXV et XX VI traitent des bois des écclésiastiques, des communautés et des habitants des parois- ses, et des bois des particuliers. Le Titre XX VII s'occupe de la police des forêts, eaux et ri- vières.L'artiele 1% réitère l’interdiction faite par l'Edit de Mou- lins de vendre aucune parcelle des bois du roi sous peine de 10.000 livres d'amende contre les acquéreurs et confiscation des terrains vendus avec tout ce qu’ils portent. Les riverains des forêts devaient s’en séparer à leurs frais, par des fossés de quatre pieds de largeur. Il était défendu de construire et même de planter à une certaine distance du périmètre des forêts roya- les. Il était interdit d’en enlever du bois, des plants, du sable, de la terre, etc., d'allumer du feu en forêt, d'y pénétrer de nuit ou en dehors des chemins avec des haches, serpes, etc. Les articles 14 et 15 unifient les mesures des bois de chauf- fage. Les articles 24 et 25 accordent et réglementent le droit de perquisition et visite domiciliaire. Les personnes décla- rées « inutiles » (4) ni leur famille ne pouvaient résider à moins de deux lieues des rives des forêts, Un état général de ces « inutiles » devait être dressé ; si quelques-uns de ces indi- vidus essayaient, pour ne pas être reconnus, de changer de nom, ils étaient passibles des galères ; les officiers des maîtrises (1) Vagabonds insolvables et délinquants. 250 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES devaient les arrêter et les déposer « dans les prisons des villes où la chaîne a accoutumé de passer ». Les Titres XX VIII et suivants traitent des essartements le long des routes, des droits de péage sur les cours d’eau (tous les droits que les seigneurs avaient mis sur la navigation inté- rieure depuis moins de cent ans furent supprimés et les autres révisés), de la chasse, de la pêche et de l'exécution des peines. L’ordonnance de 1669 a rencontré une vive opposition, sur- tout dans celles de ses dispositions relatives aux droits d'usage et à la jouissance des gens de main morte et des particuliers. Aussi plusieurs de ses dispositions ne furent-elles jamais com- plètement observées partout. Dans plusieurs régions du Midi le pâturage des moutons continua à être pratiqué en forêt ; il l’est encore de nos jours et continuera à l’être tant qu'il sera une nécessité pour certains pays. L'hiver extraordinairement rigoureux de 1709 fit dans les forêts des dégâts énormes. Ce qui fut pire encore c’est que tous les blés ayant gelé en hiver il survint une famine épouvan- table. Le gouvernement crut pouvoir obvier au retour de sem- blable calamité en favorisant l’extension de la culture du blé: . plusieurs ordonnances ercouragèrent et prônèrent le défriche- ment. En 1719 le régent essaya de réagir. Le ‘préambule de l’ordonnance de 1719 déclare que, en dehors des forêts du domaine et des communautés il n’en subsiste presque plus en France. Les bois aliénés et engagés depuis 1669 devaient à nouveau être réunis au domaine moyennant indemnité à leurs détenteurs. Cette prescription ne fut que partiellement obéie. En 1748 un arrêt important définit à nouveau les morts bois: ce sont les saules, les épines, les sureaux,lesaulnes, les genêts, genèvriers et ronces. Cet arrêt fit échapper à la destruction, par les innombrables usagers au mort bois, les charmes, trembles, peupliers, tilleuls et bouleaux. En 1762 et 1766, à la suite denouvelles famines, le roi rendit de nouvelles ordonnances en faveur du défrichement. En 1772, D: pr LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 251 le gouvernement installa dans les forêts et landes du Poitou, avec autorisation d’y défricher, 200 familles formant 3.000 indi- vidus émigrés du Canada à la suite de la conquête anglaise. La Révolution, comme tous les bouleversements politiques, amena des déprédations dans les forêts. Dès les premierstroubles, les populations se portèrent en masse vers les bois et y com- mirent toutes sortes d’excès. Dans une proclamation du 3 no- vembre 1789 le roi déclare que les habitants des villages rive- rains pénètrent en forêt journellement, le plus souvent en troupes et armés, qu'ils vendent publiquement le fruit de leurs vols, etc. On crut sauver les forêts de la destruction.en les pla- çant sous la protection « des municipalités et de tous les bons citoyens », mais le désordre alla sans cesse grandissant. Les municipalités qui, depuis 1789, se croyaient les maîtresses dans leurs bois se hâtèrent de réaliser les futaies et les quarts en réserve si bien qu’un arrêté du 8 thermidor an IV dut rap- peler les prescriptions de l’ordonnance de 1669. La loi du 14 sep- tembre 1792 rouvrit les forêts aux usagers. L'ordre ne com- mença à se rétablir que vers l’an IX, à la suite de la réorgani- - sation du service forestier. Un décret impérial du 17 nivôse an XIII remit en observance les prescriptions anciennes relatives à la police des droits d’u- . sage et interdit les exploitations abusives dont l'habitude s’était peu à peu établie partout. Au moment où il projetait une des- cente en Angleterre, Napoléon donna l’ordre d’abattre, dans toutes les forêts, une quantité immense de gros chènes pour être dirigés sur les arsenaux de la marine. Ce sont surtout les forêts des bassins de la Seine, de la Loire, de l’Oise, de la Meuse, de l’Escaut et du Rhin qui furent dépouillées de leurs plus beaux arbres. En 1813, la détresse financière fit songer un instant à l’alié- nation des forèts de l'Etat, mais cette proposition fut écartée. Les événements de 1813 à 1815 furent désastreux pour les forêts. On fit des coupes extraordinaires, on éloigna les gardes 252 LA PROPRIÉTÉ ET LA HÉGISLARON SORTE : # pour faire du service militaire. et les deux invasions furent | accompagnées d’une grande dévastalion. L’ordonnance de 1669 n’avait jamais été abrogée et restaitle code de la législation forestière. Mais beaucoup de ses dispo- ne sitions élaient inconciliables avec le nouvel état des choses et en opposition avec les lois récentes. D’autres, devenues suran- nées, étaient tombées en désuétude. Le besoin d’une nouvelle législation se faisait sentir d’une manière urgente. La loi orga- | L nique du service forestier de 1791 avait promis, dans son article final, une réforme complète de la législation notamment sur les bois communaux et la pénalité. Ce n’est qu’en 1822 qu’on commença à s’en occuper. Une commission fut instituée par arrêté du 20 septembre 1822 avec charge de rédiger un projet de code forestier. Elle fut composée de forestiers : Baudrillart, chef de division au ministère des finances, en fut le membre le plus connu et le plus | actif (1). Plusieurs fois revu et modifié, le texte du projet de la % commission, devenu projetde loi, fut enfin présenté à la Chambre | des députés le 25 décembre 1826. La loi fut votée par cette 4 assemblée à la majorité de 267 voix sur 275 votants. À Le 20 mai suivant la Chambre des pairs l’adopta à son tour 4 par 412 suffrages sur 115 votants et le roi la promulgua le 31 juillet 1827 : c’est notre Code forestier actuel. Trois mois plus tard parut l’ordonnance réglementaire qui venait détailler et à préciser certains points de la loi et fixer les pratiques adminis- tratives pour son application. $ 2. — Le Code forestier de 1827 et les lois postérieures. Le titre I du Code forestier institue un régime spécial, le Ré- | gime forestier,auquel sont soumises toutes les forêts publiques, c'est-à-dire celles que l'Etat, les Communes ou des Etablisse- (4) On trouve dans les écrits antérieurs de Baudrillart un grand nombre de, | propositions et même de textes que sanctionne la législation de 1827. RE Se LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 253 ments publics possèdent, soit à titre exclusif, soit en indivision avec des particuliers. Le régime forestier confère aux forêts qui y sont soumises divers privilèges dont voici les principaux: Les forêts soumises au Régime forestier sont gérées par le personnel de l'Administration des forêts de l'Etat, sauf paie- ment, par les communes ou établissements publics, d’une con- tribution dont le montant ne peut dépasser un franc par hectare ni cinq pour cent du revenu des forêts. Les communes soldent directement les traitements de leurs préposés, l'Etat paie ceux _de tous les agents. La délimitation et le bornage des forêts soumises au régime forestier se font suivant une procédure spéciale qui en facilite l’exécution, même sans l’intervention des riverains. La répres- sion des délits y est rendue plus aisée et plus efficace par toute une série de dispositions telles qu'une autorité plus grande donnée aux procès-verbaux constatatifs des délits ; ceux-ci ne péuvent être attaqués que par voie d'inscription de faux. ‘ Les poursuites sont exercées par les agents forestiers eux- mêmes, faisant fonction de ministère public, et devant le tri- bunal correctionnel seulement, quelle que soit la nature de la peine. Aucune excuse de bonne foi, aucune circonstance atté- nuante n’est admise en matière forestière. Il est interdit de construire à moins d’une certaine distance du périmètre des fours à chaux, tuileries, briqueteries, des ate- liers à façonner le bois, des scieries, des chantiers de dépôts de bois et même des maisons ou hangars isolés. La police des exploitations est minutieusement réglementée; « le Code fo- restier contient une série d’incriminations spéciales aux adju- dicataires de coupes dans les bois soumis au régime. Ce sont autant de sanctions pénales de simples inobservations des con- _ditions du contrat de vente, qui, sans ces dispositions du Code, ne pourraient entraîner que des dommages-intérêts, sinon des peines moins sévères (1). » (4) M. Ch. Guyot, Les Foréls, no 556. In Répertoire général alphabétique du Droit français, par Carpentier et Frèrejouan du Saint: Paris, 1901. En 25/ LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES Les adjudicataires sont présumés coupables de tous les délits qui se commettent dans leurs coupes ou même à 250 mètres des limites de celles-ci lorsqu'ils ne les ont pas eux-mêmes signalés tout d’abord et n’ont fait toutes diligences pour en découvrir les auteurs. En revanche les communes et établissements publics sont tenus d’abandonner la gestion de leurs forêts aux agents de l'Etat et ne peuvent même désigner leurs gardes, qui sont nom-. més par Les Préfets sur la présentation des Conservateurs. Les aménagements de leurs forêts sont soumis à leur approbation; mais celle-ci une fois donnée ils ne peuvent intervenir dans la marque des coupes et les autres opérations pratiquées en exé- cution de ces aménagements : les agents forestiers en ont la direction et la responsabilité exclusives. | Ces aménagements eux-mêmes sont réglementés dans une certaine mesure. Un quart de la contenance dans les forêts de taillis, un quart de la possibilité dans celles traitées en futaie, est mis en réserve pour subvenir à des besoins urgents ou imprévus. L’exercice du pâturage est soumis aux mêmes restrictions que lorsqu'il est exercé par des usagers dans les forêts de l'Etat. Les forêts communales ou d'établissements publics ne peuvent être ni vendues, ni louées, ni partagées entre les habitants. Les pro- duits n’en peuvent être vendus qu'avec l’intervention des agents forestiers et, lorsqu'ils sont partagés en nature, les règles de délivrance et de partage sont minutieusement tracées par la loi. En dehors de ces dispositions conservatrices, qui sont spécia- les aux forêls soumises au régime forestier, le code de 1827 en édicte d’autres qui s’appliquent à tous les bois et forêts en général, y compris ceux des particuliers. Tous les gardes forestiers (ycompris ceux régulièrement com- missionnés, agréés et assermentés des forêts particulières) sont officiers de police judiciaire et possèdent, comme tels, le droit de requérir la force publique, d'arrêter tout inconnu surpris en LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 255 flagrant délit, de procéder à des visites domiciliaires avec l’as- sistance d’un officier public (4). Ils peuvent saisir et mettre sous séquestre les équipages ou instruments des délinquants ainsi que les bestiaux trouvés en délit. Il est interdit de circuler en forêt, en dehors des chemins publics qui les traversent, avec des-instruments propres à cou- per le bois, d’y passer avec des voitures ou avec des bestiaux. [l'est également défendu d’apporter ou d’allumer du feu en forêt ou même dans une zone de 200 mètres autour d’une forêt. Les sanctions pénales sont en général très rigoureuses : l’a- mende, la contrainte par corps, la prison; celle-ci obligatoire- ment prononcée dans certains cas (art. 195). Les demmages- intérêts ne peuvent être inférieurs à l’amende. Une série très complète de dispositions sont prises au sujet de la police des droits d'usage dans les forêts. « L'exercice des droits d’usage pourra toujours être réduit par l'Administration suivant l’état et la possibilité des forêts » (art. 65 et 119). Celle-ci étant la quotité du revenu à fournir par la forêt en vertu de son aménagement, lequel est un acte ad- ministratif à l'exécution duquel les usagers n’ont point de part, on voit quelle est la portée des articles 65 et 119. Comme déve- loppement de ce principe, le pâturage ne peut être exercé que dans les cantons que l'Administration a expressément déclarés défensables. Ces dispositions sont applicables à toutes les forêts, y compris celles des particuliers. Les chemins par lesquels peuvent passer les bestiaux des usagers sont limitativement dé- signés par les agents forestiers dans les bois soumis au régime, par les propriétaires particuliers dans leurs propres bois. Les bestiaux doivent être réunis en un seul troupeau conduit par un pâtre commun; les bêtes à laine et les bêtes aumailles doivent porter chacune uneclochette au cou; tous les animaux introduits doivent être marqués de l'empreinte d’un fer dont l'agent fores- (1) Les gardes des forêts soumises au régime peuvent exercer ce droit directe- ment (art.164 du Code forestier); ceux des forêts particulières doivent passer par l'intermédiaire des maires. 256 LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES tier garde le dépôt dans le cas de forêts soumises au régime forestier. | Dans les forêts de l'Etat il ne peut être introduit plus d’ani- maux que les agents forestiers ne le jugent compatible avec la règle imposée de jouir en bon père de famille. Les chèvres sont formellement exclues des forêts et les moutons n’y peuvent -être introduits que vertu de décrets rendus pour un temps limité et spéciaux à chaque localité. Les usagers au bois ne peuvent se servir eux-mêmes ; Le bois leur est délivré par les agents forestiers dansles forêts soumises au régime ou par les particuliers dans leurs forêts. Ces bois ne peuvent être appliqués qu'aux besoins personnels des usagers : il est interdit de les vendre ou échanger. Le propriétaire d’une forêt a toujours le droit de cantonner les usagers au bois, c’est-à-dire d’affranchir son immeuble de toute servitude de l’espèce en abandonnant, en toute propriété, une partie de la forêt. Ce mode d’extinction est du reste le seul admis pour les droits d’usage au bois qui ne peuvent être sup- primés contre indemnité pécuniaire. Les droits d'usage au pàturage, au contraire peuvent être rachetés. Les usagers ne peuvent pas plus s’opposer au cantonnement qu’ils ne Poor lexiger. Une loi spéciale du 19 août 1893 est relative « aux mesures à prendre contre les incendies dans la région des Maures et de l’Esterel ». Elle interdit tout allumage de feu, pour quelque motif que ce soit, pendant les quatre mois d'été, à l’intérieur et à moins de 200 mètres des périmètres des forêts. Elle autorise les agents et préposés forestiers à pénétrer dans les forêts des particuliers pour y surveiller lapplication de cette défense. Tout propriétaire de forêt est tenu de contribuer, pour sa part, à l’ouverture d’une tranchée d'isolement de 20 mètres de lar- geur entre sa forêt et la forêt voisine. Les Compagnies de che- mins de fer sont obligées d’entretenir des tranchées débrous- saillées de 20 mètres de largeur de chaque côté de leurs voies. Les maires, les agents et les préposés forestiers sont munis de Le LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 257 pouvoirsspéciaux pour les mesures à prendre en cas d’incendies. Il faut regretter qu’on n'ait pas réussi, jusqu’à présent, à faire 5 q > : aboutir une loi analogue pour la région des pignadas landaises. Le] L’inconvénient qui pouvait résulter, dans certains cas, de la rigueur des textes qui n’admettent ni la bonne foi ni aucune cir- constance atténuante a disparu grâce au droit de transaction dont l'Administration a été investie par une loi du 18 juin 1859. Les délits forestiers, dont la répression absorbait la majeure partie de l’activité de nos prédécesseurs, deviennent de plus en plus rares presque partout. Les gardes, autrefois à peu près uni- ‘quement occupés à la recherche et à la constatation des infrac- tions, sont de plus en plus affranchis de cette tâche ingrate, pénible et dangereuse, et peuvent se vouer à des travaux d’amé- lioration dans les forêts. En 1852, les tribunaux correctionnels ont rendu 168.000 juge- ments, dont 74.000 en matière forestière. Dix ans plus tard, le nombre des procès-verbaux dressés pour délits forestiers n'était plus que de 52.859, dont les trois quarts ont donné lieu à tran- saction etun quart seulement à des poursuites. En 1876, lenombre des délits forestiers était tombé à 26.377 dont 23 pour cent seulement donnaient lieu à des poursuites. À celte même date, 870/0 des délinquants appartenaient à la population rurale agri- cole, 6 0/0 étaient des ouvriers industriels et 7 0/0 des indivi- dus appartenant à la population urbaine. Oa y trouvait 83 0/0 d'hommes contre 17 0/0 de femmes ; 90 0/0 de majeurs contre 10 0/0 de mineurs. Les récidivistes ne représentaient que 6 0/0 du total, mais il ne faut pas oublier que la récidive n’existe, en matière forestière, qu’en cas de nouvelle condamaation dansles douze mois tandis qu’en droit criminel ordinaire elle n’est pas limitée par le temps (1). En fait le nombre des délinquants dé- croît encore plus vite que celui des infractions constatées. (1) Ces chiffres soat empruntés à la statistique publiée par l'Administration des forêts en 1878. ECONOMIE FORESTIÈRE. — I, 17 258 LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE ET LES DROITS D’USAGE $ 3. — Législation forestière des colonies françaises. Les mêmes motifs qui nous ont amené à donner quelques renseignements, dans la 1'° étude de cet ouvrage, sur les pro- duits des forêts de nos colonies nous déterminent à examiner très sommairement la législation forestière de quelques-unes d'entre elles. Ï, — L’ALcérre. La loi forestière de l’Algérie porte la date du 21 février 1903. Avant sa promulgation le Code forestier métropolitain de 1827 y était applicable de plein droit. En Algérie, avant la conquête, comme dans tous les pays de droit musulman, les forêts étaient propriété du souverain. En fait les habitants en jouissaient d’une façon à peu près illimitée, y coupant le bois, y menant leurs bestiaux, les défrichant même par le fer et surtout par le feu. Depuis la conquête française certaines étendues ont été aban- données en toute propriété à des communes ou sections de com- munes, d’autres ont été aliénées'au profit de particuliers. Ces dernières sont surtout des forêts de chène-liège qui avaient pri- mitivement été concédées à des compagnies, lesquelles devaient les mettre en valeur par le démasclage, en jouir pendant une période d’années et les remettre ensuite à l'Etat. Les conces- sions avaient d’abord été faites pour 40 ans, à partir de 1849. Dès 1862, on crut devoir prêter l'oreille aux réclamations des concessionnaires qui trouvaient leur contrat trop onéreux, et la durée des concessions fut portée à 90 ans. L'Etat commit en outre la faute grave de promettre d’indemniser les concession- naires des dommages d'incendie. Cette clause du contrat devint bientôt tellement onéreuse et donna lieu à tant de difficultés (1) (1) Les exploitants n'avaient rien à perdre à voir les incendies se multiplier, au contraire, LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 299 que, par un décret du 30 juin 1870, l'Etat finit par céder gra- luilement aux concessionnaires toutes les parties incendiées depuis 1863, plus letiers du surplus. Les deux autres tiers de la partie non incendiée étaient cédés également moyennant le ver- sement d’une somme de 60 fr. par hectare, payable en vingt an- nuités, la première échéant en 1880. Tout compte fait, le prix de cession est d'environ 15 fr. par hectare en moyenne; pour beau- coup de concessionnaires, il ne dépassa pas 10 fr. et il fut de 0 fr. 30 seulement pour l’un d’eux (1). Ce fut à ces conditions inconcevables que furent aliénés 152.411 hectares de forêts de chêne liège, Les plus riches de l'Algérie, dont le revenn net est d'environ une cinquantaine de francs par hectare et par an et peut même dépasser beaucoup ce chiffre. Il est bon de rappeler cette lamentable opération dans l'espoir qu’elle restera unique dans l’histoire de notre politique forestière coloniale. La loi du 21 février 1903 institue, en Algérie, un régime forestier auquel sont soumis les bois et forêts du domaine de l'Etat, ceux des communes et établissements publics, plus « les terrains, soit couverts de broussailles, soit nus, dont le reboi- sement aura été reconnu d'utilité publique ». Le Code algérien s'inspire, dans toutes ses parties, du Code métropolitain, dont il reproduit souvent Iles dispositions et le texte. Les principales différences sont les suivantes : Les ventes peuvent, avec l'autorisation du gouverneur géné- ral, porter sur plusieurs coupes annuelles à la fois à exploiter successivement par l’adjudicataire, sans que la durée de l’exploi- tation puisse dépasser cinq ans. L'institution du garde vente, obligatoire dans la métropole, est facultative en Algérie. La zone autour des coupes dans laquelle les adjudicataires peuvent être rendus responsables est restreinte à 100 mètres, au lieu de 250. Les usagers dont Les droits ont été reconnus, avant 1903, soit (1) Lamey, le Chéne-liège. Nancy, Berger-Levrault et Cie, 1893, page 47. Les prix de vente sont empruntés au rapport de M. Burdeau sur le budget algérien de 1892, (Journal officiel du 5 décembre 1891.) 260 LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE ET LES DROITS D'USAGE par un acte du Gouvernement, soit par une décision judiciaire définitive, sont maintenus dans leurs droits; mais il est interdit de créer de nouveaux droits d'usage à l’avenir. Les droits d'usage peuvent être concentrés par voie d'aménagement-rèqgle= ment (1); ils peuvent être rachetés moyennant indemnité pécu- niaire ou moyennant l'abandon en toute propriété d’un territoire forestier ou autre. Toutefois, le mode de rachat par attribution territoriale ne s’applique pas aux droits de parcours et ceux-ci ne peuvent être supprimés s’ils ont été reconnus indispensables aux habitants. L'initiative de l’extinction des droits appartient au gouvernement et non pas aux usagers. Il est interdit aux usagers de mener au parcours des animaux destinés au commerce et d'introduire en forêt des moutons, chèvres ou chameaux. Cependant, des autorisations locales et temporaires peuvent être données pour les moutons, et les chè- vres peuvent être admises dans les tranchées des forêts doma- niales (on a estimé qu’elles seraient utiles à entretenir le sol à l’état débroussaillé). Les usagers peuvent être contraints à sup- porter une part des dépenses d’entretien des forêts où ils exer- cent leurs droits. ; Les forêts dont la conservation est d’intérêt général peuvent être réunies, par voie d’exproprialion, au domaine de l'Etat. De même les enclaves. Tout propriétaire de forêt peut contraindre le propriétaire d’une forêt contigüe à la sienne à contribuer, pour moitié, à la création et à l’entretien d’une tranchée débroussaillée de 20 mè- tres de largeur entre les deux forêts. Les incendies allumés par les indigènes peuvent, dans certains cas, être assimilés à des fails insurrectionnels et punis comme tels. En tous cas, l’exer- cice du parcours est interdit pendant six années après lincendie. La direction des travaux d'extinction appartient de droit aux fonctionnaires forestiers. . Les procès-verbaux dressés par deux agents ou préposés (1) C'est-à-dire que les usagers peuvent être exclus définitivement de certaines parties de la forêt lorsque le surplus suffit à leur service. LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 261 forestiers font foi jusqu’à inscription de faux; ceux dressés par un seul n’ont pareille autorité que si la peine encourue est infé- rieure à cent francs d'amende. Les tarifs d’amendes n’ont pas cette inflexibilité que le Code de 1827 à empruntée à l'ordonnance de 1669, et qui ne laisse aucune place à l'appréciation du juge. Les circonstances atténuantes ne peuvent être admises que dans le cas d'incendie accidentel qui se serait propagé d’une pro- priété à la voisine, malgré l’observation des précautions pres- crites. Les poursuites sont exercées par les agents forestiers devant les tribunaux correctionnels ou les juges de paix à compétence étendue.Elles sont exercées à la requête de l'Administration des forêts, qui a le droit de transaction. Le personnel des agents forestiers algériens se recrute dans la France européenne parmi les agents du service métropolitain qui sont mis à la disposition du Gouverneur général (1). Le personnel des préposés se recrute de même où parmi les indi- gènes. IE. — Ixpo-cmne. La législation forestière en vigueur en Cochinchine est définie, entre autres textes, par un arrêté du Gouverneur général en date du 23 juin 1894 et un décret du 9 janvier 1895. Sont soumises au régime forestier : les forêts domaniales, celles des arrondissements, des communes et celles des parti- culiers. Toutefois, dans ces dernières, l'exploitation est libre en prin- cipe : les propriétaires sont seulement tenus de faire marquer les arbres par les gardes forestiers avant abatage et de se faire délivrer un laissez-passer pour la circulation des produits exploités. (1) Un décret du 4° août 1903 dispose que chaque année deux élèves sortants de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts seront affectés au service forestier algé- rien. RE ES ARS er GO CET RE Re). ed 5 ad "rte t WT Elu a 2%) SR Th Le ; | É 262 LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE ET LES DROITS D’USAGE Les forêts domaniales sont divisées en deux catégories. La | première est constituée par les réserves, où toute exploitation de produits principaux est interdite à qui que ce soit. Les réser- ves sont établies par des arrêtés du gouverneur général; leur étendue, destinée à s'accroître à mesure que se perfectionneront les moyens d’action du service forestier, était, en 1902, d’en- viron 75.000 hectares en Cochinchine. Les forêts de la seconde catégorie sont soumises au régime des permis de coupes. Les permis de coupes sont donnés pour une année seulement et, expirent d'office au 31 décembre de l’année de leur date. Leur prix est de cent piastres. Le permissionnaire peut employer un nombre quelconque de bücherons, mais ceux-ci doivent être commissionnés par lui et il en est responsable. Il peut exploiter à sa guise, sauf certaines exceptions portant notamment sur les arbres à huile, qui ne peuvent êtres coupés tant qu’ils sont en production, et sur les bois qui n’ont pas atteint une certaine dimension variable suivant les essences. Les bois abattus doi- vent être concentrés en des lieux de dépôt désignés où le con- trôle en est fait et la taxe à payer par le permissionnaire établie d’après un tarif spécial. Tant que la taxe n’est pas payée, les bois ne peuvent circuler qu'accompagnés d’un