tV"

■4^

•>-

A;-'-

■^é> .

UNIVERSITYOF TORONTO LIBRARY

The JasonA.Hannah

Collection

in the History

of Médical

and Related

Sciences

>

Digitized by the Internet Archive

in 2010 with funding from

University of Ottawa

http://www.archive.org/details/elmensdechimie01chap

i^s

É L ÈM E N s

D E

CHIMIE,

Par m. J. A. Chaptal , Chevalier de r Ordre du Roi , ProfeJJeur de Chimie à Montpellier , Inspecieur Honoraire des Mines du Royaume et Membre de plufieurs Académies de Sciences , de Médecine , d'' Agriculture , d'Infcrip- lions et Belles-Lettres,

nls'Â'L.

^ <JT O M E I.

:> ^ = _«___

o <^

A Montpellier,

De rimprimerie de Jean-François Picot, seul

Imprimeur du Roi et delà Ville, Place de

l'Intendance.

1790.

11) AVERTISSEMENT

DE L' A U T E U R.

X-j 'Agriculture fait sans doute la base du bonheur public , puisqu'elle seule fournit à tous les besoins que la nature a liés à notre existence ; mais les arts et le commerce font la gloire , Tor- nement et la richesse de tout peu-; pie policé , et notre luxe et nos rap- ports en ont fait pour nous de nou- veaux besoins. La culture des arts est donc devenue presque aU;Ssi néces- saire que celle des terres ] et le vrai moyen d'assurer ces deux bases de la gloire et de la prospérité d'une Na- tion , c'eft d'encourager la Chimie qui leur fournit des principes. Si cette vé- rité n'étoit pas assez généralement re- connue 5 je pourrois rappeler ici les succès dont mes travaux ont été cou- ronnés dans cette Province ; je pour-

a ij

•iV A V E RTISSEMENT.

rois même interpeller la voix publi- que , et elle diroit que , depuis Téta- yisçemeiVt- public de Chimie, cha- que annëe trois à quatre cens person- nes reçoivent Tinstruction avec fruit; elle diroit , que nos anciennes écoles '6.Q Médecine et de Chirurgie , dont les succès et la splendeur sont liés à rintérét géuéral de cette Province , en soni: plus florissantes et plus nom- "bréuses ; elle diroit , que nos fabriques se perfectionnent de jour en jour , que plusieurs nouveaux genres d'indufirie ont été'iriLroduits dans le Languedoc , et qu'on à vu' succefîiyement réfor- mer des âbiïs dans les atùeliers , éclai- rer la préparation des remèdes , sim- plifier les /procédés des Arts , multi- plier lés"' exploitations des mines de charbon , et créer , d'après mes prin- cipes et par mes foins »,.dans les dif- férentes parties de la Province , des fabriques d'alun, d'huile de vitriol , *de couperose j de brun-rouge , de

Avertissement. "v pozzolane artificielle , de céruse et de blanc de plomb , etc.

La Chimie est donc essentiellement liée à la gloire et à la prospérité d'un état : et , dans un moment tous les esprits s'occupent d'assurer le bonheur public , chaque Citoyen est comptable envers la patrie de tout le bien que sa position lui permet d'o- pérer ; il doit s'empresser de présen- ter à la société le tribut de talent dont le ciel l'a favorisé , et il n'est aucun d'eux qui ne puisse apporter quelques matériaux au pied du superbe édifice que des Administrateurs vertueux élè- vent au bonheur de tous : c'est dans ces vues que j'ose présenter à mes Compatriotes l'ouvrage que je publie aujourd'hui ; et je les prie de ne juger sévèrement que l'intention de l'Au- teur pour réserver toute leur indul- gence à l'ouvrage.

Je publie ces élémens de Chimie avec d'autant plus de confiance que

a ij

V) Avertissement, j'ai pu voir par moi-même les nom- breuses applications des principe? qui en font la bafe aux phénomènes de la nature & des arts : Fimmense établis- sement de produits chimiques que j'ai formé à Montpellier m'a permis de suivre le développement de cette doc- trine & d'en reconnoître l'accord avec tous les faits que les diverses opéra- tions nous préfentent ; c'efl: elle seule qui m'a conduit à simplifier la plu- part des procédés , à en perfection- ner quelques-uns , et à rectifier tou- tes mes idées : c'est donc avec la confiance la plus intime que je la pro- pose. Je ferai sans peine l'aveu pu- blic que j'ai enfeigné pendant quelque temps une doctrine différente de celle que je préfente aujourd'hui , je la croyois alors vraie et solide î mais je n'ai pas cessé pour cela de con- fulter la nature , je lui ai constamment présenté une ame avide de la connoî- tre ; ses vérités ont pu s'y graver avec toute leur pureté parce que j'en a\ois

Avertissement. vîj banni les préjugés , et insensiblement je me fuis vu ramené par la force des faits à la doctrine que j'enseigne au- jourd'hui : que d'autres principes im- priment chez moi la même convic- tion ; qu'ils m'offrent , en leur faveur , le même nombre de phénomènes et de faits , le même nombre d'applica- tions heureuses aux opérations de la nature et des arts ; qu'ils se présentent à mon esprit avec tous les caractères sacrés de la vérité , je les publierai avec le même zèle & le même intérêt. Je blâme également , celui qui at- taché aux anciennes idées les refpecte assez pour rejeter , sans un examen réfléchi , tout ce qui paroît les con- trarier , et celui qui embrasse avec enthousiasme et presque sans réflexion les principes d'une nouvelle doctrine : ils sont à plaindre , s'ils vieillissent dans leurs préjugés ; ils sont coupa- bles , s'ils les perpétuent.

J'ai eu soin d'écarter de toutes mes

a iij

Vlij AVERTISS EMENT.

discuflîons , cet esprit de parti qui ne divise que trop souvent les personnes qui courent une même carrière : ce ton d'aigreur qui règne dans quelques disputes, cette mauvaise foi qui perce à travers les petits mouvemens de l'a- mour propre , n'ont retardé que trop long-temps le progrès de nos connois- sances j l'amour de la vérité est la seule passion que les savans doivent se per- mettre : un même but, un même in- térêt unissent les Chimistes ; qu'un même esprit inspire et dirige tous leurs travaux , et bien-tôt nous verrons la chimie avancer par des progrès rapi- des , et les Chimistes honorés du suf- frage et de la reconnoissance de leurs contemporains.

J'ai tâché , dans cet écrit, de ren- dre mes idées avec clarté , précision et méthode. Je sais , par expérience , que le succès d'un ouvrage et ses divers degrés d'utilité dépendent fou- vent de ia forme sous laquelle on pré- sente la doctrine qu'il contient ^ et

Avertissement. îx j'ai eu l'intention de ne rien négliger pour revêtir les vérités qui font la base de celle-ci de tous les caractères qui leur conviennent.

En rédigeant ces élémens de chimie , je me suis servi avec avantage de tous les faits que j'ai trouvés dans les ou- vrages des célèbres Chimistes qui il- lustrent ce fiècle ; je ne me suis même pas iait un scrupule de suivre leur méthode dans la rédaction de certains articles , et de transporter dans mon ouvrage , presque sans altération , des faits que j'ai trouvé décrits ailleurs avec plus de précision et de clarté que je n'aurois pu leur donner moi- même : j'ai cru par-là rendre hommage aux auteurs et non les dépouiller ; et, fi de pareils procédés pouvoient exci- ter des réclamations , MM. Lavoifier , de Morveau , Bertholkt , de Fourcroy , Sage , Kirwan , etc. pourroient faci- lement en former contre moi.

J'ai senti, de bonne-heure, que c'é-

X Avertissement. toit une entreprise au-dessus de mes forces , que d'aspirer à connoître , à discuter et à distribuer avec méthode tout ce qui étoit connu sur la chimie ; cette science a fait tant de progrès , ses applications sont si multipliées qu'il eft: impossible d'embrasser tout avec le même soin ; et il me paroît , qu'on doit principalement s'étudier aujour- d'hui à développer les principes géné- raux , et se contenter d'en indiquer les conféquences et les applications : en cela , nous suivrons la méthode pratiquée , depuis long-temps , dans l'étude des mathématiques , dont les principes , presque isolés et séparés de toute application , forment la pre- mière étude de l'homme qui s'en oc- cupe.

Au reste , pour se mettre au niveau

de toutes les connoissances qui ont

été acquises jusqu'à nos jours , on

pourra consulter avec avantage la par-

, tie chimique de l'Encyclopédie métho-

Avertissement. xj dique : c'est-là que son célèbre auteur présente avec le plus grand intérêt les progrès de cette science ; c'est-là qu'il discute les opinions avec cette bonne- foi et cette énergie qui conviennent à l'homme de lettres qui ne voit que la vérité ; c'est-là qu'il forme le dépôt précieux de toutes les connoissances acquises , afin de nous présenter sous le même point de vue tout ce qui est fait et tout ce qui reste à faire ; c'est-là enfin que M. de Morveau a ren- du l'hommage le plus éclatant à la vé- rité de la doctrine que nous ensei- gnons aujourd'hui , puisque , après en avoir combattu quelques principes dans le premier volume , il a eu le courage de revenir sur ses pas du moment que les faits mieux vus et les expériences répétées l'ont suffisamment éclairé. Ce grand exemple de courage et de bonne-foi honore , sans doute , le sa- vant qui le donne , mais il ne peut qu'ajouter encore à la confiance que

xij Avertissement. mérite la doctrine qui en est Tob- jet.

On trouvera, dans le traité élémen- taire de chimie de M. Lavoisier , le dé- veloppement des principes sur lesquels la nouvelle nomenclature est établie ; et je renvoie encore à cet excellent ouvrage pour la figure et l'explication de tous les appareils dont j'aurai occa- sion de parler. J'embrasse ce parti , avec d'autant plus d'empressement , qu'en associant mes foibles produc- tions à celles de ce célèbre Chimiste, je crois en assurer le succès et les livre au public avec plus de con- fiance.

XI)

Mf r»» »

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

JLL paroît que les anciens peuples avoient quelques notions de la chimie : l'art de travailler les métaux qui re- monte à l'antiquité la plus reculée , l'éclat que les Phéniciens donnoicnt à certaines couleurs , le luxe de Tyr , les fabriques nombreuses que renfer- moitdans ses murs cette ville opulente, tout annonce de la perfection dans les arts , et suppose des connoissances assez étendues et assez variées sur la chimie. Mais les principes de cette science n'étoient point encore réunis en un corps de doctrine ; ils étoient concentrés dans les seuls atteliers ils venoient de prendre naissance , et la seule observation transmise de bou- che en bouche éclairoit et conduisoit l'Artiste. Telle est , sans-doute , l'ori-

xiv Discours

gine de toutes les sciences : elles ne présentent d'abord que des faits isolés ; les vérités sont confondues avec Ter- reur , le temps et le génie peuvent seuls en épurer le mélange , et le pro- grès des lumières est toujours le fruit tardif d'une expérience lente et pénible. Il est difncile de marquer l'époque pré- cise de Torigine de la science chimique ; mais nous trouvons des traces de son existence dans les siècles les plus re- culés : Fagriculture , la minéralogie et tous les arts qui lui doivent des prin- cipes étoient cultivés et éclairés ; nous voyons les premiers peuples , à peine sortis de la nuit des temps , entourés de tous les arts qui fournissent à leurs besoins ; et nous pourrions comparer la chimie à ce fleuve fameux dont les eaux fertilisent toutes les terres qu'el- les inondent , mais dont les sources nous sont encore inconnues.

L'Egypte , qui paroît avoir été le berceau de la chimie réduite en prin-

PRELIMINAIRE. XV

cîpes,ne tarda pas à tourner les appli- cations de cette science vers un but chimérique : les premiers germes de la chimie furent bientôt altérés par la pas- sion de faire de For : on vit , en un moment , tous les travaux dirigés vers la seule Alchymie ; on ne parut plus occupé qu'à interpréter des fables, des allusions, des hyérogliphes, etc. et les travaux de plusieurs siècles furent con- sacrés à la recherche de la Pierre phi- losophai. Mais , en convenant que les Alchimistes ont suspendu les progrès de la chimie , nous sommes bien éloi- gnés d'outrager la mémoire de ces phi- losophes , et nous leur accordons le tribut d'estime qu'ils méritent à tant de titres : la pureté de leurs sentimens , la simplicité de leurs mœurs , leur soumission à la Providence , leur amour pour le Créateur pénètrent de vénéra- tion tous ceux qui lisent leurs ouvra- ges ; les vues profondes du génie sont par-tout dans leurs écrits à côté des

xvi Discours

idées les plus extravagantes ,les vérités les plus sublimes y sont dëgrade'es par les applications les plus ridicules ; et ce contraste étonnant de superstition et de philosophie , de lumière et d'obs- curité , nous force de les admirer lors inéme que nous ne pouvons pas nous dispenser de les plaindre. Il ne faut pas confondre la secte des Alchimistes,dont nous parlons en ce moment, avec cette foule d'imposteurs et cet amas sordide de souffleurs , qui cherchent des dupes et nourrissent l'ambition de certains imbéciles par l'espoir trompeur d'aug- menter leurs richesses ; cette dernière classe d'hommes vils et ignorans n'a jamais été reconnue par les vrais Alchi- mistes ; et ils ne méritent pas plus ce nom que celui qui vend des spécifiques sur des tréteaux ne mérite le titre honorable de Médecin.

L'espoir de l'Alchimiste peut être peu fondé : mais le grand homme, lors même qu'il poursuit un but chiméri- que ,

p Pv. E L î r^r î N A î p. E. xvij

que , sait profiter des phénomènes qui se présentent , et retire de ses tra^ vaux des vérités utiles qui auroient échappé à des hommes ordinaires ; c'est ainsi que les Alchimistes ont en- richi successivement la pharmacie et les arts de presque toutes leurs com- positions.

La fureur de s'enrichir a été , de tout temps, une passion si générale , qu'elle a pu décider plusieurs personnes à cul- tiver une science qui , ayant plus de rapport qu'aucune autre avec les mé- taux , en étudie plus particulièrement la nature, et paroît fac. literies moyens de les composer: on sait que les Abdé- ritains ne commencèrent à regarder les sciences , comme une occupation digne d'un hoiiime raisonnable, qu'après avoir vu un Philosophe célèbre s'enrichir par des spéculations de commerce ; et je ne doute point que le désir de faire de l'or , n'ait décidé la vocation de plu- sieurs Chimistes.

b

vxiij Discours

Nous devons donc à Falchimie quel- ques vérités et quelques Chimistes : mais c*est peu , en comparaison de ce que plusieurs siècles auroient pu nous fournir de connoissances utiles si , au lieu de chercher à former les métaux, on s'étoit borné à les analyser, à sim- plifier les moyens de les extraire , de les combiner , de les travailler , et d'en multiplier et rectifier les usages.

A la fureur de faire de l'or , a suc- cédé l'espoir si séduisant de prolonger ses jours par le moyen de la chimie : on s'est persuadé aisément qu'une science qui fournissoit des remèdes à tous les maux , pourroit parvenir sans effort à la médecine universelle. Ce qu'on racontoit de la longue vie des anciens parois s oit un effet naturel de leurs connoissances en chimie ; les fables nombreuses de l'antiquité obtenoient la faveur des faits avérés ; et les Alchi- mistes , après s'être épuisés dans la recherche de la pierre philos ophale ,

PRELIMINAIRE. XlX

parurent ranimer leurs efforts pour parvenir à un but plus chimérique en- core : alors prirent naissance les élixirs de longue vie^lQS arcanes ^\qs polichrestes et toutes les préparations monstrueu- ses dont quelques-unes sontparvenues jusqu'à nous.

La chimère de la médecine univer- selle agitoit presque toutes les têtes dans le seizième siècle ; et on promet- toit l'immortalité avec la même effron- terie qu'un Baladin annonce son remède à tous maux. Le peuple se laisse aisé- ment séduire par ces folies promesses ; mais l'homme instruit ne crut jamais que le Chimiste pût parvenir à ren- verser cette loi générale de la nature , qui condamne tous les êtres vivans à se renouveler et à entretenir une cir- culation fondée sur des décompositions et des générations successives ; on accabla peu - à - peu cette secte de mépris ; l'enthousiaste Paracelse qui , après s'être flatté de l'immortalité ,

bij

XX Discours

mourut à quarante-huit ans dans un cabaret de Saltzbourg , mit le comble à l'ignominie. Dès ce moment les dé- bris disperses de cette secte se rëuni- reot pour ne plus se donner en spec- tacle ; la lumière qui commençoit à percer de toutes parts , leur fit un besoin du secret et de l'obscurité , et c'est ainsi que s'épura la chimie.

Jacques Barncr , Bohniiis , Tachenius^ Kunchel , Boyle , Crollius , Glacer , Glauher , Schroder , etc, parurent sur les ruines de ces deux sectes , pour fouiller dans ce tas de décombres , et séparer , de cet amas confus de phé- nomènes , de vérités et d'erreurs , tout ce qui pouvoit éclairer la science. La secte des Adeptes , réchauffée par la manie de l'immortalité , avoit fait con- noitre beaucoup de remèdes ; et la pharmacie et les arts s'enrichirent alors de formules et de compositions dont il ne fallut que rectifier l'opération et mieux raisonner les applications^

P RE L I xM ï N A I R E. XKf

; Le célèbre Bêcher parut à-peii-près dans le même temps : il retira la chimie du cercle trop étroit de la pharmacie; il montra ses liaisons avec tous les phé- nomènes de la nature ; et la théorie des météores , la formation des métaux, les phénomènes de la fermentation, les loix de la putréfaction , tout fat em- brassé et développé par ce génie su- périeur.

La chimie fut alors ramenée à son véritable but : et Stalh qui succéda à Bêcher , rappela à quelques, principes- généraux tous lesfaits^ dont son prédé- cesseur avoit enrichi b science ; il parla un langage, moins énigmaîrique , classa tous les faits avec ordre et méthode , et purgea cette science de cette rouille alchimique àom Bêcher \\xi*\xièiY.Q Tavoit si foçt infectée. Mais , si on considère ce qui est du à Stalh et ce qu'on a ajouté à sa doctrine jusqu'au milieu de ce siè- cle , on ne peut qu'être étonné du peii de progrès que fit la chimie: en consul-

biij

Xxîj Discours

tant les travaux des Chimistes qui ont paru après Stalh , nous les voyons pres- que tous, enchaînes sur les pas de ce grand-homme , souscrire aveuglément à toutes ses idées ; la liberté de penser paroît ne plus exister pour eux. Et , lorsqu'une expérience bien faite laisse échapper quelque trait de lumière peu favorable à cette doctrine , on les voit se tourmenter d'une manière ridicule pour former une interprétation illu- soire: c'est ainsi que Taccrétion en pe- santeur qu'acquièrent les métaux par la calcination , quoique fèu favorable à l'idée de la soustraction d'un principe sans aucune addition, n'a pas pu ébran- ler cette doctrine.

L'opinion presque religieuse qui as- servissoit tous les Chimistes à Stalh , a nui sans-doute aux progrès de la chi- mie ; mais la fureur de réduire tout en principes , et d'établir une théorie sur des expériences incomplètes ou sur des faits mal vus, ne lui a pas présenté de

PRELIMINAIRE. XXÎîj

înoindres obstacles : du moment que Tanalyse eut fait connoître quelques principes des corps , on se crut en possession des premiers agens de la nature ; on se crut autorisé à regarder comme ëlëmens ce qui ne parut plus susceptible d'être décomposé ; les aci- des et les alkalis jouèrent le premier rôle ; et on parut oublier que le terme s'arrête l'Artiste n'est point celui du Créateur, et que le dernier résultat de l'analyse marque à la vérité les bor- nes de l'art , mais ne fixe point celles de la nature. On pourroit encore re- procher à quelques Chimistes d'avoir trop négligé les opérations de la nature vivante : ils se sont concentrés dans leurs laboratoires , n'ont étudié les corps que dans leur état de mort , et n'ont pu acquérir que des connoissances très-incomplètes ; car celui qui , dans ses recherches, n'a d'autre but que de connoître les principes d'une substance , est comme le Médecin qui croiroit

xxiv Discours

prciidre une idée complète du corps humain en bornant ses études à celle du cadavre. Mais nous observerons que pour bien étudier les phénomènes des corps vivans , il falloit avoir le moyen de se saisir- des principes gazeux qui s'échappent des corps , et d'analyser ces substances volatiles et invisibles qui se combinent : or , ce travail étoit alors impossible ;et gardons-nous d'im- puter aux hommes ce qui ne doit être rapporté qu'au temps ils ont vécu. Ce seroit peut-être le cas de se de- mander pourquoi la chimie a été plu- tôt connue et plus généralement cul- tivée en Allemagne et dans le Nord que dans notre Royaume î je crois qu'on pourroit en donner plusieurs raisons : ia première , c'est que les Elèves de ■Stalh et de Bêcher y ont être plus nombreux et conséquemment l'instruc- tion plus répandue ; la seconde , c'est que l'exploitation des mines , devenue une ressource nécessaire auxGouver-

PRÉLIMINAIRE. XXV

nemens du Nord, a été singulièrement encouragée, et que la chimie qui éclaire la minéralogie , a nécessairement participer à ces encouragemens (û).

( a ) Depuis que le gouvernement François facilite Tétude de la minéralogie par les plus superbes établissemens , nous avons vu le goût de la chimie se ranimer , les arts qui ont pour objet le travail des métaux se perfectionner, les exploitations des mines se multiplier ^ et c'est sur-tout M. Sage qui , par un travail assidu et le zèle le plus ardent , a décidé la faveur du Gouvernement : j'ai vu de près les soins pénibles que prenoit ce Chimiste pour opérer la révolu- tion , j'ai été témoin des sacrifices personnels qu'il faisoit pour la forcer ^ j'ai applaudi à son zèle , à ses motifs , à ses talens j je suis toujours pénétré des mêmes sentimens : et , si j'enseigne, une doctrine différente de la sienne , c'est qu'on ne peut pas commander aux opiniorts ^ c'est que l'homme de lettres , vraiment digne de ce nom , sait distinguer l'ami de son cœur de l'esclave de ses systèmes ^ c'est qu'en un mot , chacun doit écrire selon sa conviction , et que l'axiome I plus sacre dans les sciences est arnicas plato se m agis arnica Veritas,

5acvi Discours

Ce n'est que vers la fin du dernier siècle qu'on a commencé parmi nous à cultiver la chimie avec avantage : les premières guerres de Louis XIV , si propres à développer le talent de l'Ar- tiste , de l'Historien , du Militaire , paroissoient bien peu favorables à l'é- tude paisible de la nature. Le Natura- liste qui dans ses recherches ne voit par-tout qu'union et harmonie , ne sau- roit être témoin indifférent de ces scè- nes continuelles de désordre et de destruction ; et son génie s'éteint au milieu des troubles et des agitations. L'ame du grand Colbert, profondément pénétrée de ces vérités, essaya bientôt de tempérer le feu de la discorde en rappelant les esprits vers les seuls ob- jets qui pouvoient assurer le calme et la prospérité de l'Etat ; il s'occupa de faire fleurir le commerce; il établit des fabriques ; les savans furent appelés de toutes parts , encouragés et réunis pour concourir à ses vastes projets :

PRELIMINAIRE. XXVÎj

alors Tardeur de tout connaître rem- plaça , pour quelque temps , la fureur de tout envahir ; et la France le dis- puta bientôt à toutes les Nations , par les progrès rapides des sciences et la perfection des arts : on vit paroître , presque à la fois , les Lemery , les Homberg , les Geoffroy , et les autres Nations ne furent plus endroit de nous reprocher que nous n'avions pas de Chimistes. Dès ce moment Texistence des arts parut plus assurée ; toutes les sciences qui leur fournissent des prin-i cipes furent cultivées avec le plus grand succès ; et Ton croira , à peine , que , dans quelques années , les arts aient été tirés du néant , et portés à un tel pointde perfection, que la France qui jusques-là avoit tout reçu de l'Etran- ger , eût la gloire de fournir à ses voisins des modèles et des marchan- dises^

Cependant la chimie et Thiftoire na- turelle n'étoient encore cultivées que

xxviij Discours

par un très-petit nombre de person- nes au commencement de ce siècle ; et Ton croyoit alors que leur étude devoit être concentrée dans les seules Académies. Mais deux hommes , à jamais célèbres , en ont rendu le goût général sous le règne de Louis quinze : l'un, animé de cette noble fierté qui ne connoît point le pouvoir des préju- gés , de cette ardeur infatigable qui surmonte si aisément les obstacles qui se présentent , de cette franchise qui inspire de la confiance , fit passer dans le cœur de ses élèves Tenthousiasme dont il étoit pénétré. Dans le temps que Rouelle éclairoit la chimie , Buffon préparoit dans l'histoire naturelle une révolution encore plus étonnante : les naturalistes du no:rd n'étoient parve- nus qu'à se faire lire par un petit nombre de savans , et les ouvrages du naturaliste François furent bien-; tôt , comme ceux de la nature ., entre les mains de tout le monde. Il sut

Préliminaire. xxix

répandre , dans ses écrits , ce vif intérêt , ce coloris enchanteur et cette touche délicate et vigoureuse , qui préviennent , attachent et subjuguent : la profondeur du raifonnement s'allie par-tout à ce que l'imagination la plus brillante peut offrir d'agrémens et d'il- lusions ; le feu facré du génie anime toutes ses productions ; ses systèmes présentent toujours les vues les plus sublimes dans leur ensemble et l'ac- cord le plus parfait dans les détails ; lors même qu'il n'offre que des hy- pothèses , on aime à se persuader qu'il dit des vérités ; on devient sem- blable à cet homme qui , après avoir admiré une belle statue , fait des ef- forts pour se persuader qu'elle res- pire et écarte tout ce qui peut dissi- per son illusion ; on reprend l'ouvrage avec plaisir comme celui qui se replon- ge dans le sommeil pour prolonger les erreurs d'un songe agréable.

Ces deux hommes célèbres , en re-

XXX Discours

pandant le goût de la chimie et de rhistoire naturelle , en faisant mieux connoître leurs rapports et leurs usages, leur concilièrent la faveur du gouver- nement ; et , dès ce moment , tout le inonde s'intéressa aux progrès de ces deux sciences. Les personnes les plus qualifiées du Royaume s'empressè- rent de concourir à la révolution qui se préparoit ; les sciences inscrivirent bien-tôt dans leurs fastes les noms chers et respectés des , Larochefou- cault , à'Ayen , de Chaulnes , de Lau-^ raguais , de Malesherbes , etc. et ces hommes distingués par leur naissance s'honorèrent d'un nouveau genre de gloire qui n'est plus l'effet du hasard ou des préjugés. Ils enrichirent la chi- mie de leurs découvertes , associè- rent leurs noms à ceux de tous les savans qui couroient cette même car- rière , ranimèrent dans l'ame du Chi- miste cet amour de la gloire et cette ardeur du bien public qui suscitent

Préliminaire. xxxj

toujours de nouveaux efforts ; l'homme ambitieux et intriguant n'ëtoutfa plus rhomme de génie modeste et timide; le crédit des hommes en place servit d'égide et de soutien contre la calom- nie et la persécution ; on affigna des récompenses au mérite ; des savans furent envoyés dans toutes les par- ties du monde pour en étudier Tin- duftrie et nous en rapporter les pro- ductions ; des hommes du premier mérite furent invités à nous éclairer surnos propres richesses ; et des éta- blissemens de chimie formés dans les principales villes du Royaume répan- dirent le goût de cette fcience , et fixè- rent parmi nous les arts que vaine- ment on auroit Prétendu naturaliser si on ne leur avoit donné une base fiable. Les professeurs établis dans la capitale et les provinces paroissent placés entre les Académies et le Peu- ple , pour préparer à celui-ci les véri- tés utiles qui émanent de ces corps.

xxxij Discours

et nous pourrions les considérer com- me un milieu qui brise et modifie les rayons de lumière qui partent de ces divers foyers , et les dirige vers les atteliers pour y éclairer et perfection- ner la pratique. Sans ces faveurs, sans cette considération , fans ces récom- penses , auroit-on pu se flatter que le savant , même le plus modeste , se dévouât à préparer la gloire d'une Nation dont il étoit inconnu ! Auroit- il pu lui-même espérer de parvenir à faire prospérer une découverte ! Au- roit-ileuassezde fortune pour travail- ler en grand , et vaincre , par ce seul moyen , les préjugés sans nombre qui réloignent des atteliers ! Les scien- ces contemplatives ne demandent au souverain que repos et liberté ; les sciences expérimentales exigent plus , elles veulent des secours et des en- couragemens. Eh ! que pouvoit-on espérer de ces siècles de Barbarie le Chimiste osoit à peine avouer le

genre

Préliminaire. xxxiij genre d'occupation dont il f.iisoit en secret ses délices ! Le titre de Chimiste étoit presque un opprobre; et le préjugé qui le confondoit avec ces souffleurs éternels qui ne méritoient de sa part que pitié , a retardé peut-être de plusieurs fiècles la renaissance des arts, puisque la chimie devoit leur servir de base. Si les Princes , amis des arts et jaloux d'une gloire pure et durable, avoient eu soin d'honorer les favans , de recueillir précieusement leurs tra- vaux et de nous transmettre sans alté- ration les annales précieuses du génie des hommes , nous serions disnensés de fouiller dans les premiers temps pour aller consulter quelques débris échapés au naufrage ; et nous nous épargnerions le regret de convenir , après bien des travaux inutiles , qu'il ne nous reste des chefs-d'œuvre de l'antiquité que pour nous donner une idée de la fupériorité ou l'on étoic parvenu : le temps , le fer , le feu ,

c

xxxîv Discours

les prëjugtfs ont tout dévoré et nos recherches ne font qu'ajouter nos re- grets aux pertes qui ont été faites.

La chimie a non-seulement à se" glorifier de nos jours de la protection du gouvernement ; mais elle s'enorgueil- lit encore d'une conquête tout aussi glorieuse : elle a fixé les regards et fait l'occupation de plusieurs hommes, chez qui l'habitude d'une étude pro- fonde des Sciences exactes a fait une nécefîité de n'admettre que ce qui est démontré et de ne s'attacher qu'à ce qui est susceptible de l'être , et MM. de Lagrange , de Condorcet , Vander^ monde , Monges , de la Place , Meusniery Cousin , les plus célèbres mathémati- ciens de l'Europe , s'intéressent tous aux progrès de cette science , et la plupart l'enrichissent journellement de leurs découvertes.

Tant d'instructions , tant d'encou- ragemens ne pouvoient qu'opérer une l'évolution dans la science elle-même ;

PrIiLTMINAIPvE. XXXV

et nous devons aux efforts combinés de tous ces savans la découverte de plusieurs métaux, la création de quel- ques arts utiles , la connoissance de plufieurs procédés avantageux , l'ex- ploitation de plusieurs mines , l'ana- lyse des gaz , la décomposition de Feau , la théorie de la chaleur , la doc- trine de la combustion , et des con- noissances si positives et si étendues sur tous les phénomènes de Fart et "de la nature qu'en très-peu de temps la chimie est devenue une science toute nouvelle ; et l'on pourroit dire , avec bien plus de fondem.ent , ce que le célèbre Bacon disoit de la chimie de fon temps : " il eft sorti des four- .5» neaux des Chimistes une nouvelle j9 philosophie qui a confondu, tous les » raisonnemens de l'ancienne «».

Mais , les découvertes se multi- pliant à l'infini dans la chimie , on a bientôt senti la néceffité de remédier à la coiifufion qui régnoit depuis Ci

c ij

xxxvj Discours

long-temps dans la langue de cette science. Il y a un rapport si intime entre les mots et les faits , que la ré- volution qui s'opère dans les principes d'une science doit en entraîner une pareille dans la langue de cette m.éme fcience ; et il n'est pas plus possible , ■de conserver une nomenclature vicieu- se à une science qui s'éclaire , s'étend et se simplifie , que de polir , civiliser et instruire des hommes grossiers sans rien changer à leur langue naturelle, chaque Chimiste qui écrivoit sur une matière , se pénétroit de l'inexactitude des mots reçus jusqu'à lui; il secroyoit autorisé à introduire quelque change- Tnent , et on rendoit insensiblement la. langue chimique plus longue , plus pé- nible et plus confuse : c'est ainsi que l'acide carbonique a été connu , en quelques? années , sous les noms d'air fixe , (f acide aérien , d"* acide méphitique , d'acide craïeux , etc* et nos neveux dis- puteront un jour pour favoir si ces

Préliminaire. xxxvij diverses dénominations n'ont pas dé- signé différentes substances. Le temps étoit donc arrivé il falloit néces- Sxiirement réformer la langue de la chi- mie ; les vices de l'ancienne nomen- clature et la découverte de beaucoup de substances rendoient cette révolu- tion indispensable. Mais , il étoit né- cessaire de soustraire cette révolution au caprice et à la fantaisie de quel- ques particuliers ; il étoit néces- saire d'établir cette nouvelle lan- gue sur des principes invariables ; et le seul moyen de remplir ce but étoit sans doute d'ériger un tribunal , des Chimistes d'un mérite reconnu difcutassent les mots reçus sans pré- jugé comme sans intérêt , les prin- cipes d'une nouvelle nomenclature fussent établis et épurés par la logi- que la plus sévère , et Ton iden- tifiât si bien la langue avec la science , le mot avec le fait , que la connois- sance de l'un conduiût à la connois-

c iij

xxxvii) Discours

sance de l'autre : c'est ce qui a ete exécute' , en 1788 , par MM. de Mor- reau , Lavoifar, Berthollet et de Fourcroy.

Pour e'tablir un fyfléme de nomen- clature , on doit considérer les corps sous deux points de vue difFërens et les diftribuer en deux classes : celle des substances simples ou réputées élémen- taires, et celle des substances compo- sées.

1°. Les dénominations les plus na- rurelles et les plus convenables qu'on puisse afTigner aux substances simples, doivent être déduites d'une propriété principale et caractéristique de la subs- tance qu'on veut désigner : on peut encore les distinguer par des mots qui ne présentent aucune idée précise à l'esprit. La plupart des noms reçus sont établis sur ce dernier principe , tels sont ceux de soufre , de phosphore ^ qui ne portent dans notre langue au- cune fignification , et ne réveillent en nous des idées déterminées que parce que l'usage les a appliqués à des subs-

Préliminaire. xxxix tances connues. Ces mots consacrés par l'usage doivent être conservés dans une nouvelle nomenclature ; et on ne doit se permettre de changement que lorsqu'il est question de rectifier des dénominations vicieuses. Dans ce cas , les auteurs de la nouvelle nomencla- ture ont cru devoir tirer la dénomi- nation de la principale propriété ca- ractéristique de la substance : ainsi » on a pu appeller Fair pur , air vital , air du feu , ga-^ oxigène , parce qu'il est la base des acides , et Falimcnt de la respiration et de la combus- tion. Mais il me paroît qu'on s'esc un peu écarté de ce principe , lors- qu'on a donné le nom de ga{ a^otô à la mofette atmosphérique : i^. au- cune des substances gazeuses connues, à l'exception de l'air vital , n'étant pro- pre à la respiration , le mot a^ote con- vient à toutes hormis à une ; par con- séquent cette dénomination n'est point fondée sur une propriété exclu (îve , diiiindtiveetcaractèristique de ce gaz j

Ix Discours

2°. cette dénomination étant une fois in- troduite , on auroit appeller l'a- cide nitrique acide aiotique , et ses combinaisons aptates , puisqu'on a aiFectë de designer les acides par le nom qui appartient au radical; 3°. la dénomination de ga^ a^ote ne con- vient point à cette substance aërifor- me , celle d'a:(ote convient encore moins à cette substance concrète ou fixée : car , dans cet état , tous les gaz font essentiellement des azotes. Il me parcît donc , que la dénomination ga^ a^ote n'eft point établie d'après les principes qu'on a adoptés , et que les noms donnés aux diverses substan- ces dont ce gaz forme un des élémens s'éloignent également des principes de la nomenclature. Pour corriger la no- menclature sur ce point , il n'est ques- tion que de substituer à ce mot une dénomination qui dérive du fyftéme général qu'on a suivi , et je me per- mettrai de propofer celle de ga^ /:/- tro^ênc : d'abord elle est déduite d'une

Préliminaire. xlj

propriété caractéristique et exclusive de ce gaz qui forme le radical de Fa- cide nitrique; et , par ce moyen , nous conservons aux combinaisons de cette substance les dénominations reçues telles que celles cTacide nitrique , de nitrates , de nitrites , etc. Ainsi ce mot , qui nous est fourni par les principes adoptés par les célèbres auteurs de la nomenclature , fait rentrer toutes choses dans Tordre qu'on s'est proposé d'établir.

2°. La méthode qu'on a adoptée pour déterminer les dénominations qui con- viennent aux substances composées , me paroît simple et rigoureuse : on a cru que la langue de cette partie de la science devoit en présenter l'analyse , que les mots n'étoient que l'expression des faits , et que , par conséquent , la dénomination appliquée par un Chi- miste à une substance analysée , doit nous en faire connoître les principes constituans: en suivani: cett-e méthode.

Ixij Discours

on unit et on identifie, pour ainsi dire, la nomenclature avec la science , le fait avec le mot ; on réunit deux choses qui , jusqu'ici , n'avoient paru avoir aucun rapport entr'elles , le mot et la subtance qu'il représente ; et, par ce moyen, on simplifie Tétude de la chimie. Mais , en faisant l'application de ces principes incontestables aux divers objets que la chimie nous présente , nous devons suivre pas à pas l'analyse et établir d'après elle seule les déno- minations générales et individuelles. Nous pouvons observer que c'est d'a- près cette méthode analytique que les diverses dénominations ont été assi- gnées et que les distributions métho- diques de l'histoire naturelle se sont opérées dans tous les temps: si l'hom- me ouvroit les yeux, pour la première fois, sur les divers êtres qui peuplent ou composent ce globe , il établiroit leurs rapports sur la comparaison des propriétés les plus saillantes , et fon-

PRELIMINAIRE. Ixii}

deroit sans-doute ses premières divi- sions sur les diiîérences les plus sen- sibles : la diverse manière d'être des corps , ou leurs divers degrés de con- sistance , formeroient sa première dis- tribution , en corps solides , liquides , aériformes. Un examen plus réfléchi et l'analyse plus suivie des individus , lui feroient bientôt connoîcre que les substances , que quelques rapports généraux avoient réunies dans la même classe et asservies à une dénomination générique , différoient essentiellement entr'elles , et que ces différences néces- sitoient des subdivisions ; de -là , la division des corps solides , en pierres , métaux , substances végétales , ani- males, etc. la division des liquides , en eau , air vital , air inflammable , air méphitique , etc. En poussant plus loin les recherches sur la nature de ces diverses substances , on a s'apper- cevoir que presque tous -le s individus étoient formés par la réunion de prin-

"kViv Discours

cipes simples ; et c'est ici com- mencent les applications du système qu'on doit suivre pour assigner à cha- que substance une dénomination qui lui convienne : pour remplir ce but , les auteurs de la nouvelle nomencla- ture ont tâché de présenter des déno- minations qui désignasssent et fissent connoître les principes constituans; ce beau plan a été rempli pour ce qui re- garde les substances qui ne sont pas très-compliquées , telles que les com- binaisons des principes entr'eux, celles des acides avec les terres , les métaux, les alkalis , etc. et cette partie de la nomenclature ne me paroît rien laisser à désirer : on peut en voirie développe- ment dans l'ouvrage publié à ce sujet par les Auteurs et dans le Traité élé- mentaire de chimie de M. Lavoisier, Je ne me permettrai que de présenter une idée de la méthode qu'on a suivie , et nous prendrons pour exemple les com- binaisons des acides qui forment la

PRÉLIMINAIRE. XÎV

classe des composés la plus nom- breuse.

■On a commence par comprendre sous une dénomination générale la combinaison d'un acide avec une base quelconque : et pour observer un ordre plus rigoureux et soulager en même- temps la mémoire , on a donné la même terminaison à tous les mots qui dési- gnent la combinaison d'un acide : de-là les mots sulfates , nitrates , muriates , pour désigner les combinaisons des acides sulfurique , nitrique , muriati- que. On fait connoître l'espèce de com- binaison en ajoutant au mot générique celui du corps qui est combiné avec l'acide : ainsi sulfate de -potasse exprime la combinaison de l'acide sulfurique avec la potasse.

Les modifications de ces mém^es aci- des, dépendantes des proportions de leurs principes constituans, forment des sels diiférens de ceux dont nous venons de parler \ et les Auteurs de la nou-

xlvj Discours

velle nomenclature ont exprime les modifications des acides par la termi- naison du mot générique. La différence dans les acides est presque toujours établie sur ce que Foxigène y est en plus ou moins : dans le premier cas , Tacide prend l'épithète oxigmé ; de-là acide muriatique oxigéné , acide sulfurique oxigéné, etc. Dans le second cas, la ter- minaison du mot qui désigne Tacide est en eux ; de-la acide sulfureux , acide nitreux ^etc. les combinaisons de ces der- niers forment des sulfites^ àesnitrites, etc, les combinaisons des premiers forment des muriates oxigénés , des sulfates oxi- géné s , etc.

Les combinaisons des divers corps qui composent ce globe ne sont pas toutes aussi simples que celles dont nous venons de parler; et on sent déjà combien les dénominations seroient longues et pénibles si on aspiroità faire connoître dans une seule dénomination les principes constituans d'un corps

PRÉLIMINAIRE. xlvlj

formé par runion de 5 à 6 : on a pré- féré d'employer dans ce cas le mot reçu , et on ne s'est permis d'autres changemens que ceux qui ont été né- cessités pour substituer des mots con- venables à des dénominations qui pré- sentoient des idées contraires à la na- ture des objets qu'elles désignoient.

J'adopte cette nomenclature dans mes leçons et dans mes écrits ; et je n'ai pas tardé à m'appercevoir combien elle étoit avantageuse à l'enseignement, combien elle soulageoit la mémoire , combien elle excitoit le goût de la chi- mie , et avec quelle facilité et quelle précision les idées et les principes concernant la composition et la nature des corps se gravent dans l'esprit des auditeurs. Mais j'ai eu soin de présenter dans cet Ouvrage les termes techniques usités dans les arts ou reçus dans la société à côté des nouvelles dénomi- nations ; je pense que , comme il est impossible de changer le langage du

xîviij Discours

peuple , il faut descendre jusqu'^à lui , et par ce moyen l'associer à nos dé- couvertes: nous voyons, par exemple, que FArtiste ne connoît Tacide sulfu- rique que sous le nom à' huile de vitriol ^ quoique la dénomination d'acide vitrio- lique ait été le langage des Chimistes pendant un siècle; n'espérons pas d'être plus heureux que nos prédécesseurs; et , bien-loin de nous isoler , multi- plions nos rapports avec l'Artiste ; bien- loin d'aspirer à l'asservir à notre lan- gue , inspirons-lui de la confiance en apprenant la sienne ; prouvons à l'Ar- tiste que nos rapports avec lui sont plus étendus qu'il ne l'imagine ; et , par ce rapprochement , établissons une confiance réciproque et un concours de lumières qui ne peuvent que tourner au profit des arts et de la chimie.

Après avoir expliqué les principaux obstacles qui ont retardé les progrès de la. chimie, et les causes qui , de nos jours 5 en ont assuré les progrès , nous

tâcherons

PRELIMINAIRE. xVlX

tâcherons de fliire comioître les princi- pales applications de cette science ; et nous croyons y parvenir en jetant un coup-d'œil génçral sur les arts et les sciences qui en reçoivent quelque prin- cipe.

Presque tous les arts doivent leur naissance au hazard : ils ne sont en général , ni le fruit des recherches , ni le résultat des combinaisons ; mais tous ont un rapport plus ou moins marqué avec la chim.ie , et elle peut en éclairer les principes , en réformer les abus , simplifier les moyens , et hâter leurs progrès.

La chimie est à la plupart des arts ce que les mathématiques sont aux diver- ses parties qu'elles éclairent de leurs principes: il est, sans-doute , possible qu'on exécute des ouvrages de méca- nique sans être Mathématicien, commue il est possible qu'on fasse une belle écarlate sans être Chimiste ; mais les opérations du Mécanicien et du Tein-

d

î DISCOUE.S

turier ne sont pas moins fondées sur des principes invariables, dont la con- noissance seroit infiniment utile à l'Ar- tiste.

On ne parle dans les atteliers que des caprices des opérations ; mais il me paroît que ce terme vague a pris naissance dans rignorance sont les Ouvriers des vrais principes de leur art : car la nature n'agit point elle-même avec détermination et discernement , elle obéit à des îoix constantes ; et les ma- tières mortes que nous employons dans nos atteliers , présentent des effets nécessaires la volonté n'a aucune part et par conséquent il ne sau- roit y avoir de caprices. " Connoisse^ mieux vos matières premières , pourroit- on dire aux Artisans : étudie^ mieux les principes de votre art et vous pourre-^ tout prévoir , tout prédire et tout calculer : cest votre seule ignorance qui fait de vos opérations un tâtonement continuel et une décourageante alternative de succès et dd revers.

PRÉLIMINAIRE. \]

Le public qui crie sans cesse quex^ périence passe science , nourrit et accré- dite cette ignorance de la part de TAr- tisan ; et il n'est pas hors de propos d'apprécier la valeur de ces termes : il est très -vrai , par exemple , qu'un homme qui a une très-longue expé- rience peut exécuter les opérations avec exactitude ; mais il est toujours borné à la simple manipulation, et je le compare à un aveugle qui connoît un chemin et peut le parcourir avec aisance , peut-être même avec la har- diesse et l'assurance d'un homme qui y voit bien , mais il est hors d'état d'éviter les obstacles fortuits , hors d'état d'abréger son chemin et de sim- plifier sa route , hors d'état de se faire des principes qu'il puisse transmettre: voilà l'Artiste réduit par la seule expé- rience , quelque longue qu'on la sup- pose , à la qualité de Manipulateur. On a vu , me dira-t-on , des Artistes faire par un travail assidu des décou-

d ij

lij Discours

vertes très-importantes: cela est vrai, mais ces exemples sont rares ; et , de ce qu'on a vu pareillement des hommes de génie , sans aucune théorie de ma- thématiques , exécuter des ouvrages merveilleux de mécanique , cônclura- t-on que les mathématiques ne font pas la base de la mécanique , et qu'on peut aspirer à devenir grand Mécani- cien sans une étude profonde des ma- thématiques?

Il paroît aujourd'hui assez généra- lement reconnu que la chimie est la base des arts ; mais l'Artiste ne reti- rera de la chimie tout le parti qu'on est en droit d'en attendre , que lorsqu'on aura rompu cette puissante barrière que la méfiance, l'amour-propre et les pré- jugés ont élevée entre le Chimiste et lui : le Chimiste qui a essayé de la franchir a été souvent repoussé com- me un innovateur dangereux ; et le préjugé qui règne en despote dans les ^ atceliers , n'a seulement pas permis de penser qu'on pût faire mieux.

Prïïiiminaire. liij

Il est facile de nous pénétrer des avantages que les arts peuvent retirer de la chimie , en jetant un coup-d'œil sur ses applications à chacun d'eux en particulier.

I^. Il paroît par les écrits de Colu^ melle , que les anciens avoient des con- noissances assez étendues sur l'agri- culture : elle étoit regardée alors com- me la première et la plus noble occu- pation de l'homme; mais , une fois que les objets de luxe ont prévalu sur les objets de première nécessité , on a abandonné la culture des terres à la pure routine , et le premier des arts a été dégradé par les préjugés.

L'agriculture a plus de rapports avec la chimie qu'on ne le croit ordinaire- ment : tout homme est, sans-doute, en état de faire porter du blé à une terre ; mais combien ne faut-il pas de connois- sances pour lui en faire produire le plus qu'il est possible? Il ne suffit pas, pour cela , de diviser , de labourer et

d iij

liv Discours

de famer une terre, on a besoin encore d'un mélange de principes terreux si bien assorti , qu'il puisse fournir une nourriture convenable , permettre aux racines de pouvoir s'étendre au loin pour pomper le suc nourricier, donner à la tige une base fixe , recevoir, rete- nir et fournir au besoin le principe aqueux sans lequel rien ne ve'gète ; il est donc essentiel de connoître la na- ture de la terre , Tavidité qu'elle a de se saisir de l'eau , la force av^c laquelle elle la retient , etc. Ce sont des études qui fournissent des principes que la seule pratique ne présente que tard et imparfaitement.'

Chaque germe demande une terre particulière : le seigle végète librement dans les débris arides du granit ,1e fro- ment dans la terre calcaire , etc. Et comment pourra-t-on naturaliser des productions étrangères , si on n'a pas assez de connoissances pour leur four- nir une terre analogue à celle qui leur . est naturelle ?

PRÉLIMINAIRE. iV"

Les maladies des blés et des fourrages, la destruction des insectes qui les dé- vorent , sont du ressort de Fhistoire naturelle et de la chimie : et nous avons vu , de nos jours , Fart si essentiel de la mouture et de la conservation des grains , et tous les détails qui intéres- sent la boulangerie , portés par les tra- vaux de quelques Chimistes à un de- gré de perfection auquel il paroissoit difîiciie de parvenir.

L'art de disposer convenablement les étables, celui de faire choix d'une eau convenable pour la boisson des animaux domestiques , des procédés économi- ques pour préparer et mélanger leur nourriture , le talent si rare de fournir un engrais analogue à la nature du ter- rain , les connoissances nécessaires pour éviter ou pour combattre les épi- zooties , tout cela est du ressort de la chimie : sans son secours , notre mar- che seroit pénible , lente et incer'» taine.

Ivj Discours

Nous pouvons aujourd'hui faire con- noître la nécessite de la chimie dans 1rs diverses branches de l'agriculture , avec d'autant plus de raison , que le Gouvernement ne cesse d'encourager ce premier des arts par des récompen- ses , des distinctions et des établisse- mens ; et c'est entrer dens ses vues <jue de lui fournir des moyens pour le faire prospérer. Nous voyons avec la plus grande satisfaction que , par le plus heureux retour , on commence à regarder l'agriculture comme la source la plus pure^ la plus féconde et la plus naturelle de nos richesses; les préjugés ne pèsent plus sur l'Agriculteur ; le mépris et la servitude ne sont plus l'apanage réservé à ses pénibles tra- vaux ; l'homme le plus utile et le plus vertueux , est aussi l'homme le plus considéré , et il est en^n permis au Cultivateur de lever au Ciel des mains libres pour le remercier de cette heu- reuse révolution.

priIliminaire. Ivi}

11°. L'exploitation des mines est encore fondée sur les principes de la chimie ; et elle seule indique et dirige cette suite de travaux qu'on fait sur un métal depuis le moment de son extrac- tion jusqu'à ce qu'il est employé.

Avant que l'analyse s'occupât de la nature des pierres , ces substances etoient toutes désignées par des carac- tères superficiels : la couleur , la du- reté , le volume , la pesanteur , la forme , la propriété d'étinceler sous le briquet avoient fait des classes tout étoit confondu : mais les travaux successifs de Pott , de Margraaf, de Bergmann , de Schéele , et de MM. Bayen , le Baron de Dietrich , Kirivan , Lavoisier , de Morvcau , Achard , Sage y Benhollet , Gerhard , Erhmann , de Four- croy , l'Abbé Monge^ , Klaproth , Crell , Pelletier , de la Metherie , etc. en nous instruisant sur les principes constituans de toutes les pierres connues, ont mis chaque substance à sa place j et ont

Iv'ij Discours

perte sur cette partie la même préci- sion que celle que nous avions sur les sels neutres.

L'histoire naturelle du règne miné- ral , sans le secours de la chimie , est une langue composée de quelques mots dont la connoissance a mérité le nom de minéralogiste à beaucoup de person- nes : les mots pierre calcaire, granit ^ spath , schorl , feldspath , schistes , mf- ca , etc. composent eux seuls le Dic- tionnaire de quelques amateurs d'his- toire naturelle ; mais la disposition de ces substances dans l'intérieur de la terre , leur position respective dans la composition du globe , leur formation et leur décomposition successives » leurs usages dans les arts , la connois- sance de leurs principes constituans forment une science qu'il n'appartient qu'au Chimiste de bien connoître et d'approfondir. .

Il est donc nécessaire d'éclairer la minéralogie par l'étude de la chimie j

Préliminaire. lix

et nous observerons que depuis que ces deux parties ont été réunies , on a fimplifië les travaux de Texploita- tion , on a appris à travailler les mé- taux avec plus d'intelligence , on a iTiéme découvert plusieurs substances métalliques ; des particuliers ont fait ouvrir des mines dans les Provinces , et on s'est familiarisé avec un genre de travail qni nous paroissoit étran- ger et peu compatible avec notre sol et notre caractère ; Tacier et les au- tres métaux reçoivent dans nos atte- liers ce degré de perfection qui jus- qu'ici avoit excité notre admiration et humilié notre amour propre ; les superbes usines du Creusot n'ont point de modèle dans toute l'Europe ; pref- que toutes nos fabriques sont alimen- tées par le charbon de pierre , et ce nouveau combustible est d'autant plus précieux qu'il nous donne le temps de réparer nos forêts épuisées jet qu'il existe presque par-tout dans des ter-

Ix Discours

res arides qui repoussent le soc de la charrue et interdisent tout autre genre d'induftrie. Ainsi , grâces éter- nelles foient rendues aux célèbres na- turalistes MM. Jars, Dietrick , Duhamel ^ Monnet , Genssane^etc, qui les premiers nous ont fait connoître ces véritables richesses ! Le goût de la minéralogie qui s'est répandu de nos jours n*a pas peu contribué à opérer cette révo- lution ; et c'est , en grande partie , à ces collections d'histoire naturelle , con- tre lesquelles on a tant crié , que nous devons ce goût général : ces collec- tions sont à l'histoire ce que sont les cabinets de livres à la littérature et aux sciences ; ce n'eft souvent qu'un objet de luxe pour le propriétaire , mais , dans ce cas - même , c'est une ressource toujours ouverte à l'hom- me qui veut voir et s'instruire ; c'est un exemplaire des ouvrages de la na- ture qu'on peut consulter à chaque moment j et le Chimiste , qui par-

PRÉLIMINAIRE. Ixj

court toutes ces productions et les soumet à l'analyse pour en connoître les principes constituans , forme le précieux chaînon qui unit la nature à Fart.

IIP. Tandis que la chimie s'occupe de la nature des corps et qu'elle cher- che à en connoître les principes cons- tituans , le Physicien en étudie le ca- ractère extérieur et , pour ainsi dire ,1a phyfionomie ; il faut donc réunir l'objet du Chimiste à celui du Phyficien' pour avoir une idée complète d'un corps. Qu'est-ce en effet , que l'air ou le feu sans le secours de la chimie ? Des fluides plus ou moins compressibles , pesans , élastiques. Quelles sont les connoissances que donne la phyfîque sur la nature des solides ? Elle nous apprend à les distinguer l'un de l'au- tre , à calculer leur pesanteur , à dé- terminer leur jBgure, à connoître leurs usages , etc.