bücheron com- missionné ou d’un laissez-passer. Les habitants des villages ont un droit d’usage sur les forêts domaniales situées sur leur territoire. Ils peuvent y prendre, pour leurs besoins, sans redevance, les bois d’essences infé- rieures non « classées » (1); ils ne peuvent couper d’arbres clas- sés que sur autorisation spéciale. Ils ont le droit d'extraire, gratuitement, des réserves, des produits secondaires tels que huiles, résines, rotins et bambous. Ils sont autorisés à prélever, sous le contrôle des autorités, une taxe sur les permissionnaires exploitant dans les forêts de leur territoire. En revanche, ils sont soumis à une série d'obligations dont la principale est de con- tribuer, avec le service forestier, à la protection des forêts de (1) Les essences sont classées en diverses catégories, suivant leur valeur, par des arrêtés du Gouverneur général. LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 263 leur territoire et peuvent être Fer responsables des délits qui s'y commettent. Les délits sont poursuivis à la requête du ministère public, les agents forestiers peuvent se porter partie civile. Les procès- verbaux des gardes forestiers font foi jusqu’à inscription de faux, quelle que soit l'importance des peines encourues. L’Ad- _ministration des forêts possède le droit de transiger. L'exploitation des forêts au Tonkin est réglementée par un arrêté du Gouverneur général de lInde-Chine en dèe du 3 juin 1902 (1). F Les forêts indo-chinoises appartiennent,d'une manière géné- rale, à l'Etat, sauf celles sur lesquelles des particuliers ont pu faire valoir des titres.L’étendue totale de l’Indo-Chine française est d’environ cinquante millions d’hectares. Il serait désirable qu'on pût assurer la conservation, par la mise en réserve,d’une étendue boisée suffisante pour laisser au pays un taux de boise- ment de 25 p. 100 environ ; il y aurait alors, en Indo-Chine, en chiffres ronds, douze millions d’hectares de forêts réservées(2). On est très loin d’avoir encore obtenu ce résultat. Le service forestier de l’Indo-Chine a reçuun commencement d'organisation par un décret du 7 février 1901 (3). Un décret du 4° août 1903 a décidé que, chaque année, deux élèves sor- tants de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts seront affectés au service forestier de l’Indo-Chine. III. — Mapacascar. Un décret du 10 février 1900 concerne le service forestier à (4) Voir pour plus de détails le Code de la législation forestière, par M. Guyot, Paris, Lucien Laveur, 13, rue des Saints-Pères, 1904, pages 531 et suiv. (2) 2 millions en Cochinchine, 3 au Cambodge, 4 au Tonkin et 3 dans l'Annam. (3) Voir à ce sujet une note de M. Boude, chef du service forestier en Cochin- chine, qui a paru dans la Revue des Eaux et Forêts, fascicule du 4er décembre 1903. (Lucien Laveur, éditeur, 13, rue des Saints-Pères, Paris). À } 264 LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE ET LES DROITS D'USAGE Madagascar. Les forêts sontexploitées au moyen d’un régime : de concessions. La concession s’applique d’une façon exclusive à une étendue déterminée de forêts domaniales ; elle est accor- dée pour cinq ans si la concession n’a pas plus de 5.000 hecta- res, au delà de cette étendue sa durée augmente de un an par mille hectares sans pouvoir dépasser 20 ans. Les concessions sont accordées, suivant leur importance, par les chefs de pro- vince, le gouverneur général ou le ministre des colonies. La redevance annuelle à payer est fixée à un minimum de 0 fr. 40 par hectare, elle peut être augmentée pour les concessions de faible étendue. Le concessionnaire doit déposer un cautionne- ment égal à deux redevances annuelles. Les exploitations doivent se faire de proche en ne il est défendu d’une façon générale de couper des bois de moins de un mètre de tour. Le concessionnaire doit marquer les bois abattus par lui de son marteau et apposer une marque spéciale sur les récipients renfermant des produits forestiers. Ceux-ci ne peuvent circuler qu'’accompagnés d'un laissez-passer établi par le concessionnaire. Les arbres et fianes à caoutchouc ne peuvent êtrecoupés que lorsqu’ils sont devenusincapables de produire. Les lianes à caout- chouc ne peuvent être saignées que lorsqu’elles ont quatre cen- timètres de diamètre; les règles à suivre pour la récolte des latex, gommes, oléorésines, résines, ele., sont rigoureusement prescrites. Les contraventions au cahier des charges sont punies d’une amende de 20 à 100 fr., double en cas de récidive. Les parties exploitées des concessions sont mises en réserve et le concessionnaire ne peut y exploiter ànouveau qu’en vertu d’une décision du gouverneur général. Lés droits d'usage des indigènes sont maintenus dans les forêts du domaine.Ces droits peuvent être l’objet d’un cantonne- ment. Le concessionnaire peut effectuer, à ses frais, le canton- nement des droits grevant sa concession, sous réserve de l'ap- probation du gouverneur général. Les parties des forêts cédées pe « % a DIR FE REP. : Pete LES LOIS DE POLICE FORESTIÈRE 265 en cantonnement restent soumises au régime forestier et les indigènes y sont soumis aux mêmes règles pour l’exploitation que les concessionnaires dans les forêts domaniales. Ilest défendu d’y introduire des chèvres ou des moutons. L’amende pour coupe d’un arbre de plus de deux centimètres de tour est de un à cent francs, double, avec prison, en cas de récidive. Les peines sont également doubles si la coupe a porté sur des arbres à caoutchouc ou des bois d’ébénisterie tels que palissandre, ébène, acajou, bois de rose, etc. Les procès-verbaux des agents et préposés européens font foi jusqu'à inscription de faux quand la peine encourue est inférieure à 200 fr., ceux des gardes indigènes jusqu’à preuve contraire. Les poursuites sont exercées devant le tribunal cor- rectionnel par les administrateurs chefs de province qui ont le droit de transaction. L'article 463 du code pénal (admission de circonstances atté- nuantes) est toujours applicable. Le service forestier comprend des agents et préposés em- pruntés au service métropolitain et mis temporairement à la disposition du ministre des colonies, plus des préposés indi- gènes. # et ÿ a RE FORES QUE LES CHAPITRE PREMIER POLITIQUE DOUANIÈRE SOMMAIRE Insuffisance de la production forestière indigène en ce qui concerne les bois d'œuvre. | I. — Effets des droits d'importation sur les bois. — Accroissement des importations de bois d'œuvre en France et en Allemagne. La consommation de ces pays, par tête d'habitant, n’a cessé de croître malgré l’élévation des droits de douane. Inconvénients des droits de douane trop faibles. Inconvénients des droits de douane exagérés. Il. — Proportionnalité entre les droits à faire peser sur les diverses catégories de produits. Les grumes et les bois débités. Vices du tarif douanier de 1892: il favorise l’importation des bois débi- tés et, par suite, subventionne l'industrie étrangère au détriment des usines françaises. Tarif douanier de 1892, en ce qui concerne les produits forestiers. Comparaison sommaire des tarifs douaniers de divers pays européens. La France est très loin de pouvoir suffire à sa consommation sans cesse croissante de produits forestiers. Le déficit porte sur- tout sur les bois résineux (épicéas, pins) destinés à la menuise- rie commune ou à La fabrication du papier, sur les merrains de chène et les sciages de cette même essence pour l’ébénisterie,. La valeur des produits forestiers importés en 1901 a atteint 212 millions de francs dont plus de moitié pour bois résineux et le quart environ pour des bois de chêne. Notre pays se suffit à peu près pourle bois de chauffage ; il peutexporter des étais de mine surtout de pin maritime (cette essence est impropre jusqu’à pré- sent. à la fabrication du papier), des écorces à tan et des pro- duits de résinage. PRE RE ES RE VAR 270 POLITIQUE FORESTIÈRE Nous avons donc à combler le déficit de notre production indigène, lequel atteint-environ trois millions et demi de mètres cubes, soit plus de la moitié de notre production et du tiers de notre consommation (1), au moyen d’importations de bois étran- gers, car nos colonies ne peuvent et il n’y a pas d'apparence qu’elles puissent jamais y suffire. | On peut se poser, à propos de la politique douanière en ma- tière de forêts, les deux questions suivantes : I. — Convient-il de frapper de droits l'importation des bois étrangers, et dans quelle mesure? IL. — Quel est le rapport à établir entre Les droits imposés aux diverses catégories de produits? : I, -— EFFETS DES DROITS D'IMPORTATION SUR LES BOIS Le bois brut, en grume, est par excellence une matière pre- mière indispensable et susceptible d’une plus-value considé- rable par la mise en œuvre. Il peut, à cet égard, se comparer au coton avec cette différence que nous produisons nous-mêmes les deux tiers de notre consommation. L’élévation des droits de douane ne supprimerait en aucun cas l'importation, qui est une nécessité. Elle ne pourrait que faire renchérir les bois et réduire la consommation, mais non pas au point que la production indigène puisse jamais suffire. La consommation et, parallèlement, l'importation croissent avec le chiffre de la population, la richesse et la prospérité du pays. Les droits d'importation ont été considérablement augmentés en Allemagne en 1885 et en France en 1892. Les importations de bois communs n’ont cependant pas cessé de croître dans les deux pays (2) comme le montre le tableau ci-dessous. (1) Il est entendu que ces chiffres ne s'appliquent qu'aux bois d'œuvre com- muns. Voir plus loin page 409 (IVe étude). (2] L'Allemagne produit environ 50 millions de mètres cubes de bois par an et elle en importe environ huit millions de plus qu'elle n’en exporte. Ces huit millions de mètres cubes, en partie à l'état façonné, représentent un volume en =“ POLITIQUE DOUANIÈRE 271 FRANCE ALLEMAGNE Importation et exportation de bois communs Excédents d'importation de bois (en milliers de tonnes) communs (en milliers de tonnes) £ SR nn OS CU Le i À Fe Z Re rt 7 mé lee hrs Sciages p ET | re | en _ Charpentes Importa- | Exporta- | Importa- | Exporta- es communs tion tion ton tion 1886 » » » » 893 117 200 1888 » » » » 1412 437 312 1890 » » » » 1812 632 47% 1892 162 625 805 439 1695 696 D 44 189% 99 782 1133 118 1:12 716 310 1896 123 76% 42031: 92 1653 847 497 1898 95 890 1164 7% 2396 1271 658 1900 43 969 1208 7% 244% 1513 7 660 La progression si remarquable, en Allemagne surtout, des importations de la marchandise la plus courante, les sciages pour la menuiserie, n’est pas due à une diminution, dans ce pays, de la production iadigène qui va sans cesse croissant ; elle n’a provoqué aucune baisse, les prix ayant continuement aug- menté; elle ne s'explique que par un accroissement de la con- sommation. Un auteur compétent, M. Eadres, professeur de sciences forestières à l'Université de Münich, estime la consom- malion en bois d'œuvre, par tête d’habitant, dans l’empire alle- mand (1). | à Ome 37 par an pour la période... 1872-75 048. DT Le .… 1876-80 grume de dix millions de mètres cubes de bois d'œuvre importé en excédent (chiffres de l’année 1899). (4) Les chiffres de M. Endres nous paraissent fort élevés, même en tenant compte de l'énorme consommation en étais des houillères allemandes, En France la consommation ne parait guère supérieure, actuellement, à 0 m. 25 ou 0 m. c.30 au maximum par tête et par an. La différence tient à la façon dont sont estimés les produits des forêts indigènes. On admet que les forêts françaises (surtout en feuillus) ne produisent que six millions de mètres cubes de bois d'œuvre sur une surface de neuf millions et demi d'hectares tandis que M. Endres admet que celles de l'Allemagne, peuplées surtout de résineux, produisent 16.5 millions de mètres cubes de bois d'œuvre pour une contenance de 14 mil- lions d'hectares, 272 POLITIQUE FORESTIÈRE 0, 35 paran — pour la période 1881-85 DR a ur = ip es .... 1886-90 Mir 0e. en 1896. Gr 4 en 1899. E Ce qui précède montre, d’une façon évidente, que des droits d'importation, tels qu’ils sontappliqués en France et en Allema- gne, n’empêchent pas les progrès de la consommation. Des droits de douane trop faibles seraient préjudiciables à la propriété forestière, mais des droits trop élevés le seraient encore davantage. Trop faibles, ils amèneraient une baisse des prix des bois qui obligerait les propriétaires forestiers à augmenter leurs coupes pour ne pas subir une réduction par trop grande de leurs reve- nus ; il en résulterait un appauvrissement des forêts indigènes. Une seconde conséquence nuisible serait une baisse inévitable des salaires des ouvriers forestiers et de la valeur de la pro- priété boisée.En revanche la baisse des prix serait avantageuse à l’ensemble des habitants, tous consommateurs, et favorise- rait l'exportation des produits fabriqués. Trop élevés, ils provoqueraient encore des coupes abusives, d’une part par suite d’une diminution possible de l'importation qu’il faudrait compenser, d’autre part par suite de la tentation qu’éprouveraient les propriétaires forestiers de profiter d’une situation, sans doute passagère, pour liquider à des prix élevés la plus grande fraction possible du capital ligneux des forêts. Eufin le renchérissement des bois permettrait sans doute une hausse des salaires forestiers et de la valeur de la propriété boi- sée, mais il serait dommageable à l’ensemble des citoyens consommateurs et rendrait plus difficile l’exportation des pro- duits façonnés. Si nous nous plaçons au point de vue spécial de la conser- vation des ressources forestières du pays nous voyons qu'un ren- chérissement des bois, ou une élévation excessive des droits d'importation serait beaucoup plus dangereux qu'une baisse. POLITIQUE DOUANIÈRE 273 Les deux tiers de nos forêts françaises sont entre Îles mains de propriétaires particuliers dont bien peu, vraisemblablement, résisteraient à latentation de liquider les bois en croissance dans leurs forèts s’il se produisait une hausse considérable et néces- sairement passagère du prix des bois. IL faut conclure de ce qui précède à la convenance de droits de douane modérés, réduits au strict minimum nécessaire pour que la production indigène reste convenablement rémunératrice sans que les propriétaires soient amenés à dévaster leurs forêts par des coupes exagérées (1). IL S'il est nécessaire de laisser entrer des bois en France, sans entrave excessive, celte nécessité n'existe que pour le produit brut : le bois en grume.Il n’y en a aucune à importer,en même temps que le bois matière première, une valeur incorporée à celle-ci par la main-d'œuvre étrangère, subventionnant ainsi,de nos deniers, les scieries et menuiseries mécaniques des pays étrangers. Le bois façonné doit être frappé de droits plus élevés que le bois rond, matière première. Dans quelle mesure ? Cette mesure résulte, d’une part, de ce que l'importation d’un mètre cube de bois façonné équivaut à celle d’une bien plus grande quantité de bois brut. La proporlion varie énormément suivant la naturedes produits façonnés : certains débits donnent un déchet de 50 p. 100 ou davantage, d’autres de 20 ou 25 p.100 seulement. Il semble qu’on puisse admettre une moyenne de 35 p.100 environ et dire qu’un mètre cube de bois façonné équivaut à 1 mc. 50 de bois en grume. D'autre part, les droits de douane se paient suivant le poids des marchandises, surtout lorsqu'il s’agit de bois façonnés. Or ceux-ci ont une densité moindre que les bois en grume dans (1) Les droits de douane ont aussi le caractère d'impôts et de source de recettes pour le Trésor public. Nous n'avons pas à nous placer à ce point de vue. - ECONOMIE FORESTIÈRE, — 1. 18 274 POLITIQUE FORESTIÈRE une proportion qui peut être évaluée à un cinquième au moins. Il résulte de la combinaison de celte donnée avec la précédente qu’une tonne de bois façonné équivaut à au moins 1 tonne 80. de bois brut. Enfin, comme il n’y a aucune raison plausible d'importer une richesse que nous pouvons produire nous-mêmes, à savoir la plus-value que présentent à l'unité de poids les produits façon- nés, il convient de surtaxer les bois entrant sous cette forme d’une somme équivalente au bénéfice de ceux qui exécutent le façonnage. Celui-ci est fort variable et difficile à déterminer. Pour des sciages bruts résineux il peut être assez faible, par exemple de un franc par tonne. Il est déjà beaucoup plus élevé pour des sciages minces, surtout de chêne ; il peut devenir dix ou vingt fois plus fort, ou même davantage encore, lorsqu'il s’agit de bois rabotés, moulurés, prêts à la pose. Si nous examinons maintenant le tarif douanier français de 1892,nous voyons qu’il n’a pas été tenu un compte suffisant des faits que nous venons d’exposer. C’est ainsi que le tarif général, qui frappe d’un droit de 1 fr. par tonne l'importation d’une pièce en grume,ne porte que L'fr. 50 au tarif maximum par tonne pour ce même bois scié en pièces de 8 centimètres d’épaisseuf et 2 fr. 50 lorsque les sciages ont trois centimètres et demi d'épaisseur ou moins. En admettant la taxe de 1 fr. pour la grume elle devrait être de 3 fr.00 environ pour les sciages épais et de 4 à 5 fr. pour les sciages minces. La conséquence immédiate de cette erreur (que nous signa- lons entre plusieurs autres) du tarif de 1892 fut de faire tomber brusquement de 180.000 à 50.000 tonnes l’importation annuelle des bois en grume autres que le chêne tandis que celle des bois sciés passait en même temps de 90.000 à 115.000 tonnes. C’est l'effet inverse qu'il aurait fallu produire. En élevant le droit sur les produits façonnés, et en abaïssant celui des grumes onarriverait à faire transférer dans nos ports de Dunkerque, du Havre, etc., les scieries, parqueteries et me- POLITIQUE DOUANIÈRE _nuiseries mécaniques qui existent au nombre de plusieurs mil- _liers à l'embouchure des cours d eau suédois ou norwégiens et A: es Û Echelle pour les soë e 1400,000 2,000,000 L 1 : + L | 800,000 | 600,000 ss, D LEA k D "4 en ES HERLKENEESSSLLEETE at É Obertn, Cr. be: 8. — Marche des importations de bois communs autres que le chêne, en gru- mes et en sciages, de 1885 à 1901 (pour montrer l'effet du tarif douanier de 1892). L'échelle pour les grumes est dix fois plus grande que pour les sciages. | dans les ports desquelles nos importateurs vont chercher des _ bois façonnés, On importerait des grumes et le façonnage se 276 POLITIQUE FORESTIÈRE ferait en France, au grand profit de la richesse tn du pass et des recettes du trésor. Nous déplorerons encore l’exemption pus de droits dont jouissent les bois exotiques dits de teinture. Grâce à cette fran- chise le quebracho colorado se substitue de plus en plus à lé corce de chêne pour le tannage, au RéIROn de la qualité des cuirs, et au très grand dommage des taillis à écorce si répandus en France et en Algérie (1). On trouvera ci-après les dispositions de notre tarif douanier qui visent les produits forestiers. Nous les reproduisons d’après l'Annuaire des forêts (2). ” Le Président de la République a promulgué, le 11 janvier 18992, la loi relative à l'établissement du tarif général des douanes qui a été mise en vigueur le 4° février 1892. | Les articles intéressant le commerce des bois en général et les industries qui s’y rattachent sont taxés comme il suit : Les tarifs de tous les bois injectés ou qui auront reçu une préparation chimique quelconque sont majorés de 20 p. 100. (Cette majoration ne porte pas sur les surtaxes d’origine ou d’entrepôt). les 100 kilog ER tn RC Tarif Tarif génér. minim Bois communs, : Bois ronds, bruts, non équarris, avec ou sans écorce, de longueur quelconque et de circonférence au gros bout fr. fr. supérieure à 060 (3 EC PE NT re EVE de te) L'OTAN Bois sciés ou équarris de 0,080 m/m d' épaisseur et au-des- sus (3).. CS RER du ARTE ce Re MAT IS DEA 1:00 7400 Bois sciés ou équarris d'une épaisseur Fe à 0,035 ; m/m et inférieure à 0,080 m/m (3)................. 55,5: A AU (1) L’importation du quebracho en Allemagne est frappée d'un droit de 8 fr. 75 par tonne ; celle des extraits taniques solides d’un droit de 35 fr. par tonne, (2) Paris, Lucien Laveur, éditeur, 13, rue des Saints-Pères, 1904. (3) L'administration des douanes aura la faculté de faire déterminer, par le comité consultatif des arts et manufactures, la densité moyenne de chaque-espèce de bois et de percevoir les droits sur cette base, d'après le cubage converti en poids, lorsque les intéressés ne réclameront pas la pesée effective. (4) Rentrent dans cette catégorie les arbres équarris seulement au gros bout el uniquement en vue de l arrangement d'un radeau. POLITIQUE DOUANIÈRE - 277 | Er NE les 100 kilog. Res - Tarif Tarif. | génér. minim. Bois sciés de 0,035 m/m d'épaisseur et au-dessous CORPS TETE LE 75 _ Pavés en bois débités en morceaux. ..,.,4,.....e...o.ers 2 50 1 75 À Merrains (2)...................eussss ses. 228v::».175 OU OR CCHSsBs (NS NL sed Un there duc ethens 6.2 D. 1 50 . Bois feuillards (4) et échalas fabriqués... ,...,..... DR de er US 475 . Perches, étançons et échalas bruts de plus de 110 de lon- gueur et de circonférence atteignant au maximum 060 RO Do OL ii Roma inuvimn es 48:15 80 LR brut, râpé ou:en planches..............,... EN 7 Bûches de 110 de longueur et au-dessous, en quartiers _refendus ou en rondins de circonférence atteignant au _ maximum au gros bout 0"60, fagots et bourrées..,.,...: » 20 » 20 Le même bois, transporté par des bêtes de “trait, pourvu ee il vienne directement de la forêt, non d’un port, d’un » pal ou d’une ss gare de chemin de fer..,...... 2 Ex, Ex. » 92 » 02 F A POS A: MER GR SE (HS PONS CO ON) © SAM EE PRET DU » 75 » 50 Autres. A RTE AU re SEAT à PE PES D SORDS DEP EE ECS EL Bois ‘exotiques et buis: “4 Bois d'éhénisterie en bûches ou sciés à plus de 020 d'é- (0 PER + où LOL» Ex: -Ex, Ex. Ex Ex ”;Ex RE RE BCE, L'EARS POTELS : Jones et roseaux dits rotins de Chine pour ‘la VARIE... ::0 7 -» - Ecorces de tilleul pour COURS LS Mrs uen Ur ue PR PE à: _ Ecorces à àtan, moulues ou OUT EME RE PARUS Si tu MST MES AE TE _(4) Voir la note 3 page précédente. (2) On n'entend par « merrains » que des bois fendus et destinés exclusivement à la tonnellerie et aux emballages. (3) Ne sont compris sous cette dénomination que les feuillets etles lattes tran- chés, sciés ou fendus, d’une épaisseur de 1 centimètre au maximum. (4) On n'entend par bois « feuillard » que les cercles fabriqués, soit en bottes, soit en couronnes. (5) Sont compris dans les perches les bois bruts destinés à la fabrication des cercles. (6) A charge de justifier auprès de l'Administration des douanes de l'arrivée et _de la mise en œuvre dans les fabriques de pâtes à papier sur lesquelles les bois seront dirigés. La nature des justifications à produire sera déterminée par M. le ministre des _ Finances, après avis du comité consultatif des arts et manufactures, Er à Pâtes de cellulose : Mécaniques SÈChES SN LIN RNA NERO mécaniques humidés::}116h4800748 C0 PER REC IERT, chimiques: ,..5... int TAN Ma TR RO LUE Ouvrages en bois : Futailles vides en état de servir, montées ou démontées, cerclées en bois uen fer PER TER Te Balais de sorgho ou de cameline : emmanchés. VELO AS aa = non emmanchés....... = Balais communs de bouleau et autres : emmanchés...... : ae = non emmanchés........ Pièces de charpente et de charronnage faconnées : bois Aur:: #7 ER PS SDL RUE SR MAR SE TL RS TE DARO IS COPMIBURB FT US dir SAR MANS LIST CUS — peints, vernis et garnis............ Re US Bois rabotés, rainés et (ou) bouvetés, frises ou lames de parquets rabotées, rainées et (ou) bouvetées : en chêne ou bois dur. re ue ce ont : en Sapin OÙ DOS Are PIE CRAN ET TT SN . Portes, fenêtres, lambris et pièces de menuiserie assem- blées ou non : én DOS UE ET EU LUN GERS En SR RER $ où -Dois tee TELLE NP TN Per et Ce ETAT TNT Boissellerie : Boîtes en bois blanc, bois de brosse et petits manches d' ou- tils ayant moins de LS LR M RE LE POLE LE NUS NS Bobine pour filature et tissage, tubes, PIACRSTER biots, épeulots, canettes, busettes : ayant une longueur ne dépassdnt pas om10.. EE ae ayant une longueur supérieure..........,...... PEU, : Petites bobines à dévider pour fil à coudre en bois com- mun-ni verni, NITeINnl6, 77 eue AMD PIS à Autrës ODjêts MON VÉNUS TGS ES ACER SR ARE TES SE Attrés :0NjetS Mes LCR Ru tn REE Ouvrages de fOnFheRIe M PL Tran PR Mb Un vie Les méôtes OUYTARES VETUIS 520 UE Et Le EU Bois équarris pour navettes au-dessous de 500 grammes. Navettes pour tissage de toute sorte, finies ou non finies. , Manches d'instruments agricoles en frène, d’une Matos inférieure à 2240 et d'un diamètre inférieur à Om055 . Autres ouvrages en DORE ST Vin oser de Allumettes chimiques et bois préparés pour allumettes : en bois importés pour compte du monopole à 0 ‘‘‘‘"""""" ; P P P PUR S utero importés pour compte particulier....,....... RM Su < ” Goudron végétale." Ne ARC RER SLT À EE les 100 kilog. Tarif Tarif SN 2 # ». » 50 Een 2 Ty 19 9 13 » 4 » À Ex. 21 50 LES Ë Lo 227% 5-10 5 » 3 50 20 ». 12 50 20 » 30 » 4075 7 50: A OS 42 » 15 ». 20%: 20 » 60 » EXEY.. 12 50 195 20 » Prohibés. 1: DES les 100 kilog. te | génér. minim. Huile de résine. NM de res PR RTE Dal g sn Dore FA pe 49 9 _Résines et autres rot résineux exotiques, autres que D Di RE dé AD. 0 Nr FM ee Rene EX: À en de térébenthine................. MAN STE RER: 42.» | 10 » 10 » 10 5 ns rAMreuLe) applicables aux produits d'origine européenne importés d'ailleurs : que des Days de production. ue ou MA Abe, frises ou lames de parquets, Gide Li fenêtres, lambris et pièces de menuiserie), les cent kilog.. 1 50 D M LS a ans ro Et eucs » 1 » Buis en bûches ou scié à plus RU A Tr us ne cn Pire hey e 12» Bois de teinture moulus...... Re PVR RME SUR ANNEE 3 » mmes et résines brutes, colophanes, ce pains de résine,brais et autres produits RO MAIRES it LA Tirer ED Se Part une loi promulguée le 29 décembre 1891, le Gouvernement est autorisé à appliquer en tout ou en partie le tarif minimum aux produits tionnel et qui consentiront, de leur côté, à appliquer aux marchandises F françaises le traitement de la nation la plus favorisée. _ La houille reste taxée à 0,12 les 100 kilos, comme antérieurement à la “oi nouvelle. e Produits désignés ci- f dessus. SAS BE CN ER ESS 3 fr. 60 les 100 kilogs. Voici enfin des renseignements sur les droits dont sont frap- + les principaux produits forestiersdans quelques pays d’Eu- pe: On remarquera que la France est,avec l'Espagne et l’Ita- lie, le seul pays où les sciages ne paient pas au moins cinq fois plus que les grumes à égalité de poids. 280 POLITIQUE FORESTIÈRE BOIS EN GRUME| BOIS ÉQUARRIS SCIAGES MERRAINS (2 (la tonne) (la tonne) (la tonne) ‘ (la tonne) ) RS | tn UE Maxi- Mini- Mini- Maxi- Mini- Maxi- Mini- ‘ mum mum mum mum mum mum mum ; fr. êr: À te fr. fr. Cr: fr. Allemagne | 2.50 | 2.50 3.10 | 42:50" | 40.00 112507120780 Allemagne (à j partir de 1904). 2 50 | 2.50 6,25: 115:02 14562" 34750 Suisse (1)...1 2.00 | 4.50 4.50 | 10.00 7.00 | 4.00 | 4.50 alienrlies exempis exempts | 7,00 | exempts | 5.00 lexempts Russie. ...|exempts |exempts » 15.00 » 50.00 » Espagne ...110,00 | 8.00 8.00 | 10.00 8.00 | 7,50 | 5.00 Belgique ...1140.00 | » » | 60,00 » » » France ,...110.00 | 6.50 10,00 [de 15.00/de 40.00! 42.50! 