Si on jette un coup - d'œil sur ce

Ixij Discours

que la chimie nous a appris de nos jours , sur l'air , Feau et le feu , on sentira combien les liens de ces deux sciences ont été resserrés : avant cette révolution, la phyfîque se voyoit réduite à un pur étalage de machines ; et cette coquetterie , en lui donnant un éclat éphémère , en auroit étouffé les progrès fi la chimie ne Favoit rap- pelée à sa véritable deftination. Le célèbre chancelier Bacon , com.paroit la mcigis naturelle ( physique expéri- mentale de son temps ) à un magafln l'on voit dans un tas de jouets d'enfans quelques meubles riches et précieux ; on y débite , dit-il, du cu- rieux pour de l'utile : que faut-il de plus pour attirer les grands et pour former cette vogue passagère qui finit par le mépris ? Philo foph. du Chanc, Bacon , Chap, 1 2.

La phyfîque de nos jours ne mé- riteroit plus les reproches de ce cé- cèbre Philosophe : cette science re-

Préliminaire. Ixiij pofe sur deux bases également soli- des : d'une part , elle emprunte des principes dans les mathématiques ; de Fautre , elle en puise dans la chimie ; et le physicien existe entre ces deux sciences.

Dans quelques objets , Tétude de la chimie est tellement liée à celle de la phyfîque qu'elles sont insépara- bles , comme , par exemple , dans les recherches sur Fair , Teau , le feu, etc. ; elles s'aident avantageusement dans quelques autres ; et, tandis que la chimie dépouille les minéraux des corps étrangers qui leur sont combi- nés , la physique fournit l'appareil mé- canique nécessaire à l'exploitation. La chimie est même inséparable de la phyfîque dans les parties qui en paroissent les plus indépendantes , telles que l'optique , le Phyficien ne fera des progrès , qu'autant que le Chimiste perfectionnera ses verres.

Les rapports entre ces deux scien-

Ixiv Discours

ces sont si intimes qu'il est difficile de tirer une ligne de démarcation en- tr'elles : si nous bornons la phyfique à la recherche des propriéte's externes des corps , nous ne lui donnons pour objet que Técorce des choses ; si nous restreignons le Chimiste à la simple analyse , il parviendra , tout au plus , à connoître les principes constituans des corps et ignorera les fonctions. Ces distinctions dans une science qui n'a qu'un but , la connoissance com- plète des corps , ne peuvent plus exis- ter ; et il me paroît que nous devons absolument les rejeter dans tous les objets qui ne peuvent être approfondis que par la réunion de la phyiîque et de la chimie.

A l'époque de la renaissance des lettres , il a été avantageux d'isoler , pour ainsi dire , les favans sur la route de la vérité , et d'y multiplier les at- teliers ( qu'on me permette l'expres- sion ) pour hâter le défrichement ;

mais

PRELIMINAIRE. IxV

mais aujourd'hui que les divers points sont réunis et que tout est lie , ces séparations , ces divisions doivent être effacées ; et nous pouvons nous flat- ter , qu'en réunissant nos efforts , nous ferons des progrès rapides dans l'é- tude de la nature. Les météores , et tous les phénomènes dont l'atmos- phère eft le théâtre , ne peuvent être connus que par cette réunion ; la dé- composition de l'eau dans l'intérieur de la terre , et sa formation dans le fluide qui nous entoure , nous prépa- rent les plus heureuses et les plus su- blimes applications.

IV. Les rapports entre la chimie et la pharmacie sont si intimes qu'on les a long-temps considérées comme une seule et même science , et la chimie n'a été long-temps cultivée que par des Médecins ou des Pharmaciens. Il faut convenir que , quoique la chimie actuelle soit bien différente de la pharmacie qui n'est qu'une applica-

e

Ixvj Discours

tion des principes généraux de cette science , ces applications sont si nom- breuses , la classe des personnes qui cultivent la phannacie est en géné- ral si instruite , qu'on doit être peu surpris de voir la plupart des Phar- maciens s'éclairer dans leur profession par une étude sérieuse de la chimie , et réunir, par le plus heureux accord, les connoissances des deux parties.

L'abus qu'on a fait au commence- ment de ce fiècle des applications de la chimie à la médecine , a fait mé- connoître les rapports naturels et in- times de cette science à l'art de gué- rir. 11 eût été , sans doute , plus pru- dent de rectifier les applications : mais on peut malheureusement reprocher aux Médecins d'avoir été toujours ex- trêmes : ils ont banni , sans restric- tion , ce qu'ils avoient adopté sans examen ; et on les a vus succeiTive- ment dépouiller leur art de tous les secours qu'il pouvoit retirer des scien- ces accessoires.

PRELIMINAIRE. Ixvij

Pour bien diriger les applications de la chimie au corps humain , il faut réunir des vues saines sur Téconomie animale à des idées exactes de la chi- mie ; il faut subordonner nos résul- tats de laboratoire aux observations phifiologiques , tâcher d'éclairer les uns par les autres , et ne reconnoître d'au- tre vérité que celle qui n'est contre- dite par aucun de ces m.oyens de con- viction. C'est , pour s'être écarté de ces principes, qu'on a regardé le corps humain comme un corps mort et pas- fif , et qu'on y a appliqué les princi- pes rigoureux qui s'observent dans les opérations du laboratoire.

Dans le minéral , tout est soumis aux loix invariables des affinités ; au- cun principe interne ne modifie l'ac- tion des agens externes : de-là vient que nous pouvons connoître , produi- re ,01^ modifier les eiFets. fc Dans le végétal , l'action des agens externes y est également marquée «

e i]

Ixviij Discours

mais Torganisation intérieure la mo- difie , et les principales fonctions du végétal résultent de Faction combinée des causes externes et internes ; c'est, sans doute , pour cette raison que le Créateur a disposé sur la surflice de la plante les principaux organes de la végétation , afin que les diverses fonctions reçoivent à la fois l'impres- sion des agens externes et celle du principe interne de l'organisation.

Dans l'animal , les fonctions sont beaucoup moins dépendantes des cau- ses externes , et la nature en a caché les principaux organes dans l'intérieur du corps , comme pour les soustraire à l'influence des puissances étrangères. Mais , plus les fonctions d'un individu sont liées à l'organisation , moins la chimie a d'empire sur elles ; et il con- vient d'être sobre sur l'application de cette science à tous les phénomènes qui dépendent essentiellement du pria* cipe de vie.

Préliminaire. Ixix n ne faut pas cependant regarder la chimie comme étrangère à tu de et à la pratique de la médecine : elle seule peut nous apprendre l'art si dif- ficile et si nécessaire de combiner les remèdes ; elle seule peut nous ensei- gner à les manier avec prudence et fermeté ; sans son secours , le Prati- cien tremblant ne se livre qu'avec peine à ces remèdes héroïques dont le Médecin-Chimiste sait tirer un si grand avantage. Il n'appartient , peut- être , qu'à la chimie de fournir les moyens de combattre les maladies épi- m.i que s , qui , presque toutes , re- connoissent pour cause une altération dans l'air , l'eau , ou les alimens. Ce n'est que par l'analyse qu'on trouvera le véritable remède contre ces concré- tions pierreuses qui forment la ma- tière de la goutte , du calcul , du rhu- matisme , etc. ; et les belles connois- sances , que nous avons aujourd'hui sur la respiration et sur la nature des

e iij

Ixx Discours

principales humeurs du corps ha- rrain , sont encore un bienfait de cette science.

V°. Non seulement la chimie est avantageuse à Tagriculture , à la phy- sique , ? la mine'ralogie et à la méde- cine ; mais les phénomènes chimiques intéressent tous les ordres de citoyens, et les applications de cette science sont si nombreuses qu'il est peu de cir- constances dans la vie ou on ne goutte le plaisir d'en connoître les principes. Fresque tous les faits que Thabitude nous fait voir avec indifférence , sont des phénomènes intéressans aux yeux du Chimiste ; tout l'instruit , tout Ta- inuse ; rien ne lui est indifférent , par ce que rien ne lui est étranger ; et la nature , aussi belle dans ses moin- dres détails que sublime dans la dis- position de ses loix générales , ne pa- roîc déployer son entière magnificence qu'aux yeux du Chimiste.

Nous pourrions aisément nous for-

PRELIMINAIRE.

mer une idée de cette science , s'il nous étoit possible de présenter ici le tableau de ses principales applications: nous verrions , par exemple, que c'est la chimie qui nous fournit tous les métaux dont les usages ont été si fort multipliés; que c'est la chimie quinous donne les moyens d'employer à notre ornement la dépouille des animaux et des plantes ; que c'est elle encore qui établit notre luxe et notre subsistance, comme un impôt , sur tous les êtres créés et nous apprend à conquérir la nature en la faisant fervir a nos goûts , à nos caprices et à nos besoins. Le feu , cet élément libre , indépendant , a été rassemblé et maîtrisé par Tin- duftrie du Chimiste ; et cet agent , des- tiné à pénétrer , à animer et à vivi- fier toute la nature , est devenu entre ses mains un agent de mort et son pre- mier ministre de destruction : les Chi- inistes, qui, de nos jours, nous ont ap- pris à isoler l'air pur , seul propre à

îxxij Discours

la combustion , ont mis , pour ainsi dire , entre nos mains l'essence même du feu ; et cet élément , dont les ef- fets ëtoient si terribles , en produit de plus terribles encore. L'atmosphère, qu'on avoir regardée comme une masse de fluide homogène , s'est trouvée un véritable cahos , d'où l'analyse à re- tiré des principes , d'autant plus in- téressans à connoître que la nature en a fait les principaux agens de ses opé- rations : et nous pouvons confidérer cette masse de fluide dans lequel nous vivons , comme un vaste attelier se préparent les météores , se dé- veloppent tous les germes de vie et de mort , la nature prend les élé- inens de la composition des corps et la décomposition rapporte les mêmes principes qui en avoient été tirés.

, La chimie , en nous faisant connoî- tre la nature et les principes des corps, 3Î0US instruit parfaitement sur nos rap-

PRÉLIMINAIRE. Ixxîlj

ports avec les objets qui nous environ- nent ; elle nous apprend , pour ainsi dire , à vivre avec eux , et imprime à tous une véritable vie , puisque , par elle , chaque corps a son nom , son caractère , ses usages et son influence dans rharmonie et Tordonnance de cet univers. Le Chimiste , au milieu de ces êtres nombreux dont le commun des homm.es accuse la nature d'avoir vainement surchargé notre globe, jouit comme au centre d'une société dont tous les membres liés entr'eux par des rapports intimes concourent tous au bien général : à ses yeux tout est animé ; chaque être joue un rôle sur ce vaste théâtre ; et le Chimiste qui participe à ces scènes attendrissantes est payé avec usure des premières peines qu'il a prises pour établir ses relations.

On peut même regarder ce com- merce ou ces rapports entre le Chi- miste et la nature , çGinme très-pro-

Ixxiv Dis cours

près à adoucir les mœurs et à impri- mer au caractère cette franchise et cette loyauté si précieuses dans la société. Dans rétude de l'histoire naturelle , on n'eut jamais à se plaindre, ni d'incons- tance, ni de trahison; on se passionne aisément pour les objets qui ne nous procurent que des jouissances ; et ces sortes de liaisons sont aussi pures que leur objet , aussi durables que la nature , et d'autant plus fortes qu'il en a plus coûté pour les établir.

D'après toutes ces considérations , aucune science ne mérite plus que la chimie d'entrer dans le plan d'une bonne éducation; on peut même avan- cer que son étude est presque indis- pensable pour n'être pas étranger au milieu des êtres et des phénomènes qui nous environnent. A la vérité , l'habitude de voir les objets peut en faire reconnoître quelques propriétés principales ; on peut même s'élever jusqu'à la théorie de certains phéno-

>

PRÉLIMINAIRE. IxîTV

mènes ; mais rien n'est plus propre à rabaisser les prétentions des jeunes gens prévenus par ces demi-connois- sances que de leur montrer le vaste tableau de ce qu'ils ignorent : au sen- timent profond de leur ignorance, suc- cède le désir si naturel d'acquérir de nouvelles connoissances ', le merveil- leux des objets qu'on leur présente captive leur attention ; l'intérêt de cha- que phénomène excite leur curiosité ; l'exactitude dans les expériences et la rigueur dans les résultats , forment leur raisonnement et les rendent sévè- res dans leurs jugemens. En étudiant les propriétés de tous les corps qui l'entourent , le jeune homme apprend à connoître les rapports qu'ils ont avec lui-même : et , en se portant succes- sivement sur tous les objets , il étend par de nouvelles conquêtes le cercle de ses jouissances ; il devient même participant des privilèges du Créateur, puisqu'il unit et désunit , compose et

Ixxvj Discours

détrait ; et Ton diroit que TAuteur de la nature , se réservant à lui seul la connoissance de ses loix générales , a placé l'homme entre lui et la matière pour qu'il reçût ces mêmes loix de sa propre main, et les appliquât à celle-ci avec les modifications et les restrictions convenables. Nous pouvons donc con- sidérer l'homme comme bien supérieur aux autres êtres qui composent ce globe : ils suivent tous une marche monotone et invariable , reçoivent les loix et les effets sans modification ; lui seul a le rare avantage de connoître les loix , de préparer les événemens , de prédire les résultats , d'opérer des effets à sa volonté , d'écarter ce qui lui est nuisible , de s'approprier ce qui lui est avantageux, de composer même des substances que la nature ne forma jamais ; et , sous ce dernier point de vue , créateur lui-même , il paroît par- tager avec l'Etre Suprême la plus belle de ses prérogatives.

I

Ixxvlj

I^Mi^— 1W— i— I I II » I II !■— ■—■ I _M

TABLE MÉTHODIQUE

DES MATIÈRES. I. Volume.

PREMIERE PARTIE.

DES PRINCIPES CHIMIQUES,

INTRODUCTION.

D

ÉFINITION de la chimie , son but et ses moyens. Description des principaux instru- mens employés dans les opérations , et défi' niîion de ces diverses opérations , p, 1-19.

SECTION PREMIÈRE

De la loi générale qui tend à rapprocher et à maintenir dans un état de mélange ou de combinaison les molécules des corps ^p. 19-37.

SECTION SECONDE.

Des divers moyens que le Chimiste emploie pour rompre V adhésion qui existe entre les molé- cules des corps , p, 37-45

Ixxviij Table méthodique

SECTION TROISIÈME.

De la marche que le Chimiste doit suivre pour étudier Us divers corps que la nature nous présente^ p. 43-52.

SECTION QUATRIÈME.

Des substances simples ou élémentaires ^p. 5 2-54. CHAPITRE I. Du feu, , , . p. 54-56.

Article I. Du calorique et de la cha- leur, p' $(^-74*

Article II. De la lumière , p. 74-79.

CHAPITRE II. Du soufre, . . p, 79-85.' CHAPITRE m. Drz cjr^o/ze , . p. 85-86.

SECTION CINQUIÈME.

Des gai ou de la dissolution de quelques prin- cipes par le calorique à la température de. V atmosphère ; /;. 86-91.

CHAPITRE I. Du gai hydrogène ou air in- flammable, /?. 91-101.

CHAPITRE II. Du ga^ oxigène ou air vi- tal , p. 101-124,

CHAPITRE III. Du gai nitrogène , gai aiote o\x mcfète atmosphérique y . /;. 124-126.

DES MATIERES Ixxix

SECTION SIXIÈME.

Du mélange des ga^ nitroghne et oxigène , ou de r air atmosphérique j . . p, 126-119.

SECTION SEPTIÈME.

De la combinaison des ga^ oxigène et hydro- gène jormant de Veau^ . . p. 129-132. Article \, De Veau à Vétat de

glace ^ /7. 132-13(5.

Article II. De Veau à Vétat li- quide ^ p. 13(^-140.

Article lit. De Veau à Vétat de gai, /;. 140-147.

SECTION HUITIÈME.

Des combinaisons du ga^ nitrogène , 1°. avec le gai hydrogène ; 2°. avec des principes ter- reux , formant les alkalis , . p. 147-149.

CHAPITRE I. Des alkalis fixes, p. 149.

Article I. De Valkali végétal ou po- tasse, p. 149-152.

Article II. De Valkali minéral ou sou- de , /7. 152-159.

CHAPITRE II. De Vammoniaque ou alkali volatil y /7, 159-1(54.

Ixxx Table Méthodique

SECTION N E U V I E xM E.

De la combinaison de Voxigaie avec certaines bases formant des acides , . p, 164-171.

CHAPITRE I. De L'acide carboni- que^ p, 171-180.

Article I. Carbonate de potas- se ^ ...... p, 180-182,

Article II. Carbonate de sou- de ^ p. 1^1.

Article III. Carbonate d'ammo- niaque ^ p. 182-184.

CHAPITRE II. De r acide sulfuri-

que ^ /;. 184-190.

Article I. Sulfate depotasse^p, 1 90-1 91. Article II. Sulfite de soude ,/7. 191-193. Article III. Sulfate d'ammonia- que, P' 193-194-

CHAPITRE III. De V acide nitrique,p. 194-204. Article I. Nitrate de potasse ,p. 204-2 1 2. Article II. Nitrate de soude ,p. 212.

Article III. Nitrate d'ammonia- que , /7. 212-213.

CHAPITRE IV. De l'acide muriatique ,

ci, f . » p. ii-^-ii^.

Article I.

DES MATIÈRES. IxXXJ

Article î. Muriate de potasse, p. 1 1 3-214.

Article II Muriate de soude ,p, 124-230.

Article III. Muriate d'ammoniaque ,

ci. ^.230-234.

CHAPITRE V. De V acide nitro - muriati-

que, /?. 234-236.

CHAPITRE VI. De V acide boracique ,

ci» p. 237-240.

Article I. Borate de potasse ,p. 241. Article IL Borate de soude ,p. 141-146. Article III. Borate d'ammoniaoue. ci p. 146.

Des Eaux Minérales, . p. 146-16^.

Ixxxij

TABLE MÉTHODIQUE

DES MATIÈRES. II. Volume.

SECONDE PARTIE.

DE LA LITHOLOGIE OU DES SUBSTANCES PIERREUSES,

D

INTRODUCTION.

ÈFINITION de la lithologie. Caractères des pierres. Nécessité et difficulté de former des divisions dans cette partie de Vhistoire naturelle , et diverses méthodes quon a sui' vies jusqu ici pour en établir. Principes sur lesquels j'ai fondé mes divisions. Résultats de l'analyse sur les substances pierreuses. Ca- ractères et propriétés des principales terres primitives , telles que la chaux , la harite , la magnésie ^T alumine et la silice ,p. 3-1 (5.

PREMIERE C LASSE. DE LA Combinaison des Terres avec

LES ACIDES.

I. GENRE. Sels terreux a base de

CHAUX. . . . p. 16.

SES MATIERES. IxXXÎÎj

!''«. Espèce. Carbonate de chaux, Pierre

calcaire p. i6-i%.

La pierre à chaux présente ou une cristalli- sation déterminée , ou une cristallisation con- fuse , ou des masses informes : dans le pre- mier cas , elle forme les spaths calcaires , rhomboïdaux , prismatiques , pyramidaux , etc. ^ dans le second , elle constitue les sta- lactites et les albâtres calcaires ; dans le troi- sième 5 la pierre est ou susceptible du poli ou non : si elle est susceptible du poli on l'appelle marbre ; si elle n'est pas suscepti- ble du poli , elle forme les grès calcaires , le moellon , les crayes , les gurhs , etc.

ci p, 16-27

Analyse et usages de la pierre calcaire, p. 27-34

Ile. Espèce. Sulfate de chaux, Pierre à

plâtre , Gypse , etc. . . . p. 34-37»

La pierre à plâtre présente , ou une cristalli- sation déterminée ou des masses informes : Dans le premier cas , elle forme le gypse rhomboïdal et toutes ses variétés , le gypsô en crête de coq , le gypse soyeux , le gypse en stalactite , etc. Dans le second , elle constitue le plâtre. Analyse , propriétés et usages du pJâtre , . . . , /^« 57-39. m*. Espèce. Fluate de chaux , Spath vitreux

Ixxxiv Table méthodique

fusible ou phospliorique , fiuor spathique , ci. . /7. 39.

Le spath fluor se présente ou en crystaux , ou en masse informe \ la variété de ses couleurs lui a fait donner différens noms, p. 39-40. Procédés pour obtenir l'acide fluorique ; et caractère et propriétés de cet acide , p. 40-43.

IV«. Espèce. Nitrate de chaux , Nitre cal- caire , p. 44-45.

V^. Espèce. Muriate de chaux , Sel marin cal- caire , p. 45-4<^.

VI*. Espèce. Phosphate de chaux , Sel phcs- phorique calcaire , , , , , p. :\6-aJ'

IP. GENRE. Sels terreux a base de

BARITE.

I^. Espèce. Sulfate de larite , Spath pe- sant , . p. 47-50.

IP. Espèce. Carbonate de harite^ p. $0.

IIP. Espèce. Nitrate de harite ^ p. 50-51.

IV «. Espèce. Muriate de Barite ^ p. 51.

IIP. GENRE. Sels terreux a base de

MAGNÉSIE , p. 51-52.

I«. Espèce. Sulfate de Magnésie , Sel d'Ep- som 5 /''•52.-53«

DFS MATIERFS. IxXXV

II*. Espèce. Nitrate de magnésie ^ p. 53-54. IÎI« . Espèce. Muriûte de magnésie ^p. $4. IV *. Espèce. Carbonate de magnésie, p, 54-5^.

IV^ .GENRE. Sels terreux a base

d'alumine , /?. 56.

P^ . Espèce. Sulfate d'aMmine, Alun,/?. 56-61 IP. Espèce. Carbonate d'alumine, p. 61-62.

V^. GENRE. Sels terreux a base de silice , . p. 61-61.

SECONDE CLASSE.

De la Combinaison et du mélange des terres primitives entk'elles , ou mé- langes terreux ,....;?, 63-64.

1er. GENRE. MÉLANGES CaLCMRI^S ,

ci, , , , p. 64,

V^. Espèce. Pierre à chaux et magné- sie , , /7. 65.

11^. Espèce. Pierre à chaux et harite , ci p, 6s*

IIl«. Espèce. Carbonate de chaux et alumi- mine, Marnes, . , . , p,6s-6j,

IV* . Espèce. Pierre â chaux ' et silice^ ci, ........ '7. 6j^

fiij

xxxvj' Tabls Méthodique

VX Espèce. Pierre à chaux et bitume <y ci ,,../'. 68. '

Vi*. Espèce. Pierre à chaux et/er^p. 6<),

II. GENRE. MÉLANGES Baritiquf.s ,

ci. , . , p. 6ç).

r^. Espèce. Sulfate de harite ^ pétrole ^ gypse 5 alun et silice, Pierre hépati- q'Je , p. 70.

11^. Espèce. Carbonate de barite , fer et silice , p, 70.

IIP. GENRE. MÉLANGES MAGNÉSIENS ,

ci» ... /7. 71.

l""*. jFsPÈCE. Magnésie pure ^ silice et alu- mine. Talc , .,..,/'. 71.

IP. Espèce. Carbonate de magnésie , silice et alumine. Stéatite , Pierre de lard , Pierre ollaire , ..../?. 7I-74.

III®. Rs,VEQE. Magnésie pure combinée avec un peu plus que son poids de silice , un tiers d'alumine , prh d'un tiers d'eau et plus ou moins de fer* Serpentine,/?. 74-76,

IV*. Espèce. Carbonate de magnésie., silice y chaux , alumine etfer,Asbesie , Liège de montagne , p. 76-77.

DES MATIÈRES. IxXXVÎ}

V«. Espèce. Carbonates de magm'sit et de chaux , sulfate de harite , alumine et fer» Amianthe, P'77-7'^*

IV, G E N R E. Mélanges Alumineux , ci , . . '. . , , -. p. 70.

1", 'Espèce. Alumine y silice , carbonate de chaux , et plus ou moins de fer. Argile et ses variétés j usages des argiles. Obser- vations sur les poteries , . . 79-87.

II*. Espèce. Alumine , iilice , magnésie ■pure et fer, Mica'lj-''' ."^^ , , /;. 88-89.

IIP. Espèce. Alumine , silice , magnésie y chaux et fer.' ViQrrè corne et ses va- riétés , aft .UHi*Q^ v^P;^ \'^p^ 89-90, ' IV*. EsPÈCï. Alumine , silice , carbonate de

, map-ne'sie et de chaux et fer. Ardoise^ SchhtQ et variétés ^ ..... Z^. 91-91.

V*. Espèce. Alumine .^ silice ^pyrite ou sul- fure de fer ^ et carbonate de chaux et de /nj^/i/^/'i'. Schiste pyriteux , . /?. 92-94.

VP. EîVhCE.' Alumine , silice , chaux et ejw. Zéolithe , p.9S'9^'

y. GENRE. Mélanges Siliceux ,p. ^j,

V^. Espèce. Silice , alumine , c/zjwo; e^-/^r intimement liés. Pierres gemmes,/?. 97-98.

Ixxxviîj Table méthodique

I'«. Division. Pierres gemmes rouges, •- Rubis, Grenat . . '. p, 98-100,

■'ïî*. Division. "Pierres gemmes jaunes. Topaze, Hyacinthe, . p, 100-102,.

II,P , Division, Pierres gemmes vertes. , ,,Emeraude jChrisolite, Béril/7, 102-105,

' "; ^iV«. Divisiojsi. Pierres gemmes bleues, "-^'-^ Saphir, . . '. , . p, io$-io6,

'o 7^A' Ç^^^^^* <?'^^^^ quelquefois pure , mais

^r^ -]plm souvent mêlée avec, une très-petite

, quantité d'alumine , de chaux et de fer ,

C^, m m al •TT P, lOO»

.-•ç-cJ^*.' Division. Çrystal. de rQche et ses . ,^_ ^ .variétés , , . . . , p. loy-iii,

" ' IP. Division, Quartz , . /7. 1 1 2- n 3 ,

.IIP. Espèce. Silice, aluhiine , chaux et fer intimement mJlés, Sùqx , , /?, 113.

V^. Division, Silex grossiers, Pierre à fusil , Petro-silex , . , /?. 113-115.

' -^Ilf. Division, «S/Ze-ar/z/z^. Agathe , Opale , Calcédoine , Cacholong , Cornaline, ci. , j7. 1 15-120.

'IV«. Espèce. Silice^ alumine et fer, J^s^q,

^'« .••'...'. /7, 110-12 1.

DES MATIERES. IxXxlîT

V*. Espèce. Silice , alumine , chaux , un

peu de magnésie etfen Tourmaline , Schorl,

Produits volcaniques , . . p, iii-ii6.

Observations sur les bouteilles de lave et le parti qu'on peut tirer du basalte dans les verreries, p. i2<5-i3o,

Ohs<;rvations sur le trapp. , /?. 130*131

VI«. EàPÈCF, Silice , chaux ,m'::g.ie'sie , fer , cuivre et acide fliiorijue, Chrisoprase , ci /?. 131-132,

Vli*^. Espèce. Silice , fluate de chaux bleu , sulfate de chaux et fefi 'ÉàpFs lazuli , pierre d'azur , , , '-i"^*^'^'-'^/;. 132-133.

VHP. Espèce, Silice- , alumine , barite , magnésie. Feld-spatlr, -^ .■ p. 133-135»

TROISIEME CLASSE.

Du MÉLANGE DES PIERRES ENTR'eLLES. MÉ- LANGES PIERREUX. RocHss," 135-136.

]*='. GENRE. Roches formées par le

MÉLANGE tes PIERRES CALCAIRES AVEC d'autres

espèces , , p, 13(5.

l". Espèce. Carbonate de chaux et sulfate de barite , il6.

xc Table méthodique

,,.II^ Espèce, Carbonate de chaux et mica. ,

,!:. ^i P' 137.

^"•lîK Espèce. Mélanges de pierres calcaires i^î et de magnésiennes j , . , p, i^j,

■;•. JV«. Espèce. Pierres calcaires et fragmens de quarti; -, P^ '^17*

il®. GENRE. Roches formées par le

MÉLANGE des PIERRES BA- RITIQUES AVEC D'aUTRES PIERRES , . /7. 138.

Jre, Espèce, Spath pesant mêlé d'un peu ds spath calcaire^ . . . . /^. 139.

K?,. Espèce. Spath pesant et serpentine , ^'. P' ^39»

ni*. Espèce^. Spath pesant et spath fluor ^ -ïi^'-^'V : . . ... p. 139»

- IV^ Espèce, Spath pesant et argile durcie^ . ci, , , , p. 130.

V«. Espèce. Spath pesant et quart^^p, 140,

y^j VI*. Espèce. Spath pesant et lave.p, 140,

ÎII.^GENRE. R.OCHES formées par le

MÉLANGE DES PIERRES MAGNÉSIENNES AVEC d'aU- TRES ESPÈCES ,/?. 140.

DES MATIÈRES XCJ

F«. Espèce. Pierres magnésiennes mélangées

entr elles , p, 140.

IP. Espèce. Pierres magnésiennes et pierres

calcaires^ , . ../,/'. 141»

nie. Espèce. Pierres magnésiennes et pierres alumineuses , 141»

IV^. Espèce. Pierres magnésiennes et pierres siliceuses j , . . . . . />. 141.

V. GENRE. Roches formées Pz\r le

mélange des pierres alu- mineuses avec d'autres

espèces 5 * P' T42'«

pe. Espèce. Schiste et mica ^ . /?. 142.

IP. Espèce. Schiste et grenat , ^.143.

IIP. Espèce. Schiste , mica et quart^ mêlés en petits fragmens. Gneiss , /?, 143,

I\ ^ Espèce. Schiste et schorl , 144,

\'*. Espèce. Argile et quart^. Grés argi- leux , . . . . 5 , . ;\ 144.

V. GENRE. Roches foRxMÉes par le mélange et la réunion des pierres quartzeuses entr'elles , p, 146.

xcjj Table méthodique.

1". Espèce. Qaart:^ et schorl,p. 14.6,

IP. Espèce. Quarti et feld- spath, 146» III^. Espèce. Grés et grenat , p. 147. IV^. Espèce. Quarti ? feldspath et schorl, ci p. 147-

V®. Espèce. Fragmens de quari^ liés par un ciment siliceux ,,,.,/?. 148,

VI^. Espèce. Jaspe et feldspath, Posphire, ci , 148,

ViP. Espèce. Jaspe et grenat , 150,

VIII^. Espèce. Jaspe et calcédoine, p. 150.

IX «. Espèce. Jaspe et quarti , /?. 150.

X^. Espèce. Jaspe , quarti et j'eld-spath ^ ci Z'. 151.

Xp. Espèce. Schorl , grenat et tourma- line , />. 151,

VI. GENRE. Roches sur-composées ou celles qui résultent DU mélange et de la

RÉUNION de PLUSIEURS

genres différens,/?. 152.

I""^. Espèce. Petro-silex , alumine , spath calcaire , p, is-»

DES MATIÈRES. Xciij

I«. Espèce. Argile , stéatitt , spath cal- caire , p. i$z,

I1I«. Espèce. Argile , \éolithe , schorl^ spath calcaire , . , , , . . /?. 152,

rV*. Espèce. Argile , serpentine , 5/>^M rj/- fj/rf , />. 152.

V*. Espèce. Serpentine , /n/V^z , ^/^^^M cal- caire 5 /7. 152.

VI«. EsÈPCE, Serpentine , schorl ^ pierre cal- caire , /*• 1 5 3 .

VIK Espèce, Stêatite , /tz/cj £/ grenats , ^^' Z'- 153-

VIII*. EsÉPCE. Stêatite , m/Vj e/ jcy^orZ , ci* Z'* 153*

IX«, Espèce. Grenats , quart'{^ , /Tz/ctZ ^r^ serpentine^ . . . , , /». 153.

X*, Espèce. Feldspath ^quart-^^^ mica .^stêa- tite , /?. 153,

XP. Espèce. Quart:^ , /tz/c^ e/' jrg-/7f , c' p, 1 54.

XII^. Espèce. Argile et stêatite , " P' 154.

xciv Table méthodique

DU DIAMANT. . . . . /?. 154-1^0.

Vues générales sur les décompositions et les changemens que subit la partie pierreuses de notre globe , ci p* 160-1 jj^

DÏÏS MATIERES XCV

Il j

TROISIÈME PARTIE.

Des su bs ta nces mej^alliques}

INTRODUCTION.

^j ARACTÈRES des siihstances métalliques , p. ij<). Opacité ^ pesanteur et ductilité par- ticulières aux métaux^ p. ijc)-i^z, Formes sous lesquelles se présentent les métaux dans Vin" térieur de la terre : mines , filons et leurs variétés , p, 182,-183. Signes qui annoncent Vexistence des mines , p, 183-185, Procédés usités pour faire fessai d'une mine , /?. 186- 188. Manière d'extraire le minerai ; méthode générale pour exploiter une mine y et diverses opérations par lesquelles on parvient à dé' pouiller le minerai des substances étrangère^ et à le porter à Vétat de métal ^ p, 190-193, Oxidation et calcination des métaux , et théo- rie de ce phénomène ^ p, 193-198. Division, des substances métalliques y . /?. 198 199. CHAPITRE PREMIER.

De rArsenic.

État ordinaire sous lequel se trouve f arsenic dans le commerce : procédé pour le faire passer à létat de métal ; caractères de ce métal , •,,...,/;. 199-ioo.

xcvj Table mi^thodique

Combinaisons naturelles de V arsenic avec divers- métaux , et procédé pour l extraire , /7. 2 o i .

Combinaisons artificielles de Varsenic avec le calorique , Voxighie , le soufre , les acides et les alkalis , ..... /;. 201-208.

Usages ef dangers de Varsenic et de ses pré- parations , p, 209-210.

CHAPITRE II. Du Cobalt.

Caractères du cobalt et ses combinaisons natu- relles avec l'arsenic , le soufre , Voxigène et autres métaux ^ .... /?. 210-213.

Exploitation des mines de cobalt et fabrication des saffres , smalths , a'^urs , etc. p, 213-215,

Combinaisons artificielles du cobalt avec le calo- rique , les acides , les alkalis , /7. 2 1 5-2 1(5.

Usages du cobalt et de ses préparations,

CHAPITRE III. Du Nickel.

Propriétés du nickel et ses divers états dans r intérieur de la terre ^ . . p. 1 16-11 j.

Ses combinaisons avec le calorique , les acides , le soufre^ etc. ..... f. 217-219.

CHAPITRE IV.

DES MATIÈRES. XCVlj

CHAPITRE IV. Du Bismuth.

Caractères du bismuth^ , , . /?. itp. Ses combinaisons naturelles avec l'arsenic , le soufre 5 l'acide carbonique , Voxigène , etc*

ci, 219-221,

Exploitation des mines de bismuth^ /?. 221-222,

Combinaisons artificielles du bismuth avec le

calorique , les acides et les divers métaux ;

usages de ce métal et de ses préparations ,

ci p, 222-22$,

CHAPITRE V. De rAntimoine.

Caractères de Vanti/noine y , , p. ii$-ii6.

Combinaisons naturelles de l'antimoine avec le soufre , r arsenic , Voxigène ^etc.p» 226-229,

Exploitation des mines d'antimoine , et pro- cédés pour former ce qui est connu dans le commerce sous les noms ^'antimoine crud et de régule , p, 229-232.

Combinaisons artificielles de l'antimoine avec le calorique , les acides suif urique , nitrique , muriatique , muriatique oxigéné , tartri- que , etc, avec les alkalis , les sulfures d'aï- kali y les métaux , etc, . /?. 232-242,

cr

xcviij Table Méthodique

Divers usages de V Antimoine et de ses pre'pa^ rations p, 142-243.

CHAPITRE VI. Du Zinc.

Caracthes du -{inc, . , . , /?, 243-244.

Combinaisons naturelles du Tjnc avec le sou- fre , foxigcne y etc. . . , /?. 244 248.

Exploitation des mines de ■^inc. p, 248-249,

Combinaisons artificielles du '{inc avec le ca' lorique , les acides , les alkalis et les me'' taux /7. 2 5 0-2 52'

Usages du -i^inc et de ses préparations. p^ 152-253.

CHAPITRE VII.

Du Manganèse.

Histoire , caractères et propriétés du manga- nèse y diverses formes sous lesquelles il se présente y . , . . . /?. 253-255.

Combinaisons naturelles du manganèse avec Voxigène , les métaux , etc. . ^.255.

Procédés pour réduire Voxide natif de man- ganèse à Vétat de métal ^ . . p. z'^6.

Combinaisons artificielles du manganèse avec le calorique , les acides , le soufre , les métaux , les alkalis y ctc, .... /?. 256-264,

DES MATIERES. XCXl%

Usages du manganèse et de ses préparations , Cl, . . * ' P' 2.64.

CHAPITRE VII L

Du Plomb.

Caractères du plomb , .../?. 164-16'^, Combinaisons naturelles du plomb avec le sou"

fre , les acides sulfurique , carbonique , phos"

phorique , foxigène , etc. . p. 165-271. Procédés pour essayer et exploiter les mines

de plomb , p.iyi.

Combinaisons artificielles du plomb avec le

calorique , Voxigène , etc. et divers états sous

lesquels se présentent ses oxides ^ p. 272-274. Combinaisons du plomb avec les acides ,

f^l P' 274-277.

Usages du plomb et de ses préparations ,

ci p, 177-280.

CHAPITRE IX. De TEtain.

Caractères de Vétain ^ ,/7. 281.

Divers états sous lesquels se présentent les

mines d'étain , ^.282,

Procédés pour essayer et exploiter les mines

détain y ..... . . /?. 282-285

g ij

C Table méthodique

Combinaisons naturelles ou artificielles de Vétaiii avec divers métaux ; ce qui établit divers degrés de bonté et de pureté dans Vétain du commerce^ /7. 2,83-284.

Combinaisons de Vétain avec le calorique , Coxi- g} ne , tes acides , les métaux , le soufre , ci» ........ p. 284-293.

"Usages de Vétain et de ses préparations , ci p. 294-295.

CHAPITRE X.

Du Fer.

Présence du fer dans presque tous les corps de la nature. Caractères et propriétés de ce mé- tal. Opinions et faits relatifs à V existence

du fer natif ^ /?. 295 298.

Divers états sous lesquels se présentent les mines de fer.

Article I. Mines de fer attirables à V ai- mant 5 p. 298,

Article II. Mines de fer sulfureuses ou sul- fures de fer ^ 7?. 302.

Article IIï. Mines de fer spathiques ou

carbonates de fer ^ , , . p. 7^06,

Article IV. Mines de fer limoneuses ou

argileuses^ . . . . . . /7.207.

Article V. Bleu de prusse natif ou prus- siatedefer, . , . . . . ^. 309.

DES MATIERES. tjj

Article VI. Plombagine ou carhure de fer ^

p. 309*

Procédés pour essayer et pour (rploiter les mi"

nés de fer j p. 316-318,

Combinaisons du fer avec Voxighie et le car- hone , p. 318-323.

Causes des différences observées dans les divers fers ^ p. 323-325.

Combinaisons du fer avec h calorique , les aci- des sulfurique , nitrique^ muriatique, gallique^ tartrique y oxalique , prussique ,/7. 325-342.

V sages du fer et de ses préparations ^p, 343-346,

C H A P I T R E X I.

Du Cuivre.

Caractères du cuivre , .../?. 346-34Î?.

Combinaisons naturelles du cuivre avec le sou- fre , r arsenic , V antimoine , Voxiglne , la- cide carbonique j , , . . /?. 348-352,

Procédés pour essayer et pour exploiter une mine de cuivre ^ .... ;- 353-355.

Combinaisons artificielles du cuivre avec le calorique , Voxigene , les acides , les alkalis^ les métaux^ etc p. 355-363.

Usages du cuivre et de ses combinaisons , ^' /'• 3^3-3^5.

CÎj Table méthodique

CHAPITRE XI L

Du Mercure.

Caractères du mercure et ses propriàf^s ,

ci, , p. 365-367.

Combinaisons naturelles du mercure avec Voxi-

gène ^ les métaux et le soufre ^ /?. 367-368, Procédés pour exploiter les mines de mercure ,

.. ci, p, 368-370.

Combinaisons artificielles du mercure avec le calorique , les acides , le soufre , les mé- taux ^ etc p. 370-382,,

Usages du mercure et de ses préparations , ci , P' 38^-3^3.

CHAPITR^ XIII. De l'Argent.

Caractères et propriétés de V argent , /;. 3 84- 385.

Combinaisons ' naturelles de F argent avec le soufre , le soufre et r arsenic , le soufre et Vantimoine , Vacide muriatique , les mé- taux ^ etc P'^^S'l)^!'

Procédés pour exploiter les mines d'argent ,

ci P' 3^7-388.

Moyens de reconnoztre le titre de l'argent,

p. . . 388.

DES MATIERES. Cllj

Combinaisons artificielles de l'argent avec le

. calorique , les métaux , loxigene , les acides ,

V ammoniaque, ^ etc, .... 388-396.

Usages de Vargent et de ses combinaisons y .

^^" P' 39^-

CHAPITRE XIV. De rOr.

Caractères et propriétés de Vor, p, 397-398.

Combinaisons naturelles de Vor avec le soufre , V arsenic , les substances végétales , les mé- taux , etc /'• 398-400,

Procédés pour exploiter les mines (i'or, 400-402,

Procédés pour déterminer le titre de Vor , ci p. 403-404,

Combinaisons artificielles de Vor avec le calo- Tique , Voxigkne , les acides , V ammoniaque , Véther^ les métaux^ . . . /?, 404-410.

Usages de Vor et de ses préparations.

Idées générales. sur V Alchimie , /?. 411-414,

CHAPITRE XV.

Du Platine.

Histoire , caractères et propriétés du platine , ci « . . /A 414-415.

civ Table méthodique.

Combinaisons artificielles du platine avec le calorique , les acides , l'arsenic , le phos' phore ^ les métaux ^ , . . /;, 415-422,

Usages du platine , .... /?. 422-423,

CHAPITRE XVI.

Du Tungsten et du Wolfram.

Article I. Du Tungsten.

Caractères du tungsten , , , p. 423-424,

Acide tungstique , procédés pour l'obtenir et

propriétés de cet acide , , , /7. 424-430, Article II. Du Wolfram. Caractères du wolfram j . . /;. 430-431, Acide tungstique extrait du wolfram ; procé-

dés pour l'obtenir et propriétés de cet acide ,

<:i Z'- 43 1-434-

Caractères et propriétés du métal fourni par CCS mines , p. 434-43(5.

CHAPITRE XVII. Du Molybdène.

Caractères du Molybdène^ . , /?. 43/5-43 S.

Combinaisons du molybdène avec le calorique, Voxigènc , les alkalis , le soufre , les mé- taux , P' 41 8-440,

Acide molybdique , moyens de l'obtenir , ses . ' p^^pTÎétés et ses combinaisons , p. 440-443,

cv

TABLE METHODIQUE

DES MATIÈRES. III. Volume.

QUATRIEME PARTIE.

DES SUBSTANCES G ETALE S^

INTRODUCTION.

K^ ARACTÈRES du Végétal, Différences entre Us subtances des trois règnes, Vices des méthodes employées jiisquici à V analyse végé' taie. Plan d'analyse et distribution plus méthodique des divers principes du végétal^ ci /7. 3-11.

SECTION PREMIÈRE

De la structure du végétal, . p. il.

Article I. De Técorce , . . , /?. 11-15.

Article 11. Du tissu ligneux , . p. i5-i<j.

Article III. Des vaisseaux, , p, 16-19.

Article IV, Des glandes , , . /?, 19.

cvj Table méthodique

SECTION SECONDE.

Des principes nutritifs du végétal ^p. 19-21.

Article I, De Veau , principe nutritif de la plante y ./7. 21-25.

Article II. De la terre et de son influence dans la végétation , /?. 25-29.

Article III. Du gai nitrogène , principe nu- tritif de la plante .^ ».,./?. 29-30.

Article IV. De l'acide carbonique , comme principe nutritif du végétal , . . /?. 30-31,

Article V. De la lumière et de son influence . dans la végétation ^ . , , . /^. 3 1-3 4-

SECTION TROISIÈME.

Du résultat de la nutrition ou des prin^ cipes du végétal y . . . /?• 34»

Article I. Du mucilage ^ . , />. 34"39« Article II. Des huiles , . * , P- 39"4i*

I. Division, Des huiles fixes , p. 41^5 3.

II. Division. Des huiles volatiles <,p» 53"'^^* Du camphre , p, 6î-66j

Article III. Des résines , * » P' ^^-74» Article IV. jDfj' baumes, , , />. 74-79. Article V. Des gommes-résines , p. 79-84»

DES MATIÈRES. Cvîj'

Du caoutchouc ou gomme élastique ,

ci ;;. 84-88.

Des vernis , p. 89-92.

Article VI. Des ff'cules ^ . . p, 92-99.

Article Mil. Du gluten , , , p, 99-104.

Akticle III. Du sucre y . , p, 104-114,

Article IX. De V acide yégétal ^ p, 11 4- 13 2.

Article X. Des aLkalis ^ . . /;. 132-135.

Article XI. Des principes colorans^p. 135-153,

Article XII. Du pollen , ou pous s las fécon- dante des et aminé s ^ , , . /?. 153-15(5. De la cire ^ p^ 156-158.

Article XFI. Du miel ^ . p, 158-159.

Article XIV. De la partie ligneuse^ p, 1 59-162,

Article XV. De quelques autres principes du vég^'tal ^ p, 162-165,

Article XVI Des sucs communs quon extrait par incision ou par expression ^ p , 165-175.

SECTION QUATRIÈME.

Des principes qui s" échappent par la trans- piration du végétal ^ . . p. 175.

Article I. Du ga\ oxigene fourni par les végétaux y p. 176-179,

Article II. De Veau fournie par les végé- taux ^ p^ 179-180,

Cviij Table méthodique i\RTiCLE III, De rarome ou esprit recteur , ci, , , p. 180-184,

SECTION CINQUIÈME.

Des altérations qu éprouvent les végé- taux morts y . . . /?. 184-1S5.

CHAPITRE I. De Faction de la chaleur sur le végétal mort , . , . , . /?, 1 8 5- 1 9 z ,

CHAPITRE II. De V action de Veau seule ap- pliquée aux végétaux morts ^ . /7. 191-198, Du charbon de pierre et des bitumes ,

ci ' P- 198-210.

Des volcans et de leurs produits ^p, z 10-2,20,

CHAPITRE III. De la décomposition du végé- tal dans r intérieur de la terre ,/7, 220-222.

CHAPITRE IV. De l'action de Vair et de U chaleur sur le végétal ^ . . p, 222-224,

CHAPITRE V. De V action de Vair et de Veau, déterminant un commencement de fermen- tation qui procure la séparation des sucs du végétal davec la partie ligneuse , p, 2 2 5-2 2 S,

CHAPITRE VI. De Vaction de Vair , de la. chaleur et de Veau sur le végétal mort , ci p, 228-231,

Article I. De la fermentation spiritueuse et de ses produits ^ , p, 231-254.

Article II. De la fermentation acide ? ^i /7. 254-258.

Article IIÎ. De la fermentation putride , ^^ i'.i 59-^^4-

DES MATIÈRES. CIX

CINQUIEME PARTIE.

DES SUBST'ANCES ANIMALES,

INTRODUCTION.

A

BUS qu'on a fait des applications de la chimie à la médecine. Moyen de rectifier ces applications^ Caractères de Vanimal ,• son rang parmi les autres corps de cet univers, La chimie actuelle peut nous éclairer sur plusieurs fonctions ; et ses applications sent avantageuses et même nécessaires dans Vétat de santé et dans Vétat de maladie Cl, ........ /^. 265-270

CHAPITRE I. De la digestion , p, 271-275.

CHAPITRE IL Z)^ /^/^ , . . /;. 275-285.

CHAPITRE III. Du sang, p, 285-291.

CHAPITRE IV. De la graisse , p, 291-297.

CHAPITRE V. De la bile, . p. 297-303.

CHAPITRE VI. Des parties molles et blan- ches des animaux, , . p. 303-311.

CHAPITRE VI i. Des muscles ou parties char- nues , /;. 311-3K5.

CHAPITRE VIII. De Vurine , p, 316-326.

ex Table méthodique des matières.

Du calcul de la vessie , , . p. 326-331.

CHAPITRE IX. Du phosphore, p. 331-349.

CHAPITRE X. De quelques substances quon retire des animaux pour Vusage de la méde- cine et des arts ^ . . . p, ^4c^ et suiv. Article I. Des produits fournis par les quadrupèdes y .... /'. 350-355. Article II. De quelques produits fournis par les poissons y . , * /». 355-35S. Article III, De quelques produits fournis par les oiseaux, . . , , p. 358-360, Article IV. De quelques produits fournis par les insectes, » . , p. 360-367.

CHAPITRE XI. De quelques autres acides extraits du règne animal , . p, 367-373.

CHAPITRE XII. De laputréfaction,p. 3 7 3-386,

(IJ

PREMIÈRE PARTIE.

DES PRINCIPES CHIMIQUES,

INTRODUCTION.

Définition de la Chimie , son but et ses moyens , idée d'un laboratoire , descrip^ lion des principaux instrumens employés dans les opérations , et définition de ces diverses opérations.

i jA chimie est une science , dont le but est de connoître la nature et les propriétés des corps.

Les moyens qu'elle emploie pour y parvenir j se réduisent à deux : Vanalyfe et la synthèse.

Les principales opérations du Chimiste se font dans un attelier qu'on appelle laboratoire^

Un laboratoire doit être grand et bien aéré , afin d'éviter le séjour des vapeurs dangereuses qui sont produites dans quelques opérations ^ ou qui s'échappent par quelqu'accident imprévu j il doit être sec , sans quoi les vases de fer s'y rouillent , et la plupart des produits chimiques s'y altèrent ; mais le principal mérite d'un labo- ratoire j est d'être meublé de tous les instrumens,

A

qui peuvent être employés à l'étude de la natuff des corps et à la recherche de leurs propriétés.

Parmi ces instrumens , il en est qui sont d'un usage général et applicables au plus grand nom- bre d'opérations , il en est d'autres qui ne servent que dans des cas particuliers : cette division nous indique déjà , qu'il ne sera question , en ce moment , que des premiers , et que nous nous réserverons de faire connoître les autres , lorsque nous serons dans le cas de les employer.

Les instrumens chimiques les plus employés , Ceux qui se présentent les premiers dans uiî laboratoire , sont les fourneaux.

On appelle fourneaux des vaisseaux de terre appropriés aux diverses opérations qu'on fait sur les corps par le moyen du feu.

Un mélange convenable de sable et d'argile forme ordinairement ces vaisseaux : il est diffi- cile , il est même impossible , de prescrire er de déterminer , d'une m.anière invariable , les proportions de ces principes constituant ;, elles doivent varier , selon la nature des terres qu'on veut employer : l'habitude et l'expérience peu- vent seules nous fournir des principes à ce sujet.

La diverse manière d'appliquer le feu aux substances qu'on veut analyser , a fait donnjr aux fourneaux différentes formes que nous rédui- l-ons en ce moment aux trois suivantes. , 1°. Fourneau évaporatoire. Ce fourneau a

( 3 ^

teçii son nom de ses usages : on s'en sert pouf

réduire en vapeurs , par le secours du feu , toute substance liquide , et séparer , par ce moyen , des principes plus fixes et plus pèsans qui étoient mêlés , suspendus , combinés , ou dissous dans le fluide.

Ce fourneau est composé d'un cendrier et d'un foyer : ces deux parties sont séparées par une grille qui supporte le combustible : le cen- drier a une porte qui donne passage à l'air j et c'est par celle du foyer qu'on introduit le ccm- iustible.

Le foyer est recouvert par le vase évapora- toire , et on pratique deux ou trois échancrures , canelures ou dépressions , dans l'épaisseur des parois du fourneau , vers son bord supérieur , pour faciliter l'aspiration et la combustion.

On appelle vase évaporatoire , le vaisseau qui contient la substance qu'on évapore.

Ces vases sont de terre , de verre ou de métal : les vases de terre non vernissés sont trop poreux, et les liquides filtrent à travers leur tissu ^ ceux de bisquit de porcelaine se laissent aussi péné- trer par les liquides fortement chauffés , et don- nent passage aux substances gazeuses : on connoît à ce sujet les belles expériences de M. Darcet ^ sur la combustion et la destruction du diamant dans les boules de porcelaine \ j'ai confirmé ces résultats , par des expériences en grand sur la

Ai

(4)

distillation de î'eau forte , qui perd en quantité et qualité , quand on la fabrique dans des vais- seaux de poterie-porcelaine.

Les vaisseaux de terre vernissés ne peuvent pas servir , lorsque le vernis est fait avec les verres de plomb ou de cuivre , puisque ces matières métalliques sont attaquées par les acides,- les graisses , les huiles , etc. Ils ne peuvent pas non-plus être employés lorsque la couverte est en émail , parce que cette espèce de verre opaque est presque toujours gercée et fendillée , et que le liquide s'introduit dans le corps du vase.

Les vaisseaux de terre ne peuvent donc servir , que pour ces opérations peu délicates , la précision et l'exactitude ne sont pas de rigueur.

On doit préférer les vaisseaux évaporatoires de verre : ceux qui résistent le mieux au feu sont ceux qu'on prépare soi-même , en coupant , à l'aide d'un fer rouge , une sphère de verre ou un récipient en deux calottes égales : les capsules qu'on fait dans les verreries sont plus épaisses dans le milieu , et conséquemment plus suscep- tibles de casser en cet endroit , quand on les expose au feu.

Dans les atteliers des arts on fabrique des évaporatoires de métal : le cuivre est le plus employé , parce qu'il réunit la propriété de résister au feu , à. la solidité et à la facilité de pouvoir être travaillé 3011 en fait, des alambics

( 5 ) pour la distillation des vins et des arômes , des chaudières pour la cristallisation de certains sels et pour quelques travaux de teintures , etc. Le plomb est encore d'un usage assez étendu , et on s'en sert , toutes les fois qu'il est question d'opérer sur des substances qui ont pour base l'acide sulfurique , telles que les sulfates d'alumine et de fer , et pour la concentration et rectifica- tion des huiles de vitriol. On emploie également les vaisseaux d'étain dans quelques opérations j le bain d'écarlate donne de plus belles couleurs dans des chaudières de ce métal que dans toute autre ^ on commence déjà à substituer des cha- pitaux d'étain à ceux de cuivre dans la construc- tion des alambics ;, et , par ce moyen , les divers produits de la distillation sont exempts de tout soupçon de ce métal dangereux. On se sert encore de chaudières de fer pour des opérations gros- sières , comme , par exemple , lorsqu'il est ques- tion de rapprocher des lessives de salin , de salpêtre , etc.