7.50! À nu EE à ë ; à 25.00] à 47.50 ge (1) D'après le nouveau tarif suisse (en élaboration), les droits seraient élevés à 6 fr. pour les bois équarris, à 10.ou 12 fr. sur les sciages bruts et à 20 ou 25 fr. pour les produits terminés (emboités). Les droits sur les grumes resteraient sans changement. (2) Le droit indiqué pour les merrains s'applique aux produits terminés, CHAPITRE II -_ LES FORÉTS ET L'INTÉRÊT GÉNÉRAL SOMMAIRE _ TS _& 1. — Les forêts de protection à la législation. *, Kl Influence sur le climat et le régime des sources. — L'Etat a le de- voir de maintenir un taux de boisement suffisant, surtout dans les régions à climat continental. Les sources et l’article 220 du Code forestier. IT. — Les forêts de protection proprement dites. — Cas dans lesquels la loi francaise considère l’état boisé comme nécessaire dans l'intérèt géné- _ ral. Articles 219 et 220 du Code forestier. Loi de 1882. Les terrains acquis “en exécution de la loi de 1882 doivent être considérés comme faisant par- tie du domaine public, puisqu’une loi a autorisé leur réunion au domaine au nom de l'intérêt général. Législation étrangère des forêts de protection. Les forêts de protection doivent faire partie du domaine public; c’est le seul moyen pratiqueetéquitable d'assurer leur conservation. Article 76 de la loi forestière algérienne de 1903. HE le e - - Mesures législatives tendant à assurer l'approvisionnement du pays MA LE à en produits forestiers. _ Interdiction de défricher. __ Approvisionnement des arsenaux maritimes. Législation du flottage; _ approvisionnement de la ville de Paris. Obligations imposées aux commu- _ nautés, aux ecclésiastiques et aux particuliers en vue de la production des … bois d'œuvre ; fonds de réserve, balivages. Affectations au profit d'usines. _ Ce qui subsiste des mesures prises sous l’ancien régime dans l'intérêt de l’approvisionnement du pays. La disette possible du bois d'œuvre. Les forèts domaniales doivent être _ traitées uniquement en vue de cette production. De ce chef, leur conser- vation et leur accroissement sont d'intérêt public. $3. — Le régime forestier et la sauvegarde des intérêts des générations futures. =. Lerégime forestier et les forêts de l'Etat. L'aménagement imposé aux _ forêts garantit la perpétuité et l'amélioration du revenu. Conversions et | Den du capitai d'exploitation, = > 35 Û À — + ras (ii Et] TT . Fe re ; Feu TT Te at a mo DR Ua 2 EE PR on ’ LE \ < Si. à : RE ENTER 282 POLITIQUE FORESTIÈRE Le régime forestier dans les forêts communales. La forêt d’Oloron-Sainte-Marie. La forêt des Crochères à la ville d'Auxonne. ‘Les forêts communales du département du Gard. L'intérêt général que présente pour la nation la conservation des forêts tient d’une part à leur action sur le climat, sur le rigime des eaux et le maintien des terres et d’autre part à l’im- possibilité de se passer de leurs produits comme matière pre- mière. Nous avons à nous placer successivement à ces deux points devue. $S 1. — Les forêts de protection. Ï. — INFLUENCE SUR LE CLIMAT ET LE RÉGIME DES SOURCES. Si l’Angleterre et les pays à climat humide et insulaire peu- vent supporter sans dommage apparent un déboisement presque complet (1) il n'en serait sans doute pas de même de régions à climat plus excessif, plus continental et plus sec comme la par- tie orientale de notre pays, l'Allemagne et la Russie. On peut croire qué leurs conditionsclimatériques seraient pro- fondément allérées par un déboisement excessif. C’est là un motif suffisant pour que l'Etat veille à la conservation d’un cer- tain taux de boisement qu’ilest, à la vérité, difficile de préciser. Il n’est contesté par personne aujourd’hui que si un taux de boisement exagéré est nuisible en abaissant la température moyenne et surtout celle de Pété, en maintenant une nébulosité et une humidité excessives, le défrichement trop complet ne l’est pas moins en provoquant des inconvénients opposés. Buf- fon déclarait déjà en 1739 que « plus un pays déboise plus il devient pauvre en eau ». Mais cette opinion n’a pas trouvé, jusqu’à présent, de sanction légale précise. Sans doute Particle 220 du Code forestier autorise l'Administration des forêts à (1) Voir page 416 (IVe étude), le tableau des taux de boisement de divers pays. LES FORÊTS ET L'INTÉRÊT GÉNÉRAL 283 faire opposition au défrichement des bois reconnus nécessaires à la salubrité publique (4). Mais nous ne croyons pas qu'il ait jamais été fait une application pratique de ce texte. C’est une raison de plus pour souhaiter de voir incorporée au domaine de l'Etat une quantité suffisante de forêts dont la conservation soit assurée. De même que toutes les fois que l'intérêt général est en jeu et exige un sacrifice — lequel au cas particulier consiste à renoncer au droit de défricher — c’est à l'Etat qu'il appartient _ de l’assumer,car ce qui est utile à tous doit être fait à frais com- muns, _ S'il est difficile de démontrer que telle ou telle forêt est né- _ cessaire au maintien de léquilibre climatérique, il est beaucoup _ plus aisé d’établir que sa disparition compromettrait l'existence ou le débit d’une source. Des oppositions à des défrichements ont été souvent ainsi motivées, au moins dans les pays de mon- _tagne, où il est relativement facile de définir le bassin d’alimen- tation apparent d’une source. Il est vrai que, dans ce cas, la si- _ tuation de la forêt en terrain accidenté suffirait habituellement, en dehors de toute autre considération, à interdire le défriche- _ ment au point de vue du maintien de la stabilité du sol. II. — Les FORÈTS DE PROTECTION PROPREMENT DITES La nécessité de conservation ou même de la création de l’é- tat boisé apparaît avec une évidence complète lorsqu'il s’agit de forêts de protection proprement dites. Nous avons décrit au chapitre IV de Ja 1° Etude le rôle de la forêt dans la région des torrents, des avalanches et sur les sables mouvants des dunes. En dehors des terrains compris dans les périmètres de reboi- sement institués par la loi du 4 avril 1882 et que l'Etat peut acquérir par expropriation, la seule mesure légale prise pour assurer la conservation des forêts de protection est celle que {1) L'Italie est, avec la France, le seul pays où la loi reconnaisse aux forêts une action sur la salubrité pub'ique. 28/ POLITIQUE FORESTIÈRE contient l’art. 219 du Code forestier. Tout propriétaire particulier qui veut défricher est obligé d’en faire la déclaration et lAdmi- : nistration des forêts peut faire opposition au défrichement en montrant que la forêt rentre dans un des cas prévus par la loi, Ces cas sont, d’après l’article 220, ceux où la conservation des bois est reconnue nécessaire: 1° Au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ; 20 À Ja défense du sol contre les érosions et° les envahisse- ments des fleuves, rivières ou torrents; 3° A l'existence des sources et cours d’eau; 4° A la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et l’envahissement des sables; 5° À la défense du territoire, dans la partie de la zone fron- tière qui sera déterminée par un règlement d'administration publique ; 6° A lasalubrité publique. L’énumération de l’article 220 est limitative. Si nous faisons abstraction des terrains régis par la loi de 1882, nous voyons que l’action de l'Etat ne se manifeste pour la sauvegarde des forêts de protection qu’après que leur propriétaire a déclaré officiellement son intention de les défricher. En -dehors de ce cas l’administration n’a-pas à intervenir. Quant aux forêts sou- mises au régime forestier leur défrichement est interdit d’une façon générale et aucune mesure particulière n’est prise à leur égard pour le cas où elles auraient en outre le caractère de forèts de protection. La loi de 1882 autorise l'Administration des forêts à acquérir par voie d’expropriation les terrains de montagne dont la sta- bilité est compromise ou dont le boisement est nécessaire pour corriger un torrent actuellement dangereux (1).L’art.7 de cette loi autorise de plus ladministration à requérir la mise en (1) I1 nous paraît évident que les terrains acquis en exécution de la loi de 1882, au nom de l'utilité publique, doivent être considérés comme faisant partie du domaine public et sont, comme tels, inaliénables et imprescriptibles, « DS ANR SRE AM pété TOP AD Due, LES FORÊTS ET L'INTÉRÊT GÉNÉRAL 285 défends des terrains de montagne, quel que soit leur proprié- taire, lorsqu'elle le juge nécessaire (sauf recours au Conseil de préfecture, et, en seconde instance, au Conseil d’état). A l’étranger, la législation des forêts de protection est bien plus complète, en général, qu’en France. Les motifs pour les- quels l'utilité publique de la conservation des forêts peut être officiellement déclarée sont les suivants (1) : … 4° Leur action sur le climat (Wurtemberg, Suisse); 2° Leur action sur le régime des eaux, soit au point de vue du maintien des sources (Bavière), de l’écoulement des eaux sauvages. (Prusse, Wurtemberg, Autriche) (2), des érosions des rives des cours d’eau (Prusse, Bavière, Suisse, Autriche) de la régularisation du débit des cours d’eau (Prusse,ltalie, Suisse, Autriche), des glaces flottantes (Prusse, Autriche); 3° Leur action sur le maintien des terres (Italie, Suisse, Au- triche, Bavière, Prusse ; dans ce dernier pays la loi ne s’applique pas aux sables mouvants) ; 4° Leur rôle d’abri contre les avalanches (BE ÈrES Autriche, _ Italie, Suisse) ; 5° Leur rôle d’abri contre le vent (Bavière, Autriche, Italie, Suisse) ; 6° Leur action sur la salubrité publique (Italie); 7° Leur utilité stratégique (Italie). Le caractère de forêt de protection peut être prononcé d’office par lPadministration, soit à titre permanent, soit à titre tempo- raire (Suisse, Autriche, Prusse), ou bien à la requête du proprié- taire lui-même ou bien encore à celle des intéressés, ainsi que le prévoit, par exemple, la loi prussienne de 1875. Dans ce der- _ hier cas, c’est au requérant intéressé qu’incombent les frais et indemnités qui résultent de sa requête. Souvent les lois élrangères interdisent non seulement le défrichement, mais encore certains modes d’exploitation. Les (1) Lehr, der Schutzwald, in Handbuch der Forstwissenschaft de Lorey, t. IV page 389. Tubingue, 1904. (2) Une nouvelle loi autrichienne n'existe encore qu'à l'état de projet. Ps A * EN CP EN rEE TE TEE AE TS Au LE TS ar s “ARC GS PURE : Su _ quine produisait plus que de l’amadou, de la bourdaine et des _ fougères, en une magnifique forêt, pleine d'avenir, dontle reve- nu actuel atteint 20.000 fr. et triplera encore dans l'avenir (1). Pire n’est pas sans gloire, et où tint garnison, de 1788 à _ 1789, le Dora d'artillerie Bonaparte, se trouve sur la rive mn: D e-Gomts, et à Aunlaues lieues à l’est de Dijon: x *à charte d’affranchissement, qui datede 1229, ne fait aucune à une charte de 1298, qui a été conservée, que les habite | jouissaient, de temps immémorial, d’une forêt appelée les « Troichères », aujourd'hui les Crochères (2). La forêt des Cro- chères, dont la contenance est de 1.360 hectares d’un seul tenant, _ croît sur le .sol fertile, très favorable au chêne qui la peuple, . qu'ont formé les alluvions de la Saône. Les magistrats de la ville y exerçaient le droit de haute et basse justice et l’adminis- s traient sans intervention des comtes ni des baillis. Cette immu- nité, reconnue en 1298, survécut à l’ordonnance de 1669; un arrêt du conseil de 1677 défend formellement aux officiers de * la maîtrise de Dijon de troubler en quoi que ce soit les habitants d’Auxonne dans l'administration de leurs bois et d’en prendre connaissance, . En 1730, le grand maître des Eaux et Forêts au département D re et d'Alsace voulut visiter la forêt. IL ne trouva _ personne, à Auxonne, qui consentit à l’y conduire. Il passa outre et essaya de soumettre la ville aux prescriptions de l’or- “= …_…_. donnance. Les Auxonnoiïs défendirent avec énergie leur anti- (11 Les exploitations ne portant que sur des peuplements très jeunes jusqu'à . présent n’ont donné qu'un vingtième de leur rendement en bois d'œuvre. Lors- - _ qu'on aura à couper des bois plus âgés le revenu deviendra au moins trois fois plus élevé. … … (2) La Forét des Crochères, par E. Picard, Inspecteur des forêts, Dijon, 1896. L'on doit à M. Picard un certain nombre de publications de grande valeur sur l'archéo- logie forestière; mentionnons notamment son savant ouvrage sur l'Histoire des _ fôréts de l'abbaye de Citeaux et le livre si intéressant auquel nous sommes heu- 304 POLITIQUE FORESTIÈRE que immunité. Un long procès s’ensuivit. Désespérant d'aboutir, : la ville recourut à tous les moyens : le 6 novembre 1741 le con- seil de ville délibère « que la ville fera la dépense de six feuil- lettes de vin pour être présentées de sa part aux personnes de considération qui peuvent lui rendre service ». Cependant la maîtrise eut le dessus : elle fut définitivement installée dans la forêt en 1755 et 1757. À l’avènement de Louis XVE, la munici- palité pensa que l’occasion était favorable pour se faire restituer l'immunité ancienne et elle y parvinteneffet. En 1778, les maire et échevins se virent officiellement reconnaitre le droit de jus- tice dans la forêt et celui de veiller seuls à la police des bois, à l'exclusion de tous juges des Eaux et Forêts. D’où nouveau pro- cès avec la maîtrise; le conflit n’était pas tranché lorsque la révolution vint y mettre fin. La loi de 1791 soumit au régime forestier la forêt des Crochères en même temps que toutes les autres forêts communales du royaume; elle fit partie de la 18e Conservation forestière, dont le chef, successeur des anciens grands maîtres, résidait à Dijon. A cette époque, la forêt était en très mauvais état. Le sieur Aubriot,« garle-marteau de la éy-devant maîtrise de Dijon », qui la visita en 1793, tfouva que, sur 600 hectares environ qu'il avait parcourus, il n’y avait que 1.664 arbres épars avec çà et là des bouquets de taillis mal venants. Sur les 1.664 chènes 496 seule- ment parurent capables de croître en futaie, le reste fut abattu et tout le canton recépé. A la mème date, une autre coupe de 300 hectares était en exploitation; on y avait marqué 10.818 baliveaux de l’âge, 5.636 modernes, 1.209 anciens et 445 arbres de limite. Au récolement, les officiers de la maîtrise constatèrent que tous les arbres réservés avaient élé coupés par l’adjudicataire, un nommé Four, y compris les arbres de limite... Quelques mo- dernes, laissés seuls sur pied, avaient été complètement ébran- chés! En l’an VII on vendit encore le surplus de la superficie, soit 150 hectares, où l’on marqua 5.510 arbres de réserve. Lors du récolement, en l’an X, on constata la coupe délictueuse de 620 arbres! Nous citons ces faits pour donner une idée de la 124 pour consliluer la réserve et le surplus divisé en ‘4 25 coupes d'une contenance moyenne de 40 hectares chacuno 16 ‘an IX). Les vides complets reconnus à cetle époque avaient une contenance de 300 hectares, non compris les cantons peu- er cias, etc. Cette opération, poursuivie avec persévérance, était entièrement terminée, et avec plein succès, dès 1828. . ‘7h Le de tte dernière coupe ont été, en 1897, à l’hectare 22 mètres cubes de bois d'œuvre chêne, ; 104 — de corde, 72 — de fagots, HE - 198 m. cubes de bois au total, ou, depuis 1882, date de l'exploitation précédente, 7 m. 90 par hectare et par an 306 POLITIQUE FORESTIÈRE chir. De 1863, à 1872 on a pu marquer, en moyénne, sur 400 hectares exploités : Fri 59 baliveaux, 13 modernes, 2 à 3 anciens par hectare, Les mêmes coupes, exploitées à nouveau de 1888 à 1897, ont permis une réserve de : 17baliveaux, 16 modernes, 6 anciens et3 vicilles écorces par hect. Le progrès est considérable depuis l’époque où le garde mar- teau Aubriot ne trouvait à réserver que 490 arbres sur 600 hec- tares! Actuellement les arbres réservés dans la forêt ont une valeur moyenne d'environ 750 fr. à l’hectare (1) (517 fr, immé- diatement après la coupe). La municipalité d’Auxonne a renoncé depuis longtemps à sa lutte séculaire et traditionnelle contre le service forestier et ap- précie hautement les bienfaits du régime auquel sont soumis ses bois. La meilleure preuve en est que, au cours des années 1886 et 1895,le conseil municipal a spontanément sollicité, et obtenu la soumission au régime forestier de 15 hectares de terrains communaux qui furent reboisés et portèrent à 1.360 hectares la contenance actuelle de la forêt. Le département du Gard (2) renferme actuellement 44.031 hectares de forêts communales soumises au régime forestier, appartenänt à 142 communes différentes. Ces forêts sont peu- plées presque exclusivement de chêne vert et traitées en taillis simple pour la production de l'écorce. | Une statistique officielle de l’an XI nous montre que les deux cinquièmes de la contenance étaient, à cette époque, à l’état de vides. Le pâturage des moutons se pratiquait dans des taillis de 3 et même de 2 ans. La durée des révolutions était de 40 à 12 ans, rarement 14, quelquefois 8 seulement. Beaucoup de forêts n’existaient plus que de nom et n’étaient, en fait, que des gari- (1) La valeur actuelle de la forêt, en fonds et superficie, est à peu près vingt fois supérieure à ce qu'elle était il y a un siècle. (2) Les Foréls communales du département du Gard de 1880 à 1895, par E.Rouis; Inspecteur adjoint des forêts. Avignon, 1896. PER 7 SAR LES FORÊTS ET L'INTÉRÊT GÉNÉRAL 307 gues. C’est ainsi qu’à Sagriès, en 1822, dans une forêt de 100 hectares, il fut impossible d’asseoir une coupe : il ne restait rien TS De même à Clarensac, à la même époque, sur une Le prix moyen de vente par hectare était pendant la période de 4819à1830 de 91fr.00 rs re 1836 - 1845 — 149, 00 Eu — 1853-1862 — 148 . 00 — — 1863-1872 — 9211 . 00 — — 1873-1882 — 958 . 00 1h, _— _ 1883-1892 — 317. 00 ue Le produit net par hectare et pas. an, quiétait de 5 fr. 30 pen- ant la décade 1838-1847, a passé à 12 fr. 25 pendant celle de 886 à 1895 malgré la baisse du prix des écorces à partir de 1892. Dans certaines forêts, comme celle de Nîmes, le revenu, qui était de 21 fr. par hectare et par an de 1850 à 1859, a passé L9T fr. de 1890 à 1895 (1). . Dans cette région aussi Les communes, d’abord très hostiles u régime forestier, ont généralement admis « les avantages d’une gestion rationnelle et prévoyante, ainsi que l'utilité de règlements destinés à bien ordonner les exploitations, tant dans ntérêt du budget communal que de la forêt elle-même (2) ». A NT 1 serait évidemment beaucoup plus intéressant, à notre point de vue, de comparer les produits en matière, ou, du moins, d'envisager, en même temps que les variations du revenu, celles du prix de l'écorce. Nous manquons mal- heureusement des données nécessaires. (2) Rouis, op. cit., page 31. CHAPITRE HI SOMMAIRE $ 1. — Organisation administrative antérieure à 1669. L'administration des comtes. Le capitulaire de willis, les intendants, les forestarii. Usurpations des comtes, les offices deviennent héréditaires à la fin du 1xe siècle. L'organisation féodale, LE SERVICE FORESTIER LES Les prévôts du xr° siècle. Les baillis et les baliveaux. Première ie : des maîtres des Eaux et Foréts (commencement du x: siècle). Ordon- nances de 1376, de 1402, du xvre siècle. Institution des grands-maîtres Ne (1575). Vénalité des offices. Officevalternatifs. s ere Juridiction des maîtrises. Les tables de marbre. Privilèges des officiers forestiers. $ 2. — anis administrative PORTIQUTS à 1669. Organisation créée en 1669. Grands maîtres, maîtres particuliers, gardes- à marteaux, procureurs, greffiers, arpenteurs. Gardes généraux et ser- +4 gents à garde. Suppression des maîtrises en 1791. Organisation de l'an IX: Conserva- teurs, inspecteurs, gardes généraux; LE Lis et gardes. Décret qu: 8 mars 1811. ps Suppression du service forestier spécial en 1817. Son rétablissement en & 1820. $ 3. — Le recrutement du personnel forestier. Les offices, vénaux et héréditaires sous l’ancien régime, avaient fini É par devenir des sortes de bénéfices distribués aux courtisans; les fonc- tions étaient remplies par des lieutenants. Inconvénients de ce système, Baudrillart. Sa campagne en vue de la création d’un M en re fo- restier. Ordonnance du 26 août 1824 créant l'Ecole forestière de Nancy. Les premiers directeurs de l'Ecole, (o a. LE tr US à RO sine fils à ne £a “él LE SERVICE FORESTIER 309 $ 1. — Organisation administrative antérieure à 1669. Lorsqu'ils furent installés dans la Gaule, les Francs la divisè- rent en petites circonscriptions administratives qui reçurent le nom de pagi, pays. Ces pagt ne sont pas à identifier avec ceux de la période gallo-romaine ; ils correspondaient plutôt à la cité romaine, au début du moins. Plus tard ces circonscriptions se multiplièrent considérablement, surtout dans le nord de la France ; il y en eut au moins 300 sous Charlemagne... A la tête du pagus était placé le comte (comes), fonctionnaire royal. Le roi, au début, le nommait et le révoquait à sa guise. Le comte n'avaitpas de traitement, mais les revenus de certaines villas rovales lui étaient abandonnés. Il exerçait la justice et gardait le tiers du produit des amendes. Il arrêtait les malfai- teurs, levait l’impôt, convoquait les hommes libres à l’armée. IH est probable qu'il s’occupait aussi de l’administration des forêts et de leur surveillance. Mais ce n’est que vers le 1x° siècle que nous voyons apparaître clairement des fonctionnaires spé- cialement chargés des forêts. Charlemagne, dont l'attention s’est portée sur toutes les par- ties del’administration du royaume, s'occupa aussi des domaines royaux. Daus un capitulaire célèbre « de villis » il régla exac- tement, minutieusement, l’organisation de ses villæ, fixant jus- qu’au nombre des poules et des oies des basses-cours, énumé- rant les 74 espèces de plantes et les 16 espèces d’arbres qui devaient être cultivées. Ce capitulaire est fort intéressant à cause de la description qu’il nous donne d’un domaine agricole type, d’une ferme modèle, dans les premières années du rx° siècle. Les serviteurs attachés au domaine sont dirigés par des offi- ciers (ministeriales). Le chef des officiers est l’intendant (judex) ; celui-ci se trouve immédiatement au-dessous du comte, repré- sentant le roi dans le pagus, comme nous l'avons vu plus haut. Sous les ordres de l’intendant nous voyons le maire (major ou SA CETTE Eu Hd PC TyE TE ER sr 310 POLITIQUE FORESTIÈRE + villicus). Au dernier rang se placent les forestarit, les préposés au haras, les celleriers, les péagers, etc. Les forestarti étaient chargés de la conservation des forestæ, c’est-à-dire de faire respecter le monopole de jouissance du mai- tre sur les terres, les eaux et les forêts au point de vue de la cap- ture des animaux sauvages, sur une partie des forêts au pointde vue du droit de parcours des bestiaux et de la coupe des bois. Ils étaient assistés de custodes nemoris, plus spécialement pré- posés à la surveillance des bois « ubisylvæ debent esse, non per- mittant eas nimis copulare atque damnare ». Les comtes s’appliquèrent, dès les premiers temps de leur institution, par une série d’usurpations que les rois tentèrent vainement de réprimer, à s'affranchir de l’autorité royale. Ils s’efforcèrent surtout de rendre héréditaires leurs fonctions et leurs bénéfices, c’est-à-dire les droits de jouissance sur des biens royaux, qui y étaient attachés. Ils devaient y parvenir. Charles le Chauve, au moment de partir pour l'Italie, en 877, voulut mettre ordre à ses affaires. Dans un capitulaire célèbre, daté de Kiersy- sur-Oise où il était allé chasser, il disposa que, pendant son absence, les offices des comtes qui viendraient à mourir seraient transmis à leurs fils « jusqu’à ce que nous en ayons été informé ». En même temps le roi (ceci dépeint bien les préoccupations des fils dégénérés de Charlemagne) prenait soin d’interdire à son fils, par ce même capitulaire, et avec la même solennité, de chas- ser et de pêcher dans ses foreslæ pendant son absence! Lé roi, partant pour une expédition lointaine, dont il ne devait plus revenir, rendait héréditaires les charges et bénéfices de ses fonctionnaires, aliénant ainsi un des attributs les plus essentiels de la souveraineté, celui de nommer les officiers publics. Mais, en revanche, il veillait avec grand soin et grand détail à ce que son propre fils ne püût tuer le gibier royal en son absence. Le capitulaire de Kiersy-sur-Oise, abusivement interprété, doit être considéré comme le point de départ de l’hérédité des offices et de la féodalité. ‘ Les bénéfices des anciens fonctionnaires étant ainsi devenus LPO LE SERVICE FORESTIER 311 héréditaires; on les appela dès lors des fiefs (feoda).Les seigneurs qui en étaient titulaires devinrent de véritables souverains sur lesquels le roi n’avait plus aucune autorité effective. Ils firent souche de dynasties et la féodalité se trouva établie. Sous le régime féodal les seigneurs, affranchis de toute auto- rité et contrôle, administraient, légiféraient et jugeaient à leur - guise; il n’y avait plus d'unité, plus de pouvoir central. Au - xisiècle les forêts du roi, aux environs de Paris, étaient admi- nistrées par des prévôts ou maires, sortes de fonctionnaires à tout faire, à la fois fermiers, receveurs, juges ei agents de police. Ils apportaient au roi une part des recettes et redevancés en nature, et conservaient le surplus. Lorsque le domaine royal se fut accru, au siècle suivant, la gestion domaniale par les prévôts - devint insuffisante.Philippe-Auguste, tout en les conservant,leur superposa de nouveaux agents, véritables fonciionnaires nom- més, révoqués et salariés par le roi. Ce furent les barïllis. La date de cette institution ne peut être précisée ; elle est comprise entre 4180 et 1189. Un acte de 1190 définit les attributions des baïllis. En matière de forêts elles consistèrent surtout à faire respecter les forestæ et à surveiller les usagers ; l'intervention _ de ces fonctionnaires lors de la marque des arbres exceptés de la coupe est l’origine du nom de baliveaux que nous donnons aujourd’hui encore aux arbresde réserve dans nos exploitations, Les baillis n’étaient pas des fonctionnaires spécialement fores- . tiers; ils étaient chargés de représenter le roi dans leurs circons- criptions et de sauvegarder ses droits de toute nature. Il semble qu’à cette époque il existait aussi des officiers fores- tiers spéciaux (1), peut-être les descendants des forestaru et des . custodes carolingiens, Mais ce n’est qu’au siècle suivant, dans _ des ordonnances de 1219 et 1223, que nous voyons mentionner pour la première fois des maîtres des Eaux et forêts. Une ordon- nance de 1280 mentionne les forestiers (forestarii) qui sont chargés d'effectuer les délivrances de bois aux usagers. _ (1) Une des plus anciennes ordonnances qui nous soient parvenues, datée de 1115, concerne les arpenteurs, et notamment les‘arpenteurs forestiers. 312 POLITIQUE FORESTIÈRE ,. . Les maîtres des Eaux et forêts élaient soumis, au xiv* siècle, à l’autorité d’un «maître inquisiteur des eaux et forêts » nommé dès 1318 ; plus tard, en 1366, on trouve la mention d’un « souve- rain maître,général réformateur des eaux et forêts du royaume». On a même conservé une ordonnance de 1346 qui nous montre que ces fonctionnaires étaient chargés d’approvisionner en pois- son la table du roi et quelques autres qui les montrent occupés à fournir des « connils » (lapins) pour ce même usage. En somme on ne sait rien de précis sur toute cette organisation. L’ordonnance de 1376 est la première qui règle avec quelque détail la matière des eaux «et forêts. Le nombre des maîtres y est fixé ainsi que leurs attributions, notamment juridictionnel- les. Les gages et émoluments des officiers sont réglés ainsi que la procédure des ventes de bois. Celles-ci se pratiquaient dans Les bois du roi dès les premières années du x1v° siècle et même du xin*, comme en témoignent l’ordonnance de 1318 (article 30) et celle de 1219., En 1402 toutes les ordonnances forestières anciennes furent refondues en un texte nouveau, en 76 articles ; l'ordonnance de 1402 a été en grande partie reproduite dans celle de François I. Tous ces textes antérieurs au xvi° siècle, ne visaient que les. bois du domaine royal seulement. En 1575 l'office de Réformateur général, qui existait depuis deux siècles au moins, fut supprimé et l’on créa six officiers intitulés «grands-maîtres enquêteurs, généraux réformateurs des Eaux et forêts ». Le nombre de ces charges fut beaucoup aug- menté par la suite ; il v en avait 17 à l’avènement de Henri IV, ils étaient directement investis par le roi. Henri IV rétablit un chef suprême des officiers forestiers auquel il donna le nom de surintendant général des forêts, charge qui n’eut qu’un titu- laire à la mort duquel les fonctions furent remplies par les surintendants des finances jusqu’à la Révolution. Au-dessous des grands maîtres se trouvaient les maîtres qui, à partir de 1575, s’appelèrent les maîtres particuliers. Puis on rencontre les gruyers dont l’existence est aussi ancienne que celles des maîtres. Ils étaient établis là où les forêts du roi ou LE SERVICE FORESTIER 313 les droits du roi sur des forêts indivises étaient moins impor- tants. Tous ces officiers avaient des lieutenants. Philippe le Bel avait interdit aux officiers de se faire suppléer dans leurs char- ges par des lieutenants; mais dès la fin du xive siècle ceux-ci _ furent de nouveau autorisés : nous voyons des officiers fores- tiers résider à la cour, faire campagne aux armées, etc. pendant _ que leurs fonctions sont exercées par des lieutenants. _ Des ordonnances de Charles VII (1453, art. 84), Charles VIII … (4493, art. 68), Louis XII (1498, art. 12), François I (14535, _ art. 2) avaient interdit de vendre les offices des Eaux et forêts _et voulaient qu’ils fussent donnés gratuitement à des sujets qui en seraient dignes. Ce n’est qu’en 1552 que le roi Henri II donna un édit rendant les offices vénaux et héréditaires. Ce fut l’origine de nombreux abus et la cause d’une ‘multiplication _ des charges, nuisible autant à la considération des agents qu’à la conservation des forêts. En 1586, pour augmenter les res- sources fournies par la vente des offices, on imagina d’en _ créer d’alternatifs(1). Henri IV, frappé des inconvénients de la “ | . multiplication des offices, supprima, en 1597, tous ceux qui _ avaient été créés depuis Charles IX et ordonna le remboursement Le . du montant de ces charges. Le défaut de ressources du Trésor - empêcha cette réforme d'aboutir. En 1635, 1636, on rendit cer- - fains officestriennaux, et en 1645 on en créa de quadriennaux! _ Louis XIV vint à bout de cet abus singulier en 1669. Mais nous le verrons rétablir par ce même roi en 1708. Les maîtres particuliers avaient la responsabilité des coupes … ordinaires de laillis; ils y faisaient les martelages assistés du . garde-marteau, des préposés, et vendaient les coupes. Ils nom- _ maient et révoquaient les préposés. Les grands maîtres furent spécialement institués pour surveil- < _ler l'assiette et la vente des coupes de futaie, à partir du mo- F ment où les futaies furent mises en coupes réglées. Plus tard, = ces officiers eurent un contrôle général à exercer sur les maï- (4) C'est-à-dire qu'une même charge avait deux titulaires, exercant la fonction, ou plutôt en touchant les revenus, à tour de rôle pendant une année. ais dE: ci 314 POLITIQUE FORESTIÈRE - tres particuliers, gruyers, etc., d’une circonscription déter- minée. j La surveillance des usagers, la délivrance des boïs formaient une part considérable des attributions des maïtrises, mais celles-ci avaient, en dehors de leur compétence technique, des attributions juridictionnelles qui absorbaient de beaucoup la plus grande partie de leur activité à une époque où la protection des forêts jouait nécessairement un rôle plus important que la sylviculture proprement dite. La juridiction forestière spéciale est très ancienne. Nous l’avons vue, fonctionnant déjà au ix° siècle, sous la présidence des maires carolingiens. En 1219, le roi reconnaît la compétence des forestiers de la forêt de Villers-Cotterets en matière de contestations entre les marchands de bois de cette forêt et leurs débiteurs. Un texte de 1223 contient des dispositions analogues. Dès leur première mention nous voyons les maîtrises constituées en tribunaux dont la compétence s’étend à tous les crimes, délits commis en forêts. C’est ainsi que les officiers forestiers connaissent de tous les contrats, marchés, faits à propos de bois sur pied ou abattus tant que ceux-ci sont encore gisants en forêt, . des querelles entre marchands et ouvriers (1), des faits de chasse el de pêche, et mème, nous Pavons dit, de tous les crimes ou dé- lits de droit commun commis en forêt. Le 27 août 1527, le Par- lement de Paris confirma, sur appel, un arrêt de mort rendu par la maîtrise des Eaux et forêts de Villers-Cotterets contre Pierre Regnaud, à raison des « batteries, larcins, pilleries et voleries » commis par lui dans la forêt de Retz, le long de la route de Paris à Soissons. Ce n’est qu’en 1669 que cette compétence fut enle- vée aux tribunaux forestiers. La juridiction des maïîtrises ne s'étendait d’abord qu'aux forêts du domaine. Elle fut étendue à toutes les forêts d’une manière (1) Un édit de mai 1597 nous apprend que, souvent, les marchands de bois, bûücherons, s’efforçaient de porter leurs différends devant les baillis ou autres juges de droit commun afin d'échapper à la juridiction, qui paraît avoir été par- FA TNT EN Eee 315 LE SERVICE FORESTIER _ d'abord facultative, par François Er, puis obligatoire. Dans le cas des bois des particuliers néanmoins elle était limitée, à _ moins de requête spéciale de l’une des parties. _ La maîtrise formait un tribunal complet. Le maître particu- _lier y fonctionnait comme juge unique, il montait l’épée au côté _ au siège de sa juridiction. Au xvr° siècle, 1l fut créé dans toutes les maîtrises particulières des procureurs du roi qui s’adjoigni- rent bientôt des substituts. Des greffiers enregistraient les sentences : les huissiers audienciers faisaient la police de l’au- dience et d’autres préposés, sous les ordres du maître, assu- _ raïent l’exécution des jugements. _ Les sentences des maîtres étaient sans appel lorsqu’ il s’ agis- | - sait de matières considérées comme peu graves. Sinon il y avait forêt. Ils y prenaient des bois en quantité souvent considérables et y envoyaient leurs bestiaux. De nombreuses ordonnances, de squ'à cent moules (1) de bois par an. En 1539, on essaya de ticulièrement redoutée, des maîtrises des Eaux et forêts. Le roi, confirmant les donnances de ses prédécesseurs, défend expressément aux tribunaux ordinai- res de retenir aucune cause ressortissant à la juridiction des maïtrises. (1} Le moule est une très ancienne mesure, supprimée par l'ordonnance de 669, qui valait, croyons-nous (nous nous basons sur un texte de l'ordonnance 1578 qui concède aux grands maîtres un chauffage annuels de 50 cordes ou ) moules) un quart de corde d'ordonnance ou 0 stère 959 centistères de nos sures actuelles si l’on admet que les cordes de l'ordonnance de 1578 sont les èmes que celles définies par l'art. 45 du titre 27 de l'ordonnance de 1669, xD # RES y Te t lUR Eire = PES as is ee 316 POLITIQUE FORESTIÈRE : =. supprimer ces délivrances, mais sans succès. En 1578, on régle- : menta à nouveau les délivrances de chauffage aux officiers forestiers. Les grands-maîtres eurent 50 cordes ou 200 moules (cent-quaire-vingt-treize stères !) de bois par an; les maîtres particuliers 25 cordes (quatre-vingt-dix-sept stères) ; les lieu- Ë tenants 15 (cinquante-sept stères et demi) ; les autres officiers (procureurs du roi, gruyers) 10 cordes ou 38 stères, enfin les arpenteurs et sergents à garde six cordes ou vingt trois stères. L’ordonnance de 1578 essaya bien d'imposer une redevance en échange de ces concessions mais presque tous les officiers réussirent successivement à se faire dispenser du paiement. $ 2. — Organisation administrative postérieure à 1669. L’ordonnance de 1669 réorganisa complètement le service des maîtrises ebvint définir pour la première fois, d’une façon claire et précise, les attributions des officiers forestiers. Le Titre T, nous l'avons vu, est relatif à l'institution d’une juridiction forestière spéciale. Le fitre ‘11 énumère les officiers des maîtrises. Ce sont le maître particulier, son lieutenant, le procureur du roi, le garde- marteau, le greffier. Ils étaient nommés par le roi et prêtaient serment à la table de marbre. Le grand maître leur faisait subir un examen pour s'assurer de leur capacité; ils devaient appar- tenir à la religion « catholique et romaine ». Le Titre IIT traite des attributions du grand maître. Il devait visiter les forêts, s’assurer de l’exécution des ordonnances, constater et punir les abus. Il jugeait sans appel les bûcherons, charretiers, pâtres, etc. Il désignait chaque année les assiettes des coupes dont il faisait un état qui était remis au maître parti- culier. Il présidait les ventes et les séances de la table de marbre. Les Titres IV et V énumèrent les attributions du maître particulier. Celui-ci devait tenir une audience par semaine. Il visitait deux fois par an au moins tous les bois de la maîtrise et LE SERVICE FORESTIER 317 _dressait procès-verbal de cette visite. Il vendait les menus pro- _ duits, chablis, bois de délit. Le Titre VI parle du procureur du roi, le Titre VII du garde- _ marteau dont l'attribution principale était la marque des coupes, dont il était personnellement responsable. Le Titre VIII est relatif aux greffiers, le ZX° aux gruyers, …_ Le Zitre X aux préposés parmi lesquels est nommé le garde- - général qui apparaît ici pour la première fois. « Les gardes - généraux... marcheront incessamment dans les bois et forèts el Ne le long des rivières.., afin de tenir les autres gardes dans leur devoir...» (art. 4). Cétaient des sortes de brigadiers ou préposés chefs. Les gardes généraux sont restés des préposés jusqu’en : 4824, époque à laquelle on donna ce titre aux agents sortis de . l'Ecole royale forestière. — Les autres préposés étaient dénomn- … més sergents ougardes. Ils étaient responsables des délits qu'ils | n’ayaient pas reconnus. Le Titre XI concerne les arpenteurs. La période d'ordre et de restauration instituée par l’ordon- nance de 1669 ne fut malheureusement pas de longue durée. Dès 1704 les Parlements, jaloux de l'existence d’une puis- . sance juridictionnelle indépendante de la leur, obtinrent la sup- - pression de la plupart des tables de marbre dont les attributions - furent données à une des chambres du Parlement qui reçut le … nom de « Chambre des Eaux et forêts ». En 1707, la détresse financière amena le rétablissement des - offices alternatifs qui redevinrent bientôt triennaux, puis même, dans certaines provinces, quadriennaux! Cependant l’organisation créé en 1669 subsista, sans modi- 3 i fications essentielles, jusqu’à la Révolution qui devait renouveler. …. complètement les institutions et le personnel forestiers. Les maîtrises avaient perdu leurs attributions judiciaires dès É 1790. Un décret-loi de 1791 les supprima même complètement; mais en 1792 surgirent des propositions d’aliéner les forêts domaniales et les maîtrises durent rester en fonctions jusqu’à ce qu'une décision eût été prise. Ce n’est qu’en l’an IX (16 nivôse) 318 POLITIQUE FORESTIÈRE que l’organisation nouvelle conçue en 1791 fut appliquée. La France fut divisée en 28 Conservations des Eaux et forêts. Sous les ordres des Conservateurs se plaçaient des Inspecteurs, Sous- inspecteurs, Gardes généraux et Arpenteurs.Les préposés reçu- rent les titres de brigadiers et gardes. Un décret du 7 ther- midor an XIIT plaça à la tête de l'Administration un Conseiller d'Etat avec le titre de Directeur général. Un décret du 8 mars 1811 affecta la moitié des emplois forestiers à d’anciens officiers retrailés pour blessures de guerre. Cette mesure, on le conçoit sans peine, ne fut pas favorable à la bonne marche du service. Par une loi du 22 mai 1817, le roi, « pénétré du besoin de sou- lager ses peuples par des réformes salutaires, » fit voter aux Chambres la suppression du service forestier tel qu’il existait depuis l’an IX. La gestion des forêts fut confiée aux receveurs de l’enregistrement et des domaines; conception au moins sin- gulière, qui remettait à un personnel essentiellement sédentaire et dépourvu des connaissances techniques nécessaires l’adminis- tration d’un domaine agricole! On ne tarda pas à se rendre compte de l’erreur commise, et, dès l’année 1820, l’ancien ordre des choses fut rétabli, Il devait subsister, sans modifications essentielles, jusqu’à la promulgation du Code forestier de 1827. $S 3. — Le recrutement du personnel forestier. C’est en 1552 que les offices forestiers, que François I* en- core avait déclaré devoir être donnés gratuitement aux plus dignes, étaient devenus vénaux : ils ne {ardèrent pas à devenir héréditaires. Ces offices finirent par constituer ainsi des sortes de bénéfices dont jouissaient des courtisans, comme le poète La Fontaine et tant d’autres, quiles obtenaient de la faveur du sou- verain ou les achetaient à deniers comptants. Il est inutile de faire ressortir les vices de ce système (1). (1) Un des forestiers les plus distingués du xvr-: siècle, de Froidour,arrivant en 1666 à Toulouse, où il devait exercer les fonctions de grand-maître, trouva les Es Mi CM LE SERVICE FORESTIER 319 L’ordonnance de 1669 essaya d'imposer aux maîtres parti- _ culiers, gardes-marteaux, greffiers, une sorte d'examen avant leur investiture. Ils devaient le subir devant le grand-maître ; on les interrogeait sur le texte de l'ordonnance que les mat- tres devaient connaître entièrement tandis que les officiers _ subalternes étaient autorisés à ignorer ceux des trente-deux _ titres qui ne les concernaient pas spécialement. On peut croire _ quecesexamens, peu fréquents sans doute, au moins pour les _ maîtres, ne furent pas non plus très redoutables. L’hérédité -_ des offices eut ce côté fächeux de retardér considérablement à le progrès et la diffusion des connaissances forestières que nul n'avait besoin d’acquérir et que bien peu songèrent à … rédiger. La pauvreté si souvent déplorée de notre littérature spéciale jusqu’à la fondation de l’Ecole forestière n’a pas d’autre | cause. | Le renouvellement complet du personnel à la fin du xvin° siè- - cle entraîna une interruption brusque et totale des traditions ‘ forestières dans notre pays. Les archives mêmes des maïtrises disparurent en très grande partie, dispersées dans les fonds dé- . partementaux ou, le plus souvent, détruites. - C'est Baudrillart, alors « chef de division adjoint à l’Adminis- _ tration générale des forêts », qui fit, sinon le premier, du moins . avec le plus de compétence et de résolution, une campagne in- . fatigable en faveur de la création d’un enseignement forestier (1). ….… L'ordonnance du 26 août 1824 vint satisfaire à ce besoin en ke “officiers de son ressort dans unétat d’ignorance inimaginable de leurs devoirs les Le plus élémentaires .« Je reconnus qu'ils ne dressoient aucuns procez verbaux d’as- - siette ny de martelage ny de balivage et pas même d'adjudication... je fis les - assiettes des ventes en leur présence afin de leur en donner l'exemple et le mo- -déle... je leur expliquai ce qu'était martelage et balivage... il n'y avait aucune | règle ni mesure dans les couppes » (préface de l’Instruction).C'est à cette circons- _ tance que nousdevons la publication, par le zélé grand-maitre, désireux d’instruire ses subordonnés, du plus ancien et du plus intéressant des très rares ouvrages forestiers didactiques que l’ancien régime ait produits : l’Instruction pour les ventes des bois du Roi, imprimé à Toulouse en 1668. (1) Les idées de Baudrillart sont développées dans les Annales foreslières, . recueil dont le premier volume parut en 1808, et dans divers ouvrages dont le - plus connu est le Dictionnaire des Eaux et Foréts (Paris, 1825),t. Il, pages 8-18 au _ mot « Ecoles forestières », 4:17 MS E SE EE AT TES 320 POLITIQUE FORESTIÈRE LATE { ordonnant la création d’une Ecole forestière dont l’installa- tion à Nancy fut décidée par ordonnance du 1°" décembre 1824. Les cours commencèrent le 4x janvier 1825; la direction de l'Ecole et l’enseignement des sciences forestières furent confiés à Bernard Lorentz, alors Inspecteur des forêts à Saint- Dié. ; Bernard Lorentz était né à Colmar en 1775. Il avait débuté dans l’Administration des forêts comme secrétaire de l’Inspecteur général du département du Mont-Tonnerre, puis, le 12 floréal an VIIL, ilavait été nommé sous-inspecteur des forêts à Mayence. Il rencontra dans cette ville Georges-Louis Hartig, alors au ser- vice de la Hesse, qui devait devenir plus tard chef du service forestier prussien et professeur de sciences forestières à l’'Uni- versité de Berlin. Hartig venait de faire paraître (en 1791) le premier traité de Sylviculture qui ait été imprimé en Allema- gne et jouissait dès lors d’un. grand renom. Entre le forestier français et son collègue s’établirent des relations d’estime et d'amitié qui ne prirent fin qu’à la mort de Hartig, en 1837. Plus âgé que Lorentz de onze ans, aussi instruit qu’on pouvait lêtre de son temps, le forestier hessois devint le maître et linitiateur de son ami et laissa sur-son esprit une empreinte ineffaçable. Ce détail était nécessaire ici pour expliquer le caractère trop exclu- sivement allemand qu’eut, à son origine, l’enseignement de Nancy. Ce caractère lui fut conservé, et peut-être avec plus d'exagé- ration, au moins au début, par Adolphe Parade, fils adoptif, gendre et successeur de Lorentz. Celui-ci avait envoyé son pro- tégé, orphelin d’un officier mort sur les champs de bataille de l'Empire, suivre les cours de l’Ecole forestière de Tharand (Saxe) que dirigeait alors (1817-1818) avec beaucoup d’éclat le célèbre Henri Cotta. Attaché à l’enseignement de l’école de Nancy dès 1825 (il était alors âgé de vingt-trois ans à peine), Parade y apporta les doctrines de son maître Cotta et ce n’est que bien tard, vers la fin de sa vie, qu’il commença à se dégager des théories de sa jeunesse pour essayer de renouer la tradition fran- ons ici cet aperçu de Thistoire de ‘Administration et de l'en stier: “avec le détail que comporte e.et importante Haies, dans la suite de ces Etudes, sur lhis- es et des procédés forestiers. | 4 complet de l'histoire de londenonibnt toiles en de M. a Pc ah rt free en É opR SE : STATISTIQUES a? RON ae ARE CAO CHAPITRE PREMIER LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUTREFOIS SOMMAIRE , forêts lors de la conquête romaine, leur étendue, leur distribution l Je territoire. Leurs essences. Les bois sacrés des Gaulois. Défriche- $3. —— Les forêts françaises pendant la période moderne. de boisement et population au xvine siècle. La carte de Cassini. Les à la veille de la Révolution. . #6 nous pouvons donc ainsi, en nous basant sur le chiffre : 326 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES | de la population, avoir une idée au moins approximative de Pé- tendue des forêts dans notre pays à diverses époques. On répète ordinairement, d’après Jules César, que la Gaule pré- sentait encore, il y a vingt siècles, au moins dans sa moitié nord, l'aspect d’une immense forêt coupée de marais (continentes syl- vas ac paludes). Il est certain, cependant, que, dès cette époque, de vastes espaces étaient défrichés et nourrissaient une popu- lation relativement nombreuse. Strabon et César nous affirment même que la population était très dense, mais ce dernier au moins, en grossissant à pläisir le nombre des vaincus, n’a fait que se conformer à l’habitude invariable des historiens romains. On peut se faire une idée du chiffre de la population et, par déduction approximative, de l'étendue déboisée de la manière suivante. Les contingents convoqués l'an 52 avant notre ère, lors de l'investissement d’Alésia, se sont élevés, d’après les Commen- taires, à 268.000 hommes environ. On sait que les Helvètes, dont la population était de 110.000 âmes, fournirent 8.000 com- battants; c’est-à-dire un guerrier pour 13 ou 14 personnes. En admettant la même proportion pour les autres peuplades gau- loises il y aurait eu, à l’époque, environ 3.700.000 habitants. Dans ce nombre ne sont pas compris les peuples qui ne prirent pas part à la guerre : ceux de la province romaine, ceux qui habitaient eutre la Garonne et les Pyrénées ni ceux qui peu- plaient la région à l'Est des Vosges; on croit pouvoir indiquer le chiffre de cinq millions d’âmes pour la population des Gaules au moment de la conquête romaine ({). En tenant compte de ce fait, qu’il y a vingt siècles la popula- tion vivait uniquement de la production locale du sol, et que des espaces beaucoup plus grands étaient nécessaires à produire la subsistance d’un homme que ce n’est le cas de nos jours, on peut admettre, semble-t-il, sans trop de témérité, que la moitié (1) Levasseur, La Population française, 1889, t. I, p. 288. Beloch. Die Bevôlke- rung Galliens zur Zeil Cæsars, Rheinisches museum, 1899. D'après César ce nom- bre serait de 6.700.000Jenviron. 1e LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUTREFOIS 327 au moins du territoire gaulois était encore inoccupée, c’est-à- dire boisée, lorsque César y pénétra à latête de ses légions. Les forêts n'étaient pas uniformément réparties sur toute la surface du pays. Si l’on compare l'étendue des territoires des cités gau- loises au nombre des combattants fournis l’an 52 avant Jésus- Christ, on constate que la province romaine, les vallées de la Loire, de la Saône, de la Seine, de l'Oise, de la Somme, étaient les régions les plus peuplées. La densité de la population était _ moindre dans la région du Nord-Est (à l'Ouest des Vosges) qui formait, comme encore de nos jours, la partie la plus boisée du pays (1). | _ «C’est surtout au nord de la Loire que les forêts présentaient une masse profonde, impénétrable et quasi continue. Les bois des Carnutes couvraient la Beauce, l’Orléanais, le Gâtinais, le Blaisois, le Perche. Ceux des Bellovaques, des Ambiens, des Atrébates, se développaient à travers les plaines limoneuses de _ la Flandre, au delà de la Meuse et du Rhin. A PEst, se dérou- lait par monts et par vaux la forêt de l'Ardenne. Par les bois des Sénons et des Meldes, elle touchait à celle des Carnutes.Par les Vosges elle atteignait les frontières de la Germanie. Par le Morvan et le Jura, elle se prolongeait chez les Eduens et les Séquanes. » « Sous ce dôme de feuillage erraient, avec les espèces actuel- lement subsistantes, l’élan et l’aurochs. Les troupeaux de che- | vaux, le gros et le petit bétail y trouvaient leur pâture. Les porcs vaquaient par milliers sous la chènaie.lls étaient de taille - énorme, à moitié sauvages, très redoutés des passants (2). » Les forêts immenses n’étaient cependant pas entièrement . inhabitées. Les monuments découverts sur beaucoup de points nous prouvent qu’elles étaient parcourues, aux premiers siècles de notre ère, par des peuplades poussant léurs troupeaux devant elles et continuant la vie nomade, peut-être à demi sauvage (3), (1) Abstraction faite du massif landais, de création contemporaine. (2} Ernest Lavisse, Hisloire de France, t. I et II. Les Origines, par G. Bloch. - Paris, Hachette, 1900. (3) Le mot sauvage (en roumain selbalic) dérive de sylvalicus. Les hommes 1 Va 328 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES disparue depuis longtemps dans les régions plus fertiles et à climat plus doux de la plaine. Nous avons quelques indices de ce qu'étaient les essences peuplant les forêts à cette époque lointaine. Pline nous signale la présence de sapinières étendues dans les Alpes, les Vosges, le Jura. Dans la plaine se trouvaient des arbres à glands, des chênes, sur lesquels cet auteur nous donne, avec une abondance de détails bizarres, cette indication assez juste que la variété que nous appelons aujourd’hui pédonculée caractérise les terres propres à la culture du blé. Pline mentionne encore des érables, des saules, des ormes, etsurtout le bouleau, « qui est un arbrede la Gaule (4) ». Les Pyrénées renfermaient beaucoup de buis, parfois de grande taille. César, qui avait plus et mieux vu que Pline, nous dit que le Aëétre foisonnait en Gaule. Pline ne paraît pas avoir bien connu le charme, dont il dit que c’est un arbre de montagne ; il semble qu’il Pait confondu avec une autre essence, peut-être le hêtre. Il signale aussi un pinaster, probablement notre pin maritime, dont il avait remarqué la fécondité. « Aucun arbre, dit-il, ne paraît plus avide de produire (2). » Il dit expres- sément. que le chène-liège manque en Gaule, ce qui était cer- tainement inexact. Divers renseignements, tirés des noms de lieux ou de l'étude de la flore des tourbières, confirment ou complètent ces don- nées. Il semble bien qu’au moment de la conquête romaine les chênes et les hêtres formaient, comme de nos jours, le fond de la population de nos forêts de plaine et que les résineux cou- vraient la montagne, sauf l'exception signalée pour le pinaster. Tout le monde sait que les Gaulois avaient établi, dans leurs bois, des enceintes sacrées qui étaient les lieux de leur culte. Pline, entre autres, nous décrit avec détail quelques-unes des cérémonies de ce culte; et notamment la plus célèbre, celle de rebelles à la civilisation agricole qui se développait dans la plaine trouvaient un asile dans les futaies de la montagne, où ils continuaient les mœurs primitives des peuples chasseurs et pasteurs. (1) P. Weyd, Pline, elude d'archéologie forestière, Poitiers, 1897, page 14. (2) 1bid., paze 100. LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUTREFOIS 329 _la récolte du gui. Le gui n’a de valeur que lorsqu'il a erû sur le _ robur,« où il est extrêmement rare, » tandis qu’il serait commun sur un autre chêne (1). « Aux yeux des Druides (c’est ainsi qu'ils _ appellent leurs mages), rien n’est plus sacré que le gui et l'arbre _quile porte, à condition toutefois que ce soit un rouvre (robur)… _ Tout gui venant sur le rouvre est considéré comme envoyé du _ ciel; ils pensent que c’est un signe d'élection que le dieu même a fait de l’arbre (2). » Les lieux voués au culte, les bois sacrés (3), étaient l objet d’une terreur religieuse : nul n’eût été asseztémé- _raire pour y porter la hache. Lucain, dans sa Pharsale, nous L dépeint en de beaux vers, souvent cités, la crainte qu'inspiraient __ ces arbres saints : nt. 3 Ten dE : Es 18 loi Sed fortes tremuere manus, motique verenda See Majestate loci, si robora sacra ferirent E er. In sua credebant redituras membra secures. _ Ce respect des grands chênes s’est conservé longtemps parmi = D à nous. I! est impossible, en relisant les vers de Lucain, de ne . pas se rappeler la façon dont notre Ronsard interpelle le bûche- ron:. Ecoute, bûcheron, arrête un peu ton bras, 5e _ Ce ne sont pas des chênes, que tu jettes à bas! Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force Des Nymphes qui vivaient dessous la rude écorce ? _ Les Romains apparurent tout d’abord en Gaule comme de grands destructeurs de forêts. Jules César rapporte qu’il fit dé- fricher, dans un but stratégique, de vastes étendues de forêts sur différents points du pays. Il ne respectait même pas les bois _ sacrés. Le souvenir de l'indignation que provoquèrent les défri- on Il est probable que Pline fait ici une confusion entre « cet autre chêne », dans lequel M. Weyd croît reconnaitre le pédônculé, et quelqu'essence fréquem- 3 ment atteinte par le gui. En réalité, celui-ci est tout aussi rare sur le pédonculé _ que sur le rouvre. Les chénes, rouvre, pédonculé et autres, sont fréquemment se attaqués par un loranthus, plante très voisine du gui, qui se rencontre en Italie, mais qui est étrangère à notre flore. … (2) Pline, XVI, 95, cité par M. Weyd, op. cit., page 221. (3) Le mot celte qui désignait les bois sacrés est, dit-on, celui de Nemet, qui . s'est conservé dans un certain nombre de noms de lieux comme Nemelodurum, Nemelobriga, Nemelacum, etc. (d'après M. Maury). 