Les évaporatoires d'or , d'argent ou de platine , doivent être préférés dans quelques opérations délicates : mais le prix et la rareté n'en permettent pas l'usage , sur-tout dans les travaux en grand.

Au reste , c'est la nature de la substance qu'on évapore , qui doit décider du choix du vase qui convient le mieux à l'opération : on ne peut point adopter exclusivement tel ou tel évapora-

coire ;, tout ce qu'on peut dire , c'est que le verre présente le plus d'avantages , parce que la matière qui le constitue est la moins attaquable, la moins soluble , et la moins destructible par les agens chimiques.

Les vaisseaux évaporatoires sont connus sous les noms de capsules , de cucurbites , etc. selon Ja variété de leur forme.

Ces vases doivent être , en général , très-évasés et peu profonds : pour que la distillation et l'évaporation soient promptes et économiques , il faut , 1°. que le vase évaporatoire ne soit point étranglé à sa partie supérieure \ 2.°. que la chaleur soit appliquée au liquide dans tous les points et d'une manière égale ^ 3^. que la colonne ou masse du liquide présente peu de hauteur et beaucoup de surface : c'est sur ces. principes que j'ai fait construire , dans le Lan- guedoc , des chaudières propres à distiller les vins , qui économisent les onze douzièmes de temps et les quatre cinquièmes de combustible-

L'évaporation peut se faire de trois manières , '1°. à feu nud ^ 2°. au bain de sable , 3°. an hain-marle,

. L'évaporation se fait à feu nud , lorsqu'il n'y a aucun corps interposé entre le feu et le vais- seau qui contient ia substance à évaporer , comme lorsqu'on fait bouillir de l'eau dans un chau- dron.

(7) L'évaporation se fait au bain de sable , lors-*

qu'on interpose un vaisseau rempli de sable entre le feu et le vaisseau évaporatoire : alors la chaleur se communique plus lentement et d'une manière plus graduée , et les vaisseaux, qui casseroient par l'application immédiate de la chaleur 5 résistent par ce .moyen 3 la chaleur est: en même-temps plus égale et plus soutenue , le refroidissement est plus gradué , et les opérations se font avec plus d'ordre , plus de précision et plus d'aisance.

Si , au lieu d'employer un vase plein de sable , on se sert d'un vaisseau rempli d'eau , et qu'on plonge dans le liquide le vase évaporatoire, l'éva- poration se fait au bain-marie : dans ce cas , la substance qu'on évapore n'est chauffée que par la chaleur que lui communique le liquide j cette forme ou méthode d'évaporation est employée , lorsqu'il est question d'extraire ou de distiller quelques principes très-volatils , tels que l'alkooi , l'arome des plantes , etc. Elle a l'avantage de fournir des produits qui ne sont point altérés par le feu , parce que la chaleur leur est trans- mise par lïntermède d'un liquide ^ c'est ce qui rend ce procédé précieux pour extraire les huiles volatiles , les parfums , les liqueurs éthe- récs , etc. : elle a encore l'avantage de présenter une chaleur à -peu -près égale , parce que le degré de l'ébuliition est un terme assez constant 5

( n

et on peut graduer et varier à volonté cette chaleur , en ajoutant des sels au liquide du bain- marie , et rendant , par ce seul moyen , l'ébul- lition plus ou moins prompte et plus ou moins facile i on peut y parvenir encore , en gênant, révaporation , car , dans ce cas , le liquide peut prendre une chaleur beaucoup plus forte , comme on le voit dans la marmite de papin , les pom- pes à feu 5 l'éolipile , et les chaudières àes avivages dans la teinture en rouge du coton.

La sublimation diiFère de Tévaporation , en ce que la substance qu'on volatilise est solide ; les vases qui servent à cette opération sont connus sous le nom de vaisseaux suhlîmatoires : ce sont ordinairement des boules surmontées d'un .long col , et alors on les appelle matras.

Pour sublimer une substance , on entoure de table une partie de la boule du matras 5 la matière que la clialeur volatilise va se condenser contre la portion du vase la plus froide , et forme une couche ou calotte qu'on enlève en cassant le vase ^ c'est ainsi qu'on forme , dans le commerce , le sel ammoniac , le sublimé corrosif, etc.

La sublimation se pratique ordinairement , ou fcien pour purifier certaines substances et les dégager de quelques matières étrangères , ou bien pour réduire en vapeurs et combiner sous cette forme des principes qui s'uniroient diffi»

(9) cHement , s'ils n'avoient pas été ramenés à ce point de division.

2°. Fourneau de réverbère. On a donné le nom de fourneau de réverbère à celui qui est approprié aux distillations.

Ce fourneau est com.posé de quatre pièces : 1°. d'un cendrier destiné à livrer passage à Tair , . et à recevoir les cendres ou le résidu de la combustion j 2°. d'un /oyer séparé du.cendrier par la grille , c'est dans cette pièce qu'est con- tenu le combustible ^ 3°. d'une portion de cylindre , qu'on appelle laboratoire , parce que c'est cette partie qui reçoit les cornues employées au travail ou à la distillation •-, 4°. ces trois pièces sont couvertes d'un dôme ou d'une portion de sphère percée vers son milieu par un trou qui livre passage au courant d'air et forme la che- minée.

La forme la plus ordinaire qu'on donne au fourneau de réverbère , est celle d'un cylindre terminé par une demi-sphère surmontée d'une cheminée plus ou moins longue , ce qui déter- mine une aspiration plus ou moins forte.

Pour qu'un fourneau de réverbère soit dans ies bonnes proportions, il faut, 1°. établir un large cendrier , afin que l'air y aborde frais et sans altération ^ 2°. donner au foyer et au labo- ratoire réunis la forme d'une véritable ellipse dont le feu et la cornue occupent les deux foyers.

( ro) alor? toute la clialeur , soit directe , soit réfléchie^ se porte sur la cornue.

Le fourneau de réverbère est employé aux distillations : on appelle distillation , cette opé- ration par laquelle on cherche à désunir et à séparer par le feu les divers principes d'un corps , selon les loix de leur pesanteur et de leurs affinités.

Les vaisseaux distillatoires sont connus sous le nom de cornues.

Les cornues sont , de verre , de grès , de porcelaine ou de métal : on se sert de l'une ou de l'autre de ces matières , selon la nature des substances qu'on veut distiller.

De quelque nature que soit la cornue , la forme en est toujours la même , et elles ont toutes la figure d'un œuf terminé par un bec ou tuyau qui diminue insensiblement de largeur et est légèrement incHné.

La portion ovale de la cornue , qu'on appelle la panse , se place dans le laboratoire du four- neau , et est supportée sur deux barres de fer qui séparent le laboratoire du foyer , tandis que le bec ou col de la cornue sort au dehors du fourneau par l'ouverture circulaire pratiquée sur les bords du dôme et du laboratoire.

On adapte au bec de la cornue un vase destiné à recevoir le produit de la distillation j c'est ce vase qu'on nomme récipient.

(Il)

Le récipient est ordinairement une sphère qui présente deux ouvertures j l'une assez grande , pour recevoir le col de la cornue : l'autre plus petite , pour donner issue aux vapeurs : c'est celle - ci qu'on appelle tubulure du récipient j de , récipient tubulé ou non tubulé , etc.

Quoique le fourneau de réverbère soit spécia- lement affecté aux distillations , cette opération peut s'exécuter au bain de sable j et ici , comme ailleurs , c'est au seul génie de l'Artiste à varier ses appareils selon le besoin , les circonstances et la nature des matières sur lesquelles il opère.

On peut également varier la construction de ces fourneaux j et le Chimiste doit apprendre de bonne heure à se servir de tout ce qu'il a sous la main pour exécuter ses opérations , car , s'il se laisse maîtriser par les circonstances , et qu'il se persuade qu'on ne peut travailler à la chimie , que dans un laboratoire pourvu de tous les vaisseaux convenables , il laissera échap- per le moment d'une découverte qui ne se pré- sentera plus ^ et on peut dire avec fondement , que celui qui se traîne servilement sur les pas d'autrui ne s'élèvera jamais jusqu'à des vérités nouvelles.

3°. Fourneau de forge. Le fourneau de forge est celui le courant d'air est détermiiné par un soufflet : cendrier , foyer , laboratoire tout est réuni 3 et cet ensemble ne forme qu'une

( 12 )

portion de cylindre percé, vers l'angle inférieur, ci un petit trou aboutit le tuyau du soufflet ^ on recouvre quelquefois cette partie d'une calotte ou dôme , pour concentrer plus efficacement la chaleur, et la réverbérer sur les corps qui y sont exposés.

Ce fourneau est employé pour la fonte , la calcination des métaux , et généralement pour toutes les opérations qu'on exécute dans les creusets.

On entend par creusets , des vases de terre ou de métal , qui ont presque toujours la forme d'un cône renversé : un creuset doit supporter la plus forte chaleur sans se fondre j il doit encore être inattaquable par tous les agens qu'on expose ■au feu dans ces vases : ceux qui se rapprochent le plus de ces degrés de perfection , sont ceux de Hesse et de Hollande ; j'en ai fabriqué de très-bons , par le mélange de l'argile crue et de l'argile cuite de Salavas dans le Vivarais*

On a pourvu nos laboratoires de creusets de platine qui réunissent les plus excellentes pro- priétés 5 ils sont presque inflisibles , et en même- temps indestructibles par le feu.

On peut fabriquer à la main , ou travailler au tour , \qs divers vaisseaux de terre dont nous venons de parler ^ le premier procédé les rend plus solides , la pâte en est mieux battue , et c'est le seul usité dans les verreries 3 le second est plus cxpéditif.

( '3 )

L'agent des décompositions par le moyen

des fourneaux , est le feu : il est fourni par bois , le charbon de terre ou celui de bois.

"Le bois n'est employé que pour quelques travaux en grand ç, et nous préférons le charbon de bois dans nos laboratoires , parce qu'il ne fume point , n'a pas de mauvaise odeur et qu'il brûle mieux en petit volume que les autres com- bustibles ;, nous choisissons le plus sonore , le plus sec et le moins poreux.

Mais , dans les diverses opérations dont nous venons de parler , il est nécessaire , de garantir les cornues de l'action immédiate du feu , de coercer et de retenir des vapeurs expansibles , précieuses et souvent corrosives , et c'est pour, remplir ces vues qu'on emploie difFérens luts.

i*^. Une cornue de verre exposée à l'action du feu casseroit infailliblement , si on n'avoit la sage précaution de la revêtir d'une chemise ou enveloppe de terre.

Je me sers avec avantage , pour lutter les cornues , d'un mélange de terre grasse et de fiente fraîche de cheval : pour cet effet , on fait pourrir pendant quelques heures de la terre glaise dans l'eau , et lorsqu'elle est bien humectée et convenablement ramollie , on la pétrit avec la fiente de cheval et on en forme une pâte molle , qu'on applique et qu'on étend avec la main sur toute la partie de la cornue qui doiç

être exposée à l'action du feu. La fiente de cheval réunit plusieurs avantages ^ i ^. elle con- tient un suc glaireux qui durcit par la chaleur et lie fortement toutes les parties ^ lorsque ce suc a été altéré par la fermentation ou la vétusté , ce fumier n'a plus la même vertu ^ 2°. les fila- mens ou brins de paille , qui se distinguent si aisément dans la fiente de cheval, unissent toutes ks parties du lut.

Les cornues luttées de cette manière résistent très-bien à l'impression du feu j et l'adhérence du lut à la cornue est telle que , lors même qu'une cornue se fend pendant l'opération , la distillation se soutient et continue , comme je l'éprouve journellement dans les travaux en grand.

2°. Lorsqu'il s'agit de coercer ou de s'opposer à la sortie des vapeurs qui se dégagent d'une opération , il suffit , sans - doute , d'enduire les jointures des vaisseaux avec le papier enduit de collé , la vessie mouillée , le lut de chaux et de blanc d'œuf , si les vapeurs ne sont ni dan- gereuses ni corrosives j mais , lorsque les vapeurs rongent et corrodent, on se sert alors du lut gras pour les contenir.

Le lut gras est fait avec l'huile de lin cuire mêlée et bien incorporée avec l'argile tamisée : l'huile de noix pétrie avec la même argile forme un lut qui a les mêmes propriétés , il s'étend aisé-

( 15 ) tnent sous la main ^ on en garnit les jointures des vaisseaux et on Tassujettit ensuite avec des bandes de linge trempées dans le lut de chaux et de blanc d'œuf.

Avant d'appliquer le feu à une distillation , il faut laisser sécher les lu ts : sans cette précau- tion , les vapeurs les soulèvent et s'échappent , ou bien elles se combinent avec l'eau qui abreuve et humecte les luts , et rongent la vessie , la peau , le papier , en un mot , toutes les matières qui les assujettissent.

Le lut de chaux et de blanc d'œuf sèche très- promptement, et il faut l'employer dès le moment qu'il est fait : c'est aussi celui qui oppose le plus de résistance à l'effort des vapeurs , et adhère le plus intimement au verre : on le fait, en m.êlant un peu de chaux vive très-divisée au blanc d'œuf, et battant de suite ce mélange pour faciliter la combinaison , on le porte dans le moment sur des morceaux de vieux linge qu'on applique sur les jointures.

Dans les travaux en grand , il n'est pas possible d'apporter tous ces minutieux détails , on lutte les jointures du récipient à la cornue avec le même lut qui sert à enduire les cornues ; et il suffit d'une couche de l'épaisseur de quel- ques lignes , pour que les vapeurs d'acide muria- tique ou d'acide nitrique ne s'échappent point.

Comme dans certaines opérations, il se dégags

( I^ )

une si prodigieuse quantité de vapeurs , qu'il est dangereux de les coercer , et que , d'un autre côté , la perte fait un déchet considérable dans Je produit, on a imaginé un appareil aussi simple qu'ingénieux pour modérer la sortie et retenir sans risque les vapeurs qui s'échappent j cet appa- reil est connu sous le nom de son auteur , M. TFoulf j fameux Chimiste anglois : son superbe procédé consiste à adapter l'extrémité d'un tube creux et recourbé à la tubulure du récipient , tandis que l'autre bout plonge dans l'eau d'un flacon à moitié plein qu'on place à côté : de la partie vide de ce même flacon , part un second tube qui va se rendre dans l'eau d'un second flacon : on peut en ajouter plusieurs , en obser- vant les mêmes précautions , avec l'attention néan- moins de laisser le dernier ouvert , pour donner une libre issue aux vapeurs non coercibles : et l'appareil ainsi disposé , on lutte toutes les join- tures. On sent déjà que les vapeurs qui s'échap- pent de la cornue sont obligées d'enfiler le tube adapté à la tubulure du récipient et de passer à travers l'eau du premier flacon : elles éprouvent donc une première résistance qui les condense en partie j mais , comme presque toutes \ç.5 vapeurs sont plus ou moins miscibles et solubles dans l'eau , on a calculé la quantité d'eau néces- saire pour absorber la quantité de vapeurs qui se dégagent d'un mélange donné , et on a soin

de

( 17 ) de distribuer dans les flacons de l'appareil le volume d'eau convenable.

On obtient par ce moyen les produits les plus purs et les plus concentrés , puisque l'eau qui est toujours l'excipient et le véhicule de ces substances en est saturée ^ c'étoit peut-être encore le seul moyen d'obtenir des produits d'une énergie toujours égale et d'un effet comparable , ce qui est très-important dans les opérations des arts et nos expériences de laboratoire.

J'ai appliqué cet appareil aux travaux en grand, et je m'en sers pour extraire l'acide muriatique ordinaire , l'acide muriatique oxigené , l'ammo- niaque , etc.

Comme il arrivoit fort souvent , que la pres- sion de l'air extérieur faisoit passer l'eau des derniers flacons dans le récipient par le simple refroidissement de la cornue , on a obvié à cet inconvénient en plaçant un tube droit dans le goulot du premier et du second flacon , de façon qu'il plonge dans l'eau et s'élève à quelques pou- ces au-dessus du goulot ^ on sent d'après cette disposition que , lorsque les vapeurs dilatées du récipient et de la cornue se condenseront par le refroidissement, l'air extérieur se précipitera par ces tubes pour rétablir l'équilibre , et l'eau ne pourra pas passer de l'un dans l'autre.

Avant que cet appareil fût connu , on laissoit pn trou dans le récipient qu'on avoit soin de

B

( i8 ) boucher et d'ouvrir de temps en temps pour donner issue aux vapeurs : cette méthode avoit plusieurs inconvéniens ^ le premier de tous , c'est que , malgré toutes ces précautions , on couroit risque d'une explosion à chaque moment par le dégagement peu gradué des vapeurs et l'impossibilité de calculer la quantité qui s'en produisoit dans un temps donné : le second , c'est que les vapeurs qui se dissipoient entrai- noient un déchet notable dans le produit et en aifoiblissoient même la vertu , puisque ce prin- cipe volatil est le plus énergique : le troisième , c'est que cette vapeur incommodoit l'Artiste à tel point qu'il étoit impossible d'exécuter la plu- part des opérations dans les cours de chimie en présence de nombreux auditeurs.

L'appareil de TVoulf réunit donc plusieurs avantages : d'un côté , économie dans la fabri- cation et supériorité dans le produit ^ de l'autre , sûreté pour le Chimiste et les Assistans : et, sous tous ces rapports , l'Auteur a des droits à la reconnoissance des Chimistes qui trop souvent atteints de ces funestes exhalaisons traînoient une vie languissante ou périssoient victimes de leur zèle pour la science.

Il est nécessaire de pourvoir un laboratoire de balances d'une précision rigoureuse : car le Chimiste qui n'opère souvent que sur de petites masses doit retrouver , par la rigueur de ses

' ( 19 )" opérations et l'exactitude de ses appareils , des résultats comparables avec ceux des travaux en grand : c'est souvent sur le simple essai d'un échantillon de mine qu'on détermine une exploi- tation j et Ton sent de quelle conséquence il est d'écarter toute cause d'erreur puisque la plus légère dans les travatix de laboratoire entraîne les suites les plus funestes lorsqu'on fait l'appli' cation des principes aux travaux en grand.

Nous parlerons des autres vases et appareils chimiques à mesure que nous aurons occasion de nous en servir j nous avons cru , qu'en rappro- chant ainsi la description de leurs usages , nous parviendrions à les faire mieux connoître et que nous fatiguerions moins la mémoire de nos lecteurs.

SECTION PREMIÈRE.

De la loi générale qui tend à rapprocher et à maintenir dans un état de mélange ou de combinaison les molécules des corps.

Il a suffi à l'Etre suprême de donner aux molécules de la matière une force d'attraction réciproque pour nécessiter l'arrangement que nous présentent les corps de cet univers : par une suite très -naturelle de cette loi primordiale ,

( 20 )

les élémens des corps ont se presser sur eux- mêmes , il a se former des masses par leur réunion , er insensiblement se sont établis des corps solides et compactes vers lesquels , comme vers un centre , ont peser les corps plus foiblcs et plus légers»

Cette loi d'attraction que les Chimistes appel- lent affinité , tend sans cesse à rapprocher les principes qui sont désunis , retient avec plus ou moins d'énergie ceux qui sont déjà combinés '-, et on ne peut opérer aucun changement dans la nature sans rompre ou modifier cette puis- sance attractive.

Il est donc naturel , il est même nécessaire de parler de la loi des affinités , avant de s'oc- cuper des moyens d'analyse.

L'affinité s'exerce , ou bien entre des principes de même nature , ou bien entre des principes de nature différente.

D'après cela , nous pouvons distinguer deux espèces d'affinité par rapport à la nature des corps , 1°. l'affinité à'aggrégation , ou celle qui existe entre deux principes de même nature j 2°. l'affinité de composition , ou celle qui retient dans un état de coînbinaison deux ou plusieurs principes de nature différente.

AFFINITÉ D'AGGRÉGATION.

Deux gouttes d'eau qyi se réunissent en une

( ^I )

seule forment un aggrégé dont chaque goutte ' est connue sous le nom de partie intégrante.

L'aggrégé diffère de l'amas en ce que les jparties intégrantes de celui-ci n'ont aucune adhé- sion sensible entr'elles , comme dans des tas de bled , de sable , etc.

L'aggrégé et l'amas différent du mélange en ce que dans ce dernier les parties constituantes sont de nature différente, comme dans la poudre à canon.

L'affinité d'aggrégation est d'autant plus forte, que les parties intégrantes sont plus rapprochées : ainsi tout ce qui tend à éloigner et à séparer ces parties intégrantes diminue leur affinité et affoi- blit leur force de cohésion.

La chaleur produit cet effet sur la plupart des corps connus , de vient que les métaux fondus n'ont plus de consistance : le calorique en se combinant avec [qs corps produit presque tou- jours un effet opposé à la force d'attraction , et l'on seroit autorisé à le regarder comme un prin- cipe de répulsion , si la saine chimie ne nous avoir prouvé qu'il ne produit cet effet qu'en cherchant à se combiner avec les corps et dimi- nuant nécessairement par leur rapport d'ag- grégation , comme font tous les agens chimiques. En outre , l'extrême légèreté du calorique fait que , lorsqu'il est combiné avec un corps quel- conque , il tend sans cesse à l'élever et à vaincre

cette force qui le retient et le précipite vers la terre.

Les opérations mécaniques du pilon , du mar- teau 5 du ciseau diminuent pareillement l'affinité d'aggrégation ; elles éloignent les parties inté- grantes les unes des autres ^ et cette nouvelle disposition , en présentant moins d'adhésion et plus de surface , facilite l'abord des agens chi- miques et en augmente l'énergie : c'est à ce dessein , qu'on divise les corps quand on veut les analyser , et qu'on facilite l'effet des réactifs par le secours de la chaleur.

La division mécanique des corps est d'autant plus difficile que leur aggrégation est plus forte.

Les aggrégés se présentent sous plusieurs états : ils sont solides , hquides , aériformes , etc. Voyez M. de Fourcroy.

AFFINITÉ DE COMPOSITION.

Les corps de diverse nature exercent les uns sur les autres une tendance ou une attraction plus ou moins forte , et c'est en vertu de cette force que s'opèrent tous les changemens de composition ou de décomposition qu'on observe entr'eux.

L'affinité de composition nous offre dans tous ses phénomènes des loix invariables , dont nous pouvons faire des principes auxquels nous rap-

( ^3 ) porterons tous les effets que nous présentent le jeu et l'action des corps les uns sur les autres.

I. L'affinité de composition nagit qa entre les parties constituantes des corps.

La loi générale de l'attraction s'exerce sur les masses , et en cela elle diffère de la loi des afîînités qui n'agit sensiblement que sur les molé- cules élémentaires des corps : deux corps mis à côté l'un de l'autre ne se confondent point , mais si on les divise et qu'on les mêle il peut en résulter une combinaison , on en voit des exem- ples lorsqu'on triture le muriate de soude avec la litarge , le muriate d'ammoniaque avec la chaux 5 etc. et on peut avancer que l'énergie de l'affinité de composition est presque toujours proportionnée au degré de division des corps.

II. Vaffinité de composition est en raison inverse de Vaffinité d'aggrégation.

Il est d'autant plus difficile de décomposer un corps que les principes constituans en sont unis et retenus par une force plus grande : les gsz et surtout les vapeurs tendent sans cesse à la combinaison parce que leur aggrégation est foible , et la nature qui renouvelle à chaque instant les productions de cet univers ne com- bine jamais solide à solide , mais elle réduit tout en gaz , rompt par ce moyen les entraves de l'aggrégation , et ces gaz en s'unissant entr'eux forment à leur tour des solides.

( M )

De vient sans-doute que l'affinité de coiH^ position est d'autant plus forte , que les corps approchent plus de l'état élémentaire -^ et nous observerons , à ce sujet , que c'est même une loi très-sage de la nature , car si la force ou affinité de composition n'augmentoit pas à mesure que les corps sont ramenés à ce degré de nudité , si les corps ne prenoient pas une tendance décidée à s'unir et à se combiner à proportion qu'ils avoisinent leur état primitif ou élémentaire , la masse des élémens iroit toujours croissant par les décompositions successives et non interrom- pues , et nous retomberions insensiblement dans ce cahos ou cette confiision de principes qu'on suppose avoir été le premier état de ce globe-

C'est la nécessité de cet état de division si propre à augmenter l'énergie de l'affinité qui a fait recevoir , comme un principe incontestable y que pour que l'affinité de composition ait lieu, il faut que l'un des corps soit fiuide , corpora non agnnt nisi sintfluida ; mais il me paroît qu'une division extrême peut remplacer une dissolution , car l'une et l'autre de ces opérations ne tendent qu'à diviser et à atténuer les corps qu'on veut combiner sans en altérer la nature ^ c'est en raison de cette division qui équivaut à une dissolution , que s'opèrent la décomposition du muriate de soude par la trituration avec le mi- nium , l'union à froid et à sec de l'alkali à

( i5 ) rantîmoine , le dégagement de l'ammoniaque paf le simple mélange du muriate d'ammoniaque avec la chaux.

III. Lorsque deux ou plusieurs corps s'unis- sent par affinité de composition leur température change.

On ne peut rendre raison de ce phénomène , qu'en regardant le fluide de la chaleur comme un principe constituant des corps réparti inégalement entr'eux : de sorte que lorsqu'il survient quelque changement dans les corps ce fluide est déplacé à son tour , ce qui emmène nécessairement un changement de température. Nous reviendrons sur ces principes en parlant de la chaleur.

IV. Le composé qui résulte de la combinaison de deux corps a des propriétés tout - à -fait différentes de celles des principes constituans.

Quelques Chimistes ont avancé que les pro- priétés du composé étoient moyennes entre celles des principes constituans : mais ce terme moyen n'a aucun sens dans le cas présent \ car , entre l'aigre et le doux , l'eau et le feu , peut-il y avoir des qualités moyennes ?

Pour peu qu'on réfléchisse sur les phénomènes que nous présentent les corps dans les compo- sitions , on verra que la forme , la saveur , la consistance , se dénaturent dans les combinai- sons 3 et nous ne pouvons établir aucun prin-

C ^^^ )

cipe qui nous indique à priori tous les chan- gemens qui peuvent survenir et la nature et les propriétés du corps qu'on forme.

V. Chaque corps a ses affinités marquées avec les diverses substances quon lui présente.

Si tous les corps avoient entr'eux le même degré d'affinité , il n'y auroit aucun changement : en présentant les corps l'un à l'autre , nous n'opérerions le déplacement d'aucun principe 5 la nature a donc fait sagement de varier les affinités et de marquer à chaque corps le degré de rapport qu'il a avec tous ceux qu'on peut lui présenter.

C'est à raison de cette différence dans les aiîînités qu'on opère toutes les décompositions en chimie ^ c'est sur elle que sont fondées toutes \qs opérations de la nature et des arts ; il importe donc de bien connoître tous les phénomènes et toutes les circonstances que peut nous présenter cette loi de décomposition.

L'affinité de composition a reçu difFérens noms d'après ses effets ^ et on la divise en affinité simple , affinité double , affi.nité d'intermède , affinité réciproque , etc.

1°. Deux principes unis entr'eux, et séparés par le moyen d'un troisième, donnent un exemple de l'affinité simple : c'est le déplacement d'un principe par l'addition d'un iro'isihme. Bergmann lui a donné le nom d attraction élective*

Le corps chassé ou déplacé est connu souS le nom àe précipité : l'alkali précipite les métaux de leurs dissolutions , Tacide sulfurique précipite le muriatique , le nitrique , etc.

Le précipité n'est pas toujours formé par le corps déplacé ; quelquefois c'est le nouveau com- posé qui se précipite , comme , par exemple , lorsque je verse de l'acide sulflirique sur une dis- solution de muriate de chaux ^ d'autrefois le corps déplacé et le nouveau composé se préci- pitent , c'est ce qui arrive lorsqu'on décompose le sulfate de magnésie dissous d'ans l'eau par le moyen de l'eau de chaux.

2°. Il arrive souvent que le composé de deux principes ne peut être détruit , ni par un troi- sième , ni par un quatrième corps qui lui sont appliqués séparément j mais , si on unit ces deux corps et qu'on les mette en contact et en action avec ce même composé , il y a alors décomposition ou échange de principes, c'est ce phénomène qui constitue l'affinité double.

Un exemple nous rendra cette proposition plus claire et plus précise : le sulfate de potasse n'est complètement décomposé ni par l'acide nitrique ni par la chaux , quand on les lui présente sé- parément j mais si on combine l'acide nitrique avec la chaux , ce nitrate de chaux décompose le sulfate de potasse : dans ce dernier cas , l'affi- nité de l'acide sulfurique avec l'alkali est affoiblie

par son affinité avec la chaux ^ cet acide exerce donc deux attractions , l'une qui le retient à lalkali , l'autre qui l'attire vers la chaux. M. Kirwann a appelle la première affinité quies- centc , et la seconde affinité divellente. Ce que nous disons des affinités de l'acide est appli- cable aux affinités de l'alkali, il est retenu à l'acide sulfurique par une force supérieure et néanmoins attiré par l'acide nitrique j supposons maintenant , que l'acide sulfurique adhère à la potasse avec une force comme 8 et à la chaux avec une force égale à 6 , que l'acide nitrique adhère à la chaux par une force comme 4 et tende à s'unir à l'alkali avec une force comme 7 ^ on voit déjà que l'acide nitrique et la chaux ap- pliqués séparément au sulfate de potasse ne pro- duiront aucun changement^ mais si on les présente dans un état de combinaison , alors l'acide sul- furique est attiré d'une part par 6 et retenu par 8 , il a donc une adhésion effective à l'alkali comme 2 ^ d'un autre côté l'acide nitrique est attiré par une force comme 7 et retenu par une comme 4 , reste une tendance à s'unir k l'alkali comme 3 ^ il doit donc déplacer l'acide sulfurique qui n'est retenu que par une force comme z.

3°. Il est des cas , deux corps n'ayant aucune affinité sensible entr'eux reçoivent la disposition à s'unir par l'intermède d'un troi-

( ^9 ) sième, c'est ce qu'on appelle affinité d'inter- mède : l'alkali est l'intermède de l'union de l'huile avec l'eau j de-là , la théorie des lessives , des décreusages , etc.

Si les affinités des corps étoient bien connues, on pourroit prédire les résultats de toutes les opérations ^ mais on sent combien il est difficile d'acquérir cette étendue de connoissances , sur- tout depuis les découvertes modernes qui nous ont fait connoître des modifications infinies dans les opérations , et nous ont appris que les ré- sultats pouvoient varier avec tant de facilité que l'absence ou la présence de la lumière en déterminent de très-difFérens.

Lorsque la chimie étoit bornée à la connois- sance de quelques substances et qu'elle n'étoit occupée que de quelques faits , il étoit possible alors de dresser des tables d'affinité , et de pré- senter dans le même tableau le résultat de nos connoissances ^ mais tous les principes sur les- quels on avoit construit ces échelles ont reçu des modifications , le nombre des principes s'est accru , et nous sommes obligés de travailler sur de nouvelles bases. On peut voir une esquisse de ce grand ouvrage dans le traité des affinités du cél. Bergmann , et à l'article affinité de r Encyclopédie méthodique.

VI. Les molécules que leur affinité rapproche et réunit , qu^ elles soient de même nature ou de

( 30 ) nature différente , tendent sans cesse a forme f des corps qui présentent une forme polièdre , constante et déterminée.

Cette belle loi de la nature , par laquelle elle imprime à toutes ses productions une figure cons- tante et régulière , paroît avoir été ignorée des anciens j et lorsque les Chimistes ont com- mencé à reconnoître que presque tous les corps du règne minéral afFectoient des formes régu- lières , ils les ont d'abord désignées d'après la grossière ressemblance qu'on a cru appercevoir entr'elles et des corps connus : de-là les déno- minations des crystaux , en tombeaux , en ai- guilles ^ Qn pointes de diamans ^ en croix ^ en lames de couteau , etc.

C'est sur-tout au cél. Linné qu'on doit les premières idées précises sur ces figures géomé- triques : il a reconnu la constance et l'unifor- mité de ce caractère ^ et ce cél. naturaliste a cru pouvoir en faire la base de sa méthode de clas- sification dans le règne minéral.

M. de Rome de Liste a été encore plus loin : il a soumis à un examen rigoureux toutes les formes , il les a décomposées , pour ainsi dire , et a cru reconnoître dans tous les crystaux des corps analogues ou identiques de simples modifications et les nuances d'une forme pri- mitive : par ce moyen ^ il a ramené à quelques formes premières toutes les formes confiises et

( 3t ) bizarres , et a attribué à ia nature un plan ou ua dessein primitif qu elle varie et modifie de mille manières selon les circonstances qui influent sur son travail. Cette marche vraiment grande et philosophique a jeté le plus grand intérêt sur cette partie de la minéralogie ^ et , en conve- nant que M. de Lijîe a peut-être poussé trop loin ces rapprochemens , nous ne pouvons pas disconvenir qu'il ne mérite une place distinguée parmi les auteurs qui ont contribué aux progrès de la science : on peut lire avec avantage la crystaLlographie cfe ce célèbre naturaliste.

M. l'Abbé Hauy a ensuite appliqué le calcul aux observations : il a prétendu prouver qu'il y avoir un noyau ou forme primitive à chaque crystal , et a fait connoître les loix de décrois- sement auxquelles sont assujetties les lames com- posantes des crystaux considérés dans le passage de la forme primitive aux formes secondaires : on peut voir le développement de ces beaux principes et leur application aux crystaux les plus connus dans sa théorie sur la structure des ctis- taux , etc. , et dans plusieurs de ses mémoires imprimés dans les volumes de l'Académie des Sciences.

Les travaux réunis de ces cél. naturalistes ont porté la crystallographie à un degré de perfec- tion dont elle ne paroissoit pas susceptible : mais

( 3^ ) nous ne nous occuperons en ce moment que de^

principes d'après lesquels s'opère la crystallisation.

Pour disposer un corps à la crystallisation, il faut préalablement en opérer une division aussi complète qu'il est possible.

Cette division peut s'effectuer par dissolution ou par une opération purement mécanique.

La dissolution peut s'opérer par le moyen de l'eau, ou par le moyen du feu^ celle des sels se fait en général dans le premier liquide , celle des mé- taux s'exécute à l'aide du second, et leur dissolu- tion n'est complète que lorsqu'on leur applique une chaleur assez forte pour les porter à l'état de gaz.

Lorsqu'on évapore l'eau qui tient un sel en dissolution , on rapproche insensiblement les prin- cipes du corps dissous , et on l'obtient sous forme régulière ^ il en est à peu près de même de la dis- solution par le feu , dès qu'un métal est imprégné de ce fluide il ne crystallise qu'autant que cet excédent de fluide lui est soustrait.

Pour que la forme du crystal soit régulière, il faut la réunion de trois circonstances , le temps , l'espace et le repos. V. Linné , Daa- benton , etc.

A. Le temps fait dissiper lentement le liquide surabondant , et rappoche insensiblement et sans secousses les molécules intégrantes qui s'unissent alors selon des loix constantes , et forment par

conséquent

C 33 ) conséquent un crystal régulier. C'est pour cette raison que l'évaporation lente est recommandée par tous les bon? Chimistes. V. Stahl, traité des sels ^ cap. ic).

A proportion que l'évaporation du dissolvant s'effectue , les principes du corps dissous se rap- prochent et leur affinité augmente à chaque ins- tant tandis que celle du dissolvant reste la même : de-là vient , sans doute , que les dernières por- tions du dissolvant sont plus difficilement vola- tilisées , et que les sels en retiennent plus ou moins , ce qui forme l'eau de crystallisation* Non-seulement la proportion de l'eau de crys- tallisation varie beaucoup dans les divers sels , mais elle y adhère plus ou moins ^ il y en a quelques-uns qui la laissent dissiper dès qu'ils sont exposés à l'air , tels que la soude , le sulfate de soude , etc. et alors ces sels perdent leurs transparence , tombent en poussière , et on les appelle sels effleuris : il en est d'autres qui retiennent obstinément l'eau de crystalli- sation , tels que le muriate de potasse , le ni- trate de potasse , etc.

Les phénomènes que nous présentent les divers sels , losqu'on les prive forcément de leur eau de crystallisation , offrent encore des variétés : les uns pétillent sur le feu , et se dispersent en éclats lorsque l'eau se dissipe , c'est ce qu'on appelle décrépitation i d'autres exhalent en fu-

G

( 34 ) _^ mée cette même eau , ce se liquéfient en di- minuant de volume 3 quelques-uns se boursoufflent et se tuméfient.

Nous devons à M. Kinvann une table précise sur la quantité d'eau de crytallisation que con- tient chaque sel;, on peut la consulter dans sa minéralogie.

Le simple refroidissement du liquide qui tient un sel en dissolution peut le précipiter en grande partie : le calorique et l'eau dissolvent une plus grande quantité de sel lorsque leur action est réunie , et l'on conçoit aisément que la sous- traction d'un des dissolvans doit entraîner la précipitation de la portion qu'il tenoit dissoute ^ ainsi l'eau chaude saturée de sel doit en laisser précipiter une partie par le refroidissement : c'est pour cette raison que la crysiallisation com- mence toujours à la surface de la liqueur et sur les parois du vase , parce que ces parties sont les premières à éprouver le refroidissement. . C'est l'alternative du froid et du chaud qui fait que l'air atmosphérique dissout tantôt plus , tantôt moins , ce qui constitue les Irouillards , le serein , la rosée , etc.

On peut encore hâter le rapprochement des parties constituantes d'un corps dissous , en pré- sentant à l'eau qui les tient en dissolution un corps avec lequel elle ait plus d'airinité qu'elle n'en a avec elles ^ c'est d'après ce principe que i'alkool précipite plusieurs sels.

( 35 )

B. L'espace est encore une condition néces- saire pour obtenir une crystallisation régulière : si la nature est gênée dans ses opération?, son travail se ressentira de cet état de détresse \ et l'on diroit qu'elle moule ses productions sur toutes les circonstances qui peuvent influer sur ses opé- rations.

C. Le repos du liquide est encore nécessaire pour obtenir des formes bien régulières : une agitation non interrompue s'oppose à tout ar- rangement simétrique , et Ton n'obtient dans ce cas qu'une crystallisation confuse et peu pro- noncée.

Je suis persuadé que pour obtenir les corps sous forme de crystaux , il n'est point nécessaire d'une dissolution préalable , mais qu'il suffit d'une simple division mécanique : pour se convaincre de cette vérité il nous suffira d'observer que la dissolution ne dénature point les corps et qu'elle n'en procure qu'une divison extrême , de sorte que les principes désunis , rapprochés peu à peu et sans secousses s'adaptent l'un à l'autre en suivant les loix invariables de leur pesanteur et de leur affinité , or une division purement mé- chanique produit le même effet et met \qs principes dans la même disposition ^ ne soyons donc pas surpris si la plupart des sels , tels que le gypse , dispersés dans la terre , prennent des formes régulières sans une dissolution préa-

C i

< 3^ ) ^ ïable ^ He soyons pas surpris si les fragmens imperceptibles de quartz , de spath , etc. , en- traînés et prodigieusement divisés par les eaux, se déposent et forment des crystaux bien pro- noncés.

On peut distinguer dans les sels une propriété très-singulière qu'on pourroit rapporter à la crys- tallisation , mais qui s'en éloigne parce qu'elle ne dépend pas des mêmes causes '-, c'est la vertu qu'ils ont de grimper sur les parois des vases qui en contiennent la dissolution , et c'est ce qu'on appelle végétation saline.

J'ai démontré le premier que ce phénomène dépendoit du concours de l'air et de la lumière , et qu'on pouvoit déterminer à volonté cet effet sur tel ou tel point des vaisseaux , en maîtrisant et dirigeant l'action de ces deux agens.

J'ai fait connoître les principales formes qu'af- fectoit cette singulière végétation j et on peut voir les détails de mes expériences dans le 3 e. vol. de l'Académie de Toulouse.

M. Dorthes a confirmé mes résultats , et a observé de plus que le camphre , l'esprit de vin , l'eau , etc. qui s'élèvent par évaporation insen- sible Aqs flacons à moitié pleins , alloient se fixer constamment sur les points les plus éclairés des vases.

MM. Petit et Rouelte avoient parlé de la végétation des sels j mais il nous manquoit une

( 37 ) sv.'xQ d'expériences à ce sujet , et nous avons eu pour but de remplir cette tâche.

SECTION SECONDE.

Des divers moyens que le Chimiste em^ ploie pour rompre V adhésion qui exisu entre les molécules des corps,

La loi des afnnités dont nous venons de nous occuper tend sans cesse à rapprocher les molé- cules des corps , et à les maintenir dans leur érat d'union ^ les efforts du Chimiste se bornent presque toujours à vaincre cette puissance at- tractive , et les moyens qu'il emploie se réduisent ï°. à diviser les corps par des opérations mé- caniques I, 2°. à les diviser ou à éloigner \qs molécules l'une de l'autre par le secours des dis- solvansi 3°. à présenter aux divers principes de ce's mêmes corps des substances qui aient plus d'affinité avec eux qu'ils n'en ont eux-mêmes entr'eux.

1°. Les différentes opérations que le Chimiste fait sur les corps , pour en déterminer la na- ture , en altèrent la forme , le tissu , et en chan^ gent même quelquefois la constitution : tous ces changemens sont ou mécaniques ou chimiques ; ks opérations méchaniques dont nous parlons

C 3

( 38 ) en ce moment ne dénaturent point les subs- tances , et n'en changent en général que la forme et le volume : ces opérations s'exécutent par le marteau , le ciseau , le pilon , etc. ce qui né- cessite le Chimiste à pourvoir son laboratoire de tous ces agens.

Ces divisions , ces triturations se font dans des mortiers de pierre , de verre ou de métal : la nature des substances détermine l'emploi de l'un ou l'autre de ces vases.

Ces opérations préliminaires préparent et dis- posent à de nouvelles qui désunissent les prin- cipes des corps et changent leur nature : celles-ci , que nous pourrions appeller opérations chimi-. ques , constituent essentiellement l'analyse.

2°. La dissolution dont il est question en ce moment est la division et la disparition d'un solide dans un liquide , mais sans altération dans la nature du corps qu'on dissout.

On appelle dissolvant ou menstrue le liquide dans lequel disparoît le solide.

L'agent de la dissolution paroît suivre quelques loix constantes que nous ne ferons qu'indiquer.

A. L'agent de la dissolution ne paroît pas diffé- rer de celui des affinités ^ et , dans tous les cas , la dissolution est plus ou moins abondante , selon l'affinité des parties intégrantes du dissolvant avec celles du corps à dissoudre.

Il s'ensuit de ce principe que pour faciliter

( 39 ) ia dissolution il faut triturer et diviser le corp^ qu'on veut dissoudre -^ par ce moyen , on lut fait présenter plus de surfaces , et on diminue i'affinité des parties intégrantes. . Il arrive quelquefois que l'affinité entre le dissolvant et le corps qu'on lui présente est si peu marquée qu'elle ne devient sensible que par la suite des temps : ces opérations lentes , dont nous avons quelques exemples dans nos laboratoires , sont communes dans les travaux de la nature, et peut-être c'est à de pareilles causes que nous devons rapporter la plupart de CQS résultats dont nous ne voyons ni la cause ni ks agens.

B. La dissolution est d'autant plus prompte que le corps à dissoudre présente plus de sur- face ^ c'est sur ce principe qu'est fondé l'usage de broyer , de triturer et de diviser les coprs qu'on veut dissoudre. Bergmann a même observé que des corps qui ne sont pas attaqués lors- qu'ils sont en masse , deviennent solubles quand en les divise. Lettres sur iljlande ^ pag. ^ii,

C. La dissolution d'un corps produit cons- tamment du froid : on a même tiré parti de ce phénomène pour se procurer des froids ar- tincielé bien supérieurs aux plus rigoureux de nos climats : nous reviendrons sur ce principe en par-* lant des loix de la chaleur.

Les principaux dissolvans employés dans nos

( 40 ) opérations , sont l'eau , 1 'aLk:ooI et le feu : les corps soumis à l'un ou à l'autre de ces dissolvans présentent des phénomènes analogues j ils se divisent , se raréfient et finissent par disparoître à la vue j le métal le plus réfractaire se fond , se dissipe en vapeur , et passe à l'état de gaz si une plus forte chaleur lui est appliquée ^ ce dernier état forme une dissolution complète de la substance métallique dans le calorique.

On fait souvent concourir le calorique avec quelqu'un des autres deux dissolvans , pour opérer une plus prompte et plus abondante dissolution.

Les trois dissolvans dont nous venons de parler n'exercent point une action égale sur tous les corps indistinctement j et de très-habiles Chimistes nous ont dressé des tableaux de la vertu dissolvante de ces menstrues : on peut voir dans la minéralogie de Kirwann , avec quel soin ce célèbre Chimiste nous fait connoître le degré de solubilité de chaque sel dans l'eau. On peut encore consulter le tableau de M. de Morveau , sur l'action dissolvante de l'alkool. Journal de physique , 1785.

Presque tous les Auteurs qui ont traité de la dissolution , l'ont envisagée sous un point de VMQ trop mécanique : les uns ont supposé des étuis dans le dissolvant et des pointes dans le corps qu'on dissout j cette supposition absurde

( 41 ) et gratuite a paru suffisante pour concevoir l'action des acides sur les corps. Newton- Qt Gassendi ont admis des pores dans leau dans lesquels les sels pouvoient se nicher , et ont expliqué par ce moyen pourquoi Teau n'aug- mentoit pas en volume en proportion des sels qu'elle dissolvoit. Gassendi a même supposé des pores de diverses formes , et a cherché à con- cevoir par comment l'eau saturée d'un sel peut en dissoudre d'autres d'une nouvelle espèce. M. Watson qui a observé \qs phénomènes de la dissolution avec le plus grand soin , a conclu de ses nombreuses expériences , i°. que l'eau monte dans les vaisseaux dans le moment de l'immersion d'un sel , 2°. qu'elle baisse pendant la dissolution, 3°. qu'elle remonte après la solu- tion au-dessus du premier niveau : les deux der- niers effets me paroissent provenir du changement de température qui survient à la liqueur , le icfroidissement qu'entraîne la dissolution doit diminuer le volume du dissolvant , mais il doit se restituer dans le premier état dès que la dissolution est faite. On peut consulter les tables qu'a dressé M. Watson sur ces phénomènes et sur la gravité spécifique de l'eau saturée avec différens sels ; V. le Journal de physique , tom. XITI , pag. 62.

3*^. Comme l'affinité particulière des corps n'est point la même chez tous , les principes consti-

( 4i } tiians peuvent être aisément déplacés par d'autres substances , et c'est là-dessus qu'est fondée Tac- tion de tous les réactifs que le Chimiste emploie dans ses analyses ; quelquefois il déplace certains principes qu'il peut alors examiner plus exac- tement , par même qu'il les a isolés et dégagés de toutes leurs entraves ^ souvent le réactif employé se combine avec quelque principe du corps qu'on analyse , et il en résulte un com-s posé dont les caractères nous indiquent la nature du principe qui s'est combiné , attendu que les combinaisons des principaux réactifs avec les diverses bases sont connues f, il arrive encore très-souvent , que le réactif employé se décom- pose lui-même, ce qui complique les phénomènes et les produits , mais nous jugeons toujours par leur nature des principes constituans du corps qu'on analyse j ce dernier fait a été peu observé par les anciens Chimistes , et c'est un des grands défauts des travaux de Stkal , qui a rapporté aux corps qu'il soumettoit à l'analyse la plupart des phénomènes qui n'appartiennent qu'à la décomposition des réactifs employés dan^ ses opérations.

( 43 ) SECTION IROISIÉME.

De la marche que le Chimiste doit suivre pour étudier les divers corps que la nature nous présente*

Les progrès qu'on fait dans une science dépen- dent de la solidité des principes qui en font la base et de la manière de les étudier ^ il n'est donc pas étonnant que la chimie ait fait peu de progrès dans ce temps le langage des Chi- mistes étoit énigmatique et les principes de la science n'étoient fondés que sur des analogies mal déduites ou des faits mal vus et peu nom- breux ;, dans les temps qui ont suivi cette époque , on a un peu plus consulté les faits ^ mais , au lieu de ne dire que ce qu'ils disoient , le Chi- miste a voulu faire des applications , tirer des conséquences et établir des théories : ainsi y lorsque Sthal vit pour la première fois que l'huile de vitriol et le charbon produisoient du soufre 5 s'il se fût borné à énoncer le fait , il auroit annoncé une vérité précieuse et éternelle ; mais conclure que le soufre étoit créé par la combinaison du principe combustible du char- bon avec l'huile, c'est dire plus que l'expérience n'indique , c'est aller plus loin que le fait , et ce premier pas hazardé peut être un premier pas vers l'erreur. Toute doctrine , pour être stable ,

( 44 ) ne doit être que l'expression pure et simple des faits , mais presque toujours nous les subordon- nons à notre imagination , nous les adaptons à notre manière de voir et nous nous engageons dans de fausses routes ^ l'amour propre nous fournit ensuite toutes sortes de moyens pour ne pas revenir sur nos pas , nous attirons dans le sentier de l'erreur tous ceux qui viennent après nous , et ce n'est qu'après bien du temps perdu , •ce n'est qu'après s'être épuisé en vaines conjectu- res , ce n'est qu'après s'être bien convaincu qu'il nous est impossible de plier la nature à nos capri- ces et à nos délires , que quelque bon esprit se dégage des liens dans lesquels on l'avoit enlacé , il revient sur ses pas , consulte de nouveau l'ex- périence 5 et ne marche qu'autant qu'elle le pousse.

Nous pouvons dire , à la louange de quelques- uns de nos contemporains , qu'on discute aujour- d'hui les faits avec une logique plus sévère ^ et c'est à cette méthode rigoureuse de travail et de discussion que nous devons rapporter les progrès rapides de la chimie. C'est par une suite de cette marche dialectique qu'on est parvenu, à s'emparer de tous les principes qui se combinent ou se dégagent dans les opérations de l'art et de la nature , à tenir compte de toutes les circons- tances qui ont une influence plus ou moins mar- quée sur les résultats , à déduire des conséquences

( 45 ) simples et naturelles de tous les faits-, et à créer une science aussi rigoureuse dans ses principes que sublime dans ses applications.

C'est donc le moment de dresser un tableau fidèle de l'état actuel de la chimie, er de recueillir à cet effet , dans les nombreux écrits des Chi- mistes modernes , tout ce qui peut servir à poser les fondemens de cette belle science.

Il y a peu d'années qu'il étoit possible de présenter en peu de mots tout ce qui étoit connu sur la chimie ^ il suffisoit alors d'indiquer les moyens d'exécuter quelques opérations pharma- ceutiques , les procédé^^s des arts étoient presque tous enveloppés de ténèbres , les phénomènes de la nature étoient des énigmes ^ et ce n'est que lorsqu'on a commencé à lever le voile, qu'on a vu se développer un ensemble de faifs et de recherches qui se rapportoient à des principes généraux et annonçoient une science toute nou- velle : alors tout a été repris , tout a été re\ u , des hommes de génie se sont occupés de la chimie , chaque pas les a rapprochés de la vérité, et en quelques années on a vu sortir de cet ancien cahos une doctrine lumineuse j tout a paru recon- noître les loix qu'on établissoit , et les phéno- mènes des arts et de la nature ont été également bien expliqués.

Mais pour avancer à grands pas dans la car- rière qui a été ouverte , il est nécessaire de

( 4^ ) faire connoître quelques principes sur lesquels nous pouvons établir notre marche.

Je crois d'abord qu'il est convenable de se soustraire à cet usage importun , qui assujettit quelqu'un qui étudie une science au pénible emploi de rapprocher toutes les opinions avant de se décider 3 en effet , les faits sont de tous les temps , ils sont immuables comme la nature dont ils sont le langage ^ mais les conséquences doivent varier selon l'état des connoissances acquises : il est vrai , par exemple , pour l'éter- nité , que la combustion du soufre donne de l'acide sulfurique , on a pu croire pendant quelque temps que cet acide étoit contenu dans le soufre , mais nos découvertes sur la combus- tion des corps ont nous faire déduire une théorie très-différente de celle qui s'étoit pré- sentée aux premiers Chimistes. Nous devons donc nous attacher principalement aux faits , nous ne devons même nous attacher qu'à eux , parce que l'explication qu'on leur a donné dans des temps éloignés est rarement au niveau de nos connoissances actuelles.

Les faits nombreux dont la chimie s'est suc- cessivement enrichie fjrment un premier embar- ras pour celui qui veut étudier les éiémens de cette science -: en eiTL't , que sont les éiémens d'une science ? L'énoncé clair , simple et suc- cinct des vérités qui en font la base : il faut

( 47 ) donc, pour remplir pleinement son but, analyser tour ce qui est fait et en présenter un extrait fidèle et raisonné ^ mais cette méthode est impra- ticable par rapport aux détails nombreux et aux discussions infinies dans lesquelles on s'engagc- roit j et la seule marche qu'il me paroît qu'on doit suivre , c'est de ne présenter que les expé- riences les plus décisives , celles qui sont le inoins contestées , et de négliger celles qui sont douteuses ou peu concluantes , car une expérience bien faite établit une vérité aussi incontestable- ment que mille également avérées.

Lorsqu'une proposition se trouve appuyée sur des faits suspects ou combattus , lorsque ôqs théories opposées se fondent sur des expé- riences contradictoires , il faut avoir le cou- rage de les discuter , de les répéter et de s'as- surer par soi-même de la vérité ^ mais lorsque cette voie de conviction nous est interdite , on doit peser le degré de confiance que méritent les défenseurs des faits opposés , examiner si des faits analogues ne portent pas à adopter tel ou tel résultat , et présenter son sentiment avec la modestie et la circonspection qui conviennent à des opinions plus ou moins probables.

Lorsqu'une doctrine nous paroît établie sur des expériences suffisantes , il nous reste encore à en faire l'application aux phénomènes de la nature et des arts j c'est , à mon avis , la pierre

( 4^ ) de touche la plus sure pour distinguer des prin- cipes vrais de ceux qui ne le sont pas j et du moment que je vois tous les phénomènes se réunir et se plier , pour ainsi dire , à une théorie , je conclus que c'est l'expression et le langage de la vérité : lorsque je vois , par exemple , que la plante peut se nourrir d'eau pure , que les métaux s'oxidcnt dans l'eau , que les acides se forment dans les entrailles de la terre , ne suis-je pas en droit de conclure que l'eau se décompose ? Et les faits chimiques qui me rendent témoin de sa décomposition dans nos laboratoires ne reçoivent- ils pas une nouvelle force par l'observation de ces phénomènes ? Je crois donc qu'on doit se piquer de faire concourir ces deux genres de preuves , et un principe déduit d'une expérience n'est à mes yeux démontré qu'autant que j'en vois des applications bien naturelles aux phéno- mènes de l'art et de la nauire. Ainsi , si je me trouve combattu entre des systèmes opposés , je me déciderai pour celui dont l'expérience et les principes s'adaptent naturellement et sans eifort au plus grand nombre de phénomènes , je me méfierai toujours d'un fait isolé qui ne s'applique à rien , et je le réputcrai faux si je le vois en opposition avec les phénomènes que la nature nous présente.