330 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES chements, que les Romains pratiquaient dans tous les pays nou- vellement conquis, est parvenu jusqu’à nous. Tacite fait dire à Galcacus, qui essayait de soulever ses compatriotes contre la domination romaine : « Ils vous frappent et vous insultent, en vous forçant à détruire vos propres forêts! » Tibère et ses suc- cesseurs continuèrent cette politique de défrichements en vue d'augmenter la sécurité dans le pays. Dès le m° siècle la prospérité commença à décliner beaucoup dans la Gaule. Les guerres continuelles décimaient les popula- tions; l’énormité des impôts (1) les amenait à abandonner leurs terres qui venaient grossir encore l’immense domaine improduc- tif du fisc impérial,de sorte que l’étendue boisée dut augmenter considérablement. La législation de l’époque est pleine de me- sures de rigueur contre ceux qui abandonnent la terre, de dis- positions destinées à peupler les domaines de gré ou de force. On fit appel dans ce but aux barbares installés sur la rive droite du Rhin, notamment aux Francs établis dans la val- lée inférieure de ce fleuve, en aval de Mayence, dans une région que, dès le ane siècle, on appelait Francia (2). Tacite nous rap- porte que, de son temps déjà, « les Germains passent en Gaule pour échanger leurs bois et leurs marécages contre des terres très fertiles ». Sur le sol de l’Empire, les Germains établis à demeure pullulent au me siècle. Dans quelques régions ils domi- nent sous la domination nominale des empereurs; ailleurs, ils comblent les vides d’une population qui va sans cesse décrois- sant. Les barbares s’établissaient comme colons dans les bois qu'ils (1) Lors de l'établissement du cadastre d'Auguste, l'impôt foncier, dans la Gaule, équivalait à trente millions et demi de francs de notre monnaie, Lorsque Julien vint en Gaule, en 356, l'impôt foncier produisait la somnre énorme de einq cents millions (1?). Cet empereur l'abaissa à cent cinquante millions, mais c'était encore trop pour une population d'environ sept millions d'habitants. (Glasson. Histoire du droil et des institutions poliliques de la France, 4. TH, pp. 3387-88). (2) Sur la table de Peutinger, la rive droite inférieure du Rhin, du confluent du Main à l'embouchure, perte le nom de Francia. Aujourd'hui encore une partie de ce territoire s'appelle Franconie. _ LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUTREFOIS 337 défrichaient cu les terres abandonnées, incultes, les saltus. Les Gallo-Romains se félicitaient de leur arrivée; les empereurs ne cherchaient qu’à les attirer, ils les incorporaient dans leurs armées, les installaient sur leur domaine. A partir du v° siècle la pénétration des Germains prit un carac- tère nouveau. Ce n'étaient plus des bandes guerrières qui venaient piller, ni des colons qui venaient chercher fortune; ce . furent des peuples entiers, guerriers, femmes et enfants, qui venaient en quête d’un établissement fixe. Incapable de les repousser, l'Empire, à la veille de sa chute, les accueillit, Dès le début du v° siècle les Wisigoths avaient fondé un royaume en Aquitaine ; un roi germain régnait à Bordeaux à Toulouse, à Nar- bonne.Les Burgundes étaient installés entrele plateau de Langres au Nord, le Jura et les Alpes à l'Est, la Durance au Sud, le Rhône et la Loire à l'Ouest; ils y formaient un royaume. Les Francs occupaient Le surplus; c’est-à-dire la région au Nord de la Loire et du Rhône, leur roi s'appelait Mérovée ou Merouechus; ses descendants furent les Mérovingiens, la première race des rois de France. Les rois francs établirent bientôt leur domination sur toute la … Gaule. Clovis rejeta les Wisigoths au delà des Pyrénées et sou- - mit les Burgundes. La Gaule devint ainsi la France et notre _ patrie se trouva constituée avec ses limites naturelles : le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et la mer. ; } $ 2. — Les forêts françaises de l'époque carolingienne à la fin du moyen-âge. On retrouve encore, à l’époque carolingienne, la plupart des massifs forestiers de la Gaule romaine. Au _ Nord, la vaste forét charbonnière s'étend toujours entre l’Escaut et la Sambre. Char- lemagne, comme ses prédécesseurs mérovingiens, allait, à l’au- tomne, chasser dans le massif inexploré, presque vierge encore, 332 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES de l’Ardenne. Le Sylva vosaqus (1) couvrait de son ombre immense non seulement nos Vosges actuelles, mais encore les Faucilles et le plateau de Langres. Il subsiste des débris impor- tants de la jorét des S'ylvanectes qui formait autrefois la marche (zone frontière) entre les Bellovaques, les Suessoniens et les Meldes, et dont nous entretient César. Ce sont les forêts doma- niales de Fontainebleau, de Sénart, de Saint-Germain, de Marly, voisines de Paris, qui ne sont jamais sorties du domaine souve- rain : elles constituaient le terrain de chasse par excellence de nos rois. Plus près de la capitale encore le massif dont il nous reste les bois de Boulogne et de Vincennes. Puis les forêts par- ticulières de Crécy et d’Armainvillers, la forêt de Chantilly, au- jourd’hui propriété de l'Institut de France, les forêts domaniales de Halatte, d'Ermenonville ; la Sylva caucia (forêt de Cuise), dont les forêts domaniales de Compiègne et de l’Aigue sont des débris ; le Sylova vernensis, dont notre forêt de Retz ou Villers- Cotterets (domaniale), est un témoin ; dans le Soissonnais, la forêt de Kiersy, où chassait Charles le Chauve, et dont il ne subsiste que des boqueteaux ou petites forêts devenus propriétés particulières ; la forêt de Selve (aujourd’hui forêts domaniales de Saint-Gobain, de Coucy,et diverses particulières), la forêt de Samoussy (à l'Etat); près de Laon, celles de Saint-Michel de Signy (domaniales et particulières),jalonnent,de Paris à la fron- tière belge, la marche des Sylvanectes, où les légions romaines purent cheminer plusieurs semaines sans trouver de lisière. A l'Est des Vosges, le Bienwald, la Sylva immunita (aujourd’hui Mundat-wald), la forét sainte de Haguenau, la Æardt, s’éten- dent entre le Rhin et la montagne : barrières dont l’importance stratégique n’a pas encore disparu de nos jours. La Champagne était très boisée: citons la forêt de Perthes, celle du Ders (près de Vassy), la Sylva major près des Champs catalauniques où Aëtius avait réduit en pièces l’armée d’Attila. Le Rigetius saltus couvrait de vastes étendues ; notre montagne de Reims en est (1) On croit que ce mot Vosagus rappelle le nom d'un dieu gaulois, comme aussi celui d'Ardenne. LA FRANCE FORESTIÈRE D AUTREFOIS 333 le dernier reste. Les forêts d’Othe (usta ou otta sylva), de Chaource et bien d’autres subsistent encore en partie. Le saltus sequanus s’étendait sur la Franche-Comté; la forêt de Chaux en est un débris. Dans l’Orléanais et la Beauce on rencontrait une des plus vastes forêts du pays : la Sylva leodica, plus tard forét des Loges; ce qui en reste forme aujourd’hui les forêts d'Orléans et de Montargis. Du temps de Rabelais, on avait gardé le souvenir de l’époque où ce massif mesurait encore trente- cinq lieues de long et dix-sept de large. Le joyeux conteur _ l'appelle «une ample forest, horriblement copieuse en mousches bovines et freslons (1) ». Nos forêts de Blois, de Russy et de Boulogne étaient encore soudées en un massif unique. De même _-nos forêts de Chinon et d’Amboise, peut-être de Loches. La - Carnuta sylva s’étendait près du Mans ;il n’en reste que des dé- ._ bris isolés: les forèts de Bercé, de Perseigne et quelques autres. _ La Normandie a toujours été réputée pour la beauté de ses forèts ; elle était très boisée au commencement du moyen-âge et les bocages actuels lui donnent encore un aspect forestier. La forêt de Bourse continuait le massif de Perseigne et le re- … liait à la forêt de Laigle.De la vaste Sylva pertica il nous reste la forêt de Bellème, celle de Reno-Valdieu, celle du Perche, etc., et celle de S'enonches. Les forêts d'£vreux, celles de Conches, _de Breteuil et de Beaumont se rejoignaient ; la première ne fut _ entamée que sous saint Louis, la seconde fut défrichée par les moines du xi° siècle; ce qui en reste est devenu propriété par- ticulière. La Bretagne, moins favorable à la végétation forestière, ren- fermait cependant de grandes forêts. Une des plus célèbres est celle de Bréchéliant ou Barenton, qui fut la retraite de l’en- chanteur Merlin et d’Obéron, le fils de la fée Morgane. Au ec: NU Pr (4) Livre 1, chap. xvr. A l’époque où Rabelais fait voyager son héros, qui se place nécessairement au xur siècle au plus tôt, on était occupé à défricher la Beauce. Peut-être l’auteur veut-il faire allusion à cette opération lorsqu'il nous montre la jument de Gargantua renversant, d'un mouvement de sa queue, des cantons entiers de haute futaie. La forêt d'Orléans, qui fut arpentée pour la pre- . mière fois au xvre siècle, mesurait, à cette époque, 64.000 hectares environ. M RL ET a 334 LA FRANCE FORESTIÈRE. —. STATISTIQUES | xv® siècle cette forêt avait encore sept lieues!de long'et deux à trois de large, malgré les cinq abbayes qui y étaient installées, dont la plus ancienne remonte au vne siècle. Les environs de Rennes présentent encore quelques forêts, autrefois soudées en un massif important. Des traditions très anciennes nous font supposer que ces forêts ont été un des principaux sièges du culte gaulois : on y a découvert des monu- ments qui paraissent se rattacher à la religion des druides. La forêt nantaise s’étendait de Nantes à Clisson, Machecoul et Princé ; il en subsiste quelques restes. Les forêts de Gütine, des Moulières, en Poitou, sont souvent mentionnées dans les anciens textes. La partie la plus boisée du Poitou était, sans doute, celle qu'aujourd'hui encore nous appelons le Bocage vendéen. Au sud de cette région, mention- nons, près des Sables d'Olonne, la forêt d'Orbestier (orbis ter- minus) au bord de l'Océan, en partie reconstituée aujourd’hui par les travaux de reboisement des dunes entrepris depuis un siècle. Cette forêt était déjà très entamée par les moines et les usagers au xr° siècle. Le Bourbonnais était richement boisé. Nous y avons encore quélques-unes de nes plus belles forêts domaniales : celles de Tronçais, de Molladier, celles de Gros-Bois, de Dort, de Laide leur étaient, croit-on, jadis réunies. On a conservé, à la Biblio- thèque nationale, des plans sur parchemin qui donnent une idée de l’importance ancienne de ces massifs. L’Angoumois était encore boisé lorsqu'on y fonda, au xu‘siècle, l’abbaye de Sainte-Marie du Gros- Bois. Les moines défrichèrent, en moins de deux siècles, la presque totalité. Les limites de l’antique forèt de Saintes sont décrites avec détail dans une charte du xu° siècle, citée par Maury. Il n’en reste que quelques forêts particulières et l'important massif domanial de Braconne, près d’Angoulème. Les Alpes et les Pyrénées paraissent avoir été encore presque entièrement couvertes de bois à l’époque carolingienne. La Provence portait d'assez grandes forêts encore. On croit que la LA FRANCE FORESTIÈRE D AUTREFOIS 335 S'ylva cana (près d'Aix) devait son nom à la présence du peu- _ plier blanc. La S'ylva regalis, actuellement de Silveréal, couvre encore 5.000 hectares, nominalement, en Camargue.La forêt de la S'ainte-Baume est bien connue des botanistes et des fores- tiers. Les forêts des Maures et de l’Estérel ont gardé une partic de leur importance ancienne. On a conservé le souvenir de deux forêts encore importantes . auIx° siècle, qui se trouvaient dans le Bas-Languedoc; elles ont disparu. Nous avons parlé, dans la première étude de cet —_ ouvrage, du Saltus vasconiæ, reconstitué, êt bien au delà, par les plantations de pin maritime. Les bords de la Garonne, de Toulouse à Montauban, offraient . une succession de forêts dont les vestiges sont encore nom- breux. Le nom même du Quercy indique une région fores- tière ; elle l’était encore au 1x° siècle, lors de la fondation des - grandes abbayes de la région. _ Entre la Guienne et la Saintonge s’étendait une vaste forêt qui paraît avoir rejoint, autrefois la forêt de Saintes. On l’appe- lait la Plane Selve (plana silva); elle mesurait encore, au _xu* siècle, lors de la fondation de l’abbaye du même nom, près & _ de trois lieues de long (1). _ Quoique fort étendus encore, Les massifs de la France carolin- … gienne ne présentaient plus, néanmoins, cette continuité qui avait tant frappé et effrayé les Romains ; ceux-ci rapportent —. qu'on y pouvait cheminer plusieurs semaines sans sortir de la forêt. La population avait presque doublé depuis la conquête de …—_. César ; de vastes espaces avaient été défrichés. On a prétendu (4) Voix, pour plus de détails, les Foréts de la Gaule et de l'ancienne France, par À: Maury. Paris, 1867, ouvrage auquel nous avons emprunté la majeure partie de ces renseignements sur l’état forestier ancien de notre pays. (2) D’après M. Levasseur (/a Population de la France, t. 1, pp. 134 et 288), la population aurait été, à l'époque des Antonins, de 8.500.000 habitants et, sous Charlemagne,de huit à dix millions: nous avons vu plus haut qu'elle était de cinq millions au temps de la conquête romaine. Rs 1 : 336 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES, que les Capitulaires de Charlemagne avaient prescrit des défri- chements, se basant sur cette disposition souvent citée du Capi- tulaire « Devilits » « ubt locus fuertt ad stirpandum stirpare fa- ciant judices et campos de sylvä increscere non pernuttant ». Ce texte prouve toutau moins que le roi veut que, dansses villas, ce soient les intendants qui président aux défrichements lorsque ceux-ci paraîtront opportuns et qu’il leur ordonne de veiller à ce que les jachères, si étendues dans le système d’agriculture du ixe siècle, ne soient pas envahies par la végétation des forêts. Des Capitulaires de Louis le Débonnaire, de 819, interdisent de créer des forestæ nouvelles. Ce n’est pas, comme on l’a cru, une dé- fense de reboiser. Le mot /oresta, au ix*siècle, désignait non pas une forêt,mais un terrain mis en ban, une embannie,une devese (defensum), c’est-à-dire uae portion du domaine, boisée ou non, dont le roi ou le seigneur avait écarté les tenanciers qui ne pou- vaient y pénétrer, soit pour y prendre du bois, soit pour y mener leurs bestiaux ou pour y capturer le gibier et Le poisson. Le roi voulait que ses officiers ne missent pas obstacle, plus qu’iln’était nécessaire, à l’exercice des usages de ses tenanciers, en exagé- rant les mises en défends. Il est incontestable, du reste, que l’étendue boisée était fran- chement excessive au moyen àge eu égard au chiffre dela popu- lation. Les épouvantables famines qui ravagèrent périodique- ment la France à cette époque en sont la preuve trop certaine. Ce taux de boisement exagéré tenait évidemment à la réunion entre les mains du roi et des seigneurs de presque toutes les grandes forêts qu'ils conservaient jalousement comme le lieu de leurs chasses. Les fondations d’abbayes vinrent heureuse- ment agir en sens inverse en provoquant des défrichements. Nous devons en parler, au moins sommairement. L'institution monastique est, en France, à peu près aussi ancienne que le christianisme lui-même. Elle prit de Pextension à la fin du vi siècle lorsque Colomban, moine venu d’Islande, fonda LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUTREFOIS 337 | ses premiers monastères dans la Sylva Vosaqus, à Anegray, à | Luxeuil, à Fontaines. La règle de Colomban, fort dure, faisait de ‘ses moines des ne _ascèles contemplatifs; elle fut supplantée rapidement, au cours E du vie siècle, par la règle bénédietine, importée d’Italie. Plus tard les moines contemplatifs et ascètes devaient réapparaître * ‘avec les Cisterciens, les Chartreux, etc., mais ce sont les Béné- dictins primitifs surtout qui nous intéressent, car ils furent de grands défricheurs de forêts. FE: _ Les grandes abbayes bénédictines doivent généralement leur | _origine à une donation. La plupart des chartes mérovingiennes connues sont relatives à des dons faits par le roi à des églises Eu à des monastères. Les Carolingiens ne furent pas moins | _ généreux que leurs prédécesseurs de la première race. Les sei- Lo les imitèrent. Chacun donnait, « pour le remède de son pus ». On donnait au saint, au patron de l'Eglise ou du cou- vent ; les biens donnés devenaient inaliénables, les moines n’en 4 ayant que la jouissance. S’accroissant toujours, le domaine ne À - tarda pas à devenir immense, démesuré. Certains auteurs pré- 4 _ tendent qu’à l’avènement de Charlemagne les églises et les cou- 4 À vents possédaient le tiers du territoire du pays. — Les abbayes, installées sur les domaines royaux ou seigneu- + “dt se Pouysienl ainsi en pren bois. Elles: se uen à Jap avaient été repris par la forêt. Ils y ramenèrent les populations. “FE Les moines bénédictins ont défriché, dans le cours des siècles, un dixième peut-être de l’étendue du pays. Cest à eux que la trance du moyen-àge doit de ne pas être partiellement morte rapporte des détails effrayants d'hommes égorgés et dévorés, de chair humaine …débitée et mise en vente, de populations se nourrissant d'herbes et de glands. ECONOMIE FORESTIÈRE. — LI. 22 à EE \ ; 338 LA FRANCE FORESTIÈRE. —— STATISTIQUES En nous basant sur ce que l’on sait du nombre d'habitants que nourrissaient certains grands domaines abbatiaux dont l’éten- due cultivée est connue, en admettant d’autre part, avec M. Le- vasseur (1), que la France carolingienne, arrêtée à ses limites actuelles, nourrissait 8 à 10 millions d’habitants, nous croyons pouvoir estimer à 30 ou 40 pour cent le taux de boisement de notre pays au début du rx° siècle. L’étendue boisée dut augmenter beaucoup pendant la période féodale, à mesure que la population diminuait. Ce dernier fait n’est malheureusement pas contestable. Les pestes et les fami- nes causèrent des ravages effrayants au x° et au xur° siècle. « Pendant le xi siècle on put compter 48 annéesde disette ; sous le règne de Philippe-Auguste il y en eut onze. Celle de 1195 dura quatre ans... En 1197 une foule innombrable de personnes moururent de faim: énnumerti fame perempti sunt, dit la Chro- nique de Reims (2). » Le xur° siècle fut une période de calme relatif; la population se reprit à croître et à défricher. C’est à ce moment que les campagnes fertiles de la Beauce commencèrent à être livrées à la culture du blé qui devait y prendre tant d’extension par la suite. En 1328 le roi voulut faire exécuter,pour la première fois, le dénombrement des habitants de ses domaines. Il nous est resté un « Ætat des paroisses et des feux dans les bailliages et sénéchaussées » de 1328 qui ne ‘s'applique malheureusement qu'aux deux cinquièmes environ de la France actuelle; on y re- leva 24.150 paroisses et 2.411.149 feux. M. Levasseur en déduit, pour la France avec ses limites actuelles, une population de 20 à 22 millions d'habitants (3). Si ce calcul était exact il faudrait admettre que la France de 1328 était à peine aussi riche en forêts que celle de la fin du C'était la conséquence fatale de l'état arriéré de l'agriculture, de l'absence de commerce et de moyens de transports, des entraves apportées par les impôts féodaux à la circulation des grains et surtout de la faible étendue cultivée dont le produit s'accroissait moins vite que la population. (4) Op. cit., t. I, page 134. (2) Histoire de France (op. cil.), t. IT, par M. Luchaire, page 299. (3) Op. cil., page 168. LA FRANCE FORESTIÈRE D’'AUTREFOIS 339 4 xvin® siècle, à la veille de la Révolution. Nous ne croyons pas | que le chiffre de M. Levasseur soit admissible, car les parties du : pays dénombrées en 1328 sont précisément les plus peuplées et les plus déboisées. Le taux de boisement de 15 à 20 0/0 que . comporterait une population de vingt millions d’habitants doitcer- :. tainement être augmenté, peut-être considérablement. 25 à 30 0/0 - peut, à litre d’'hypothèse, sembler plus voisin du taux véritable. “È $ 3. — Les forêts francaises pendant la pé“iode moderne. … La guerre de Cent Ans recommençale dépeuplement de notre pays. Les historiens admettent que, au cours du xiv° et jusque vers le milieu du xv° siècle, la population a diminué d’un tiers É | dans le bassin de la Seine et le bassin moyen de la Loire; le 1 désastre fut moindre ailleurs. Les forêts durent gagner dans la - même proportion. Puis survinrent les guerres de religion. Un auteur a prétendu que, à l'avènement de Henri IV, la population _ était tombée à quatorze millions d'habitants; M. Levasseur a É repris ces calculs ct admet une diminution de deux millions d’à mes environ pour la France de Henri IV par rapport à celle de . 1328. —. Au début du xvine siècle, la France renfermait 20 à 21 mil- à l’échelle de une ligne pour cent Loises ( | dont 1 D 86. 400 «la dernière feuille, la cent quatre-vingt-deuxième, fut publiée PRESS RES) 340 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES rendre compte de l’étendue boisée de la France, entreprit, vers 1790, de mesurer sur 140 des feuilles de la carte de Cassini la contenance des bois qui y étaient figurés (1). Il trouva que, sur une étendue totale mesurée de 47.852.000 hectares, il y avait 7.026.000 hectares de bois, et il en conclut à un taux de boise- ment de sou 14.3 0/0 pour la France du milieu du xvur siècle. L’étendue des forêts aurait donc été d’environ 7.600.000 hecta- res (2). Ge chiffre est un minimum, car la carte de Cassini, mal- gré la grandeur de son échelle, ne porte que les massifs d’une certaine importance. On peut donc admettre que le taux de boi- ment de la France était, au milieu de l’avant-dernier siècle, de 15 à 16 0/0 et l'étendue des forêts de huit millions d'hectares environ. Ces chiffres s'accordent bien avec l'importance de la population à cette même époque (3). | Voici, approximativement (les chiffres ne peuvent être pré- cisés que pour les forêts du domaine royal), comment ces huit millions d'hectares se répartissaient, à la veille de la Révolu- tion, entre les différentes catégories de propriétaires : Domaine du roi.......... ê 473.000 hectares Forêts des apanagistes..... 176.500 » forêts royales Forêts engagées........... 91.000 » 796.500 hectares —— affectées....... Pitt 56.000 » — ecclésiastiques envi- | ron (4) Fr ere is de 950.000 ») (1) Voyage en France en 1787,88, 89 et £0, 3 volumes in-12, 2e édition française, t. III, pages 182 et suivantes. Paris, an II. (2) Young donne le chiffre de 18.817.000 acres anglais, soit 7.620.000 hectares. Rougier de la Bergerie, en le transcrivant avec étourderie, remplaca les acres an- glais par des arpents (l'arpent de Paris valait 34 ares 18) ce qui réduit la conte- nance à 6.400.000 hectares. Il semble que cette erreur de copie soit le point de départ d'une opinion fausse, encore professée par Baudrillart, que la France ne renfermait pas plus de trois millions à trois millions et un quart d'hectares de forêts particulières vers 1820, (Herbin de Halle, dans son Manuel de 1822 les esti- mait de même à 3.173.000 hectares; tous les auteurs de cette époque se repro- duisaient les uns les autres.) Les forêts de la Lorraine sont comprises dans ce total de 7.600.000 hectares. (3) Le commerce extérieur avait déjà de l'importance en 1789. La France, dès cette époque, ne suffisait pas à sa consommation et importait pour environ onze millions de francs de bois par an. (4) En 1791, avant la confiscation des biens des émigrés, mais après la réunion 1.800.000 hectares | # ds parcs en- RE nee 4.450.000 » _ blissements publics sou- _ misesaurégimeforestier.. 1.917.630 — Forêts communales non soumises. 297.852. — Forêts des particuliers..…......... 6.217.090 — | 9.521.668 hectares CHAPITRE I LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI SOMMAIRE $,1. — La région du Nord-Est. 3 A4 Forêts domaniales des départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme. Région du Nord-Est: limites, étendue, taux de boisement. Ardenne. Signy-l’Abbaye. Les forêts des terrains calcaires : côtes de la Meuse, Argonne, LOI, Côte-d'Or. Taillis sous futaie de hêtres en terrain calcaire. Balivages. Rendements. Forêts des terrains argilo-siliceux ou argileux. Balivages. Rendements. Forêts vosgiennes. Etendue, matériel, traitement, revenus. Forêts du Jura. Le massif de Joux-Levier, Types de peuplements. Revenus. Le Président des Chérards. La Vôge. Forêt de Darney. Les taillis communaux de la Haute-Saône. La Bresse. Forêt de Chaux. Les forêts de la Saône. Forêts de Citeaux, de Pourlans. Le Chène de Juin. Le Morvan. La forêt de Saint-Prix. S 2. — Le bassin de la Seine et le bassin moyen de la Loire. Limites, étendue, taux de boisement de cette région. Foréts particulières : traitement, revenu. Forêts domaniales. Villers-Cotterets. La futaie des Dayancourt. Fontaine- bleau. Marly, Saint-Germain, etc. Chantilly, Halatte, Ermenonville. Com- piègne, Coucy, Saint- Gobain. Lyons, Eawy, Rouvray, le Ends Rou- mare, etc. Les vieux arbres de la Normandie. Le plus gros chêne de France. Les ifs. funéraires. Les forêts du Perche. Bellème. Histoire de cette forêt. Peuplements typi- ques. Traitement, revenu. La forêt de Bercé. Traitement. Peuplements typiques. Revenus. Le canton des Clos. Les foréts du Blésois. Traitement. Peuplements typiques. Revenus. Les foréts du Bourbonnais. Le Tronçais. Moladier, etc. La forêt d'Orléans. Histoire. Traitement. Revenus. 7 Lier LA FRANCE FORESTIÈRE D’AUJOURD'HUI 343 $ 3. — La région du Nord-Ouest et le massif central. Limites, étendue, taux de boisement de cette région. Les forêts de Bretagne, les landes, forêt de Chisé, HAtnergue $S4. — La région du Sud-Ouest et les Pyrénées. Pa Taux de boisement, vacants. Les sapinières de l'Aude. \ ‘si de forêts : Laurenti, Montauban, Bouconne. s taillé lis de chêne vert. Forêt de Gignac. Les forêts du Gard, ; rét du Lubéron. éalpes. Le Ventoux. Forêt de Bédoin. Essences, traitement, revenus. truffières. SERA ENS où es forêts hrs Elles sont Pinpiées de chêne CR 2 : ee 344 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES seul tenant d'une douzaine de départements, d’une étendue d'environ 700.000 kilomètres carrés, dont le taux de boïse- ment dépasse 28 0/0. C’est la région forestière la plus étendue qu'on puisse délimiter dans notre pays ; c’est aussi la plus intéressante par sa richesse el la variété de ses produits. Elle renferme 190.000 kilomètres carrés de forêts : le cinquième des forêts françaises et près des deux cinquièmes des forêts sou- mises au régime forestier. Au nord, on rencontre les plateaux primaires de l’'Ardenne, froids et marécageux, profondément découpés par des vallées aux flancs escarpés, sur lesquels croissent des taillis simples de chêne soumis au sartage ; « immenses forêts de petits arbres, » a dit Michelet. Ces forêts appartiennent surtout à des particuliers qui y produisent de l'écorce à tan. De vastes étendues, naguère couvertes de bruyères, sont depuis quelque temps progressi- vement reboisées en résineux, particulièrement en pins syl- vesires. À une trentaine de kilomètres à l’ouest de Mézières, se trouve la forêt domaniale de Signy l'Abbaye, d’une étendue de 3.200 héctares. Cette forêt, enrichie par les balivages conservateurs des Bénédictins, se trouve en sol de qualité exceptionnelle; Les chênes y présentent communément un mètre de diamètre à l’âge de cent ans. Elle est traitée en taillis sous futaie à des révolu- tions de 30 à 36 ans et rapporte actuellement (moyenne des an- nées 1888 à 1894) sur l’ensemble des 3.200 hectares : par hectare et par an, 6 me. 67, dont 1 mc. de bois d'œuvre chêne, et 66 francs brut, ou environ 58 fr. net. Les coupes de la 2e série, l’ancien quarten réserve des Bénédictins,se sont vendues en 1893 au prix de 2.500 fr. l’hectare; on y a réservé près de 200 baliveaux, dont moitié chêne, une douzaine de modernes et vingt anciens à l’hectare. Cette forêt a été mise en désordre, ainsi que tant d’autres de nos plus beaux taillis, par une tenta- tive malheureuse de conversion en futaie qui a été pratiquée de 1876 à 1888. Dans les cantons qui ont conservé leur carac- e ? Lo LA FRANCE FORESTIÈRE D AUJOURD'HUI 345 tère normal, le balivage comporte 100 à 150 baliveau x, 30 à 50 modernes et 12 à 20 anciens à l’hectare (1). Les côtes de la Meuse, de l’Argonne, de la Lorraine et de la _ Côte-d'Or forment autant d’escarpements de rochers calcaires jurassiques, disposés en rides concentriques et abondamment boisés (2) en hêtre, charme et chêne. … Le hètre est l'arbre par excellence de ces sols peu profonds, souvent secs, et de ce climat rude. Le chêne n’y subsiste, sans l’aide de l’homme, que sur quelques points favorisés ; partout ailleurs l’action incessante du forestier (balivages dans les taillis, éclaircies dans les futaies) est nécessaire pour le maintenir. * Les forêts sont traitées en taillis sous futaie et appartiennent à _ des communes, à des particuliers et à l'Etat ; ces dernières sont, en partie, et à juste titre, en voie de conversion en futaie _ pleine. Les forêts de hêtre, charme et chène en taillis sur cal- caires jurassiques constituent un des types les plus répandus en France. Leur production varie de 2 m. à 4 m. 5 par hectare et par an; les huit à neuf dixièmes en sont formés de bois de feu avec un peu de bois d'œuvre hêtre. Les balivages se font géné- ralement très riches dans les forêts soumises au régime fores- _tier (3); on réserve en moyenne 100 à 150 baliveaux de l’âge dont souvent plus de la moitié sont des charmes, 50 à 60 mo- -dernes de 25 à 45 centimètres inclusivement de diamètre et 1 ou 8 anciens. Ces chiffres sont des moyennes s'appliquant à plus de 150.000 hectares de forèts dans la région. Le volume des arbres réservés est d’environ 50 à 80 mètres cubes immédia- tement après la coupe et il double à peu près en 25 ou 30 ans, de sorte que l’exploitation enlève un volume presque égal. Les produits du taillis sont souvent les deux tiers en volume de (1) Renseignement communiqué par M. Sauce, Conservateur des Eaux et Forêts à Mézières. (2) Le taux de boisement de l'oolithe inférieure est de 41 p. 100 en Meurthe-et- Moselle et celui des calcaires coralliens de 79 p. 100. (3) Les Foréts de la Meuse, par M. F. Larzillière, Saint-Mihiel, 1890.