Il me paroît encore qu'un homme qui se pro- pose d'étudier ou même d'enseigner la chimie ,

ne

( 49 ) ne doit point chercher à connoître tout ce qui a été fait sur chaque matière et à suivre la marche pénible de l'esprit humain depuis l'origine d'une découverte jusqu'à nos jours , cette érudition fastueuse est fatiguante pour un élève , et ces digressions ne doivent être permises dans les sciences positives que lorsque les détails histo- riques nous présentent des traits piquans , ou nous élèvent par degrés et sans interruption jus- qu'à l'état actuel de nos connoissances j mais rarement ces sortes de recherches et cette espèce de généalogie nous présentent ces caractères , et il ne nous est pas plus permis en général de rap- procher et de discuter tout ce qui a été fait sur une science qu'à celui qui , avant d'indiquer le chemin le plus sûr et le plus court pour parvenir à un terme , disserteroit longuement sur toutes les routes qui ont ^té successivement pratiquées et sur celles qui existent encore. Il en est peut- être de l'histoire des sciences , sur-tout de celle de la chimie , comme de celle des peuples j elle nous éclaire rarement sur l'état présent , nous présente beaucoup de fables sur le passé , néces- site des discussions sur tout ce qu'elle annonce et suppose une étendue de connoissances étran- gères et indépendantes du but qu'on se propose dans l'étude des élémens de la chimie.

Ces principes généraux sur l'étude de la chi- mie une fois établis , on peut ensuite procéder

D

( 50 ) de deux manières dans i'cxamen chimique des corps , ou bien aller du simple au composé , oa descendre du composé au simple : ces deux méthodes ont des inconvéniens , mais le plus, grand sans-doute qu'on éprouve en suivant la première , c'est qu'en commençant par les corps simples on présente des corps que la nature ne nous offre que rarement dans cet état de sim- plicité et de nudité , et l'on est forcé de cacher \^ suite d'opérations qui a été employée pour dépouiller ces mêmes corps de leurs liens et les ramener à cet état élémentaire. D'un autre côté , si on présente les corps tels qu'ils * sont , il est difficile de parvenir à les bien connoître , parce que leur action réciproque et en général la plupart de leurs phénomènes ne peuvent être saisis que d'après la connoissance exacte de leurs princi- pes constimans , puisque c'est d'eux seuls qu'ils dépendent.

Après avoir bien pesé les avantages et les inconvéniens de chaque méthode , nous préférons la première. Nous commencerons donc par faire connoître les divers corps dans leur état le plus élémentaire , ou réduits à ce terme au-delà duquel l'analyse ne peut rien ^ et , lorsque nous en aurons appris les diverses propriétés , nous combinerons ces corps entr'eux , ce qui nous donnera la classe des composés simples , et nous nous élèverons par degrés jusqu'à la connoissance des corps et

( 51 ) des phénomènes les plus compliqués. Nous obsef- verons de ne procéder , dans l'examen des divers, corps que nous soumettrons à nos recherches , qu'en allant du connu à l'inconnu , et nous commencerons par nous occuper des substances élémentaires ^ mais , comme il nous seroit impos- sible de parler en ce moment de toutes les, substances que l'état actuel de nos connoissancea nous force de regarder comme élémentaires y nous nous bornerons à faire connaître celles qui jouent le plus grand rôle sur ce globe , celles, qui y sont le plus généralement répandues y celles qui entrent comme principe dans la cora.-) position des réactifs les plus employés dans nost opérations , celles en un mot que nous trouvons: à chaque pas dans l'examen et l'analyse deS; corps qui composent ce globe 5' la lumière , ie^ calorique , le soufre , le carbone sont de ce nombre : la lumière modifie toutes nos opérations et concourt puissamment à la production da tous les phénomènes qui appartiennent aux corps morts ou vivans ^ le calorique réparti d'une manière inégale entre tous les corps de cet univers établit leurs divers degrés de consistance et de fixité , et c'est un des grands moyens que l'art et la nature emploient pour diviser les corps , les volatiliser , afFoiblir leur force d'adhésion et par les préparer et les disposer à l'analyse'^ le çpufjre existe dans les produits des trois règnes j

( 51 ) il forme le radical d'un des acides les mieux connus et des plus employés , il présente des combinaisons intéressantes avec la plupart des substances simples , et sous ces divers rapports c'est une des substances dont la connoissance devient nécessaire dès les premiers pas qu'on fait dans la science j il en est de même du carbone , c'est le produit fixe le plus abondant qu'on trouve dans les végétaux et les animaux , l'analyse l'a découvert dans quelques substances minérales , sa combinaison avec l'oxigène est si commune dans les corps et dans les opérations de l'art et de la nature , qu'il n'est presque pas de phéno- mène qui ne nous la présente et qui conséquem- ment n'en suppose la connoissance. D'après toutes ces raisons il nous a paru que pour avan- cer dans la chimie , il falloir assurer nos premiers pas sur la connoissance des substances dont nous venons de parler , et nous ne nous occuperons des autres substances simples ou élémentaires qu'à mesure qu'elles se présenteront.

SECTION QUATRIÈME.

Ves substances simples ou élémentaires,

. Si nous jettons un coup d'ceil sur les systèmes qui ont été successivement formés par les Phi- losophes , relativement au nombre et à la na-

( 53 )

ture des élémens , nous serons étonnés de la variété prodigieuse qui règne dans leur manière de voir : dans les premiers temps , chacun paroît avoir pris son iinagination pour guide , et nous ne trouvons aucun système raisonnable jusqu'au temps Aristote et Empedocle reconnurent pour élémens l'air , l'eau , la terre et le feu : leur manière de voir a été celle de plusieurs siècles , et il faut convenir que leur opinion étoit bien taite pour captiver tous les esprits j en effet, on voyoit des masses énormes et des magasins iné- puisables de ces quatre principes la destruc- tion ou décomposition des corps paroissoit rap- porter tous les principes que la formation ou la création en avoit tirés ^ l'autorité de tous ces grands hommes qui avoient adopté ce système , l'analyse des corps qui ne présentoit que ces quatre principes , étoient des titres bien suffi- sans pour faire admettre une telle doctrine.

Mais du moment que la chimie s'est crue assez avancée pour connoître les principes des corps , elle a prétendu devoir marquer elle-même le nombre , la nature et le caractère des élémens , et elle a regardé comme principe simple ou élé- mentaire tout ce qui se refusoit à ses voies de décomposition. En prenant ainsi pour élémens la terme de l'analyse , leur nombre et leur na- ture doivent varier selon les révolutions et les progrès de la chimie , c'est ce dont on peut

D 5

( 54 ) s*assurer en consultant tous les Chimistes qui ont écrit sur cette matière depuis Paracelse jusqu'à nous -, et il faut convenir que c'est beau- coup hasarder que de prendre le terme de l'ar- tiste pour celui du créateur , et de s'imaginer que l'état de nos connoissances est un état de per- fection.

La dénomination cTélùnens devroit donc être eiFacée d'une nomenclature chimique , ou du moins on ne devroit la considérer que comme faite pour exprimer le dernier degré de nos résul- tats analytiques , et c'est sous ce point de vue que nous l'envisagerons.

CHAPITRE PREMIER.

Du Feu,

Le principal agent que la nature emploie pour balancer le pouvoir et TeiTet naturel de l'atrac- tion , c'est le feu : par l'effet naturel de l'attrac- tion nous n'aurions que des corps solides et compactes , mais le calorique dispersé inéga- lement dans \qs corps tend sans cesse à rompre cette adhésion des molécules , et c'est à lui que nous devons cette variété de consistance sous laquelle se présentent les corps à nos yeux : les diverses substances qui composent cet univers sont donc soumises , d'un côté à une loi gêné-

( 55 ) raie qui cherche à les rapprocher , de l'autre à un agent puissant qui tend à les éloigner l'une de l'autre ^ c'est de l'énergie respective de ces deux forces que dépend la consistance de tous les corps •, lorsque l'affinité prévaut ils sont à l'état solide , ils sont à l'état gazeux lorsque le calorique domine , et l'état liquide paroît être le point d'équilibre entre ces deux puissances. Il importe donc essentiellement de parler du feu , puisqu'il joue un si beau rôle dans cet univers , et qu'il est impossible de s'occuper d'un corps quelconque sans reconnoître l'influence cet agent.

Il y a deux choses à considérer dans le feu , la chaleur et la lumière.

Ces deux principes qu'on a très-souvent con- fondus paroissent très- distincts , puisqu'ils ne sont presque jamais en proportion et que cha- cun peut exister séparément.

L'acception la plus ordinaire du mot feu comprend chaleur et lumière , et ses principaux phénomènes doivent être connus depuis bien long-temps : la découverte du feu doit être près»- que aussi ancienne que l'existence de l'espèce humaine sur ce globe \ le choc de deux cailloux , le jeu des météores , l'action des volcans , ont en donner la première idée , et il est très- éronnant que les habirans des Isles mariannes Be le connussent point avant l'invasion des Es-

( 5^ ) pagnols : ces insulaires qui n'apprirent à con- noître ce terrible élément que par ses ravages , Je regardoient d'abord comme un être mal-faisant qui s'attacîioit à tous les corps et les dévoroit sans les abandonner. V. Vhist, phiL et pol. par M. VAhhé Raynal.

Les effets du-» feu sont peut-être ce que la nature nous présente de plus étonnant , et ne soyons pas surpris si tous les anciens l'ont re- gardé comme un être moyen entre l'esprit et la matière , et ont bâti sur son origine la belle fable de Fromcthée.

Nous avons été assez heureux de nos jours pour acquérir des idées saines et étendues sur cet agent , et nous allons les développer dans 3es deux articles suivans.

ARTICLE PREMIER. Vu calorique & de la Chaleur,

Lorsqu'on chauffe un métal ou un liquide^ ces corps se dilatent en tout sens , se réduisent en vapeur , et finissent par disparoître à la vue si on leur applique une plus forte chaleur.

Les corps qui se sont emparés du principe de la chaleur , l'abandonnent avec plus ou^moins de facilité : si on observe attentivement un corps qui se refroidit, on verra un léger mouvement d'ondulation dans l'air qiù l'entoure , et Voi\

( sr)

peut comparer cet effet au phénomène que nous présente le mélange de deux liqueurs de den- sité et de pesanteur inégales.

Il est difficile de concevoir ce phénomène , sans admettre un fluide particulier qui passe d abord du corps qui chauffe à celui qui est chauffé , se combine avec le dernier , y produit les effets dont nous venons déparier , et s'échappe ensuite pour s'unir à d'autres corps selon ses affinités et la loi de l'équilibre vers lequel ten- dent tous les fluides.

Ce fluide de la chaleur que nous appelions calorique est contenu en plus ou moins grande quantité dans les corps , selon les divers degrés d'affinité qu'il a avec eux.

On peut employer divers moyens pour dé- placer ou chasser le calorique : le premier , c'est par la voie des affinités j par exemple , l'eau versée sur l'acide sulfurique chasse la chaleur et prend sa place , et tant qu'il y a dégagement de chaleur le volume du mélange ne s'accroît pas en proportion des substances mélangées , ce qui annonce pénétration , et on ne peut la con- cevoir qu'en admettant que les parties intégrantes de l'eau prennent la place du calorique à mesure qu'il se dissipe. Le second moyen de précipiter le calorique est le frottement et la compression > dans ce cas on l'exprime comme on exprime l'eay d'une éponge j à la vérité toute la chaleur

^ %

( 58 ) ^i! peut être produire par k frottement n'est pas fournie par le corps lui-même , parce qu'à mesure que la chaleur intérieure se développe, l'air extérieur agit sur le corps , le calcine , l'en- flamme et donne lui-même de la chaleur en se fixant. La fermentation , et en général toute O]fération chimique qui change la nature des corps peut en dégager le calorique , parce que le nouveau composé peut en demander et en recevoir une plus ou moins grande quantité , ce qui fait que les opérations produisent tantôt du froid tantôt du chaud.

Examinons à présent sous quelle forme se présente le calorique.

Ce fluide se dégage dans un état de liberté ou dans un état de combinaison.

Dans le premier cas le calorique cherche tou- jours à se mettre en équilibre , non qu'il se dis- tribue également dans tous les corps , mais il s'y répartit d'après ses degrés d'affinité avec eux j d'où il suit que les corps embians en prennent et retiennent une quantité plus ou moins con- sidérable : les métaux se pénètrent aisément de ce fluide et le transmettent de même , les boi? et les parties animales reçoivent jusqu'au degré de la combustion , les liquides jusqu'à ce qu'ils soient réduits en vapeurs ^ la glace seule absorbe toute la chaleur qu'on lui fournit sans en com- muniquer jusqu'à ce qu'elle soit fondue.

# r

( 59 )

On ne peut apprécier le degré de chaleur que par ses effets : et les instrumens qui ont été successivement inventés pour les calculer , et qui sont connus sous les noms de thermomètres , pyromhres , etc. ont été appliqués à déterminer rigoureusement les divers phénomènes que nous présente l'absorption du calorique dans les divers corps.

La dilatation des liqueurs ou des métaux fluides par les divers degrés de chaleur a été long-temps mesurée par les seuls thermomètres de verre j mais cette substance très -fusible ne pouvoit évalue* que les degrés de chaleur infé- rieurs au degré de flision du verre lui-même.

On a proposé successivement divers moyens pour calculer les plus hauts degrés de chaleur. M. Leidenfrost a prouvé que plus un métal étoit chaud plus les gouttes d'eau qu'on y verse dessus s'évaporent lentement ^ il a proposé ce principe pour construire des pyromètres : une goutte d'eau versée dans une cuiller de fer chauiTée au degré de l'eau bouillante s'évapore en une seconde , une pareille goutte versée sur du plomb fondu se dissipe en 6 à 7 , et sur du fer rouge en 30. M. Ziegler , spécimen de digestore papiniy a trouvé qu'il falloit 89 secondes à une goutte d'eau pour s'évaporer au 510 deg. de Farkeneit et qu'une seconde suffit au 300 degré. Ce phé- nomène, plus intéressant pour la chimie que pour

( ^o ) h p)Tométrie à qui il donnera toujours des ré- sultats peu susceptibles d'être calculés rigoureu- sement , m'a paru dépendre de Tadhésion et de Ja décomposition de l'eau sur le métal.

Le pyromètre le plus reigoureux dont nous ayons connoissance est celui qui a été présenté à Ja Société royale de Londres par M. U'^edgwood. Il est construit sur le principe que l'argile la plus pure prend au feu un retrait proportionné à la chaleur qu'on lui applique : ce pyromètre consiste en deux parties , l'une qu'on appelle jauge et qui sert à mesurer les degrés de di- minution ou de retrait , l'autre comprend de petites pièces d'argile pure qu'on appelle pièces à thermomètre.

La jauge est formée par une plaque de terre cuire sur laquelle sont appliquées deux règles de mêm_e matière : ces règles parfaitement droites et unies offrent un écartement d'un demi-pouce à un des bouts et de trois dixièmes de pouce à l'autre j, pour plus grande commodité on a coupé la jauge par le milieu , et on ajuste les deux pièces quand on veut s'en servir : on a divisé la longueur de cette règle en 240 parties égales dont chacune représente un dixième de pouce.

Pour former les pièces à thermomètre , on tamise la terre avec la plus grande artention , on la mêle ensuite avec de l'eau, et on fait passer cette pâte à travers un tuyau de fer, ce qui

( 6i ) lui donne la forme de bâtons longs que l'on dé^ coupe après en pièces de la grandeur convenable y quand les pièces sont sèches on les présente à la jauge et il faut qu'elles s'adaptent au a de 1 échelle : si par l'inadvertence de l'ouvrier quelque pièce pénètre à un ou deux degrés plus loin , ce degré est marqué sur son fond et doit se déduire lorsqu'on se sert de cette pièce pour mesurer la chaleur;, les pièces ainsi ajustées sont cuites dans un four à une chaleur rouge pour leur donner la consistance nécessaire au trans- port;^ la chaleur employée dans ce travail est communément de 6 degrés ou environ , les pièces en sont diminuées plus ou moins , mais peu im- porte dès qu'on doit les soumettre à un degré de chaleur supérieur à celui qu'elles ont éprouvé ^ et si par événement on veut m.esurer un degré de chaleur inférieur , on emploie des pièces non cuites qu'on conserve dans des gazettes ou étuits pour éviter le flottement.

Lorsqu'on veut se servir de ce pyromètre on expose une des pièces dans le foyer dont on veut prendre la chaleur , et lorsqu'on juge qu'elle en a éprouvé toute l'intensité ^ on la retire et on la laisse refroidir , ou bien on la plonge dans l'eau pour faciliter le refroidissement , on la présente à la jauge et on détermine aisément le retrait qu'elle a éprouvé. M. l-Vedgwood nous a donné le ré- sultat de quelques expériences faites avec son py^

_ ( ^o

romètre et amis à côté les degrés correspondans de Farheneit

La chaleur rouge visible au jour

Le cuivre jaune se fond à

Le cuivre suédois se fond à

L'argent pur se fond à. .

L'or pur se fond à. . .

La ciialeur des i barres de fer >pi"s petite, chauffées au 3 point de pou- voir s'incor- porer 3

La chaleur la plus grande] que nous ayons pu pro-t duire dans la forge d'unC Maréchal-fcrrant. j

La fonte, entre en fusion

plus grande.

Pyromètre de Wedgwood.

Thermomètre de Faiheneic.

O

1077

21

1857

^7

28

32^

4587 4717

5^37

90

iijj^

95

1342-7

12.5

173^7

130

^7977

160

21877

La plus grande chaleur" que j'aie produit dansj un fourneau à vent dej 8 pouces quarrés.

Ces divers thermomètres n'étoient point ap- plicables à tous les cas : nous ne pouvions pas par exemple calculer rigoureusement la chaleur qui s'échappe des corps vivans , et prendre d'une manière précise la température d'un corps quel-

( ^3 ) conque: mais MM.de Laplacc et Lavoisier^Acaâ.. des Sciences 1780, nous ont fait connoître un appareil qui paroit ne plus rien laisser à désirer: il est construit sur le principe que la glace absorbe toute la chaleur sans la communiquer jusqu'à ce qu'elle soit fondue : ainsi d'après cela , on peut calculer les degrés de chaleur communiqués par la quantité de glace fondue ;, il s'agissoit , pour avoir des résultats rigoureux , de trouver le; moyen de faire absorber par la glace route iat, chaleur qui se dégage des corps , de soustraire la glace à l'action de toute autre substance <jui pourroit en faciliter la fonte , de ramasser à la rigueur l'eau provenant de cette même fonte. L'appareil qu'ont fait construire à cet effet nos deux célèbres Académiciens consiste dans trois corps circulaires presque inscrits les uns dans les autres , de sorte qu'il en résulte trois capacités : la capacité intérieure est formée par un grillage de fil de fer soutenu par quelques montans du même métal , c'est dans cette ca- pacité que l'on place les corps soiunis à l'ex- périence , la partie supérieure se ferme au moyen d'un couvercle : la capacité moyenne est destinée à contenir la glace qui environne la capacité in- térieure , cette glace est supportée et retenue par une grille sous laquelle est un tamis ^ à mesure que La glace fond , l'eau coule à travers la grille' çt le taniis. et se rassemble dans ua vase posé

dessous : la capacité extérieure contient la glace qui doit arrêter l'effet de la chaleur extérieure. Pour mettre cette belle machine en expé- rience, on remplit de glace pilée la capacité moyenne et le couvercle de la sphère intérieure , on en fait autant à la capacité extérieure , de même qu'au couvercle général de toute la machine ^ on laisse égouter la glace intérieure , et lorsqu'elle ne donne plus d'eau on ouvre le couvercle de la capacité intérieure pour y in- troduire le corps qu'on veut mettre en expé- rience et on referme sur le champ ^ on attend que le corps soit porté au degré de chaleur o , température ordinaire de la capacité inté- rieure , et on pesé la quantité d'eau qui est produite j ce poids mesure exactement la cha- leur dégagée de ce corps , puisque la fonte de la glace n'est que l'effet de cette chaleur ^ les expériences de ce genre durent 15 , 18 , 20 heures.

Il est essentiel que dans cette machine il n'y ait aucune communication entre la capacité mo- yenne et la capacité externe.

Il est encore nécessaire que la chaleur de l'air Vit soit pas sous o, puisqu 'alors la glace inté- rieure recevroit un froid sous o.

La chaleur spécifique n'est que le rapport de quantité de chaleur nécessaire pour élever d'un même nombre de degrés la température des

corps

( ^5 ) ^ corps qu'on compare à égalité de masse : ainsi , si l'on veut avoir la chaleur spécifique d'un corps solide, on élèvera sa température d'un nombre quelconque de degrés , on le placera prompte* ment dans la sphère intérieure et on l'y laissera jusqu'à ce que sa température soit réduite à o , on recueillira l'eau , et cette quantité divisée par le produit de la masse du corps et du nombre de degrés dont sa température primitive étoit au- dessus de o sera proportionnelle à sa chaleur spécifique.

Quant aux fluides , on les enfermera dans des \'ases dont on aura déterminé la chaleur, et l'opé- ration sera la même que pour les solides , à cela près qu'il faudra soustraire de la quantité d'eau fondue la quantité que la chaleur du vase a fait fondre.

Si on veut connoître la chaleur qui se dégage clans la combinaison de plusieurs substances , on les réduit toutes , ainsi que les vases qui doivent les renfermer , à o : on met le mélange dans la sphère intérieure , et la quantité d'eau recueillie est la mesure de la chaleur qui a été dégagée.

Pour déterminer la chaleur de la combustion et de la respiration , comme le renouvellement de l'air est indispensable dans ces deux opéra- tions , il est nécessaire d'établir. une communi- cation entre l'intérieur de la sphère et 1 atmos- phère qiu l'environne 3 et pour que l'introduction

E

(66) d'un nouvel air ne cause aucune erreur sensible y. il faut faire les expériences à une température peu différente de o , ou du moins réduire à cette rempéramre l'air que l'on introduit.

Pour déterminer la chaleur d'un gaz , il faut établir un courant par l'intérieur de la sphère , et placer deux thermomètres , l'un à l'entrée et l'autre à la sortie ^ par les degrés comparés de ces deux instrumens on juge du froid qu'ils prennent , et on évalue la glace fondue.

On peut consulter dans l'excellent Mémoire de MM. de Laplace et Lavoisier les résultats des expériences qu'ils ont faiîes : ce que je viens de dire n'est qu'un extrait de leur superbe travail.

Les divers procédés usités pour mesurer la chaleur sont établis sur le principe général que les corps absorbent la chaleur en plus ou moins grande quantité : si ce fait n'étoit pas une vérité généralement convenue , nous pourrions l'étayer sur les trois faits suivans : M. Franklin , ayant exposé des morceaux d'étoffe de même tissu mais de diverse couleur sur de la neige , appcrçur, quelques heures après , que le rouge étoit enfoncé dans la neige tandis que le blanc n'avoit souiîert aucune dépression. M. de Saussure observe que les paysans des montagnes de la Suisse s'em- pressent de répandre de la terre noire sur les terres couvertes de neige lorsqu'ils veulent la

( «7 )

fondre pour les ensemencer. Les enfans brûlent

un chapeau noir au foyer d'une loupe qui chauffe à peine un chapeau blanc.

Tels sont à-peu-près les phénomènes que nous présente le calorique lorsqu'il se dégage dans un état de liberté : voyons ceux qu'il nous offre lorsqu'il s'échappe dans un état de com- binaison.

La chaleur se dégage quelquefois dans un état de simple mélange , et c'est ce qui cons- titue les vapeurs , les sublimations , etc. Si on applique la chaleur à de l'eau , ces deux fluides s'uniront et le mélange se dissipera dans l'atmos- phère ^ mais ce seroit abuser des mots que d'ap- peler combinaison une union aussi foible , car dès que la chaleur trouve à se combiner avec d'autres corps elle abandonne l'eau qui repasse à l'état liquide ;, ce corps vaporisé entraîne sans cesse une portion de chaleur , et de peut- être l'avantage de la transpiration , de la sueur , etc.

Mais très-souvent le calorique contracte une union vraiment chimique avec les corps qu'elle volatilise ;, cette combinaison est même si par- faite que la chaleur n'y est pas sensible , qWq est neutralisée par le corps avec qui elle s'est combinée , et on l'appelle alors chaleur latente ^ calor latens.

Nous pouvons réduire aux deux principes

Ei

( ^s )

suivans les divers cas dans lesquels la chaleur se combine et passe à l'érat de chaleur latente. ' Premier principe. Tout corps qui passe d& Vétat solide à Vétat liquide absorbe une portion de chaleur qui n'est plus sensible au thermo- mètre et se trouve dans un véritable état de combinaison.

Les Académiciens de Florence remplirent un vase de glace pilée et y plongèrent un thermo- mètre qui descendit à o j on mit le vase dans l'eau bouillante , le thermomètre ne bougea point pendant le temps que fondit la glace : donc la fonte de la glace absorbe de la chaleur.

M. TVilke a versé une livre d eau chaude au soixantième degré sur une livre de glace , le mélange fondu a marqué o : il s'est donc com- biné soixante degrés de chaleur.

M. le Chevalier Landriani a prouvé que la fusion des m.étaux , du soufre , du phosphore , de l'alun , du nitre , etc. absorboit de la chaleur.

Il se produit du froid dans la dissolution de tous les sels : Réaumur a fait une suite d'expé- riences très-intéressantes à ce sujet ^ elles con- firment celles de Boyle. Farheneit a fait des- cendre le thermomètre à 40 en fondant la glace par l'acide nitrique très -concentré j mais les expériences les plus étonnantes sont celles qui ont été faites par MM. Thomas Beddoes Médecin, et /^"V^/À^r Apothicaire à Oxfort , et

( ^9 ) publiées dans les Transactions philosophiques pour Tannée 1787 ^ les mélanges qui leur ont produit les plus hauts degrés de froid sont , 1°. onze parties muriate d'ammoniaque , dix nitrate de potasse , seize sulfate de soude , trente- deux pesant d'eau : les deux premiers sels doi- vent être secs et en poudre 3 1°. l'acide nitrique, le muriate d'ammoniaque , le sulfate de soude mêlés ensemble font baisser le thermomètre à 8 sous o. M. IValker a gelé le mercure sans glace ni neige.

C'est donc un principe incontestable que tout: corps qui passe de l'état solide à l'état liquide , absorbe de la chaleur et la retient dans une combinaison si exacte qu'elle ne donne aucun signe de sa présence \ c'est donc de la chaleur fixée , neutralisée , latente.

Second principe. Tout corps en passant de. létat solide ou fluide à l'état aéri forme , absorbe de la chaleur qui devient chaleur latente , et ce corps nest mis et soutenu à cet état quo par cette chaleur.

C'est sur ce principe qu'est fondé le procédé usité dans la Chine , l'Inde , la Perse et l'Egypte pour rafraîchir les liqueurs employées à la boisson: on met l'eau qu'on veut boire dans des vaisseaux très-poreux et on les expose au soleil ou au courant d'un vent chaud pour rafraîchir la liqueur qu'ils contiennent : c'est par des moyens seni-

( 70 ) bîables qu'on se procure des boissons fraîches dans les longues caravanes. On peut voir des détails intéressans à ce sujet dans les écrits de Chardin , tome III de ses voyages , édit. ij^l ; de Tavernier , tome premier de ses voyn.ges , édit. 1738 ; de Paul Lucas , tome II de ses voyages, édit. 1714; du P. Kir cher mandas suhterr. , lih. VI , sect. II , cap. II.

Nous pouvons conclure des expériences de M. Richmann faites en 1747 , et consignées dans le tO'Tie premier Académie impériale de Pétersbourg, 1°. qu'un thermomètre qu'on retire de l'eau et qu'on expose à l'air descend toujours , lors même que sa température est égale ou supé- rieure à celle de l'eau j 1°. qu'il remonte ensuite jusqu'à ce qu'il soit parvenu au degré de la température de l'atmosphère ^ 3°. que le temps qu'il emploie à descendre est moins long que celui qu'il met à remonter ^ 4°. que , lorsque le ter- momètre retiré de l'eau est parvenu au degré de la température ordinaire , la boule est sèche , et qu'elle est humide tant qu'elle est au-dessous de ce degré.

A ces conséquences nous ajouterons celles que le célèbre Callen a déduites de plusieurs expé- riences très-curieuses , 1°. un thermomètre sus- pendu dans la machine pneumatique descend de deux à trois degrés à mesure qu'on pompe l'air et remonte ensuite à 'la température du vide 5

( 71 ) ^ 2^. un thermomètre plongé sous la machine

pneumatique dans l'alkool descend toujours , d'autant plus que les bulles qui sortent de l'al- kool sont plus fortes ^ si on le retire de cette liqueur et qu'on le suspende tout mouillé dans la cloche , il descend de huit à dix degrés à mesure qu'on pompe l'air.

On sait que si on enveloppe la boule d'un thermomètre d'un linge fin j qu'on l'arrose d'éther et qu'on en facilite l'évaporation par l'agitation dans l'air , le thermonaètre descend à o.

L'immortel Franklin a éprouvé sur lui- même que lorsque le corps sue il est moins chaud que les corps embiants et que la sueur détermine toujours quelque degré de froid. Voye:^ sa lettre au Docteur Lining.

Le grand nombre de Travailleurs ne supporte les chaleurs brûlantes de nos climats qu'en suant beaucoup , et ils fournissent matière à cette sueur par une boisson copieuse : les Ouvriers employée dans les verreries , les fonderies , etc. vivent souvent dans un milieu plus chaud que leur corps qui est entretenu à une chaleur égale et modérée par la sueur.

Si on augmente l'évaporation par l'agitation de l'air on rafraîchit davantage : de l'usage Aqs éventails , des ventilateurs , etc. qui , quoique destinés à imprimer du mouvement à un air

( 70 chaud , lui donnent la vertu de rafraîchir en facilitant et favorisant l'évaporation.

L'air chaud et sec est le plus propre à former un courant d'air rafraîchissant , parce qu'il est le plus propre à dissoudre et à absorber l'humi- dité ; l'air humide est le moins convenable , parce qu'il est déjà saturé.

De la nécessité de renouveler souvent l'air pour conserver la fraîcheur de nos appartemens.

Ces principes ont plus de rapport à la méde- cine qu'on pense : on voit presque toutes les fièvres se terminer par les sueurs qui , outre l'avantage de pousser au dehors la matière mor- bifiqus , ont encore celui de charrier la matière de la chaleur et de ramener le corps à sa tempé- rature ordinaire : le Médecin qui cherche à modé- rer l'excès de chaleur dans un corps malade , doit ménager dans lair la disposition la plus favorable pour rem]">lir ses vues.

L'usage de l'alkali volatil est généralement reconnu pour être avantageux dans- la brûlure , la douleur aux dents , etc. ne peut-on pas attri- buer ces effets à la volatilité de cette substance qui se combinant promptement avec le calorique s'exhale avec elle et laisse une impression de froid ? L'éther est souverain pour calmer les douleurs de colique , pourquoi cette vertu ne tiendroit-elle pas aux mêmes principes ?

Oii |>eut obtenir la chaleur qui s'est combinée

( 73 ) avec les corps qu'on a fait passer de l'état solide à l'état liquide ou de ce dernier à l'état aérifor- me , en faisant repasser ces dernières substances à l'état liquide ou à l'état concret ^ en un mot , tout corps qui passe de l'état liquide à l'état solide laisse échapper la chaleur latente , qui devient en ce moment chaleur libre ou ther- mométrique.

En 172.4 le célèbre Farheneit ayant laissé de l'eau exposée à un froid plus fort que celui de la glace , l'eau resta fluide ^ mais en l'agitant elle se gela, et le thermomètre qui marquoit quelques degrés sous la glace monta à la glace. M. Treiwald consigna un fait semblable dans les transactions philosophiques , et M. de Ratte a fait la même observation à Montpellier.

M. Baume' a prouvé , dans ses recherches et expériences sur plusieurs phénomènes singuliers que l'eau présente au moment de la congélation, qu'il se développe toujours quelques degrés de chaleur au moment de la congélation.

Les substances gazeuses ne sont tenues à l'état aériforme que p.ar la chaleur qui leur est com- binée , et lorsqu'on présente à ces substances ainsi dissoutes dans le calorique un corps avec lequel leur affinité est très-marquée , elles aban- donnent la chaleur pour s'unir à lui , et le calo- rique ainsi chassé ou dégagé paroit sous formé de chaleur libre ou thermométrique ,* ce déga-

( 74 ) gement de chaleur par la concrétion ou fixation des substances gazeuses a été observé par le célèbre Schéele , comme on peut le voir dans les belles expériences qui font la base de son traité chimique sur Vair et le feu ; depuis ce grand homme , on a calculé rigoureusement la quantité de chaleur latente qui se trouve dans chacun de ces gaz , et nous devons à ce sujet de superbes recherches à MM. Black , Crawfort , JVilke , de Laplace , Lavoisier , etc.

ARTICLE SECOND.

De la Lumière.

Il pàroît que la lumière est transmise à nos yeux par un fluide particulier qui remplit l'in- tervalle qui est entre nous et les corps apparens.

Ce fluide parvient-il directement du soleil et nous vient-il par des émissions et irradiations successives ? Ou bien est-ce un fluide particulier répandu dans l'espace et mis en jeu par le mou- vement de rotation du soleil ou par toute autre cause ? Je n'entrerai dans aucune discussion à ce sujet , je me bornerai à en indiquer les phénomènes.

Le mouvement de la lumière est si rapide qu'il parcourt à-peu-près quatre-vingt mille lieues par seconde.

_ ( 75 ) B. L'élasticité des rayons de lumière est telle que l'angle de réflexion égale l'angle d'in- cidence.

C. Le fluide de la lumière est pesant, puisque si on reçoit un rayon par un trou pratiqué au volet d'une fenêtre et qu'on lui présente la lame d'un couteau , le rayon se détourne de la ligne droite et s'infléchit vers le corps , ce qui annonce qu'il obéit à la loi d'attraction , et sufnt pour le faire classer parmi les autres corps de la nature.

D. Le grand Newton est parvenu à décom- poser la lumière solaire en sept rayons primitifs qui se présentent dans l'ordre suivant : le rouge , l'orangé , le jaune , le vert , le bleu , le pourpre , le violet. Les teintures ne nous présentent que trois couleurs primitives , qui sont le rouge , le bleu et le jaune ^ la combinaison et les pro- portions de ces trois principes forment toutes \qs nuances de couleur dont les arts se sont enri- chis. Des Physiciens ont soutenu que parmi les sept rayons solaires il n'y avoit que trois couleurs primitives. Voye-^^ les recherches de M. Marat»

On peut considérer tous les corps de la nature comme des prismes qui décomposent ou plutôt divisent la lumière : les uns renvoient les rayons sans y produire aucun changement , c'est ce qui forme le blanc ^ d'autres les absorbent tous , ce qui fait le noir absolu : l'afîînité plus ou moins marquée de tel ou tel rayon avec tel ou tel

( 7^ ) Corps , peut-être même la diverse disposition des pores , fait sans-doute que lorsqu'un faisceau de lumière tombe sur un corps , tel rayon se combine , tandis que les autres sont réfléchis ^ c'est ce qui donne cette diversité de couleurs et la prodigieuse variété de nuances dont se peignent à nos yeux les divers corps de la nature.

On ne doit pas se borner aujourd'hui à regar- der la lumière comme un être purement physi- que : le Chimiste s'est apperçu de son influence dans la plupart de ses opérations , il doit aujour- d'hui tenir compte de l'action de ce fluide qui modifie ses résultats , et son empire n'est pas moins établi dans les divers phénomènes de la narure que dans ceux de nos laboratoires.

Nous voyons qu'il n'y a pas de végétation sans lumière : les plantes privées de ce fluide s'étio- lent ^ et , lorsque dans les serres la lumière ne leur parvient que par un seul endroit , les végé- taux s'inclinent vers cette ouverture , comina pour témoigner le besoin qu'ils ont de ce fluide bienfaisant.

Sans l'influence de la lumière les végétaux ne nous présentent qu'une seule et triste couleur ^ ils se dépouillent même de leurs riches nuances dès qu'on les met à l'abri de ce fluide lumineux j c'est ainsi qu'on blanchit le scelery , l'endive et autres plantes.

Non-seulement les végétaux doivent leur cou-,

{11 )

leur à la lumière ;, mais l'odeur , le goût , la combustibilité , la maturité et le principe rési- neux sont tout autant de propriétés qui en dépen- dent : de vient sans-doute que les aromates , les résines , les huiles volatiles sont lapanage des climats du midi la lumière est plus pure , plus constante et plus vive.

On voit même que l'influence de la lumière est marquée sur les autres êtres : car , comme Ta observé M. Dorthes , les vers et les chenilles qui vivent dans la terre ou dans les bois sont blan- châtres 5 les oiseaux et les papillons de nuit se distinguent de ceux de jour par leurs couleurs peu brillantes ; la différence est également mar- quée entre ceux du nord et ceux du raidi.

Une propriété bien étonnante de la lumière sur le végétal , c'est qu'exposé au grand jour ou au soleil , il transpire de l'air vital : nous reviendrons sur tous ces phénomènes lorsqu'il sera question de l'analyse des végétaux.

Les belles expériences de MM. Schéele et Berthollet nous ont appris que l'absence ou la présence de la lumière modifîoit d'une manière étonnante les résultats des opérations chimiques : la lumière dégage l'air vital de quelques liqueurs , telles que l'acide nitrique , lacide muriatique oxigéné , etc. elle réduit les oxides d'or , d'ar- gent , etc. elle dénature les muriates oxigè- nés , selon les observations de M. Berthollet,

La lumière détermine encore les phénomènes de végétation que nous présentent les dissolutions salines , comme je l'ai fait voir ^ de sorte que nous devons calculer l'action de cet agent dans presque toutes nos opérations.

ce L'organisation , le sentiment , le mouve- » ment spontané , la vie , n'existent qu'à la )) surface de la terre et dans les lieux exposés à )) la lumière : on diroit que la flamme du flam- » beau de Promethée étoit l'expression d'une » vérité philosophique qui n'avoit point échappé )) aux anciens. Sans la lumière la nature étoit » sans vie , elle étoit morte et inanimée : un » Dieu bienfaisant , en apportant la lumière , » a répandu sur la surface de la terre l'orga- » nisation , le sentiment et la pensée. » Traité élémentaire de Chimie par AL Lavoisier , pag. ICI.

Il ne faut pas confondre la lumière solaire avec celle que nous produisent nos foyers : celle-ci a des effets marqués sur quelques ■• uns de ces phénomènes , comme je m'en suis convaincu ^ mais ces effets sont lents et peu en rapport avec ceux de la lumière du soleil.

Quoique la chaleur accompagne souvent la lumière , les phénomènes dont nous venons de parler ne sauroient lui être attribués ^ elle peut les modifier quand elle existe , mais non les produire , comme on s'en est assuré.

( 79 ) CHAPITRE SECOND.

Du Soufre,

Nous sommes forcés de placer le soufre parmi les élémens , tandis que nos prédécesseurs prétendoient en avoir déterminé les principes constituans : cette marche paroîtroit rétrograde , si on n'étoit persuadé que c'est réellement avan- cer que de rectilfier ses idées.

Les anciens désignoient par le mot soufre toute substance combustible et inflammable : on trouve dans tous leurs écrits l'expression de soufre des métaux , soufre des animaux , soufre des végétaux , etc.

Stalk assigna une valeur déterminée à la dé- nomination de soufre , et , depuis ce célèbre Chi- miste , nous connoîssons sous ce nom un corps d'un jaune citron , sec , fragile , susceptible de brûler avec une flamme bleue et d'exhaler une odeur piquante lors de la combustion ^ quand on le frotte il devient électrique , et si on lui fait subir une douce pression dans la main il craque et se réduit en poudre.

Il paroît que le soufre se forme par la dé- composition des végétaux et des animaux : on en a trouvé sur les murs des fosses d'aisance j et ;, lorsqu'on a creusé les boulevards de la porte

( 8o ) St. Antoine à Paris , on en a ramassé beaucoup qui étoit mêlé avec les restes des débris des substances végétales et animales qui avoient com- blé les anciens fossés , et s'y étoient pourries. M. Deyeux a même prouvé que le soufre existoit naturellement dans quelques plantes telles que la patience , le cochlearia , etc. j les pro- cédés qu'il indique pour l'extraire se réduisent 1°. à réduire en pulpe assez fine par le moyen d'une râpe la racine lavée , à délayer cette pulpe dans l'eau froide et à la passer à travers un linge peu serré via liqueur passe trouble et laisse préci- piter un dépôt qui desséché prouve l'existence du soufre ^ i". à faire bouillir la pulpe et à dessécher l'écume qui se forme par l'ébullition:^ cette écume contient le soufre. Plusieurs espèces de rumex confondus sous le nom de patience ne contien- nent point de soufre ^ j'en ai retiré du rumex p a- tientia L. qui croît sur les montagnes des Cevènes et qui est le même dont on s'est servi à Paris. M. le Veillard a obtenu du soufre en faisant pourrir tles substances végétales dans l'eau des puits. Le soufre est contenu en abondance dans les mines de charbon \ \\ est combiné avec certains métaux \ il se présente presque par-tout il y a décomposition végétale \ il fait la majeure partie de ces schistes pyriteux et bitumineux qui forment le foyer des volcans ^ il se sublime dans les endroits les pyrites se décomposent ;

il

( ) il est rejette par les feux souterrains , et on le trouve plus ou moins abondant dans le voisinage des endroits volcaniques. On a beaucoup parié des pluyes de soufre , mais l'on sait aujourd'hui que c'est sur-tout la poussière des étamines du pin qui emportée au loin par le vent a ac- crédité cette erreur ^ Henckel en a vu la surface d'un marais toute couverte.

Les procédés connus pour extraire le soufre en grand et l'appliquer aux usages du commerce, se réduisent à le dégager des pyrites ou sulfures de cuivre ou de fer par des moyens plus ou moins simples et économiques : on peut consulter à ce sujet la pyritologie d Henckel^ le diction- naire de chimie de Macquer , art. travaux des mines ^ les voyages métallurgiques de M. Jars. etc.

En Saxe et en Bohème on distille les mines de soufre dans des tuyaux de terre disposés sur une galère , le soufre que le feu dégage se rend dans des récipiens placés au dehors et dans lesquels on a soin d'entretenir de l'eau.

A Rammelsberg ^ à St. Bel^ etc. on forme des tas de pyrites qu'on décompose par une chaleur douce imprimée d'abord à la masse par une couche de combustible sur laquelle on l'a posée 5 la chaleur s'entretient ensuite par le jeu des py- rites elles-mêmes , le soufre qui s'exhale ne peut point s'échapper par les parois latérales qu'on a eu soin de revêtir d'une couche de terre,

F

( 82 ) il monte jusqu'au sommet de la pyramide tron- quée et se ramasse dans de petites cavités qu'on a pratiqué sur le sommet , la chaleur suffit pour l'y entretenir liquide , et de temps en temps on retire ce soufre avec des cuillers.

Presque tout le soufre employé dans le Ro- yaume vient de la Solfatara : ce pays tour- menté par les volcans présente par-tout les effets de ces feux souterrains ^ les masses énormes de pyrites qui se décomposent dans les entrailles de la terre produisent de la chaleur qui sublime une partie du soufre par les soupiraux que le feu et l'effort des vapeurs ont entrouvert de toutes parts ^ on distille les terres et les pierres qui contiennent le soufre , et c'est le résultat de cette distillation qu'on appelle soufre brut.

Le soufre brut transporté dans notre Royaume par la voie de Marseille , reçoit dans cette Ville les préparations nécessaires pour le disposer et l'approprier à ses divers usages : i°. on le réduit en canons , en le faisant fondre et le coulant dans des moules , 2°. on fait les /leurs de soufre y en le sublimant par une chaleur douce et re- cueillant cette vapeur sulfureuse dans une cham- bre assez vaste et bien close : ce soufre très-pur et très-divisé est connu sous le nom de soufre sublimé , fleurs de soufre.

Le soufre entre en fusion à une chaleur assez douée :, et si on saisit le moment la surface

( 83 ) se fige pour faire couler le soufre liquide con- tenu dans la cavité , on obtient par ce mo- yen le soufre en longues aiguilles qui repré- sentent des octaèdres alongés; ce procédé indiqué par le fameux Rouelle a été appliqué à la crys- tallisation de presque tous les métaux.

On trouve du soufre naturellement crystallisé en Italie, à Conilla près de Cadix, etc., la forme ordinaire est l'octaèdre j j'ai vu néanmoins des crystaux de soufre en rhombes parfaits.

Stalh avoir cru prouver par analyse et par synthèse que le soufre étoit formé par la com- binaison de son phlogistique avec l'acide sul- furique : la belle suite de preuves qu'il a laissées pour établir cette opinion a paru si complète , que depuis ce grand homme on n'a cessé de regarder cette doctrine comme démontrée j on donnoit même cet exemple pour prouver jusqu'à quel degré d'évidence pouvoir conduire l'ana- lyse chimique^ mais nos découvertes sur les subs- tances gazeuses nous ont appris que les anciens avoient été nécessairement induits en erreur pour n'en avoir pas eu connoissance , nos superbes; travaux sur la composition des acides nous ont fait voir que ces substances se décomposoient dans beaucoup d'opérations , et cette révolution dans nos connoissances a en entraîner une dans notre manière de concevoir les phénomènes: il nous suffira d'analyser la principale expérience

F a

{H)

sur laquelle repose essentiellement la doctrine de Stalh , pour prouver ce que nous venons d'avan- cer.

Si on prend un tiers de charbon et deux tiers de sulfate de potasse , et qu'on fonde ce mélange dans un creuset , il en résulte du foie de soufre ( sulflire de potasse ) : si on dissout ce sulfure dans l'eau , et qu'on s'empare de la potasse par quelques gouttes d'acide sulfurique , il se forme un précipité qui est du véritable soufre : donc , a dit Stalh , le soufre est une combinaison du phlogistique ou principe inflammable du char- bon avec de l'acide sulfurique. L'expérience est vraie , mais la conséquence est absurde , puisqu'il s'ensuivroit que l'acide sulfurique qu'on ajoute auroit la faculté de déplacer l'acide sulflirique uni à l'alkali.

Si Stalà avoir analysé plus rigoureusement le résultat ou le produit de l'opération , il se seroit convaincu qu'il n'y avoir plus un atome d'acide sulfurique.

S'il avoir pu opérer dans des vaisseaux clos €t recueillir les substances gazeuses qui se déga- gent, il auroit retiré beaucoup d'acide carbonique qui résulte de la combinaison de l'oxigène de l'acide sulfurique avec le charbon.

S'il eût exposé son foie de soufre à l'air dans des vaisseaux clos , il auroit vu que l'air vital est absorbé , que le sulfure est décomposé et

( S5 ) qu'il s'y forme du sulfate de potasse , ce qui annonce que l'acide sulfurique se recompose.

Si on humecte du charbon avec l'acide sul- furique , et qu'on distille , on obtient de l'acide carbonique , du soufre et beaucoup d'acide sulfureux.

Les expériences de Stalh nous présentent toutes la démonstration la plus complète de la décomposition de l'acide sulfurique en soufre et oxigène , et il ne nous est nécessaire pour \qs expliquer , ni de supposer l'existence d'un être imaginaire , ni de reconnoître le soufre comme un corps composé.

CHAPITRE TROISIÈME.

Du Carbone.

On appelle carbone dans la nouvelle nomen- clature le charbon pur ^ cette substance est placée parmi \qs substances simples , parce que jusqu'ici aucune expérience ne nous a fait connoître la possibilité de la décomposer.

Le carbone existe tout formé dans les végé- taux : on peut le débarrasser de tous les prin- cipes huileux et volatils parla distillation 5, on peut extraire ensuite par des lotions convenables dans l'eau pure tous les sels qui se trouvent mêlés et confondus avec lui.

Lorsqu'on veut se procurer le carbone bien

F 5

( ^6 )

Jîur , il faut le dessécher par un coup de feu violent dans des vaisseaux clos ;, cette précaution est nécessaire , car les dernières portions d'eau y adhèrent avec une telle avidité , qu'elles s'y décomposent et fournissent du gaz hydrogène et de l'acide carbonique.

Le carbone existe aussi dans le règne animal : on peut l'en extraire par un procédé semblable à celui que nous venons de décrire , mais il est peu abondant ^ la masse qu'il présente est légère et spongieuse , il se consume difficilement à l'air , et il est niclé d'une grande quantité de phos- phates et même de soude.

On a trouvé également le carbone dans le plombagine dont il forme un des principes.

Nous présenterons plus de détails sur cette substance dans Tanaîyse des végétaux j mais ces idées succinctes suffiront poar que nous puissions nous occuper de ses combinaisons , et c'est h seul but que je me propose en ce moment.

SECTION CINQUIÈME.

Des ga^^ ou de la dissolution de quelques principes par le calorique à la tempes rature de V atmosphère.

Le calorique en se combinant avec les corps ^ en volatilise quelques-ims et les réduit à l'état

( Sy ) aériforme ^ la permanence de cet état à la température de l'atmosphère constitue les gazj ainsi réduire une substance à l'état de gaz , c'est la dissoudre dans le calorique.

Le calorique se combine dans les divers corps avec plus ou inoins de facilité , et nous en connoissons plusieurs qui , à la température de l'atmosphère, sont constamment à l'état de gaz 5 il en est d'autres qui passent à cet état par quel- ques degrés de chaleur au-dessus , ce sont ceux-ci qu'on désigne par substances volatiles , évapo- rables , etc. ils diiferent des matières fi:xes , en ce que ces dernières ne se volatilisent que par l'application et la combinaison d'une forte dose de calorique.

Tl paroit que tous les corps ne prennent pas indistinctement la même quantité de calorique pour paroître à l'état de gaz , et nous verrons qu'on peut en apprécier la proportion par les phénomènes que présentent la fixation et la -concrétion de ces substances gazeuses.

Pour réduire un corps à l'état de gaz , on peut lui appliquer le calorique de diverses manières.

Le moyen le plus simple est de le mettre en contact avec un corps plus chaud : alors . d'un côté la chaleur diminue l'affinité d'aggrégation ou de composition en écartant et éloignant les uns des autres les principes constituans , da

Tautrela chaleur s'unit aux principes avec lesquels elle a le plus d'affinité et les volatilise. Cette voie est celle des affinités simples j c'est en effet un troisième corps , qui présenté à un composé de plusieurs principes , se combine avec l'un d'eux et le volatilise.

Nous pouvons encore employer la voie des affinités doubles pour porter un corps à l'état de gaz , et c'est ce qui arrive lorsque nous faisons agir un corps sur un autre pour en opérer la combinaison et qu'il y a production et dégagement de quelque principe gazeux : si je verse , par exemple , de l'acide sulfurique sur de l'oxide de manganèse , l'acide se combine avec le métal , taffdis que son calorique se porte sur l'oxigène et l'enlève. Ce principe a lieu non-seulement dans ce cas , mais toutes les fois que dans une opéra- tion qui se fait sans le secours du feu , il y a production de vapeurs ou de gaz.

Les divers états sous lesquels se présentent les corps à nos yeux , tiennent presqu 'uniquement aux divers degrés de combinaison du calorique avec ces nicmes corps : les fluides ne différent des solides que parce qu'ils ont constamment , à la température de l'atmosphère, la dose de calo- rique convenable pour les tenir à cet état ^ ils se figent et passent à l'état concret avec plus ou mr>ins de facilité , selon la quantité de calorique plus ou moins considérable qu'ils exigent.

( «9 )

Tous les corps solides peuvent passer à l'état gazeux ^ et la seule différence qui existe entr'eux à cet égard , c'est que pour être portés à cet état 5 il leur faut une dose de calorique qui est déterminée , i°. par l'affinité d'aggrégation qui lie les principes , les retient et s'oppose à une nouvelle combinaison ^ 2°. par la pesanteur des parties constituantes , ce qui en rend la volati- lisation plus ou moins difficile i 3°. par le rapport et l'attraction plus ou moins forte entre le calo- rique et le corps solide.

Tous les corps , soit solides soit liquides , volatilisés par la chaleur se présentent sous deux états , celui de vapeur et celui de gaz.

Dans le premier cas , les substances perdent en peu de temps le calorique qui les a élevées , et reparoissent sous leur première forme du moment que le calorique trouve des corps plus froids avec lesquels il se combine j mais il est rare que les corps ainsi divisés reprennent leur première consistance ç, ce premier état est celui de vapeurs»

Dans le second cas, la combinaison du calo- rique avec la substance volatilisée est telle que la température ordinaire de l'atmosphère ne peut pas vaincre cette union j c'est cet état qui cons- titue les ga:i.

Lorsque la combinaison du calorique avec un corps quelconque est telle qu'il en résulte un gaz , on peut maîuiswT à volonté ces substances

f 90 ) mviribîes par le secours des appareils qu'on a approprié de nos jours à ces usages : ces appa- reils sont connus sous le nom d'appareils pneu- viato-chimiqaes yhydropneiimatiques , etc.

En général l'appareil pneunnato-chimique est une cuve en bois , ordinairement quarrée et doublée en plomb ou en fer - blanc : à deux ou trois doigts du bord supérieur , on pra- tique sur un quart environ de la surface totale une rainure formant une coulisse dans laquelle on fait entrer une planche en bois qui présente un troit dans le milieu et une échancrure "sur un des côtés ^ le trou est pratiqué au milieu d'une excavation en forme d'entonnoir qu'on fait à la surface inférieure de la planche.

On remplit cette cuve d'eau ou de mercure, selon la nature du gaz qu'on veut extraire j il en est qui se combinent aisément avec l'eau et on les traite dans l'appareil au mercure. On peut extraire les gaz de diverses manières. Lorsqu'on les dégage par le feu , on adapte au bec de* la cornue un tube recourbé , dont l'extrémité plonge dans l'eau ou le m.ercure de la cuve pneumato- chimique et aboutit à la cavité en forme d'entonnoir qui est sous la planche j on lutte les jointures du tube au bec de la cornue- avec le lut ordinaire \ on met par-dessus la plan- che de la cuve un bocal plein du liquide de la cuve et renversé sur le trou de la planche ^ lors-

( 91 ) qiie le gaz se dégage de la cornue , il s*annonce par des bulles qui s'élèvent dans ce bocal et en gagnent la partie supérieure ^ lorsque toute l'eau est déplacée et que le bocal est plein de gaz , on le retire en adaptant à son orifice une lame de verre pour qu'il ne se dissipe point , on peut alors le transvaser et le tourmenter de mille manières pour en mieux connoître la nature.

Lorsqu'on dégage les gaz par le moyen des acides , on met le mélange qui doit le fournir dans un flacon à bec recourbé y et on fait plonger le bec dans la c-uve de façon que les bulles puissent se rendre dans la concavité de la planche.

Les procédés usités aujourd'hui pour extraire ÏQS gaz et les analyser sont simples et commodes ; et ce sont ces mêmes procédés qui ont singu- lièrem^ent contribué à nous acquérir la connois- sance de ces substances aériformes , dont la découverte a décidé une révolution dans la chimie.

CHAPITRE PREMIER.

Du ga:^ hydrogène ou air inflammable»

L'air inflammable est un des principes con's- tituans de l'eau , et c'est ce qui lui a jnérité le nom de ga^ hydrogène \ la propriété qu'il a

îde brûler avec l'air vital lui avoît fait donner celui d air inflammable.

On fait du gaz hydrogène depuis long-temps. La fameuse chandelle philosophique atteste l'ancienneté de la découverte ^ et le cél. Haies a retiré de la plupart des végétaux un air qui s'enflammoit.

Le gaz hydrogène peut s'extraire de tous les corps dont il est principe constituant : mais la dé- composition de l'eau donne le plus pur , et c'est ce fluide qui le fournit ordinairement dans nos laboratoires : à cet effet , on verse de l'acide sulflirique sur le fer ou le zinc , l'eau qui sert de véhicule à cet acide se décompose sur le métal , son oxigène se combine avec lui , tandis que le gaz hydrogène se dissipe : cette explication , quelque contraire qu'elle soit aux anciennes idées , n'en est pas moins une vérité démontrée : en effet , le métal est à l'état d'oxide dans sa dissolution par l'acide sulfurique , comme on peut s'en convaincre en le précipitant par la potasse pure ^ d'un autre côté , l'acide lui-même n'est pas du tout décomposé , de sorte que le gaz oxigène ne peut être fourni au fer que par l'eau. On peut encore décomposer l'eau plus directement en la jetant sur du fer fortem.ent chauffé , et on peut obtenir le gaz hydrogène en faisant passer l'eau à travers un tube de fer chauffé au blanc.

( 93 )

Or peut extraire aussi le gaz hydrogène par la simple distillation des végétaux : la fermen- tation végétale et la putréfaction animale pro- duisent aussi cette substance gazeuse.

hes propriétés de ce gaz sont les suivantes.

A. Le gaz hydrogène a une odeur désagréable et puante : M. Kirwann a observé que lorsqu'on l'extrait dans lappareil au mercure , il n'a pres- que pas d'odeur ^ il contient moitié son poids d'eau , et perd son odeur du moment qu'elle est dissipée.

Kirwann a encore observé que le volume du gaz hydrogène étoit plus grand d'un huitième l'orsqu'on l'extrait par l'appareil à l'eau , que lorsqu'on le retire par l'appareil au mercure.

Ces observations paroissoient prouver que l'odeur puante de ce gaz ne provient que de l'eau qu'il tient en dissolution.

E. Le gaz hydrogène n'est point propre à la respiration ; M. l'Abbé Fontana assure n'avoir pu fournir que trois inspirations avec cet air j M. le Comte Moro:^:{o a prouvé que les animaux y périssent en un quart de minute -^ d'un autre coté , quelques Chimistes du nord , tels que Bergmann , Schéele , etc. se sont assurés par des expériences faites sur eux-mêmes qu'on pou- voit respirer le gaz hydrogène sans danger ^ et on a vu , il y a quelques années , à Paris , l'in- fortuné Pilatn du Roiier en remplir ses pou-

( 94 ) mons et l'enflammer lors de l'expiration , ce qui formoit un jet de flamme très-curieux': on lui opposa ce que M. l'Abbé Fontana avoit objecté aux Chimistes Suédois , savoir , que le gaz hy- drogène étoit mêlé d'air atmosphérique t, l'intré- pide Physicien répondit à l'objection en mêlant à ce gaz très-pur un neuvième d'air atmosphé- rique ^ il respira ce mélange à l'ordinaire , mais , lorsqu'il voulut lentlammer , il se fit une explo- sion si terrible qu'il crut avoir les dents emportées.

Cette opposition de sentiment , cette contra- diction dans des expériences sur un phénomène qui paroît pouvoir être décidé sans réplique par une seule , m'ont engagé à recourir à la mêms voie pour fixer mes idées à ce sujet.

Des oiseaux mis successivement dans du gaz hydrogène , y sont morts sans que le gaz ait éprouvé le moindre changement sensible.

Des grenouilles mises dans 40 pouces de gaz hydrogène y sont mortes dans l'espace de trois heures et demie , tandis que d'autres mises dans le gaz oxigène et l'air atmosphérique y ont vécu 5 5 heures , et lorsque je les ai retirées en- core vivantes lair n'étoit ni vicié ni diminué j des expériences nombreuses que j'ai fait sur ces animaux m'ont permis d'observer qu'ils âvoient la faculté d'arrêter la respiration lorsqu'on les ■plaçoit dans un gaz délétère , à tel point qu'ils n'inspirent qu'une ou deux fois , et suspendent

( 95 ) ensuite toute fonction de la part de Torgane res- piratoire. J'ai eu encore occasion d'observer que ces animaux ne se réduisent point en putriiage par leur séjour dans le gaz hydrogène , comme on l'a annoncé il y a quelque temps : ce qui a pu en imposer aux Chimistes qui ont rapporté ce fait , c'est que les grenouilles s'enveloppent souvent d'une morve ou sanie qui paroît ies re- couvrir ; mais elles présentent les mêmes phé- nomènes dans tous les gaz.

Après avoir éprouvé le gaz hydrogène sur des animaux , je me suis décidé à le respirer moi- même , et j'ai vu qu'on pouvoit respirer plu- sieurs fois sans danger le même volume de cet air ^ mais j'ai observé que ce gaz n'étoit point altéré par ces opérations , et de cela même je conclus qu'il n'est pas respirable :, car s'il Tétoir, il éprouveroit du changement dans le poumon , puisque le but de la respiration ne se borne pas à prendre et à rendre un fluide sans y rien changer ^ c'est une fonction bien plus noble , bien plus intéressante , bien plus intimement liée à l'économie animale^ et nous devons regarder le poumon comme un organe qui se nourrit d'air , digère celui qu'on lui présente , rerient celui qui lui est avantageux, et rejette la portion qui lui est nuisible : ainsi , si l'air inflammable peut être respiré plusieurs fois de suite , sans danger pour l'individu et sans altération ni changement pour

( 9^ ) _ lui-même , concluons qu'à la vérité l'air inflam- mable n'est pas poison , mais qu'on ne peut pas le regarder comme un air essentiellement pro- pre à la respiration : il en est du gaz hydro- gène dans le poumon , comme de ces boules de mousse et de résine qu'avalent certains animaux pendant la saison rigoureuse de l'hiver -^ ces boules ne se digèrent point puisque ces animaux les rendent au printemps , mais elles trompent la faim , et les membranes de l'estomac s'exercent sur elles sans danger , comme le tissu du pou- mon sur le gaz hydrogène qu'on lui présente.

C. Le gaz hydrogène n'est point combustible par lui-même : Ce gaz ne brûle que par le con- cours de l'oxigène : si on renverse un vase remi- pli de ce gaz , et qu'on lui présente une bougie allumée , on verra brûler le gaz hydrogène à la surface du bocal , et la bougie s'éteindra du mo- ment qu'on la plongera dans l'intérieur. Les corps les plus inflammables , tels que le phos- phore , ne brûlent point dans une atmosphère de gaz hydrogène. D. Le gaz hydrogène est plus léger que l'air com- mun : un pied cube d'air atmosphérique pesant 710 grains , un pied cube de gaz hydrogène pesé 72 grains. Le baromètre étant à 29.9 , le thermo- mètre à 60, M. Kirwann a trouvé le poids de cet air à celui de l'air commun , comme 84 à 1000 , conséquemment environ douze fois plus léger*

Sa

( 97 )

Sa pesanteur varie prodigieusement, parce

qu'il est difficile de l'avoir constamment au même degré de pureté j celui qu'on extrait des végé- taux contient de l'acide carbonique et de l'huile qui en augmentent le poids»

Cette légèreté du gaz hydrogène a fait pré-' sumer à quelques physiciens qu'il devoit gagner la partie supérieure de notre atmosphère j et sur cette supposition on s'est permis les plus belles conjectures sur l'influence que devoit avoir dans la météorologie une couche de ce gaz qui dominoit l'atmosphère ; ils n'ont point vu que cette continuelle déperdition de matière ne s'ac- corde point avec la sage économie de la na- ture ^ ils n'ont point vu que ce gaz en s'élevant dans l'air , se combine avec d'autres corps , sur- tout avec l'oxigène , et qu'il en résulte de l'eau et autres produits dont la connoissance nous conduira nécessairement à celle de la plupart des météores.

C'est sur cette légèreté du gaz hydrogène qu'est fondée la théorie des ballons ou machines aérostatiques* '

Pour qu'un ballon s'élève dans ^atmosphère , il suffit que le poids des enveloppes et de l'air qu'elles renferment soit moins considérable que celui d'un égal volume d'air atmosphérique , et il doit s'élever jusqu'à ce que son poids se trouve en équilibre avec celui d'un égal volume d'air ambiant. G

( 98 )

La théorie des Montgolfières est très-différente de celle-là : dans ce cas-ci , on raréfie par la chaleur un volume donné d'air atmosphérique isolé de la masse commune par des enveloppes de toile : on peut donc un moment considérer cet espace raréfié comme une masse d'air plus léger , qui doit nécessairement faire effort pour s'élever dans l'atmosphère et entraîner avec lui ses enveloppes.

£". Le gaz hydrogène nous présente divers caractères selon son degré de pureté et la nature des substances qui lui sont mêlées.

Il est rare que ce gaz soit pur : celui que fournissent les végétaux contient de l'huile et de l'acide carbonique ^ celui des marais est mêlé avec plus ou moins d'acide carbonique f, celui qui est fourni par la décom.position des pyrites tient quelquefois du soufre en dissolution.

La couleur de l'hydrogène enflammé varie selon ses mélanges : un tiers d'air des poumons mêlé avec l'air inflammable du charbon de terre donne une flamme de couleur bleue j l'air inflam- mable ordinaire mêlé avec l'air nitreux fournit une flamme verte ^ l'éther en vapeurs forme une flamme blanche. Le mélange varié de ces gaz , le degré de compression qu'on leur fait subir quand on les exprime pour les brûler , ont fourni à quelques Physiciens des feux très-agréables qui ont mérité l'attention des savans et des curieux.

( 99 )

F, Le gaz hydrogène a la propriété de 6.1s*, soudre le soufre ^ il contracte dans ce cas une odeur puante , et forme le ga^ hépatique,

M. Gengembre a mis du soufre dans des clo- ches pleines de gaz hydrogène , et en a opéré la dissolution par le moyen du miroir ardent : ce gaz hydrogène a contracté par ce moyen toutes les propriétés caractéristiques du gaz hé-^ patique.

La formation de ce gaz est presque toujours Teffet de la décomposition de l'eau : en effet , ks sulfures alkalins n'exhalent aucune mauvaise odeur tant qu'ils sont secs j mais du moment qu'ils s'humectent , il s'en dégage une odeur exé- crable et il se forme du sulfate. Ces phénomènes nous prouvent que l'eau se décompose , qu'un de ses principes s'unit au soufre et le volatilise , tandis que l'autre se combine avec lui et forme un produit plus fixe. , ,

On peut obtenir le gai{^ hydrogène sulfuré en décomposant les sulfures par les acides : les acides l'oxigène est le plus adhérent en déga- gent le plus 5 le muriatique en produit deux fois plus que le sulflirique j celui qui est produit par ce dernier donne une flamme bleue , celui qui est dégagé par le muriatique brûle avec une flamme d'un blanc jaunâtre.

Schéele nous a fourni le moyen d'obtenir ce gaz en abondance , en décomposant par l'espriç

G z

( loo ) de vitriol une pyrite artificielle formée par trois parties de fer et une de soufre.

La décomposition naturelle des pyrites dans l'intérieur de la terre donne naissance à ce gaz qui s'échappe avec certaines eaux , et leur com- munique des vertus particulières.

Les propriétés les plus générales de ce gaz sont:

1°. De noircir les métaux blancs. 2°. D'être impropre à la respiration. 3°. De verdir le syrop de violettes. 4°. De brûler avec une flamme bleue et lé- gère , et de déposer du soufre par cette com- bustion.

5°. De se mêler avec le gaz oxigène de l'air atmosphérique pour former de l'eau et de laisser échapper le soufre qu'il tenoit en dissolution j de vient qu'on trouve du soufre dans les conduits des eaux hépatiques , quoique leur ana- lyse ne démontre pas l'existence d'un atome qui y soit tenu en dissolution.

6°. D'imprégner l'eau , de s'y dissoudre même en petite quantité , mais de se dissiper par la chaleur ou l'agitation.

L'air qui brûle à la surface de certaines sour- ces et forme ce qu'on connoît sous le nom de fontaines ardentes , est du gaz hydrogène qui tient du phosphore en dissolution ^ il sent h poisson pourri. Le P. Lampi a découvert une

( roi ) de ces sources sur les collines de Saint-Colombat. Le Dauphiné nous en offre une semblable à quatre lieues de Grenoble. Les feux follets qui serpentent dans les cimetières , et que le peuple superstitieux prend pour l'image des revejians , sont des phénomènes de cette nature j et nous en parlerons en traitant du phosphore.

CHAPITRE SECOND.

Du ga^ oxîgène ou air vital.

Cette substance gazeuse a été découverte paf le célèbre Priestley le premier Août 1774 : depuis ce jour mémorable on a appris à la retirer de diverses substances , et on lui a reconnu des propriétés qui en font une des productions les plus intéressantes à connoître.

L'atmosphère ne présente nulle part l'air vital dans son plus grand degré de pureté , il y est toujours combiné , mêlé ou altéré par d'autres substances.

Mais cet air qui est l'agent le plus général des opérations de la nature , se combine avec les divers corps , et c'est par leur décomposition qu'on peut l'extraire et se le procurer.

Un métal exposé à l'air s'y altère , et ces altérations ne sont produites que par la combi- naison de l'air pur avec le métal lui-même : la simple distillation de quelques-uns de ces métau:^

( I02 )

ainsi altérés ou oxidés suffit pour dégager cet air vital , et on l'obtient alors très-pur en le recevant dans l'appareil hydropneumatique j une once de précipité rouge en fournit environ une pinte.

Les acides ont tous pour base l'air vital : il en est quelques-uns qui le cèdent facilement ; la distillation du salpêtre décompose l'acide nitri- que 7 et on obtient environ douze mille pouces cubes de gaz oxigène par livre de ce sel ^ l'acide nitrique distillé sur quelques substances se décom- pose , et on peut obtenir séparément ses divqrs principes constituans.

MM. Priestley , Ingenhousi , Sennebier, découvrirent , presque en même-temps , que les végétaux exposés au soleil exhaloient de l'air vital : nous parlerons ailleurs des circonstances de ce phénomène j nous nous bornerons en ce moment à observer que l'émission de l'air vital est proportionnée à la vigueur de la plante et à la vivacité de la lumière , mais que l'émission directe des rayons du soleil n'est point néces- saire pour déterminer cette rosée gazeuse : il suffit qu'une plante soit bien éclairée pour qu'elle transpire l'air pur , car j'en ai recueilli souvent et abondamment d'une espèce de mousse qui tapisse le fond d'un bassin rempli d'eau , et si bien recouvert que le soleil n'y donne jainais directement.

C to3 )

Pour se procurer l'air vital qui se dégage des plantes , il suffit de les enfermer sous une cloche de verre pleine d eau et renversée sur une cuve remplie du même fluide : du moment que la plante est frappée par le soleil , il se forme sur les feuilles de petites bulles d'air qui se détachent, gagnent la partie supérieure des vases et en déplacent le liquide.

Cette rosée d'air vital est un bienfait de la nature qui répare sans cesse par ce moyen la déperdition qu'elle fait sans cesse de l'air vital : la plante absorbe la mofette atmosphérique et transpire de l'air vital ^ l'homme au contraire se nourrit d'air pur et forme beaucoup de mo- fette : il paroît donc que l'animal et le végétal travaillent l'un pour l'autre j et par cette admi- rable réciprocité de services , l'atmosphère est toujours réparée et l'équilibre entre les principes constituans toujours maintenu.

L'influence de la lumière solaire ne se borne point à produire de l'air vital par son action sur les seuls végétaux , elle a encore la singu- lière propriété de décomposer certaines substan- ces et d'en extraire ce gaz.

Un flacon d'acide muriatique oxigéné exposé au soleil laisse échapper tout l'oxigènc surabon- dant qu'il contient, et passe à l'état d'acide muria- tique ordinaire ç, le même acide exposé au soleil dans un flacon entouré de papier noir n'éprouve

( 104 ) aucun changement , et chauffé dans un endroit obscur il se réduit en gaz sans se décomposer : l'acide nitrique fournit également du gaz oxigène quand on l'expose au soleil , tandis que la cha- leur le volatilise sans le décomposer.

Le muriate d'argent mis sous l'eau et exposé au soleil laisse échapper du gaz oxigène : j'ai observé que le précipité rouge donnoit aussi de l'oxigène dans des cas semblables , et qu'il noir- cissoit en assez peu de temps.

On peut encore obtenir le gaz oxigène en le déplaçant de sqs bases par le moyen de l'acide sulflirique j le procédé que je préfère à tous par sa simplicité est le suivant : je prends une petite fiole à médecine , je mets dans cette bou- teille une ou deux onces de manganèse et verse dessus de l'acide sulflirique en suffisante quantité pour former une pâte liquide , j'adapte ensuite un bouchon de liège à l'ouverture delà bouteille, ce bouchon est percé dans son milieu et est enfilé par un tube creux et recourbé , dont une extré- mité plonge dans la capacité de la bouteille , tandis que l'autre va s'ouvrir sous la planche de la machine pneumatO'chimique : l'appareil ainsi disposé , je présente un petit charbon au cul de la bouteille et le gaz oxigène se dégage dans le moment.

Le manganèse dont je me sers est celui que j'ai découvert à Saint- Jean-de-Gardonenque : il

( 105 ) donne son oxigène avec une telle facilité qu'il suffit de le pétrir avec l'acide sulfurique pour le dégager. Ce gaz n'est pas mêlé sensiblement de gaz nitrogène ( gaz azote ) et la première bulle est aussi pure que la dernière.

Le gaz oxigène présente quelques variétés qui tiennent à son degré de pureté , et elles dépendent en général des substances qui le fournissent r celui qu'on retire des oxides mercuriels tient presque toujours en dissolution un peu de mer- cure ^ je lui ai vu produire une prompte sali- vation sur deux personnes qui en faisoient usage pour des maladies de poitrine \ d'après ces obser- vations , j'ai exposé à un froid vif des flacons remplis de ce gaz , et les parois se sont obscur- cies d'une couche d'oxide de mercure très-diviséj j'ai plusieurs fois chauffé le bain dans lequel je faisois passer le gaz, et j'ai obtenu dans ce cas, à deux reprises différentes , un précipité jaune dans le flacon dans lequel j'avois reçu le gaz.

Le gaz oxigène qu'on extrait des plantes n'est point aussi pur que celui que nous fournissent les oxides métalliques ^ mais de quelques subs- tances qu'on le retire ses propriétés générales sont les suivantes.

A. Ce gaz est plus pesant que l'air atmos- phérique. Le pied cube d'air atmosphérique pesant 720 grains, le pied cube d'air pur pèse 765, Selon M. Kirwann son poids est à celui

( 10(5 ) de l'air commun comme 1103 à 1000. 116 pouces de cet air ont pesé 39,09 grains , 1 1($ pouces air commun 35,38. A la température de 10 degrés de Réaumur et à 28 pouces de pres- sion ,100 parties air commun pèsent 46,00 , 100 parties air vital 50,00.

B. Le gaz oxigène est le seul propre à la combustion : cette vérité reconnue lui a fait donner le nom dair du feu par le célèbre Schéele.

Pour procéder avec plus d'ordre dans l'examen d une des fonctions les plus importantes du gaz oxigène , puisqu'elle lui appartient exclusive- ment, nous poserons les quatre principes suivans comme des résultats incontestables de tous les faits connus.

Premier principe. Il n'y a jamais de combus- tion sans air vital.

Second principe. Il y a absorption d'air vital dans toute combustion.

Troisième principe. Dans les produits de la combustion il y a une augmentation de poids €gale à la quantité d'air vital absorbée.

Quatrième principe. Dans toute combustion il y a dégagement de chaleur et de lumière.

1°. La première de ces proportions est d'une vérité rigoureuse : le gaz hydrogène ne brûle lui-même que par le concours de l'oxigène , et route combustion cesse du moment que le gaz oxigène manque.

( 107 )

2°. Le second principe n'est pas d'une vérité moins générale : si on brûle certains corps , tels que le phosphore , le soufre , etc. dans du gaz oxigène bien pur , il est absorbé jusqu'à la dernière goutte j et lorsque la combustion s'opère dans un mélange de plusieurs gaz , le seul oxi- gène est absorbé et les autres n'éprouvent pas de changement.

Dans les combustions les plus lentes , telks que la rancidité des huiles , l'oxidation des métaux , il y a également absorption d'oxigène, commue on peut s'en convaincre en isolant ces corps dans un volume d'air déterminé.

3°. Le troisième principe , quoiqu'aussi vrai , a besoin d'être développé : et à cet effet, nous distinguerons les combustions dont le résultat , le résidu et le produit sont fixes , de celles dont les effets sont des substances volatiles et fugaces: dans le premier cas , le gaz oxigène se comibine tranquillement avec le corps ^ et en pesant le même corps du moment que la combinaison est faite , on juge aisément si laccrétion en pesanteur est en rapport avec l'oxigène absorbé j c'est ce qui arrive dans tous les cas les métaux s'oxident , les huiles rancissent, et dans la produc- tion de certains acides , tels que le phosphorique, le sulfurique , etc. : dans le second cas , il est plus difficile de peser tous les résultats de la combustion , et de constater par conséquent si

(108) î'accrétion en pesanteur est en raison de la quantité d'air absorbée ^ néanmoins , si la com- bustion se fait sous des cloches et qu'on recueille tous les produits , on verra que leur augmenta- tion en poids est dans un rapport rigoureux avec l'air absorbé.

4°. Le quatrième principe est celui dont les applications sont les plus intéressantes à connoitre.

Dans la plupart des combustions , le gaz oxigène se fixe et se concret : il abandonne donc le calorique qui le tenoit à l'état aéri- forme , et ce calorique devenu libre produit de la chaleur et cherche à se combiner avec les substances qui sont à portée.

Le dégagement de chaleur est donc un fait constant dans tous les cas l'air vital se fixe dans les corps : et il suit de ce principe , i°. que la chaleur réside éminemment dans le gaz oxigène qui sert à la combustion -, 2°. que plus il y aura d'oxigène absorbé dans un temps donné plus forte sera la chaleur j 3°. que le seul moyen de produire une chaleur violente est de brûler les corps dans l'air le plus pur ;, 4°. que le feu et la chaleur doivent être d'autant plus intenses que l'air est plus condensé ^ 5°. que les courans d'air sont nécessaires pour entretenir et hâter la com- bustion ^ c'est sur ce dernier principe qu'est fon- dée la théorie des effets des lampes à cylindre : le

( 109 ) courant d'air qui s'établit par le tuyau renou- velle l'air à chaque instant , et en appliquant continuellement à la flamme une nouvelle quan- tité de gaz oxigène on détermine une chaleur suffisante pour incendier et détruire la fumée.

C'est encore à ces mêmes principes qu'on doit rapporter la grande différence qui existe entre la chaleur produite par une combustion lente et celle qui est produite par une combustion rapide j dans le dernier cas on produit dans une seconde la même chaleur et la même lumière qui auroient été produites dans un temps très-long.

Les phénomènes de la combustion à l'aide du gaz oxigène tiennent encore aux mêmes loix. Le Professeur Lichtenberger de Gottingue a soudé une lame de canif avec un ressort de montre par le moyen du gaz oxigène.

MM. Lavoisier et Erhmann ont soumis pres- que tous les corps connus à l'action d'un feu alimenté par le seul gaz oxigène , et ont obtenu des effets que le miroir ardent n'avoit pas pu opérer.

M. Ingenhousi "^^^ ^ appris qu'en roulant un fil de fer en spirale , et mettant un corps quelconque embrasé à un des bouts , on pou voit le fondre en le plongeant dans le gaz oxigène.

M. Forster de Gottingue a vu que la lumière des vers luisans est si belle et si claire dans le gaz oxigène qu'un seul sufïït pour lire les annonces

( iio ) ^ savantes de Gottingue imprimées en très-petit caractère. Il ne s'agissoit plus que de pouvoif appliquer l'air vital à la combustion avec aisance ^^ et économie ^ et c'est à quoi est parvenu M. Meusnier qui a fait construire un appareil simple et commode : on peut consulter à ce sujet le traité de la fusion par M. Erhmann,

On peut voir encore la description du gazo- mètre dans le traité élémentaire de chimie par M. Lavoisier.

Nous distinguerons trois états dans l'acte même de la combustion : l'ignition , l'inllammation et la détonnation.

L'ignition a lieu lorsque le corps combustible n'est pcs dans l'état aeriforme , ni susceptible de prendre cet état par la simple chaleur de la com.bustion : c'est ce qui arrive lorsqu'on brûle du charbon bien fait.

Lorsque le corps com.bustible est présenté au gaz oxigène sous forme de vapeurs ou de gaz , il en résulte de la flamme , et la flamme ç^si d'autant plus considérable que le corps combus- tible est plus volatil. La flamme d'une bougie n'est entretenue que par la volatilisation de la cire qui s'opère à chaque instant par la chaleur de la combustion.

La détonnation est une inflammation prompte et rapide , qui occasionne du bruit par le vide qui se forme instantanément. La plupart des

( III )

détonnations sont produites par le mélangé du gaz hydrogène avec l'oxigène , comme je l'ai fait voir en 178 1 dans mon mémoire sur les détonna- tions. Il a été prouvé , depuis cette époque , que le produit de la combustion rapide de ces deux gaz étoit de l'eau. On peut produire de très-fortes dé- tonnations en embrasant un mélange d'une partis de gaz oxigène et de deux d'hydrogène : l'effet peut être rendu plus terrible encore , en faisant passer le mélange dans l'eau de savon et en- flammant les bulles lorsqu'elles sont amoncelées à la surface du liquide.

La chimie nous présente phisieurs cas dans lesquels la détonnation est due à la formation subite de quelque substance gazeuse , telle est celle qui est produite par l'inflammation de la poudre à canon j car dans ce cas , il y a pro- duction subite d'acide carbonique , de gaz ni- trogène , etc. La production ou la création ins* tantanée d'un gaz quelconque doit produire une secousse et un ébranlement dans l'atmosphère qui déterminent nécessairement une explosion : l'effet de ces explosions s'accroît et se fortifie par tous les obstacles qu'on oppose à l'effort des gaz qui cherchent à s'échapper.

C. Le gaz oxigène est le seul gaz propre à la respiration : c'est cette propriété très-éminente qui lui a mérité le nom d'air vital , et nous employerons de préférence cette dénomination dans cet article.

( m )

On sait depuis long-temps que les animaux ne peuvent pas vivre sans le secours de l'air j mais les phénomènes de la respiration n'ont été connus que bien imparfaitement jusqu'à nos jours.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la res- piration , les anciens sont ceux qui en ont eu l'idée la plus exacte : Ils admettoient dans l'air un principe propre à nourrir et à entretenir la vie qu'ils ont désigné par le nom de pabulum vitœ 5 et Hippocrate nous dit expressément spi- ritus etiam alimentum est; Cette idée qui n'étoit liée à aucune hypothèse a été successivement remplacée par des systèmes dénués de tout fon- dement : tantôt on a considéré l'air dans le poumon com-me un aiguillon ( stimulas ) sans cesse agissant qui entretenoit la circulation , V. Haller ; tantôt on a regardé le poumon com- me un soufflet destiné à raffraîchir le corps in- cendié par mille causes imaginaires ^ et lorsqu'on s'est convaincu que le volume de l'air diminuoit dans le poumon , on a cru avoir tout expliqué en disant que l'air perdoit son res5ort.

Il nous est permis aujourd'hui de jeter quel- que jour sur une des fonctions les plus impor- tantes du corps humain -^ nous la réduirons à quelques principes pour procéder avec plus de clarté.

1°. Nul animal ne peut vivre sans le secours

de

( 113 ) de l'air : c'est un fait généralement reconnu ; mais on ne sait que depuis peu que la faculté qu'a l'air de servir à la respiration n'est due qu'à un des principes de l'air atmosphérique connu sous le nom d'air vital.

2°. Tous les animaux ne demandent pas la même pureté dans l'air : l'oiseau l'exige très- pur de même que l'homme et la plupart des- quadrupèdes ^ mais ceux qui vivent dans la terre, ceux qui s'amoncèlent et se pelotonent pendant l'hiver , s'accommodent d'un air moins pur.

3°. La manière de respirer l'air est diiïerente dans les divers sujets : en général la nature a doué les animaux d'un organe qui , par sa di- latation et sa contraction involontaires , reçoit et expulse le fluide dans lequel il se meut. Cet organe est plus ou moins parfait , plus ou moins caché et garanti de tout choc et événement , selon son importance et son influence sur la vie , comme l'a observé M. Broussonet.

Les amphybies respirent à l'aide des poumons j mais ils peuvent suspendre leur mouvement , même lorsqu'ils sont dans l'air , comme je l'ai observé sur des grenouilles qui arrêtent la res\ piration à volonté.

La manière de respirer des poissons est très^ différente : ces animaux viennent de temps en temps humer l'air à la surface de l'eau , en remplissent leur vésicule , et le digèrent ensuite

H

( 114 ) à leur aise. J'ai suivi pendant l'ong-temps les phénomènes que présentent les poissons dans l'acte de la respiration , et me suis assuré qu'ils sont sensibles à l'action de tous les gaz comme les autres animaux. M. de Fourcroy a observé que l'air contenu dans la vésicule de la carpe est du gaz nitrogène ( a-^ote. )

L'insecte à trachées nous présente des or- ganes plus éloignés des nôtres par la conforma- tion : chez lui la respiration s'opère par Aqs trachées distribuées le long du corps , elles ac- compagnent tous les vaisseaux , et finissent par se perdre en pores insensibles à la surface de la peau.

Ces insectes me paroissent offrir plusieurs points d'analogie bien frappans avec les végétaux, i^. Les organes respiratoires sont conformés de la même manière ^ ils sont disposés sur tout le corps du végétal et de l'animal. 2°. Les insectes n'exigent pas une grande pureté dans l'air , et les plantes se nourrissent de mofette atmosphé- rique. 3°. Ils transpirent l'un et l'autre de l'air vital. M. l'Abbé Fontana a trouvé plusieurs in- sectes dans les eaux stagnantes , qui exposés au soleil donnent de lair vital : et cette matière verte qui se forme dans les eaux stagnantes , que M. Priestley a placée parmi les conferves , d'après le témoignage de son ami M. Bewly , xpe M. Sennebier a cru être la conferva cespi-

( ÎI5 ) îosa flUs rectis undique divergent ibus .^ Halleri^ et qui a paru à M. Ingenhousi n'être qu'une ruche d'animalcules , donne une prodigieuse quantité d'air vital lorsqu'on l'expose au soleil. 4°. Les insectes fournissent encore à l'analyse fies principes analogues à ceux des plantes , tels que des résines , des huiles volatiles , etc.

Le P. Vanière paroît avoir connu et exprimé très-élégamment la propriété qu'ont les végétaux de se nourrir d'air vital.

Arbor enim ( res non ignota ) ferariim

Instar et halituum piscisque loientis in imo Gurgite vitales et reddit et accipk auras.

Prxiium ru/licum , L. VI.

Les animaux à poumon ne respirent qu'en raison de l'air vital qui les environne. Un ga2 quel- conque privé de ce mélange est dès ce moment impropre à la respiration , et cette fonction s'exerce avec d'autant plus de liberté que l'air vital est en plus grande proportion dans l'air qu'on respire.

M. le Comte Moro^o mit successivement plusieurs moineaux adultes sous une cloche de verre qui plongcoit dans l'eau , et qui fut rem- plie d'abord d'air atmosphérique et puis d'air vital , et il observa que ,

1°. dans l'air atmosphérique ,

Le premier moineau vécut. 3 heures.

Le second o h. 3 m.

Le troisième . . , , o h. i m.

Hi

( ri6 )

1,'eau monta dans la cloche , de 8 lignes pen- dant la vie du premier, de 4 pendant la vie du second , et le troisième ne produisit aucune ab- sorption.

2°. Dans l'air vital,

Le premier moineau a vécL

i 5

h.

23 m.

Le second

2

h.

10 m.

Le troisième ....

I

h.

30 m.

Le quatrième. . . .

I

h.

10 m.

Le cinquième. . . .

. 0

30 m.

Le sixième ....

0

47 m.

Le septième

0

27 m.

Le huitième

0

30 m.

Le neuvième ....

G

22 m.

Le dixième

G

21 m.

De ces expériences on peut conclure 1°. qu'un animal vit plus long-temps dans l'air vital que dans lair atmosphérique ^ 2°. qu'un animal vit dans un air un autre est mort ;, 3°. qu'indépen- damment de la nature de l'air, il faut avoir égard à la constitution des animaux, puisque le sixième a vécu 47 minutes et le cinquième 30 seulement; 4°. qu'il y a absorption d'air ou production d'un nouveau gaz , que l'eau absorbe puisqu'elle monte.

Il nous reste à présent à examiner quels sont les changemens que produit la respiration, i °. dans l'air , 2°. dans le sang.

1°. Le gaz rendu par l'expiration est un mélange de gaz nitrogène, d'acide carbonique et d'air

( 117 ) vital. Si on fait passer l'air qui sort des poumons à travers l'eau de chaux , elle se trouble ^ si on le reçoit à travers la teinture de tournesol , elle rougit ^ et si on substitue de l'alkali pur à la teinture de tournesol, il devient eiFervescent.

Lorsqu'on s'est emparé de l'acide carbonique par les procédés ci-dessus , ce qui reste est un mélange de gaz nitrogène et d'air vital : on y démontre l'air vital par le moyen de l'air ni- trelix : de l'air dans lequel j'avois fait périr cinq moineaux m'a donné 17 centièmes d'air vital. Apres avoir ainsi dépouillé l'air expiré de tout l'air vital et de tout l'acide carbonique , il ne reste que le gaz nitrogène.

On a observé que les frugivores vicioient moins l'air que les carnivores.

Il y a absorption d'une portion d'air dans la respiration : Borelli s'en étoit déjà apperçu ; et le Docteur Jurin avoir calculé qu'un homme inspiroit 40 pouces d'air dans les inspirations moyennes , et que dans les plus grandes il pou- voit en recevoir izo pouces , mais qu'il y en avoir toujours une portion d'absorbée. Le cél. Haies chercha à déterminer plus rigoureusement cette absorption , et il l'évalua à ^ du total

de l'air respiré , mais il ne la porta qu'à ---^ , par rapport aux erreurs qu'il croyoit pouvoir s''êrre glissées ^ or l'homme respire 20 fois par minute , il absorbe 40 pouces cubes d'air à

H 3

( ii8 ) chaque inspiration , il en absorbera donc 48000 par heure , qui divises par 136 donnent environ 353 pouces d'air absorbés et perdus par heure. Le procédé de Haies n'est pas rigoureux , puis- qu'il faisoit passer l'air expiré à travers l'eau qui devoit en retenir une portion sensible.

D'après des expériences plus exactes , M. de la Metherie a prouvé que dans une heure on absorboit 360 pouces cubes d'air vital.

Mes expériences ne m'ont pas présenté , à beaucoup près , une déperdition aussi forte.

Ce fait nous permet de concevoir la facilité avec laquelle un air est vicié du moment qu'il Qsz respiré et qu'il n'est pas renouvelé , et nous explique pourquoi l'air des salies de spectacles est en général si mal sain.

11°. Le premier effet que paroît produire l'air sur le sang , c'est de lui donner une couleur vermeille : si on expose du sang veineux noirâtre dans une atmosphère d'air pur , le sang devient vermeil à la surface •■, on observe journellement ce phénomène , lorsque le sang reste exposé à l'air dans une palette. L'air qui a séjourné sur le sang éteint les bougies et précipite l'eau de chaux.

L'air injecté dans l'espace d'une veine déter- miné par deux ligatures rend le sang plus ver- meil , d'après les belles expériences de M. Hewson.

( 119 )

Le sang qui revient du poumon est plus ver- meil , d'après les observations de MM. Cigna , Hewson , etc. de-là la plus grande intensité du sang artériel sur le sang veineux.

M. ThouveneL a prouvé qu'en pompant l'air qui repose sur le sang , on le décolore de nouveau.

M. Beccaria a exposé du sanff dans le vide , il y est resté noir , et a pris la plus belle couleur vermeille dès qu'il a été de nouveau exposé à l'air. M. Cigna a couvert du sang avec de l'huile et il a conservé sa couleur noire.

M. Priestley a fait passer successivement le sang d'un mouton dans l'air vital, l'air commun , l'air méphitique , etc. et il a trouvé que les parties les plus noires prenoient une coi^leur rouge dans l'air respirable , et que l'intensité de couleur étoit en raison de la quantité d'air vital. Le même Physicien a rempli une vessie de sang et l'a exposée à l'air pur , la partie qui touchoit la surface de la vessie est devenue rouge , tandis que l'intérieur est resté noir : il y a donc absorp- tion d'air , comme lorsque le contact est im- médiat.

Tous ces faits prouvent incontestablement que la couleur vermeille que prend le sang dans le poumon est due à l'air pur qui se combine avec lui.

La couleur vermeille du sang est donc un pre- mier effet du contact , de l'absorption et de la combinaison de l'air pur avec le sang.

( 120 )

Le second effet de la respiration , c'est d'éta- blir un véritable foyer de chaleur dans le poumon, ce qui est bien opposé à l'idée précaire et ridi- cule de ceux qui ont regardé le poumon comme un souffler destiné à raffraîchir le corps humain.

Deux célèbres Physiciens Haies et Bcërhaave avoient observé que le sang acquéroit de la chaleur en passant par le poumon , et des Phisio- logistes modernes ont évalué cette augmentation de chaleur à ,-~

lOO

La chaleur dans chaque classe d'individus est proportionnée au volume des poumons , selon MM. de Bujfon et Broussonet.

Les animaux à sang froid n'ont qu'une oreil- lette' et un ventricule , comme l'avoit observé Aristotc.

Les personnes qui respirent l'air vital pur , s'accordent à dire qu'elles ressentent une douce chaleur (|ui vivifie le poumon et s'étend insen- siblement de la poitrine dans tous les membres.

Les faits anciens et modernes se réunissent donc à prouver qu'il existe réellement un foyer de chaleur dans le poumon , et qu'il est entretenu et alimenté par l'air de la respiration : il nous est possible d'expliquer tous ces phénomènes : en effet , dans la respiration il y a absorption d'air vital ^ on peut donc considérer la respiration comme une opération par laquelle l'air vital passe coiitinueikment de Tctat gazeux à l'état concrerj

( 121 )

il doit donc abandonner à chaque instant la chaleur qui le tenoit en dissolution et à l'état de gaz ^ cette chaleur produite à chaque inspi- ration doit être proportionnée au volume des poumons , à l'activité de cet organe , à la pureté de l'air , à la rapidité des inspirations , etc, il s'ensuit de -là que pendant l'hiver la chaleur produite doit être plus forte , parce que l'air est plus condensé et présente plus d'air vital sous le même volume : par la même raison la respi- ration doit produire plus de chaleur dans les personnes du nord , et c'est une des causes que la nature a préparées pour tempérer et balancer sans cesse le froid extrême de ces climats : il s'ensuit encore que les poumons des asthmatiques doivent m.oins digérer l'air ;, et je me suis assuré qu'ils rendent l'air sans le vicier , ce qui fait que leur complexion est froide et le poumon sans cesse languissant j l'air viral leur convient donc à merveille. On conçoit aisément , d'après ces prin- cipes 5 pourquoi la chaleur est proportionnée au volume des poumons , pourquoi les animaux qui n'ont qu'une oreillette et un ventricule sont des animaux à sang froid , etc.

Les phénom.ènes de la respiration sont donc les mêmes que ceux de la combustion.

L'air vital en se combinant avec le sang y forme de l'acide carbonique , qu'on peut consi- dérer comme un anti-putride tant qu'il est dans

( i^:t ) le torrent de la circulation , et qui est ensuite poussé au dehors à travers les pores de la peau , d'après les expériences de M. le Comte de MilLy et les observations de M. Fouquet.

L'air vital a été employé avec succès dans quelques maladies du corps humain : on connoît les observations de M. Cailkns qui l'a fait res- pirer avec le plus grand succès à deux personnes affectées de phthisie. J'ai été moi-même témoin d'un merveilleux effet de cet air dans un cas semblable : M. de B. étoit au dernier période d'une phthisie confirmée j foiblesse extrême , sueur , flux de ventre , tout annonçoit une mort prochaine : un de mes amis M. de P. le mit à l'usage de l'air vital , le malade le respiroit avec délectation , il le demandoit avec l'ardeur d'un nourrisson qui désire le lait de sa nourrisse , il éprouvoit dès qu'il le respiroit une chaleur bien- faisante qui se répandoit par tous ses membres j ses forces se rétablirent à vue d'œil , et en six semaines il fut en état de fournir à de longues promenades ^ ce bien être dura six mois , mais après cet intervalle il rechuta , il ne put plus avoir recours à l'usage de l'air vital parce que M. de P. croit parti pour Paris , et il mourut. Je suis bien éloigné de penser que la respiration de lair vital puisse être employée dans ce cas comme un spécifique ; bien plus je doute que cet air actif convienne dans ces circonstances , mais il

_ ( 1^3 ) inspire de la gaieté , contente le malade , et, dans les cas désespérés , c'est assurément un remède précieux que celui qui répand des fleurs sur les bords de notre tombe , et nous prépare de la manière la plus douce à franchir ce pas effrayant.

L'usage absolu de l'air vital dans la respiration, fait qu'on peut en tirer des principes positifs sur la manière de purifier l'air corrompu d'un, endroit quelconque : on peut y parvenir par trois moyens ^ le premier consiste à corriger l'air vicié par le secours des substances qui peuvent s'emparer des principes d'élétères ^ le second , à déplacer l'air corrompu et à lui substituer de l'air frais , c'est ce que l'on fait par les venti- lateurs , l'agitation des portes , etc. ^ le troisième , à verser dans l'atmosphère méphitisée une nou- velle quantité d'air vital.

Les procédés employés pour purifier l'air corrompu ne sont pas tous d'un effet assuré : les feux qu'on emploie n'ont d'autre avantage que d'établir des courans et de brûler les miasmes mal - sains j et les parfums ne font que mas- quer la mauvaise odeur sans rien changer à la nature de l'air , d'après les expériences de M. Achard.

( IM )

CHAPITRE TROISIÈME.

Vu ga{ nitrogène , ga^^ apte ou mofette atmosphérique.

On savoir depuis long-temps que Tair qui a servi à la combustion et à la respiration n'est plus propre à ces usages. Cet air ainsi corrompu a été connu -sous les noms d'air phlogistique y d'air méphitique , de mofette atmosphérique , etc. Je l'appelle ga^ nitrogène , d'après les raisons que j'ai développées dans le discours préli- minaire.

Mais ce résidu de la combustion ou de la respiration est toujours mêlé avec un peu d'air vital et d'acide carbonique , dont il faut le débar- rasser pour avoir ce gaz nitrogène dans son état de pureté.

Pour obtenir le gaz nitrogène très-pur , on connoît plusieurs moyens qu'on peut employer.

I ^. Schéele nous a appris qu'en exposant du sultiire d'alkali dans un vase rempli d'air atmos- phérique , l'air vital est absorbé , et lorsque l'absorption est complète le gaz nitrogène reste pur.

En exposant un mélange de fer et de soufre pétris ensemble avec de l'eau , sur du mercure dans l'air atmosphérique , M. Kirwan a obtenu

( 1^-5 ) un gaz nitrogène si pur qu'il n'éprouvoit aucune diminution par le gaz nitreux -^ il en pompe toute l'humidité en introduisant plusieurs fois du papier à filtrer dans la jarre qui le contient j il faut avoir l'attention de retirer cet air dessus la pâte qui le fournit , sans quoi il se mêleroit avec du gaz hydrogène qui se dégage,

2°. Lorsque par des moyens quelconques , tels que l'oxidation des métaux , la rancidité des huiles , la combustion du phosphore , etc. on s'empare de l'air vital , le résidu est le gaz nitrogène.

Tous ces procédés fournissent des moyens » plus ou moins rigoureux , pour déterminer dans quelle proportion se trpuvent l'air vital et le gaz nitrogène dans la composition de l'air atmos- phérique.

3°. On peut encore se procurer cette mofette, en traitant à l'appareil hydropneumatique par l'acide nitrique la chair musculaire ou la partie fibreuse du sang bien lavée ; mais il faut observer que les matières animales soient bien fraîches , car , si elles commencent à être altérées par la fermentation , elles fournissent de l'acide carbo- nique mêlé avec le gaz nitrogène.

A. Ce gaz est impropre à la respiration et à la combustion.

B. Les plantes vivent dans cet air et y végètent librement.

( 12^ )

C. Ce gaz se mêle avec les autres airs sans s'y combiner.

D. Il est plus léger que l'air atmosphérique. Le baromètre m.arquant 30 , 46,1c thermom^'tre Far. 60 , le poids du gaz nitrogcnc est à celui de l'air commun comme 985 à 1000.

E. Mêlé avec l'air vital dans la proportion de 7 2 sur 2 8 , il constitue notre atmosphère : les autres principes que l'analyse démontre dans l'atmosphère n'y sont qu'accidentellement et leur existence n'y est pas nécessaire.

SECTION SIXIÈME.

pu mélange des ga^ nitrogène et oxigène , ou de Pair atmosphérique.

Les substances gazeuzes dont nous venons de parler existent rarement seules et isolées ^ la nature nous les présente par-tout dans un état de mélange ou dans un état de combinaison : dans le premier cas , ces gaz conservent leur état aériforme ^ dans le second , ils forment assez constamment des corps fixes et solides. La nature dans ses diverses décompositions réduit presque tous les principes en gaz , ces nouvelles subs- tances s'unissent entr 'elles , se combinent , et il en résulte des composés assez simples dans le principe , mais qui se compliquent par des

( 1^7 ) mélanges et des combinaisons ultérieures. Nous pouvons suivre pas à pas toutes les opérations de la nature , en nous conformant au plan qiie nous avons adopté.

Le mélange d'environ 72 parties de gaz nitro- gène et de 28 oxigène forme cette masse de fluide dans laquelle nous vivons : ces deux principes sont si bien mêlés , et chacun d'eux est tellement nécessaire à l'entretien des diverses fonctions iles individus qui vivent ou végètent sur ce globe , qu'on ne les a pas trouvés encore séparés et isolés.

Les proportions de ces deux gaz varient dans le mélange qui forme l'atm.osphère , mais cette différence ne peut se déduire que des causes pure- ment locales , et la proportion la plus ordinaire est celle que nous venons d'établir.

Les propriétés caractéristiques de l'air vital se trouvent modifiées par celles du gaz nitrogène , et ces modifications paroissent même nécessaires: car si nous respirions l'air vital dans son état de pureté , il useroit promptement notre vie ^ et cet air vierge ne nous convient pas plus que l'eau distillée : la nature ne paroît pas nous avoir destinés à faire usage de ces principes dans leur plus grand degré de perfection.

L'air atmosphérique s'élève à plusieurs lieues par-dessus nos têtes , et remplit les souterrairis les plus profonds : il est invisible , insipide ,

( 1^8 )

inodore , pesant , élastique , etc. C'étoit la seule substance gazeuse qu'on connût avant l'époque actuelle de la chimie , et l'on attribuoit toujours à des modifications de l'air les nuances infinies que présentoient tous les fluides invisibles que l'observation oiFroit si souvent aux Physiciens. Presque tout ce qui a été écrit sur l'air ne con- sidère que les propriétés physiques de cette subs- tance ^ nous nous bornerons à en indiquer les principales.

A, L'air est un fluide d'une raréfaction ex- trême ^ il obéit au moindre mouvement ^ la plus légère percussion le dérange , et son équilibre sans cesse rompu cherche sans cesse à se ré- tablir.

Quoique très-fluide , il trouve de la difficulté à passer par des liquides plus grossiers pé- nètrent aisément ^ c'est ce qui a engagé les Phy- siciens à supposer ses parties rameuses.

B. L'air atmosphérique est invisible : il re- frange les rayons de lumière sans les réfléchir , et c'est sans des preuves suffisantes que quelques Physiciens ont pensé que ses grandes masses étoient bleues.

Il paroît que l'air est inodore par lui-même; mais il est le véhicule des parties odorantes.

On peut le regarder comme insipide j et si son contact nous affecte diversement, nous ne devons l'attribuer qu'à ses qualités physiques.

a

( 1^9 )

C. Ce n'est que vers le milieu du dernier siècle qu'on a constaté sa pesanteur par des expériences rigoureuses : Timpossibilité de soutenir l'eau à plus de 32 pieds , fit soupçonner à Toricelli qu'une cause extérieure soutenoit ce liquide à cette hauteur , et que ce n'étoit point l'horreur du vide qui précipitoit l'eau dans les tuyaux des pompes. Ce cél. Physicien remplit de mercure un tube bouché par une de sqs extrémités, il le renversa sur une cuvette pleine de ce même métal , et vit le mercure s'arrêter constamment à 28 pouces après plusieurs oscillations ^ il vit dans le moment que les différences dans les hauteurs répondoient à la pesanteur relative des deux fluides , qui est dans le rapport de 14 à i : l'immortel Pû>yc/ii2/ prou va, quelque temps après, que c'étoit la colonne d'air atmosphérique qui soutenoit les liquides à cette élévation, et s'assura que la hauteur varioit selon la longueur de la colonne qui presse.

D. L'élasticité de l'air est une des propriétés sur lesquelles la physique a le plus travaillé , et on en a même tiré un parti très-avantageux dans les arts.

SECTION SEPTIÈME.

De Id combinaison des ga^ oxigène 6* hydrogène formant de Veau,

L'eau a été long-temps regardée comme un

I

( 150 ) principe élémentaire ^ et lorsque des expériences rigoureuses ont forcé les Chimistes à la classer parmi les substances composées , on a éprouvé de routes parts une résistance et une insurrection qu'on n'avoir pas manifestées , lorsque l'air , la Terre et autres matières réputées élémentaires ont subi la même révolution. Il me paroît néanmoins que son analyse est aussi rigoureuse que celle de l'air : on la décompose par plusieurs procédés , on la forme par la combinaison de l'oxigène et de l'hydrogène , et nous vo)'ons se réunir les phénomènes de la nature et de l'art pour nous convaincre des mêmes vérités. Que faut-il de pKis pour nous acquérir une pleine certitude sur un fait physique ?

L'eau est contenue en plus ou moins grande quantité dans les corps , et on peut l'y consi- dérer sous deux états : elle y est , ou dans l'état «i'un simple mélange , ou dans un état de com- binaison : dans le premier cas , elle rend les corps humides , elle est sensible à l'œil , et peut être dégagée avec la plus grande facilité j dans le second , elle ne présente aucun caractère qui annonce qu'elle y est à l'état de mélange , elle est sous cette forme dans les crystaux , les sels , les plantes , les animaux , etc. C'est cette eau que le cél. Bernard de Palissy a appellée eau, gén4rative , et dont il a fait un cinquième élément pour la distinguer de l'eau exJialative,

( 151 )

L'eau combinée dans les corps concourt à leur donner la dureté et la transparence : hs seis et la plupart des crystaux pierreux perdent leur diaphanéité en perdant leur eau de crystailisation.

Quelques corps doivent à l'eau kur fixité : les acides , par exemple , n'acquèrent de la fixité qu'en se combinant avec l'eau.

Sous ces divers points de vue , l'eau peut être considérée comme le ciment général de la nature : les pierres et les sels qui en sont privés deviennent pulvérulens ^ et l'eau facilite le rap- prochement , la réunion et la consistance des débris de pierres , de sels, etc. comme nous le voyons dans les opérations qu'on fait sur les plâtres , les luts , les mortiers , etc.

L'eau dégagée de ses combinaisons , et mise dans un état de liberté absolue , joue un des premiers rôles dans les opérations de ce globe : elle concourt à la formation et à la décompo- sition de tous les corps du règne minéral ^ elle est nécessaire à la végétation et au libre exercice du plus grand nomibre des fonctions du corps animal , et elle en hâte et facilite la destruction dès que ces êtres ne sont plus animés du prin- cipe de vie.

On a cru pendant quelque temps que c'étoit une terre fluide : la distillation , la trituration et la putréfaction de l'eau qui laissoient toujours un résidu terreux, ont fait croire à sa conversion eu

l2

( 13^ ) terre : on peut consulter a ce sujet TV aliénas et Margraafj mais M. Lavoisier a fait voir que cette terre provenoit du détritus des vais- seaux^ et le cél. Schéele a démontré l'identité de la nature de cette terre avec celle des vaisseaux de verre dans lesquels se faisoient ces opéra- tions ^ de sorte que les opinions sont fixées au- jourd'hui à cet égard.

Pour prendre une idée exacte d'une substance aussi essentielle à connoître , nous considérerons l'eau sous ses trois états différens , de solide , de liquide et de gaz.

ARTICLE PREMIER.

De Veau à Vétat de glace,

I,a glace est l'état naturel de l'eau , puisqu'elle y est dépourvue d'une portion du calorique, avec lequel elle est combinée lorsqu'elle se présente sous forme liquide ou gazeuse.

La conversion de l'eau en glace nous offre quelques phénomènes assez constans.

A. Le premier de tous , et en même tem.ps le plus extraordinaire , c'est une production sensible de chaleur dans le moment que l'eau passe à l'état solide : les expériences de MM. Farheneit , Treiwald , Baume , de Ratte ne laissent aucun doute à ce sujet: de sorte que

( 133 ) l'eau est plus froide au moment qu'elle se gèle que la glace elle-même.

Une agitation légère du fluide facilite sa con- version en glace , à -peu -près comme le plus léger mouvement détermine assez souvent la crystallisation de certains sels : cela tient, peut-^ être , à ce que , par ce moyen , on exprime et on dégage le calorique interposé qui s'oppo- soit à la production du phénomène •, ce qui paroît le prouver , c'est que le thermomètre monte , dès le même instant , selon Farheneit.