— Les Foréts de Meurthe-et-Moselle, par M. G. Huffel (manuscrit à la bibliothèque de l'Ecole forestière), 1888. 346 LA FRANCE FORESTIÈRE. —— STATISTIQUES ceux de la futaie. Les révolutions sont très généralement de 25 à 30 ans. Des relevés effectués par M. Larzillière sur le prix de vente de 3,039 coupes de taillis vendues dans la Meuse, de 1877 à 1886, ont montré que (1): pour une révolution de 23 à 26 ans le revenu par hect. et par an est de 33 fr. + —_— 27 à 30 — — 34 — — 31 à 34 —— _— D FM — 35 à 38 — — 33 — La statistique de Meurthe-et-Moselle donne les chiffres sui- vants pour les forêts à hêtre dominant de ce département. Forêts traitées en taillis sous-futaie, hêtre dominant dans la réserve, charme dominant dans les taillis RENDEMENTS PAR HECTARE ET PAR AN MATIÈRE ARGEN Révolu- | Catégories ES OBSERVATIONS an. 0 ms Lan. 2, tion de produits Sols | Sols | Sols | Sols bons | moyens | bons | moyens mc, Bois d'œuvre Il n’a pas été possible de donner un etde corde...| 1.6 41.0 chiffre pour le produit en bois d'œuvre hêtre. Dans beaucoup de forêts tous les 20 ans Fagots...... 2,4 | 1.8 hêtres, sans exception, sont débités en chauffage, dans d’autres quelques-uns, : ES parmi les plus beaux, sont débités en Motel. Les 3.1 | 2.5 |23.00116.00 {sciages ou en bois de fente (pour la con- res des Pr) ; PUS aussi CAE D modernes et les parties supérieures des pe pute 9 la tiges des anciens sont débités en traver- et de corde.| 1. ‘* ses de chemin de fer. Les données ci-contre résultent de la combinaison du relevé des produits de m4 Ve _ cou 4 effectuées, en ane j c et-Moselle, pendant les années 1 à Total .......| 4.1 2 9 |36 00/24.00 1886 a ge me 698 hectares de forêts VE aménagées de 22 à 24 ans, dans 9821 Bois d'œuvre hectares aménagés de 25 et 26 ans, et de corde.| 3.3 | 2.0 dans 1060 hectares aménagés de 27 à 25 arts Fagots moe D 1.7 % 29 ans et dans 4498 hectares aménagés 30 ansFaoots. ..... AL AESS à 30 ans ou au-delà. e Les frais de gestion, surveillance, travaux d'éntretien et impôls peuvent DOME Ave 4.6 | 3.3 |50.00!36.00 }s'estimer à 71.00 par hectare etparan (2). Dans les forêts particulières les rendements sont très variables : on trouve tousles types, depuis le taillis à peu près simple dont le {1) Ces chiffres s'appliquent à l’ensemble des forêts de la Meuse. Celles à courtes révolutions sont habituellement en meilleur sol que les autres. (2) Les dépenses pour frais de gestion, surveillance, travaux d'entretien et impôts varient de 6 à 8 fr. environ par hectare et par an dans l'ensemble des forêts soumises au Régime forestier. “008 à is -% LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 347 rendement est à peine de 2 mc. par hectare et par an jusqu’aux tail- lis sous futaie semblables par leur richesse aux forêts soumises. Les rides calcaires de cette région sont séparées par des zones argileuses ou marneuses, terres agricoles propres à la culture _ des céréales, qui ne portent guère de forêts que sur les points où les argiles, trop pures, sont d’une compacité excessive. Les taches d’alluvions anciennes qui recouvrent parfois ces terrains sont souvent constituées par un sable excessivement fin, difficile - à cultiver et peu fertile qui, en Meurthe-et-Moselle, présente un taux de boisement de 50 0/0. Les cultivateurs lorrains l’appel- lent terre blanche ou terre à bois. Les forêts de ces terrains, peuplées de chêne pédonculé, de “charme et de bois blancs, sont beaucoup plus riches que celles des calcaires jurassiques. Le mode de traitement est le même ; cependant les forêts domaniales de ce type sont moins souvent traitées en vue de leur conversion en futaie. On y rencontre, lorsqu'elles croïssent par exception sur des alluvions récentes ou sur des marnes sableuses, les plus belles forêts de taillis sous futaie que nous possédions en France. Leur rendement ha- bituel est compris entre 4 et 6 m. pour les bons sols, entre 3 et 4 m.pourles sols moyens dont15 0/0seulement en bois d'œuvre. Les balivages pratiqués sur 6.776 hectares exploités de 1877 à 1886 ont laissé une réserve qui est en moyenne de 155baliveaux, 58 modernes et 7 à 8 anciens à l’hectare (ces derniers sont les arbres de 45 centim. de diamètre etplus). Voici, àtitre d’exemple, le détail du rendement moyen, par hectare, de 327 hectares de coupes exploitées de 1860 à 1879 dans la forêt communale de Pont-à-Mousson (coupes 4 à 20 de l'aménagement). Cette forêt croît sur les marnes du lias etest traitée en taillis sous futaie à Ja révolution de 30 ans. _ Bois d'œuvre chêne de plus de 0 m. 50 de sg Là 20 m.7 par bectare exploité ie — i = MYOIHAC APR Veau Dan 7 3 Bois de corde fourni Par IRnservé. is as ee 59 » | — id. RS NS. late #4 cu 39 » : : PÉSETVE — ......: 25 si Door (ragots) | TON RENE 6j HA vendus en moyenne au total 177 m. 0 | 1920 fr ses 348 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES soit par hectare et par an 5 me. 9 dont 1 m. ou 16 0/0 en bois d'œuvre et 64 fr., dont 60 fr. en revenu net. Certaines parties de cette forêt produisent 97 fr. par hectare et par an. La forêt communale de Landremont (canton de Pont-à-Mous- son), traitée en taillis sous futaie à la révolution de 25 ans sur un sol de très bonne qualité, a produit, de 1881 à 1885 : Bois d'œuvre chêne....... A DES “ 33 m. 6 par hectare exploité. : : la réserve — 33 0 — : Bois de corde fourni par 4 1 taillé et dE Menu-bois (fagots) la réserve — 24 1 — fournis par...,.... le taillis — 25 À — 151 m. 8 — valant 1.995 francs, soit, par hectare et par an, 6 m.07, dont 22 0/0 en bois d'œuvre et 80 fr., dont environ 74 de revenu net. La statistique de Meurthe-et-Moselle donneles renseignements suivants sur le revenu des forêts de ce type dans le département : Forêts à chéne dominant franchement dans la réserve, à taillis constitués en chêne, bois blancs et charme. RENDEMENT PAR HECTARE ET PAR AN Révolu- |" Catégories MATIÈRES ARGENT tions x D CO de produits | Sols Sels Sols Sols bons moyens | bons moyens Fi 3 mec. mc. 5 Bois d'œuvre.| 0.65 0.45 x ke Bois de corde 1.20 0.80 Les données ci-contre résul- les deux cinquièmes du volume duproduit total ou les deux tiers LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 371 Produit de l'éclaircie faite à 40 ans 42 mec. — — 65 — 64 — — 90 — 68 — — 115 — 70 — — 140 — 72 — — 165 — 63 — — 190 — 35 — — 215 — 10 5 ....,....,.... 364 par hectare parcouru. Le volume des produits intermédiaires représenterait ainsi en volume du produit principal. Nous avons vu qu’à Bellème - les éclaircies rendaient autant en volume que les coupes prin- _ cipales. Voici maintenant deux types de beaux peuplements de Bercé. 1° Canton du Tertre aux Bœufs, parcelle A2. Age en 1887 (lors à de l'inventaire) 192 ans. Contenance 21 h. 01. 6052 chènes cubant ensemble 16.023 me. e. 530 hètres — — 186 Au total 6582 arbres — = 16.509 ou, par hectare .. 313 arbres — — 784 mètres cubes. 2 Canton des Clos. Parcelle A3. Contenance 8 h.00. É _ Sol: horizontal, altitude 160 m., sable siliceux fin ou très fin … mélangé à 4 0/0 d'argile, profond (1 m. environ), frais (sables … à silex de la craie, dépôt d’eau douce de l’étage suessonnien, » éocène, tertiaire) couvert d’un sous-bois continu de hètre et de _ houx. . Peuplement: chêne rouvre 9, hêtre 1, âgé de 208 ans en 1895, date de l'inventaire, complet, très vigoureux (1). (1) D'après une notice manuscrite de M. Roulleau à la Bibliothèque de l'Ecole _ nationale forestière. 4 x 4: À | d, p = le . à : © I D LA FRANCE FORESTIÈRE. --: STATISTIQUES Résultats dé l'inventaire de 1895 ë | ; L £ > CHÊNES HÊTRES ù Bas mn OBSERVATIONS Lei Dr] &S £ | Nombre | Volume | Nombre | Volume cent mc. mc. 15, 10 1.6| La surface terrière du peuplement estde 55 mq.i 20... 2 0.6 21 4.9là ae LA A Fe ñ a valeur vénale du peuplement sur pied es ré F s . F . d'après les prix de 1895, à l’'hectare De < va : Ÿ Pour les chènes,.....5..1.020 42.197 fr. 39, 15 2321 21 3 en js 40 50 113 7 35 Us hèêtres...... RAR 1.495 —. 45 114 336.9 38 90.4 Au total... 43.322 fr 50 162 561,0, 27 71.2] Aux prix actuels cette valeur serait de plus de 55 203 884.3 36 128.6146.000 francs. 60 20% |1.030.0 18 89.2| La production moyenne annuelle du sol en xo- 65, 203 |1.202.0 6 AT ue par hectare, depuis la naissance du peu- :n "7 |plement, est 4 #: ee 4 50.4 Vohime’actuel. :..,15 2e 972 mc. H > 41.9! Produit intermédiaire réalisé de- 80 48 433,0 2 17.0/|puis la naissance du rc 385 — 85 32 325 .4 2 20.4|jusqu’en 1895...,..,.,.,..4..1... +4 à us : Ja Production totale............ 1.357 mc. 95. 1 83.8 » » 1357 Ait 1 ne » » Production moyenne te ==.fmces 27 ‘ F » » 125: 2 32.0 » » Les sous-bois de moins de 0.15 ont un volume d'environ 12 mètres cubes à l’hectare. Total.| 1314 |7.092.0| 268 682.3 164 887 33.5 85.3 ou à TL 2 RG. hectare | 197 arbres.|:972 mèêt«cub: Le plus beau des deux arbres de 1 m. 25 de diamètre de ce peuplement présente les dimensions suivantes : Circonférence'à 1 m.00 du sol 4m. 48 — 1 m. 50 — 3 96 Hauteur du fût jusqu'aux premières branches. 22 m. 30 Hauteur utilisable en bois d'œuvre dans la cime. 7 — 00 Houppier jusqu'au bourgeon terminal........... 8 — 00 Hauteur totale........... SN EST EE 30 Cube du füt.... 19m. 4. . Volume total... 26m. 3. Valeur en argent de l'arbre sur pied — 2.000 francs. Dans l’ensemble de la parcelle le chène moyen a un volume de 5 m. 4; un diamètre de 63 centimètres et une hauteur totale de 36 m. Sa valeur nette, sur pied, est de 260 francs. VPN PORT nées “etc mcmomnatiion à Lits hs ii) LS à. bis CS: dir: dé ‘Es MÉTRRR Aoà Es d s: t 1 à UN CARTE. LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 379 Ce même peuplement avait été inventorié vingt ans aupara- D i rn . à . . r … vant, en 1876, et cubé à l’aide du même tarif.On y avait trouvé : Chènes : 6431 mètres cubes ou, à l'hectare,. 804 mc. À Hètres : 642 — — — 80 mc. ee” 7073 CET GERS" E:: Le volume en 1895 était, à l'hectare,. .. ... 972 me. Æ: E ._. Dans l'intervalle on a réaliséen éclaircies 7 — + 979 — 979 …. … Accroissement par hectare en 20 ans, de 1876 à 1895,.... 95 De ou, par hectare et par an,....,....... 4 me. 75 5 LA Le taux d’accroissement du volume, de 1876 à 1895, est de F4 0, 51 pour cent. | …_ Il est inutile de faire remarquer que ce peuplement est d’une vigueur et d’une richesse exceptionnelles, même à Bercé. M. Roulleau, le très distingué chef du service forestier au Mans, voudrait le voir réservé à titre d’ornement du pays (1). Nous nous associons de tout cœur à ce pieux désir. La futaie du canton des Clos est actuellement en pleine force de santé : elle peut s’accroître pendant deux siècles encore. En la détruisant … on détruirait un des plus beaux massifs de chênes en futaie “ pleine équienne que l’œil du forestier puisse admirer au monde. FÉ Les peuplements de 200 à 220 ans présentent, à Bercé, 200 à - 250 tiges à l’hectare et un volumede 700 mètres cubes, dont 200 en bois de chauffage (cimeaux 1/2, hêtres et chènes de qualité _ inférieure 1/2). Les coupes d’ensemencement enlèvent environ 150 tiges (les deux tiers) et 300 à 350 mètres cubes : elles se font donc assez espacées. L’ensemencement se produit presque _ toujours immédiatement avec une abondance merveilleuse. Une . ou deux coupes viennent ensuite, à des intervalles de 5 à 7 ans, - réaliser le surplus sans danger pour les semis. Il est à remar- _quer cependant que les dégâts de la vidange sont bien moindres - lorsque les jeunes chênes ont déjà un pivot profondément enfoncé, qui n’est pas détruit par le passage des voitures, et (4 Voir plus haut, page 208. Voir aussi Revue des Eaux et Foréts, volume de 1896, pages 323 et suiv, et 564 et suiv, Dr Lis ete ju 4 LE isa nl ir 374 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES reproduit un plant lorsque la partie aérienne a été écrasée. A « ce point de vue il peut y avoir intérêt à reculer l’époque de la coupe définitive en portant à deux le nombre des coupes secon- daires. Les dégâts de vidange sont bien moindres lorsque les chênes sont débités en merrain. Ceux de Bercé sont très recher- chés pour cet emploi spécial : ils ont la réputation d’être préfé- rables à tous autres pour le logement des eaux-de-vie de Cognac. Au xvre siècle encore, la forêt de Blois s’étendait jusqu'aux portes mêmes du château historique et les rois pouvaient y chas- ser dès le seuil de leur démeure. Actuellement elle a reculé de 3 kilomètres et se trouve reliée à la ville par une large avenue. Son étendue estde 2.750 hectares, d’un seul tenant. Elle croît le long de la rive droite du fleuve qui la sépare de la forêt de Russy, sur une terrasse de terrains silico-argileux (argiles à silex éocènes) qui lui font un sol un peu maigre, un peu sec, mais, en somme, profond et très favorable au chêne rouvre. Cette essence est ici en plein dans sa station favorite, sur le sol et sous le climat qu’elle préfère. Nulle part elle n’est plus vivace. Le chêne n’est pas absolument pur à Blois. On y trouve quel- ques hêtres et ils paraissent, ainsi que les charmes, avoir été plus nombreux autrefois. Ces deux essences, le hêtre surtout, ont beaucoup à souffrir des sécheresses de l'été; cependant il n’est pas douteux que l’homme ne soit, en grande partie, respon- sable de leur disparition. Il faut la regretter au point de vue de la bonne végétation du chène. La croissance du chêne, à Blois, est lente et régulière; le dia- mètre augmente presque uniformément de trois millimètres par an pendant le second siècle de la vie des peuplements (1). L’ab- sence du hêtre, qui formerait un abri pour le sol et un remplis- (1) Ce calcul a été fait par M. Croizette-Desnoyers, auteur de l'aménagement actuel de la forêt, Il faut cependant remarquer que les vieux peuplements de 200 ans à Blois sont surtout formés de rejets de souche à végétation très lente tandis que les plus jeunes renferment des brins de semence à végétation plus rapide. 1 2 73 À de ému lt itaréhthel és, LUN | use, Lie ed, Ur Lacs in nn at D DOM ee NP SU PU CR co fees tituaient, à leurs yeux, un remède à tous les maux dont la peut souffrir. On en pratiquait encore à Blois en 1860. degré la facilité de rejeter de souche; des peuplements de 150 et même de 200 ans se reproduisent encore bien par rejets. tussi la proportion des rejets de souche attcint-elle jusqu’à ins les peuplements. C’est la raison pour laquelle on n’a pas u pouvoir porter dès à présent à plus de 180 ans la irée de la révolution, tout en stipulant qu’elle sera de 200 IS dans l'avenir. Etant donnée la lenteur de la végétation # lois, où les bois d'œuvre de 1"° classe n’apparaissent dans les iplements que vers 150 ans, l’âge d'exploitation devrait être - 3 me. 10 (décade de 1890-99) dont un peu moins du tiers est fourni par les éclaircies (2). Les bois de feu forment le quart du volume des produits principaux. Le revenu brut est de 72 fr. par à hectare et par an. | Il subsiste à Blois une cinquantaine d’hectares de bois de plus (1) Sauf, cependant, dans la forêt voisine de Chinon que les recépages à ou- _trance ont mis en assez mauvais état. Dans cette forêt, dont le sol est argileux, compact, froid et humide, le chêne est bien moins vivace qu'à Blois et résiste ) Ces chiffres ne s'appliquent qu'à l'ensemble des quatre premières séries 000 hectares), abstraction faite de la cinquième, qui ne renferme que de jeunes is. Blois étant pauvre en vieux bois on y réduit intentionnellement le volume exploitations, 376 de 200 ans. Les chiffres suivants donneront une idée de la cons: LA FRANCE FORESTIÈRE, =— STATISTIQUES titution de ces massifs. 1° Canton du Grand-Préau Est. Surface 21 h. 40,âge des bois À à l'inventaire (1900), 208 ans. Essences Nombre d'arbres Volume Chêne... 4.237 » mc. Hêtre. 16 12.037 — _ 4.253 49.037 à l’hectare 199 562 Le diamètre moyen des chênes est de 0 m.,51. La valeur de ce peuplement peut être estimée comme suit : [Diamètres Ps “> Volume du EE RUE Valeur Observations mc. fr. fr. : Ps A ci 1 PES 43 9 22 198 La valeur Set AU TS 580 859 30 25,710 45 et 50...| 2.329 5.153 40 206.120 des hêtres est 50 et plus. 4,525 5.996 55 329,780 négligeable 4.937 12,017 661.868 soit à l’hectare une valeur nette, sur pied, de 30.930 francs. Ce peuplement renferme une forte proportion de rejets de souche. Le suivant est formé à peu près exclusivement de brins de franc- “pied. 2° Canton de la Charmoie (Est), contenance 54 hect. 88; âge l'inventaire (1900), 155 ans. des bois à NOMBRE D'ARBRES VOLUMES ESSENCES 12m NT A OBSERVATIONS Total à l'hectare Total à l’hectare mc m. € sos Chène....| 16.883 304 Les nr Me tre 159 2 9 27 pour les chênes, 0=37 Hêtre ve 1 19.374 d33 Pour les Déioe TU" 20 Charme... 25 » pour les charmes, 0 17 I Ê ee Or ne mn PAC UNIES PO EE TE ET COR PER LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 377 - La valeur de ce peuplement peut être estimée comme suit : à : Prix Diamètres Nombr e Volume ‘du Valeur d'arbres mètre cube mc. fr. fr: 1 TES RP 165 36 8 288 F RO A ART RON 4.780 | 2,544 22 55,968 || Chènes de 35 et 40.....; PAPE 8.499 9.406 30 282.180 | : de 45 et 50....... Re led ER) ».803 40 234.520 | COS EtDIUS.: 5... 419 1.290 59 70.950 | Hètres et nues D ER Le ta dt ae 4 LéLie AAA 800 644.706 _soità l'hectare une valeur nette, sur pied, de 11.800 francs. _ Si l’on admet que les deux peuplements ci-dessus sont com- En (le second paraît plutôt meilleur que le premier),on voit ï que la valeur triple presque de 155 à 208 ans et on jugera de - ce que l’on perd à adopter un âge d’exploitation trop bas. Le Bourbonnais renferme 20.000 hectares de futaies de chène (rouvre principalement) mélangées de hètre. La forêt la plus . connue de ce groupe est celle du Tronçais. Aux siècles précé- dents,ce magnifique massif de 10.430 hectares avait été forte- ment entamé par les coupes de taillis faites en vue d’alimenter . les hauts fourneaux de la région ; en 1788 encore, une nouvelle » affectation d’une coupe annuelle de 127 arpents fut consentie à un maître de forges nommé Rambourg. Cependant, il subsistait en 1820, dans la forêt, environ 3.000 hectares de réserves, can- - ions où l’on n'avait, paraît-il, pratiqué aucune coupe depuis _ plus de 60 ans, et où abondaient les arbres de 4 m. 20 à 1 m. 60 _ de diamètre (1). Aujourd’hui encore, cette forêt, dont l’âge 4 d'exploitation est fixé à 180 ans, renferme environ 800 hectares … de vieilles futaies, riches en très gros arbres (2). Les chênes du (1} Ces arbres étaient convoités depuis longtemps par les agents de la marine qui se plaignirent fréquemment de l'absence de coupes dans la réserve du Tron- ais. (Rapport de l'ingénieur de la marine Maillot, de 1821, en manuscrit à la . none de l'Ecole forestière.) D' après M, Desjobert, Revue des Eaux et Foréls, vol. de 1886, page 53%, la 378 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES Tronçais sont plus gfos et plus courts que ceux de Bercé où de Blois ; les vieux massifs se régénèrent facilement en 3 ou 4 coupes progressives, lorsqu’on n’a pas trop à craindre Les dégâts de la vidange. Les bois du Tronçais, comme ceux de Bercé, sont très estimés par les distillateurs de la Charente pour la : fabrication des fûts à cognac. La plus belle futaie du département de l'Allier est, dit-on, celle de Moladier, petite forêt domaniale de 600 hectares, dans l'arrondissement de Moulins. : La circonstance que presque toutes Les forêts du Bourbonnais étaient en taillis sur les deux tiers de leur étendue il yaun siècle fait que les vieux peuplements exploitables sont en quan- tité insuffisante. Ce serait une raison de plus pour élever la durée des révolutions, qui paraît à priori bien courte (144 à 180 ans) dans une région où le chêne peut certainement pros- pérer dans la plupart des forêts jusque vers trois siècles. Les ingénieurs de la marine rapportent, en 1819, que des emprein- tes de leurs marteaux faites sur des arbres de 12 à 16 pieds de tour au *ronçais étaient entièrement recouvertes par l’accrois- sement au bout de peu‘d’années ; cela prouve bien que ces vété- rans avaient une végétation encore vigoureuse. La forêt d'Orléans (1) couvre environ 40.000 hectares, dont 34.240 à l'Etat, sur un sol argilo-siliceux compact, humide et froid, d’un peuplement formé de chêne pour moitié environ, de pin sylvestre pour trois dixièmes, de bouleau, de charme et de forêt renfermait encore, en 1885, 1.200 hectares de vieux bois de 150 à 225 ans et on trouverait, assez fréquemment, des parcelles dont la superficie vaudrait jusqu’à 40.000 fr. par hectare. Le revenu de la forêt, en 1885, n'était que de 45 fr. par hectare. La forêt,très éprouvée par l'abus des exploitations en taillis, renfer- mait, d’après les procès verbaux d'aménagement, en 1832 : Bois en assez bon état 4.500 hect.Bois ruinés ou abroutis 4.000 hect. Vides 2.000 hect. et en 1885 : Bois en très bon état 9.000 hect. Bois mal-venants 900 hect. Vides 600 hectares. Aujourd'hui les anciens vides sont entièrement reboisés en pins sylvestres sous lesquels le chêne reparaît, partie spontanément, partie grâce aux travaux des forestiers. (1) Statistique forestière du déparlement du Loiret, par P. Domet, Orléans, 1889. ds LPS aie 1° ci tri dubai 0 ét APR PONT + DL de Dh er "is de hu SPP CRT EPP ONE TT ET LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 379 4 châtaignier pour le surplus ; c’est le plus grand massif feuillu | existant en France. Jusqu'au vur° siècle, elle ne formait qu’un … bloc avec la forêt de Fontainebleau. Les forges attirées par la - présence sur le même point du bois et du minerai de fer, les » abbayes bénédictines installées dans la région dès le milieu du # vus siècle,défrichèrent rapidement le centre du massif dont il ne | reste plus que les deux extrémités, Orléans et Fontainebleau - (ensemble 51.000 hectares à l'Etat), avec, au centre, un témoin: …. Montargis (4.150 hect. à l'Etat). ._ La forêt domaniale fut arpentée pour la première fois au — milieu du xvi° siècle par ordre de Gaston d'Orléans, qui l'avait —. reçue en apauage en 1552. La contenance fut trouvée de 64.000 …. hectares. Des aliénations pratiquées de 1553 à 1601 (plus de 20.000 arpents de terrains vagues dépendant de la forêt) et de 1855 à 1863 (8.732 hectares), des défrichements et de nom- breuses usurpations ont réduit la contenance du terrain doma- nial au chiffre actuel de 34.240 hectares. Le premier acte de Gaston d'Orléans, mis en jouissance de la - forêt, fut d'y décréter l'exploitation en taillis sur toute l’éten- due, avec une révolution de 12 ans, et interdiction d'y laisser des baliveaux de plus de 100 ans. La réalisation des vieilles .. futaies ne fut cependant pas aussi rapide que les apanagistes _ l’eussent désirée ; peut-être les officiers des maïîtrises y mirent- — ilsobstacle. Quoi qu’il en soit, en 1661, lors de la grande réfor- mation, la forêt ne renfermait plus aucune futaie : la conver- sion en taillis, ou en champs de bruyères, était accomplie sur toute l'étendue. En 1789, Plinguet, dans son rapport d’ensemble sur la forêt d'Orléans, dit qu'on avait essayé plusieurs fois de faire un aménagement véritable de celle-ci, mais qu’au bout de quinze jours de courses à travers ses hautes bruyères, ses … marchais malsains, tout le monde s’était trouvé las et que rien de sérieux n’avait été exécuté jusque-là. Ce n’est que vers 1830 - qu'on commença à percer la forêt par des routes et des lignes d'aménagement ; le travail n’était pas encore entièrement ter- miné en 1870. 380 LA FRANCE FORESTIÈRE. -— STATISTIQUES . En 1860, on avait mis en réserve 3.405 hectares destinés à être convertis en futaie, le surplus devant être traité en taillis avec des révolutions de 20 à 30 ans. Une dizaine d’années plus tard on entreprit d'étendre la conversion à la totalité du massif, mais on a dû depuis renoncer à cette opération et la différer jusqu’au moment où la forêt y sera mieux préparée por lenri- chissement de son matériel ligneux. La forêt d'Orléans nous offre un lamentable exemple des effets de tous les abus dont une forêt peut avoir à souffrir de la part de l’homme.Des apaganistes avides l’ont recépéeet recépée sans reläche pendant trois siècles, étendant sans cesse le champ des bruyères. Le pâturage, les déprédations des usagers, ont ache- vé cette œuvre de ruine. Les chevaux étaient admis dans les « taillis dès que ceux-ci avaient l’âge de trois ans, les bêtes au- mailles étaient admises dans ceux de quatre ans etles moutons pèluraient en liberté. Des charpentiers, charrons, charbonniers, chaufourniers, potiers,etc., étaient installés à demeure en pleine 3 forêt. Aussi celle-ci a-t-elle renfermé de tous temps des vides Ë immenses. Nous avons vu aliéner, de 1553 à 1601, vingt mille | 1 1 # à 1 arpents qualifiés de « vagues ». En 1848, lorsque la forêt fut définitivement enlevée aux apaganistes qui en avaient si large- ment abusé, elle renfermait 37.689 hectares boisés plus, tout autour, une vaste ceinture de landes livrées au pacage et des vides intérieurs dont l'étendue totale atteignait plus de 5.000 | hectares. | Les plantations de pins sylvestres, en vue de la restauration des vides, ont commencé à Orléans vers 1830. Actuellement la pineraie s’étend sur plus de 10.500 hectares, soit 31 pour cent de la surface totale. 