B. L'eau glacée occupe plus de volume que l'eau fluide : nous devons les preuves de cette vérité à l'Académie del Cimento , qui a vu des bombes et les corps les plus durs remplis d'eau se briser en éclats par la congélation de ce fluide : le tronc des arbres se partage et se di- vise avec fracas dès que la sève s'y gèle : les pierres se fendent du moment que l'eau dont elles sont imprégnées passe à l'état de glace.

C. La glace ne paroît être qu'une crystalli- sation confuse : M. de Mayran a vu \qs aiguilles de glace s'unir sous un angle de 60 ou de 120 degrés.

M. Pellettier a trouvé dans un morceau de glace fistuleux des crystaux en prismes quadran- gulaires aplatis terminés par deux sommées di- hèdres.

M. Sage obsen^e que, si l'on rompt une

I3

( iM ) tncsse de glace qui contienne de l'eau dans son

cenrre , celle-ci s'écoule , et l'on trouve la ca- vité tapissée de beaux prismes tétraèdres ter- minés par des pyramides à quatre pans : souvent €GS prismes sont articulés et croisés. V. M. Sage , analyse chimique , t. i , p. 77.

M. Macquart a observé que quand la neige tombe à Moscou , et que latm-osphère n'est pas trop sèche , on la voit chargée de charmantes crystallisations aplaties régulièrement , et aussi minces qu'une feuille de papier , c'est une réu- nion de fibres qui partent du même centre pour former six principaux rayons qui se divisent eux- mêmes en petits faisseaux extrêmement brillans ; il a vu beaucoup de ces rayons aplatis qui avoient dix lignes de diamètre.

D. En passant de l'état solide à l'état liquide , il se produit du froid par l'absorption d'une por- tion de chaleur: c'est ce qui est confirmé par les belles expériences de îVilke.

Cette production du froid par la fonte de la glace , est encore prouvée par l'usage sont les limonadiers de fondre certains sels avec la glace pour déterminer un froid sous o.

La glace présente en plusieurs endroits de grandes masses qui sont connues sous le nom de gliciers : certaines montagnes en sont cons- tamment couvertes , et les mers du sud en sont surchargées : la glace formée par l'eau salée pro-

( 13.^ ) duit de l'eau douce par sa dissolution ou sa fonte, et dans quelques Provinces du nord on concentre l'eau de la mer par la gelée pour rapprocher le sel qui y est dissous ;, j'ai vu également se pré- cipiter plusieurs sels métalliques , en exposant leurs dissolutions à une température suffisante pour les geler , la glace qui en étoit formée n'avoit point le caractère du sel qui étoit dissous. La grêle et la n2ige ne sont que des mo- difications de la glace : on peut considérer la grêle comme produite par le dégagement subit du fluide électrique qui concourt à rendre l'eau fluide , elle est presque toujours annoncée par des coups de tonnerre : les expériences de M. Qulnquet ont confirmé cette théorie. Je rap- porterai un fait dont j'ai été témoin à Mont- pellier, et dont les Physiciens pourront se servir avec avantage: le 29 Octobre 1786 il tomba quatre pouces d'eau à Montp2llier ^ un violent coup de tonnerre, qu'on entendit vei^s les quatre heures du soir , et qui éclata très-bas , décida une chute de grêle épouventable j un Droguiste , qui étoit occupé dans sa cave à remédier ou à prévenir les dégâts occasionnés par la tran- sudation de l'eau à travers le mur , fut très-étoané en voyant que tout à coup l'eau qui suintoit sur la muraille tomboit en gkçons ^ il appeh plusieurs voisins pour partager sa surprise ^ je fus visiter ce lieu , un quart d'heure après , et

trouvai dix livres de glace amoncelées au pied du mur ^ je m'assurai qu'elle n'avoit pas pu passer à travers le mur, qui ne laissoit appercevoir aucune lézarde et étoit par-tout dans le meilleur état. La même cause qui décida la formation de la grêle dans l'atmosphère agit-elle également dans cette cave ? Je consigne un fait et m'interdis toute con- jecture.

ARTICLE SECOND.

De Veau à Vètat liquide.

Si l'état naturel de l'eau paroît être la glace , son état ordinaire est celui de liquide , et sous cette forme elle a quelques propriétés générales dont nous allons nous occuper.

Les expériences de l'Académie del Cimento avoient fait refuser à l'eau toute élasticité , puisqu'enfermée dans des boules de métal for- tement comprimées elle s'échappoit par les pores plutôt que de céder à la pression : mais de nos jours MM. Zinmermann et l'Abbé Monge\ ont prétendu prouver son élasticité par les mêmes expériences sur lesquelles on avoit établi l'opinion contraire.

L'état liquide rend la force d'aggrégation de l'eau moins puissante , et elle se combine plus facilement sous cette forme.

( 137 )

L'eau qui coule sur la surface de notre globe n'est jamais pure : l'eau de pluie est même rarement exempte de quelque mélange , comme il paroît par la belle suite d'expériences du célèbre Margraaf. Je me suis assuré à Mont- pellier , que l'eau des pluies d'orage étoit plus mélangée que celle d'une pluie douce , que l'eau qui tombe la première est moins pure que celle qui vient après quelques heures ou quelques jours de pluie , que l'eau qui tombe par le vent marin ou du sud contient du sel marin , tandis que celle qui est produite par un vent du nord n'en contient pas un atome.

Hippocrate a fait des observations très-impor- tantes sur les diverses qualités de l'eau , relati- vement à la nature du sol , à la température du climat , etc.

Comme il importe au Chimiste d'avoir à sa disposition de l'eau très-pure pour les diverses opérations délicates , il est nécessaire d'indiquer les moyens qu'on peut mettre en usage pour porter une eau quelconque à ce degré de pureté.

On purifie l'eau par la distillation : cette opération se fait dans des vaisseaux qu'on appelle alambics.

L'alambic est composé de deux pièces , d'une chaudière ou cucurbite et d'un couvercle appelé chapiteau.

( 138 )

On met de l'eau dans la cucurbite , on l'élève en iispeurs . par le moyen du feu , et on condense ces mêmes vapeur? en raffraîchissant le chapiteau avec de l'eau froide ^ ces vapeurs condensées coulent dans un vase destiné à les recevoir ^ c est ce qu on appelle eau distillée : elle est pure parce qu'elle a laissé dans la cucurbite les sels et autres principes fixes qui en altéraient ]a pureté.

La distillation est d'autant plus prompte et J>îus facile que la pression de l'air est moindre «ur la surface du liquide stagnant : M. Lavoisier a distillé le mercure dans le vide ^ et M. l'Abbé Rochon a fait une heureuse application de ces principes à la distillation : c'est à ce même principe que l'on doit rapporter les observations de presque tous les Naturalistes et Physiciens <]ui ont vu que l'ébuilition d'un liquide devenoit plus facile à mesure qu'on s'élevoit sur une mon- tagne , et c'est par une suite de ces mêmes principes que M. Achard a construit un instru- ment pour juger de la hauteur des montagnes par les degrés de l'ébuilition ^ MM. l'Abbé Monge\ et Lamanon ont observé que l'éthcr s'évaporoit avec une prodigieuse facilité sur le pic de ténériife , M. de Saussure a confirmée ces principes sur les montagnes de la Suisse.

Il se fait par-tout à la surface de notre globe une véritable disîiJlaiiOii : la chaleur du soleil

( 139 )

élève l'eau en vapeurs , celles-ci séjournent pendant quelque temps dans l'atmosphère , et retombent ensuite par le seul refroidissement pour former ce qu'on appelle serein ; cette ascension et cette chute qui se succèdent lavent et purgent l'atmos- phère de tous les germes qui par leur corruption ou leur développement la rendroient infecte , et c'est peut-être cette combinaison de divers miasmes avec l'eau qui rend le serein si mal- sain.

C'est à une semblable distillation naturelle que nous devons rapporter le passage alternatif de l'eau de l'état liquide à l'état de vapeurs , ce qui forme les nuages , et par ce moyen porte les eaux du sein des mers sur le sommet des montagnes , d'où elles se précipitent en torrens pour se rendre dans le lit commun.

Nous trouvons des traces de la distillation de l'eau dans les siècles les plus reculés : les pre- miers navigateurs dans les isles de l'Archipel remplissoient leurs marmites d'eau salée , et en recevoient la vapeur par des éponges placées dessus j successivement on a perfectionné le procédé de distiller l'eau de la mer ç, et M. Poissonnier a fait connoitre un appareil très- bien entendu pour se procurer sur mer de l'eau douce en tout temps et en abondance.

L'eau pure , pour être saine , a besoin d'être agitée et de se combiner avec l'air de l'atmos-

k

( 140 ) phère^ cîe-là vient sans-doute que l'eau provenant immédiatement de la fonte des neiges est mau vaise pour la boisson.

Les caractères des eaux potables sont les suivans.

1°. Une saveur vive , fraîche et agréable.

z°. La propriété de bouillir facilement et de bien cuire les légumes.

3**. La vertu de dissoudre le savon sans gru- meaux.

ARTICLE TROISIÈME.

D2 Veau à Vétat de ga^.

Plusieurs substances sent naturellement dans rérat de fluide aériforme , au degré de tempé- rature de l'atmosphère , telles sont l'acide car- bonique et les gaz oxigène , hydrogène et nitrogene.

D'autres substances s'évaporent à un degré de chaleur très -voisin de celui dans lequel nous vivons : l'éther et l'alkool sont dans ce cas j la première de ces liqueurs passe à l'état de gaz à la température de 3 5 degrés , la seconde à celle de 80.

Quelques-unes demandent une chaleur plus forte , telles que l'eau , les acides sulfurique , nitrique , l'huile , etc.

f I40

Pour convertir l'eau en fluide aériforme , MM. de Laplace et Lavoisier ont rempli une cloche de mercure , et l'ont renversée sur une soucoupe remplie de ce métal ^ on a fait passer deux onces d'eau dans cette cloche , et on a donné au mercure une chaleur de 95 à 100 degrés en le plongeant dans une chaudière pleine d'eaumère de nitre , l'eau s'est raréfiée et a occupé toute la capacité.

L'eau en passant à travers des tuyaux de pipe rougis au feu se réduit en gaz , d'après MM. Priestley , Kirwan. L'éolipile , la pompe à feu , la marmite de papin , le procédé des verriers qui soufflent de gros ballons en jetant par la canne une bouchée d'eau , nous prouvent la conversion de l'eau en gaz.

Il s'ensuit de ces principes , que la volatili- sation de l'eau n'étant que la combinaison directe du calorique avec ce liquide , les portions d'eau qui sont le plus immédiatement exposées à la chaleur doivent être les premières volatilisées ^ et c'est ce qu'on observe journellement , car on voit constamment l'ébuUition s'annoncer dans la partie la plus chauffée 3 mais lorsque la chaleur est appliquée également à toutes les parties, i'ébuUition est générale.

Plusieurs phénomènes nous avoient engagés à ■croire que l'eau pouvoit se convertir en air : le ^procédé des verriers pour souffler les ballons ,

( 14^- ) l'orgue hydraulique du Père Kircher , les phé- nomènes de leolipile , les expériences de MM. Priestley et KiTwan , la manière d'attiser le fr:u en répandant sur les charbons une petite quantité d'eau , tout cela paroissoit annoncer la conversion de l'eau en air ^ mais on étoit loin de penser que la plupart de ces phénomènes fussent produits par la décomposition de ce fluide , et il a fallu le génie de M. Lavoisier pour porter ce point de doctrine au degré de certitude et de précision il me paroît être parvenu.

MM. Macquer , de la Metherie avoient déjà observé que la combustion de l'air inflamma- ble produisoit beaucoup d'eau i M. Cavendisk confirmoit ces expériences en Angleterre par la combustion rapide de l'air vital et de l'air inflammable ^ mais MM. Lavoisier , de Laplace , Monge , Meusnier , ont prouvé , que la totalité de l'eau pouvoit être convertie en hydrogène et oxigène , et que la combustion de ces deux gaz produisoit un volume d'eau proportionné au poids des deux principes employés à cette expérience.

1°. Si on met au-dessus du mercure , dans une petite cloche de verre , une quantité connue d'eau distillée et de limaille de fer , il se déga- gera peu à peu de l'air inflammable , le fer se Touillera , l'eau qui l'humecte diminuera et finira

( 143 ) par disparoître : le poids de l'air inflammable qui esc produit et l'augmentation en pesanteur du fer écjuivalent au poids de l'eau employée : il paroîr donc prouvé que l'eau s'est réduite en deux principes , dont l'un est l'air inflammable , et l'autre est le principe qui s'est combiné avec le métal j or nous savons que l'oxidation des métaux est due à l'air vital , par conséquent les deux substances produites , l'air vital et l'air inflammable , résultent de la décomposition de l'eau.

2°. En faisant passer de l'eau en vapeurs à travers un tube de fer rousi au feu, le fer s'oxide, et on obtient de l'hydrogène à l'état de gaz ^ l'augm.entation en poids du métal et le poids de l'hydrogène obtenu forment précisément la pesanteur de l'eau employée.

L'expérience faite à Paris , en présence d'une commission nombreuse de l'Académie , me parok ne plus laisser de doute sur la décomposition de l'eau.

On prit un canon de fusil dans lequel on introduisit du gros fil de fer aplati sous le marteau , on pesa le fer et le canon , on enduisit le canon avec un lut propre à le garantir du contact de l'air , il fut ensuite placé dans un fourneau et on l'inclina de manière que l'eau pût y couler j on plaça à son extrémité la plus élevée un entonnoir destiné à contenir l'eau- et à

( 144 ) iie la lâcher que goutte à goutte par le moyen d'un robinet , l'entonnoir étoit fermé pour éviter toute évaporation de l'eau ^ à l'autre extrémité du canon étoit placé un récipient tubulé destiné à recevoir l'eau qui passeroit sans se décomposer^ à la tubulure du récipient étoit adapté l'appareil pneumaro-chimique. Pour plus de précaution, on fit le vide dans tout l'appareil avant l'opération j enfin, dès que le canon fut rougi, on y introduisit l'eau goutte à goutte , on retira beaucoup de gaz hydrogène j et , l'expérience finie , le canon eut acquis du poids , les bandes de fer qui éroient dedans fi.irent converties en une couche d'oxide de fer noir ou d'éthiops martial cristallisé comme la mine de fer de l'isle d'Elbe ç, on s'assura que le fer étoit dans le même état que celui qui est brûlé dans le gaz oxigène, et l'augmentation du poids du fer plus celui de l'hydrogène formèrent exactement celui de l'eau employée.

On brûla le gaz hydrogène obtenu avec une quantité d'air vital égale à celle qui avoit été rete- nue par le fer , et on recomposa les 6 onces d'eau.

3 °. MM. Lavoisier et de Laplace , en brûlant dans un appareil convenable un mélange de 14 parties de gaz hydrogène et de 86 oxigène , ont obtenu une quantité d'eau proportionnée. M. Monges obtenoit les mêmes résultats à Mezière dans le même temps.

L'expérience la plus concluante , la plus

authentique

( 145 ) authentique qu'on ait faire sur la composition ou la synthèse de l'eau , est celle qui a été com- mencée le mardi 23 Mai , et terminée le samedi 7 Juin 1788 au Collège royal, par M. Lefivre de Gineau.

Le volume du gaz oxigène consommé , réduit à la pression de 28 pouces de mercure à la température de 10 degrés thermomètre de Réau- mur^ étoit de 35085 pouces cubes, et son poids de 254 gros 10 , 5 grains.

Le volume du gaz hydrogène étoit de 749^7, 4 pouces cubes, et le poids 66 gros 4,3 grains.

Le gaz nitrogène et lacide carbonique qui étoient mêlés avec ces gaz et qu'on a tirés du récipient en neuf reprises , pesoient 3 9,2 3 grains.

Le gaz oxigène contenoit -- de son poids acide carbonique -^ ainsi le poids des gaz brûlés étoit de 280 gros 63,8 grains, ce qui fait 2 livres 3 onces o gros 63,8 grains.

Les vaisseaux ont été ouverts en présence de MM. de l'Académie des Sciences et de plusieurs autres savans , et on a trouvé 2 livres 3 onces o gros 3 3 grains d'eau : ce poids répond à celui des gaz employés , à 3 t grains près ; ce déficit peut provenir du calorique qui tient les gaz en disso- lution , qui se dissipe lorsqu'ils se fixent , et doit nécessairement occasionner une perte.

L'eau étoit acidulé au goût , et a donné 27

K

C 14^ )

^ràîns-^ acide nitrique , lequel acide est produit par la combinaison des gaz nitrogène et oxigène. D'après l'expérience de la décomposition de l'eau, 100 parties de ce fluide contiennent, Oxigène. . . 84,2636 izf 84-

Hydrogène. . 15,7364:^15- D'après l'expérience de la composition , 100 parties d'eau contiennent ,

Oxigène. . . 84,8 :r 84 1

Hydrogène. . 15,2:1: 15!.

Indépendamment de ces expériences d'analyse et de synthèse , les phénomènes que nous pré- sente l'eau dans ses divers états confirment nos idées au sujet des principes constituans que nous lui reconnoissons : l'oxidation des métaux dans l'intérieur de la terre et à l'abri de l'air atmos- phérique , l'efflorescence des pyrites et la for- mation des ochres sont des |)hénomènes inexr plicables sans le secours de cette théorie.

L'eau étant composée de deux principes cori- nus doit agir, comme les autres corps composés que nous connoissons , en raison des affinité? de ses principes constituans ^ elle doit donc céder tantôt l'hydrogène, tantôt l'oxigène.

Si on la met en contact avec des corps qui aient la plus grande affinité avec l'oxigène , tels que les métaux , ies huiles , le charbon , etc. le principe oxigène s'unira à ces substances , et

( 147 ) ^ riiydrogène devenu libre se dissipera-,' c^iest Ce ^liî arrive lorsqu'on dégage le gaz hydrogène en faisant agir les acides sur quelques métaux , ou lorsqu'on plonge un fer incandescent dans l'eau , comme l'ont observé MM. Hassenfrati ^ Stoulfi et ci' HsLlancourt,

Dans les végétaux , au contraire , il paroît que c'est l'hydrogène qui se fixe , tandis que l'oki- gène est facilement poussé au dehors.

SECTION HUITIÈME,"

Des combinaisons duga^nitrogène ,' t^.'ûvec le ga^ hydrogène, 2^. avec des principes terreux y formant les alkalis.

Il paroît démontré , que la combinaison gaz nitrogène avec l'hydrogène forme une des substances comprises dans la classe des alkalis 5 il est très-probable, que les autres sont composés de ce même gaz et d'une base terreuse : c'est «d'après ces considérations que nous avons cru devoir placer ici ces substances j et nous nous y sommes déterminés avec d'autant plus de raison que la connoissance des alkalis est in- dispensable et nécessaire pour pouvoir procéder avec ordre dans un cours de chimie , attendu que ce sont les réactifs \qs plus employés et qu3 leurs combinaisons et leurs usages se présentent

K i

( 148 ) à chaque pas dans les phénomènes de la nature et des arts.

On est convenu d'appeller alkali toute subs- tance caractérisée par les propriétés suivantes.

A. Saveur acre , brûlante , urineuse.

B. Propriété de verdir le syrop de violette , mais non la teinture de tournesol comme l'an- noncent certains auteurs.

C. Vertu de former du verre quand on le fond avec des substances quartzeuses.

£>. Faculté de rendre les huiles miscibles à l'eau , de faire effervescence avec quelques acides , •et de former des sels neutres avec tous.

J'observerai qu'aucun de ces caractères n'est rigoureux et exclusif, et que par conséquent aucun n'est suffisant pour donner certitude sur l'existence d'un alkali -^ mais la réunion de plu- sieurs forme , par ce concours , une masse de preuves ou d'inductions qui nous conduisent jusqu'à l'évidence.

On divise les alkalis , en alkalis fixes et alkalis volatils : c'est sur l'odeur de ces substances qu'est établie cette distinction 3 les uns se réduisent aisé- ment en vapeur , et répandent une odeur très- piquante , tandis que les autres ne se volatilisent même pas au foyer du miroir ardent , et n'exha- lent aucune odeur bien caractérisée.

( 149 ) CHAPITRE PREMIER.

Des alhalis fixes.

On connoît jusqu'ici d eux espèces d'alkalls fixes j l'un qu'on appelle alkali végétal ou po- tasse , l'autre alkali minéral ou soude,

ARTICLE PREMIER.

De r alkali végétal , ou potasse,

L'alkali peut s'extraire de diverses substances : et comme il est plus ou moins pur, selon qu'il est fourni par telle ou telle substance , on en a fait dans le commerce plusieurs variétés aux- quelles on a affecté ditférens noms qu'il est in- dispensable de connoître : le chimiste pourra confondre dans ses écrits toutes ces nuances sous une seule dénomination générale ^ mais les dis- tinctions que l'artiste a établies sont fondées sur une suite d'expériences qui ont prouvé que les vertus de ces divers alkalis étoient très-différentes , et cette variété constante dans les effets me paroît justifier les diiférentes dénominations qu'on a assignées.

1°. L'alkali extrait de la lessive des cendres de bois est connu sous le nom de salin ,• le

K.3

( I50 ) salin calciné et débarrassé par ce moyen de tous les principes qui le noircissent forme la potasse.

Les cendres sont plus ou moins riches en alkali , selon la nature du bois qui les fournit j en général les bois durs en contiennent le plus : les cendres de bois de hêtre en donnent de 1 1 à 1 3 livres par quintal , d'après des expériences en grand que j'ai fait faire à St. Sauveur -^ celles de buis m'en ont fourni 12 à 14 livres. On peut consulter le tableau qu'ont dressé MM. les Administrateurs généraux des poudres et salpêtres sur la quantité de potasse qui leur a été fournie par la com-bustion de plusieurs plantes : ils ont employé 40C0 livres de chaque à leurs diverses expériences.

Pour extraire cet alkali , il suffit de lessiver \qs cendres et de rapprocher la dissolution dans des chaudières de fer de fonte ^ c'est par rap- port à l'alkali qu'on emploie les cendres dans les lessives qu'on fait pour blanchir le linge , l'usage de lalkali dans ce cas est de se combiner avec les substances graisseuses et de les rendre solubles dans l'eau.

Presque toute la potasse vendue dans le com- merce pour le service de nos verreries , de nos savonneries , de nos blanchisseries , etc. est fa- briquée dans le nord l'abondance du bois permet de l'exploiter pour ce seul usage. On pourroit établir avec économie de semblables

r T5T )

atteliers dans les forêts de notre Royaume , maïs il y a plus à faire qu'on ne l'imagine pour tourner nos habitans des montagnes vers ce genre d'in- dustrie^ j'en ai acquis la preuve par des tentatives et des sacrifices assez considérables que j'ai faits pour assurer cette ressource aux coinmunautés voisines des forêts de Laigoaal et de Lesperou: les calculs rigoureux que j'ai faits m'ont néanmoins démontré que la potasse ne revenoit qu'à 15 ou 1 7 liv. le quintal , tandis que nous achetons celle du nord 30 ou 40 liv.

2°. La lie de vin se réduit presque toute en alkali par la combustion , et on appelle cet alkali cendres gravelées : il a presque toujours une cou- leur verdâtre : on regarde cet alkali comme très-pur.

3°. La combustion du tartre du vin fournit aussi un alkali assez pur : on le brûle ordinairement dans des cornets de papier qu'on trempe dans l'eau et qu'on expose sur les charbons ardens : pour le purifier on dissout dans l'eau le résidu de la combustion , on rapproche la dissolution sur le feu , on sépare les sels étrangers à mesure qu'ils se précipitent , et on obtient un alkali très-pur qu'on connoît sous le nom de sel de tartre.

Pour me procurer le sel de tartre plus promp- tement et avec plus d'économie , j'embrase un mélange de parties égales de nitrate de potasse

( 15^ ) et de tartre , je lessive le résidu et obtiens du

beau sel de tartre.

Le sel de tartre est l'alkali le plus employé pour les usages de la Médecine , et on l'ordonne à la dose de quelques grains.

4°. Si on fait fuser le salpêtre sur les char- bons , l'acide se décompose et se dissipe , l'alkali reste seul et à nud j c'est ce qu'on appelle alkali extemporanc.

Lorsque l'alkali végétal a été ramené à son plus grand degré de pureté , il attire l'humidité de l'air et se résout en liqueur j c'est cet état qui est connu sous le nom très-impropre d'huile de tartre par défaillance , oleum tartari pcr deliquium,

ARTLCLE SECOND.

De V alkali minéral , ou soude,

L'alkali minéral a reçu ce nom , parce qu'il fait la base du sel marin.

On retire celui-ci des plantes marines par la combustion : à cet effet, on forme des amas de ces plantes salées , on creuse , à côté de ces tas , une fosse ronde qui s'élargit vers le fond , et qui a trois ou quatre pieds de profondeur ^ c'est dans ce foyer qu'on brûle ces végétaux : la com- bustion se continue sans interruption pendant

( 153 ) plusieurs jours; et, lorsque toutes les plantes sont brûlées , on trouve une masse de sel alkali qu'on coupe en morceaux pour en faciliter la vente et le transport ; c'est ce qui est connu sous le nom de pierre de soude ou soude.

Toutes les plantes marines ne donnent pas la même qualité de soude : la barille d'Espagne fournit la belle soude d'Alicante ; je me suis assuré qu'on peut la cultiver sur nos bords de la méditerranée avec le plus grand succès ; cette culture intéresse essentiellement les arts et le commerce, et le gouvernement devroit encou- rager ce nouveau genre d'industrie : le particulier le plus dévoué au bien public fera de vains efforts pour nous approprier ce commerce , s'il n'est puissamment secondé parle gouvernement, parce que le ministère Espagnol a défendu la sortie de la graine de barille sous les peines les plus graves. Nous cultivons en Languedoc et en Pro- vence , sur les bords de nos étangs , une plante connue sous le nom de salicor et qui fournit une soude de bonne qualité f, mais les plantes qui croissent sans culture produisent une soude inférieure ; j'ai fait une analyse rigoureuse de chaque espèce : on peut en voir les résultats à l'article verrerie de F Encyclopédie méthodique.

On débarrasse l'alkali minéral de tous les sels étrangers , en le faisant dissoudre dans l'eau , et séparant les divers sels à mesure qu'ils se pré-

( 154 ) çipitent: les dernières portions de liqueur rappror chées donnent la soude qui crystallise en octaèdres rhomboïdaux.

L'alkali minéral est quelquefois natif; on le trouve en cet état en Egypte , il est connu sous le nom de natron : les deux lacs de na- tron décrics par Sicard et M. Volney sont situés dans le désert de Chaïat ou de St, Macaire , à l'ouest du Delta \ leur lit est une fosse naturelle de trois à quatre lieues de long sur un quart de licue de large , le fond en est solide et pierreux , il est sec pendant neuf mois de l'année , mais en hiver il transude de la terre une eau d'un rouge violet qui remplit le lac à cinq ou six pi(?ds de hauteur , le retour des chaleurs l'éva- poré, et il reste une couche de sel épaisse de deux pieds, et que l'on détache à coups de barres de fer^ on en retire jusqu'à 3 6,000 quintaux par an. M. Proust a trouvé du natron sur les schistes qui forment les fondemens de la ville A' Angers j le même Chimiste en a trouvé sur une pierre de moellon de la salpétrière de Paris.

L'alkali minéral diffère du végétal en ce que , j^. il est moins caustique ^ 2°. il effleurit à Fair, bien-loin d'en attirer l'humidité^ 3°. il crys- tallise en octaèdres rhomboïdaux ^ 4°. il forme des produits différens avec hs mêmes bases ^ 5^. il est plus propre à la vitrification.

Les alkalis existent-ils tous formés dans les

( 155 ) végétaux , ou sont-ils le produit des diverses opé- rations qu'on fait pour les en extraire? Cette ques- tion a partagé les Chimistes. Duhamel et Grosse ont prouvé en 1732. l'existence de l'alkali dans la crème de tartre , en la traitant par les acides nitrique , sulfurique , etc. Margraaf en a donné de nouvelles preuves dans un mémoire qui forme le XXV de sa collection. Rouelle lut un mémoire à l'Académie le 14 Juin 1769 sur le même sujets il assure même que cette vérité lui étoit connue avant que l'ouvrage de Margraaf eut paru. Voyez le journal de phy?. t. i in-^.

P.ouelle et M. le Marquis de B. d'ion ont prouvé que le tartre existoit dans le moût.

Il ne faut pas conclure de l'existence de l'alkali dans les végétaux , qu'il y est à nud ^ il s''y trouve combiné av2C des acides , des huiles, etc.

Les alkalis , tels que nous venons de les faire connoître , lors même que par des dissolutions, jBltrations et évaporations convenables on \qs a débarrassés de tout mélange , ne sont pas pour cela à ce degré de pureté et de nudité qui de- vient nécessaire dans beaucoup de cas ; ils sont presque à l'état des sels neutres par leur com- binaison avec l'acide carbonique : lorsqu'on veut dégager cet acide , on dissout l'alkali dans l'eau et on fait éteindre de la chaux vive dans la dis- solution , celle-ci s'empare de l'acide carbonique de l'alkali , et lui donne son calorique en échange.

( 15^ ) Nous suivrons les circonstances de cette opération, lorsque nous aurons occasion de parler de la chaux.

L'alkali ainsi privé d'acide carbonique ne fait plus efFervescence avec les acides ^ il est plus caustique , plus violent , s'unit plus aisément au<x huiles y et on l'appelle alkali caustique , potasse pure, soude pure.

Cet alkali évaporé et rapproché jusqu'à siccité forme ce qu'on connoît sous le nom de pierre â cautère , potasse fondue , soude fondue. La vertu corrosive de la pierre à cautère dépend sur-tout de l'avidité avec laquelle elle se saisit de l'humidité et tombe en deliquium.

L'alkali caustique , tel qu'on le prépare , con- tient toujours une petite quantité d'acide car- bonique , de silice , de fer , de chaux , etc. M. Berthollet a proposé le moyen suivant pour le purifier : il rapproche la lessive caustique jusqu'à lui donner un peu de consistance , la mêle avec l'alkool , et en retire une partie par la distillation \ la cornue refroidie , il trouve des crystaux mêlés à une terre noirâtre dans un peu de liqueur de couleur foncée qui est sépa- rée de l'alkool de potasse qui surnage comme une huile. Ces crystaux sont l'alkali saturé d'acide car- bonique 7 ils sont insolubles dans l'esprit de vin. Le dépôt est form.é de silice, de chaux , de fer , etc.

( T57 )

L'alkool d'alkali caustique très-pur surnage la dissolution aqueuse qui contient l'alkali ef- fervescent fi si on rapproche au bain de sable l'alkool d'alkali , il s'y forme des crystaux trans- parens qui ne sont que l'alkali pur ^ ces crys- taux paroissent formés par des pyramides qua- drangulaires implantées les unes dans les autres 5 ils sont très-déliquescents , se dissolvent dans l'eau et l'alkool , et produisent du froid par leur dissolution. Voyez journal de phys. 1786, p. 401.

Les alkalis dont nous venons de parler se combinent aisément avec le soufre.

On peut opérer cette combinaison, 1°. par la fusion de parties égales d'alkali et de soufre 5 2.°. en faisant digérer l'alkali pur et liquide sur le soufre , l'alkali devient d'un jaune rou- geâtre.

Ces dissolutions de soufre par l'alkali sont connues sous les noms de foies de soufre , sul- fures d'alkali^ etc.

L'odeur qu'elles exhalent est puante et sent les œufs pourris , c'est ce gaz puant qu'on appelle ga:^ hépatique , etc.

On peut précipiter le soufre par les acides , et il en résulte ce qu'on trouve dans les anciens écrits sous les dénominations de lait de soufre et de magistère de soufre.

Ces sulfures dissolvent les métaux : l'or lui-

( I5S ) même peut y être tellement divisé qu'il passe par les filtres. Stalh a supposé que Moyse s'étoit servi de ce moyen pour faire boire le veau d or aux Israélites.

Quoique l'analyse des deux alkalis fixes ne soit pas rigoureuse , plusieurs expériences nous portent à croire que le nitrogène en est un des principes : M. Thouvenel , ayant exposé de la craie lessivée aux exhalaisons des substances animales en putréfaction , a obtenu du nitrate de potasse ^ j'ai répété l'expérience dans une chambre close de six pieds en quarré^ 25 livres de craie bien lavées dans l'eau chaude et ex- posées aux exhalaisons du sang de bœuf en putréfaction pendant onze mois , m'ont fourni neuf onces nitrate de chaux rapproché à siccité , et trois onces un gros de crystaux de nitrate de potasse.

La distillation réitérée des savons les décom- pose et fournit de l'ammoniaque ^ or l'analyse de ce dernier par M. Bcrthollet , y a démontré l'existence du gaz nitrogène comme principe constituant : il y a donc lieu de présumer que le gaz nitrogène est un des principes des alkalis.

L'expérience de M. Thouvenel et les miennes me portent à croire, que ce gaz combiné avec la chaux forme la potasse , tandis que son union avec la magnésie forme la soude : ce dernier

(159) sentiment est appuyé sur les expériences , i**» de M. Dehne qui a retiré la magnésie de ia soude, nouvel, chimiq. de Crell. ^ pag. 53 5 publie en 178 1 ^ 2°. de M. Deyeux qui a obtenu de semblables résultats même antérieurement à M. Dehne ; 3°. de M. Lorgna qui a retiré beaucoup de magnésie, en dissolvant, évaporant et calcinant la soude à plusieurs reprises. Jour-' nal de Physique , Décembre 1787. M. Osburg a confirmé ces diverses expériences en 1785.

CHAPITRE SECOND.

De Uammoniaque , ou alkali volatil.

Jusqu'ici nos recherches ne nous ont présenté qu'une seule espèce d'alkali volatil : la formation en paroît due à la putréfaction ^ et si ia distil- lation de quelques schistes nous la présente , c'est que leur origine est assez généralement attribuée à la décomposition végétale et animale 5 nous retrouvons assez fréquemment l'empreinte des poissons qui dépose en faveur de cette opi- nion : quelques plantes fournissent aussi de l'ai- kali volatil , et c'est à raison de ce phénomène qu'on les a appelées des plantes animales. Mais ce sont sur-tout les animaux qui fournissent de l'ammoniaque : la distillation de toutes leurs parties en donne assez abondamment ^ mais les

( I^O )

cornes sont celles qu'on emploie de préférence , et elles se résolvent presqu'en entier en huile et alkali volatil. La putréfaction de toutes les substances animales produit de l'alkali volatil ; et dans ce cas , de même que dans la distillation , il se forme par la combinaison des deux prin- cipes qui le constituent ^ car l'analyse ne démon- tre très-souvent aucun alkali formé dans les parties la distillation et la putréfaction en produisent abondamment.

Presque tout l'alkali volatil dont on fait usage dans le commerce et dans la médecine est fourni par la décomposition du sel ammoniac. C'est même à raison de cela que les Chimistes qui ont rédigé la nouvelle nomenclature ont con- sacré l'alkali volatil sous le nom à' ammoniaque.

Pour obtenir l'ammoniaque bien pure , on mêle parties égales de chaux vive tamisée et de muriate d'ammoniaque bien pilé , on introduit de suite le mélange dans une cornue à laquelle on adapte un récipient et l'appareil de JVoulfy on distribue dans les flacons une quantité d'eau pure correspondante au poids du sel employé , on lutte les jointures des vases avec \qs luts ordinaires : l'ammoniaque se dégage à l'état de gaz , à la première impression du feu , elle se combine à l'eau avec chaleur ; et lorsque l'eau du premier fiacon est saturée , le gaz passe dans celle du second et la saoule à son tour.

L'alkali

( i6i )

L'alkali volatil s'annonce par une odeur très- violente sans être désagréable , il se réduit aisé- ment à l'état de gaz et conserve cette forme à la température de l'atmosphère : on peut obtenir ce gaz en décomposant le muriate d'ammoniaque par la chaux vive et recevant le produit dans l'appareil au mercure.

Ce gaz alkalin tue les animaux et leur corrode la peau. L'irritation est telle que j'ai vu survenir des empoules sur tout le corps de quelques oiseaux que j'avois exposés à son atmosphère.

Ce gaz est impropre à la combustion -^ mais si on y plonge doucement une bougie , la flamme s'aggrandit avant de s'éteindre , et le gaz se décompose. Il est plus léger que l'air atmos- phérique : on l'a même indiqué, à raison de cette légèreté , pour remplir des ballons :, M. le Comte de Milly avoit proposé de placer un réchaud sous le ballon pour entretenir le gaz dans le plus grand degré d'expansibilité.

Les expériences de M. Prîestley qui , par le moyen de l'étincelle électrique , avoit changé le gaz alkalin en gaz hydrogène ; celles de M. le Chevalier Landriani qui , en faisant passer le même gaz à travers des tubes de verre rougis , en avoit retiré beaucoup de gaz hydrogène , avoient fait soupçonner l'existence de l'hydrogène parmi les principes du gaz alkalin : mais les expériences de M. BerthoLLu ont éclairci nos

L

( i^O

doutes à ce sujet , et toutes les observations paroissent se réunir pour nous autoriser à regar- der cet alkali comme composé de gaz nitrogène et hydrogène.

1°. Si on mêle de l'acide muriatique oxigcnc avec de l'ammoniaque bien pure , il y a eiïer- vescence , dégagement de gaz nitrogène , pro- duction d'eau et conversion de l'acide oxigéné en acide muriatique ordinaire : dans cette belle expérience , l'eau qui se produit se forme par la combinaison de l'hydrogène de l'alkali et de l'oxigène de l'acide j le gaz nitrogène devenu libre se dissipe.

2°. En distillant du nitrate d'ammoniaque , on retire du gaz nitrogène , et on trouve dans le récipient plus d'eau que n'en contient le sel employé ; il n'existe plus d'ammoniaque après l'opération , l'eau du récipient e^t légèrement chargée d'un peu d'acide nitrique qui a passé : dans ce cas , l'hydrogène de l'alkali et l'oxi- gène de l'acide forment l'eau du récipient , tandis que le gaz nitrogène s'échappe.

3°.- Si on chauffe des oxides de cuivre ou d'or avec le gaz ammoniac , on obtient de l'eau et du gaz nitrogène et les métaux sont réduits.

J'ai observé que des oxides d'arsenic mis à digérer avec de l'ammoniaque se réduisoient et formoient même souvent des octaèdres d'arsenic : il y a dans ce cas dégagement de gaz nitrogène et formation d'eau.

^ ^^5 )

4*^. Il arrive très-souvent qu'en faisant dissou- dre des métaux , tels que le cuivre ou l'érain , par le moyen.de l'acide nitrique , il y a absorp- tion d'air et non dégagement du gaz nitreux qu'on ^ttendoit : j'ai vu plusieurs personnes très- embarrassées dans des cas semblables , et je l'ai été souvent moi-même ^ ce phénomène a lieu sur-tout quand on emploie de l'acide concentré et du cuivre en lim.aille très-fine. Dans ce cas il se produit de l'ammoniaque -^ j'en avois rendu mes auditeurs témoins long-tem.ps avant que je connusse la théorie de sa formation : ce qui me porta à soupçonner son existence , c'est la cou- leur bleue que prend la dissolution dans ce cas : cette ammoniaque est produite par la combi- naison de l'hydrogène de l'eau avec le gaz nitro- gène de l'acide nitrique , tandis que l'oxigène du même acide et celui de l'eau oxident le métal et préparent sa dissolution ^ c'est à une semblable cause que nous devons rapporter l'ekpérience de M. Jean-Michel Haus.miann de Colmar qui, en faisant passer du gaz nitreux à travers une certaine quantité de précipité de fer dans l'ap- pareil au mercure , a vu que ce gaz étoit promp- tement absorbé et la couleut du fer changée , et on trouva dans les vases de la vapeur d'am- moniaque.

C'est d'après une semblable théorie que nous pou\cns concevoir la formation du giz aikalin

L 2.

( i64 ) par le mélange du gaz hépatique et du gaz nitreux sur du mercure. Observation de M. Kirwan.

M. Austin a formé de l'ammoniaque , mais il a observé que la combinaison du gaz nitrogène avec la base de l'hydrogène ne se faisoit que lorsque celui-ci est très-condensé.

La formation de l'ammoniaque par la distil- lation et la putréfaction me paroît encore indi- quer quels sont les principes qui la constituent : en effet , dans l'une et l'autre de ces opérations , il y a dégagement de gaz hydrogène et nitrogène, et leur combinaison produit l'ammoniaque.

M. Berthollet a prouvé par voie de décom- position, que looo parties d'ammoniaque en poids étoient composées d'environ 807 gaz nitrogène et 193 hydrogène. Voye\ le Recueil de r Académie , année 1784 , pag. 31 (5.

Suivant M. Austin le gaz. nitrogène est à l'hydrogène : : 121 : 32.

SECTION NEUVIÈME.

De la combinaison de Voxigène avec certaines bases formant des acides.

Il paroît hors de doute que les corps que nous sommes convenus d'appeler acides sont la com- binaison de l'air vital avec une substance élé- mentaire.

( 1^5 )

L'analyse de presque tous les acides dont les principes sont connus établit cette vérité d'une manière positive ; et c'est à raison de cette propriété qu'on a assigné à l'air vital la dénomi- nation de ga:^ oxigène.

On appelle acide toute substance caractérisée par les propriétés suivantes.

A. Le mot aigre , employé généralement pour désigner l'impression ou la sensation vive et piquante que font certains corps sur la langue , peut être regardé comme synonyme du mot acide : la seule différence qu'on puisse établir entr'eux , c'est que l'un désigne une sensation foible , tandis que l'autre comprend tous les degrés de force depuis la saveur la moins déve- loppée jusqu'à la causticité la plus marquée : on dira , par exemple , que la saveur du verjus , de l'oseille , du citron est aigre , mais on se servira du mot acide pour exprimer l'impression que font sur la langu-2 les acides nitriques , sul« furiques , muriatiques , etc.

Il paroît que c'est la tendance très-marquée à la combinaison qu'ont les acides qui déter- mine leur causticité : c'est d'après cette propriété que l'immortel Newton les a définis des corps qui attirent et sont attirés.

C'est encore d'après elle que quelques Chi- mistes ont supposé les acides munis de pointes.

C'est par rapport à cette affinité marquée

L3

( i66 ) qu'ont ies acides avec les divers corps , que nous ne les trouvons que rarement à nud.

B. Une seconde propriété des acides , c'est de changer en rouge quelques couleurs bleues végétales , telles que celles de tournesol , du sirop de violette , etc. on se sert assez généra- lement de ces deux réactifs pour reconnoître leur présence.

On prépare la teinture de tournesol, en faisant infuser légèrement dans l'eau ce qui est connu dans le commerce sous le nom de tournesol i si l'eau est trop chargée du principe colorant , l'infusion est violette , et il faut alors l'affoiblir avec de l'eau pour lui donner la couleur bleue : la teinture de tournesol exposée au soleil y devient rouge , m.ême dans les vaisseaux fermés ^ et, quelque temps après, la partie colorante se dégage et se précipite en une matière mucilagineuse décolorée. On peut employer l'alkool à la place de l'eau pour préparer cette teinture.

On croit assez généralement que le tournesol fabriqué en Hollande , nQ.?,x. que la partie colo- rante extraite des chiffons ou drapeaux de tour- nesol du Gyand-G alargue s , et précipitée sur une terre marneuse: ces chiffons se préparent, en \z% imprégnant du suc de morelle ^ et les exposant à la vapeur de l'urine qui y développe Ja couleur bleue : ces drapeaux sont envoyés en Hoiiii.ide 5 et c'est ce qui a fait croire cju'on les

( 1^7 ) employok à la fabrication du tournesol ^ mais 025 recherches ultérieures m'ont appris que ces drapeaux étoient adressés à des Marchands de fromage , que ceux-ci en tiroient la couleur par l'infusion et en la voient leurs fromages pour î-ur donner une couleur rouge. Je me suis convaincu par l'analyse du tournesol , que le principe colo- rant étoit de la même nature que celui de ïorseille , et que ce principe étoit fixé sur une terre calcaire et une petite quantité de potasse : d'après cette analyse , j'ai essayé de faire fer- menter le liken parcllas d'Auvergne , avec l'urine, la chaux et l'alkali , et j'ai obtenu une pâte semblable au tournesol : l'addition de l'alkali me paroîtnécessairepour empêcher le développe- ment de la couleur rouge , qui combinée avec le bleu forme le violet de l'orseille.

Pour essayer un acide concentré avec le sirop de violette , il y a deux observations à faire , 1°. le sirop de violette est souvent verd , parce que la pétale de la violette contient une partie jaune à la base , qui combinée avec le bleu fournit cette couleur ; il est donc essentiel de n'employer que le bleu de la pétale pour avoir une belle infusion bleue ; 2°. il faut avoir la précaution d'étendre et de délayer le sirop avec une certaine quantité d'eau , sans cela les acides concentrés , tels que le sulfurique , le brûlent et Ibrment un charbon.

( 1^8 )

On peut employer la simple infusion de vio- lettes à la place du sirop.

La partie colorante de V indigo n'est pas sen- sible à l'impression des acides , le sulfurique le dissout sans en altérer la couleur.

C. Un troisième caractère des acides , c'est de faire effervescence avec les alkalis ^ mais cette propriété n'est pas générale , i°. parce que l'acide carbonique et presque tous les acides foibles ne peuvent pas se reconnoître à cette propriété j "2°. parce que les alkalis les plus purs se com- binent paisiblement et sans effervescence avec les acides.

N'y a-t-il qu'un seul acide dans la nature , dont les autres ne soient que des modifications?

Paracelse avoit admis un principe acide uni- versel , qui communiquoit à tous sqs composés la saveur et la dissolubilité.

Bêcher crut que ce principe étoit composé d'eau et de terre vitrifiable.

Stalh a essayé de prouver que l'acide sulfu- rique étoit l'acide universel , et son sentiment a été celui de presque tous les Chimistes pen- dant long-temps.

Meyer soutint long-temps après que l'élément acide étoit le causticum contenu dans le feu j ce système fondé sur quelques faits connus a eu des partisans.

Le Chevalier Landriani a cru être parvenu à

( 1^9 )

ramener tous les acides à l'acide carbonique , parce qu'en les traitant tous de diverses manières il obtenoit ce dernier pour résultat constant de ses analyses : il a été induit en erreur , en ce qu'il n'a pas fait assez d'attention , à la décom- position des acides qu'il employoit , et à la com- binaison de leur oxigène avec le carbone des corps dont il se servoit dans ses expériences , ce qui lui produisoit l'acide carbonique.

Enfin , l'analyse et la synthèse rigoureuses de la plupart des acides connus , ont prouvé à M. Lavoisier que l'oxigène formoit la base de tous , et que leurs différences et leurs variétés ne pro- venoient que de la substance avec laquelle ce principe commun étoit Combiné.

L'oxigène uni aux métaux forme les oxides 5 et , parmi ces derniers , il en est qui ont des propriétés acides et sont classés parmi eux.

L'oxigène combiné avec des corps inflamma- bles , tels que le soufre , le carbone , les huiles y forme d'autres acides.

L'action des acides sur tous les corps, ne peut se concevoir qu'en partant des données que nous venons d'établir sur la nature de leurs prin- cipes constituans.

L'adhésion de l'oxigène à la base est plus ou moins forte dans les divers acides , conséquem- ment leur décomposition est plus ou moins facile ^ ainsi , par exemple , dans les dissolutions métal-

i 170 )

lîques , qui n'ont lieu que lorsque le métal est à letat d'oxide , l'acide , qui cédera son oxigène avec le plus de facilité pour oxider le métal , aura sur lui l'action la plus énergique j de vient que l'acide nitrique et l'acide nitro-muria- tique sont ceux qui dissolvent le plus aisément ^ de vient encore que l'acide muriatique dissout plus facilement les oxides que les métaux , et que l'acide nitrique fait l'inverse j de vient que ce dernier agit si puissamment sur les huiles , etc.

Il est impossible de concevoir et d'expliquer les divers phénomènes que nous présentent les acides dans leurs opérations , si on n'en connoît les principes constituans : Stahl n'auroit point cru à la formation du soufre , s'il avoit suivi la décomposition de l'acide sulturique sur le char- bon ^ et , à l'exception des combinaisons des acides avec les alkalis et avec quelques terres , ces substances se décomposent en tout ou en partie dans toutes les opérations qui se font sur les m.étaux , les végétaux et les animaux , comme nous le verrons en observant les divers phéno- mènes qui se présentent dans tous ces cas.

Nous ne parlerons en ce moment que de quelques acides^ nous nous occuperons des autres , à mesure que nous traiterons des diverses subs- tances qui les fournissent : nous nous occuperons ici de préférence de ceux qui sont les plus can-

( 171 ) nus , et qui jouent le plus grand rôle dans les

opérations de la nature et dans celles de nos

laboratoires.

CHAPITRE PREMIER.

De Vacide carbonique.

Cet acide est presque toujours à l'état de gaz : nous trouvons que les anciens en avoient quelques connoissances. Van-Helmont l'appelloit ga7^ sil- vestre , ga7^du moût ou de La vendange : Bêcher lui-même en avoit une idée assez précise , comme il paroit par le passage suivant : a distinguitur aiitem iiiter fermentationem apertam et clau- sam ; in apertâ potus fermentatus sanior est , scd fortior in clausâ , causa est quod evapo- rantia rarefacta corpuscula , imprimis magna adhuc silvestrium spirituum copia , de quihus antea egimus , retineatur et in ipsum potum se précipiter unde valde eum fortcni reddit. »

Hoffmann avoit attribué la vertu de la plu- part des eaux minérales à un esprit élastique qui y étoit contenu. M. Venel, célèbre Professeur des Écoles de Montpellier , a prouvé en 1750 , que les eaux de Seltz dévoient leur vertu à de Tair surabondant.

En 1755 M. Black d'Edimbourg avança que la pierre à chaux contenoit beaucoup d'air diiTé-

( I70 rcnt de l'air ordinaire j il prétendit qiie le déga- gement de cet air constituoit la chaux , et qu'en lui redonnant cet air on régénéroit la pierre calcaire : en 1764 M. Macbride étaya cette doc- trine de nouveaux faits : M. Jacquin , Professeur à Vienne , reprit le travail , multiplia les expé- riences sur la manière d'extraire cet air , et ajouta de nouvelles preuves pour confirmer que Tabsence de cet air rendoitles alkalis caustiques et formoit la chaux : M. Priestley porta dans cette matière toute la clarté et toute la précision qu''on pouvoit attendre de son génie et de son habitude dans des travaux de cette nature , cette substance fut alors connue sous le nom d'air fixe. En 1772 Bergmann démontra que ce gaz étoit acide , et il l'appela acide aérien ; depuis ce Chimiste célèbre , on l'a désigné sous les noms d'acide méphitique , d'acide crayeux , etc. Et, dès qu'il a été prouvé que c'étoit la combi- naison de l'oxigène et du carbonne ou charbon pur, on lui a consacré le nom d'acide carbonique*

On trouve l'acide carbonique sous trois états diiFérens , i'^. sous celui de gaz ^ 2°. sous celui de mélange ,3°. sous celui de combinaison.

Il se présente à l'état de gaz , à la grotte du chien près de Naples , au puits de Pérols près de Montpellier , dans celui de Neyrac en Vivarais , sur la surface du lac Averne en Italie , et sur celle de plusieurs sources , dans

( 173 ) quelques souterrains , tels que les tombeaux , les

caves , les fosses d'aisance , etc. il se dégage sous

cette forme , par la décomposition des végétaux

entassés , par la fermentation de la vendange ou

de la bière , par la putréfaction des matières

animales , etc.

Il est à l'état d'un simple mélange dans les eaux minérales , puisqu'il y jouit de toutes ses propriétés acides.

Il est dans un état de combinaison , dans la pierre à chaux , la magnésie ordinaire , les alka- lis , etc.

On emploie divers procédés pour le recueillir, selon qu'il se présente dans tel ou tel état.

1°. Lorsque l'acide carbonique est à l'état de gaz, on peut le recueillir, i°. en remplissant une bouteille d'eau et la vidant dans l'atmosphère de ce gaz , l'acide prend la place de l'eau , et on bouche tout de suite la bouteille pour retenir ce gaz j 2.°. en exposant dans son atmosphère de l'eau de chaux , des alkalis caustiques , ou même de l'eau pure j cet acide gazeux se mêle Gu se combine avec ces substances , et on peut l'en extraire ensuite par les réactifs dont nous parlerons dans le moment.

11°. Si l'acide carbonique est dans un état de combinaison on peut l'extraù-e , i°.par la distilla- tion à un feu violent;, 2°. par la réaction des autres acides , tels que le sulfurique qui a l'avantage de

C 174 ) n'être pas volatil , et conséquemment de ne pas altérer par son mélange l'acide carbonique qui se dégage.

IIP. Lorsque lacide carbonique est dan? l'état de simple mélange , comme dans l'eau , les vins mousseux , etc. on peut l'obtenir , i°. par l'agi- tation du liquide qui le contient , comme le pratiquoit M. Venel^ en se servant d'une bouteille à laquelle il adaptoit une vessie mouillée ^ 2°. par la distillation de ce même liquide. Ces deux premiers moyens ne sont point rigoureux \ 3°. le procédé indiqué par M. Gioanetti consiste à précipiter l'acide carbonique par le moyen de l'eau de chaux , on 'pèse le précipité et on en déduit les treize trente-deuxièmes pour la pro- portion dans laquelle l'acide carbonique s'y trouve : l'analyse a démontré à ce célèbre Méde- cin que 3 1 parties de carbonate de chaux con- tenoient 17 chaux, 2 eau et 13 acide.

Cette substance est acide , 1°. la teinture de tournesol agitée dans un flacon rempli de ce gaz devient rouge ^ 2°. l'ammoniaque versée dans un vase plein de ce gaz le neutralise^ 3°. l'eau im- prégnée de ce gaz est très-aigrelette -^ 4°. il neutralise les alkalis et les emmène à crystalli- sation.

Il nous reste à présent à examiner les prin- cipales propriétés de ce gaz acide.

A. Il est impropre à la respiration : l'histofre

( 175 > nous apprend que deux esclaves que Tibère fit descendre dans la grotte du chien furent étouifés sur le champ \ et deux criminels , que Pierre de Tolède vice-Roi de Naples y fit enfermer , eurent le même sort: TAbbé iVo/Z^/-, qui se hazarda à en respirer la vapeur , sentit quelque chose de suffoquant et une légère âcreté qui détermina la toux et l'éternuement. Pilatre du iîo:(/Vr, que nous retrouvons dans toutes les occasions il y a quelque danger à courir , se fit attacher par Ad'i cordes fixées à ses aisselles, et descendit dans l'atmosphère gazeuse d'une cuve de bière en fermentation ^ à peine fut-il entré dans la mo- fette que de légers picotemens le contraignirent à fermer les yeux \ une suffocation violente l'em- pêcha de respirer ^ il éprouva un étourdissement accompagné de ces bourdonnemens qui carac- térisèrent l'apoplexie \ et , lorsqu'on l'eut retiré , sa vue resta obscurcie pendant quelques minutes , le sang avoir engorgé les jugulaires, le visage étoic devenu pourpre , il n'entendoit et ne parloit que très-difficilement : tous ces symptômes dispa- rurent peu à peu.

C'est ce gaz qui a produit de si fâcheux ac- cidens , à l'ouverture des caveaux , dans les lieux l'on fait fermenter la vendange , le cidre , la bière , etc. Les oiseaux plongés dans le gaz acide carbonique y périssent subitement : le fameu3i.lac averne , Virgile a placé l'ba-

(I/O

trée des enfers, exhale une si grande quantité d'acide carbonique , que les oiseaux ne peuvent pas voler dessus impunément. Lorsque l'eau du houlidou de Perols est à sec , les oiseaux qui cherchent à se désaltérer dans les ornières sont enveloppés dans la vapeur méphitique et y pé- rissent.

Des grenouilles plongées dans l'atmosphère de l'acide carbonique y vivent 40 à 60 minutes en suspendant la respiration.

Les insectes s'y engourdissent , après quelque temps de séjour , et reprennent leur gaîté du moment qu'on les expose à l'air libre.

Bergmann a prétendu que cet acide sulïbquoit en éteignant l'irritabilité: il se fonde sur ce qu'ayant tiré le cœur d'un animal mort dans l'acide car- bonique avant qu'il fût refroidi , il ne donna aucun signe d'irritabilité. M. le Chevalier Landriani a été plus loin, car il a avancé que ce gaz ap- pliqué sur la peau éteignoit l'irritabilité , et a soutenu qu'en liant au col d'une poule une vessie pleine de ce gaz , de façon que la seule tête de l'animal fût dans l'air libre et tout le corps enveloppé dans la vessie , la poule périssoit sur le champ. M. l'Abbé Fontana a répété et varié l'expérience sur plusieurs animaux , et aucun n'en est mort.

M. le Comte Moro^^o a publié des expé- riences faites en présence du Docteur Cigmi ,

dont

i ^77 ) dont les résultats paroissent infirmer les consé- quences du cél. Bergmann ^ mais i\ est à ob- server , que le Chimiste de Turin n'a fait périr les animaux que dans Tair vicié par la mort d'un autre animal , et que le gaz nitrogène do- mine dans cette cïrconst^nce.V. Journal de phys,

t. 2.5 , /7. 112.

B. L'acide carbonique est impropre à la vé- gétation: M. Priestley ayant tenu les racines de plusieurs plantes dans l'eau imprégnée d'acide carbonique , a observé qu'elles y ont péri toutes ^ et si l'on voit végéter des plantes dans l'eau ou dans l'air ce gaz est contenu , c'est qu'il y est en petite quantité.

M. Sennebier a mêm.e observé que des plantes qu'on fait croître dans l'eau légèrement acidulée par ce gaz transpirent beaucoup plus de gaz oxigène , parce que , dans ce cas , cet acide se décompose , et le principe charbonneux se com- bine et se fixe dans le végétal , tandis que l'oxi- gène est poussé au dehors.

J'ai vu que les fungus qui se forment dans les souterrains se résolvoient presque en entier en acide carbonique:^ m.ais si on expose peu à peu ces végétaux à l'action de la lumière , la proportion de l'acide diminue, celle du principe charbonneux augmente , et le végétal se colore -^ j'ai suivi ces expériences avec le plus grand soin dans une mine de charbon.

H

( 17^ )

C. L'acide carbonique se dissout dans Tenu avec facilité : l'eau imprégnée de cet acide a des vertus précieuses pour la médecine , et l'on a inventé successivement plusieurs appareils pour faciliter ce mélange^ l'appareil de Nootk per- fectionné par Parker et Magellan est un des plus ingénieux. On peut consulter t Encyclopédie mé- thodique , art. acide méphitique.

Les eaux minérales naturelles acidulés ne dif- férent de celles-ci que par d'autres principes qu'elles peuvent tenir en dissolution j on peut les imiter parfaitement lorsque l'analyse en est bien connue , et il est absurde de croire que l'art ne puisse pas imiter la nature dans la composition des eaux minérales : il faut convenir que ses pro- cédés nous sont absolument inconnus dans toutes les opérations qui tiennent essentiellement à la vie 5 et nous ne pouvons pas nous flatter de l'imiter dans ces circonstances j mais , lorsqu'il est ques- tion d'une opération purement mécanique ou de la dissolution de quelques principes connus dans l'eau , nous pouvons et nous devons faire mieux qu'elle , puisqu'il nous est permis de varier les doses , et de proportionner la force d'une eau aux besoins et au but que l'on se propose.

D. Le gaz acide carbonique est plus pesant que l'air commun : le rapport que nous a indiqué M. Viirwan entre ces deux airs , par rapport à leur pesanteur ;, est celui de 45 , 69 à 68 , 743

( 179 ) le rapport qu'ont fourni les expériences de M. Lavoisier , est celui de 48 , 8i à 69 , 50.

Cette pesanteur le précipite dans les endroits les plus bas : c'est elle encore qui fait qu'on peut le transvaser , et déplacer, parce moyen , l'air atmosphérique. Ce phénomène vraiment curieux avoir été observé par M. de Sauvages , comme on peut le voir dans sa dissertation sur l'air -, couronnée à Marseille en 1750.

Il paroît prouvé par des expériences suffisantes que l'acide carbonique est une combinaison de carbone ou charbon pur et d'oxigène. 1°. Si on distille les oxides de mercure , ils se réduisent sans addition , et ne fournissent que du gaz oxi- gène j si on mêle à Toxide un peu de charbon, on ne retire que de l'acide carbonique , et le charbon diminue de poids ^ 2°. si on prend uil charbon bien fait , et qu'on le plonge tout al- lumé dans un flacon rempli de gaz oxigène , et qu'on bouche le vase dans le moment , le char- bon brûle avec vivacité , et finit par s'éteindre 5 il se produit , dans cette expérience , de l'acide carbonique dont on peut s'emparer par les pro- cédés connus j ce qui reste est un peu de gaz oxigène qu'on peut convertir en acide carbonique en le traitant de la même manière.

Dans ces expériences je ne vois que charbon et gaz oxigène , et la conséquence qu'on en tire est simple et naturelle.

Mi

( iSo ) ^ . La proportion du charbon est à celle de l'oxi- gène, comme 12 , oz88 est à 56,687.

Si dans quelques cas on obtient de l'acide car- bonique en brûlant du gaz hydrogène, c'est que ce gaz tient du carbone en dissolution : on peut même dissoudre le carbone dans le gaz hydrogène en l'ex- posant au foyer du miroir ardent dans Tappareil FAI mercure sous une cloche remplie de ce gaz.

Le gaz hydrogène qu'on extrait du mélange d'acide sulflirique et de fer tient plus ou moins àe charbon en dissolution , parce que le fer en contient plus ou moins , d'après les belles ex- périences de MM. Bertholkt , Monge , et Van- dermonde*

Les alkalis, tels qu'ils se présentent naturel- lement , contiennent de l'acide carbonique 3 c'est cet acide qui en modifie et diminue l'énergie , et c'est à lui que les alkalis doivent la propriété de faire effervescence : on peut donc considérer les alkalis comme des carbonates avec excès d'alkali 3 et il est facile de saturer cet alkali surabondant , et de former de véritables sels neutres crystalli- sables.

ARTICLE PREMIER.

Carbonate de potasse.

Le carbonate de potasse a été désigné sous le nom de tartre craïeux: on connoit de;3uis long-

( iSi ) temps la manière de faire crystalliser Vhuile de tartre : Bonhius et Montet ont indiqué successi- vement des procédés ^ mais le plus simple con- siste à exposer une dissolution d'alkali dans l'at- mosphère du gaz acide qui se dégage de la ven- dange ^ l'alkali se sature , et forme des crystaux prismatiques tétraèdres terminés par des pyra- mides très-courtes et à quatre pans : j'ai plu- sieurs fois obtenu ces crystaux en prismes qua- drangulaires coupés de biais à leurs extrémités.

Ce sel neutre n'a plus le goût urineux de l'alkali , il a la saveur piquante àes sels neutres , et on peut l'employer avec le plus grand succès dans la médecine ^ je l'ai vu prendre ci la dose d'un gros sans aucun inconvénient.

Ce sel a l'avantage sur le sel de tartre d'être moins caustique et d'une vertu toujours égale.

Ce sel , d'après l'analyse de Bergmann , con- tient par quintal 20 acide, 48 alkali, 32 eau.

Il n'attire point l'humidité de l'air ^ j'en ai conservé pendant plusieurs années dans une cap- sule sans apparence d'altération.

L-a silice décompose à chaud le carbonate de potasse , ce qui occasionne un bouillonnement considérable ;, le résidu est le verre , l'alkali est à l'état caustique ^ la chaux décompose le carbonate en s'unissant à l'acide ^ les acides pro- duisent le même effet en se combinant avec la base alkaline,

M 5

( l82 )

ARTICLE SECOND.

Carbonate de soude.

Les dénominations , alkali minéral aéré, soude craïease , etc. ont été données successivement à cette espèce de carbonate.

L'alkali minéral, dans son état naturel, contient plus d'acide carbonique que le végétal ^ et ij suffit de le dissoudre et de le rapprocher con- venablement pour l'obtenir en crystaux.

Ces crystaux sont , pour l'ordinaire , des oc- taèdres rhomboïdaux , et quelquefois des lames rhomboïdales appliquées obliquement les unes sur les autres , de sorte qu'elles paroissent se re- couvrir à la manière des tuiles.

Ce carbonate effleurit à l'air.

Cent parties contiennent i6 acide, 20 alkali, 64 eau.

L'affinité de sa base avec la silice est plus forte que celle du carbonate de potasse , aussi la vitrification est - elle plus prompte et plus facile.

La chaux et les acides le décomposent avec les mêmes phénomènes que nous avons observés à l'article du carbonate de potasse.

ARTICLE TROISIÈME.

Carbonate d'' ammoniaque. Ce sci a été généralement connu sous le nom

( iS3 ) d'alkali volatil concret , on l'a aussi désigné par celui dalkali volatil cr aïeux , etc.

On peut le retirer par la distillation de plu- sieurs substances animales ^ le tabac en fournit aussi beaucoup ^ mais presque tout celui qui est employé dans les arts et la médecine , est formé par la combinaison directe de l'acide carbonique et de l'ammoniaque : on peut opérer cette com- binaison , i*^. en faisant passer l'acide carbonique à travers l'ammoniaque \ 2°. en exposant l'am- moniaque dans l'atmosphère du gaz acide car- bonique j 3°. en décomposant le muriate d'am- moniaque par les sels neutres qui contiennent cet acide , tels que le carbonate de chaux : à cet effet on prend de la craie blanche qu'on dessèche bien exactement , on la môle avec par- ties égales de muriate d'ammoniaque bien pilé , on met le rnêlange dans une cornue et on prO'^ cède à la distillation ^ l'ammoniaque et l'acide carbonique dégagés de leurs bases et réduits en vapeurs se combinent et se déposent sur les parois du récipient , ils forment une couche plus ou moins épaisse.

La cristallisation de ce carbonate m'a paru celle d'un prisme à quatre pans terminé par un sommet dihèdre.

Le carbonate a moins d'odeur que l'ammo- niaque ^ il est très-soluble dans l'eau j l'eau froide en dissout son poids à la température de 60 degrés de Farheneit,

( 1^4 )

Cent grains de ce sel contiennent 45 acide, 43 alkali , 1 2 eau , selon Bergmann.

La plupart des acides le décomposent et déplacent l'acide carbonique.

CHAPITRE SECOND.

De racide siilfurique.

Le soufre , comme tous les autres corps com- bustibles , ne brûle qu'en raison du gaz oxigène qui se combine avec lui.

Les phénomènes les plus communs qui accom- pagnent cette combinaison , sont une flamme bleue , une vapeur blanchâtre et suffoquante , et une odeur forte , piquante et désagréable.

Les résultats de cette combinaison varient suivant la proportion dans laquelle ces deux principes entrent dans cette même combinaison. On peut obtenir à volonté du soufre sublimé , du soufre mou , de l'acide sulflireux ou de l'acide sulfiirique , selon qu'on combine plus ou moins d oxigène avec le soufre par le moyen de la combustion.

Lorsque le courant d'air qui entretient la com- bustion est rapide , le soufre est entraîné et déposé sans altération apparente dans l'intérieur â.Qs chambres de plomb se fabrique l'huile de vitriol : si on modère le courant d'air , la com-

( i85 ) binaison est un peu plus exacte , le soufre est en partie dénaturé , et il se dépose en une pellicule à la surface de l'eau ^ cette pellicule est souple comme une peau , peut être maniée et retournée de la même manière : si le courant est encore moins rapide , et que l'air ait le temps nécessaire pour former une combinaison exacte avec le soufre , il en résulte de l'acide sulfureux j lequel acide conserve sa forme gazeuse, à la température de l'atmosphère , et peut devenir liquide comme l'eau par l'application d'un froid très-fort , d'après la belle expérience de M. Monge : si la com- bustion est encore plus étouffée , et qu'on laisse digérer l'air sur le soufre plus long-temps et plus exactement , il en résulte de l'acide sulfurique ^ on peut faciliter cette dernière combinaison par le mélange du salpêtre , parce que celui-ci fournit abondamment de l'oxigène.

Des expériences nombreuses , que j'ai faites à ma fabrique pour économiser le salpêtre employé dans la fabrication des huiles de vitriol , m'ont présenté plusieurs fois les résultats que je viens d'indiquer.

Tous les procédés qu'on peut mettre en usage pour extraire l'acide sulfurique se réduisent , 1°. à l'extraire des substances qui le contiennent j 2°. à le former de toutes pièces par la combi- raison du soufre et de l'oxigène.

Dans le premier cas , on distille les sulflires

( i86 ) ^ de fer, de cuivre ou de zinc , même ceux d'alu- mine et de chaux d'après MM. Neamann et MaTgraaf; mais ces procédés très-dispendieux ne sont même pas d'une exécution bien facile , et on les a abandonnés pour en adopter de plus simples.

Dans le second cas , on peut présenter l'oxi- gène au soufre sous deux formes , ou à l'état de gaz ou à l'état concret.

1°. La combustion du soufre par le gaz oxigène s'exécute dans de grandes chambres tapissées de plomb ^ on facilite la combustion en mêlant avec le soufre environ un huitième de nitrate de potasse , les vapeurs acides qui r-eniplissent la chambre se précipitent sur les parois, et on en facilite la con- densation par une couche d'eau qu'on dispose sur le fond de cette chambre. Dans quelques fabriques de Hollande , on opère la combustion dans de grands ballons de verre à large orifice , et les vapeurs se précipitent sur l'eau qu'on a mise dans le fond.

Dans l'un et dans l'autre cas , lorsque l'eau est assez imprégnée d'acide , on la concentre dans des chaudières de plomb , et on la rectifie dans des cornues de verre pour la blanchir et la mettre au degré du commerce. Cet acide convenablement concentré, marque 66 degrés à l'aréomètre de M. Baume ; et lorsqu'il n'a pas été porté à ce degré , il est impropre à la plu-

( 1^7 ) part des usages pour lesquels on le destine , H

ne peut pas être employé , par exemple , à

dissoudre l'indigo , car le peu d'acide nitrique

qu'il contient s'unit au bleu de l'indigo et forme

une couleur verte : je me suis convaincu de ce

phénomène par des expériences rigoureuses , et

j'ai vu des couleurs manquées et des étoffes

perdues par rapport au défaut de l'acide.

2°. L-orsqu'on présente l'oxigène à l'état con- cret , il est alors combiné avec d'autres corps qu'il abandonne pour s'unir au soufre \ c'est ce qui arrive en distillant l'acide nitrique sur le soufre ^ 48 onces de cet acide 336 degrés dis- tillées sur deux onces de soufre m'ont fourni près de 4 onces de bon acide sulfurique : le fait étoit connu de Matte Lafiveur ; mais j'ai indiqué tous les phénomènes et les circonstances de cette opération en 178 1,

On peut encore convertir le soufre en acide sulfurique par le moyen de l'acide muriatique oxigéné , Encyclopédie méthodique , t. i ,/?. 370.

L'acide sulfurique qu'on a trouvé à nud dans quelques lieux d'Italie paroît également pro- venir de la combustion du soufre : Baldajpiri l'a observé dans cet état dans une grotte creusée au milieu d'une masse d'incrustations déposées par les bains de St. Philip en Toscane ^ il ajoute que de cette grotte s'élève continuellement une vapeur sulfureuse : il a encore trouvé de

( i88 ) ces effloresœnces sulfureuses et vitrioliques à St. Albino près de Monte Pulciano , et aux lacs dQ Travale , il vit des branches d'arbre cou- verres de ces concrétions de soufre et d'huile de vkrioî. Journal de phys. t. "f •) p- 395.

O. VandelU rapporte que dans les environs de Sienne et de Viterhe on trouve quelquefois l'acide sulfurique dissous dans l'eau. M. le Coin- mandeur de Dolomieu a assuré l'avoir trouvé pur et crystallisé dans une grotte de l'Etna dont on svoit tiré du soufre autrefois.

D'après une première expérience de M. Ber- thollet, 6c) parties soufre , 3 1 ozigène ont formé 1 00 parties acide sulfurique : d'après une se- conde, 72 soufre, i8 oxigcne forment 100 acide sec.

Les divers degrés de concentration de Tacide sulflirique lui ont fait donner difFérens noms sous lesquels il est connu dans le commerce : de-là , les dénominations d'esprit de vitriol , d'huile de vitriol , d'huile de vitriol glaciale , pour expri- mer ses degrés de concentration.

L'acide sulfurique est susceptible de passer à l'état concret par l'impression d'un froid actif: cette congélation est un phénomène connu depuis long-temps : Kunckel et Bohn en ont parlé , et Boerhaave dit expressément , oleum vitrioli summâ arte purissimum summo frigorc hiberno in glebas solidescit perspicuas , sed statim ac

( iSp ) acutîes frigoris retunditur , liquescit et diffi'ut. Nous devons à M. le Duc Dayen de belles ex- périences sur la congélation de cet acide ^ et M. de Moryeau les répéta avec un égal succès , en 1782 , et se convainquit que cette congélation pouvoit s'opérer a un degré de froid bien moindre que celui qu'on avoit annoncé.

J'ai obtenu déjà plusieurs fois de superbes crystaux d'acide sulflirique, en prismes hexaèdres aplatis terminés par une pyramide hexaèdre ; et mes expériences m'ont permis de conclure , 1°. que l'acide très-concentré crystallise plus dif- ficilement que celui qui marque entre 63 et 6$ y z^. que le degré de froid convenable est de i à 3 sous o. On peut voir le détail de mes ex- périences dans le volume de l'Académie des sciences de Paris , pour l'année 1784.

Les caractères de l'acide sulfurique sont les su i vans.

I °. Il est onctueux et gras au toucher , ce qui lui a mérité le nom très-impropre d'huile de vitriol.

2°. Il pèse I once 7 gros dans un flacon con- tenant une once d'eau distillée.

3°. Il s'échauffe avec l'eau au point de lui communiquer un degré de chaleur supérieur à celui de l'eau bouillante : si on bouche l'extré- mité d'un tube de verre , qu'on y mette de l'eau , et qu'on le plonge par le bout fermé dans un

( ipo ) verre moitié plein de ce même liquide , on pourra porter à l'ébuilition l'eau contenue dans le tube en versant de l'acide sulflirique sur celle qui est dans le verre.

4^. Il se saisit avec avidité de toutes les sub- stances inflammables qui le noircissent et le dé- composent.

Stalh avoit cru que l'acide sulfurique étoit l'acide universel ^ il fondoit sur-tout cette opinion sur ce que des linges imbibés d'alkali et exposés à l'air attiroient un acide qui se combinoit avec lui et formoît un sel neutre qu'il a cru de la nature du sulfate de potasse. Des expériences plus rigoureuses ont démontré que cet acide aérien étoit le carbonique ^ et nos connoissances ac- tuelles nous permettent moins que jamais de croire à un acide universel.

ARTICLE PREMIER,

Sulfate de potasse.

Le sulfate de potasse est décrit indifféremment sous les noms à'arcanum duplicatum , sel de duohus , tartre vitriolé , vitriol de potasse , etc. Ce sel crystallise en prismes hexaèdres ter- minés par des pyramides hexaèdres à pans trian- gitlaires.

Il a une saveur vive et piquante, et se fond di^iciiement dans la bouche.

( 191 ) Il décrépite sur les charbons , rongit svant

de se fondre , et se volatilise sans se décomposer.

Il se dissout dans i6 parties d'eau froide , à la température de 60 degrés de Farheneit , et i'eaii bouillante en dissout le cinquième de son poids.

100 grains contiennent 30, 21 acide, 64, 61 alkali, et 5 , 18 eau.

Presque tout le sulfate de potasse usité dans la médecine est formé par la combinaison directe de l'acide sulfurique et de la potasse j mais celui qui circule dans le commerce provient de la dis- tillation des eaux fortes par l'acide sulfurique; celui-ci est en beaux cristaux , et on ne le vend dans le Comtat Venaissin que 40 à 50 liv. le quintal. L'analyse du tabac m'a également fourni de ce sulfate.

M. Baume ^xouYdi à l'Académie, en 1760^ que l'acide nitrique , aidé de la chaleur , pouvoit décomposer le sulfate de potasse. M. Cornette fit voir ensuite que l'acide muriatique avoit la même vertu ; et j 'ai démontré, en 1 7 8 o , que l'acide pouvoit en être déplacé par l'acide nitrique sans le secours de la chaleur , mais que si on rappro- choit la dissolution, l'acide sulfurique reprenoit sa place.

ARTICLE SECOND.

Sulfate de soude.

Cette combinaison de l'acide sulfurique et de

( 19^ ) la soude est encore connue sous les noms de sel de glauber^ sel admirable^ vitriol de soude ^ etc.

Ce sel crystallise en octaèdres rectangulaires , prismatiques ou cunéiformes , dont les deux py- ramides sont tronquées près de leurs bases.

Il a une saveur très-amère , et se dissout aisé- ment dans la bouche.

Il se boursoufîle sur les charbons , et y bouil- lonne en laissant dissiper son eau de crystallisa- tion -^ il ne reste qu'une poudre blanche qui entre difficilement en fusion , et se volatilise à un feu * violent sans se décomposer.

Il effleurit à l'air , y perd sa transparence , et se réduit en une poudre fine.

Trois parties d'eau , à 60 degrés thermomètre de Farheneit^ en dissolvent une, et l'eau bouillante dissout son poids égal.

100 grains de ce sel contiennent 14 acide, 22 alkah , 64 eau.

On le forme par la combinaison directe des deux principes qui le constituent , mais le tamarix gallica des bords de la mer en contient une si grande quantité qu'on peut l'en extraire avec économie;, il suffit de brûler cette plante, et d'en lessiver les cendres : celui qu'on vend dans le midi de la France est en superbes crystaux et est pré- paré de cette manière j il est très-pur , et le prix ne s'élève qu'à 30 à 35 livres le quintal^ on forme encore ce sulfate lorsque dans les labo- ratoires

( 193 ) ratoires nous décomposons la muriate de soude par l'acide sulfurique.

La potasse dissoute à froid dans une dissolu- tion de sulfate de soude , précipite la soude , et prend sa place. V. mes mémoires de chimie.

ARTICLE TROISIÈME.

Sulfate. (T ammoniaque.

Le sulfate d'ammoniaque , sel ammoniacal secret de glauhert^ est très-amer.

Il crystallise en prismes à «5 pans aplatis et alongés , terminés par des pyramides à 6 pans»

On n'obtient des crystaUx bien prononcés que par l'évaporation insensible.

Il attire un peu l'humidité de l'air.

Il se liquéfie à une chaleur douce , et se vo- latilise à un feu modéré.

Deux parties d'eau froide en dissolvent uhé\ et l'eau bouillante en dissout son poids , voyez de Fourcroy, Les alkalis fxxes ,, la barite et la chaux en dégagent l'ammoniaque. '

Les acides nitrique et muriatique en dégagent l'acide sulfiirique.

Les différentes substances dont nous venons de parler sont d'un usage assez étendu dans Iqs arts et la médecine.

L'acide sulfureux est employé à blanchir la

N

( Î94 ) «oie , et H lui donner du lustre ;, Stahl l'avoit même combiné avec l'alkali, et avoit formé ce fel si connu sous le nom de sel sulfureux de Stahl : cette combinaison passe bien ^'îte à l'état de sulfate si on la laisse exposée à l'air , elle absorbe facilement l'oxigène qui lui manque.

Le principal usage de l'acide sulflirique est dans les teintures , il sert à dissoudre l'indigo , et à le porter 5 dan's i-in état de division extrême, sur , l'étoffe qu'on veut teindre : on l'emploie encore âans les fabriqués d'indiennes , pour enlever l'ap- prêt qu'on donne à ces étoffes par le moyen de la cliaux : le Chimiste en fait un grand usage , dans les analyses , et pour séparer d'autres acides àé leurs combinaisons , tels que carbonique , le nitrique, le muriatique, etc.

Le sulfate de potasse est cOnnu , dans la mé- decine , comme foiidant , et on s'en sert dans \qs cas de dépôt laiteux : on le donne à la dose de quelques grains j, il est même ""purgatif à plus haute dose.

Le sulfate de soude est un'purgatif efficace à la dose de 4 à 8 gros 3 on le dissout daiîs une pinte d^'eàu.

CHAPïTïlE TROISIÈME.

De Vacide nitrique. L'acide nitrique , qu'on appelle eau 'forte dans

( 195 ) le commerce , est plus léger que le siilfurique 5 il a ordinairement une couleur jaunâtre, une odeur forte et désagréable , et répand une vapeur roùge : il imprime une couleur jaune à la peau , à la soie , et à presque toutes les substances animales avec lesquelles on le met en contact j il dissout et corrode avec avidité le fer , le cuivre , le zinc , etc. et laisse échapper un nuage de vapeurs rouges pendant tout le temps que dure son action j il détruit entièrement la couleur des violettes qu'il rougit , s'unit à l'eau avec facilité, et le mélange prend d'abord une couleur verte qui disparoît quand on l'afFoiblit davantage.

Cet acide n'a été trouvé nulle part à nud, il est toujours dans un état de combinaison , et c'est de ces mêmes combinaisons que nous avons l'art de l'extraire pour l'appliquer à nos usages: le nitrate de potasse est la combinaison la plus commune ^ c'est aussi celle dont nous nous servons ordinairement pour en retirer l'acide nitrique.

Le procédé usité dans le commerce pour faire Veau forte , consiste à mêler une partie de sal- pêtre avec deux à trois parties de terre bolaire rouge , on met le mélange dans des cornues lut- tées qu'on dispose sur une galère , on adapte un récipient à chaque cornue et on procède à la distillation ; la première vapeur qui passe n'est que de l'eau , on la laisse se dissiper en ne lut'

Ni

( 19^ )

tant pas encore la jointure du récipient à la

cornue ^ et lorsque les vapeurs rouges commen- cent à paroître on vide le phegme condensé dans le récipient, et pour lors on lutte pour s'op- poser à la sortie des vapeurs acides ^ les vapeurs qui se condensent forment d'abord une liqueur verdâtre , cette couleur disparoît insensiblement et elle est remplacée par une teinte plus ou moins jaune. Quelques Chimistes , M. Baume sur-tout , ont pensé que la terre agissoit sur le salpêtre par l'acide sulfurique qu'elle contient j mais , outre que ce principe n'existe point dans toutes 5 comme MM. Macquer , de Morveau , Schéele l'ont prouvé , nous savons que les cailloux pulvérisés produisent également la décomposition du salpêtre , je crois que l'on doit rapporter l'effet des terres sur ce sel à l'affinité très-marquée qu'a l'alkali avec la silice qui en fait la base , et sur-tout au peu d'adhésion qu'ont entr'eux les principes constituans du nitrate de potasse.

Dans nos laboratoires nous décomposons le salpêtre par le moyen de l'acide sulfurique : on prend du nitrate de potasse bien pur , on l'in- troduit dans une cornue tubulée qu'on place dans un bain de sable et à laquelle on adapte un récipient , on lutte avec soin toutes les join- tures , on verse par la tubulure moitié poids d'acide sulfurique, et on procède à la distillation ; on a l'atrention de placer un tube à la tubulure

{ ^97 ) du récipient et de le faire plonger dans l'eau pour coercer les vapeurs et ôter toute crainte d'explosion.

Au lieu d'employer l'acide sulfurique , on peut lui substituer le sulfate de fer et le mêler au salpêtre à parties égales j dans ce cas , le résidu de la distillation bien lavé forme la terre douce de vitriol , employée pour polir les glaces.

Stahl et Kunckel ont fait mention d'une eau forte très-pénétrante , de couleur bleue , obtenue par la distillation du nitre avec l'arsenic.

Quelque précaution qu'on apporte dans la puri- fication du salpêtre , quelqu'attention qu'on donne à la distillation , l'acide nitrique est toujours imprégné de quelqu'acide étranger , sulfurique ou muriatique , dont il faut le débarrasser : on le dépouille du premier , en le redistiilant sur du salpêtre très-pur , qui retient le peu d'acide sul- flirique qui peut exister dans le mélange : on le prive du second , en y versant quelques gouttes d'une dissolution de nitrate d'argent , alors l'acide muriatique se combine avec l'argent , et se pré- cipite avec lui sous la forme d'un sel insoluble , on laisse reposer la liqueur , on la décante de dessus le dépôt , et cet acide ainsi purifié est connu sous les noms d'eau forte du d/part, d'acide nitreux précipite' , d'acide nitrique par , etc.

Stahl avoit regardé l'acide nitrique , comme une modification du sulflirique déterminée par

N ;:

( ipS ) sa combinaison avec un principe inflammable : cette opinion a été étayée de quelques faits nou- veaux 5 dans une dissertation de M. Pietsh cou- ronnée par l'Académie de Berlin en 1749.

Les expériences du cél. Haies lavoient conduit plus près du but , puisqu'il a manié successive- ment les deux principes constituans de l'acide nitrique : ce célèbre Physicien avoit retiré 90 pouces cubes d'un demi pouce cube de nitre , et il s'est borné à conclure que cet air étoit la principale cause des explosions du nitre. Le même Physicien rapporte que la pyrite de Watson , traitée avec autant d'esprit de nitre que d'eau , produisoit un air qui avoit la pro- priété d'absorber l'air frais qu'on faisoit entrer dans les vaisseaux : ce grand homme a donc extrait successivement les principes de l'acide nitrique , et ces belles expériences ont mis M. Priestley sur la voie de ses découvertes.

-Ce n'a été néanmoins qu'en 1776 que l'ana- lyse de l'acide nitrique a été bien connue : Pvl. Livoisier , en distillant cet acide sur le mercure et recevant les divers produits dans l'appareil pneumato-chimique , a prouvé que l'acide nitrique dont le poids est à celui de l'eau distillée comme 1316073 1 00000 contient ,

Gaz nitreux i once 7 gros 5 1 grains -^

Gaz oxigène 1.7.7 ~

Eau . . 13 .

( ^99 )

En combinant ensemble ces trois principes on régénère lacide décomposé.

L'action de l'acide nitrique sur la plupart des matières inflammables , n'est qu'une décompo- sition continuelle de cet acide.

Si on verse l'acide nitriqne sur du fer , du cuivre ou du zinc , ces métaux sont attaqués dans le moment , avec une vive effervescence et un dégagement considérable de vapeurs qui deviennent rutilantes par leur combinaison avec l'air atmosphérique , mais qu'on peut retenir et recueillir à l'état de gaz dans l'appareil hydrop- neumatique ^ dans tous ces cas les métaux sont fortement oxidés.

L'acide nitrique qu'on mêle avec des huiles les épaissit , les noircit , les charbonne ou les enflamme , selon qu'on présente l'acide plus ou moins concentré et en plus ou moins grande quantité.

Si on met de l'acide nitrique trcs-concentré dans une fiole à médecine , et qu'on y verse du charbon en poudre impalpable et très-sec , il s'enflamme dans le moment , et il se dégage de l'acide carbonique et du gaz nitrogène.

Les divers acides qu'on a obtenus par la diges- tion de l'acide nitrique sur quelques substances , tels que l'acide oxalique , l'arsenique , etc. ne doivent leur existence qu'à la décomposition de l'acide nitrique , dont l'oxigcnc se fixe avec les

( 200 )

corps sur lesquels on le distille : la facilité qu'a cet acide de se décomposer en fait un des plus actifs , parce que l'action des acides sur la plupart des corps n'a lieu que par leur propre décomposition.

Les caractères du gaz nitreux qu'on extrait par la décomposition de l'acide sont , i°. d'être invisible;, i°. d'avoir une pesanteur un peu moin- dre que celle de l'air ^ 3°. d'être impropre à la respiration , quoique l'Abbé Fontana prétende l'avoir respiré sans danger ^ 4°. de ne pas servir à la combustion ^ 5°. de n'être point acide , d'après les expériences de M. le Duc de Chaulnes ; 6^. de se combiner avec l'oxigène et de repro- duire l'acide nitrique.

Mais quelle est la nature de ce gaz nitreux ? On a prétendu d'abord que c'étoit l'acide nitrique saturé de phlogistique : ce système a tomber dès qu'il a été prouvé que l'acide nitrique dépo- soit son oxigène sur le corps sur lequel il agit , et que le gaz nitreux pesoit moins que l'acide employé. Une belle expérience de M. Cavendish a jeié le plus grand jour sur cette matière : ce Chimiste , ayant introduit dans un tube de verre sept parties de gaz oxigène obtenu sans acide nitrique , et trois parties de gaz nitrogène , ou , en évaluant ces quantités en poids , dix parties nitrogène vingt-six oxigène , et faisant passer l'étincelle électrique à travers ce mélange , s'ap-

( 201 )

perçut qu'il diminuoit beaucoup de volume j et parvint à le changer en acide nitrique : on peut présumer de cette expérience , que cet acide est une combinaison de sept parties d'oxigène et de trois de nitrogène : ces proportions cons- tituent Tacide nitrique ordinaire ^ mais , lorsqu'on s'empare d'une portion de l'oxigène , il passe alors à l'état de gaz nitreux , de façon que le gaz nitreux est la combinaison du gaz nitrogène et d'un peu d'oxigène.

On peut décomposer le gaz nitreux , en l'ex- posant sur le sulfure de potasse dissous dans l'eau 5 le gaz oxigène s'unit au soufre et forme de l'acide sulfurique , tandis que le gaz nitrogène reste pur.

On peut décomposer encore le gaz nitreux par le moyen du pyrophore qui brûle dans cet air et absorbe le gaz oxigène.

L'étincelle électrique a aussi la propriété de décomposer le gaz nitreux : M. Van-Marum a observé que trois pouces de gaz nitreux se rédui- soient à un pouce trois quarts , et qu'alors il n'avoit plus aucune propriété du gaz nitreux ^ enfin , d'après les expérienfces de M. Lavoisier, I oo grains gaz nitreux contiennent 3 2 nitrogène, 68 oxigène.

D'après le même Chimiste , 100 grains acide nitrique contiennent 79 oxigène et 20 -^ nitrogène -^ et c'est la raison pour laquelle

( 202 )

il faut employer le gaz nitreux dans une moin- dre proportion que le gaz nitrogène pour le combiner avec le gaz oxigène et former l'acide nitrique.

Ces idées, sur la composition de l'acide nitrique, pnroîssent confirmées par les preuves multipliées que nous avons aujourd'hui de la nécessité de faire concourir les substances qui fournissent beaucoup de gaz nitrogène avec le gaz oxigène pour obtenir l'acide nitrique.

Les divers états de l'acide nitrique peuvent sVxpliquer clairement d'après cette théorie ^ i°. l'acide nitreux fumant est celui dans lequel l'oxi- gène n'est point dans la proportion requise ^ et nous pouvons rendre vaporeux et rutilant l'acide nitrique le plus blanc , le plus saturé , en nous emparant d'une partie de son oxigène par le moyen des métaux , des huiles , des corps inflam- mables , etc. ou bien en le dégageant par la simple exposition de cet acide à la lumière du soleil , d'après les belles expériences de M. BerthoLlet.

La propriété qu'a le gaz nitreux d'absorber l'oxigène pour former avec lui l'acide nitrique , l'a fait employer pour déterminer la proportion du gaz oxigène dans la composition qui forme l'atmosphère : l'Abbé Fontana a construit , sur ces principes y un eudiomètre ingénieux , dont on peut consulter la description et la manière de

( i03 ) s'en servir, dans le premier volume des expériences sur les végétaux par M. Ingenhousi.

M. Berthollet a observé avec raison que cet eudiomètre étoit infidèle -^ i°. il est difficile d'ob- tenir du gaz nitreux formé constamment par les mêmes proportions des gaz nitrogène et oxi- gène , attendu qu'elles varient , non-seulement selon la nature des substances sur lesquelles on décompose l'acide nitrique , mais même selon que la dissolution de telle ou telle substance par l'acide se fait avec plus ou moins de rapidité : si l'acide se décompose sur une huile volatile , on peut n'obtenir que du gaz nitrogène ^ si l'acide agit sur du fer et qu'il soit très-concentré, il peut n'en résulter que du gaz nitrogène , comme je l'ai observé , etc. 2°. L'acide nitrique qui se forme , par l'union du gaz nitreux et de l'oxigène , dissout plus ou moins de gaz nitreux, selon la tem- pérature , la qualité de l'air qu'on éprouve , la grandeur de l'eudiomètre , etc. de sorte que la diminution varie , en raison de la quantité plus ou moins grande de gaz nitreux qui est ab- sorbé par l'acide nitrique qui se forme ^ consé- quemment la diminution doit être encore plus forte en hiver qu'en été , etc.

D'après les expériences de M. Lavoisier^ quatre parties de gaz oxigène suffisent pour saturer sept parties et un tiers du gaz nitreux , tandis qu'il faut à peu près seize parties d'air atmosphérique :

( i04 ) d'où ce cél. Chimiste a conclu que l'air de l'atmos- phère ne contenoit en général qu'un quart de gc7 oxigène et respirable. Des expériences suivies à Montpellier sur les mêmes principes , m'ont convaincu que 12313 parties d'air atmosphé- rique suffisoient constamment pour saturer 7 parties et un tiers de gaz nitreux.

Ces expériences font connoître, jusqu'à un cer- tain point , la proportion dans laquelle l'air vital se trouve dans l'air que nous respirons, mais eiles ne donnent aucune connoissance sur les gaz délétères qui , mêlés à l'air atmosphérique , l'al- tèrent et le rendent mal-sain : cette observation restreint prodigieusement l'usage de cet instru- ment.

La combinaison des gaz oxigène et nitreux laisse toujours un résidu aériforme , que M. La- voisier a estimé environ un trente-quatrième du volume total j il provient du mélange des subs- tances gazeuses étrangères qui altèrent plus ou moins la pureté des gaz employés.

ARTICLE PREMIER.

Nitrate de potasse.

L'acide nitrique combiné avec la potasse forme ce sel si connu sous les noms de nitre , salpêtre , nitre de potasse , etc.

( 205 )

Ce sel neutre est rarement le produit de la combinaison directe de ses deux principes cens- tituans ^ on le trouve tout formé dans certains endroits ; et c'est de-là qu'on retire tout celui <ju'on emploie dans les arts.

Dans l'Inde il effleurit à la surface des terres en friche ^ les habitans détrempent ces terres dans l'eau, les font bouillir dans des chaudières et crys- talliser dans des pots de terre. M. Dombey a observé , près de Lima , sur les terres qui servent de pâturage et qui ne produisent que des gra- minées , une grande quantité de salpêtre. M. Talhot-Dillon rapporte , dans son voyage d'Es- pagne , que le tiers de toutes les terres , et dans les parties méridionales la poussière même des chemins , contiennent du salpêtre.

En France on extrait le salpêtre des ruines et plâtras des maisons.

Ce sel existe tout formé dans les végétaux, tels que le tournesol , la pariétaire , la buglosse , etc. et un de mes élèves , M. Virenque , a prouvé qu'il se produisoit dans tous les extraits suscep- tibles de passer à la fermentation.

On peut favoriser la fermentation du salpêtre , en faisant concourir quelques circonstances avan- tageuses à sa formation.

Dans le nord de l'Europe on forme des couches à salpêtre avec la chaux , les cendres , la terre des prés , le chaume , qu'on stratifié , et qu'on

( 20^ )

arrose avec l'urine, l'eau de fumier et les eaux mères \ on garantit les couches par un toit de bruyère. En 1775 , le Roi fit proposer un prix , par l'Académie royale des sciences de Paris , pour trouver le moyen d'augmenter la récolte du salpêtre en France , et soustraire les citoyens à l'obligation de laisser fouiller dans les caves pour y chercher et en enlever les terres salpêtrées. Le concours a produit plusieurs mémoires sur cet objet , que l'Académie a réunis dans un seul vo- lume ^ et ils ont ajouté à nos connoisances , en nous instruisant, sur-tout, de la nature des ma- tières qui favorisoient la formation du nitre : on savoit , par exemple , depuis long-temps , que le nitre se formoit de préférence près des habitations ou dans les terres imprégnées de produits ani- maux ^ on savoit encore qu'il n'étoit en général à base d'alkali que par le concours de la fer- mentation végétale. M. Thouvenel , dont le mé- moire a été couronné , a prouvé , que le gaz qui se dégage par la putréfaction étoit nécessaire à la formation du nitre , que le sang et puis l'urine étoient les parties animales qui favorisoient le plus sa formation , que les terres les plus divisées et les plus légères étoient les plus propres à la nitrification , qu'il faut ménager le courant d'air pour fixer sur les terres l'acide nitrique qui se forme , etc.

Il me paroît que Bêcher avoit des connois-

( ^o7 ) sances assez exactes sur la formation du nitre ,

comme on le verra par les passages suivans.

Hœc enim ( vermes , muscœ , serpentes ) pu- trefacta in terrant abeant prorsus nitrosam ^ ex quâ etiam communi modo nitrum copiosam pa- rari potest solâ elixatione cum aqua comniunu Phys* subs. lib, i , «S'. V ^ t, i <, p* 2,8<5.

Sedet ipsum nitrum necdum finis ultimus pw- trefactionis est , nam cum ejusdem partes ignzcz separantur reliquœ in terram abeunt prorsàs piiram et insipidam , sed singulari magnetismo prœditam novum spiritum aëreum attrahendi rursùsque nitrum fiendi. Phys. subs, S.J^yt.iy

p. 1C)1,

Il suit, de tout ce qui est connu jusqu'à ce jour, que pour établir des nitrières artificielles , il faut faire concourir la putréfaction animale et la fer- mentation végétale, l.e gaz nitrogène , en se dé- gageant des matières animales , se porte sur l'oxi- gène et forme l'acide, qui se combine avec l'alkali dont la formation est favorisée par la déconv position végétale.

Lorsqu'on a des terres salpétrées , par le seul travail de la nature ou par le secours de l'art , on en retire le salpêtre par la lixiviation des terres, le rapprochement de la lessive et la crystallisation. A mesure que l'évaporation se fait , il se pré- cipite du sel marin qui accompagne presque par- tout la formation du nitre ; on le recueille avec

( 2o8 ) des cuillers , et on le met à égouter dans des paniers placés sur les chaudières.

Comme le nitre est en grande partie à base de terre, et qu'il faut lui fournir une base al- kaline pour le faire crystalliser , on y parvient , ou en lessivant des cendres avec les terres sa!- pétrées , ou bien en mêlant de l'alkali tout formé avec les lessives elles-mêmes.

Le nitre obtenu par cette première opération n'est jamais pur ^ il contient du sel marin et un principe extractif et colorant dont il faut le dé- barrasser ^ pour cet effet , on le dissout dans de la nouvelle eau qu'on évapore , et à laquelle on peut ajouter du sang de bœuf pour clarifier la dissolution : le nitre obtenu par cette seconde manipulation est connu sous le nom de nitre de la seconde cuite ; si on a recours à une troi- sième opération pour le purifier , on l'appelle alors nitre de la troisième cuite. Le nitrate de potasse purifié est employé pour les opérations délicates , telles que la fabrication de la poudre à canon , la préparation de l'eau forte pour le départ et la dissolution du. mer- cure , etc. Le salpêtre de la première cuite est usité dans les atteliers l'on fabrique l'eau forte pour la teinture ;, il fournit un acide nitre-mu- riatique qui est seul capable de dissoudre l'étain. Le nitrate de potasse crystallise en octaèdres prismatiques , qui représentent presque toujours

( ^o9 ) des prismes à six pans aplatis , terminés par des sommets dihèdres.

Il a une saveur piquante suivie de fraîcheur* Il fuse sur les charbons : son acide se dé- compose dans ce cas-ci ^ l'oxigène s*unit au car- bone , et forme de l'acide carbonique j le gaz nitrogène et l'eau se dissipent ;, et c'est ce mé- lange de principes qui a été connu sous le nom de Clissus.

La distillation du nitrate de potasse fournit 12000 pouces cubes de gaz oxigène par livre de sel.

Sept parties d'eau , à 60 degrés de Farkeneit^ en dissolvent une , et l'eau bouillante en dissout parties égales.

100 grains de crystaux de ce sel contiennent 30 acide, 63 alkali , 7 eau.

En jettant dans un creuset chauffé au rougê un mélange de nitre et de soufre à parties égales , on obtient une matière saline qu'on a d'abord appellée sel polychreste de Glaser^ et qu'oiî a ensuite assimilée au sulfate de potasse.

Si on fait fondre du nitre , qu'on répande sur Ce sel en fusion quelques pincées de soufre , et qu'on coule en plaques le nitre fondu , on forme un sel connu sous le nom de crystal minéral.

Le mélange de 7$ parties de nitre, 9 et ^

O

de soufre et 15 et -de charbon, forme la poudre à canon : on triture pendant dix à quinze heure? 02 mélange , et on a soin de l'humecter de temps en temps j cette trituration s'opère ordinairement par des bocards dont les pilons et les mortiers sont en bois. Pour donner à la poudre la grosseur convenable et la grainer , on la fait passer par des cribles de peaii dont les trous sont de diîFc- rentes grandeurs ^ on tamise la poudre grainéë pour en séparer la poussière , et on la porte au séchoir. poudre à canon n'éprouve point d'autre préparation , mais il est nécessaire de lisser la poudre qu'on destine pour la chasse ^ et on lui donne cette dernière préparation , en la mettant dans une espèce de tonneau qui tourne sur lui-même à l'aide d'un axe qui le traverse ; ce mouvement excite des frottemens continuels qui brisent les angles et polissent les surfaces.

Nous devons à M. Baume et au Chevaliei* Darcy un travail sur la poudre , par lequel ils ont prouvé ,

1°. Qu'on ne peut pas faire de bonne pou- dre sans soufre.

2°. Que le charbon est aussi d'une indispen- sable nécessité.

3°. Que la qualité dépend , cœteris paribus ^ de l'exactitude avec laquelle le mélange est fait.

4°. Que la poudre a plus d'effet , quand

( ill )

elle est simplement desséchée , que lorsqu'elle est grainée.

L'effet de la poudre dépend , de la décom- position rapide qui se fait , en un instant , d'une masse assez considérable de nitre , et de la for- mation subite des gaz qui en sont le produit immédiat. Bernoulli s etoit assuré , dans le der- nier siècle , du développement d'un air par la déflagration de la poudre ^ il mit quatre grains de poudre dans un tuyau de verre recourbé , plongea le tuyau dans l'eau , et enflamma la poudre par le moyen du miroir ardent j après la combustion , l'air intérieur occupoit plus de volume , de façon que l'espace abandonné par l'eau pouvoit contenir 200 grains de poudrée Hist. de r Académie des Sciences de Paris i6ç6y t. II , mémoire de M, Varignon , sur le feu et la flamme*

La poudre fulminante faite par le mélange et la trituration de trois parties nitre , deux de sel de tartre et une de soufre, a des effets encore plus terribles : pour en obtenir tout l'effet ^ on l'expose dans une cuiller à une chaleur douce , le mélange se fond , il paroît une flamme bleue sulfureuse et l'explosion se décide : il faut obser- ver de ne donner, ni trop ni trop peu de chaleur 5 dans l'un et l'autre extrême , la combustion des principes se fait séparément et sans explosion.

Oj

( ili )

ARTICLE SECOND.

Nitrate de soude.

Ce sel a reçu le nom de nitre cubique , par rapport à sa forme , mais la dénomination n'est pas exacte , puisqu'il affecte une figure cons- tamment rhomboïdale.

Il a une saveur fraîche amère.

Il attire un peu l'humidité de l'air.

L'eau froide , a 60 deg. therm. de Far. , en dissout un tiers de son poids , l'eau chaude n'en dissout guères plus.

Il fuse sur les charbons ardens avec une cou- leur jaune , tandis que le nitre ordinaire donne une flamme blanche , suivant Margraaf 24 dissert» sur Le sel commun , pag. 343 , tom. 2.

Cent grains de ce sel contiennent 28 , 80 acide , 50, 09 alkali et 21,11 eau.

Il est presque toujours le produit de l'art.

ARTICLE TROISIÈME. Nitrate d"* ammoniaque.

Les vapeurs de l'ammoniaque mises en con- tact avec celles de l'acide nitreux se combinent et forment un nuage blanc et épais qui se dépose dimcilement.

( ^13 )

Mais lorsqu'on unit directement l'acide à l'al- kali , il en résulte un sel qui a une saveur fraîche , amère et urineuse.

M. Delisle prétend qu'il cristallise en belles aiguilles analogues à celles du sulfate de potasse , on ne peut obtenir les crystaux que par une évaporation très-lente.

Ce sel exposé au feu se liquéfie , exhale des vapeurs aqueuses , se dessèche et détonne : M. Berthollet a analysé tous les résultats de cette opération , et en a tiré une nouvelle preuve de la vérité des principes qu'il a reconnus à l'ammoniaque.

CHAPITRE QUATRIÈME.

De l'acide muriatique.

Cet acide est généralement connu sous le nom é'acide marin , et on le connoît encore sous celui à'espnt de sel dans les atteliers.

Il est plus léger que les deux précédens : il a une odeur vive, piquante, approchant de celle du safFran , mais infiniment plus forte ^ il exhale des vapeurs blanches lorqu'il est concentré ^ il précipite l'argent de sa dissolution en un sel insoluble, etc.

Cet acide n'a pas été trouvé à nud : et pour l'obtenir dans cet état , il faut le dégager de ses

O3

( ii4 ) combinaisons , et on emploie ordinairement le sel commun à cet usage.

L'esprit de sel du commerce s'obtient par un procédé peu différent de celui qui est usité pour extraire l'eau forte ^ mais , comme cet acide adhère plus fortement à sa base , celui qu'on en retire est très-foible , et il n'y a qu'une partie du ssl marin qui se décompose.

Les cailloux pulvérisés et mêlés avec ce sel n'en séparent point l'acide j dix livres de cailloux en poudre traitées à un feu violent avec deux livres de sel , ne m'ont donné qu'une masse couleur de litarge , le phlegm.e n'étoit pas sen- siblement acide.

L'argile qui a servi une fois à décomposer le sel marin , mêlée avec une nouvelle quantité de ce sel n'en décompose pas un atome , m.ême lorsqu'on humecte le mélange pour en faire une pâte : ces expériences ont été faites plusieurs fois à ma fabrique , et m'ont présenté cons- tamm.ent les mêm.es résultats.

Le sulfate de fer qui dégage si facilement l'acide nitrique , ne décompose que très-impar- iaitement le sel marin.

La mauvaise soude , qu'on appelle chez nous bhmquete , et l'analyse m'a démontré 2 1 livres de sel commun sur 2. 5 , distillée avec l'acide sul- furique ne fournit presque point d'acide muria- tique 5 mais de l'acide sulfureux en abondance j

( ^15 ) M. Bêrard Dir. de ma fabrique, attribua ces lésul- tats au charbon contenu clans cette soude , lequel décomposoit l'acide sulfurique j il calcina la blan- quete en conséquence pour détruire le charbon, et alors il put la traiter comme le 5el marin et avec le même succès.

L'acide sulfurique est celui qu'on emploie ordinairement pour décomposer le sel marin : ma manière de procéder consiste à desséciier le sel marin , à le piler et à le mettre dans une cornue tubulée qu'on place sur un bain de sable ; à la cornue on adapte un récipient , puis deux flacons , dans lesquels je distribue un poids d'eau distillée égal à celui du sel marin employé ; on lutte les jointures des vaisseaux avec la plus grande précaution ^ et , lorsque l'appareil est dressé , on verse |>ar la tubulure une quantité d'acide sulfurique qui fait la moitié du poids au sel , il s'excite dans le moment un bouil- lonnement considérable ;, et , lorsque cette effer- vescence est appaisée , on chauffe graduelle- ment la cornue et l'on porte le mélange à l'ébullition.

L'acide se dégage à l'état de gaz , et se incie à l'eau avec avidité et chaleur notables.

L'eau du premier flacon est , pour lordinaire , saturée de ce gaz acide j et, forme un acide trèsT concentré et fumant ^ celle du second est plus foibie , mais on peut la porter au degré qu'on

(21^)

désire en l'imprégnant d une nouvelle quantité de ce gaz.

Les anciens Chimistes ont été partagés sur la nature de l'acide muriatique ^ Bêcher a cru que c'étoit l'acide sulfurique modifié par la terre mercurielle.

Cet acide est susceptible de se combiner avec une nouvelle dose d'oxigène : et, ce qui est bien, extraordinaire , c'est que par cette nouvelle quan- tité il devient plus volatil , tandis que les autres acides paroissent acquérir plus de fixité dans ces ciiconstances ^ on diroit même que , dans ce cas , ses vertus acides s'atïbiblissent , puisque son Eîiînité avec les alkalis diminue , et qu'il détruit les couleurs végétales bleues , bien-loin de \qs rougir.

Un autre phénomène non moins intéressant que nous présente cette nouvelle combinaison, c'est que l'acide muriatique s'empare de l'oxi- gène avec avidité , et que néanmoins , il con- tracte une si foible union avec lui , qu'il le cède à presque tous les corps , et que la seule lumière peut le dégager.

C'est à Schf'ele que nous devons la découverte de l'acide muriatique oxigéné: il la fit, en 1774, en employant l'acide muriatique comme dissol- vant du manganèse , il s'apperçut qu'il se déga^ geoit un gaz qui avoit l'odeur distincrive de Xeaii régale : il crut que , dans ce cas , l'acide

( ^17 ) muriatique abandonnoit son phlogistique au manganèse, et il l'appela acide marin déphlogis- tiqué. Il observa les principales propriétés vrai- ment étonnantes de ce nouvel être;, et, après lui, tous les Chimistes ont cru devoir s'occuper d'une substance qui présentoit une nouvelle manière d'être des corps.