4 La forêt d'Orléans rapporte 31 fr. 20 brut et 22 fr. 50 net par hectare et par an. Celle, voisine, de Montargis (4.150 hectares à l'Etat (4), en meilleur sol, et moins malmenée dans le passé (1) Montargis a conservé, depuis le commencement du xrv° siècle, Sa forme en anneau autour du village de Paucourt et ses limites actuelles. Les arpentages de cette époque lui attribuaient une contenance de 4.239 hectares; celui de 1873 en a trouvé 4,154, LA FRANCE FORESTIÈRE D’'AUJOURD HUI 381 _ (elle n’a été livrée aux apaganistes que sous Louis XIII). a pro- - duit, de 1877 à 1891, 3 mc. 84 et 43 fr. 60 par hectare et par an. $ 3. — La région du Nord-Ouest et le massif central. La partie occidentale de la Normandie et du Maine, la Bre- …. fagne, l’Anjou, le Poitou, la Saintonge,la Marche et le Limou- — sin forment une région, comprenant 47 départements, dont l’é- tendue totale est de 106.137 kilomètres carrés et la surface … boisée de 8.180 kilomètres carrés. Son taux de boisement n’est - que de 7.7 pour cent; c’est la région la plus pauvre en forêts de la France. Sur ces 818.000 hectares de forêts les particuliers . en détiennent plus des neuf dixièmes (767.000 hect.). Ils les traitent en taillis simple le plus souvent (571.000 hectares), . pauvres forêts à faible revenu; 36.000 hectares environ sont . en résineux et Le surplus en taillis sous futaie. L'Etat possède - 44.500 hectares, les communes 6.100 seulement. Les forêts com- . munales se trouvent localisées dans les deux Charentes et les … vérsantsdu massif central; elles font complètement défaut dans le surplus de la région. La plus grande forêt domaniale de Bretagneestcelle de Gavre, à 40 kilomètres au nord de Nantes; c’est un graud massif de 4.500 hectares peuplé de chênes et de hètres, traité en futaie. … Une des plus intéressantes est la forêt de Rennes, qui s’étend sur 2.960 h. à peu de distance au N.-E. de cette ville, sur un sol de schistes siluriens pauvres, de grès et de sable. Ses peuple- …_. ments, fort irréguliers, sont formés pour moitié de chêne et un …. tiers de pin sylvestre ; ils se ressentent encore d'abus anciens remontant à l’avant dernier siècle et sont traités en vue d’une conversionen futaie pleine. [ly aquarante ansla forêt de Rennes . renfermait encore 1.100 hectares de vides qui sont aujourd’hui couverts de pins sylvestres. Cette forèt ne produit que 2 me. va- Jant, net, 20 francs par hectare et par an. Toute cette région était autrefois couverte d’une vaste forêt de chênes, le Bréchéliant ou 382 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES Brocélian des romars- de la Table ronde, qui joue un grand rôle dans les légendes bretonnes (1). Ce ne sont plus aujourd’- hui que des broussailles éparses, en dehors de quelques massifs domaniaux dont Rennes est Le plus important et Saint-Aubin du Cormier le moins pauvre (revenu net 30 fr. par hectare et par an). Cette « terre de granite recouverte de chênes » n’offre plus que des landes stériles ou de maigres taillis, ruinés par des abus séculaires. La Bretagne renferme un demi-million d’hectares de landes couvertes de fougères, de genêts et d’ajoncs. « Pâtre autant qu’agriculteur, le paysan breton n’a pas pour ces landes incultes le dédain mêlé d’aversion qu’éprouve ailleurs notre cul- tivateur pour les mauvaises terres. Elles sont comprises dans l’image qu’ilse fait de son pays(2). » Notons cependant que dans les trois départements des Côtes-du-Nord, du Morbihan et du Finistère 26.000 hectares de landes ont été reboisés en résineux pendant la décade 1882-1892 (3). Tout au sud de la région, la forêt de Chisé, près de Niort, s'étend sur 4.800 hectares en terrains de calcaires oolithiques médiocres. Elle est peuplée de hêtres et de chènes, et traitée en taillis sous futaie. Convertie en futaie pleine, elle constituerait un beau massif, facile à conduire et à régénérer sous le climat doux de cette marche, autrefois très boisée, entre la Charente et le Poitou. L’Auvergne est une région dont le taux de boisement est de 13 0/0. Ses 2.600 kilomètres carrés de forêts, en terrain vol- canique, appartiennent pour les quatre dixièmes à des com- (1) La forêt domaniale de Liffré, d'une contenance de 1.000 hect. et toute voi- sine de celle de Rennes, renferme un canton dit de Brécilles, qui rappelle l’ancien nom de tout ce massif, aujourd'hui morcelé. 2) Histoire de la France, publiée sous la direction de M. Lavisse, tome TI, par M. Vidal de la Blache, page 333. Paris, Hachette, 1903. - (3) D’après la statistique agricole de 1892 les quatre départements bretons ren- ferment 487.000 hectares de landes, dont 360.000 dans le Morbihan et le Finistère ; ces deux départements ont 43 p. 100 de leur surface en landes, bruyères et ajoncs. ass déan bdoirmettbe th Ed / af bee MA ates ist st dit és sub Ra ad nr AN dti ad nndtiemiib dès Ce PER RTS LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 383 - munes, pour plus de moitié à des particuliers et moins d’un dixième à l'Etat. Plus du tiers de l'étendue est en taillis simple ; - des futaies résineuses, naturelles ou artificielles, de pins et de . sapins, en forment le cinquième. … Si nous envisageons l’ensemble du vaste plateau de gneiss et - granite auquel Elie de Beaumont a donné le nom de plateau … central, dont l'Auvergne fait partie et qui comprend une dizaine de départements, nous voyons une région pauvre en forêts dont le taux de boisement est de 9 0/0, mais riche en landes … incultes qui couvrent un million d'hectares. Le tiers du dépar- » tement de la Corrèze (plus de 160.000 hectares), le quart de la - Creuse sont en landes parcourues par les chèvres et les mou- Fe. tons. La moitié au moins de cette immense étendue pourrait-être … reboisée. L'Etat s’efforce d'encourager cette utile opération par _ la création de sécheries qui distribuent des graines et de pépi- … nières centrales qui donnent ou vendent, à prix très réduits, des plants résineux. Malgré le bon exemple donné par quelques ne propriétaires, et les excellents résultats obtenus (des pineraies …. particulières de la Haute-Vienne atteignent, dès 20 ans, des valeurs de plus de 800 fr. à l’hectare, tandis que les landes ne valent guère plus de 100 fr.), le progrès du reboisement est très lent. Les communes craignent la soumission au régime forestier … et la réglementation du pâturage qui en est la conséquence. Dans l'Auvergne proprement dite les boisements, commencés au milieu du siècle dernier, ne se sont étendus que sur 5.000 … hectares, dont 3.800 à des communes et 600 à l'Etat. On sème, on plante des pins d'Auvergne sous lesquels on peut ensuite L- introduire le sapin. Le massif de la Pinatelle, appartenant à di- —…._ verses communes, a une étendue de 1.200 hectares, entre Murat …. et Allanche; ilnourrit 1.200 chevaux ou bêtes à cornes et produit —… 1.100 mètres cubes de bois par an; c’est un type curieux de …. futaie claire de pin d'Auvergne, tournant parfois au pré-bois, et couvrant une herbe épaisse (1). (1) Péturages et forêts du massif central, par F. Gebhart. Nancy, Berger-Le- vrault et Cie, 1890. à must ls 384 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES $ 4. — La région du Sud-Ouest et les Pyrénées. Nous avons décrit plus haut (1) la pignada landaise, la plus vaste forêt de France. Sur sa rive méridionale commence à apparaître la variété occidentale du chêne liège; il y couvre 25.000 hectares appartenant pour la plupart à des particuliers. On trouve sur les rives de l’Adour et dans le Béarn des forêts d’un type tout particulier. Ce sont des peuplements de chênes clair- plantés dont la tige a été sectionnée, dans sa jeunesse, à une hauteur supérieure à celle que peut atteindre le bétail. Les re- jets qui se forment au niveau de la section sont coupés périodi- quement tous les 6 à 10 ans; c’est un véritable {aillis suspendu, tantôt simple, tantôt fureté. Les communes, propriétaires de ces forêts, tiennent beaucoup, en général, à ce mode de traite ment qui permet de livrer au parcours toute la surface de la forêt; les agents forestiers lui reprochent de ne’fournir que très peu de bois d'œuvre. Ils s'efforcent de lui substituer la futaie pleine qui donnerait des produits bien supérieurs et serait d’une culture très facile dans ce pays, où chêne et hêtre fructifient -abondamment tous les ans. Les vieux peuplements des fsraus de chênes de l’Adour ren- ferment habituellement, lorsqu'ils sont relativement pleins, 70 à 100 arbres par hectare avec un volume total qui n’atteint qu’exceptionnellement 280 à 300 mètres cubes. Dans la forêt de Têthieu, près de Dax, les chênes de 50 ans ont 40 centi- mètres de diamètre, ceux de 100 ans en ont 70 et ceux de 150 ans 95. Les rendements de ces forêts sont assez faibles ; dans l’inspection de Dax nousrelevonsles chiffres ci-dessous (2) : (1) Pages 177 et suivantes (Ire Etude). (2) Renseignements extraits des procès-verbaux d'aménagement établis par M. Meynieux. LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 38: PRODUCTION PAR HECTARE ET PAR AN )É FORÊTS orne TE eo mue ; ps < mètres cubes francs considérée 2,10 20 » 1890-1899 M dant n ent ot à e 4,80 54 50 1891-1900 Pannes nr at ee e 2,80 22 40 1886-1895 LL tagne, le hêtre et le sapin. Les forêts pyrénéennes ont été,de tout temps, fort malmenées par le pâturage, les droits d'usage et les coupes exagérées. Les abus sont loin d’avoir entièrement disparu, de sorte qu’en dépit d’un climat exceptionnellement favorable à la végétation ligneuse, les forêts sont en général pauvres en ma- tériel et d’un faible rendement. Les deux tiers d’entre elles sont n futaie. Les sapinières sont généralement jardinées, sauf quel- ques-unes du département de l'Aude. Le dernier tiers est en taillis ureté, simple ou sous futaie. Leur produit ne dépasse pas, dans ensemble, 1 m.2 par hectare et par an d’une valeur approxima- ve de 7 à 8 fr. Les meilleures sapinières, dans l’Aude, produisent à4 m. par hectare et par an; ces forêts, qu’on a souvent van- tées (ce sont à la vérité les us belles de la région), ont une étendue d'environ 6.500 hectares à l'Etat, et ne donnent que & Les Foréts des Pyrénées, par M. de Gorsse. Paris, chez Rothschild, 1894. Les oréls des Pyrénées orientales, par M. de Boixo. Perpignan, 1893. _ ECONOMIE FORESTIÈRE. — I. 25 Ce EN Fr. - 20 LS + NE D LAS ENS ARS men 2 ts D Pate DRE D 'R APne ei D ee 2 UE J Der: a ; h Var DT OI = TN NI TEE ASS 6 AU SE a PT A 380 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES 23.750 m.c. de bois d'œuvre, soit 3 m. 65 par hectare et par 1 an (1). 4 Comme type de bonne sapinière aux basses altitudes, citons | la forêt domaniale de Montauban (Haute-Garonne), à laltitude moyenne de 1.250 m. Elle a un matériel à hectare de 289 arbres cubant 296 mètres cubes et produit 3 mc. 6 par hectare et par an. La forêt de Laurenti (Ariège), à l'altitude moyenne de 1.650 m., est une sapinière des hautes altitudes; son matériel à lhectare est de 253 arbres cubant 138 mètres cubes et elle produit 1 m.54 par hectare et par an. La région inférieure du bassin de la Garonne porte de bonnes forêts de taillis sous futaie. Une des plus importantes est la forêt domaniale de Bouconne, d’une étendue de 2.030 hectares, à 20 kilom. à l’ouest de Tou- louse et à l’altitude de 200 m. Son âge d’exploitation est de : 25 ans. Elle a produit, par hectare et par an : mb hi 1 ht tn té TT de 1841 à 1860... 37 fr. 50 de 1880 à 1886... 31 fr. 30 — 1861 à 1880... 43 — 55 K: S5. — La région méditerranéenne et les Préalpes pro- vençales. SA io ut mme tte! © She, nl o LS à à Gi dE gs, | NO DS de CS LE ee cet A UE RS Le La région méditerranéenne, formée des parties basses du Languedoc et de la Provence, est caractérisée par la présence « du chêne vert qui en est l’essence de beaucoup dominante; il y couvre plus 300.000 hectares. Les forêts de cette région sont la propriété de particuliers pour les deux tiers et de communes (1) Nolice forestière sur le département de l'Aude, par T. Rousseau, Carcas- sonne, 1890. pour le surplus, L'Etat n’y possède que quinze mille hectares « environ dont moitié en chêne vert, moitié en chêne liège, pin ; maritiune et pin d'Alep. à Les forêts de chêne vert en terrain calcaire, habituellement | pierreux, représentent près de moitié des forêts soumises au À £ ii seance PEN EEE ET ... 299fr.70 net. no. par hectare Bois et écorce... .. 15 fr. 00 16 fr. 10 1 : Pâturage......... A fr. 10 “és 0 ne d'écorce sèche à 15 fr. les centkilog. (2) .. 180 fr. — derondinsécorcésàl fr. 60 — st 90 " 200 agots de ramilles à 44 fr. le cent....... TRS PS EEE 168 De | 444 rais Depioitation s'élevant à............ ARR RE .. 450 | ai É l'hectare sur pied, à 20 ans, estde........... . 294 # Dites et par an, de 16 fe 20 brut et 12 fr. 40 net. s les forêts rocailleuses et sèches de la Provence ce ren- pu: moitié. La forêt de Mérindol (Vaucluse) produit 4) Les Forêts de chéne vert, par V. de Larminat. Troyes, Lacroix, édit., 1893. 2) Ce sont les prix de la période considérée de 1867-86. Actuellement l'écorce née à 12fr. Voir es haut, page 307. 388 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES 0 mc. 88 et 5 fr. 20 (moyenne des années 1891-95); celle de la 4 Bastide-des-Jordans (Vaucluse), 6 fr. 75, etc. (1). Dans la région littorale la plus chaude les chênes verts sont mêlés de pins d'Alep; à la limite froide de leur station ils le sont de chêne blanc (rouvre pubescent). Dans les deux cas les forêts peuvent fournir un peu de bois d'œuvre qui vient fort à propos relever les revenus très diminués depuis la baisse du prix des écorces. La forêt domaniale du Lubéron s’étend sur 3.200 hectares d’un rocher calcaire exposé en plein midi, entre 100 et 700 mètres : d’altitude, sur la rive droite de la Durance, à 30 kilomètres à l'Est d'Avignon. Elle est boisée de chêne vert pour les deux tiers, de pin d’Alep pour le surplus. Les chênes sont exploités en taillis à l’âge de 25 ans, les pins ne sont soumis à aucune coupe régulière ; on réserve lors des exploitations ceux qui sont bien venants et on ne les exploite, comme les réserves des taillis com- posés, que lorsqu'ils sont devenus dépérissantsou surabondants. Cette forêt rapporte moins d’un mètre cube par hectare et par an et 5 fr. en argent,-dont 1 fr. pour les menus produits (truffes et divers). La région côtière entre Toulon et Nice présente un aspect particulier. On y voit deux petites chaînes de montagnes d’une étendue d’un millier de kilomètres carrés, les Maures et l’Es- térel, formées de terrains cristallins, entièrement couvertes d’une forêt peuplée de pin maritime, de chêne liège et de nom- breux morts bois. Ces forêts appartiennent à des particuliers, sauf 9.000 hectares environ à l'Etat. La forét la plus intéressante des Préalpes provençales est celle de Bédoin, qui couvre le versant méridional du mont Ven- toux. Le Ventoux dresse sa puissante barrière de rochers calcaires, allongée de l’est à l’ouest, sur la rive gauche du Rhône, à la (1} Renseignements communiqués par M. Brive, inspecteur des Forêts à Avi gnon. à ir) Albi vor Ein cé jt cote ait 3 lt 3 di pda déni Cd MGR cie le: 5. te es ii EE ROSES EU L: - PL e-0i 18 5, & En. ans, elle renfermait au moins 4.000 hectares de vides 2 qu on commença à restaurer en 1861 à la suite du vote de la loi de ke sur le reboisement des Pons De cette époque É Mie (tale de 240.000 fr. ou 76 fr. par hectare dont l'Etat : porté les deux tiers, le | Toni Se la commune Es sur- …. La forêt produit actuellement (moyenne des années 1889-98) E: 128 mètres cubes de bois et écorces valant 6.940 fr., soit, par hectafe et par an, 0 mc. 19 de bois et écorces et 1 fr. 20. Mais les produits les plus importants de la forêt ne sont pas les $ _ produits ligneux. …. De tout temps on a récolté dans la région des éruffes noires, dites truffes du Périgord ({uber melanosporum). Avant les pre- … miers reboisements la fouille des trufles rapportait 800 fr. par an à la commune (moyenne des années 1854-59). Dès que les | premiers semis de chêne furent âgés de 12 à 15 ans, on cons- … tata une multiplication merveilleuse du précieux tubercule; la 1 fouille fut affermée, dans la forêt, à raison : {1} Renséignements communiqués par M. Brive, inspecteur des Forêts à Avi- a _gnon, empruntés au procès-verbal d'aménagement de 1890, par M. Tessier, ins- % . pecteur adjoint à Carpentras, ou à des notes de voyage personnelles. 3ÿ0 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES de 92-300 fr. par an en 1871 — 11.000 —— en 1877 — 23.500 — — 1882 — 38.500 —— — 1887 — 55.000 — — 1892 depuis le revenu a baissé à 39.000 fr. en 1897. Les truffes se rencontrent, à Bédoin, sous les chênes (verts et blancs) jusque vers 800 m. d'altitude; plus haut elles deviennent rares. La truffe du Périgord vaut actuellement, à Carpentras, de 10 à 25 francs le kilog. suivant qualité; la truffe blanche ({uber æsti- vum), que la forêt produit également, ne vaut que de 2 à 3 fr. 00. En dehors des truffes le pâturage, la récolte des lavandes, les ruches installées par les habitants en forêt fournissent encore un revenu notable. Actuellement le produit total peut s’établir comme suit : Produit fourni par la truffe 9f40 par hectare etpar an. — le patnrade rs Teese 3.00 — — le bois et l'écorce......, 1.20 — — da avants een 0.50 _—_— — le mieletlacire d’abeilles 0.40 — — la chasse. ............. 0.00 — Fatal} Ti a PERNEAUURE 44.50 pe $ 6. — Les Alpes. La région des Alpes s'étend sur près de cinquante mille kilomètres carrés dont le cinquième est boisé (1), au moins nominalement. Les forêts appartiennent pour près des deux tiers aux particuliers, aux communes pour le quart, le surplus étant à Etat {non compris les périmètres de reboisement). L'ancien comté de Nice forme une des régions forestières les plus intéressantes de la France en ce sens qu’on y trouve, des (1) Non comprise l'étendue des périmètres de reboisement. ah ‘pe js die cmd oi an d (Ed se à moingis à, in du SE ed pt à ce dé DS y _s'patés Mr es DR nu dns Le . être pires qu'ailleurs, mais la nature du sol facilement none, les pentes excessives, le régime torrentiel des de D ; Le département EUR avec un taux de boisement bois par an et us hectare de terrain boisé. Les quatre cin- ; S quièmes de ce revenu sont des bois de chauffage fournis par Be no: pans que les ane n’ont pu livrer au mouton Pres - 2 392 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES la végétation ligneusé, d’un sol plus stable dans son ensemble, et les forêts y ont mieux résisté. Le département des Hautes-Alpes appartient encore, en par: tie, au bassin de la Durance et forme une transition entre les Alpes sèches et les Alpes vertes du Nord. Son taux de boise- ment est de 19 0/0 environ, les communes y possèdent les quatre cinquièmes des forêts. On y trouve quelques parcelles boisées intéressantes sur les versants frais, orientés au nord ou à l’est; certains cantons peu accessibles ou protégés par la nature de leurs propriétaires y constituent de véritables oasis forestières et donnent une idée de ce qu’étaient et pourraient redevenir les sapinières de cette région. Sur 88.000 hectares de forêts communales soumises dans le département la moitié est en futaie résineuse, le quart en taillis simple, le surplus en vides. Les futaies produisent par hectare et par an (moyenne des années 1877-86) 0 m. 19 en matière et 0 fr. 33 en argent ; les taillis, situés au bas des versants, 1 mc.en matière et 1 fr. 27 enargent. C’est'moins que l’impôt et les frais de garde (1); ces forêts n’ont d'intérêt que par leur qualité de forêts de protection et devraient, comme telles, se trouver dans le domaine de l'Etat. Les forêts domaniales comprennent deux massifs impor- tants (2) : Durbon et Boscodon. Boscodon produit 2 m. 50 par hectare et par an valant 30 fr. 00; c’est à tous égards une excep- tion. Durbon produit 4 me. valant 10 fr. 00. Les plus belles et plus remarquables forêts du département sont certainement les futaies de mélèzes de l’Embrunais et du Briançonnais, et sur- tout celles de l’admirable vallée du Queyras. Citons, comme forêt de mélèse, celle du Mont-Genèvre, aux (4) L'Etat a pris à sa charge les frais de surveillance des forêts appartenant à des communes sur le territoire desquelles il a entrepris des reboisements d'uti- lité publique (art: 22 de la loi du 3 avril 1882). (2) On trouve près de Gap, sur le territoire de Chaudun, une petite sapinière domaniale d'environ soixante hectares, dénommée Bois du Chapitre sur la carte d'état-major. Ce canton, presque inaccessible, présentait encore, en 1887, lors- que nous l'avons visité pour la première fois, un exemple très intéressant de forêt vierge. "7 js g 1e niet dun. loue Etre dd Lè 7] de plus de 45 dont. de diamètre ; les plus gros arbres n des | pins de 00 cent. cubant 2 mc. et as 1e mètres $ se buse ailleurs. forêt communale de Re au-dessus de 394 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES tection ; les coupes d’ensemencement s’y font très claires, elles - enlèvent les deux tiers des arbres, parfois davantage. La grande difficulté et la condition rigoureuse du succès des régénérations est la mise en défends absolue des cantons qu’on veut rajeunir. Lorsque ces mises en ban ne peuvent pas être obtenues et qu’on n’est pas certain qu'elles seront respectées il vaut mieux jar- diner. | Le Haut-Dauphiné présente quelques forêts domaniales en bon état. La plus connue, et à juste titre, est la FORÊT DE LA GRANDE CHARTREUSE, à peu de distance au nord de Grenoble (4). Des aliénations et de nombreuses usurpations pendant la période révolutionnaire ont réduit à 6.500 hectares l'étendue de la forêt de la Grande Chartreuse. Elle croît sur un terrain de rochers calcaires, à l’altitude moyenne de 1.100 m., les can- tons les plus élevés atteignant 1.860 m. 5.400 hectares seule- ment sont productifs; le surplus est en rochers ou constitue un polygone d’ornementation de 149 hectares réservé autour du célèbre couvent, La forêt est peuplée de sapins, d’épicéas, de hêtres. Le sapin a une belle végétation : on estime que son accroissement an- nuel, en circonférence, à hauteur d'homme, est de douze milli- mètres dans les parties basses, de dix millimètres dans les régions moyennes, de sept à huit millimètres dans les cantons les plus élevés de la forêt. Un des plus gros arbres, bien connu des touristes, est le sapin du canton de la Petite-Vache, qui mesure 6 m. 39 de tour à hauteur d'homme, sur 50 m.de hau- teur totale. La forêt était autrefois traitée en futaie pleine sur 3.000 hec- tares et jardinée sur le surplus (2). En 1887, on décida le traite- ment en jardinage de toute l'étendue, sauf la série réservée au (1) La Forét de la Grande Chartreuse, par M. Mengin, inspecteur des Forêts à Grenoble, 1896 (en manuscrit à la bibliothèque de l’école nationale des Eaux et Forêts). (2) Sauf un canton isolé de 112 hectares traité en taillis à la révolution de 24 ans. LE D ee ec) LA FRANCE FORESTIÈRE D'AUJOURD'HUI 399 t de vue esthétique autour du couvent (149 hectares) et séries (ensemble 1.072 hectares) considérées comme non er jdent la élode de 1865 à 1895 la forêt a produit, en oÿ\ ne, ! mc. 80 par hectare LE Fa surface totale et 2 me. 20 hors de la petite forêt de Bellevaux (600 hectares), que par | 5e de reboisement. Ha Nous avons signalé plus haut (page 350) la station jurassienne de l'épicéa ; est bien moins importante en contenance que celle de Savoie. M. Schæffer, pecteur des Eaux et Forêts et chef du service des aménagements à Chambéry e que la prédominence de l’épicéa en Savoie tient en majeure partie au fait >] omme, cette essence étant celle, parmi les résineuses, qui résiste le mieux e sans frein et aux coupes excessives pratiquées sous le régime sarde. rofesseur Engler, de Zürich, professe la même opinion pour la Suisse e et occidentale où le sapin régnait autrefois sur des points où l'épicéa peu près seul représenté aujourd’ hui. Nous avons pu nous-même vérifier e substitution sur beaucoup de points de la Suisse centrale où elle est la con- uence des coupes à blanc étoc et des repeuplements artificiels, 396 LA FRANCE FORESTIÈKE. —" STATISTIQUES sont en taillis simple-ou en iaillis fureté. Ce dernier mode de * traitement tend à disparaître et, d’une façon générale, les feuillus reculent devant l’envahissement des résineux dans toute la région. Voici, à titre d'exemple, la description sommaire d’une forêt « typique de la Haute-Savoie. La forêt communale de Vailly, dans l'arrondissement de Thonon (1), couvre une étendue de 121 hectares d’un sol marno- calcaire à l’altitude moyenne de 1.100 m.(variantde 790 à 1.420 mètres). Les peuplements sont formés, d’après les comptages de 1902, d'épicéa 50, hêtre 49, sapin 1.En 1886, lescomptages avaient fourni la proportion suivante : hêtre 62, épicéa 36, sapin 1,divers 1.Comime presque toutes les forêts de la région, Vailly présente un matériel total insuffisant et de plus les bois moyens y sont en proportion excessive tandis que les gros bois sont très rares. 31 hectares seulement (sur 121) ont paru suscep- tibles d’une exploitation régulière en jardinage, 83 hectares, peu- plés de fourrés ou perchis, ne sont soumis qu’à des coupes d’a- mélioration et huit hectares sont laissés en dehors des exploita- tions pour former une zone de protection. Le matériel ne à l’hectare, qui était de 75 mètres cubes en 1886, a passé à 416 mc. en 1902. Il est encore très insuffisant (M. Schæfler, l’amé- nagiste de 1902, estime qu’il devrait êire de 380 mètres cubes). Dans la partie aménagée en jardinage,le rapport du volume des ; ? 211 * Er bois moyens aux gros bois est de alors qu'il devrait être 100 60 normalement MT La forêt a produit, de 1886 à 1902, par hectare et par an, 1 mc. 24 réalisé par les coupes et 2 -— 50 incorporés au matériel sur pied, soit au total, 3 — 74; c’est-à-dire que la coupe n’a réalisé que le tiers de l’accroissement, ainsi qu’il convient dans une forêt aussi pauvre (1) Renseignements empruntés au procès-verbal d'aménagement du 47 décem- bre 1902, par M. A. Schæffer. je à * de es bains expropriés de 1884 à 1887 ont élé payés, en moyenne, 200 fr. ctare tandis que les acquisitions amiables actuelles se font au prix maximum CHAPITRE HI STATISTIQUE FORESTIÈRE SOMMAIRE $ 1. — Statistique forestière de la France européenne. I. — La répartition du territoire entre les différents modes de culture. = Tauxde boisement des différents départements. Causes qui ont présidé à la distribution des forêts, Régions de plaine, de collines, de mon- tagnes. II. — Répartition des forêts entre les diverses natures de propriétaires. Distribution, sur le territoire, des forêts domaniales, communales et privées. II. — Vides et surfaces improductives dans les forêts. Proportion des essences dans les forêts soumises et les forêts privées. IV. — Les modes de traitement dans les forêts françaises. V. — La production en matière pendant l’année 1892. Production en argent. Rente. VI. — Les frais de gestion des forêts françaises. Comparaison des dépen- ses en France et à l'étranger. VII, — Le commerce extérieur de pr oduits forestiers. $ 2. — Les forêts des colonies françaises. I. — Les forêts de l'Algérie et de la Tunisie. II. — L'Afrique occidentale française : Sénégal, Guinée, Côte d'Ivoire, Da- homey, Congo. La forêt équatoriale. IT, — Les forêts malgaches,. IV. — Colonies françaises diverses, Guyane française. V. — L'Indo-Chine française: Cochinchine, Cambodge, Annam, Tonkin. $ 3. — Notions de Statistique forestière sur divers pays étrangers. Tableau des étendues boisées, du taux de boisement et du commerce extérieur, en 1898, des principaux pays étrangers. Indes anglaises et hollandaises, Siam, Canada, Mexique, Amérique du Sud. Les AP TIN P OR PORT] RO NT MO JE CCC 4 Terrains rocheux et montagneux incultes.....,.... _) Terrains marécageux........ À RSR HE ÉRT ER Tourbières. batir SURESNES C'EST aLds D ei non Men te sp Li tertiaire" agricole..........:,..,4..:... 