Pour extraire cet acide , je place un gros alambic de verre d'une seule pièce sur un bain de sable ^ à cet alambic j'adapte un petit ballon , et à ce ballon trois ou quatre flacons presque pleins d'eau distillée , étranges à la manière de If^oulf ; je dispose le ballon et les flacons dans une cuve , je lutte les jointures avec le lut gras et l'assujettis avec des linges imbibés de lut de chaux et de blanc d'œuf, j'entoure les flacons de glace pilée j et, lorsque l'appareil est ainsi disposé, j'introduis dans l'alambic demi-livre de manganèse des Ce- vennes , et verse dessus , à diverses reprises , trois livres d'acide muriatique fumant , je verse cet acide de trois en trois onces , il s'excite à chaque fois une effervescence notable , et je n'en verse une nouvelle quantité que lorsqu'il ne passe plus rien ^ lorsqu'on veut opérer sur une certaine quantité , on ne peut pas agir différemment 5 car si on verse à la fois une trop grande quan- tité d'acide , on ne peut pas se rendre maître é^s vapeurs et l'effervescence fait passer le man- ganèse dans le récipient. Les vapeurs qui se

( 2l8 )

développent par l'affusion de l'acide muHatique , sont d'un jaune verdâtre , elles se combinent avec l'eau et lui communiquent cette couleur ^ lors- qu'on les concentre par la glace et que l'eau en est saturée , elles forment une écume à la surface qui se précipite dans le liquide et ressemble à de l'huile figée : il est nécessaire d'aider l'action de l'acide muriatique par le secours d'une cha- leur modérée qu'on communique au bain de sable ^ il est essentiel de bien lutter les vaisseaux, car la vapeur qui s'échappe est suffoquante et ne permet pas au Chimiste de veiller de près à son opération : on peut reconnoître aisément l'endroit par perdent les luts , en promenant dessus une plume trempée dans l'ammoniaque , la combinaison de ces vapeurs forme dan^; le moment un nuage blanc qui dénote l'endroit ■par la vapeur s'échappe. On peut consulter sur l'acide muriatique oxigéné , un excellent Mémoire de M. BerthoLlet , publié dans les annales chimiques.

On peut obtenir le mêm.e acide muriatique oxigéné, en distillant, dans un appareil semblable, un mélange de dix hvrcs de sel marin , trois à quatre livres de manganèse et dix livres acide sulfurique.

M. Reboul a observé que l'état concret de cet acide est une crystallisation de l'acide qui a lieu à trois degrés au- dessus de la glace : les

( 219 )

formes qu'il lui a reconnues sont celles d'un prisme quadrangulaire tronqué très-obliquemsnt et terminé par un lozange ^ il a aussi observé , sur la surface de la liqueur, des pyramides hexaèdres creuses.

Pour employer l'acide oxigéné dans les arts , et pouvoir en concentrer une plus grande quantité dans un volume donné d'eau , on fait passer la vapeur à travers une dissolution d'alkali -^ il se forme d'abord un précipité blanc dans la liqueur, mais peu après le dépôt diminue , et il s'en dégage des bulles qui ne sont que de l'acide carbonique -^ dans ce cas , il se forme du muriate oxigéné et du muriate ordinaire ^ la seule impres- sion de la lumière suffit pour décomposer le premier et le convertir en sel commun : cette lessive contient, à la vérité , l'acide oxigéné dans une plus forte proportion ^ l'odeur exécrable de cet acide est fortement châtrée ; on peut l'em- ployer aux divers usages avec le même succès et avec beaucoup plus d'aisance ^ mais l'effet ne ré- pond pas, à beaucoup près , à la quantité d'acide oxigéné qui entre dans cette combinaison , parce que la vertu d'une grande partie est détruite par son union à la base alkaiine.

L'acide muriatique oxigéné a une odeur des plus fortes ^ elle porte une impression directe sur lo gosier qu'elle resserre , excite la toux, et dé- termine un \ioIent mal de tête.

( iio )

La saveur en est âpre et arrière. Cet acide détruit promptemcnt la couleur de la teinture de tournesol -^ mais il paroît que la propriété qu'ont la plupart des substances oxigénées de rougir les couleurs bleues , ne provient que de la com- binaison de l'oxigène avec les principes colorans ^ et lorsque cete combinaison est très-forte et ra- pide,alors la couleur est détruite.

Le gaz muriatique oxigéné dont on sature une dissolution d'alkali caustique , fournit , par l'évà- poration dans des vaisseaux à l'abri de la lu- mière , du muriate et du muriatc oxigéné ^ ce dernier détonne sur le charbon , se dissout plus dans l'eau chaude que dans l'eau froide j il crys- tallise quelquefois en lames hexaèdres , et plus souvent en lames rhomboïdales , ces crystaux sont d'un brillant argentin comme le mica ^ ils ont une saveur fade , et produisent , en se fon- dant dans la bouche , un sentiment de fraîcheur qui ressemble à celle du nitre.

M. Berihollet s'est assuré, par des expériences délicates, que l'acide muriatique oxigéné qui existe dans le muriate oxigéné de potasse , contenoic plus d'oxigène qu'un pareil poids d'acide muria- tique oxigéné délayé dans l'eau ^ ce qui l'a porté à regarder l'acide oxigéné combiné dans le mu- riate comme sur-oxigéné ^ et il regarde le gaz acide muriatique , par rapport au gaz acide mu- riatique oxigéné , comme le gaz nitreux ou gaz

( 221 )

Sulfureux par rapport aux acides nitrique et sul- furique -^ il prétend que la production du muriatc simple et du muriate oxigéné,dans la même opé- ration, peut être comparée à l'action de l'acide nitri- que qui , dans beaucoup de cas , produit du nitrate et du gaz nitreux : de-là, il vient à considérer l'acide muriatique comme un pur radical qui , combiné avec plus ou moins d'oxigène , forme le gaz acide muriatique simple , ou le gaz acide mu- riatique oxigéné.

Les muriates oxigénés de soude ne différent de ceux de potasse , qu'en ce qu'ils sont déli- quescens et solubles dans l'alkool , comme tous les sels de cette nature.

Le muriate oxigéné de potasse donne son oxigène àla lumière , et par la distillation lorsque le vaisseau est chauffé au rouge.

ICO grains de ce sel ont donné 75 pouces cubes de gaz oxigène ramené à la température de 12 degrés de Reaumur : cet air est plus pur que les autres , et on peut l'employer pour des expériences délicates. Le muriate oxigéné de potasse crystallisé ne trouble point les dis- solutions de nitrate de plomb, d'argent ni de mercure.

M. Berthollet a fabriqué de la poudre , en substituant au salpêtre le muriate oxigéné ; qWq a produit des effets quadruples. L'expérience en grand qu'on a tentée à Essonne n'est que trop

( ^^i )

connue par la mort de IVl. h Tors et de Mlle. Chevraud-^ cette poudre fit explosion dans le moment qu'on trituroit le mélange.

L'acide muriatique oxigéné blanchit la toile et le coron : à cet effet on passe le coton dans une lessive foiblement alkaline , on fait bouillir , puis on tord l'étoffe , et on la fait tremper dans l'acide oxigéné \ on a l'attention de remuer l'étoffe et de la tordre , on la lave ensuite à grande eau pour enlever l'odeur dont elle est imprégnée.

J'ai appliqué cette propriété reconnue, au blan- chissage du papier et des vieilles estampes j on leur donne, par ce moyen, une blancheur qu'elles n'ont jamais eue \ l'encre ordinaire disparoît par l'action de cet acide , mais celle d'Impri- meur est inattaquable.

On peut blanchir la toile , le coton et le pa- pier , à la vapeur de cet acide j j'ai fait à ce sujet quelques expériences en grand qui m'ont con- vaincu de la possibilité d'appliquer ce moyen aux arts. Le mémoire dans lequel j'ai détaillé . ces expériences sera imprimé dans le volume de l'Académie de Paris pour l'année 1787.

Le gaz acide muriatique oxigéné épaissit \tz huiles , et oxide les métaux, à tel point qu'on peut employer ce procédé avec avantage pour former du verdet.

L'acide muriatique oxigéné dissout \qs mé-

( 2^3 )

taux sans efifervescence , parce que son oxigène suuit pour les oxider , sans qu'il soit besoin de la décomposition de l'eau , et conséquemment sans dégagement de gaz.

Cet acide précipite le mercure de ses disso- lutions , et le met à l'état de sublimé corrosif.

Il convertit le soufre en acide sulfurique 5 il décolore dans le moment l'acide sulfurique très -noir.

Mêlé avec le gaz nitrcux, il passe à l'état d'acide muriatique , et convertit une partie de ce gaz en acide nitrique.

Exposé à la lumière il fournit du gaz oxigène , et l'acide muriatique est régénéré.

L'acide muriatique n'agit si efficacement sur les oxides métalliques qu'en s'oxigénant^ et, dans ce cas ^ il forme avec eux des sois qui sont plus iù\x moins oxigénés.

ARTICLE PREMIER.

Muriate de potasse.

Ce sel est encore connu sous le nom de sel fébrifuge de Sylvius.

Il a une saveur amère, désagréable et forte.

Il crystallise en cubes , ou en prismes tétraè- dres.

Il décrépite sur les charbons j et lorsqu'on la

f 2^4 ) pousse à un feu violent , il se fond et se vola- tilise sans se décomposer.

Il exige trois fois son poids d'eau , à la tem- pérature de 60 deg. ther. Far. j pour être dissous.

Il est peu altérable à l'air.

1 00 grains de ce sel contiennent 29,68 acide , 63 , 47 alkali , et 6 , 8 5 eau.

On rencontre ce sel fréquemment, mais en petite quantité , dans l'eau de la mer , les plâtras , les cendres de tabac , etc. L'existence de ce sel dans les cendres de tabac a d'autant plus me surprendre , que je devois m'attendre à y trouver du muriate de soude , puisqu'on l'emploie dans cette opération qu'on appelle la mouil- lade. La soude seroit-elle métamorphosée en potasse par la fermentation végétale ? C'est ce qu'on pourra décider par des expériences direc- tes.

ARTICLE SECOND.

Muriate de soude.

Les mots reçus de sel marin , de sel corn.' mûri , de sel de cuisine , désignent la combinaison de l'acide muriatique avec la soude.

Ce sel a une saveur piquante , mais point amère ^ il décrépite sur les charbons , se fond et se volatilise à un feu de verrerie sans se dé- composer.

( ii5 )

2 , 5 son poids d'eau, à 60 deg. ther. Far», dissolvent.

100 parties de ce sel contiennent 33,3 acide , 50 alkali , 16 , j eau.

Il crystallise en cubes. M. Gmelin nous a appris que le sel des lacs salans des environs de Sellian^ sur les bords de la mer Caspienne, forme des crystaux cubiques et des rhombes.

M. de Lisle observe qu'une dissolution de sel marin abandonnée à l'évaporation insensible pen- dant cinq ans, chez M. Rouelle , avoit formé des crystaux octaèdres réguliers comme ceux d'alun.

On peut obtenir le sel marin en octaèdres, en versant de l'urine fraîche dans une dissolution de sel marin très-pur* M. Berniard s'est convaincu que cette addition ne faisoit que changer la forme sans altérer la nature du sel.

Ce sel est natif dans bien àes endroits : la Ca- talogne , la Calabre , la Suisse , la Hongrie , le Tirol en ont des mines plus ou moins abon- dantes. Les plus riches mines de sel sont celles de WielicTjaa en Pologne : M. Berniard nous en a donné la description dans les journaux de phy-- sique ^ et M. Macqiiart , dans ses essais de mi- néralogie , a ajouté des détails intéressans su? l'exploitation de cette mine.

Nos fontaines d'eau salée de la Lorraine et de la Franche-Comté , et quelques indices fournis! par B le ton ) ont paru des motifs suffisans à

P

( ii6 ) l'hoiLvtnd y pour faire présumer l'existence de mines de sel dans notre Royaume : voici de quelle manière s'exprime ce Chimiste.

» A deux lieues de Saverne , entre le village » de Huctenhausen et celui de Garbourg , dans » une haute montagne dite Pensenperch , existent deux grands réservoirs d'eau salée , l'un au » levant à. l'origine d'une grande vallée profonde « et étroite ,. qu'on appelle grand Limerthaai , » l'autre au couchant sur la pente opposée vers ■» Garbourgi, ils communiquent entr'eux par cinq 5J rameaux qui se détachent du réservoir d'en 3) haut, viennent se réunir à celui d'en bas: de » ces-deux bassins de salaison partent deux grands » écoulemens d'eau ^ le supérieur se porte en » Franche-Comté , l'inférieur en Lorraine, ils » fournissent aux saUnes connues. »

Lés eauxLÎroient donc jaillir à soixante et dix lieues du réservoir.

Les mines de sel paroissent devoir leur orF cine au dessèchement de vastes lacs : la prér senee-. des coquilles et; des madrépores, dans \'^s mines immenses de Pologne , annonce les dé' pots marins: il est d'ailleurs quelques mers leLselest si .abondant, qu'il se dépose au fond de l'eau , comme il conste d'apjès l'analyse de l'eau du lac Asphaltite faite par MM. Macqasr et

Ce sel natif est souvent coloré j et , comme

( 227 )

dans cet état il est assez brillant , on l'appelle sel gemme , c'est presque toujours un oxide de fer qui le colore.

Comme ces mines de sel ne sont , ni assez abondantes pour fournir aux besoins de tous , ni assez également distribuées pour permettre à tous les peuples de notre globe d'y avoif recours , on a été obligé d'extraire le sel de l'eau de la mer. La mer n'en contient pas une égale quantité sous tous les climats : Ingenhousi^ nous a appris que celles du nord en contiennent moins que celles du midi. Le sel marin est abondant en Egypte , qu'au rapport âiHasselquist une source d'eau douce est un trésor dont secret ne se transmet que de père en fils.

La manière d'extraire le sel de la mer varie, Selon les climats.

1°. Dans les Provinces du nord , on lave les sables salés des bords de la mer avec le moins d'eau possible , et on obtient le sel par évapo- ration. Voyez la description de ce procédé par M. Guettard,

2°. Dans les pays très-froids , on concentre l'eau par la gelée , et on évapore le reste par le feu. Voyez V aller lus.

3°. Dans les fontaines d'eau salée de la Lor- raine et de la Franche-Comté , on élève l'eau , et on la précipite sur des fagots d'épines qui

Pi

( 228 )

Ja divisent et la font évaporer en partie j on finit de la rapprocher dans des chaudières.

4°. Dans les Provinces du midi , à Peccais , à Peyrat , à Cette , etc. on commence par sé- parer et isoler , de la masse générale , une cer- taine quantité d'eau qui séjourne dans des espaces quarrés qu'on appelle /7^r/'^/2f/72e/25 j il suffit pour cela d'avoir des martelihes qu'on puisse ouvrir et fermer à volonté , et de former des murs d'en- ceinte qui ne permettent communication avec l'eau de la mer que par le moyen de ces portes. C'est dans les partenemens que l'eau reçoit une première évaporation -^ on la fait passer ensuite dans d'autres endroits également clos , qWq continue à s'évaporer ;, et , lorsqu'elle commence à déposer , on l'élève par des puits à roue sur des quarrés qu'on appelle tabks , et se ter- mine l'évaporation.

Le sel est entassé pour former les camellcs , et on le laisse en cet état pendant trois ans , pour que les sels déliquescens s'écoulent ^ et, après cet intervalle de temps, on le distribue dans le commerce.

On cherche , depuis long-temps , des moyens économiques pour décomposer le sel marin , et en tirer à bas prix l'alkali minéral , qui est d'un si grand usage dans les savonneries , les verreries , les blanchisseries , etc. Les procédés connus jusqu'à ce jour sont les suivans ;

1®. L'acide nitrique dégage l'acide muriatique , et forme du nitrate de soude qu'on peut aisément décomposer par la détonnation.

2°. La potasse déplace la soude , même à froid , d'après mes expériences.

3°. L'acide sulfurique forme du sulfate de soude en décomposant le sel marin j le nouveau sel traité avec les charbons se détmit , mais il se forme un sulfure de soude qu'il est difficile de séparer en entier , et ce procédé ne m'a pas paru économique. On peut aussi décomposer le sulfate par l'acetite de barite et obtenir ensuite la soude par la calcination de l'acetite de soude.

4**. Margraaf a tenté vainement la chaux , la serpentine , l'argile , le fer , etc. il ajoute que , si on jette du sel commun sur du plomb chauffé au rouge , le sel est décomposé , et qu'il se forme du muriate de plomb.

5°. Schkh a indiqué les oxides de plomb: si on mêle le sel commun avec de la litarge , et qu'on en fasse une pâte , la litarge perd peu à peu sa couleur , il en résulte une matière blanche , et on peut extraire la soude par des lotions. C'est par des procédés semblables que Turner l'extrait en Angleterre ;, mais cette décom- position n*^ m'a jamais paru complète , à moins d'employer la litarge dans une proportion qua- druple de celle du sel j j'ai observé, que presque tous les corps pouvoient alkaliser le sel marin ,

P3

( i3o ) mais que la décomposition absolue étoit très- difficile.

6°. La barite le décompose aussi , d'après les expériences de Bergmann.

7°. On peut encore employer les acides végé- taux combinés avec le plomb pour décomposer le sel marin ^ en mêlant ces sels , il y a décom- position ^ le muriate de plomb se précipite , et l'acide végétal uni à la soude reste en dissolution , on évapore , on calcine , l'acide végétal se dissipe et l'alkali reste à nud.

Le sel marin est sur-tout employé sur nos tables et dans nos cuisines ^ il relève et corrige la fadeur de nos alimens, en même temps qu'il en facilite la digestion.

On s'en sert à haute dose pour préserver les viandes de la putréfaction , mais à petite dose il la provoque , d'après les expériences de MM. Pringle , Macbride , Gardane , etc.

ARTICLE TROISIÈME.

Muriate d'' ammoniaque.

De toutes les combinaisons de l'ammoniaque, celle-ci est la plus intéressante et la plus usitée , on la connoît sous le nom de sel ammoniac.

On peut faire ce sel de toutes pièces , en décomposant le muriate de chaux par le moyen

( ^31 ) de l'ammoniaque , comme l'a pratiqué M. Baiimé à Paris. Mais presque tout le sel ammoniac qui circule dans le commerce nous vient d'Egypte , on l'extrait , par la distillation , de la suie qui provient de la combustion des excrémens des animaux qui se nourrissent de plantes salées.

Les détails du procédé qui y est usité ne nous sont pas connus depuis bien long-temps : un des premiers qui nous ait donné la description de ce travail est le P. Sicard ; il nous apprit , en 1 7 1 (5 , qu'on remplissoit les vaisseaux distil- latoires avec la suie des excrémens de bceuf , et qu'on y ajoutoit du sel marin et de l'urine de chameau.

M. le Maire , Consul au Caire , dans une lettre écrite à l'Académie des Sciences, en 172.0, prétend qu'on n'y joint ni urine ni sel marin.

M. Hasselquist a communiqué à l'Acadé- mie de Stockolm , une description assez étendue du procédé , d'où il résulte qu'on brûle indis- tinctement la fiente de tous \qs animaux qui broutent des plantes salées , et qu'on en distille la suie pour en obtenir le sel ammoniac.

On fait dessécher cette fiente en l'appliquant contre les murs , et on la brûle , au lieu de bois dont le pays est dépourvu. La sublimation se fait dans de grandes bouteilles rondes , d'un pied et demi de diamètre , terminées par un col de deux doigts de haut , et on les remplit jusqu'à

( ^3^ ) quatre doigts près du col ç, on entretient le feu pendant trois fois vingt-quatre heures , le sel se sublime ^ et il forme au haut de ces vases une masse qui en prend la forme et le contour. 20 livres de suie donnent 6 livres de sel ammoniac , d'après Rudenskield.

J'avois toujours cru qu'on pourroit extraire du sel ammoniac , en traitant de la même manière la fiente des animaux nombreux qui broutent des plantes salées, dans les plaines de la Camargue et de la crau ;, et , après m'être procuré 2 livres de suie avec la plus grande peine, j'en ai extrait 4 onces de sel ammoniac. J'observerai , pour éviter beau- coup de peine à ceux qui voudroient suivre cette branche de commerce , que la fiente produite pendant l'été , le printemps ou l'autonne , ne fournit point de sel. Je ne savois à quoi rapporter la versatilité de mes résultats , lorsque je me convainquis que ces animaux ne se nourrissent de végétaux salés , que lorsque les plantes douces leur manquent , et qu'ils ne sont réduits à la nécessité de recourir aux plantes salées que pen- dant les trois mois d'hiver. Cette observation me paroît prouver que le sel marin se décompose dans les premières voies et que la soude se niodifie à l'état d'ammoniaque.

Le sel ammoniac se sublime journellement par les soupiraux des volcans j M.Ferber en a trouvé, et M. Sa^e l'a reconnu , dans les produits volca-

( ^zz )

niques : il se forme dans les grottes de Pouzzol, selon MM. Swab , Scheffer , etc.

On le trouve dans le pays des Kalmouchs: Model en a fait l'analyse.

Il se produit dans le corps humain , et s'exhale par la transpiration dans les fièvres malignes '■, M. Model a constaté ce fait sur lui-même , car , a l'époque d'une sueur violente qui terminoit une fièvre maligne , il voulut se laver les mains dans une dissolution de potasse , et il se dégagea une prodigieuse quantité de gaz alkalin.

Le sel ammoniac crystallise, par évaporation, en prism.es quadrangulaires , terminés par des pyramides quadrangulaires courtes -, on l'obtient souvent crystallisé en rhombes , par la sublima- tion ^ la face concave des pains de sel ammo- niac du commerce , est quelquefois couverte de ces crystaux.

Ce sel a une saveur piquante , acre, urineusej il a une ductilité qui le rend flexible à la main , et le fait céder au choc du marteau ^ il ne s'al- tère point à l'air , ce qui a fait présumer que notre sel ammoniac est différent de celui dont parlent Pline et Agricola , puisqu'il attire rhumidité.

3 , 5 parties d'eau , à 6 dég. ther. Far. , en dissolvent une , il se produit un froid assez fort par sa dissolution.

( ^34 )

Cent parties de sel ammoniac contiennent $ z acide , 40 ammoniaque , 8 eau.

Ce sel n'est point décomposé par l'argile , il ne l'est que difficilement et en partie par la magnésie , mais complètement par la chaux et les alkalis fixes , les acides sulflirique et nitrique en dégagent l'acide.

Ce sel est employé dans la teinture pour aviver certaines couleurs. On le mêle à l'eau forte pour augmenter sa vertu dissolvante.

On s'en sert dans l'étamage , et il a le dou- ble avantage de décaper les métaux et d'en empêcher l'oxidation.

CHAPITRE CINQUIÈME.

De r acide nitro-muriatique.

Ce que nous appelons acide nitro-muriatique ^ ^st une combinaison d'acide nitrique et d'acids muriatique. Nos prédécesseurs l'avoient désigné sous le nom à' eau régale , par rapport à la pro- priété qu'il a de dissoudre l'or.

On connoît plusieurs procédés pour faire cet acide mixte.

Si on distille deux onces de sel commun avec quatre d'acide nitrique , ce qui passe dans le récipient est du bon acide nitro-muriatique.

Ce procédé est celui de M. Beaumé.

( ^35 )

On peut décomposer Je nitrate de potasse en distillant deux parties d'acide muriatique sur une de ce sel \ on retire , par ce moyen , de la bonne eau régale, et le résidu est un muriate de potasse, selon M. Cornette,

Boërhaave dit avoir obtenu de la bonne eau régale , en distillant ensemble deux parties de nitre , trois de sulfate de fer et cinq de sel commun.

La simple distillation du nitre de la première cuite fournit l'eau forte , qui est employée dans les teintures à la dissolution de l'étain , pour faire la com.position de l'écarlate ;, cette eau forte est une véritable eau régale , et c'est en verni de ce mélange d'acides qu'elle dissout l'étain ^ si c'étoit de l'acide nitrique trop pur , il le corroderoit et l'oxideroit sans le dissoudre j les Teinturiers disent alors que l'eau forte précipite , et ils cor- rigent le vice de l'acide en y dissolvant du sel ammoniac ou du sel commun.

Quatre onces de sel ammoniac en poudre , dissoutes peu à peu et à froid dans une livre d'acide nitrique , forment une excellente eau régale ^ il se dégage pendant long-temps un gaz acide muriatique oxigéné qu'il est imprudent de coercer , et il faut pratiquer des issues à cette vapeur.

On forme encore l'eau régale, en mêlant ensem-

( ^3^ ) ble deux parties d'acide nitrique pur et une d'acide muriatique.

L'odeur très-manifeste d'acide muriatique oîci- géné qui se dégage, quelque procédé qu'on ado| te pour faire l'acide dont il est question , et la pro- priété qu'a également l'acide muriatique oxigéné de dissoudre l'or , ont fait croire que , dan? le mélange des deux acides , le muriatique se por- toit sur l'oxigène du nitrique et prenoitle carac- tère de l'acide muriatique oxigéné j de façon qu'on ne considéroit l'acide nitrique que comme un moyen d'oxigéner le muriatique j mais ce sys- tème est outré j et , quoique les vertus de l'acide muriatique se modifient par ce mélange , et qu'il s'oxigène par la décomposition d'une portion de l'acide nitrique , les deux acides existent encore dans l'eau régale , et je me suis convaincu que l'eau régale la mieux faite , saturée de potasse , fournissoit du muriate ordinaire , du muriate oxigéné et du nitrate ^ et il me paroît que l'action de l'eau régale n'est si énergique , que parce qu'on réunit des acides , dont deux sont très-propres à oxider les métaux , et l'autre très avide de dissoudre ces oxides.

CHAPITRE SIXIÈME, De Vacide boracique.

L'acide boracique , plus généralement connu sous le nom de sel sédatif (THomberg , est pres- que toujours fourni par la décomposition du borate de soude ou borax j mais on l'a trouvé tout formé dans certains endroits , et on doit espérer que nous acquérons incessamment des connoissances plus précises sur sa nature.

M. Ho'éfer , Directeur des Pharmacies de Tos- cane , a le premier démontré ce sel acide dans \qs eaux du lac Cherchiajo^ près Monte-rotondo, dans la Province inférieure de Sienne j ces eaux sont très -chaudes, et lui ont fourni trois onces de cet acide pur par 120 livres d'eau. Ce même Chimiste, ayant fait évaporer 12,280 grains de Téau du lac de Castelnuovo , en a retiré 120 grains j il présume même qu'on en trouveroit dans l'eau de plusieurs autres lacs , tels que ceux de Lasso , de Monte- cerbeloni , etc.

M. Sage a déposé , à l'Académie royale des Sciences , de l'acide boracique apporté des mines de Toscane par M. Besson , qui l'avoit ramassé lui-même.

M. Westrumh a trouvé du sel sédatif dans la pierre qu'il appelle quartz cubique de Lune-

( ^^s )

bourg 5 il l'a obtenu en décomposant cette pierre par les acides sulfurique , nitrique , etc. Le résul- tat de son analyse est le suivant :

Sel sédatif.

lO

Terre calcaire. . . . . -j^

Magnésie. j^

Argile , silex i

lOO

Fer . ~L > -i-

200 a 200

Cette pierre , d'après les observations de Lassius , est en petits crystaux cubiques . quel- quefois transparens, d'autres fois laiteux, et donne des étincelles avec l'acier.

On trouve généralement l'acide boracique combiné avec la soude ^ c'est de cette combi- naison qu'on le dégage et on l'obtient par subli- mation ou par crystallisation.

Lorsqu'on veut le retirer par sublimation , on dissout dans l'eau trois livres de sulfate de fer calciné et deux onces de borate de soude , on filtre la liqueur , on la fait évaporer jusqu'à pel- licule , et on procède à la sublimation dans une cucurbite de verre garnie de son chapiteau ; l'acide boracique s'attache sur les parois du chapiteau et on le détache avec une barbe de plume.

Homherg l'obtenoit en décomposant le borax par l'acide sulfurique j ce procédé m'a merveil-

kusement réussi : pour cet effet je me sefS d'une cucurbite de verre armée de son chapiteau que je place sur un bain de sable , je verse sur le borax moitié de son poids d'acide sulfurique et je procède à la sublimation j l'acide sublimé est de la plus belle blancheur.

Stahl et Lemery le fils ont obtenu le même acide , en se servant des acides nitrique et muriatique.

Pour extraire l'acide boracique par crystalli- sation , on fait dissoudre le borax dans l'eau chaude , et on y verse de l'acide sulfiirique en excès;, il se dépose, parle refroidissement, sur les parois des vases, un sel en feuillets minces et ronds appliqués les uns sur les autres j ce sel est très-blanc, quand il est sec, très-léger et argentin , c'est l'acide boracique.

Nous devons ce procédé à Geoffroy ; Baron y ajouta deux faits : le premier , que les acides végétaux peuvent également décoinposer le borax; le second , qu'on pouvoit régénérer le borax en combinant l'acide boracique avec la soude.

On peut purifier cet acide par dès dissolu^ tions , filtrarions et évaporations , mais on doit observer que l'eau qui s'évapore en volatilise une bonne partie.

L'acide boracique a une saveur salée , fraîche 5 il colore en rouge la teinture de tournesol , le* sirop de violettes , etc.

( 240 )

Une livre d'eau bouillante n'en a dissous que 183 grains , d'après M. de Morveau.

L'alkool le dissout plus facilement , et la flamme que fournit cette dissolution est d'un beau vert. Cet acide exposé au feu se réduit en une substance vitriforme et transparente , plutôt que de se volatiliser , ce qui prouve , comme l'a observé Rouelle , qu'il ne se sublime qu'à la faveur de l'eau avec laquelle il forme un composé très-volatil.

Comme presque tous les acides connus déga- gent cet acide et nous le présentent sous la même forme , on a cru pouvoir conclure qu'il existoit tout formé dans le borax. M. Baume a même avancé avoir composé cet acide , en laissant à l'air , dans une cave , un mélange d'argile grise , de graisse et de fiente de vache j mais M. Wiegleb , après un travail infructueux de trois ans et demi , s'est cru autorisé à donner un démenti formel au Chimiste françois.

M. Cadet a cherché à prouver, 1°. que l'acide boracique retenoit toujours de l'acide employé dans l'opération j 2°. que ce même acide a encore l'alkali minéral pour base. M. de Morveau a discuté, avec sa sagacité ordinaire , toutes les preuves apportées par M, Cadet ; il a fait voir qu'aucune n'étoit concluante , et que l'acide bora- cique devoit encore demeurer au rang des élé-

mens chimiques^

ARTICLE

( ^41 ) ARTICLE PREMIER.

Borate de potasse»

L'acide boracique combiné avec la potasse forme ce sel : on peut l'obtenir , par la combi- naison directe de ces deux principes séparés , ou en décomposant le borax par la potasse.

Ce sel, encore peu connu, a fourni à M. Baume de petits crystaux.

Les acides le décomposent en s'emparant de sa base all^aline.

ARTICLE SECOND.

Borate de soude.

Cette combinaison forme le borax propfe- ment dit.

Ce sel nous est apporté de Tlnde , et son ori- gine nous est encore inconnue : on peut consulter l'article borax , diction» cThist, naturelle de M. de Bomare.

Il ne paroît pas que le borax ait été connu des anciens. La chrysocolle ,dont parle Diosconde y n'étoit qu'une soudure préparée artificiellement 5 elle étoit faite, parles Ouvriers eux-mêmes, avec de l'urine d'enfant et de la rouille de cuivre, que l'on broyoit ensemble dans un mortier de cuivre.

Q

( 2.42- )

Le nom de borax se trouve , pour la première fois , dans les ouvrages de Geber ^ tout ce qui a été écrit, depuis ce temps-là, sur le borax s'ap- plique à la substance que nous désignons par ce nom.

Le borax est sous trois états dans le commierce : le premier est le borax brut , tinckal , ou chry- socolle ; il nous vient de Perse ^ il est encroûté d'une couche de matière graisseuse qui le salit. Les morceaux de borax brut ont presque tous la forme d'un prisme à six pans , légèrement aplati et terminé par une pyramide dihèdre ; la cassure de ces crystaux est luisante et pré- sente un coup-d'œil verdâtre. Cette espèce de borax est très-impure ^ on prétend que le borax s'extrait du lac Necbal, dans le Royaume du grand Thibet ^ ce lac se remplit d'eau pendant l'hiver , se dessèche en été , et, lorsque les eaux sont basses, on y fait entrer des hommes qui détachent , de la vase , les crystaux , et les mettent dans des paniers.

Les Indes occidentales contiennent du borax \ c'est à M. Antoine Carrère , Médecin établi au Potosi , qu'on en doit la découverte. Les mines de Riquintipa , celles des environs d'Escapa, of- frent ce sel en abondance 3 les gens du pays l'em- ploient à la fonte des mines de cuivre.

La seconde espèce de borax connue dans le commerce est le borax de la Chine 3 il est plus

( i43 ) pur que le précédent , et on le distribue en petites

plaques crystallisées sur une de leurs surfaces ,

l'on apperçoit des rudimens de prismes : ce

borax est mêlé d'une poussière blanche qui paroit

argileuse.

Ces divers borax ont été purifiés à Venise , pendant long-temps , puis en Hollande j mais MM. LeguilLer le raffinent aujourd'hui à Paris j et ce borax purifié forme la troisième espèce du commerce.

Pour purifier le borax , il n'est question que de le débarrasser de cette matière onctueuse qui le salit et s'oppose à sa dissolution.

Le borax brut qu'on fait dissoudre dans une lessive d'alkali minéral , s'y dissout plus complè- tement , et on peut l'obtenir assez beau par une première crystallisation: mais il retient de l'alkali employé , et le borax purifié de cette manière a plus d'alkali que dans son état brut.

On peut détruire la partie huileuse du borax par la calcination ^ il devient par-là plus so- luble , et on peut le purifier par ce procédé ^ mais il y a, dans ce cas, une perte considérable , et ce n'est pas aussi avantageux qu'on pourroit se l'imaginer.

Le moyen le plus simple pour purifier le borax •consiste à le faire bouillir fortement et pendant long-temps 3 on filtre cette dissolution , on ob- tient, par l'évaporation, des crysraux un peu sales,

Qi

( ^44 ) qu'on purifie par une seconde opération sem- blable à la première. J'ai essayé tous ces pro- cédés en grand , et ce dernier m'a paru le plus simple.

Le borax purifié est blanc , transparent , il a un coup-d'œil graisseux dans sa cassure.

Il crystallise en prismes hexaèdres , terminés par des pyramides trihèdres , quelquefois hexaè- dres.

Il a une saveur stiptique. Il verdit le syrop de violettes. Le borax exposé au feu se boursouffle , l'eau de crystallisation se dissipe en fumée , et il forme alors une masse poreuse , légère , blanche et opaque^ c'est ce qu'on appelle borax calciné; si on le pousse à un feu plus violent, il prend une forme pâteuse , et finit par se fondre en un verre transparent , d'un jaune verdâtre , soluble dans l'eau , et qui se recouvre à l'air d'une ef- llorescence blanche qui en ternit la transparence. Ce sel exige dix-huit fois son poids d'eau , à la température de 60 deg. ther. Far. , pour être dissous •-, l'eau bouillante en dissout un sixième. La barite et la magnésie décomposent le bo- rax^ l'eau de chaux précipite la dissolution de •ce self, et si on fait bouillir de la chaux vive avec le borax , il se forme un sel peu soluble qui est un borate de chaux.

Le borax est employé comme un excellent

( M5 ) •fondant dans les travaux docimastiques. On le fait entrer dans la composition des flux réductifs j il est d'un très-grand usage dans les analyses au chalumeau ^ on peut s'en servir avec avantage ^ans les verreries ^ lorsqu'une fonte tourne mal , lin peu de borax la rétablit. On s'en sert, sur-tout, dans les soudures ^ il aide la fusion de l'alliage , le fait couler , et entretient la surface des mé- taux dans un ramollissement qui facilite l'opé- ration. Il n'est presque d'aucun usage en méde- cine : le sel sédatif est seul employé, par quelques Médecins , et son nom indique ses usages.

Le borax a l'inconvénient de se boursoufilei,et il demande la plus grande attention de la part de l'Artiste qui l'emploie dans les ouvrages délicats , sur-tout lorsqu'on forme des dessins avec de l'or de diverses couleurs. On désire , depuis long-temps , de pouvoir lui substituer quelque composition qui puisse le remplacer sans partager ses défauts.

M. Georgi a publié le procédé suivant : on dissout, dans l'eau de chaux le natron mêlé de sel marin et de sel de glauber ^ on met à part les crystaux qui se déposent parle refroidissement de la liqueur. On fait évaporer la lessive de na- tron^ on dissout ensuite ce sel dans le laitj il produit à peine, par l'évaporation, le huitième du natron employé : on peut faire servir le résidu aux mêmes usages que le borax.

Q3

( M^ )

MM. Struveet Exchaquet ont prouvé, que le phosphate de potasse fondu avec une certaine quantité de sulfate de chaux forme un verre ex- cellent pour souder les métaux. V. journal de phys. t. 19 , p. 78 et 79.

ARTICLE TROISIÈME. Borate d* ammoniaque.

Ce sel est encore peu connu ^ nous devons ù M. de Fourcroy les renseignemens suivans : il a dissout l'acide boracique dans l'ammoniaque ^ il a évaporé et obtenu une couche de crystaux réunis dont la surface oiFroit <^qs pyramides po- lièdres ^ ce sel a une saveur piquante et urineuse ; il verdit le syrop de violettes ^ il perd peu à peu sa forme crystalline , et devient d'une cou- leur brune par le contact de l'air ^ il paroît assez dissoluble dans l'eau j la chaux en dégage l'am- moniaque.

DES EAUX MINÉRALES (i).

On donne le nom d'eau minérale à une eau

(i) Comme les eaux minérales ont des rapports avec toutes les parties de la chimie , on peut iudiffcreinment en placer l'analyse à la suite d'une partie quelconque ; mais , comme la nature des piincipes qu'elles contiennent suppose des connoissances sur les produits des trois régnes , il est plus naturel de réserver l'article des eaux minérales pour la fin d'un cours de chimie ; et je ne me suis décidé à changer cet ordre , que parce que j'ai prévu qa^ le dernier tome de cet ouvrage seroit déjà troja yolmr.ineus.

( ^47 ) quelconque suffisamment chargée de principes étrangers pour produire sur le corps humain effet différent de celui qu'y produisent les eaux employées journellement à la boisson.

Les hommes n'ont pas tardé, sans doute , à re- connoître de la différence entre les eaux : nos an- ciens paroissent même avoir été plus jaloux et plus attentifs que nous à se procufer une bonne bois'^ son^ c'étoit presque toujours la nature de l'eau qui déterminoit l'emplacement des Villes , le choix des habitations , et conséquemment la réunion des citoyens. L'odeur, le goût, et sur-tout le* effets sur l'économie animale , ont suffi, pendant long- temps, pour décider de la nature d'une eau quelconque. On peut voir , dans Hippocrâte , ce ■que peuvent l'oservation et le génie sur des ma- tières de cette nature : ce grand homme , dont on se fait une idée bien imparfaite --en^ ne, le considérant que comme le Patriarche -de la Mé- decine , connoissoit si bien Finiluence de- l'eau sur le corps humain , qu'il prétend que la seule boisson peut modifier et différencier les hom- mes entr'eux, et qu'il recommande aux jeunes Médecins de s'occuper, sur-tout , de connoître la nature des eaux dont ils doivent faire usage. Nous^^ voyons que les Romains, forcés de s'établir Sou- vent dans des lieux arides , n'éparr^ncie-nt rien pour procurer de la bonne eau à leurs colo-^"» nies 3 le fameux aqueduc qui conduisoit l'eau

( 248 )

d'Uzès à Nismes en est une preuve non équi- voque : il nous reste encore quelques sources mi- nérales , ils se transportoient en colonies pour y prendre les bains.

- Ce n'est que vers le dix-septième siècle qu'on a commencé à appliquer les moyens chimiques à l'examen des eaux j mais nous devons a la révolution présente de la chimie le degré de per- fection auquel cette analyse a été portée. 1, 'analyse des eaux me paroît nécessaire. 1°. Pour ne faire usage , pour la boisson , que d'une eau saine.

2°. Pour connoître celles qui ont quelque vertu médicinale , et en appliquer l'usage aux cas elles conviennent.

3°. Pour approprier aux divers genres de fa- brique l'eau qui leur convient.

4°. Pour corriger les eaux impures , infectées de quelque principe nuisible ou chargées de quel- que sel.

5*^. Pour imiter par-tout , et à tout moment, les eaux minérales.

L'analyse des eaux minérales est un des pro- blèmes les plus difficiles de la chimie: pour bien faire une analyse , il faut avoir présens tous les caractères distinctifs des substances qui peuvent être tenues en dissolution dans une eau y il faut connoître les moyens de séparer , d'un résidu presqu'insensibie , les diiférentes subs-

( 2-49 ) tances qui le composent ^ il faut être en état

d'apprécier la nature et la quantité de produits qui s évaporent 3 il faut pouvoir estimer, si quel- ques composés ne se forment point par les opé- rations de l'analyse , et si d'autres ne se décom- posent pas.

Les matières contenues dans les eaux, y sont, ou en suspension ou en dissolution.

1°. Les matières qui peuvent être suspendues dans les eaux sont l'argile , le silex divisé , la terre calcaire , la magnésie , etc.

2". Celles qui y sont solubles , sont l'air pur, l'acide carbonique , les alkalis purs ou combinés , la chaux , la magnésie , les sulfates , les muriates, la matière extractive des plantes , le gaz hépa- tique , etc.

La division la plus ancienne , la plus générale et la plus simple des eaux minérales , est celle qui ks distingue , en eaux froides et en eaux chaudes ou thermales, selon que leur tempé- rature égale ou surpasse celle de l'eau ordinaire.

Une division fondée sur les diverses qualités de ces eaux , les range sous quatre classes.

P. Eaux acidulés et ga\euses. On les recon- noît , à leur goût piquant , à la facilité avec laquelle elles bouillent , au dégagement Aes bulles par la simple agitation et même par le repos, à la propriété de rougir la teinture de tournesol , de précipiter l'eau de chaux , etc.

( 250 )

Elles sont froides ou chaudes : les premières sont celles de Selt:^ , de Chateldon , de Vais , de Peroîs , etc. les secondes , celles de Vichi , du Mont-cTor , de Chatelgayon , etc»

11°. £"i2«ar salines proprement dites. Celles-ci sont caractérisées par le goût salé qu'elles ont ; cette saveur se modifie selon la nature des sels qui y sont contenus : ceux qu'on y trouve le plus généralement , sont le muriate de magnésie , \qs sulfates de soude , de chaux , etc. De la nature de celles-ci, sont nos eaux de Balaruc^ d'Yeuset^ etc.

IIP. 'Eaur sulfureuses. On a long-temps re- gardé le soufre comme existant en nature dans les eaux. MM. Venel et Monnet se sont élevés contre cette assertion, Bergmann a prouvé que la plupart n'étoient imprégnées que par le gaz hépatique 5 il paroît néanmoins qu'il y en a quciques-unes qui tiennent du vrai foie de soufre en dissolution : celles de Bareges et de Cotterets sont de la nature de ces dernières, tandis que celles {TAix la Chapelle^ de Montmorency ^ etc. sont âe la nature des premières. On pourroit, avec M. ile Fourcroy , appeller les premières hépatiques ^ et donner le nom A'hépatise'es aux dernières.

On reconnoît cette classe à l'odeur d'œufs pourris qu'exhalent ces eaux.

IV. Eaux martiales. Celles-ci ont la propriété de se colorer en bleu- par la dissolution du prus- siate de chaux y elles ont , en outre , un goût as-

tringent très-décidé. Le fer y e«t tenu en dis- solution , ou par l'acide carbonique , ou par le sulfurique : dans le premier cas , l'acide est en excès , et alors l'eau est piquante et aigrelette , comme à Bussang , à Spa , à Pyrmont , à Fougue , etc. ^ ou bien l'acide n'y est pas en excès , et conséquemment les eaux ne sont pas acidulés ; telles <;ont celles de Forges , de Condé^ d'Aumak , etc. Quelquefois le fer est combiné avec l'acide sulfurique , et l'eau tient en disso- lution un vrai sulfate de fer : M. Opoix admet ce sel dans les eaux de Provins; celles de hRougne^ près d'Alais , en sont presque saturées; on trouve fréquemment cette qualité d'eaux minérales dans les endroits voisins des couches de pyrites : près de l'Amaîou , et dans le diocèse d'Uzès , il en existe plusieurs.

Il est des eaux qu'on pourroît placer indis- tinctement dans plusieurs classes : il est , par exemple , des eaux salines qu'on peut confondre avec des eaux gazeuses , parce qu'il se dégage constamment de l'air ; celles de Balaruc sont dans ce cas.

Nous ne comprenons point , parmi les eaux minérales gazeuses , celles qui laissent échapper des gaz qui ne leur communiquent aucune propriété ,- telles que la fontaine ardente du Dduphiné , etc.

Lorsqu'on a reconnu la nature d'une eau , on

( ^sO

doit procéder à son analyse par la réunion des moyens chimiques et physiques : j'appelle moyens physiques , tous ceux que Ton emploie pour reconnoître certaines propriétés des eaux sans les décomposer : ces moyens sont , en grande partie , ceux qu'on doit mettre en pratique à la source même ; la vue , l'odeur , la saveur fournissent i\es indications qu'il ne faut pas négliger.

La lympidité d'une eau annonce sa pureté , ou au moins une dissolution exacte des principes étrangers : la couleur trouble , dénote des subs- tances suspendues ^ la bonne eau n'a point d odeur j l'odeur des œufs pourris indique un Ibie de soufre ou un gaz hépatique ^ l'odeur subtile et pénétrante est propre aux eaux aci- dulés , et l'odeur fétide caractérise des eaux croupissantes.

L'amertume des eaux dépend, en général, des sels neutres : la chaux et les sulfates les rendent d'un goût austère. Il est encore important d'ap- précier la pesanteur spécifique de l'eau ^ et on peut y procéder par le moyen de l'aréomètre, ou par la comparaison de son poids avec un égal volume d'eau distillée.

On doit encore prendre le degré de chaleur par le moyen d'un bon thermomètre à mercure 5 ceux à esprit de vin doivent être rejetés , parce que , après le trente-deuxième degré , la dila- tation est extrême et ne correspond plus à la

( ^53 ) température de l'eau. Il est intéressant de cal- culer le temps que cette eau emploie à se refroidir, en la comparant avec de l'eau distillée portée au même degré de température ^ il faut encore obser- ver, si aucun corps ne s'exhale ou ne se précipite par le refroidissement.

On doit observer , si les pluies , la sécheresse et les autres variations de l'atmosphère influent sur la température et le volume de l'eau j si ces causes agissent sur elle , la vertu doit en varier prodigieusement \ c'est ce qui fait que certaines eaux minérales sont plus chargées une année qu'une autre 3 de vient que certaines eaux produisent des effets merveilleux certaines années, tandis que dans d'autres leurs effets sont nuls : le célèbre de Haen , qui avoit analysé , plusieurs années de suite , toutes les eaux des environs de Vienne , n'y a jamais retrouvé les mêmes prin- cipes dans les mêmes proportions : il seroit donc intéressant qu'à l'époque de la prise des eaux , un Médecin habile fît l'analyse de ces eaux et en pubhât le résultat.

Lorsqu'on a rempli ces préliminaires sur Ja source , on doit procéder à ^qs expériences ulté- rieures par des moyens chimiques : ces expérien- ces doivent être faites sur la source même ;, mais, si on est dans l'impossibilité , on remplit des bouteilles neuves avec cette eau , on les bouche bien exactement , et on les transporte dans son

(i?4) laboratoire , l'on procède à l'examen par leS réactifs et par V analyse.

P. Par le moyen des réactifs , on décompose les substances contenues dans l'eau , et les nou- velles combinaisons ou précipités qui se forment nous font déjà pressentir la nature des principes contenus dans les eaux ^ les réactifs les plus effi- caces et les seuls nécessaires sont les suivans : 1°. La teinture de tournesol devient rouge peir son mélange avec lés eaux acidulés.

2°. Le prussiate de chaux et celui de potasse ferrugineux non saturé, précipitent en bleuie fer contenu dans une eau minérale.

3°. L'acide sulfurique très-concentré décom- pose la plupart des sels neutres , et forme avec les bases , des sels très - connus et très - recon- noissables.

4°. L'acide oxalique dégage la chaux de toutes ses combinaisons et forme avec elle un sel inso- luble ^ l'oxalate d'ammoniaque produit un effet -plus prompt , puisqu'en mettant quelques crys- taux de ce sel dans de l'eau chargée de soi cal- caire 5 il se forme dans l'instant un précipité insoluble.

5°. L'ammoniaque imprime une belle couleur bleue aux dissolutions de cuivre : lorsque cet alkali est bien pur , il ne précipite point les sels calcaires , il ne décompose que les magnésiens j pour l'avoir bien caustique , on peut faire pion-

( ^55 ) ger un siphon dans l'eau minérale et y faire passer le gaz ammoniac j il faut préserver l'eau du contact de l'air , sans quoi il y auroit précipitation à raison de l'acide carbonique de l'atmosphère.

6°. L'eau de chaux précipite la magnésie , ells précipite aussi le fer de la dissolution du sul- fate de fer.

7°. Le muriate de barite dénote le moindre atome de sels sulfuriques, par la régénération du spath pesant , qui est insoluble et se pré- cipite.

8°. L'alkool est un bon réactif par rapport à l'affinité qu'il a avec l'eau.

On peut encore employer les nitrates d'argent et de mercure pour opérer la décomposition des sels sulfuriques ou muriatiques.

n. Ces réactifs indiquent, à la vérité, la nature des substances contenues dans une eau , mais ils n'en donnent point les proportions exactes , et on est obligé d'avoir recours à d'autres moyens.

Il y a deux choses à considérer dans l'analyse d'une eau , i°. les principes volatils j 2°. les principes fixes.

P. Les principes volatils sont , le gaz acide carbonique et le gaz hépatique : on peut déter- miner la proportion d'acide carbonique par divers procédés ; le premier , qui a été employé par M. Vend , consiste à remplir à demi une bouteille de l'eau gazeuse qu'on veut analyser ; on. y

. { iS6 ) adapte une vessie qu'on lie au goulot , et on secoue la bouteille ^ l'air qui se dégage enfle la vessie , et on juge par de la quantité que l'eau en contenoit ^ ce procédé n'est pas rigoureux , parce que l'agitation ne suffit pas pour dégager tout l'acide carbonique. L'évaporation de l'eau , dans l'appareil pneumato-chimique , n'est pas non plus bien exacte -^ car l'eau qui s'élève avec l'air se combine de nouveau , et on n'a , sous forme gazeuse , qu'une partie du gaz contenu dans l'eau. La précipitation par l'eau de chaux me paroît le procédé le plus rigoureux : on verse de l'eau de chaux sur une quantité donnée d'eau 5 et on en ajoute jusqu'à ce qu'il ne se fasse plus de précipité , on pèse exactement le précipité , et on en déduit les dix-neuf trente-deuxièmes , pour la proportion dans laquelle l'eau et la terre se trouvent , par rapport à l'acide , dans ce car- bonate de chaux.

Le gaz hépatique peut être précipité par l'acide nitrique très-concentré , d'après les expériences de Bergmann. L'acide muriatique oxigéné a été proposé par SchMe ; et M. de Foiircroy a indiqué l'acide sulfureux , les oxides de plomb et autres réactifs, pour précipiter le peu de soufre tenu en dissolution dans le gaz hépatique.

11°. L'évaporation est le moyen usité pour reconnoître la nature des principes fixes contenus dans une eau minérale : les vaisseaux de terre

ou

( ^Sl ) eu de porcelaine sont \^% seuls propres à cet usage.

L evaporation doit être modérée : une forte ébullirion volatilise certaines substances et décom- pose les autres. A mesure que l'évaporation avance , il se fait Aqs précipités que M. Boulduc a proposé de retirer à mesure qu'ils se forment. Le célèbre Bergm.mn conseille d evapoi-er à siccité 5 et d'analyser le résidu de la manière suivante :

ï°. On met le résidu dans une pctlre fioîe , on y ajoute de l'alkool , on agite fortement et on iîkre la liqueur.

2°. On verse sur le résidu huit fois son poids d'eau distillée froide ; on agite le mélange et on filtre de même , après quelques heures de repos.

s"*. Enfin, on fait bouillir le résidu pendant un quart d'heure dans cinq à six cens parties d'eau distillée , et on sépare la liqueur par la lilrration.

^ 4''- Ce qui reste qui n'est soluble ,. ni dans l'eau ni dans l'alkool , doit erre luimeCTc et exposé , pendant quelques jours , au ^oleil : le fer , s'il y en existe , se rouille : alors on fait digérer dans le vinaigre distillé qui dissout la chaux et la magnésie -, et cette dissolution évaporée à siccité donne , ou un S2\ terreux en filamens non déliquescens, ou un sel déliquescent, ce dernier est à base de magnésie 5 ce aui reste

H

(252) contient du fer et de l'argile : on dissout le fer et l'argile par l'acide muriatique ^ on précipite le fer par le prussiate de chaux , et puis l'argile par un autre alkali.

Les sels que l'akool a dissous , sont les mu- riates de magnésie et de chaux \ on \qs reconnoît facilement en les décomposant par l'acide sul- flirique.

Pour ce qui est des sels dissous par l'eau froide , il faut les faire crystalliser lentement '■, la forme et les autres quaHtés superficielles en font reconnoitre l'espèce.

La dissolution par l'eau bouillante ne contient que du sulfate de chaux.

Lorsque l'analyse d'une eau est bien faite , la synthèse en devient facile j et la com.posi- tion ou imitation parfaite des eaux minérales n'est plus un problême insoluble entre les mains des Chimistes 3 en effet , qu'est-ce qu'une eau minérale ? C'est de l'eau de pluie qui , fil- trant à travers les montagnes , s'imprègne de divers principes solubles qu'elle rencontre ^ pourquoi donc , connoissant une fois la nature de ces principes , ne seroit-il pas possible de \qs dissoudre dans l'eau ordinaire et de faire ce que la nature fait elle-même ? La nature n'est inimi- table que dans les seules opérations vitales ^ nous pouvons l'imiter parfaitement dans les autres 5 BOUS pouvons même faire mieux qu'elle , car

( ^59 ) nous pouvons varier à volonté la température et les proportions des principes constituans.

La machine de Nooth , perfectionnée par Parker , peut être employée pour faire de Teau hîinérale gazeuze , soit acidulé soit hépatique j et rien de plus facile que d'imiter les eaux qui ne contiennent que des principes fixes.

,'!-^