2e TERRITOIRE NON AGRICOLE âtiments, routes, lacs, rivières, (er rnét etc.). Surfaces | Proportion (kil. carrés)| pour cent 251.714 48.8 18.005 3.4 44.028 8.3 18.106 3.4 95.216 18.0 9.348 1.8 442.417 83.7 38.985 1.4 19.730 3.1 3.16% 0.6 383 0.1 62.262 11.8 504.619 95 23.893 4.5 528.512 | 100.0 ue de l'armée ont donné une surface de 536.600 kq. Y compris la laisse des 8 asses mers et la “ras française du lac de Genève, qe ne sont pas comprises Loo LA FRANCE FORESTIÈRE, —" SRATISTIQUES dans la consistance des forêts soumises au régime 5500 (nous manquons de” renseignements postérieurs à 1892 po les autres catégories), elles se modifient comme suit: | Surface boisée en 1892 : 9.608.635 hectares, soit 18,17 0/0 de la surface totale et 19,04 du territoire agricole de la France. Les forêts sont très inégalement réparties sur l’ensemble du territoire. | Voici quels étaient, en 1892, les taux de boisement des divers départements : | Départements dont le taux de boisement est compris entre 3.5 et 10 0/0 10.0/0 et 17.8 0/0 18.2 0/0 et 25 0/0 25 et 56 0/0 Manche, ..….. 3.5 Eure-et-Loir... 10.4| Haute-Loire, . 18,2 Hautes-Alpes 25,3 | Seine. 4.5|Lozère.,.,, ... 10.8/Seine-et-Marne, . 48.5 /|Meurthe-et-Moselle.. 25.5 | Vendée..... 4.6|Allier... 11.1|Ardèche.., 18.5/ Haute-Savoie 25.6 | Côtes-du-Nord. 4,8|Rhône........ 11.3 /|Htes-Pyrénées 18.6|/Doubs....... 25.8 | Finistère... 5.0|Charente-nfér. .. 11.6|Cher......... 18.8|Ardennes..…. 27.0 | Mayenne... 5.3|Puy-de-Dôme. .. 11,8|Seine-et-Oise. 18.9/Drôme....…. . 28.4 | Pas-de-Calais.. 5.5|Vienne....... 12.1|Basses-Alpes . 18,9|Côte-d'Or... . 29,4 | Loire-Inférieure 6.0|Tarn-et-Garonne. 12, 8|Eure........, 18.9/Nièvre:,:,,-.12978 | Somme,.... 6.5|Indre..,..... 12:8|Loiret. 7,2. 49 3] Meuse: 24% Creuse... 6:6/0rn8;:; 55 0i0r. 43.3 Marnè.:..:.7 19.3 Haute-Marne. 30.5 Morbihan... 6.8|Tarn........…, 13.4|Corrèze.. 20.3 sr Saône. 31.2 || Calvados..., 6.9/Hérault....:. 13.7|Ain.…. 20.7|Jur ds à VA) Ille-et-Vilaine. 6,9|Aisne,,.. ,.... 144.2 Aube. 20.9 Heut DER LÉSx | Deux-Sèvres... 7,2|Bouches-du- Rhône 14.2|Corse. .. 20.9| Ariège, +. 346 | Nord....... 7.6|Hte-Garonne.. 14.2 Savoïé:. 21 Vosges nn 35.7 | Maine-et-Loire... 8.0|Loire......... 4.2 |Basses-Pyrénées . 21 ,1|Gironde. …. 36.7 | Haute-Vienne... 8.2|Lot-et-Garonne... 14,2|Gard,....... 2 AVE TEA Re AÉLUNSER RA 8.4|Cantal.... ... 14.6|Loir-et-Cher.. 21.5|Landes.…..…. 56.0 ; Aude runs 9.7|Sarthe.. . 14,8] Vaucluse, ..., 21.6 À Aveyron.... 9-1|Charente.. 14.8|Dordogne 21.8 - Seine-Inférieure.. 15.2|Isère.. 34.9 : Pyrénées-Orient . 16.5|Lot........... 22.2 - DIS Na 17.4|Yonne..... RE a Saône-et-Loire. . 17.7|Alpes-Maritimes.. 93,2 4 i Indre-et-Loire. .. 17.8 ’ On voit par le tableau précédent que, sur 87 départements, il y en a 45 dont le taux de boisement cst inférieur à la moyenne et 42 pour lesquels il est supérieur. Les causes qui ont déterminé la distribution actuelle des forêts sont naturelles ou économiques. 5 rs de _. ainsi que dans l’ensemble de la France le terrain per- a lon os le territoire de la France en quatre ; , l'une de plaine (entre 0 et 400 m.), l’autre de collines ( ue montagne ee 400 à 800 m.), la troisième de ns .. 60.14% pour cent des forêts. x se his FA —- — nnemontagne (de 800 à à + 600u). 19.46 — — temontagne (au-dessus de1.600%) 1.41 : — se ; | 100.00 7 renseignement est emprunté à la statistique forestière de 1878. Il serait doute beaucoup plus intéressant de connaître le taux de boisement des dif- zones d'altitude, il n'existe, à notre connaissance, aucun document nous _cet égard. FHRonoue FORESTIÈRE. — I. 26 ho2 LA FRANCE FORESTIÈRE. —— STATISTIQUES sence, dans celte région, de la pignada landaise et aussi à ce fait que la plus grande partie du territoire de notre pays 4 trouve à une altitude inférieure à 400 m. Il L'ensemble des forêts de la France se répartit de la façon suivante entre les diverses calégories de propriétaires : Forêts de l'Etat. ....... its cersoote c11185.788 RÉCUOTAER 0/0 — des communes et des établisse- ‘4 ments publics soumises......... .. 1987.008- 7 RE ES Forêts des communes et des établisse- ments publics non soumises..... pe 297.852 — 3.1 — Forèts des’ particuliers. 5.4. 2:42 6.217.090 : —6461— On voit que le tiers environ des forèts françaises est soumis : au régime foreslier, tandis que les deux tiers sont libres. Les forêts domaniales sont très irrégulièrement distribuées sur la surface du pays (1). Nous pouvons en discerner quelques groupements. ; lo Les environs immédiats de Paris présentent une masse compacte de forêts domaniales dont rayonnent : a) un alignement de massifs échelonnés de Paris à la frontière belge à travers les départements de l'Oise et de l'Aisne; b) une autre ligne jalon- nant le cours de la Seine jusqu’à la mer; c) une ligne qui va rejoindre la Loire à Orléans et se bifurque, l’une des branches redescendant la vallée de la Loire, tandis que l’autre remonte celle de l'Allier. Ces forêts sont d’origine domaniale ; 2° Un groupe lorrain-bourguignon, d’origine partie doma- niale, partie ecclésiastique ; 3» Un groupe landais, provenant de boisements récents; 4° Un groupe pyrénéen; c’est le patrimoine de Henri IV; 5° Un groupe alpin ; ce sont des acquisitions récentes et quel- (1) Les forêts domaniales forment environ 750 massifs, dont l'étendue moyenne est ainsi d'environ 1,500 hectares. PÉNES StEe » } Re PEL sa de dé ét gé QAR SR S à ln ei déesse ss ir té de dd de Le dt chat ie … té utitres dominent dans 70 départements, elles minorité, variant du quart à moitié dans le surplus. Le de l'Etat SH 893. 000 liecires productifs et 263.000 hec- >FEER ?S enseignements font défaut pour les forêts non soumises. tes improductives domaniales sont des forêts de pro- | 222 — — non soumises. 3.164 sections de communes propriétaire de forêts sou- x mises Ou non. 1.175 établissements publics, propriétaires de forêts soumises ou non. LA D + ho LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES 1 | FE ji ; = À x tection, duaes littorales, etc., ou des terrains nus acquis récem = - A . . De - ment en vue de leur reboisement. Dans ce qui va suivre nous! ne considérons plus que les surfaces réellement productives. Oa ne peut donner des chiffres certains pour la proportion des essences peuplant les forêts qu’en ce qui concerne les forêts : soumises. D'après la statistique forestière de 1878, rectifiée sur … certains points, notamment pour tenir compte des reboisements eTectués depuis celte époque, on trouverait dans les forêts sou- mises : Milliers d'hectares Chênes rouvre et pédonculé 750 Hêtre — — 500 | Charme — — 300 2.100 en feuillus. Chêne vert — 410 Feuillus divers — 440 Sapin — — 192 Pin sylvestre — 180 Pin maritime _ 110 Epicéa — 75 641 en résineux. Mélèze me 49 Pin d’Alep — 12 Divers — 28: 2.741 2.741 boisés. C’est une proportion de 77 0/0 de feuillus contre 23 0/0 de résineux. { IL est très aléatoire d’estimer la proportion des essences dans les 6.515.000 hectares de forêts non soumises. On peut cepen- dant affirmer que le chêne y tient plus de place que dans les forêts soumises en se basant sur l'importance des taillis à écor- ces. On sait aussi, par la statistique agricole, que ces forêts ren- : ferment 1.230.000 hectares de résineux. “ Nous croyons pouvoir admettre, à titre d’hypothèse vraisem- | blable, les chiffres suivants: 4 #3 FR 1 4 3 4 7 : | = 3 =: Da à STATISTIQUE FORESTIÈRE © Milliers d'hectares DE 260 5.285 feuillus. — 1.930 1.930 résineux. De RP. 6.515 6.515, ainsi, dans l’ensemble des forêts françaises, Milliers _ d'hectares +418. 250 ou 35 0/0 an STÛ : -: 4 feuillus, 80 0/0 3.765 A Mr RiB IDE : 1. 90 résineux, 20 0/0 79.255. 100 traitement suivis dans les forêts domaniales 31 ... 22.600 hectares ou 2.5 0/0 2 000 — 29e {31.7 D D ue les autres forêts soumises sont : LS ‘ ES 272.000 hectares ou 14. .7 0/0 éd L- ve 983. 700 — 3,2 A4 PRET SA pe a e x 32.1 ... 3.208.100 hectares ou 49 0/0 à LRU AE O7 800: — 31 à 2 » — » k L RAS 1.229.000 — 20 20. >-kf 06 LA FRANCE FORESTIÈRE. — | STATISTIQUES " Taillis simples divers:...… 3. 503. 000 hectares ou 38 0/0 Taillis sous futaie........ 3.323.500 _ 35 Taillisen conversion enfutaie 167.600 — 2 Futaies..... «+. :2:263.000 — - 20 V La production en matière des forêts soumises au régime forestier a été la suivante (année 1892) (1) : se re] [= 5 o nn = s © al NAEee Se a ET PRODUCTION CES EE CE AS AT A L'HÉCTARE © S 5 5 n & © y) © bo À n & à Min | gum | Ae,S CES Po TE = Ë £ £ E É Volume | Valeur mc. fe 1.417 | 1.892 126.154 | 3.05 29,30 ŒL Le © a = En Forêts domaniales....| 2.7: Forêts communales et autres soumises. . sl 43198 305 2.316 819 133.045 | 2.59 47.90 Total, forêts soumises.| 7.513 | 422 | 3.733 | 2.711 [59.499 Cette production en bois peut se détailler comme suit : FORÊTS FORÊTS DOMANIALES COMMUNALES CR Le. OS un “ Propor- Pro - Volumes tion 0/0 Volumes ion or gros che PI 43% | 5 0/01 2192255878! EST petits chênes. ... 136 | 5. 200 | 4.2 SSanos-) RNA En LA 166| 6.1 | 103| 24 43e perches et étais. 102 | 3.8 #1 | 0.9 Bois de feu. 1.552 | 67:41 1.8-3998 00 gros bois (3)..... 255 | 9.4 349 | 7.1 x TE Bois d'œuvre 4 petits bois. ...... 143 | 5.3 313 | 6.5 Résineux.. perches et étais. 18 | 0.6 17 | 0.4 4 Bois de feu. BALLET 227 ET 1 . 2.720 100.0 | 4.794 [100.0 4 (1) Statistique officielle publiée par l'Administration des Forêts. (Bulletin du ministère de l'Agriculture, Imprimerie Nationale, 1894.) (2) Ces valeurs sont les valeurs nettes des produits sur pied en forêt. (3) Les gros chênes sont ceux qui mesurent 50 centim. de diamètre ou plus à hauteur d'homme. De même pour les résineux. Les volumes sont exprimés en milliers de mètres cubes. ; î F > > FER | Résineux. _..... HS *e ES se Perches et étais. 177 diris be \ Feuillus divers. .… D.389 >. 7.513 nu Spa e A milliers de mc. CRAne 516: Feuillus divers... à œuvre 4 Résineux........ À 14 Perches et étais. ; 100 es 18.300,d'une valeur nette 600 de 110 millions de francs 3.500 he 000 milliers de mc. 725 Feuillus divers. 369 D} Résineux.. .…. 1.653 (26 0/0 Fe \ Perchesetétais. 3.677 x FALSE 19.389 74 0/0 25.833 100. ; pour les forêts non soumises. ho8 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES Le rendement relativement faible des forêts communales tie à la situation de beaucoup d’entre elles en haute montagne,dai le massif des Alpes. Le rendement relativement élevé des forêts particulières tient à leur situation en plaine, en terrain fertile, et à la forte Pres portion des résineux. VI Il est assez délicat de se rendre un compte exact des frais de … gestion et de surveillance des forêts domaniales. En effet, les :5 agents forestiers, dontles traitements et indemnités sontinscrits au budget pour 3.200.000 fr., sont chargés, en outre,de la gestion des forêts domaniales : 10 De la gestion des forêts communales et d'établissements 7 publics; 20 De la surveillance de la chasse, de la pêche et de la pisci- culture; 3° De la surveillance des bois particuliers au point de vue de | 4 défrichement ; 4e Des travaux de correction des torrents et de reboisement en montagne ; 5° Des travaux des dunes ; 6° Du service des améliorations pastorales, Tout compte fait, on peut estimer à 900.000 fr. environ Ja part qui représente, dans les bee relatives au personne! supérieur, les frais de gestion des forêts de l'Etat; ce chiffre correspondrait à 0 fr. 80 par hectare. Une difficulté analogue se présente pour les frais de surveillance. On peut les estimer à 2 fr. 10 par hectare productif. - Les travaux d’entretien absorbent 1 fr. 60 par hectare, les impôts communaux et départementaux 2 fr. 15 par hectare productif. On aurait donc, par hectare productif dans les forêts doma- niales, en 1892 : atlas dE :, à du ot toits, DAMES T ? nr did RS > Es jun 5e ] RU NS 0On 42 fr. 45 — 9fr. 85 —. ro 0 fr. 90 — 2.5 < surveillance. Zfr.10—:5.8 tl A fr. 60— 4.5 Détrs AS —: 5:9 36 fr. 05 — 99.9 STATISTIQUE FORFSTIÈRE roduit net......... 29 fr. 30 ou 81.2 0/0 de . 43 fr. 15 par hect. productif ou 24.5 24.5 19.6 42.1 12.1 # Hi 18.3 0/0 du revenu brut en Prusse (3). s 1892. de Prusse. Berlin. J. x Are 1894, 1er volume, page 275. Milleilungen des deutschen Forstvereines. Berlin, chez Springer, 1904. _(3) Les traitements du trad prussien ont été considérablement relevés revenu brut. — 1 _ de 16.1 0/0 du revent brut en Alsace- Lorraine. de 15.8 0/0 du revenu brut en Hesse. “ 18. 1 0/0 3 revenu brut en Saxe. 0/0 du revenu brut. 410 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES lions en 1900 et 130-millioné en 1903. La valeur moyenne (). 1 de la tonne importée atteint 90 fr. (pour les bois communs), tandis que celle de la tonne exportée n'est que de 49 fr. seule- ment. En 1901, ces chiffres sont devenus 106 et 47 francs. Notre déficit annuel en bois d'œuvre représente un volume de hois en grume de trois millions et demi de mètres cubes (2), plus de la moitié de notre production. Nous importons surtout des sciages résineux, correspondant à un volume en grume de 3.200.000 me. ; ils nous proviennent de Russie, Finlande, Suède et Norwège. Nos importations de merrains représentent 465.000 mc. grume, nous les achetons en Autriche-Hongrie et aux Etats- e Unis. La pâte à papier importée, année moyenne, de 1894 à 1898 représentait un volume en grume de 700.000 me., non compris 227.000 me. de bois de râperie importé en grume ; de 1892 à 1901, nos importations de pâte ont doublé et celles de bois de räperie ont triplé. En revanche, nous exportons un excédent d’un peu plus de un million de mètres cubes d’étais de mine, qui proviennent surtout des Landes, et 74.000 mètres cubes de traverses de chemins de fer. Ve Nous avons, enfin, produit en excès et exporté, en 1901, en dehors des bois communs : 32,629 ,000 kilogrammes d’écorces à tan. 21.500.000 — de gemmes etrésines. 2.656.000 — d'essence de térébenthine. $S 2. — Les forêts des colonies françaises. ñ (C A Il KO La France possède, en Afrique, un immense domaine d’un seul tenant (3) qui renferme des richesses forestières considé- rables, en Algérie-Tunisie et sur le golfe de Guinée. (1) Insuffisance de la production mondiale des bois d'œuvre, par A. Mélard. Paris, Imprimerie Nationale, 1900. (2) Chiffres de 1901. Voir dans la Revue des Eaux el Foréts de 1903, pages 19-20, (3) Sauf la côte des Somalis, qui n'a pas d'importance forestière. STATISTIQUE FORESTIÈRE Aux ’Algérie peut être divisée sommairement en deux régions traction faite du désert) par suite de la présence d’une chaîne montagnes qui part de Tunisie, au bord de la mer, et se lurque en s'étendant vers l’ouest jusqu’au Maroc. L'espace 1122 entre ses deux ramifications, -WRresse par PAPE a. de MHour liège queles Fdpes dits on d'Algérie. Lo chêne zéen, qui couvre 54.000 hectares, donne un assez (1) Les Forêts de l'Algérie, par A. Combe. Alger. 1889 (publication officielle). Slatistique des Foréts de l'Algérie par M. Lefebv re. Alger, 1900. … (2) Voir plus haut, pages 28 et suivante: DLL. “00 DU hr2 LA FRANCE FORESTIÈRE, — STATISTIQUES de plus beaucoup d aubier. Le chêne vert occupe à lui seul pi du quart de l'étendue des forêts et le pin d’Alep plus d’un aut | quart. Le cèdre se rencontre sur 38.000 hectares entre 1.300 et 2.000 mètres d’altitude; c’est le plus bel arbre et le plus pré cieux pour la production du bois d’œuvre que l’on rencontre en Algérie. La Tunisie renferme 811.000 hectares de forêts,dont 615.000 M sont domaniales. Dans ce pays aussi, les forêts productives sont. celles de chêne-liège : ilen existe 82.000 hectares en Kroumirie. qui appartiennent à l’Etat. Les forêts de la Régence ont produit, pendant les années 1897-1900,9.000 mètres cubes de chêne zéen, 35.000 quintaux d’écorce à tan de chène-liège, et 7.000 quintaux : de liège par an (1); leur revenu en argent dépasse 600.000 fr. « IT Le Sénégal est généralement peu boisé, sauf cependant > région de la Casamance. Il y a là, sur les deux rives du fleuve « de ce nom, une zone forestière de 100 kilomètres de largeur totale qui s’enfonce profondément dans l’intérieur. 1 La Guinée ne renferme que fort peu de forêts. La Côte d'Ivoire, par contre, est une région très boisée dont les forêts sont estimées à 15 millions d’hectares d’un seul tenant. Elles ne produisent encore que de l’huile de palme, de l’acajou, du 3 caoutchouc (pour 6 millions de francs en 1897) et de la gomme copal. Ce pays prendra une grande extension lorsque des moyens de transport auront été créés. Un chemin de fer de Bingerville vers l’intérieur est en projet. Le Dahomey renferme environ 1.200.000 hectares de forêts . dans la région côtière. Exploitées par une population intelli- gente et relativement active, elles produisent de l'huile, du (1) L'Algérie et la Tunisie importent leurs bois d'œuvre communs ; les excédents d'importation de bois communs en Algérie ont atteint trois millions de francs en 1899, } II L y: ‘enconire-pas de peuplements d’essences pures ; És ns variées, sont confusément nee ce qui augmente les 4 Es 000 s au moins de bois nr communs prove- nt du nord de P Europe. La forêt équatoriale, parcourue et décrite par Stanley, s'étend, en longi- u quinzième au dix-huitième degré et, en latitude, sur quatre à cinq de- e part et d'autre de l'Equateur, soit sur une surface de plus de cent millions ‘he nn. hr4 LA FRANCE FORESTIÈRE. —— STATISTIQUES } Me : IV La Nouvelle-Calédonie porte 120.000 Fr de forêts ; la 1 Martinique 24.000 et la Guadeloupe 94.000. La Guyane fran çaise est une des régions les plus boisées du globe. On y trouve … une très grande variété des bois les plus précieux. 1? exploi- tation en est malheureusement de plus en plus délaissée, faute « de main d'œuvre. La population s’est presque tout entière portation est devenue insignifiante (4.400 fr. en 1897). y La Cochinchine porte 1.100.000 hectares de bois, le Cam: bodge en possède quatre millions d'hectares. Les montagnes | de l’Annam sont entièrement boisées ; Le teck (1) y est commun. On ignore l'étendue de ces forêts ainsi que celle des forêts du … Tonkin. Ces dernières paraissent être considérables; la partie | qui en a été explorée est pauvre en bois d'œuvre. Les forêts de à l’Indo-Chine ont produit, en 1901, environ 2.400.000 mètres cubes de bois, dont les neuf dixièmes sont du bois de feu con- sommé sur place. L'Annam a exporté, en 1897... 315 tonnes de bois d'œuvre, 224 — de rotins, 54 — de gomme laque, Le Tonkin a exporté, en 1897... 1500 — de bois d'œuvre, 62 — de bois deteinture, 446 — de charbon debois, 484 — de rotins, 187 — de bambous, etc. L’Indo-Chine, de même que toutes nos autres colonies, importe des bois d'œuvre qu’elle achète dans l’Europe septen- trionale. La valeur de ces importations a été de 1.250.000 fr. en 1900 et 1.117.000 fr. en 1901. (1) Tectona grandis. Voir page 33. Fr ï ment est généralement emprunté aux conscien- <7 menté mémoire de M. Mélerd, que nous avons ne cité ; ses chiffres s'appliquent à l’année 1898. TR |sureace | ? boisée TAUX | PAYS en de j; milliers | Loisement ENTER publ dhetites omaniales Finlande; CESR NAN CNE 22.500 | 60 0/0! 50 0/0 Bosnie-Herzégovine.: ..... ..,........ ts] - 2,800 1:50 80 JAPOB EEE RE RENE RE ANSE 19.303 | 49 ph: | er Buibde, 2 L'EST RE «| 418.200 | 40 19,9 Canada ses ce ER en Es NS 323.000 | 38 27 * DODGE Mean Lee PAU NS NE RE ERP 1.800 | 38 50 Russie M'EUTODE.:.. a Ce MER ....| 481.900 | 35.7 80 RNA dat à vs NL PARTS LT RE 2.508| 33.4 | 348. AUIrICHé ESS RS PU RU SRE En APRES 9.710 | 32.3 6.35 AIS LOPTEME LE ner NES FRS 243 | 30.5 34.2 Bulgarie. ..... MR US OMC MERE ARR LRELE L 3.000 | 30 ne HOME D PAP DOTE 9.074 | 27.9 16.0 Enipho allemand... er an 13,957 | 25.8 32.9 Etats-Unis de l'Amérique du Nord........... 205.040 | 25 14 Pie Rien ieeses ANA TD | 8493 | 23.5 30.9. Norwège........ Dr RAS RES OR NE 6.820 | 21.0 12.5 BNC da ur SOLS CORNE 182 | 19.3 4.2 Fab: LS PRÉ de PE tn Re DOME PE 12.0 Belgique; res a SUR AR tr 52 |: (TT TES RodmManIe... : FE ae LÉ RES ES 2,000 | 15.0 44 Dalie. 4 ren RÉ Ride Ni Mon 3.8 Espaghe :::. ie MA Re RS ie 6.500! 13.0 ? Grèce: 24 ND R 02e ART OS VAR Re Ca 830 | 13.0 90 Hollannésss 26 RER Rte ire 948 | 7.5 2. Danemark 7e Ar ae Re den Fe 205 | 5.4 % © Portugal. esse RE cer A ; 472] 5.1 TIRE Angleterre./:#:7,424740 TEE PELT SELS 45800 4.1 0.2 Australes 7e. En IR 32.000 | 4 a pd rieur ve bois communs de divers pays. ENTS EN CUBES DE BOIS EN FORÈTS ; e ; |EXPORTATIONS PES PAYS bla e-sigifem eube] dimérutions | d'exportation : — mille francs 1 » 4.500.000 me. Finlande » 420.000 mc. | Bosnie-Herzégovine | » Japon ER 9.000.600 me. Suède | » ? Canada _ 20.962 mc. » 35.000 me. Serbie .300.000 me. | » 10.000.000 me. Russie d'Europe 2 Fe their » » Bavière ne 5.300.000 me. » 6.800.000 mc. Autriche et Hongrie À k 7 » » Alsace-Lorraine ï af, + | » » Bulgarie -300.000 mc. » 6.800.000 me. | Autriche et Hongrie : CA | 9:000.000 me. » Empire allemand É 99.537 mf. » » Éttstis qe Pme ‘F{ Èctes » » Prusse ; 1.480.000 me. » 2.000.000 mc. Norwège ee 300.000 mc. ; des 3.036.000 me. » France 1.850.000 me. » Belgique NÉegr à 120.000 mc. Roumanie 900.000 mc. » Italie 400.000 mc. » Espagne 65.000 mc. » Grèce » » Hollande 800.000 mc. » Danemark 100.000 me. » Portugal 15.000.000 mc. » Angleterre » » Australie 27 AR L18 LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES Les chiffres du tableau précédent nous montrent, en Europe, comme pays producteurs de bois, la Russie-Finiande, la Suède et la Norwège qui exportent du pin sylvestre et de l’épicéa dans « tous les pays de-l’univers, jusqu’en Australie. L’Autriche-Hon- grie produit des résineux et du chêne; ce pays fournissait autre- 1 fois à lui seul le merrain importé en France. Depuis quelques années les merrains viennent de plus en plus des Etats-Unis et du Canada où, dit-on, s’approvisionnent plusieurs des exportateurs hongrois et autrichiens pour pouvoir continuer à satisfaire leur clientèle ancienne. Les /ndes anglaises renferment, semble-t-il, 40 millions d’hec- tares de forêts dontun peu plus du quart est «réservé » et la moi- tié reconnue. Le taux de boisement serait ainsi de 44 0/0 enwi- ron. Ce pays suffit à peine à sa consommation. L’exportation ne porte guère que sur le bois de teck (tectona grandis). Les beaux massifs de teck se trouvent en Birmanie. Cette pré- cieuse essence se présente sous forme de pieds disséminés cou- vrant souvent des massifs continus de bambous. Dans les sols siliceux profonds, que le teck préfère, il peut atteindre de très belles dimensions : jusqu’à 20 ou même 25 m. de fût et 1 m. ou plus de diamètre. Les Anglais l’exploitent souvent vers 150 ans, il a alors 60 à 70 centimètres de diamètre. Ce bois est très recherché, il a les principales qualités du chène. La Bir- manie en exporte 80.000 mètres cubes par an. Le teck est aussi répandu dans les forêts du Siam; ce pays en à exporté 44.000 tonnes en 1901 et 56.000, valant 8 mil- lions 1/2 de francs, en 1902. Les /ndes hollandaises produisent du teck,qui y est régénéré artificiellement et surtout de la gutta (7.200.000 kilog.en 1899). La Chaine ne suffit déjà plus à sa consommation depuis qu’on y construit des chemins de fer; elle est du reste très pauvre en forêts. Le Canada présente deux zones forestières séparées par un à. ST KT SRE 2 MORE AS TR RTS RS ea ee 6,5 6 nie ae ee +, 5 Noces ais à Que € ie 6% )'+ PREMIÈRE ETUDE L'UTILITÉ DES FORÊTS … CHAPITRE PREMIER. — Les Produits forestiers....... . ....... - $ 1. Les Produits forestiers dans le passé, p. 3..—$ 2. Les bois de chaut- - fage, p. 8. — $ 3. Les bois d'œuvre, p.13. — $ 4. Produits forestiers divers, p. 23. — $ 5. Les produits des forêts coloniales, p. 32. … CHAPITRE 11. — Influence des forêts sur le climat.............. $ 1: Température de l'air, p. 46. — $ 2. Température du sol, p. 59. — $ 3. Etat hygrométrique de l'air, p.63. —$ 4. Les précipitations atmos- _ phériques, p. 61. | Cuarrrne = La forêt et les sources... .....2%.......,..1:, 84. Les sources, leur origine, p. 83. — $ 2. Observations directes de l’ac- _tion de la forêt sur les sources, p. 87. —$ 3. Influence des forêts sur la quantité d’eau atmosphérique ‘parvenant au sol, p. 92. — 4. Influence des forêts sur l'infiltration des eaux, p. 103. —$ 5. Conclusions, p. 122. CHAPITRE IV. — La forêt de protection. ...................... _ $1. La forêt et les torrents, p. 126. — $ 2, La forêt _. les inondations, p. 146. — S$ 3. La forêt et les avalanches, p. 147. — $ 4. La forêt et Les sables mouvants, p. 149. 5 CHAPITRE v. — La forêt et les terrains improductifs ou insalu- D Dres/ Rôle esthétique des forêts. : ::....,. .............: "= $ 4. La forêt instrument de mise en valeur de terrains incultes, p. 173. _ —$2. La forêt instrument d'assainissement des régions insalubres. Rôle esthétique des forêts, p. 199. DEUXIÈME ETUDE LA PROPRIÉTÉ ET LA LÉGISLATION FORESTIÈRES CHAPITRE PREMIER. — La propriété forestière et les droits d'u- 45 82 215 Fe. ) 429 TABLE DES MATIÈRES 8 4. Les origines de la propriété. to ste D. es — $ 2. Les forêts du domaine, p. 221. —$ 3. La propriété forestière communale, p. 229. —. S 4. La propriété forestière privée, p. 234. — $ 5. Les droits d'usage forestiers, p.236. t Cuaprrre 11. — Les lois de police forestière . .. ... perse TE: $ 1. — Législation antérieure à 1827, page 243. — $ 2. Le Code forestier de 1827 et les lois postérieures, p. 252. — $ 3. Législation forestière des colonies françaises, p. 258. TROISIÈME ÉTUDE POLITIQUE FORESTIÈRE CHAPITRE PREMIER. — Politique douanière .................. : I. Effets des droits d'importation sur les bois, p. 270. — II. Proportion- nalité entre les droits à faire peser sur les diverses catégories de pro- duits, p.273. CuapiTREe 11. — Les forêts et l'intérêt général............. es $ 4. Les forêts de protection, p. 282. — $ 2. Mesures législatives tendant à assurer l’approvisionnement du pays en produits forestiers, p. 288. — $ 3. Le régime forestier et la sauvegarde des intérêts des généra- tions futures, p. 296. CHAPITRE it. — Le service forestier...... RE PE | + RCE $ 1. Organisation administrative antérieure à 1669, p. 309. — $ 2. Orga- nisation administrative postérieure à 1669, p. 316. — $ 3. Le recrute- ment du personne! forestier, p. 318. QUATRIÈME ÉTUDE LA FRANCE FORESTIÈRE. — STATISTIQUES CHAPITRE PREMIER. — La France forestière d’autrefois......... $ 4. Les forêts françaises antérieurement à la période carolingienne, p. 325. — $ 2, Les forêts françaises, de l’époque carolingienne à la fin du moyen-âge, p. 331. — $ 3, Les forêts françaises pendant la période moderne, p. 339. CHAPITRE 11. — La France forestière d'aujourd'hui. ...... AE 269 281 308 342 $ 4. La région du nord-est, p. 343. —$ 2. Les forêts du bassin de la Seine et du bassin moyen de la Loire, p. 360. — $ 3. La région du nord- ouest et le massif central, p. 381. — $ 4. La région du sud-ouest et les Pyrénées, p. 384. — S5. La région méditerranéenne et les Préalpes prRe vençales, p. 386. — $ 6. Les Alpes, p. 390. CHAPITRE 111. — Statistique forestière.......... RE +. $ 1. Statistique forestière de la France européenne, p. 399. — $ 2. Les forêts des colonies françaises, p. 410. — $ 3. Notions de statistique fo- restière sur divers pays étrangers, p. 415. Poitiers — Imprimerie BLAIS et ROY, 7. rue Victor-Hugo. 398 BOrMSUES Re NE CES pe BINDING SECT, JUN 1 4 1982 PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY SD Huffel, Gustav 393 Economie forestiere H84 | Py BioMed. # Hi} Hay à HER AT cul h? MAS Dal Li) 11h FANS . Pr Res NE dr mnt L 5 RUE on no AREA Fa st el one ie it AMANTE ou TA NEMANAUNE ALES Da } ANNE HR MEN h je nt | ou ; a je tu (Nr Lure il At) ie us 1h Ji os Nes 10 LUE HR HES ti ù jt y Lt JET AL Cr nn RON . Fou AE HE RE LIRE rs DH IE . . PRMER da Ram Le Ua eur Me Vins st! KbOnE DE a (hs rh sut CAN UE tds Y sn pas 1 I Tin + Ho pur 2} ve ñ RE ÉOu ES art 054 Lu NAT Hat LE POI: se de past MA #: dat F mr M a Lin ts ii ne RE ii ny + 4) : La HtINe FANS AAA at HU HE ss nl AE (ie Jp Hu ri it Eu AU Fe LHUl ni re Rte Hu NA ï SA . We RIT ë FE in ji RARE LIL Ft 1? ju ERREN 1 fl EÈSE ee 4 ns ile His \: À po RU PRET 1 LIRE ‘ ATEN qi ah oi ju HE tte EN na HOT o À fist f fente Hi ni A ne ii she na He ins QUE qi MUt NE nt IE Hi ot MUUEM } fi Ho qu FAR LITI 4 ni HHbE NAS ni vu . % Wait AIS Win 1 LME AIN à | 1 PHARE MH se j qu jt HE He 4, l nu pa Vas fl JE aus Te Hi al are L f È oo AE 41 « FR LE: dl : FRE ju RUE 44 1 14 ROUE Je b Ni AE (ES QU (ii FRA in d% ppenqn Faut (AU À Sud "ex Lib DA LORS M LT DT TPE A1 (NME *) DE